Recherche sur les enfants dans les mines artisanales à Kambove

Transcription

Recherche sur les enfants dans les mines artisanales à Kambove
Recherche sur les enfants dans
les mines artisanales à Kambove, en RDC
Principaux constats
|| mai 2013
World Vision est une organisation de solidarité internationale qui
lutte contre toutes les formes de pauvreté et d’injustice à travers ses
programmes d’aide humanitaire d’urgence, de développement et ses
actions de plaidoyer. Inspirés par nos valeurs chrétiennes, nous apportons une aide aux enfants et aux familles les plus démunis, sans aucune
forme de discrimination sociale, ethnique ou religieuse.
Copyright © 2013 World Vision RDC
192, avenue des Étoiles, Kinshasa – Gombe
République démocratique du Congo
Vue d’ensemble, limites et remerciements
Le présent rapport dévoile les principaux constats
issues de la recherche menée en juin 2012 à Kambove,
dans la province du Katanga, en République démocratique du Congo (RDC). Les enfants ont eux-mêmes
décrit, dans le cadre d’entrevues, les circonstances, les
conséquences et les motivations de leur travail dans
les mines, et ils ont proposé diverses solutions. Leurs
descriptions ont ensuite été comparées et complétées par les adultes, notamment leurs parents et des
intervenants au sein de la communauté et de l’industrie
minière. Ce rapport présente un résumé de ce que
nous avons entendu de la part des enfants et de la
communauté dans son ensemble.
Un document interne complet et détaillé, comprenant toutes les données issues de la recherche, a été
préparé à l’intention du personnel de World Vision.
Intitulé La parole est aux enfants qui travaillent
dans les mines, le présent rapport offre une version sommaire des principaux constats permettant de
mieux comprendre la situation des enfants travaillant
dans les mines à Kambove en RDC.
Les constats du rapport reflètent le contexte dans
lequel s’est inscrite la recherche, soit les mines
artisanales de Kambove, dans le sud de la RDC. Il
importe toutefois de souligner que ce rapport ne prétend
nullement pouvoir appliquer ses constats, ses analyses
et recommendations à d’autres contextes d’exploitation
minière artisanale, y compris en RD Congo. Il fait d’ailleurs
préciser que la recherche ménée à cet endroit a fait ressortir des enjeux qui different de la situation beaucoup
plus médiatisée et conflictuelle existant dans les
mines artisanales de l’est de la RDC. Cela étant dit,
2
cette recherche permet d’élargir nos connaissances
sur les enfants qui travaillent dans les mines artisanales
en RDC. Elle vient par ailleurs confirmer la réalité de
la communauté de Kambove, où œuvre World Vision
RDC (WVRDC), et contribuera à orienter ses activités
de développement dans cette communauté et dans
d’autres communautés du même genre dans la province du Katanga. Il est à espérer que le présent rapport
se révélera utile également aux autres intervenants qui
s’intéressent aux problèmes posés par le travail des
enfants dans les mines.
Les résultats de cette recherche sont le fruit du travail
consciencieux des membres de l’équipe de direction de
WVRDC et de World Vision Canada (WVC), soit Symphorien Mande, Patricia Kashala, Jean Dewey Mushitu,
Patrick Shimba, Abigael Kabemba, Suzanne Cherry,
Daniel Lavan, ainsi que du personnel et des partenaires
communautaires de WVRDC Kambove, encadrés et
supervisés par Jerry Kazadi,Vianney Dong, Harry Kits,
Cheryl Hotchkiss et Tanis McKnight.
Nous remercions sincèrement les participants qui
ont accepté de collaborer avec les chercheurs et les
responsables de cette recherche.
Pour plus d’information, véuillez communiquer avec
World Vision RDC.
Les chercheurs qui souhaitent se renseigner sur la
méthodologie ou sur des résultats précis sont invités à
communiquer avec World Vision RDC.
Photographie par World Vision RDC, avec permission
des autorités
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
Jean, travailleur minier, prend la parole...
Bien qu’il ne soit âgé que de 8 ans, Jean* fait des journées de travail
d’adulte, et ce avant de partir à l’école. Sa journée commence dès 6 h
30 lorsqu’il va rejoindre sa maman dans les mines.
Il y accomplit diverses tâches : s’occuper de son petit
frère, ramasser des fragments de roche poussiéreux sur
le sol, aider au transport de ces fragments jusqu’à des
bassins artificiels où d’autres employés, particulièrement
des filles et des femmes, les nettoient et les passent
au crible pour isoler le précieux minerai. Certaines
semaines, il travaille seulement pendant quelques jours,
, d’autres , presque tous les jours , et ce pendant toute
l’année. Lorsqu’on lui demande s’il prend des pauses
pour aller manger, il répond « rarement, parfois à la fin,
avant de partir. »
Les parents de Jean travaillent , mais leurs salaires sont
insuffisants pour subvenir aux besoins de la famille. La
maman de Jean lui a donc demandé de travailler avec elle
dans les mines. Jean a compris qu’il devait travailler pour
aider sa famille. Il remet son maigre salaire à ses parents,
mais il peut en utiliser une partie pour s’acheter des
vêtements. Ses parents lui conseillent d’utiliser aussi son
argent pour payer ses frais scolaires.
Même si elle lui a demandé de travailler, la maman de
Jean s’inquiète pour son fils, et pour bonne cause. Nous
avons demandé à Jean si son état de santé avait changé
depuis qu’il travaillait dans les mines. « Depuis que je
travaille ici, j’ai des problèmes de peau et des douleurs
* Le nom de Jean et certains détails personnels ont
été changés pour protéger son anonymat.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 3
musculaires, et j’ai mal aux yeux », raconte-t-il. Il souffre
également d’une toux persistante. « Ces problèmes
surgissent lorsque je viens de dans les mines; quand je
ne travaille pas, je me sens bien. » Lorsque nous lui avons
demandé pourquoi il croyait que ces problèmes étaient
causés par son travail, il a répondu : « Les produits
ici sont piquants ; il y a beaucoup de poussière, et je
demeure longtemps dans la même position. » Il a même
subi des blessures légères.
Jean termine son travail à 14 h et il se dirige ensuite
vers l’école. Il est en retard pour son âge; il a même dû
doubler une année. Il doit s’absenter de l’école chaque
semaine, souvent parce qu’il est malade. Mais dans
4
l’entre temps, son travail aide sa famille à payer ses frais
scolaires.
Jean ne souhaite absolument pas travailler comme
mineur plus tard. Il est catégorique : « Je ne voudrais
pas faire ce travail. » Le seul aspect positif qu’il trouve à
cet emploi est que ça lui permet de gagner de l’argent
et d’aider sa famille. , il signale cependant que ce travail
est dangereux et qu’il nuit à ses études. Il veut faire des
études universitaires et devenir chauffeur. Lorsque nous
lui avons demandé s’il pourra abandonner son travail
dans les mines pour poursuivre ses rêves, il a répondu :
« Oui… mais j’aurai besoin de l’aide de quelqu’un, car
mes parents ne pourront pas m’aider. »
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
Recherche sur les enfants dans
les mines artisanales à Kambove, en rdc
Principaux constats
Résumé exécutif
Contexte
Le travail des enfants est un problème fort complexe,
lié à la pauvreté, au manque de services sociaux et
d’emplois alternatifs à l’exploitation artisanales. Il nous
incombe d’abord de comprendre les conditions de vie et
les besoins particuliers de ces enfants et de leurs familles.
Partant de là nous pourrons ensuite développer des
solutions efficaces en fonction des circonstances et des
besoins, solutions susceptibles de permettre aux enfants
d’échapper aux pires conditions de travail. Les appels
solennels à l’éradication de toutes les formes de travail
des enfants ignorent souvent la complexité du problème,
l’incidence de la pauvreté et les choix difficiles auxquels
les enfants sont confrontés.
Des enfants qui travaillent dans les mines d’une
communauté dans le sud de la province du Katanga
RDC décrivent cette réalité dans le présent rapport. La
participation directe des enfants constituait un objectif
essentiel de la recherche. Dans le cadre d’entrevues, ils
brossent un tableau des circonstances, des conséquences
et des motivations de leur travail à la mine, et ils
proposent diverses solutions. Leurs descriptions sont
ensuite comparées et complétées par des adultes,
notamment leurs parents et divers intervenants au sein
de la communauté et de l’industrie minière.
