l`iliade - National Arts Centre

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l`iliade - National Arts Centre
Dossier d’accompagnement scolaire
L’ILIADE
D’après Homère
Texte et mise en scène d’Alexis Martin
Une production du Théâtre du Nouveau Monde
Présentée au Théâtre français du Centre national des arts du 11 au 15 décembre 2007
Ce dossier d’accompagnement scolaire a été préparé par Sophie Labelle.
François Papineau dans le rôle d’Achille dans l’Iliade
Photo © Yves Renaud
L’Iliade est un poème épique dont la date retenue pour la composition est 750
av. J-C. Il est attribué à Homère. L’homme de théâtre Alexis Martin en a
fait une adaptation pour la scène.
Sommaire
Crédits de la production
p. 2
L’Iliade
Homère et les poèmes homériques
p. 3
L’Iliade
p. 5
Les héros de l’Iliade
p. 11
Les dieux et la mythologie
p.13
La Grèce ancienne et la guerre de Troie
p.15
Le spectacle
Alexis Martin
p.19
p. 22
Activités proposées
p. 23
Bibliographie
p. 24
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
1
Crédits de la production
Crédits de la production
L’Iliade
D’après Homère
Texte et mise en scène Alexis Martin
Conseiller dramaturgique Georges Leroux
Distribution
La
Priam, Nestor : Vincent Bilodeau
Ulysse, Anténor : Gary Boudreault
Zeus, Patrocle : Stéphane Brulotte
Hector : Stéphane Demers
Ménélas, Héphaïstos : Patrick Drolet
Pâris, Apollon, Calchas : Alexandre Fortin
Athéna, Hélène de Troie : Tania Kontoyanni
Andromaque, Aphrodite : Jacynthe Laguë
Agamemnon : Jean Maheux
Hécube, Héra : Marie Michaud
Achille : François Papineau
La Narratrice, Thétis : Marthe Turgeon
Équipe de création
Assistance à la mise en scène et régie : Claude Lemelin
Décor : David Gaucher
Costumes : Judy Jonker
Éclairages : Martin Labrecque
Musique : Denis Gougeon
Conception vidéo : Yves Labelle
Mouvement : Francine Alepin
Accessoires : Vincent Deronde
Maquillages : Claudie Vandenbroucque
Coiffures et perruques : Rachel Tremblay
Cette production de l’Iliade a été présentée au Théâtre du Nouveau Monde, à
Montréal, du 11 septembre au 6 octobre 2007.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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L’Iliade
Buste représentant Homère, Rome, IIe siècle apr. J-C.
Homère
Le nom d’Homère est connu à travers le monde pour ses deux longs
poèmes épiques, l’Iliade et l’Odyssée. Si le patronyme est familier,
l’homme est un mystère.
À propos d’Homère, nous n’avons
d’autres références que ses textes, et l’œuvre ne dit rien sur son
auteur.
Au contraire de son contemporain, le poète Hésiode,
Homère ne donne aucune indication biographique dans ses poèmes.
Homère était un aède, c’est-à-dire un auteur itinérant qui récitait à
voix haute des poèmes, des histoires mythiques. Homère, du grec
ancien homeros, peut signifier l’aveugle, ou l’otage, ou le
compagnon. Il n’est pas rare de voir Homère représenté comme un
aveugle, déclamant ses textes sur la place publique. On attribue au
poète, privé de la vue ordinaire, la faculté de voir ce que le commun des mortels ne voit pas.
Son nom apparaît pour la première fois autour de 550 av. J-C, soit environ 200 ans après la
période où il aurait composé ses poèmes. On présume qu’Homère aurait vécu au huitième siècle
avant notre ère.
Quelques siècles après sa mort se sont mises à circuler des biographies
romanesques, des vies de légende auxquelles personne ne croyait vraiment. Aujourd’hui, les
spécialistes s’entendent pour dire qu’il est peu probable qu’Homère soit une seule personne, mais
que l’Iliade et l’Odyssée sont l’œuvre d’un ou plusieurs écrivains qui ont vécu vers 750 av. J-C et
qui ont choisi de mettre sur papier ces histoires mythiques issues de la tradition orale.
À la Renaissance, les textes d’Homère sont célébrés comme les textes originels d’une culture
antique, des texte fondateurs. L’Iliade, la première œuvre de la littérature occidentale qui est en
même temps un de ses plus grands chefs-d’œuvre, est entourée de mystère.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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Les poèmes homériques
Homère instruit par les muses
Gravure d'après un camée travaillé en onyx de la collection Hamilton.
H. Guill. Tischbein, Figures d'Homère dessinées d'après l'antique. Tome premier : Iliade. Metz, 1801.
Les poèmes homériques sont issus d’une longue et
vaste tradition orale. Ce sont des poèmes épiques.
Les épopées racontent les aventures mythiques de
héros,
incluent
fréquemment
une
dimension
merveilleuse et ont presque toujours un contenu
guerrier. Le public connaît les histoires, alors le
conteur ne peut pas trop en déroger, mais, selon
son inspiration, il peut ajouter des variantes qui
améliorent le récit.
Les bardes affirment qu’ils
n’inventent rien, mais qu’ils célèbrent un passé prestigieux. Ils improvisent sur des thèmes
traditionnels. Ces poèmes ont été composés pour divertir les invités d’un banquet, les participants
à une grande fête religieuse, ou tout simplement des citoyens réunis sur une place publique. Les
poèmes d’Homère sont marqués par leur longue genèse, mais ils sont mis au goût du jour par le
conteur, qui y intègre des coutumes, valeurs et croyances de son époque.
Nous ne pourrons jamais être sûrs de lire les mots même d’Homère, mais il est peu probable que
des poèmes si célèbres aient pu être modifiés considérablement dans leur structure. Plusieurs
hypothèses ont été formulées à propos des versions de l’Iliade et de l’Odyssée qui sont parvenues
jusqu’à nous.
•
Homère a lui-même noté par écrit ses poèmes
•
Homère a dicté ses poèmes à quelqu’un qui maîtrisait l’écriture
•
Un disciple d’Homère, ou un disciple de disciple, a dicté les poèmes.
