Programme détaillé - Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc

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Programme détaillé - Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
RENCONTRES IMPROBABLES …
AVEC LES GENS DE LA HAUT
PROGRAMME
DETAILLE
9-10 ET 11 OCTOBRE 2015
BIBLIOTHEQUE NATIONALE DU ROYAUME DU MAROC
INTRODUCTION
Le long week end du 9-10 et 11 octobre, à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc à Rabat va
permettre des rencontres improbables entre :
-
une association de Tanger (Association Al Boughaz) et une association de la vallée des Ayt Bou
Oulli (Association Anegbi d’Abachkou Haut Atlas Central) autour du projet central de réalisation
de fresques sur Ibn Battouta lors de son « voyage extraordinaire dans la vallée des Ayt Bou
Oulli » qui sera développé par les enfants des écoles de la vallée durant toute l’année scolaire
2015-2016.
-
les fresques sur les voyages d’Ibn Battouta réalisées par les enfants des écoles de Tanger
(Medina et casa barata), Chaumont (Wallonie Belgique) et Bruxelles et les enfants des écoles et
collèges de Rabat Salé.
-
Les tisseuses de tapis de la vallée des Ayt Bou Oulli et les citadins de Rabat Salé.
-
un auteur tangérois (Lotfi Akalay) et ses lecteurs et amis de Rabat Salé autour de ses livres
récents
-
les citadins de Rabat Salé et un livre sur la vallée des Ayt Bou Oulli, le voyage et la rencontre
avec l’Autre, la beauté des montagnes marocaines et des jbala qui les habitent, la splendeur
simple des arts amazigh, l’architecture « écologique » des ksours de terre.
-
un groupe de chanteurs et de danseurs d’Ahwach de la vallée des Ayt Bou Oulli et la chorale
« les voies du chœur » de Rabat
-
un atelier papier pour les enfants de Rabat sur le parvis du musée Mohamed VI d’art
contemporain et moderne.
-
entre deux poètes autour des poèmes de Mririda N’Ayt Attiq: Mohamed Balbal l’amazigh
« mustaarab » et Michael Peyron, le français « mustchalhit ».
-
entre linguistes, sociologues, économistes et psychanalystes, avec trois débats tournant autour
du tissage, de la transmission, des femmes amazigh, de modèle de développement durable
dans les montagnes, du débat linguistique entre arabe fosha et arabe darija au Maroc.
Rencontres improbables avec les « gens de là haut »
Préparatoires au projet
« Le voyage extraordinaire d’Ibn Battouta dans la vallée des Ayt Bou Oulli »
Vendredi 9 octobre 2015
15 h : Auditorium
18 h 30 : Parvis
De quoi le développement des zones montagneuses est il le nom ?
Quel « modèle de développement durable» est possible dans les zones
montagneuses et enclavées ?
Avec Larbi Firdawcy (Targa Aides), Mohamed Ait Benkoum, Fatna Oulhssaiene,
Larbi Zagdouni, Mohamed Tamim, Mohamed Ait Hamza, Mohamed Tozy,
Michael Peyron, Mohamed Mahdi, Mohamed Bourass
Présentation et modération : Youssef Fehry Fassy
Exposition vente des estampes de Titouan Lamazou
18 h 30 :
Esplanade
Vente du livre « Onze lunes au Maroc: Chez les Berbères du Haut Atlas »
de Titouan Lamazou et Karin Huet
Exposition des fresques sur Ibn Battouta réalisées par les enfants de Tanger
(Médina et Casa Barata), de Bruxelles et de Chaumont (Brabant Wallon)
Exposition vente de tapis berbères de la vallée des Ayt Bou Oulli
avec atelier de tissage
Chants et danses du Haut Atlas groupe Ahwach de la vallée des Ayt Bou Oulli
Samedi 10 octobre 2015
9 : 30
Esplanade
Exposition vente de tapis berbères de la vallée des Ayt Bou Oulli
avec atelier de tissage
Exposition des fresques sur Ibn Battouta réalisées par les enfants de Tanger
(Médina et Casa Barata), de Bruxelles et de Chaumont (Brabant Wallon)
9 : 30
Parvis
9 : 30
Auditorium
Stand tenu par la Banque Alimentaire du Maroc : actions réalisées et futures
dans la vallée des Ayt Bou Oulli (distribution alimentaire et caravane médicale)
Exposition vente des estampes de Titouan Lamazou
Vente du livre « Onze lunes au Maroc: Chez les Berbères du Haut Atlas »
de Titouan Lamazou et Karin Huet
De quoi le tissage des femmes du Haut Atlas est il le nom ?
