L`écriture des nombres naturels

Transcription

L`écriture des nombres naturels
MAT 6221
UQAM
prof. Louis Charbonneau
Nombres et Fractions
L'écriture des nombres naturels
En guise d'introduction, les mots pour parler des nombres
De un à dix
De dix à vingt
Les soldats et colons romains
De vingt à cent
Les Vikings
Compter avec les mains
Écriture des nombres et des fractions
124
Comput digital, Luca Pacioli, Suma de Arithmetica ... , 1494
D.E. Smith, History of Mathematics, vol. II, New York : Dover, 1958, p. 199.
Les numérations écrites
Numération chinoise (encore employé)
Trouvez la valeur de chacun des symboles dans la numération
chinoise à partir des exemples suivants.
Déterminer la valeur des nombres suivants
Écriture des nombres et des fractions
125
Numération maya (stèles et calendriers, vers 1000 de notre ère)
Déterminer la valeur des disques et des barres à l'aide des
exemples suivants.
(Ne pas tenir compte des masques.)
Le Symbole symbolisant l'absence de symbole :
Écriture des nombres et des fractions
126
Numérations égyptiennes
•
Numération hiéroglyphique (vers 3000 avant notre ère)
Déterminer la valeur des symboles numériques dans le bas à droite du
dessin.
Écriture du nombre 1729 :
de droite à gauche :
de gauche à droite :
Écriture des nombres et des fractions
127
Tableau de l'origine des symboles
•
Numération hiératique
Tiré de Clawson Calvin C., The Mathematical Traveler, Exploring the Grand History of
Numbers, NewYork : Plenum Press, 1994, p. 69.
Écriture des nombres et des fractions
128
Pouvez-vous retrouver les nombres dans le problème (24) suivant
du Papyrus de Rhind ?
Le problème posé est : Une quantité et son septième ensemble
deviennent un neuvième. Quelle est cette quantité ?
Numération mésopotamienne (Babylone)
Le nombre 4212 3/60
60x60
60
1
1/60
3600 + 600 + 12 + 3/60
Numération grecque (attique)
D.E. Smith, History of Mathematics, t. II, New York : Dover, 1958, p. 52.
Écriture des nombres et des fractions
129
Numération indo-arabe
•
L'importance des tables de sinus dans l'histoire de la
numération indienne
(B.L. van der Waerden, Science Awakening, New York : Oxford Un. Press,
1961, pp. 53-58.)
L'invention de la numération positionnelle indienne date
probablement de vers 600. D'abord utilisée par les astronomes puis,
après de nombreuses années, par les gens ordinaires.
Les nombres poétiques : la mémorisation des tables de sinus.
Vers 500, pour apprendre les tables de sinus, les astronomes
associaient à chaque chiffre un mot qui le rappelait (ex. 1 : lune,
bouche; 2: ailes, oreilles, yeux; 0: trou; etc.) de façon à transformer les
tables en poèmes rimés. On rencontre cela dans le Surya-siddhanta (7e
siècle) mentionné ci-dessus.
Aryabhata avait développé un système de syllabes qui exprimait à la
fois les chiffres et l'ordre de grandeur de ce dernier (ex. ca voulait dire
6 unités (le a indiquant les unités ou les dizaines, le c signifiant 6), gi
signifie 3 centaines (g: 3, i: centaines) etc.), ainsi cayagiyinusuchlr
signifie 63335775 (du plus petit au plus grand de gauche à droite),
pour nous : 57753336.
Son disciple Bhaskara simplifie en enlevant les lettres pour les ordres
de grandeur. Il utilise un zéro. C'est un système positionnel.
Écriture des nombres et des fractions
130
•
La généalogie de notre système de numération
Karl Menninger, Number Words and Number Symbols, A Cultural History of Numbers,
Cambridge, Mass. : MIT Press, 1977, p. 418.
Origine des mots chiffres et zéro :
Les hindous employaient le terme sunya , le vide, pour désigner ce
que nous appelons aujourd’hui le zéro. Lorsque les Arabes
s’approprièrent la numération positionnelle des Indous, ils traduisirent
sunya par as-sifr, qui veut aussi dire le vide. Les traducteurs
européens conservèrent l’assonance sans égard au sens et écrivirent
cifra ou ciphirum (comme le fait Fibonacci). De ces mots, les français
formèrent le mot chiffre. En italien, on employa zefiro, puis zefro qui
Écriture des nombres et des fractions
131
devint zéro dans le dialecte vénitien, mot que les Français adoptèrent
aussi. Mais il y a tout de même un problème. Les deux mots, chiffre et
zéro, voudraient dire la même chose. C’est que le zéro fut un des
éléments les plus troublants du nouveau système et il en devint en
quelque sorte, dans l’esprit populaire, la marque identificatrice qu’on
associait à tous ces signes, à l’origine bizarres, que sont les chiffres de
1 à 9. Au XVIe siècle, le mot chiffre prend uniquement le sens qu’on
lui connaît maintenant.
Calculer avec les nombres
Compter sur une table à calculer
Table de Salamis
Menninger, Karl, Number Words and Number Symbols, A Cultural History of Numbers,
Cambridge, Mass. : M.I.T. Press, p. 303.
3507 sur une table à calculer du XIIIe siècle
Écriture des nombres et des fractions
132
Cinq mots reliés à la table à calculer
•
•
•
•
Abaque
Le mot abaque vient du grec abakion, lui-même dérivé du mot abax qui signifie
plateau rond ou coupe sans pied. (Menninger, p. 301.) On conçoit dès lors que les
premiers abaques avaient une surface plane, pouvant être une table ou un genre de
plateau.
Calcul
On parle souvent de « calcul rénal ». Dans cette expression, le terme calcul fait
référence à une pierre au rein. C’est qu’en latin, calculus veut dire pierre. Or les
pierres servaient à effectuer les opérations arithmétiques élémentaires avec les tables à
calculer. Calculer, utiliser les pierres, devint donc synonyme d’effectuer les opérations
élémentaires, et ce, même après que les tables à calculer ne furent plus nécessaires
pour effectuer ces opérations.