Avant le deuxième siècle avant notre ère, il semble que plusieurs versions des poèmes homériques
étaient en circulation. Les versions d’aujourd’hui doivent beaucoup aux savants de la fameuse
bibliothèque d’Alexandrie, qui ont travaillé sur les textes entre 300 et 200 av. J-C.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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Les poèmes homériques sont des amplifications d’histoires simples. Homère a pu profiter des
possibilités nouvelles qu’offre l’écriture, pour travailler le détail de ses poèmes. Il utilise des
canevas épiques universels et des techniques traditionnelles, mais de manière très raffinée. Il est
impossible de mesurer chez Homère la part de tradition et d’invention. Il est à la fois un conteur,
au courant des recettes de ceux qui l’ont précédé, et à la fois un créateur. Mais il est un réel poète
épique. Le poète tragique a tendance à privilégier les coups de théâtre, alors que le poète épique
retarde les événements. De plus, il ne porte aucun jugement moral sur la conduite des héros.
L’Iliade nous présente des combats entre héros ennemis, et aussi des conflits entre héros de la
même communauté. L’Odyssée nous montre un héros qui lutte seul contre des monstres, dans des
contrées lointaines et qui, une fois rentré chez lui, doit affronter une groupe de jeunes hommes qui
veulent prendre sa place. Plusieurs des éléments de l’Odyssée sont devenus si usuels qu’on oublie
d’où ils tirent leur origine : les cyclopes, les sirènes, un homme qui se déguise pour rentrer chez
lui incognito, le retour du guerrier après une longue absence, la compétition pour la main d’une
belle princesse.
L’Iliade
À l’origine, l’Iliade est un poème épique en 24 chants. Le spectacle est une adaptation théâtrale
du poème. La trame de l’Iliade est d’une grande simplicité : Les Grecs et les Troyens sont en
guerre depuis neuf ans. Agamemnon, le chef de l’armée des Grecs, humilie Achille, son meilleur
guerrier. Achille quitte le combat et refuse de se réconcilier malgré les splendides cadeaux qui lui
sont offerts. Patrocle obtient de son ami Achille l’autorisation de revenir dans la bataille. Il y est
tué par Hector. Achille reprend le combat pour le venger. Il tue de nombreux Troyens, dont
Hector, dont il outrage le cadavre. Priam, roi de Troie et père d’Hector, obtient d’Achille la
restitution du corps de son fils.
Dans l’Iliade, Homère ne situe rien. Il présume de la familiarité du public avec les personnages et
la situation. L’Iliade raconte un épisode de la guerre de Troie, qui s’est possiblement déroulée
autour de 1250 av. J-C.
La guerre de Troie a duré dix ans. L’Iliade se passe sur 56 jours. Le
récit est extrêmement cohérent et tous les éléments sont étroitement liés. Il se déroule dans un
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court laps de temps, sur le site de Troie et tire sa raison d’être d’une seule source : la colère
d’Achille.
Mais Homère, par les détails qu’il donne, par les épisodes qu’il insère, tout en
préservant l’unité dramatique de son poème, réussit à évoquer toute la guerre de Troie.
Synopsis des 24 chants de l’Iliade
Par Georges Leroux1
CHANT I Les troupes achéennes sont frappées par la peste alors qu’elles assiègent Troie.
Interrogé par Agamemnon, le devin Chalchas en révèle la cause : le dieu Apollon est furieux du
rapt de la fille du prêtre troyen Chryséis. Agamemnon s’engage à la rendre, mais en échange il
exige qu’Achille lui donne sa captive Briséis. Achille se plie à cette demande, mais se retire des
combats et il obtient de sa mère, la déesse Thétis, qu’elle plaide auprès de Zeus en faveur des
Troyens.
CHANT II Zeus laisse croire en songe à Agamemnon qu’il soutient les Achéens. Le roi met à
l’épreuve la résolution de ses troupes et il trouve appui auprès d’Ulysse et de Nestor, qui exhortent
les soldats à la bravoure. Dans une longue description des forces en présence, le poète présente les
peuples et les chefs qui se font face : c’est le catalogue des vaisseaux et des armes.
CHANT III Pâris Alexandre, prince troyen, accepte d’affronter en combat singulier Ménélas, roi
de Sparte, dont il a enlevé l’épouse, Hélène. Des sacrifices sont offerts et le sort favorise Pâris,
protégé par la déesse Aphrodite qui le soustrait au combat et le ramène au palais troyen vers
Hélène.
CHANT IV Malgré le soutien d’Athéna et d’Héra aux Achéens, Zeus protège les Troyens. Les
combats reprennent et chaque camp se prépare à l’assaut.
CHANT V Le héros achéen Diomède multiplie les exploits, il affronte Énée et Pandaros; mais
Apollon vient au secours d’Énée. Hector et Sarpédon rivalisent de bravoure, et Ajax fait de même
dans le camp achéen. Héra et Athéna viennent soutenir les Achéens.
CHANT VI Hector s’afflige des exploits achéens et il rentre au palais où il offre un sacrifice à
Athéna avec sa mère Hécube. Andromaque son épouse le supplie de ne pas retourner au combat,
pour l’amour de leur fils Astyanax. Mais Hector rejoint ses troupes avec son frère Pâris.
1
Ce texte est tiré du programme de spectacle de l’Iliade du Théâtre du Nouveau Monde.
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CHANT VII Hector affronte Ajax en duel et il est blessé, mais Apollon le relève. Une trêve
permet aux deux camps de reprendre leurs morts. Les Achéens en profitent pour construire un
rempart pour protéger leur flotte.
CHANT VIII Zeus voudrait freiner les interventions des dieux, mais lui-même favorise les
Troyens. Hector multiplie les exploits et les Achéens en sont effrayés.
CHANT IX Agamemnon est tenté par la retraite, mais Nestor et Ulysse le convainquent d’envoyer
plutôt une ambassade auprès d’Achille. Ulysse est reçu par Achille, mais celui-ci ne se laisse pas
fléchir.
CHANT X La Dolonie. Au cours de la nuit, Ulysse et Diomède pénètrent dans le camp troyen, à la
recherche de l’espion Dolon qu’ils réussissent à tuer.
CHANT XI Les Achéens reprennent le dessus de la bataille, mais Zeus encourage Hector. Une
nouvelle intervention est tentée auprès d’Achille, cette fois par son frère d’armes, Patrocle, qui le
supplie de revenir sur le champ de bataille.
CHANT XII Le rempart grec est défoncé par les troupes troyennes : Hector et Sarpédon s’y
engouffrent et multiplient les exploits.
CHANT XIII Soutenus par le dieu marin Poséidon, les Achéens, conduits par Idoménée, roi de
Crète, ripostent aux avancées troyennes.
CHANT XIV Agamemnon veut de nouveau mettre fin au siège, mais l’intervention d’Héra qui
séduit Zeus permet aux Achéens de maintenir leurs avancées. Hector est blessé.
