Hyperplasie stromale pseudo-angiomateuse du sein (PASH) : revue

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Hyperplasie stromale pseudo-angiomateuse du sein (PASH) : revue
A Heckly, M Clouet, R Gastinne, C Bouriel, B de Korvin, P Tas, J Levêque
Rennes - France
Hyperplasie stromale pseudo-angiomateuse du sein
(PASH) :
revue de 10 cas avec traduction radiologique
Introduction
La PASH est une lésion bénigne constituée de cellules myofibroblastiques fusiformes aboutissant en un abondant stroma
fibreux.
Ces cellules s’organisent autour de collections de polysaccharides
optiquement vides donnant un faux aspect de réseau vasculaire,
d’ou sa dénomination d’ hyperplasie « pseudo-angiomateuse »
alors qu’il ne s’agit absolument pas d’une lésion vasculaire.
Introduction
X 20: A faible grossissement,
les structures lobulaires sont
dispersées (flèches) dans un
stroma prédominant (étoiles).
Ces cellules s’organisent autour de collections de polysaccharides
optiquement vides.
Gx40 : A plus fort grossissement, le
stroma est peu cellulaire contenant
des fentes anastomosées (flèches
pleines) bordées de cellules au noyau
aplati.
L’architecture lobulaire est dissociée
(triangles).
Introduction
Ce faux aspect de réseau vasculaire peut mimer en première lecture
histologique un angiosarcome de bas grade.
Cependant, l’immuno-histochimie permet aisément de l’infirmer en
démontrant l’origine myo-fibroblastique et non endothéliale
(vimentine, alpha-actine et CD34 +, anti-facteur VIII -) des cellules
autour des fentes.
Introduction
Classiquement, la PASH se présente sous 2 formes :
-
une
forme
infra-clinique
et
infra-radiologique
microscopique très fréquente, de rencontre (dans 23% des
cas sur une série de 200 biopsies mammaires d’une autre
lésion (Ibrahim).
-
- une forme clinique nodulaire, très rare, seule une centaine
de cas a été décrite. Cette forme a une expression
radiologique que nous avons voulu décrire.
Matériels et méthodes :
Revue de dossiers cliniques et radiologiques de biopsies
mammaires réalisées entre 2001 et 2004 où le diagnostic final
retenu était une PASH
Il s’agissait de 10 femmes âgées de 28 à 46 ans (âge moyen 39 ans)
non ménopausées.
Dans les antécédents, 1 patiente avait un antécédent de cancer du
sein chez une sœur et une autre patiente était traitée par
immunosuppresseurs pour une une polyarthrite sévère.
Le diagnostic avait été porté en chirurgie (n=7), en microbiopsie
sous échographie (n=2) et en macrobiopsie sous stéréotaxie (n=1).
Clinique
Dans 8 cas, l’autopalpation d’une masse ovoïde, molle, bien limitée
mesurant en moyenne 4,2 cm ( variant entre 1,5 et 10 cm) avait motivé
l’imagerie.
Le nodule palpable était unique dans 7 cas, bifocal dans 1 cas (2 nodules de
10 et 1,7cm) et multifocal et bilatéral chez la patiente sous
immunosuppresseurs (3 nodules à droite et 4 à gauche).
Dans 2 cas, l’examen clinique était normal et le dépistage avait révélé, dans
1 cas, une distorsion architecturale à la mammographie et dans l’autre cas
une plage échographique ambiguë.
Données de l’imagerie
MAMMOGRAPHIE
8 patientes ont eu une mammographie bilatérale.
Les densités mammaires étaient de classe 3 (n=5) et de classe 2 (n=3) dans
la classification ACR.
Tous les nodules palpables (sauf le plus petit de 15mm sans traduction
mammographique) se présentaient en mammographie comme une opacité
homogène, ovalaire, de contours nets et réguliers en totalité ou
partiellement masqués par les opacités fibroconjonctives adjacentes.
Un halo clair était visible dans tous les cas.
Aucune microcalcification associée n’a été détectée.
Dans les 2 cas infracliniques, la mammographie révélait une distorsion
architecturale dans un cas et dans l’autre, était négative (seins denses).
Masse de 5cm devenue douloureuse après un choc direct
chez une jeune femme de 28 ans
Oblique
Profil
L’échographie montre une masse
parfaitement homogène de 5 cm
de grand axe.
Importante opacité homogène ovalaire avec net halo
périphérique correspondant à la masse clinique dans un
sein de densité 3
Chez une femme de 40 ans , importante asymétrie mammaire en rapport avec une
volumineuse masse occupant la moitié inférieure du sein gauche, lisse, non
adhérente, sans modification cutanée.
