GarantieS d`emprunt en faveurdu loGement Social

Transcription

GarantieS d`emprunt en faveurdu loGement Social
Garanties
d’emprunt
en faveur du
logement social
Synthèse du séminaire
de l’Aire métropolitaine
de Lille
du 21 novembre 2014
SOMMAIRE
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7
adrage réglementaire, éléments de définition et de compréhension
C
du mécanisme de garantie d’emprunt
Un maillon essentiel dans la production des logements sociaux
Un dispositif indispensable pour qu’un bailleur soit autorisé à construire et puisse disposer des prêts de la CDC
Des dispositifs de contrôle solides qui limitent fortement les risques
encourus
Du point de vue du bailleur… l’exemple du Groupe SIA Habitat
La gratuité de la garantie : un effet levier sur la production de logements et les coûts des loyers
Limiter le recours à d’autres types de garanties plus contraignantes
(coûts financiers, procédures et délais) qui pourraient impacter la stratégie du bailleur
8/9
Du point de vue de la collectivité territoriale, l’exemple de la
Communauté Urbaine d’Arras
Un outil au service de la politique de l’habitat
Un système "donnant-donnant"
Enjeux financiers de la garantie d’emprunt pour la CUA
10/11
Perspectives
Favoriser le dialogue pour lever les inquiétudes des élus sur les risques encourus
Informer et apprécier le risque aux travers d’indicateurs simples et partagés
Simplifier la mise en œuvre de la garantie pour favoriser la production de logements
2/3
Edito
Garanties d’emprunt
en faveur du
logement social
Dans le contexte économique actuel, marqué notamment par la réduction des capacités
financières des collectivités locales, la frilosité des établissements bancaires vis-à-vis du
financement du logement social et la difficulté des bailleurs sociaux à équilibrer leurs
opérations, la question de la garantie d’emprunt prend une place de plus en plus importante
dans le montage des programmes de logements sociaux. Si du côté des bailleurs sociaux
cette garantie est indispensable pour être autorisée à construire et pour bénéficier des
prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), bon nombre de collectivités locales
s’interrogent aujourd’hui sur les risques qu’elles encourent en multipliant les garanties
d’emprunt.
Face à ce constat, la commission «Habitat – Renouvellement Urbain Durable» de l’association
Aire Métropolitaine de Lille (AML) a engagé, avec l’appui technique de la Mission Bassin
Minier, une réflexion sur cette problématique.
Cela a donné lieu à un atelier technique visant à mieux apprécier le dispositif de garantie
d’emprunt et son rôle dans le système de production du logement social en France.
Cela a également permis de mesurer les enjeux et conséquences juridiques, financières ainsi
qu’en matière de politique de l’habitat pour les différentes parties prenantes (collectivités
territoriales, bailleurs…)
Comme pour les autres ateliers techniques organisés dans le cadre de l’Aire métropolitaine
de Lille, cette rencontre donne lieu à une publication permettant ainsi de capitaliser et
partager les enseignements avec l’ensemble des acteurs de la Région.
Bonne lecture !
Christian Poiret
Président de la Communauté
d’agglomération du Douaisis
Président de la commission
"Habitat, renouvellement urbain durable"
de l’Aire métropolitaine de Lille
Cadrage réglementaire, éléments de définition et de
compréhension du
mécanisme de garantie
d’emprunt
Depuis 1982, le code général des collectivités territoriales permet aux régions, départements,
Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) et communes d’accorder des
garanties d’emprunt en faveur du logement social (construction neuve et réhabilitation). Dans
la pratique, les collectivités territoriales, et en premier lieu les communes, sont aujourd’hui
amenées quasi systématiquement à garantir ces emprunts.
Un maillon essentiel dans la production des logements sociaux
La garantie d’emprunt ne peut être comprise
ou analysée de manière indépendante mais
doit être appréhendée dans le système global
de financement et de production du logement
social.