Débat sur Tissage, femmes, transmission et développement
Avec Touda Boussena, Fatna Oulhssaiène, Amina Agueznay, Farid Merini, Ali
Amahan, Mustapha Oukeja
Présentation et modération : Youssef Fehry Fassy
9 : 30
Esplanade
11 : 30 Esplanade
14 : 00 Auditorium
15 : 00 Auditorium
17 : 00
Auditorium
18 : 00
Auditorium
18 : 30 Auditorium
Vente du livre « Onze lunes au Maroc: Chez les Berbères du Haut Atlas »
de Titouan Lamazou et Karin Huet
Malika Editions et Fondation Abderrahmane Slaoui
Inauguration officielle des fresques d’enfants sur Ibn Battouta par Mr Rachid
Taferssiti, Président de l’Association Al Boughaz
Petite introduction à la poésie de Mririda N’Ayt Attiq
Avec Michael Peyron et Mohamed BALBAL, poètes
De quoi le débat darija/arabe fossha est il le nom ?
Langue vulgaire, langue savante et langue sacrée au Maroc
Point de vue de psychanalystes, d’écrivains, de linguistes et de militants
amazigh
Avec Fouad Benchekroun, F. Merini, Abdellah Bounfour, Ahmed Aassid,
Mohamed Ouahmani
Présentation et modération : Youssef Fehry Fassy
Signature par Lotfi Akalay de ses nouveaux livres : « Aicha disait », « le voile
ne cache pas tout », « Tanger, c’est Tanger », « Conversations avec Ibn
Battouta », « Ultra Lalla »
Lecture par Catherine et François Baret, éditeurs Editions Frogeraie
Signature de conventions de partenariat avec les associations partenaires
- Convention MEN et Aguenbi pour le projet « Ibn Battouta dans les Ayt
Bou Oulli »
- Convention pour la création de l’association Ima des amis de la vallée
des Ayt Bou Oulli
Concert du groupe Ahwach d’Ayt Bou Oulli avec la batucada des Overboys
Dimanche 11 octobre 2015
9 : 00 Esplanade
Exposition vente de tapis berbères de la vallée des Ayt Bou Oulli
avec atelier de tissage
Exposition des fresques sur Ibn Battouta réalisées par les enfants de Tanger
(Médina et Casa Barata), de Bruxelles et de Chaumont (Brabant Wallon)
10 : 00 Esplanade
15 : 00 Musée
Mohamed VI d’art
moderne et
contemporain
17 : 00 Esplanade
Stand tenu par la Banque Alimentaire du Maroc : actions réalisées et futures
dans la vallée des Ayt Bou Oulli (distribution alimentaire et caravane médicale)
Chants et danses du Haut Atlas groupe Ahwach de la vallée des Ayt Bou Oulli
Atelier de papier réalisé avec des enfants de Rabat
Sur le thème « Que la montagne d’Ayt Bou Oulli est belle »
animé par Christine Keyeux, artiste
Chants et danses du Haut Atlas groupe Ahwach de la vallée des Ayt Bou Oulli
Tapis et tissages de la vallée des gens heureux
Au coeur d’une vallée berbère du Haut Atlas Central, à flanc de montagne, pays abrupt de terre et de
glaise aux conditions de vie précaire, des femmes tissent.
Elles tissent leurs humeurs, leurs souhaits, leurs espoirs et leur désir.
Elles tissent des tapis magnifiques aux couleurs naturelles.
Elles tissent des couvertures, des châles, des burnous aux tons uniques.
Elles tissent une trame où le langage s’entrelace avec la langue, où le symbolique se noue à l’imaginaire.
Et parfois le miracle a lieu lorsque la parole surgit dans cette trame qui se tisse.
La vallée des Ayt Bou Oulli (Province d’Azilal) est une vallée perdue, oubliée où les gens ne se sont pas
perdus.
Ils sont heureux malgré l’adversité de la terre, du temps, des coutumes et des traditions.
