La Nuit du renard Mary Higgins Clark La Nuit du

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La Nuit du renard Mary Higgins Clark La Nuit du
Fiche pédagogique :
L’Étude d’un roman à suspense : La Nuit du renard
Mary Higgins Clark
La Nuit du renard
Le Livre de Poche, 320 pages.
Faire lire et étudier un roman à suspense, c’est l’occasion pour l’enseignant de français de joindre l’utile à l’agréable : passer
un bon moment de lec ture avec la classe en par tageant les émotions, les peurs, les doutes de personnages menacés par un
danger imminent, mais aussi analyser les mécanismes d’écriture qui fabriquent le suspense et donnent au lec teur une place
privilégiée propre à ce genre.
On pourra donc proposer la lec ture de La Nuit du Renard à une classe de 4e ou de 3e, dans le cadre de l’« étude du récit complexe » pour montrer en quoi la struc ture de ce roman et les choix narratifs de l’auteur sont au ser vice de l’efficacité du récit
et par viennent à maintenir le lec teur en haleine jusqu’à la dernière ligne.
Lecture guidée
Pour favoriser l’entrée des élèves dans l’univers de ce roman assez long et riche en péripéties,
on peut proposer une lecture guidée en plusieurs étapes qui permettra de mettre en valeur les
temps forts de l’action :
Étape 1 : Chapitres 1 à 5
Les préparatifs de l’enlèvement
1/ Où et à quel moment se situe le début de l’action ?
2/ Qui est le personnage principal dans cette première partie ? Que sait-on de lui ?
3/ Qui sont les autres personnages de l’histoire ?
4/ Quels liens ont-ils entre eux ?
5/ Quels liens ont-ils avec l’affaire « Ron Thompson » ?
6/ Quels éléments confirment qu’il s’agit d’un récit policier ?
7/ Quelles questions se pose le lecteur à la fin du chapitre 5 ?
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2
Éléments
de réponse
1/ L’action débute dans une chambre d’hôtel à New York, un dimanche soir d’hiver après
les fêtes de Noël. Puis, dans un second temps (chap. 4 et 6), à Carley, une petite ville du
Connecticut.
2/ Le personnage qui nous est présenté n’a pas encore d’identité précise. Le lecteur ne connaîtra
son nom qu’au chapitre 15 (p. 83).
Les informations que l’on peut relever dans les toutes premières lignes du roman concernent son
habillement et son allure : « un costume de tergal vert » ; « un pardessus », « son aspect minable » ; certains éléments de son caractère (« il avait horreur du sang » ; « mal à l’aise »).
Le narrateur nous détaille surtout des gestes minutieux, méthodiques qui montrent l’extrême
organisation de cet homme : « Des yeux, il s’assura que la femme de ménage n’avait pas touché
au placard : ses autres chaussures étaient dans la position exacte où il les avait laissées, l’une
dépassant à peine l’autre, à deux doigts de la vieille valise noire à double serrure debout dans le
coin » (p. 23), mais aussi ses pensées obsessionnelles : « Le visage de la femme flotta devant lui.
Il cligna des paupières pour la chasser. Car ensuite viendraient les yeux, ces gros globes lumineux
qui le suivaient partout, le sur veillaient, jamais fermés » (p. 10). Enfin, son objectif meurtrier
nous est clairement énoncé à la fin du premier chapitre : enlever Neil et Sharon, et les tuer le
mercredi à onze heures trente.
3-4/ Les autres personnages de l’histoire sont Steven Peterson, son fils Neil et Sharon Martin.
Sharon et Steve sont présentés de façon indirecte par le présentateur de l’émission télévisée à
laquelle ils participent. On apprend ainsi que Sharon est journa liste et auteur d’un best-seller
intitulé Le Crime de la peine capitale et que Steve est rédacteur en chef du magazine L’Événement.
Ils sont tous deux adversaires idéologiques en ce qui concerne la peine de mort mais aussi amants
(voir chap. 2) : « Il se souvenait de sa première rencontre avec Sharon, six mois auparavant » ;« Je
t’aime, Sharon, tu le sais. Tu m’as horriblement manqué ces dernières semaines. Il faut que nous
parlions de nous deux » (p. 18).
On apprend éga lement que Neil a une santé fragile, que les Lufts s’occupent de lui quand son
père est absent. Dans le chapitre 4, le narrateur nous fait partager ses doutes et ses interrogations
à propos de la relation entre Sharon et son père : « Sandy lui avait raconté que tout le monde
disait que son père allait se remarier. Sandy disait qu’une femme n’a pas envie des enfants des
autres, surtout quand ils sont malades. […] Neil se demandait si papa le laisserait aux Lufts
quand il épouserait Sharon. Il espérait que non » (p. 31).
5/ L’affaire Thompson dont il est question dans l’émission concerne l’assassinat de la femme de
Steve : « Deux ans et demi après, il ressentait encore le choc et l’atrocité de la mort de Nina, étouffée par l’inconnu qui avait pénétré chez eux, par les mains qui avaient impitoyablement tordu
l’écharpe autour de son cou » (p. 13). Depuis ce meurtre, il est devenu favorable à la peine de mort.
Et Ron Thompson, qui a été jugé coupable des faits, doit être exécuté le mercredi soir.
