Syd Barrett - présentation et sélection de documents

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Syd Barrett - présentation et sélection de documents
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Syd Barrett, une évocation illustrée en sons et images
Fondateur de Pink Floyd au milieu des années soixante et leader du groupe le temps de
ses premiers singles et d’un album phare du psychédélisme anglais, Syd Barrett (1946 –
2006) est resté une figure mythique du rock britannique.
Il connaît gloire et chute météoriques en quelques courtes années flamboyantes et
carbonisées. Ecarté du groupe, il se lance dans une carrière solo chaotique pour vite se
retrouver hors circuit du monde de la pop. Il passera le restant de sa vie à éviter ce passé
tumultueux, ce qui contribuera un peu plus à faire grandir sa légende.
Il a continué à influencer profondément plusieurs générations de musiciens, poètes et
écrivains, fascinés par sa musique et sa destinée.
Jean-Michel Espitallier
Poète inclassable « entre Ludwig Wittgenstein et Alphonse Allais », Jean-Michel
Espitallier (né en 1957) joue sur plusieurs claviers et selon des modes opératoires
constamment renouvelés. Listes, détournements, boucles rythmiques, répétitions, proses
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désaxées, faux théorèmes, propositions logico-absurdes, sophismes tordent le cou à la
notion si galvaudée de poésie en inventant des formes neuves pour continuer de faire
jouer tout le bizarre de la langue et d’en éprouver les limites. Entre rire jaune, tension
comique, syllogismes vides, absurde et dérision, sa poésie, proche en cela de l’art
contemporain, use de la plus radicale fantaisie pour coller un faux-nez au tragique et à
l’esprit de sérieux, mais aussi pour faire voler en éclat et problématiser encore davantage
la notion de genre et de frontières esthétiques (donc éthiques …).
Cofondateur de la revue Java (1989-2006), coordinateur du dossier sur la « Nouvelle
poésie française » au Magazine littéraire (mars 2001), il est l’auteur de plusieurs livres,
dont le très controversé Pièces détachées : une anthologie de la poésie française
aujourd’hui. Il travaille sur plusieurs projets multimédias et mène parallèlement une
carrière de batteur du groupe Prexley.
Sélection d’ouvrages disponibles à la médiathèque de Vincennes :
Ponts de frappe, Fourbis, 1995
841.91 ESP (espace adultes)
Gasoil, Flammarion, 2001
Construit en cinq séquences où alternent avec humour et entrain jeux typographiques, litanies délirantes,
gravures et exposés parodiques.
841.91 ESP (espace adultes)
Fantaisie bouchère (grotesque), Derrière la Salle de Bains, 2001
841.91 ESP (espace adultes)
Le Théorème d’Espitallier, Flammarion, 2003
Se compose de plusieurs séquences, découpées et remontées, où alternent litanie, entretiens détournés,
noms propres, corps typographiques, amis, ennemis, moutons qui ne cessent de sauter, unité de l’infini, …
841.91 ESP (espace adultes)
Caisse à outils : un panorama de la poésie française aujourd’hui, Pocket, 2006
Exploration des territoires de la poésie contemporaine en France et cartographie de leurs courants. Analyse
les tendances fortes, donne des pistes, aborde les questions de l’économique, du politique, de la sociabilité
littéraire.
841.91 ESP (espace adultes)
Syd Barrett, le rock et autres trucs, Editions Philippe Rey, 2009
Ce livre fouille le mystère Barrett, mais va plus loin en interrogeant d’ « autres trucs » : la question du fan,
celle du mirage d’une éternelle jeunesse comme horizon rêvé d’un bonheur qu’incarne le rock depuis ses
origines, celle enfin de notre besoin d’illusions et de leurres qui nourrit la machine à inventer des mythes.
Dans un style volontiers iconoclaste, JME évoque sa vraie fausse rencontre avec Barrett à Cambridge en
2004, donne sa propre vision du rock, mêlant érudition musicale, références littéraires et souvenirs
personnels. Syd Barrett n’est que le fil rouge de quantités d’autres histoires …
782 ESP (espace musique)
Traduit de l’anglais (avec Marina Dick) :
Syd Barrett, le génie perdu de Pink Floyd / Tim Willis – Le Castor Astral, 2004
Grâce à ses contacts privilégiés avec tous ceux qui furent proches de Syd à la grande époque, Tim Willis,
journaliste britannique, révèle ce que fut la folle et lumineuse aventure de cette tragique énigme du rock.
