BRAVO, LES FEMMES!

Transcription

BRAVO, LES FEMMES!
FÉVRIER - MARS 1991 • VOLUME 20 • No 3 - 4
REVUE
D'INFORMATION
ET DE RÉFLEXION DES FEMMES F R A N C O P H O N E S
Y
BRAVO,
LES
FEMMES!
Pour son
vingtième anniversaire,
Femmes d'action
souligne cent ans
d'histoire
1890-1990!
2,95$ • Courrier de 2e classe : Enr. 7242
PROCHAIN NUMERO
les défis de l'autonomie financière
au féminin
Une lecture sans prix!
Sortie 15 mai 1991
Les femmes, comme groupe humain,
sont pauvres,
pourquoi?
Les conditions salariales de la majorité
des femmes sont criantes d'injustices,
pourquoi?
La dépendance des femmes ou leur
autonomie est-elle une affaire de
famille, de sexe ou de société
industrielle?
Leur autonomie, une mission
impossible à accomplir?
La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises
(FNFCF) publie la revue Femmes d'Action, un outil d'information et
de réflexion sur la condition féminine et la francophonie.
La FNFCF est un organisme national voué à l'avancement des
droits et à la défense de la spécificité des femmes francophones. Il
est engagé au développement de l'action collective au sein de la
francophonie canadienne.
Il offre à ses membres des outils de développement; un service
de formation, d'information et de sensibilisation aux questions reliées
à la condition féminine au Canada français; un réseau de
ressources; des documents
de recherche-action et des
outils politiques: une
CONSEIL NATIONAL
concertation nationale, des
D'ADMINISTRATION
rencontres de comités, une
assemblée générale
Comité exécutif
annuelle.
Claire Lanteigne, présidente
La Fédération nationale
Madeleine LeFort, vice-présidente
des femmes canadiennesFrançoise Viau, vice-présidente
françaises est le porteLouise Cantin Merler, vice-présidente
parole de près d'une
Agathe Brunei, trésorière
cinquantaine de groupes
autonomes de femmes du
Canada français.
Représentantes provinciales
France J. Bélanger, Diane Gallant,
Bureaux de la Fédération
Betty Dugas Leblanc, Madeleine
nationale des femmes
Breton Prud'homme, Ginette Hébert,
canadiennes-françaises
Gisèle P. Marion, Madeleine Côté
325 rue Dalhousie,
Lepage, Thérèse Duchesne Allard,
porte 525
Anne Doris Malenfant, Linda
Ottawa, Ontario KIN 7G2
Pettersen.
Tel: (613) 232-5791
Bélino: (613) 232-6679
La FNFCF est membre de la Fédération des francophones hors
Québec et du Comité canadien d'action sur le statut de la femme.
UNE AFFAIRE D'ARGENT
Un document de sensibilisation à la valeur du travail
que les femmes effectuent,
que ce travail soit au foyer ou
à l'extérieur, et à la nécessité
d'être reconnues comme être
économique à part entière
disposant librement de
ressources financières pour
satisfaire leurs besoins.
Cet ouvrage est signé par la
chercheuse Micheline
Desjardins pour le compte de
la Fédération nationale des
femmes canadiennesfrançaises. Il vient ceindre
l'ensemble des dossiers sur
lesquels la FNFCF travaille
depuis les dix dernières
années au Canada français.
Pour en obtenir un exemplaire, on écrit à la Fédération nationale
des femmes canadiennes-françaises, 325, rue Dalhousie, pièce
525, Ottawa (Ontario) K1N 7G2. Cette publication est gratuite.
•
I
VOL 20 NO 3
111
SOMMAIRE
Bravoy les femmes !
4
FRANGINE
Courrier des lectrices
ANNE PHILO
2o
Lettre de Zénaïde
29
Une révolution inachevée
MORIER,
5
CHRONIQUE
Editorial DE MICHELINE PICHÉ
D'UNE PETIE
PENSIONNARE
PAR LUCIE MORGADO
DE L'OUEST
7
Manchette ou la voix des
silencieuses
32
PAR MICHELINE DESJARDINS
Entre les lignes
Une source à la rivière
PAR DENISE VEILLEUX
9
Des épingles à chapeaux
pour les soeurs Desloges
33
PAR MONIQUE DUMONT
PRÉPARÉ PAR LUCIE MORGADO,
16
12
La
Elles ont écrit pour nous
art des
P
femmes,
il faut la dire
Annette St-Amant ou
Mère-Grand
SUIVI DE
PAR MONIQUE HÉBERT
PAR THÉRÈSE BOUTIN
Le deuxième sexe
PAR LUCIE BRUNEI
24
Qui a peur
de Mathilda Blanchard?
Chronique d'une petite
pensionnaire de l'Ouest
37
PAR COLETTE GODIN
La décennie à venir:
solitude ou partage?
PAR MYRIAME EL YAMANI
PROPOS RECUEILLIS PAR
DENISE MORJER
21
Où est passé
notre science infuse?
ENTREVUE RÉALISÉE
PAR ANITA PELLETIER
24
Mère Dorothée : la fierté
d'être acadienne et instruite
PAR CLAUDETTE LAJOIE
LA DECENNIE A VENIR:
26
MARICHETTE OU LA VOIX DES SILENCIEUSES
Femmes d'action:
vingt ans déjà!
PAR MICHELINE PICHÉ
VOL 20 No 3
0
SOLITTUDE OU PARTAGE
38
Besoin d'espoir
PAR ANITA BEAUDETTE
COURRIER
Au sujet de Sylvie, that's me
Voilà que le cas de Sylvie (voir Sylvie, That's
me vol. 20 no 1) illustre un prototype bien établi
à l'intérieur des moeurs des mariages mixtes
anglais/français. Ma réaction vise uniquement la
communication chez le couple car parmi
l'ensemble de tous les rapports intimes, le
rapport homme-femme est sans doute très
déterminant sur le plan de l'assimilation avec
des conséquences bien connues. On pourrait
dire «bravo Sylvie» pour toute l'astuce qu'elle
doit déployer pour s'arracher un peu de vie en
français en dehors du mariage. Par contre, sans
la victimiser, c'est plutôt la «pauvre Sylvie» qu'il
faut reconnaître parce que dans son rôle de
femme, elle est doublement colonisée dans son
mariage, d'une part le fait d'être femme et
d'autre part le fait de s'assujettir à la langue de
l'autre. Naturellement, cela semble rendre la vie
de couple plus facile. Que faut-il faire pour
conscientiser les Sylvie pour qu'elles puissent
faire l'équation: égalité des sexes - égalité des
langues (officielles)? quelle dynamique de
couple appauvrissante (sur le plan culturel) fait
que le partenaire anglophone soit privilégié dans
son choix de langue sans respecter cette même
dimension chez l'autre? À qui revient la responsabilité et l'obligation de faire fructifier tant
bien que mal la dualité canadienne dans le
microcosme-couple? Alors, je dis aux Sylvie:
Parlez-le le français à vos conjoints, ils finiront
bien par comprendre «quelque chose». Un bon
mariage mérite bien cela!
François Bilodeau
Ottawa, Ontario
Bravo!
J'ai beaucoup apprécié votre magazine
(La maternité, à quel prix? Vol. 20 no 2). J'ai
particulièrement aimé l'article: Mettre au monde
demain, sur les nouvelles technologies de la
reproduction. Voici mon abonnement et j'abonne
une amie.
Roxanne Cauz
Toronto, Ontario
Nos excuses
Voici l'opinion originale émise par
Marilyn Côté Dupuis dans l'article Un,
deux, trois... quatre?paru dans le vol. 20
no 2. Le texte de ce numéro a omis qu'un
«nombre limité» (de couple) n'ont que
deux enfants pour des raisons assez
égoïstes.
«La plupart des couples ressentent un
besoin, un grand désir et parfois une
obligation d'avoir au moins deux enfants.
Certains se limitent à deux pour des
raisons de santé, l'aspect financier, l'âge,
leurs dispositions émotionnelles; ils se
sentent comblés avec deux ou encore ils
pensent que plus de deux enfants serait
trop difficile. Un nombre limité, à mon
avis, arrête à deux pour des raisons
assez égoïstes. Ils tolèrent une certaine
interruption de leurs ambitions
personnelles mais considèrent que deux,
cela suffit.»
e, francophone
a droit d'existence et
d'épanouissement
dans sa tangue
Le président, Guy Matte
Le directeur général, Aurèle Thériault
JBa dfaàération ô&s francophones tffîors
Q/u&Bec
1404-1, RUE NICHOLAS, OTTAWA (ONTARIO) K1N 7B6, TÉL.: (613) 563-0311 TÉLÉCOPIEUR (613) 563-0288
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A VOL 20 No 3
Rédactrice m chef
Micheline Piché
Équipe de direction
Rachel Gaudreau, Micheline Piché, Diane Vachon
Équipe de rédaction
Monique Dumont, Colette Godin, Denise Morier,
Denise Veilleux
Correspondantes
Anita Beaudette, Thérèse Boutin, Lucie Brunei,
Micheline Desjardins, Monique Dumont, :
Myriame El Yamani, Colette Godin, Monique Hébert,
Claudette Lajoie, Lucie Morgado, Anita Pelletier,
Denise Veilleux
Éditeure
Fédération nationale des femmes
canadiennes-françaises
BRAVO,
FEMMES D'ACTION!
R
etracer cent ans d'histoire de femmes en
quelques pages pour célébrer un vingtième anniversaire,
quelle idée! La folle du logis est certainement passée
par là le soir où l'équipe de rédaction s'est mise à la
tâche de préparer ce numéro spécial. Justifiant notre
choix, nous avons conclu que: puisque nous en étions là
aujourd'hui, c'est qu'avant nous des femmes ont tracé le
chemin. Nous sommes allées voir...
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Lyne desormeaux
Page couverture
Photo Mate A. Price
Sur la photo:
Noémie Godin Vigneau (à gauche)
Jacqueline Martin (droite)
FEMMES D'ACTION est une revue d'information et
d'opinion sur la condition féminine au sein de la
francophonie canadienne.
Parutions
Sept., Nov., Fév,, avril, Juin
Politiques de la direction
Les articles de FEMMES D'ACTION peuvent être
reproduits en indiquant la source, le mois, l'année et
j'auteure. Pour reproduire les illustrations on doit
demander l'autorisation de la direction.
Les opinions émises par les correspondantes n'engagent
que celles-ci. FEMMES D'ACTION encourage la
participation de nouvelles correspondantes. Les textes
soumis peuvent être utilisés dans l'un ou l'autre des
numéros et ils seront soumis aux règles éditoriales
courantes.
Tarifs d'abonnements
Cinq numéros 12$ (individuel)
Dix numéros 20$ (individuel)
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ISSN 0226-9902
Courrier de
deuxième classe
Enregistrement no. 7242
Port payé à Ottawa
Fév.Mars199l
(parution-février 1991)
Cette publication est imprimée sur papier recyclé
Ce survol ne représente qu'une goutte d'eau, mais
qu'elle est rafraîchissante.
Alors que l'on met la dernière main à la présentation
d'ensemble (renouvelée pour l'occasion comme vous le
constatez), un grand plaisir m'envahit, celui de vous
offrir ces quelques histoires toutes aussi captivantes les
unes que les autres. Quelques exemples: Manchette,
première féministe acadienne... exige en 1891 le droit de
vote, les soeurs Desloges défient le règlement 17 en Ontario interdisant
l'enseignement du français, Annette St-Amant Fremont rédactrice à La
Liberté met en place une page féminine, Mère Dorothée oeuvre à
l'enseignement post-secondaire pour les filles: une première en Acadie. Et
bien qu'elles ne brillent pas au sommet de la gloire, nos «héroïnes», ont
chacune à leur manière influencé la vie d'autres femmes. Elles témoignent
d'une histoire commune à toutes, qui est celle de la reconnaissance que
l'on doit porter à la contribution des femmes dans notre société. Elles nous
rappellent également notre long cheminement vers l'égalité. En leur rendant
hommage nous souhaitons que chacune se sente fière d'être femme et
encouragée dans ses démarches vers l'autonomie et l'équité.
Notre réflexion sur ces derniers vingt ans nous a menées, entre autres,
à vous présenter les retombées du rapport Bird vingt ans plus tard et à
laisser la parole à deux correspondantes sur leur vision de l'avenir. Elles
mettent chacune en évidence leurs propres préoccupations et en ces temps
incertains on ne saurait se surprendre de leur appel à la paix, à la qualité de
l'environnement et à notre interdépendance les unes et les uns aux autres
et envers notre planète. Ces thèmes prendront au cours des prochaines
années plus d'ampleur encore.
Femmes d'action accompagnera-t-elle ses lectrices jusqu'en l'an 2011 ?
Jacqueline Martin fondatrice de la revue en 1971 et interviewée dans le
présent numéro ne croyait pas que Femmes d'action survivrait toutes ces
années. Mais l'appui des correspondantes bénévoles et des lectrices (que
nous souhaitons plus nombreuses encore) et la volonté de la FNFCF de
maintenir cet outil d'information et d'opinion pour les femmes francophones
ont permis à Femmes d'action de poursuivre sa route jusqu'à aujourd'hui.
Bravo, les femmes!
La publication de Femmes d'action est rendue
possible grâce à l'aide financière du Secrétariat
d'État.
VOL 20 No 3
0 fmœtfttim
a VOL 20 wo 3
1890-1910"* B R A V O , LES F E M M E S !
sont fatigué d'attendre que la loi passe... Les
femmes souffre d'envie de se rendre aux poils
pour montrer à nos vieux comment voter.» À la
fin du siècle dernier, il fallait certainement une bonne dose
de courage pour oser émettre ce genre de commentaire.
La Marichette serait-elle la première féministe acadienne?
«Tu te plains, mon pauvre mari, de tes dix heures d'ouvrage. Voici quatorze heures que
je travaille moi, et je n'ai pas encore fini ma journée.»
MARICHETTE OU LA VOIX DES SILENCIEUSES
par Micheline Desjardins
es lettres acadiennes de Manchette
publiées entre 1895 et 1898 dans l'Évangéline
nous permettent de voir comment une femme de
l'époque a su décrire avec beaucoup d'intelligence, de finesse et d'humour la vie politique,
sociale, culturelle et économique des Acadiens
et des Acadiennes de la fin du XIXe siècle.
En 1982, Pierre Gérin et Pierre M. Gérin
publiaient une édition commentée des Lettres
acadiennes de Manchette aux éditions Naaman.
Dans cet ouvrage, les auteurs ont reconstitué
non seulement l'environnement historique de
l'époque mais ils ont également fait une
recherche poussée pour retracer l'identité de
Marichette. Selon les auteurs, les chances sont
grandes que Marichette soit le pseudonyme
choisi par Emilie C. Leblanc pour exprimer
ses opinions aux lecteurs et lectrices de
l'Évangéline.
Nous ne nous attarderons pas à la
personnalité d'Emilie C. Leblanc ni au contexte
historique et linguistique de la correspondance
car ce qui nous semble plus stimulant c'est la
lecture «en direct» de quelques extraits de cette
correspondance originale qui a enthousiasmé le
public lecteur de l'Évangéline de 1895 à 1998 et
qui continue de fasciner en 1991 les personnes
soucieuses de connaître le passé des femmes,
la place que celles-ci ont occupée sur la place
publique et le regard qu'elles ont porté sur leur
temps.
Marichette s'inscrit dans une tradition qui se
prolonge jusqu'à nos jours. Pour reprendre
Gérin et Gérin: si «en 1971, l'Acadie a été
secouée par une bombe, la Sagouine. Ce fut
une révélation. On cria au miracle. Cependant,
elle n'était pas tombée du ciel. Toute une
tradition la préparait de longue main, discrètement. Si l'on parcourt les journaux du vieux
temps, l'on constate l'existence de lettres
souvent satiriques ou même revendicatrices,
écrites en un langage populaire plus ou moins
truculent.1»
Voici quelques extraits de lettres de
Marichette. Ces extraits nous permettent de voir
les positions que cette femme a prises face au
droit de vote, face aux moeurs électorales, face
aux problèmes posés par l'émigration des
Acadiens et des Acadiennes aux Etats-Unis et
face à la difficulté de vivre dans sa langue.
VOL 20 No 3
0
Si nous entretenons souvent le préjugé que
les femmes dans le passé sont restées muettes
devant leurs conditions de vie, la lecture des
lettres de Marichette constitue un remède
efficace pour élimer ce préjugé. Ces lettres
montrent un certain engagement féministe qui
se transforme parfois en mépris à l'égard des
hommes. Cependant, dans son ensemble, la
correspondance reflète surtout le point de vue
d'une femme ordinaire. La Marichette semble
exprimer tout haut ce qui sans doute était dit et
véhiculé par les femmes autour d'elle.
Marichette témoigne d'un souci de faire voir
à l'opinion publique le point de vue de la classe
moyenne et populaire. Marichette choisit d'écrire
dans la langue acadienne montrant par là son
désir d'affirmer son identité nationale et
l'importance pour les classes populaires
acadiennes de s'affirmer face à une élite
politique et religieuse.
Evangéline,
jeudi 14 février 18952
J'veut vous écrire pour vous dire que j'sont
fatiguée d'attendre que la loi passe en Chambre
pour le souffrage des femmes pour nous donner
le droit de voter. Durant c'temps les femmes
souffre d'envie de se rendre au poils pour
montrer à nos vieux comment voter.
(...) Pour commencer mon histoire, j'ai
presque honte de vous dire que mon vieux aime
la goutte, même trop pour mon bien et l'sien; et
c'est pour ça qu'on prend avantage sur lui.
Depuis quelques temps il passe deux coureux
de chemin, de Digby pour nous parler d'élection.
Il nous dise toute sorte de bonne chose et quand
ils sont rendu chez eux (s'ils en ont) ils nous
traite de d...d frenchman et disent à leurs amis
les anglais que Clare est tout pour zeux et qu'ils
peuvent nous acheter dans le temps des
élections avec une bouteille de wisqui ou de
rum, comme se j'étions des ivrognes commes
eux à Digby, le trou de wisqui. Dieu merci, dans
Clare on respecte les lois mieux ça. Nous avons
la Scott Act et je la suivons. Yà rien qu'à Digby
et à Weymouth que tout le tapage se fesons, les
deux seul place du comté pour la grog.
Eh bien, ce coureux là nous dit qu'il est un
temperance man depuis quelques semaines et
s'il peut gagner son élection il ne boira rien à
Ottawa, et il ne battra pas sa femme, ne la
jetteras pas de hors en plein hiver, fidra luimême les cochons, et le diable et son train. Je
lui dis d'aller à Mr Daly, c'est lui qui confesse et
pardonne les pécheurs quand ils sont sincères.
Je dis en via une belle ma tri! J'dis à mon vieux,
c'est un MANIEUR3. (...)
s
Evangéline,
jeudi 28 février 1895
Chiqu'c'est s'ti là qui se monte sur
l'Evangéline la semaine passée, de la Salmon
River? l'se nomme «Un Électeur Libéral». On
m'fourrera pas dans l'idée que s'ti là est un
libéral, c'est plutôt un tory, l'infâme, chi se
déghise. Il a honte de bayer son nom, peur de
se faire prôner à l'église. Mais j'croyons quil en a
pas de nom, c'est un crapeau. Quanqu'j'écris
sur vote journal j'on pas peur de bayer note
nom. Les femmes de Chéticamp n'ont pas frette
aux yeau. Les hommes sont plus lâches que ça,
rien quanq ça vient pour buser les femmes, les
traiter de vieilles pètraques, c'tamps là ils ont de
choeur, trep. (...)
J'sont contente, M. l'Editeur, que les femmes
pourront voter bientôt. J'espère que M. Fielding,
et M. Comeau passeront le souffrage des
femmes dans leur chambre. Si M. Comeau fait
passer c'te Bill là, j'voterons pour lui et j'metteron
toute dehors pour lui quanqui viendra courir sa
lection. C'est l'ami des femmes et c'est pour ça
qu'il a les hoûmes pour lui. Sti là par exemple,
s'il courait pour Ottawa, boingre j'me tuerait pour
aller voter. Toutes les femmes et les filles y'rions
comme des troublées pour voter, parce qu'il fait
du bien au acajins. M. Pothier, du Cap fourchu,
sti là aussi prendrait bien avec nous autres à
Chéticamp, il est smart on m'dit, et y prêchons
toutes comme des jables, dans la chambre de
Fielding et Longley.(...)
bras pour faire usage du manche à balai. Javons
pas la langue pu longue que ceux qui portons
les chulottes, qu'on vienne la mesurer sakerjé et
on voira who //es. Nous avons une lange et
s'avons s'en servir, et une cervelle itout. J'heu
nous a baillé plus d'esprit qu'aux hoummes.
Quanc qu'il a fait la femme il a trouvé Adam, le
boss de tous les hommes, endormi un beau jour,
le ventre au soleil, trop paresseux pour travailler
dans son jardin, on y a arraché la cervelle et pris
le meilleur sfufYde dedans et on a fait la femme
qui a sauvé les hoummes du naufrage.
Je suis trop vieille pour écrire much, mais j'ai
ma plus jeune fille que j'veux faire instruire, et
rien en français s'te fois cite. Mes deux plus
vieilles j'Ies ont envoyé à l'école plusieurs
années, mais le maître ou la maîtresse voulions
pas yeux montrer ('français, qu'on se moquerait
de nous autres si j'Ie parlions devant les
étrangers, et pi toute nos jeunes filles, depi
checque'temps se fesont instruire en anglais et
pi quanqu'elles avons passé le deuxième livre et
pi capable de dire «How di do», et se plicer le
bec, sa honte même de parler à leur mères en
français4. (...)
Pensez-vous pas M. l'Editeur qu'on a fait un
mistake quanc qu'on a placé le monde sur la
terre? C'est les femmes qu'aurions du porter les
chulottes et gouverner le pays. Mais quand j'y
pense, comment on prendrait garde à nos p'tits
bébés, ça m'fait peur. Imaginez vous un
houmme avec un chawde tabac dans la bouche
pour venir voir ça qui a dans le berceau!(...)B
s
Evangéline,
jeudi le 2 mai 18955
(...) Asteur, M. l'Editeur, j'voulons vous parler
de nos filles qui sont à la State. J'trouve une
lettre que ma pu vieille a écrit à sa jeune soeur
au logis. A dit qu'à la travaillé dur dans lé factries
depi deux ans et a tout dépensé son argent pour
s'acheter dé broach, dé rings, dé bagues, dé
fleurs, et toute sorte de jâblerie. Elle a payé cinq
piastres pour une broach et dans deux semaines
toute l'or était parti et à rester le plomb. Elle ça
déjà trouvé un feller, un anglais, et elle parle
déjà pu français. A dit que nos acajennes
voulons pu parler français, un fois à la state. Ce
plus nice à parler à nos fellers en anglais. Y a
beaucoup de nos acajennes qui ont passé l'hiver
à l'hôpital et d'autres qui sont mortrd par la
fatique et qui avons attraper du frette à courir
avec leu feller les soir, a moitié (libeller pour
l'hiver. Mon cher M. l'Editeur, ça ma fait pitchié
quanq j'ai lit sa lettre, de voir nos jeunes filles
aller se tuer dans les factries, corp et âmes.6' '
Evangéline,
jeudi, 18 mars 18977
(...) Oui, le bon j'heu a baillé aux femmes (de
Chéticamp), une langue pour s'en servir, et des
0
VOL 20 No 3
Marichette fournit, tout au long de sa
correspondance au journal, un aperçu de la vie
quotidienne des petites gens d'un petit village de
la Nouvelle-Ecosse. Elle décrit comment les
nouvelles en provenance des grandes villes, les
décisions politiques d'Ottawa ou les idées
modernes importées des Etats-Unis sont
véhiculées, analysées et critiquées par la
population.
