Mise en page 1 - ZZ Productions

Transcription

Mise en page 1 - ZZ Productions
MONTE
CRISTO
Adapté et mis en scène par
HENRI FESCOURT
Musique originale de Marc-Olivier Dupin
Sommaire
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Monte-Cristo, fiche technique et artistique ................................................3
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Cinea-Cine pour tous, n°135, 15 juin 1929 (p. 27)..................................7
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Cinemonde, 6 juin 1929 ....................................................................8
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Monte-Cristo, Claude Beylie et Francis Lacassin......................................10
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Henri Fescourt, un pionnier méconnu ....................................................11
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Signé Henri Fescourt, Francis Lacassin....................................................12
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La griffe cinématographique, Un Entretien avec Henri Fescourt ....................17
■
Henri Fescourt, auteur : scénariste et/ou réalisateur ....................................19
■
Affiche suédoise (Coll.° FilmMuseum, Amsterdam ©DR) ............................28
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Jean Angelo, Cinéa-Ciné pour tous, n°104, 1er mars 1928 (1° Couv.) ......29
■
Jean Angelo [bio.], Cinéa-Ciné pour tous, n°104, 1er mars 1928 (p.16) ........30
■
Jean Angelo, Cinéa-Ciné pour tous, n°131, 15 avril 1928 (1° Couv.) ......31
■
Jean Angelo, Cinéa-Ciné pour tous, n°117, 15 septembre 1928 (p. 22) ......32
■
Gaston Modot par Henri Fescourt ..........................................................34
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Lil Dagover, Philippe Pelletier ..............................................................39
■
Marie Glory, Yvan Foucart, avec le concours de Mireille Beaulieu ............41
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Un journal [des journaux] de tournage ....................................................43
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Boris Bilinsky, René Clémenti-Bilinsky ....................................................47
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Louis Nalpas : seigneur du Ciné-Roman, Lenny Borger ................................50
■
Louis Nalpas, producteur ....................................................................52
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Mémoire(s) pour une restauration : non-film/film........................................54
■
La cinématographie française, 23 mars 1929, annonce publicitaire ............56
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Marc-Olivier Dupin, le compositeur et chef d’orchestre ............................57
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Journal du compositeur........................................................................58
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Générique de la restauration ................................................................63
Dossier compilé et édité par Jacques Poitrat / [email protected] assisté de Clélia Sainton
(Université Paris VIII, Paris-St Denis) avec le concours de Lenny Borger
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
de Henri Fescourt (1928-1929) - France
G é n é r iq u e
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Scénario et adaptation : Henri Fescourt
d'après le célèbre roman d'Alexandre Dumas et Auguste Maquet
Réalisation : Henri Fescourt
assisté de Armand Salacrou, Henri Debain, Isabelle Brabo, Jean Godard
Images (panchromatiques) : Julien Ringel, Henri Barreyre, Goesta Kottula
(et Maurice Hennebain), assistés de Paul Fabian
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Photographies de plateau : Maurice Hennebain, Sacha Masour (et G. L. Manuel Frères)
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Costumes : Boris Bilinsky (maquettes), exécutés par la Maison Granier
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Décors : Boris Bilinsky (maquettes), exécutés par Louis Bertin Moreau
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Effets spéciaux (Décors) : Paul Minine & Nicolas Wilcke
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Régie : Léon Courtois, Fernand Tanière, Henri Pauly (et André Daven )
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Armateur (du Pharaon) : Marius Valoussière
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Montage : Jean Louis Bouquet
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Direction technique & Administration générale : Franck Daniau Johnston
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Administrateur : Mouquet
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Direction artistique (producteur) : Louis Nalpas
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Production : Films Louis Nalpas
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Ventes internationales : Grands Films Européens
1
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
de Henri Fescourt (1928-1929) - France
In te r p r é ta ti o n
Jean Angelo
Lil Dagover
Gaston Modot
Marie Glory
Pierre Batchef
Jean Toulout
Edmond Dantès /Abbé Busoni /Comte de Monte-Cristo
Mercédès /Comtesse de Morcerf
Fernand de Mondego /Comte de Mortcerf
Valentine de Villefort
Vicomte Albert de Mortcerf
Monsieur de Villefort
Bernhard Goetzke
Henri Debain
Tamara Stezenko
Diane Farèze
Ernest Maupain
Robert Mérin
Armand Pouget
Jack Taylor (boxeur)
Michèle Verly
François Rozet
Tina Meller
Henri Volbert
Jean Godard
Albert Bras
Eliane Tayar
Olga Spessivtzeva4 et le corps du ballet
de l’Opéra-Comique
La baronne Wrangel, Nadia Kozine, Gueirarot
Henri Janvier, Safonoff, Ravitch,
Eugène Gaïdaroff5 et Raymond Narlay,
Émilien Richaud
Abbé Faria
Caderousse
Haydée, fille de Tebelin
la meilleure amie de Valentine de Villefort2
Monsieur Morrel
Benedetto /Prince André Cavalcanti
le père Dantès
Ali
Julie Morrel
Maximilien Morrel
la danseuse catalane
le gouverneur du château d’If
le joaillier Joannès
le notaire
une spectatrice à une avant-scène à l’Opéra3
spectatrices à l’Opéra
spectateurs à l’Opéra
1.L’Intransigeant, 2 septembre 1928. 2.Ciné-Revue, Mon ciné, 12 décembre 1929 (incl. III.°).
3.L’Intransigeant, 17 novembre 1928. 4.Olga Spessivtzeva (1895-1991).
> www.cndp.fr/balletrusse/portraits/olga.htm 5.A. P. Barancy, Avenir, novembre 1928.
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de Henri Fescourt (1928-1929) - France
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Tournage : 15 septembre 1928 > 20 mars 1929.
Extérieurs : Marseille et environs (Château d’If), Aix en Provence, Toulon, Arles,
Martigues (Miroir aux Oiseaux), Île Sainte-Marguerite, Pont du Gard.
Studios : Société des Studios de Billancourt (Michel Feldmann, Dir.)6
1928/1929 • F. • 35 mm. • 1/1,33 • N. & B. • 5 740 m. • 2 parties • Muet.
Présent° corpo. : Lundi 27 mai 1929, à 9:45 (1 part.) et 14:45 (2 part.) à l'Empire.
■ Distribution en France : Les Productions Réunies (Fernand Weil)
Sortie en Salles : 25 octobre 1929 (1 partie) et 1 novembre 1929 (2 partie)
Censure ministérielle : Visa n° 38 162
■ Distribution en Allemagne (1929) : Terra United Artists /Der Graf von Monte Christo
Prüf Nr. : 22 585 & 22 607 (2 680 + 2 339 = 5 019 m.)
■ Distribution en Hollande : City Film NV (Den Haag) /De Graaf van Monte Christo
Sortie en Hollande : 26 septembre 1929 (3 812 m.)
■ Distribution en Italie (1929) : Il Conte di Montecristo
■ Distribution en Grande-Bretagne : [Gainsborough Pictures ] /The Count of Monte-Cristo
■ Distribution en Espagne : El Conde de Montecristo
■ Distribution en Suède : A.-B. Biografernas, Stockholm (Endamratt : Sofus Berg-Film)
Sortie en Suède : 14 octobre 1929 /Greven av Monte Cristo (3 114 m.)
■ Sortie au Japon : 8 mai 1930 /
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Restauration inédite de la version originale (Neg. A) - 1999/2006 :
ZZ Productions ® 112 049, avec la participation d’ARTE France & de l’ONDIF et avec le
concours du GosFilmoFond de Russie et des Archives Françaises du Film / Centre National
de la Cinématographie. – Laboratoire : DIGimage
1928-29/2006 • F • D-Ciné. • 1/1,33 • N. & B. part.t Teinté (4) • [5 230 m.] •
218 min. env. (123 min. + 95 min./21 i./s.) • Stéréo (5.1)
2 époques : Edmond Dantès & Le Comte de Monte-Cristo + Le Châtiment
Musique : Marc-Olivier Dupin (2005), interprétée par l’ONDIF, sous sa direction.
6. Robert Saint-Paul, Photo-Ciné, 15 janvier 1929. 7.+ > www.cinemacontext.nl
8.+ > www.filmoguia.com 9.Cinéa-Ciné pour tous, n° 114, 1er août 1928 [p. 8].
N. B. : Les noms et/ou informations entre [ … ] reprennent des sources non avérées.
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
de Henri Fescourt (1928-1929) - France
u moment de ses fiançailles, le marin Edmond Dantès est arrêté
et jeté dans la prison du château d'If sur la dénonciation de son
rival auprès de la belle Mercédès : Fernand Mondego. Sur les
indications d'un camarade de captivité, l'abbé Faria, et après s'être
évadé, il découvre le trésor de l'île de Monte Cristo, immensément riche
et connu sous le nom de comte de Monte Cristo, Dantès se venge de ses
ennemis mais protège ceux qui furent bons pour lui et leur vient
mystérieusement en aide.
A
Principales autres versions :
10
The count of Monte Cristo de Joseph A. Golden & Edwin S. Porter (1913),
avec James O’Neill.
■ Le comte de Monte Cristo de Henri Pouctal (1917), avec Léon Mathot.
■ Monte Cristo de Emmett Flynn (1922), avec John Gilbert.
■ The count of Monte Cristo de Rowland V. Lee (1934), avec Robert Donat.
■ Le comte de Monte Cristo de Robert Vernay (1942), avec Pierre William Wilm.
■ Le comte de Monte Cristo de Robert Vernay (1953), avec Jean Marais.
■ Le comte de Monte Cristo de Claude Autant Lara (1961), avec Louis Jourdan…
■
10.+ Uwe Jacobs [filmographie constituée par…], Les œuvres d’Alexandre Dumas père adaptées à l’écran
> www.dumaspere.com + Philippe d’Hugues, Monte-Cristo, entre vérité et fiction (Les héros favoris du Cinéma),
Le Figaro, jeudi 15 août 2001 [p. 15] + Gérard Lefort, Le comte de Hollywood (Les milles et une vies
d’Alexandre Dumas), Libération [Un été 2002], sam. 20 et dim. 21 juillet 2002 [p. II]
N. B. : Les noms et/ou informations entre [ … ] reprennent des sources non avérées.
MONTE-CRISTO
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restera-t-il encore longtemps le chef d’œuvre inconnu ?
onte-cristo (1929), film tenu en très haute
estime par Alain Resnais, qui le vit de
nombreuses fois dans sa jeunesse, et que
plusieurs historiens de l'écran s'accordent à
considérer comme l'œuvre la plus importante de
Fescourt, avec Les misérables ? Nul doute que
Dumas ne l'ait mieux inspiré que Richepin.
Vignaud ou Kistemaeckers. En confrontant sa
version avec les adaptations précédentes de
Pouctal (1917. avec Léon Mathot) et d’Emmett
Flynn (1922. avec John Gilbert), Jean Frick écrit dans Mon Ciné1 : « La tâche d'Henri Fescourt
était difficile, puisqu'il devait réaliser une oeuvre de technique moderne avec un scénario invraisemblable qu'il ne pouvait guère moderniser. Aussi le tour de force qu'il a réalisé est il des plus louables.
Le mouvement caractérise cette nouvelle production. Son style est excellent et la mise en scène est
somptueuse toutes les fois que l'action l'a nécessité... Monte-Cristo mérite de remporter un grand succès populaire. » De son coté, le critique de La Cinématographie Française souligne qu'« Henri Fescourt
a prouvé son goût et son sens artistique eu faisant d'un poncif littéraire une œuvre visuelle pleine de
charme »2. Robert Vernay, qui tournera en 1942 et en 1953 deux nouvelles versions du fameux roman
de Dumas (avec Pierre Richard Wilm, puis Jean Marais), et qui était alors jeune critique à Cinémagazine,
est plus élogieux encore : « Dans des tableaux comme ceux de la soirée à l'Opéra ou la fête chez le
comte, écrit il, se trouve une charmante évocation de la vie aristocratique de 1845 les crinolines,
les habits chamarrés des hommes, le décorum qui présidait à ces réceptions donnent aux images
une sorte de grâce vaporeuse... »3. À coup sûr, ce Monte-Cristo fut le couronnement de la carrière
muette de Fescourt : les photogrammes qui nous sont parvenus témoignent d'un sens aigu de la composition, d'une somptuosité architecturale éblouissante, d'une finesse de touche évoquant l'art du ballet.
Monte-Cristo restera-t-il encore longtemps le chef d'oeuvre inconnu ?
Claude Beylie et Francis Lacassin
Anthologie du Cinéma © L’Avant-Scène & C.I.B., 1968
M
1.Mon Ciné, 8 août 1929.
2.La Cinématographie Française, 31 mai 1929. 3.Cinémagazine, 7 juin 1929.
MONTE-CRISTO
HENRI FESCOURT un pionnier méconnu
(1880-1966)
’espère que vous conservez la foi et
J
Le cinéma n’a pas été ma raison d’être, mais si aucune
exigence intérieure ne me poussa vers lui, il a, tout phénomène
accidentel qu’il fût, déterminé ma vie et
m’a valu des moments heureux.
1.La fondation de l’Institut des Hautes Études
Cinématographiques, il en devient l’un des
professeurs. Parmi ses élèves (de la promotion
1942-44) figurent Yannick Bellon, Pierre Malfille
et Alain Resnais. Pendant la même période,
il fonde et dirige un « cours de formation
du comédien d’écran » , installé rue PierreDemours, qui recevra jusqu’à soixante-huit
élèves et comptera parmi ses professeurs Ève
Francis, la veuve de Louis Delluc. De 1943 à
1946, succédant à Germaine Dulac, décédée, il
occupe également une chaire à l’École Technique
de Photographie et de Cinéma de la rue de
Vaugirard. C’est seulement le 4 janvier 1953
qu’il rompra ses derniers liens avec la profession
cinématographique en quittant la Commission de
contrôle des films, où il représentait le Syndicat
des Techniciens depuis juillet 1945.
Dès le printemps 1944, il avait occupé les loisirs
de sa semi-retraite à composer deux gros
ouvrages. Le premier, traitant de l’évolution des
techniques, Du Cinématographe au
Cinéma, devait paraître en 1950 à la Nouvelle
Édition sans la faillite de cette maison. Le second,
La Foi et les Montagnes, irremplaçable
recueil de souvenirs, a été publié en 1960 et fut
couronné par le Prix Armand Tallier (qui avait
été l’un de ses interprètes dans Mathias
Sandorf). Cet ouvrage a fait redécouvrir Henri
Fescourt à la jeune génération, dont il était luimême un observateur très attentif.
Claude Beylie et Francis Lacassin,
L’historien et le théoricien/Henri Fescourt
(1880-1966). Anthologie du Cinéma
© L’Avant-Scène – C.I.B, 1968
cette immense curiosité pour tout ce qui
s’écrit et se tourne et se joue,» écrivait
François Truffaut à Henri Fescourt quelques
mois avant la mort de celui ci. La foi, la
curiosité, le besoin de séduire, de
comprendre, de participer, d’être dans le
coup : tout cela, qui a caractérisé jusqu’à
la dernière minute l’auteur de La Foi & Les
Montagnes © PM, Paris – 1959 (Prix
Armand Tallier 1961), est dû pour une
large part à un enthousiasme et une
exubérance naturels, inséparables de ses
origines méridionales.
C’est à Béziers (Hérault) que naît le 23 novembre
1880, à onze heures du soir, Marcellin-Henri Fescourt,
de Marie-Louis-Charles Fescourt, professeur au collège,
et dame Marie-Jeanne-Charlotte Magrou, sans profession, son épouse.
Après des études de droit, il est d’abord critique musical, journaliste (Intransigeant) puis auteur dramatique. Il
débute au cinéma, en 1912, comme scénariste chez
Gaumont, où Louis Feuillade, languedocien comme lui,
l’accueille et l’encourage. Il passe bientôt à la réalisation.
Sa carrière s’épanouit après la guerre dans les cinéromans, sous l’autorité de Louis Nalpas. En 1925, il tourne
une somptueuse adaptation, en quatre époques et 32
bobines, des Misérables (avec Gabriel Gabrio, Sandra
Milovanoff et Jean Toulout). Le parlant lui sera fatal…1
Il est décédé le 13 août 1966 à Neuilly sur Seine.
MONTE-CRISTO
Signé
Henri Fescourt
igné : Henri Fescourt1. Un nom cherché en
vain dans l’Histoire du cinéma de Georges
Sadoul la Bible de cette époque avant de
le découvrir dans une note en bas de page.
Quelques paragraphes chez Jeanne et Ford.
Rien dans l’ouvrage de Bardèche et Brasillach.
Cette amnésie quasi totale confirmait les doutes
que j’avais éprouvés, en fréquentant l’avenue de
Messine, quant à la crédibilité des ouvrages
retraçant l’histoire du cinéma.
Je n’incrimine pas les historiens. Pour avoir
tenté d’imiter leur tache, j’en sais la difficulté. Les
premiers d’entre eux ont essuyé les plâtres. Partis
du néant, ils ont travaillé avec les moyens du
bord. Le plus souvent : leurs souvenirs et quelques archives personnelles. Ou, dans le meilleur
des cas, à partir d’épaves – photos, films ou
documents échappées par hasard à la destruction. Ils ne pouvaient rien dire des auteurs et
œuvres dont ils n’avaient pas eu personnellement connaissance et qui n’avaient pas laissé de
trace.
Il faut se méfier de l’esclavage du souvenir. Il
tend à figer des échelles de valeurs anciennes et
des appréciations passées alors que les idées
changent et courent de plus en plus vite. Je pressentais que l’histoire du cinéma ne trouverait sa
rigueur que le jour ou elle serait écrite par des
générations dépourvues de souvenirs donc réduites à tenir compte des moindres débris et
contraintes a une froide objectivité. Surtout
l’exemple de Fescourt m’aidant à le croire le
passé cinématographique m’apparaissait
comme un iceberg dont seule une faible superficie émergeait à la vue. Impossible de soumettre
S
l’histoire du cinéma à une échelle de valeurs tant
que le passé n’aurait pas été entièrement
dégagé, comme disent les archéologues.
Comment le dégager ? Comment opérer de
grandes découvertes archéologiques dans le
domaine des images périssables et qui subsistaient seulement dans des mémoires prêtes à
s’éteindre ?
Tel était mon état d’esprit, lorsqu’en 1959, au
fond de la cour d’un immeuble lyonnais, je projetais et je re-projetais, fasciné, le Mandrin
d’Henri Fescourt. Le film datait de 1924 ; je souhaitais en inclure quelques images dans mon
court-métrage Mon ami Mandrin. Qu’était
devenu Fescourt, était il en vie ? Grâce à l’érudit lyonnais Raymond Chirat, qui travaillait alors
à un monumental index du Film parlant français
de 1930 à nos jours,2 j’ai retrouvé sa trace.
Quelques semaines plus tard, une lettre venue
d’une maison de retraite de la banlieue parisienne m’annonçait gentiment : “Si un peu de
mon Mandrin peut revivre à travers le vôtre, j’en
serai ravi.” Tel fut mon premier contact avec un
homme qui devait bouleverser l’orientation de
ma vie ; avec qui je devais entretenir pendant
sept ans un sentiment qui, malgré la différence
d’âge, ressemblait à de l’amitié.
Il se préparait à publier, l’année suivante, ses
souvenirs. Par l’enthousiasme et la passion qui
l’inspirent, l’ouvrage mérite bien son titre : la Foi
et les Montagnes ou le Septième Art au passé.3
Il demeure pour moi un exemple, le modèle du
passé vivant, de l’enthousiasme mis au service
du témoignage. Il avait l’art de faire revivre les
morts et d’en faire les amis du lecteur. Il éclairait
MONTE-CRISTO
...
Signé
...