Ces tapis et tissages seront exposés et mis en vente, au profit des femmes et associations de la vallée, le
vendredi 9, le samedi 10 et le dimanche 11 octobre 2015 sur le parvis de la Bibliothèque Nationale du
Royaume du Maroc à Rabat.
Venez nombreux, vous émerveiller
Exposition des fresques sur Ibn Battouta
Réalisées par plusieurs centaines d’enfants des classes des écoles de la médina de Tanger, de Casa
Barata, de Chaumont (Brabant Wallon) et Bruxelles. Ce projet initié par l’association Al Boughaz de
Tanger a été conçu et encadré par Christine Keyeux Schnoller, artiste plasticienne. Après Tanger et la
Belgique, Ibn Battouta va voyager dans les montagnes et vallées du Haut Atlas marocain
EN PARTENARIAT AVEC L’ASSOCIATION AL BOUGHAZ DE TANGER
Signature et vente des livres de Lotfi AKALAY
Lotfi Akalay , né en 1943, est un écrivain tangérois, mondialement connu dans son quartier, comme il se
plaît à dire. Sa plume tout en finesse, lucide, parfois caustique mais toujours bienveillante nous entraîne
dans des chemins de traverse aussi étonnants qu'insolites. Son regard sans complaisance, sa curiosité
affutée nous ouvre ce monde si complexe dans lequel nous vivons.
EN PARTENARIAT AVEC FROGERAIE EDITIONS
ONZE LUNES AU MAROC CHEZ LES BERBÈRES DU HAUT ATLAS
En 1982, Titouan Lamazou, jeune artiste encore inconnu du monde de la mer, et sa compagne Karin
Huet, écrivain, sillonnent à dos de mulet la vallée des Ayt Bou Guemmaz et celle des Ayt Bou Ouli,
vallées du Haut Atlas marocain bloquées six mois de l’année par les neiges.
Pour s’intégrer dans la vie locale, les deux voyageurs ont proposé leurs services d’enlumineurs de
plafonds et étudié dans ce but la décoration islamique traditionnelle des plaines arabes. Très vite
convaincus de la richesse et de l'originalité de cet artisanat local et pressentant l’imminence de la
disparition de cet art populaire, ils s’empressent de photographier l’ensemble des décors peints dans
une soixantaine de villages des deux vallées.
Ce témoignage précieux et touchant d’une époque révolue prend aujourd’hui toute sa dimension
ethnologique. Le goudron, qui recouvre depuis la piste d’accès aux vallées, a amené les touristes en plus
grand nombre, le confort et la modernité avec leur corollaire de béton.
Cette réédition marque le trentième anniversaire de la sortie du premier carnet de voyage de Titouan
Lamazou et de Karin Huet. C'est la compilation en un seul volume de deux publications : Un hiver
berbère, recueil de dessins et d’aquarelles de Titouan illustrant le journal de Karin, et Sous les toits de
terre, album photographique consacré à la décoration des salles d’hôtes de l’habitat berbère des
montagnes.
EN PARTENARIAT AVEC LES EDITIONS MALIKA ET LA FONDATION ABDERRAHMANE SLAOUI
Introduction à la poésie de Mririda n’Ayt Attiq
Il est triste qu’une figure poétique aussi légendaire que Mririda N’Ait Attik soit complètement ignorée
dans l’histoire du Maroc moderne. Mririda, la poétesse amazighe, a laissé derrière elle une œuvre
singulière et puissante. Mais, sa condition d’abord de femme libre «qui choisissait ses amants» et
d’«amazighe» ne plaidait pas forcément en sa faveur.
Née dans le village de Magdaz dans la Haute Tassaout, région d’Azilal au cœur du Haut Atlas. La poésie
de cette muse amazighe, faite essentiellement de chants d’amour et de désir, nous est parvenue
aujourd’hui grâce à René Euloge, un instituteur français. Euloge qui parlait la langue amazigh avait
rencontré à plusieurs reprises la poétesse et procédé à la transcription de ses poèmes avant de les
traduire en Français. «La traduction la plus fidèle ou la plus adroite ne parvient pas à restituer
pleinement la saveur d’une telle poésie», écrit Euloge dans la préface des «chants de la Tassaout».