Comptoirs et Bureau
Au Moyen Âge, le commerçant, ou la banquier, se tenait habituellement derrière sa
table à calculer. Dans le mot comptoir, il y a le mot compte… en souvenir de cette
pratique oublié. Lorsqu’on ne calculait pas ou on n’avait pas besoin de la table à
calculer, on la recouvrait d’un tissus appelée une bure. Le bureau est ce comptoir
recouvert d’une bure. Par la suite, les sens s’est étendu au lieu où était la table à
calculer.
Jetons
Vient de ce qu’on appelait calcul à jet le calcul avec des calculi sur une table à
calculer. On « jetait » les calculi sur les lignes de la table. (Smith, II, p. 192.)
Le commerce au XIVe siècle
Tiré de : Les Cahiers Science & Vie, no. 63, juin 2001, Pierre Ribémont, et Max
Lejbowicz, Nicole Oresme, un mathématicien citoyen , pp. 76-80, p. 79.
Écriture des nombres et des fractions
133
Les algorithmes de calcul avec la numération indo-arabe
Addition 80 + 327 + 14 + 5 + 231
Maximus Planude (1260-v.1310) Byzance
Baha Eddin (1547-1622) Syrie
Bhaskara (Lilavati) (1114-v. 1185) Inde
Écriture des nombres et des fractions
134
Soustraction : Soustraire 2872 à 6459
Évitement de l'emprunt
Bhaskara (Lilavati)
Au lieu de faire directement la soustraction, on considère le
complément 2872 à 10000. On l’additionne au nombre dont
on soustrait puis on enlève le 10000 de la somme obtenue.
Schématiquement :
•
•
•
10000 –2872 -> (2 à 10 : 8, 7 à 9 :2, 8 à 9 :1, 2 à
9 :7) -> 7128
6459 + 7128 -> 13587
13587 – 10000 -> 3587 (qui est le nombre
cherché) [On pourrait dire aussi enlever le 1 à
la somme trouvée l’étape 2]
Que se passe-t-il lorsque le nombre dont on soustrait a plus
de chiffres que celui qui est à soustraire ?
Cet algorithme est-il effectivement plus simple que le nôtre ?
Pourquoi cet algorithme fonctionne-t-il ?
Ramus (Pierre de la Ramée, 1515-1572)
Une dernière méthode, qui s’effectue de gauche
à droite, consiste à littéralement éviter
l’emprunt.
En voici les étapes, en rayant les chiffres à
mesure qu’on les a utilisés.
1) 6 – 2 -> 4.
2) 4 – 8 étant impossible, faire 44 – 8 -> 36.
3) 5 – 7 étant impossible, faire 65 – 7 ->58.
4) 9 – 2 -> 7.
Cette méthode exige une bonne capacité à
soustraire mentalement un nombre à deux chiffres
d’un nombre à un chiffre.
Écriture des nombres et des fractions
135
Emprunt et retenue
Baha Eddin
Fibonacci (Léonard de Pise,
Léonard Bigollo 1170 - v.
1241)
Planude
Joannes Buteo (v. 1525) Italie :
Écriture des nombres et des fractions
136
Abraham ben Ezra (v. 1140)
Multiplication
Exhiber toutes les multiplications intermédiaires
(Luca Pacioli, 1445-1510)
Disposition efficace des multiplications partielles
(Italie, XVe - XVIe siècles)
934 multiplié par 314
Écriture des nombres et des fractions
137
Gerbert d'Aurillac (938-1003)
Disposition élégante
Per copa : le premier exemple de multiplication
imprimée en Amérique (Mexique) en 1556.
978 multiplié par 875
Du Sumario Copedioso de Juan Diez, Mexico, 1556
D.E. Smith, History of Mathematics, t. II, New York : Dover,
1958, p. 119.
Écriture des nombres et des fractions
138
Algorithme sans référence
multiplication - la duplication
aux
tables
de
Égypte
Multiplier 81 par 57, c’est dire répéter 81, 57 fois.
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Je prends 81, une fois.
Je double 81, ce qui fait 2 fois 81 -> 162.
Je double 162, ce qui fait 4 fois 81 -> 324.
Je double 324, ce qui fait 8 fois 81 -> 648
Je double 324, ce qui fait 16 fois 81 -> 1296.
Je double 648, ce qui fait 32 fois 81 -> 2592.
Il est inutile de doubler encore, puisque alors
j’aurais 64 fois 81, alors que je ne veux répéter
81 que 57 fois.
8. Maintenant, je cherche la combinaison de
duplications successives de deux (on pourrait
dire des puissances de 2) qui, additionnées
ensemble, donnent 57, le multiplicateur. En
tâtonnant, je trouve 32, 16, 8 et 1. Le produit
de 81 par 57 est donc 2592 + 1296 + 648 + 81,
c’est-à-dire 4617.
Les Égyptiens écrivaient (traduit dans notre écriture)
cela ainsi
/
1
81
2
162
4
324
/
8
648
/
16
1296
/
32
2592
La méthode russe
Il existe une méthode d’où le tâtonnement est éliminé.
Il s’agit de la méthode russe, employée au jusqu’au
début de XXe siècle en Russie. Reprenant une forme
qui rappelle celle des Égyptiens, on écrit plutôt
Écriture des nombres et des fractions
139
/
57
81
28
162
14
324
/
7
648
/
3
1296
/
1
2592
Où, dans la première colonne de chiffres, on a 57
divisé successivement par 2, sans tenir compte du
reste. On marque à gauche les lignes dans lesquelles
les nombres de cette colonne sont impairs et l’on
additionne les multiples de 81 qui sont en regard.
Cette dernière somme nous donne le produit cherché.
Oh là ! Mais pourquoi cela marche-t-il ?