À l’opposé, Sharon veut annuler l’exécution et considère la peine de mort comme une pratique
du « Moyen Âge », ce qui l’amène à remettre en cause sa relation avec Steve, à tel point qu’elle
envisage de le quitter : « Était-ce vraiment le moment de se marier ? De se marier avec un homme
dont le fils la rejetait ? » (p. 37).
Quant à Neil, nous apprenons dans le chapitre 4 qu’il a assisté au meurtre de sa mère et que
c’est son témoignage qui a permis d’arrêter le jeune Ron Thompson. Depuis lors, il est en proie
à des cauchemars et des crises d’asthme.
Il n’y a pas de lien explicite entre l’inconnu de l’hôtel Biltmore et l’affaire Thompson mais un
certain nombre d’éléments nous suggèrent un rapprochement :
– L’homme tient absolument à regarder l’inter view télévisée à propos de cette affaire.
– La bombe qu’il envisage d’utiliser pour tuer Sharon et Neil explosera le mercredi à 11 h 30,
date de l’exécution de Ron Thompson.
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Synthèse
6-7/ L’objectif de cette première partie est de nous présenter les personnages dans leur cadre
afin de comprendre quels liens directs ou indirects les unissent. L’auteur met en place la situation de danger. Les portraits successifs du tueur en plein préparatif de son crime et des victimes
confirment l’appartenance de ce récit au genre policier à suspense et permettent au lecteur une
première approche psychologique des personnages ainsi que l’entrée de plain-pied dans une
intrigue dont l’issue nous est d’emblée annoncée comme fatale et imminente.
Dès lors, le lecteur se demande comment les futures victimes vont pouvoir échapper au plan
diabolique tendu par le tueur.
Étape 2 : Chapitres 6 à 15
L’enlèvement
1/ Pour quelle raison Sharon garde-t-elle Neil lundi soir ? Dans quel état d’esprit estelle ?
2/ Comment l’homme s’y prend-il pour kidnapper Sharon et Neil ? Où les emmène-t-il ?
3/ Que fait Sharon de la bague offerte par Neil ?
4/ À qui appartient la voiture du kidnappeur ?
5/ Que remarque Glenda Perry chez ses voisins ? Qu’apprend-on sur elle ?
6/ Qui est Lally ? Quel rôle peut-elle jouer dans l’histoire ?
7/ Comment Steve comprend–il que Neil et Sharon ont été enlevés ?
Éléments
de réponse
1/ Dans cette seconde partie du roman consacrée à la narration de l’enlèvement, nous assistons
au démarrage de l’action et à la présentation des personnages secondaires dont le rôle décisif
apparaîtra plus tard.
Sharon garde le fi ls de Steve car les Lufts qui s’occupent de la maison et de Neil depuis la mort
de Nina sortent au restaurant et au cinéma. Cette information est rappelée à plusieurs reprises
par dif férents personnages : Steve l’évoque avec Sharon puis dans une conversation téléphonique avec son fi ls, information d’ailleurs reprise par l’agresseur lui-même au chapitre 6 :
« Les Lufts allaient arriver d’un moment à l’autre. Il avait téléphoné au restaurant et s’était
fait confirmer la réser vation pour six heures. Ils avaient l’intention de dîner avant d’aller voir
Autant en emporte le vent de Selznick. Le fi lm se jouait au Carley Square Theater, juste de
l’autre côté de la rue. La séance de quatre heures était déjà commencée. Ils iraient à celle de
sept heures trente » (p. 38).
Sharon est préoccupée par sa relation avec Steve rendue dif ficile par le comportement distant de
Neil et leurs divergences d’opinion sur la peine de mort. Aussi envisage-t-elle de rompre après
cette dernière soirée. « Elle gara sa voiture après les marches du perron et se prépara inconsciemment au feu roulant de Mme Lufts et à la froideur de Neil. Mais ce serait la dernière fois. Cette
pensée accrut sa mélancolie » (p. 40).
Elle est également tourmentée par l’exécution de Ron Thompson mais son coup de téléphone à
la mère du condamné n’a pas l’effet escompté : la mère du jeune condamné la rend responsable
de son exécution. Son sentiment d’impuissance et de culpabilité n’en est donc que renforcé
(p. 44-45).
2/ L’agresseur prend le prétexte d’une livraison pour le bateau de Steve et par vient à se faire
ouvrir la porte de la maison par Neil. Aussitôt, il s’engouffre à l’intérieur et les menace de son
revolver. Son action est extrêmement rapide et efficace. Ainsi, Sharon n’a-t-elle pas le temps de
réagir : « Deux impressions très distinctes se gravèrent dans son esprit. La première fut le regard
fixe, étincelant de l’inconnu. La seconde, le revolver à canon long et mince qu’il pointait vers
sa tête » (p. 46).
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Suivant son plan à la lettre, il les ligote et les jette à l’arrière d’une voiture volée (chap. 9), puis
les emmène dans sa pièce secrète située dans les tréfonds de Grand Central (chap. 12).
3/ Sharon a la présence d’esprit de laisser la bague entre les sièges de la voiture (p. 65).
4/ Au chapitre 11, le lecteur apprend que la voiture volée par le kidnappeur est celle de Marian
Vogler, une jeune mère de famille désargentée qui doit commencer à travailler comme femme
de ménage chez les Perry, des voisins de Steve Peterson.
5/ Glenda Perry aperçoit de sa chambre le va-et-vient d’une voiture chez les Peterson et se rend
compte que toutes les lumières de la maison sont éteintes. Le lecteur apprend également qu’elle
a été témoin au procès du meurtre de Nina, ce qui l’a rendue cardiaque et que l’approche de
l’exécution de Ron Thompson la tourmente (chap. 10).