Une écoute attentive nous a permis de
recueillir l’information suivante :
`` Les garçons et les filles sont très présents dans
les mines artisanales non officielles de la cité de
Kambove. Ils participent dès leur jeune âge à toutes
les activités de la mine, soit le creusage, le nettoyage
et le triage.
`` Les enfants ne sont pas contraints de travailler dans
les mines; ils le font de leur plein gré. Ils apprennent
le travail de leurs parents et, dans les cas de pauvreté
extrême, ils comprennent qu’ils aident ainsi leur
famille à joindre les deux bouts. Nous reconnaissons,
bien sûr, que les choix des enfants découlent souvent
de fortes pressions sociales, donc qu’ils ne sont
pas vraiment « libres ». Cela étant dit, la recherche
montre clairement que pour de nombreux enfants,
la décision de travailler représente un choix dans le
contexte familial, et que ce choix n’est pas influencé
de façon indue. Il y a toutefois lieu de croire que les
enfants sont exploités dans les mines, notamment en
ce qui a trait à la rémunération et à aux conditions
de travail.
`` Il existe un lien très étroit entre le travail à la mine
et la fréquentation scolaire. Plus de la moitié des
enfants interviewés avaient abandonné l’école, et
ceux qui allaient à l’école travaillaient au moins une
partie du temps à la mine. L’incapacité de payer les
frais scolaires constitue un obstacle à la scolarisation.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 5
La recherche n’a pu déterminer avec certitude le
rapport de cause à effet existant entre le travail à la
mine, la fréquentation de l’école et l’incapacité de
payer les frais scolaires.
`` Le travail à la mine entraîne de graves conséquences
pour la santé des enfants, qu’il s’agisse du danger
immédiat de subir des blessures ou des effets à long
terme d’une exposition prolongée au cuivre ou au
cobalt. Des recherches plus poussées et une prise de
conscience accrue par les enfants et la communauté
sont nécessaires.
`` Les conflits et les problèmes d’agressions sexuelles
sont beaucoup moins présents à Kambove
qu’ailleurs en RDC.
`` Les adultes aussi bien que les enfants ont
invariablement laissé entendre qu’ils préféreraient ne
pas travailler à la mine. Dans leur immense majorité,
les enfants ont dit qu’ils aimeraient mieux aller à
l’école et qu’ils nourrissaient de grandes ambitions
pour leur carrière future et leur contribution à la
communauté.
`` Les organismes gouvernementaux, les ONG
et les autres intervenants ont toujours eu une
capacité limitée à améliorer de façon durable la
situation sociale et économique, à faire respecter
les règlements et à développer des solutions
de rechange afin de créer des conditions qui
permettraient aux enfants d’abandonner leur travail
à la mine.
`` La disponibilité d’emplois convenables pour les
adultes constitue l’un des moyens essentiels
proposés pour permettre aux enfants de sortir des
mines. Diverses propositions allant de la formation
des travailleurs à la création de coopératives, en
passant par le renforcement des compétences
financières, ont été faites.
Conclusions
La conclusion de ce rapport qui s’impose est que tous
les enfants devraient cesser de travailler dans les mines
artisanales de Kambove. Parvenir à l’étape du retrait des
enfants des mines artisanales de Kambove représente
un problème épineux. Dans le présent contexte, le
qualificatif « épineux » laisse entendre que le travail
des enfants dans les mines artisanales représente un
6
problème complexe et délicat, qu’aucune solution
linéaire ne pourrait résoudre.
Le problème des enfants dans les mines est intégré trop
profondément au contexte général pour être considéré
séparément. Il faut se placer dans une perspective plus
large, sinon les mesures visant à atténuer le problème
sont presque certainement vouées à l’échec. Des
programmes et des campagnes de sensibilisation visant
directement les victimes de la pire forme d’exploitation
par le travail sont évidemment nécessaires, mais de telles
interventions doivent s’inscrire dans l’optique globale du
développement du pays.
Toutefois, en faisant entendre leur voix, les enfants et
les autres membres de la communauté de Kambove ont
permis de faire connaître les questions nécessitant une
attention accrue.
1 Dans chaque région et dans chaque communauté de
la RDC, donner la parole aux enfants dans les mines
et mener des recherches en vue de comprendre les
circonstances, les conséquences et les motivations
de leur travail, et de dégager des solutions
éventuelles.
2 Sensibiliser les enfants et le reste de la communauté
aux conséquences à long terme de ce travail sur
la santé, aux dangers inhérents et aux possibilités
perdues par les enfants qui ne vont pas à l’école.
Cette démarche pourrait aussi viser à mieux faire
comprendre le code minier et les lois de la RDC sur
les droits des femmes et des enfants.
3 Mieux comprendre les divers services
gouvernementaux et les possibilités d’améliorer les
lois et les politiques afin de réglementer le travail
dans les mines artisanales de façon qu’il soit plus sûr
et plus durable et qu’il contribue à la croissance de
l’économie Congolaise.
4 Améliorer le développement socio-économique
des communautés. La fourniture de services et de
programmes de réduction de la pauvreté et de
développement durable (moyens de subsistance,
santé, eau, salubrité, éducation, etc.) incombe
d’abord aux différents paliers de gouvernement
et aux fournisseurs de services locaux. Les ONG
internationales et les sociétés minières peuvent
jouer un rôle en aidant le gouvernement et les
communautés à offrir ces services.
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
5 Créer les conditions permettant d’assurer la
prospérité, la diversification et la résilience de
l’économie locale, notamment en offrant des emplois
pour remplacer le travail à la mine, mais aussi, dans
la mesure du possible, en officialisant les mines
artisanales afin de les rendre viables et rentables
économiquement pour les ménages, les entités
locales et le pays.
6 Définir le rôle que les opérateurs miniers
nationaux et internationaux, et autres acteurs de
développement, peuvent jouer dans la résolution du
problème du travail des enfants dans les mines en
RDC.
7 Intégrer à toute intervention des mesures
d’apprentissage et d’évaluation continus. Les
problèmes épineux ne se prêtent pas à des solutions
simples. Ils nécessitent une évaluation continue,
l’essai de nouvelles mesures et l’établissement de
nouveaux liens entre les interventions.
L’engagement à long terme d’un large éventail
d’intervenants sera nécessaire pour remédier au
problème du travail des enfants dans les mines. Les
solutions ne résident pas dans des projets à court terme
portant sur une ou deux questions pendant la durée
du financement du projet. Elles passent par la pleine
participation des différents paliers de gouvernement,
des organisations et des dirigeants communautaires,
des organismes confessionnels, des ONG et d’ autres
parténaires intéressées. Et, surtout, par l’engagement
ferme des personnes les plus touchées : les enfants et les
familles.
Glossaire de terminologie
1
Négociants Intermédiaires qui achètent le minerai
directement dans les mines et le vendent à
des transformateurs (fondeurs ou maisons
d’achat).
adp
Projet de développement régionale (Area
Development Program)1
AR
Aucune réponse (sigle utilisé dans les
tableaux)
CMKK
Coopérative minière Maadini KwaKilimo
(coopérative de mines artisanales)
ONG
Organisation non gouvernementale
RDC
République Démocratique du Congo
Creuseurs
Principalement des hommes âgés entre 20
et 60 ans.
GCM
Gécamines (La Générale des Carrières
et des Mines). Grande société minière
appartenant à l’État; important employeur,
producteur de cuivre et de cobalt dans
la province du Katanga au cours des
décennies précédentes.
SAESSCAM Service d’Assistance et d’Encadrement
du Small ScaleMining (service d’assistance
technique offert par le gouvernement de la
RDC aux petites exploitations minières)
WVC
World Vision Canada
WVRDC
World Vision RDC
Un ADP ( Area Development Program ) est un programme de World Vision à long terme axé sur les enfants et conçu pour aider
entre 15 000 et 100 000 personnes. Modèles de développement communautaire, les ADP relient des villages pour les amener à
collaborer au sein de regroupements régionaux en vue de s’attaquer aux causes fondamentales de la pauvreté. En règle générale,
World Vision exécute les ADP dans les communautés pendant une période de 10 à 15 ans. Des moniteurs, qui proviennent
habituellement de la région, sont formés afin qu’ils apprennent à établir des relations, à aider les communautés à déterminer leurs
besoins et les solutions éventuelles, à assister les dirigeants locaux et à favoriser le réseautage au sein de la société et des services de
l’État (se reporter à http://www.visionmondiale.ca/wWVondiale/Programmes-et-projets/Pages/Acceuil.aspx).
