2 expertise ostreicole

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2 expertise ostreicole
RAPPORT D'EXPERTISE OSTREICOLE
COMMUNAUTE RURALE DE TOUBACOUTA
DELTA DU SINE SALOUM
SENEGAL
par Jérôme LOIRE ostréiculteur en ria d'Etel, Bretagne sud.
pour l’association : VILAINE ET SALOUM
Mission de septembre 2009
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SOMMAIRE :
1- INTRODUCTION
1-a : préambule
1-b : présentation de l'espèce « crassostrea gazar »*
1-c : contexte environnemental et économique
2- EXPERTISE OSTREICOLE
2-a : critères environnementaux
2-b : description et propositions de techniques d'élevage ostréicole
A : le captage
B : l'élevage
B-1 : sites d'élevage
B-2 : l'élevage en poche
B-3 : l'élevage au sol
C : le stockage
D : l'expédition
2-c : réflexion sur la pêche et l’aquaculture.
3- FICHES TECHNIQUES
les objectifs
les fiches :
1- Captage
2- Elevage en poche
3- Elevage au sol
3- Stockage des huîtres vivantes
4- Expédition des huîtres vivantes
5- Transport et commercialisation
4- CONCLUSION
5- ANNEXES
6- BIBLIOGRAPHIE
7- LEXIQUE
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1 / INTRODUCTION :
1- a : préambule
L’association Vilaine et Saloum est née en 2005 de la rencontre entre des apiculteurs du
delta du Saloum, dans le Sud du Sénégal et des collègues bretons. Son objectif est de fournir un
appui aux familles d’agriculteurs de la Communauté Rurale de Toubacouta pour développer des
activités et donc des revenus complémentaires. Dans la mangrove du delta, il n’y a pas que des
abeilles, et Vilaine et Saloum s’est rapidement intéressée aux huîtres sauvages qui s’accrochent
naturellement aux racines des palétuviers. La disparition programmée de la ressource, victime à la
fois de la surpêche et d’une gestion imprudente de la forêt de palétuviers, inquiète les populations
côtières menacées de perdre une partie de leurs revenus.
Vilaine et Saloum a donc entrepris avec les groupements de pêcheurs d’orienter leur activité
vers l’élevage des huîtres.
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L'activité traditionnelle de la pêche aux huîtres de palétuviers (crassostrea gazar) a jusqu'à
présent su garantir un revenu complémentaire pour ce peuple de la côte (Niominka, en langue
Wolof) à la fois paysans de la terre et de la mer. Ces dernières décennies, un exode massif des
populations des régions continentales chassées par la sécheresse et la progression du désert les a
conduites sur le littoral. Ce mouvement de populations a provoqué un afflux de nouveaux pêcheurs
et une intensification de la pêche aux huîtres, allant jusqu'à mettre en péril la survie de l'espèce.
Pour faciliter la mutation de la pêche vers l’élevage des huîtres, Vilaine et Saloum a d’abord
expédié des poches ostréicoles, puis fait fabriquer des tables sur place et organisé deux stages de
formation animés par le docteur vétérinaire Vaque Ndiaye, spécialiste aquacole sénégalais. Cette
expérience, engagée en 2006, est conduite dans quelques villages de volontaires : d’abord cinq, puis
six, ils sont désormais sept.
Après deux années d’expérimentation, la nécessité de faire évaluer cette activité nouvelle
par un expert français en ostréiculture s’est imposée.
Ainsi Vilaine et Saloum, sur les conseils de Pierre Mollo et de Morgane Nedelec, du
Cempama de Beg Meil, est venu me proposer de réaliser cette mission d’expertise. C'est avec
enthousiasme que j'ai accepté le projet de partir en mission pendant 15 jours sur les rives du
Saloum, et ceci malgré les difficultés que rencontre l'ostréiculture française. Qu'il soit exercé sur un
continent ou sur un autre, le métier d'ostréiculteur reste toujours une activité à fort risque, qui
demande des facultés d'adaptation permanentes. Les huîtres sont des animaux extrêmement
sensibles au stress et à la qualité de l'eau. La crise ostréicole en France est multifactorielle
(pollution, virus mutant, surproduction de naissains d’écloseries, expérimentation génétique…)
mais elle nous apprend la prudence, et il serait criminel de commettre les même erreurs dans la
conduite de l'ostréiculture sénégalaise.
La mission d'expertise ostréicole a eu lieu du 15 au 29 septembre 2009.
Personnellement, j'ai toujours eu la volonté d'agir en faveur des peuples du Sud, mettant en pratique
l'aspect solidarité d'une démarche qualité récente en ostréiculture et initiée par le réseau
« Cohérence » dont la charte est axée sur le développement durable et solidaire (voir en annexe).
L'Afrique y a donc selon moi toute sa place, car le développement durable n'est rien s'il n'est pas
solidaire! Mon fils Samuel (19 ans), baigné depuis son plus jeune âge dans la culture des huîtres de
la ria d'Etel, m’a accompagné dans cette aventure.
L'équipage français (Martine, Alain, Nicole, Marie-Paule, Samuel et Jérôme) rejoint
l'équipage sénégalais (Adama, Moussa, Ibrahima) pour 2 semaines de partage et d'échange sur
l'ostréiculture mais aussi sur les valeurs de la vie...à l'occidentale et à l'africaine!
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Le bureau au complet : l’antenne Sénégalaise et l’antenne bretonne, de gauche à droite : Ibou,
Adama, Moussa, Nicole, Martine, Alain.
1 b présentation de l'espèce « crassostrea gazar » :
(Source : rapport de l’association IDEE CASAMANCE établi en février 2005)
L'huître (famille des Ostréidés), appelée « yoros » en Wolof, appartient à l'embranchement
des mollusques (corps mous) et à la classe des bivalves ou lamellibranches. L'espèce à laquelle nous
nous intéressons pour l'élevage est Crassostrea gazar
communément appelée Huître de
palétuviers.
Selon le laboratoire de Génétique et de Pathologie de l’IFREMER (Institut Français de
Recherche pour l’Exploitation de la Mer), la seule huître sur les côtes de l'Afrique de l'ouest est la
Crassostrea Gazar. Cette huître de mangrove vit à l'état naturel sur des zones découvertes à marée
basse. Grégaire, elle se fixe sur les racines des palétuviers, arbres constituant l'essentiel du biotope
de la mangrove.
MORPHOLOGIE :
La coquille de l'huître est composée de deux valves : une valve inférieure qui est concave et
qui contient l'animal (c'est elle qui se fixe sur le support) et une valve supérieure qui est plate. Une
charnière constituée par un ligament élastique permet d'articuler les deux valves par l'intermédiaire
d'un muscle adducteur situé vers le milieu de la coquille. L'étanchéité impeccable de ce système de
fermeture permet à l'animal de survivre émergé plusieurs heures en conservant de l'eau à l'intérieur
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de sa coquille. On rencontre dans le corps d'une huître tous les organes simplifiés des animaux
supérieurs, en particulier les systèmes respiratoire, nerveux, digestif et circulatoire (son sang est un
liquide légèrement bleuté).
« Crassostrea gazar » ou autrement nommée « ostreidae crassostrea rysophora »
BIOLOGIE :
La répartition de Crassostrea Gazar est conditionnée par la salinité, la température et la
nature des supports de captage. De façon générale, l'huître de palétuviers prospère dans des zones
où la salinité et la température sont tempérées par des apports d'eau douce ou par une influence
marine directe. Ainsi, il y a des zones qui permettent seulement la fixation et un bref développement
du naissain pendant l'hivernage, la salinité ultérieure lors de la saison sèche étant telle que ces zones
deviennent alors quasiment dénuées de potentialités biologiques.
Crassostrea Gazar semble avoir du mal à se développer avec des salinités du milieu
inférieures à 10 pour mille et supérieures à 60 pour mille.
REPRODUCTION :
Les huîtres du genre Crassostrea sont du genre hermaphrodite alternatif successif, c'est à dire
qu'elles peuvent changer de sexe tous les ans, et qu’elles ne possèdent pas d'organes sexuels. Les
produits génitaux (mâles ou femelles) sont expulsés en dehors de la coquille dans la masse d'eau. A
cette période, les huîtres sont dites « laiteuses ». La reproduction est conditionnée par les
modifications de température et de salinité et peut durer de 2 à 3 mois.
Un jour après la fécondation, l'œuf se transforme en une petite larve planctonique, se
déplaçant au gré des courants, et exposée à une prédation massive. Au bout de 15 à 20 jours, la
larve développe un pied lui permettant de se déplacer pour choisir un support de fixation adéquat et
de continuer sa croissance en vie benthique (immobile). On estime qu'une dizaine d'huîtres arrive au
stade adulte pour un million d'œufs pondus.
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ALIMENTATION :
L'huître est un animal microphage, qui se nourrit de fines particules organiques, vivantes ou
non. Grâce à ses branchies et à ses palpes labiaux, elle filtre de 5 à 6 litres d'eau de mer par heure,
ce qui lui permet à la fois de respirer l'oxygène dissout dans l'eau et de consommer le plancton
animal ou végétal (zooplancton ou phytoplancton) qui constitue sa nourriture. L'activité de
photosynthèse la plus forte est observée pendant la saison des pluies : c'est donc à cette période que
le milieu est le plus riche en éléments nutritifs, notamment sur les secteurs d'échange entre la mer et
les apports d'eau douce.
1- c contexte environnemental et économique :
Au retour de notre mission, la revue mensuelle « Cultures Marines » (revue des
professionnels de l'aquaculture française) a publié une enquête qui précise l'ensemble du contexte
environnemental et économique de notre étude, rédigée par Alain Weber (voir en annexe)
Dans les villages côtiers, les hommes et les femmes effectuant la pêche et l'élevage des
huîtres sont organisés en GIE (Groupements d’Intérêts Economiques). Cette forme d’organisation,
héritée du colonisateur, reflète bien le caractère collectif et solidaire de la société africaine. Elle
permet de mutualiser le travail et les ressources en fonction des possibilités et disponibilités de
chacun. Même si cela demande que les efforts de tous et toutes soient répartis de façon équitable, il
est donc parfois nécessaire de rappeler aux pêcheuses que leur assiduité sur les parcs est prioritaire
sur certaines tâches quotidiennes. Sans oublier toutefois pour nos amis occidentaux que le sens des
priorités est différent ici et là-bas.
Une partie de la recette des ventes peut également être affectée à une action collective,
comme le montre l'exemple de Nemah Ba où en 2009 le GIE a participé financièrement à la
restauration de la mosquée du village. On peut noter généralement la présence d'un ou deux
hommes qui accompagnent les femmes pour aller sur les lieux de pêche, conduire au besoin la
pirogue et effectuer les travaux les plus pénibles physiquement. Mais tous les villages ne possèdent
pas forcément d'embarcation, ce qui posera question quand nous aborderons la phase du
déploiement de l’ostréiculture.
L'action de Vilaine et Saloum est limitée à la Communauté Rurale de Toubacouta. Elle ne
concerne pas tous les villages adhérents au GIE ostréicole de Sokone, seul opérateur du Siné
Saloum actif dans la commercialisation des huîtres vivantes vers Dakar.