Comme l’a rappelé Stéphane Acquette,
Directeur des prêts en charge du financement
du logement social à la Direction régionale
Nord – Pas de Calais de la Caisse des Dépôts
et Consignations, la CDC est chargée, par l’Etat,
de la protection de l’épargne populaire. Les
sommes déposées sur les livrets d’épargne
réglementée et défiscalisée(1) sont centralisées à
la Caisse des Dépôts sur le fonds d’épargne. Le
fonds d’épargne transforme, en toute sécurité,
une partie de l’épargne populaire en prêts de
très long terme pour financer des programmes
d’intérêt général désignés prioritaires par l’Etat,
tel le logement social, la politique de la ville, les
investissements structurants des collectivités
locales…
Les prêts de la CDC ont deux caractéristiques
majeures : des taux d’intérêt faibles et de
durées très longues (jusqu’à 60 ans). Ces
conditions financières privilégiées sont en
effet indispensables pour permettre aux
4/5
organismes de logement social, d’une part,
d’équilibrer leurs comptes et, d’autre part, de
faire bénéficier leurs locataires de niveaux de
loyers nettement inférieurs à ceux du marché,
et donc compatibles avec la vocation sociale des
logements financés.
La garantie des prêts est la clé de voûte du
dispositif puisque les ressources prêtées
n’appartiennent pas à la CDC. Responsable
de l’équilibre à long terme du système, cette
dernière ne peut s’exonérer d’une garantie sur
chaque euro prêté qui s’inscrit dans le mandat
de gestion du fonds d’épargne confié par l’Etat
et qui est encadré par la loi.
De ce fait, l’obtention de la garantie des
collectivités territoriales (ou à défaut de la
Caisse de Garantie du Logement Locatif Social
– CGLLS-(2)) sur les emprunts contractés par les
bailleurs sociaux est un élément indissociable
du dispositif de financement du logement social.
Ainsi, comme l’a souligné Luc Legras, Président
d’Habitat du Nord, le système de production
du logement social en France est basé sur la
garantie publique et la confiance. L’activité de
l’opérateur de logement social est financée
par l’emprunt. C’est une logique globale et
cohérente qui rend le système de production du
logement social robuste.
(1) Livret A en particulier ainsi que le Livret Développement Durable (LDD) et le Livret d’Epargne Populaire (LEP).
(2) CGLLS (cf. encart spécifique).
(3) Le fait qu’un EPCI soit délégataire des aides à la pierre n’impose pas à celui-ci de garantir les emprunts des bailleurs
sociaux en lieu et place des communes. Le code général des collectivités (Article L2252-5) stipule que « nonobstant le transfert,
volontaire ou de plein droit, de tout ou partie de ses compétences en matière de politique du logement ou d’habitat à un EPCI, la
commune conserve la possibilité d’accorder une garantie d’emprunt ou son cautionnement pour les opérations de construction,
d’acquisition ou d’amélioration de logements sociaux visées à l’article L.2252-2 et d’apporter à ces opérations des subventions
ou des aides foncières ».
(4) PLUS – PLAI – PLU et prêt à la réhabilitation
Un dispositif indispensable pour
qu’un bailleur soit autorisé à
construire et puisse disposer des
prêts de la CDC
Lors du montage de son dossier de financement
pour la construction de logements sociaux,
l’organisme dépose une demande de garantie
d’emprunt auprès de la collectivité territoriale ;
en règle générale auprès de la commune sur le
territoire de laquelle l’opération est prévue ou
à défaut des collectivités territoriales de rang
supérieur (EPCI(3) – Département – Région).
Définition
La garantie d’emprunt est indispensable pour
qu’un bailleur soit autorisé à construire et
puisse disposer des prêts de la CDC. Si la
demande est acceptée, le montage du dossier
de financement se poursuit ; le prêt de la
CDC est accordé et l’opération financée (sous
réserve de l’obtention des prêts bancaires
complémentaires si besoin).
Lorsque la garantie des collectivités territoriales
ne peut être obtenue, les organismes HLM
peuvent avoir recours à la CGLLS pour les prêts
dits «réglementés(4)». Le coût du montant de la
commission varie selon la nature du prêt :
- gratuit pour le Prêt Locatif Aidé d’Insertion
(PLAI) et le Prêt Logement d’Urgence (PLU),
- 0,5% du montant du capital emprunté pour les
prêts relais,
- 2% du montant du capital emprunté pour :
• le prêt «construction» : Prêt Locatif à usage
Social (PLUS),
• les prêts «réhabilitation» : Prêt à
l’amélioration (PAM), Prêt pour la
réhabilitation thermique (ECO PRET) et le
Prêt pour le désamiantage (PAM-Amiante).
Si la demande de garantie est acceptée
par la CGLLS, le montage du dossier peut
se poursuivre. Si elle est refusée, dans ce
cas, l’organisme social doit avoir recours à
une caution bancaire ou à une hypothèque
conventionnelle.