Henri Fescourt
aussi les histoires du cinéma en bien des points
qu’elles laissaient obscurs : il démentait des
légendes celle de La vie telle qu’elle est et, d’une
succession de films morts et de génériques
synoptiques, il avait su faire jaillir des hommes
vivants et montrer, tantôt avec émotion, tantôt
avec humour, le combat qui les opposait aux
montagnes du commerce et de la finance.
Cet ouvrage n’est pas seulement le portrait
d’une époque ou le récit d’une carrière, mais le
livre de raison d’une conversion au monde des
images, du développement de sa foi, de sa participation à la croisade pour le septième art.
Rien en effet ne prédisposait à la carrière de
réalisateur de films ce jeune Méridional né à
Lunel en 1880. Élève de Vincent d’Indy à la
Schola Cantorum, il se destinait à la musique
mais, pour vivre, étant licencié en droit, il avait
tâté du barreau à Paris avant de passer du cabinet du ministre au secrétariat d’un théâtre et, tout
en ayant fait jouer deux ou trois pièces, il avait
échoué à la rédaction de l’Intransigeant. Pour ce
journal, vers 1910, il était allé interviewer
Benoît Lévy qui, dans l’indifférence générale,
soutenait les idées qui préludèrent à la formation
du film d’art. Elles ne convainquirent pas non
plus Fescourt, car c’est seulement dans l’hiver
1911-1912 que, pour remédier à des plaies
d’argent, il écrivit sur le conseil d’un ami des scénarios de films – “plus c’est bête, mieux c’est
payé”. Et il s’en alla les porter chez Gaumont ou
plutôt à son directeur artistique, Louis Feuillade,
auprès duquel l’avait recommandé un viticulteur
de Lunel. Feuillade lui acheta quelques scénarios
et finit par lui conseiller de les mettre lui même en
scène. En un chapitre savoureux et mémorable,
Fescourt a raconté comment Léon Gaumont entérina cette décision.
En février 1912 donc, Henri Fescourt réalisa,
d’après un scénario écrit par lui même, la
Méthode du professeur Neura, le premier de la
cinquantaine de films qu’il mit en scène pour
Gaumont jusqu’en août 1914. Après la guerre,
il demeura attaché jusqu’en 1929 à la Société
des Cinéromans et réalisa surtout des films à épisodes : en 1919, Mathias Sandorf, chef d’œuvre du trucage mis au service de l’image poétique ; Rouletabille chez les bohémiens ; Mandrin
qui, par son lyrisme généreux, son souffle épique et le dynamisme de ses images, s’affirme
comme un véritable western français. Citons
encore les Misérables et surtout son dernier film
muet, Monte-Cristo, dont Alain Resnais avoue
que sa beauté plastique le fascina. Après le parlant, Fescourt tourna en Suède, en Angleterre, en
Afrique du Nord et en France bien sûr, où il réalisa en 1942 son dernier film : Retour de flamme
où débutaient Roger Pigaut et Renée Saint Cyr.
Toutes les grandes vedettes d’autrefois ont figuré
au générique de ses films : René Navarre, Yvette
Andreyor, Jean Toulout, Joë Hamman, Sandra
Milowanoff, Renée Carl, Gaston Modot.
Certains de sesassistants ont fait carrière dans
des directions diverses : Jean Faurez, Armand
Salacrou et Jean Louis Bouquet, bien connu des
amateurs de littérature fantastique.
Au début, Fescourt allait chez Gaumont
comme on va à l’usine, mais il se mit à aimer
son métier et enfin prit conscience de la puissance et de la vocation artistique de ce moyen
MONTE-CRISTO
...
Signé
...
Henri Fescourt
d’expression encore balbutiant. En 1920, il participe aux côtés de Canudo à la fondation du
CASA, ce club des amis du septième art, où, en
des soirées mondaines et choisies, des comédiennes récitaient des scénarios en forme de
poème, à moins que ce ne fût le contraire. Le
plus souvent, les réunions prenaient chez
Poccardi4 la forme d’un dîner, à l’issue duquel
les maîtres d’hôtel offraient une rose à chaque
dame. Mais il se lia d’amitié aussi avec
Germaine Dulac, Louis Delluc, Marcel L’Herbier,
et à leur exemple prit la parole et la plume pour
défendre ses idées. Avec eux et avec d’autres, il
fonda le Ciné Club de France qui fut l’embryon
de l’actuelle Fédération française des ciné clubs.
En 1926, alors que l’avant garde s’enlisait sur la
voie du cinéma sans sujet, il lança un pamphlet
en trois épisodes, l’Idée et l’Écran, écrit en collaboration avec Jean Louis Bouquet, dont les vues,
l’avenir l’a prouvé, étaient courageuses et prémonitoires.
À peine à la retraite en 1942, Henri Fescourt
devint professeur de la première promotion de
l’IDHEC (1942-1944). Dans le même établissement, il dirigea un centre de formation du comédien que d’obscures raisons administratives firent
fermer. Il entra alors à l’ETPC où il occupa,
jusqu’en 1946, la chaire de cinéma laissée
vacante par la mort de Germaine Dulac. Il représenta pendant quinze ans le Syndicat des techniciens du film à la commission de contrôle des
films où il fit la connaissance d’André Bazin. Il
vota systématiquement contre toutes les mesures
de censure proposées, excepté une seule en
quinze ans qui selon lui était justifiée. Il résilia ses
fonctions en 1950, “lassé de s’être si longtemps
prêté à une telle duperie”. Il se consacra alors à
la rédaction de La Foi et les Montagnes.
Couronné du prix Armand Tallier – ancien interprète de Fescourt –, ce livre fit redécouvrir à la
jeune génération un homme auquel les histoires
du cinéma, comme à beaucoup d’autres, n’ont
pas donné la place qu’il méritait. Dès lors et
jusqu’à l’intervention chirurgicale qui précéda sa
fin, la petite chambre de sa maison de retraite
reçut la visite des critiques, journalistes et historiens venus jusque de l’étranger. Il aimait réunir à
déjeuner les jeunes réalisateurs, les jeunes critiques. Le repas était alors un feu d’artifice de souvenirs, de mots, d’anecdotes, de prévisions et
de jugements très pertinents sur le cinéma muet...
et aussi sur le cinéma des années soixante.
Paraissant vingt ans de moins que son âge,
Fescourt ne s’était pas muré dans le passé même
s’il en avait été le meilleur peintre. Se multipliant
en interviews, conférences et articles dans les
revuettes, il se montrait attentif à l’évolution de la
“nouvelle vague”, très admirateur d’Alain
Resnais qui, en 1942, avait été son élève à
l’IDHEC. Bien que diminué par la maladie, il
avait consacré sa dernière sortie aller voir Pierrot
le Fou de Jean Luc Godard et ce film l’avait
impressionné.
Grâce à lui, j’ai compris les tenants et aboutissants du passé du cinéma, j’ai appris le pourquoi des choses, pénétré dans les coulisses des
chefs d’œuvre, vu revivre des hommes qui survivaient sous la seule forme d’une mauvaise
photo¬graphie ou d’une laconique notice biographique. Guidé par Fescourt, j’ai redécouvert
MONTE-CRISTO
...
Signé
...
Henri Fescourt
des pionniers, des personnalités extraordinaires
pour la plupart disparus depuis : Jean Ayme, le
Grand Vampire ; Joë Hamman, compagnon de
Buffalo Bill ; Yvette Andreyor, la fiancée de Judex
; les héritiers Feuillade ; la prolifique et (injustement) méconnue Alice Guy.
De ces rencontres exaltantes, je revenais
ébloui et, mon tour, j’en éblouissais mon entourage. Jusqu’au jour où, en 1961, Pierre Billard
que je connaissais avant même la fondation de
la revue de la Fédération française des cinéclubs en 1954 me demanda d’en faire profiter
aussi ses lecteurs. Je n’avais jamais écrit une
seule ligne sur le cinéma et ma vie de cinéphile
trouvait enfin un sens. De simple voyeur ou
consommateur d’images, je devenais un sauveteur. Le moindre loisir, le moindre voyage était
consacré à une course de vitesse pour raviver les
sources orales avant que leurs dépositaires, vaincus par l’âge, ne disparaissent. Et ce furent onze
ans d’extraordinaires enquêtes policières ou
archéologiques à travers la France, l’Europe,
l’Amérique, l’Afrique du Nord pour retrouver un
visage, un nom, un titre, la photo du cheval de
Joë Hamman, la digue devant laquelle Alfred
Machin a tourné L’or qui brûle5, la date de naissance de Josette Andriot, l’interprète de Protéa.
Ainsi, j’arrivais à éclairer tel chapitre obscur
de l’histoire du cinéma, à identifier un visage
sans nom, réhabiliter un genre méprisé, exhumer
un inconnu aussi précieux qu’un sarcophage
pharaonique, placer un autre sous son véritable
éclairage. Tâche exaltante, longue et surhumaine. Chacun de ces articles donnés à
Cinéma 61 et ailleurs n’était pour moi que le
brouillon du chapitre d’un ouvrage d’ensemble
dont j’ai arrêté le plan en 1963. Consacré aux
films dont les histoires du cinéma ne parlent pas
mais que tout le monde allait voir burlesques,
mélodrames, films policiers, il s’appellera
Histoire du cinéma illettré.
J’aurais aimé en faire l’hommage à Fescourt
qui, à son insu aussi, m’a aidé à le composer.
C’est lui qui m’a incité à écrire sur l’histoire du
cinéma. Son exemple autant que ses conseils ont
dirigé mes émerveillements, riches en conséquences. Avec Janine André Bazin, nous avons
même réalisé, avec sa participation, une série
d’émissions de télévision6 qui peut être ne partageront pas son tombeau. Décidé à ne plus quitter sa retraite, il voulut nous offrir à elle et à moi
un déjeuner d’adieu. “Je n’ai pas l’intention de
m’incruster plus longtemps, à partir d’un certain
âge c’est de l’insolence…” Pour renouer avec le
passé, il nous invita chez Poccardi mais, à l’encontre de tous les repas qui le précédèrent, il se
dégagea de celui ci une indéniable mélancolie.
Les magnifiques miroirs au cadre doré lui renvoyaient le visage inconnu des maîtres d’hôtel
pressés, qui avaient depuis longtemps perdu
l’habitude d’offrir des roses à leurs clientes...
Par sa jeunesse d’esprit et sa verdeur physique, Fescourt faisait oublier son âge. Il n’a pu
attendre et a choisi un jour de l’été 1966, où
tous ses amis étaient en vacances, pour s’en
aller sans les déranger... Mais il continue d’inspirer l’étrange entreprise de réhabilitation que
je me suis imposée : elle tient à la fois de l’enquête policière, de la fouille archéologique et
du travail de fourmi.
MONTE-CRISTO
...
Signé
...
Henri Fescourt
À vrai dire, je me demande si cette tâche
trouvera son terme avant celui de ma propre
vie. Plutôt que de promettre indéfiniment un
concerto mythique, je me suis résigné, dès
1972, à publier les modestes arpèges destinés
à le préparer.
Textes témoins d’une course de vitesse contre
l’oubli, fragments d’un puzzle incomplet : leur
publication ne sera pas tout à fait inutile si elle
1.Sur cet auteur, voir Henri Fescourt par
Claude Beylie et Francis Lacassin,
coll. “L'Anthologie du cinéma”. 1967
2.Devenu par alluvions successives un irremplaçable
Catalogue des films français de 1908 à 1949,
dont l'ultime décennie, 1908-1918, est éditée par la
Cinémathèque française en 1995.
3.Paul Montel éditeur, 1960, Réédité par les éditions
d'Aujourd'hui dans la collection “Les Introuvables”.
4.Célèbre restaurant italien des grands boulevards.
5.Voir mon ouvrage, Alfred Machin,
coll. “L'Anthologie du cinéma”. 1968
6.Le Cinéma raconté par un témoin. Cette série,
jamais diffusée, dort dans les sarcophages de l’Institut
national de l'audiovisuel.
permet de faire naître de nouvelles vocations,
comme la magie d’une rencontre a éveillé la
mienne.
Alès, novembre 1971
Aix les Bains, septembre 1993
Francis Lacassin
Pour une contre-histoire du cinéma
© Institut Lumière/Actes-Sud, 1994
(p. 20-25)
MONTE-CRISTO
La Griffe Cinématographique. 15 juin 1929. A propos de Monte-Cristo
U n e n tr e ti e n a ve c
Henri Fescourt
ous aurions voulu au lendemain de la présentation de Monte Cristo rencontrer le bel
artiste qui a adapté et mis en scène d’une
façon exquise l’œuvre de Dumas et Maquet.
Mais Henri Fescourt n’est pas facile à voir ni à
joindre.
Vous croyez le trouver dans sa propriété près
de La Varenne, en ce moment toute fleurie de
roses, et le hasard vous le fait rencontrer quelques jours après à Chantilly. Du reste, très affable et fort gai, il n’est pas l’homme distant que
certains se plaisent à le représenter ; en
aucune façon, il ne cherche à échapper à
notre interview.
Ceci soit dit sans offenser sa modestie : il n’affecte nullement de repousser les compliments
que nous lui adressons ; car, il est de toute justice de le féliciter pour la virtuosité avec laquelle
il a transformé une œuvre qui, en d’autres mains
que les siennes, eût pu ne constituer que l’adaptation d’un mélodrame démodé. Son art en a fait
une sorte de roman d’aventures extrêmement brillant, d’une émotion à certains moments réellement profonde et d’une fantaisie pleine de légèreté et de grâce françaises.
– C’est, nous répond en souriant Henri
Fescourt, qu’il a dans le talent de Dumas une
variété infinie d’éléments très précieux.
Pour ne pas nous trouver en infériorité d’esprit
vis à vis de lui, nous répliquons du tac au tac :
– De toutes façons, applaudissons que vous
ayez choisi les meilleurs d’entre eux. Nous ne
N
vous cachons pas, en tout cas, que les lettrés ont
apprécié la compréhension, dont vous avez fait
preuve dans l’évocation de cette époque 18301840.
Depuis les belles scènes provinciales chez l’armateur Morrel, en passant par celle de la
Carconte, la plus profonde du film, jusqu’à l’étincelante représentation de l’Opéra et la soirée
chez le comte de Monte-Cristo
Henri Fescourt nous interrompt ici.
– Vous êtes, nous dit il, un intervieweur délicieux. Il est toutefois équitable de dire que, si le
film a paru présenter quelque agrément, c’est
que j’ai eu derrière moi un homme, à qui je me
plais à rendre hommage Louis Nalpas.
En effet, le fait d’avoir entrepris un sujet tel que
Monte-Cristo témoigne d’une belle audace de la
part d’un producteur. Car enfin qu’est ce que
Monte-Cristo ? sinon l’histoire d’un homme qui,
ayant découvert un trésor fabuleux, émerveille
Paris et tout l’Orient par son faste et sa splendeur.
Ce faste et cette splendeur sont le thème visuel
même de toute une partie du film.
Pour que cet éblouissement, continue le brillant réalisateur, franchisse l’écran, si j’ose ainsi
dire, et soit sensible au spectateur, il fallait obligatoirement que le producteur s’astreignit à un
sérieux effort financier. Vous pouvez dire que
Louis Nalpas a su ce qu’il voulait et qu’il ne s’est
pas arrêté en chemin. Je suis content de le
déclarer ici.
MONTE-CRISTO
...
La Griffe Cinématographique. 15 juin 1929. A propos de Monte-Cristo
U n e n tr e ti e n a ve c
...
Henri Fescourt
Laissez moi également mentionner les admirables interprètes, dont j’ai été entourés, et tous
mes opérateurs.
Mais surtout, je m’en voudrais de ne pas citer
d’une manière toute spéciale trois de mes collaborateurs principaux.
En premier lieu, M. [Franck] Daniau-Johnston,
administrateur général du film et directeur technique. Je ne dirai de lui qu’un mot : je souhaite à
tous les metteurs en scène, mes amis, de l’avoir
à leurs côtés.
En deuxième lieu, Boris Bilinsky un artiste splendide, qui a marqué dans les costumes et les
maquettes de ses décors, si fidèlement établis par
Bertin Moreau, les moindres de mes intentions.
Et enfin Henri Debain, qui, indépendamment
de son grand talent d’interprète, n’a cessé de
faire preuve dans l’exécution du film d’un
dévouement absolu,
– Combien de temps a duré la réalisation de
Monte-Cristo ?
– Nous avons commencé les prises de vues
aux environs du 15 septembre ; elles ont été terminées vers le 20 mars suivant, j’ai entrepris les
travaux d’adaptation et de découpage en fin
juin dernier. Il a fallu se presser ; ceux ci furent
terminés au commencement du mois d’août.
– Vous aviez dit, vers cette époque que
Monte-Cristo serait un film d’une seule séance ?
– En effet, d’après le plan primitif. Mais au
moment où je remis le découpage à Louis
Nalpas, celui-ci me demanda, pour des raisons
commerciales, de développer le scénario de
telle façon que la projection durât deux soirées.
Le film devait avoir tout d’abord 3 000 mètres il
en a actuellement un peu plus de 5 000. Je crois
du reste que pour un pareil sujet cette longueur
est préférable.
La réalisation du film qui avait été prévue pour
cinq mois à cause de grandes difficultés techniques et matérielles à surmonter, fut prolongée
d’un mois environ.
Sur ces paroles l’éminent réalisateur des
Grands et des Misérables, qui vient d’ajouter à
la couronne du film français le nouveau fleuron
de Monte-Cristo, nous quitte très aimablement,
non sans nous avoir fait part de certains travaux
intéressants auxquels il se livre concernant le film
sonore.
Louis Saurel
MONTE-CRISTO
HENRI FESCOURT
Auteur : scénariste et/ou réalisateur
p h ie
E s s a i d e fi lm o g ra
1
1942 ■ Retour de flamme
2
Adapt.° et Dial. : Jean d'Ansenne/Jean-Louis Bouquet, d’après le roman de J.-Hervé Lauwyck –
Musique : Louis Beydts – Prod.° : Général Films/Abel-Films (Bruxelles)
1942 ■ Face au destin [448 – 84 min.]
Adap.° : Alfred Machard, d’après le roman de Charles Robert-Dumas – Scén. et Dial. :
Jean des Vallières. Ass-réal. : Joe Hamman – Musique : Jean Lenoir et Mahieddine
Prod.° : Diffusions Intellectuelles. Avec, entre autres, François Rozet (Le Lieutenant).
1939 ■ Vous seule que j'aime [1296 – 95 min.] … alias C’est vous seule que j’aime
Scén. et Dial. : Alfred Machard, Max Eddy – Ass-réal. : Joe Hamman – Musique : Vincent
Scotto. – Prod.° : Films Félix Meric. – Avec, entre autres, Joë Hamman [fig.°]…
1938 ■ Bar du Sud
3
[118 – 91 min.] ... alias Southern Bar (English title)
Adapt.° : Jacques Chabannes, d’après André Beucler – Dial. : Jean Mamy
Musique : [Henri Verdun,] Jacques Dallin et Jane Bos – Prod.° : Films Claude de Bayser.
Avec , entre autres, Joë Hamman (Denis)…
1937 ■ L’Occident [875 – 100 min.] Remake de sa version muette de 1928
... alias The West (English title)
Adapt.° et Dial. : Jacques Chabannes, d’après la pièce Henry Kistemaekers
Ass-réal. : Joe Hamman – Musique : Jane Bos. – Prod.° : Productions Claude Dolbert.
Avec, entre autres, Joë Hamman…
1933 ■ Casanova
4
[197] de René Barberis … alias Les Amours de Casanova
Scén. et Dial. : Henri Fescourt – Décors : Boris Bilinsky.
Prod.° : M.J. Films (Jean de Merly)
Compilation réalisée grâce à :
1.