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Villages adhérents au GIE ostréicole de Sokone :
•
Médina
•
Sandicoly
•
Soucouta
•
Banbougar (hors communauté rurale de Toubacouta)
Villages expérimentant l’élevage avec Vilaine et Saloum
•
Médina
•
Sangako
•
Sandicoly
•
Soucouta
•
Nemah Ba
•
Sipo
•
Diambang
L’expérience du GIE de Sokone dans le domaine de la commercialisation, en particulier
celle des huîtres vivantes acheminées sur le marché de Dakar, fait bien des envieux parmi les
groupements de pêcheurs qui n’adhèrent pas à ce GIE. Des accords ponctuels ont déjà été conclus et
une structure commune de commercialisation des huîtres du Saloum devrait être envisagée.
Le village de Sipo, dans la réserve de Keur Bamboung.
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2 EXPERTISE OSTREICOLE
Bien que les contextes environnementaux, économiques et humains de nos deux régions de
production soient extrêmement différents, l’approche que nous avons souhaitée est basée sur
l'échange.
Si cela semble aujourd'hui une évidence dans le domaine de l'aide au développement, ce
rappel me semble essentiel car l'ostréiculture ne sera jamais une science exacte. Cette activité,
même si on la qualifie d'élevage, restera toujours (hormis dans un contexte d'aquaculture en milieu
fermé...) dépendante du bon vouloir de la nature. L'homme, en l’occurrence l'ostréiculteur, doit en
permanence s’adapter d'une année sur l'autre en fonction des éléments. L'échange interprofessionnel
est donc essentiel au métier d'ostréiculteur. Le savoir-faire, l'intuition, les capacités d'adaptation et
les prises de risques de ce métier induisent une analyse de la situation dans le delta du Saloum qui
restera prudente. J’ai l'espoir et la conviction que l’ostréiculture du Saloum réussira. Mais cette
réussite sera d’abord le fruit de la volonté, de la persévérance et du travail des femmes et des
hommes des bolongs unis pour vivre ensemble avec la mangrove.
L’assemblée de Némah ba.
Les deux semaines passées à Toubacouta auront permis une approche des possibilités de
développement de l'ostréiculture sur le Saloum. De toute évidence, cela nécessite de mettre en
œuvre des expériences d'élevage sur plusieurs années en fonction d’un cycle de production de 2 à 3
ans. Le retour et l'analyse de ces résultats devront être partagés entre tous, même si la distance nous
sépare. La formation aux techniques de production devra s'affiner, ainsi que les techniques de
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stockage que nous avons seulement évoquées lors de notre mission. Durant ce court séjour
l'analyse de la partie expédition et commercialisation n'a pu être développée, en dehors de notre
visite au bassin de décantation des Almadies à Dakar.
Ces objectifs sont de toute évidence le cœur de l'action de VILAINE ET SALOUM, et
l'association ne manque pas de se donner les moyens d’y parvenir. La recherche de puissants
partenaires tels qu’US AID (organisation Américaine d’aide au développement) pourrait en ce sens
contribuer à conforter ce développement tout en respectant l’esprit de « faire ensemble » de
l’association.
Nous avons d’ailleurs rencontré son représentant local Vaque Ndiaye lors de notre passage,
avec lequel des projets de cofinancement ont été évoqués. Le gouvernement Sénégalais appuie
également un programme d’aide à l’ostréiculture dans le Saloum, notamment la construction de
deux pirogues à Soucouta.
Construction d’une pirogue sous l’égide du gouvernement Sénégalais.
Pirogues sur le port de Soucouta.
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Organisation du séjour:
Le programme de notre séjour, établi par l’antenne sénégalaise sur place, à été
remarquablement respecté, malgré les fortes pluies, les horaires de marée capricieux, le ramadan et
les occupations de chacun. Chaque village dans lequel Vilaine et Saloum intervient a été visité au
moins une fois. Un remerciement particulier à nos trois partenaires sénégalais pour leur
disponibilité. Dans chaque village nous avons dialogué avec la communauté des pêcheurs grâce à
nos traducteurs : échanges de sympathie et échanges sur les aspects techniques. Ces réunions, après
toutes les présentations, salutations et formulations de remerciements nécessaires (qui sont parfois
un peu trop oubliés en occident...), sont l'objet d'échange sur les expériences d'élevage, les
problèmes rencontrés, les espoirs... Tous ces moments passés ensemble m'ont fait ressentir une
volonté certaine d’avancer sur ce projet malgré les difficultés de la vie quotidienne. Le sérieux et
l'écoute attentive de tous et toutes (malgré la chaleur intense) est une chose remarquable. Le respect
de la parole de chacun, la prise de position non seulement des responsables mais également des uns
et des autres démontre une expérience du dialogue extrêmement riche! Tout cela dans une ambiance
de détente et de bien-être qui reflète le savoir-vivre à l'Africaine!
A l’issue de ces rencontres au sein des villages, nous avons visité les sites d’élevage où on
nous a montré avec une grande fierté le travail réalisé et dit avec force l’envie de persévérer.
Le sérieux de tous…
et les fous rires de Moussa !
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Rencontre à Sandicoly
Lors de la fin de notre séjour, après avoir rencontré l’ensemble des villages du G.I.E., une réunion
de bilan avec les responsables et le représentant de US AID à eu lieu à Toubacouta. Ce fut
l’occasion de distribuer du matériel (sacs de chaux, rouleaux plastique pour la fabrication de
poches, tôles,…) financé par le gouvernement. Nous avons alors offert des gants et des couteaux à
huîtres, grâce à une collecte auprès de quelques donateurs de la Ria d’Etel et de la société Rhuys
Pêche que je remercie.
Distribution de matériel pour les villages ostréicoles.
Force de conviction d’Ibou pour développer l’ostréiculture, Adama et Vaque sont à ses cotés.
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2-a les critères environnementaux :
Le milieu naturel de la mangrove, par ses variations extrêmes de température et de salinité,
est un biotope difficile à appréhender en vue de la culture des huîtres même si la Gazar y est « chez
elle ». L'huître est en effet sensible au stress provoqué par l'ensemble des variations, qu’elles soient
climatiques ou dues à l'intervention de l'homme. Ce stress peut provoquer des mortalités ou des
retards de croissance qui, à l'état naturel, paraîtront insignifiants, mais qui dans le cadre d'un
élevage compromettent la rentabilité.
Température:
Les fortes variations de température peuvent entrainer des mortalités sur les huitres,
spécialement sur des secteurs amont où l’eau se réchauffe plus vite en période de saison sèche.
L’eau de mer peut atteindre des températures allant de 38°C à 27°C. La période la plus chaude
intervient en juillet, aout et septembre, ce qui correspond à la période de reproduction. Le choix des
sites d’élevage devra tenir compte de ce paramètre. Des expériences de résistance devront être
réalisées en poche sur estran ou à l’ombre des palétuviers, ainsi qu’en élevage au sol sur un cycle
complet.
Salinité :
Les variations de salinité peuvent également engendrer des mortalités, tout comme les
températures : il convient de choisir des sites d’élevage où la masse d’eau importante limite les
fortes amplitudes. La salinité moyenne se situe à environ 45g/litre d’eau de mer allant de 30g/litre à
55g/litre sur les bolongs. Il faut donc éviter les secteurs proches des barrages à sel qui représentent
une source importante d’arrivé d’eau douce. Les tests d’élevage devraient confirmer que la
croissance est meilleure sur les sites amont tels que Sangako, Médina, Némah ba.
Plancton :
La forte variation de ces deux paramètres laisse supposer que la richesse en plancton est
également très variable, ce qui implique des croissances hétérogènes et peut également provoquer
des mortalités.
Il convient alors de réaliser le travail des huîtres sur des périodes propices, notamment le
détroquage* (opération de décollage des huîtres entre elles ou du support de captage). Il faut éviter
les saisons à fortes variations, comme le début de la saison des pluies ou encore le début la saison
sèche (ce qui semble déjà être le cas dans l'organisation saisonnière).
Le choix des sites d'élevage est essentiel pour bénéficier de la richesse en plancton. En règle
générale, plus la masse d'eau est importante, plus le plancton est présent en quantité. Ce
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phénomène est également vérifié lorsque le courant est fort. Ainsi le volume d'eau circulant dans les
branchies de l'huître lui permet de filtrer une plus grande quantité d'eau et donc accroît sa quantité
de nourriture.
La présence d'autres espèces se nourrissant de plancton, telles que les méduses ou les coques
(dont les gisements semblent avoir été impressionnants par le passé compte tenu des coquilles dans
le sous sol), attestent d'un milieu particulièrement riche.
Une méduse qui confirme la présence abondante de plancton.
Variété de coque »Arcidae Arca Senilia »,
Pouvant faire l’objet d’une diversification d’élevage.
Photos prise à Sipo dans la réserve de « Keur Bamboung », inventaire scientifique réalisé sur la
l’Aire Marine Protégée de Bamboung en septembre 2009.
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Nutriments :
Le lien de la terre à la mer, c'est l'eau. Par le ruissellement de l'eau de pluie et l'apport des
ruisseaux et des rivières, définissant ce que l'on appelle un bassin versant, l'eau transporte avec elle
tous les nutriments (sels minéraux,...) issus de la décomposition de la matière organique végétale et
animale. C'est l'ensemble de ces éléments qui constitue le fourrage du plancton végétal
(phytoplancton) et du plancton animal (zooplancton). La richesse et la qualité de l'eau douce venant
de la terre sont donc essentielles à une bonne santé de la mangrove.
L'ensemble du delta du Siné Saloum est constitué d'un formidable espace naturel classé
patrimoine mondial par l'UNESCO et bénéficie de la présence de l’Aire Marine Protégée de
Bamboung. Le rôle de phyto-épuration des racines de palétuviers est certainement une garantie
d'équilibre pour la qualité de l'eau, mais la vigilance et beaucoup d'efforts doivent être mis en œuvre
pour conserver la qualité du milieu aquatique.
Diversité des coquillages dans le delta.
Le muscle impressionnant du cymbium ou «yet», coquillage protégé dans le Saloum
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Prédation :
Le prédateur principal, en dehors de la prédation par l'homme, semble être une variété de
gastéropode de la famille des « murex » appelée
Melongenidea Pugilina Morio. Ce gros
« bigorneau », grâce à un rostre et à son muscle de pieds, écarte la coquille des huîtres pour ensuite
les aspirer. Certains spécimens peuvent atteindre la taille de 10 cm. Il est difficile d'évaluer leur
niveau de prédation, même si les pêcheurs lui octroient une forte responsabilité dans le taux de
mortalité. Son côté impressionnant amplifie certainement ce jugement, mais la densité de
population des murex ne semble toutefois pas très importante. Lors du travail sur les parcs, il
serait judicieux de collecter les murex pour en limiter la population. Il est cependant nécessaire
d'être vigilant sur la bonne fermeture des poches ostréicoles afin de ne pas permettre l'intrusion de
cet hôte indésirable. Il est possible qu'une prédation par les crabes (variété observée dans le chenal
de la taille d'un gros crabe rouge »carcinus robio*», (très consommable d'ailleurs) soit exercée sur
du naissain jusqu'à 1 an.
Un autre prédateur inattendu sur Soucouta : le « militaire ». Effectivement, lors d'exercices
de survie des commandos d’infanterie de marine dans la mangrove, il est un prédateur vorace.
Attention donc au choix de l’emplacement des parcs...
Prédateur de genre Murex « Melongenidea Pugilina Morio ».
Qualité physicochimique et bactériologique de l'eau
Bien que ce sujet ne soit pas directement l'objet de l'expertise ostréicole, il me semble
nécessaire de l'aborder afin de développer une ostréiculture durable dans le Saloum.
La consommation d'huîtres vivantes rend indispensable une bonne qualité bactériologique de l'eau.