6/ Lally est une institutrice à la retraite, devenue clocharde à Grand Central. Le narrateur nous
la présente de façon assez détaillée dans le chapitre 13. Elle connaît l’existence de la pièce secrète
où l’agresseur a emmené Sharon et Neil et s’y réfugie pendant les beaux jours. Elle aperçoit
Sharon et son agresseur et désire aller dans sa pièce pour s’y reposer.
On comprend que Lally détient des informations importantes pour retrouver la trace de Sharon
et Neil mais aussi qu’elle peut se mettre en danger en surprenant l’agresseur dans la pièce secrète
et menacer sans le savoir les deux victimes.
7/ Dès le chapitre 8, Steve est inquiet pour Sharon et son fils puisque son appel téléphonique à la
maison reste sans réponse. Il émet plusieurs hypothèses : ils sont chez les Perry, ou à l’hôpital à
cause de l’asthme de son fils, ou encore la ligne est en dérangement. Il décide alors d’aller à Carley
par le train. Arrivé chez lui (chap. 15), son angoisse s’accroît, « un sentiment de terreur le raidit
de la tête aux pieds » (p. 82) et il finit par trouver dans sa maison vide et éteinte : un message
« signé Renard » l’informe de l’enlèvement et lui demande d’attendre les instructions (p. 83).
Synthèse
Dans cette deuxième partie, le piège se referme sur les victimes. Le réseau des personnages
secondaires se tisse autour du méfait commis par Renard. Le lecteur assiste impuissant à l’enlèvement, ce qui lui laisse présager que l’échéance fatale du mercredi se réa lisera éga lement. Pour
autant, il garde espoir grâce aux données que chaque personnage secondaire détient consciemment ou inconsciemment sur les agissements du tueur. C’est cette tension entre deux sentiments
contradictoires qui crée le climat de suspense caractéristique du genre.
Étape 3 : Chapitres 16 à 45
La recherche
À ce stade du roman, les personnages sont tous bien campés. Cette troisième partie est
donc consacrée au développement du suspense. Le lecteur cherche toujours à savoir si les
victimes vont être sauvées et de quelle manière. Le récit s’organise autour de la recherche
des victimes.
On peut cependant découper cette partie en deux phases, correspondant aux deux pistes que vont suivre successivement les personnages « enquêteurs ».
Chapitres 16 à 34
Piste du coup monté
1/ Qui est Hugh Taylor ? Quel rôle joue-t-il dans l’histoire ?
2/ Comment explique-t-il l’enlèvement et la demande de rançon ?
3/ Que ressent le lecteur quand il énonce cette hypothèse ?
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4/ Quels indices lui indiquent que c’est une fausse piste ?
5/ Qui est Bob Kurner ? Pourquoi intervient-il ?
6/ Quels personnages pourraient aider à identifier le ravisseur ? Pourquoi ne le font-ils
pas ?
7/ Qu’apprend-on sur les activités professionnelles du ravisseur ?
Éléments
de réponse
1/ Hugh Taylor apparaît au chapitre 16. C’est un agent du FBI. Malgré l’interdiction énoncée
par Renard dans son message, Steve fait appel à lui pour retrouver Sharon et son fils. Il s’était
déjà occupé de l’affaire du meurtre de sa femme. Et il est, lui aussi, troublé par l’imminence de
l’exécution de Ron Thompson. « Le visage d’Hugh se durcit. De pareils criminels devraient être
enfermés une fois pour toutes. Mais pas exécutés. Hugh enfila son manteau. C’était l’une des
raisons pour lesquelles il s’était senti déprimé aujourd’hui. Le jeune Thompson. Il ne pouvait
en détacher son esprit : le cas Peterson, il y a deux ans » (p. 84).
Il va s’installer avec son équipe de policiers dans la maison de Steve et super viser l’enquête pour
retrouver les deux victimes en recherchant des indices sur place et en interrogeant le voisinage,
notamment les Perry et les Lufts (voir chap. 18).
Hugh Taylor va éga lement assurer la sécurité de Steve quand celui-ci devra apporter la rançon
demandée et l’accompagnera même dans ses déplacements. « Il regarda désespérément dans
la direction des pompes à essence. Hugh était arrivé quelques minutes avant lui. Le capot de
sa voiture était levé et il désignait un des pneus au pompiste. Steve savait qu’il le sur veillait »
(p. 83).
2/ Sa première hypothèse de travail, après l’appel de Renard concernant une demande de rançon (p. 97) est de soupçonner Sharon : « Comme vous le savez, Sharon Martin a désespérément
essayé de sauver la vie de Ronald Thompson. Elle a été chez les Perry et pourrait avoir relevé
leur numéro de téléphone. N’oubliez pas qu’il n’est pas dans l’annuaire. Y aurait-il une possibilité que ce kidnapping ne soit qu’une mystification, que Sharon tente le tout pour le tout dans
le but de retarder l’exécution ? » (p. 107). Hypothèse à laquelle il se raccroche avec certitude :
« Faisons une supposition. Sharon est troublée par ce coup de téléphone. Elle se demande même
si Mme Thompson n’a pas raison. Elle est désespérée et demande à quelqu’un de venir les enlever, elle et l’enfant. Elle joue le tout pour le tout, fait simuler un kidnapping et se sert de Neil
comme otage en échange de la vie de Thompson. – C’est une possibilité, dit Hank. Le visage de
Hugh se durcit. – C’est plus qu’une possibilité. Je crois que ce pauvre Peterson a le cœur brisé,
que Mme Perry risque un infarctus, grâce à Sharon Martin qui s’imagine qu’elle peut manipuler
à son gré la justice » (p. 152).