782 BAR (espace musique)
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“The Pink Floyd & Syd Barrett story”, un film de John Edginton, 2001
Début 1968, le départ de Syd Barrett de Pink Floyd - dont il a été membre fondateur en
1965 et le pivot créatif - marque la fin d’un premier chapitre déterminant dans l’histoire du
groupe.
Syd Barrett, parolier et principal compositeur des premiers singles de Pink Floyd et de son
album The Piper at the Gates of Dawn, disque référence de la scène psychédélique
britannique, a ouvert la voie à la célébrité naissante d’un groupe qu’il doit quitter
précocement, pop-star lessivée par l’abus de drogues et dérivant sous un sombre nuage
de problèmes psychologiques mal gérés.
Ce documentaire, illustré d’images rares du groupe à ses débuts et pendant sa
flamboyante gloire psychédélique, évoque le parcours et la personnalité d’un artiste horsnormes, et sa durable empreinte sur ses pairs. On y retrouve des interviews de tous les
autres membres du groupe (Roger Waters, Rick Wright, Nick Mason, David Gilmour qui l’a
remplacé au sein du groupe et aidera à mettre en sons ses deux albums solo, ainsi que
Bob Klose guitariste originel du groupe avant les premiers singles), et de leur entourage
de l’époque. Témoignent également des musiciens des générations suivantes comme
Robyn Hitchcock ou Graham Coxon (Blur) que Syd Barrett a profondément influencés.
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Syd Barrett, éléments biographiques
Photo : Adrian Boot
Premières années :
Roger Keith Barrett naît le 6 janvier 1946 à Cambridge, Angleterre, dans une famille de
classe moyenne. Encouragé à la pratique musicale par ses parents, il se met à la guitare
dès l’enfance. Il prend le surnom de Syd à l’adolescence, une référence à un vieux
musicien local de jazz. Son père, malade, décède en 1961, ce qui affecte profondément
l’adolescent.
Syd rejoint bientôt le Cambridge College of Arts and Technology. Artistiquement, à côté de
son goût pour le rock et le rhythm & blues - il est tombé sous le charme du son de guitare
Telecaster de Steve Cropper, le guitariste de Booker T. & The MGs -, il commence à
peindre des abstractions colorées, développe son goût pour les arts plastiques, la poésie,
compose ses premières chansons ; sa mère encourage Syd à se produire avec le groupe
qu’il a rejoint en 1962 en tant que guitariste rythmique. Il y retrouve son ami d’enfance
Roger Waters. Mais le groupe se sépare bientôt alors que Waters part étudier à Londres.
La jeunesse est prometteuse sur les rives baignées de soleil de la Cam, et Syd affirme
une personnalité créative en marge du système normé. Il est déjà le centre d’attraction
d’une bande de copains - dont le jeune David Gilmour avec lequel il s’exerce à la guitare où il exprime tout à la fois charme et comportements déroutants, silences mystérieux et
loquacité communicative. La musique prend le dessus sur les cours, la pratique acharnée
de la guitare et des riffs électriques de Bo Diddley se croisant avec l’écoute attentive de
Bob Dylan, pour forger des influences déterminantes chez Syd. Il voit en concert les
Rolling Stones - alors au début de leur ascension et en pleine période blues-amphétaminé
-, qui ont sur lui un fort impact sonore et visuel.
Mais c’est encore en tant qu’artiste-peintre que Syd imagine son futur. Il accède en 1964
au prestigieux Camberwell College of Arts, situé au Sud de Londres, vivier artistique du
moment.
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Naissance et mise sur orbite de Pink Floyd :
Tout à sa place dans un Londres en pleine effervescence sixties, Syd y retrouve Roger
Waters qui, en marge de ses études d’architecture, végète en tant que bassiste dans
plusieurs groupes sans succès et au personnel fluctuant (The Abdabs, Sigma 6, …).