• Henri Fescourt (1880-1966), Claude Beylie et Francis Lacassin/Anthologie du Cinéma –
Tome III [n° 26] © L’Avant-Scène – C.I.B., 1968
• Catalogue des Films Français de Fiction de 1908 – 1918, Raymond Chirat,
avec la coll° de Éric Le Roy © Cinémathèque Française, 1995
• Catalogue des films français de long métrage – films de fiction 1919-1929,
Raymond Chirat, avec la coll° de Roger Icart © Cinémathèque de Toulouse, 1984
• Catalogue des films français de long métrage – films sonores de fiction 1929-1939
[2e édition] © Cinémathèque Royale de Belgique, 1981
MONTE-CRISTO
1931 ■ Service de nuit
[1117 – 75 min. – ?/4/32]6
Version française du film suédois de Gustav Edgren, Trötte Teodor,
d’après la pièce de Neal et Ferner, Théodore est fatigué.
… alias Théodore est fatigué
… alias Les Nuits de Papa
Adapt.°: Pierre Mandru – Dial. : Louis Yvré – Ass.-réal. : Jean Lorette et Maurice Thaon.
Images : J. Julius [Julius Jaenzon] – Montage : Maurice Thaon – Tournage à Stockholm.7
Prod.° : Les Etablissements Jacques Haïk (Paris)/Film AB Minerva (Stockholm).
5
1931 ■ Serments
8
[11159 – 102 min. – ?/10/31]10
Version française du film suédois de Gustav Molander, En Natt11
… alias Le Rebelle
Scén. : Ragnar Hylten-Cavallius – Adapt.° et Dial. : Pierre Maudru – Images : J. Julius
[Julius Jaenzon]12 – Musique : Tchaïkowski – Montage : Maurice Thaon –Tournage à Stockholm. –
Dir.° Prod.° : Anderson13 – Prod.° : Etablissements Jacques Haïk (Paris)/Film AB Minerva
(Stockholm).
1930 ■ La Maison de la Flèche
14
[706 – 82 min. – ?/12/30]15
Un film parlant français.
…alias The House of the Arrow (Engl. version de Leslie S. Hiscott)
Scén. : Pierre Maudru, d’après le roman d’Alfred Edward Woodley Mason.
Montage : Maurice Thaon. – Tournage : Studio Twickenham (Londres) et ext. à Dijon.
Prod.° : Les Établissements Jacques Haïk (Paris)/Twickenham Film Studios (Londres).
1929 ■ Monte-Cristo
16
[620 – 5 740 m. – 25/10/29 et 1/11/29]
Film en 2 époques – cf. infra.
1928 ■ L'Occident [668 – 2 000 m. – 26/9/28]
... alias The West (English title)
… alias Idän kirot (Titre finlandais)
17
Adapt.° : Henry Kistemaekers, d’après sa pièce. – Ass-réal. : Armand Salacrou.
Montage : Jean-Louis Bouquet – Tournage [mars-juin 1928], ext. au Maroc :
Bou-Sbire, Mogador, Marrakech.18 Prod.° : Les Films de France/Sté des Cinéromans.
1927 ■ La Maison du Maltais
19
[542 – 1 635 m. – 11/1/29]
d’après le roman de Jean Vignaud
... alias Sirocco
Montage : Jean-Louis Bouquet. – Tournage, ext. en Tunisie : Sfax et Gabès.20
Prod.° : Les Films de France/Sté des Cinéromans. – Avec Tina Meller (Safia)...
MONTE-CRISTO
1926 ■ La Glu
[417 – 27/05/27]
d’après le roman de Jean Richepin
… alias Larmes d’enfant
… alias Colette
Ass-réal. : Louis Saurel22 – Montage : Jean-Louis Bouquet.
Prod.° : Les Films de France/ Sté des Cinéromans.
Avec, entre autres, François Rozet (le gars Marie-Pierre)
21
1926 ■ Les Larmes de Colette [516 –
25/3/27]
de René Barberis – Scén. : Henri Fescourt23
Prod.° : Les Films de France/Sté des Cinéromans
1925 ■ Les Misérables
[603 – 12 000 m. – 32 bob. – 25/12/25]25
Film en 4 époques : Prologue et Fantine/Cosette/Marius/L'épopée rue Saint-Denis.
… alias Die Elenden (Titre allemand)
Adapt.° : Henri Fescourt [et Arthur Bernède], d’après le roman de Victor Hugo
Ass-réal. : René Barberis, Henri Debain, René Arcy-Hennery
Montage : [Henri Fescourt et] Jean-Louis Bouquet – Tournage ext. : Digne, Toulon, Grasse, Nice
et Montreuil sur Mer – Dir. Prod.° : Louis Nalpas – Prod.° : Films de France/Sté des
Cinéromans.26 – Avec, entre autres, Jean Toulout (Javert), François Rozet (Marius Pontmercy),
Émilien Richaud/Emilien Richard (Bamatabois)…
24
1925 ■ Un fils d'Amérique
[374 – 1 750 m. – 6/3/25]
d’après la pièce de Pierre Veber et Marcel Gerbidon
... alias A Son from America (English title)
Ass.-réal. : Henri Debain – Prod.° : Films de France
Avec, entre autres, Henri Debain (Robert Pascaud), Albert Bras (Pascaud Père)…
27
1924 ■ Les Grands
[43329 – 1 900 m. – 19/12/24]30
d’après la pièce de Pierre Veber, Serge Basset
Ass-réal. et Montage : Henri Debain – Prod.° : Films de France
Avec, entre autres, Henri Debain (M. Bon, l’économe) et Jacques Prévert (le futur
polytechnicien)…
28
1923 ■ Mandrin
31
[553 – 7 000 m. – 15/2/24]32
Comédie historique en 8 chapitres : Le révolté/L'exempt Pistolet/L'étrange escamoteur/
L'éloge de Mandrin/Le château de Mr Voltaire/La grâce du Roy/La trahison/Justice)
Scén. : Arthur Bernède – Assis-réal. : René Barberis – Montage : Jean-Louis Bouquet
Dir. Prod.° : Louis Nalpas – Prod.° : Sté des Cinéromans (Jean Sapene)
MONTE-CRISTO
1922 ■ Rouletabille chez les bohémiens
[821 – 8 430 m. – 13/10/22]
Ciné-roman en 10 épisodes : Le Livre des Anciens/L'Arrestation/L'Instruction/
La Poursuite/La Page déchirée/L'Enlèvement/A Server Turn/La Pieuvre/Révélation /
Le Retour, d’après Gaston Leroux – Tournage, ext. aux Saintes-Maries de la Mer, Arles, Eze,
Tourettes sur Loup, Saint-Paul de Vence et environs de Nice
Décors : Charles Sanlaville. – Prod.° : Sté des Cinéromans.34
Avec, entre autres, Joë Hamman35 (Hubert de Lauriac)…
33
1921 ■ La Bambola del miliardario. Film italien. [1 247 m.]
… alias Poupée du milliardaire (Titre français)
36
37
Scén. : Jean Bouchor. – Tournage à Turin (Italie) – Prod.° : Audax Film.
1921 ■ La Nuit du 13
[66539 – 1 740 m. – 17/6/21]40
Drame en 5 parties. Prod.° : Compagnie Générale Cinématographique
(Jean Benoît-Levy41). – Avec, entre autres, Jean Toulout (Dr. Arnolf)…
38
1921 ■ Mathias Sandorf
42
[57843 – 2 400 m. – 15/7/2144
(Version / Cirque d’hiver45 : 1h30)]
Film en 9 épisodes, d’après Jules Verne – Assis-réal. : Jean-Louis Bouquet
Tournage ext. : Provence (Entrevaux et Saint-Paul de Vence) – Décors : Gaston Lavrillier46
Montage : Mario Nalpas – Prod.° : Films Louis Nalpas (Nice)
Avec, entre autres, Jean Toulout (Silas Toronthal), Gaston Modot (Carpéna),
Armand Tallier (Pierre Bathory)…
1919 ■ Un toast à la lune
[Inachevé]
Prod.° : Film d’Art (Direction Artistique : Jacques Baroncelli)
47
1916 ■ [L'instinct est maître]
1915 ■ Quand même [5717 – 855 m.]
Grand drame patriotique.
Réal. : Henri Pouctal – Scén.° : Henri Fescourt
Prod.° : Renée Carl
1915 ■ La Menace [4382 (Terminé par Henri Pouctal) – 1 600 m.]
Film d’espionnage.
Prod.° : Film d’Art (Direction : Louis Nalpas)
Prod.° : Étab.ts Gaumont (mars 1912 – août 1914)48
Édition : CCL (Comptoir Ciné Location)
1914 ■ Fille de Prince [2695 – 1 080 m.]
Un prologue et 2 parties : À Menton, les deux victimes/La bonne Madame
Scèn. d’après le roman de Pierre Sales
MONTE-CRISTO
1914 ■ Les Sept Suffragettes de Saint-Lolo [6318 – 179 m.]
1914 ■ Fleur d’Éxil [2806]
1914 ■ Deux Femmes... un Amour [1885 – 465 m. – 24/07/14]
1914 ■ Le Scrupule [6260 – 350 m. – ?/5-27/7/14]
… alias Le Scrupule de Monsieur Dumontel
1914 ■ Le vrai Bonheur [7555]
1914 ■ Peine d'Amour [5140 – 702 m. – 15-16-17/06/14]
Drame en 2 parties – Scén. d’après le roman de Pierre Sales
1914 ■ Petit Cœur d'Enfant [5186 – 312 m. – ?/6/14]
1914 ■ Maman [4143 – 300 m. – ?/5/14]
1914 ■ Les trois Ombres [6861 – 820 m. – 20/2/14]
1914 ■ L'affaire du Collier noir [65 – 682 m. – ?/5/14]
1913 ■ La Mariquita [4251 – 1 978 m. – ?/1/14]
Drame en 5 parties : L’Orpheline/Les Années passèren/Au Cap, à l’assaut de l’or/ Revanche –
Scén. d’après le roman de Pierre Sales
Avec, entre autres, Gaston Modot (Mineur au Cap)…
1913 ■ La Marquise de Trévenec [4259 – 1 565 m.]
Cinq tableaux : Un Drame/Les Conséquences d’un drame/Au Maroc, l’embuscade/
Le Destin/Les Remords/Épilogue. – Scén. d’après Pierre Sales
1913 ■ Le Percepteur hypnotisé
49
[5156] Comédie.
1913 ■ L’Agence Pigeaunneau [84 – 136 m. – 30/09/13]
1913 ■ Cubiste par Amour [1639 – 171 m. – ?/7/13] Comédie.
1913 ■ Le Fiancé impossible [2630 – 245 m. – ?/7/13]
1913 ■ Le Mardi gras [4184 – 210 m.]
1913 ■ Les joyeuses Noces de Saint-Lolo [3646 – 181 m. – ?/6/13] Comédie.
1913 ■ Quatre me suffiront [5724 – 158 m. – ?/5/13]
MONTE-CRISTO
1913 ■ Le mauvais Locataire [4325 – 158 m. – ?/5/13]
1913 ■ La Perle égarée [5170 – 313 m. – 18/04/13]
… alias La Perle bleue
1913 ■ Pourquoi ? [5576]
1913 ■ Jeux d'Enfants [3573 – 292 m.]
1913 ■ Le Départ dans la Nuit [1775 – 682 m.]
Drame policier : Le piège/Les preuves/L'aveu.
1913 ■ Les deux Médaillons [1914 – 299 m. – 27/05/13]
Avec, entre autres, Émilien Richaud (Brichaud)…
1914 ■ La Voix qui accuse [3742/7513 – 644 m.]
Drame en 2 parties : Gaston Béraut/L'Aiguille émeraude.
Avec Émilien Richaud…
1913 ■ Un Obus sur Paris
Drame d’anticipation en 2 parties.50
… alias La Mort sur Paris
1913 ■ Le Crime enseveli [1621 – 563 m. – ?/3/13] – Décors : Garnier.
51
1912 ■ Le petit Restaurant de l'Impasse Canin [5208 – 167 m. – ?/2/13] Comédie.
1913 ■ Enfin seul ! [2279 – 202,5 m. – ?/01/13]
1912 ■ Paris - Saint-Pétersbourg, Minuit 35
52
[5057 – 297 m. – ?/?/13]
1912 ■ Le Chèque [1197 – 324 m. – 31/01/13]
1912 ■ La Loi de la Guerre [3935 – 276 m. – 17/01/13]
1912 ■ L'Ennemie [2301 – 259 m. – 10/01/13]
1912 ■ La Lumière qui tue [3976
53
– 407 m. – ?/1/13] Drame.
1912 ■ Le Regard [5828 – 206 m – ?/12/12]
1912 ■ Son Passé [6439 – 662 m. – 27/12/12]
Comédie dramatique en 2 parties et un prologue.
Scén. : Henri de Brisay. – Avec Armand Tallier (Jean d’Armoy)…
MONTE-CRISTO
1912 ■ La Peur des Bandits [5299 – 192 m. – 27/12/12]
1912 ■ L’Amazone [142 – 305 m. – 11/11/12] Drame.
…alias L’Amazone masquée
54
1912 ■ Le Mensonge [4398 – 312 m. – ?/11/12] Drame.
1912 ■ Les Rivales [6020 – 296 m. – ?/12/12] Drame.
1912 ■ L’Innocence est récompensée [3710 – 130 m. – ?/10/12]
1912 ■ Le Bonheur perdu
55
[775 – 312 m. – (2)1/10/12] Drame.
1912 ■ Un Vol a été commis [7144 – 224 m.] Drame.
1912 ■ La Bienfaitrice [688 – 279 m. – ?/09/12] Comédie.
1912 ■ Suzanne et les Vieillards [6599 – 304 m. – ?/9/12]
1912 ■ Le Ténor [6670 – 211 m. – ?/8/12] Comédie.
1912 ■ Un grand Seigneur
56
[7074 – 319 m. – ?/8/12] Comédie.
1912 ■ Fantaisie de Milliardaire
57
[2494 – 320 m. – ?/7/12] Comédie sentimentale.
1912 ■ Le Naufragé [4729 – 311 m. – 12/07/12]
1912 ■ L'Homme giflé
58
[3260 – 242 m. – 17/06/12] Comique.
1912 ■ Une Perle délicieuse [261 m.] Comédie en couleurs.
1912 ■ Les Risques du Flirt [6008 – 194 m. – ?/6/12] Comédie.
1912 ■ Un Mari à l'Essai [4189 – 207 m. – ?/6/12] Comédie.
1912 ■ La Méthode du Professeur Neura
59
[4451 – 211 m. – 24/05/12] Comique.
1912 ■ Bébé colle des Timbres [7730 (Série Bébé) – 137 m. – 17/5/12]
MONTE-CRISTO
o g ra p h ie
N o te s / E s s a i d e fi lm
1
Ces notes sont (sauf autre indication) d’Henri Fescourt in La foi & Les montagnes ou le 7e Art au Passé
© Publications Photo-Cinéma Paul Montel, Paris, 1959
“Qu’on me laisse ici me glorifier…” [p. 348]
1.
2.De même, je serai discret sur les cinq ou six
derniers films de ma carrière. Je n’en garde loin
de là aucune mauvaise conscience [p. 422]
3.Bar du Sud, auquel André Beucler collabora, recueillit une critique de bon aloi et fut, au
dire du distributeur, M. Lhez, un de ceux qui lui
rapportèrent le plus d’argent. [p. 422]
4.Casanova, projet d’un producteur indépendant, Jean de Merly. Mais des troubles de santé,
séquelles de la guerre, se reproduisirent chez
moi. Je tombai malade et dus me tenir éloigné
des studios pendant quatre années au mois. [p.
396]
5.Une bande de remplissage : la version française d’un vaudeville scandinave ? Service de
Nuit, farce innocente qui contenait des inventions réellement lourdes. [p. 392]
6.“Bien qu’une partie importante de ce film
ait été tournée par Fescourt en Suède avant
Serments, quelques raccords et le montage
définitif ne furent achevés qu’à l’hivers
1931, aux studios de Courbevoie. Nous le
citons donc après Serments.” Claude Beylie
et Francis Lacassin, Henri Fescourt ©
Anthologie du Cinéma, Op. cit.
7.J’étais venu à Stockholm pour réaliser une
œuvre dramatique, Serments, à laquelle,
chez Haïk, on attachait de l’importance. Je ne
me rappelle plus quel incident obligea à en
remettre l’exécution à deux mois et demi plus
tard.[p. 392]
8.Serments ne manquait pas de mérites, ne
serait-ce que celui d’un effort vers une alliance
harmonieuse du son et de l’image… [p. 395]
9.Épisode révolutionnaire fictif, d’un conflit
armé entre la Finlande et la Russie soviétique,
entre blancs et rouges…
10.Copie/AFF-CNC - Liste des films nitrates de
la collection de la Cinémathèque suisse sauvés
par d’autres cinémathèques.
>www.cinematheque.ch/F/filmsnitratessauves.htm
11.Le film suédois mesura 2.800 mètres, le film
français 2.200. Ils coïncidèrent parfois et divergèrent le plus souvent. [p. 393]
12.« M. Julius ». L’opérateur qui avait tourné la
Charrette Fantôme de Sjöström. [p. 391]
13.De tout nôtre cœur, nous chantions les
louanges de notre Svenska merveilleuse et de
M. Anderson, son directeur général. Voilà des
producteurs comme nous les comprenions !
[p. 395]
14.Ma Maison de la Flèche, policier cent
pour cent et cent pour cent parlant, il fut ques-
tion que je tournerai dans les studios de
Boulogne-Billancourt. Mais, comme on ne s’entendit pas sur les dates où je pourrais en disposer, on m’envoya en Angleterre. [p. 384]
15.Copie/AFF-CNC - Liste des films nitrates de
la collection de la Cinémathèque suisse sauvés
par d’autres cinémathèques.
>www.cinematheque.ch/F/filmsnitratessauves.htm
16.La deuxième version française de MonteCristo que j’eus la chance d’enlever sans maladresse, pour le compte de Louis Nalpas. Qu’on
me laisse ici me glorifier : on voyait dans ce
Monte-Cristo un bateau de 1815, entrer, voiles déployées, dans le vieux port de Marseille en
pleine activité de 1929 sans qu’il fut possible au
public de percevoir le moindre mouvement
moderne sur les quais ou en rade, le moindre
vapeur, le moindre canot à moteur, le moindre
tramway, la moindre auto, le moindre globe
électrique. La prise de vues ne fut pas facile.
Cette production réunissait une constellation de
vedettes européennes autour de Jean Angelo
(Edmond Dantès), Lil Dagover, Bernard
Goetske, Jean Toulout, Pierre Batcheff, Mary
Glory, Michèle Verly, Gaston Modot, Henri
Debain, etc… Jean Angelo, homme splendide
cachait sous une apparence glacée, une âme
chaude et exquise. Monte-Cristo fut son dernier film. Il mourut une année plus tard dans ce
qu’on ignore, un état de pensée presque mystique. Monte-Cristo fut aussi la dernière des
superproductions muettes dans le monde. [p.
348]
17.L’Occident, d’après la pièce d’Henry
Kistemaekers, film fastueux, mon ultime production aux Cinéromans. Ma conception du jeu
d’écran ne coïncida pas avec celle de la vedette,
Claudia Victrix, épouse influente de Jean
Sapène. La version parlante que je tirai, plus
tard, du même sujet valait mieux que la version
muette. De celle celle-ci je garde le souvenir que
j’eus pour assistant l’attachant et un peu frénétique Armand Salacrou qui, à ses moments perdus, songeait à devenir metteur en scène de
films. [p. 347]
18.J’ai encore à l’esprit nos promenades marocaines de Bou-Sbire, de Mogador, et, à
Marrakech, nos propos nocturnes dans les jardins de la Mamounia… [p. 347]
19.L’intérêt de la Maison du Maltais consisterait en ce qu’afin de représenter sans retouche
la réalité des rues d’une petite ville tunisienne, je
fis jouer mes acteurs, du moins pour la partie
qui se déroule à Sfax, en pleine vie familière. [p.