3/ Le lecteur se sent impuissant car il sait pertinemment que Hugh Taylor est sur une fausse
piste ; ce qui accroît le suspense et crée un effet d’ironie.
4/ Cette piste va être pourtant abandonnée au chapitre 34 quand Hugh Taylor va faire ana lyser l’enregistrement envoyé par Renard par un spécia liste. On va lui confirmer qu’il s’agit bien
des voix de Sharon et de Neil : « John a étudié les cassettes, expliqua Hugh. Vu la qua lité de la
voix et un certain écho, il conclut que Sharon et Neil se trouvent dans une pièce froide et à peu
près vide, d’environ trois mètres sur sept. Ce peut être le sous-sol d’une gare de marchandises ;
il y a un bruit sourd et continu de trains qui entrent et qui sortent pas très loin. » (p. 203-204).
D’autre part, Steve a pu photographier la plaque d’immatriculation de la voiture de Renard lors
de la remise de rançon ; ce qui lance les recherches dans une nouvelle direction : « Le téléphone
sonna. Hugh s’en empara, se nomma, écouta avec attention. – Bon. Branchez-vous là-dessus !.
Il raccrocha brusquement ;il avait le regard d’un chasseur sur une nouvelle piste » (p. 205).
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5/ Bob Kurner est l’avocat de la famille Thompson. Son objectif est de trouver une preuve pour
disculper Ron et le sauver de la mort. Pour cela, il par vient à convaincre Ron de raconter une
dernière fois la journée du meurtre de Nina (chap. 14). Puis il décide d’étudier chaque détail
du témoignage de Ron dans l’espoir de découvrir un élément décisif (chap. 19). « Il était sept
heures trente. Il lui restait à peine vingt-huit heures avant l’exécution. Voilà pourquoi […] sa
gorge se serrait. Non. C’était plus qu’une impression d’urgence. Quelque chose l’obsédait. Nous
avons laissé passer quelque chose, pensa-t-il. Cette fois-ci, ce n’était pas une illusion. C’était une
certitude » (p. 104). Au chapitre 29, l’avocat pense avoir compris pourquoi Neil a pris Ron pour
le tueur et vient chez Steve pour questionner l’enfant. Pour Kurner, l’enfant est le seul à détenir
une preuve de l’innocence de Ron.
6/ Plusieurs personnages détiennent des informations qui permettraient l’identification ou la
loca lisation du ravisseur :
– Chap. 22 : Marian Vogler, qui a récupéré sa voiture à la fourrière, trouve la bague de Sharon
sur le siège : « Elle l’examina. Très jolie – une pierre de lune pâle et rose dans une très belle
monture ancienne. Celui qui avait volé la voiture avait dû la perdre. […] Elle enleva son gant et
glissa la bague à son doigt. Elle lui allait à la perfection » (p. 117).
– Chap. 24 : Neil par vient à se souvenir que Renard est l’homme qui a tué sa maman. En se
remémorant la scène, nous comprenons que la thèse de Bob Kurner selon laquelle Ron Thompson est innocent et que l’enfant s’est trompé dans son témoignage, se révèle exact.
– Chap. 25 : Lally, la clocharde, connaît le lieu où Renard détient ses victimes et sur veille ses
allées et venues à Grand Central. « Des larmes d’amertume lui jaillirent des yeux. Ils avaient pris
sa pièce ! Son aptitude à faire face prit alors le dessus. Ils allaient voir ! Elle allait s’en débarrasser !
Elle monterait la garde, et quand elle serait sûre qu’il était parti, elle entrerait dans la pièce et
préviendrait la fille que les flics les avaient découverts et qu’ils venaient les arrêter » (p. 136).
– Chap 27 : Glenda Perry pense connaître la voix de Renard et cherche à l’identifier sans y
par venir.
Ces quatre personnages sont dans l’impossibilité de communiquer ce qu’ils savent pour plusieurs raisons :
– Neil est prisonnier de Renard ; il ne peut donc pas expliquer que Renard est aussi le tueur de
sa mère..
– Marian Vogler ne se doute pas que cette bague est un indice primordial et que sa voiture a
servi à l’enlèvement de Sharon et Neil. De plus, comme elle a besoin d’argent, cette bague est
comme une consolation des « soixante-quinze dollars que Jim avait dépensés pour le ticket et la
fourrière » (p. 117). On peut donc supposer qu’elle ne signa lera pas sa trouvaille à la police.
– Glenda est très malade ; ses douleurs cardiaques sont de plus en plus fréquentes. Elle n’est pas
dans de bonnes conditions pour se souvenir de son emploi du temps des dernières semaines.
– Lally tient absolument à sa pièce qui se situe dans un endroit de la gare où l’accès n’est pas
autorisé. Elle ne peut donc pas en parler à la police.
7/ Nous comprenons que Renard est garagiste à Carley au chapitre 28. Il se sert de son metier
pour aborder ses victimes sur la route ou changer l’immatricu lation de sa voiture pour ne
pas être repéré. Nous connaissons une partie de son identité grâce à l’enseigne du garage :
« A.R. Taggert – Réparations automobiles » (p. 166).