Opacité dense homogène de 10 cm
à l’union des quadrants inférieurs
(étoile) à laquelle s’associe une
petite opacité de contours en grande
partie masqués ( flèche), elle sans
traduction clinique
Exérèse chirurgicale : 2 nodules de
PASH de 10 et 1,7cm
Oblique
Face
Chez une femme de 46 ans, palpation d’une masse de 5 cm
à l’union des quadrants internes du sein gauche.
Profil
Face
Mammographie du sein gauche : Opacité (étoile)
de 5 cm homogène avec halo clair en limite de sein
L’échographie montre une
formation d’allure bénigne de
contours nets et réguliers.
Chez une femme de 42 ans, mammographie systématique de suivi pour un foyer de
microcalcifications controlatéral biopsié bénin. L’examen clinique est normal.
Face
Oblique
Cliché localisé en oblique
La mammographie révèle une distorsion architecturale à l’union des
quadrants supérieurs (flèche); la macrobiopsie 11G au cours de laquelle un
clip a été largué a montré des lésions de PASH. La lésion est stable sur ce
contrôle à un an.
Chez cette patiente, l’analyse histologique a montré la pénétration et
la dissociation par la prolifération fibreuse des structures lobulaires
normales (flèches). Aucune autre lésion adjacente n’a été
diagnostiquée.
Gx20
Gx40
A plus fort grossissement, on retrouve les fentes pseudo-vasculaires
(flèches blanches) bordées de cellules fusiformes peu nombreuses
(flèches noires) caractéristiques de la PASH.
Données de l’imagerie
ECHOGRAPHIE
Toutes les patientes ont eu une échographie.
Tous les nodules palpables avaient un aspect échographique de
nodule bénin: ils correspondaient à un nodule ovalaire
hypoéchogène, de même taille que la lésion clinique, de
contours nets et réguliers, à grand axe parallèle à la peau ; un
seul était de contours bosselés polylobés.
L’échographie permettait de dépister en outre une plage bien
limitée non palpable ambiguë car apparue chez une patiente
suivie pour antécédents familiaux.
Données de l’imagerie
ECHOGRAPHIE
L’échostructure était toujours hypoéchogène sans modification
postérieur du faisceau acoustique.
L’échostructure interne était homogène, sauf dans 3 cas où des
plusieurs zones kystiques surtout périphériques étaient notées
dans de gros nodules (100, 60, 35 mm de grand axe).
Nodule de 35mm chez la patiente
porteuse de nodules bilatéraux de
type bénin siège d’une petite
formation kystique.
Augmentation brutale de taille d’un nodule
connu étiqueté fibroadénome chez une jeune
femme de 28 ans
Un an après, l’échographie montre une masse
bien limitée de 6 cm ,siège de nombreux
remaniements kystiques périphériques(flèches).
Un an avant, une masse palpable
correspond à une formation d’allure
bénigne homogène de 4 cm de long.
Echographie des nodules de PASH
Volumineuse masse de l’union des
quadrants inférieurs du sein de contours
parfaitement réguliers : la masse présente
des remaniements kystiques (flèches)
Apparition rapide d’un nodule de
30 mm chez une femme de 37 ans :
formation homogène bien limitée
Chez une femme de 45 ans traitée par immunosuppresseurs pour une polyarthrite
rhumatoïde sévère, palpation de 7 masses molasses (4 à gauche et 3 à droite)
variant de 18 à 24 mm de grand axe.
2
1
L’échographie montre des nodules de grand axe parallèle à la peau, homogènes,
de contours nets, réguliers (image 1) ou polylobés (image 2).
Devant la nécessité sur le terrain d’obtenir une histologie, une exérèse de tous ces
nodules a été réalisée retrouvant pour chacun d’eux un aspect de PASH.
L’échographie a permis de dépister, en outre, une plage bien limitée non
palpable ambiguë car apparue chez une patiente suivie pour antécédents
familiaux et déjà opérée dans ce sein pour mastopathie fibrokystique.
Mise en évidence en échographie d’un « pseudonodule » hypoéchogène haut situé à l’union des
quadrants supérieurs du sein droit classé ACR4.
La mammographie était normale.
1min 40
3min 40
Une IRM a été réalisée pour
tenter de caractériser cette
image : elle a révélé dans cette
région un rehaussement
précoce intense et continu
posant l’indication d’une
biopsie (flèche).
Une microbiopsie sous échographie a montré une PASH.
Dans notre série, une lésion a présenté un aspect échographique
atypique ; il s’agit de l’échographie en rapport avec une distorsion
architecturale mammographique classée ACR4.
