Zinedine Zidane

Transcription

Zinedine Zidane
magazine
PORTRAIT
Zinedine Zidane,
un diamant à l’état brut
Tantôt dieu, tantôt homme prêt à défendre ses valeurs, Zinedine Zidane
aura prouvé lors de cette Coupe du Monde que la perfection n’est bel
et bien pas de ce monde. Retour sur l’odyssée d’un joueur hors du
commun !
PAR JEAN VIREBAYRE
1890 - 22 footballers use net for first time.
2006 - Millions of fans use net billions of times.
20 million fans visited the Yahoo! hosted 2002 FIFAworldcup.com site 2.4 billion times.
We’re ready for more, are you?
SEPTEMBRE 2006
15
magazine
PORTRAIT
L
e temps n’altère pas le talent,
comme l’a démontré Zinedine
Zidane lors de la Coupe du
Monde de la FIFA, Allemagne 2006,
dont il a été sacré le meilleur joueur.
Transformer la finale de la Coupe du
Monde en un jubilé de luxe est à l’image d’un joueur hors pair, difficilement
classable.
Il peut être un véritable « génie » du
football, comme l’a qualifié le roi Pelé
au soir d’une nouvelle victoire (1-0)
contre les maîtres brésiliens dont il a
barré la route à deux reprises lors des
trois dernières éditions de la Coupe du
Monde.
Mais, quand le diamant est brut,
il peut parfois présenter des imperfections sur certaines facettes
à l’image de son coup de tête déplacé, dans les prolongations de
la finale, sur le plexus de l’Italien
Marco Materazzi, devant des milliards de téléspectateurs. Un geste
inexcusable qui a choqué le monde
entier, même si ce coup de folie a
sans doute répondu à une provocation verbale.
16
SEPTEMBRE 2006
Pourtant Zidane, aujourd’hui retraité, était sans doute le dernier grand artiste à pouvoir enflammer un stade sur
un contrôle orienté, avec son toucher de
balle de velours au service d’un fabuleux
sens de l’anticipation.
Modeste, il a toujours refusé de se
considérer comme le meilleur joueur du
monde. « Il me manque tellement de
choses... Et surtout la constance. Dans
une saison, j’ai toujours connu des périodes un peu difficiles. » Son discours
est toujours resté celui de la simplicité,
de l’honnêteté et du sens de la famille.
Même après le titre de champion du
monde de 1998 et sa victoire à l’Euro
2000. « Cela n’a rien changé. Je suis
toujours resté le même. Il faut vraiment
rester le même, celui que l’on est, celui
que l’on a toujours été. »
Né d’un père kabyle dans les quartiers nord de Marseille, une ville qui vit
pour le football, rien ne semblait pourtant prédestiner le timide « Yazid » à un
tel destin. Il a dû en effet énormément
travailler pour répondre aux contingences physiques en raison d’une maladie
génétique, une thalassémie bénigne
mais très fatigante.
Les buts décisifs
de Zidane
Son premier but :
Cannes, le 8 février 1991. Cannes bat Nantes 2-1. Zinedine Zidane marque le premier
but de sa carrière chez les professionnels à la 56e minute du match Cannes vs Nantes.
« Le président de Cannes, Alain Pedretti, m’avait promis une voiture le jour où j’inscrirai
ce premier but », se souvient-il. « Il a tenu parole et j’ai reçu ma première voiture, une
Clio rouge, au cours d’une fête avec la participation de tous les joueurs de Cannes. »
Ses débuts internationaux :
Bordeaux, le 17 août 1994. France et République Tchèque : 2-2. Zidane fait ses débuts
internationaux devant son public de Bordeaux lors d’un match amical de début de saison.
Quand Aimé Jacquet lui offre alors sa première sélection à la 63e minute, la France est
menée 2-0. Mais, dans les cinq dernières minutes, d’un tir lobé puis d’une tête croisée,
Zidane offre l’égalisation à la France, son premier cadeau aux Bleus.
Zidane à ses débuts : à Cannes
en 1991 (en haut) et en 1994
sous le maillot tricolore.
FACILITÉS NATURELLES
Sur le plan technique, il apparaît
aujourd’hui comme un surdoué.
Mais même s’il avait des facilités
naturelles, Zidane a beaucoup
travaillé pour faire rêver avec ses
exploits, comme la « magique
roulette de la Castellane ». « Je
suis arrivé à ce niveau en travaillant
beaucoup, en essayant des tas de trucs
et en en tentant d’autres. J’étais avec le
ballon du matin au soir, il fallait bien
que je m’occupe. Quand ce n’étaient
pas des matches, c’était des un contre
un, des deux contre deux, des tennis
ballon. D’autres fois, il fallait
viser des objets. Alors, forcément, on apprend. Et
moi, tant que je n’avais
pas touché un certain
nombre de fois l’objet
visé, je continuais », se
souvient-il.