Regula pigri (la règle des paresseux - table de 5 x
10)
Mais il y une façon de réduire notre connaissance des
tables à une table de 5x10. C’est ce qu’ont proposé,
sous le nom de regula pigri, la règle des paresseux, de
nombreux calculateurs des XVe et XVIe siècles. La
voici sous sa forme utilisant les mains. Pour
multiplier deux nombres compris entre cinq et dix,
associant un nombre à une des deux mains, et l’autre
à l’autre, levez le nombre de doigts qu’il faut ajouter
à cinq pour avoir chaque nombre. Pour connaître le
produit des deux nombres, il suffit de prendre le
nombre de doigts levés, ce qui donne le nombre de
dizaines et d’ajouter le produit des doigts repliés.
Ainsi, 9x9. Quatre doigts levés dans chaque main. Il y
a donc huit dizaines (80) auxquelles j’ajoute le
produit de un par un, c’est-à-dire un. Le produit de 9
par 9 est donc 81.
Pourquoi cela marche-t-il ?
Écriture des nombres et des fractions
140
Division
Gerbert d'Aurillac
La méthode de Gerbert se réfère,
comme toujours chez lui, à son
abaque.
Voici la division de 900 par 8.
1. On a clairement besoin de
donner des explications.
Chacune
des
colonnes
correspond aux ordres de
grandeurs indiquées au
haut
de
la
colonne.
Remarquez l’usage des
nombres
latins
pour
préciser
l’ordre
de
grandeur. Le dividende
(dividandus) est 900, alors
que le diviseur est 8. Afin d’éviter des questions du style «
combien de fois 8 va-t-il dans 900 ? », Gerbert va diviser
par 10-2, d’où le 2 appelé Differentia. On peut suivre la
suite de ses actions.
2. Combien de fois 10 va-t-il dans 900 ? 90 fois. Dix fois 90
donne 900. Je raie le 9 de la colonne des centaines. J’écris 9
en bas dans la colonne des dizaines. Mais puisque je divise
par 10-2, il y a en réalité encore 90x2, 180, qu’il faut diviser
par 8.
3. Combien de fois 10 va-t-il dans 180 ? 10 fois (Remarquer
qu’il ne prend pas la plus grande valeur possible, mais la
valeur la plus immédiatement visible). J’écris 1 en bas dans
la colonne des dizaines. Je raie le 1 du 180 et j’ajoute 20
pour combler l’effet du –2 dans 10-2. La somme de 80 et 20
donne 100. Je place 1 dans la colonne des centaines.
4. Combien de fois 10 va-t-il dans 100 ? 10 fois. Je raie le 1
dans la colonne des centaines. J’écris 1 en bas dans la
colonne des dizaines. Il me reste à tenir compte du 20 pour
combler l’effet du –2. J’écris donc 2 dans la colonne des
dizaines.
5. Combien de fois 10 va-t-il dans 20 ? Deux fois. Je raie le 2
dans la colonne des dizaines et j’écris deux en bas dans la
Écriture des nombres et des fractions
141
colonne des unités. Il me reste 4, 2x2, dont je n’ai pas tenu
compte.
6. Je fais la somme des nombres en bas, c’est-à-dire 90, 10, 10
et 2. J’écris la somme tout en bas, 112. La réponse est 112,
reste 4.
7.
Économiser de l'espace : Per Galeo (Italie, XVe XVIe siècles)
Il s’agit de la division de 65284 par 594, dont la
réponse est 109, reste 538. Voici une illustration qui
vous aidera. Remarquez que 1 fois 594 donne 594 et
que 652 – 594 donne 58.
Une jolie division per Galeo (vers 1575)
965347655446 divisé par 6543218, ce qui donne 147534 avec un
reste.
Les deux exemples sont tirés de Swetz, Capitalism & Arithmetic, The New
Math of the 15th Century, La Salle, Ill. : Open Court, 1987, p. 215.
Écriture des nombres et des fractions
142
Première division imprimée (1491)
Calandri, 1491
Swetz, Capitalism & Arithmetic, The New Math of the 15th Century, La Salle, Ill. : Open
Court, 1987, p. 220
Écriture des nombres et des fractions
143
Les fractions
Problématiques de l'histoire des fractions
•
•
•
•
Pour nous, il y a trois sens à l'expression a/b : division, rapport, fraction
Rapport : une comparaison
Fraction : Mesure
o Rapport de mesures
o Fractions communes (tant de parties dans un tout divisé en un certain
nombre de parties égales)
o Fractions décimales
Il faut aussi s'intéresser à deux aspects de chacun de ces aspects :
o Le symbolisme, et les manipulations opératoires qui y sont appliquées
o Les appellations utilisées
L'Antiquité
•
Dans les mathématiques nobles - Grèce
Pythagore
o
le rapport numérique permet de découvrir les relations cachées dans la
nature.
Musique, médecine, etc.
o
La découverte des incommensurables : besoin de rapport entre
grandeurs incommensurables. Rôle central de la géométrie.
Platon : le calcul noble, rôle de la monade.
o
o
o
L'arithmétique est divisée en deux parties :
 L'arithmétique pratique, issue de mesures d'objets réels (les
objets sont indéfiniment divisibles)
 L'arithmétique théorique, basée sur la notion de monade,
indivisible, le Un absolu.
La fraction (rapport numérique ou rapport de grandeurs) n'est pas un
nombre. Le Un n'est d'ailleurs pas non plus un nombre.
Difficultés des relations entre nos trois sens de fractions :
Écriture des nombres et des fractions
144



•
Les rapports se traitent dans le cadre de la géométrie (Euclide,
Éléments, Livre V), sans référence à quelque mesure que ce
soit. Non numérique.
Les fractions : comparaison de deux nombres, donc en
arithmétique. Dans l'arithmétique, vue plutôt comme un
changement d'unité de mesure.
La division : application des aires, si en géométrie (changement
de dimension), sens arithmétique, si en arithmétique.