CHANT XV Zeus affronte Poséidon et veut reprendre le contrôle des combats. Il redonne sa force
à Hector. Voyant cela, Patrocle qui n’a pas réussi à convaincre Achille de revenir lui demande de
combattre à sa place.
CHANT XVI La Patroclie. Revêtu des armes d’Achille et accompagné de ses soldats, Patrocle
multiplie à son tour les exploits. Il tue Sarpédon, fils de Zeus, mais alors qu’il s’approche de
manière téméraire du camp troyen, il est abattu par Hector.
CHANT XVII Hector et Énée affrontent Ménélas et Mérion, pour prendre la dépouille de
Patrocle. Mais grâce aux deux Ajax, les Achéens reprennent le corps de leur héros.
CHANT XVIII Achille apprend dans la douleur la mort de Patrocle. Sa mère Thétis lui promet de
nouvelles armes qu’elle commande à Héphaïstos. Le dieu forgeron prépare un superbe bouclier.
La douleur d’Achille se transforme en résolution de revenir au combat.
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CHANT XIX Agamemnon présente en assemblée ses excuses à Achille et lui ramène sa captive.
Achille se prépare au combat.
CHANT XX Les dieux interviennent chacun dans le camp de leurs protégés. Hector est sauvé par
Apollon, mais Achille multiplie les exploits chez les Troyens.
CHANT XXI Achille combat le dieu-fleuve Scamandre. Apollon intervient pour éviter que la
colère d’Achille n’entraîne trop vite la déroute des Troyens.
CHANT XXII Le combat tant attendu d’Achille et d’Hector s’annonce sous le rempart de Troie.
Zeus pèse les sorts des héros, et celui d’Hector le promet à la mort. Au terme d’un combat violent,
Achille le tue et outrage son cadavre en le ramenant au camp achéen.
CHANT XXIII Les soldats d’Achille préparent un festin funèbre en l’honneur de Patrocle et
organisent pour lui des jeux où ils font revivre sa vigueur et son courage.
CHANT XXIV Achille vainqueur ne décolère pas, il continue d’outrager la dépouille d’Hector. Le
vieux roi Priam vient le supplier de lui rendre le corps de son fils. Il le ramène dans les murs de
Troie où il lui rend les derniers honneurs funèbres.
Avant l’Iliade
L'Amour conduisant Pâris vers Hélène
H. Guill. Tischbein, Figures d'Homère dessinées d'après l'antique. Tome premier : Iliade. Metz, 1801.
L’Iliade comprend plus de
15 000 vers. Mais ce n’est pas
suffisant pour y raconter toute
l’histoire de la guerre de
Troie. Il y a un avant et un
après
l’Iliade.
Pour
comprendre l’origine de la
guerre
de
Troie,
il
faut
remonter jusqu’à la naissance de Pâris, fils de Priam, le roi de Troie. Ce dernier et son épouse,
Hécube, se firent annoncer par une prophétie que leur prochain fils à naître détruirait Troie s’il
restait en vie. Ne pouvant se résoudre à le tuer, ses parents confièrent Pâris à un berger qui l’éleva
en toute liberté, sur la montagne. Il grandit et devint le plus beau des jeunes hommes. Son destin
allait changer grâce à l’intervention des dieux. Lors des noces de Thétis et Pélée, tous les dieux
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sont invités à festoyer sauf Eris, la déesse de la discorde. Pour se venger, elle jette sur la table une
pomme d’or sur laquelle est écrit : Pour la plus belle. Héra, Athéna et Aphrodite revendiquent le
prix. Elles choisissent de demander à Pâris de trancher. Héra, déesse du mariage, promet au jeune
homme un royaume. Athéna, déesse de la guerre, lui garantit sagesse et victoire au combat et
Aphrodite, déesse de l’amour, lui promet la main d’Hélène de Sparte, la plus belle femme du
monde. Pâris choisit l’amour. Par la suite, les événements s’enchaînent. Pâris retourne à Troie,
se fait reconnaître par ses parents qui, oubliant les avertissements du destin, l’accueillent dans la
famille. Sous un faux prétexte, Pâris se rend à Sparte et est reçu par Ménélas, le mari d’Hélène.
Profitant d’un bref voyage du roi spartiate en Crète, il séduit, enlève Hélène et la ramène à Troie.
Les Achéens, appelés aussi les Grecs, décident de s’unir pour reprendre la captive. Sous la
direction d’Agamemnon, frère de Ménélas, ils prennent la mer en direction de Troie. La flotte est
composée de navires et d’hommes de différentes villes. Agamemnon les commande tous, parce
que Mycènes, sa ville, est la plus grande, la plus prospère et que ses hommes sont les plus
nombreux.
Après l’Iliade
Le cheval de Troie. Peinture de Henri-Paul Motte (1846-1922) photographiée par Goupil et Cie.
L’Iliade se termine avec les
funérailles
d’Hector.
Achille sait qu’il va mourir.
Depuis toujours, sa mère, la
déesse Thétis, lui a dit qu’il
était promis soit à une vie
longue et sans éclat ou à une
existence courte et glorieuse.
Il a choisi la gloire. Il devra
périr. Pour repousser le plus
possible l’inéluctable, Thétis
a plongé Achille bébé dans les eaux du Styx, un des fleuves des Enfers, pour qu’il devienne
invulnérable. Elle le tenait par le talon, qui demeurera son seul point faible, puisqu’il n’a pas été
en contact avec l’eau. Après les funérailles d’Hector, les combats reprennent. Achille affronte
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Memnon, un colosse, en combat singulier. Il ne voit pas Pâris, caché derrière la foule. Ce dernier
lui décoche une flèche qui lui brise le talon et provoque sa mort. La disparition du meilleur
guerrier provoque le découragement chez les Grecs. On attribue à Ulysse le plan qui va les sauver
et susciter la chute de Troie. La seule façon pour les Grecs de gagner la guerre était de pénétrer
dans la ville, ce qu’ils n’avaient pu accomplir jusqu’à maintenant. Ils construisent un immense
cheval de bois qu’ils laissent sur la plage, devant les remparts de la ville. La nuit venue, les Grecs
s’embarquent sur leurs bateaux et vont se cacher hors de la vue des Troyens. Ces derniers, au petit
matin, ne voient qu’une plage vidée de ses occupants et un immense cheval, avec un seul homme,
sans armes et armure. Ce dernier, par des subterfuges, convainc les Troyens d’amener le cheval
dans l’enceinte de la ville. Au milieu des célébrations de la victoire, des guerriers Grecs sortent
du cheval et ouvrent les portes de la ville à leurs acolytes. C’est le début de la dernière bataille.