« En l’écoutant chanter monts et vallées, avec la vie quotidienne au village, ses drames familiaux, ses
joies et ses peines, je me persuadais qu’elle atteignait à ces moments-là la plus haute élévation de
pensées et de sentiments et, qu’on paroxysme de ses envolées lyriques, une sorte d’ivresse la
transfigurait en l’allégeant des misères terrestres». «Arrivant d’un monde attardé, voici donc les chants
de la Tassaout. Ils nous parviennent comme ces longues fumées bleues, fleurant le thuya et le pin, qui,
le soir, s’élèvent au creux des vallées ignorées du Haut Atlas, si lointaines».
Michael Peyron, professeur universitaire à Rabat et à Grenoble, spécialiste de la langue amazigh, de la
littérature et de la poésie berbère. Grand connaisseur des montagnes marocaines, il traduit en anglais
les « chants de la Tassaout », recueil des poèmes de Mririda n’Ayt Atiq.
Mohamed Balbal, d’origine amazigh (région de Tiflet), est un poète en langue arabe. Il est l’organisateur
du festival international de poésie de Tiflet, qui rassemble tous les deux ans, des poètes de l’ensemble
des pays arabes.
« Que la montagne des Ayt Bou Oulli est belle »
Atelier de collage papier pour les enfants
Animé par Christine Keyeux Schnoller, artiste plasticienne de Tanger, cet atelier de collage est organisé
en partenariat avec le Musée Mohamed VI d’art moderne et contemporain.
Il se tiendra sur le parvis du musée le dimanche 11 octobre à 15 heures.
EN PARTENARIAT AVEC LE MUSEE MOHAMED VI D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN
LES DEBATS IMPROBABLES
De quoi le développement des zones montagneuses est il le nom ?
« Nous avons conscience de l’ampleur du déficit
qui s’est accumulé depuis des décennies
dans ces régions, malgré toutes les initiatives et
tous les efforts qui ont été déployés »
S.M. Le Roi Mohamed VI
Discours du Trône 2015
Le dernier discours du Trône constitue incontestablement une rupture réelle avec le passé puisque les
zones montagneuses marocaines, zones de précarité enclavées géographiquement par excellence, ont
retenu longuement l’attention du chef de l’Etat 1.
Cette «dernière frontière » au sens américain du terme, devra être repoussée et ces zones devront
dorénavant être intégrées dans l’économie de marché, par le biais d’un important programme intégré
d’intervention des pouvoirs publics.
Comment expliquer l’intérêt nouveau du centre pour ces zones à la marge ?
La non intégration de vastes espaces (22% de la superficie totale) très peuplées (20% de la population
totale) à l’effort de développement du Royaume depuis l’indépendance, a abouti à la mise en danger de
la cohésion territoriale notamment en favorisant des zones de précarité très fortes.
Cette non intégration se traduit par des coûts financiers, économiques et surtout sociaux, qui
impactent fortement et durablement la croissance économique du Royaume (perte de points de
croissance). Le Maroc ne peut espérer augmenter en moyenne, sur le moyen terme, son taux de
croissance s’il ne résorbe pas rapidement ces asymétries.
En outre, les défaillances et retards en matière d’investissements publics coûtent et couteront de plus
en plus cher à l’avenir pour être résorbés et rattrapés.
Enfin, l’enclavement « mental » des populations qui a longtemps existé du fait de l’enclavement
géographique, a été levé du fait des importants déplacements des hommes et de l’accès aux moyens
modernes de communication (TV satellite, GSM, 3G, etc…). Les femmes et hommes de ces zones
montagneuses aspirent très fortement au changement et ne supportent plus leur actuelle
marginalisation2.
Le modèle de développement rural des plaines et plateaux est il soutenable en zones
montagneuses ou enclavées ?
Piloté par le Ministère de l’Intérieur, tuteur des collectivités locales, avec l’appui de ministères
techniques (Agriculture, Equipement, Habitat, Tourisme parfois), ce modèle a été principalement
développé dans les plaines et plateaux du Royaume et visait la transformation de zones fondées sur une
1
les élites politiques, administratives, économiques et intellectuelles devront dorénavant intégrer le fait que le Maroc est un
pays de montagnes.
2
La campagne électorale actuelle dans les zones montagneuses est surprenante car beaucoup plus politisée que dans les villes
agriculture d’autosubsistance en zones de production pour le marché visant d’abord
l’approvisionnement des villes et les exportations vers l’Europe.