Barrett rejoint en 1965 l’un d’eux, baptisé The Tea Set, qui bientôt prend l’appellation de
The Pink Floyd Sound (puis Pink Floyd). Syd a trouvé le nom en juxtaposant les prénoms
de deux bluesmen repérés sur une pochette de disque, Pink Anderson et Floyd Council.
Aux côtés de Barrett (chant et guitare) et Waters (basse, chant), on retrouve Rick Wright
aux claviers et aux chœurs (le seul membre ayant une réelle formation musicale), Nick
Mason à la batterie, et un guitariste du nom de Bob Klose (qui quitte le groupe dès 1965).
La musique du groupe est alors encore très conventionnelle, un répertoire rhythm’n’blues
et rock peu original pour l’époque car déjà pratiqué en mieux par nombre de formations
britanniques (Rolling Stones, Yardbirds, Who, etc.). Quelques démos sans grand relief
sont enregistrées.
Rapidement, au contact du riche milieu artistique d’un Swinging London en pleine
agitation, et sous l’influence de plus en plus prééminente de Barrett (qui a commencé par
ailleurs à se familiariser avec les drogues hallucinogènes comme le LSD), Pink Floyd se
met à expérimenter, allongeant sur scène les structures de ses morceaux et y incorporant
des passages improvisés de plus en plus déjantés et exécutés à fort volume. Le groupe
exploite - et innove - au maximum des possibilités techniques du moment : feedback,
chambres d’écho et autres effets électroniques, mais aussi différents « trucs » de jeu sur
les instruments. Il incorpore également à ses concerts un light-show d’abord habilement
bricolé par quelques comparses, puis de plus en plus sophistiqué pour l’époque. Le
spectacle est bientôt total, tout aussi visuel que sonore, avec au milieu un Syd Barrett en
astre psychédélique.
Le groupe s’attire ainsi un public de plus en plus fidèle et nombreux, devenant la
coqueluche du tout London underground de 1966. Il établit résidence dans l’antre de la
nouvelle scène psychédélique, le bien-nommé club UFO, se produisant aussi à la
Roundhouse rivale. Il gagne également un management fiable en l’entité du duo Andrew
King et Peter Jenner ; et un atout supplémentaire en la personne du promoteur de
concerts, agent et entrepreneur musical, le jeune et prometteur Américain expatrié Joe
Boyd. Ce dernier produit en janvier 1967 une session d’enregistrement pour le groupe
dont résulte ce qui va devenir leur premier single, Arnold Layne / Candy and a Currant
Bun.
Plus que tout, Syd Barrett a composé un lot de fabuleuses chansons, pépites mélodiques
pop-psychédéliques aux arrangements intrigants (notamment les guitares et l’orgue). Les
textes laissent voir un esprit ludique tout empreint de visions poétiques émerveillées, à la
fois pleines d’humour et étranges, hors-normes dans les thèmes abordés et en même
temps très attachantes. On y voyage aussi bien dans l’espace qu’en vélo, finalement dans
une lignée d’écriture du Merveilleux toute britannique. Mais sous acides.
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Paradis et enfer psychédéliques :
Pink Floyd finit par signer un contrat d’enregistrement chez EMI début 1967. Les deux
premiers singles, Arnold Layne (publié en mars 1967) et le fabuleux See Emily Play
(publié en juin), atteignent respectivement le Top 20 et le Top 10 des classements
britanniques. Tout semble possible et ouvert.
Début août 1967 sort un premier album enregistré par intermittence entre janvier et juillet,
The Piper at the Gates of Dawn, un des meilleurs disques britanniques de l’ère
psychédélique avec le Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles, qui l’a précédé
en juin. Réalisé aux studios EMI d’Abbey Road (comme toutes les sessions majeures des
Beatles), Piper… est produit par Norman Smith (qui avait d’ailleurs officié comme
ingénieur du son sur certains enregistrements antérieurs des Fab Four). Pour l’anecdote,
les deux groupes ont travaillé parallèlement, selon les périodes de sessions, dans des
studios voisins à Abbey Road.