347]
20.Je m’en allais en Tunisie et réalisai la
Maison du Maltais de Jean Vignaud, à Sfax,
ville des olives et du jasmin, (« Yasmina !
Yasmina ! » crient, un œillet à l’oreille, les
marchands de bouquets) et à Gabès aux remparts roses et dont les hauts dattiers se mirent
dans un oued… [p. 347]
21.Je partis en Bretagne, tourner La Glu de
Jean Richepin. Là, je donnai cours à mon
amour des sites sauvages. Peut-être suis-je
parvenu à exprimer ce noble pays selon une
intéressante vision encore qu’un caprice du
temps m’empêcha d’enregistrer aucun effet de
brume. Le soleil n’arrêta pas de briller.
Cherchait-il à honorer en moi le Méridional ?
[p. 346]
22.Louis Saurel, qui, déserteur du cinéma,
devait, quelques années plus tard, se faire un
nom estimé dans travaux historiques. [p. 346]
23.Claude Beylie et Francis Lacassin / Henri
Fescourt © Anthologie du Cinéma, op. cit.
24.Les Misérables de Victor Hugo dont le
succès, qui fut mondial, dépassa, pour donner
au cliché sa valeur expressive exacte, toutes
les prévisions. [p. 343]
25.Restauration 1985 / CF [Tome II, p. 84], à
partir d’une copie flam d’origine.
26.Dans le cadre des Cinéromans, les Films
de France constituaient une branche où ne
seraient réalisés que des films exigeant un
effort artistique et financier spécial. [p. 344]
27.Une comédie, le Fils d’Amérique, mal
reçue par la presse, peut-être avec raison. Je
me relevai de cette déconsidération par un
coup heureux : les Misérables... [p. 344]
28.On accueillit bien mon travail. Les Grands
furent même celui de tous mes films qui réunit
une quasi unanimité d’éloges. [p. 343]
29.Dans un collège, un bon élève amoureux
de la femme du directeur est en butte à la
jalousie d’un cancre…
30.Sauv. en 1994… Persistance des images
© Cinémathèque Française, 1996 [p. 243]
31.Mandrin, on en devait le scénario à
Arthur Bernède. J’avais jusqu’alors supposé
que les invraisemblances et les exagérations,
nombreuses dans les histoires de cet auteur,
étaient le fait d’une imagination de romancier
populaire. Je constatai qu’il ne négligeait en
rien le souci de se documenter. [p. 343]
32.Restauration 1986 / CF [Tome I, p. 71], à
partir du négatif flam d’origine.
MONTE-CRISTO
33.Rouletabille de Gaston Leroux relatait une
légende mouvementée qu’il avait recueillie chez
les gitans espagnols, une drôle de chanson de
geste, extravagante et vagabonde. [p. 342]
34.Je fus engagé aux Cinéromans et j’y restais
de 1922 à 1929. Durant ces huit ans, j’y réussis un paradoxe : je ne réalisai que deux filmsfeuilletons dans cette maison spécialiste justement des films-feuilletons. [p. 342]
35.Parfois, je voyais apparaître sur le plateau
une espèce de long oiseau migrateur au corps
mince. Il tournait avec discrétion un film téméraire où des lions en fureur se ruaient sur lui, en
tournait un autre, moins périlleux où, tombant
d’un cheval au triple galop, il roulait sur un sol
plein de pierres, évitant à un quart de seconde
près une auto lancée en bolide. Puis, on le perdait de vue. Un matin, il réapparaissait, et ainsi
de suite. C’était Joë Hamman, cavalier de haut
style, une des figures frappantes des années
1907 à 1914. [p. 109]
Un jour, en 1922, en tournant Rouletabille
que je mettais en scène, le cheval que montait
Hamman se cassa une jambe. Un vétérinaire,
aussitôt mandé, déclara cette blessure sans
remède : il valait mieux abattre la bête. On
eût cru que le cheval sentait la compassion de
son cavalier. En mourant, il poussa une
plainte, et son regard angoissé ne se détachait pas de celui d’Hamman. Celui-ci fut
malade en rentrant le soir. [p. 112]
36.Film que je réalisai à Turin pour un producteur italien et qu’à ma stupéfaction, je vis
classer dans une Histoire du Cinéma parmi les
riches et vaines superproductions (son coût
avait été de 185.000 lires soit au change de
1921, 95.000 frs, - la raison de cette méprise
en doit être que la distribution confrontait plusieurs interprètes de nationalités différentes).
[p. 342]
37.www.anica.it/archivio.htm
38.La Nuit du 13 aurait dû se classer parmi
les films recommandables. Il ne fut que ce
qu’on appelle un bon film. La faute en revient
à moi seul. Elle vaut que je la rapporte en ce
qu’elle définit à merveille l’ «esprit cinéma ».
Il régnait déjà. Il vous submerge et vous finissez par y participer. … [p. 202]
39.Un homme, détenteur d’un pouvoir interne
occulte, pour se venger de deux amants
assassins, envahit leurs âmes. Il ébranle leurs
nerfs, organisant chez eux des angoisses
confuses, le désarroi de la volonté, des pressentiments sombres, porte ainsi à son comble
leur épouvante en même temps qu’il provoque
chez eux une haine réciproque et obsédante,
etc… [p. 202]
40.Restauration 1986 / CF [Tome I, p. 81], à
partir du négatif flam d’origine.
41.Pour cette Nuit du 13, - titre si souvent
copié depuis, recopié et imité – un sort favorable me donna comme animateur de la production un homme instruit du cinéma, de
conseil sûr, loyal, Jean Benoît-Lévy, neveu
d’Edmond Benoît-Lévy et futur réalisateur de
la Maternelle. [p. 202]
42.Le récit visait moins au lyrisme qu’au simple exposé d’aventures. Le sujet, transposition
par Jules Verne de Monte-Cristo, était destiné
à être tourné en sept épisodes. [p. 194]
43.Romuald Joubé interprète le rôle titre.
L'histoire se passe en Europe centrale. Sandorf
est un opposant au régime. Un jour, pourchassé
par la police, il se jette à l'eau. On retrouve ses
vêtements et l'on en déduit qu'il est mort. Des
années plus tard, un homme richissime et
étrange, Antékirtt, fait escale sur son yacht...
44.Cinquante-quatre cinémas voulurent présenter Mathias Sandorf en première semaine. Le
film fut acquis par l’Amérique, phénomène
exceptionnel, à cette époque, en France. [p.
198]
45.Enfin la bande, divisée en épisodes, fut
remontée pour être projetée en une seule et longue séance, en exclusivité, au Cirque d’Hiver. Le
spectacle teint l’affiche sept mois. [p. 198]
46.En France, grâce à l’imagination et
l’adresse, on savait donner une apparence de
grand film à des œuvres réalisées chichement.
En l’espèce, le mérite de la réussite de Mathias
Sandorf revint pour la plus large part à la virtuosité de Gaston Lavrillier. Peut-être, cet homme
de valeur n’a-t-il pas été, lui aussi, suffisamment
apprécié chez nous. [p. 196]
47.[Ce sujet] devait fournir plus tard, le thème
des Cinq Gentlemen Maudits que tourna
d’abord Luitz-Morat et dont Julien Duvivier fit un
film parlant. Je l’adaptai, le transposai dans le
monde des médiums… [p. 176]
48.Je suis resté trente mois à l’usine, de mars
1912 à août 1914. J’y ai vu se succéder à peu
près vingt metteurs en scène à l’essai ; six se
sont maintenus. Le petit personnel appelait les
nouveaux venus : les condamnés à mort. [p. 76]
49.Ne la cherchez pas dans les cinémathèques ! On la jugea indigne, on la détruisit, on
l‘effaça du souvenir des hommes. [p. 69]
50.Œuvres méconnues et inconnues du cinéma
français, CINEMA, n° 18, mai 1957 [p. 85]
51.Dans ce film (qui servit aux débuts cinématographiques du tragédien Yonnel), on voyait
sauter la tour de Montlhéry. [p. 241]
52.Une jeune et jolie femme abandonne son
mari. A en croire le cinéma, le théâtre et la littérature de ce temps-là, les foyers conjugaux
reposaient sur les bases les plus chancelantes.
Mais, dans mon film, la faute était aggravée ;
l’épouse avait abandonné son enfant. [p. 67]
53.Je résolus, avec La Lumière qui tue, d’évoquer l’épopée de ces chercheurs que guette le
sournois cancer des rayons, se transmettant
sans faiblir, sans grandiloquence, le flambeau
de la science et la consigne de l’abnégation. …
Le très jeune artiste qui tint le rôle du disciple fut
un des premiers acteurs tués en 1914 : Maurive
Vinot. [p. 68]
54.Un officier très épris d’une jeune étrangère.
C’est tout. Nul besoins d’autres explications.
[p. 67]
55.Une jolie femme a épousé un officier de
marine, homme de devoir, un peu embêtant.
Elle s‘est éprise d’un comédien à la mode.
Finalement, elle déserte le foyer conjugal pour
suivre l’homme de théâtre brillant. Le marin va
chercher un dérivatif à sa peine au Maroc que
la France était en train de conquérir. Le temps
passe… Lorsque le comité directeur prit
connaissance de ce film, il éprouva, me fit-il
savoir, une sensation d’originalité ». par malheur un accident survint au négatif et à la première copie : toutes les scènes du Maroc (tournées dans la forêt de Fontainebleau) furent
détruites... [p. 65]
56.Un sujet plus périlleux : Un grand seigneur. Un employé de grand magasin, un calicot, ayant gagné un million à la loterie, préfère
le dépenser en huit jours plutôt que le placer à
petits intérêts…
la bande vit le jour, auréolée de curiosité et, en
fin de compte, rivalisa presque de succès avec
Fantaisie de Milliardaire [p. 65]
57.J’obtins avec Fantaisie de Milliardaire, un
succès qui me valut une détente de visage de M.
Gaumont avec approbation de tête. Une jeune
fille milliardaire, courtisée par des prétendants
que, seule, sa fortune séduit, se fait engager en
secret comme dactylographe afin de découvrir
l’homme qui l’aimerait pour elle-même. [p. 64]
58.Après trois autres bandes banales, L’homme
giflé, le Mari à l’essai et Les risques du flirt… [p.
64]
59.Mon film, la Méthode du professeur Neura,
d’une longueur de 120 mètres, présenté aux
puissances de la maison, ne m’attira pas énormément de compliments, mais je ne fus pas
expulsé, ce qui me remplit d’aise car on m’allouait soixante-quinze francs par semaine.
[p. 64]
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
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MONTE-CRISTO
JEAN ANGELO
nous parle de "Monte Cristo "
– de l'ancien et du nouveau
l y a de curieuses coïncidences dans la destinée
des artistes. En 1914, Louis Nalpas, alors directeur artistique du Film d'Art confiait à Jean
Angelo le premier rôle d'un grand filin à épisodes
tiré du Comte de Monte Cristo, d'Alexandre
Dumas.
En 1928, Louis Nalpas, directeur des films Louis
Nalpas, confie au même Angelo le même rôle.
Admirons en passant la belle obstination de
Louis Nalpas, fidèle à ses amitiés et à ses admirations. Quant à Angelo, que nous retrouvons, après
quatorze années de labeur et de triomphe, en
pleine possession de son talent, quel pouvait bien
être son état d'esprit devant ce retour à ses lointains
débuts ?
Nous le trouvons assez ému à l'idée de reprendre ce merveilleux rôle où toute sa jeunesse romantique s'exalta.
– La proposition de Louis Nalpas, me dit-il,
réveilla en moi bien des souvenirs, mais en quatorze ans, le cinéma a subi une telle évolution que
j'ai du faire abstraction de toutes mes résolutions
passées. Je ne vous étonnerai pas en vous disant
que je ne conçois pas du tout le rôle aujourd'hui
comme autrefois.
D'abord le métrage lui même réduit aujourd'hui
aux dimensions d'un grand film d'exclusivité. soit
environ 4.000 mètres, oblige tout le monde, réalisateur et artistes, a un travail de synthèse auquel ne
nous astreignaient guère les nombreux et filandreux
épisodes des « serials » de jadis. Et puis nous, artistes, nous devons concevoir nos rôles plus en profondeur, plus en expression qu'autrefois où le jeu
I
cinégraphique se distinguait encore assez mal du
jeu théâtral.
– Pourriez vous me rappeler les circonstances
de ce premier Monte Cristo où Léon Mathot prit
votre succession et où il recueillit tant de succès ?
– C'est en juin 1914 que Louis Nalpas fit donner le premier tour de manivelle sous la direction
de Pouctal. Nous avions tourné quelques intérieurs
dans la prison du château d'If et obtenu de tourner
les extérieurs dans l’île de Monte Cristo, mais à la
condition que nous nous arrêterions de tourner
quand les touristes se présenteraient. Or il y avait
des arrivées de touristes à chaque instant, de sorte
MONTE-CRISTO
...
JEAN ANGELO
nous parle, de "Monte Cristo "
...
– de l'ancien et du nouveau
que nous tournions environ quinze minutes toutes
les heures. Naturellement, nos costumes étranges
intriguaient beaucoup les excursionnistes peu familiarisés à cette époque avec la prise de vues.
Cependant on savait que nous tournions Monte
Cristo et les réflexions allaient leur train.
« Tu vois, celui là, avec sa grande barbe blanche, c'est l’abbé Faria, disait une dame ».
– Et vous, Monsieur, me dit une autre dame,
est ce vrai que vous êtes... Louis XVI !
– Oh ! Louis XVI ! répliqua une grosse
matrone, il n'est jamais venu là. D'ailleurs, il ne
s’occupait que de serrures !
Nous nous amusions. Un de nos régisseurs,
nommé Lully, s'était habillé en prisonnier et nous
le faisions passer aux yeux des touristes naïfs
pour « le dernier prisonnier du château d'If ».
Juin et juillet passèrent. Le travail, malgré tout.
avançait. Mais la tragique affaire de Sérajevo
avait brouillé l'horizon. Je voyais autour de nous
Allemands et Autrichiens regagner en hâte leur
pays, rappelés par des ordres mystérieux. Je dis
à Pouctal :
– Il faut rentrer à Paris.
Nous réintégrâmes la capitale vers la fin de
juillet, ayant entièrement terminé le premier épisode de notre film.
Quelques jours après je partais rejoindre mon
corps. C'était la guerre et je ne pensais plus à
Monte Cristo que le Film d Art devait reprendre
quelque temps plus tard avec Mathot.
– Et aujourd'hui ?
– La période de préparation du film est terminée. Henri Fescourt qui dirige la mise en scène
vient de partir pour Marseille, nous précédant de
quelques jours. Bilinsky a composé les costumes
et Bertin les décors. Je passe les derniers jours qui
me restent avant de partir chez mon tailleur, mon
bottier, mon perruquier. La question costumes est
importante et je tiens à l'authenticité. Il y a deux
époques, la premiere 1815, la seconde 1838.
« Que vous dirai je encore ? Le film sera très
romantisé, comme il convient, avec une accentuation très orientale de la partie fantaisiste et
décorative ».
Sur ces mots, l'excellent artiste me quitta. Il
avait rendez vous chez son tailleur, chez son bottier, chez son perruquier, et aussi, hélas ! chez
son dentiste, car les immenses trésors de Monte
Cristo ne le mettent pas à l'abri des petits ennuis
humains.
Jean Angelo se doit de nous donner là sa meilleure composition.
Robert Trévise.
Cinéa-Ciné pour Tous, n° 117,
15 septembre 1928, p. 22
MONTE-CRISTO
1
GASTON MODOT
par Henri Fescourt
(1887-1970)
e ne me pardonnerais pas de me taire sur la
personnalité de Gaston Modot.Ce n’est pas
un metteur en scène officiel. Il aurait pu l’être
car il a su réaliser un film, le Supplice de
l’Espérance, d’après Villiers de l’Isle Adam, aux
promesses multiples. Pas davantage un auteur
catalogué de scénarios bien qu’il en ait conçu
plusieurs : le dernier en date, à ma connaissance, est Nous, les Gosses, en collaboration
avec Hilero, qu’exécuta brillamment Louis
Daquin, en 1941, pour ses débuts de réalisateur. Enfin, quoique, de 1911 à nos jours,
Modot ait tenu des rôles d’importance dans je
ne sais combien de films, quelque chose empêche de dire qu’il est un acteur. En lui existe
je ne sais quoi de très à part qui interdit de
l’appeler un professionnel. Professionnel le
classerait. Or, il est inclassable. Mais rien
ne serait plus faux que de voir en lui un
amateur. Comment le définir ? Il vit et fait
ce qui lui plait.
On connaît son masque dur, aux mâchoires fortes, au front bombé, éclairé par deux
petits yeux, sa silhouette sèche, à la tête
droite, aux bras courts, sa démarche vive.
Il est né parisien, en 1887, près du parc
Montsouris, mais de descendance bretonne et peut-être, plus loin, ibérique. Une
sévérité espagnole marque en effet sa physionomie. Il a fréquenté l’école primaire,
peu surveillé par son tuteur, ayant perdu,
tout jeune, son père et sa mère.
J
1.[NDLE] Gaston Victor MODOT est né à Paris,
le 31 décembre 1887 et décédé au Raincy (93), le 19 février 1970.
Le temps de cette époque dont il garde le meilleur souvenir est celui où son existence se passait
dans les rues. De rue en rue, de quartier en quartier, de camarade en camarade, il finit par atteindre Montmartre. Ce fut sur la Butte que, dès son
adolescence, il se fixa. Il avait trouvé des amis à
sa convenance, car, comme il le dit lui-même, il
voulait s’instruire par fréquentations. De seize à
vingt ans, on le vit, fidèle du Lapin agile, en la
compagnie de peintres, de sculpteurs, de littérateurs, d’acteurs et de musiciens parmi lesquels
Picasso, Braque, Modigliani surtout, Francis
Carco, Roland Dorgelès, André Salmon, Pierre
Mac Orlan, Charles Dullin, etc…
MONTE-CRISTO
...
...
GASTON MODOT
par Henri Fescourt
Il écrivait, peignait d’instinct, jouait de la guitare, dévorait des livres et ne manquait pas les
expositions d’avant-garde. Sacrifiant à l’oisiveté, il portait de temps en temps aux journaux
des dessins qu’on lui payait dix francs ou des
contes qu’on lui payait vingt-cinq. C’était un
bohème résolu, au milieu de gens de talent,
dans ses goûts. Cela dura jusqu’à vingt ans.
Sous les drapeaux, il songe à tirer au flanc
tout en donnant l’impression de l’activité. Il imagine d’organiser à la caserne des soirées récréatives : café-concert, music-hall, théâtre, etc... Il se
manifeste acteur, décorateur, metteur en scène.
Ces séances étaient suivies par la troupe, au
point que, pour assister aux représentations, les
soldats désertèrent les mauvais lieux. Sa période
militaire achevée, le démobilisé regagna la Butte
et reprit l’existence ancienne, soustraite aux
contraintes. Or le cinéma lui plaisait.
Il se trouva qu’un ancien camarade de régiment, Castanet, assidu des séances récréatives,
était opérateur chez Gaumont. Il invita Modot à
venir le voir, rue de la Villette. Celui-ci se rendit
au studio2 où il lui fut donné d’assister à une
séance exaltante : dans un décor solidement
cloué au parquet, une douzaine de garçons
bien bâtis, d’une agilité et d’une résistance
inouïes, bondissaient au milieu d’une tornade
d’objets lancés du plafond et dont certains, tels
qu’une armoire de chêne, une poutre, un fourneau de fonte, étaient très lourds. Il ne s’agissait
pas, pour les interprètes, de se dérober à ces
projectiles, mais au contraire de se placer sur
2.Par fraude car l’accès du plateau était interdit à tout visiteur étranger.
leur point de chute, de les recevoir de plein
fouet et de s’écrouler sous eux. L’entrain et le
plaisir visibles avec lesquels cet exercice était
exécuté devait dégager un fluide contagieux
puisque Gaston Modot ne se retint pas d’exprimer son admiration au metteur en scène, Jean
Durand, Celui-ci crut comprendre que son interlocuteur brûlait d’en faire autant : « Si le cœur
vous en dit... » proposa-t-il.