Il nous a semblé que ces lettres constituaient
d'excellents documents sur l'époque, et
notamment sur les prises de position de
certaines femmes dans une communauté
minoritaire des Maritimes en fin de siècle.
Espérons que ces quelques extraits vous
donneront le goût de lire dans son entier les
lettres acadiennes de Marichette.
1. Pierre Gérin et Pierre M. Génn, Lettres acadiennes,
Éditions Noaman,p.13
2. p.2, col.5
3. Extrait de Gérin et Gérin op.cit, pp.52-53
4. lbidpp.55-59
5. p.3, col. 2 et 3
6. Ibid p. 73
7. p.2, col. 4 et 5
8. Ibid pp.105-106
in
Micheline Desjardins habite Montréal. Elle travaille à
titre de consultante et de chercheuse. Elle est auteure de
plusieurs publications pour le compte de la FNFCF.
1910-1930
BRAVO, LES FEMMES!
DES EPINGLES A CHAPEAUX
POUR LES SOEURS DESLOGES
ja rentrée scolaire -1915. Deux jeunes
institutrices, Diane et Béatrice Desloges,
reçoivent une lettre leur ordonnant de ne plus
enseigner à l'école Guigues, rue Murray, dans la
basse-ville d'Ottawa. De quoi sont-elles
coupables?
D'enseigner en français et d'aller ainsi à
rencontre du Règlement XVII qui interdit le
français comme langue de communication entre
les enseignants et les élèves dans les écoles de
l'Ontario de cette époque. Comme des
centaines d'enseignantes et d'enseignants
franco-ontariens, elles ne reçoivent pas de
salaire depuis 1912 en raison de leur insubordination au Règlement XVII. Ce sacrifice
financier témoigne du courage de la francophonie en Ontario français dans sa lutte menée
contre ce règlement, un véritable instrument
d'anglicisation.
Les combattantes
de la résistance
Vingt mères de famille se rallient à la cause,
se mobilisent et envahissent l'école Guigues
pendant plusieurs mois afin de revendiquer leur
droit à une éducation en français: l'historienne
Georgette Lamoureux les appelle les dames
gardiennes de l'école Guigues1. Cette
occupation, comme tant d'autres manifestations
en Ontario français à l'époque (grèves, parades,
délégations auprès des politiciens) constitue un
vrai témoignage de la résistance acharnée du
peuple franco-ontarien dans sa lutte scolaire.
n ne saurait trop insister
sur l'apport des femmes à
la survie de la langue et
de la culture canadienne-française.
Le règlement XVII en Ontario a
représenté quinze ans de lutte pour
les Franco-Ontariennes, son haut
moment a été, sans doute, le
refoulement des intrus à l'aide
d'épingles à chapeaux! Tout a débuté
par l'affront des soeurs Desloges...
Chassées de l'école Guigues, les soeurs
Desloges ouvrent, à la demande des
contribuables, une école indépendante dans la
chapelle de la rue Murray. Tous leurs élèves les
suivent et à l'école Guigues, les classes sont
désertes. Elles déménagent ensuite leurs élèves
dans deux magasins vacants de la basse-ville
où elles enseignent jusqu'aux vacances de Noël.
En janvier 1916, à l'ouverture des classes, les
mères de famille décident qu'elles en ont assez
et que la situation a duré assez longtemps. Elles
ordonnent à leurs enfants de retourner à l'école
Guigues avec leurs deux institutrices et les
escortent jusqu'à l'entrée, quelques maris les
accompagnent. Une foule de soixante
personnes se retrouve donc sur les lieux. Trois
policiers les empêchent d'entrer mais les
hommes réussissent à se faufiler par la porte
d'entrée malgré les menaces de la force
policière. La foule les suit et prend ainsi
possession de l'école. Un renfort de 25 policiers
envoyés au courant de la journée ne réussit pas
à déloger les combattantes de la résistance. Ces
femmes tenaces, aidées par leurs maris qui
montent la garde la nuit, occupent l'école
pendant plusieurs mois pour que leurs enfants
reçoivent une éducation en français.
VOL 20 No 3
ftws/te
Georgette Lamoureux donne une excellente
description de l'occupation de l'école Guigues
par ces femmes:
...les gardiennes portent de longues jupes de
serge foncé, des vestes serrées et confortables
et, surtout, elles arborent un chapeau de bonne
proportion qui demande à être ancré sur la tête
par une solide et longue épingle. Ah! ces
épingles à chapeau dont on a tant parlé et qui
servirent aux gardiennes à tenir tout intrus en
respect! Nulle épée de mousquetaire n'aurait pu
se comparer à ces longues et fines lames
brandies au bout du bras. «Approchez,
approchez donc, semblaient-elles dire... et je
vous piquerai au bon endroit». Toujours est-il
qu'armées ou non, ces vaillantes dames
réussirent à garder l'école pour les élèves
canadiens-français.2
Pendant ce temps, les soeurs Desloges
reçoivent plusieurs ultimatums de quitter l'école.
Elles sont privées de leur certificat d'institutrice
et sont menacées par les policiers. Mais les
gardiennes sont là pour les défendre. La Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal, protectrice des
intérêts français au Canada, ne laisse pas
passer sous silence leur geste et leur décerne
un hommage très spécial dont voici le texte:
Profondément touchée du dévouement
vraiment héroïque dont la population
canadienne-française d'Ontario continue de
nous offrir le réconfortant spectacle, et ne
pouvant manifester ses sentiments à tous ceux
qui, dans cette lutte, ont mérité de la population
Quand on se décide à mettre
Shannon Dunne avait décidé
de prendre les choses en main. C'est pourquoi elle s'est inscrite
au séminaire "Comment lancer votre entreprise" de la Banque
fédérale de développement.
Aujourd'hui, une dizaine de franchises Pizzanne's
principalement dans la région de Winnipeg
vendent ses pizzas à cuire à la maison, moins de
trois ans après que Shannon et son beau-frère
eurent refermé la boîte sur leur première pizza. Et Shannon
estime que le séminaire de la BFD lui a permis de partir du
bon pied...
En plus d'assurer des services de formation, la BFD aide les
PME à obtenir du financement d'autres institutions. Elle offre
également du capital de risque, des prêts, des cautionnements
de prêts ainsi que
des services de
consultation et de
planification. Ces
services offerts aux
PME dans votre
localité viennent
s'ajouter à ceux du
secteur privé. Pour
plus de renseignements,
communiquez avec le personnel de la succursale la plus
près de chez vous ou téléphonez
sans frais au 1800361-2126.
Cl Ici p
Banque fédérale
de développement
Federal Business
Development Bank
Canada
-, e n'est pas l'infériorité des femmes qui a déterminé leur
insignifiance historique; c'est leur insignifiance historique qui les
a vouées à l'infériorité.»
Simone de Beauvoir
Le deuxième sexe ,1949
VOL 20 NO 3
RECETTE
AUX DAMES
POUR AVOIR
UN HEUREUX
MÉNAGE
I.
Ton cher mari tu aimeras,
Même s'il est parfois méchant!
II.
Et ton ménage tu soigneras,
Ne le quittant que rarement,
III.
De tes enfants t'occuperas,
Jour et nuit diligemment.
IV. Un bon dîner prépareras,
Le variant le plus souvent.
V.
Si l'homme gronde, tu te tairas,
Sans riposter aucunement.
VI. Et s'il a bu, tu garderas,
De le lui dire amèrement.
VIL Jamais tu finterposeras,
S'il a dû punir un enfant.
VIII. Jamais tu ne dépenseras,
Plus qu'tu ne puisses payer
comptant.
IX. À ta voisine ne dis pas,
Tout ton intime affairement.
X.
De ton mari parti prendras:
V'tà l'secret d'être sans tourment.
L'Almanach des familles, 1904, p.57
1916 - Dames gardiennes de l'école Guigues. Au centre,
de chaque côté de la table, Diane et Béatrice Desloges.
Les gardiennes sont en haut (de g. à d.) Albertine
Sarault, Euphrasie Dubé, Annette Trépanier, MarieAntoinette Bérubé, Donalda Biais, Adèle Défayette. Au
milieu (de g. à d.) Alice Lafrenière, Honorine Brazeau,
Valentine Bédard, Yvonne Grenon, Marie-Blanche
Desloges (mère de Diane et de Béatrice), Adelia Richard,
Georgianna Lapierre, Adèle Baizana, Agnès Blanchette.
Assises (de g. à d.) Ernestine De Lasalle, Alexina Fink,
Diane Desloges, Béatrice Desloges, Delisca Dionne.
française et de la justice, la Société Saint-JeanBaptiste de Montréal profite du geste courageux
que viennent de faire les demoiselles Desloges
en résistant à toutes les tentatives de
subordination et en affirmant fièrement que la
lutte actuelle est une question d'honneur et de
devoir pour leur offrir, et offrir en leur personne à
toute la vaillante minorité ontarienne, l'hommage
d'admiration et de gratitude de la population
catholique et française du Québec3.
La lutte se poursuit
L'incident de l'école Guigues ne fut qu'un
parmi tant d'autres dans la lutte des FrancoOntariens contre le Règlement XVII. La crise
scolaire a aussi été caractérisée en 1916 par la
marche de 3 000 élèves des écoles séparées
dans les rues d'Ottawa vers l'Hôtel de Ville pour
demander que soient payés leurs instituteurs. Il
y a eu la démission de tout le personnel
enseignant des écoles bilingues d'Ottawa: 17
écoles furent ainsi fermées libérant ainsi 4 000
élèves. Il n'était pas question d'enseigner en
anglais aux jeunes francophones, même si en
1916 le ministre intérimaire de l'Éducation,
George Howard Ferguson, se rend à Ottawa en
affirmant qu'il prendra tous les moyens pour
faire respecter la loi.
Ce n'est qu'en 1927 que le Règlement XVII
est abrogé et que le gouvernement ontarien
reconnaît le français comme langue de
communication entre les enseignantes et les
élèves. Cette victoire a été gagnée au prix de
beaucoup d'acharnement.
Outre le Règlement XVII, il y eut celui
de parler en anglais quand une personne
unilingue anglophone était présente...
D'autres crises scolaires sont venues par la
suite marquer l'histoire de la francophonie
ontarienne. Nous ne faisons pas ici état du
travail des représentants de l'Association
canadienne-française auprès de l'Assemblée
législative de l'Ontario, ni de nos politiciens et
membres du clergé dévoués à la cause
française, mais ce travail ajeté la base sur
laquelle se fondent aujourd'hui nos acquis dans
le domaine de l'éducation française en Ontario.
L'orchestration de l'effort collectif de toute la
communauté franco-ontarienne et sa constante
vigilance ont déterminé et continueront à
déterminer le succès des revendications du
peuple franco-ontarien, et cela dans un climat
politique qui ne les favorise pas toujours...
Vous connaissez peut-être d'autres
règlements qui ont marqué l'histoire des
minorités francophones au Canada qui
ressemblent étrangement au Règlement XVII?
Comme le «règlement» de parler en anglais
quand une personne unilingue anglophone est
présente...
Je termine sur les propos de Georgette
Lamoureux «... la population... s'impliqua à fond
dans la résistance. Elle ne laissa pas cette
VOL 20 No 3
défense de ses libertés uniquement aux
présidents d'organismes et aux politiciens mais
prit en main sa propre destinée. C'est cela qui
est remarquable et si, à l'heure actuelle, les
enfants canadiens-français étudient, en toute
liberté, leur langue chantée par les poètes, c'est
grâce en grande partie au courage et à la
vaillance de leurs mères et de leurs pères. Il
faudrait leur rappeler cela quelquefois.11»
Des gens m'ont dit que plusieurs FrancoOntariennes se sont défendues par la suite avec
leurs épingles à chapeaux lors de manifestations
de résistance au Règlement XVII sur la Colline
parlementaire. Les gardiennes de l'école
Guigues auraient créé un mouvement qui a
marqué notre histoire.
m
1. Georgette Lamoureux. Histoire d'Ottawa, Tome IV
1900 -1926, Ottawa et sa population canadiennefrançaise, p. 164.
2. Ibid., p. 180.
3. Album Souvenir du 75' anniversaire de l'école
Guigues, p. 30.
4. Op. cit., p. 183.
Monique Dumont est psychopédagogue à l'Université
d'Ottawa.
Les membres de la Fédération, qui sont
regroupés en sections sur une base paroissiale,
s'empressent de confectionner vêtements,
pansements et tricots. La Fédération recueille
des centaines de superbes layettes destinées
aux mères de Belgique et de France. Almanda
Marchand va même jusqu'à transformer le
troisième étage de sa maison en atelier, d'où
des centaines de colis et de «boîtes de
douceurs» sont préparés et expédiés à
destination, tant dans les camps militaires
qu'outre-mer.
LA PART DES FEMMES,
IL FAUT LA DIRE... par Lucie Brunei
ue sait-on de la contribution des femmes canadiennes-françaises
aux oeuvres de guerre? L'exemple de la Fédération des femmes
canadiennes-françaises et de sa présidente, Almanda Marchand,
illustTébien l'apport des femmes durant les deux conflits mondiaux de
1914-18 et de 1939-45.
fi
Prrentière Grande Guerre
C'est au début de la Première Grande
Guerre que naît la Fédération des femmes
canadiennes-françaises, suite à un appel lancé
par la duchesse de Connaught, épouse du
gouverneur-général. Celle-ci demande à la
population canadienne de recueillir des fonds
destinés à équiper un navire-hôpital à l'intention
des blessés des champs de bataille.
En réponse à cette sollicitation, Almanda
Marchand d'Ottawa prend l'initiative de
regrouper, le 16 août 1914, dans les salles du
Monument national, des Canadiennesfrançaises. Le groupe s'entend pour fonder une
société d'aide aux victimes de guerre et pour
travailler au bien-être des soldats canadiens et
aux oeuvres de guerre de la Croix-Rouge. Lady
Laurier, épouse de Sir Wilfrid Laurier et une
amie proche d'Almanda Marchand, en est la
présidente d'honneur. La campagne de
sollicitation pour le navire-hôpital terminée, les
organisatrices remettent à la duchesse la
somme de 2 500$, provenant des offrandes des
familles canadiennes-françaises d'Ottawa et de
Hull. Par la suite, des concerts et des
conférences sont organisés, permettant
d'envoyer des dons généreux à la Croix-Rouge,
au Fonds de secours belge et au Fonds national
de France.
VOL 20 No 3
Consciente des besoins linguistiques
particuliers des soldats d'expression française
qui sont au front, la Fédération entreprend des
démarches pour assurer la présence
d'infirmières et d'aumôniers militaires bilingues
auprès des recrues et des blessés. Elle
demande et obtient un aumônier pour les
militaires des parcs Landsdowne et Rockliffe
d'Ottawa. Tous les jours, un prêtre y célèbre la
messe en plein air pour les conscrits
catholiques. Les femmes de la Fédération
visitent les militaires deux fois par semaine.
En 1918, les membres des sections d'Ottawa
et de Hull font la promesse que si Dieu permet
que la guerre finisse sans autre campagne
d'hiver, elles feront chaque année, le dernier
dimanche de mai, un pèlerinage à la grotte de
Notre-Dame-de-Lourdes à Vanier. Cette
promesse est tenue à la lettre.
L'histoire du blé de Courcelette, en France,
mérite d'être soulignée. En 1921, une mission
française visite le Canada. Au nombre des
invités d'honneur se trouve l'évêque de Dijon,
Mgr Landrieux. À la demande d'Almanda
Marchand, il envoie au Canada des grains de
blé mûris sur les tombes des soldats canadiensfrançais inhumés à Courcelette.
Au cours d'une cérémonie mémorable,
l'aumônier du 22e Régiment, l'abbé Desjardins,
bénit le blé qui est ensuite semé sur la propriété
des Soeurs Grises de la Croix, à Hurdman, près
d'Ottawa. Almanda Marchand déclare que la
récolte sera moulue et employée à faire des
hosties qui seront distribuées dans des
paroisses canadiennes-françaises à travers tout
le Canada. De plus, la Fédération lance une
campagne de souscription afin de faire ériger un
autel-souvenir à Courcelette à la mémoire des
membres du 22e Régiment tombés au champ
d'honneur.
Deuxième Grande Guerre
Lorsque la Deuxième Grande Guerre est
déclarée en septembre 1939, la FFCF prête son
concours aux oeuvres de guerre, dès les
premières heures. Des tricots et des friandises
sont régulièrement expédiés aux soldats
canadiens. Une aide substantielle est apportée à
la Croix-Rouge. Il faut souligner qu'au cours des
deux guerres, la Fédération remet à la CroixRouge du Canada des quantités considérables
de gilets, bas et gants destinés aux nécessiteux
ainsi qu'aux blessés des armées canadiennes et
des armées des pays alliés.
L'apport le plus remarquable de la FFCF
lors du conflit de 1939-45 est l'achat d'une
ambulance militaire qui servira aux soldats
canadiens en Angleterre et sur lequel est inscrit
le nom de l'organisme. En 1942, suite à la
remise, à cette fin, d'un chèque de 1 750$ au
ministère de la Défense nationale, le premier
ministre de l'époque, Mackenzie King, remercie
la FFCF de «ce geste de dévouement
patriotique».
La Fédération crée également une Caisse
de secours de guerre ainsi que des caisses
succursales dans 25 sections réparties à travers
l'Ontario et les provinces de l'Ouest afin de
prélever des fonds pour les oeuvres de guerre.
Des activités spéciales sont organisées, telle
une causerie donnée par son Altesse Royale, la
Princesse Alice, épouse du gouverneur-général,
avec collecte au profit de l'Oeuvre anglofrançaise pour les réfugiés.
Sur un autre plan, la présidente de la FFCF
est convoquée par le ministre des Finances en
vue de mobiliser les Canadiennes à l'effort de
guerre, en les invitant à participer à la lutte
contre l'inflation. Avec Thérèse Casgrain et
Charlotte Whitton, Almanda Marchand donne
des causeries à la radio en décembre 1941. Le
gouvernement compte également sur les
femmes pour mousser la souscription à la
campagne du troisième emprunt de la Victoire.
La guerre de 1939-45 terminée, la
Fédération participe à l'organisation de la
maison de repos des anciens combattants de
langue française au Canada: la Maison
Sac-au-dos, à Ste-Adèle, au Québec.
Durant la présidence d'Almanda Marchand
qui dura 32 ans, le Bureau de direction de la
FFCF fait chanter à chaque année, à la
Basilique d'Ottawa, un service funèbre pour le
repos éternel des victimes des deux guerres.
Chaque section fait célébrer une messe pour
ses membres morts au champ d'honneur. En
outre, les membres de la FFCF prennent une
large part à la vente annuelle des coquelicots
et le bureau national achète et dépose, au
cénotaphe de guerre à Ottawa, une couronne,
le jour de l'Armistice.
offerts aux femmes et aux enfants belges durant
la guerre de 1914-18, le Royaume de Belgique
décerne à Almanda Marchand une décoration
d'honneur de la plus haute distinction.
En 1925, c'est l'Association canadienne des
Vétérans de la Grande Guerre, par l'entremise
du Lt.-Col. Laflèche (Ministre de la Défense
durant la Deuxième Guerre), qui décerne à
Almanda Marchand tentera à plus
d'une reprise de se faire nommer au
Sénat mais sans succès
Une femme fascinante
La présidente de la FFCF avait une
personnalité fascinante. Ce qui surprend surtout
à prime abord, c'est que, bien qu'elle soit issue
d'une famille canadienne-anglaise - la famille
Walker de Québec - elle embrasse la cause des
francophones en épousant Paul-Emile
Marchand, un ingénieur-électricien. En plus
d'élever neuf enfants dans la Côte-de-Sable
d'Ottawa où la famille habite, elle se dévoue à
une multitude d'oeuvres pour lesquelles elle est
constamment sollicitée. Ainsi elle siège à de
nombreux comités d'envergure nationale et
provinciale et voyage à travers le Canada, à une
époque où les moyens de transports sont assez
rudimentaires. Même si elle jouit d'une certaine
aisance financière, elle demeure sensible à la
misère qu'elle veut soulager autour d'elle.
Deux de ses fils, Eugène et Gabriel, servent
dans les rangs de l'aviation durant la Première
Guerre. Eugène est fait prisonnier de guerre par
les Allemands pendant deux ans.
Active au sein du Parti libéral du Canada,
elle tente à plus d'une reprise, mais sans
succès, de se faire nommer au Sénat. Femme
généreuse et volontaire, elle sera l'âme
dirigeante de la FFCF pendant près d'un tiers de
siècle et ne démissionne de la présidence qu'à
l'âge de 78 ans. Elle est décédée en 1949.
Almanda Marchand le Dominion Commandai
FWVA, un diplôme de reconnaissance pour son
inlassable dévouement auprès des orphelins,
des veuves, des malades, et surtout des anciens
combattants et de leurs familles. D'autres
honneurs sont conférés à la présidente de la
FFCF: elle reçoit en 1930 la décoration Pro
Ecclesia et Pontifice accordée par le Pape Pie
XI. En 1943, elle est créée Membre de l'Ordre
de l'Empire Britannique, pour ses loyaux
services à la nation.
La Fédération nationale des femmes
canadiennes-françaises a célébré en 1989 son
75' anniversaire de fondation. L'organisme
compte maintenant près d'une quarantaine de
groupes-membres répartis dans les milieux
francophones à l'extérieur du Québec. Il se
donne pour mandat d'améliorer les conditions de
vie des femmes et travaille à l'avancement de
nombreux dossiers touchant la condition
féminine en milieu minoritaire.
Pour rendre hommage à la fondatrice de
l'organisme, la Fédération a lancé en 1990 la
Bourse d'études Almanda Walker Marchand,
en vue de permettre à une femme francophone
de poursuivre des études.
Il s'agit d'une autre façon de rappeler que la
part des femmes, il faut la dire, afin de ne jamais
l'oublier...
Mi
Le dévouement de la Fédération des
femmes canadiennes-françaises et de sa
présidente - autant aux oeuvres de guerre
qu'aux oeuvres de paix - n'est pas passé
inaperçu. En remerciement pour les secours
VOL 20 No3
Lucie Brunei travaille à son compte comme consultante
à Ottawa. Dans le cadre de la série Témoins du passé de
TV Ontario, elle a effectué la recherche pour l'émission
portant sur Almanda Marchand. Elle travaille
présentement à une biographie à son sujet.
«Toioute jeune, ma mère, Gabrielle Wanii
est venue de la Wallonie en Belgique pour
habiter à Duck Lake en Saskatchewan. Plus
tard, elle a épousé un Britannique immigré dans
l'Ouest. Je n'avais que trois ans lorsque nous
avons quitté la Saskatchewan pour l'Angleterre.