Les coliformes (bactéries issues des matières fécales animales ou humaines) sont responsables de la
plupart des agents pathogènes pouvant provoquer des troubles digestifs (parfois graves) lors de la
consommation de coquillages. Bien qu’une purification soit effectuée dans les bassins des Almadies
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à Dakar, il est essentiel de lancer des programmes de préservation de la qualité de l'eau, notamment
en termes de contrôle des assainissements. Cependant, je n'ai pas constaté d'anomalie majeure de
type rejet direct. En effet, la consommation d'eau courante étant faible et sans réseau, son épuration
est donc diffuse et ainsi mieux équilibrée (pas de fossé d'eaux usées). Le sol sableux permet
certainement un drainage et une épuration naturelle. Les latrines ne sont pas à proximité des cours
d'eau et sont dimensionnées à l'échelle des concessions familiales, ce qui en diminue l'impact.
Attention toutefois en saison des pluies…
La divagation des animaux d'élevage (vaches, moutons…) sur les vasières est également une
source importante de pollution bactériologique. Mais le changement de pratique ne semble pas
aujourd'hui réalisable.
Outre l'assainissement, la qualité physicochimique de l'eau est également essentielle. La
présence physique de polluants tels que les métaux lourds, les produits toxiques, les pesticides et les
hydrocarbures peut porter préjudice à la qualité des coquillages et à la santé des consommateurs.
Si la consommation traditionnelle des coquillages sur le littoral sénégalais remonte à la nuit des
temps, les changements progressifs de mode de vie et de consommation doivent aujourd'hui
impliquer des mesures adaptées. En clair, la gestion des déchets est un problème. Même si les
efforts peuvent sembler considérables, des choses simples peuvent aussi être mises en place.
L'exemple des piles électriques l'illustre parfaitement. Nous avons constaté à plusieurs reprises la
présence de piles usagées dans la vase en bordure des villages. Après en avoir expliqué aux
pêcheurs les conséquences néfastes sur le milieu et la santé humaine, Ibrahima Diamé a initié une
collecte auprès des enfants : quelques piles collectées sont alors récompensées par un crayon ou un
cahier d'écolier!
Il sera vital que les villages souhaitant développer l'ostréiculture déplacent le stockage des
déchets ménagers en dehors de la zone côtière et soient vigilants pour éviter que les rigoles qui se
forment à la saison des pluies conduisent directement les déchets vers les eaux du Saloum.
Nous avons rapidement évoqué ce sujet avec l'équipe d'animation lors de notre passage, mais nous
n'avons pas eu suffisamment le temps pour le développer.
Marnage et turbidité :
Le régime des marées semble le même qu'en Bretagne. La variation de hauteur d'eau entre
la pleine mer et la basse mer (marnage) est faible. Le marnage varie selon les petites et les grandes
marées d'environ 0,50m à 1,50m. Ce paramètre doit être pris compte pour le choix des sites
d'élevage. La saison des pluies semble également influer sur les variations de niveau, notamment
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dans les secteurs amont comme Sandicoly ou Sangako.
La turbidité de l'eau (présence de sédiments en suspension) est un facteur important. Une
turbidité trop forte, pouvant être provoquée par la proximité de cours d'eau (des barrages à sel?) ou
de bolongs étroits, peut être une gêne à la filtration des huîtres. L'envasement en est également une
conséquence, qui lors de l'élevage sur tables impose un déplacement périodique des supports.
2- b description et proposition de techniques d'élevage
Les techniques d'élevage en ostréiculture développées en Bretagne depuis les années 1960
peuvent tout à fait être transposées vers un site comme celui du Saloum. Le delta est abrité de la
houle du large, et on retrouve des vasières similaires à celles de la Ria d'Etel.
Les 2 techniques principales d'élevage sur estran (l’estran étant la zone découverte à marée
basse) sont l'élevage au sol (dit « à plat ») ou l'élevage en poches (dit « en surélevé »).
Le premier critère de choix entre ces deux techniques est lié à la résistance des huîtres aux
fortes températures en saison sèche. En effet, l'élevage au sol implique une exposition au soleil
pendant le temps de basse mer, car les huîtres ainsi élevées sont « semées », c'est à dire étalées
directement sur les vasières, sur un sol sableux ou sablo-vaseux.
L'élevage en poches consiste à placer dans les poches des huîtres en quantité variable selon
leur taille. Cette technique permet des manipulations et une récolte plus faciles, mais demande un
investissement matériel plus conséquent et un entretien plus régulier que l'élevage au sol. La
croissance des huîtres en poches est généralement meilleure et leur taux de mortalité est également
plus faible qu'au sol.
Il convient donc de bien connaître les avantages et inconvénients de ces deux techniques, qui
sont la plupart du temps complémentaires.
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A : le captage
Le captage consiste à la fixation du naissain sur des supports. Sa période optimale dans le
delta se situe du 15 juillet au 15 septembre. Il est encore possible de poser des collecteurs jusqu'au
15 septembre, mais la fixation est sans doute moins performante. Il faut convaincre les pêcheurs de
l'importance de l'observation sur le terrain, pour qu’ils puissent en tirer eux même des conclusions
sur les périodes de captage les plus favorable. Ces conclusions doivent être confrontées à celles des
ostréiculteurs des autres villages.
Technique des guirlandes :
Depuis plusieurs années, la technique de captage sur guirlandes de coquilles d'huîtres montre
de bons résultats. Les guirlandes sont attachées sur des perches horizontales le long des palétuviers.
Cette méthode de captage à été initiée par des ONG japonaises dans les années 2003-2005. Facile à
réaliser avec des moyens simples, cette méthode provoque un captage selon les sites que nous avons
visités, entre 5 et 15 naissains par coquille. Ceci est suffisant pour les mener au stade de demiélevage. Ces résultats sont obtenus lorsque les conditions de pose des guirlandes (période et
propreté) sont satisfaisantes. Nous avons constaté par exemple à Soucouta que des guirlandes
posées trop tard n'ont pas capté du tout.
Les résultats du captage sur les guirlandes, quand celles-ci sont posées dans de bonnes
conditions, sont très prometteurs : ils démontrent que l’espèce n’est pas menacée de disparition si
on prend les dispositions qui favorisent son maintien. Même si les ostréiculteurs locaux constatent
une baisse importante du captage sur les racines de palétuviers, un bon support de type calcique
(coquille ou chaux) serait donc susceptible de maintenir voire de développer la présence des
huîtres gazar dans le Saloum, ce qui est extrêmement encourageant.
L'avantage de ces guirlandes de coquilles (qu’on appelle aussi « filières ») est qu'elles ne
nécessitent aucun entretien lors de l'élevage. Les huîtres sont en suspension et il n'y a pas de
présence apparente d'algues qui pourraient gêner la croissance du naissain. Les filières sont
récoltées lorsque les plus belles huîtres sont considérées comme vendables. Les plus grosses sont
expédiées vivantes vers Dakar par le GIE de Sokone. Les autres, les plus petites et les blessées lors
du détroquage, sont transformées en huîtres séchées.
Le principal inconvénient de la technique des guirlandes est donc lié au détroquage, ce qui
nous a été confirmé par beaucoup de femmes. Nous l'avons également constaté par nous même lors
d'essais.
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Simulation de détroquage par Ndéné.
Ce qui s'explique par le fait que ces huîtres croissent sur leur support jusqu'à l'âge adulte :
leur coquille est donc dure et leur forme irrégulière rend le détroquage difficile. Beaucoup d'huîtres
sont blessées durant le détroquage alors qu’elles pourraient poursuivre leur croissance en poche au
lieu d'être bouillies à ce stade. La mortalité importante constatée dans les bassins de Dakar (huîtres
blessées ou cloqueuses*) est certainement due en partie à cette technique des guirlandes. On
retrouve les mêmes défauts et les mêmes difficultés de détroquage que lors de la pêche pratiquée
directement sur les racines des palétuviers. Il semble donc impératif d'améliorer cet aspect du travail
à travers les techniques de captage et d'élevage.
Proposition de captage sur barres chaulées.
21
Technique des barres chaulées :
Compte tenu du peu de moyens matériels et dans le souci de toujours faire au plus simple
avec les moyens du bord, le type de collecteurs que je propose à l'essai est une barre de fer à béton
de diamètre 10 et de 1,20 mètre de long, pliée en forme de U.
On peut la poser sur les perches existantes qui supportent les guirlandes ou directement sur
des racines de palétuviers. Ce support métallique sera « chaulé », c'est à dire trempé dans un lait de
chaux. Cette méthode est parfaitement maitrisée en Afrique dans le cadre du bâtiment. On peut,
chose formidable, utiliser la chaux fabriquée à partir des coquilles d'huîtres, ce qui resterait dans la
logique d'une autoproduction des matériaux et d’un recyclage complet de la filière.
En effet, traditionnellement, les tas coquillés issus de la transformation des huîtres séchées
(voir paragraphe D : l’expédition et la commercialisation) servent parfois à la fabrication de chaux
pour le bâtiment (enduits, briques,…).Grace à un énorme brassier fait à l’aide de grosses branches,
et recouvert d’un tas de coquilles d’environ 1.50 mètre, on obtient au bout de 2 à 3 jours une chaux
superbe. J’en profite pour remercier Ndéné de Némah Ba pour cette découverte et mon souvenir
particulier de notre rencontre.
Le support calcique est excellent pour le captage. Cette technique est encore utilisée à
Arcachon, en France, sur des tuiles. L'avantage de cette technique est que l’on peut décoller le
naissain plus jeune, ce qui lui donnera une forme plus régulière à l'avenir. Cela permet également de
ne pas blesser le naissain lors du décollage par vibration de la barre d’acier car la chaux se détache
facilement et libère sans les blesser les jeunes huîtres. Les barres pourront servir plusieurs années.
Le naissain devra être décollé de février à mars, lorsqu’il aura atteint la taille d’environ 2 cm
minimum. Le test étant qu’il ne passe pas à travers des mailles de 9 mm.
La récolte se fera en tapant les barres de captage avec un morceau de fer ou de bois au dessus d'un
bidon. Le naissain tombera par vibration de la barre et sera mis en poches de mailles de 9 (petites
mailles) à 300 à 500 bêtes par poches (voir fiches techniques). Le naissain obtenu sera
essentiellement constitué d’huîtres séparées « une à une », diminuant de façon considérable le
besoin de détroquage, fastidieux et blessant pour les huîtres.
Grace à ces améliorations du captage, la biomasse des huîtres, c'est à dire leur population,
devrait réussir à se maintenir dans le Saloum.
Ces essais devront être réalisés en juin, et les conclusions de résultat devront permettre de
confirmer l’expérience ou de rechercher d’autres méthodes de captage.
22
B : l'élevage
B : 1/ sites d’élevage :
Le choix actuel des sites d'élevage s'est naturellement porté vers les secteurs de captage, car les
huîtres y ont toujours été présentes. Mais pour la pratique de l’élevage, il s'agit d’abord de repérer
les sites où la croissance pourrait être la meilleure, c'est à dire sur les secteurs où la masse d'eau est
importante. On doit y trouver :
-
une richesse satisfaisante en plancton ;
-
une moins forte variation de salinité et de température ;
-
une meilleure qualité bactériologique.
-
un accès facile pour le travail
Pour déterminer ces sites d’élevage, il faut donc rechercher des bolongs assez larges, pas
trop en amont, et à une distance raisonnable des villages.