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 7
Table des matieres
1Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 Donner la parole aux enfants qui travaillent
dans les mines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2 Enfants qui travaillent dans les mines en RDC . . 10
3.3.1 Les enfants parlent des conséquences de
leur travail dans les mines sur leurs études . . 29
1.3 World Vision et le travail des enfants dans
les mines en RDC . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
3.3.2 Les enfants parlent des conséquences de
leur travail dans les mines pour leur santé . . 31
2 Vue d’ensemble de la recherche . . . . . . . 12
4 Solutions proposées aux problèmes des
enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.1 Objectifs de la recherche . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 Thèmes et questions de la recherche . . . . . . . 13
2.3 Méthodologie et participation . . . . . . . . . . 13
2.3.1 Entrevues réalisées avec les enfants . . . . . 14
4.1 Projets d’avenir des enfants qui travaillent dans
les mines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
4.2 Solutions proposées par les adultes . . . . . . . . 36
2.3.2 Groupes de discussion des adultes . . . . . . 14
4.2.1 Coûts liés à l’éducation et à la garde des
enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3.3 Entrevues réalisées avec des informateurs
clés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
4.2.2 Agriculture et autres moyens de subsistance 37
2.3.4 Visites des sites d’exploitation minière . . . . 15
4.2.3 Réformer et améliorer les activités
minières artisanales . . . . . . . . . . . . . 39
2.3.5 Analyse des données . . . . . . . . . . . . . 16
4.2.4 Application de la loi . . . . . . . . . . . . . 39
2.4 Cadre géographique et limites du rapport . . . . 16
4.2.5 Autres rôles du gouvernement, des
coopératives et des sociétés minières . . . . 40
3 La parole est aux enfants qui travaillent
dans les mines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3.1 Nature du travail des enfants dans les mines
artisanales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.2.6 Rôles des ONG et stratégies de
subsistance . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
4.2.7 Installations récréatives pour les jeunes . . . 42
3.1.1 Proportion d’enfants dans les mines à
Kambove . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.2.8 Atténuation des conséquences pour la
santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.1.2 Tâches confiées aux enfants : Principaux
constats issus des entrevues avec les enfants
et des visites des sites d’exploitation . . . . . 19
4.2.9 Rôle éventuel de World Vision . . . . . . . . 42
3.1.3 Renseignements fournis par les adultes
concernant le travail des enfants dans
les mines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.1.4 Autres observations sur la présence
d’enfants sur les sites . . . . . . . . . . . . . 21
3.2 Facteurs incitant les enfants à travailler dans une
mine artisanale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.2.1 Principaux resultats constats concernant les
facteurs incitant les enfants à travailler dans
une mine artisanale . . . . . . . . . . . . . . 22
3.2.2 Renseignements fournis par les adultes
concernant les facteurs incitant les enfants
à travailler dans les mines . . . . . . . . . . 24
8
3.3 Conséquences du travail des enfants dans les
mines pour leur bien-être . . . . . . . . . . . . . 29
5 Travail des enfants dans les mines :
Un problème épineux, un obstacle au
développement . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
5.1 La parole est aux enfants qui travaillent dans les
mines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
5.2 Travail dangereux . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
5.3 Un problème épineux . . . . . . . . . . . . . . . 45
5.4 Le canaris dans la mine :
Un obstacle au développement . . . . . . . . . . 45
5.5 Recherche de solutions . . . . . . . . . . . . . . 45
5.6 Engagement de World Vision envers le problème
du travail des enfants dans les mines . . . . . . . 46
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
1 || Introduction
« Poursuivre notre travail de développement sans nous soucier de ce
phénomène équivaudrait à construire une maison sur le sable. »
– Jerry Kazadi, Directeur National Adjoint, World Vision RDC
1.1 Donner la parole aux enfants qui
travaillent dans les mines
Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT),
les emplois dangereux représentent l’une des pires
formes d’exploitation des enfants par le travail. L’OIT
estime que « 53 % des 215 millions de travailleurs
juvéniles occupent des emplois dangereux2. Pour
l’OIT, ces statistiques constituent des estimations, car
les pays qui comptent une main-d’œuvre enfantine
importante et visible omettent souvent de produire des
statistiques détaillées. On en sait encore moins sur les
circonstances de la vie de ces enfants. Nous manquons
2
tout simplement d’information sur le travail des enfants
dans les pays en développement.
« Les enfants effectuant des travaux dangereux
ne sont pas souvent porter à connaissance parmi
les cas de travail des enfants. Même si des photos
les montrent, lorsqu’il est question d’agir, ils sont
souvent éclipsés par des formes de travail des
enfants qui ont retenu l’attention du public, par
exemple les enfants soldats ou ceux victimes de la
traite. Ils sont aussi parfois dilués dans l’ensemble
des initiatives portant sur le travail des enfants en
général. Aujourdhui encore, très peu de politiques
OIT, 2011, p. xi.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 9
“Les rues de la ville seront
remplies de jeunes garçons
et de jeunes filles, jouant
dans les rues.”
– Zacharie 8:5
ou programmes sont axés sur les besoins spécifiques
des enfants qui effectuent des travaux dangereux3. »
En outre, comme on peut le constater dans le présent
rapport, le travail des enfants est un problème fort
complexe, lié à la pauvreté, au manque de services
sociaux et d’emplois de remplacement, avec effets sur
le l’éducation et la santé, et à l’exploitation humaine. Il
nous incombe d’abord de comprendre les conditions
de vie et les besoins particuliers de ces enfants et de
leurs familles. Nous pourrons ensuite développer des
solutions efficaces en fonction des circonstances et des
besoins, solutions susceptibles de permettre aux enfants
d’échapper aux pires conditions de travail. Les appels
solennels à l’éradication de toutes les formes de travail
des enfants ignorent souvent la complexité du problème,
l’incidence de la pauvreté et les choix difficiles auxquels
les enfants sont confrontés.
Des enfants qui travaillent dans les mines d’une
communauté dans le sud de la province du Katanga
décrivent cette réalité dans le présent rapport. La
participation directe des enfants constituait un objectif
essentiel de la recherche. Dans le cadre d’entrevues, ils
brossent un tableau des circonstances, des conséquences
et des motivations de leur travail dans les mines, et ils
proposent diverses solutions. Leurs descriptions sont
ensuite comparées et complétées par celles des adultes,
notamment leurs parents et divers intervenants au sein
de la communauté et de l’industrie minière. Ce rapport
présente un résumé de ce que nous avons entendu de la
part des enfants et de la communauté.
1.2 Enfants qui travaillent dans les
mines en RDC
La République démocratique du Congo (RDC), avec une
population estimée à 72M millions d’habitants, est le
deuxième pays le plus peuplé en Afrique subsaharienne
et l’un des plus vastes pays africains. La RDC possède
des ressources minières dont la valeur estimée atteint
le chiffre astronomique de 24 billions $. En revanche,
seulement 46 % de la population a accès à des sources f
d’eau potable et le taux de mortalité chez les enfants de
moins de cinq ans est de 168/1 000. La RDC est classée
en dernière position sur l’indice du développement
humain 2012.
L’exploitation minière industrielle a constitué
historiquement la base de la croissance économique et
de la création d’emplois en RDC. Cependant, le déclin de
l’économie du pays au début des années 1970, combiné
aux changements apportés au code et aux règlements
régissant l’industrie minière, a entraîné un ralentissement
dans cette industrie. On estime qu’à l’heure actuelle,
entre 60 et 90 % de la production minière provient de
mines artisanales et de petites exploitations minières4.
Dans les mines artisanales, les opérations de creusage,
de nettoyage et de triage se font à la main. Ces mines
représentent une source d’emploi (directs et indirects)
pour plus de 14 % de la population. On estime par
ailleurs que jusqu’à 40 % des employés dans les
nombreuses mines artisanales du pays sont des enfants5.