Des les mathématiques de bas étage : les mathématiques du quotidien
Égypte (Papyrus de Rhind, par le scribe Ahmes, vers -1550 av. notre
ère)
o
Fractions unitaires
 Notation
Équation équivalente à x(2/3 + 1/2 + 1/7 + 1) = 37.
(Smith, D.E., History of Mathematics, tome 2, p. 422.)
Les trois premiers hiéroglyphes signifient « masse »
(prononcé ahe ou hau) et tiennent lieu d'inconnue.

Calcul. Ex. table de 2/n :
http://www.math.sfu.ca/histmath/Egypt/Ahmes/frametop.html
2/43 = 1/42 + 1/86 + 1/129 + 1/301.
La fraction 2/43, semble à la fois un rapport et une
division (2 divisée en 43 parties).
Écriture des nombres et des fractions
145
o
Importance des rapports : la règle de fausse position
Problème 24 : Une quantité et son septième ajoutés ensemble
deviennent dix-neuf. Quelle est cette quantité ? (Papyrus de
Rhind)
Supposons 7
\
\
1
7
1/7 1
total 8
Autant de fois 8 doit être multiplié pour donner
19, autant de fois 7 doit être multiplié pour donner
le nombre requis.
\
1
2
8
16
\
\
1/2
1/4
1/8
4
2
1
Total
2
1/4
1/8
\
1
\
2
\
4
2 1/4
1/8
4 1/2
1/4
9 1/2
Fait cela donc :
La quantité
est
1/7
Total
o
16
1/2
1/8
2 1/4 1/8
19
Exercice : Résoudre Une quantité et son cinquième ajoutés
ensemble devient vingt-et-un. Quel est cette quantité ?
Écriture des nombres et des fractions
146
o
Exercice : Que devait faire le scribe pour mettre au carré le nombre
fractionnaire 61 1/3 1/9 ? (voir Smith, t. 2, p. 224)
Mésopotamie
o
Extension du système positionnel sexagésimal
60x60
60
Écriture des nombres et des fractions
1
1/60
147
Exemple d'écriture
(Tiré de van der Waerden, Science Awakening)
Écriture des nombres et des fractions
148
o
L'opération de division s'opère à l'aide d'une table d'inverses.
Voici le début d'une telle table. N.B. Il manque des inverses
(pourquoi ?) :
1:2
1:3
30
20
1:8
1:9
7;30
6;40
1:4
1:5
1:6
15
12
10
1:10
1:12
1:15
6
5
4
(tiré de Van der Waerden, Science Awakening, p. 43)
Un exemple de problème où par ailleurs la table est inutile,
mais où on voit clairement la manipulation des fractions
J'ai additionné sept fois le côté de mon carré et
onze fois la surface : 6°15'. Tu inscriras 7 et 11.
Tu porteras 11 à 6°15' : 1`8°45'. Tu fractionneras
en deux 7 : 3°30'. t croiseras 3°30' et 3°30' :
12°15'. Tu ajouteras à 1`8°45' : 1`21°. C'est le
carré de 9. Tu soustrairas 3°30', que tu as croisé,
de 9 : tu inscriras 5°30. L'inverse de 11 ne peut
être dénoué. Que dois-je poser à 11 qui me donne
5°30' ? 30', son quotient. Le côté du carré est 30'.
(Tiréde Dedron, Itard, Mathématique et Mathématiciens)
La Grèce hellénique (Smith, D.E., History of Mathematics, t. 2)
Habituellement, écriture sou forme de fraction unitaire : une ou des
lettres grecques représentant un nombre accompagnée(s) d'un symbole
(parfois un ") indiquant qu'il s'agit d'une fraction.
1/3 :
1/4:
Quelques fractions ont des symboles particuliers, par exemple,
1/2,
, 2/3,
, qui signifie 1/2 + 1/6.
Écriture des nombres et des fractions
149
Chez Aristarque (v. 260 av. notre ère)
10 soixante et onzième :
.
Ou encore 2/5 :
La Grèce hellénistique
Héron d'Alexandrie (v. 50) et Diophante (v. 275)
On retrouve la forme actuelle, mais sans barre et
inversée. 19/4 s'écrit 19 au-dessous de 4.
Diophante (v. 275), dans son Arithmétique
Il développe aussi une notation pour ce que nous
écrivons 1/x, 1/x2 :
. Remarquons
l'usage de la monade, spécifiquement représentée. Les
fractions sont tout de même manipulées comme des
nombres.
Dans la vie de tous les jours
La notation des fractions dans la vie de tous les jours est
toutefois évitée par l'usage des unités de poids, qui
servait aussi pour la monnaie. Ainsi,à Alexandrie au
début de notre ère, on avait la table de correspondance
suivante, à partir de la plus petite unité de mesure, le
chalque :
Chalque
Huit chalques est une obole
Six oboles est une drachme
Cent drachmes est un mna
Soixante mnas est un talent:
Écriture des nombres et des fractions
150
Il faut retenir le facteur de passage d’une unité à l’autre,
car elles sont chaque fois différentes Les calculs s’en
trouveront d’autant complexifiés. Cela nous rappelle le
système anglais avec ses pieds, ses verges, ses milles.
Par ailleurs chaque unité a un symbole :
Un chalque : X, une obole : I, une drachme :
: H, un talent : T.
, un mna
Il est aussi possible d’écrire des parties d’oboles. Ainsi la
demi-obole se note C, le quart d’obole est représenté par
T (à ne pas confondre avec le talent, même si le symbole
est identique) et le huitième, le chalque, par X. Pour
écrire une fraction de drachme, on se ramène à l’obole et
à ses subdivisions. Ainsi, pour la huitième partie de
drachme, on écrira C X X. Pour la quatrième partie, on
écrira I C. Les enfants avaient ainsi à apprendre des
tables de « fractions ».
On voit ces symboles sur la table à calculer de Salamis.