Ce séjour, auprès de grands-parents qui
voulaient connaître leurs petits enfants, a duré
deux ans. Le retour s'est effectué sans mon
père. Ma mère avait alors la charge de quatre
enfants: Eileen l'ainée, Christine ma jeune
soeur, moi-même et un bébé de six mois, mort
par la suite.
Mon père devait rejoindre ma mère mais il
ne l'a jamais fait... Elle s'est alors trouvée un
emploi de secrétaire à Régina où elle avait déjà
travaillé avant son mariage. Nous, les filles,
sommes allées au couvent à Forget, au sud-est
de Régina. Pendant trois ans, les Filles de
Notre-Dame de la Croix, originaires de France,
nous ont enseigné en français. Pour aider ma
mère, elles ont pris soin de la plus jeune même
si elle était d'âge préscolaire.
Francine Anne (au cenlre), en compagnie de ses deux soeurs
CHRONIQUE D'UNE PETITE
PENSIONNAIRE DE L'OUEST
Propos recueillis par Denise Morier
A
l'âge de sept ans, Francine Anne Philo se retrouve pensionnaire
dans un couvent avec ses deux soeurs. Nous sommes en 1928, en
Saskatchewan, à l'aube de la Dépresssion et d'une grande
sécheresse dans l'Ouest. Sa mère, cheffe de famille monoparentale, doit
travailler pour subvenir à leurs besoins. Francine passera près de dix ans de sa
vie au pensionnat. Qu'a-î-elle retenu de ces années et de sa vie auprès des
religieuses? Longtemps enfouientau fond de sa mémoire, elle nous fait partager
ici quelques-uns de ses souvenirs.
VOL 20 No 3
En 1931, nous nous sommes retrouvées
chez les soeurs de la Présentation de Marie à
Duck Lake. Ces dernières avaient été les
institutrices de ma mère et de sa soeur Yvonne.
A cet endroit, bien que nous vivions au couvent,
nous devions aller à l'école publique. En
Saskatchewan, la majorité religieuse avait, à
cette époque, la responsabilité de l'enseignement dans les écoles publiques. Huit ans
plus tard ma mère nous a fait venir plus près
d'elle à Winnipeg, nous avons été placées chez
les Oblates au village de Saint-Charles. L'année
suivante cependant, je suis retournée à mon
pensionnat à Duck Lake pour y terminer mes
études.
Une mère novatrice
Pendant ces années au couvent, ma mère
vivait avec sa soeur Yvonne; l'une était
responsable du ménage et l'autre du loyer. Puis
elle a perdu son emploi chez des avocats à
Régina. Elle est entrée au service d'une
compagnie d'assurance à Saskatoon qui un an
plus tard s'est fusionnée à une compagnie de
Winnipeg. Ma mère, secrétaire par excellence,
a pu conserver son poste en acceptant une
diminution de salaire de 25%. Elle tapait à la
dactylo un peu comme elle tricotait... à une
allure vertigineuse! Elle était souvent plus
éduquée que ses patrons devenus riches lors de
spéculations. Elle a même poursuivi des études
à temps partiel en «business» sous la direction
des religieuses.
A son retour à Winnipeg, elle est demeurée
au YWCA où logeaient des dames seules; on la
croyait veuve. C'est là qu'elle a rencontré ses
premières amies. Puis ma soeur Eileen est
venue la rejoindre et elles ont vécu dans un
appartement communautaire où l'on partage la
salle de bain et la cuisine. Je suis persuadée
que mes grands-parents envoyaient de l'argent
à ma mère même si elle n'était que leur bru. Un
geste, à mon avis, peu courant pour cette
époque.
Le français et la religion:
illégal...
Au cours des années passées à Duck Lake,
je me souviens que le gouvernement Anderson
de la Saskatchewan avait défendu aux
religieuses de porter leur uniforme religieux si
elles enseignaient dans des écoles publiques.
Un règlement suivi par les soeurs de la
Providence dans la petite campagne de
Donrémi. D'autres, comme les soeurs de la
Présentation cachaient leur crucifix et revêtaient
une toge. Sur les murs, des reproductions de
peintures de la renaissance italienne
remplaçaient le crucifix. En Saskatchewan, le
seul cours en français qui était reconnu par le
ministère de l'Éducation était, ce qu'on appelait
entre nous, le «French-English» soit la
GABR1ELLE
WANT[ PHILO
SECRÉTAIRE
DB 1921 à 1931, les femmes ne
gagnent que 54 à 60% du salaire des
hommes. Elles sont censées être
courtoises et affables. Les femmes
doivent prouver qu'elles sont
respectables pour obtenir un emploi et
l'on surveille leur vie privée.
Vers des horizons nouveaux:
fa femme canadienne de 1870 à 1940,
Jeanne L'Espérance, Arch. publ. Canada
-Y.
traduction. Une association de langue française
l'ACFC organisait cependant des couis
parallèles à la fin de la classe. Nous n'avions
aucun livre de littérature canadienne, tout était
polycopié. L'enseignement de la religion se
faisait après la classe. Plus tard, alors que
j'étudiais chez les Oblates à Saint-Charles au
Manitoba, une religieuse m'a enseigné le
français en privé. Sa congrégation avait obtenu,
je ne sais comment, des livres en français.
La vie de couventine
Les amitiés n'étaient pas encouragées entre
pensionnaires. J'ai toujours cru, par exemple,
qu'il était interdit de se promener bras dessus
bras dessous pour éviter les maladies
contagieuses.
Les religieuses nous transmettaient leurs
valeurs surtout par leur comportement et leur
manière de vivre. Je me rappelle, entre autres,
la mort d'un élève anglican. Pour se rendre au
cimetière, le cortège devait passer devant notre
couvent; la soeur supérieure nous avait ordonné
de sortir et d'assister au passage du corbillard.
Ceci par respect... et ça m'a toujours
impressionné.
Pendant les Fêtes, certaines d'entre nous
restaient au couvent. C'est la seule fois dans
l'année où l'on se levait plus tard que 6hOO du
matin. Il y avait un dépouillement d'arbre de
Noël et la directrice jouait à la Mère Noël. J'ai
toujours cru que plusieurs fillettes n'auraient rien
reçu si les religieuses n'avaient pas commandé
des jouets du catalogue Eaton.
Les soeurs ont été bonnes pour moi. Malade
pendant un mois (j'avais attrapé la rougeole et
la coqueluche), elles m'ont soignée et comme je
ne digérais que les bananes, elles en ont trouvé
même si c'était une denrée rare pendant la
dépression.
La discipline régnait et, à ma connaissance, il
y avait peu de punitions corporelles. La directrice
se servait alors de ce qu'on appelait la «strape»,
mais très rarement. D'autres, je sais, ont vécu
des expériences différentes. Il faut dire que
j'avais très peur des «scènes», que j'étais sage
et très gênée!
Je correspondais régulièrement avec ma
mère. Les premières années, une religieuse,
Soeur Ludovick écrivait pour moi. Elle me disait :
«Que voulez-vous dire à votre mère?»
Naturellement, je ne le savais pas. Alors, elle
VOL 20 No 3
Francine Anne Philo Morier
disait : «Voulez-vous dire telle ou telle chose?»,
et elle écrivait pour moi. J'ai eu peu de contact
avec mes soeurs car les activités étaient
divisées en trois groupes et nous appartenions à
des groupes différents. Ce n'est que plus tard
que j'ai connu ma soeur ainée.
En général, je dirais que ma vie au couvent
s'est avérée une expérience positive. On ne
nous offrait pas souvent de compliments car il ne
fallait pas devenir orgueilleuse. Les compliments
étaient plutôt indirects; en grammaire la
religieuse lisait le travail d'une élève et disait, par
exemple: «Regardez-moi comme c'est bien
écrit.» Malgré cela nous recevions de
l'encouragement et de l'aide pour nos études.
En somme, je dirais que ça m'a donné une
formation imbattable. Elle m'ont peut-être appris
que l'on doit toujours quelque chose à la
communauté dans laquelle on vit.»
Au sortir du couvent, Francine Anne Philo est
allée suivre un cours d'infirmière à Régina, l'une
des trois carrières possibles pour les filles. Elle a
travaillé et enseigné, à temps partiel, jusqu'à son
mariage. Aujourd'hui et depuis ce temps, elle
participe de façon bénévole à diverses
organisations dans la région de Winnipeg au
Manitoba.
it i
Denise Morier est la fille de Francine Anne Philo. Elle
travaille au Congrès du travail canadien à Ottawa.
1930-1950'"'BRAVO, LES F E M M E S !
M 4w «rfouf»
co«tr»-Mtvr«,
«t e««form« à ko loi »oh«r«IU.
«L'historien qui écrira l'histoire de notre siècle portera sur
notre génération le jugement qui suit: On rencontrait des
femmes anormales qui, méprisant les fins pour lesquelles
elles avaient contracté mariage, fermaient la porte à
l'enfant qui eût égayé leur foyer et préféraient déverser
leur affections sur des chiens... Le paganisme de ce
siècle était peut-être plus raffiné que celui des Grecs et
des Romains, mais il n'en différait pas essentiellement...
«//s se marient sans tenir compte de Dieu et sans penser
à Lui et, semblables aux bêtes, ils n'écoutent que leurs
passions.» — Tobie, VI, 17»
ANNETTE ST-AMANT OU MERE-GRAND
uelies étaient les
préoccupations des
Franco-Manitobaines de
1930 à 1950? Pour connaître leurs
propos, dont il ne reste que peu de
traces, les courriers du coeur, publiés
dans les journaux de l'époque, se
révèlent une mine d'or. Que viventelles? Que racontent-elles? L'article
qui suit nous fait entendre l'écho de
leurs paroles dans une période
qualifiée de traversée du désert1 pour
la communauté franco-manitobaine.
Ô
u,
ne société menacée
Lors de la création du Manitoba, en 1870,
les deux groupes colonisateurs avaient presque
la même importance démographique. L'Acte du
Manitoba, qui donne le statut de province à cette
région, accorde des garanties constitutionnelles
aux francophones et aux anglophones tant du
point de vue religieux que linguistique2.
Vingt ans plus tard «Les francophones
perdent l'égalité devant la loi mais aussi tout ce
qui découle du niveau constitutionnel: une
fonction publique bilingue, des publications
gouvernementales bilingues, des tribunaux
provinciaux bilingues3.»
En 1915-1916, pour mieux canadianiser les
multiples groupes ethniques minoritaires déjà
présents au Manitoba (Allemands, Ukrainiens,
Polonais) le gouvernement Norry adopte une loi
qui accorde seulement à l'anglais le droit de cité.
0
VOL 20 Mo 3
par Monique Hébert
La race canadienne-française est grandement
menacée dans sa langue et sa religion4.
«Toutes les énergies, financières ou autres,
seront uniquement consacrées à la question des
écoles5.» Le rôle des femmes dans cette lutte
n'a pas été mis à jour puisque les porte-parole
étaient des hommes.
La communauté francophone du Manitoba
persiste à enseigner dans l'illégalité sa langue et
sa religion6. Pour appuyer sa lutte, l'Eglise dote
la communauté d'un journal libre de toute
allégeance politique et capable de parer les
coups grâce à son indépendance financière: La
Liberté.
Un journal reflet
de son époque
Quatrième journal francophone de la
province depuis sa création, La Liberté, fondé en
1913, par l'évêque de St-Boniface Monseigneur
Langevin est dirigé par une communauté
d'envergure.les Pères Oblats de Marie
Immaculée. Il se veut un outil de combat pour
défendre les droits des francophones. Sans être
progressiste, il possède sa chronique féminine
reflétant une époque où les femmes
s'approprient peu à peu le droit de parole.
Il ne faut pas s'étonner de retrouver cette
page féminine dès 192Q7 car, dès le début des
années 1890, on assistait au Québec à la
naissance d'un journal fondé par Joséphine
Marchand Dandurand, intitulé «Au Coin du
Feu». Dans cette province, pendant la période
de 1930 à 1950, cinq différents journaux, dirigés
par des rédactrices en chef, vont s'adresser aux
Québécoises8. La Liberté ne diffère donc pas
des journaux d'époque tels que La Patrie, La
Presse ou Le Devoir qui possèdent eux aussi
des rubriques féminines. Dans le journal francomanitobain, la «Page Féminine» se retrouve en
général à la deuxième ou troisième page entre
les annonces de la farine «Purity», du thé «Blue
Ribbon» et des concours d'histoire9. Cette
chronique, qui possède son editorial signé la
plupart du temps par une femme dont le nom de
plume est Jacqueline des Érables, sera présente
jusqu'en 1950. Deux femmes au Manitoba
joueront cependant un rôle-clé pour permettre à
la population féminine de s'exprimer par le biais
d'une chronique de correspondance: Annette et
Paule St-Amant.
Les soeurs Saint-Amant sont nées à l'Avenir,
au Québec; petites filles du dernier seigneur de
la Chevrotière, leur père est écrivain-notaire et
historien. Après des études chez les soeurs de
l'Assomption et des Ursulines de Québec, Paule
et Annette quittent le Québec pour répondre à
l'appel de l'abbé P. Gravel qui réclame des
institutrices diplômées de langue française pour
Gravelbourg en Saskatchewan. En 1918,
Annette épouse Donatien Fremont, futur
rédacteur en chef du journal La Liberté (de 1923
à 1943). Lorsque les deux époux sont engagés
à La Liberté,«La Page féminine» est rajeunie et
rénovée avec l'apport intelligent et approprié de
Mme Fremont10. Cette dernière avait déjà
contribué à une «Page féminine» dans le journal
Le Patriote de l'Ouest. Elle ouvre également une
chronique dans la page réservée aux enfants
sous le pseudonyme de Mère-Grand.
Après sa mort, en 1928, Paule Saint-Amant
prendra la relève pendant dix-huit ans auprès de
son beau-frère.
Histoires de coeurs,
histoires de moeurs
Le 20 septembre 1933 paraît, sous la
responsabilité de Paule, la première chronique
«Courrier de Mère-Grand» qui se poursuit
jusqu'en 1939, année où la guerre vient
perturber toutes les colonnes du journal. MèreGrand insiste sur le fait qu'elle répondra à toutes
les demandes et surtout, rassure-t-elle: «Ne
craignez pas de m'importuner, je suis à votre
entière disposition11.»
En fait, peu de choix de carrière s'offrent
aux femmes. À une personne qui a signé
«Institutrice», Mère-Grand répond: «Pourquoi
frissonnez-vous ainsi sur les jours à venir? Vous
n'avez aucune envie de la vie religieuse, vous
ne voulez pas vous marier et rien que la pensée
de coiffer la Sainte-Catherine vous effraie à ce
point. Quel enfantillage! Retournez-vous en à
vos élèves15.» Quant au bonheur, Mère-Grand
affirme que «Ce n'est pas possible, chère amie;
vous allez bien vite reconnaître que vous faites
fausse route. Le mirage du bonheur est
«Votre mari a raison. C'est bien mal
comprendre sa tâche que de se dévouer pour
des étrangers et de négliger sa famille.»
On ignore si Mère-Grand répond seulement
par l'intermédiaire de sa chronique ou si elle
entretient une véritable correspondance avec
ses lectrices. De plus, seules sont publiées les
réponses. On ne connaîtra jamais la question
de Brunette et qui lui valut les conseils suivants
: «Continuez à être vous-même simplement;
défiez-vous de ces rôles adoptés par dépit,
qu'on joue maladroitement et qui masquent la
vraie personnalité. C'est à ce prix que vous
garderez l'estime et l'affection de votre ami12.»
En elle, les femmes francophones du
Manitoba trouvent une oreille pleine de
compassion. Maintes fois.eUe débute sa réponse
par «Ah, combien je vous comprends» ou
encore «Je comprends fort bien votre situation
mais...»
trompeur. Cherchez plutôt le calme de la
conscience16.» En fait, l'altruisme reste le seul
secret du bonheur: «Sortez de vous-même et
pensez aux autres17.» En somme, toute la vie
des femmes sera réglementée par les rapports
de sexe13.
Très peu de réponses de Mère-Grand
touchent des questions de religion, de langue ou
de race. Ce n'est que beaucoup plus tard, après
la Deuxième Guerre mondiale, qu'apparaissent
des propos de ce genre.
Courrier de Louise
Les lectrices de Mère-Grand la questionnent
vraiment sur tout: la santé; la dichotomie entre
les gens de la ville et ceux de la campagne;
l'éthique soit sociétale, familiale ou les relations
amoureuses; l'amitié; les enfants; l'économie; la
nourriture. L'abnégation totale de la femme est
encouragée à maintes reprises. À Mme L,
Mère-Grand recommande: «Non, il ne serait pas
raisonnable d'influencer votre mari pour lui faire
quitter le village. Vous dépenseriez vos
économies en pure perte. Mettez de l'intelligence et du coeur à aimer les travaux de la
ferme13.» À une mère de six enfants, elle
conseille : «Votre mari a raison. C'est bien mal
comprendre sa tâche que de se dévouer pour
des étrangers et de négliger sa famille14.»
VOL20 NOS
fymsd'aiïm
La chronique de Mère-Grand mourra avec la
Deuxième Guerre mais une chronique similaire
renaîtra le 21 janvier 1942 sous le nom de
«Courrier de Louise», publié toutes les deux
semaines, dans la «Page Féminine». Sous
cette chronique, désormais, Louise publie les
lettres et les réponses. Qui était cette nouvelle
chroniqueuse? Le mystère sur son identité reste
à élucider mais, de toute façon ce sont les
propos de ses lectrices qui sont les plus
révélateurs.
D'ailleurs, pourquoi lui écrivent-elles? Louise
les incite à chercher conseil auprès d'elle:
«Vous avez peut-être un problème à résoudre,
quelque règle d'étiquette que vous aimeriez à
connaître, quelque procédé sur lequel vous
désirez être renseigné19?» Les questions sont
aussi variées que celles de la décennie
précédente: «une jeune fille doit-elle adresser la
parole en dansant? Lorsqu'un prêtre entre au
salon, les femmes doivent-elles se lever? Doiton accepter des cadeaux des jeunes jeunes
hommes? Les questions de guerre touchent
aussi les femmes. Une jeune fille qui veut entrer
dans le service auxiliaire de l'armée ou de
l'aviation doit-elle avoir un certificat d'études20?»
«Je désirprais connaître le procédé à suivre
pour faire parvenir de mes nouvelles à mes
psrents en France occupée et en recevoir
d'eux21.» «Est-ce qu'on peut se procurer des
formulaires d'applications en français pour
obtenir les coupons de rationnement
d'essence22?» «Une telle doit-elle se marier
avant le départ pour la guerre de son ami?
Qu'arrivera-t-il après la guerre? Devra-t-on
quitter son emploi? Est-ce que les jeunes filles
peuvent travailler au «Macdonald's Aircraft23?»
Les questions de religion semblent plus
préoccuper les femmes des années '40. À
moins que Louise croit plus que Mère-Grand
que ces questions intéresseront ses lectrices!
Par exemple : «Je fréquente un jeune homme
protestant et, vu que je suis catholique, on me
blâme. Quel mal peut-il y avoir? On ne parle
jamais de religion l'un l'autre24•• Louise répond
naturellement qu'il s'agit d'une trahison de sa foi,
de sa religion, de sa nation. Ce sont en général
les parents qui s'opposent à ce genre de
fréquentations et Louise renforce l'autorité
parentale en leur donnant entièrement raison25.
Quant aux moeurs, les correspondantes
continuent toujours de s'en faire des questions
de morale. «Que faut-il penser d'un jeune
homme qui veut se permettre certaines
familiarités malhonnêtes avec sa fiancée sous
prétexte que bientôt il la mariera26?» «Une jeune
fille doit-elle remettre les cadeaux qu'elle a reçus
d'un jeune homme si elle refuse de l'épouser27?»
Il ne faut donc pas s'étonner de l'article «Les
hommes font les lois, les femmes...les moeurs»
écrit dans la chronique «Pour vous,
Mesdames»28.
Grâce à l'initiative d'Annette et de Paule
St-Amant et par les témoignages qu'elles nous
ont légués dans les courriers de Mère-Grand et
de Louise, les Franco-Manitobaines nous
révèlent, en partie, le rôle qu'elles ont joué dans
la survie de leur société. À elles revient le
mérite d'avoir préservé, dans le quotidien, la vie
française dans l'Ouest.
I II
Que dire de leur vie?
L'histoire officielle a souvent passé sous
silence la contribution pourtant essentielle des
femmes à la survie de la communauté. En effet,
cette histoire officielle s'attache davantage,
sinon exclusivement aux revendications
scolaires, linguistiques et juridiques. Pour leur
part, les femmes accomplissaient chaque jour,
gratuitement, des gestes permettant de
perpétuer la vie. Confinées au domaine «du
quotidien, du privé, de l'affectif29», les femmes
ont dû, au Manitoba comme ailleurs, s'effacer
pour mettre de l'avant des besoins, les désirs
PLUS QUE MÉNAGÈRES:
FEMMES COLLABORATRICES
n plus des
des autres, que ce soit avant ou après la
Deuxième Guerre mondiale, les FrancoManitobaines perpétuaient la vie de ce qu'on
nommait alors la «race canadienne-française»,
avec toutes ses particularités alimentaires,
vestimentaires, linguistiques et religieuses.
Originaire du Québec, Monique Hébert habite depuis
huit ans le Manitoba où elle a enseigné au palier
secondaire. Détentrice d'une maîtrise, elle poursuit des
études doctorale en histoire des femmes à l'Université du
Manitoba.
Sincères remerciements à Denise Veil/eux pour ses
conseils forts judidieux
1.
Blay, J., L'article 23, p.59
2.
Blay, J., op.cit., p.16
3.
Blay, J., op.cit., p.25
4.
5.
6.
7.
Groulx, L., L'appel de la race
Blay, J., op.cit., p.53
Ferland, M., Les batteux
Chaput, H., Donatien Fremont, journaliste de l'Ouest,
pp16-17
8. Eid-Fahmy, N., «La presse féminine au Québec», in
Cohen, Y. et al Femmes et pouvoir politique.
9. La Liberté, bobines 1920-1924 et 1924-1926
10. Ibid
11. Ibid, vol. XXI, no 17, le 20 septembre 1933
12. Ibid, vol. XXI, no 29, le 13 décembre 1933
13. La Liberté, vol.XXI, no 35, le 30 janvier 1934
14. Ibid
«Mon Dieu, laites que j'aie au ciel en
balayant la place»
F. Gaudet-Smet
tâches quotidiennes,
les femmes rurales,
durant la période
1900-1940,
assument encore très souvent des tâches de
pharmaciennes, d'infirmières, de sages-femmes,
rôle qui va souvent de pair avec les soins à
donner aux morts.
Avec le développement de la poste, du
téléphone, du travail de bureau et de commerce
de détail, on les voit travailleuses de poste,
téléphonistes, épicières collaboratrices du mari
dans une entreprise artisanale,...
Ces nouveaux
rôles assumés par
les femmes rurales,
en plus de mettre en
relief l'importance de
la femme dans ia vie rurale, ont certaines
caractéristiques communes annonciatrices d'un
modèle de cycle de vie féminin qui se
perpétuera jusqu'à nos jours. Elles exercent des
tâches d'appoint, en plus du travail ménager,
pour dépanner ou aider financièrement, souvent
gratuitement ou pour un salaire dérisoire, avec
bonne humeur et dévouement même en étant, la
plupart du temps, étroitement surveillées par tes
hommes.