Piper… est un succès, atteignant la sixième place des classements britanniques (son
impact restant modeste aux Etats-Unis). Sur les onze morceaux qui le composent, Barrett
en a écrit huit et cosigné deux autres. Ses compositions illuminent tout l’album par leur
inventivité musicale et des paroles qui seront souvent imitées mais rarement égalées dans
leur genre. L’univers de Barrett dépasse les simples clichés psychédéliques alors en
vogue.
Mais si Pink Floyd élargit son audience grâce à l’album, la pression médiatique aussi bien
que les demandes pour de plus nombreuses tournées et apparitions en concerts ne jouent
finalement pas en faveur de leur leader, principal pourvoyeur de chansons et attraction
charismatique du groupe.
Syd Barrett a commencé à montrer des signes d’instabilité psychologique dès le milieu de
l’année 67, exponentiels aux quantités faramineuses de drogues qu’il ingurgite. Son
comportement de plus en plus erratique et imprévisible dans la seconde moitié de 1967
pose de sérieux problèmes au groupe et à son management. Barrett se présente par
exemple sur scène ou lors de prestations TV complètement catatonique, ou encore jouant
autre chose que le morceau en cours, ou passe tout celui-ci à désaccorder
méthodiquement sa guitare, voire à gratter le même accord durant tout un concert (quand
il se met à jouer, ce qui souvent n’est même plus le cas). Un instant là, l’autre un fantôme.
L’illusion peut marcher un temps auprès d’un public défoncé, mais les choses deviennent
vite ingérables, notamment pour ses collègues totalement consternés. Une tournée aux
Etats-Unis, importante pour le développement et l’impact du groupe, est ainsi
complètement sabotée.
Un troisième single inédit, Apples and Oranges, sort en novembre 67, sans grand succès,
et ressemble déjà à une impasse créative. Sa face B, le dispensable mais tout à fait
charmant Paintbox, est d’ailleurs signée par le clavier Rick Wright. Un quatrième simple,
où l’on trouve le bien nommé Vegetable Man, grand moment de déjante barrettien, n’est
même pas publié officiellement.
Dépendant de Barrett pour son répertoire et son évolution artistique, de même que pour
une bonne partie de son image, Pink Floyd se retrouve dans une impasse au lieu de
récolter les fruits du travail effectué. Il finit par faire appel fin 67 à l’ami d’adolescence de
Syd, David Gilmour, comme guitariste et chanteur pour la scène afin d’assurer les
concerts pendant que Barrett y continue ses divagations psycho-lysergiques ; et même en
envisageant le rôle de Barrett uniquement comme auteur-compositeur pour les disques.
Cette dernière option paraissant rapidement une illusion au vu de l’état de Syd, celui-ci
finit par être définitivement laissé de côté par son propre groupe en janvier 1968. Le Floyd
période Barrett a vécu. L’annonce officielle est faite dans les médias début avril.
De vaines tentatives pour l’aider à se traiter ont été entreprises, mais un entourage pas
toujours bienveillant a contribué par ailleurs à aggraver les choses.
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Barrett avait participé sporadiquement aux sessions qui aboutiront au deuxième album du
groupe, A Saucerful of Secrets, qui sera publié en juin 1968. Il joue de la guitare sur
quelques morceaux, et un dernier titre signé et interprété par lui s’y trouve (il clôture
d’ailleurs l’album), arrangé avec une fanfare, le facétieux - et amer avec le recul - Jugband
Blues qui évoque un narrateur à la fois conscient et absent au monde.
Une ère nouvelle a commencé. Elle mènera d’une part Syd Barrett dans une courte
carrière « solo » fascinante mais douloureuse ; d’autre part Pink Floyd vers un long succès
planétaire fructueux, démesuré puis fratricide, avec ses sommets artistiques et
commerciaux aussi bien que ses impasses inévitables, et où toujours planera l’ombre du
leader originel absent.
Les années « solo » :
Pensant que Pink Floyd ne survivra pas au départ de son leader, son management a
décidé malgré tout de garder Syd Barrett dans son giron et de délaisser le reste du
groupe. EMI et son jeune label dédié à la nouvelle scène progressive, Harvest Records,
souhaitent le faire enregistrer.