Les Grecs prennent rapidement l’avantage sur les Troyens, endormis par la nuit et le vin. La ville
sera saccagée et pillée et les femmes troyennes emmenées par les Grecs comme esclaves.
Style
Plus du tiers de l’Iliade est consacré à
la description de batailles et de combats
singuliers.
Une belle place est aussi
laissée à la description des armes,
comme celles que revêt Patrocle au
chant XVI.
Il dit, et Patrocle s’arma de bronze éblouissant : les jambarts
d’abord, dont il entoura ses jambes, très beaux, articulés sur
des couvre-chevilles d’argent ; en second lieu la cuirasse,
dont il revêtit sa poitrine ; c’était celle, bien décorée, brillante
comme un astre, du rapide Éacide. Sur ses épaules, il jeta
l’épée ornée de clous d’argent, mais en bronze, puis le
bouclier grand et robuste. Sur sa tête forte, il mit un casque
bien fait, à queue de cheval ; terrible, le panache, au-dessus,
s’agitait. Il prit deux lances vaillantes, faites à sa main. Car
la pique seule, il ne la prit pas à l’irréprochable Éacide :
lourde, grande, robuste, aucun autre Achéen ne pouvait la
brandir ; seul savait la brandir Achille.
Les épithètes homériques dans l’Iliade et leurs répétitions sont très célèbres : Achille aux pieds
rapides, ou agiles, Héra aux bras blancs, Hector au casque scintillant, Agamemnon roi des
guerriers, Briséis aux belles joues, Zeus assembleur de nuages, Thétis aux pieds d’argent, Hector
le dompteur de chevaux, Hélène aux longs cheveux, Ulysse l’homme aux mille ruses.
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Les héros
Les sept héros
H. Guill. Tischbein, Figures d'Homère dessinées d'après l'antique. Tome premier : Iliade. Metz, 1801.
Cette planche composée d'après l'antique a voulu rendre le caractère de sept héros de la guerre de Troie – Ménélas, Paris, Diomède,
Ulysse, Nestor, Achille, Agamemnon – auxquels il manque toutefois Hector, le premier des Troyens.
L'Iliade met en scène des héros, des
guerriers. Les Grecs et les Troyens sont
des milliers à combattre.
À l’intérieur
d’une telle concentration d’hommes, on
retrouve une concentration de héros
exceptionnelle.
Les Grecs2
Agamemnon : rois de Mycènes et chef de l’armée grecque. Frère de Ménélas
Ménélas : Roi de Sparte, époux d’Hélène qui a été enlevée par Pâris.
Ulysse : Héros grec et roi d’Ithaque. Son voyage de retour de dix ans après la guerre de Troie
est le sujet de l’Odyssée d’Homère.
Nestor : Roi de Pylos. Guerrier âgé et sage, il tente souvent de calmer la discorde.
Achille : Fils de la déesse Thétis et du mortel Pélée, c’est le plus grand héros grec. Il est
considéré comme un demi-dieu.
Patrocle : Ami très cher d’Achille, il est assassiné par Hector.
Calchas : Prophète qui accompagne l’armée grecque à Troie.
Hélène : Femme de Ménélas, c’est la plus belle femme du monde humain. Elle est la fille de
Zeus et d’une mortelle. Enlevée par Pâris, elle succombe à son charme tout en se languissant
parfois de son premier mari.
Les Troyens
Priam : Roi de Troie, il a de nombreux enfants, dont Hector, Pâris et Cassandre.
Hécube : Épouse de Priam.
2
Cette liste n’est pas exhaustive. Nous avons choisi de vous présenter uniquement les personnages qu’on retrouve
dans le spectacle l’Iliade.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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Hector : Fils de Priam, Hector est un des héros troyens les plus braves.
Il est marié à
Andromaque.
Pâris : Autre fils de Priam, il est moins courageux que son frère.
Andromaque : Femme d’Hector, c’est une figure emblématique de la souffrance des femmes
durant la guerre.
Anténor : Prince troyen, combattant pour sa cité.
Les deux qualités fondamentales du héros homérique, celles qui assurent le plus de prestige à un
roi ou à un guerrier de marque, sont le courage au combat et la sagesse au conseil. Les meilleurs
sont de haute naissance et quand ils possèdent une qualité héroïque, ils possèdent toutes les autres.
Ils sont supérieur à la moyenne au niveau de la taille, de la force, de la beauté. Ils sont de
naissance noble, ont d’illustres ascendants, parmi lesquels ont retrouve souvent des dieux.
Certains ont même l’insigne honneur de descendre directement de Zeus, comme Agamemnon,
Ménélas et Ulysse.
L’héroïsme des personnages de l’Iliade se mesure dans l’action. Dans le poème, il n’y a pas
d’héroïsme spirituel ou moral. Mais, Homère a su donner à chacun d’entre eux une identité
propre, des traits qui les distinguent les uns des autres. Ils ont des moments de faiblesse et
connaissent la peur. Ils prêtent aussi une attention particulière aux avis des anciens.
Achille
Gravure par Gio Brunetti d'après un dessin d'Ennio Quirino Visconti (1751-1818)
Achille est à part. Bien sûr parce qu’il est le héros du poème,
mais aussi parce que les caractéristiques du héros se retrouvent
chez lui à un niveau exceptionnel. Il est beau, rapide, valeureux
combattant. La victoire est due à sa présence. La défaite à son
absence. Sa seule apparition sème la panique dans le camp
ennemi. Zeus lui offre sa protection, son appui, il acquiesce à
ses requêtes. Ses armes sont forgés par Héphaïstos, dieu du feu.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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Le sujet de l’Iliade est la colère d’Achille, les causes et conséquences désastreuses de cette colère.
D’entrée de jeu, la confrontation entre Achille et Agamemnon ne donne pas le beau rôle à ce
dernier. Agamemnon y paraît colérique, jaloux, orgueilleux. La colère d’Achille n’est pas un feu
de paille. Elle est durable et justifiée par un désir de vengeance légitime.