Et puis, Zidane a eu
la chance de rencontrer
sur sa route d’homme et
de footballeur plusieurs personnes qui ont su comprendre
et entourer cet artiste à la sensibilité exacerbée. Jean Varraud, son
« père spirituel », décédé lors de la
Coupe du Monde, l’a fait venir au
centre de formation de Cannes, où
il a découvert l’élite à seize ans, en
1989. Il a ensuite grandi sans vague
aux Girondins de Bordeaux, un
club feutré correspondant à son
tempérament.
Sur le toit du monde :
Paris, le 12 Juillet 1998. Finale de la Coupe du Monde de la FIFA : la France bat le Brésil
3-0. Alors que sa Coupe du Monde n’est pas jusque-là une franche réussite, il prouve
avec maestria que les grands matches appartiennent aux grands hommes. En finale, il
va illuminer le Stade de France de toute sa classe : il réussit un fabuleux doublé grâce
à deux coups de têtes, sur deux corners, en première mi-temps. Son nom s’affiche sur
l’Arc de Triomphe.
Confirmation européenne :
Rotterdam, le 2 juillet 2000. Finale de l’Euro 2000. La France bat l’Italie 2-1 sur un but
en or. La France est à son sommet lors du Championnat d’Europe. Encore plus forte
qu’en 1998, elle remporte un deuxième sacre européen après celui de 1984 à l’issue
d’une finale haletante contre l’Italie. Même s’il ne marque pas, l’apport de Zidane, aussi
craint que respecté par les Italiens qui le côtoient chaque semaine dans le Calcio, est
une nouvelle fois énorme.
Le chef-d’œuvre :
Glasgow, le 12 mai 2002. Finale de la Ligue des Champions. Le Real Madrid bat le
Bayer Leverkusen 2-1. Pour sa troisième finale de Ligue des Champions, Zidane va enfin
toucher au but. Il inscrit en effet le but de la victoire sur une frappe d’une rare pureté,
un but qui fait désormais partie du patrimoine de l’histoire du football. A la réception
d’une transversale de Roberto Carlos, il réussit une reprise de volée parfaite du gauche
qui finit dans la lucarne du gardien allemand. C’est probablement le plus beau but de
sa carrière.
De beaux buts décisifs : Zidane
marque de la tête en finale de
la Coupe du Monde 1998, et
il inscrit un but de légende en
finale de la Ligue des Champions
de l’UEFA 2002.
Ensuite, Aimé Jacquet lui a offert sa
première sélection, décidant de reconstruire les Bleus autour de lui. A l’Euro
1996, Zidane est déjà le meneur de jeu
alors qu’Eric Cantona reste à la maison.
La Juventus de Turin, toujours orpheline de Michel Platini, découvre ensuite
ce joueur de classe qui va définitivement
s’épanouir en finale de la Coupe du
Le retour :
Montpellier, le 17 août 2005. La France bat la Côte d’Ivoire 3-0. La patrie en danger
dans les éliminatoires de la Coupe du Monde 2006, Zidane fait son retour en équipe de
France alors qu’il avait, un an plus tôt, annoncé sa retraite internationale. Sur un corner
de Wiltord, Zidane, seul au deuxième poteau, marque le deuxième des trois buts bleus.
Zidane a ranimé le rêve.
Le dernier but :
Berlin, le 9 juillet 2006. Finale de la Coupe du Monde de la FIFA.
L’Italie bat la France 5 t.a.b 3 (1-1). Auteur du but de la victoire contre l’Espagne en huitièmes de finale, puis du penalty décisif contre le Portugal (1-0) en demi-finales, Zinedine
Zidane marque son dernier but contre l’Italie en finale de la Coupe du Monde sur un
nouveau penalty qu’il transforme devant Gianluigi Buffon en tentant et réussissant une
« Panenka », un exploit jamais réalisé en finale de Coupe du Monde.
Monde 1998 où ses deux buts de la tête
ont fait plusieurs fois le tour du monde.
La France tombe définitivement
sous le charme de Zidane qui devient
SEPTEMBRE 2006
17
magazine
PORTRAIT
Les records
de Zidane
Magicien ballon au pied, il est plutôt
réservé lorsqu’il se trouve au centre
de l’intérêt médiatique. En juin 2005,
Zidane pose avec le vainqueur de
Roland Garros, Rafael Nadal (à droite).
l’emblème de la ville de Marseille et
d’une France multiculturelle. Devenu
« Zizou », Zidane se transforme du jour
au lendemain en un symbole pour les
politiques, un Français et gendre idéal
pour les sondages, et une icône pour les
publicitaires qui raffolent de son image
de bon père de famille.