Les fractions unitaires restent les fractions utilisées dans
la vie de tous les jours, si des fractions doivent
effectivement être utilisées. Ainsi, une expressions
comme « quinze seizièmes » sera écrite comme 1/2 + 1/4
+ 1/8 + 1/16. (Smith, D.E., t. 2, p. 214)
Rome
À Rome, l'élève doit apprendre un autre système de
fractions, basé sur douze, le toute avec un vocabulaire
complexe :
Écriture des nombres et des fractions
151
Calcus
Huit calcus sont un scrupule
Vingt-quatre scrupules sont une once
Douze onces sont un as (monnaie) ou livre (poids)
On voit, avec ce second exemple, que les systèmes de
mesure dont le facteur de conversion varie d’un niveau
de passage à l’autre sont la règle. La belle régularité de
notre système international constitue en fait une
exception.
À Rome, le vocabulaire de l’once sert souvent pour
nommer les parties d’un tout. Mais ce vocabulaire se
révèle complexe. Pour parler des différents nombres
d’onces, les Romains ne disent pas simplement, « une
once, deux onces, trois onces, …, dix onces, onze onces
», mais ils utilisent un vocabulaire complexe comme le
montre le tableau qui suit. Dans les calculs, on se limite
aux scrupules et l’on néglige les calcus.
Nombre
d’onces
Nom
Symbole
12
as
|
11
deunx
S.....
Moins une once (de uncia)
10
Dextans
ou
Decunx
ou
Semis et triens
S....
Moins un sixième (d'as)
(de sextans)
dix onces (decem uniciae)
Une demie et un tiers d'as
9
Dodrans
S...
Moins un quart (d'as)
(de quadrans)
8
Bes
S..
Deux parties d'as
(bis triens)
7
Septunx
S.
sept onces
(septem unciae)
6
Semis
S
Demi-as
(Semi-as)
5
Quincunx
.....
Cinq onces
(quinquae unciae)
4
Triens
....
Le tiers (d'as)
3
Quadrans
...
Le quart (d'as)
2
Sextans
..
Le sixième (d'as)
1
Uncia
.
Once
Écriture des nombres et des fractions
Sens du nom
152
Par ailleurs, ce lourd vocabulaire transforme les calculs
même simples en un difficile exercice de mémoire. Voici
un exemple de la façon dont on récite les calculs sur les
fractions : « Réponds, fils d’Albinus ; si d’un quincunx
(cinq onces) tu enlèves une once, que reste-t-il ? Allons,
qu’est-ce que tu attends pour répondre ? — Un triens. —
Bien : tu sauras défendre tes sous ! Si (au contraire) on y
ajoute une once, qu’est-ce que çà fait ? — Un semis (une
moitié). » Pas surprenant que certaines écoles romaines
aient eu un spécialiste, le calculator, qui enseignait ces
manipulations à quelques élèves qui se destinaient au
commerce ou à devenir fonctionnaires. D'ailleurs, on
peut ici remarquer que l’usage d’un vocabulaire étriqué
pour les fractions a certainement limité la compréhension
des pauvres élèves, et, sans doute, des maîtres.
Un dernier exemple :
seize as égalent un denarius
un as : denarii semuncia sicilicus (1/24 + 1/48 de
denarius)
trois as : denarrii sextans sicilicus (1/6 + 1/48 de
denarius).
En Inde
Origine de notre notation (la position et la barre, même si elle n'était pas toujours là
dans les faits)
Bhramagupta (v. 628) et Bhaskara (v. 1150)
Le monde Arabe
Les fractions « ordinaires »
(Djebbar, A., Le traitement des fractions dans la tradition mathématique médiévale du
Maghreb, Prébublications, Université de Paris-Sud, Mathématiques, 90-04)
Écriture des nombres et des fractions
153
Définition de fraction
En général, une fraction est « une quantité considérée dans son rapport
à un tout pris comme unité. » (al-Kasi?)
Les traditions reliées aux fractions
1.
2.
3.
4.
Le calcul indien, utilisant la planche à poussière.
Le calcul sexagésimal, pour les astronomes.
Le calcul digital, avec les mains et les doigts, dit le calcul arabe.
Le calcul byzantin, dit le calcul romain.
Nomenclature des fractions
En ce qui concerne la façon de nommer les fractions, il y a deux grands types de
fractions.
•
Les fractions ouvertes (ou simples) (1/n, 2 < n < 10), qui ont un nom qui lui
est propre.
1/3 : tult ; 2/3 : deux tulta (On n'utilisait pas de symboles,
seulement des mots)
1/5 : hums ; 3/5 : trois humsa
L'usage de ce vocabulaire rendait au départ la manipulation des
fractions difficile. C'est pourquoi la méthode digitale était importante.
De même pour la méthode indienne, qui elle utilise un symbolisme.
•
Les fractions non ouvertes (ou sourdes) (1/n, n >10) qui sont simplement
décrites par une expression comme « trois de treize parties » pour 3/13.
De ces catégories primaires, Abu-l-Wafa (940-998) (http://www-groups.dcs.stand.ac.uk/~history//Mathematicians/abu'l-wafa.html ajoute une autre classification:
•
Les fractions exprimables : combinaison de sommes et de produits de
fractions ouvertes. N.B. On voit ici encore l'importance des fractions
unitaires.
Dans le commerce, on rencontre parfois des transformations
comme la suivante :
Écriture des nombres et des fractions
154
49/60 = 45/60 + 4/60 = 30/60 + 15/60 + 4/60 = 1/2 + 1/4
+(2/3)x(1/10)
•
Les fractions inexprimables : les autres comme les fractions de la forme 1/p
où p est un nombre premier supérieur à 10.
Symbolisme (calcul indien)
Numérateur au-dessus du dénominateur, sans trait. Mais alors
possibilité de confusion.