Si l'on veut préserver les huîtres des excès du soleil, il faut rechercher une exposition nord en
bordure des palétuviers. (Voir les cartes en annexe)
La proximité du village est une donnée essentielle, surtout pour ceux qui ne disposent pas
d'embarcation.
B : 2/ élevage en poche :
La technique d’ostréiculture en poche permet à la foi l’élevage et le stockage d’huitres, elle
facilite les manutentions lors des travaux d’entretient (retournement des poches) et de récolte. Les
huitres issues d’un élevage en poche sont de forme régulière et généralement d’une meilleure
qualité de chair, ce qui doit permettre une valorisation du produit.
Les différents essais sur l’ensemble des villages suivis par Vilaine et Saloum montrent que
cette technique suscite un intérêt de la part des pêcheurs. Les résultats de mortalité et de croissance
sont cependant très différents d’un secteur à l’autre. Afin d’améliorer l’élevage, les choix des parcs
est essentiel ainsi que le perfectionnement des techniques ostréicoles.
Les poches servent aujourd’hui essentiellement au stockage des huitres issues de la pêche
sur les racines des palétuviers. Le développement de l’ostréiculture doit permettre à terme de
modifier cette pratique qui deviendra plus fastidieuse que l’élevage. J’ai pu également remarquer
23
que fréquemment les huitres en poche n’étaient pas détroquées ce qui nuit à la qualité de leur forme.
Lors du détroquage des huitres issues de la pêche, les petites et les blessées sont actuellement
bouillies puis séchées. Il serait préférable de les remettre en élevage en poche afin qu’elles puissent
continuer leur croissance et ainsi de faire sécher des huitres de taille supérieure, ce qui améliorera le
rendement au séchage.
Sam montre comment fermer les poches en casier.
Suite aux essais de captage sur barres chaulées, il conviendra de mettre le naissain en poche
selon les densités préconisées sur la fiche technique « élevage en poche ». L’entretien des poches de
naissain doit être rigoureux. Le suivi doit permettre de préciser les périodes de retournement, selon
que le naissain « maille », c'est-à-dire que du fait de sa croissance la coquille d’huitre s’accroche
aux mailles de la poche. L’opération d’entretien consiste alors à taper sur celles-ci à l’aide d’un
bâton en bois dur pour les décoller sans abimer la poche (démaillage).
Il ne semble pas y avoir de présence importante d’algues se développant sur les poches, ce
qui dans ce cas obturerait les mailles et limiterait la circulation de l’eau, donc du plancton dans les
poches. Le travail de retournement est donc facilité et probablement moins souvent nécessaire. La
fréquence du retournement pourrait être d’une fois avant la saison des pluies et d’une fois après,
sauf pour les sites où la turbidité de l’eau, créant un dépôt de vase sur le naissain, impliquera un
retournement plus fréquent.
Lors du retournement, il convient de « brasser » les poches afin de mieux répartir les huitres,
pour que les petites ne se retrouvent pas toujours sous les grosses. Grâce à ce travail, les lots seront
plus homogènes en taille et en forme.
24
Explication de la méthode de retournement des poches.
La fixation des poches peut se faire en « portefeuille » car le delta du Saloum étant un site
abrité les poches ne subissent donc pas l’effet de la houle. Cette méthode, détaillée sur la fiche
technique, facilite le retournement car il n’est pas nécessaire de décrocher les élastiques pour
retourner les poches.
Démonstration de la technique de fixation des poches sur tables dite en « portefeuille ».
Selon les sites, il conviendra de surveiller l’envasement des tables et au besoin de les
déplacer. Il se peut que du naissain se fixe sur les tables, il faut alors les entretenir en les tapant à
l’aide d’une barre de fer pour le décoller, et ramasser alors les huitres tombées au sol.
La récolte des poches nécessite une embarcation, or tous les villages n’en possèdent pas. Le
type de pirogue traditionnelle à fond creux est aujourd’hui suffisant mais dans le cas d’une
production massive, une embarcation de type barge ostréicole serra probablement mieux adaptée.
Dans le cas d’un élevage en poche à l’ombre des palétuviers, il est préférable de choisir des
25
sites exposés au Nord, ce qui limitera l’ensoleillement. Des essais d’élevage en poche sur les bandes
de sable peuvent être réalisés pour étudier la résistance des huitres à l’ensoleillement. Ces tables
devront se situer à un niveau bas d’estran correspondant à une basse mer de coefficient de marée
moyen tout comme les essais d’élevage au sol décrits au chapitre suivant. ( Voir les plans en
annexe.)
Les densités d’huître par poche sont variables selon la taille, un tableau en décrit les règles sur la
fiche technique « élevage en poche ». Plus l’huître est grosse, moins on en met par poche, afin
de lui assurer une alimentation suffisante.
Fabrication de table :
Vilaine et Saloum a fait fabriquer par un menuiser métallique environ 80 tables d’excellente
qualité. On peut cependant remarquer que les picots ne sont pas utiles et même dangereux. La
peinture antirouille semble une habitude qui à mon avis ne changera pas beaucoup la durée de vie
des tables. La hauteur de 70 cm peu être revue pour passer à 50 cm. Ceci bien que des tables basses
augmentent l’envasement, mais le niveau de marnage (faible amplitude de marée) est peu élevé, et
le temps d’immersion serait alors augmenté. Ce qui limiterait alors certainement les mortalités dues
au réchauffement.
Tables ostréicoles fabriquées pour Vilaine et Saloum par un artisan de Toubacouta.
B : 3/ élevage au sol
Le critère principal pour la réflexion sur ce type d’élevage est la résistance à la mortalité des
huîtres pendant la période d’à-sec de quelques heures à basse mer.
Lors de notre séjour, nous avons laissé au sec une guirlande pendant 2 jours en mi-ombre,
mi soleil(en septembre). Nous avons testé ces huîtres et constaté que durant ces deux jours elles ne
semblaient pas avoir souffert. Ce test consiste à les entrechoquer entre elles, pour vérifier au son si
elles n’ont pas perdu d'eau (si elles perdent leur eau, on les appelle alors des « cloqueuses »*). Cette
26
expérience semble démontrer que les huîtres de palétuviers sont parfaitement acclimatées aux
conditions extrêmes du milieu de la mangrove.
On peut comprendre que les essais d'élevage en poches se soient fait à l'ombre des
palétuviers car naturellement le captage de naissain s'effectue sur les racines. Mais c'est le seul
support naturel présent pour une bonne fixation des larves. Il me semble donc improbable que les
jeunes huîtres aient choisi les racines simplement pour se protéger du soleil. D'ailleurs, lors de notre
visite à Médina, nous avons constaté que, sur les essais de captage sur tuiles exposées au soleil, il y
avait bien une reproduction.
Je pense donc que la technique d'élevage au sol ne doit pas être écartée. Il existe sur le
Saloum des vasières importantes adaptées à ce type d'élevage. Je citerai celles de Médina,
Sandicoly, Némah Ba, et sans doute la vasière en face du port de Toubacouta. (Voir les cartes en
annexe.)
Rappelons que l'élevage au sol (technique datant du début de l'ostréiculture en Europe) ne
nécessite aucun investissement : pas de table ostréicole, ni de poches. L'entretien peut être quasi nul
si l'on sème les jeunes huîtres en faible densité (élevage extensif). Il s’agit de « semer » les huîtres à
la volée soit à la pelle, selon les quantités, soit à la main (comme du grain) sur une surface
déterminée par un balisage. La densité doit être de l’ordre de 2 à 3 kg au mètre carré maximum, les
huîtres ne devant pas se toucher entre elles ; on parle alors de « semis clair ».
Les surfaces disponibles dans le Saloum ne sont pas un obstacle car il existe beaucoup de
bancs sablo- vaseux, qui ne doivent toutefois pas être trop exposés au courant fort. C’est pourquoi la
présence d’une légère couche de vase est utile pour retenir les huîtres au sol.
L’entretien par raclage en douceur au râteau permet de limiter l’ensablement ou
l’envasement et d’améliorer la forme des huîtres.
La récolte manuelle est possible et permettrait un tri sur place comme lors de la pêche à
pieds. Attention toutefois de ne pas marcher sur le semis, car les huîtres enfouies dans le sédiment
sont perdues.
Il me semble donc intéressant de faire des essais d’élevage au sol, même si nous avons senti
un doute de la part des pêcheurs quant à la résistance des huîtres à ce traitement d’exposition au
soleil. Ces expériences peuvent être réalisées par des semis par sites d’une douzaine de kg par
exemple ce qui représente l’équivalent de 2 seaux de maçonnerie sur une surface de 6 mètres carrés
(soit 2X3 en nombre de pas). Le choix de l’emplacement doit se situer sur un niveau bas d’estran,
c'est-à-dire au plus bas d’une basse mer de coefficient moyen.
27
Les résultats de ces tests devront être suivi régulièrement. Leur mise en œuvre devra se faire
dans les même conditions sur l’ensemble des villages afin d’établir des comparaisons. Le suivi
portera sur la croissance, les mortalités, l’envasement, la température, la prédation, les pertes au
courant ainsi que sur l’aspect des techniques d’élevage : semis, entretien, récolte.
C : le stockage
Le stockage des huîtres est une étape temporaire en attente de la commercialisation ou bien
d’une étape d’élevage qui nécessite un travail à terre. Cette étape est toujours délicate car comme
nous l’avons vu précédemment les huîtres sont sensibles au stress. Il convient donc d’être
particulièrement vigilant, et spécialement lors du stockage de jeunes huîtres (naissain et huîtres de
moins d’un an).
Plusieurs méthodes de stockage sont possibles :
- le stockage en bassin, il en existe deux types :
le bassin insubmersible qui n’est pas recouvert par la marée, et nécessite
•
alors une technique de pompage qui n’est à ce jour pas envisageable car la
présence d’une pompe, notamment en courant triphasé (380 v), est
irréalisable en termes de réseau électrique, de coût financier et d’entretien.
le bassin submersible qui, lui, est par définition recouvert par la marée et
•
s’auto alimente à chaque pleine mer, soit deux fois par jour.
Vilaine et Saloum a programmé la construction de deux bassins de ce type :

Bassin de Soucouta : début de la construction en 2009
La maçonnerie semble solide, cependant les finitions des faces intérieures par un enduit sont
indispensables à une bonne étanchéité et à sa durée de vie. La pente pour la vidange est bonne. La
profondeur est sans doute un peu faible pour contrecarrer le réchauffement en période chaude, mais
la couverture du toit permet de limiter l’élévation de température de l’eau Le diamètre de sortie
pourrait également être légèrement supérieur. Il faudra équiper le tuyau de sortie d’une bonde en
bois de façon à le rendre étanche. Sa situation vis-à-vis du niveau de marée est correcte ; il aurait
toutefois pu être légèrement plus bas par rapport au niveau de la basse mer moyenne. Le choix du
site est hors de sources de pollution potentielles et le long d’un large chenal qui permet un bon
renouvellement de l’eau.
28
Le bassin submersible de Soucouta en attente de son toit.

Bassin de Médina : construction programmée en 2010.
Lors de notre passage, nous n’avons pas mené à son terme une réflexion sur son
emplacement. Le choix de Médina est judicieux du fait de la proximité de Sangako, ce qui
permettra de mutualiser ce bassin. Bien que le courant sur ce site soit assez fort, la proximité du
village et d’une zone de divagation d’animaux d’élevage risque d’engendrer un niveau de
contamination bactériologique dont il faudra tenir compte pour la commercialisation d’huîtres
vivantes vers Dakar.