Cette image aurait pu être troublée
en 2001 lors de son départ au Real Madrid pour 75 millions d’euros, le plus
gros transfert de l’histoire du football.
Mais, en fait, l’argent n’a jamais été le
moteur de Zidane pour qui il n’existe
pas une contradiction entre les sommes
mirobolantes qui circulent dans le football professionnel et son engagement
contre la pauvreté dans son rôle d’ambassadeur de l’ONU, au même titre
que Ronaldo. « Cela n’a rien à voir. Si
on me donne beaucoup d’argent pour
jouer au football, c’est sans doute parce
que je le mérite. Ce n’est pas le genre
du milieu de faire des cadeaux. Et puis,
je suis d’autant plus fier d’avoir ce que
j’ai aujourd’hui que je sais ce qu’est la
difficulté. Cela ne peut que me motiver
encore plus pour me battre contre cette
pauvreté. Et, dans le milieu du football, il y a plusieurs copains qui font
comme moi, y compris en équipe de
France, même s’ils le font d’une autre
manière. »
Il sait aussi que son seul nom a une
portée extraordinaire et il ne veut pas
faire n’importe quoi, qui pourrait porter atteinte à son image. « Une chose est
sûre, chacun a le pouvoir de faire quelque chose. Bien sûr que l’on se sert de
moi. Mais, si je suis bien utilisé, je serais
content. »
Sur le plan sportif, après la victoire
de 1998, la France arrive en position de
grande favorite à la Coupe du Monde de
la FIFA, Corée du Sud/Japon 2002, avec
un Zidane au sommet de son art avec le
Real Madrid.
Mais le meneur de jeu des Bleus, arrivé en Asie au dernier moment en raison de la naissance de son fils, se blesse
à la cuisse gauche lors du dernier match
de préparation et manque le début du
tournoi. D’un seul coup, la France est
orpheline et la campagne se termine
dans un lamentable fiasco. Deux ans
après, au terme d’un Euro 2004 décevant au niveau de la prestation collective
et du résultat, Zinedine Zidane préfère
tourner la page et annonce sa retraite
internationale.
LE RETOUR
Dernière explosion de joie : après avoir
transformé un penalty en finale de la CM
2006, Zidane exulte. A la 110e minute,
c’est le choc : le meneur de jeu tricolore
sort sur un carton rouge après un coup
de tête.
18
SEPTEMBRE 2006
Mais devant les difficultés des Bleus
lors des éliminatoires de la Coupe du
Monde 2006, il revient sur sa décision
à l’été 2005 pour reprendre les affaires
en main. Le pari est osé, mais la seule
présence de Zidane transfigure l’équipe
Zidane capitaine des Bleus, à l’entraînement avec le
Real Madrid, le chéri de ses dames et pour une fois
contre son ami et coéquipier du Real, Ronaldo.
de France qui retrouve ses marques et
arrache sa qualification lors du dernier
match.
Et puis, second coup de tonnerre
quelques semaines avant le début du
tournoi, Zidane décide de faire de la
Coupe du Monde sa tournée d’adieu.
Un nouveau pari osé qui a bien failli
réussir. Pourtant au-delà de la victoire
finale de l’Italie, il restera de cette Coupe du Monde un Brésil-France (0-1)
somptueux où Zidane a sans doute livré le match le plus réussi de sa longue
carrière.
Si la perfection existe, c’est à ce stade
de la compétition que Zidane l’a atteinte. Face aux maîtres brésiliens, ses passes
millimétrées, ses feintes insolites et ses
inspirations ont permis à la France de se
hisser dans le dernier carré. Auparavant,
il avait parachevé la victoire sur l’Espagne en huitièmes de finale en inscrivant
le troisième but (3-1) avant de réaliser
en demi-finales une prestation solide et
d’inscrire le penalty de la victoire sur le
Portugal (1-0).
En finale contre l’Italie, le Marseillais
avait ouvert le score en tentant et réussissant une audacieuse « Panenka » sur son
penalty. Et puis, à la 104e minute, sur un
service de Willy Sagnol, il était à deux
doigts de réussir un nouveau doublé sur
une superbe tête en extension pleine de
puissance et de précision. Mais en face,
Gianluigi Buffon, le meilleur gardien du
monde, réalise une parade héroïque.
Zidane sent que sa chance est passée.
Le match lui échappe. Enervé, fatigué,
ZINEDINE
ZIDANE
En ouvrant la marque lors de la finale de
la Coupe du Monde 2006 contre l’Italie,
Zinedine Zidane est entré dans le livre des
records de la plus prestigieuse épreuve de
football du monde.