Le lendemain, le débutant se trouvait sur le
set, parmi les Pouittes.
Ceux-ci, qui se serraient les coudes, n’aimaient pas les nouvelles recrues : on ne sait
jamais ! Comme ils étaient remplis d’émulation,
ils se préparèrent, en se surpassant, à triompher
de l’intrus. Battaille, une des vedettes, le fameux
Zigoto, s’approcha de l’inconnu : « Tu es acrobate ? » lui demanda-t-il. – « Non ! » répondit
Modot. La surprise cloua Battaille sur place.
La scène à tourner était inquiétante. Les
Pouittes, poursuivis par un ennemi, devaient
s’enfuir par une fenêtre, selon le procédé du «
saut-du-lion », c’est-à-dire qu’il fallait sauter en
donnant au corps une position horizontale, à la
manière des quadrupèdes. Un matelas était
placé hors du décor à quelques distance pour
accueillir les acrobates au moment de leur
chute. Modot, toujours d’instinct, savait courir,
boxer, nager, sauter. Il s’élança et tomba sans
trop de mal sur le matelas. Battaille reconnut sa
souplesse. Il constata pourtant que le nouveau
venu avait « planté un chou », façon technique
d’exprimer qu’il avait touché le sol avec la tête.
MONTE-CRISTO
...
...
GASTON MODOT
par Henri Fescourt
A la scène suivante, on évita de compliquer
sa tâche. On se borna à le faire passer, un
cigare aux doigts et en chassant la fumée par le
nez, sous un piano droit qui dégringolait d’un
étage, Gaston Modot, dont l’épaule fut éraflée,
se félicita des bons moments qu’il passait et
manifesta toute la joie qu’il éprouvait à embrasser cette riante carrière.
Adopté par les Pouittes, il progressa dans l’art
des cascades. Dès lors, il n’y eut pas d’expédition de la troupe dont il ne fit partie. Jean
Durand ne tournait pas, je le rappelle, que des
farces acrobatiques. Il réalisait aussi des films
d’aventures. Là, le jeu cessait d’être burlesque et
il le fallait près de la vie. Par la compréhension
immédiate qu’il eut de l’interprétation cinématographique, Gaston Modot, direct, concentré,
plein d’autorité, fut vite considéré comme un des
bons acteurs de chez Léon Gaumont.
1914 éclata. Blessé à la bataille de la Marne,
il fut réformé. La troupe des Pouittes dispersée à
jamais. Il tourna avec Maurice Mariaud un film
d’après Georges Ohnet, Nemrod et Cie, peu
intéressant. Quelque temps après, il fit la connaissance de Louis Nalpas que l’on ne manque
jamais de rencontrer dès il s’agit d’une personnalité de valeur. Il parut à cette date au Film d’Art
dans Mater Dolorosa d’Abel Gance, dans le
Monte-Cristo de Pouctal. Lorsque Nalpas quitta
Paris et alla monter à Nice la Sultane de l’Amour,
un des premiers artistes qu’il appela fut Gaston
Modot. Il lui demanda d’incarner un guerrier barbare, comptant qu’il aurait grande allure à cheval, portant haut sa tête énergique. Cette création
classa le jeune artiste, immédiatement remarqué
par Louis Delluc qui voyait clair.
On put craindre que ce succès ne le vouât à
la couleur locale, au pittoresque et à la violence. Mais le metteur en scène, Charles
Burguet et Louis Nalpas le connaissaient bien.
Comme on allait réaliser des comédies à la villa
Liserb, et qu’on avait engagé pour les interpréter une jeune artiste en qui on plaçait de la
confiance, Gaby Morlay, on lui choisit Gaston
Modot pour partenaire. Les deux films qu’il
tourna avec elle et dont il avait imaginé les
sujets furent : Un ours et le Chevalier de Gaby.
Car, on le sait, il était scénariste. Il avait fourni
à Jean Durand un grand nombre de thèmes
comiques et dramatiques.
Je n’énumérerai pas toutes les bandes qu’il
interpréta par la suite. Leurs metteurs en scène
n’étaient pas les premiers venus. Il vaut la peine
de citer la Fête Espagnole de Louis Delluc,
Mathias Sandorf réalisé par Henri Fescourt, le
Miracle des Loups, réalisé par Raymond
Bernard, Carmen de Jacques Feyder, le
deuxième Monte-Cristo d’Henri Fescourt, le
Navire des Hommes Perdus réalisé en
Allemagne par Gaston Tourneur et où Marlène
Dietrich paraissait déjà, l’Opéra de Quat’sous
de Pabst où Florelle conquit la vedette, l’Age
d’Or de Luis Bunuel, la Bandera d’après Mac
Orlan et Pépé le Moko de Julien Duvivier, la
Grande Illusion, la Vie est à nous et la Règle du
Jeu de Jean Renoir, les Enfants du paradis, scénario de Prévert réalisé par Marcel Carné. Ce
fut dans Pépé le Moko, où on l’apercevait parmi
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GASTON MODOT
par Henri Fescourt
les suivants de Jean Gabin, silencieux joueur de
bilboquet silhouette qui frôlait l’insignifiance,
mais à laquelle son talent prêtait un relief redoutable – dans la Bandera et dans la Règle du Jeu
où il jouait le garde chasse, qu’il se fit le plus
remarquer.
Il donna sa mesure dans l’Age d’Or.
Luis Bunuel, après le Chien Andalou, donna
l’Age d’Or en 1930. Ce film eut une carrière
arrêtée car des manifestations accueillirent sa
sortie publique. Certaines convictions furent
froissées. La sexualité des images fut jugée malséante. La police interdit la projection. Bunuel
ne s’était pas posé toutes ces questions. Il s’agissait dans son esprit d’un franc défilé d’états de
conscience anciens, submergés dans les abîmes
du moi et réapparaissant à la surface. L’auteur
manifesta une telle exigence de l’authenticité
qu’il amena ses acteurs à Figueras, son pays
natal, en Espagne, où tout enfant, un certain
ordre d’émotions l’avait secoué. Le film consistait donc en une résurrection de moments affectifs dans un climat d’irrespect.
Gaston Modot y tint le principal rôle.
Concrétiser, en actes et en gestes dont la projection accuse puissamment le dessin, des imaginations surgies des ténèbres exigeait une justesse
de ton difficile. Bunuel avait trouvé en Modot
l’interprète rêvé. Tout ce qu’il fait est exact, la
nuance toujours rendue : sa façon de se retourner lorsqu’il aperçoit une affiche représentant
des jambes de femmes, d’écraser un scorpion
sur le sol d’un coup de talon rageur comme s’il
assouvissait une vieille vengeance... Et la célè-
bre scène des gifles : dans une réception, la
maîtresse de maison verse une liqueur. Par
mégarde, elle éclabousse de quelques gouttes
le smoking de Gaston Modot. Elle se confond
en regrets, se désole, s’accuse, très mondaine.
L’invité, interloqué, regarde tout d’abord sa manche tachée, puis fixe la dame, se domine un
éclair de seconde, puis, exaspéré, flanque deux
soufflets à la maladroite. Il a libéré sa fureur,
partie comme une décharge électrique.
Ailleurs il a quitté la soirée et, en compagnie
l’une jolie femme, s’est isolé dans un jardin, aux
pieds d’une statue. En cet instant, un chef d’orchestre chauve abandonne ses musiciens qui
exécutent de la musique classique et, traversant
l’assemblée, se dirige d’un pas somnambulique
vers le jardin, tels ces êtres nés de nos rêves. Il
va vers le couple assis sur un banc, en proie à
de chaudes passions.
Aussitôt qu’elle aperçoit le vieux monsieur, la
jeune femme, fascinée, abandonne Gaston
Modot qu’elle embrassait avec gourmandise et
va, avec un plaisir accru, déposer un baiser
ardent sur la bouche barbue et grisonnante du
chef d’orchestre, lui-même secoué de désirs.
Modot se dresse, prêt à s’interposer. Mais, en
se dressant, son crâne heurte un vase d’argile
suspendu et aussitôt sa tête et tout l’écran retentissent de sonorités douloureuses qui persisteront
jusqu’à la fin de la séquence. L’effet mécanique
du rire, décrit par Bergson, est mathématiquement obtenu. On sait l’importance que prend
l’humour dans le surréalisme. Mais, pour le surréaliste Luis Bunuel, ce choc vise moins au comi-
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GASTON MODOT
par Henri Fescourt
que qu’à un déchaînement sonore, tempête psychique, vertige de bruits et de fureurs mentales.
Cependant la victime n’a pas tressailli. Pas un
mouvement de souffrance, pas un pli de physionomie, mais une expression de stupéfaction irritée devant la scène amoureuse qui se déroule.
Sans avoir connu aucun professeur, Modot
s’est, dans ces cas malaisés, égalé aux meilleurs. Il lui a suffi, selon son propos, de s’instruire
par le contact humain, ce qui implique des dons
peu communs. Il a mis en œuvre une vertu d’inspiration là où beaucoup de comédiens, modelés par l’enseignement scolastique, eussent été
moins bien servis. J’ai cru devoir m’arrêter sur ce
curieux artiste, une de ces personnalités, comme
3.+ Francis Lacassin,
Gaston Modot, du burlesque au surréalisme,
Pour une contre-histoire du cinéma,
Op. cit. [p.287-300]
celle de Joë Hamman et d’Henri Debain, d’un
talent divinatoire et inexplicable. On en trouvait
souvent dans le vieux cinéma où confluaient des
êtres divers, depuis la danseuse de corde,
jusqu’au peintre, au musicien, à l’écrivain
(Antonin Artaud) en passant par le camelot et le
mannequin de maison de couture.3
Henri Fescourt
La foi & les montagnes,
op. cit. [p.349-352]
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LIL DAGOVER
(1887-1980)
arie Antonia Siegelinde Martha Lillets
Seubert, naît le 30 septembre 1887 à
Malduin (Pati), sur l’île de Java Java
(Dutch West Indies > Indonesie) où son père est
exploitant forestier pour le gouvernement germanique. Dans son enfance, la jeune Marie
voyage en Angleterre, en France et en Suisse.
Adolescente, elle poursuit ses études dans la
prestigieuse école pour jeunes filles de
Tübingen.
La très jolie jeune femme épouse en 1917, le
vieil acteur autrichien Fritz Daghofer et tourne
quelques films sans intérêt sous le nom de Lil
Dagover. Elle divorce en 1919, puis rencontre
le metteur en scène Robert Wiene qui lui offre le
rôle de Jane dans son magnifique film Le cabinet du docteur Caligari. La même année, Fritz
Lang l’engage pour deux films importants de sa
période muette : Les araignées, avec Carl de
Vogt et Madame Butterfly, avec Paul Biensfeldt.
Lil Dagover s’impose, en Allemagne, comme
l’une des plus grandes stars féminines des
années vingt, avec une constante régularité, elle
participe à plusieurs grands succès, et tourne,
avec les réalisateurs les plus réputés : Fritz Lang
pour Les trois lumières (1921), ainsi que F.W.
Murnau pour Le fantôme (1922) et Tartuffe
(1926); mais également pour Ludwig Berger,
Carl Froelich et Wilhelm Thiele. En 1925, le
grand Max Reinhardt l’invite à jouer sur scène
au Festival de Salzbourg. On la voit également
M
dans des productions françaises, telles que : La
grande passion (1927) d’André Hugon, MonteCristo (1928) de Henri Fescourt et Le tourbillon
de Paris (1928) de Julien Duvivier.
Le passage du cinéma muet au cinéma parlant
n’inquiète aucunement cette grande actrice. Sa
diction parfaite et son naturel s’adaptent à merveille aux nouvelles technologies. Tout au long
des années trente, elle continue sans difficulté, de
voguer sur le chemin du vedettariat. En 1931, Lil
Dagover tourne pour la Warner Bros : La femme
de Monte-Carlo sous la direction de Michael
Curtiz. Après le succès mitigé de cette unique
expérience hollywoodienne, l’actrice préfère
retourner dans son pays. Elle travaille énormément, et se voit décerner en 1937, par le ministre nazi Joseph Goebbels, le Prix d’Artiste d’Etat
pour son interprétation dans La sonate à Kreutzer
de Veit Harlan.
Durant la seconde guerre mondiale, la star met
un frein volontaire à sa carrière cinématographique, préférant se produire sur scène. Au début des
années cinquante, elle réapparaît dans des rôles
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LIL
DAGOVER
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secondaires, parmi lesquels : la Comtesse
Waldenberg dans Rote rosen, rote lippen, rote
wein (1952) de Paul Martin, la Baronne Hermine
von Velden dans Der fischer von Heiligensee
(1954) de Hans H. König et l’Impératrice dans
Mayerling (1956) de Rudolf Jugert. En 1952, Lil
Dagover reçoit un Prix d’Argent du cinéma germanique pour son interprétation dans Son altesse
royale de Harald Braun. Dix ans plus tard, la
même académie l’honore d’un Prix d’Or pour l’ensemble de sa carrière.
Pour satisfaire une demande personnelle de
Maximilian Schell, l’actrice fera une ultime apparition dans Légende de la forêt viennoise (1979). Lil
Dagover s’éteint discrètement le 23 janvier 1980
à son domicile de Munich, en Allemagne.
Philippe Pelletier
www.cineartistes.com
MONTE-CRISTO
MARIEC’estGLORY
à dire la grâce et la féminité ensemble*
Si le souvenir de Marie Glory reste encore
aussi présent dans la mémoire des
cinéphiles, c’est parce qu’elle fut durant
une longue décennie l’une des comédiennes
les plus populaires et les plus appréciées
du cinéma français.
Curieusement, c’est son engagement
patriotique durant la seconde guerre qui
sera la cause de l’ingrat oubli des
producteurs. En effet, elle fut l’une des
rares actrices à avoir rejoint les Forces
Françaises Libres du Général de Gaulle.
Un peu à l’image de Jean Gabin, de Claude
Dauphin et de Jean-Pierre Aumont.
À la différence, qu’eux ont réussi leur
retour cinématographique sans trop de
difficultés.
aymonde [Louise Marcelle] Toully qui allait
mieux se faire connaître sous le pseudonyme
davantage artistique de Marie Glory, naît le
3 mars 1905 au domicile de ses parents, place
des Halles, à Mortagne-au-Perche, où le papa
tient un salon de coiffure tandis que maman donne
libre cours à sa passion pour la peinture. Peu
après, la petite famille quitte les forêts domaniales
et les bocages ornais pour Rouen, où Marie,
encore Raymonde, passe son adolescence et
effectue ses études au Lycée Jeanne d’Arc.
À 18 ans, chaperonnée par maman, elle
gagne la capitale et s’inscrit à un cours de danse
afin de perfectionner les premiers rudiments
acquis à Rouen. Elle participe même à un
concours de beauté où elle décroche la deuxième
R
place. Son joli minois lui permet de poser pour
des cartes postales ainsi que pour des affiches
publicitaires dans le cadre de “la grande exposition de blanc” ayant lieu chaque année dans les
grands magasins.
C’est nantie de ces “précieux” passeports
qu’elle hante les plateaux d’un cinéma encore
muet et qu’elle participe à quelques figurations
avant de tourner ses premiers films sous le nom
d’emprunt d’Arlette Genny.
C’est Marcel L’Herbier qui sera le véritable artisan de son envol. En 1928, il lui confie face à Brigitte Helm l’un des principaux rôles de L’Argent,
une adaptation réussie du roman de Zola. C’est
L’Herbier toujours, qui pour la circonstance, la
rebaptise définitivement Marie Glory.
*L[ucie] Derain, « On tourne “Monte-Cristo” », La Cinématographie Française, novembre 1928
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MARIEC’estGLORY
à dire la grâce et la féminité ensemble*
Ce succès immédiat lui permet d’enchaîner
avec le second Monte-Cristo cinématographique
dans lequel Jean Angelo, grande vedette de l’époque, assume le rôle-titre.1
En 1930, elle tourne son premier film parlant
L’Enfant de l’amour en retrouvant L’Herbier dont
c’est aussi la première réalisation sonore. Ce film
est suivi durant cette décennie d’une succession de
réussites avec des comédies sentimentales fort prisées qui alimentent les songes éblouis de nos
parents…
… En 1964, Pierre Cardinal la dirige pour une
ultime apparition dans un téléfilm de l’ORTF, Les
beaux yeux d’Agathe.
Elle comprend que pour elle le cinéma est bien
fini et qu’il s’agit, à présent, d’assumer une reconversion. Ce qu’elle trouve en ouvrant un salon de coiffure à Paris (faut-il y voir quelques gènes paternels ?)
Finalement, en 1973, elle décide de descendre sur la Côte d’Azur, à Cannes, afin de s’y fixer
définitivement. Elle s’installe dans un coquet appartement à deux minutes de la mer, près de la Croisette, apparemment sans trop de regrets pour son
passé cinématographique… bien que, amusée,
elle confiait récemment à un journaliste de NiceMatin2 : “Si on me proposait un rôle aujourd’hui,
je le refuserai… et d’ajouter avec un clin d’œil
complice … sauf si mon partenaire s’appelle
Robert Redford !”
Aujourd’hui, toujours cannoise, [doyenne du
cinéma français] elle a fêté ses cent [un] ans
dans la maison de retraite qui l’a accueillie.
Yvan Foucart3,
avec le concours de Mireille Beaulieu
et Jean-Louis Milla (Souvenance cinéphiles)
Essai de filmographie (limitée au cinéma muet)
1924 ■ Le miracle des loups de Raymond Bernard (figuration)
sous le pseudonyme d’Arlette Genny
1924 ■ Monsieur le directeur de Robert Saidreau
1925 ■ Les dévoyés de Henri Vorins
1927 ■ La maison sans amour d’Emilien Champetier
1927 ■ Miss Helyett de Georges Monca et Maurice Kéroul
sous le pseudonyme de Mary Glory
1928 ■ L’argent de Marcel L’Herbier
1928 ■ Monte-Cristo d’Henri Fescourt
1929 ■ Vater und Sohn (Mon copain de papa)
1.[NDLE] Le personnage de
Valentine Villefort est interprété par
Marie Glory,
que M. Marcel L’Herbier, avec qui
elle est en contrat, a bien voulu
prêter à M. Louis Nalpas. La
Cinématographie Française, 29
septembre 1928.
2.[NDLE] Jean-Michel Laurence,
Marie Glory “la B.B. des années
30”, Nice-Matin, vendredi 30 août
1996
3.+ >
www.lesgensducinema.com/biogr
aphie/GLORY.htm
de Géza von Bolvary (en Allemagne)
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[d e s jo u r n a u x ] d e
Compilation exclusivement réalisée grâce à la revue de presse (1928-30)
Collection et archives Famille Bilinsky
e qu’on a fait ; ce qu’on va faire – Henri
Fescourt s’apprête à partir pour Marseille où
seront tournés les extérieurs de Monte-Cristo.
Voici l’état-major du metteur en scène [et la distribution] de ce film connu à ce jour : Assistant :
Armand Salacrou. Administrateur : DaniauJohnson. Opérateurs : Ringel, Barreyre. Régie :
Henri Pauly, Fernand Tanière, Daven. Costumes et
décors : maquettes dessinées par Boris Bilinsky.
« Bien entendu, nous écrit Henri Fescourt, le
film sera réalisé sur pellicule panchromatique.