Au fil de l’histoire, le poème épique bascule dans le tragique. Au chant IX, Agamemnon accepte
qu’Ulysse et Nestor tentent de ramener Achille au combat. Avant ce moment, qu’on appelle
l’ambassade, les torts étaient du côté d’Agamemnon. Après, le refus d’Achille va causer la mort
de Patrocle et donc sa propre mort. Ce n’est pas le destin, c’est lui-même qui est responsable de
son sort. En retournant au combat, il fait preuve de grandeur d’âme. Il sait qu’il va mourir, mais
il pose quand même les gestes qui le mèneront à sa perte. Sa colère est terrible, et lorsqu’il tue
Hector, coupable de la mort de son ami Patrocle, il refuse de rendre le corps à sa famille afin que
lui soient rendus les honneurs dus à un grand guerrier. La douleur de Priam éveille sa pitié et
place son destin au même niveau que celui commun à tous les hommes. Achille réussit à se
vaincre lui-même en redonnant le corps d’Hector.
Les dieux
L’Iliade met en scène autant les dieux que les héros. Le destin des hommes résulte d’un complexe
enchaînement d’actions humaines et de volontés divines. La mythologie grecque ancienne est un
vaste déploiement de personnages tous liés entre eux. Les histoires sont sans limite. Chaque
divinité, chaque histoire renvoie à toutes les autres.
La mythologie fait partie de la religion grecque ancienne. Cette religion est polythéiste, et conçoit
le divin comme une pluralité de puissances qui se partagent le monde et se manifestent aux
humains. La vie religieuse comprend des pratiques rituelles, des sacrifices, des prières, des
offrandes. Les dieux ont figure humaine, même s’ils peuvent emprunter d’autres formes. La
religion grecque, tout comme la mythologie, est souple.
Dans l’Iliade, les dieux interviennent selon leur volonté. Ils ont des parti pris, ils forment des
alliances, mais tous doivent se soumettre à la volonté du roi des dieux et des hommes, Zeus.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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Les dieux
Zeus : Dieu du ciel, de la lumière, de la foudre et du tonnerre. Il règne sur l’Olympe, le domaine
des dieux. Il représente l’équilibre et la justice.
Héra : Épouse « officielle » de Zeus. C’est une des déesses les plus puissantes. Fidèle à Zeus,
elle est la protectrice du mariage. Elle est très jalouse et persécute les (nombreuses) amantes de
son mari.
Athéna : Fille de Zeus, déesse de la guerre, elle est redoutable au combat. Elle a choisi de rester
vierge.
Aphrodite : Elle représente l’amour et la beauté. C’est un pivot dans l’histoire de Troie,
puisque la promesse qu’elle a faite à Pâris, de lui donner la main d’Hélène, est à l’origine de la
guerre. Elle intervient beaucoup dans les histoires d’amour des autres dieux et des humains.
Apollon : Symbolisé par le soleil, Apollon fils de Zeus est le dieu de la lumière et de la
musique.
Thétis : Nymphe, elle est la mère d’Achille. Convoitée par beaucoup de divinités, on lui prédit
qu’elle donnera naissance à un fils plus fort que son père. Les dieux se hâtent alors de la donner en
mariage à un mortel, Pélée.
Héphaïstos : Fils de Zeus et d’Héra, dieu du feu, on le représente souvent comme hideux et
boiteux. C’est un formidable artiste, et c’est lui qui fabrique le bouclier avec lequel Achille
retourne au combat.
Mythologie
Zeus et Thétis par Ingres. Musée Granet, Aix-en-Provence.
Dans la Grèce ancienne, le monde est vu à travers la
mythologie. Les différents mythes qui composent l’ensemble
grec servent à décrire la création du monde, l’origine de toutes
les choses : terre, animaux, plantes, être humains.
La
mythologie grecque décrit la structure de l’univers, organise le
chaos.
Le monde s’anime, toute chose a une âme.
Les
mythologies organisent et déterminent la façon qu’à l’homme
de percevoir le monde et sa propre place dans l’univers et,
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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surtout, dictent son comportement. Les mythes ont deux fonctions principales. La première est
d’apporter des réponses aux questions d’origine et de fin, de la vie et de la mort. La seconde est
de structurer les manifestations de l’inconscient humain, les rêves.
La mythologie grecque présente une fondamentale juxtaposition des contraires (homme-femme,
eau-feu, dieu-humain) et surtout, une absence de qualification entre le bien et le mal.
Contrairement aux contes et aux fables qui comportent toujours une morale, les mythes sont
amoraux. On n’y retrouve pas de notion de péché.
Une histoire comme l’Iliade, où tous les héros sont confrontés à la mort, permet de mesurer la
valeur du courage devant la fatale issue de la vie. La bravoure dont ils font preuve face à la mort
leur procure une gloire qui est leur seule récompense. L’Iliade, c’est la force virile de la jeunesse
confrontée à l’impensable, mais inéluctable fin. Et nos héros luttent, se battent et se confrontent
pour la repousser. Du haut de l’Olympe, les dieux sont sensibles à leurs efforts et à leur vaillance.
Ces dieux à visages humains, créés par l’homme pour tenter d’élucider ce qui le dépasse.
Époque
La Grèce où l’on situe la guerre de Troie (1250 av. J-C) n’est pas la même que celle d’Homère
(750 av. J-C), comme elle diffère de la Grèce classique (400 av. J-C) qui a beaucoup influencé
notre culture occidentale.
Civilisation mycénienne
On a souvent dit que le monde mycénien était le modèle des royaumes
décrits par Homère dans l’Iliade.
La civilisation mycénienne était une
civilisation palatiale, c’est-à-dire qu’elle était organisée autour de palais,
centres économiques, administratifs et politiques. Elle tient son nom de la
ville de Mycènes. On estime que cette civilisation a été active entre 2000 et
1200 avant notre ère.
Des tablettes d’une écriture datant de l’époque
mycénienne ont fourni quelques précieuses informations sur la vie des Grecs
de ce temps. On a baptisé cette écriture le linéaire B, qui est un système
idéographique complexe. Il comporte 88 signes, et son déchiffrement a été
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
15
opéré par des savants britanniques en 1951. Les tablettes en linéaire B retrouvées comportent
presque uniquement des informations de nature économique, sous forme d’inventaire.
Les Âges sombres
Contrairement à ce qui a parfois été diffusé, il n’y a pas eu de chute du monde mycénien, mais
plutôt le passage d’une civilisation à une autre, causé par des activités militaires, des catastrophes
naturelles, et une évolution politique et sociale. Un changement de civilisation est un processus
complexe engendré par différents facteurs. Durant 450 ans, entre 1250 et 800 avant notre ère, on
ne trouve aucun document officiel permettant de savoir comment était organisée la vie. On
appelle cette période les Âges sombres. On tente d’utiliser l’archéologie et les récits traditionnels
pour combler ce trou dans l’histoire.