- Zidane, qui avait réussi un doublé lors de
la finale de la Coupe du Monde 1998 contre
le Brésil, est en effet devenu le quatrième
joueur de l’histoire à avoir marqué lors de
deux finales. Il rejoint les Brésiliens Pelé (1958
et 1970) et Vava (1958 et 1962) ainsi que
le défenseur allemand Paul Breitner (1974
et 1982).
- Avec trois buts inscrits en deux finales, il
rejoint comme meilleur marqueur en finale
les deux Brésiliens (Pelé et Vava) et l’Anglais
Geoff Hurst, auteur d’un triplé en 1966.
- En marquant son 31e but avec l’équipe de
France, il dépasse deux légendes du football
français (Just Fontaine et Jean-Pierre Papin)
et figure au 4e rang des meilleurs buteurs
de l’équipe de France derrière Michel Platini (41 buts), Thierry Henry (36) et David
Trézéguet (32).
Le carton rouge reçu en finale était le 14e
de sa carrière.
Né le : 23 juin 1972 à Marseille (France)
Poste : milieu
Carrière : 1986-1992 : AS Cannes.
1992-1996 : Girondins de Bordeaux.
1996-2001 : Juventus de Turin (Italie).
2001-2006 : Real Madrid (Espagne)
Palmarès : 1998 : vainqueur de la Coupe
du Monde. 2006 : finaliste de la Coupe du
Monde. 2000 : vainqueur du Championnat
d’Europe des Nations. 2002 : vainqueur
de la Ligue des Champions de l’UEFA.
2002 : vainqueur de la Coupe Intercontinentale. 1996 : vainqueur de la Coupe
Intercontinentale. 2002 : vainqueur de la
Supercoupe d’Europe. 1996 : vainqueur
de la Supercoupe d’Europe. 1997 et
1998 : finaliste de la Ligue des Champions
de l’UEFA. 1996 : finaliste de la Coupe
de l’UEFA. 2003 : champion d’Espagne.
1997 et 1998 : champion d’Italie. 2001 et
2003 : vainqueur de la Supercoupe
d’Espagne. 1997 : vainqueur de la Supercoupe d’Italie. Elu Joueur Mondial de la
FIFA en 1998, 2000 et 2003. Elu meilleur
joueur de la Coupe du Monde de la FIFA
2006. Ballon d’or en 1998. Meilleur joueur
de l’UEFA 2002. 108 matches internationaux, 31 buts.
Etat au 11 juillet 2006
impuissant il a finalement une réaction
de débutant et il doit quitter le stade
par la petite porte. C’est fini. Zinedine
Zidane a perdu son dernier pari. Mais,
presque personne ne lui en veut. Il a tant
donné pour le football.
Zidane collectionneur – Joueur
Mondial de la FIFA 2003 (en
haut) et Ballon d’Or 1998.
PHOTOS : FOTO-NET (12), IMAGO (5)
SEPTEMBRE 2006
19
magazine
INTERVIEW
Joseph S. Blatter
FIFA magazine : Sur dix, quelle
note donneriez-vous à la Coupe
du Monde de la FIFA, Allemagne
2006 ?
« Seul le football
en est capable ! »
Pendant la Coupe du Monde de la
FIFA en Allemagne, le Président de
la FIFA, Joseph S. Blatter, a rendu
visite à 31 des 32 équipes. Il dresse
un bilan extrêmement positif du
tournoi, même s’il attendait un
football un peu plus offensif au
deuxième tour.
PAR GEORG HEITZ
Joseph S. Blatter : Je lui mettrais
9 pour l’organisation et l’ambiance et
8 pour la qualité des matches. J’aurais
souhaité un football plus offensif lors
des matches à élimination directe. J’ai eu
l’impression qu’après la phase de groupes,
la seule ambition de la plupart des équipes
était d’éviter la défaite, ce qui a empêché
telle et telle star de briller autant qu’on s’y
attendait. Les joueurs ont paru inhibés par
les contraintes imposées par les sélectionneurs. Et de nombreux sélectionneurs ont
misé sur un seul attaquant. Ce n’est pas
beaucoup ! Zinedine Zidane, en revanche,
a joué comme lors de la Coupe du Monde
de la FIFA, France 98 !
Combien de Coupes du Monde
avez-vous suivies activement ?
Blatter : Je me rends sur place à
chaque Coupe du Monde de la FIFA, pour
la FIFA, depuis 1978. Mais la première
à laquelle je me suis intéressé était celle
de 1950 au Brésil. Pour celle de 1954,
en Suisse, j’étais dans les tribunes. J’avais
acheté un billet à 6,10 francs (suisses) pour
la finale. Je l’ai encore.
En voyant à quelle vitesse évolue le
football, n’avez-vous pas parfois la
nostalgie du passé ?