Un
exemple :
3
sens
possibles:
• 25 + 2/3 +
1/7
• (5 + 2/3) +
(2 + 1/7)
• (5 + 2/3) x
(2 + 1/7)
Le trait horizontal entre le numérateur et le dénominateur apparaît
dans l'ouest du monde arabe, au Maghreb, chez al-Hassar (XIIe
siècle). Il sera conservé par la suite.
Un certain symbolisme, avec trait, se développe
particulièrement au Maghreb, mais il reste des ambiguïtés.
pourtant,
Deux
interprétations
• a/b(p + (c/d))
• (a/b)p + c/d
La
multiplication
de a/b par
c/d.
Écriture des nombres et des fractions
155
Opérations sur les fractions
Sept opérations (en Orient) sur les entiers étendues aux fractions :
addition, soustraction, duplication, dimidiation, multiplication,
division , racine nième.
Puis les opérations spécifiques sur les fractions : conversion
(transformer une fraction en une autre ayant un dénominateur donné,
utile pour les opérations commerciales), simplification, comparaison,
réduction au même dénominateur.
La présentation de ces opérations se fait dans de multiples sections,
sans utiliser la réduction au même dénominateur pour simplifier les
choses. Notez que la somme d'un entier et d'une fraction est
considérée comme différente de la somme d'une fraction et d'une
fraction. D'où le besoin de plusieurs sections différentes.
Dans les livres, principalement au Maghreb, on commence le plus
souvent l'étude des opérations des fractions par la multiplication. Cette
tradition a été introduite par al-Khwarizmi.
Les règles pour les opérations d'addition et de division sont les
suivantes :
Remarquons que l'addition ne demande pas d'avoir le plus petit
commun multiple, mais simplement le dénominateur commun le plus
naturel, celui issu du produit des dénominateurs des fractions
additionnées.La division correspond à mettre les deux fractions sur ce
même dénominateur commun et, alors, à diviser les numérateurs.
La règle de division comme le produit de l'inverse du diviseur apparaît
aussi au Maghreb, chez MunCim (XIIIe siècle ??) Voici la
démonstration qu'il donne de cette règle :
Soit e = a/b, et r = g/d, on a e/r = e(bd)/r(db). Mais eb = a
et rd = g, donc e/r = ad/bg.
Écriture des nombres et des fractions
156
Les fractions décimales
(Informations et illustrations tirées de R. Rashed, Entre artithmétique et
algèbre, Recherches sur l'histoire des mathématiques arabes, Paris : BellesLettres, 1984, pp.122-139, 143, 144 et 127.)
Usage local de fractions où 10 jouent un rôle important, mais où les
décimaux sont comme un artifice de calcul.
La règle des zéros : (a)1/n = (ax10nk)1/n/10k, pour k = 1, 2, …
Mais on transforme les réponses en fractions sexagésimales, ou en une
forme non décimale.
Example :
o
o
al-Uqlidisi (952) : pour dire une réponse trouvée en
décimale 0,59375, dira 59 375 de cent mille. « Son
rapport est dit un demi plus un demi huitième plus un
quart de huitième. »
as-Samawal transforme, avant son traité de 1172, la
racine carré de 1020 (31,937) en 31 + 1/2 + 2/5 + 1/5 x
1/10 + 1/10 x 1/10 + 1/2 x 1/10 x 1/10 + 1/5 x 1/10 x
1/10)
Le courant arithmético-algébrique : Al-Karagi (953-1029) et asSamaw'al (v. 1130-1180). Invention des fractions décimales
•
•
Al-Karagi : développement d'une arithmétique de l'inconnue
As-Samawal, un disciple d'al-Karagi, dans son traité Traité
d'arithmétique (1172), consacré à l'extraction des racines et la
résolution par approximation des équations algébriques.
Dans le cadre de l'étude de ces techniques
d'approximation, naîtront les fractions décimales.
Voyons d'abord comment les polynômes étaient
représentés.
Considérons le tableau suivant :
5
x5
4
x4
3
x3
2
x2
1
x1
0
x0
Écriture des nombres et des fractions
1
1/x1
2
1/x2
3
1/x3
4
1/x4
5
1/x5
157
En écrivant le coefficient des puissances de l'inconnue dans les
colonnes correspondantes, on peut écrire une expression
comme 3x2 + 5 + 1/x, ainsi :
2
1
3
0
1
5
1
2
Dans ce contexte, la règle des exposants, correspondant à xnxm
= xn+m, s'énonce ainsi :
« Si les deux puissances sont de part et d'autre de l'unité, à
partir de l'une d'elles nous comptons en direction de l'unité, le
nombre des éléments du tableau qui séparent l'autre puissance
de l'unité, et le nombre est du côté de l'unité. Si les deux
puissances sont du même côté de l'unité, nous comptons en
direction opposée à l'unité. »
La dernière section du traité est consacrée à cette nouvelle
forme de calcul. Elle est intitulée :
« Au sujet de la position d'un principe unique par lequel on
peut déterminer toutes les opérations de la partition (alTafriq) qui sont la division, l'extraction de la racine carrée,
l'extraction d'un côté par toutes les puissances, et la correction
de toutes les fractions qui apparaissent dans ces opérations,
indéfiniment. »
En identifiant les unités la puissance zéro de l'inconnue, asSamawal peut énoncer cette règle et même l'étendre au cas où
x n'est pas une inconnue mais une valeur numérique… comme
10. Par le transfert des règles comme celle-ci des polynômes
aux tableaux à base 10, il obtient un système permettant de
calculer avec les décimaux.
Écriture des nombres et des fractions
158
0 : parties des unités
1 (à droite) : parties des dizaines
1 (à gauche) : parties des dizaines (en fait les dixièmes)
Voici la racine carrée de 10 :
Écriture des nombres et des fractions
159
Pour prononcer les fractions, il les ramène à une fraction sur le
dénominateur de la plus petite fraction décimale. Ainsi, la
racine carrée de 10 se lit 3 unités plus 162277 parties de 1 000
000 parties. (À la façon habituelle de nommer les fractions
chez les Arabes). Dans la notation, il sépare la partie décimale
de la partie entière par un signe, comme une barre verticale.