Technique de stockage en bassin :
Les huîtres peuvent être étalées sur le fond du bassin (comme aux Almadies), ou stockées en
poches, ce qui facilite les manutentions. Cette méthode fait l’objet d’une fiche technique.
Un contrôle régulier de l’élévation de la température de l’eau à basse mer doit être réalisé
pour éviter de trop fortes variations et vérifier l’efficacité de la couverture des bassins.
L’étanchéité du bassin doit être parfaite grâce à l’enduit des parois intérieures et à la bonde
en bois qui doit être bien ajustée au diamètre du tuyau.
Les mortalités, s’il y en a, doivent être observées, et dans ce cas un renouvellement complet
de l’eau doit être fait à la marée suivante, ainsi qu’un tri des huîtres affaiblies. Le mieux est alors
une remise sur parcs ce qui permet grâce à la prédation des micro-organismes d’épurer les huîtres
faibles.
Dans le cas d’un stockage long de l’ordre de 4 semaines, un contrôle visuel du taux de chair
doit être effectué pour vérifier qu’il n’y a pas d’amaigrissement des huîtres. Il faut donc, lors de la
mise en bassin, évaluer le taux de chair initial.
Critère visuel d’évaluation du taux de chair :
Le remplissage de la coquille en quantité de chair des huîtres peut être classé en 3
29
catégories :
Huîtres maigres : quantité de chair faible, fibreuse, sans tissus de réserve, translucide.
Huîtres fines : quantité de chair équilibrée, légèrement charnue, tissus de réserve légèrement
blanc crème.
Huîtres spéciales : quantité de chair importante, huîtres très charnues, tissus de réserve
blanchâtre.
Attention, il ne faut pas confondre les tissus de réserve, chair croquante, et les tissus de
reproduction, chair laiteuse, lors de la période de gamétogénèse en juin juillet et août, où les huîtres
sont dîtes « laiteuses ».
Le stockage sur table :
Stockage du naissain :
Cette méthode est indispensable pour le stockage de naissain en poche suite au détroquage
des barres de captage. Car le naissain ne supporte pas le stockage en bassin du fait du manque de
courant. Le mieux est pour cette étape d’effectuer une remise sur parc le lendemain, voire de
détroquer le naissain pendant la marée, directement sur les parcs.
On comprend avec ces précisions techniques qu’une formation est nécessaire pour garantir
la réussite d’un élevage : bien que les tâches à réaliser soient simples, le travail sur le vivant est
extrêmement délicat, spécialement pour la manutention des juvéniles.
Le stockage sur table présente l’avantage essentiel d’être peu coûteux et facile à mettre en
œuvre, à déplacer. Les tables ostréicoles doivent être mises en bord de chenal, éventuellement à
l’ombre des palétuviers, mais comme sur le chapitre « élevage en poche ». Des essais peuvent être
faits avec une exposition au soleil à un niveau de marée le plus bas possible.
Tout comme en bassin, les poches sur tables peuvent être mises soit à plat amarrées en
portefeuille (voir fiche technique), soit chevauchées pour un gain de place.
30
Poches « chevauchées » en stockage sur tables.
Suivi bactériologique :
Un suivi bactériologique serait intéressant à mettre en œuvre pour la commercialisation des
huîtres vivantes sur Dakar. Cela permettrait d’évaluer le niveau de salubrité des conditions de
stockage dans le Saloum. Il s’agirait, lors d’une expédition vers les Almadies, une à deux fois par
an, de fournir un échantillon pour analyses auprès du laboratoire chargé du contrôle à Dakar. Ceci
bien évidemment sans retremper l’échantillon à Dakar.
Ces analyses peuvent être également le début d’une réflexion vers une commercialisation
des huîtres du Saloum vers les hôtels de Toubacouta.
Suivi du stock :
Les techniques et la durée de stockage doivent faire l’objet d’un suivi rigoureux, qui peut
être réalisé par les ostréiculteurs eux-mêmes. Nous avons néanmoins constaté dans certains villages
une difficulté à nous donner l’âge réel des huîtres en élevage ou même la date de pose des
guirlandes. Il faudrait donc vraiment prendre l’habitude de noter les dates des différentes
opérations. Tout comme les quantités disponibles en stock à la vente dans chaque village.
Mais ce dernier point est réalisé de façon remarquable par Ibou Diamé, que l’on ne félicitera jamais
assez pour son acharnement à développer l’ostréiculture dans le Saloum et à militer pour la
protection de l’environnement.
31
D : l'expédition et la commercialisation :
Il existe au Sénégal deux types de commercialisation des huîtres.
Traditionnellement, les huîtres sont bouillies et séchées au soleil, afin de les conserver.
Cette technique permet de les vendre par doses (le volume d’une boîte de conserve, comme
beaucoup de denrées), vers les villages continentaux, qui manquent de protéines animales. Les
huîtres sont alors incorporées dans la cuisine afin de les réhydrater. Cette méthode est expliquée en
annexe dans l’article de « Cultures Marines ».
Les tas coquillers près des villages attestent de la quantité d’huîtres séchées produites.
Ce type de transformation représente environ 80 % de la commercialisation des huîtres
issues de la pêche. Cette consommation est essentielle pour les populations locales, et bien que le
développement de la commercialisation des huîtres fraiches vers Dakar semble prometteur, il ne
faut pas occulter ce marché traditionnel.
Notre séjour au Sénégal ne coïncidait pas avec une période d’expédition et de
commercialisation. Néanmoins nous avons, lors de notre retour vers Dakar, fait un passage au
bassin des Almadies situé sur la pointe face au célèbre phare (le plus occidental du continent
Africain). L’ensemble des remarques sur l’expédition fait donc suite essentiellement aux échanges
avec les uns et les autres.
La saison des pluies, comprise entre juin et septembre, est une période de l’année où le travail des
champs est une priorité, même si elle correspond à la saison du captage des huîtres et donc à la pose
des collecteurs. L’expédition des huîtres vivantes vers Dakar s’échelonne entre octobre et avril en
saison sèche.
32
Le transport :
Les ventes de la production du Saloum sont organisées par le G I E de Sokone qui se charge
de collecter le stock des villages adhérents au GIE. Chaque village doit donc préparer son
chargement afin que cette collecte soit la plus rapide possible, mais tout n’est pas toujours aussi
simple…Et le trajet de 6 à 8 heures, qui idéalement devrait être fait de nuit ou au lever du jour pour
éviter les fortes températures, semble compliqué à rationnaliser. Des points de regroupement
pourraient être étudiés : cela nécessite des moyens de transports, par exemple une charrette attelée.
Un camion équipé d’une caisse de type fourgon est affecté au transport. Celui-ci transporte bien
d’autres marchandises (matériaux,…) ce qui peux laisser supposer quelques difficultés sanitaires.
Le caisson n’est pas isotherme, et la température lors du voyage vers Dakar en saison sèche en
pleine journée compte tenu des « aléas » de la route nous laisse imaginer les conditions de survie
des huîtres. Surtout sur la route défoncée entre Sokone et Kaolak (2 heures en première pour 20
kms).
Cet aspect du transport est certainement responsable d’une partie des mortalités constatées
lors du retrempage dans le bassin des Almadies, qui a lieu dès l’arrivée du camion.
Des projets d’amélioration sont donc nécessaires à la fois sur le plan sanitaire, mais
également en terme de rendement car les mortalités, constatées après triage régulier et au bout d’une
semaine, sont déduites de la facturation aux producteurs. Sans compter le travail supplémentaire du
triage, du stockage des déchets, etc.…
Lorsque les volumes d’huîtres produites seront suffisants en poids, l’acquisition d’un
véhicule spécifique de type isotherme pourrait être envisagée. Un groupe frigorifique n’est pas à
mon avis nécessaire, car un choc thermique pourrait endommager la marchandise, sans compter le
coût d’achat et d’entretien.
Un caisson amovible isotherme réalisé par exemple en panneaux de contreplaqué et
d’isolant de type mousse polyuréthane (isolant utilisé en bâtiment), l’ensemble stratifié en résine et
gel coat polyester,
serait sans doute une solution qui permettrait la polyvalence d’un camion de
type plateau. Le caisson devrait être équipé d’une porte étanche, d’un orifice pour l’’évacuation des
jus d’écoulement sur le plancher, et de caillebotis afin que les sacs ne soient pas en contact direct
avec le plancher. Son volume serait à déterminer en fonction des quantités à transporter. Sa
fabrication doit pouvoir être réalisée à Dakar.
Les huîtres vivantes stockées avant l’expédition en bassin ou en poches, étape décrite dans le
chapitre « condition de stockage », sont mises en sac juste avant le passage du camion. Les sacs ne
doivent jamais être retrempés une fois pleins avant le départ, car les huîtres entassées seraient dans
33
de mauvaises conditions de filtration et risqueraient de s’affaiblir. Par contre l’emploi de sacs de
type « jute » permet de maintenir une humidité en les aspergeant. Il est possible de les recouvrir
avec des végétaux et de les maintenir le plus possible à l’ombre.
L’idéal serait l’emploi de bacs en plastique ou en bois de fabrication locale (cadre bois et
fond en grillage de poche) d’une contenance de 10 à 15 kg. Les bacs sont alors remplis la veille
avec des huîtres triées et calibrées, stockés dans l’eau jusqu’au départ, empilés dans le camion et
retrempés directement dans les bassins des Almadies. Une rotation de bacs vides devrait alors être
mise en place.
Vente des huîtres fraiches à Dakar :
Lors de notre passage sur le site de vente à Dakar, nous avons découvert 2 grands bassins
largement dimensionnés, carrelés, et couverts d’une toiture en tôle. L’alimentation en eau de mer
est réalisée par les marées et les coquillages (nous y avons vu des coquillages de type « coques »)
sont stockés a même le sol. Un des bassins semble réservé aux coquillages du Saloum et l’autre à
ceux de la région de Joal située sur la côte au sud de Dakar.
Un suivi sanitaire est effectué, mais nous n’avons pas recueilli d’information sur ce point.
L’ensemble des étapes de commercialisation pourra faire l’objet d’une expertise approfondie faisant
suite à celle de la production. Cette proposition est une suite logique du travail commencé par
l’équipe de Vilaine et Saloum.
Réflexions sur des risques aquacoles :
Une production d’huîtres creuses dans la région de la Somone existe également depuis
plusieurs années. Elle a été mise en place par un ostréiculteur breton à titre privé. Cette production
semble selon nos informations être issue de naissains d’huîtres creuses « gigas » importés
directement de France par avion. Le naissain de taille de 2 mm proviendrait d’une écloserie
vendéenne, et serait de type triploïde, c'est-à-dire stérile. Trois questions essentielles se posent visà-vis de ce type de production :
- premièrement le choix de produire avec du naissain de laboratoire (écloserie) de type
triploïde pour des motifs de stérilité et principalement pour des performances de croissance met en
cause l’aspect naturel de l’ostréiculture, et est en opposition avec le développement de production
locale issue de variétés autochtones dans l’esprit du développement durable et du respect de la
biodiversité. Cette réflexion est l’objet d’un large débat actuellement auprès des ostréiculteurs
français.
- ensuite l’importation de ce type de naissain est-elle soumise à une réglementation
particulière ? En France, ce genre de pratique doit passer obligatoirement par un centre de
purification. L’import-export de variétés de coquillages est en effet extrêmement délicat car il y a
34
des risques de transfert de plancton toxique et aussi des risques de transmissions virales.