La Caisse de Garantie du Logement Locatif Social
Créée en décembre 2000 par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU),
la CGLLS est un établissement public à caractère administratif (EPA), opérateur de l’Etat, et une
institution financière spécialisée, chargée de :
- garantir les prêts réglementés accordés par la Caisse des Dépôts et Consignations aux bailleurs
sociaux, en l’absence d’une garantie des collectivités territoriales ;
- prévenir les difficultés financières des bailleurs sociaux (qui y cotisent) et aider au rétablissement
de leur équilibre (mutualisation du financement du risque).
Elle est principalement financée par deux cotisations prévues par les articles L.452-4 et L.452-4-1 du
Code de la construction et de l’habitation (CCH). Institution financière spécialisée, la CGLLS doit se
conformer aux mêmes exigences que l’ensemble de la profession bancaire.
Des dispositifs de contrôle solides qui
limitent fortement les risques encourus
Depuis une dizaine d’années, 75% des emprunts
pour la construction et la réhabilitation des
logements HLM sont attribués par la CDC
et seulement 2 à 3% de ces emprunts sont
garantis par la CGLLS (essentiellement pour
les Sociétés d’Economie Mixte d’outre-mer et
les Entreprises Sociales pour l’Habitat).
Le système de garantie d’emprunt fonctionne
bien et il est assuré. Preuve en est, aucune
garantie d’emprunt n’a été appelée par défaut
d’un bailleur social (Offices Publics pour
l’Habitat ou Entreprises Sociales pour l’Habitat)
depuis 30 ans et ce dans un contexte marqué
notamment par une augmentation du volume
de la construction HLM depuis 10 ans liée
notamment au Programme de Rénovation
Urbaine (PRU).
Comme le rappelle Éric Naepels, Directeur
administratif et financier en charge de l’analyse
financière et du risque à la Direction régionale
Nord – Pas de Calais de la CDC, plusieurs
niveaux de contrôle existent en ce qui concerne
la «santé» financière des organismes HLM :
rapport d’audit, appelant si nécessaire
l’aide de la CGLLS(5) aux organismes en
situation de fragilité. Cette aide peut
prendre la forme de subventions en
complément des actionnaires et d’un
protocole de garantie sur 5 ans. > la Caisse des Dépôts et Consignations
La CDC se livre à des analyses approfondies
de la situation financière à long terme du
bailleur ainsi que de son programme de
développement et de son impact. La CDC
dispose de nombreux indicateurs de projection et de mesure du risque.
> L’Agence nationale de contrôle du logement
social (Ancols)
Comme prévu dans la loi pour l’Accès au
Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR),
l’Ancols fusionne au 1er janvier 2015 les
anciens organismes de contrôle du logement social, la Mission interministérielle
d’inspection du logement social (Miilos)
et l’Agence nationale de participation
des employeurs à l’effort de construction
(Anpeec). Cette nouvelle agence reprend
notamment les missions antérieures de
la Miilos qui était chargée de contrôles et
d’évaluations auprès des organismes intervenant dans le secteur du logement social,
y compris les sociétés d’économie mixte.
Elle pouvait aussi être chargée d’enquêtes,
d’études, d’audits ou d’évaluations dans ce
même domaine. L’objet du contrôle était de
vérifier l’emploi conforme à leur objet des
subventions, prêts ou avantages consentis
par l’État et le respect par les organismes
contrôlés des dispositions législatives et
réglementaires qui régissent leur mission
de construction et de gestion du logement
social. L’administration pouvait également
procéder à une évaluation d’ensemble de
l’activité consacrée à cette mission, dans
ses aspects administratifs, techniques,
sociaux, comptables et financiers. La MIILOS contrôlait l’application des conventions
donnant notamment droit à l’aide personnalisée au logement.
Certains opérateurs ont connu des périodes
de fragilité. Dans ce cas, il existe des
processus d’accompagnement financier et
de réaménagement de la dette.
Une demande de prêt est toujours étudiée
par la CDC au regard des 3 critères suivants :
• la qualité de l’opération ; analyse du
marché,
analyse
prévisionnelle
de
l’exploitation locative,
• la qualité de l’emprunteur ; analyse
financière rétrospective et prospective,
• la qualité de la garantie ; analyse financière
du garant et partage de garantie éventuel.
> les organisations professionnelles ; en
l’occurrence l’Union Sociale pour l’Habitat
qui regroupe notamment la Fédération
Nationale des Offices Publics pour l’Habitat
et la Fédération Nationale des Entreprises
Sociales pour l’Habitat.