Blatter : L’évolution du football
suit celle de la société. A une époque,
les terrains étaient séparés des tribunes
par des grilles. C’était horrible et cela a
même coûté la vie à certaines personnes.
Aujourd’hui, les spectateurs peuvent
de nouveau suivre l’action au plus près,
surtout grâce aux Anglais qui ont ouvert
la voie dans ce domaine. Le confort dans
les stades est élevé.
Et hors des stades, les gens célèbrent l’événement aux Fan Fests...
Le Président et la coupe : Joseph S. Blatter
pose avec le trophée tant convoité à
Berlin. A droite : Blatter avec l’ancien
président américain Bill Clinton, avec Pelé
et avec sa compagne Ilona Boguska.
20
SEPTEMBRE 2006
Blatter : L’auteur de cette idée est
Gregor Lentze, un collaborateur de la
FIFA en Allemagne. Ces Fan Fests permettent aux supporters qui n’ont pas pu se
procurer de billets de participer à l’événement. Les images qui nous sont parvenues
de ces Fan Fests sont fantastiques. Le
SEPTEMBRE 2006
21
magazine
Blatter
INTERVIEW
Le marathon de Blatter
football a suivi une évolution réjouissante
sur ce plan. Depuis France 98, la Coupe
du Monde de la FIFA se déroule dans une
ambiance amicale. L’exemple de la Corée
et du Japon l’a confirmé et nous l’avons
vérifié une nouvelle fois cette année, en
Allemagne
à proposer mais je peux vous assurer que je
souffre autant avec les gardiens qu’avec les
buteurs, à chaque fois qu’il faut en venir
aux tirs au but.
Quel est pour vous le match emblématique de la Coupe du Monde ?
Blatter : Non, je m’insurge contre
une telle allégation. Il s’agit d’une Coupe
du Monde lors de laquelle deux équipes
européennes se sont imposées en quarts
de finale contre les deux géants d’Amérique du Sud. Nous n’avions plus eu une
telle constellation en Coupe du Monde
depuis 1982.
Blatter : Chaque match suscite des
émotions et déchaîne les passions. Le
football peut prendre un tour cruel, voire
tragique, notamment lorsqu’il faut en
venir aux tirs au but. Il perd alors aussi
son caractère de sport collectif car tout
se résume à un duel entre le gardien et
le tireur.
Comment peut-on changer cela ?
Blatter : Nous avions introduit il y
a quelques années la règle du but en or
selon laquelle l’équipe qui marquait la
première durant les prolongations était
immédiatement déclarée victorieuse.
Mais les puristes sont alors venus objecter
que certains des plus célèbres matches
de l’histoire n’étaient vraiment devenus
captivants qu’à partir de ce premier but
dans les prolongations. Comme le match
qui opposa l’Allemagne à la France lors de
la Coupe du Monde de la FIFA 1982 en
Espagne. Malheureusement, on ne voit
quasiment plus de but durant les prolongations aujourd’hui. Je n’ai pas de solution
Revenons-en à cette Coupe du
Monde. A partir des demi-finales,
elle est devenue européenne.
Quel enjeu représente la performance de l’équipe du pays hôte
lors d’une telle compétition ?
Blatter : Il est important pour
l’ambiance de la manifestation que
l’équipe locale soit bonne lors des matches de groupes et des huitièmes de
finale. Ensuite, cela compte moins car les
supporters célèbrent tout simplement le
football en général.
lors des matches était nécessaire. Ma
mission était différente. J’ai rencontré
toutes les délégations – à l’exception de
la délégation suédoise – et discuté avec les
représentants des associations.
Toute l’agitation autour de la
fédération du Togo vous a-t-elle
irrité ?
Blatter : Cet épisode est très regrettable. Un nouveau venu en Coupe du
Monde qui fait autant parler de lui. Et
pas de manière flatteuse ! Nous avons
finalement été forcés d’intervenir dans le
conflit sur les primes entre la fédération
et les joueurs. Les responsables de cette
affaire ont ensuite envoyé une lettre
d’excuses à la FIFA.
La présence de Diego Maradona
a été l’une des plus remarquées
dans les tribunes. Que pensezvous de son comportement ?
Blatter : Je l’ai rencontré et il m’a
assuré pour la 30e fois qu’il viendrait
bientôt nous voir au siège à Zurich et qu’il
travaillerait pour la FIFA… Maradona est
Maradona, il n’y a rien à ajouter.
Franz Beckenbauer, le président
du Comité Organisateur Local,
semble vous avoir un peu volé la
vedette. Cela vous a-t-il dérangé ?
Y a-t-il eu un geste qui vous ait
particulièrement fait plaisir lors de
cette Coupe du Monde ?