L’exploitation minière en RDC a fait l’objet de
nombreuses études, de reportages alarmants dans les
médias et d’importantes campagnes de sensibilisation.
Cet intérêt reflète la terrible réalité de certaines
exploitations minières en RDC, particulièrement dans
l’est du pays, où la mort, la violence, le vol et les luttes
de pouvoir sont omniprésents. Toutefois, ces exposés
peuvent aisément fausser la réalité en masquant la
complexité de la situation. Certaines régions font face
à des conflits, d’autres en sont épargnées; certaines
3
Ibid.
4
Feeney, P. , 2010, p. 7.
5
La documentation sur la ceinture cuprifère du Katanga et de la RDC/Zambie reflète le consensus selon lequel les enfants (âgés de moins de 18 ans)
représentent en gros 40 % des effectifs dans les mines artisanales. (Tsurukawa, 2011, p. 32)
10
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
régions ont des mines industrielles, d’autres non;
certaines régions extraient du minerai soi-disant
conflictuel, d’autres non. La réalité varie selon la région
ou la communauté. Ainsi, la situation des enfants dans les
mines est différente dans le sud du Katanga par rapport
au nord de cette province ou à l’est du pays.
World Vision reconnaît que d’importantes études
analytiques portant sur les mines artisanales,
particulièrement en RDC et plus généralement en
Afrique, sont déjà en cours. Et nous sommes conscients
que d’autres organisations ont commencé à examiner
cet épineux problème en RDC.
Il est difficile de s’attaquer au problème du travail
des enfants dans les mines en RDC en raison d’un
manque de recherches continues et méthodiques. Ainsi,
l’insuffisance des recherches conduit trop souvent à une
généralisation de la situation d’une communauté et à son
application à l’ensemble d’une région ou du pays. World
Vision dispose de très peu de recherches systématiques
sur les enfants qui travaillent dans les mines dans la
province du Katanga et sur les effets de ce travail sur eux
à court et à long terme. En ce qui concerne Kambove
plus particulièrement, nous connaissons l’existence d’une
seule autre étude, menée en 2008 par l’Université de
Lubumbashi (Université de Lubumbashi/OCU, 2008).
1.3 World Vision et le travail des
enfants dans les mines en RDC
World Vision est présente en RDC depuis 1960, et y
œuvre officiellement depuis 1984. WVRDC compte plus
de 550 employés sur place et des bureaux régionaux
à Kinshasa, Lubumbashi, Gemena et Goma; le bureau
national est établi à Kinshasa.
World Vision RDC cherche depuis quelques années à
élargir ses connaissances et à s’attaquer aux causes et
aux problèmes (notamment des politiques) qui soustendent les difficultés inhérentes à la pauvreté, en
rapport n avec la protection et la santé des enfants. Cela
s’est traduit par un intérêt renouvelé du partenariat
pour World Vision RDC et par un engagement à
déterminer comment World Vision (en collaboration
avec d’autres organisations) pourrait accroître l’efficacité
de son action en RDC en s’attaquant aux effets néfastes
de l’extraction minière sur la santé et la protection des
enfants.
Afin de découvrir la réalité qui est celle des enfants
dans les mines artisanales du Katanga, WVRDC a décidé
de donner la parolaux enfants dans la cité de , où elle
œuvre depuis 2007. Le Programme de World Vision à
Kambove travaille à améliorer l’éducation des enfants
de la communauté, à réduire la morbidité et la mortalité
infantile, ainsi que maternelle, et à contribuer à la
sécurité alimentaire.
En ce qui concerne l’exploitation artisanale World Vision
à Kambove a établi un partenariat avec les services
du Ministère de l’Éducation afin d’entreprendre une
campagne de sensibilisation auprès des enfants, des
parents, des églises et des autorités locales. Cette
campagne de sensibilisation vise à encourager les enfants
à fréquenter l’école et à être conscients des risques de
l’exploitation artisanale sur leur la santé. World Vision
a également soutenu la prise en charge médicale de
certains enfants affectés par leur travail dans les mines
artisanales.
La présente recherche constitue la première étape de
l’engagement à long terme de WVRDC à résoudre le
problème épineux du travail des enfants dans les mines
dans les communautés du Katanga.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 11
2 || Vue d’ensemble de la recherche
Sont énoncés dans la présente section :
``
les objectifs de la recherche;
``
les principaux thèmes et questions de la recherche;
``
la méthodologie, le nombre et le sexe des participants pour chaque
méthode;
``
le cadre géographique et les limites de la recherche.
2.1 Objectifs de la recherche
``
Ce projet a constitué la première initiative de WVRDC
en vue d’étudier directement, au niveau communautaire,
les problèmes liés aux mines artisanales en RDC.
Soulignons que le financement de cette recherche n’était
disponible que pendant une partie de l’année 2012, et qu’un
délai limité était imparti pour la conception et la planification.
`` adapter les programmes et les mesures de
sensibilisation appliqués par WV à la situation des
enfants qui travaillent dans une mine artisanale en
RDC;
Pour les raisons indiquées ci-dessus, nous avons décidé
de limiter la portée de cette recherche, dont voici
l’énoncé des objectifs :
12
wrecueillir l’information auprès des enfants concernant
leur expérience comme travailleurs dans une mine
artisanale et les effets de ce travail sur leur bien-être;
`` aider WV à développer des méthodes
d’apprentissage et d’intervention auprès des enfants
et des communautés concernant le travail des
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
enfants dans les mines artisanales, étant donné qu’on
trouve ce genre de mines à divers endroits où WV
est à l’œuvre;
`` définir des mesures efficaces pouvant être prises par
d’autres intervenants (p. ex., les gouvernements de la
RDC et d’autres pays, les entreprises de la RDC, les
organisations de la société civile, les donateurs) pour
lutter contre le travail des enfants dans les mines
artisanales.
Cette recherche ne se voulait pas une étude
« scientifique » approfondie, avec échantillonnage
aléatoire des enfants et des familles touchés par
l’exploitation minière artisanale. Les résultats de cette
première initiative étaient plutôt destinés à constituer
le fondement d’interventions-pilotes visant à répondre
aux besoins des enfants qui travaillent dans les mines
artisanales. Ils permettront de définir et d’orienter des
recherches plus poussées par World Vision et d’autres
intervenants dans la province du Katanga en RDC.
2.2 Thèmes et questions de la
recherche
Thèmes de la recherche
Le présent rapport décrit sommairement la recherche
menée sur les enfants travaillant dans des mines
artisanales dans le contexte de Kambove (voir la section
2.4). La recherche avait pour objet d’examiner :
`` la nature du travail des enfants dans ces mines;
`` les facteurs motivant le travail des enfants dans ces
mines;
`` l’incidence de ce travail sur la santé et l’éducation
des enfants;
`` les champs éventuels d’intervention pour aider les
enfants à quitter ce travail.
ce travail avec leurs autres activités, notamment
l’école ?
`` Quel lien y a-t-il entre le travail de l’enfant dans les
mines et sa capacité à fréquenter l’école ?
`` Quelles sont les conséquences immédiates les plus
évidentes de ce travail et de ce milieu de travail sur
la santé des enfants ?
`` Quel lien y a-t-il entre le travail d’un enfant dans
une mine artisanale et la subsistance immédiate
de sa famille immédiate ? Comment les enfants et
les parents conçoivent-ils le rôle des enfants pour
assurer la subsistance de la famille ?
`` Quels facteurs additionnels ont incité l’enfant à
travailler dans une mine artisanale ? Quelle influence
a été exercée par des personnes autres que les
parents (p. ex., les camarades) sur la décision de
l’enfant de travailler dans une mine artisanale ?
`` Parmi les initiatives visant à résoudre les problèmes
liés au travail des enfants dans les mines, lesquelles
ont connu du succès ? Lesquelles n’ont pas eu de
succès ? Indiquez pourquoi.