Mais est-il besoin de le dire en 1928 ? »1
Henri Fescourt vient, en effet, de quitter Paris
pour Marseille où, à la fin de la semaine, il donnera le premier tour de manivelle du film.2
Les extérieurs seront tournés à Marseille et les
intérieurs au studio de Billancourt.3
Le premier tour de manivelle sera donné lundi
ou mardi, à Marseille.4
Henry Fescourt et sa troupe tournent les premiers extérieurs à Marseille, au château d’If et
sur les points les plus divers de la côte.5
Depuis plusieurs jours, Henri Fescourt et sa
troupe sont en notre ville, où se tournent quelques scènes importantes de Monte-Cristo.
[…] à Marseille, où l’on attend encore Melle
Marie Glory (Valentine de Villefort), Jean Toulout
(le juge de Villefort), Gaston Modot (Fernand
Mondego), Maupin et Pouget (M. Morrel et
père Dantès), ainsi que la célèbre star internatio-
C
nale Lil Dagover, dont ce sera le premier séjour
à Marseille.
Plusieurs fois déjà, le trois-mâts Le Pharaon
(armateur M. Valoussière) est sorti du port toutes
voiles dehors : il ira ces jours-ci à l’île d’Elbe
pour que soit filmée la fameuse scène de l’entrevue de Dantès et de l’Empereur en exil.
Ces scènes maritimes sont remarquablement
filmées avec naturellement de véritables marins
qui grimpent dans les vergues pour les manœuvres de voiles, ce qui permet des prises vues
d’une technique très moderne.
Le village des Catalans a été reconstitué, et
c’est là que sera tournée la célèbre rencontre
d’Edmond Dantès et de Mercédès. Le château d’If
a été, cela va de soi, également visité par la
troupe cinématographique et des scènes d’une
grande intensité dramatique ont été tournées dans
le légendaire château.
Tout le film est photographié sur la nouvelle pellicule panchromatique avec les objectifs les plus
récents (brachyscopes*, diastréphores, etc.).6
Tandis qu’Henri Fescourt tourne à Marseille,
au château d’If et dans les sites les plus beaux et
les mieux appropriés de la côte… le dessinateur
Boris Bilinsky prépare les costumes et les décors
des premiers intérieurs qui seront tournés aux studios de Billancourt.7
Les grands raids de Monte Cristo se poursuivent, à Billancourt… à travers les sun-light, la
1.Intransigeant, 2 septembre 1928. 2.Courrier Cinématographique, 8 septembre 1928
3.Ami du Peuple, 16 septembre 1928. 4.O. R., Filma, 1er septembre 1928
5.La France Cinématographique, octobre 1928. 6.Cinéma Spectacles – Marseille, 13 octobre 1928
7.Cinéma, octobre 1928
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ravissante, Miss de Wilford (Marie Glory),
laquelle, épanouie dans sa loge, presse contre
son visage où émergent des lueurs d’angoisse,
un bouquet de roses thé…8
…Nous sommes dans une vaste salle à
colonne ouverte sur le plein ciel de Provence…
Immanquables guirlandes de papiers fleuris.
Alternance de guitares et de mandolines. Cent
cinquante beaux gars et belles filles aux profils
catalans et provençaux peuplent le décor…. Lil
Dagover, elle a été habillée d’après une
maquette de Bilinsky, et l’on aime son corsage
finement échancré, sa robe de soie bleue qui lui
bat doucement les chevilles, elle rayonne la
joie… Au fait, n’est-elle pas sûre de son bonheur
puisque son mariage, dans un rythme cher au
cinéma qui se joue du temps, a été célébré la
veille… avant même ses fiançailles.
Le Pharaon, il revient comme un leitmotiv et on
le cherche derrière les arçaux de ce mas, mais
l’on aperçoit que les agrées des portants de ce
décor immense. Fescourt, nous confie que trois
jours lui seront nécessaires pour mener à bien
ces fiançailles : puis, brusquement ce sera
l’Opéra avec l’époque des dandies.9
Dans l’ancien studio, des décorateurs et
machinistes montent, sous la direction de
Bilinsky, les décors de la reconstitution de
l’Opéra. Dans le nouveau studio, on prépare
d’autres décors de mas provençal.
– On tourne ! crie-t-on. … la scène se passe
chez l’armateur Morrel
– Monsieur Maupin, crie Fescourt. La scène
8.A.P. Barancy, Avenir, 10 novembre 1928
9.Pierret-Marthe, Critique Cinématographique, 10 novembre 1928
10.J. C., Mon Film, 16 novembre 1928
est prise ; on change d’opérateur et d’appareil
pour la « faire » à nouveau.
– Nous avons déjà tourné une partie des extérieurs, me dit-il. Le château d’If, Marseille et la
mer à bord du Pharaon. J’ai eu beaucoup de mal
pour tourner en rade, ayant constamment un
vapeur ou un remorqueur dans le champ de mes
appareils. Je n’ai plus comme extérieurs que
Paris. Je ne sais pas encore la date à laquelle je
les commencerai d’ailleurs. Pour le studio, j’ai de
très grands décors, tels : la salle de l’Opéra, les
couloirs, le foyer, la fête provençale, les fiançailles de Monte-Cristo, les mystérieux palais, son terrain de Monte Cristo et, nombre d’autres décors
non moins importants. Quai du Point-du-Jour…
Billancourt… 6 heures du soir… Novembre Dieu
! qu’il fait froid, sombre et sale.10
Un immense décor emplit tout le grand studio de Billancourt. Il s’agit de la très scrupuleuse reconstruction du théâtre de l’Opéra de
la rue Le Peletier qu’un incendie détruisit vers la
moitié du dix-neuvième siècle. Une imposante
figuration, qui a revêtu les costumes de l’époque, est installée au parterre et dans les loges.
Dans une avant-scène brille la séduisante
Eliane Tayar. Sur le plateau dansent les jolies
danseuses du corps de ballet de l’OpéraComique. Marie Glory passe, si fraîche, si
lumineuse, …si féminine. Puis passe Tamara
Stezenko, au charme slave dont on se désensorcelle plus. Boris Bilinsky met au point une
maquette. Henri Fescourt siffle. Les sun-lights
crépitent. Et à dix heures et dix minutes du soir,
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ainsi qu’il l’avait solennellement promis, le
comte de Monte-Cristo fait son apparition dans
une loge. Quelle sensation !11
L’opéra est étincelant de lumières. L’immense
lustre éclaire une salle brillante par le satin des
épaules nues, paillettes des robes, par l’éclat
des bijoux… Et de partout, des loges, de la corbeille, des cintres, même, suspendus, fichés, ou
apposés, de gros œils lumineux, œils de verre
épais et froid s’ouvrent sur cet ensemble. Il y a
même un appareil qui va et vient sur un câble
d’acier. Cet appareil a l’air d’une mitrailleuse
suspendue dans les airs.
Elle balaie les têtes. Et l’appareil fixe, lui,
enregistre la scène qui se passe dans une loge,
centre des regards, loge où le procureur du roi,
M. de Villefort (Jean Toulout), surveille la tenue
de sa fille, la charmante Valentine (Marie Glory).
Rose au corsage, roses aux cheveux, roses aux
lèvres, Valentine de Villefort, ou plutôt Mlle
Marie Glory, c’est-à-dire la grâce et la féminité
ensemble, joue devant l’objectif. Il faut qu’elle
s’émeuve. Elle s ‘émeut, et son jeune corsage est
haltant.
Les opérateurs Ringel, Barreyre et Kottula s’affairent pour une prise de vue importante. Kottula
est surtout chargé des truquages. Ils sont nombreux dans Monte-Cristo.
M. Hennebain pendant ce temps arme son
appareil, et crie : Stop. Les artistes s’immobilisent. Et la photo est prise…12
…Animés dès l’aube par Fescourt, généraux
et dames d’honneur en grand apparat sont sur la
brèche, ou plus exactement, dans les loges
d’Opéra… Flexible, romantique à souhait, Mlle
Spessivtzeva surgit sur la scène, au motif charmant de la troisième valse de Chopin ; un corps
de ballet la suit, la cerne avec grâce ; traquée,
elle s’échappe parmi les acclamations de l’assistance. Effort, effet prodigieux de tissus fulgurants,
gemmes et moires, bouquets serrés au bord des
loges, visages pressés parmi les repentirs en
boucles, les diadèmes en brillants, les éventails
de plume, les uniformes éclatants des maréchaux. Distinguons tout particulièrement dans ce
tableau : Monte-Cristo (Angelo) ; Albert de
Mortcerf (Pierre Batcheff), Fernand de Mortcerf
(Gaston Modot) ; Mmes Lily Dagover, Stezenko,
Mary Glory, Michèle Verly, baronne Wrangel,
Nadia Kozine, Eliane Tayar, Gueirarot, etc. ;
MM. Janvier, Safonoff, Ravitch, Gaïdaroff, etc.
À signaler tout particulièrement la maîtrise et la
précision de M. Courtois, régisseur, M.
Mouquet, administrateur.13
Henri Fescourt règle une scène, un tableau plutôt, et je peux voir dans un bureau encombré de
dossiers un homme assis à une table et se penchant sur un registre tout clair, tandis que sa figure
reste dans l’ombre. Ça n’a l’air de rien, mais cet
éclairage est fort délicat et l’on doit y apporter tous
ses soins. L’homme, c’est Volbert, qui silhouette le
Gouverneur du Château d’If où Dumas enferme
son héros, Edmond Dantès.14
Un détail caractéristique. Tandis que le rideau
se baisse sur la scène, suivant le même mouvement les lustres, exactement reconstituées et de
11.Intransigeant, 17 novembre 1928 12.L[ucie] Derain, La Cinématographie Française, novembre 1928
13.A.P. Barancy, Avenir, novembre 1928 14.La Cinématographie Française, novembre 1928
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la même splendeur, s’abaissent doucement sur
les spectateurs.
L’immense décor de l’Opéra a disparu pour
faire place à un autre d’un caractère tout différent, le pittoresque après le somptueux. Ce
décor est la reconstitution du café du petit village
des Catalans, aux environs de Marseille où
Fernand Mondego va retrouver Mercédès.
En plus des scènes principales qui s’y déroulent le metteur en scène y fait exécuter des numéros de danses avec accompagnement de guitares et de mandolines du plus bel effet.15
Un autre décor d‘importance : Le Cabinet de l’Empereur… puis encore un magnifique salon 1830…16
Le Cinéma renferme tous les arts par synthèse
ou par analyse. Le Cinéma avait besoin d’un
artiste tel que Fescourt.
Fescourt s’est mis au travail et, depuis septembre, sous sa direction, Rengel, Barreyre, Kottula
ont enregistré, à Marseille et ses environs, les
scènes les plus pittoresques, les vues les plus
grandioses ; une photographie très étudiée et
impeccable sera le juste complément de cette
œuvre.
Puis il s’est installé à Billancourt, où depuis
plus de deux mois, il occupe les vastes studios…
Mme Brabo et M. Godard sont les collaborateurs du grand artiste.17
*Brachyscope : objectif de précision pour le studio, fabriqué par Optis
(Optique et mécanique de précision), “donnant à volonté les effets de
rapprochement ou d’éloignement sans déplacer ni le sujet ni l’appareil
de prise de vue”.
15.La Griffe Cinématographique, 15 décembre 1928
16.La Cinématographie Française, décembre 1928
17.Éliane Tayar, La Cinématographie Française, 5 janvier 1929
MONTE-CRISTO
BORIS BILINSKY
oris Konstantinovitch Bilinsky naît le 21 septembre 1900 à Bendery (Russie, près
d’Odessa) où son père Konstantin, officier
supérieur dans l’armée impériale, est alors en garnison. Il est cadet dans une école militaire puis suit
les cours à l’Université. En 1920 les armées Blanches défaites et son père tué, il quitte la Russie pour
l’Allemagne. À Berlin, il travaille pour plusieurs «
théâtres russes », notamment celui du cabaret Der
Blaue Vogel (l’Oiseau bleu). En 1923, il rejoint
Paris et s’intègre tout naturellement à la communauté des émigrés russes, parmi lesquels Léon Bakst
avec qui il étudie la peinture ; il continue au début
de travailler pour le théâtre (la Chauve-Souris de
Nikita Balieff, l’Arc en Ciel) et se lie d’amitié avec
Georges Annenkov et Simon Lissim mais après
avoir rencontré Ivan Mosjoukine il entame une carrière riche et variée (décorateur, costumier, affichiste) pour le cinéma dans l’équipe de Russes émigrés des studios Albatros à Montreuil.
Dès 1921 : d’abord dans les journaux de
l’émigration russe puis dans la presse française
mais aussi allemande et italienne : il travaille en
effet alternativement dans ces trois pays. Il publie
d’autre part ses propres articles dans lesquels il
expose ses conceptions personnelles sur la composition du décor, du costume et de l’affiche
cinématographique.
Il dessine en 1924 des costumes pleins de fantaisie pour Le Lion des Mogols (Epstein) qui le font
remarquer ; l’affiche du film, dont il est également le
créateur, remporte une médaille d’or à l’Exposition
B
Dans l’illustration, les costumes,
le placard, Boris Bilinsky s’est
taillé rapidement en France une des
plus belles places.
Cinémagazine, 20 mai 1927.
Internationale des Arts Décoratifs à Paris en 1925.
Mais ce sont les costumes qu’il dessine pour Casanova (Volkoff, 1927) qui le consacrent et lui apportent une notoriété internationale (René ClémentiBilinsky, « les costumes de Boris Bilinsky pour Casanova », L’Intermédiaire des Casa-novistes, Genève,
2000, p. 1-8).1
En mai 1928, Bilinsky fonde à Paris sa propre
société de publicité cinématographique : Alboris. Il
avait déjà imaginé des affiches qui étaient entre
1924 et 1927 parmi les toutes premières affiches
cinématographiques vraiment modernes. Il est d’ail-
1.[N.D.L.E] Boris Bilinsky a exposé récemment [Galerie de France] aux Champs-Élysées quelques
maquettes de décors cinématographiques dont il est l’auteur. On connaît le talent de Boris Bilinsky.
Il s’est affirmé avec éclat dans quelques films fameux parmi lesquels nous citerons Casanova,
Shéhérazade, Monte-Cristo.
« Décors Modernes », Critique Cinématographique, 30 juin 1930
MONTE-CRISTO
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BORIS
BILINSKY
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leurs reconnu par la presse de l’époque comme
l’un des meilleurs (François Mazeline, « l’Affiche de
cinéma – Boris Bilinsky », Cinéma, 1er août 1928)
et le plus célèbre des affichistes de cinéma (Lucie
Derain, « Les Affiches de cinéma – polychromie
pour blancs et noirs », Arts et Métiers Graphiques,
n° 22, 15 mars 1931, p. 201-205). Outre les
affiches qu’il dessine pour Albatros, il en réalise
également beaucoup pour la distribution française
de films allemands tels que la Rue sans joie (Pabst,
1925), le Fermier du Texas (Joe May, 1925), Quatre de l’Infanterie (Pabst, 1930), l’Atlantide (Pabst,
1932). C’est lui qui dessine les 4 affiches et compose entièrement le manuel de publicité pour la distribution française de Metropolis. En 1930 débute
sa collaboration avec l’Opéra Russe : ses décors et
costumes pour Rouslan et Ludmila, opéra de Glinka
donné intégralement pour la première fois en
France, font sensation, même s’ils sont parfois discutés ; on le trouve alors cité et photographié au
côté d’Alexandre Benois et d’Ivan Bilibine dans les
programmes souvenirs qu’il illustre avec eux (on les
appelait les trois B) et qui sont édités par l’Opéra
Russe à Paris. Dès lors Boris Bilinsky ne cessera plus
de travailler simultanément pour le cinéma et pour
les différents corps de ballets qui ont succédé aux
Ballets Russes de Diaghilev (Opéra Russe à Paris,
ballets russes de Monte-Carlo, ballets d’Olga Spessivtzeva, de Bronislava Nijinska, etc.)
À Paris, il exécute en 1934 la décoration du
célèbre cabaret russe Sheherazade, rue de Liège.
C’est sur le tournage en Italie de Tredici uomini e un
cannone (Giovacchino Forzano, 1936), qu’il rencontre la jeune femme sicilienne qu’il épousera à
l’église orthodoxe de Florence le 24 septembre
1936. En mai 1937 à Londres, dans le cadre des
festivités organisées pour le couronnement du roi
George VI on donne Pelléas et Mélisande
(Debussy) au Royal Opera de Covent Garden : ce
sont les décors et les costumes proposés par Boris
Bilinsky qui sont choisis à cette occasion. La même
année il séjourne à Berlin pour participer à l’élaboration des costumes de La Habanera avec Zarah
Leander. En 1939, son engagement dans l’Armée
française ayant été refusé, il part en Sicile avec son
épouse pour attendre la naissance imminente de
leur fille dans sa belle famille. Les hostilités ayant
débuté il reste en Italie et s’installe à Rome avec sa
famille où il loue un appartement au dernier étage
du palais de Cesare Zavattini. Il a alors l’actrice Isa
Miranda comme voisine de palier ! Là, il recommence à travailler pour le cinéma principalement
avec la société de production Titanus Film, ainsi
que pour le théâtre et le ballet. Pendant cette
période, il collabore à plusieurs reprises avec le
danseur et chorégraphe Aurelio Milloss : en 1945
pour le ballet Casse Noisettes, en 1946 pour le
film Lo Sconosciuto di San Marino et en 1947
pour un ballet à la Scala de Milan. Alors qu’il
séjourne à Paris pour un projet de film, sa maladie
se déclare ; il rentre en Italie et meurt à Catane le
3 février 1948. Le 3 février 1956 la commune de
Catane, sur l’initiative d’un groupe de ses amis, fait
transférer sa tombe dans « l’allée des hommes
illustres » de son cimetière ; le sculpteur Pietro
Papallardo est l’auteur du buste qui la surmonte.
Après sa mort son souvenir resta vif en Italie mais
personne ne s’occupant d’entretenir sa mémoire en
France, il y est rapidement oublié, sauf de quelques
spécialistes : alors qu’un paragraphe est consacré
MONTE-CRISTO
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BORIS
BILINSKY
...
à Bilinsky dans deux importants dictionnaires italiens (l’Enciclopedia dello Spettacolo en 1954 et le
Film Lexicon degli autori e delle opere en 1958), il
n’est jamais apparu dans aucun ouvrage semblable en France ; cela est d’autant plus paradoxal
que la part de sa carrière la plus importante du
point de vue esthétique s’est déroulée en France et
que ce sont principalement ces travaux qui se trouvent cités dans les encyclopédies italiennes !
Depuis 1993 les travaux de Bilinsky font l’objet
d’un inventaire et d’une recherche entreprise par sa
famille dans le but de reconstituer le cours de sa
carrière et d’en restituer une image aussi complète
que possible, ce qui n’avait encore jamais été fait.
Toute personne qui posséderait des documents
relatif aux travaux de Bilinsky est d’ailleurs invitée à
participer à ce projet. [> [email protected]]
De nombreuses expositions de ses dessins continueront d’être tenues en Italie (Galerie Capannina
di Porfiri, Rome, 1955 ; Galerie Bowinkel, Capri,
1960), aux USA (Leonard Hutton Galleries , NewYork, 1975) et en France (Mairie du 7e arrondissement, Paris, 1999). Beaucoup de ses travaux sont
aujourd’hui conservés dans des musées à Paris
(Bifi/musée du Cinéma), aux USA (Metropolitan,
Harvard Theatre Collection, Fine Arts Museums of
San Francisco, McNay Art Museum, etc.), au
Canada (University of Calgary), à Jérusalem (Israël
Museum).