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Chapitres 35 à 46 :
Piste du garagiste
1/ À quel moment le lecteur comprend-il qui est Renard ? Qu’apprend-on de plus sur ce
personnage ?
2/ Quel détail met Steve sur une nouvelle piste ?
3/ Quelle conséquence cette hypothèse a-t-elle sur le sort de Ron Thompson ?
4/ De quelle façon Glenda et Marian participent-elles à l’avancée de l’enquête ?
5/ Comment se manifeste le sadisme de Renard ?
6/ Combien de temps reste-t-il avant l’exécution de Sharon, de Neil et de Ron ?
Éléments
de réponse
1/ Le lecteur a la confirmation de l’identité de Renard au chapitre 35 : les premières lignes nous
placent selon le point de vue d’Arty, un habitué du bar du Mill Tavern, à Carley. Il a démasqué l’agent du FBI venu mener l’enquête dans ce lieu fréquenté par Bill Lufts. À la page 209,
l’homme est désigné par le nom de Renard. Arty Taggert et Renard ne font donc qu’un.
On apprend de nombreux détails sur le mode opératoire qu’il utilise pour piéger ses victimes.
En effet, il propose de dépanner des jeunes femmes en panne sur la route. Il fait éga lement le
récit détaillé du meurtre de Nina qui se déroule en deux phases. Il la secourt sur la route et lui
propose de réparer son pneu chez elle le lendemain. Il a décidé de tuer Neil car il a peur d’être
reconnu par lui. L’idée de la rançon lui a été souf flée par Bill Lufts, qui savait que Steve avait
placé une somme d’argent pour son fils. On apprend aussi qu’il veut se rendre en Arizona et
que le surnom de Renard dont il s’est affublé fait référence à Rommel, surnommé le Renard du
désert. Il est déséquilibré et veut se sentir aimé et tout-puissant en organisant une explosion à la
gare : « Il imaginait les gens effrayés, affolés, quand la bombe exploserait, quand ils sentiraient
le sol s’ouvrir sous eux, le plafond s’effondrer : tous ces gens qui l’ignoraient quand il tentait de
se montrer amical, tous ces gens qui ne lui souriaient jamais, qui le bousculaient, qui ne le remarquaient même pas, et qui se jetaient sur leurs assiettes qu’Arty devait ensuite nettoyer, pleines de
graisse, de coquilles, de sauce, de traces de beurre » (p. 217).
2/ Au chapitre 36, Steve et Hugh évoquent la thèse de l’avocat : le meurtre de Nina est lié à
quatre autres meurtres de femmes dans la région et le seul détail inexplicable, c’est que Nina
n’a pas eu d’ennuis de voiture comme les autres. Steve se souvient alors d’un élément important
qui confirme la piste du garagiste : elle avait un pneu crevé et le lendemain, il était réparé : donc
quelqu’un était venu le lui changer.
3/ Steve et Hugh en déduisent l’innocence de Ron quand celui-ci « jure que la roue de secours
n’était pas dans le coffre quand il a chargé les provisions » (p. 227). La roue a donc été changée
par quelqu’un bien après.
4/ Au chapitre 38, le jour de l’exécution de Ron Thompson, Glenda se remémore le jour où elle
a fait réviser sa propre voiture chez A.R. Taggert ainsi que sa conversation avec le garagiste : elle
identifie formellement la voix de l’enregistrement comme étant celle du garagiste. « “La façon
dont il a prononcé Renard… et la façon dont il l’a dit au téléphone l’autre soir. Roger, je te le jure,
ce garagiste est Renard et c’est lui qui a kidnappé Neil et Sharon.” Il était 9 h 31 » (p. 237).
À la fin du chapitre 43, Steve aperçoit la bague de Sharon au doigt de Marian Vogler : interrogée (chap. 45), elle révèle que la bague était dans sa voiture, que le véhicule venait d’être réparé
par Arty le garagiste et que le lundi soir il a été volé et retrouvé par la police à New York, près
de l’hôtel Biltmore.
Les deux témoignages permettent donc d’identifier Renard et de loca liser Neil et Sharon dans
le centre ville de New York.
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5/ Le sadisme de Renard se manifeste par sa volonté de semer la panique. Au chapitre 41, il
fait annoncer par les pompes funèbres qu’une explosion va avoir lieu dans un grand centre de
transport de la ville de New York pour obliger la police à évacuer les aéroports et les gares. Il
souhaite se venger des gens « tous ces pouilleux qui seraient obligés de décamper, de rater leurs
trains, leurs avions, leurs autobus » (p. 246) et devenir aussi célèbre que le général Rommel :
« À présent, le monde entier voudrait savoir qui est Renard. On allait sans doute écrire sur lui,
comme on l’avait fait sur Rommel » (p. 244). Ses annonces constituent un véritable jeu de piste
dont il tire beaucoup de plaisir.
6/ Il reste une heure avant l’exécution de Ron Thompson pour démasquer Renard et l’empêcher
de faire exploser sa bombe (p. 261). On peut faire noter aux élèves qu’à partir de ce moment-là
du roman, le narrateur n’aura de cesse d’égrener les heures et les minutes avant l’échéance fatale
d’11 h 30.