Deux albums sont publiés en 1970 : The Madcap Laughs (titre parfait …) début janvier et
l’éponyme Barrett en novembre ; succès publics mitigés sur le moment, ils deviendront
des disques cultes au fil des années. On y retrouve toute l’excentricité de Barrett, ses jeux
de langage, mais également les tourments de son âme voilée et des éclairs glaçants de
lucidité. Musicalement, les compositions sont chaotiques et en même temps emplies de
mélodies profondément marquantes qui tournent en boucles vénéneuses. Le feeling
général est plus acoustique que les œuvres précédentes du Floyd, tout à la fois plus
intimiste et brutal, dégageant quelque chose d’inachevé et en suspension. Le jeu
déstructuré de Barrett à la guitare folk n’y est pas pour rien. Les compositions datent
probablement pour la plupart de la période où Barrett appartenait encore au Pink Floyd et
arrivait à créer de façon continue.
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Les sessions d’enregistrements ont été rendues laborieuses par le comportement
complètement erratique de Barrett. Elles sont sauvées du naufrage par le travail des
musiciens qui sont venus l’épauler, notamment celui qui l’a remplacé au sein du Floyd,
son ami David Gilmour. Elles s’étalent de mai 1968 à août 1969 pour The Madcap
Laughs, réalisées par un jeune producteur de l’équipe EMI, Malcolm Jones, relayé ensuite
par David Gilmour et Roger Waters. Les membres du groupe ami Soft Machine (qui
comporte à l’époque en ses rangs le batteur Robert Wyatt) y participent également comme
musiciens.
L’enregistrement du deuxième album, Barrett, est encore plus difficile, et s’étale de février
à juillet 1970. Il est produit par David Gilmour et Richard Wright qui s’y illustrent aussi en
tant que musiciens, avec la complicité du batteur de Humble Pie, Jerry Shirley.
Les apparitions en public de Syd Barrett deviennent de plus en plus rares malgré ces deux
albums : une session pour l’émission radio de John Peel à la BBC en février 70, un unique
concert en juin 70 où il quitte la scène après moins d’un quart d’heure, une autre session
radio en février 71. Ses problèmes psychologiques s’accentuent et il se replie sur luimême. Plus aucune nouvelle création musicale de lui ne sera jamais publiée. Lors d’une
interview fleuve avec Mick Rock pour le magazine Rolling Stone en décembre 71, il
semble encore faire un peu illusion et parle de son possible avenir musical. Un trio appelé
Stars voit effectivement le jour, avec Twink à la batterie (ex-Pretty Things et Pink Fairies).
Mais les quelques apparitions scéniques du groupe sont catastrophiques et scellent le
destin de la pop-star Syd Barrett…
Une tentative menée par le manager Peter Jenner pour le faire enregistrer, en août 1974,
ne mène à rien si ce n’est à le perturber de nouveau. Ce n’est juste plus possible pour lui
et il se coupe définitivement du monde musical et de son agitation. Il revend ses droits sur
ses albums solos et vit reclus les années suivantes dans un hôtel à Londres.
Anecdote étrange : il surgit aux studios Abbey Road, méconnaissable et à la stupéfaction
de ses ex-amis et collègues, en plein milieu des sessions d’enregistrement d’un Pink
Floyd devenu méga-star alors en train de réaliser son album Wish You Were Here, dont
plusieurs morceaux sont justement habités par le fantôme de Barrett …
Plusieurs jeunes musiciens de la scène punk émergente tentent d’obtenir sans succès ses
faveurs en tant que producteur artistique (notamment The Damned qui le voulaient pour
leur second album, Music For Pleasure, finalement produit par… Nick Mason).
L’argent manquant, Syd retourne vivre chez sa mère à Cambridge en 1978, une tentative
pour renouer avec Londres se soldant en 1981 par un échec.
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L’homme tranquille et le culte :
Syd Barrett passe tranquillement le reste de sa vie à Cambridge, près de sa sœur
Rosemary qui veille à ce qu’on le laisse en paix ; jusqu’à sa mort le 7 juillet 2006, à l’âge
de 60 ans, des suites de longues complications diabétiques et d’une santé déclinante.