Source: Vers des horizons nouveaux: la femme canadienne 1870 à 1940, Arch. pubi. Canada.
VOL 20 NO 3
15. La Liberté, vol.XXI, no 35, le 30 janvier 1934
16. Ibid, vol.XXI, no 37, le 18 février 1934
17. Ibid, vol.XXI, no 39, le 28 février 1934
18. Strong-Boag, S., The New Day Recall, p.3
19. La Liberté et le Patriote, vol. XXIX, no 38, le 21
janvier 1942
20. Ibid, vol. XXIX, no 47, le 25 mars 1942
21 .Ibid, vol. XXX, no 12, le 29 juillet 1942
22. Ibid, vol. XXIX, no 45, le 11 mars 1942
23. Ibid, vol. XXIX, no 41, le 11 février 1942
24. Ibid, vol. XXIX, no 40, le 4 février 1942
25. Ibid, vol. XXX, no 4, le 28 mai 1942
26. Ibid, vol. XXIX, no 41, le 11 février 1942
27. Ibid, vol. XXIX, no 42, le 18 février 1942
28. Ibid, vol. XXXIV, no 46, le 7 mars 1947
29. Lemieux, D, et Mercier L, les femmes au tournant
du siècle, 1989, p.31
QUI A PEUR DE MATHILDA
g 7 ne rencontre intéressante avec une femme hors du
i J
commun qui consacre sa vie à la justice sociale : de
^""^
ses années formatrices avant la guerre à son action
dans le milieu syndical en passant par l'action politique.
JL/e soleil était de la partie en cette matinée
hivernale, de tin décembre; il était ià pour
m'accompagner à un rendez-vous très important
puisque j'allais rencontrer une personnalité
reconnue de la communauté acadienne. Une
femme que moi, Acadienne expatriée au
Québec depuis plus de quinze ans, je
connaissais peu, Mathilda Blanchard.
Personnage public, Mathilda Blanchard a
créé bien des remous, suscité de nombreuses
controverses dans cette région du Nord-Est,
particulièrement durant les années '60.
Approuvée par les uns, critiquée par les autres,
elle ne laissait personne indifférent. Mathilda
Blanchard, première femme à s'engager dans le
mouvement ouvrier, avec les travailleurs-euses
des usines de poissons. Première femme
également à tenter d'investir les lieux du pouvoir,
dans une Acadie qui, à l'époque, n'approuvait
pas de telles initiatives de la part des femmes.
En avance sur son temps, elle en a fait jaser
plus d'un et a fait couler beaucoup d'encre.
J'avais encore cette image de la femme qui ne
mâche pas ses mots quand elle a quelque chose
à dire, de celle qui n'a pas froid aux yeux, quand
il s'agit de se porter à la défense des plus
démuni-e-s.
J'ai découvert une femme calme et sereine,
à qui je n'aurais pas donné 70 ans. Dans la
chaleur enveloppante du poêle à bois de sa
maison à Caraquet, elle m'a
raconté les hauts et les bas de
sa vie publique et surtout, elle
m'a parlé de la jeune fille
qu'elle a été.
Des années
formatrices
J'ai grandi dans une famille
différente de celles qui nous
entouraient, me dit-elle.
'.'•_'
(, ;,
Occupant le troisième rang
- ' - ' A ' '*•
d'une famille de six enfants,
elle a eu un père qui avait un
sens inné de l'organisation. Il a d'ailleurs été
organisateur général de la Société l'Assomption
durant de nombreuses années. «Mon père a été
un modèle pour moi. Il lisait beaucoup et
valorisait l'apprentissage autant chez les filles
que chez les garçons.» Sa mère avait déjà
beaucoup voyagé quand sa famille s'est
installée à Caraquet, tour à tour enseignante et
maîtresse de poste, elle avait une ouverture
d'esprit et un savoir qui ont certainement
influencé notre Acadienne.
«J'ai grandi entourée de livres. De plus, nous
étions abonnés à divers journaux ce qui nous a
donné une ouverture sur le monde que bien de
nos compagnons et compagnes de classe ne
possédaient pas.» Après l'école publique, c'est
au couvent qu'elle poursuivit ses études. De
VOL 20 No 3
Mathildafà droite), !944
cette période, elle souligne: «Enfant j'écrivais
beaucoup et plus tard au couvent, les «bonnes»
soeurs détruisaient mes écrits: poésies, pièces
de théâtre, etc.
Pour la reconnaissance
des droits
De cette période, les années 1930-40, elle
me souligne l'emprise de la religion catholique
sur les gens, particulièrement sur les femmes, à
qui l'on imposait toutes sortes de règles.
Mathilda Blanchard n'a pas hésité à maintes
reprises à les transgresser. Ainsi, elle a porté le
pantalon à son école; ce qui est devenu pratique
courante par la suite. Même scénario pour la
bicyclette et la natation qu'elle a commencé à
pratiquer dès l'âge de 10 ans. Je ne faisais pas
ça pour être différente des autres, me dit-elle,
mais pour le plaisir, parce que j'avais envie de le
faire.
Survient la guerre, les femmes sont appelées
à remplacer les hommes partis au front.
Mathilda quitte sa région natale pour aller
travailler dans les usines à Windsor en Ontario.
Elle s'inscrira à un cours de peinture au fusil.
Tenue de s'arrêter pour des raisons de santé
(empoisonnement au plomb), elle se dirige vers
Montréal et travaille comme inspecteur dans la
peinture. Elle est la première femme à exercer
ce poste au Canada. Dans la même période,
elle suivra un cours de coiffeuse «par la force
des choses... beaucoup de choses...» C'est à
Caraquet, dans son village natal, qu'elle ira
exercer son nouveau métier. «Par la suite, je
suis restée à Caraquet parce que je suis tombée
en amour.» Dans les années qui suivirent, elle
donna naissance à trois enfants: deux garçons
et une fille.
Mathilda
Blanchard,
1990
«Les conditions de iravail, malgré des
années de revendications, semblent se
détériorer à mesure que progresse
l'industrie des pêches. C'est surtout chez
les femmes que le résultat de ces
conditions malsaines se manifeste le
plus. Puisqu'elles sont responsables de
80% de tout le travail qui se fait, le
portrait en est d'autant plus sombre. Et
qui fera enquête sur la santé de celles qui
sont responsable de la vie d'une autre
génération.»
Mathilda Blanchard
Extrait, MANIFESTE, sept. 1979
L'Évangéline
Toujours pour Injustice
sociale
De son engagement dans le mouvement
syndical, elle me confie: «C'est par la coiffure
que j'ai été amenée à m'engager dans le
mouvement ouvrier. On est venu me chercher
parce que j'avais un certain savoir et que j'avais
de la facilité à m'exprimer en public.» Les
travailleuses des usines de poissons qui
fréquentaient son salon de coiffure l'ont sollicitée
pour être secrétaire de leur regroupement, puis
très vite à défendre leurs droits. «On m'a monté
une image, à savoir que je pouvais régler les
problèmes de tout le monde et, d'ajouter
Madame Blanchard, de tous les temps, les
citoyens en général ont toujours cherché
quelqu'un pour parler en leur nom.»
Pour Mathilda Blanchard n'a été ni le début
ni la fin de sa carrière. Première femme de sa
communauté à parler dans les assemblées
politiques, composées majoritairement
d'hommes, elle rappelle que c'était très mal vu
qu'une femme se lève pour parler, me dit-elle,
dans cette société qu'elle considère fermée,
traditionnelle et catholique. Elle a aussi à
différentes reprises posé sa candidature à divers
niveaux, tant municipal, provincial que fédéral.
Elle garde de cette période des souvenirs pas
toujours agréables. Non seulement un grand
nombre de femmes ne l'ont pas supportée, mais
elles ont été nombreuses à la bouder en ne
fréquentant pas son «salon».
«J'ai été dérangeante, parce que je disais
des vérités qu'on ne voulait pas entendre et, de
continuer Madame Blanchard, on ne m'a pas
acceptée parce que je travaillais pour les
assistés sociaux, pour les plus démunis. Ça
existe toujours des gens qui n'ont pas d'argent.
L'écart des salaires entre les ouvriers et les
professionnels est encore plus grand... Lénine,
Marx l'ont écrit, il faudra un jour le répéter: les
hommes ne valent pas plus les uns que les
autres. L'un ne vaut pas 70 000$ par année et
l'autre 10 000$, c'est absurde!» Elle ne sera
pas élue, mais aura certainement tracé un
chemin pour les femmes qui suivront. Ainsi,
quelques années plus tard, lorsque sa fille se
présente comme conseillère à la ville, elle
remporta la palme avec forte majorité. Elle sera
la première à occuper ce poste au NouveauBrunswick.
Nul n'est prophète dans son pays et la
maxime lui va comme un gant. Invitée ces
VOL 20 No 3
dernières années à prononcer des conférences
à travers le Canada (Montréal, Québec, Toronto,
Rimouski), ce n'est que tout récemment que le
Nouveau-Brunswick lui lance de semblables
invitations. En 1988, on lui rend hommage en lui
accordant le prix «Séraphin Marion», de la
Société St-Jean-Baptiste, la désignant ainsi
personnalité francophone de l'année. Elle est la
première femme à recevoir cet honneur. Elle ne
semble pas garder rancune pour toutes ces
difficultés qu'on lui a fait subir. Au contraire, elle
est encore déterminée à travailler pour les gens
du peuple. «Il y a encore des choses à faire ici,
des revendications à mettre de l'avant. Il faut
arrêter de faire monter les hauts salaires; au
bout de la ligne, ce sont toujours les plus
pauvres qui paient.»
Après ces années d'intense activité qui la
tenait occupée sept jours par semaine, Mathilda
Blanchard se permet un peu de repos. Elle
travaille présentement à mettre sur pied un
syndicat qui serait davantage à l'image des
Acadiens; occasionnellement, elle se porte à la
défense de travailleurs-euses devant des
conseils arbitraux. De rester active, me dit-elle,
ça m'empêche de vieillir.
Elle a entrepris récemment un autre projet
qui lui tient à coeur, la rédaction de ses
mémoires. Ce projet nécessite une bonne
somme de travail mais quand on s'appelle
Mathilda Blanchard, le travail ne nous fait pas
peur.
En terminant l'entretien, nous parlons du
mouvement féministe. «Je ne suis pas féministe,
et je ne suis pas d'accord avec toutes les
revendications des féministes», me dit-elle. Mais
quand je lui demande si elle n'a pas aidé la
cause des femmes et tracé la voie à d'autres
femmes qui, aujourd'hui veulent intégrer l'arène
politique au Nouveau-Brunswick, elle est
d'accord avec moi. Une phrase me revient en
mémoire de cet entretien et qui démontre bien la
détermination dont a fait preuve madame
Blanchard, au cours de ses nombreuses années
d'implication politique. Un jour elle répond à
quelqu'un qui l'avait traité de Jeanne D'arc. «Je
suis peut-être une Jeanne D'Arc, dit-elle, mais
moi, vous ne me brûlerez pas.»
«I I
Colette Godin occupe le poste de coordonnatrice au
Centre des femmes Actu'Elles à Buckingham, Quebec.
Elle est aussi pigiste en communication.
Aux écoutes
Bulletin de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises
Vol. 4, No 3
Mars 1991
Le bulletin de liaison de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises
a comme objectif d'informer toute personne intéressée à la vie associative des femmes
au Canada français de l'évolution de ce mouvement. Il rend compte des dossiers, des
services, des actions et des recherches de la FNFCF et de ses groupes affiliés. Il
présente également des nouvelles des groupes homologues. Publié pour la première
fois à l'intérieur de la revue Femmes d'action, FNFCF aux écoutes souhaite ainsi élargir
son bassin de lectrices et offrir une meilleure connaissance du travail collectif des
femmes francophones.
Ce troisième bulletin de l'année met l'accent sur l'importance de la participation
politique des membres de la FNFCF au projet de société coordonné par la FFHQ
(auquel l'organisme est affilié): Dessein 2000.
Message de la présidente
Pour une société à notre image
La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises se
prépare à collaborer à une vaste consultation concernant l'avenir
de la francophonie hors Québec. Cette consultation, préparée par
la Fédération des francophones hors Québec, a comme principal
objectif de jeter les bases d'un nouveau discours pour mieux établir
notre position au sein de la société canadienne et la place que nous
souhaitons y occuper dans l'avenir. Pour les femmes regroupées
au sein de la Fédération nationale des femmes canadiennesfrançaises, cette participation est capitale.
L'affirmation politique de notre organisme en vue d'une meilleure
connaissance et reconnaissance du mouvement associatif des
femmes est déjà bien engagée, nos initiatives (comme vous le lirez
dans ce bulletin) en sont la preuve. Nous nous devons de poursuivre en ce sens car les défis qui se posent devant nous, comme
femmes et francophones, sont énormes. Ce n'est qu'au prix d'un
engagement collectif dynamique et fort que nous réaliserons ce
partenariat souhaité quant à l'orientation des décisions politiques
concernant notre avenir et celui de nos enfants. C'est avec ce
« pouvoir» en tête que je vous invite à participer au projet de société
Dessein 2000 dans le cadre de notre Assemblée générale annuelle en juin prochain.
Claire Lanteigne
présidente nationale de la FNFCF
Dossier francophonie
Le fait français au pays :
à nous d'y voir!
Le Canada est, depuis l'échec du lac Meech, en plein questionnement sur son avenir constitutionnel. Au Québec, la Commission
Bélanger Cam peau a déjà entendu des dizaines de mémoires dont
celui de la FNFCF reçu aux audiences publiques en compagnie de
la FFHQ en novembre dernier.
De son côté, le gouvernement canadien a mis sur pied la
Commission Spicer et le Comité mixte spécial sur la procédure de
modification de la constitution.
Notre participation au projet Dessein 2000
Outre la Commission Spicer, une autre avenue s'offre à nous,
cette fois, pour établir notre vision de la francophonie canadienne,
de la place que nous souhaitons occuper et du rôle que nous entendons jouer. Dessein 2000 se veut un nouveau projet de société
pour la francophonie hors Québec et vise, comme l'annonce le
Comité d'orientation de la FFHQ, à développer un «discours de bâtisseurs». Ce nouveau discours insistera sur la mise en valeur de
notre dynamisme et notre combativité par opposition à la notion de
minoritaire et de l'image de «citoyen-nés de deuxième classe» qui
nous accompagne depuis quelques années déjà. Pour faire face
suite
F N PCF
A U X ; E G 0 UsT E S
Dossier francophonie
aux années 1990 dans un contexte de changements comme nous
le connaissons, la francophonie hors Québec se doit d'utiliser la
«voie de la prise en charge, sous-tendue par le développement de
partenariats et de modes d'intégration politique» comme le souliqne le comité. Il faut aussi créer un «espace francophone qui
transcende les limites géographiques» c'est-à-dire «un espace qui
a plutôt à voir avec notre attitude, notre confiance en soi, en nos
capacités et comme citoyen-nés à part entière.»
Ces quelques éléments du nouveau discours sur lequel se
penche Dessein 2000 nous offre matière à réflexion alors que
justement, nous tentons, de notre côté, de prendre notre place au
sein de la société en général aux niveaux social, économique et
juridique. Être acceptées et respectées comme partenaires à part
entière dans la définition d'une nouvelle société, n'est-ce pas notre
objectif ultime? C'est pourquoi, selon la FNFCF, il est crucial de
participer activement à ce projet de société. Déjà, depuis sa dernière Assemblée générale annuelle en juin dernier et pour répondre aux besoins des membres tels que manifestés lors d'un
sondage préalable, la Fédération a entrepris de politiser davantage ses actions. Son mémoire au projet Vision d'avenir de la
Fédération des jeunes canadiens-français, celui à la Commission
Bélanger Campeau, la tournée d'une délégation de femmes francophones au Québec en novembre en sont les principaux exemples.
Notre participation à la consultation de la FFHQ autour du
Projet de société Dessein 2000 en juin prochain s'inscrit dans la
poursuite de cet engagement. Nous avons notre mot à dire et, doiton l'ajouter, on a besoin de cet avis. Les groupes affiliés à la
Fédération nationale sont appelés à choisir une ou des déléguées
pour participer pleinement à cette entreprise détaille mais combien
stimulante.
Dessein 2000 et Pouvoir en tête:
l'alliance des femmes au projet de société
En acceptant l'invitation de la FFHQ de tenir son assemblée générale annuelle au cours de la même fin de semaine, le Conseil
national d'administration de la FNFCF souhaite donner l'occasion
à ses groupes affiliés d'être de réelles partenaires dans la définition de ce projet de société significatif pour l'avenir des francophones hors Québec.
Suite à ses discussions et avec l'accord du CNA, le Comité
d'étude et d'action politique de la FNFCF s'est fixé comme objectif
général «d'amener les déléguées à prendre en charge le discours
des femmes francophones». Sous le thème Pouvoir en tête, ce
discours, affirmera le pouvoir que les femmes se sont données
dans la valorisation de leur apport à la société d'hier, d'aujourd'hui
et de demain. C'est aussi celui de faire reconnaître les besoins
spécifiques des femmes dans la recherche de leur autonomie, de
leur fierté d'être et de leur confiance en soi. Pour la FNFCF, qui
s'est penchée depuis deux ans sur la question de la santé mentale,
il va de soi que le bien-être global des femmes dans la société les
amène à poursuivre pleinement leur engagement politique et à
prendre les décisions nécessaires à l'orientation de leur avenir
collectif. Ces conditions assureront, pour la FNFCF, la réussite de
Dessein 2000.
Qui votre groupe déléguera-t-il les 14-15-16 juin prochains à Ottawa?
Chaque groupe affilié est appelé à choisir une ou des déléguées pour participer à cette consultation de la FFHQ et par la suite
à l'AGA de la FNFCF qui se déroulera le dimanche. La personne
choisie apportera avec elle «la couleur de sa communauté, les
réussites des groupes de femmes de sa région ou de sa province
selon le cas, de même que les réussites de femmes engagées
dans différents dossiers de lafrancophonie». Elle recevra en appui
un document préparatoire qui complétera sa propre expérience et
lui permettra de mettre en valeur, lors de la consultation, le discours
collectif des femmes francophones de la FNFCF. Une rencontre
entre déléguées est aussi prévue dans la soirée du vendredi.
Hâtez-vous de choisir votre déléguée afin qu'elle soit en mesure de
contribuer à part entière à cette rencontre annuelle très spéciale
pour notre avenir.
Nouvelles du Conseil national
d'administration
Les défis du développement
Bien que la participation de la FNFCF à la consultation Dessein
2000 ait été un sujet important de la rencontre du Conseil national
d'administration de décembre, les membres se sont aussi penchées sur différentes questions dont les priorités de développement pour l'année 1991/1992.
Soulignons ici les grandes lignes de deux projets présentés
au Secrétariat d'État et qui permettraient à la Fédération de
poursuivre son action politique et de répondre aux besoins de
développement de ses groupes:
Un premier projet vise la concertation et la planification des
actions des différents groupes en favorisant la tenue de trois
grands forums régionaux d'étude de stratégies de développement. Alors que le plan d'action quinquennal de la FNFCF prend
fin, l'heure est venue de rassembler les groupes et d'appuyer une
démarche de planification pour faire un bilan, se concerter quant
aux objectifs poursuivis et se donner une vision d'avenir sur
l'évolution du mouvement.
Un second projet, tout aussi important, met l'accent sur une
étape nécessaire de l'évolution du mouvement au Canada français: le lobbying national. Ce projet s'inscrit dans la continuité des
démarches de la Fédération qui est d'assurer une plus grande
visibilité au mouvement des femmes francophones de milieu
suite
F MF G F
minoritaire et être davantage efficace dans sa fonction principale
de représentation. Ce projet, s'il est retenu, se déroulera en trois
volets: recherche, formation, action. Il actualisera,entre autres, les
données recueillies dans le rapport Femmes et francophones:
double infériorité publié en 1981. Souhaitons qu'ils reçoivent un
accueil favorable!
La nécessité du mouvement des femmes:
une fois de plus
Le mot «coupures» plane toujours au-dessus des groupes de femmes. Le budget de février du gouvernement fédéral affectera-t-il
une fois de plus le Programme promotion de la femme? Pour les
groupes de femmes ces coupures causeraient des torts irréparables. La FNFCF conjointement avec la Coalition des groupes
nationaux de femmes, demandent aux membres des conseils
d'administration des groupes de femmes de la coalition d'approcher leurs députés fédéraux et provinciaux pour leur parler des
réalisations du mouvement, des services qu'il offre auxfemmes et
aux communautés, des dossiers qu'il documente, etc. Faire valoir
la nécessité de la présence des groupes de femmes nationaux,
provinciaux ou régionaux est une démarche essentielle de lobbying compte tenu de la situation politique pour défendre les
besoins, pourtant pressants, des femmes dans notre société.
Comités en bref
Information
Le comité sous la présidence de Françoise Viau propose aux
représentantes provinciales de profiter des activités du 8 mars
pour organiser un lancement du numéro spécial de la revue
FEMMES D'ACTION qui marque son vingtième anniversaire. Ce
numéro a pour thème 100 ans d'histoire et faire revivre par le bia's
de reportages, d'entrevues, de profils, la vie des femmes de 1890
à aujourd'hui au Canada français. Un numéro historique!
Finances
L'un des aspects du travail du comité dirigé par la trésorière Agathe
Brunei a été d'élaborer une démarche de levée de fonds pour la
bourse Almanda Walker Marchand. Un objectif de 5 000$ doit être
atteint d'ici lafin mars. Les dons pour lesquels sont émis des reçus
de charité serviront à assurer la continuité de cette initiative qui
nous a permis, l'an dernier de remettre une première bourse
d'études (voir un peu plus loin). La FNFCF encourage le CNA à
profiter de l'appui du Secrétariat national qui a préparé une trousse
d'information pour faciliter les démarches de levée de fonds.
Etude et action politique
Comme il est mentionné plus haut ce comité présidé par Madeleine
LeFort a la responsabilité de déterminer le type de participation de
la FNFCF à la consultation Dessein 2000 de juin prochain.
AUX
ECO UT ES
Autres nouvelles
Mise en candidatures
pour la bourse d'études Â.W.M.
La FNFCF offre pour la deuxième année consécutive une bourse
d'études de 1000$ à une femme francophone de milieu minoritaire
qui fait un retour aux études. Pour être admissible, la candidate doit
répondre à certains critères. Le Secrétariat national de la FNFCF
se fera un plaisir de fournir l'information nécessaireet unformulaire
de demande de candidatures. La date limite de réception des
demandes est le 30 avril 1991. Le nom de la lauréate sera dévoilé
lors de l'Assemblée générale annuelle de la FNFCF le 16 juin
prochain.
La bourse d'études a été instituée pour commémorer l'action
politique des membres de l'organisme qui ont, depuis de nombreuses années, oeuvré pour la défense de la langue française au pays
et qui travaillent aujourd'hui en faveur de l'autonomie des femmes
francophones. Bonne chance aux candidates!
Des remerciements à profusion!