Principales caractéristiques :
-
Les anciennes pistes sont progressivement goudronnées et des ouvrages d’art sont réalisés
permettant l’accès et la pénétration des camions de marchandises
-
L’eau d’irrigation est amenée par l’administration de l’agriculture (grande irrigation et Petite et
Moyenne Hydraulique)
-
Le Fonds de Développement Agricole subventionne les paysans pour le creusement de puits,
l’installation de la micro irrigation (goutte à goutte), la plantation de cultures spéculatives
(oliviers, pommiers, amandiers), la construction d’étables pour passer d’un élevage extensif à un
élevage intensif (viande rouge mais aussi viandes blanches)
-
Un marché foncier se développe dans les zones agricoles et dans les petits centres urbains
induisant des investissements en production et en construction
-
L’Etat et les collectivités locales développent les infrastructures de base (électricité, eau potable,
assainissement, voirie) et sociales (écoles, collèges, centres techniques) des petits centres
urbains
-
La création d’emplois de service dans le commerce, la construction, la mécanique agricole mais
aussi dans l’agriculture avec de nouvelles spécialités,
-
Les élections favorisent la création de notabilités qui deviennent par la suite des entrepreneurs
et des investisseurs de la région (agriculture, matériaux de construction, industrie) mais surtout
des mobilisateurs de l’action gouvernementale
Nous devons nous interroger si ce modèle de développement rural développé avec succès il faut le
reconnaitre, dans les plaines et plateaux du Royaume, est pertinent pour les zones montagneuses et
enclavées qui se caractérisent par :
-
une rareté de terres cultivables,
un environnement dégradé et fragile,
une culture amazigh fragile,
une architecture adaptée à la rudesse du climat,
et une solidarité tribale.
Ce modèle agit comme un « désagrègateur » des structures traditionnelles d’autosubsistance pour
introduire la monétarisation, la production pour le marché et la pénétration des matériaux de
construction bétonnés.
Nous savons que les sociétés résistent aux effets pervers du changement : la vallée des Ayt Bou Oulli a
refusé le développement du tourisme de montagne après avoir constaté ses effets pervers (introduction
de l’alcool, chambardement des rapports sociaux, etc..) dans la vallée des Ait Bougmez.
En partant des diverses expériences (Ait Bougmez, Ounein, Moyen Atlas central, Rif, etc…), quel modèle
de développement penser pour concilier respect des valeurs des marocaines et marocains des
montagnes et exigences de ces derniers ?
Quelle place laisser à l’économie solidaire et aux associations tant locales, nationales
qu’internationales dans ce nouvel effort ?
Quelles productions agricoles (rosacées, élevage, transformation des productions locales) favoriser pour
ne pas bouleverser le fragile équilibre écologique (manque d’eau, déforestation, terrains de parcours
surexploités) ?
Quelles activités tertiaires (tourisme rural, tissage, transport, petite industrie, etc…) favoriser ?
Quelles élites nouvelles joueront le rôle de mobilisateurs de l’action gouvernementale ?
Quelles places nouvelles pour les femmes ?
Participants :
Larbi Firdawcy : Président délégué de l’association Targa Aide
Mohamed Tozy : professeur universitaire, directeur de l'École de gouvernance et d'économie de Rabat
Michael Peyron : ancien professeur universitaire, très bon connaisseur du Haut Atlas
Larbi Zagdouni : Agro économiste, ex directeur du Département du Développement Rural (IAV Hassan II)
Mohamed Tamim : Urbaniste professeur universitaire, membre du projet Ounein
Mohamed Mahdi : Sociologue, professeur universitaire à l’Ecole Nationale d’Agriculture Meknès
Mohamed Ait Hamza : Géographe, IRCAM
Mohamed Ait Benkoum : président de l’association Anegbi
Fatna Oulhssaiene : présidente de la coopérative des tisseuses de Ayt Mzalt
Mohamed Bourass : élu communal
Animateur et modérateur : Youssef Fehry Fassy
Lieu : grand auditorium de la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
Date : vendredi 9 Octobre 2015 à 15 heures
De quoi le tissage des femmes du Haut Atlas est il le nom ?