La Grèce archaïque
La Grèce archaïque est celle où aurait vécu Homère. On la situe entre 800 et 500 av. J-C. Elle est
caractérisée par des contacts avec l’Orient, par l’exploration des mers, un début de colonisation,
un essor démographique, la création de sanctuaires, le développement des cultes héroïques et,
surtout, le retour de l’écriture, avec l’alphabet phénicien, à l’origine de celui que nous utilisons.
La Grèce classique
La Grèce classique est celle des
grandes cités, où l’on a inventé les
mots et les concepts sur lesquels
allaient se forger nos sociétés :
politique,
tragédie,
démocratie,
comédie,
drame,
philosophie,
histoire,
géographie,
mathématique, théologie.
Son
apogée est située entre 500 et 350.
C’est à cette époque que les
grandes
constructions,
comme
l’Acropole, ont eu lieu.
Chronologie
4500-2600 : Néolithique
2600-1950 : Âge du bronze ancien
1950-1580 : Âge du bronze moyen
1580-1100 : Âge du bronze récent
1260-1250 : Période présumée de la guerre de Troie
1250-800 : Âges sombres
800-500 : L’archaïsme
776 : Premiers jeux olympiques
vers 750 : Homère
500-350 : Classicisme
496-406 : Sophocle, auteur de tragédies
484-420 : Hérodote, historien grec, surnommé « le père de
l’histoire »
480-406 : Euripide, auteur de tragédies inspirées de la mythologie
ancienne, comme Les Bacchantes, Médée, Électre
470-399 : Socrate, philosophe
445 : Naissance d’Aristophane, auteur de comédies
427-355 : Platon, philosophe
384-322 : Aristote, philosophe
336-323 : Règne d’Alexandre le Grand. La Grèce domine la Méditerranée.
Trois siècles plus tard, ce sera autour de Rome.
La guerre de Troie
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
16
On oppose les « naïfs », ceux qui croient
tout ce que dit Homère dans ses poèmes, et
les « esprits critiques » qui affirment que
l’Iliade n’est pas un livre d’histoire, et qui
mettent sur un même pied Ulysse et
Cendrillon.
Cette
question
est
plus
complexe, et l’on peut retourner le problème.
On peut dire que l’Iliade n’est pas plus
fidèle à la réalité que les œuvres de
Shakespeare, mais en même temps, les
pièces de Shakespeare, même si elles ne traitent pas ouvertement des grands personnages de son
époque, nous offrent un précieux témoignage sur le pouvoir à l’époque élisabéthaine. L’Iliade
nous renseigne sur la guerre et ses usages, le partage du butin, les captives, la justice, l’hospitalité,
les coutumes, les mariages, les enfants, les communautés politiques, la religion, les sacrifices.
Heinrich Schliemann, né en 1822 et mort en 1890, était de ceux qui avaient la foi. Il était
persuadé qu’Homère avait décrit dans ses poèmes des lieux et des personnages ayant réellement
existé. La foi guide certains archéologues, qui interprètent les résultats des fouilles selon leur
certitudes. Schliemann était de ceux-là, et même si ses découvertes ont été essentielles à la
connaissance du monde grec ancien, il est très souvent considéré comme un mystificateur, adepte
des fouilles sauvages, pour qui la fin justifie les moyens. Fils d’un pasteur allemand, Schliemann
devient un riche homme d’affaire et dans la quarantaine, il décide de consacrer sa fortune à la
recherche de la cité dont le mythe avait habité son enfance : Troie.
À la fin du dix-neuvième siècle, les spécialistes pensaient depuis quelque temps que Troie était
située au Nord de la Turquie actuelle, plus particulièrement dans la ville d’Hissarlik. Sur la butte
d’Hissarlik, Schliemann met au jour les ruines d’une ville qu’il identifie très vite à Troie. Durant
ses fouilles à grand déploiement, il détruit tout ce qui ne paraît pas appartenir à l’époque de la
guerre de Troie. Des objets archéologiques de grande importance ont ainsi disparu. Au total, sept
campagnes de fouilles ont lieu.
Schliemann découvre neuf villes superposées et 2 000 objets
d'art. Lorsqu’il quitte Hissarlik pour fouiller Ithaque, l’île d’Ulysse, et pour trouver Mycènes, il
laisse le lieu dans un chaos total. Après lui, d’autres archéologues plus qualifiés, et certainement
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
17
plus méticuleux, ont daté les différentes strates déterrées par Schliemann. Dans ces neuf villes
construites les unes sur les autres, on retrouve des objets datant de 3000 av. J-C. jusqu’aux années
600 de notre ère. La ville située au niveau 7A semble posséder toutes les caractéristiques pour
correspondre à la Troie d’Homère. Elle a existé entre 1300 et 1250 av. J-C et a été détruite par un
immense incendie. On y retrouve des pointes de lances et des restes humains non enterrés, qui
pourraient témoigner d’une violente invasion.
La guerre de Troie n’est pas pour autant un fait incontestable. Son récit aurait pu être imaginé à
partir de plusieurs éléments, comme le fait que la cité découverte était vaste et pouvait convenir
aux descriptions d’Homère, que les Mycéniens ont bel et bien exercé une suprématie en Grèce au
douzième siècle et qu’ils ont effectué de nombreuses expéditions de pillages. Le poème transmis
par Homère a aussi pu être inspiré par des aèdes orientaux.
Des confrontations systématiques des textes homériques et des données archéologiques ont été
menées à maintes reprises. À condition de garder à l’esprit les caractères propres de la tradition
épique, l’historien peut utiliser les poèmes homériques comme sources historiques. L’Iliade et
l’Odyssée sont des documents exceptionnels pour reconstruire l’histoire, pour retracer l’évolution
à long terme qui conduit des royaumes mycéniens aux cités grecques classiques, et plus
généralement pour étudier la civilisation grecque dans son ensemble.
Quelques unes des découvertes de Schliemann correspondent
fortement à certaines descriptions d’objets faites par Homère,
comme le casque d’Hector et la coupe en or de Nestor. Adepte
des trouvailles spectaculaires, Schliemann s’est durant vingt ans
constitué un trésor, qu’il appelait le trésor de Priam, en sortant
illégalement des lieux de fouilles des bijoux et vestiges précieux.
Un peu avant sa mort, il l’a légué au Musée de Berlin. Le trésor
de Schliemann a disparu en 1945 pendant les raids russes contre la
ville. Berlin est alors saccagée, pillée, incendiée. Comme pour la
Troie d’Homère, l’histoire se répète. La violence et la cupidité
humaine nous privent de ces richesses de notre passé.