On voit donc que les fractions décimales viennent de la
pratique des opérations sur les polynômes exprimés sous forme
de tableaux.
Après as-Samawal, vers al-Kashi (1436-7)
Il est difficile de savoir quel a été l'influence des fractions décimales
d'as-Samawal. On sait toutefois qu'elles étaient utilisées par les
comptables des administrations de Tunis, probablement au XIVe
siècle ou au début du XVe siècle.. C'est toutefois un exemple
documenté unique. En était-il de même dans d'autres administration ?
D'ailleurs, il n'est pas certain que l'usage des fractions décimales aient
été fait avec les même outils que ceux d'as-Samawal et al-Kashi.
(Djebbar, A., Le traitement des fractions dans la tradition mathématique
médiévale du Maghreb, Prébublications, Université de Paris-Sud,
Mathématiques, 90-04, p. 28-29)
Toutefois, dans le livre Clé d'Arithmétique (1436-7) d'al-Kashi , les
fractions décimales sont non seulement abordées, elles sont aussi
nommées (al-Kusur al a'shariyya), ce que n'avait pas fait
explicitement as-Samawal. Al-Kashi se sert aussi des fractions
décimales, dans son Traité sur la circonférence du cercle, pour
approximer Pi, à 16 décimales près. Au-delà des noms donnés à ces
fractions, deux nouveautés, par rapport à as-Samawal, marque le
travail d'al-Kashi :
1. Une analogie explicite et détaillée est faite avec les fractions
sexagésimales
2. Les fractions décimales ne servent plus simplement à
approximer les racines, mais aussi les nombres réels, comme
Pi.
Le transfert vers l'Occident
On a peu d'informations précises sur le transfert de ces connaissances
des fractions décimales vers l'Occident chrétien. Un manuscrit
byzantin apporté à Vienne en 1562, indique tout de même que les
Turcs, ou les Byzantins, employaient les fractions décimales pour la
Écriture des nombres et des fractions
160
multiplication et la division. Selon ce manuscrit, les calculs se
faisaient ainsi:
Énoncé du problème : Calculer le prix de 153 1/2 mesures de
sel, le prix de chacune étant de 16 1/4 aspra. C'est-à-dire 153
1/2 • 16 1/4.
Voici le calcul :
Dans cet exemple, les lettres grecques ont été remplacées (par moi)
par nos chiffres. Remarquons la barre, qui sépare la partie entière de
la partie fractionnaire, et le point, pour le zéro. La fraction décimale
est aussi réécrite en fraction ordinaire.
L'usage des fractions décimales en Europe précède l'époque de ce manuscrit.
(Rudolff, Cardan par exemple. Voir la suite.)
Les fractions en Europe
(tiré de Smith, D.E., History of Mathematics, t. 2, pp.213-247 )
Les fractions ordinaires
Le symbolisme
Nous avons vu que les Arabes du Maghreb avaient introduit la
notation de fraction avec le numérateur au-dessus du numérateur, avec
une barre entre les deux. Cette pratique se répandra aussi en Europe au
Moyen Âge. Lorsqu'apparaît l'imprimerie (1446, premier livre
imprimé) la barre horizontale est parfois omise, à cause des difficultés
Écriture des nombres et des fractions
161
techniques reliées à l'impression. Ce sont les mêmes raisons qui ont
poussé les auteurs à utiliser la notation avec la barre oblique (ex. 2/3).
La barre horizontale est parfois utilisée avec des nombres romains.
(Smith, D.E., Hist. of Mathematics, t. 2, p. 217. Köbel, Rechen biechlin, 1514,
ici éd. de 1518)
Remarquez la notation pour les centaines.
Dénomination
Le mot fraction réfère à l'idée de briser, fractionner. Cette idée
remonte aux Égyptiens. En Europe, on a utilisé ce terme, en latin, dès
le XIIe siècle. Auparavant, on rencontre le terme Minutiis ou
Minuciae, minutes. Les deux termes seront employés indifféremment
pendant le Moyen Âge. D'autres expressions sont aussi utilisées :
nombres
routz
(Chuquet,
1484)
(http://www-groups.dcs.stand.ac.uk/~history//Mathematicians/chuquet.html par exemple), ou nombre
rompu.
Séquence pour l'enseignement des opérations sur les
fractions
Au Moyen Âge et à la Renaissance, souvent on suit l'ordre suivant :
Numération (des fractions), multiplication, division, réduction,
addition, soustraction.
Écriture des nombres et des fractions
162
Opérations sur les fractions
•
Addition : Comme chez les Arabes, mettre sur un dénominateur commun qui
est le produit des dénominateurs des deux fractions. Ce ne fut qu'au XVIIe
siècle que l'usage de réduire au plus petit commun dénominateur s'est
répandu.
Voici un exemple (Smith, D.E., p. 224) : calculer 5/6 + 3/8:
(en fait 1 5/24). Cet exemple est tiré de l'édition de 1494 de la Summa de
arithmetica, geometrica, proportioni e proportionalita de Pacioli (14451517) (http://www-groups.dcs.st- and.ac.uk/~history//Mathematicians/Pacioli.html
Exercice : Pouvez-vous interpréter l'exemple de Pacioli ?
•
Multiplication : Notre méthode (multiplier les numérateurs et les
dénominateurs) a été utilisée depuis les Arabes.
Il y a eu des discussions sur le fait que, contrairement à la multiplication par
un nombre, la multiplication par une fraction (inférieure à un) a un résultat
inférieur au multiplicande. Par ailleurs, il y a peu de tentatives d'explication
de la validité du processus de multiplication.
Il est intéressant de noter l'influence des Grecs sur la perception qu'on avait
en Europe de la façon de faire une division. Ainsi, au lieu de faire
directement 3/5 ÷ 4, on calcule plutôt 3/5 x 1/4, de façon à opérer sur des
objets de même nature, une fraction n'étant pas conçu de même nature qu'un
nombre entier.