Nos grilles de lecture modernes nous conduisent parfois à dresser un tableau noir de la situation des
femmes du Haut Atlas et des marocaines des montagnes en général :
-
une division sexuelle du travail qui les confine à la sphère privée et dans les corvées des plus
ingrates (eau, collecte du bois) ;
-
une exploitation économique par les hommes (les pères, les maris, les marchands et les
intermédiaires) en échange d’une protection par le groupe et d’une relative insertion sociale ;
-
une marginalisation de ces femmes dans leur langue maternelle (amazigh) avec des difficultés
d’apprentissage de la darija sauf pour celles qui ont étudié à l’école ou qui ont émigré vers les
villes et les plaines ;
-
une « déchetisation » des femmes dans le discours des hommes (al mra hachak).
Tous ces constats ne reflètent en fait que les manifestations d’un ordre patriarcal implacable dans un
environnement géographique qui l’est tout autant.
Et si la survie durant des siècles des groupes humains habitant les montagnes du Maroc était à ce prix ?
Et si ces grilles de lectures (urbaines, occidentalisées) qui sont les nôtres, étaient trompeuses nous
masquant les aspirations, les revendications, les rebellions de ces femmes du Haut Atlas, de ces
marocaines des montagnes ?
Le tissage comme métaphore du compromis entre tradition (transmission) et modernité (rebellion)
Puisque l’accès à ces femmes au travers de leur parole directe, nous est interdit du moins pour certains
d’entre nous, pour des raisons évidentes de langue et de confinement à la sphère privée, à nous alors
de décrypter leur dire au travers des œuvres qu’elles produisent spécifiquement comme les tissages.
Le tissage serait alors dans l’inter-dit, c'est-à-dire ce qui est entre-dit, ce qui pourrait être dévoilé par
l’étude attentive des répétitions métonymiques et graphiques et de la métaphore qui en est la trame.
Les tissages pourraient être lus comme des œuvres littéraires, écrites dans l’entrelac de la lanque
amazigh (collective et imaginaire) et du langage (individuel et symbolique).
Les tissages seraient alors des créations artistiques qui nous parlent si nous savons les écouter, des
œuvres écrites dans des lettres et des signes auquel nous n’avons pas accès.
Comment alors lire le tissage des femmes du Haut Atlas ?
L’artiste le lirait comme une œuvre artistique, une création unique accordant une attention aux
dimensions esthétiques et graphiques de l’œuvre.
Le psychanalyste le lirait comme une métaphore de l’entrelac du langage (individuel, symbolique) et de
la langue (collective, imaginaire), qui exprimerait les désirs, fantasmes, peines et angoisses de la
tisseuse. Et c’est dans l’interstice entre les fils que parfois la parole jaillit et advient.
Les tisseuses seraient ainsi des psychanalystes qui s’ignorent puisqu’elles sont des spécialistes de la
métaphore de l’entrelac de la langue et du langage et de l’émergence de la parole à travers ces derniers.
Le tissage serait alors le nom d’une créativité individuelle, mais aussi de la transmission par laquelle les
mères intègrent leurs filles dans une soumission à la tradition (division sexuelle du travail, soumission à
l’ordre patriarcal, etc..)
Le tissage comme outil de développement économique et d’autonomisation des femmes
Le tissage pourrait il devenir une activité marchande qui permettrait aux femmes de desserrer le carcan
patriarcal en ne les confinant plus à la sphère privée (accès aux marchés et aux intermédiaires) et en
leur permettant de bénéficier directement des fruits de leur travail.
Nous avons deux exemples dans la vallée des Ayt Bou Oulli, de femmes qui ont réussi dans cette voie
d’émancipation économique :
Touda Boussena : qui tisse depuis de longues années et qui a bénéficié de la clientèle étrangère et
nationale qui vient dans leur gite Azoul à Aguerd Igleouane. Elle a aussi collaboré avec des décorateurs
étrangers en réalisant des tapis particuliers.
Actuellement ses tissages et tapis sont vendus par internet sur le site américain
Fatna Oulhssaïène : Fatna a créé une coopérative de femmes tisseuses à Ayt Mzalt après avoir été
expulsé d’une association où elle dirigeait l’atelier de tissage. Elle a pris son autonomie puisqu’elle est
capable de participer aux différents festivals d’artisanat qui ont lieu au Maroc et parfois même à
l’étranger (France).