David Gilmour, l’ami d’adolescence, s’était assuré que l’argent des royalties des
compositions de Barrett parvenait bien à celui-ci afin de lui permettre de vivre à l’abri du
besoin (un Gilmour qui par ailleurs reprend encore des titres de Barrett lors de ses
tournées). Barrett, qui vivra le reste de ses jours sans excès, laissera d’ailleurs au bout du
compte un héritage coquet à ses deux frères et ses deux sœurs.
Roger Keith Barrett, toutes ces années, s’est remis à peindre, à écrire sur l’histoire de l’art,
et est resté dans un anonymat local nécessaire à maintenir son fragile équilibre.
Mais son aura passée, elle, ne l’aura jamais lâchée.
Ses enregistrements (avec le Floyd ou en solo) auront, aux yeux et aux oreilles de
générations de fans constamment renouvelées, fait de lui une icône de l’histoire du rock.
Nombre de musiciens - eux-mêmes rock-stars célèbres ou cultes - sont influencés
profondément par son art et sa mystique ; et les revendiquent. Un David Bowie (qui
interprète le morceau See Emily Play sur son album de reprises Pin Ups, 1973) ou un
Marc Bolan (T.Rex) ont été des aficionados de la première heure. Kevin Ayers, qui avait
joué avec Barrett, a écrit en son honneur le morceau Oh ! Wot A Dream (1973).
A la fin des années 70 lors de la période punk, The Damned a cherché à travailler avec lui.
Puis dans la scène post-punk néo-psychédélique, des artistes ont contribué à entretenir le
mythe : Robyn Hitchcock (ex-Soft Boys qui a repris nombre de chansons de Barrett et lui a
rendu hommage dans plusieurs morceaux tel The Man Who Invented Himself, 1981),
Julian Cope, ou encore les Television Personalities (avec, entre autres, leur fameuse
chanson I Know Where Syd Barrett Lives, 1980).
Plus récemment, et parmi quantité de groupes ou de songwriters de tous acabits, on peut
citer The Trash Can Sinatras, et les nombreux albums ou concerts hommages, tributes, …
Les albums de Barrett ont été réédités en vinyle et en CD (sa période avec le Pink Floyd
aussi), cités dans les tops-albums historiques. Des enregistrements inédits, compilations,
prises alternatives ont été officiellement publiés (l’album Opel en 1989, la compilation
Wouldn’t You Miss Me ? en 2001) ; nombre d’enregistrements plus ou moins pirates
circulent. La presse spécialisée revient périodiquement et richement sur sa carrière et son
« mystère », les biographies pullulent et les sites ou blogs internet dédiés foisonnent.
Plusieurs documentaires ou reportages audiovisuels sont également revenus sur son
histoire. Syd Barrett fait encore recette…
A côté, une effervescence fanatique a perduré jusqu’à sa mort, avec des démarches et
des buts variés, allant de photos prises à la volée jusqu’aux fans essayant de le contacter
ou de l’approcher pour capter un instant de la légende.
Ainsi vécu Syd Barrett.
photo : Mick Rock
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Sélection de documents disponibles à l’Espace musique de la Médiathèque
de Vincennes
A ECOUTER (disques compacts)
Photo : Mick Rock
Avec Pink Floyd
1967 : the first 3 singles, EMI, 1997
Contient : Arnold Layne / Candy and a currant bun / See Emily play / Scarecrow /
Apples and oranges / Paint box
2 PIN 40
The Piper at the gates of dawn, EMI, 2007
Publication originale : 1967
Contient : Astronomy domine / Lucifer Sam / Matilda mother / Flaming /
Pow R. Toc H. / Take up thy stethoscope and walk / Interstellar overdrive /
The gnome / Chapter 24 / The scarecrow / Bike
2 PIN 40
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A Saucerful of secrets, EMI, 2007
Publication originale : 1968
Contient : Let there be more light / Remember a day / Set the controls for the
heart of the sun / Corporal Clegg / A saucerful of secrets / See-saw /
Jugband blues
2 PIN 40
Relics, EMI, 1995
Compilation.
2 PIN 40
Echoes : the best of Pink Floyd, EMI, 2001
Compilation.
2 PIN 40
Tonite let’s all make love in London … plus, See For Miles, 1990
Compilation. La scène du Swinging London et du mouvement underground
britannique. Bande originale du documentaire.