2.3 Méthodologie et participation
La participation des enfants était l’un des principaux
objectifs de la recherche. Ils ont décrit, dans le cadre
d’entrevues, les circonstances entourant leur travail
et les facteurs qui les ont amenés à travailler dans une
mine. Leurs descriptions ont été ensuite comparées et
complétées par les adultes, notamment leurs parents
et divers intervenants au sein de la communauté. Ce
rapport présente un résumé de ce que nous avons
entendu de la part des enfants et de la communauté
dans son ensemble.
Voir ci-dessous un aperçu de la méthodologie employée
pour la recherche.
Questions associées à la recherche
Des questions générales associées aux grands thèmes de
la recherche ont été examinées :
`` Quelles sont la nature et l’intensité du travail
accompli par les enfants dans les mines artisanales ?
Quelles sont leurs tâches ? Combien de temps
consacrent-ils à ce travail dans une journée, une
semaine, une année ? Comment concilient-ils
2.3.1 Entrevues réalisées avec les enfants
Nous avons sélectionné 53 enfants travaillant dans une
mine artisanale pour répondre au questionnaire. Les
entrevues ont duré entre 45 et 60 minutes. Elles se sont
déroulées sur les lieux mêmes de travail ç-à-d la mine,
généralement dans un endroit tranquille, plutôt privé, par
exemple sous un arbre. Toutefois, certains enfants ont
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 13
préféré passer l’entrevue
en travaillant.
Tableau 1 || Participants selon l’âge et le sexe
Âge
9
10
Afin d’obtenir le véritable
F
1
1
point de vue des enfants
travaillant dans les
G
2
mines, nous avons évité
Total
3
1
les questions à choix
multiples. Nos catégories
de réponses, indiquées
ci-dessous, correspondent aux catégories créées par
les réponses des enfants. Les intervieweurs locaux
avaient reçu pour consigne de ne fournir des options
de réponses aux enfants que lorsqu’ils auraient de la
difficulté à comprendre la question, et ce uniquement
après avoir tenté de la reformuler.
Les enfants ont été sélectionnés pour la recherche en
fonction des critères suivants :
`` Ils devaient avoir entre 8 et 17 ans.Voir la répartition
selon l’âge et le sexe au tableau 1. Le pourcentage
des enfants appartenant à chacune des trois tranches
d’âge sélectionnées est indiqué au tableau 26. Même
si des enfants de moins de 8 ans sont présents dans
les mines artisanales, nous avons estimé que pour
pouvoir répondre avec assurance à un questionnaire
portant sur une variété de sujets, l’enfant devait
avoir au moins 8 ans. Il se trouve que le plus jeune
participant était âgé de 9 ans.
``
Les enfants habitaient à l’intérieur de la zone
d’intervention du Programme de développement
régional (ADP) de World Vision. Ce critère avait une
Tableau 2 || Pourcentage d’enfants par
tranche d’âge
Tranches d’âge
9-11
13,2 %
12-14
41,5 %
15-17
45,3 %
Total
100 %
6
14
Pourcentages
11
12
13
14
15
16
17
Total
1
1
5
4
6
4
1
24
2
3
5
4
6
3
4
29
3
4
10
8
12
7
5
53
motivation éthique : les enfants qui participaient à
la recherche pourraient profiter (directement ou
indirectement) des mesures prises par WV pour
donner suite aux résultats de la recherche.
La méthode de sélection des enfants qui travaillent
dans les mines correspond à un échantillonnage de
commodité plutôt qu’à un échantillonnage aléatoire.
Cette méthode a été jugée appropriée, étant donné
que cette recherche se voulait un premier survol de
ces questions et qu’elle avait une portée limitée. Il
importe de souligner que le nombre d’enfants employés
dans des mines artisanales peut fluctuer grandement
d’une journée à une autre ou d’une saison à l’autre, et
même en raison de facteurs comme le prix du minerai
pratiqué par les négociants localement et le prix sur le
marché mondial. Ces variations rendent plus difficile la
généralisation des résultats. Ce genre de recherche ne
peut fournir qu’un aperçu de la situation à un moment
donné.
2.3.2 Groupes de discussion des adultes
La recherche par groupe de discussion comprenait :
`` 2 groupes de discussion avec les mères des enfants
employés dans les mines artisanales
`` 2 groupes de discussion avec les pères des enfants
employés dans les mines artisanales
`` 1 groupe de discussion avec les creuseurs
◊ Ces « creuseurs » étaient des hommes dont l’âge
allait de la vingtaine à la cinquantaine. Certains
étaient affectés à cette tâche depuis 2002. Leur
niveau de scolarité variait du primaire au diplôme
universitaire. La plupart avaient des enfants qui
Par rapport aux pourcentages pour un échantillon de 75 enfants de Kambove travaillant dans une mine artisanale : 6 à 8 ans (5,3 %);
9 à 11 ans (26,7 %); 12 à 14 ans (30,7 %); 15 à 17 ans (37,3 %) (Université de Lubumbashi/OCU, 2008). Ni notre recherche ni celle de
l’Université de Lubumbashi n’ont constitué un recensement exhaustif des enfants travaillant dans une mine artisanale, et n’ont permis
de confirmer si ces tranches d’âge étaient représentatives de l’ensemble de la population.
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
les assistaient
ou travaillaient
dans les mines,
mais ce n’était
pas un critère de
participation.
`` 1 groupe de
discussion avec l es
négociants
Tableau 3 || Nombre de participants
Nombre de
filles / femmes
Nombre de
garçons /
d’hommes
Total
Entrevues avec des enfants
24
29
53
Groupe de discussion - Mères
16
Méthode
Groupe de discussion - Pères
16
30
30
Groupe de discussion - Creuseurs
15
15
◊ Les négociants
Groupe de discussion - Négociants
7
7
sont des
intermédiaires
Entrevues – Informateurs clés
1
10
11
qui achètent
Totals
41
91
132
le minerai
directement dans
Les informateurs choisis travaillaient dans le secteur
les mines et le
géographique où a eu lieu la recherche. Les entrevues
vendent à des transformateurs (fondeurs ou
ont duré entre une heure et deux heures et demie.
maisons d’achat). Ce groupe comprenait quatre
négociants ainsi que des membres de syndicats
2.3.4 Visites des sites d’exploitation minière
et de coopératives de mines artisanales.
Les séances des groupes de discussion duraient entre
une heure et demie et deux heures. Comme pour les
enfants, ces personnes ont été choisies parmi les adultes
habitant à l’intérieur de la zone d’intervention de l’ de
l’ADP. Ainsi, ces participants pourraient profiter des
interventions futures de World Vision. Cela assurait en
outre que tous les participants (enfants et adultes) se
référeraient à la même population d’enfants. Ce critère
est important, car la situation des enfants employés
dans les mines artisanales peut varier grandement selon
l’emplacement géographique de la mine.
Il était important que les membres de l’équipe de
recherche, qui provenaient de l’extérieur de la zone
visée, puissent visiter des sites d’exploitation où
travaillaient des enfants. Ils ont obtenu la permission
de visiter quatre mines artisanales où ils étaient
accompagnés par des agents des services du
gouvernement. Ils ont pu observer diverses tâches
exécutées par des adultes et des enfants.
2.3.3 Entrevues réalisées avec des
informateurs clés
Ces visites ont été brèves (environ deux heures).
L’équipe n’a pas recueilli de données à cette occasion,
mais les visites ont contribué grandement à mieux faire
comprendre le fonctionnement de ces mines ainsi que
les difficultés et les dangers auxquels font face les enfants
qui y travaillent.
Nous avons réalisé des entrevues avec 11 informateurs
clés :
2.3.5 Analyse des données
`` responsables gouvernementaux élus;
`` fonctionnaires;
`` chefs religieux;
`` représentants d’ONG locales et internationales;
`` représentants du secteur privé (mines).
Au terme de la recherche, l’équipe, qui se trouvait
toujours en RDC, a examiné les données brutes et
présenté des observations préliminaires à un groupe
restreint comprenant du personnel de WV et quelques
membres de la communauté de Kambove, qui sont
des partenaires clés de WV. Cet exercice a permis de
clarifier, corriger et confirmer certains thèmes émanant
des données brutes.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 15
Les données brutes tirées des questionnaires des enfants
ont par la suite été consignées sur une feuille de calcul
Excel (à l’exception de celles produites par les questions
ouvertes, pour lesquelles on s’attendait à des réponses
plus longues). Principalement à l’aide de la fonction
« tableau croisé dynamique » d’Excel, les résultats
obtenus pour chaque question ont été examinés et
classés selon le sexe ou l’âge (selon le cas). De plus, des
liens entre les réponses aux différentes questions dans le
questionnaire de l’enfant ont été explorés (par exemple,
avec qui l’enfant résidait, et si l’enfant allait à l’école).