Blatter : Non. Il était partout, il a
célébré sa Coupe du Monde. C’est un
personnage exceptionnel dont la présence
Blatter : Les joueurs se sont souvent
aidés mutuellement à se relever. On a
également assisté à de belles scènes après
Blatter avec Franz Beckenbauer, avec la chancelière allemande Angela Merkel, devant le Stade olympique et pour
accueillir des écoliers britanniques.
22
SEPTEMBRE 2006
le coup de sifflet final, notamment entre
les Brésiliens et les Français ou entre les
Anglais et les Portugais. Seuls les Argentins et les Allemands en sont venus aux
mains à l’issue du match. Mais dans
l’ensemble, l’esprit fair-play prôné par la
FIFA a régné sur la compétition.
Dans le cadre de l’action contre
le racisme lancée par la FIFA, les
capitaines des équipes ont lu une
déclaration avant le coup d’envoi
de chacun des quarts de finale.
Etes-vous satisfait de l’effet
produit ?
Blatter : Oui, car le football rassemble. Je suis content à chaque fois que
je vois une équipe dont les joueurs sont
d’origines diverses. Le football est un
facteur d’intégration.
Que retiendra la FIFA de la Coupe
du Monde de la FIFA, Allemagne
2006 dans la perspective de la
Coupe du Monde de la FIFA,
Afrique du Sud 2010 ?
Blatter : Nous devrons nous adapter
aux conditions sur place, mais nous garderons certainement le concept des Fan
Fests car il est particulièrement important
de rassembler la population en Afrique du
Sud. Des tentatives ont déjà été faites dans
ce sens avec une Coupe du Monde de
rugby et de cricket, mais elles ont échoué.
Seul le football en est capable !
PHOTOS : FOTO-NET
La Coupe du Monde de la FIFA, Allemagne 2006 a été particulièrement intense pour le
Président de la FIFA, Joseph S. Blatter, qui a enchaîné matches, conférences de presse et
rencontres avec bon nombre de personnalités. Voici les temps forts de son séjour en Allemagne (sans les séances officielles) :
9 juin
10 juin
11 juin
12 juin
13 juin
14 juin
18h00
15h00
15h00
21h00
21h00
21h00
Munich
Francfort
Leipzig
Hanovre
Berlin
Dortmund
15 juin
16 juin
15h00
18h00
Nuremberg
Stuttgart
17 juin
15h00
Kaiserslautern
17 juin
18 juin
19 juin
20 juin
21 juin
22 juin
21h00
21h00
18h00
16h00
16h00
21h00
Kaiserslautern
Leipzig
Hambourg
Berlin
Leipzig
Dortmund
23 juin
23 Juin
24 juin
25 juin
26 juin
26 juin
27 juin
28 juin
16h00
21h00
21h00
21h00
17h00
21h00
17h00
Berlin
Cologne
Leipzig
Nuremberg
Kaiserslautern
Cologne
Dortmund
30 juin
17h00
1er juillet 17h00
Berlin
Gelsenkirchen
2 juillet
4 juillet
5 juillet
Berlin
Dortmund
Munich
21h00
21h00
6 juillet
Berlin
7 juillet
Berlin
8 juillet
Stuttgart
9 juillet
Berlin
Allemagne vs Costa Rica
Angleterre vs Paraguay
Serbie et Monténégro vs Pays-Bas
Italie vs Ghana
Brésil vs Croatie
Allemagne vs Pologne, rencontre avec la famille de
Daniel Nivel
Angleterre vs Trinité-et-Tobago
Pays-Bas vs Côte d’Ivoire, visite au parlement du Land
de Baden-Wurtemberg, signature du livre d’or du
Baden-Wurtemberg, rencontre avec le premier ministre
du Land, M. Oettinger
Inauguration d’un monument au musée Fritz Walter en
présence du premier ministre du Land, Kurt Beck
Italie vs Etats-Unis
France vs Corée du Sud
Arabie Saoudite vs Ukraine
Equateur vs Allemagne
Iran vs Angola
Japon vs Brésil, journée du football féminin au « World
of Football adidas » à Berlin
Ukraine vs Tunisie
Togo vs France
Argentine vs Mexique
Portugal vs Pays-Bas
Italie vs Australie
Suisse vs Ukraine
Brésil vs Ghana
Conférence de presse sur la Journée de la FIFA
contre la discrimination
Allemagne vs Argentine
Portugal vs Angleterre, séance photos avec le ministre
des Sports britannique Richard Caborn et des élèves
anglais ayant reçu des billets de la FIFA
Tournoi Streetfootball
Allemagne vs Italie
France vs Portugal, remise de chèque aux Villages
d’enfants SOS, rencontre avec Spike Lee, visite à iSe
Hospitality
Séance photos avec la First National Bank (sponsor de
la Coupe du Monde de la FIFA 2010), accueil par le
président allemand, Horst Köhler
Cérémonie « L’appel de l’Afrique », signature d’un
contrat avec un nouveau sponsor, visite à la chancellerie allemande pour recevoir la croix de l’Ordre du
mérite de la République fédérale d’Allemagne
Allemagne vs Portugal, signature du contrat avec
McDonald’s
Italie vs France, conférence de presse et signature d’un
accord entre la FIFA et l’UE, réception par le président
allemand, Horst Köhler
SEPTEMBRE 2006
23
magazine
COUPE DU MONDE DE LA FIFA, ALLEMAGNE 2006
Le danger vient
de la droite
Le Groupe d’Etude Technique (GET) de la FIFA a analysé de près chacun
des 64 matches de la CM en Allemagne et en a tiré des conclusions
particulièrement intéressantes. FIFA magazine en présente certaines.