2 A 40
White bicycles : making music in the 1960s, Fledg’ling, 2006
Compilation des productions de Joe Boyd (qui a produit le premier single du Floyd).
Contient : Arnold Layne
2 A 00
En solo
The Madcap laughs, Harvest, 1970
Contient : Terrapin / No good trying / Love you / No man’s land / Dark globe /
Here I go / Octopus / Golden hair / Long gone / She took a long cold look
/ Feel / If it’s in you / Late night / …
2 BAR 40
Barrett, Harvest, 1970
Contient : Baby lemonade / Love song / Dominoes / It is obvious / Rats / Maisie /
Gigolo aunt / Waving my arms in the air / I never lied to you / Wined
and dined / Wolfpack / Effervescing elephant / …
2 BAR 40
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Opel, Harvest, 1993
Enregistrements inédits et prises alternatives 1968-1970.
Contient : Opel / Clowns and jugglers / Rats / Golden hair / Dolly rocker /
Word song / Wined and dined / Swan Lee (Silas Lang) / Birdie hop /
Let’s split / Lanky (part one) / Wouldn’t you miss me (Dark globe) /
Milky way / …
2 BAR 40
Wouldn’t you miss me ? : the best of Syd Barrett, EMI, 2001
Compilation.
Contient : Octopus / Late night / Terrapin / Swan Lee (Silas Lang) / Wolfpack /
Golden hair / Here I go / Long gone / No good trying / Opel /
Baby lemonade / Gigolo aunt / Dominoes / Wouldn’t you miss me
(Dark globe) / Wined and dined / Effervescing elephant / Waving my
arms in the air / I never lied to you / Love song / Two of a kind /
Bob Dylan blues [inédit] / Golden hair (instrumental)
2 BAR 40
Autour de Syd Barrett
David Bowie : Pin ups, EMI, 1973
Contient sa reprise de See Emily Play.
2 BOW 00
Robyn Hitchcock : Black snake diamond role, Yep Roc, 2007
Publication originale : 1981
Contient le morceau hommage The Man Who Invented Himself.
2 HIT 00
Television Personalities : And don’t the kids just love it, Fire, 2009
Publication originale : 1980
Contient le morceau I Know Where Syd Barrett Lives.
2 TEL 60
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Kevin Ayers : Songs for insane times - an anthology 1969-80, EMI, 2008
Contient le morceau Religious Experience (Singing a song in the morning) avec
Syd Barrett, et l’hommage Oh ! Wot a dream.
2 AYE 00
In search of Syd : 15 mind-bending freak-outs !, Mojo, 2007
Compilation de morceaux originaux autour de l’univers musical de Syd Barrett, par :
Spacemen 3, The Flaming Lips, Blind Boy Fuller & Floyd Council, Pink Anderson,
Bonzo Dog Band, Kevin Ayers, Jennifer Gentle, The Mothers of Invention, Gong,
The Bevis Frond, Hawkwind, Wodden Shjips, The Soft Machine, AMM, Acid
Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O.
2 A 00
I.Overdrive Trio : Hommage à Syd Barrett, Cristal, 2008
Un hommage original sous forme de trio jazz (guitare, batterie, trompette/bugle),
revisitant le répertoire de Syd Barrett.
1 IOV 90
Soft Machine : Volumes 1 & 2, Big Beat, 1989
Publications originales : 1968 & 1969.
Les deux premiers albums de Soft Machine, formation anglaise psyché-jazz proche
du Pink Floyd période Barrett, et qui a contribué au premier album solo de celui-ci.
2 SOF 40
Twink : The Never Never Land and Think Pink demos, Get Back, 2000
Enregistrements 1969, 1970 & 2000.
L’ex-membre des Pretty Things et des Pink Fairies, et partenaire de Syd Barrett au
sein de l’éphémère Stars, était lui-même un allumé notoire …
2 TWI 40
Photo : Vic Singh
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A VOIR (DVD)
Photo : Mick Rock
The Pink Floyd & Syd Barrett story, un documentaire de John Edginton, 2001
49mn, couleur-n&b, version originale (anglais) sous-titrée.