Une obligation statutaire est faite aux
organismes HLM de communication de
leurs comptes à leurs tutelles. Il s’agit du
Dossier Individuel de Situation (DIS) qui est
une photographie de la situation de chaque
organisme sur les 5 dernières années. Il
permet d’objectiver les comptes des bailleurs
sociaux et offre une vision rétrospective de
leur situation financière.
Par ailleurs, un outil de simulation commun
à l’ensemble des organismes existe, en
l’occurrence le logiciel VISIAL, qui permet
de mener des analyses de prospectives
financières à horizon des 10 ans et donc de
mesurer les risques pris par les organismes
HLM. Cet outil est disponible auprès de
l’USH.
Si une fragilité est observée chez un
organisme, l’organisation professionnelle
diligente une mission d’expertise sur place
avec obligation :
• de projections à moyen terme de la
situation financière de l’organisme,
• de prise de mesures internes suite au
Il convient également d’ajouter à ces trois
niveaux de contrôle spécifiques les interventions
plus classiques :
>d
es Chambres Régionales des Comptes qui
peuvent contrôler les comptes des Offices
Publics pour l’Habitat.
> des commissaires aux comptes pour les
Entreprises Sociales pour l’Habitat.
Compte tenu des différents niveaux de contrôle
qui sont tous autonomes les uns des autres, il
ne peut y avoir de collusion entre un organisme
HLM en difficulté et l’un des organismes de
contrôle.
Ce système de prévention et de traitement des
risques a pour objectif notamment d’éviter le
recours à la garantie des collectivités.
(5) Ce n’est pas le cas pour l’accession sociale qui a enregistré des défaillances d’organismes, ce qui a amené la création de la
Société de Garantie de l’Accession des organismes HLM (SGAHLM) le 13 décembre 2000 (loi SRU). La SGAHLM a pour vocation
de délivrer une garantie aux organismes d’HLM (OPH, ESH, coopératives d’HLM) exerçant une activité d’accession sociale sécurisée à la propriété (hors Ccmi et lotissement). Il s’agit d’une obligation légale qui s’impose à tout organisme d’HLM souhaitant
développer cette activité. La garantie est délivrée pour l’exercice d’une activité et non pas opération par opération.
(6) La CGLLS intervenant sur le principe d’une mutuelle, chaque organisme d’HLM y cotisant.
6/7
Du point de vue du bailleur… l’exemple du Groupe SIA Habitat
La gratuité de la garantie : un effet levier sur la production de logements
et les coûts des loyers
Comme le souligne Guy Oniar, responsable des financements au sein de SIA Habitat, pour un bailleur
social, la garantie d’emprunt constitue une pièce maitresse dans le montage du dossier financier
d’une opération de construction de logements sociaux puisque son rôle est de couvrir le financement. Les opérations de construction de logements sociaux étant aujourd’hui confrontées à un
renchérissement du coût du foncier aménagé et à l’augmentation du coût de construction (prix des
matériaux et impact des normes), l’absence de garantie d’emprunt gratuite peut rendre le montage
d’une opération financièrement plus difficile et obliger l’opérateur à mobiliser davantage de fonds
propres.
Ainsi le bailleur s’assure de l’obtention de la garantie d’emprunt, le plus souvent accordée par la
commune concernée par l’opération, et vérifie, au travers d’un service juridique que la commune ou
l’EPCI est en mesure de garantir l’emprunt.
La garantie d’emprunt doit être sollicitée lorsque l’opération de construction est en phase de bouclage.
Dès lors, un dossier de demande de garantie est déposé auprès du garant reprenant les éléments
financiers de l’opération concernée, accompagné de l’accord de principe de financement délivré par le
prêteur. En contrepartie de la garantie le bailleur s’engage à réserver au profit du garant un contingent
de vingt pour cent des logements construits ou réhabilités à l’aide des prêts couverts par le garant.
Chaque année, les partenaires garants sont informés de la situation financière du bailleur et un état
de la dette garantie est adressé à l’attention de chaque garant. Le risque est quasiment inexistant
pour le garant puisque des mécanismes de prévention sont effectifs dans ce secteur.