Plus de 880 de ses maquettes de décors et costumes destinées au cinéma, au ballet et à l’opéra
sont répertoriées à ce jour ; plus de 500 sont
conservées dans la collection familiale (dont deux
maquettes de décors pour Monte-Cristo et de nombreuses maquettes de costumes pour Arletty,
Danielle Darrieux, Jacqueline Delubac, Edwige
Feuillère, Ivan Mosjoukine, etc... Mais toute sa correspondance de travail a disparu en 1953 pendant le retour de sa famille en France, en même
temps que beaucoup de maquettes ; malgré des
recherches en Italie on n’a encore retrouvé aucune
trace de ce matériel.
Une autre partie de son œuvre, plus personnelle
et très différente de ses commandes commerciales,
illustre l'Apocalypse selon saint Jean en une trentaine d’aquarelles peintes durant les années de
guerre et toutes fortement imprégnées des sentiments de tragédie et de mort. Boris Bilinsky en destinait la version définitive à une exposition parisienne mais sa mort ne permettra pas la réalisation
de ce projet.
Si le cinéma était son travail et la peinture un
talent, sa passion était la musique ; sa volonté d’allier la peinture, la musique et le cinéma trouvera
son achèvement dans ses recherches entreprises
dès 1930 et visant à retranscrire certains morceaux
de musique classique sous la forme de dessins animés en couleurs ; Walt Disney lui-même aurait
manifesté en 1948 de l’intérêt pour ces études
mais Bilinsky est mort avant que le rendez-vous
convenu ait pu avoir lieu (L’Ora, Catane, Italie, 4
février 1956).
René Clémenti-Bilinsky,
petit-fils de Boris Bilinsky
MONTE-CRISTO
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LOUIS NALPASSeigneur du Ciné-Roman
(1884-1948)
Louis Nalpas, nom important mais oublié, mérite un
hommage. Les historiens futurs du cinéma se montreront
injustes ou mal documentés s’ils négligent l’action de cet
homme qui flairait de loin les talents, à qui Abel Gance,
Louis Delluc et bien d’autres doivent soit le départ de leur
durable renommée, soit leur vogue d’alors.
Henri Fescourt,
La Foi & les Montagnes
atin du Levant né à Smyrne en 1884, Louis
Nalpas fait une entrée discrète dans l’industrie
cinématographique naissante à Paris dès
1909. Son efficacité dans la vente des films français en Europe Orientale, et ses dons de diplomate
et d’organisateur suscitent très tôt l‘intérêt du producteur Charles Delac, qui le charge de diriger les
ateliers de son Film d’Art. À la déclaration de
guerre en 1914, Delac, mobilisé, le nomme directeur artistique des studios Film d’Art à Neuilly. Pendant quatre ans, Nalpas assurera la continui¬té de
la production, tout en favorisant les nouveaux
talents dont Abel Gance, qui tourne sous son égide
ses premiers grands films, tels que Mater Dolorosa
et La Dixième Symphonie. Et dans ces années de
pénurie, Nalpas trouve le moyen de mener à bien
son premier grand film à épisode, en 12 chapitres
: Le Comte de Monte Cristo, adapté et réalisé par
Henri Pouctal rare réalisation du genre à être citée
en bien dans les histoires officielles du cinéma.
Quittant le Film d’Art après l’armistice, Nalpas
s’installe à Nice avec le grandiose projet d’y créer,
en association avec Serge Sandberg, un Hollywood à la française en exploitant la beauté naturelle et le soleil de la Côte d’Azur. En attendant la
L
fin de la construction des installations du futur Studio
de la Victorine, il loue la somptueuse villa Liserb et
tourne dans ses parcs et jardins La Sultane de
l’Amour, “conte inédit des Mille et une Nuits”, dont
le triomphe hisse Nalpas au premier rang de l’industrie cinématographique française du jour au lendemain. Viendra ensuite une série de réalisations
avec René Le Somptier, Charles Burguet, Louis Delluc, Germaine Dulac, Marcel Levesque et d’autres.
Et son deuxième film à épisode, Mathias Sandorf,
d’après Jules Verne, réalisé par le jeune Henri Fescourt, qui, formé dans les studios Gaumont, ne quittera désormais plus son producteur et ami.
La rupture avec Serge Sandberg en 1920
oblige Nalpas à se séparer de ses studios flambant
neufs.1 Après un voyage d’étude en Amérique, il
revient à Paris en 1922 pour diriger la production
de la Société des Cinéromans, firme créée par
MONTE-CRISTO
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LOUIS NALPASSeigneur du Ciné-Roman
l’ancien Fantomas de Louis Feuillade, René
Navarre, et récemment reprise par Jean Sapène,
Citizen Kane à la française. Nalpas voit enfin son
rêve se concrétiser. Il constitue des équipes d’artistes, acteurs et techniciens engagée à l’année, à
l’américaine, et les installe à Joinville dans le nouveau studio Lewinsky, vite rebaptisé le Studio des
Cinéromans.
Là Nalpas donne un deuxième souffle à un
genre décrié pour ses scénarios indigents et réalisations bâclées. Il s’entoure de scénaristes habiles,
tels Arthur Bernède et Pierre Gilles Veber (père du
cinéaste Francis Veber). Leurs scénarios sont mieux
charpentés, les anciennes divisions en 10 et 12
chapitres qui s’étiraient sur plus de 10 000 mètres,
sont ramenées à huit épisodes d’environ 8 000
mètres. Des metteurs en scène chevronnés (Gaston
Ravel, René Leprince, Luitz Morat, Henri Desfontaines et le fidèle Fescourt) y apportent un sang neuf
et un savoir-faire qui vont vite relancer le film à épisode.
De 1922 à 1927, Nalpas réalise une vingtaine
de films à épisodes qui confèrent au genre ses lettres de noblesse. Parmi ses plus grandes réussites
figurent deux admirables cinéromans d’Henri Fescourt, Rouletabille et les Bohémiens (1922) et Mandrin (1924) ainsi bien que son adaptation tout en
finesse (et en 32 bobines) des Misérables (1925),
exploité en quatre parties hebdomadaires. Les succès s’enchaînent, pour aboutir à un époustouflant
Fanfan la Tulipe (1925) de René Leprince, chef
d’œuvre du film à épisode historique. De plus, Nalpas co-produira une quarantaine de long-métrages
(sous la filiale Films de France) dont deux super-productions de la colonie russe de Paris, conçues pour
un Ivan Mosjoukine au sommet de sa notoriété :
Michel Strogoff (1926) de Viatcheslav Tourjansky
et Casanova (1927) d’Alexandre Volkoff. En
même temps, Nalpas s’enthousiasme pour les films
de marionnettes animées d’un autre émigré slave,
Ladislas Starewitch.2
En 1927, l’empire de Sapène chancelle. Nalpas, lassé par d’incessants différends avec son
patron, reprend sa liberté.3 Réanimant son
ancienne société, il produit une nouvelle version en
deux époques de son livre fétiche, Monte-Cristo,
réalisée par Fescourt, ainsi que l’unique longmétrage du génial Starewich, Le Roman de Renart,
qui devra attendre plus d’une décennie avant d’atteindre les salles obscures.
Mais le parlant est là et s’avère fatal pour Nalpas. Découragé par l’investissement malchanceux
dans la vente d’appareils de films sonores sur disque, il tire sa révérence au cinéma en 1936. Il
meurt en 1948 dans l’oubli total.
Lenny Borger4
1.+ Anne-Élisabeth Dutheil de la Rochère, Les Studios de la Victorine 1919-1929 © AFRHC &
Cinémathèque de Nice, 1998 2.+ Une heure avec Louis Nalpas, Jean Pascal, Cinémagazine, n° 39,
28 septembre 1928 [p. 476-479] 3.+ “Louis Nalpas, ex-directeur du Film d’Art et des Films Louis Nalpas,
quitte la direction artistique de la Sté des Cinéromans-Films de France pour fonder une firme indépendante
qu’il dirigera. Le premier film qu’il entreprendra sera une nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo,
déjà tourné en 1916 par Léon Mathot et en 1922 par John Gilbert. Qui sera le nouvel Edmond Dantès ?”
L’activité cinégraphique/En France, Cinéa-Ciné pour tous, n° 112, 1er juillet 1928, [p. 31]
4.Ce texte initialement publié par La Cinémathèque Française, n° 23, juillet 1987 [p. 10-11] a été revu
et amandé par l’auteur qui précise : Nous remercions Mr Claude Nalpas et Mme Jeanne Nalpas pour les
précieux renseignements qu’ils nous ont confiés.
MONTE-CRISTO
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LOUIS NALPAS
te u r
Produc
FILMS LOUIS NALPAS (Nice - Paris)
1918 ■ La sultane de l’amour de Charles Burguet & René Le Somptier
1919 ■ La croisade de René Le Somptier
La fête espagnole de Germaine Dulac
Serpentin Série de Jean Durand
Un ours de Charles Burguet
1920 ■ Le chevalier de Gaby de Charles Burguet
Tristan et Yseult de Maurice Mariaud
1921 ■ Mathias Sandorf de Henri Fescourt
1928 ■ L’horloge magique de Ladislas Starewich (cm)
La petite parade de Ladislas Starewich (cm)
1928-29 ■ Monte-Cristo de Henri Fescourt
1929-30 ■ Le roman de Renart de Ladislas Starewitch
1929 ■ Mon béguin de Hans Behrendt
Paris qui charme de Joe Francys
Le capitaine jaune d’A. W. Sandberg
La fantôme du bonheur de Reinhold Schunzel
LA SOCIETE DES CINEROMANS (Direction artistique : Louis NALPAS)
Films à épisodes :
1922 ■ Rouletabille chez les bohémiens d’Henri Fescourt
Vidocq de Jean Kemm
Tao de Gaston Ravel
MONTE-CRISTO
LOUIS NALPAS
te u r
Produc
1923 ■ L’enfant roi de Jean Kemm
Mandrin d’Henri Fescourt
L’enfant des Halles de René Leprince
Gossette de Germaine Dulac
1924 ■ Fils du soleil de René Le Somptier
Le vert galant de René Leprince
Surcouf de Luitz Morat
Mylord l’arsouille de René Leprince
1925 ■ Fanfan la Tulipe de René Leprince
Les misérables d’Henri Fescourt
Jean Chouan de Luitz Morat
L’espionne aux yeux noirs d’Henri Desfontaines
1926 ■ Titi 1er, roi des gosses de René Leprince
Le juif errant de Luitz Morat
Belphegor d’Henri Desfontaines
Capitaine Rascasse d’Henri Desfontaines
1927 ■ Les cinq sous de Lavarede de Maurice Champreux
Poker d’as d’Henri Desfontaines
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
Mémoire(s) pour une restauration
N o n -f il m
Bibliographie sélective
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Henri Fescourt, La foi & les montagnes ou le Septième Art au passé
© Éditions Paul Montel, Paris, 1959.1
Henri Fescourt et Jean-Louis Bouquet, l’Idée et l’Écran
© Impr. G. Haberschill & A. Sergent, Paris, 1925-262
® HL 1023-24-25/ BiFi.
René Jeanne, Charles Ford,
Le Centre de Formation du Comédien d’Écran/
Le Livre d’Or du Cinéma Français 1945
© Agence d’Information Cinégraphique, Paris, 1945.
Claude Beylie et Francis Lacassin, Henri Fescourt/Anthologie du Cinéma
© L’Avant-Scène & C.I.B., 1968.
Francis Lacassin, Pour une contre-histoire du cinéma © Institut Lumière / Actes-Sud, 1994.
François de la Bretèque, Henri Fescourt / Dictionnaire du cinéma français des années vingt,
1895, n° 33, juin 2001 © AFRHC/ Cineteca Bologna, 2001 [p. 186-188].
Monte Cristo [plaquette de présentation, 1929] ® ICO CIN-14914 / BNF.
Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, édition présentée et annotée par Gilbert Signaux,
Bibliothèque de La Pléiade/ NRF © Éditions Gallimard, 1981.
1.Réédition 2006 (annotée par Christophe Gautier) envisagée,
avec le soutien d’Arte Editions, par les Editions Ramsay dans la collection “Ramsay
Cinéma”, dirigée par Jean-Luc Douin.
2.Réédition 2006 par Institut Jean-Vigo de Perpignan/Archives
(dir.° de François de la Bretèque)
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
Mémoire(s) pour une restauration
F il m
Essai d’inventaire des sources Archives
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GosFilmoFond de Russie, internégatif 35 mm triacétate, N & B, 4 860 m.,
issu d’une copie nitrate 35 mm., (12/13 + 11/12 = 23 bob./25 bob., manque la première bob.
de chacune des deux époques), version originale française (neg. A), int./t. Fr.3
Národní Filmovy Archiv (Prague), copie 35 mm triacétate, 5 061 m., N & B part.t teintée,
int./t. Tch.4, issue de la restauration réalisée, en 1993, à partir de deux copies tchèques (nitrates),
l’une (1929) partiellement teintée (bleu-vert et orange), l’autre (193?) N & B mais plus longue,
toutes deux issues du même internégatif B (export) de 1929.
Cinémathèque française (Paris), copie 35 mm safety, N & B, 996 m. (37 min.)5, s. int./t.,
issue de l’internégatif, 35 mm (incomplet, manque 1 bob.), version Pathé-Baby (9,5 mm).
Archives Françaises du Film / Centre National de la Cinématographie (Paris),
internégatif 35 mm, N & B, 2 856 m., issu d’une copie nitrate, 35 mm., version courte (neg. A),
int./t. Holl., (10 bob.), partiellement teintée (4 teintes : Orange, violet, bleu et rouge / 973 m.),
reçue (en 2004) du FilmMuseum Berlin / Deutsche Kinematek, au titre de “rapatriement-échange”.
Collection privée (Raymond Neveu), copie d’exploitation Pathé-Rural6 (17,5 mm),
N & B, 1 700 m. env. (195 min. env.), V.O. int./t. fr.
Cinémathèque Municipale du Luxembourg et Georges Eastman House (Rochester, USA),
copies Pathé-Baby7, N & B, 3 reels, 300 feet.
3.Le GosFilmoFond de Russie aurait aussi récupéré (?/dès 1945) une copie nitrate allemande
(neg. B), 35 mm., incomplète (manquerait aussi la 1e bob), int./t. All.
4.Première présentation : 5 septembre 1993, Théâtre National de Prague, puis, XII° Giornate del Cinema Muto,
10 octobre 1993, 20:00, Cinéma Verdi, Pordenone (Musique originale (1993) de Jan Klusák, interprétée par
l’Orchestra Sdruzení Ceskych Symfoniku dirigée par Jaroslav Opéla).
[Monte-Cristo, Incidental film music, Jan Klusák / Bohemia Music 0029-2031]
5.Première présentation : XVIII° Il Cinema Ritrovato (Henri Fescourt, autore di serial), 5 juillet 2004, 18:30 /
Cinema Auguste Lumière (Sala 1), Bologne (accompagné au piano par Donald Sosin).
6.Affiche Monte Cristo, Pathé-Rural (lithogr., coul./120 x 80 cm/Bedos & Cie)
® TBAFF01/BNF (Réf. bibl. : Choko n° 6405)
7.Version (Fr.) commercialisée par Pathéscope UK [SB/775], The Count of Monte-Cristo (3 reels / 300 feet) –
Edition VHS © Grapevine Video, 2000.
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
MARC-OLIVIER
DUPIN
Le compositeur et chef d’orchestre.
é en 1954 à Paris, MarcOlivier Dupin a fait des
études
d'harmonie,
contrepoint, fugue, analyse,
orchestration, alto et direction
d'orchestre au Conservatoire
national supérieur de musique
et de danse de Paris. Il écrit
régulièrement des musiques
pour la scène. Pour la télévision, il a déjà écrit une vingtaine de musiques de films et a
obtenu en 1990 au festival de
Clermont-Ferrand le prix de la
Sacem pour la meilleure musique de film. Depuis 1986, en
collaboration avec Brigitte
Jaques, il a également composé une quinzaine de musiques de scène. Leurs dernières
créations sont le Dom Juan de
Molière et Hedda Gabler à la
Comédie de Genève (mars
2000). Il a obtenu le prix de la
critique 1997 pour la meilleure
musique de scène (Angels in
America et Sertorius).
Marc-Olivier Dupin a également écrit plusieurs opéras (Le
Jeu du Narcisse, Pension du
Diable, Michael Kohlhaas) et
réalisé des orchestrations pour
N
Le s m u si ci en s d e
1
Ann-Estelle Medouze (Premier violon
supersoliste), Stéfan Rodescu, Bernard Le
Monnier (Violons solos), Jean-Michel
Jalinière, Flore Nicquevert (Chefs d'attaque
des seconds violons), Yoko Levy-Kobayashi,
Virginie Dupont, Sylviane Touratier, MarieLaure Rodescu, Delphine Douillet, Julie
Oddou, Isabelle Durin, Anne-Marie
Gamard, Jean-François Marcel, Bernadette
Jarry-Guillamot, Pierre-Emmanuel Sombret,
Grzegorz Szydlo, Marie Clouet, Justine
Zieziulewicz (Violons), Renaud Stahl, Sonia
Badets, Inès Karsenty, François Riou, AnneMarie Arduini, Solange Marbotin, Catherine
Méron, David Vainsot, Bénachir Boukhatem
(Altos), Frédéric Dupuis, Jean-Marie Gabard,
Bernard Vandenbroucque, Céline Mondesir,
Camilo Peralta (Violoncelles), Robert Pelatan,
Jean-Philippe Vo Dinh (Contrebasses), Hélène
Giraud (Flûte), Jean-Michel Penot (Hautbois),
Marianne Legendre, Christelle Chaizy (Cors
anglais), Henri Lescourret, Frédéric Bouteille
(Bassons), Tristan Aragau, Benoît de Barsony,
Annouck Eudeline (Cors), Nadine Schneider,
André Presle (Trompettes), Laurent Madeuf
(Trombone), André Gilbert (Tuba), Jacques
Deshaulle (Timbales), Pascal Chapelon,
Didier Keck (Percussions) et Florence Dumont
(Harpe).
Gérard Caussé, Lily Laskine,
Patrice Fontanarosa, Jean-Pierre
Rampal, Marielle Nordmann,
Alexandre Lagoya, Sœur
Marie Keyrouz, Emmanuel Krivine.
Il a obtenu en 1994, le prix
Jeune Talent de la SACD. Directeur du Conservatoire national
supérieur de musique et de
danse de Paris de 1993 à
2000, puis conseiller pour la
musique auprès de Jack Lang,
ministre de l'Education nationale, il est actuellement directeur de l’ONDIF-Orchestre
Nationale d’Île-de-France.
Pour le réalisateur Jérôme
Prieur, il a récemment composé les partitions pour deux
films documentaires La Galerie d’Apollon (ARTE/Le Louvre, 2004) et Vercingétorix
(France 5).
Il avait déjà composé et
dirigé la musique des films
muets de Charles Bryant
(1923), Nazimova‘s Salomé et
de Jean Renoir (1926), Nana,
respectivement diffusés par
ARTE les jeudi 16 août 2001 et
vendredi 27 septembre 2002.
1.+ > www.orchestre-ile.com/site.php?type=P&id=9
MONTE-CRISTO
MARC-OLIVIER DUPIN
eur
Jo u r n a l d u c o m p o
ébut août 2005, trois DVD arrivent par la
poste à Pétunia – notre petite maison à Arès,
sur le Bassin d’Arcachon -. C’est dans ce lieu
que j’aime plus que tout, que je commence dans la
chaleur de l’été, la composition de cette partition
qui sera la plus longue que je n’ai jamais eu à
écrire.