PAR HOLGER OSIECK*
LES SYSTÈMES DE JEU
Rien d’absolument révolutionnaire n’a été observé en Allemagne. 28 des 32 sélections évoluaient avec une ligne défensive
à quatre joueurs. Le Japon a certes commencé avec seulement
trois défenseurs, mais est finalement passé au système le plus
utilisé.
Au milieu de terrain, les systèmes proposés étaient autrement
plus divers. La formation classique en 4-4-2 avec deux joueurs
au centre et deux excentrés a été privilégiée notamment par
le Brésil, l’Allemagne, l’Angleterre et les Etats-Unis, mais en
quarts de finale, Brésiliens et Anglais ont modifié leur système
en plaçant un milieu défensif supplémentaire.
D’autres équipes, comme l’Argentine et le Ghana, jouaient
avec un milieu relayeur devant la défense. Mais tandis que les
Sud-Américains composaient leur milieu de terrain en losange,
les Africains plaçaient une ligne de trois joueurs devant le milieu défensif.
Constat intéressant, trois des demi-finalistes (Portugal,
France et Italie) avaient aussi trois joueurs devant les deux milieux défensifs axiaux et une attaque à une seule pointe.
L’organisation du jeu a offert une large gamme de style différents. Comme à leur habitude, les équipes portugaise, argentine ou encore mexicaine privilégiaient les enchaînements
de passes courtes et rapides, tout en étant capables d’ouvrir le
jeu grâce à de longs ballons sur les ailes, avant de chercher les
spécialistes du jeu de tête sur des centres. D’autres, comme
la Suède, cherchaient souvent directement leur avant-centre
grâce à lde ongs ballons.
Au final, ce fut le talent individuel qui tranchait entre réussite et échec.
La plupart des équipes, à l’instar de l’Allemagne,
défendaient en ligne, à quatre.
24
SEPTEMBRE 2006
Bloc défensif : les Italiens Gennaro Gattuso (à gauche) et Fabio Cannavaro contre l’attaquant australien Mark Viduka.
L’ANIMATION DÉFENSIVE
La tendance générale de cette Coupe du Monde était à la défense compacte visant à la protection des buts. Ce n’est que
rarement qu’un pressing haut était exercé. On voulait ainsi
éviter tout contre adverse en cas de perte du ballon. Souvent,
sur possession adverse, le premier attaquant s’orientait sur le
porteur du ballon tandis que le reste de l’équipe formait un
bloc hermétique. La défense était généralement placée assez
bas, et une fois le ballon récupéré, le jeu se portait rapidement
vers l’avant.
L’influence du milieu défensif axial gagne en importance
dans le déclenchement des attaques. Des joueurs comme l’Italien Andrea Pirlo ou le Ghanéen Michael Essien ne sont par
exemple pas des défenseurs purs. Ils sont capables, grâce à leur
technique et à leur créativité, de contribuer à la construction
offensive de leur équipe. Mais ils ne s’arrêtent pas là, ils dictent aussi le rythme de jeu. Selon les situations, soit ils jouent
de longs ballons vers les attaquants, soit ils privilégient la
construction plus sûre au moyen de passes latérales.
SEPTEMBRE 2006
25
magazine
COUPE DU MONDE DE LA FIFA, ALLEMAGNE 2006
© 2005 adidas-Salomon AG. adidas, the adidas logo and the 3-Stripes mark are registered trademarks of the adidas-Salomon AG group.
L’ANIMATION OFFENSIVE
En règle générale, toutes les équipes s’efforçaient d’utiliser les
espaces sur les côtés. La plupart des joueurs de couloirs étaient
rapides et d’excellents dribbleurs. L’exploitation des espaces
offensifs sur les côtés avaient pour objectif de passer dans le
dos de la défense adverse afin de placer l’attaquant central en
position de tir au moyen d’un centre ou d’une passe.