Les principaux constats issues de la recherche sont
présentées dans le rapport.
Cependant, en raison de la taille limitée de l’échantillon
et de notre connaissance imprécise de la mesure
dans laquelle cet échantillon représentait le nombre
total d’enfants travaillant dans une mine artisanale,
nous avons décidé de ne pas évaluer le caractère
statistiquement significatif de ces liens. Par ailleurs, pour
les résultats numériques, comme les moyennes, nous
n’avons pas calculé les intervalles de confiance parce
que l’échantillon d’enfants n’avait pas été sélectionné de
façon aléatoire.
Les réponses ouvertes, donc plus longues, se prêtaient
moins bien à la manipulation quantitative sur Excel.
Elles ont donc été consignées et codées séparément et,
dans certains cas, des catégories de réponses ont été
quantifiées manuellement pour présentation dans le
rapport.
Les données qualitatives tirées des groupes de discussion
et des entrevues des informateurs clés ont été colligées
et analysées en fonction des questions générales de
l’étude.
Un document interne complet et détaillé, comprenant
toutes les données issues de la recherche, a été préparé
à l’intention du personnel de World Vision. Intitulé La
parole est aux enfants qui travaillent dans les
mines, le présent rapport offre une version sommaire
des principaux constats visant à mieux comprendre la
situation des enfants travaillant dans les mines artisanales
de Kambove en RDC.
7
16
2.4 Cadre géographique et limites du
rapport
Les resultats condensés dans ce rapport reflètent le
contexte dans lequel s’est inscrite la recherche, soit
l’exploitation artisanale, à Kambove, précisement
dans des zones de résidus de la Gécamines (GCM)
(résidus accumulés pendant près de 40 à 50 ans) et
des écoulements d’eau provenant des installations de
traitement de la GCM.
De nombreux resultats obtenus à l’issue de cette
recherche viennent confirmer certains aspects
d’analyses précédentes sur le travail des enfants dans
les mines dans divers contextes africains. Ils confirment
également de nouveau les descriptions des facteurs
historiques, sociaux et économiques liés à la prévalence
des activités minières artisanales en RDC ainsi que
leurs conséquences sociales et environnementales
(Banchirigah et Hilson, 2010; Hilson, 2010; PACT, 2010;
Tsurukawa et coll., 2011). Il importe toutefois de souligner
que ce rapport ne prétend nullement pouvoir appliquer ses
resultats , ses analyses et ses recommandations à d’autres
contextes d’exploitation minière artisanale, y compris en RDC.
Nous tenons plus particulièrement à souligner que
la recherche menée à cet endroit a fait ressortir des
enjeux qui diffèrent de la situation beaucoup plus
médiatisée et conflictuelle existant dans les mines
artisanales dans l’est de la RDC.
Par ailleurs, il est essentiel de souligner d’emblée
la distinction officielle existant entre les sites où
les activités minières artisanales sont approuvées
par le gouvernement et les sites de Kambove, où
la recherche a été effectuée, où ce type d’activité
n’est pas officiellement approuvé. En 2009, il y avait
17 zones approuvées au Katanga (PACT, 2010). Comme
l’ont expliqué des informateurs, ces zones ont été
établies afin de diriger les mineurs vers des sites plus
sûrs, mieux réglementés et mieux organisés7. Les
activités minières artisanales sur les sites non officiels,
comme ceux de Kambove, sont tolérées en raison de
l’incapacité du gouvernement à faire respecter les lois,
d’une part, et pour éviter les troubles sociaux et les
difficultés économiques que leur fermeture entraînerait
vraisemblablement en l’absence d’autres possibilités
Le processus de désignation officiel des zones minières artisanales est décrit à la section 4.5 du PACT (2010).
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
d’emplois8. La majorité des personnes qui travaillent
dans les mines du Katanga le font sur des sites non
officiels. (Des renseignements plus détaillés figurent à la
section 3.2.2.3).
Cela étant dit, cette recherche permet d’élargir nos
connaissances sur les enfants qui travaillent dans
les mines artisanales en RDC. Elle vient par ailleurs
8
confirmer la réalité de la communauté de Kambove, où
œuvre WVRDC, et contribuera à orienter ses activités
dans la province du Katanga. Il est à espérer que le
présent rapport se révélera utile également aux autres
intervenants qui s’intéressent aux problèmes posés par
le travail des enfants dans les mines.
L’extraction artisanale du cuivre et du cobalt au Katanga a été officiellement autorisée pour la première fois en 1998 par le président
de l’époque, L.D. Kabila, après l’effondrement de la GCM, afin de venir en aide aux nouveaux chômeurs, dont certains n’avaient pas
été payés depuis 30 mois (Tsurukawa et coll., 2011, p. 16
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 17
3 || La parole est aux enfants qui travaillent
dans les mines
Le présent rapport dévoile principaux constats issus de
la recherche menée en juin 2012 à Kambove, dans la
province du Katanga. Les enfants et d’autres intervenants
de la communauté ont décrit les circonstances, les
conséquences et les motivations de leur travail dans les
mines, et ont proposé diverses solutions.
3.1.1 Proportion d’enfants dans les mines à
Kambove
3.1 Nature du travail des enfants dans
les mines artisanales
La recherche n’a pas permis de recenser le nombre
total de travailleurs ou, plus particulièrement, d’enfants
qui travaillent dans les mines de Kambove, où ont été
sélectionnés les répondants aux questionnaires. Un seul
informateur clé, qui estimait que le tiers des enfants
de Kambove travaillaient dans les mines, a mentionné
un pourcentage. Cet informateur a précisé que ce
pourcentage comprenait à la fois les enfants dont les
familles immédiates sont originaires de la région et les
enfants des nouveaux arrivants.
Les questions suivantes sont examinées dans la présente
section :
`` Quelles sont la nature et l’intensité du travail
accompli par les enfants dans les mines artisanales ?
Quelles sont leurs tâches ? Combien de temps
consacrent-ils à ce travail dans une journée, une
semaine, une année ?
Selon les données sur le Katanga et celles de Copperbelt,
on estime généralement à 40 % la proportion d’enfants
(moins de 18 ans) qui travaillent dans les mines de la
région (Tsurukawa, 2011, p. 32).
`` Comment concilient-ils ce travail avec leurs autres
activités, notamment l’école ?
18
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
3.1.2 Tâches confiées aux enfants : Principaux
constats issus des entrevues avec
les enfants et des visites des sites
d’exploitation
`` Les enfants, âgés de 9 à 17 ans, que nous avons
interviewés ont dit effectuer diverses tâches. Parmi
cellesci, mentionnons le creusage, le ramassage, le
transport, le nettoyage et le triage du minerai (voir
les définitions dans l’encadré I) ainsi que la vente
de nourriture et de boissons aux autres travailleurs
dans les mines.
`` Les membres de l’équipe ont observé directement
les enfants au travail sur divers sites miniers. Ils ont
constaté la présence de très jeunes enfants (des
bébés et des enfants de moins de cinq ans), mais
ces derniers ne travaillaient pas. Des informateurs
adultes ont confirmé la présence d’enfants et
expliqué qu’elle était attribuable à l’absence de
services de garde.
`` Nous avons constaté que les tâches étaient dévolues
aux enfants selon le sexe. Les garçons adolescents
étaient en majorité affectés au creusage; un plus
grand nombre de garçons que de filles étaient
affectés au ramassage et au triage, tandis que les
filles étaient plus nombreuses à être affectées au
nettoyage et au tamissage du minerai ainsi qu’à la
vente.
`` Le creusage est la tâche qui présente les dangers les
plus immédiats et les plus évidents, en raison des
risques d’effondrement des puits et des tunnels et
autres accidents du même genre. Même si ce travail
est généralement accompli par des enfants de 12 ans
et plus, deux garçons (sur 29) de 9 et 11 ans ont
mentionné être actuellement affectés au creusage et
à une autre tâche. Deux autres garçons ont dit avoir
commencé à faire ce travail à l’âge de 9 et 10 ans.