Ayant composé pour deux autres films muets,
Salomé et Nana, la méthode m’est familière. J’entreprends un premier travail consistant à découper
le film plan par plan, en notant sur un fichier Excel
kilométrique, différentes indications. Le résultat est
un tableau à cinq colonnes ; les temps de début et
de fin de chaque plan (heure/minute/seconde/
image1), le texte des cartons2, un résumé de l’action. Le nombre de lignes correspond au nombre
de plans, soit 1689 pour la première partie du film
et 1122 pour la seconde…
Installé sur la terrasse ou dans l’Abri à cochons le chais reconverti de notre maison -, ce travail réalisé à l’aide d’un petit lecteur DVD et de mon ordinateur portable aura pris seulement un peu plus de
deux semaines, grâce à l’aide de Jacques Poitrat et
de Clélia, son assistante stagiaire.
À la fin du séjour arésien, je suis en mesure de
commencer à réfléchir à ce que sera la musique. Le
tableau Excel imprimé me suit à la plage ou
accompagne mes siestes. J’y travaille également tôt
le matin avant le réveil de Lila et Elia, avant la
ronde des biberons.
D
s it
Je ne sais pourquoi, mais cette phase de travail
commence par du coloriage. J’identifie les grandes
séquences du film à qui j’attribue une couleur, puis
note avec prudence quelques idées de timbre instrumental. Très tôt dans la réflexion, j’abandonne
l’idée de thèmes musicaux ; il n’y aura pas le thème
de Dantès, ni d’aucun autre personnage.
L’un des éléments importants de la préparation
est l’identification la plus précise possible du tempo
de toutes les danses. Il y a en effet beaucoup de
scènes de danse dans ce film : espagnole chez les
« Catalans », provençale lors des fiançailles, les
nombreuses valses à l’Opéra, etc. Pour repérer ces
tempi, je guète les pas des danseurs du film avec
mon métronome qui sonne, solitaire, au milieu des
jeux de Lila et des commentaires fanfarons qui
accompagnent la partie de pétanque des voisins,
dans le chemin. La chasse au tempo est un exercice d’autant plus difficile que Fescourt n’a pas toujours exigé de ses comédiens et figurants, une
rigueur rythmique à toute épreuve… Pendant la
danse « des Catalans » par exemple, certains
plans montrent des spectateurs battre des mains, à
des vitesses complètement différentes. Il me fallait
donc choisir un seul des personnages à suivre musicalement, celui qui attire le plus le regard du spectateur.
À notre retour à Paris, commence à proprement
parler, la composition. Le petit bureau du nouvel
appartement que nous occupons, contiguë à la
1.C'est-à-dire le time-code. 1.Étonnamment, il y en a assez peu dans ce film,
en comparaison des autres films muets sur lesquels j’ai travaillé.
MONTE-CRISTO
...
...
MARC-OLIVIER DUPIN
eur
Jo u r n a l d u c o m p o
chambre des filles, sera pendant cinq mois, ma cellule. Les longs fragments de nuits, cette proximité
m’aidera à tenir.
Pour chaque séquence, le travail est identique :
la préparation du papier à musique d’orchestre de
24 portées (parfois davantage avec les divisions
de parties de cordes) comprend le tracé des barres
de mesure puis le calcul du time-code pour chaque
mesure. Là encore, je gagne un temps extraordinaire avec le tableur Excel qui me permet de faire
très rapidement une flopée de règles de trois, me
donnant précisément les time-code que je dois
reporter sur chaque mesure de la partition, en fonction du tempo choisi.3
Lorsqu’il n’y a pas de contraintes liées à une
danse, c’est donc par le choix intuitif d’un tempo
que je commence.
Puis, je reporte sur la partition le résumé de l’action, plan par plan, parfois plus détaillé lorsqu’il y
a une action précise à illustrer dans le film : un baiser, un coup de revolver, la chute du linceul dans la
méditerranée, etc.
N’écrivant naturellement pas directement pour
orchestre, je prépare alors le « monstre » : une partition format italien, me permettant d’écrire l’ébauche de la musique, non instrumentée et souvent
incomplète, à partir de laquelle j’orchestrerai. L’un
des éléments fastidieux de ce travail est le report
des time-code et des résumés de l’action.
Tellement nourri du roman et du chef d’œuvre de
Fescourt, je décide à me jeter à l’eau et d’écrire
3.La règle de trois est toujours la même :
durée = (60 x nombre de temps x nombre de mesures) / tempo.
s it
dans la chronologie du film. Curieusement, ce principe me convient, alors que pour d’autres travaux,
il ne m’est pas toujours arrivé de composer « de
gauche à droite ». J’ai souvent composé de façon
plus « éclatée » comme un peintre traiterait différents fragments de l’espace de son tableau. Je
pense aussi que dérouler ce fil chronologique est
d’autant plus évident que Dumas mène son lecteur
avec une telle virtuosité, un tel suspens qu’aller de
l’avant me semble naturel. Et je dois dire, qu’à
aucun moment de ces cinq mois d’écriture je n’ai
éprouvé l’angoisse de la page blanche. Parfois
mécontent du travail de la veille ou de l’avant-veille,
il m’est arrivé de refaire des passages. Mais tellement porté par ce double chef-d’œuvre, littéraire et
cinématographique, je n’ai jamais éprouvé la peur
du vide.
Avant de commencer à proprement parler le travail d’écriture, je me pose de nombreuses questions d’ordre esthétique : faut-il écrire tonal ou atonal ? illustrer ou non l’action ? faut-il résister à l’extraordinaire éventail de sentiments par lesquels
nous font passer Dumas et Fescourt ? Dès les premières notes de septembre, plusieurs évidences
m’apparaissent.
La force de l’intrigue, l’intensité des sentiments
doivent être accompagnées au premier degré : il
me semble nécessaire d’écrire des musiques heureuses pour les moments de bonheur (par exemple
l’idylle entre Valentine et Maximilien), d’accompagner dans les tréfonds de la tristesses les situations
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dramatiques (la mort de Faria) ou parfois d’être
dans l’ironie d’un personnage (Caderousse, ivre).
Par ailleurs, la durée du film (3 heures et 42
minutes) nécessite de véritables contrastes musicaux. C’est pourquoi, je décide d’utiliser librement
un langage tonal allant du baroque à des univers
dissonants, en passant par des musiques modales
– notamment pour les scènes orientales -. Parfois,
le glissement du tonal vers l’atonal (ou le contraire)
se produit dans une même séquence.
Enfin, parce qu’il n’y aura pas de thèmes, je
prends le parti de faire correspondre des timbres
instrumentaux à chaque personnage principal :
Dantès s’incarne par le violoncelle solo, un cor ou
trois cors selon les scènes, Fernand par le basson,
Caderousse par la clarinette, Morrel par l’alto solo,
Julie par la flûte, Mercédès parfois par le violon ou
par le violoncelle, etc.
Et curieusement, malgré l’absence assumée de
thème, au fil de l’écriture, dans l’ivresse de l’urgence, des éléments récurrents émergent : une suite
de trois accords4, des mélismes en forme de chromatismes retournés, un certain usage du choral
luthérien, etc. Dès l’écriture, je pense au principes
de mixages que nous adopterons : souvent la musique doit être présente et « réaliste », mais dans certaines scènes elle se limite à une sorte de toile de
fonds, d’élément de décor lointain.
Ces mois d’écriture seront à la fois une épreuve
et un bonheur.
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Écrire une telle quantité de musique5 est avant
tout une épreuve physique à bien des égards : il est
difficile de se lever pendant la nuit pour travailler et
de lutter contre le manque de sommeil. Parfois la
main qui tient le crayon devient douloureuse. Des
petits maux surviennent : mal aux fesses de rester
assis plus d’une dizaine d’heures, certains jours ;
une chute dans la précipitation d’un mouvement
entre la table et le piano… La nécessité de rester
confiné entre la table à écrire, le piano et l’ordinateur6 a également suscité un sentiment de claustration quasi physique. Le raccourcissement des jours
d’hiver devient alors pesant. Comme Dantès ou
Faria, je ressens ce qu’exprime un des cartons du
film : « les jours succèdent aux jours… ».
D’un point de vue psychologique, l’immersion
dans une telle histoire est douloureuse. On intériorise des situations terribles : l’injustice envers Dantès, la séparation de Mercédès, la réclusion d’Edmond, la mort du père, celle de Faria et bien d’autres. J’ai énormément pleuré certaines nuits, tellement bouleversé par cette fiction dont je n’arrivais
pas à me distancier. Par moment, le détachement
est d’autant plus difficile à trouver que cette forme
de travail pour l’image, impose de voir et revoir
chaque plan des dizaines de fois de suite – parfois
par très courtes séquences.
Heureusement ces moments difficiles ont été largement compensés par de grandes joies. Tout
d’abord, je crois ne m’être jamais habitué à la
4.Probablement issus d’une pièce de Liszt, je n’arrive pas à me souvenir précisément de laquelle…
5.991 pages d’orchestre. J’avais parfois le sentiment d’être dans la situation des illuminés qui traversent
l’Atlantique à la rame ou qui réalisent des actes de ce genre, absurdes… 6.À la fois pour visionner
le DVD et pour préparer les tableaux Excel m’indiquant le time-code et la pagination.
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beauté de ce film, à la force de l’intrigue et à la
grandeur des acteurs. Le jeu des comédiens est
extraordinaire de modernité et de dépouillement. A
l’exception peut-être de la Carconte dont le jeu est
parfois exagéré (ainsi que son maquillage…), tous
sont d’un naturel confondant et d’une invention
réjouissante. Les incessants
arrêts sur image sont
autant de photographies
d’anthologie. En permanence, je ressens le privilège qui m’est donné,
d’écrire pour un tel film.
De plus, le bonheur
d’écrire autant de musique
pour orchestre est rare.
Même aux heures les plus dures, les plus solitaires
de ce travail, la gourmandise des timbres de l’orchestre ne me quitte pas.
La formation instrumentale sera la suivante :
1 flûte jouant piccolo, 1 hautbois, 1 cor anglais,
1 clarinette, 1 clarinette basse, 1 basson, 3 cors,
2 trompettes, 1 trombone, 1 tuba, 1 harpe, 1 timbalier, 2 percussionnistes (avec un grand nombre
d’instruments), et des cordes.
Par ailleurs, pendant toute cette période, bon
nombre de mes journées sont consacrées à l’Orchestre national d’Ile de France. J’y retrouve l’énergie de l’action partagée : les concerts, leur préparation, la gamberge sur les projets à venir, les
contacts avec les musiciens et les équipes administratives et techniques, avec le flot des agents ou des
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emmerdeurs qui veulent diriger, être joués, briller en
soliste, etc.
Pendant l’hiver, une courte pose intervint dans
mon travail d’écriture pour le film : la composition
de la musique du Cid, pour des comédiens du
Français mis en scène par Brigitte Jaques. La rencontre avec un autre texte,
tout aussi grand et universel, est salutaire. Les répétitions de théâtre demeurent
des moments privilégiés en
raison de l’acuité et de la
profondeur du travail de
Brigitte. L’approfondissement d’un tel texte est aussi
régénérateur que de travailler des suites de Bach pour violon seul.
Pendant ce temps, trois copistes se partagent la
mise en forme des partitions pour chaque pupitre
de l’orchestre. Par mail ou coursiers, les partitions
sillonnent l’Ile de France pour arriver dans le bureau
de David Stieltjes, le remarquable bibliothécaire
de l’Orchestre national d’Ile de France.
Puis, les premières séances d’enregistrement de
Monte-Cristo ont lieu fin octobre, avec une quarantaine de musiciens de l’Orchestre national d’Ile de
France, dans nos locaux d’Alfortville. J’ai naturellement de l’appréhension à diriger les musiciens de
l’orchestre dont je suis le directeur… d’autant plus
que je ne suis pas un chef professionnel. L’une des
difficultés étant de diriger en étant synchrone à
l’image ; cela demande du chef une redoutable
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précision. Mais, je dois dire que les séances se
déroulèrent à merveille, dans une excellente atmosphère. Mitsou Carré est une extraordinaire directrice artistique, maîtrisant magnifiquement la partition qu’elle découvre pratiquement en séance. Sa
douceur et son sens de la psychologie facilitaient
singulièrement le processus parfois répétitif et fastidieux de l’enregistrement. Michel Pierre et son
assistant Victor Laugier, avec un minimum d’équipement informatique, réalisent la prouesse de rendre
tout facile : notamment la synchronisation de
l’image et du son.
Cette première série d’enregistrement constitua
une étape stimulante pour moi ; les nombreuses
heures passées trouvaient une concrétisation heureuse. Deux autres périodes d’enregistrements
furent consacrées à la suite et fin de ce long feuilleton musical, en décembre puis en février. Il y eut en
tout environ une vingtaine de services d’enregistrement.
En novembre, le travail de composition pour le
film reprend.
Entre-temps, pour étudier la faisabilité de réaliser
l’été 2006, une avant-première du film en concert
au château d’If, Roland David7 et moi, descendons
à Marseille. Lors de cette journée de décembre
froide mais ensoleillée, nous prenons un bateau
pour visiter le château d’If. Je reconnais avec émotion, les nombreux lieux du tournage. Il est décidément difficile de croire que cette histoire n’est
qu’une fiction… Nous faisons le constat que malheureusement, il n’est pas envisageable d’en don-
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ner une représentation « live » au château : trop de
frais techniques, et un mistral qui, même en juillet,
peut rendre impossible le débarquement du public
dans l’île et perturber la représentation. Nous envisageons alors une diffusion sur les multiples écrans
installés dans la partie musée du château.
En janvier/février 2006, je commence à m’attrister de la fin imminente de ce travail… Vers les
pages 900, je commence à freiner l’allure dans la
seule crainte d’abandonner cette histoire et ces personnages.
La dernière séance d’enregistrement passée,
nous enchaînons sur le montage. Mistou a fait la
sélection des prises ou des fragments de prises ;
Michel a réalisé un premier pré-montage. Avec
Michel ou Victor commence le travail du montage
précis : avec « le ciseau et la colle informatique »
nous arrivons à caler la musique, à l’image près en
quasi-parfaite synchronisation. Je me réjouis alors
d’avoir composé avec ce degré fou de précision ;
j’ai le sentiment que cela convient au film.
Enfin, le travail s’achève en avril avec le mixage
définitif. Ce voyage aura duré six mois.
Pétunia, 3 avril 2006
Marc-Olivier Dupin
7.Directeur délégué à l’Orchestre national d’Ile de France. Roland a eu la bonne
idée de proposer cette collaboration à Anne Matheron, conservatrice du lieu.
Je remercie ma femme Emmanuelle et mes deux
filles Lila et Elia qui ont fait preuve de beaucoup
de patience pendant cette période parfois
difficile pour elles. Je leur dédie cette musique
dans laquelle il y a beaucoup d’amour.
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
on
Gé né ri qu e de la re stau ra ti
Ce film français muet produit en 1928-29 par
Films Louis-Nalpas, Paris
a été reconstruit en 2006, avec le concours de
GosFilmoFond De Russie
qui avait sauvegardé une version originale incomplète
et la participation de
Archives Françaises du Film
(Centre National de la Cinématographie)
qui a sauvegardé une version courte partiellement teintée, initialement préservée par
Stiftung Deutsche Kinemathek
&
une collection privée
qui conserve une copie Pathé-Rural.
Cette restauration digital-cinéma a été réalisée par
Thierry Delannoy, Christelle Vinchon, Jean-Rémi Morançais, Frédéric Chabbal
& Laurent Jégu, sous la direction de Juan Martin Eveno & Angelo Cosimano
sous la direction artistique de
Jean Michel Ausseil (producteur délégué)
avec la collaboration de Lenny Borger
(consultant exécutif)
& Jacques Poitrat
(Unité de Programmes Cinéma)
assisté de Clélia Sainton (Université Paris VIII, Paris-St Denis)
MONTE-CRISTO
MONTE-CRISTO
on
Gé né ri qu e de la re stau ra ti
Musique originale de Marc-Olivier Dupin
interprétée par : Ann-Estelle Medouze (Premier violon supersoliste), Stéfan Rodescu, Bernard Le Monnier
(Violons solos), Jean-Michel Jalinière, Flore Nicquevert (Chefs d'attaque des seconds violons), Yoko LevyKobayashi, Virginie Dupont, Sylviane Touratier, Marie-Laure Rodescu, Delphine Douillet, Julie Oddou,
Isabelle Durin, Anne-Marie Gamard, Jean-François Marcel, Bernadette Jarry-Guillamot, Pierre-Emmanuel
Sombret, Grzegorz Szydlo, Marie Clouet, Justine Zieziulewicz (Violons),Renaud Stahl, Sonia Badets,
Inès Karsenty, François Riou, Anne-Marie Arduini, Solange Marbottin, Catherine Méron, David Vainsot,
Bénachir Boukhatem (Altos), Frédéric Dupuis, Jean-Marie Gabard, Bernard Vandenbroucque, Céline
Mondésir, Camilo Peralta (Violoncelles), Robert Pelatan, Jean-Philippe Vo Dinh (Contrebasses), Hélène Giraud
(Flûte), Jean-Michel Penot (Hautbois), Marianne Legendre, Christelle Chaizy (Cors anglais), Henri Lescourret,
Frédéric Bouteille (Bassons), Tristan Aragau, Benoît de Barsony, Annouck Eudeline (Cors), Nadine Schneider,
André Presle (Trompettes), Laurent Madeuf (Trombone), André Gilbert (Tuba), Jacques Deshaulle (Timbales),
Pascal Chapelon, Didier Keck (Percussions) et Florence Dumont (Harpe)
de
sous la direction du compositeur Marc-Olivier Dupin, enregistrée à
Alfortville, 25-28 octobre
Ingénieur du Son (enregistrement & montage-mixage) :
& 15-17 décembre 2005.
Michel Pierre (arietec), assisté de : Victor Laugier
9-10 février 2006
sous la direction artistique de Mitsou Carré
Gravure musicale : Frédérique Walter, Michel Cossement,
Olivier Jeannot.
Une re-production
Postproduction
Natacha Louis (coloriste), Arnaud Belloir,
Julien Souchet (finalisation) & Jérémy Le Bris (report son)
Adaptation anglaise : Frédéric Dussoubs.
en association avec Succession Henri Fescourt
avec la participation de
&
Administration de production :
Marie-Pierre Mourne assistée de Valérie Louis.
www.zzproductions.fr
Remerciements : Philippe Esnault, Alain Resnais, Antoinette Lacorne & Denis Lacorne, Me Henri Choukroun, Claude Nalpas & Jeanne Nalpas, Francis
Lacassin, François de la Bretèque, René Clémenti-Bilinski, Mireille Beaulieu, Jean-Louis Milla, Carole Costille, Pierre Triapkine, Laurent Coulon, Nikolaj Borodatchov,
Valery I. Bossenko, Sonya (Technovid M), Virginie Devesa, Serge Bromberg & Éric Lange, Denis Auboyer, Catherine Colonna & Véronique Cayla, Boris Todorovitch,
Michelle Aubert, Eric Le Roy, Eva Orbanz, Raymond Neveu, Claude Bertemes, Christophe Gauthier, Marc Vernet, Anne-Élisabeth Dutheil de la Rochère-Buxtorf,
Mark-Paul Meyer, Marianne Hietbrink, Rob Lambers, Davide Pozzi, Michele Canosa, Roland David, Catherine Delcroix, Catherine Vauchelles, Bernard Chapelle, David
Stilejes, Marie-Béatrice Bertrand, Emmanuelle Lucchini-Dupin, Anne-Laure Henry-Tonnerre, Guillaume Sciama, Micheline Martin, Anne Matheron, Apolline Quintrand,
Micheline Gardez, Philippe Paquot, Thierry Frémaux, Nancy Nottingham, Philippe Becq, Virginie Regnauld, Claude Carestia, Caroline Levesque, Emmanuel Suard,
Jean Rozat, Karen Byot, Dominique Blain, Agnès Buiche-Moréno, Clémence Fléchard &
® 112 049 / ZZ Productions, 2005.
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