Synthèse
Cette partie du roman est décisive pour l’avancée de l’enquête. Le rythme s’accélère. Les personnages ont enfin pu reconstituer l’ensemble des données en confrontant leurs informations
respectives. Renard est identifié et, par conséquent, Thompson est innocenté. Mais le suspense
est toujours bien présent puisque Renard n’est pas encore neutra lisé et qu’il reste moins d’une
heure à la police et à Steve pour arrêter le tueur, loca liser les victimes et empêcher l’exécution
d’un innocent. Cette échéance très courte appa raît comme impossible à tenir. Le lecteur se
demande comment l’intrigue va se résoudre.
Étape 4 : Chapitres 47 à 52
L’affrontement ultime
1/ Dans quel lieu le FBI décide-t-il de concentrer ses efforts ? Pourquoi ?
2/ Pourquoi Renard retourne-t-il dans sa pièce secrète ?
3/ Comment Sharon parvient-elle à libérer Neil ?
4/ Comment Steve parvient-il à sauver Sharon des griffes du tueur ?
5/ Que pensez-vous de la fin ? Quelle est la situation finale ?
Éléments
de réponse
1/ Le FBI a décidé de foca liser ses recherches à proximité de l’hôtel où Renard a été loca lisé.
Devant l’urgence de la situation, Hugh décide de « jouer sur la chance ». « Nous allons concentrer tous nos efforts sur Grand Central » (p. 270).
2/ Renard décide de retourner dans sa pièce secrète pour tuer Sharon de ses propres mains car
il estime que c’est de sa faute si son plan tourne mal. « Elle avait tout démoli. Elle l’avait trompé
en prétendant être amoureuse de lui. […] Et hier, elle avait mis ses bras autour de lui pour lui
prendre son revolver. Elle était mauvaise. C’était la pire de toutes […]. La bombe, c’était trop
bon pour elle. Il fallait qu’elle lève les yeux et qu’elle le voie, qu’elle sente ses mains autour de son
cou. Il fallait qu’il voie son visage sous le sien et qu’il la sente mourir » (p. 265).
3/ Sharon ne peut pas se déplacer à cause de sa cheville cassée mais elle a réussi à couper la corde
qui liait ses mains avec le tranchant de la poignée de porte cassée (p. 274). Pour libérer Neil, elle
profite d’une arrivée inattendue : Lally, qui a été poignardée par Renard et laissée pour morte
(chap. 39) a réussi à se traîner jusqu’à sa pièce pour y mourir (chap. 42). Sharon utilise le couteau planté dans le dos de la clocharde pour libérer Neil qui s’enfuit et tombe dans les bras de
Steve, qui errait dans la gare (p. 278).
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4/ Steve loca lise l’endroit où est retenue Sharon grâce aux indications de Rosie, l’amie de Lally
(p. 280). Il se jette in extremis sur Renard qui s’apprête à étrangler Sharon et se bat au corps à
corps avec lui : « Steve se jeta sur l’homme, cogna de la tête dans le dos penché. Renard s’aplatit
en avant. Ils tombèrent tous les deux sur Sharon. Le lit de camp céda sous leur poids et ils roulèrent ensemble sur le sol. Les mains n’avaient pas lâché le cou de Sharon, mais elles s’écartèrent
sous le choc. […] Hugh bondissait dans la pièce. Piégé, Renard recula. Sa main trouva la poignée
des cabinets. Il s’y rua, claqua la porte derrière lui. Ils l’entendirent tirer le verrou » (p. 282).
5/ Renard se donne la mort en actionnant la bombe espérant ainsi tuer tout le monde (p. 283).
Mais fina lement, dans l’épilogue, le lecteur apprend que le déflecteur posé sur la valise par les
agents du FBI a permis de limiter les dégâts de la bombe.
La situation finale est la suivante :
– Sharon et Neil sont sains et saufs.
– Ron Thompson est libéré
– Glenda va mieux et ne veut plus prendre de pilules pour le cœur.
– Une plaque commémorative sera posée en l’honneur de Lally.
– Sharon et Steve peuvent s’aimer sans remords.
– Neil s’est rapproché de Sharon.
Il s’agit d’un happy end. Les personnages ne sont plus tourmentés par leurs vieux démons. Ils
ont évolué positivement. Cette fin heureuse ressemble beaucoup à celle que l’on peut trouver
dans les romans sentimentaux.
Synthèse
C’est la dernière étape du récit : le rythme s’est considérablement accéléré car il s’agit du
dénouement de l’intrigue. Le narrateur fait le bilan de la situation pour chaque personnage et
indique qu’un équilibre a été retrouvé. L’harmonie règne à nouveau entre eux.
Éléments d’analyse : les mécanismes du suspense
Des séances peuvent être consacrées à l’étude de l’organisation du récit, des instances narratives et
des personnages pour montrer de quelle façon Mary Higgins Clark maintient l’attention du lec teur et
crée un climat d’angoisse et d’attente qui va crescendo jusqu’au happy end final.
Activités pour les élèves
(Ces recherches peuvent être menées par petits groupes en s’aidant des notes de lecture prises précédemment et donner lieu à des restitutions devant la classe.)
Économie du récit et dilatation du temps
1/ Quelles remarques faites-vous sur le nombre de chapitres dans ce roman, leur longueur
moyenne et le point de vue choisi ?
2/ Sur combien de temps se déroule l’action évoquée ? Quelles conclusions en tirezvous ?
Points de vue et ordre chronologique
3/ Observez qui voit et qui ressent dans les différents chapitres ? Que constatez-vous ?