Par ailleurs, Guy Oniar rappelle que le Groupe SIA Habitat possède un parc immobilier de 42 000
logements. Son patrimoine s’étend sur 300 communes du Nord – Pas de Calais et de Picardie. Le
groupe gère plus de 4 000 emprunts pour un montant de 1.3 milliard d’euros. 88 % de la dette est
indexée sur le livret A qui est un indice peu volatile et sécurisé, car celui-ci est déterminé en fonction
d’éléments tenant compte de l’évolution de la conjoncture économique. Aussi, 95 % de la dette est
garantie à titre gratuit par les collectivités locales. Si ce n’était pas le cas, plusieurs millions d’euros
de frais de garantie d’emprunt devraient être réglés auprès d’organismes bancaires, ce qui ne serait
pas sans impact sur le coût des loyers.
Limiter le recours à d’autres types de garanties plus contraignantes
(coûts financiers, procédures et délais) qui pourraient impacter la stratégie du bailleur
L’Etat exige que la CDC bénéficie, pour les prêts qu’elle accorde, d’une garantie publique à hauteur
de 100 %. En l’absence de garantie d’une collectivité territoriale, le bailleur peut, dans certains cas
à titre subsidiaire, solliciter la garantie de la CGLLS (cf. chapitre 1.2). Le troisième recours demeure
la caution bancaire, mais elle ne peut être accordée qu’à des prêts d’une durée maximum de 30 ans.
Toutefois, ces deux dernières solutions ne constituent pas la majorité des garanties acceptées par la
CDC.
Les collectivités locales s’interrogent aujourd’hui sur l’apport de leur garantie d’emprunt au logement
social, et en particulier au PLAI. Certaines ont d’ailleurs déjà franchi le pas en ne garantissant
plus le financement des logements de ce type dans les opérations neuves. Cette décision, qui est
notamment motivée par l’accès à l’emprunt sur les marchés financiers (cf. chapitre 3.3), pourrait avoir
des conséquences sur la situation actuelle de la CGLLS et amener cette dernière à faire évoluer sa
politique d’intervention.
Si la CGLLS prend aujourd’hui en charge gratuitement la garantie d’emprunt pour le PLAI, en lieu et
place des collectivités locales quand celles-ci ne le peuvent pas, il convient de rappeler que sa mission
première est de venir en aide aux bailleurs en difficulté (et non de garantir les emprunts).
Non seulement le recours à la CGLLS allonge le délai d’obtention de la garantie de l’ordre de 12 mois,
ce qui n’est pas sans incidence sur le montage d’opérations pour les bailleurs sociaux, mais cela
pourrait également amener à terme la CGLLS à se faire rémunérer, à l’image de ce qu’elle pratique
pour les PLUS par exemple, au risque sinon de mettre en péril la situation financière de l’organisme
dans l’hypothèse d’une multiplication des demandes de garantie. D’ailleurs, les capacités de garantie
de la CGLLS commencent, dans le cadre du respect de la loi bancaire, à être limitées compte tenu
de la concentration des acteurs du logement social et de la nécessité de répartir les risques. Elles
pourraient à l’avenir être réduites, impliquant de ce fait, une obligation pour les bailleurs sociaux de
se tourner vers le réseau bancaire, qui est lui-même de plus en plus réticent à financer le logement
social.
Du point de vue de la collectivité territoriale,
l’exemple de la Communauté Urbaine
d’Arras
Un outil au service de la politique
de l’habitat
Pour Sylvie Ruin, Directrice de l’habitat, la
garantie d’emprunt en faveur du logement
social figure parmi la palette des outils
communautaires au service de l’habitat. La
CUA, qui engage son 4e Programme Local de
l’Habitat (PLH), est délégataire de la gestion
des aides à la pierre. De ce fait, sa position
face à la garantie d’emprunt est quelque peu
particulière : en effet, la collectivité programme
les opérations de construction de logements,
instruit les dossiers de financement, puis enfin
contrôle et paie les opérations. La CUA joue un
rôle de chef d’orchestre dans le domaine de la
politique du logement social sur le territoire.
Le sujet de la garantie d’emprunt se présente
à la fin d’une longue chaine de décisions. Elle
est traitée avec une certaine automaticité car la
CUA est délégataire de la gestion des aides à
la pierre et les décisions sont prises en amont.
Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’accorder une
garantie d’emprunt, la CUA délibère au cas
par cas. Au cours de chaque délibération, elle
consulte la commune concernée pour vérifier
si des événements sont survenus et pourraient
remettre en cause la garantie. Une procédure
simplifiée pour alléger la charge administrative
a été mise en place.