`` Au moment où la recherche a été effectuée (en juin,
alors que les vacances scolaires avaient commencé),
les enfants, filles et garçons, ont dit travailler en
moyenne 34 heures par semaine; 40 % des enfants
(21 sur 53) ont précisé que l’intensité du travail
variait selon les saisons. Ainsi, certains enfants
travaillent davantage durant les vacances scolaires,
tandis que d’autres travaillent plus souvent durant la
saison sèche ou la saison des pluies.
`` L’âge moyen pour commencer à travailler dans les
mines est de 11 ans pour les garçons et de 12 ans
pour les filles. Sept filles sur 24 ont indiqué avoir
commencé à travailler avant l’âge de 12 ans; deux
d’entre elles ont dit avoir commencé à l’âge de 7 ans.
Seize garçons sur 29 ont indiqué avoir commencé à
travailler avant l’âge de 11 ans; deux d’entre eux ont
dit avoir commencé à l’âge de 6 ans.
`` Nous avons demandé aux enfants à quelles activités
ils se livraient lorsqu’ils ne travaillaient pas dans
les mines. Toutes les filles (24) ont dit ne pas avoir
de temps à consacrer aux loisirs ou aux sports,
comparativement à 9 garçons (sur 29) qui ont dit
avoir le temps de le faire.
Encadré 1 || Tâches des enfants dans les mines
Les enfants interviewés ont mentionné les tâches
suivantes :
adultes ont indiqué faire du transport à bicyclette et
ont été observés en train de le faire.
Creusage : creuser avec des pioches et des pelles
pour créer des puits et des tunnels horizontaux et en
extraire le minerai « brut ».
Nettoyage : rincer le minerai extrait ou ramassé. Cette
activité, effectuée dans l’eau jusqu’à la taille, nécessite
souvent l’utilisation de tamis, auquel cas elle est appelée
tamisage.
Ramassage : ramasser le minerai (la pierre, p. ex.)
visible à la surface du sol.
Transport : transport effectué par des enfants, par
exemple amener le minerai à la surface, apporter les
bacs de minerai (sur la tête) aux sites de nettoyage. Des
Triage : séparer les matières non minérales des
matières minérales nettoyées.
Vente : vendre de la nourriture, des boissons et
d’autres articles à d’autres travailleurs.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 19
Tableau 4 || Nombre de fois où une tâche a été
mentionnée, selon le sexe
F
G
Total
nettoyage
17
8
25
creusage
1
12
13
ramassage
2
11
13
transport
2
3
5
triage
1
2
3
vente
3
1
4
autre
1
0
1
Total
27
37
64
`` Nous avons demandé aux enfants quelles tâches
domestiques ils accomplissaient. Les filles ont dit
accomplir, en moyenne, presque deux fois plus
de tâches domestiques que les garçons. Elles ont
notamment mentionné la garde d’enfants, la cuisine,
la lessive, le balayage et la collecte de l’eau. (À
noter que nous n’avons pas posé de question sur
les tâches effectuées à l’extérieur de la maison,
par exemple l’aide aux parents sur le petit élevage
ou les activités autres que le travail dans les mines
permettant de gagner de l’argent).
3.1.3 Renseignements fournis par les adultes
concernant le travail des enfants dans les
mines
`` Des participants aux groupes de discussion ont
admis que de nombreux enfants travaillaient dans les
mines à Kambove, dont des enfants de 10 à 15 ans,
avec leurs parents ou des groupes de travailleurs.
`` Les déclarations des adultes corroborent l’ensemble
des constats établis à partir des questionnaire des
enfants : a) l’âge des enfants qui travaillent dans les
mines; b) les tâches des enfants, y compris les tâches
dévolues selon le sexe (les garçons sont affectés au
creusage; les filles, au nettoyage).
que cette tâche était confiée à des enfants. Ces
affirmations viennent contredire les constats établis
à partir des questionnaires des enfants. En effet,
12 garçons sur 29 ont déclaré être affectés au
creusage (et à une autre tâche pour certains d’entre
eux – voir le tableau 4). Les réponses de certains
informateurs clés donnent aussi l’impression qu’un
pourcentage moins élevé de garçons de moins de
15 ans sont affectés au creusage, comparativement
au pourcentage établi à partir des données issues
des questionnaires des enfants.
`` Des participants aux groupes de discussion ont
corroboré les affirmations des informateurs clés
selon lesquelles, dans les galeries souterraines de
Kambove, le creusage est généralement effectué par
des garçons de 15 ans ou plus. Quand on insiste,
certains participants admettent toutefois qu’on
demande parfois à des enfants plus petits (âgés de 11
et 12 ans) d’entrer dans des galeries plus étroites.
Ces données ont été confirmées par plusieurs
garçons ayant répondu au questionnaire, qui ont
déclaré être affectés au creusage et avoir moins de
15 ans ou y avoir été affectés alors qu’ils étaient
beaucoup plus jeunes.
`` Même si les informateurs clés conviennent qu’aucun
enfant ne devrait travailler dans les mines, certains
laissent entendre que le creusage constitue une tâche
plus pénible que les autres. Aucune donnée tirée des
questionnaires des enfants n’indique que les enfants
font cette distinction. Comme nous le verrons,
même si le creusage est une tâche beaucoup plus
dangereuse à l’instant, le ramassage et le nettoyage
ont plus de conséquences à long terme sur la santé.
`` Les informateurs ont tous confirmé que des enfants
qui allaient à l’école travaillaient dans les mines,
surtout lorsqu’il n’y a pas de cours, de sorte que
le nombre d’enfants observés sur les sites est plus
élevé durant les vacances et les fins de semaine. L’un
d’eux a laissé entendre que des filles se livrent à la
prostitution sur les sites ou à proximité de ceuxci, mais il ne faisait pas expressément allusion à
Kambove.
`` Cependant, quelques informateurs (autres que
les parents des enfants travaillant dans les mines)
ont dit que les enfants étaient rarement affectés
au creusage : l’un d’eux a même carrément nié
20
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
3.1.4 Autres observations sur la présence
d’enfants sur les sites
`` Lors d’une visite sur place, à 16 h, un jour de
semaine, nous avons constaté que la plupart des
enfants se trouvaient sur les sites de nettoyage
(qui, selon certains informateurs clés, ne sont pas
situés sur les sites d’extraction)9. Cependant, nous
avons aussi vu de nombreux enfants sur des sites
comportant des fosses d’extraction et nous avons
observé des enfants transportant du minerai à partir
de ces zones. C’est aussi dans les zones des fosses
d’extraction que les enfants affectés au ramassage
ramassent le minerai.
`` Durant leur brève visite de certains sites, les
membres de l’équipe de recherche n’ont pas vu de
tentes ni d’autres abris improvisés dans lesquels les
gens semblaient habiter à la périphérie des mines de
Kambove. Ils ont toutefois constaté la présence de
tables, où des enfants vendaient de l’eau, du pain, des
beignets, des cartes de téléphone, des cigarettes, etc.
`` Dans certaines parties du Katanga, les femmes
et les filles n’ont pas le droit de se trouver à
proximité des zones de creusage. Nous avons
toutefois constaté que les femmes n’étaient pas
exclusivement affectées au nettoyage sur les sites
de Kambove10. Des femmes accompagnées de
jeunes enfants (filles et garçons), y compris des
nourrissons suspendus dans leur dos ou étendus
dans des paniers de plastique, ont été vues près des
hommes sur des sites de creusage et de ramassage.
Cependant, la durée de la période d’observation ne
nous a pas permis de déterminer avec exactitude
les tâches accomplies par ces femmes11. Nous avons
observé plusieurs familles en train de travailler
près des fosses peu profondes, situées très près
de fosses beaucoup plus profondes où travaillaient
des adolescents et des hommes ou qui étaient,
dans certains cas, abandonnées. Nous n’avons pu
9
déterminer si la présence de femmes sur ces sites
était exceptionnelle ou pas. Des informateurs ont
indiqué que les fosses profondes présentaient des
dangers importants pour les jeunes enfants qui
accompagnent leur mère.