La FNFCF remercie les donatrices et donateurs suivants pour leur
générosité. Ces contributions sont nécessaires pour la mise sur
pied du Fonds de la bourse d'études Almanda Walker Marchand.
Merci: Elyette Dangin, Diane Lanande, Jean Brideau, Gilberte
Proteau, Claire Gagnon, Dyane Adam, Agathe Gaulin, Linda
Cardinal, FFC Oshawa.
Une voix pour la paix
Lorsque vous lirez ces lignes où en sera la guerre?
«A travers le pays, les femmes ont commencé à manifester, à
écrire et à lever la voix contre la guerre dans le Golfe et la
participation canadienne» écrit, dans son bulletin de janvier/février
le Comité canadien d'action sur la statut de la femme. La FNFCF,
membre affiliée au CCA, vous transmet la proposition de ce dernier
d'inciter le Canada à devenir «une voix pour la paix». Le CCA
propose différents moyens aux groupes et aux femmes pour
manifester contre la guerre et faire connaître leur point de vue au
gouvernement canadien. Pour plus d'information, communiquez
avec notre Secrétariat national et tenez-nous au courant de vos
initiatives!
Une semaine de l'éducation
La FNFCF tient à souligner l'heureuse initiative du Réseau national
Action Education Femmes de mettre sur pied une Semaine de
l'éducation pour les femmes francophones. Ayant pour thème
«Moi, j'apprends en français c'est tout naturel», celle-ci se déroulera pour la première fois du 17 au 23 mars prochains. Nous encourageons les femmes à réfléchir, au cours de cette semaine, à
l'importance de l'éducation dans nos vies.
F N FC F
AUX
E C O U T E S
Nouvelles des groupes affiliés
En ce début d'année certains de nos groupes sont, comme ils le
disent:»très occupés mais n'ont pas de nouvelles à partager!»
Comme le Cercle des fermières de Terre-Neuve et du Labrador
qui prépare une rencontre provinciale et est à mettre sur pied une
activité de levée de fonds pour reccueillir des dons en vue de la
bourse A. W. Marchand. Bon succès!
Ile-du-Prince-Edouard
Les Acadiennes de la région Évangeline, seul groupe de femmes francophones sur l'île, a présenté en janvier un atelier dans le
cadre des Services aux membres sur les droits juridiques des
femmes. L'organisme attend toujours une réponse concernant
son projet d'embauché d'une employée au service des Acadiennes.
Nouvelle-Ecosse
Dans la plupart des régions on se prépare à organiser les activités
du 8 mars. La régionale de Richmond de l'Association des
Acadiennes de la N.-E. organise également une table ronde sur
la réalité des jeunes Acadiennes.
Nouveau-Brunswick
Suite à une étude sociologique sur les besoins de trois de ses
Cercles en milieu minoritaire, la Fédération des Dames d'Acadie
assure un suivi avec comme personne-ressource Jacqueline
Collette, animatrice de groupes bien connue.
La FDA décernera pour la première fois lors de son assemblée générale annuelle le prix Gemma Pelletier Caron, du nom de
sa fondatrice. Ce prix récompense celui de ses 27 Cercles qui se
sera signalé de façon particulière soit parson action commautaire,
son engagement au fait français ou à la condition féminine.
Au cours de l'année 1991 -1992, l'Institut féminin se penchera sur les dossiers de l'alphabétisation, la violence faite aux
femmes, la reconnaissance des acquis et la pauvreté.
Le Comité féminin de l'Université du 3e âge prépare un
colloque sur les droits des aidantes et des aidé-e-s. Cet événement qui aura lieu les 7 et 8 avril à Moncton traitera de la difficulté
pour les familles de répondre aux besoins des personnes nonautonomes qui seront appelées à réintégrer leur famille comme
l'indique la tendance. Etant donné que la vie des fem mes a changé,
à qui reviendra cette responsabilité?
OUEST
Saskatchewan
La Fédération provinciale des Fransaskoises sous l'égide de
ses deux composantes la Régionale Nord et la Régionale Sud
vient de terminer sa programmation pour l'année 1991 -1992. Ses
priorités sont: la santé, les communications et le pouvoir économique des femmes. C'est avec ces dossiers qu'elle entend travailler
au développement des localités et régions. L'Assemblée générale
aura lieu le 20 avril prochain.
La Régionale Nord a embauché en février sa nouvelle coordonnatrice et tient son assemblée annuelle en mars. La Régionale
Sud de son côté, sensibilise les femmes des régions au programme Nouveau Départ. Elle travaillera aussi au développement
des localités de Moose Jaw, Swift Current et Bellegarde.
Dans les diverses localités telles que Gravelbourg, Zenon
Park, Willow Bunch, Prince Albert, Ferland et Ponteix, des activités
(conférences à distance, discussions, ateliers, causeries) toucheront entre autres la santé globale et la situation des agricultrices.
Dans le cadre de la Semaine nationale de l'éducation on présentera deux conférences à distance sur la reconnaissance des
acquis et la réappropriation de la langue. La présidente de la
FNFCF était de passage en Saskatchewan les 2,3 et 4 février
derniers.
Alberta
Le groupe Entre-Femmes présente au cours de l'hiver une série
de films sur la condition féminine. Le Comité femmes de l'Asso-
ciation canadienne-française de l'Alberta organise le 9 mars une
grande rencontre pour inaugurer la fondation d'un premier regroupement provincial. D'autres activités s'organisent autour du 8
mars; la FFCF de St-isidore présente deux soupers-conférences.
Colombie-Britannique
Réseau-Femmes de Vancouver est déçu de ne pas avoir encore
reçu la subvention promise afin d'assurer la permanence de
l'organisme et son développement. Le Comité ad hoc participera
à la mi-février à une session de formation du programme Services
aux membres de la FNFCF sur le fonctionnement de groupe et la
planification.
Un comité de jeunes femmes (entre 25 et 30 ans) s'est formé
et se rencontre une fois par mois pour des activités diverses (autodéfense, vidéo-femmes, etc.). On présente également des ateliers-théâtre qui suscitent beaucoup d'intérêt.
La représentante provinciale Anne Doris Malenfant prépare
un lancement pour souligner le vingtième anniversaire de la revue
Femmes d'action. Le Comité exécutif de la FNFCF se réunit à
Vancouver les 1,2 et 3 mars prochains.
Territoires du Nord-Ouest
Le Regroupement des femmes des T.N.O. accueille sa nouvelle
permanente en février et entend, dès lors, préparer sa planification
annuelle et son activité du 8 mars.
1950-1970 •••'BRAVO, LES F E M M E S !
OU EST PASSE NOTRE SCIENCE INFUSE?
Un retour sur une époque décisive de notre
système de santé avec Dyane Adam
Entrevue réalisée par Anita Pelletier
ongtemps protectrices de la santé, les femmes se sont retrouvées
à partir des années '50 jusqu'aux années 70, démunies devant un
système de soin qui se voulait de plus en plus scientifique. Depuis
lors, et grâce au mouvement féministe, les femmes apprennent à se réapproprier
leur corps et leur santé.
/our nous parler de ce tournant décisif
et analyser cette évolution, nous avons
interrogé Dyane Adam, psychologue, vicerectrice adjointe (enseignement et services
en français) à l'Université Laurentienne de
Sudbury. Elle est déjà connue des lectrices
de FEMMES D'ACTION par le biais de ses
articles qui ont laissé transparaître son intérêt
à la fois pour la santé et pour tout ce qui
touche la cause des femmes.
années '50 mais d'une façon différente. Durant
les années '60, c'est le monde médical qui a le
contrôle et l'infirmière est au service du médecin.
Par la suite, plus on se rapproche des années
'70, plus on commence à entendre parler non
seulement de curatif mais aussi de prévention et
cela ouvre la porte à des professionnels autres
que les médecins.
FA: Que faut-il penser des
changements survenus dans le système
de santé au cours de la période qui nous
préoccupe soit les années 1950-1970?
FA: II me semble que quand j'étais
jeune, on nous soignait généralement
avec de l'aspirine, du sirop pour le rhume,
de la vaseline et de la teinture d'iode. On
allait très rarement chez le médecin et
seulement pour des motifs sérieux.
DA: Les changements au niveau de la santé
ont, bien sûr, varié d'une province à l'autre, mais
ce qui me semble être la grande caractéristique
de ces années-là, c'est vraiment le passage
d'une gestion matriarcale du système de santé
où le clergé et les religieuses étaient impliqués à
celui, au début des années '60, où la santé est
prise en charge par l'État et les médecins. Bien
sûr, les médecins étaient très présents dans les
DA: C'est vrai, l'assurance-maladie n'a été
établie que dans les années '60. Jusqu'à cette
période, les frais médicaux n'étaient pas
couverts et on allait chez le médecin seulement
pour des problèmes graves. En un sens, cet état
de choses n'était pas entièrement négatif. On ne
faisait pas l'objet de toutes sortes de
manipulations médicales et il y avait une
certaine dépendance envers la mère de famille
VOL 20 No 3
qui jouait un rôle dans la promotion de la santé
et qui veillait au bien-être des siens, et à
l'hygiène personnelle. À cette époque, les
femmes avaient plus d'autonomie au niveau de
la gestion de la santé de leur famille. Elles
étaient davantage consultées. Après
l'établissement de l'assurance-maladie, on leur a
maintes fois reproché les soins donnés en
alléguant qu'ils n'étaient ni efficaces ni
scientifiquement prouvés. C'est intéressant cette
primauté de la science qu'on a vu émerger suite
à l'assurance-maladie. Tout traitement se devait
d'être basé sur des principes scientifiques
observables et mesurables alors qu'en fait, on
connaît l'importance d'un bon jugement clinique
pour un médecin.
FA: Et la santé mentale...?
DA: C'est un domaine que je connais mieux.
Les années ' 50 représentent vraiment la période
asilaire. À cette époque-là, les soignantes
étaient en majorité des femmes. Selon la
perception qu'on en avait, pour employer un
langage contemporain, les malades étaient non
pas des clients ou des bénéficiaires mais bien
des pensionnaires. Le langage a évolué plus
tard. On les hébergeait, c'est à peu près tout. La
femme ou l'homme qui étaient admis en centre
psychiatrique étaient dans une situation où on lui
offrait une certaine discipline de vie et où on
assurait ses besoins de survie. La pensionnaire
était une personne passive qui n'avait aucun
droit. Certaines personnes hospitalisées à cette
époque racontent qu'à l'admission, on leur
enlevait tous leurs biens personnels et qu'elles
devaient même parfois revêtir un uniforme selon
celles des experts du domaine médical ou autre
mais plutôt sur des traditions familiales qui
avaient été passées de génération en
génération. Les religieuses aussi avaient
beaucoup de pouvoir sur la santé mentale et
physique parce qu'elles étaient très présentes
comme soignantes et comme gestionnaires
dans les hôpitaux et autres institutions. Il y a eu
toutes sortes d'histoires d'horreur sur le temps
des religieuses mais nous savons qu'elles
n'étaient pas la règle.
l'asile où elles allaient. Elles en arrivaient ainsi à
perdre tout sens de leur identité. Il n'y avait
d'ailleurs, durant cette période, que peu de
diagnostics et peu de traitements. Les malades
étaient surtout classés selon leurs
comportements. Ils pouvaient obtenir des
privilèges si leurs comportements n'étaient pas
trop décourageants. Ce n'est que vers les
années 60 que les changements sont apparus.
FA: C'est d'ailleurs à cette époque que
les Éditions de l'Homme ont publié les fous
crient au secours.
DA: C'est ça. Il n'y a pas de doute que si l'on
retourne à l'époque des années '50, la
perception était que les personnes qui
montraient des problèmes de santé mentale ou
des problèmes psychologiques étaient, sans
discrimination, tous des «fous». Si je me
souviens du langage utilisé par ma mère, elle
disait: «telle personne trouble, on l'envoie à
l'asile.» Ces malheureux «fous» étaient retirés
de leur famille et enfermés. On les isolait et leur
enlevait du même coup toute responsabilité
sociale. Un retour dans leur famille et leur village
était toujours possible mais la réinsertion était
souvent difficile puisque l'étiquette qu'on leur
avait collée les privait de certains de leurs droits.
Je ne puis m'empêcher de comparer avec ce qui
se passe depuis les années 80 alors que le
discours porte maintenant sur les droits de la
personne, et je constate la longueur du chemin
parcouru.
À l'ère des asiles, la personne étiquetée
«folle» n'avait plus aucun pouvoir de décision,
ne pouvait se représenter ou demander les
services d'un avocat ni refuser un traitement. On
imagine facilement les abus possibles. On
raconte encore l'histoire de femmes
hospitalisées parce qu'elles étaient marginales,
s'affirmaient trop ou trop fort ou encore
devenaient dérangeantes pour leur conjoint! Il y
a plusieurs cas de femmes qui, à mon avis, ont
été internées sur des bases qu'aujourd'hui on
considérerait carrément abusives.
Malheureusement pour l'Ontario français, on a
pas beaucoup de recherches là-dessus.
Nous devons aussi reconnaître que les
religieuses ont donné des soins à des gens dont
personne d'autre ne voulait s'occuper. Cela est
encore assez typique des femmes. Les
changements que nous avons identifiés tantôt
ont fait que, grâce au progrès de la science, on
en est venu à mieux connaître la maladie tant
mentale que physique. Les médecins sont
devenus les experts de tout ce qui touche la
santé et cela a contribué à dévaloriser et
insécuriser les mères de famille. En même
temps, on a délogé les religieuses de la place
qu'elles occupaient auparavant et fait disparaître
l'aspect humain des soins. L'art de la médecine
a été sacrifié au profit de la science qui a pris
toute la place.
FA: Ce que vous dites, c'est que tout en
offrant un aspect très positif, l'avancement
de la science a aussi sur la vie des femmes
un impact que l'on pourrait qualifier de
négatif,
DA: Je crois surtout que l'empirisme médical
a fait qu'on a oublié pour un temps que, malgré
ou avec les médicaments, il n'en reste pas
moins que c'est la personne elle-même qui va se
guérir. Si le médicament aide à combattre le
virus, on sait tout de même que le bien-être
physique et mental de la personne aura un
impact important sur sa guérison. C'est
heureusement à ce type de croyance que l'on
semble s'attacher de plus en plus aujourd'hui.
FA: Vous avez, à deux reprises, souligné
l'implication des communautés religieuses
dans le système de santé. Vous avez aussi
utilisé le mot «matriarcal» pour qualifier le
système. Je soupçonne que ces deux
réalités sont intimement reliées.
FA: Une des découvertes importantes
des années '50-70 me semble être celle des
psychotropes, ces médicaments qu'on
emploie pour soigner les troubles mentaux.
Quel a été l'impact de cet apport de la
médecine?
DA: Je rattache la femme des années '50 à
nos bonnes mères qui nous ont soignées et qui
ne faisaient pas reposer leurs décisions sur
DA: Les psychotropes ont été introduits vers
1953 et étaient d'abord utilisés pour les
personnes les plus sévèrement atteintes.
tarais
VOL 20 No 3
Évidemment cela a ouvert la porte aux autres
drogues. L'impact sur les femmes a été à la fois
positif et négatif. Les psychotropes ont permis
de justifier l'élimination des asiles parce qu'on
pouvait dorénavant donner à des patients
hébergés depuis x nombres d'années, donc
complètement dépendants du système, des
médicaments qui leur permettait d'atteindre un
niveau de fonctionnement suffisant pour
retourner dans leur famille ou, du moins, vivre à
l'extérieur de l'hôpital. Ce que l'on sait
maintenant, après presque 40 ans, c'est que les
médicaments n'ont pas été la solution miracle
qu'on avait prévue. Les médicaments ne
guérissent pas mais aident tout au plus à
contrôler les symptômes.
réapproprier leur corps et leur santé. C'est ce
que les derniers vingt ans nous ont apporté
depuis les années 60 et ce que nous sommes
en train de vivre aujourd'hui. Ce que l'on vise
maintenant, c'est de considérer la personne et,
par conséquent sa santé, dans sa globalité. Si la
personne est économiquement autonome, si elle
est entourée d'un réseau social où elle peut
trouver un minimum de support, si elle n'est pas
alcoolique ou dépendante de drogues et de
médicaments et si elle peut donner un sens à sa
vie, je crois qu'un bon nombre de symptômes
disparaîtront et qu'elle sera en santé. La
maladie devrait être considérée comme un
accident de parcours.
FA: Ce que vous dites c'est que si,
comme personne et comme société, nous
recon-naissons la nécessité de satisfaire nos
besoins les plus fondamentaux, nous serons
en santé.
DA: Oui. Le médecin n'aura alors à soigner
que les problèmes qui sont vraiment d'ordre
médical.
H!
Anita Pelletier est professeure adjointe à l'École des
sciences infirmières de l'Université Laurentienne à
Sudbury. Elle est membre du Collectif des femmes
francophones du Nord-est ontarien.
FA: Je pense aussi au rôle des
psychotropes dans les traitements des
problèmes de santé présentés par les
femmes, problèmes qu'on «étiquette»
souvent comme étant de l'anxiété ou de la
dépression.
DA: En fait, cela a dévié l'interprétation des
problèmes. Si on réussit à traiter les dépressions
et les symptômes de l'anxiété par des
médicaments, il est moins nécessaire de fouiller
dans les conditions de vie psychologiques ou
sociales pour identifier la cause des problèmes.
Un déséquilibre biochimique est traité par des
médicaments et tout est dit! On libère donc la
société de sa responsabilité de fournir à la
personne des conditions de vie saines.
CETTE PILULE
QUI A CHANGE
LE MONDE
DES FEMMES...
FA: Aujourd'hui, en 1991, quel serait
votre bilan des changements dont nous
venons de parler?
À :?OU - Découverte marquante du
siècle, la pilule contraceptive est l'un des plus
puissants mythes modernes, sa diffusion à partir
des années soixante permet à l'espèce humaine
de faire l'apprentissage d'un pouvoir nouveau: le
contrôle de la reproduction. Dissocier la
sexualité de la procréation est une révolution qui
transformera en profondeur les relations entre
hommes et femmes, ainsi que la façon dont sont
considérés les enfants. Les femmes, qui peuvent
maîtriser leur fécondité, sont délivrées de
l'hypothèque d'une grossesse non désirée, de
mieux diriger leur avenir et d'exercer, grâce à
cette liberté nouvelle, d'autres responsabilités.
DA: Ce qui me semble caractériser cette
période, c'est le passage à un état de
dépendance envers l'opinion médicale, à cette
confiance aveugle et soumise au pouvoir des
médecins. Surtout durant les années 60, les
femmes ont été exposées à une pléiade de
théories nouvelles, à des changements qu'elles
étaient plus ou moins préparées à assumer et
elles se sont senties dévalorisées et surtout
insécurisées. Elles ont donc remis leur pouvoir
au médecin. Heureusement, nous sommes
constamment en mouvement et avec la liberté
qu'apportent un degré plus élevé de scolarité, la
contraception, la prise de conscience des droits
de la personne et l'influence des mouvements
féministes, les femmes sont moins ballottées par
les changements et apprennent à se
Les progrès décisifs dans la connaissance
de la reproduction humaine datent des années
vingt et trente. En 1937, on observe qu'en
administrant à des lapines une hormone
sexuelle, la progestérone, on bloque leur
ovulation. Mais la guerre retarde l'application de
VOL 20 No 3
cette découverte capitale, suivie de la mise au
point de la première hormone de synthèse... La
«pilule» (nom courant des contraceptifs oraux)
est d'une efficacité quasi totale, de même que le
stérilet qui commence aussi à se répandre dans
les années soixante. Ces méthodes de
contraception en sont venues à symboliser la
libération des femmes, ce qui n'était nullement le
but poursuivi par les inventeurs de la pilule. Leur
priorité: réduire la fécondité des pauvres... C'est
seulement dans les années soixante-dix que des
féministes poseront la liberté de reproduction
comme l'un des droits humains fondamentaux.
MERE DOROTHEE OU
r
A
LA FIERTE D'ETRE ACADIENNE ET INSTRUITE!
j\ ans un petit salon du couvent des religieuses Notre-Dame du
t§ Sacré-Coeur, rue King à Moncton, j'attends Mère Dorothée. C'est
un moment un peu spécial. Il y a trente ans cette femme a été mon
professeur. Je garde d'elle un souvenir affectueux. Cette éducatrice a été à la
fois professeur de philosophie, d'histoire, de mathématiques et de sciences tout
d'abord au Couvent de Memramcook puis au collège Notre-Dame d'Acadie
(N.D.A) à Moncton. Trente ans! Les choses ont tellement changé depuis: le rôle
de l'église et des institutions religieuses, l'éclatement d'une société ballottée
parles ismes: fascisme, socialisme, féminisme, individualisme et..le N.D.A.
n'existe plus.
«On ne retourne pas en arrièe, peu importe les difficultés.
Il faut avancer vers la plénitude... une sérénité.»
Mère Dorothée
par Claudette Lajoie
JL/a voici qui arrive vêtue de son costume
noir de religieuse. Elle l'aurait quitté un bout de
temps pour le reprendre par la suite parce
qu'elle s'y sent plus à l'aise. La démarche
décidée et vive pour ses 77 ans, le verbe tout
autant, elle m'accueille avec beaucoup de
chaleur. Elle se dit étonnée qu'une de ces
anciennes s'intéresse tant à elle.
Pourtant cette religieuse a été l'une des
premières à croire au potentiel intellectuel des
femmes en Acadie, en plus d'être une excellente
éducatrice. D'accord ou non avec elle, personne
ne dormait pendant ses cours. Comment oublier
l'énergie, le dynamisme, le tact aussi qu'elle
déployait à construire une hypothèse
philosophique, ou encore à établir les multiples
ramifications d'un événement historique.
Une nationaliste dans l'âme
Aussi, en tant que nationaliste convaincue,
elle a su transmettre la fierté d'être acadienne
aux premières générations de femmes ayant
accès à une éducation post-secondaire en
Acadie. Ce qui n'est pas peu dire à un moment
VOL 20 No 3
où les Acadiennes commencent à peiné à
prendre une toute petite place.
Son penchant nationaliste s'éveille dès sa
tendre enfance à Rogersville, alors qu'elle
écoutait les parents et les amis parler des
exploits de Monseigneur Marcel-François
Richard pour faire valoir le point de vue des
Acadiens face à un évêque anglophone et
récalcitrant. Elle se souvient aussi l'inquiétude
qu'elle ressentait lorsqu'elle étudiait l'histoire du
Canada. «Je comptais les fois que les Français
avaient gagné. La petite acadienne d'humble
origine que j'étais, cherchait des preuves pour
s'assurer que son peuple était grand, qu'il finirait
par gagner un jour.»
Ce goût du dépassement, elle le doit à sa
mère adoptive. «Même si elle n'était pas
instruite, elle tenait à lire les journaux, à se tenir
au courant. Elle voulait que j'aie un fini qu'elle ne
pensait pas être en mesure de me donner. D'où
l'importance pour elle que je poursuive mes
études, non pas pour devenir une maîtresse
d'école, ni même pour faire de l'argent, mais
pour devenir plus scienceuse. C'est le mot
qu'elle employait.»