4/ Trouvez des exemples de scènes présentées sous plusieurs angles : quels sont les effets
produits à la lecture ?
5/ Trouvez des exemples d’informations capitales que le lecteur détient avant les personnages victimes ou enquêteurs : pourquoi Mary Higgins Clark a-t-elle recours à ce procédé ?
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Système des personnages
6/ Retracez et analysez le parcours d’un personnage de votre choix en notant les chapitres
où il apparaît et ses actions principales.
7/ Proposez une classification des personnages en tenant compte de leur rôle respectif
dans le récit. Quels personnages évoluent ? Lesquels restent stables ? Pourquoi ?
Éléments
de réponse
Économie du récit et dilatation du temps
1/ La Nuit du Renard est constitué d’une série de 52 chapitres ne dépassant pas une longueur
moyenne de 4 pages. Le récit est morcelé, rythmé par les changements incessants de points
de vue, de lieux, de temps. Cela oblige le lecteur à s’identifier aux différents protagonistes de
l’histoire et à éprouver leurs émotions. Passant sans transition et avec rapidité du criminel à la
victime, du témoin à l’enquêteur, il doit faire de lui-même la synthèse des données qui lui sont
fournies, et assiste impuissant aux actes du tueur.
2/ L’action débute le dimanche soir à l’hôtel Biltmore et s’achève le mercredi midi à la gare de
New York. La durée totale de la fiction s’étend donc sur 3 jours et demi et la narration sur 52
chapitres. On peut donc constater que l’auteur a choisi de dilater le temps de la fiction, de détailler
chaque moment afin de renforcer l’identification du lecteur aux personnages mais éga lement
de créer un effet d’attente quasi insoutenable. Ce choix narratif confirme l’appartenance de ce
récit au genre du roman à suspense.
Points de vue et ordre chronologique
3/ Chaque chapitre s’ouvre sur l’action ou les pensées d’un personnage dans un lieu particulier
à un moment précis. Le narrateur reste externe mais le point de vue choisi est toujours celui d’un
des protagonistes de l’ histoire. Il nous en livre les comportements mais éga lement les pensées, les
doutes, les interrogations. La dimension psychologique du roman à suspense est très importante
puisqu’elle permet au narrateur de suspendre l’action tout en conser vant l’attention du lecteur.
Tous les personnages importants de l’histoire entrent en scène entre le chapitre 1 et le chapitre
16, puis réapparaissent régulièrement au fil du récit en s’entrecroisant. On peut ainsi suivre le
parcours narratif des personnages :
– Renard, Sharon, Steve et Neil apparaissent dès les premiers chapitres et réapparaissent régulièrement jusqu’au bout du récit :ce sont les personnages principaux de l’histoire.
– Glenda Perry, Marian Vogler, Lally, Bob Kurner et Hugh entrent en scène les uns à la suite
des autres entre le chapitre 10 et le chapitre 16. Il s’agit de les présenter au lecteur et d’énoncer
leurs objectifs respectifs : retrouver Neil et Sharon pour Glenda, avoir un travail pour Marian,
aller dans sa pièce secrète pour Lally, innocenter Ron Thompson pour Bob Kurner et arrêter
Renard pour Hugh. Puis le lecteur suit leur parcours par intermittence.
4/ L’auteur maintient une tension dramatique tout au long du roman grâce aux répétitions de
scènes primordiales sous plusieurs angles. Une fois de plus, cela contribue à créer un effet d’angoisse chez le lecteur qui connaît certaines données et assiste impuissant aux tâtonnements des
personnages.
Ainsi, peut-on remarquer que les chapitres 8 et 12 se répondent et se complètent. Le premier
évoque la traversée angoissée de la gare par Steve alors que sans le savoir, il croise Renard, Sharon et Neil. L’autre chapitre raconte éga lement la traversée de la gare selon le point de vue de
Sharon.
De la même façon, on peut relire avec les élèves le chapitre 30 et le chapitre 35 qui présentent
l’enquête menée par Hank Lamont au bar du Mill Tavern sous l’angle de l’enquêteur puis sous
celui du tueur.
On pourra éga lement travailler sur les multiples évocations du meurtre de Nina, qui jalonnent
le récit et dramatisent la situation de danger dans laquelle se trouvent Sharon et Neil.
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5/ Mary Higgins Clark joue avec la chronologie des faits pour accroître le suspense et maintenir
l’intérêt du lecteur : Renard évoque souvent dans ses pensées ses plans criminels, qu’ils soient
passés (le meurtre de Nina – p. 209 à 215) ou futurs (les préparatifs de l’enlèvement – p. 25 à
27). Ainsi le lecteur détient un grand nombre de données qui lui font anticiper la suite des événements et vivre avec une anxiété accrue le sort des victimes. Connaissant les faits et gestes de
Renard et ses intentions, il savoure encore davantage les efforts de recherche d’indices de Steve
et de Hugh (par exemple le rapprochement entre le pneu crevé de Nina et l’identité du tueur, la
bague retrouvée dans la voiture de Marian ou encore l’identification de la voix de Renard par
Glenda).