- enfin la crise que connaît aujourd’hui l’ostréiculture française due au virus « OSVH1 de
type herpès » risque d’anéantir la majeure partie des entreprises conchylicoles. Qu’en est-il du
risque de transmission de ce virus de l’huître creuse « gigas » vers l’huître creuse « gazar » ?
Le naissain importé à la Somone est obligatoirement affecté par ce virus. Si ce virus affectait la
« gazar », l’ostréiculture du delta du Saloum serait alors mise en péril.
J’ai formulé une demande de renseignement auprès d'une spécialiste d'IFREMER sur le
risque de transmission de l'herpès virus, mais je n’ai pas la réponse à ce jour.
Les « gigas » commercialisées à Dakar auraient une croissance extrêmement rapide de
l’ordre de 6 mois pour la taille d’un N°3 (65 à 85 gramme). Les huîtres « gazar » du Saloum
semblent loin de cette taille, mais il paraît difficile que cette variété atteigne ces dimensions
naturellement. Raisonnablement, la taille marchande, fixée à 7 cm minimum, correspond à un N°4.
Les atouts de la gazar sont autres : elle est 100% sénégalaise et 100% naturelle !
Notre visite aux Almadies, quartier « chic » de Dakar, nous a permis également lors d’un
repas dans l’un des restaurants qui prépare des plats à base de coquillages issus des bassins, de
rencontrer de jeunes pêcheurs en pirogues. Ils pêchent des ormeaux en plongeant en apnée ou avec
bouteilles. Ces coquillages sont revendus à des grossistes au bord de la plage. Mais je tenais sur ce
point à attirer l’attention sur la taille minimum des ormeaux qui me semble trop petite. La ressource
risque certainement être mise à mal rapidement.
Cette remarque est également valable pour la pêche des « coques » que nous avons
constatées à Sandicoly. Une taille minimale doit être fixée, avec un simple contrôle visuel lors de la
collecte. Les petites coques pourraient alors être ressemées sur des zones de parc spécifique. Ce
pourrait être une diversification des techniques conchylicoles sur le delta du Saloum.
35
3- FICHES TECHNIQUES
LES OBJECTIFS
Ils ont été déterminés par l’équipe animation à la fin de notre mission. Il s’agit d’un outil de
formation, entre autre pour le « référent » recruté afin d’assurer le suivi des parcs sur l'ensemble des
villages. Il sera aussi un outil de formation collective à la disposition du technicien intervenant en
appui des nouveaux adeptes de l’ostréiculture.
Une des fonctions du technicien pourra être de mettre en place un calendrier de suivi de production
sur l’ensemble des villages et des différents parcs. Cette traçabilité permettra les premières années
d’affiner les comparaisons entre :
Travail, sites, techniques.
Sans aller vers une « paperasserie » excessive, mais un suivi simple sur quelques tableaux pourra
suffire. Ce suivi concernera également la gestion des stocks en bassin ou sur table en vue des
expéditions. Il permettra une projection des productions sur l’ensemble des GIE, qui sera à mettre
en correspondance avec les possibilités de commercialisation locales et « dakaroises ».
Vilaine & Saloum envisage une formation pour le technicien ostréicole en charge du suivi des
parcs, sous la forme d’un stage de 2 à 3 mois en Bretagne sur la Ria d’Etel chez un ostréiculteur, en
mars, avril et mai 2011. Cette période permettra d’aborder le travail du naissain, du demi-élevage,
des expéditions d’hiver, de la vente en gros(en sacs), du triage et calibrage.
Si des moyens financiers le permettaient, les fiches techniques pourraient, après un travail de mise
en forme visuel grâce à des dessins être éditées sous une forme simplifiée pour l’ensemble des
villageois. Ce travail pourrait se rapprocher de celui fait par la réserve de Bamboung sur le
reboisement de la mangrove.
Une édition de format A 2 ou A1 dans chaque village servirait de support de formation collective.
36
FICHE TECHNIQUE 1 : LE CAPTAGE
A : SUR GUIRLANDES :
Les « plus » : technique maitrisée, coût faible.
Les « moins » : détroquage difficile, qualité inégale du produit.
Fabrication : mai – juin.
Attention à la propreté des coquilles, au type de ficelle, choisir de préférence des coquilles plates
(celle du dessus, plus facile au détroquage).
Pose : 15 juillet – 15 août : c’est la meilleure période
Observer la période du début de délaitement : fixation du naissain 20 jours plus tard.
Pose possible jusqu'au 15 septembre
Poteaux tous les 2 mètres, faire des essais avec poteaux en trépieds
37
B : SUR BARRE CHAULEE
Les « plus » : qualité homogène du produit, facilité de détroquage, pose rapide, coût faible et
matériel réutilisable,
Les »moins » : technique nouvelle, surface de captage faible qui nécessite un nombre important de
barres.
Fabrication : toute l'année
Barre de fer à béton de diamètres 10 ou 12 mm, longueur 1,20 mètre, pliage en « U » par la moitié.
Chaulage : juin-juillet-août, en 1 ou 2 couches, 15 jours maximum avant la pose
Pose : à cheval sur les perches ou sur les racines.
Récolte : 6 mois plus tard, janvier-février-mars.
Taper les barres pour les faire vibrer et faire tomber le naissain dans des bidons. Mettre les jeunes
huîtres en poches petite maille de 9 mm : environ 300 huîtres par poche (par dose), voir tableau des
densités.
38
FICHE TECHNIQUE 2 : L’ELEVAGE EN POCHES
•
•
•
Les « plus » : qualité du produit, rendement ;
les « moins » : coût du matériel, travail important et régulier sur les poches.
Que mettre en poche : les huîtres de captage, les huîtres de pêche, les petites huîtres après
détroquage.
•
Comment : mettre en poche des huîtres détroquées « une à une », toutes séparées, pour des
poches homogènes : remplir les poches selon la taille des huîtres (et leur poids)
TABLEAU DES DENSITES PAR POCHE :
TAILLE
nombre d’huîtres au kg POCHE petites mailles POCHE grosses mailles
(mailles de 9)
(mailles de 14)
Petit naissain
600 à 300
400 à 300 (0,8 kg)
Gros naissain
300 à 100
300 à 200 (1,250 kg)
Petites huîtres
100 à 50
150 à 200 (2,3 kg)
Huîtres moyennes
50 à 20
150 à 200 (5 kg)
Grosses huîtres (7 cm)
20 à 15
120 à 150 (8 à 10 kg)
Pré grossissement :
Le naissain issu du captage est mis en poche maille de 9 pendant 1 an, puis il est
-
soit remis en poche de grosse maille (14 et +)
-
soit semé au sol.
Pratique : pour ne pas toujours compter les huîtres, on peut réaliser des « doseurs » avec les bidons
ou des bouteilles en plastique coupées. De cette manière, on sait par exemple que tel bidon rempli
de petites huîtres en contient 50.
Fermeture des poches :
Fermer les poches avec des élastiques, de la ficelle, des crochets ...
Attention de bien replier les bords des poches pour éviter l’entrée des prédateurs (murex, crabes…)
39
Eviter de garder des huîtres « à terre » : les huîtres sortie de l’eau doivent y retourner le jour-même.
L’amarrage des poches sur les tables dit « en portefeuille » est réalisé en fixant deux élastiques du
même coté sur la tranche de la poche. Ils serviront à fixer la poche sur la table sur un côté, ce qui
permet donc de retourner la poche pour les travaux d’entretien comme un « château de cartes ». La
manipulation est ainsi simplifiée car il n’y a pas à décrocher les élastiques.
Entretien :
Retourner et brasser les poches :
MAXIMUM 1 fois par mois ; MINIMUM 3 fois par an.
Périodicité :
2 à 4 fois pendant d’hivernage
1 à 3 fois pendant la saison sèche.
Ne pas trier les huîtres sur le parc, sauf en cas de contrôle.
Démaillage :
Taper sur les huîtres collées aux poches avec un morceau de bois pour les décoller.
Récolte :
1 an 1/2 à 2 ans 1/2, selon la taille (minimum 50% d’huîtres de + de 7 cm) ; remettre les petites en
poches pour terminer leur croissance.
40
FICHE TECHNIQUE 3 :L’ELEVAGE AU SOL
•
Les « plus » : pas d’investissement, moins de travail d’entretien, récolte manuelle
progressive.
•
Les « moins » : rendement (plus de mortalité), qualité de forme moins homogène.
Semis au sol :
Semer les huîtres issues du pré-grossissement en poches.
Petites huîtres de 1 an, soit 100 à 50 au kg. Ne pas semer de plus petites car on risque trop de
mortalité par envasement et prédation.
Selon les quantités, semis à la pelle ou à la main comme des céréales , densité 2 à 3 kg maximum au
m2.
Bien répartir les huîtres sur le sol sans faire de paquets.
Les parcs
Délimiter la surface en balisant les parcs par des perches (faire des petit carrés de 2 m par 3m, pour
faciliter l’entretien.)
Type de sol recommandé : sol sablo-vaseux en bord de chenal et plat.
Ne pas marcher sur les semis car une huître enfoncée est morte et les empreintes de pas peuvent
faire des caches à crabes.
Entretien :
Au besoin en raclant les huîtres à l’aide d’un râteau pour prévenir l’envasement, avoir des formes
régulières, débarrasser les huîtres des algues.
Récolte :
Manuelle en triant les grosses, ou si tout le lot est récoltable : au râteau et à la fourche (dite «à
pierre ») dans des « manes »* ou des bacs percés, afin de laver les huîtres lorsque la marée
remonte.
Cette technique simple nécessite une formation de base.
41
FICHE TECHNIQUE 4 : STOCKAGE DES HUITRES POUR EXPEDITION
Les « plus » : résistance aux mortalités, meilleure disponibilité et gestion des stocks, qualité du
produit en fraicheur.
Les « moins » : travail s et suivi supplémentaires.
Méthodes de stockage avant expédition :
En bassin ou sur table le long du chenal, avec accès au stockage à basse mer.
En poche sur des barres de fer à béton (diamètre 16) ou sur des tables basses pour permettre à l’eau
de circuler en dessous.
Poches rangées chevauchées ou à plat selon la place disponible.
Poches de 8 à 10 kg selon la taille des huîtres.
Entretien du bassin :
Nettoyage régulier du fond et des parois à l’aide d’un balai brosse (1 fois par semaine) pendant la
période de vente.
Temps de stockage :
Suivant les mortalités observées : 1 à 4 semaines maximum.
Contrôle du taux de chair pour le maintien de la qualité.
Suivi et contrôle:
Un suivi régulier du niveau d’eau du bassin, de la température à basse mer (manuel éventuellement)
et du taux de chair.
Critères visuels d’évaluation du taux de chair :
Le remplissage de la coquille en quantité de chair des huîtres peut être classé en 3 catégories :
Huîtres maigres : quantité de chair faible, fibreuse, sans tissus de réserve, translucide.
Huîtres fines : quantité de chair équilibrée, légèrement charnue, tissus de réserve légèrement
blanc crème.
Huîtres spéciales : quantité de chair importante, très charnues, tissus de réserve blanchâtre,
à ne pas confondre avec les « laiteuses »
42
FICHE TECHNIQUE 5 : PREPARATION DES HUITRES FRAICHES
AVANT L’EXPEDITION
HUITRES FRAICHES : huîtres commercialisées pour être consommées vivantes, à l’opposé des
huîtres séchées.
Les « plus » : meilleur prix de vente, plus grande quantité vendue, amélioration de la qualité du
taux de chair et de la fraicheur du produit.
Les moins : technique nouvelle nécessitant des compétences techniques.