La garantie d’emprunt doit contribuer à
attirer les bailleurs sur le territoire au même
titre que les aides directes. Plus qu’une
«charge», elle doit être considérée comme
un outil de valorisation et une opportunité de
développement du territoire, d’autant plus que
les territoires sont concurrents en matière de
production de logement social.
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Par ailleurs, concernant la réhabilitation des
logements anciens, la problématique est
sensiblement différente, la commune ayant très
peu de prise sur ces opérations. Les opérations
de réhabilitation de logements anciens sont
garanties par la CUA à 100 % de la même
manière que les logements neufs. Toutefois,
il a été décidé il y a deux ans de demander au
bailleur de fournir à la CUA en début d’année
la liste des opérations de réhabilitation prévues
et nécessitant une garantie d’emprunt afin
que les demandes soient approuvées. L’enjeu
est de préparer collectivement à produire une
analyse d’opportunité de la programmation
de réhabilitation. La CUA commence à
travailler avec les bailleurs pour piloter une
programmation de réhabilitation en utilisant le
levier de la garantie d’emprunt.
Un système donnant-donnant
Depuis 2006, la garantie d’emprunt accordée par
la communauté urbaine d’Arras aux bailleurs
sociaux couvre 100 % du montant des prêts. A
l’époque, avait été imaginée une contrepartie au
bailleur pour cette garantie :
• d’une part tel qu’inscrit dans le cadre légal,
sous la forme d’un droit de réservation de
20 % des logements construits accordé à la
commune garante ;
• d’autre part le respect d’une charte de
peuplement.
Mais cette mesure n’a finalement jamais été
mise en place.
«La garantie d’emprunt en faveur du logement social est un
levier d’aménagement du territoire pour répondre aux enjeux
de mixité sociale et de démographie. Dans un contexte de
restrictions financières, les communes s’interrogent aujourd’hui
sur leur capacité à accompagner les opérateurs dans le
cadre du développement du territoire. La mise en place de
partenariats entre communes et opérateurs n’en devient que
plus indispensable.»
Patrick Masclet
Président des Maires du Nord
Néanmoins, il est convenu que le bailleur, la
commune garante et la CUA définissent ensemble le
plan de gestion urbaine de proximité (gardiennage,
surveillance, gestion des déchets) et la stratégie
de peuplement des nouveaux logements trois mois
avant la livraison de l’opération. La volonté d’avoir
une approche très pragmatique de la question a
donc été choisie.
Enjeux financiers de la garantie d’emprunt pour la CUA
La loi Galland
La CDC fournit une information annuelle à la
direction du logement ainsi qu’à la direction des
finances de la CUA, sur la situation financière des
bailleurs sociaux auxquels la CUA a accordé une
ou des garanties d’emprunt et sur ses propres
encours. Cependant, la circulation et la lisibilité de
l’information sur la mise à jour des encours sont
encore difficiles au sein de la CUA. Actuellement,
l’encours de la communauté urbaine s’élève à
194 millions d’euros. La direction des finances
considère que le montant de la dette propre, qui
doit respecter différents ratios, est un bon élément
de comparaison pour évaluer le poids de l’encours.
Or, la dette propre de la CUA s’élève à 80 millions
d’euros, un montant bien moins élevé que l’encours.
Dans le cadre d’une réflexion qui vise à déterminer
ce qu’il adviendrait si tous les bailleurs étaient
défaillants, un ratio intéressant a été calculé : celui
du nombre d’années nécessaires pour désendetter
la CUA. Si l’on ne considère que la dette propre de
la collectivité, il faudrait huit ans pour qu’elle se
désendette. En revanche, si l’on prend en compte
également l’encours de garantie, cette durée
est allongée à 18 ans. Se pose alors la question
de l’encours maximum garantissable par une
collectivité ? Dans le cas de la CUA, il faut aussi
tenir compte du fait que plus de 60 % du risque est
concentré sur un seul et même bailleur.
L’encours de garantie n’est pas problématique pour
une collectivité lorsqu’il s’agit pour elle de recourir
à l’emprunt bancaire puisque celui-ci ne figure pas
dans le budget principal (cf. encart «loi Galland»).
En revanche, il peut devenir contraignant si cette
collectivité décide d’emprunter sur les marchés
financiers. L’encours de garantie est en effet pris
en compte par les agences de notation dans le
taux d’endettement de la collectivité. Ce point peut
expliquer la réticence actuelle de certaines grandes
intercommunalités qui empruntent sur les marchés
financiers à octroyer des garanties d’emprunt aux
bailleurs sociaux.