Dans les équipes qui jouaient à deux milieux axiaux, comme
par exemple Torsten Frings et Michael Ballack avec l’Allemagne, les joueurs de couloirs (Bernd Schneider) se replaçaient
plus au centre afin d’assurer la transition entre le milieu de
terrain et l’attaque. Avec l’Argentine, Juan Román Riquelme
jouait milieu offensif axial et orchestrait la plupart des attaques
argentines. Il était assisté avec efficacité dans sa tâche par Javier
Mascherano.
Les permutations avaient principalement lieu au niveau des
couloirs : les milieux gauche et droit échangeaient les côtés, à
l’instar des Portugais Cristiano Ronaldo et Luis Figo. L’objectif
était de perturber et de gêner la défense adverse.
Petit détail : plus de buts sont venus de la droite que de la
gauche (15 contre 4).
LES COUPS DE PIED ARRÊTÉS
Une nouvelle tendance s’est dessinée sur les coups de pied
arrêtés, surtout sur les coups francs, que les spécialistes de la
trempe de David Beckham ou Riquelme frappent avec un effet
rentrant – à la moindre déviation, le ballon est dans le but.
Alors peu importe si un coéquipier ou un défenseur adverse
touche le ballon, comme l’a illustré le but de l’Angleterre face
au Paraguay.
Les coups francs joués dans l’axe n’ont pas été très productifs. Il est de plus en plus difficile de transformer directement
des coups francs car les tireurs font l’objet d’une étude précise,
les gardiens sont parfaitement préparés et les murs sont placés
stratégiquement.
Sur les coups francs indirects, peu de feintes ont été tentées. Les joueurs ne courent pas par-dessus le ballon et ne le
jouent pas entre les jambes d’un coéquipier pour en placer un
troisième en position idéale. Au contraire, on s’en remet à la
technique des spécialistes. Le ballon est légèrement déplacé ou
passé, avant que le tireur ne cherche à marquer directement.
Le capitaine portugais, Luis Figo, a souvent
permuté avec Cristiano Ronaldo.
adidas.com/football
SEPTEMBRE 2006
27
magazine
COUPE DU MONDE DE LA FIFA, ALLEMAGNE 2006
LES GARDIENS
La performance générale des gardiens a été excellente. La règle
de la passe en retrait aux gardiens est maintenant assimilée et
beaucoup d’entre eux, à l’instar d’Edwin van der Sar et de Jens
Lehmann notamment, sont capables de dégager une passe en
retrait avec confiance afin de générer une situation offensive
pour leurs coéquipiers.
Le fait que peu de buts aient été marqués lors de cette CM
est à mettre sur le compte des progrès des gardiens autant que
sur celui des blocs défensifs de presque toutes les équipes. Les
gardiens se sont distingués en particulier par leurs excellents
réflexes sur leur ligne et par leur capacité à s’imposer dans la
surface.
La précision des sorties de but, régulièrement jouées par les
portiers, ainsi que les relances à la main sont devenues des éléments essentiels de la construction du jeu. Il est intéressant
d’observer les dégagements des gardiens d’Amérique du Sud et
centrale, qui frappent le ballon à hauteur de la hanche pour lui
donner une trajectoire plus tendue – il arrive donc plus vite et
plus précisément sur le coéquipier.
Remarque sur le nouveau ballon adidas+Teamgeist™ : certains gardiens ont évoqué des modifications de trajectoires,
mais aucune conclusion définitive n’a (encore) été apportée sur
la question.
*Holger Osieck dirigeait le Groupe d’Etude Technique (GET) et
ses 14 membres durant la Coupe du Monde de la FIFA 2006.
De 1987 à 1990, il était entraîneur adjoint de l’équipe nationale
allemande, assistant Franz Beckenbauer. En 1990, il a été sacré
champion du monde en Italie.
Bien présent sur la ligne, excellent balle au pied :
Edwin van der Sar, gardien des Pays-Bas.
PHOTOS : FOTO-NET (3), IMAGO
Groupe d‘Etude Technique CM de la FIFA 2006
1er rang (de g. à d.) : Andy Roxburgh, Holger Osieck (FIFA, chef
du GET), Roger Milla, Jürg Nepfer (FIFA, coordinateur du GET).
2e rang : Jim Selby, Josef Venglos, Roberto T. Brantschen (FIFA,
coordinateur du GET).
3e rang : Kim Chon Lim, Kalusha Bwalya, Teofilo Cubillas,
Rodrigo Kenton.
4e rang : Francisco Maturana, Ka-Ming Kwok, Roy Hodgson,
Alvin Corneal.
5e rang : Walter Gagg (FIFA, directeur Stades et Sécurité), Gyorgy
Mezey, Philipp Mahrer (FIFA, production du rapport technique).
SEPTEMBRE 2006
29