Conditionnement :
Le jour de l'expédition, récolter les poches à basse mer sur les tables de stockage ou dans les
bassins.
Mettre les huîtres fraîches en sacs, bacs de stockage, ou poches de stockage par dosage (poids) .
Ne plus les stocker dans l'eau mais à l'ombre, éventuellement recouvertes de tissus humides ou de
végétaux
Triage avant mise en sacs :
1. Contrôler le calibrage
2. Retirer les coquilles des huîtres mortes : futures guirlandes ou transformation en chaux
3. Retirer les « cloqueuses » (huîtres blessées) : à remettre en poches sur parcs pendant un
mois
minimum
pour
reconstituer
la
coquille,
ou
les
bouillir
et
sécher.
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FICHE TECHNIQUE 6 : TRANSPORT ET COMMERCIALISATION
Huîtres séchées :
Pour réduire les pertes : faire bouillir et sécher des huîtres de taille moyenne plutôt que des petites
(grâce à l’élevage en poche).
Si la demande est plus importante, faire sécher des huîtres blessées (le jour même), des huîtres
difformes et quelques moyennes.
Remettre les petites « à la pousse » en poche ou au sol sur parc. Se référer au tableau des densités.
Huîtres fraîches :
Transport :
L’effectuer dans les meilleures conditions sanitaires possibles ; préférer un transport de nuit ou du
matin, organiser une collecte la plus rapide possible (regrouper les lieux de ramassage).
Nettoyer le camion à chaque voyage.
Transporter les sacs sans contact avec le sol du camion pour éviter que les huîtres ne baignent dans
leur jus, grâce à un caillebotis ou des palettes.
Couvrir les sacs de tissus humides.
Au bassin des Almadies :
Remettre les huîtres à l'eau en évitant le mélange de lots (contamination possible de mortalité)
Changer l'eau du bassin si possible dès la marée suivante.
Contrôler la qualité selon : la taille, la forme, le taux de chair, la survie. (Ces informations sont
nécessaires pour améliorer la qualité à la production).
Démarche qualité :
Valoriser « l'huître du Saloum », naturelle et Sénégalaise grâce à une démarche qualité réglementée
par un cahier des charges et à une méthodologie de contrôle. Cette réflexion pourra s’appuyer sur la
démarche « ostréiculture durable et solidaire » initiée en Bretagne par le réseau « cohérence »,
moteur de sensibilisation au développement durable (Annexe F).
44
4- CONCLUSION :
Adama Sengor, président de l’association Vilaine et Saloum en 2010.
Tous les espoirs sont permis. Le développement des techniques ostréicoles (tables, poches, parcs au
sol) est tout à fait possible en terme de compétence et de formation. Mais un accompagnement
important en soutien à la formation, à l'investissement matériel de production est nécessaire pour ne
pas laisser s'essouffler l'incroyable dynamisme de cette population d'ostréiculteurs-pêcheurs du
delta du Saloum. La solidarité internationale est ici une fois encore le gage d'un monde durable et
solidaire !
La sélection et le triage au cours de la production devraient permettre de faire sécher des huîtres de
taille moyenne, limitant ainsi le travail tout en améliorant le rendement mais en conservant ainsi une
consommation alimentaire traditionnelle.
L'amélioration des conditions d'expédition par le stockage des huîtres vivantes en bassin ou sur
tables, le triage avant expédition, de meilleures conditions de transport, permettront un taux de
survie supérieur à leur arrivée à Dakar.
L'élevage complet du naissain capté sur des collecteurs chaulés puis mis en poches ou sol aboutira
à une huître de qualité qui, un jour pourrait être l'objet d'une démarche qualité. Tout comme le miel
de palétuviers « l'or du Saloum », les Dakarois dégusteront alors « la perle du Saloum »...
La réussite de ce projet de développement initié par Vilaine et Saloum nécessite à ce stade de
compléter l’expertise sur la partie commerciale, et sur l’élevage en poche dans un second temps.
L’ensemble des préconisations d’expérimentation : choix de nouveaux parcs, développement des
techniques de culture en poches ou au sol doit être concrétisée par la formation d’un « référent »
45
pour l’ensemble des villages. Ibou Diamé de Médina est recruté par l’association pour cette
fonction à partir du printemps 2010. Sa venue en Bretagne est envisagée de février à avril 2011,
pour un stage ostréïcole chez jean noël YVON sur la ria d’Etel.
Suite à la mise en place de ces expérimentations, de ces formations, des espoirs de toute une
population de pêcheurs-ostréiculteurs, on peut espérer que ce projet de développement prenne de
l’envergure sur le Saloum.
Ce qui conduit à la question du choix de partenaires afin d’accompagner les investissements
nécessaires, dès aujourd’hui.
Le modèle collectif choisi aujourd’hui fonctionne en harmonie avec la culture sénégalaise, malgré
les difficultés de la vie quotidienne. La culture de l’huître du Saloum doit se développer dans le
respect des racines culturelles de la communauté du delta du Saloum.
Remerciements :
Merci à tous de ma part et de celle de Sam, à l'équipe de Vilaine et Saloum, qu'elle soit du Sénégal
ou bien bretonne ! Aux compagnons de voyage, Nicole et Marie-Paule, à Alain et Martine qui se
démènent pour Toubacouta, et de leur patience pour obtenir la version définitive du rapport
d’expertise !
Dieureudieuf spécial au trio « Adama, Ibou, Moussa », mélange explosif d'énergies pour le bien de
la communauté du Niambato ! Et un « légui légui » à tous les hommes et toutes les femmes des
villages ostréicoles du Saloum!
DIEUREUDIEUF !
46
5 ANNEXES
A / CARTOGRAPHIE DES SITES D ELEVAGE OSTREICOLE
Proposition de sites d’expérimentation et de développement d’élevage en poches et au sol.
Remarques sur les facteurs environnementaux particuliers.
B/ ARTICLES DE PRESSE
Le Télégramme de Brest (quotidien d’informations régionales)
Cultures Marines (mensuel lu par tous les professionnels de l’aquaculture française)
C/ DEMARCHE QUALITE POUR UNE OSTREICULTURE DURABLE ET SOLIDAIRE
Charte du réseau COHERENCE
47
Secteur de MEDINA et de SANGAKO :
Attention aux déchets sur la côte.
Sangako : le parc est face au village. Il serait mieux adapté comme lieu de stockage : rechercher un
autre lieu de production plus aval pour un meilleur rendement et moins de variation de salinité.
Médina : différencier le parc de captage où ont été faits des essais de captage sur tuiles et des essais
d’élevage au sol (site non approprié). Pour le bassin de stockage, veiller à le protéger des pollutions
dues aux déchets du village et à la divagation des animaux d’élevage.
Localisation des parcs, du site préconisé pour l’élevage au sol et du bassin de MEDINA :
48
Secteur de SANDICOLY :
Le site de production et du port est éloigné du village ce qui limite les sources de pollution. Il reste
cependant assez proche de la route pour les livraisons.
L’exposition nord des parcs est bonne, et le banc de sable en face peut faire l’objet d’un essai au sol
pour des huîtres. Sur ce banc de sable, un semis de coque de petite taille issues de la pêche est
envisageable.
La croissance semble moyenne, car ce site est relativement en amont.
49
Secteur de SOUCOUTA :
Les parcs sont loin du village et nous n’avons pas pu les voir à basse mer. Mais ce site est
certainement intéressant en terme de croissance. Ces secteurs sont incertains du fait de la prédation
« militaire ».
Le bassin de stockage financé par Vilaine et Saloum est bien situé sur l’estran, il reste éloigné en
accès terrestre.
Attention aux sources de pollution en bords de village.
Localisation des parcs, du site préconisé pour l’élevage au sol et du bassin de SOUCOUTA :
50
Secteur de TOUBACOUTA :
Ce chenal principal doit faire l’objet d‘expériences d’élevage en poche et au sol, notamment sur le
banc de sable principal.
Localisation du site préconisé pour l’essai d'élevage au sol :
51
Secteur de NEMAH BA :
La dessalure est forte, mais la croissance est correcte.
Des essais vers le chenal principal peuvent être tentés malgré la distance.
Attention aux sources de pollution en bords de village.
Localisation des parcs et des sites préconisés pour des essais au sol :
52
Secteur de SIPO :
Ce site a de réelles capacités par sa position aval.
Les parcs sont à bonne proximité du village.
Les sites d’essais au sol peuvent aussi faire l’objet d’essais en poches sur estran. La gestion des
déchets du fait de l’Aire Marine Protégée et de l’écocampement touristique de Bamboung est
exemplaire.
Localisation des parcs et des sites préconisés pour des essais au sol :
53
TELEGRAMME 11 OCTOBRE 2009
54
CULTURES MARINES
55
Dans la mangrove sénégalaise,
Les huîtres sont désormais bien élevées
Elever des huîtres dans les mangroves du Sénégal ? Jusqu’à une période récente, l’idée
n’avait pas réellement de sens et l’entreprise n’avait donc jamais été tentée. Les eaux
saumâtres, en favorisant la croissance des palétuviers, abritent tout naturellement, et depuis
toujours, une huître sauvage, la crassostrea gazar. C’est elle qui, en proliférant à mi-hauteur des
racines ont généreusement fourni une partie de leur nourriture et de leurs revenus aux
habitants des villages côtiers de Casamance et du Sine Saloum. L’écosystème de mangrove de
ces deux régions du sud du Sénégal a durant des décennies permis une pêche facile. Le
marché des huîtres fraîches ou transformées suivait sans à-coups. Ce n’était peut-être pas l’âge
d’or, mais c’était sans conteste celui des huîtres…
Soudain pourtant la machine s’est enrayée. La population des zones intérieures du pays,
chassée par la sécheresse et la progression du sahel, s’est déplacée en masse vers le littoral où
les produits de la mer rendent le quotidien moins pénible. Mais alors a commencé le temps de
la surpêche.
En Casamance d’abord, dans l’estuaire du Saloum ensuite, les niveaux d’alerte ont viré à
l’orange, puis au rouge. La ressource, trop sollicitée, s’est faite plus rare. Les femmes, dont la pêche des
huîtres est une activité traditionnelle, ont dû aller plus loin des villages pour pratiquer leur cueillette. Par
facilité, elles ont bien souvent coupé les racines des palétuviers, amplifiant par là même l’épuisement de
la ressource. En Casamance, le phénomène s’est aggravé du fait du défrichage provoqué par l’extension
de la riziculture.
Les scientifiques ont diagnostiqué une fin très proche, peut-être à échéance de deux ou trois années
seulement, pour la crassostrea gazar du Sénégal.
Elever pour ne plus pêcher
Pour compenser cette disparition programmée, les experts sénégalais et étrangers ont préconisé
le recours à l’élevage. Les programmes d’assistance des agences des Nations Unies, les organes de
coopération taïwanais et japonais ont offert leur aide aux autorités de Dakar.
Cette assistance était d’autant mieux venue que l’huître, au Sénégal, tient une place non-négligeable dans
l’alimentation quotidienne. Elle se consomme vivante, certes, mais dans une faible proportion de la
production. Les huîtres fraîches se mangent presque exclusivement à Dakar où elles sont très
appréciées par les classes sociales aisées et par les résidents ou touristes étrangers. Dans le quartier chic
des Almadies, face à l’océan, un bassin de décantation a été construit avant l’indépendance par les
Français. Depuis, il est régulièrement entretenu et accueille la production de coquillages des
groupements de pêcheurs du sud sénégalais. Un laboratoire d’analyses bactériologiques contrôle la
qualité et délivre l’autorisation de mise sur le marché des huîtres. Les grands hôtels, les restaurants et
quelques riches particuliers sont prêts, alors, pour la dégustation. Celle-ci reste toutefois presque
confidentielle. En dehors de la capitale, point de bassin ni d’analyse : l’huître sénégalaise se consomme
transformée. Bouillie, décoquillée, séchée au soleil, elle ressemble désormais à un gros grain de raisin
sec. Conditionnée en petits sachets, elle est alors très facile à conserver et à transporter.