2 PIN 40
Pink Floyd & the Syd Barrett story, un documentaire de John Edginton, 2002
60mn, couleur-n&b, version originale (anglais) non sous-titrée. Bonus.
2 PIN 40
London 1966-1967, un documentaire de Peter Whitehead, 2005
60mn, couleur-n&b, version originale (anglais) non sous-titrée.
“Tonite let’s all make love in London” … Images de la scène londonienne des
années 60, performances de Pink Floyd, interviews avec Mick Jagger, Michael
Caine, David Hockney, Julie Christie.
2 PIN 40
A technicolor dream, un documentaire de Stephen Gammon, 2008
156mn, couleur-n&b, version originale (anglais) sous-titrée.
L’histoire du mouvement underground anglais des années 60, qui culmine lors du
happening musical de l’Alexandra Palace du 29 avril 1967, « The 14 Hour
Technicolor Dream ». Performances de Pink Floyd avec Syd Barrett, interviews
avec Roger Waters, Nick Mason, Joe Boyd, Kevin Ayers, …
2 GAM 40
Inside Pink Floyd : 1967-1974, un documentaire de Bob Carruthers, 2004
58mn, couleur, version originale (anglais) sous-titrée.
Revue critique.
2 PIN 40
16
A LIRE
Photo : Mick Rock
Syd Barrett, le génie perdu de Pink Floyd / Tim Willis – Le Castor Astral, 2004
Traduit de l’anglais par Marina Dick et J.-M. Espitallier, préface de Michka Assayas.
Grâce à ses contacts privilégiés avec tous ceux qui furent proches de Syd à la
grande époque, Tim Willis, journaliste britannique, révèle ce que fut la folle et
lumineuse aventure de cette tragique énigme du rock.
782 BAR
Syd Barrett : le premier Pink Floyd / Emmanuel Le Bret – Ed. du Moment, 2008
782 BAR
Syd Barrett, le rock et autres trucs / Jean-Michel Espitallier – Ed. Philippe Rey, 2009
Ce livre fouille le mystère Barrett, mais va plus loin en interrogeant d’ « autres
trucs » : la question du fan, celle du mirage d’une éternelle jeunesse comme
horizon rêvé d’un bonheur qu’incarne le rock depuis ses origines, celle enfin de
notre besoin d’illusions et de leurres qui nourrit la machine à inventer des mythes.
Dans un style volontiers iconoclaste, JME évoque sa vraie fausse rencontre avec
Barrett à Cambridge en 2004, donne sa propre vision du rock, mêlant érudition
musicale, références littéraires et souvenirs personnels.
782 ESP
Pink Floyd : l’histoire selon Nick Mason / Nick Mason – EPA, 2005
Pendant quarante ans, Pink Floyd a dominé le monde du rock par sa créativité, sa
démesure, la richesse de ses albums et ses luttes intestines. Son batteur raconte
sans fards son expérience au cœur de ce groupe légendaire.
782 PIN
White bicycles : making music in the 60s / Joe Boyd – Allia, 2008
Joe Boyd, producteur, agent, organisateur de concerts, a côtoyé toute la scène
musicale des années 60, dont le Pink Floyd de Syd Barrett.
782 BOY
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L’Envers du rock : portraits / Nick Kent – Austral, 1996
Traduit de l’anglais par François Gorin, préface de Iggy Pop.
Les allumés de l’histoire du rock par le célèbre journaliste musical anglais.
Un des portraits se nomme « La Ballade fêlée de Syd Barrett ».
782 KEN
Rock, pop : un itinéraire bis en 140 albums essentiels / Philippe Robert – Le Mot
et le Reste, 2006
Une anthologie personnelle de l’histoire du rock et de la pop music [dont Syd
Barrett].
782 ROB
SELECTION DE SITES INTERNET
http://naindien.com/spip.php?article434
http://www.sydbarrett.com/
http://www.sydbarrett.net/welcome.htm
http://www.syd-barrett-trust.org.uk/
« I don’t think I’m easy to talk about. I’ve got a very irregular head. And I’m not
anything that you think I am anyway.”
Syd Barrett, 1971
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©Médiathèque de Vincennes, mars 2010
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