La garantie d’emprunt apportée pour les prêts dédiés au logement social n’est pas prise en compte
dans le calcul des trois ratios prudentiels conditionnant l’octroi des garanties d’emprunt des
collectivités territoriales. En effet, le logement social est exclu du champ de la loi du 05 janvier 1988,
dite «loi Galland».
Les ratios Galland sont au nombre de trois :
- Ratio de plafonnement des garanties apprécié par rapport au montant de recettes réelles de
fonctionnement : le montant total des annuités garanties, hors logement social, majoré des annuités
de la dette de la collectivité, ne doit pas excéder 50% des recettes réelles de fonctionnement.
- Division du risque : le montant des annuités garanties au profit d’un même débiteur, hors logement
social, ne doit pas excéder 10% du montant total des annuités susceptibles d’être garanties
- Partage du risque : la quotité d’emprunt susceptible d’être garantie par une ou plusieurs
collectivités territoriales est limitée à 50% du prêt.
Cependant, en application des dispositions de la loi Galland, peuvent être garantis à 100% les
emprunts consentis sur Fonds d’épargne dès lors que l’opération financée consiste en la
construction, l’acquisition ou l’amélioration de logement social.
En tant qu’engagement hors bilan (c’est à dire non inscrit dans le bilan des collectivités territoriales
mais figurant dans les annexes), les garanties d’emprunt ne représentent donc qu’une dette
potentielle pour les collectivités ; celle-ci est cependant susceptible de se transformer en dette
réelle en cas de défaillance de l’emprunteur.
La garantie d’emprunt au logement social n’affecte donc pas en théorie la capacité de la collectivité
territoriale à garantir d’autres emprunteurs -hors champ du logement social- et surtout à emprunter
elle-même.
Perspectives
Favoriser le dialogue pour lever les
inquiétudes des élus sur les risques
encourus
Comme le rappelle Sylvie Ruin de la CUA ; la
garantie d’emprunt à 100 % pour le logement
social ne fait pas débat au sein de la communauté urbaine, mais resurgit comme un objet
d’inquiétude de façon récurrente.
Pour Luc Legras, le risque zéro en matière de
garantie n’existe pas, mais le système de garantie fonctionne bien : les risques sont individuels
et non pas systémiques. Tous les ans, quelques
organismes de logement social connaissent
des difficultés… Lorsque c’est le cas, sa situation se dégrade lentement. Il faut s’interroger
sur les scénarios futurs et son activité à long
terme afin de mettre en place des mécanismes
de prévention. Il s’agit donc d’être attentif pour
engager les bonnes procédures suffisamment
tôt. Ces processus sont maîtrisés. La garantie
d’emprunt s’inscrit dans le contexte de la bonne
connaissance de l’organisme et de ses perspectives de développement.
«La garantie d’emprunt est la principale contribution que
les communes apportent au fonctionnement du logement
social. Elle permet pour les collectivités locales de maintenir
un dialogue avec les bailleurs sociaux. Bon nombre de
communes considèrent que la garantie d’emprunt est une
démarche subie. Il en va de la volonté du maire de placer
cette problématique au cœur du débat.» Frédéric Chéreau
Maire de Douai
10/11
Dans ces conditions, la garantie du risque
passe par une connaissance partagée d’un certain nombre d’éléments d’information, tâche
qui est rendue difficile par la multiplicité de
lieux et d’acteurs. Ce mécanisme de partage de
connaissances fonctionne mal aujourd’hui. Les
collectivités gagneraient à accroitre leur degré
de connaissance sur le sujet. Il n’est pas nécessaire de tout réinventer, les éléments de compréhension et de connaissance existent mais il
faut parvenir à les rassembler.
Il y a également nécessité d’informer les magistrats de la Chambre Régionale des Comptes
(CRC) sur la réalité que recouvre la garantie
d’emprunt en faveur du logement social et le
partage du risque, afin que ceux-ci tiennent
compte de cette réalité dans leur rapport. Ce
n’est pas le cas actuellement puisque la CRC
intègre la garantie d’emprunt dans l’endettement global de la collectivité, ce que craignent
bon nombre d’élus. La CDC a engagé un dialogue avec la CRC à ce sujet.
Informer et apprécier le risque aux
travers d’indicateurs simples et partagés
Comme le rappelle Sylvie Ruin, concernant le
parc privé, les collectivités utilisent des dispositifs de calculs d’aides. Ne pourraient-elles pas
également définir leurs propres critères prudentiels pour évaluer, par exemple, le volume
maximum d’emprunt qu’elles peuvent garantir,
mais aussi leurs propres critères d’évaluation?