Le débat tournera autour de l’expérience de ces deux tisseuses et des perspectives nouvelles qui se
présentent avec l’introduction des nouvelles technologies et avec le développement des rapports
marchands capitalistes.
En outre, dans cet atelier, participeront :
Amina Agzenay artiste et architecte décoratrice qui a animé des dizaines d’ateliers de création avec des
femmes tisseuses des régions enclavées du Maroc en collaboration avec le MCC.
Farid Merini, Psychanalyste a participé avec Fatema Mernissi à une importante étude sociologique et
anthropologique sur les tisseuses de Tazenakht
Ali Amahan, Anthropologue et fondateur de plusieurs associations de développement dans le Haut Atlas
Animateur et modérateur : Youssef Fehry Fassy
Lieu : grand auditorium de la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
Date : samedi 10 Octobre 2015 à 9 h 30
De quoi le débat arabe fossha / arabe darija est il le nom ?
Langue savante, langue vulgaire et langue sacrée au Maroc
Introduction
Les psychanalystes sont connus pour être avares en paroles, du moins lors du déroulement d’une cure.
Lors du fameux débat sur l’introduction de la darija dans l’enseignement primaire, ils n’ont pas du tout
parlé et je dirais même qu’ils se sont tus alors que la langue et le langage sont leurs principaux outils de
travail.
Comment expliquer leur silence ?
-
Est-ce un refus de participer à la névrose collective et à la foire d’empoigne qui en a suivi dans
les journaux et les réseaux sociaux ?
Est-ce leur « exil psychique et linguistique » dans la langue de Molière qui expliquerait qu’ils ne
seraient aucunement concernés par ce débat idéologique qui a opposé des amazigh
« mustaarab », un lettré savant et un acteur social « mustafrans » intervenant dans l’éducation
non formelle ?
Lever avant tout quelques confusions avant de débattre
La langue maternelle est la langue dans laquelle la mère introduit son enfant au symbolique, à savoir le
pouvoir de nommer les choses et les objets. L’enfant, lorsqu’il entre à l’école et notamment en classe
maternelle (qui porte bien mal son nom puisqu’elle « dématernalise » l’enfant), est amené par
l’instituteur à passer par la perte de cette langue maternelle (castration) et à entrer dans la langue du
savoir, qui relève du registre de l’imaginaire.
Cette castration autorise ainsi un certain accès à la virilité et donc à la « maitrise » ce qui permet à
l’enfant « sujet » de jouer au « maitre »3. S’ouvrent alors pour lui les portes d’accès de l’écriture et de
la lecture de la poésie, de la littérature, des contes, des sciences, du savoir bref.
Et de la jouissance de la lettre…. Le sujet peut alors s’exiler dans cette nouvelle langue, l’habiter, la
défendre et la promouvoir surtout si sa langue d’origine est non écrite.
Quelque soit sa langue maternelle (amazigh, darija, français ou espagnol), l’enfant est amené à la perdre
au profit d’une autre langue enseignée et écrite (arabe fossha, français, espagnol et plus récemment
l’amazigh).
La darija (ou les darija puisque il en existe plusieurs) est la langue vernaculaire pour ne pas dire vulgaire,
c'est-à-dire parlée par le peuple (3ama). Non écrite, donc non disciplinée par une grammaire et des
règles, elle est libre et évolue, s’adapte, crée de nouveaux mots, importe des mots provenant d’autres
langues étrangères. Elle est le témoignage vivant de la créativité du peuple qui n’hésite pas à la triturer,
à la torturer, à la mélanger, à la retourner et à la détourner.
3
Charles Melman : langue maternelle et castration in problèmes posés à la psychanalyse Editions ERES 2009
L’arabe fosha (ou encore arabe classique) est avant tout une langue écrite dont les règles grammaticales
ont été fixées par le perse Sibawaih dans son livre Al Kitab, ce qui est révélateur de la tendance des
« vaincus » à adopter et à défendre la langue des « vainqueurs ».
L’arabe fosha est la langue des maîtres, la langue maîtrisée par l’élite politique, religieuse et
économique (Khassa) et notamment les Ulama (littéralement « ceux qui savent »). C’est la langue
savante par excellence, langue de la littérature, de la poésie, des écrits diplomatiques et administratifs.