Elle ouvre de
nouvelles voies aux filles
À ce moment-là, trois voies s'ouvrent aux
femmes: se marier et faire des enfants, rester
célibataire ou bien...entrer en communauté ce
que fait Alice Millet. Son arrivée chez les
religieuses Notre-Dame du Sacré-Coeur à
Memramcook coïncide avec une effervescence
qui lui plaît beaucoup. N'oublions pas que cette
communauté acadienne vient tout juste de naître
non sans difficultés, en se séparant des Soeurs
de la Charité de Saint-Jean N.-B., d'origine
irlandaise. S'agit'il bel et bien d'un premier
exemple de dualité, concept si cher aux
Acadiennes d'aujourd'hui et que nous
prônons de plus en plus dans les différentes
sphères de la vie dans l'unique province
bilingue qu'est le Nouveau-Brunswick?
Mère Dorothée évoque l'atmosphère qui y
règne à ce moment-là. «Il y avait de la jeunesse,
de l'enthousiasme. On sentait que tout était
possible.» Et il y avait Mère Jeanne de Valois
(Bella Léger) qu'elle admire beaucoup. Dès le
début des années 30, Mère Jeanne rêve d'offrir
le cour classique aux filles. Avec une équipe soit
les mères Albina, Juliette, Agusta et...Dorothée,
elle travaille à mettre sur pied une maison
d'enseignement post-secondaire pour filles. Une
première en Acadie.»
Projet très audacieux pour l'époque. Nous
sommes en pleine dépression avant l'ère des
subventions. Elles ne peuvent compter que sur
elles-mêmes. Aussi parce que la place de la
femme est à la maison, et qu'elle n'a pas besoin
d'études classiques pour élever ses enfants.
D'où une certaine résistance au projet.
Résistance masculine d'abord. Puis, résistance
féminine venant de l'intérieur de la communauté.
«Il y avait la peur de la nouveauté, peur de
s'embarquer dans quelque chose au-dessus de
nos forces, peur d'échouer et l'appréhension de
voir des jeunes filles s'émanciper trop vite et
devenir un mauvais exemple pour les autres
élèves.»
Malgré les obstacles elles vont de l'avant. En
1943, elles ouvrent les portes au cours classique
pour les filles à Memramcook, ensuite au
Collège Notre-Dame d'Acadie à Moncton de
1949 à 1965. Pendant 23 ans le N.D.A. joue un
rôle de premier plan dans l'éducation des filles
en Acadie grâce à la collaboration de ces
femmes comme Mère Dorothée qui doivent
prendre des bouchées doubles afin de faire
fonctionner le collège. «J'ai enseigné tous les
sujets à l'exception du français. J'aimais mon
métier. On dirait que je trouvais toujours
l'énergie nécessaire.» De l'énergie il en fallait
pour enseigner l'avant-midi et le soir sans
oublier la surveillance de huit à neuf le
matin...cinq jours par semaine.
Une Acadie à l'aube du vingt et unième
siècle a sans doute des leçons à tirer de ces
femmes qui n'ont pas eu peur de foncer afin de
réaliser leur rêve.
Puis arrive les années'60. Le cours classique
traditionnel ne répond plus aux besoins d'une
société qui change sans cesse.
L'Université de Moncton prend de l'ampleur
et...il y a des sorties en masse des
communautés. Phénomène auquel ne peut
échapper la communauté de Notre-Dame du
Sacré Coeur.
«On a fait une oeuvre de suppléance et on
savait qu'il y aurait des changements, que
quelque chose se préparait. Mais...on ne savait
pas que ça viendrait aussi vite. Après
discussions nous en sommes venues à la
conclusion qu'il valait mieux fermer les portes du
collège en 1965. Sur son visage une étincelle de
douleur...de tristesse, «ça n'a pas été facile pour
personne. J'ai perdu le sommeil pendant un
mois. Mais pourtant» la tristesse fait place à un
coup de tête volontaire comme celle qui ne veut
pas se laisser abattre, «jamais, je n'aurais voulu
retourner en arrière. On ne retourne pas en
arrière peu importe les difficultés qui
s'annoncent. Il faut avancer vers une
plénitude...une sérénité.»
Une femme intéressée à
l'actualité
Qui l'inspirent aujourd'hui? «C'est difficile de
trouver les grands hommes, les grandes
femmes chez les politiciens. Il faut plutôt
regarder du côté des penseurs. J'aime bien
Jean Guiton, Julien Green, Ghandi et Mère
Thérèsa. Il faut dire que je n'ai pas haï De Gaule
lorsqu'il a lancé son «Vive le Québec libre».
Veut, veut pas, la souveraineté du Québec
s'en vient. Quant aux Acadiens, qu'est-ce qu'on
devient? J'ai confiance. On a développé des
VOL 20 No 3
Collège N.D.A.
Une équipe
de religieuses
mettent sur pied
la première maison
d'enseignement
postsecondaire
pour filles.
forces, des mécanismes qu'on n'avait pas
autrefois».
Quant au conflit dans le golfe Persique. «Ce
n'est pas une guerre entre les bons et les
méchants Du moins les bons sont pas
nécessairement d'un seul côté. Il ne faut pas
oublier que le Koweït faisait partie de l'Irak
jusqu'au moment où les Etats-Unis et
l'Angleterre en ont décidé autrement. La
situation est très compliquée. Moi ma très
grande peur c'est que la guerre dans le Golfe
soit avant tout une affaire de banques de
multinationales...qui manipulent le peuple.»
Décidément cette femme n'a pas perdu de
son piquant.
Mère Dorothée demeure très active. Elle
vient de publier un quatrième livre sur la vie du
premier évêque acadien, bien sûr. Les autres
portent sur l'histoire de sa communauté et du
N.D.A.
il i
Claudette Lajoie est coordonnatrice de l'organisme
Jeunesse du Monde en Atlantique. Elle collabore à Vent
d'Est. Elle a réalisé divers documentaires pour l'O.N.F.
'"BRAVO
LES FEMMES!
FEMMES D'ACTION : VINGT ANS DEJA!
de posséder leur propre revue. Une revue qui en
ferait autant et qui servirait leur propre cause.
Car entre les femmes du Québec et nous, il y a
une nuance, une couleur différente.
FA: Dès le départ, Femme d'action s'est
affirmée, me semble-t-il, sur deux plans:
l'information et la réflexion. Est-ce une
dualité voulue?
Jacqueline Martin, première responsable de la revue en compagnie de la
présente rédactrice en chef. Une heureuse rencontre.
S
ur vingt ans d'existence, la revue Femmes d'action en a passé la
moitié sous la conduite de Jacqueline Martin. Elle en a été
l'instigatrice à une époque où se vivait des bouleversements sociaux,
culturels, politiques et religieux touchant de très près les fondements même de la
collectivité canadienne-française. Pour ces femmes, il s'agissait d'un revirement
important, d'une remise en question de leur rôle dans la famille et la société. Le
mouvement des femmes venait de les rejoindre. Les choses devaient changer
«veut, veut pas» et Jacqueline Martin y est pour quelque chose. Femmes
d'action est allée la rencontrer pour souligner son vingtième anniversaire et
retourner aux sources...
I? A: Si on se reportait en 1971, Madame
Martin, vous pourriez être assise à ma place
ce matin... qu'est-ce qui vous a motivé à
mettre sur pied Femme d'Action?
JM: À mon arrivée à la présidence de la
Fédération des femmes canadiennes-françaises,
je visais l'expansion nationale de l'organisme. Je
souhaitais rendre à la Fédération l'envergure et
la visibilité qu'elle avait connu du temps de sa
fondatrice Madame Almanda Walker Marchand.
Pour être en mesure de réaliser cette expansion,
il fallait y associer la communication et
l'information. Pour rejoindre notre clientèle nous
avions besoin d'un outil. De plus, j'étais au
courant par mes contacts que toutes les
associations de femmes du Québec telles la
FFQ, l'AFEAS disposaient d'une revue et je
trouvais cela extraordinaire. Cela nous
ressourçait de lire leurs publications! Les
femmes francophones hors Québec se devaient
VOL 20 NO 3
JM: Au début des années 1970, on se
retrouvait au carrefour de nombreux
changements, tant au point de vue culturel que
social. C'était la crise des valeurs, de la religion
et cela amenait chez les femmes une remise en
question énorme. Pour les aider et s'entraider, il
fallait que les associations prennent tout cela en
main et alimentent la réflexion en plus d'informer
les femmes.
FA: C'est donc pour cela qu'un article
paru dans un des premiers numéros m'a
frappé par son caractère provocateur, si
l'on veut. C'est un texte sur l'opinion
d'adolescentes et d'adolescents à propos
de la contraception, de l'avortement, des
drogues. Cet article a fait des vagues, si j'en
crois les lettres qui ont été publiées par la
suite.
JM: C'était voulu. Il n'y a pas de moyens plus
efficaces pour faire en sorte que les femmes
s'expriment que de publier ce genre d'article. En
s'exprimant on crée le choc des idées. Celui-ci
amène des différences d'opinions et souvent un
changement d'attitude, une autre façon de voir
les choses.
FA: Parlait-on de condition féminine dans
les premiers numéros de la revue?
JM: On en parlait pas ouvertement mais
c'était notre préoccupation que la femme prenne
conscience des fonctions multiples de son rôle
dans une société en mouvement. Il y avait des
mots tabous comme les mots «politique»,
«avortement», «féminisme». Il fallait y aller à la
petite cuillère. Nous vivions également des
changements de valeurs qu'il fallait respecter.
Comme je l'ai écrit à l'époque: ce n'était pas par
l'âge mais par les attitudes qu'il fallait rajeunir la
Fédération. On traitait avec une clientèle qui
avait été moulée dans la tradition. Les jeunes qui
arrivaient voyaient les choses autrement.
Comment concilier les deux! Il fallait agir un peu
comme un tampon pour accepter les jeunes et
garder les plus âgées qui avaient fait un travail
formidable. Je ne voulais éliminer ni les unes, ni
les autres. Cela a pris beaucoup de diplomatie
et de temps.
FA: Malgré cela la revue a toujours
véhiculé un contenu assez avant-gardiste
pas ses choix de sujets.
JM: II fallait qu'elle le soit...il fallait qu'elle
sème. Si on ne sème pas de nouvelles idées on
ne peut récolter le changement, on reste au
même point.
FA: Se pourrait-il que certains religieux
vous aient appuyé favorablement dans cette
démarche de «libération de la femme» tel
qu'on le disait à l'époque? J'ai relevé des
extraits où Mgr Landriault énonce «un
manque de valeurs féminines au sein de la
société et de l'église». Un autre où le pape
Jean XX111 parle de «l'insertion de la femme
dans tous les secteurs de vie: familial,
social, économique et politique».
JM: Pour saisir l'importance de la présence
religieuse au sein de la Fédération donc dans la
revue, il faut rappeler que les objectifs de
Madame Marchand étaient de fonder une
association qui serait le pendant de la Catholic's
Women's Ligue, alors très forte au Canada.
L'organisme devait militer dans les paroisses.
Sans la bénédiction des aumôniers et des curés
nous n'aurions pu fonctionner. Les femmes
étaient très rattachées aux prêtres. Alors, je me
suis dit: si on n'a pas des aumôniers très avantgardistes de notre côté, pour l'évolution des
femmes, on ne pourra pas aller de l'avant. Nous
les avons donc associés à notre démarche en
les invitant à nos congrès, en leur offrant de
l'espace dans la revue. Mgr. Landriault a été l'un
de nos aumôniers les plus actifs en ce sens. Il
en a été de même pour l'abbé Ducharme en
Saskatchewan, s'il n'avait pas stimuler les
femmes, elles n'auraient jamais fait ce qu'elles
ont fait. Ces aumôniers étaient des «leaders»
nés et qui encourageaient l'évolution de la
Fédération. Quand un aumônier s'amenait et
parlait les femmes avaient l'oreille attentive.
FA: En 1978, peu avant votre départ, les
thèmes abordés soulignaient des
revendications et des préoccupations aussi
présentes en 1991. Que pensez-vous du
chemin accompli?
JM: H y a dix ans, nos thèmes étaient la
discrimination, la santé mentale, l'apport
insuffisant de l'homme aux travaux domestiques,
la situation économique des femmes, la
politique, les garderies. Ces thèmes sont encore
traités dans Femmes d'action mais de façon plus
moderne, plus ouverte, plus positive et de
manière plus radicale. On voit que les
préoccupations ne sont pas entièrement
résolues.
FA: Comment se prenaient les décisions
au niveau du contenu?
JM: Nous discutions des sujets ensemble,
autour de la table. Le travail était bénévole à tout
point de vue. De la révision à la mise en page à
la dactylo, de l'assemblage à l'expédition. Nous
collions même les timbres. Nous étions fières de
nos échéanciers. C'était un travail assidu et
nous y passions de nombreuses heures...cette
énergie dépensée pendant dix ans n'a jamais
été comptabilisée.
FA: Dans quelle mesure êtes-vous
satisfaite de l'information dont les femmes
disposent aujourd'hui?
JM: Je suis épatée de voir la tournure qu'a
pris la revue. J'ai eu peur qu'après mon départ,
on la laisse tomber. Mais on a compris qu'elle
était très utile...indispensable. C'est au-delà de
toutes mes espérances de la voir telle qu'elle est
aujourd'hui. Tant par les opinions qui sont
émises que par la participation bénévole des
femmes. Elles proviennent de toutes les
provinces, de tous les milieux. Elle est fort
agréable à lire. Certaines la trouvent très
«sophistiquée»... mais il faut s'élever. Je n'ai
que des félicitations à offrir à toutes celles qui
s'en occupent! Je n'ai jamais rêvé de voir cette
revue-là vivre vingt ans.
I M
CONNAISSEZ-VOUS JACQUELINE'MARTIN?
« J aurais aimé faire de la politique si
je n'avais pas été attachée à la Fédération
des femmes canadiennes-françaises si
longtemps».
Fondatrice de la revue Femme d'action et
présidente de la FFCF de 1971 à 1979,
Jacqueline Martin en a abattu du boulot,
cumulant ses tâches de mère de sept
enfants (enceinte tors de son élection) et de
bénévole à temps plein! Elle a certainement
facilité le passage de cet organisme reconnu
pour ses oeuvres paroissiales à une
Fédération nationale représentative de la
cause des femmes francophones. Une
évolution nécessaire qui demandait
beaucoup de doigté en cette période
d'émancipation des femmes.
dans les journaux, m'impressionnait
beaucoup. Plus tard en 1950, alors mère de
jeunes enfants et me sentant isolée, je me
suis jointe à une section de ma paroisse,
Cyrville dans la région d'Ottawa. J'ai renoué
avec mon militantisme de jeunesse et cette
fois, pour stimuler la femme francophone
dans sa culture et son identité.» Secrétaire
de section, présidente régionale, viceprésidente puis présidente nationale, elle a,
en plus de la revue, contribué à la réalisation
de plusieurs projets dont: l'expansion de la
FFCF, les «Ralty-Ève» à l'occasion de
l'Année internationale de la femme, le Centre
Match international, le programme Nouveau
Départ en Ontario dont elle est aujourd'hui
coordonnatrice pour l'Union culturelle des
Franco-Ontarîennes et bien d'autres.
Comment s'est-elle intéressée à la
FFCF? « Dès l'âge de 12 ou 13 ans, je
suivais ses activités. J'étais attirée d'une
façon particulière: la présidente-fondatrice
Almanda Walker Marchand que l'on voyait
Si Jacqueline Martin a plus de temps
aujourd'hui pour sa musique, elle est
organiste, elle ne demeure pas moins
attachée à ta cause des femmes francophones qu'elle voudrait voir, plus que jamais,
dans le feu de l'action.
VOL 20 No 3
LETTRE
M
a chère Thérèse,
Félicitations ma chère pour ton nouveau poste! Cheffe de l'information à
Radio-Canada...Je savais bien que tu retournerais à tes anciennes amours
un de ces jours! Tu es née journaliste chère Thérèse et ce qui est heureux,
c'est que tu sois de retour dans le domaine des communications, plus
particulièrement à la radio. Comme l'écrit si bien Jacques Godbout dans
L'écran du bonheur (Boréal 1990) «Le son par lui-même est innocent. Il
permet de rêver à mille images. En ce sens, la Radio est un outil poétique.»
Avec ton expérience en gestion, ta connaissance du pays et de ses
communautés, ton ambition surtout, je sens que tu vas y laisser ta marque
à moins que tu tombes victime des compressions à la Mulroney...
FEMMES DE VISION
Une initiative inspirante
. >: r emmes de vision, une inspiration pour la
francophonie, peut-on lire sur cette superbe
^affiche publiée par l'Association des
enseignantes et des enseignants franco-,
ontariens. On y retrouve plus d'une soixantaine
de femmes provenant de diverses époques et
de multiples champs d'activités. Le comité du
statut de la femme de l'AEFO voulait ainsi
valoriser la contribution de femmes d'expression
française ayant un lien avec la communauté
franco-ontarienne et que «l'on reconnaisse
rengagement de toutes les femmes
francophones de chez-nous qui ont signé une
page de notre histoire et de toutes celles qui ::
ouvrent aujourd'hui de nouveaux chemins».
L'affiche, avec son montage photographique et :
ses textes de présentation, met en évidence des
femmes de grande valeur pour la communauté
franco-ontaroise. Un document à;afficher
fièrement!
Pour plus d'information on doit communiquer
avec l'AEFO, 681 Chemin Belfast, Ottawa,
Ontario. Tel: (613) 230-9583
"
Changer de carrière à l'aube de tes 40 ans, faut le faire! D'un autre
côté, je suppose que le temps est propice. Ta petite dernière qui a
commencé l'école cette année, c'est un peu tourner une page du grand
livre de ta vie. Et puis, tu étais due pour un défi d'un nouveau genre.
J'espère seulement que tu ne trouveras pas trop difficile de retourner
travailler à un poste permanent qui te garde à ton bureau 8 à 10 heures par
jour après avoir travaillé à ton compte pendant trois ans. Mais si, je te
connais, tu as déjà tout prévu: il y a eu réunion au sommet de la famille,
chacun a pris ses responsabilités et comme par enchantement tout s'est
mis à marcher sur des roulettes.
J'admire cette complicité que tu as avec ton mari et tes enfants; vous
êtes toujours sur la même longueur d'onde, toujours prêts à partira
l'aventure au sein de la maisonnée ou ailleurs!
Je t'envie un peu tu sais...cette énergie sans fin que tu as...un vrai
volcan. Et pourtant, les éruptions sont plutôt rares! Maintenant que tu as
terminé ton contrat au Théâtre, tu continues comme bénévole, je suppose?
Et les cours que tu donnais à l'Université ? Je parie que tu vas tellement
t'ennuyer de tes jeunes que tu vas y retourner à l'automne. Et ta thèse...ça
me surprend et ça. m'inquiète que tu n 'aies pas encore terminé... faudrait
pas que tu laisses tomber après tout le temps que tu y a mis depuis deux
ans... Et pour dessert, une nouvelle chronique dans FEMMES D'ACTION;
tu le prends où le temps pour lire ces livres?
Thérèse, Thérèse, un Gémeau avec des cornes de Taureau. Tout feu
tout flamme, tout le temps. Une chandelle qui brûle aux deux bouts! tu
m'inquiètes et pourtant je te sais les deux pieds sur terre, une source
rafraîchissante pour toutes celles et tous ceux autour de toi. Je voudrais
donc ne pas être si loin...
Je t'embrasse,
Zénaïde
VOL 20 No 3
La commission royale d'enquête sur la
situation de la femme 20 ans plus tard
UNE REVOLUTION INACHEVEE
année 1990 a marqué le vingtième
anniversaire du premier rapport entièrement
consacré à la situation des femmes canadiennes
et déposé à la Chambre des communes en
décembre 1970. Le Rapport de la Commission
royale d'enquête présidée par Madame Florence
Bird ne contenait pas moins de 167
recommandations auprès de nos
gouvernements. Ce début de 1991 offre donc
aux femmes l'occasion de se rappeler les
multiples enjeux du mouvement féministe en
identifiant les succès et les échecs des vingt
dernières années qui sont en quelque sorte les
années de «Révolution tranquille» pour les
femmes. Une révolution ni tranquille, ni
révolutionnaire mais toujours inachevée.
Revoyons d'abord le contexte historique et
les objectifs de la Commission royale d'enquête
sur la situation de la femme pour ensuite
examiner et évaluer1 certaines de ces
recommandations en fonction de quatre
différents domaines soit la vie politique, le
travail, l'éducation et la famille.
Le contexte historique et
les objectifs de la Commission
royale d'enquête sur
la situation de la femme
L'existence du Rapport Bird s'inscrit d'une
part dans une logique qui provient directement
de la culture politique des années '70. Avec les
élections qui portent Pierre Elliot Trudeau au
pouvoir vient aussi l'espoir de créer une société
plus égalitaire. Au cours des années '70, nous
assistons donc au renforcement de l'Étatprovidence par lequel s'effectue de nombreuses
réformes. Cette plus grande intervention de
l'État vient modifier les conditions sociales,
économiques et politiques du pays. Les
conditions sont donc bonnes pour faire entendre
la cause des femmes qui dans le feu de l'action
s'incarne dans un courant féministe plutôt
libéral.
Dans ce contexte, la Commission adopte les
principes généraux suivants:
• «tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droits;
• le plein emploi des ressources humaines est
dans l'intérêt même de la nation;
• les femmes doivent avoir d'égales
possibilités de partager les responsabilités
de chacun envers la société, aussi bien que
les privilèges et les prérogatives que celle-ci
leur reconnaît»
Quatre autres principes viendront influencer
les résultats de la Commission:
• la femme doit avoir le droit de décider ellemême, en toute liberté, si elle va occuper un
emploi en-dehors ou non;
• le soin des enfants est une responsabilité
que doivent se partager la mère, le père et la
société;
• la société a une responsabilité particulière
envers la femme, à cause de la grossesse et
des naissances, et il faudra toujours des
mesures spéciales concernant la maternité;
• dans certains domaines, les femmes ont
besoin, pendant une période intérimaire, des
mesures spéciales afin d'effacer et de
combattre les effets néfastes de la
discrimination.»
L'affirmation selon laquelle les femmes sont
laissées pour compte dans presque toutes les
VOL 20 No 3
sphères d'activités de la société sous-tend les
travaux de la Commission. Celle-ci doit
présenter des recommandations quant aux
mesures pouvant être apportées par le
gouvernement fédéral afin d'assurer aux
femmes des chances égales à celles des
hommes dans toutes les sphères de la société
canadienne.
Le défi que se lance la Commission n'est pas
seulement celui d'apporter des changements à
la condition des femmes mais bien celui de
transformer les valeurs qui animent les relations
intimes et sociales. Bien que la Commission soit
à l'origine de lois qui ont comme objectif
l'élimination des mesures discriminatoires à
l'égard des femmes, le problème réside encore
amplement dans les attitudes.
Examinons ensemble maintenant certaines
recommandations de la Commission royale
d'enquête afin de mieux apprécier l'impact que
celle-ci a eu sur les pratiques gouvernementales
et de mieux saisir le chemin qui reste à
parcourir.
La vie politique
À ce sujet, la Commission recommande la
nomination de ministres responsables du dossier
de la condition féminine, la création de bureaux
gouvernementaux et de conseils consultatifs sur
la situation des femmes et d'adoption de lois sur
les droits de la personne.