56
Pour sécher les huîtres bouillies, le soleil ne fait jamais défaut
Les populations côtières en raffolent, mais l’essentiel du produit est expédié vers les zones
intérieures où ces huîtres procurent aux villages d’éleveurs les protéines animales dont ils ont besoin à la
saison la plus dure, quand leurs troupeaux sont décimés par l’avancée du sahel. Dans le plat de riz ou de
mil quotidien, l’huître remplace avantageusement la viande.
Et puis il y a l’export : les petites ambassadrices de la mangrove sont achetées dans toute l’Afrique de
l’Ouest, garantissant a marché de l’huître du Sénégal un avenir prometteur. Raison de plus pour réagir
face à l’épuisement de la ressource.
Sauver la mangrove
Consultés par les autorités sénégalaises, les experts étrangers ont d’abord insisté sur l’urgence de
sauver la mangrove en cessant d’y prélever du bois et en replantant des millions de propagules de
palétuviers dans les zones sinistrées. Parallèlement, diverses techniques ont été suggérées pour passer de
la pêche à l’élevage des huîtres. Tout a vraiment démarré dans l’estuaire du Saloum, dans les villages de
pêcheurs de la communauté rurale de Toubacouta, avec les essais de captage des naissains. Aux tuiles
chaulées, on a rapidement préféré les guirlandes de coquilles d’huîtres pour vulgariser la pratique du
captage. La disponibilité du matériau (coquilles, perches d’eucalyptus, ficelle…) a enlevé la décision des
financeurs de ce programme, en l’occurrence les services de coopération de l’ambassade du Japon.
Durant la saison sèche, qui dure au Sénégal d’octobre à avril, les femmes de pêcheurs ont appris à
confectionner des milliers de guirlandes et à choisir dans les bolongs (ces bras de mer qui entrent très
loin dans le continent à l’image des rias de Bretagne) les lieux les plus propices au captage.
Bon an, mal an, cette technique a fini par faire ses preuves. Après deux ou trois saisons, des
sujets de 7 centimètres, taille des huîtres commercialisables vivantes à Dakar, ont garni les coquilles des
guirlandes. On a alors appris à les détroquer soigneusement et à les ramener au village pour les envoyer
vers la capitale. Une fois par mois en effet, un camion affrété par le Groupement d’Intérêt Economique
ostréicole de Sokone achemine vers le bassin des Almadies la précieuse cargaison. Malgré une forte
mortalité liée à l’état des routes et du camion, le groupement trouve dans ce commerce une ressource
appréciable. Encore convient-il d’en assurer la pérennité, et la raréfaction des huîtres sur les racines de
palétuviers s’accentuant, il ne faudra bientôt plus compter que sur la production des guirlandes.
Le grossissement des sujets, sur les guirlandes, est contrasté. Pour les grosses huîtres, pas d’hésitation :
destination Dakar. Pour les moyennes ou les blessées au détroquage, la transformation. Mais les autres,
les petites, ne grossiront plus. Que faire pour qu’elles ne soient pas définitivement perdues ?
57
Des Bretons sous les palétuviers
Au cours de ces 20 dernières années, le delta du Saloum est progressivement devenu une
destination touristique pour les occidentaux. Moins pour y pratiquer le tourisme de masse que pour
mettre en pratique des principes solidaires et soucieux de la préservation de l’environnement. Parmi
eux, des Bretons du Morbihan qui sont rentrés chez eux convaincus qu’il leur fallait créer une
association pour « aider au développement de la communauté rurale de Toubacouta ». Vilaine et Saloum, du nom
des deux estuaires ainsi jumelés, est donc née en 2005, consacrant ses premiers efforts à aider des
apiculteurs du secteur à perfectionner leur savoir-faire et à tirer un bon revenu de la production de miel
de palétuviers. Et c’est au cours d’un séjour d’échange entre apiculteurs de la Roche Bernard et de
Toubacouta qu’est venue l’idée d’élever des huîtres dans la mangrove comme dans les « rivières » de
Bretagne Sud.
Martine Weber assurait alors la présidence de l’association : « Malgré les différences de climat et de latitude, les
ressemblances entre les deux milieux nous ont fait penser qu’il fallait tenter, dans les bolongs du delta, l’élevage d’huîtres
en pochons sur des tables métalliques. » Dès 2006, plusieurs centaines de poches étaient acheminées vers
Toubacouta où le menuisier métallique fabriquait les premières dizaines de tables. L’expérience ne
pouvait commencer sans que les groupes de volontaires des cinq villages ne reçoivent un minimum de
formation à cette pratique ostréicole toute nouvelle dans la mangrove. Un scientifique dakarois,
spécialiste de renommée pour ses connaissances en pisciculture, fut chargé par Vilaine et Saloum
d’encadrer un stage d’initiation ouvert à deux personnes par village. En contrepartie, les bénéficiaires
s’engageaient à former à leur tour les autres volontaires de leur village.
Captage, détroquage, mise en poches sur les tables : l’expérience commençait vraiment. Encourageants
la première saison, les résultats ont poussé l’association à organiser deux autres stages, l’un de
perfectionnement, l’autre d’initiation pour les représentants de nouveaux villages volontaires. Au
pupitre, cette fois encore, le Dr Vaque Ndiaye.
Des pochons pour assurer le grossissement ? Une première dans la mangrove.
Quand les premières douzaines d’huîtres prélevées sur les guirlandes et grossies dans les pochons ont
été expédiées à Dakar, l’émotion était réelle en Bretagne comme à Toubacouta. Mais la mission de la
modeste association de la Roche Bernard ne pouvait s’arrêter là.
« Ni nos amis français ni nous-mêmes ne sommes réellement compétents en ostréiculture, explique Adama Senghor,
qui assure depuis mars 2009 la présidence de Vilaine et Saloum. Nous avons donc recherché en Bretagne un
producteur d’huîtres professionnel qui accepte de venir ici, à Toubacouta, évaluer notre expérience et nous indiquer les
correctifs à y apporter. » Sur les conseils de Pierre Mollo, vieux baroudeur du SEMPAMA de Beg Meil
accoutumé aux missions d’assistance au bout du monde, cet oiseau rare fut déniché.
Début septembre, une petite délégation du bureau breton a accompagné Jérôme Loire, ostréiculteur de
58
la Ria d’Etel, dans son travail d’expertise des premiers essais d’élevage d’huîtres de palétuviers. Durant
deux semaines, le professionnel morbihannais a visité les sites, échangé avec ses collègues sénégalais,
leur a délivré ses précieux conseils (voir encadré).
Jérôme Loire montre à ses nouveaux collègues comment bat le cœur d’une huître
Etonnante alchimie de l’huître
Sandicoli, Médina, Soucouta, Néma Ba, Sipo, Sangako… les noms des villages dont les groupements
d’ostréiculteurs ont reçu cette visite sont totalement inconnus en Bretagne sud. Et pourtant, dans
chacun de ces contacts, la qualité du partage entre le professionnel français et ses « collègues »
sénégalais était palpable. L’huître, objet de leur préoccupation professionnelle commune, a exercé sur
leurs échanges une étonnante alchimie.
Inspection minutieuse d’un bassin expérimental de stockage financé par Vilaine et Saloum
Malgré les différences de milieu naturel et au-delà des problèmes de langue puisque
celles du delta du Saloum sont le Sérère et le Mandingue, la proximité était la plus forte, illustrée par
cette réflexion d’Abdoulaye Diouf, responsable de la vente aux Almadies : « Parfois, j’ai été appelé pour
ouvrir les huîtres importées dans les cuisines du palace Méridien Président. Quand je voyais ces sujets, je rêvais de
rencontrer celui qui les produit. Et aujourd’hui je l’ai en face de moi ! ».
Dès lors, la mission d’expertise et de conseil commandée par Vilaine et Saloum ne
pouvait plus échouer. Bien au contraire, elle s’est soldée par un effet démultiplicateur des efforts des
uns et des autres. La détermination des groupements, dans les villages-pilotes, s’est trouvée renforcée
pour permettre dans les années qui viennent d’aborder la deuxième phase du projet : le développement
de l’ostréiculture dans tous les sites de la communauté rurale de Toubacouta.
« L’objectif, expose Ibrahima Diamé, pionnier de l’ostréiculture dans la zone et secrétaire-
59
adjoint de Vilaine et Saloum, est quantifiable. Il faudra pour y parvenir, intégrer dans le dispositif sept villages
supplémentaires et déployer dans toute la zone le matériel nécessaire à la pratique de l’élevage. Notre association n’en a
pas les moyens financiers bien entendu, mais nous sommes en relation, depuis plus d’un an maintenant, avec les services
dakarois de la coopération américaine, US AID, qui ont un programme dans la région et se disent prêts à intervenir pour
l’ostréiculture. »
La délégation de Vilaine et Saloum, avant de boucler ses valises, a donc adressé une demande de
subvention à US AID pour assurer l’emploi, en 2010, d’un coordinateur qui assurera, dans les villagespilotes, le suivi du captage et de la production. Il veillera notamment à la bonne mise en œuvre des
fiches techniques que Jérôme Loire a rédigées à la fin de sa mission. Et il est fortement question qu’en
2011, ce technicien vienne en stage plusieurs mois chez un ostréiculteur de Bretagne Sud afin de
compléter sa formation. L’aboutissement du processus engagé par Vilaine et Saloum serait qu’à son
retour au Sénégal ce technicien soit salarié par un GIE ostréicole autonome assurant aux familles
concernées un supplément de revenu régulier. « La boucle sera bouclée, et nous pourrons nous consacrer à un
autre secteur d’activité pour proposer une aide dont les Sénégalais ont tant besoin, espère-t-on dans les rangs de
l’association ».
Enquête d’Henri Tisserand
60
DEMARCHE QUALITE « OSTREICULTURE DURABLE ET SOLIDAIRE »
61
6-BIBLIOGRAPHIE
Fiches techniques IFREMER
Rapport Idée Casamance
Rapport de stages de formation, Dr Vaque Ndiaye
Rapport de mission de Vilaine et Saloum, 01.2009
La conchyliculture française, ISTPM.
Histoire de l’huître en Bretagne, Skol Vreizh.
Et si les techniques bretonnes permettaient un spectaculaire
développement de l’ostréiculture sénégalaise ?
62
7- LEXIQUE :
« Crassostrea gazar » : nom latin de l’huître de palétuvier.
« Crassostrea gigas » : nom latin de l’huître creuse élevée en France, originaire du Japon.
« Cloqueuses » : huîtres blessées ou faibles qui sonnent le creux lorsque qu’on les entrechoque
l’une contre l’autre.
« Carcinus robio » : nom latin du crabe rouge.
« Détroquage » : action de séparer les huîtres collées entre elles a l’aide d’un couteau à détroquer.
« Démailler » : action de décoller les huîtres prises sur les poches par leur pousse *.
« Manes » : bacs ajourés en plastique de forme carrée.
« Pousse » : croissance de la coquille de l’huître visible par la dentelle friable.
Détroquage à Soucouta.

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