Chez cette patiente, l’échographie a montré dans la région de la distorsion
architecturale une plage hypoéchogène (flèches) rompant l’architecture
normale de contours légèrement anguleux.
Diagnostic histologique de la PASH
Dans 7 cas, compte-tenu de l’importante taille de la lésion (entre 2,5
et 10 cm), une biopsie-exérèse chirurgicale a été proposée d’emblée.
Dans les 3 autres cas (2 infracliniques et une masse palpable de
15mm), 2 microbiopsies 14 G échoguidées et 1 macrobiopsie 11G
sous contrôle stéréotaxique ont été réalisées révélant des lésions de
PASH uniquement sans autre lésion associée. Il n’y a pas eu
d’évolution avec un an de recul minimum.
Discussion
Notre série montre que la PASH peut se présenter en imagerie selon
deux aspects distincts :
soit en cas de nodule palpable mou, selon l’aspect d’un nodule bénin
typique en imagerie et pouvant être de grande taille (notre série est de
ce fait biaisée car ces lésions ont été alors de diagnostic chirurgical)
soit de présentation plus suspecte ayant fait classer ces lésions ACR4 et
c’est le diagnostic biopsique guidé par l’imagerie qui a fait le
diagnostic. Cette circonstance devrait être de plus en plus retrouvée
compte-tenu du développement de la sénologie interventionnelle.
Discussion
L’étiologie de cette prolifération de cellules myofibroblastiques
est inconnue mais une origine hormonale est souvent avancée :
la PASH serait le résultat d’une réponse exagérée à la
progestérone d’un tissu préalablement imprégné d’œstrogène
(les cellules expriment fortement les récepteurs à la progestérone
et les lésions sont diagnostiquées en pré-ménopause.
La PASH pourrait être favorisée par un état
d’immunosuppression (comme dans le cas de notre patiente sous
immunosuppresseurs avec une PASH bilatérale, multifocale,
d’apparition rapide).
Diagnostic différentiel
La présentation clinique de la PASH est en faveur d’une tumeur mésenchymateuse
bénigne telle que l’adénofibrome ou l’hamartome. La tumeur phyllode doit être
évoquée surtout s’il existe une croissance rapide. L’imagerie ne peut pas les
différencier.
Si la PASH peut évoquer en première lecture un angiosarcome en histologie et que
celui-ci survient dans la même tranche d’âge sous forme de masse de croissance
rapide, l’angiosarcome a cependant une présentation clinique et radiologique très
différente de la PASH : souvent associé à des modifications cutanées, il s’agit d’une
masse mal limitée, parfois mal discernable en imagerie, modifiant l’atmosphère
périphérique du sein. En doppler couleur, le caractère hypervascularisé est manifeste
et totalement différent de la PASH de vascularisation faible ou modérée.
L’histologie montre les lumières vasculaires multiples contenant du sang et
totalement entourées par les cellules endothéliales.
Apparition d’une volumineuse masse du quadrant supéroexterne du sein droit chez une jeune femme de 35 ans
en rapport avec un angiosarcome
La mammographie montre un surcroît de
densité modérée (étoile) en projection des
quadrants externes avec un signe du halo
très partiel.
L’échographie centrée sur la masse palpée
montre une plage hétérogène hypoéchogéne
mal dissociée de la glande adjacente
nettement hypervascularisée en doppler
couleur.
Diagnostic et traitement de la PASH
Il n’existe pas de critère formel clinique ou radiologique permettant le
diagnostic qui ne peut être qu’histologique. L’aspect en faveur d’un nodule
bénin ACR3 n’est pas une indication à biopsier et certains fibroadénomes
suivis sont vraisemblablement des PASH.
La cytologie est peu performante.
La microbiopsie autorise des prélèvements suffisants pour établir le
diagnostic ; l’exérèse chirurgicale est indiquée ensuite, en fonction de la
taille de la lésion, confortant le diagnostic et nécessitant des marges saines.
En effet, la récidive est fréquente dans les 3 premières années.
Conclusion
La PASH est une lésion mésenchymateuse bénigne rare de la femme
préménopausée.
Elle peut se présenter comme une masse parfois nettement évolutive et de
taille conséquente dont l’imagerie est en faveur d’une tumeur bénigne et
pour laquelle la microbiopsie apporte le diagnostic de certitude débouchant
sur la chirurgie d’exérèse complète.
Elle peut se manifester également comme une lésion purement infraclinique de présentation plus ambiguë nécessitant un diagnostic biopsique
fiable. Dans ces cas, une simple surveillance est préconisée.
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