•
Division :
o Deux méthodes étaient principalement employées jusqu'à la fin de la
Renaissance
1. Celle des Arabes (réduire au même dénominateur puis diviser
les numérateurs)
2. La multiplication en croix (1545) :
Écriture des nombres et des fractions
163
(Smith. D.E., History of Mathematics, t. 2, p. 227. Manuscrit anonyme
datant de 1545.)
Exercices : Pouvez-vous reconnaître les nombres qui
apparaissent dans ces exemples ? Quels rapprochements peuton faire avec l'exemple de Pacioli ci-dessus ?
o
Après la Renaissance : Multiplication par l'inverse
Déjà présente chez les Arabes du Maghreb, elle revendra en
Europe
avec
Michael
Stifel
(http://www-groups.dcs.stand.ac.uk/~history//Mathematicians/Stifel.html, en 1544, mais ne
sera utilisée plus largement qu'à partir du XVIIe siècle.
Les fractions décimales
Les antécédents
Pour le commerce, les fractions ordinaires et leur notation semblent
avoir été suffisantes au Moyen Âge et à la Renaissance. Les fractions
impliquées n'étaient jamais très compliquées, numérateur et
dénominateur à trois chiffres au maximum. Toutefois, les maîtres
d'abaque de la Renaissance, avec leur besoin de se démarquer de leurs
collègues, font référence dans leurs traités à des fractions de plus en
Écriture des nombres et des fractions
164
plus complexes, avec des numérateurs et dénominateurs de plus de 10
chiffres parfois.
La règle des zéros :
Comme
chez
les
Arabes, on trouve des
mathématiciens
qui
utilisent la règle des
zéros pour extraire des
racines (voir la règle
des zéros), comme dans
la table des racines
carrées d'Adam Reise
publiée en 1522, dont
les valeurs des racines
doivent être divisées
par
1000
pour
correspondre à la
valeur véritable des
racines. (Pouvez-vous
interpréter la table ? ) :
(Smith, D.E., History of Mathematics, t. 2, p. 237)
Ce genre d'utilisation de la multiplication par 10 se retrouve aussi
dans les tables de trigonométries calculées à partir de cercles de
rayons de la forme 60 x 10n.
La règle de division de Regiomontanus (1436-1476) (http://wwwgroups.dcs.st- and.ac.uk/~history//Mathematicians/regiomontanus.html). Une
règle pour diviser les nombres de la forme a x 10n. C'est en donnant
des exemples de cette règle que Pellos, en 1492, utilise un point pour
séparer la partie décimale de la partie entière. Mais ce n'est pour lui
qu'un artifice qui n'aura pas de suite. D'ailleurs, les réponses ne sont
pas données sous une forme de fractions décimales.
Exercice : en examinant la page illustrée ci-dessous, trouvez comment
fonctionne la division de Regiomontanus.
Écriture des nombres et des fractions
165
(Smith, D.E., History of Mathematics, t. 2, p. 239)
L'introduction des fractions décimales en Europe
Nous avons vu que les Arabes ont inventé les fractions décimales. Un
usage systématique des fractions décimales en Europe ne se présente
qu'au XVIe siècle, avec Christoff Rudolff (1499-1545), (http://wwwgroups.dcs.st- and.ac.uk/~history//Mathematicians/Rudolff.html) dans son
Exempel Büchlin de 1530, où il traite de problèmes d'intérêt composé.
Ici, la barre est utilisée pour séparer la partie entière de la partie
fractionnaire. Mais son travail n'est pas très apprécié et l'usage des
fractions décimales reste très marginal.
L'œuvre maîtresse pour la popularisation de l'usage des fractions
décimales est celui de Simon Stevin (1548-1620) (http://wwwgroups.dcs.st- and.ac.uk/~history//Mathematicians/Stevin.html, La Disme,
Écriture des nombres et des fractions
166
paru en 1585 d'abord en flamand puis, la même année, en français. En
voici un extrait de la première page de la version française (version de
1634).
La notation de Stevin s'inspire de celle qu'il utilise en algèbre, comme
on le constate dans l'extrait suivant (toujours de 1634) :
Écriture des nombres et des fractions
167
Ce symbolisme ne fut toutefois pas très populaire. On le trouve tout de
même dans une traduction flamande de 1626 d'un livre de Napier.
(http://www-groups.dcs.st- and.ac.uk/~history//Mathematicians/Napier.html)
Le point décimal commence à être utilisé vers la toute fin du XVIe siècle. Le point
de Pellos (voir ci-haut) ne peut être considéré comme un véritable point décimal,
n'étant pas intégré à une véritable pratique de la fraction décimale. Certains auteurs
du XVIIe siècle attribuent le premier usage du point décimal à Joost Bürgi (15521632)
(http://www-groups.dcs.st-and.ac.uk/~history//Mathematicians/Burgi.html.)
Écriture des nombres et des fractions
168
Un de ses manuscrits de 1592 nous fait voir un usage systématique du point
décimal. Mais c'est avec le XVIIe siècle que son usage se répand. On le rencontre
en 1612 dans les tables trigonométriques de Pitiscus (1561-1613)), l'inventeur du mot
trigonométrie. Napier sera celui par qui l'usage d(http://www-groups.dcs.stand.ac.uk/~history//Mathematicians/Pitiscus.htmlu point se répand, à cause de la
dissémination des calculs à l'aide des logarithmes. Néanmoins, beaucoup d'autres
symboles sont simultanément utilisés, particulièrement certains issus de la notation
des fractions sexagésimales appliquée aux fractions décimales (ex.
314,1'5''9'''2''''6'''''5'''''', pour notre 314,159265. Johan Hartmann Beyer (1563-1625)
en 1616 dans une lettre à Kepler).
Écriture des nombres et des fractions
169