La garantie d’emprunt doit en effet être cogérée
par la direction du logement et la direction des
finances, cette dernière affinant son expertise
sur l’appréciation du risque.
Pour Stéphane Acquette, concernant l’appréciation du risque, la CDC produit en effet sa
propre analyse qui ne peut remplacer celle de
la collectivité. Il est d’ailleurs intéressant de
confronter l’analyse du prêteur et celle de la collectivité. Certains élus participent aux conseils
d’administration d’Organismes de Logements
Sociaux (OLS). Néanmoins, il faut organiser un
meilleur pilotage sur les territoires, définir des
critères d’appréciation simples et éventuellement créer un outil de vulgarisation.
La nécessité de rassurer les collectivités sur le
niveau de risque et fournir aux élus des indicateurs simples sur la santé financière des bailleurs, en institutionnalisant, par exemple, les
rencontres entre les élus et la CDC, semble être
un objectif indispensable.
Par ailleurs des dispositifs de formation à destination des élus et techniciens des collectivités
pour mieux appréhender et comprendre les documents financiers des bailleurs sociaux pourraient être imaginés.
Simplifier la mise en œuvre de la
garantie pour favoriser la production
de logements
Pour le bailleur, l’enjeu est de répondre le
plus rapidement possible aux demandes des
citoyens en logement social. Cela nécessite
notamment plus de fluidité dans la procédure
de mise en place de la garantie d’emprunt. Un
dispositif de garantie simplifiée a été mis en
place par la CDC, ce qui allège grandement le
processus administratif.
La décision récente d’une collectivité de ne plus
garantir les PLAI va à l’encontre de la simplification de la mise en œuvre des garanties. Elle
oblige en effet les bailleurs sociaux à scinder
pour une même opération les emprunts : PLUS
avec garantie de collectivité et PLAI avec garantie CGLLS en remplacement de la garantie collectivité.
Par ailleurs en ce qui concerne SIA Habitat, la
garantie CGLLS n’est accordée pour des emprunts au-delà de 300 K$ qu’à condition qu’une
hypothèque légale soit prise. Cela allonge les
délais de mobilisation des fonds et peut générer des effets de bord négatifs à moyen terme :
en cas de vente de ces logements aux habitants
dans le cadre d’un parcours résidentiel ultérieur, il conviendra alors de lever l’hypothèque,
ce qui engendrera des frais supplémentaires.
Remerciements
Pour leur intervention :
Frédéric CHEREAU, Maire de Douai
Patrick MASCLET, Vice-Président de la Communauté d’Agglomération du Douaisis,
Président de l’association des Maires du Nord, Trésorier AML
Stéphane ACQUETTE, Directeur des prêts en charge du financement du logement
social, Direction régionale de la Caisse des Dépôts et Consignations
Éric NAEPELS, Directeur administratif et financier en charge de l’analyse financière et
du risque, Direction régionale de la Caisse des Dépôts et Consignations
Guy ONIAR, responsable des financements, Groupe SIA Habitat
Sylvie RUIN, Directrice de l’Habitat, Communauté Urbaine d’Arras
Luc LEGRAS, Président d’Habitat du Nord
Pour leur collaboration à la préparation de cet atelier (audition) :
Isabelle CAMBRONNE, Chargée de développement territorial, Direction régionale de la Caisse
des Dépôts et Consignations
Raymond FRACCOLA, Directeur de l’Association régionale pour l’Habitat
Pierre CAIN, Professeur de droit, Paris XII-Créteil
Jean-Claude PATHE, Directeur adjoint de la Fédération Nationale des Offices Publics pour
l’Habitat
Atelier technique organisé par la Mission Bassin Minier avec l’appui de l’AML et les partenaires du
groupe technique « Habitat et renouvellement urbain durable » de l’Aire métropolitaine de Lille
L’atelier était animé par Vincent Froger, Mission Bassin Minier
Co-réalisation Aire métropolitaine de Lille et Mission Bassin Minier – mai 2015
Direction de la publication : Catherine Bertram (MBM) et Hervé Decaux (AML)
Coordination et rédaction : Vincent Froger (MBM) et Quentin Duvillier (AML)
Crédits photos : SIA Habitat, Samuel Dhote, CA du Douaisis, AML
Mise en page : studiopolain.fr