En consultant les communiqués de presse
du bureau de la condition féminine rappelant le
vingtième anniversaire du rapport de la
Commission royale d'enquête sur la situation de
la femme, nous pouvons retracer les efforts du
L'équité en matière d'emploi
gouvernement à donner suite à ces
recommandations.
«La Commission recommande que [...] la
Commission de la fonction publique et les
ministères fédéraux prennent des mesures
spéciales pour augmenter le nombre de femmes
nommées à des postes qui ne sont pas
traditionnellement réservés aux femmes».
En 1971, le poste de ministre
responsable de la Condition féminine
est créé. Son mandat est de
«promouvoir l'égalité des chances
pour les femmes et de donner suite
aux recommandations de la
Commission». Les efforts du Ministre
seront également appuyés par la
création d'un bureau de la
coordonnatrice de la condition féminine.
En 1976, le Ministre assume la responsabilité
d'intégrer les préoccupations des femmes
aux instances de planification et de prise de
décision du gouvernement. Nous assistons donc
à la mise sur pied d'un organisme fédéral,
Condition féminine Canada. Celui-ci a le mandat
«d'offrir des compétences et des conseils
stratégiques au Ministre et aux ministères
fédéraux sur les questions qui touchent les
femmes».
En 1976, le gouvernement adopte la Loi
canadienne sur les droits de la personne. Cette
loi interdit la discrimination fondée sur le sexe,
établit le principe de salaire égal pour des
fonctions équivalentes ainsi que le droit à
l'égalité pour les femmes. Droit qui, grâce à
l'acharnement des femmes, est aujourd'hui
enchâssé dans la Constitution.
En ce qui a trait à la présence de femmes
politiques, il n'y avait qu'une seule femme à la
Chambre des communes en 1970 contre 40
aujourd'hui. Les femmes ne sont représentées
qu'à 13% au Sénat et ne comptent que pour 9%
dans les fonctions de juges à compétences
fédérales.
Le financement
des groupes de femmes
La Commission recommande que les
gouvernements aient davantage recours aux
services des groupes de femmes bénévoles et
augmentent l'appui financier accordé à ceux-ci.
Cette recommandation fût partiellement
suivie mais les acquis sont précaires. Depuis
quelques années, les groupes de femmes tant
gouvernementaux que communautaires sont en
proie aux coupures budgétaires. Les groupes de
femmes se retrouvent aussi manifestement
exclus du processus décisionnel.
Le travail
Le domaine du travail soulève le problème
important des inégalités en termes de pouvoir
économique. En 1970, les femmes travaillant à
temps plein ne gagnaient que 59% du revenu
des hommes. En 1989, ce chiffre n'atteint que
65%. La féminisation de la pauvreté est une
tendance réelle et ceci à l'échelle de la planète.
Salaire égal pour
un travail de valeur égale
La Commission recommande que la loi sur
l'égalité de salaire pour les femmes s'applique à
toutes les employées du gouvernement.
Cette recommandation a eu un meilleur
succès en théorie qu'en pratique. En 1978,
l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de
la personne prévoit un salaire égal pour un
travail de valeur égale. En 1990, un rapport
d'étude établit que la majorité des employées
(secrétaires, préposées au traitement des
données et commis) demeurent encore souspayées.
Le travail à temps partiel
«La Commission recommande que le
gouvernement fédéral entreprenne une étude
sur les possibilités d'avoir plus souvent recours à
l'emploi à temps partiel dans l'économie
canadienne».
Cette recommandation a été partiellement
suivie mais devrait être abandonnée. Le travail à
temps partiel ne peut être considéré encore
comme une bonne alternative. Il vient plutôt
engendrer d'autres problèmes tels que la
précarité d'emploi, la non-syndicalisation,
l'absence d'avantages sociaux et les bas
salaires.
VOL 20 No 3
En 1986, le Parlement adopte la Loi sur
l'équité en matière d'emploi. Elle s'applique aux
sociétés privées et aux Sociétés d'État comptant
cent employés et plus et vise l'élimination de la
discrimination systémique. Cette loi repose sur
le postulat suivant: «que les désavantages qui
marquent les groupes désignés [les femmes,
les autochtones, les minorités visibles et les
handicapés] ne sont pas la manifestation
de préjugés individuels, mais plutôt des
caractéristiques intégrantes du marché du
travail». Cette loi n'a de valeur cependant que
si les employeurs ont la bonne volonté de
l'appliquer.
Le revenu annuel garanti
La Commission recommande l'adoption du
revenu annuel garanti versé par le gouvernement fédéral à tout chef de famille qui est seul
au foyer et qui a des enfants à sa charge.
Cette recommandation n'a pas été suivie.
L'éducation
La Commission défend l'idée que l'égalité en
matière d'éducation a des répercussions
importantes sur l'égalité sociale et économique
des femmes.
Les stéréotypes
La Commission recommande que les
manuels scolaires montrent des femmes qui se
livrent à des activités et à des occupations
variées.
Cette recommandation a été partiellement
suivie. Selon un groupe de travail créé par la
Fédération canadienne des sciences sociales en
1986, plusieurs maisons d'édition admettent
leurs responsabilités en ce qui concerne
l'élimination du sexisme mais personne ne
s'entend sur une définition de ce qu'est le
sexisme.
Le Commission recommande aussi que les
gouvernements encouragent les femmes à
s'engager dans les professions où elles y sont
encore minoritaires.
Cette recommandation a été partiellement
suivie. En 1986, une étude auprès de 70 élèves
du primaire démontre que les enfants ne se sont
pas libérés des images stéréotypées. Et que
même les aspirations des jeunes filles ne
prévoyaient pas l'obtention d'un travail
rémunéré. Que dire du domaine des sciences et
du génie! Il faut ajouter à cela les attitudes
sexistes de certains enseignants et conseillers
pédagogiques qui malheureusement influencent
le choix de carrière des jeunes.
L'éducation sexuelle
dans les écoles
La Commission recommande que les cours
d'éducation sexuelle se donnent aux garçons et
aux filles. Et que ces cours commencent à la
maternelle pour se poursuivre au secondaire.
Cette recommandation n'a pas été suivie. En
1984, les cours d'éducation sexuelle sont offerts
dans la moitié des écoles seulement. Selon un
sondage Gallup de la même année 50% des
Canadiens et Canadiennes trouvaient que les
cours d'éducation sexuelle offerts à cette
époque étaient inadéquats.
de conserver leur propre nom. Les lois sur le
divorce favorisent un partage plus équitable des
biens. Et en 1985, la Loi sur les Indiens est
modifiée afin d'éliminer les mesures
discriminatoires qui retiraient le statut d'Indienne
à celles qui mariaient un non-indien.
Les pensions alimentaires
La Commission reconnaît que les tribunaux
de la famille fixe les pensions alimentaires et en
effectue le paiement.
Cette recommandation a été partiellement
suivie. «Une étude menée au Québec a fait
ressortir que parmi les mères avec enfants à
charge, seules, 58% ont réussi à obtenir
une ordonnance au profit de leurs
enfants [...] Le rapport souligne par
ailleurs que près de la moitié des
femmes qui ont reçu une pension
alimentaire avaient des revenus totaux
inférieurs à 10 000$. Dans 37% des
cas, le père avait au moins une fois fait
défaut à ses engagements et dans 23%
des cas, les femmes ne recevaient
absolument rien au titre de l'ordonnance
rendue par la cour».
La garde des enfants
La Commission recommande que les tarifs
des garderies soient fixés en fonction des
revenus des parents et que les provinces paient
au moins 80%.
Ces recommandations ont été partiellement
suivies. Les types d'aide financière accordée
aux garderies varient d'une province à l'autre.
Cependant les services de garde d'enfants sont
en véritable crise. Le nombre de places
subventionnées n'arrivent pas à combler la
demande. Et certains parents attendent jusqu'à
un an avant d'y avoir accès.
L'avortement
La famille
Le Commission recommande la modification
du code criminel afin de permettre l'avortement
à la seule demande de la femme enceinte de 12
semaines ou moins.
La Commission reconnaît que le concept de
la famille doit être pluraliste et que les responsabilités à l'égard du bien-être des enfants
doivent être partagées entre la mère, le père et
la société. Nous pouvons nous réjouir de
certains acquis pour les femmes en ce qui a trait
au droit familial. Les femmes mariées ont le droit
Cette recommandation n'a pas été suivie. La
Loi sur l'avortement déposée en novembre 1989
rend criminel l'avortement provoqué à toute
étape de la grossesse à moins que la santé
mentale, physique ou psychologique de la
femme soit en danger.
VOL 20 No 3
En conclusion
Nous avons passé en revue quelques
recommandations sur le rapport de la
Commission royale d'enquête sur la situation de
la femme. Celui-ci qui documente toutes ces
questions est plus riche que ce que nous
laissons entendre ici. Certaines recommandations visent l'amélioration des conditions de
vie des femmes vivant en milieu rural et
travaillant dans les industries agricoles, ainsi que
les conditions de vie des immigrantes et des
amérindiennes. Le choix des questions que nous
avons traité s'avère ainsi limité.
Mais d'autres problèmes sont passés sous
silence dans notre exposé. Et ceci est dû au fait
que ceux-ci ne figurent tout simplement pas
parmi les préoccupations de la Commission.
Ainsi, le problème de la violence des hommes
contre les femmes, problème des plus critiques
pour les femmes d'hier comme aujourd'hui fait
mal par son absence.
Bien que la Commission oeuvrait dans une
atmosphère plutôt favorable à l'intervention de
l'État, nous pouvons conclure tout de même que
les initiatives politiques en vue d'améliorer les
conditions de vie des femmes n'ont pas osé
franchir la frontière de la sphère privée.
in
1. À l'aide d'un document publié par Dawn Black,
députée et critique néo-démocrate pour la condition
féminine, 20 ans après: Une évaluation des suites
données aux recommandations de la Commission
royale d'enquête sur la situation de la femme au
Canada (sept.1990), nous serons également en
mesure d'évaluer la mise en oeuvre de ces
recommandations.
Lucie Morgado étudie à l'Université d'Ottawa. Elle
complète sa maîtrise en sciences politiques
ENTRE
LIGNES
UNE SOURCE A LA RIVIERE
Pionnières québécoises et regroupements
féminins d'hier à aujourd'hui de Simonne Monet Chartrand,
aux éditions remue-ménage
par Denise Veilleux
A-^es lectrices qui attendaient la suite de
Ma vie comme rivière devront prendre leur mal
en patience, car Simonne Monet Chartrand a
délaissé ses mémoires pour rédiger un recueil
historique. Dans son ouvrage qui vient de
paraître aux Éditions du remue-ménage,
l'auteure nous livre le fruit d'un énorme travail de
compilation retraçant la petite histoire des
pionnières du mouvement des femmes et des
associations mises sur pied pour mener la lutte
sociale et politique, depuis le début de la colonie
jusqu'au milieu des années '70. Comme on le
voit, le projet ne manque pas d'ambition!
D'entrée de jeu, Monet Chartrand prévient le
public que son recueil renferme seulement «le
nom de certaines pionnières et de certains
regroupements qui ont fait l'objet d'articles de
journaux, de revues, de livres historiques et de
biographies». Outre ces sources, l'auteure a
consulté des documents d'archives, notamment
ceux de communautés religieuses. Au lieu
d'adopter une approche historique traditionnelle
qui découpe le temps en périodes arbitraires,
Monet Chartrand a subdivisé son ouvrage en
grands thèmes qui reflètent mieux la réalité des
femmes. Ainsi passons-nous de la vie des
premières habitantes aux premières
communautés religieuses, puis à la génération
des dames patronnesses, au droit de vote et
d'éligibilité, et au Cercle des fermières; les
autres chapitres portent sur le travail, les
journalistes, artistes et écrivaines, les années
'60, les 25 années qui ont suivi l'obtention du
droit de vote pour se terminer par la
radicalisation du féminisme dans les années '70.
Un second tome couvrira la période de 1975 à
nos jours.
L'auteure signe quelques courtes
introductions qui figurent au début de la plupart
des chapitres et parfois un bref résumé
biographique. Dommage que l'on ait laissé aux
lectrices le soin de déduire que les textes de
Monet Chartrand sont présentés en italiques.
L'ouvrage est toutefois facile à consulter, car un
titre général ou le nom d'une femme ou d'un
organisme coiffe chaque section. L'index permet
de repérer rapidement ce qui vous intéresse.
Les extraits sont suivis de la source entre
parenthèses mais, malheureusement, comme
cette indication ne comporte pas l'année de
publication, il faut se reporter à la bibliographie
pour situer l'écrit en question. À titre d'exemple,
il serait utile de savoir que les remarques sur les
féministes anglophones du début du siècle ont
été écrites non à cette époque mais en 1979.
Quel plaisir pourtant de feuilleter ce livre où
surgissent au fil des pages les noms de femmes
dont la contribution demeure inconnue ou
méconnue. Monet Chartrand les fait sortir de
l'ombre et donne le goût d'en savoir davantage à
leur sujet. Outre les figures illustres comme les
Marguerite Bourgeois, Justine Lacoste Beaubien
et Thérèse Casgrain, nous découvrons entre
autres Agathe Lacourcière Lacerte, première
professeure à l'Université Laval dans les années
'30, et Irma Levasseur, première femme
médecin du Québec. Parce que Simonne Monet
Chartrand réunit la religieuse, la dame
patronnesse, la suffragette, la syndicaliste, la
journaliste, l'artiste eMa féministe radicale, elle
nous fait prendre conscience que la
reconnaissance de nos droits est tributaire des
efforts cumulés de femmes de tous les milieux
sociaux et de tous les horizons politiques.
S'il convient de saluer l'heureuse initiative de
Simonne Monet Chartrand qui a fait revivre dans
ces quelques cinq cent pages des figures
importantes de l'histoire des femmes, il faut
néanmoins signaler quelques lacunes.
La première est le manque d'uniformité dans
la présentation des renseignements. Ainsi,
seules certaines rubriques biographiques
comportent les années de naissance et de mort.
VOL 20 No 3
La deuxième est le choix des extraits qui semble
parfois discutable. À titre d'exemple, son
traitement des femmes autochtones laisse
perplexe. Après un rappel des événements
d'Oka, elle se contente de citer deux pages
tirées du manuel d'histoire du secondaire IV
pour montrer l'apport des Amérindiennes à la
société du début de la colonie. Notons toutefois
à sa décharge qu'elle consacre sept pages aux
droits des femmes autochtones dans le chapitre
sur les 25 années qui ont suivi l'obtention du
droit de vote. Peut-être les sources sont-elles
plus nombreuses pour cette période récente. La
publication des textes de Johanne Doré et de
Denise Guénette dans le chapitre sur le droit de
vote semble également contestable. En effet,
pourquoi citer deux textes certes hilarants mais
qui nous apprennent somme toute peu de
choses sur la lutte pour ce droit?
Comme l'auteure ne prétend pas traiter de
toutes les femmes ni de toutes les questions, on
pourrait difficilement lui reprocher son manque
d'exhaustivité. Pourtant, il lui manque des
sources importantes, notamment, l'ouvrage de
Denise Lemieux et Lucie Mercier, Les femmes
au tournant du siècle. Cet oubli prive
malheureusement les lectrices de
renseignements utiles.
Toutefois, ces critiques n'enlèvent pas à
l'auteure son mérite principal: celui d'avoir oser
produire un premier recueil des femmes et
groupes importants du mouvement féministe.
Malgré ces lacunes, l'ouvrage servira
certainement de point de départ pour des
recherches historiques plus poussées. D'ici là,
Simonne Monet Chartrand aura su mettre à la
portée de toutes, un outil unique en son genre.
Ml
Denise Veilleux est une militante féministe de longue
date. Elle collabore occasionnellement à diverses
publications, à titre de journaliste et de traductrice. Elle
coanime à une émission radiophonique, Ellipse, à
l'Université d'Ottawa.
CES FEMMES ONT ECRIT POUR NOUS
préparé par lucfeMorgado
L
a bibliographie d'ouvrages féministes que nous vous proposons n'est
évidemment pas exhaustive. Seulement trente publications sur des
centaines. Nous tenions cependant à vous présenter un éventail
assez représentatif des diverses préoccupations des femmes de notre histoire
récente. Un hommage à toutes celles qui ont pu nous inspirer et faire avancer la
pensée féministe, (par ordre alphabétique d'auteures)
Le Silence des médias
Le Silence des médias nous montre ce qu'est
l'information aujourd'hui. Si un groupe d'hommes
puissants gère à sa façon l'information et si la
majorité de ceux qui la fabrique sont aussi des
hommes, quelle place reste-t-il pour les
femmes? Comment parle-t-on d'elles et
comment leur parole peut-elle se faire entendre?
Colette Beauchamp tente de répondre à
toutes ces questions en nous brossant un
tableau de ce qu'est le monde de l'information.
BEAUCHAMP, Colette. Le silence des
médias, Montréal, Remue-ménage, 1988 (1987).
Du Côté des petites filles
Elana G. Belotti analyse les modalités des
conditionnements sociaux sur la formation du
rôle féminin dans la petite enfance. L'auteure
défend une éducation dite égalitaire où le
développement des qualités «humaines»
indifférenciées du sexe est privilégiée.
BELOTTI, Elana, G.. Du côté des petites
filles, Paris, Éditions des femmes, 1974 (1973).
L'Eugélionne
Dans une immense fresque allégorique,
l'auteure fait table rase des idéologies féministes
en cours et fait ressortir la confusion qui règne
dans la psychologie de la femme.
L'audace et l'humour sont incontestablement
les caratéristiques dominantes de cet ouvrage et
s'allient à une lucitidé efficace pour démasquer
les multiples tabous qui hantent encore
l'existence de l'espèce féminine.
L'INTERVENTION
FÉMINISTE
BERSIANIK, Louky. L'Eugélionne, Montréal,
Éditions La Presse, 1976.
Viol et Pouvoir
Les auteures tentent de développer une
approche théorique du viol basée sur des
données empiriques rigoureuses et irréfutables.
Théoriciennes et féministes, les auteures veulent
développer une théorie qui tienne compte du
rôle joué par les femmes dans l'Histoire et de
l'évolution historique du concept du délit de viol.
CLARK, Lorenne et Debra LEWIS. Viol et
pouvoir, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1983.
Femmes et contre pouvoirs
Quels enseignements peut-on tirer des
diverses stratégies développées par les femmes
pour affirmer leur place dans la société et plus
particulièrment dans la vie politique? Y a-t-il des
conclusions à tirer de l'Algérie du Front de
libération nationale, de l'Espagne de l'AprèsFranco, de l'Argentine des Militaires ou de la
Pologne de Solidarité? À d'autres niveaux,
quelles significations faut-il donner aux actions
menées au travers des associations bénévoles
[...] ou encore par le biais de l'écriture?
C'est entre autres à ces questions que
tentent de répondre les études inédites de ce
livre. Permettant de comparer des expériences
historiques et sociales très diversifiées, des
VOL 20 No 3
Notre corps,
spécialistes et des militantes de plusieurs pays
proposent ici une vision renouvelée de
l'émancipation des femmes.
COHEN, Yolande (sous ladir. de). Femmes
et contre pouvoirs, Montréal, Boréal, 1987.
Femmes et Politique
Ancré dans la réalité que nous vivons, ce
livre présente les réflexions de dix femmes
témoins - politologues, sociologues, anthropologues, psychologues, historiennes — sur la
politisation des femmes. Un document (...) qui
passionnera tous ceux et toutes celles qui
s'intéressent à l'avenir politique du Québec.
COHEN, Yolande (sous la dir. de). Femmes
et politique, Québec, Le jour, 1981.
L'Histoire des femmes au
Québec depuis quatre siècles
Voici un autre livre d'histoire mais une
histoire «dite autrement».
Quatre historiennes ont relevé ce défi.
S'appuyant sur une recherche fouillée et
abondamment documentée, elles rapportent les
actions, les gestes de toutes ces femmes, le
plus souvent anonymes, qui n'avaient pas de
signification historique aux yeux des historiens.
On retrouve leurs traces, entre autres, à
travers les changements qui ont affecté
l'organisation du travail, à travers les
modifications dans la taille et la fonction des
familles en suivant le cours de l'évolution de leur
rôle au sein de la société des hommes pendant
ces quatre siècles d'histoire.
Collectif Clio. L'Histoire des femmes au
Québec depuis quatre siècles, sous la
dir. de nicole BROSSARD et Andrée
YANACOPOULO. Montréal, Les quinze, 1982.
Le Féminisme ou la mort
Le féminisme c'est l'humanité toute entière
en crise, et c'est la mue de l'espèce; c'est
véritablement le monde qui va changer de base.
Et beaucoup plus encore: il ne reste plus de
choix; si le monde refuse cette mutation qui
dépassera toute révolution comme la révolution
a dépassé l'esprit de réforme, il est condamné à
mort.
D'EAUBONNE, Françoise. Le Féminisme ou
la mon, Paris, Pierre Horay Éditeur, 1974.
Collection Femmes en mouvement.
Le Deuxième Sexe
L'ouvrage de Simone de Beauvoir a
contribué à créer les conditions idéologiques qui
ont permis la théorisation de la condition des
femmes. (Voir encadré)
DE BEAUVOIR, Simone. Le deuxième sexe,
tomes I et II, Paris, Gallimard, 1976 (*1949),
réédition 1990.
Pour un Féminisme libertaire
Micheline de Sève propose dans ce livre une
approche nouvelle fondée sur une conception
radicale de la liberté, qui débouche sur des
modèles sociaux alternatifs où différence et
égalité cessent de s'opposer et où les rapports
hiérarchiques cèdent la place à une multiplicité
d'échanges libres et créateurs.
DE SÈVE, Micheline. Pour un féminisme
libertaire, Montréal, Boréal Express, 1985.
Droits des Femmes, Pouvoir
des Hommes
Le vécu de notre oppression nous est
familier, mais son institutionnalisation par le
discours juridique, par la loi, par les pratiques
administratives et judiciaires, par la politique
réformiste du pouvoir, demeure largement
inexplorée.
La Femme mystifiée
Ce livre est devenu une sorte de catalyseur
pour le mouvement féministe américain. Il a
modifié la culture et la conscience des femmes
et demeure un ouvrage en mesure d'influencer
les choix que doivent affronter les femmes en
1990.
FRIEDAN, Betty. La femme mystifiée, traduit
de l'américain par Yvette Roudy, Paris,
Éditions Gonthier, 1964(1963),
Un Vol organisé:
la discrimination des femmes
Parce que des lois, des règlements, des
conventions collectives et des organismes ont,
depuis quelques années, fait disparaître certains
signes extérieurs de la discrimination des
femmes, on s'imagine parfois que tout est
réglé... Or il n'en est rien. Il existe encore de
multiples formes de discrimination, plus subtiles
et plus insidieuses, qui démontrent clairement
que le chemin à parcourir est long.
Ce livre présente, morceau par morceau,
l'ensemble des éléments essentiels à la
compréhension de la réalité des ghettos
d'emploi féminins au sein des secteurs public et
parapublic québécois.
GAGNON, Nathaly. Un vol organisé: la
discrimination des femmes, Hull,
Éditions Asticou, 1989.