Portrait de Heinrich Schliemann. Estampe, XIXe siècle
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
18
Le spectacle
À l’avant-plan, de gauche à droite : Stéphane Brulotte dans le rôle de Patrocle, Gary Boudreault dans le rôle d’Ulysse, François
Papineau dans le rôle d’Achille, Vincent Bilodeau dans le rôle de Nestor et à l’arrière-plan, Tania Kontoyanni dans le rôle
d’Athéna. Photo © Yves Renaud
Pour son adaptation théâtrale,
Alexis Martin a respecté le style
littéraire et l’action de l’Iliade.
Quelques personnages secondaires
ont été écartés, mais tous les
grands héros prennent place sur
scène :
Achille,
Ulysse,
Agamemnon, Ménélas, Nestor,
Hector, Pâris, Priam, les femmes
Hélène, Andromaque, Hécube, et
les dieux Zeus, Héra, Athéna,
Aphrodite, Apollon et Thétis. Le metteur en scène a imaginé le personnage de la narratrice, qui
fait le lien entre différents événements et commente l’action. Sa présence, telle une veuve de
guerre toute de noir vêtue, apporte une tension dramatique et un certain sourire moqueur sur les
champs de bataille. Les héros sont tels que nous les souhaitons : humains et terribles à la fois.
Les dieux jouent avec le sort des guerriers. Zeus place littéralement l’issue du destin d’Hector et
d’Achille dans une balance.
Pour son travail d’adaptation, Alexis Martin s’est inspiré de deux versions de l’Iliade, celle de
Paul Mazon qu’on peut lire aux éditions Les Belles Lettres et celle d’Eugène Lasserre qu’on peut
trouver chez Flammarion.
Il s’est cependant complètement approprié le matériau de base,
cherchant à rendre cette matière la plus théâtrale possible.
Pour s’amuser au jeu des
comparaisons, nous vous proposons ici un extrait du Chant XXIII de l’Iliade, dans la traduction
d’Eugène Lasserre, où Achille pleure la mort de son ami Patrocle, et la même scène dans
l’adaptation théâtrale d’Alexis Martin.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
19
Chant XXIII
Comme il soupirait lourdement, sa vénérable mère s’arrêta près de lui ; avec une plainte aiguë, elle
prit la tête de son enfant, et, gémissante, lui dit des mots ailés :
« Mon enfant, pourquoi pleures-tu ? Quelle douleur a gagné ton âme ? Parle, ne me cache rien.
Tout s’est accompli, de par Zeus, comme tu venais de le demander, les mains levées au ciel : que,
vers leurs propres poupes, fussent refoulés tous les fils d’Achéens, privés de ton aide, et qu’ils
souffrissent d’affreuses peines. »
Avec un lourd soupir, Achille aux pieds rapides répondit :
« Ma mère, en cela, il est vrai, l’Olympien m’a exaucé. Mais quel plaisir en tiré-je, puisque mon
cher compagnon a péri, Patrocle, que j’estimais plus que tous mes compagnons, autant que ma
propre tête ? Je l’ai perdu. Ses armes, Hector, l’ayant tué, les a enlevées, ses armes prodigieuses,
étonnantes à voir, et belles ; à Pélée, les dieux les avaient données, présent admirable, le jour où ils
te poussèrent dans le lit d’un mortel. Que tu aurais gagné à demeurer là, au milieu des déesses
marines, et Pélée à prendre une épouse mortelle ! Maintenant, afin que tu aies, toi aussi, une
immense douleur dans l’âme par la perte de ton enfant, tu ne le recevras pas, tu ne le verras pas
rentrer chez lui : car mon cœur ne me pousse pas à vivre, ni à rester parmi les hommes, à moins
qu’Hector, tout le premier, frappé par ma lance, ne perde la vie et ne paie pour Patrocle, fils de
Ménoetios, sa proie. »
Scène 16
Thétis
Du fond de l’océan, j’entends tes larmes frapper la terre en cadence, comme une pluie de météores
noires… qu’as-tu mon fils, mon amour, Zeus n’a-t-il pas accompli tous tes vœux ?
Achille
Oh oui, comme il m’a exaucé, le roi du ciel ! Mais quel plaisir pour moi, si du même coup je perds
l’homme le plus cher à mon cœur, mon ami Patrocle ?
Thétis
Les voies de la pensée divine vont à leur but par des fourrés et des ombres épaisses que nul regard
ne saurait pénétrer.
Achille
Ma mère… tu aurais dû rester au fond des océans parmi les déesses marines, et mon père Pélée
aurait dû prendre pour épouse une simple mortelle !
Oh ma mère…
Je ne rentrerai pas chez moi, je n’aurai pas une vie longue et paisible. Je ne veux plus vivre, sinon
pour effacer la vie d’Hector et jeter son corps au fossé !
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
20
Si le langage et les personnages sont proches du texte
d’Homère, le traitement scénique est totalement
contemporain. Dans un décor en échafaudages, Alexis
Martin a choisi de situer le camp grec dans un café
grec ! Entre deux batailles, les héros décompressent en
buvant de l’ouzo, une liqueur anisée grecque. Les
Troyens prennent place en haut de l’échafaudage, côté
jardin, et les dieux, côté cour. Ces choix du metteur un
scène, tant au niveau du décor que des costumes, nous
permettent de nous sentir plus près de ces héros
mythiques, pas si éloignés pourtant, selon Alexis
Martin.
« Les archétypes qu’on retrouve dans l’Iliade
appartiennent profondément à notre culture.
Toute l’éthique de la chevalerie qu’on
retrouve dans la légende arthurienne et dans
Star Wars par exemple, est née dans
l’Iliade. »
Alexis Martin dans La Presse, entrevue
réalisée par Sylvie Saint-Jacques, le 8
septembre 2007.
« L’Iliade nous concerne tous, (…). On
baigne dans une culture où les archétypes
sont importants. L’ado, devant le courage
d’Hector déchiré entre le fait de sauver sa
femme et son fils ou se battre sous les murs
de Troie, peut trouver des solutions pour sa
vie. »
Alexis Martin dans La Presse, entrevue
réalisée par Sylvie Saint-Jacques, le 8
septembre 2007.