Système des personnages
6/ Si nous prenons le personnage de Lally comme exemple, nous constatons qu’elle entre en
scène au chapitre 12 puis réapparaît seulement au chapitre 25 où elle manifeste son impatience
de regagner sa pièce et son agacement de voir qu’elle est occupée par des intrus puis nous la
retrouvons six chapitres plus tard racontant tout à son amie Rosie et contrainte d’abandonner
une fois de plus son projet d’aller dans sa pièce à cause d’un garde. Ensuite, au chapitre 39, elle
est agressée et laissée pour morte par Renard puis, au chapitre 42, le lecteur assiste à sa tentative
désespérée de regagner sa pièce pour y mourir. Enfin, elle meurt dans les bras de Sharon au chapitre 49 et permet l’évasion de Neil grâce au couteau planté dans son corps.
Il est ainsi possible de faire reconstituer aux élèves les parcours des personnages et de montrer que Mary Higgins Clark clôture le plus souvent son chapitre par un rebondissement, ou
une interrogation angoissée du personnage, créant un effet d’attente chez le lecteur. Celui-ci
doit patienter plusieurs chapitres pour connaître la façon dont le personnage va s’en sortir, ou
pour comprendre quel lien l’unit à l’intrigue centrale. Le lecteur est donc constamment en
attente et doit rester concentré sur les données qui lui sont fournies pour ne pas perdre le fil de
l’histoire.
7/ Quand chaque élève a présenté le parcours du personnage de son choix, on peut demander à
la classe de classer les personnages selon leur rôle et leurs objectifs dans le récit.
Ainsi, on peut dégager plusieurs familles de personnages caractéristiques du roman policier :
– Le rôle de la victime : Sharon, Neil.
– Le rôle de l’agresseur : Renard.
– Le rôle de l’enquêteur : Steve, Hugh et ses agents.
– Le rôle des alliés : Les Lufts, Glenda, Marian, Lally, Bob Kurner.
– Des personnages évoqués : Ron Thompson, Nina.
On fera remarquer que les trois personnages principaux (Renard, Sharon et Steve) occupent
l’espace du roman à part égale, contrairement au roman policier à énigme où l’enquêteur a une
place privilégiée. Ils ont éga lement un point commun : une fragilité, une faille ou un sentiment
de culpabilité. Renard est victime d’une enfance malheureuse et de pulsions incontrôlables.
Sharon n’a pas su empêcher Renard d’entrer et résiste à Steve qui se sent coupable de n’avoir
pas su protéger sa femme Nina et son fils Neil qui culpabilise lui aussi de n’avoir pas su sauver
sa mère.
Les multiples retours en arrière qui jalonnent le parcours des personnages permettent au lecteur
de comprendre la psychologie des personnages et de suivre l’évolution de leur mental. Par exemple, on pourra relire avec les élèves des extraits du récit concernant le point de vue de Neil :
– Chap. 4 : sentiment de culpabilité d’avoir témoigné contre Ron Thompson ; peur d’être abandonné par son père ; méfiance envers Sharon.
– Chap. 24 : crise d’asthme ; peur de l’abandon ; souvenir de la scène de l’agression de sa mère :
il identifie Renard comme étant le tueur de Nina.
– Chap. 32 : « quelque chose en lui avait cessé de le faire souffrir » (p. 192). Devient plus calme ;
se sent rassuré par la présence de Sharon.
– Chap. 52 (épilogue) : accepte la relation entre Sharon et son père.
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Ainsi, nous pouvons remarquer que l’intérêt du récit à suspense réside éga lement dans le processus psychologique des personnages. Puisqu’ils ne peuvent agir directement sur ce qu’il leur
arrive, ils mettent à profit leur immobilité à revenir sur leur passé, à faire le point sur leur vie.
Fina lement, la violence qu’ils subissent directement ou indirectement leur permet de soulager
leur conscience et d’évoluer positivement.
Seul Renard ne subit pas de transformation psychologique. Il reste prisonnier de ses démons
jusqu’au suicide final.
Bilan
L’éclatement du récit en de nombreux chapitres, la multiplication des points de vue, le va-etvient incessant entre le passé, le présent, le futur des protagonistes permet de suspendre l’action
et de maintenir un climat d’angoisse sans risquer l’ennui du lecteur. Même si l’action est figée, le
lecteur peut savourer sa posture omnisciente et prendre du plaisir à obser ver comment enquêteurs
et alliés vont pouvoir surmonter les différents obstacles et retrouver les victimes. Les personnages
sont bien campés : leur épaisseur psychologique renforce l’empathie du lecteur qui tremble pour
eux jusqu’à la dernière page du récit.
La Nuit du Renard illustre ainsi à mer veille les mécanismes du roman à suspense et sa dimension émotionnelle. Rappelons en guise de conclusion la définition donnée par Yves Reuter dans
son ouvrage, Le Roman policier, paru aux éditions Armand Colin : « Dans ce genre, le crime
central – celui qui suscite l’intérêt du lecteur – est virtuel, en suspens. Il risque de se produire
dans un avenir proche. Au travers de l’action présente de ceux qui sont menacés et de ceux qui
cherchent à éviter ce crime, l’histoire va permettre de reconstituer et de mieux comprendre le
passé de chacun pour tenter de mettre en échec un futur tragique » (p. 75).
Prolongements
possibles
– Lecture compa rée d’un roman policier à énigme (Agatha Christie) et d’un roman noir
(Brouillard au pont de Tolbiac, de Léo Malet) pour déga ger les points communs et les
différences.
– Recherche documentaire sur la peine de mort : les grands repères historiques, la peine de mort
aux États-Unis, les arguments pour et les arguments contre, présentation de récits ou de film
cette question (La Ligne verte de Stephen King, Claude Gueux de Victor Hugo).
Raphaële MONFORT