La maitriser, c’est faire partie de l’élite, de la « khassa ».
L’arabe du Coran n’est pas l’arabe fosha : c’est le dialecte des Banu Quraish mais en partie, car d’autres
mots provenant d’autres dialectes de la péninsule arabique y ont été introduit. C’est la langue dite
« sacrée ».
Cette « sacralité » de la langue arabe a profondément marqué la pensée de la civilisation arabomusulmane4 durant des siècles. Alors que l’histoire montre que le Coran a pendant longtemps été
enseigné dans des langues vernaculaires.
Le Maroc entre bilinguisme et polyglossie
L’Europe a vu sur plusieurs siècles, l’émergence d’états nations se constituer par la guerre et par
l’imposition par les pouvoirs centraux de leur langue comme langue administrative, judiciaire et parfois
savante de ces états nations. C’est le cas du « françois » de l’Ile de France, du castillan de la région de
Madrid, du florentin de la région de Florence, du « rus » dans la région de Moscou etc…
Le monde « arabe » a connu une autre évolution : les « états nations » sont de création récente, avec les
luttes de libération nationale contre l’occupant européen et la langue arabe a été un instrument de lutte
contre les occupants et l’imposition de leur langue (français et anglais).
Les pays « arabes » se définissent comme des pays où la disglossie (sinon la polyglossie) est généralisée :
l’arabe fossha est la langue des élites politiques, administratives, intellectuelles (Khassa) et la darija la
langue du peuple (3ama) même si d’autres langues peuvent être parlées comme le tamazight, le kurde,
le turc…
Le Maroc se caractérise par une grande richesse linguistique mais le bilinguisme (français arabe) est de
mise dans quasi toutes les institutions du pays. Deux langues de « vainqueurs », d’élites, se côtoient, se
toisent et se combattent parfois.
C’est aussi le cas de l’arabe fossha (arabe classique) et de la darija (langue vernaculaire) : elles se
côtoient, elles se doublent, se toisent et se combattent férocement quand la darija lève le nez.
Quelle langue comme vecteur d’insertion et de développement de l’enfant dans l’école ?
La proposition d’un acteur associatif intervenant dans l’éducation non formelle, d’introduire une darija
écrite dans l’enseignement primaire en vue de faciliter l’insertion des enfants accédant à l’école, a
suscité un débat « inoui » qui a secoué l’ensemble de la société marocaine.
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Cf la langue d’Adam de Abdelfattah Kilito
Ecrits scientifiques, points de vue, débats sur les réseaux sociaux, invectives, insultes, politisation des
idées, ont caractérisés ce débat. Vous le connaissez tous.
Quelles forces sont en présence ?
Quelles sont ces nouvelles élites « mustaarab » qui défendent l’arabe fossha ?
Khassa « mustafrans » et khassa « mustaarab » : une compétition entre élites anciennes et élites
nouvelles?
Pourquoi ce refus de la langue du peuple ? Pourquoi ce refus de la voir accéder au statut de langue
écrite ? Pourquoi cet interdit sur la langue vernaculaire ?
Asservissement ou soumission volontaire ? quel usage de la langue ?
Que devient l’avenir de l’enfant à l’école dans cette problématique ?
Participants :
Farid Merini : psychiatre psychanalyste rabat
Mohamed Fouad Benchekroun : psychiatre Psychanalyste rabat
Abdellah Bounfour : linguiste et écrivain, INALCO Paris
Ahmed Aassid : chercheur universitaire, IRCAM
Mohamed Ouahmani, lauréat universitaire originaire de la vallée des Ayt Bou Oulli
Animateur et modérateur : Youssef Fehry Fassy
Lieu : grand auditorium de la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc
Date : samedi 10 Octobre 2015 à 15 h
PARTENAIRES INSTITUTIONNELS
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Le Ministère de l’Education Nationale,
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la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc,
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le Musée Mohamed VI d’art moderne et contemporain,
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l’association Al Boughaz (Tanger)
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l’association Aguenbi (Abachkou)
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l’Institut Français de Rabat
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La fondation Touria et Abdelaziz Tazi
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la Fondation Abderrahmane Slaoui
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Malika Editions
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Frogeraie Editions
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Richbond
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la Banque Alimentaire du Maroc,
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la Chorale « les voix du chœur »