En plus de l’équipe habituelle de concepteurs (décor, costumes, éclairages, son), Alexis Martin a
travaillé avec un concepteur vidéo. Les projections vidéo dans le spectacle illustrent d’une jolie
manière certains éléments ne pouvant être recréés sur scène, comme les jeux en l’honneur de
Patrocle et la construction du bouclier d’Achille par Héphaïstos. Une conseillère en mouvement a
aussi permis à l’équipe de rendre sur scène de manière stylisée les combats au corps à corps entre
Grecs et Troyens.
Finalement, pour l’appuyer dans le travail titanesque que représente une adaptation du poème
d’Homère, Alexis Martin a bénéficié de la connaissance et du soutien de Georges Leroux.
Philosophe et spécialiste de la Grèce antique, ce dernier a agi comme conseiller dramaturgique
tout au long du processus de création.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
21
Alexis Martin – Adaptation et mise en scène
Exigeant, étonnant, Alexis Martin est une figure importante du milieu
culturel québécois. Le grand public le connaît comme acteur de télévision
et de cinéma, mais c’est au théâtre que sa créativité, sa grande culture et
son esprit critique s’incarnent dans des œuvres de son cru. Au sein du
Nouveau Théâtre Expérimental, qu’il co-dirige depuis 1998 et de sa
compagnie, le Groupement Forestier du Théâtre, il trouve un terrain fertile
pour exprimer avec humour ses questionnements sur la langue, l’influence
que l’autre peut avoir sur nous et sur l’absence de spiritualité dans notre
société. Dans le programme de spectacle de l’Iliade au Théâtre du Nouveau Monde, Alexis
Martin salue l’influence de son mentor, l’homme de théâtre Jean-Pierre Ronfard, qui a su lui
transmettre cette « fièvre grecque ». En 2000, avec le metteur en scène Dominic Champagne, il a
réalisé une adaptation pour le théâtre de l’Odyssée d’Homère qui a obtenu un retentissant succès.
« Les grands récits ne sont jamais décevants. Honnêtement, quand une oeuvre traverse 28 siècles, comme L'Iliade, ce
n'est pas par fantaisie, ce n'est pas grâce à un complot d'érudits ou encore d'hommes blancs qui se projettent dans des
figures héroïques. C'est parce qu'il y a là-dedans une réactivation des éléments majeurs de la culture occidentale. »
Alexis Martin dans Voir, entrevue réalisée par Christian Saint-Pierre, le 13 septembre 2007.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
22
Lectures
Homère
Alexis Martin
Activités proposées
Le texte de l’adaptation théâtrale de l’Iliade par Alexis Martin est publié chez Dramaturges
Éditeurs, tout comme l’est celui de l’Odyssée. Parmi toutes les autres pièces d’Alexis Martin, nous
vous suggérons particulièrement la lecture de Matroni et moi, parue chez Leméac en 1997, pour
son côté réjouissant et les questions qu’elle soulève sur l’éducation, la foi, la culture, le destin. Il a
également fait paraître en 1999 un recueil de poésie aux éditions Triptyque, intitulé Des humains
qui bruissent. On retrouve la liste de toutes les pièces dont il est l’auteur sur le site du Centre des
auteurs dramatiques :
http://www.cead.qc.ca/repw3/martinalexis.htm
Pour en savoir plus sur le Nouveau Théâtre Expérimental, qu’il co-dirige avec Daniel Brière :
http://www.nte.qc.ca/
D’Homère, la lecture de l’Iliade et de l’Odyssée peut représenter un projet à long terme. Pour
l’Iliade, nous suggérons la traduction d’Eugène Lasserre chez Flammarion, peu coûteuse et
facilement accessible. Pour l’Odyssée, nous proposons un ouvrage publié en 2003 dans les
Classiques Bordas, une édition et une traduction proposées par Danielle Jouanna.
Sur Homère, la visite du site Internet de la Bibliothèque Nationale de France s’impose. Cette
grande institution a consacré cette année une exposition au poète épique. Le site regorge
d’information instructive et ludique et le visuel est magnifique. Incontournable !
http://expositions.bnf.fr/homere/index.htm
Sur Troie et la guerre de Troie, deux suggestions. D’abord, pour avoir un portrait d’ensemble assez
simple mais complet : La guerre de Troie, mythes et réalités, de Nick McCarty, paru dans sa
traduction française aux éditions Le pré aux clercs. On y traite d’Homère, de l’Iliade, de
mythologie et d’archéologie. Ensuite, la splendide collection Découvertes Gallimard consacre un
ouvrage à Heinrich Schliemann et à son obsession dans L’Or de Troie ou les découvertes de
Schliemann, paru en 1995.
Épopées
Film
Pour s’initier à la mythologie grecque, un petit livre vivant et très réussi visuellement : L’ABCdaire
de la Mythologie, de Françoise Frontisi-Ducroux, paru chez Flammarion en 1999.
Finalement, côté cinéma, nous avons pu voir en 2004 sur nos écrans Troie (Troy en version
originale), un film de Wolfgang Petersen qui relate la guerre de Troie depuis l'enlèvement d'Hélène
à la mort d'Achille, avec entre autres les stars Brad Pitt, Orlando Bloom et Diane Kruger.
Si le genre épique vous passionne, l’histoire du monde foisonne d’épopées légendaires. Nous en
citons ici quelques unes, qui peuvent rivaliser avec l’Iliade sur le plan des péripéties et du
fantastique.
L’Épopée de Gilgamesh - Récit légendaire de l'ancienne Mésopotamie
Le Mahabharata - Épopée sanskrite de la mythologie hindoue
Beowulf - Poème épique majeur de la littérature anglo-saxonne
La Chanson de Roland - Poème épique et chanson de geste de France
La Chanson de Nibelungs – Épopée médiévale allemande
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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Bibliographie
•
Brûlé, Pierre, Les Grecs et leur monde, Découvertes Texto, Gallimard, 1998.
•
Carlier, Pierre, Homère, Fayard, 1999.
•
Frontisi-Ducroux, Françoise, l’ABCdaire de la Mythologie, Flammarion, 1999.
•
Homère, L’Iliade, Présentation par Jean Mayer, traduction par Eugène Lasserre,
Flammarion, 2000.
•
McCarty, Nick, La guerre de Troie, mythes et réalités, le Pré aux clercs, 2004.
•
Lévesque, Pierre, La naissance de la Grèce, Découvertes Gallimard, 1990.
•
Martin, Alexis, L’Iliade d’Homère, Dramaturges Éditeurs, 2007.
•
Salzmann, Monique, Pourquoi la mythologie ?, La Part Commune, 2006.
Dossier d’accompagnement scolaire – L’Iliade
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