Une Si Grande Différence
Instrument d'analyse et arme de combat, ce
livre, né du choc de la lutte des femmes et du
droit, apporte à l'une et à l'autre un éclairage
nouveau.
DHAVERNAS, Odile. Droits des femmes,
pouvoir des hommes, Paris, Seuil, 1978.
Un ouvrage de très grande importance dans
le domaine de la psychologie. Carol Gilligan
nous démontre que l'expérience et le point de
vue des femmes posent un défi aux théories
traditionnelles du développement humain qui
opposent le caractère déviant de l'expérience
des femmes au caractère normatif de
l'expérience des hommes.
La Fascination du pouvoir
En faisant appel à de nombreuses disciplines
- anthropologie, histoire, théorie politique,
théologie, médecine, loi et éducation - Marilyn
French démontre que le système du pouvoir
n'est ni naturel, ni inévitable.
FRENCH, Marilyn. La fascination du pouvoir,
traduit de l'américain par Hélène Ouvrard, Paris,
Acropole, 1986().
VOL 20 No 3
GILLIGAN, Carol. Une si grande différence,
traduit de l'américan par Anne Kwialek, Paris,
Flammarion, 1986 ().
Nous, notre Santé,
nos Pouvoirs
Ce recueil de textes s'inscrit [...] directement
dans la lignée des nombreux ouvrages
féministes québécois, américains, français et
autres, concernant les différentes facettes de la
réappropriation de nos corps et de nos vies.
G.R.A.F.S. Nous, notre santé, nos pouvoirs,
Montréal, Éditions coopératives
Albert Saint-Martin, 1983.
La Femme eunuque
II est impossible de plaider avec succès la
cause de l'émancipation féminine tant qu'on
aura pas déterminé avec certitude le degré
d'infériorité ou de dépendance naturelle de la
femme.
Ce livre fait l'étude du corps, de l'âme, de
l'amour et de la haine, et plaide la révolution
qu'autant que l'on rectifie des perspectives
faussées par nos préjugés sur la féminité, la
sexualité, l'amour et la société.
Ce livre n'est qu'une contribution parmi
d'autres aux questions que la femme perplexe
se pose devant le monde. Il n'y répond pas,
mais les formule peut-être plus clairement
qu'elles ne l'ont été jusqu'ici.
GREER, Germaine. La femme eunuque,
traduit de l'anglais par Laure Casseau, Paris,
Éditions Robert Laffont, 1973 (1970).
Sexe et Destinée
Germaine Gréer accuse aujourd'hui
l'occident d'être allé trop loin dans sa révolution
sexuelle. Elle prêche désormais le retour à
certaines valeurs ou techniques traditionnelles.
Surtout, elle juge que l'absence de toute
morale sexuelle a fait de la femme moderne un
être vidé de lui-même.
LE DEUXIEME SEXE REFAIT SURFACE
Le livre qui a déclenché
une «épidémie de liberté».
par Thérèse Boutin
/L relire absolument ce livre de Simone de
Beauvoir! Et pour celles qui n'ont jamais osé,
c'est le temps ou jamais de lire ce traité sur le
féminisme publié la première fois en 1949.
Je recommande Le Deuxième Sexe 40 ans
après sa publication d'abord pour la préface de
Benoîte Groult: cette écrivaine et commentatrice
sociale peu égalée en son pays est également
ma romancière européenne préférée. J'ai pensé
qu'elle ferait non seulement l'éloge de cette
oeuvre, mais qu'elle y mettrait une lumière et
une interprétation qui ne pourraient qu'éclairer la
démarche féministe depuis 1949. Je ne me suis
pas trompée, et le livre vaut le coût pour sa
seule préface.
Peu de livres, écrit-elle, ont suscité à travers
le monde une pareille prise de conscience
collective et incarné les aspirations avouées,
réprimées ou inconscientes d'une si large partie
de l'humanité. Même quand elles n'ont pas été
lues, les oeuvres de Simone de Beauvoir ont
pénétré les mentalités et impulsent encore une
bonne part de ce que disent, font ou écrivent les
femmes d'aujourd'hui.
du quotidien (au Canada du moins) on relit
Simone de Beauvoir et on se rend compte à
quel point il est vrai qu'»on ne naît pas femmes,
on le devient».
Il faut bien comprendre que Le Deuxième
Sexe est un traité de philosophie, un essai sur
l'existentialisme du point de vue d'une femme
brillante qui s'est foutue toute sa vie de ce que
pensaient ses congénères (a l'exception de ses
proches amis et de son compagnon de vie
pendant plus de 50 ans, Jean-Paul Sartre). Il
faut aussi être consciente du contexte. La
France se relevait de la guerre et de !a
résistance. Les femmes étaient pauvres,
exploitées et abusées, et le taux d'avortement
était au plus haut de toute l'histoire de la France
(taux qui a été réduit de moitié après la
légalisation de l'avortement sous les offices de
Simone Veil).
Ce qui reste désarmant et alarmant à la
lecture ou relecture de ce traité, c'est qu'en 1990
les choses n'ont pas beaucoup changé. Certes il
y a eu des changements importants sur la forme
(du moins au Canada) - mais sur le fond, on
reste perplexe une fois le livre refermé.
11 n'est pas douteux que le recul du
féminisme dans les années 80 et un rejet de ce
militantisme honni - auquel les femmes doivent
pourtant des droits dont elles n'imaginent plus
d'être privés - ont desservi la mémoire de
Simone de Beauvoir. Elle n'est pas encore à sa
vraie place dans l'histoire des idées.
Une nécessité absolue dans toute
bibliothèque personnelle.
Ce Sexe qui n'en est pas un
Elle [S. de B,] a en tout cas contribué plus
que tout autre à l'émergence d'une conscience
féminine capable de surmonter la fatalité de sa
condition, ce qui est le sens même de
l'existentialisme.
Luce Irigaray examine la sexualité féminine
qui, dans nos sociétés patriarcales, est soumise
au désir masculin. Ce Sexe qui n'en est pas un
«Le jour où il sera possible à la femme
d'aimer, d'aimer dans sa force et non dans sa
faiblesse, non pour se fuir mais pour se trouver,
non pour se démettre mais pour s'affirmer, alors
l'amour deviendra pour elle comme pour
l'homme source de vie et non mortel danger. »
Puis, justement en cette fin de siècle, alors
que les préoccupations des femmes font partie
Avec Sexe et destinée, Germaine Gréer jette
les bases d'un nouveau féminisme où le maître
mot n'est plus libération, mais épanouissement.
GREER, Germaine. Sexe et destinée, traduit
de l'anglais par Anne D'amour, Paris, Grasset,
1986(1984).
VOL 20 No 3
Simone de Beauvoir. Le Deuxième Sexe,
Paris, Édition France Loisir 1990. Préface de
Benoîte Groult. 1100 pages, 40$.
«Il
Simone de Beauvoir
exprime l'urgence de rendre aux femmes leur
propre érotisme.
IR1GARAY, Luce. Ce sexe qui n'en est pas
un, Paris, Éditions de Minuit, 1977.
Citoyennes? Femmes,
droit de vote et démocratie
Citoyennes?relate les diverses péripéties de
la lutte pour l'obtention du droit de vote par les
femmes du Québec comme au Canada.
L'auteure analyse les arguments des opposants
au vote des femmes ainsi que ceux des
suffragettes. Outre le portrait qu'elle brosse
d'Idola Saint-Jean, Diane Lamoureux étudie la
notion de la citoyenneté et nous présente une
réflexion théorique sur la contribution du
féminisme contemporain au débat sur la démocratisation politique et sociale.
LAMOUREUX, Diane. Citoyennes?
Femmes, droit de vote et démocratie, Montréal,
Remue-ménage, 1989.
La Politique du mâle
Ce qu'on oublie dans la société actuelle,
c'est que l'homme impose ses lois à la femme
en vertu d'une sorte de «colonialisme intérieur»
considéré comme naturel.
L'analyse de Kate Millet, basée sur un
examen de la prétendue révolution sexuelle, du
freudisme, d'une certaine littérature [...] est
impitoyablement lucide, fascinante et difficile à
réfuter.
MILLET, Kate. La politique du mâle, traduit
de l'américain par Elisabeth Gille, Paris, Stock,
1971 (1969).
La Dialectique
de la reproduction
La Dialectique de la reproduction est une
critique sur la philosophie politique traditionnelle.
L'ouvrage porte principalement sur la nature et
la différence de l'expérience masculine et
féminine de la reproduction biologique, ainsi que
sur l'impact de l'expérience masculine de la
reproduction sur la théorie et la pratique
politique.
O'BRIEN, Mary. La dialectique de la
reproduction, traduit de l'anglais par Claudine
Vivier, Montréal, Remue-ménage, 1987(1981).
Tant qu'il y aura des femmes
Elula Perrin nous raconte ici la vie de neuf
lesbiennes, leurs espoirs, leurs joies, leurs
difficultés d'être et leur sexualité. Une histoire
crue, poignante, authentique.
PERRIN, Elula. Tant qu'il y aura des
femmes, Paris, Éditions Ramsay, 1978.
Le Corps paradoxal: regards
de femmes sur la maternité
Malgré le nombre imposlant d'ouvrages sur
la maternité, on sait peu de choses sur ce que
les femmes elles-mêmes pensent de cette
expérience et sur la façon dont elles la vivent,
dans leur corps. Les femmes font l'objet de
nombreux écrits, certes, mais n'en sont jamais
les sujets. L'originalité du livre de Ûuéniart, c'est
de leur laisser la parole et de nous amener à
voir et comprendre la maternité de leur point de
vue.
QUENIARD, Anne. Le corps paradoxal:
regards de femmes sur la maternité, Montréal,
Éditions Saint-Martin, 1988.
Naître d'une femme
Dans Naître d'une femme Adrienne Rich
explore les différentes facettes de la maternité.
La maternité est présentée, d'un côté, comme
expérience mettant en valeur le pouvoir des
femmes, pouvoir créateur de vie, et de l'autre,
comme institution maintenant les femmes sous
le contrôle des hommes.
RICH, Adrienne. Naître d'une femme: la
maternité en tant qu'expérience et institution,
traduit de l'américain par Jeanne Faure-Cousin,
Paris, Denoel-Gonthier, 1980 ().
Quand Dieu était femme:
à la découverte de la
Grande Déesse, source du
pouvoir des femmes
Merlin Stone présente sous un jour nouveau
un chapitre de l'histoire que trente siècles de
pouvoir de la religion des hommes avaient réussi
à reléguer dans l'obscurité. Elle apporte des
données essentielles aux luttes que les femmes
mènent encore aujourd'hui pour leurs droits et,
chemin faisant, elle ouvre aux hommes qui sont
intéressés à en faire la démarche une vision plus
VOL 20 No 3
large de l'évolution historique de leurs propres
stéréotypes sexuels.
STONE, Merlin. Quand Dieu était femme: à
la découverte de la Grande Déesse, source du
pouvoir des femmes, traduit de l'américain par
Catherine Germain et al., Montréal, L'Étincelle,
1979(1976).
La Parole aux négresses
Longtemps les négresses se sont tues. Il est
temps qu'elles redécouvrent leur voix, qu'elles
prennent ou reprennent la parole, ne serait-ce
que pour dire qu'elles existent, qu'elles sont des
êtres humains et qu'en tant que tels, elles ont un
droit à la liberté, au respect, à la dignité.
THIAM, Awa. La parole aux négresses,
Paris, Denoel-Gonthier, 1978.
Sexe, Pouvoir et Plaisir
II s'agit d'un travail ambitieux car il analyse
les problèmes posés par les options sexuelles
ouvertes aux femmes — hétérosexualité,
lesbianisme et bisexualité — par l'importance de
la pornographie et par les représentations du
désir féminin qui nous sont imposées et que
nous tentons de modifier. En conclusion, il
aborde aussi la problématique d'une éthique
sexuelle qui puisse être assez souple pour
convenir, sinon à toutes les femmes, du moins à
un grand nombre d'entre nous.
VELVERDE, Mariane. Sexe, pouvoir et
plaisir, traduit de l'anglais par Lyna Lepage,
Montréal, Remue-ménage, 1989 (1985).
Du Travail et de l'Amour: les
dessous de la production
domestique
Un ouvrage clé qui va au coeur de la vie
quotidienne. À partir d'une très vaste revue de
littérature, cette recherche a permis de dégager
et de systématiser toutes les informations,
données, enquêtes, bribes d'histoire, analyses,
etc. pour enfin cerner les différents aspects du
monde domestique.
VANDELAC, Louise (sous la dir. de).
Du travail et de l'amour: les dessous de la
production domestique, Montréal,
Éditions Saint-Martin, 1985.
Ml
Vers l ' a n 2000* - B R A V O , LES
ous voilà rentrées dans la dernière
décennie avant l'an 2000, et en ces débuts
d'année, nous sommes toujours pleines de
bonnes résolutions. On veut se remettre en
santé après les Fêtes et arrêter de gaspiller.
Pourtant, il me semble que cette fois-ci, les
cartes sont brouillées. Personne ne veut de
troisième guerre mondiale, et malgré tout, le
conflit du Moyen-Orient est devenu un combat
de petits coqs qui ne veulent pas perdre la face.
Tout le monde s'insurge contre laT.P.S., mais
bon an, mal an, nous allons finir par acheter des
paquets de six yogourts plutôt qu'à l'unité pour
ne pas la payer. Quelle impuissance est la nôtre
devant ce monde qui ne tourne plus très rond et
dont nous sentons qu'il nous échappe de plus en
plus! Paradoxalement, nous sommes arrivé-e-s
à un point tel, où, tout en faisant partie
intégrante de ce monde, nous nous en
distançons de plus en plus jusqu'à nous en être
marginalisé-e-s. Plus rien ne semble nous
affecter et pourtant il nous faut arriver à prendre
conscience simultanément de notre relation
fondamentale avec le cosmos et de notre
étrangeté.
Tout le monde communique, mais personne
ne se communique. Hommes/femmes, Nord/
Sud, Est/Ouest, êtres humains/Nature, êtres
humains/Culture, l'ensemble de ces couples
forment un monde fragmenté, isolé, cloisonné,
sans parole, et surtout sans partage, ni dialogue.
Nous n'arrêtons pas de communiquer, mais
nous ne nous comprenons plus, car la
communication devient vide de sens, à force de
vouloir unifier un monde qui ne sait plus où il va,
ni ce qu'il veut.
Au début des années 70, les femmes ont
commencé à se révolter, à revendiquer un
certain nombre de droits socio-politiques, ça;
elles n'acceptaient plus les limites traditionnellement imposées par les hommes. Mais ces
batailles sur l'équité au travail, par exemple, le
droit de disposer librement de son corps ou la
recherche d'une identité autre que celle des 3 F
(femme-épouse; femme-mère; femmetravailleuse) ne datent pas d'hier, d'autres
femmes les avaient commencées et d'autres les
continueront. En effet, il ne semble que rien
n'est jamais totalement acquis pour les femmes.
«Mais, qu'est-ce qu'elles veulent encore?»,
FEMMES!
par
Myriame
E! Yamani
Nicole Valléee
LA DECENNIE A VENIR:
SOLITUDE OU PARTAGE?
nous demandaient certains hommes, lorsqu'à
l'été 1989, il nous a fallu, une nouvelle fois, sortir
dans les rues pour exiger un avortement libre et
gratuit pour toutes...
Vingt ans plus tard, il me semble que c'est à
notre tour de leur demander ce qu'ils veulent.
Nos aînées nous ont appris à devenir
autonomes économiquement et socialement, à
prendre la parole, à comprendre les situations
d'oppression, à combattre toutes les formes de
violence intentées contre les femmes, et
finalement à tenter d'être reconnues comme des
personnes à part entière. Pourtant, il me semble
que les liens qui unissent actuellement les
hommes et les femmes sont imprégnés du
même sentiment d'étrangeté que celui qui règne
dans notre relation au monde. Terre malade,
coeur malade! Nous nous sentons de plus en
plus seul-e-s face à notre incapacité de dire
notre amour des choses simples de la vie, à
partager nos désirs et aussi nos peurs de vivre
pleinement, en harmonie avec l'Autre. Car, ce
que nos aînées ne nous ont pas appris, c'est
d'avoir la force de gérer nos solitudes. Non pas
celle qui nous saisit le matin devant notre bol de
café ou la veille de Noël, mais celle qui,
VOL 20 No 3
subrepticement, vient ponctuer notre quête de
bonheur ici-bas.
Reconnaître nos relations d'interdépendance, c'est sans doute commencer par
admettre notre dépendance écologique et
sociale avec le monde, la terre, la nature, mais
c'est aussi pour les femmes affirmer notre
dépendance amoureuse avec les hommes, sans
pour autant dénier les fruits de notre indépendance. Fragile équilibre, question difficile,
mais n'est-ce pas notre défi pour la prochaine
décennie? Donner, mais aussi apprendre à
recevoir, en exigeant notre part de responsabilité et d'engagement réciproque, c'est sans
doute par là que passe le partage que nous
devons maintenant mettre en pratique dans nos
vies individuelles. Notre conscience de faire
partie de ce monde et d'essayer de l'améliorer
nous encourage à vaincre ce sentiment
d'isolement et d'impuissance qui parfois nous
envahit, malgré nous.
in
Myriam El Yamani est journaliste pigiste. Elle a
collaboré également à Vent d'Est et divers autres
publications
BESOIN D'ESPOIR:" par Anna Beaudette
C
omment faire confiance à
l'avenir? se demande
Anita Beaudette, une
jeune femme du Manitoba, à qui nous
avions demandé d'imaginer l'avenir
pour conclure notre dossier. Sa vision
est plutôt négative avoue-t-elle sinon
réaliste. À ses yeux, la pollution et les
menaces de guerre présentent un
horizon bien sombre. Le rêve d'un
monde meilleur est-il possible?
ous, les humains, dans notre grande
sagesse, avons décidé que la nature ne faisait pas assez bien les choses
pour nous. Nous avons alors détruit des forêts, des plaines pour construire
des villes où l'air est vicié. Là se retrouve aussi des routes pour que nos
voitures puissent nous transporter d'un endroit à l'autre laissant derrière
eux des nuages de polluants. Nous avons créé un monde qui offre de plus
en plus de confort à ceux qui possèdent l'argent et où se pratiquent trop
facilement le crime et l'injustice. De l'autre côté, beaucoup de gens vivent
dans la famine et la pauvreté. Après avoir transformé la terre en un énorme
dépotoir, nous regardons le dommage et nous essayons d'en empêcher la
reproduction. On se dit que si on pouvait apprendre à travailler en harmonie
avec la nature, au lieu de travailler contre elle, la terre ne serait pas en si
mauvais état. Eh bien, ce n'est pas très logique tout ça!
Combien d'espèces d'animaux et de plantes avons-nous déjà perdues?
Combien de lacs sont déjà si pollués que toute vie y est disparue?
Plusieurs pays et leurs gouvernements ont reconnu les problèmes
environnementaux, mais pourquoi continue-t-on à couper les arbres, à
verser nos déchets dans les cours d'eau et, plus près de nous, à se servir
de tasse en polystyrène? On nous dit que les processus décisionnels
gouvernementaux empêchent la mise en vigueur immédiate des lois. Ça
prend du temps, dit-on, mais ce temps perdu dans les formalités et la
«paperasse» n'améliore pas la qualité de notre environnement terrestre.
Ce qui est positif dans tout cela, c'est que nous avons appris notre
leçon: nous voulons de plus en plus nettoyer nos dégâts en nous s'assurant
que cela ne se reproduise plus. Bravo!
très fort qui déchire, qui donne envie de crier son désespoir ou mieux
encore, de disparaître simplement. Après avoir connu ces émotions, il me
semble inconcevable de justifier une guerre. Que ce soit pour défendre sa
religion, sa terre, son pétrole ou quoique ce soit. Le tout ne devrait pas être
échangé contre des milliers de vies. Il est difficile d'être optimiste après
avoir vu les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale. Le pire réside
dans le fait que nous continuons de nous battre comme si la violence et la
mort seraient la réponse à nos problèmes.
Aujourd'hui, j'écoute les nouvelles et je lis les journaux pour y découvrir
que des milliers de gens meurent de faim, que la récession au pays est de
plus en plus sévère et que la guerre sévit dans le golfe Persique. C'est très
encourageant tout ça!
Comme jeune Franco-Manitobaine, je regarde l'avenir un peu avec
pessimisme. À l'heure actuelle, les choses vont bien. Je prends mes cours
universitaires en français avec des jeunes, comme moi, prenant leur langue
et leur culture à coeur. Par contre, si je regarde les statistiques, la communauté franco-manitobaine s'assimile à une vitesse alarmante. Dans cinq,
dix ou vingt ans, la «langue belle et fière» de Daniel Lavoie deviendra peutêtre la langue de nos ancêtres.
Comme étudiante, je partage les mêmes frustrations et les mêmes
peurs que la plupart de mes consoeurs et confrères des universités
canadiennes. Les frais d'inscription augmentent chaque année et le
gouvernement menace maintenant de taxer les livres.
J'ai eu un professeur à l'école secondaire qui encourageait ses élèves à
changer de lunettes pour voir les choses d'un autre point de vue. Si je
mettais mes lunettes jaunes, signifiant la joie et l'optimisme, je verrais les
choses d'une façon plus positive.
C'est vrai, il y a de belles choses sur cette terre: la beauté d'un lever ou
d'un coucher du soleil, la musique, la naissance d'un enfant, l'amour, le
partage, pour n'en nommer que quelques-unes. Il est aussi vrai que la
majorité des gens ici-bas feraient beaucoup pour aider leur prochain. Ce
serait tellement plus agréable de vivre dans une société où l'argent et les
biens matériels ne seraient pas si importants. On accepterait tout le monde;
quels que soient leur fortune, leur pouvoir politique, leur nationalité, leur
race et leur religion. Ah, que c'est beau de rêver!
J'espère sincèrement que ma génération saura apprendre des fautes
'qu'ont fait les générations du passé et que, peut-être de cette façon, les
jeunes de demain feront face à un avenir plus resplendissant.
Une autre réalité de la vie humaine m'afflige: la guerre.
En février 1990, j'ai passé quelques jours à Hiroshima, au Japon, où j'ai
visité le Musée de la Paix. Dans ce musée, j'ai vu l'horreur du génocide de
milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. C'est la première fois que j'ai
ressenti toute la honte d'appartenir au genre humain. C'est un sentiment
MI
Anita Beaudette est étudiante en première année au baccalauréat es sciences au
Collège universitaire de St-Boniface. Anita est originaire du village de St-Jean-Baptiste au
Manitoba. Promue en juin 1990 de l'école secondaire de ce village, elle habite maintenant
à Winnipeg.
VOL 20 No 3
VINGT ANS DÉJÀ ••• VINGT ANS ENCORE!
OÏEZ CAÏD DAT
la
BOURSE
D'ÉTUDES
Almanda
Walker Marchand
Qui sera l ' h e u r e u s e l a u r é a t e
pour l'année 1991-1992?
La FNFCF
reçoit les
L'an dernier, Pierrette
demandes
de bourse
d'études
Vallières de Hearst en
Ontario s'est méritée une
Almanda.
Walker
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Date limite d'inscription: 30 avril 1991
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