3.2 Facteurs incitant les enfants à
travailler dans une mine artisanale
Les questions suivantes sont examinées dans la présente
section :
`` Quel lien y a-t-il entre le travail d’un enfant dans
une mine artisanale et la subsistance de sa famille
immédiate ? Comment les enfants et les parents
conçoivent-ils le rôle des enfants pour assurer la
subsistance de la famille ?
`` Quelles sont les aspirations des enfants et des
parents concernant l’avenir des enfants ? Comment
perçoivent-ils les emplois ailleurs que dans les mines
artisanales ?
`` Dans quelle mesure les enfants et les parents
peuvent-ils déterminer les conditions de leur emploi
dans les mines (p. ex., la rémunération, le type de
travail disponible et la façon dont ils sont traités par
les autres employés) ?
`` Quels facteurs additionnels ont incité l’enfant à
travailler dans une mine artisanale ?
`` Quelle influence a été exercée par des personnes
autres que les parents (p. ex., les camarades) sur
la décision de l’enfant de travailler dans une mine
artisanale ?
Cette constatation est peut-être attribuable au travail accompli selon le moment de la journée, le creusage et le ramassage se faisant
le jour et le nettoyage et le triage, à la fin de la journée.
10 Cette observation vient contredire en partie l’affirmation d’un informateur adulte selon laquelle la présence des femmes sur les sites
de creusage était interdite parce qu’elle provoquerait, selon la croyance, la disparition des filons.Voir la note 12 pour en apprendre
davantage sur l’accès des femmes aux zones de creusage sur les sites du Katanga.
11 Un membre du personnel de WVRDC a mentionné plus tard qu’en pareil cas, les femmes pouvaient être affectées au transport du
minerai (transporter le minerai sur leur tête, par exemple).
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 21
`` Nous avons demandé aux enfants qui leur avait
proposé ou imposé de travailler dans les mines :
62 % (33 sur 53) ont répondu qu’il s’agissait d’un
proche (les deux parents, le père, la mère, un frère,
une sœur, un autre parent). 13 % des enfants ont dit
avoir commencé à travailler de leur propre initiative
(7 sur 53), tandis que 21 % ont déclaré que c’était
l’idée d’un ami (11 sur 53).
3.2.1 Principaux resultats constats concernant
les facteurs incitant les enfants à travailler
dans une mine artisanale
Les chiffres suivants montrent clairement l’influence
exercée par la famille pour amener les enfants à travailler
dans les mines.
•
•
83 % des enfants interviewés ont indiqué que leurs
deux parents étaient vivants et 6 % (3 sur 53) ont
mentionné qu’ils étaient décédés tous les deux. Le
fait d’être orphelin ne constitue donc pas un motif
important pour commencer à travailler dans les
mines.
`` 15 des 18 enfants ayant répondu que l’idée de
travailler dans les mines était la leur ou celle d’un ami,
étaient âgés de 14 ans ou plus. Ce nombre semble
indiquer que les enfants plus âgés (adolescents) sont
plus susceptibles d’être influencés par des amis ou
de commencer à travailler de leur propre initiative.
Nous avons demandé aux enfants quelle était
l’occupation de leur père et de leur mère : 36 % ont
répondu que leur père travaillait dans les mines et
47 % que leur mère y travaillait également. En outre,
26 % des enfants ont mentionné que leurs deux
parents y travaillaient (voir les tableaux 5 et 6). Un
pourcentage plus élevé de garçons que de filles ont
indiqué qu’au moins un de leurs parents travaillait
dans les mines.
`` L’encadré 2 montre quelques-unes des raisons
que les parents et les frères et sœurs évoquent pour
demander aux enfants de travailler dans les mines.
En général, ils disent avoir besoin de l’aide des
enfants pour assurer la subsistance de la famille.
`` L’encadré 3 montre quelques-unes des raisons
pour lesquelles les enfants acceptent de leur plein gré
de commencer à travailler lorsqu’on leur propose.
Les raisons invoquées sont semblables à celles qui
figurent dans l’encadré 2 : les enfants disent vouloir
aider leur famille à subvenir à leurs besoins.
`` Nous avons demandé aux enfants la personne qui
leur tâche dans les mines : 62 % (33 sur 53) ont
répondu qu’il s’agissait d’un proche (mère, père,
frère, sœur, autre parent). Parmi ces 33 enfants, 18
ont dit avoir été formés par leur mère (34 % des
53 enfants interviewés).
`` Nous avons demandé aux enfants quelle était
l’attitude de leurs parents envers leur travail :
58 % d’entre eux (31 sur 53) ont répondu que
leurs parents les approuvaient ou les encourageaient
(50 % des filles et 66 % des garçons ont donné
`` 19 % des enfants ont appris leur tâche d’un ami (10
sur 53).
Tableau 5 || Occupation du père
Mines
Services
Agr.
F
6
5
5
G
13
3
4
2
1
Total
19
8
9
2
1
* TM
= Travailleur minier
** AR
Comm.
Chaffeur
TM*
Autre
Décédé
AR**
Total
1
6
1
24
2
1
3
0
29
2
2
9
1
53
= Aucune réponse
Tableau 6 || Occupation de la mère
F
G
Total
22
Mines
8
17
25
Agri.
5
2
7
Comm.
7
6
13
Maçon
1
1
Autre
1
1
2
Aucune
1
1
2
Décédé
2
1
3
Total
24
29
53
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
Encadré 2 || Raisons invoquées par les parents ou les frères et sœurs
pour inciter les enfants à travailler dans les mines
Maman m’a dit que, comme elle n’avait pas d’argent
pour payer mes études, je devais travailler dans les
mines pour gagner de l’argent. (Garçon, creuseur, 15 ans)
Ma mère m’a encouragé en disant que je pourrais
garder l’argent pour m’acheter des chaussures.
(Fille, ramasseuse, 11 ans)
Ils nous ont expulsés de l’école, alors mes parents et
mes frères nous ont proposé de travailler pour aider
notre père. (Fille, nettoyeuse, 14 ans)
Ma grande sœur m’a proposé de l’accompagner pour
que nous puissions nous aider mutuellement.
(Fille, 15 ans)
Maman m’a dit que les vendeurs gagnaient beaucoup
d’argent. (Fille, vendeuse, 13 ans)
[Je devais] aider ma grande sœur à gagner de l’argent
pour acheter de la nourriture et des vêtements.
(Fille, vendeuse, 13 ans)
Nous avons commencé à manquer de nourriture. C’est
en ce moment là que j’ai commencé à travailler ici.
(Garçon, nettoyeur, 13 ans)
ces réponses). En revanche, 25 % des filles,
comparativement à 7 % des garçons, ont dit que
leurs parents désapprouvaient leur travail.
`` Parmi les 42 enfants ayant déclaré être rémunérés
pour leur travail, la moitié des filles (9 sur 18) ont
dit garder leur salaire contre seulement 17 % des
garçons (4 sur 24). En outre, 62 % de ces garçons
(15 sur 24) ont répondu que leurs parents gardaient
leur salaire. Ce constat a corroboré avec les les
réponses fournies aux questions sus mentionnées
Mon grand frère m’a montré l’argent qu’il gagnait
dans les mines, et c’est ce qui m’a motivé. (Garçon,
creur, 13 ans)
et montre que les familles comptent davantage
sur la contribution des garçons pour assurer leur
subsistance.
`` Par ailleurs, 54 % des filles vivaient seules avec
leur mère ou un autre proche comparativement à
21 % des garçons. Cette situation peut expliquer le
constat précedent.
`` Parmi les 34 enfants ayant indiqué leur choix en
matière de dépenses, 24 (13 filles et 11 garçons),
Encadré 3 || Raisons invoquées par les enfants pour travailler dans les
mines (après y avoir été incités par une autre personne)
Parce que mes parents me l’ont dit. (Fille, nettoyeuse , 15 ans)
Pour aider ma sœur. (Garçon, nettoyeur, 14 ans)
Pour aider mon père à acheter de la nourriture.
Pour avoir quelque chose à manger.
(Garçon, ramasseur, 14 ans)
(Garçon, nettoyeur, 13 ans)
Parce que ma mère n’était pas capable de le faire seule.
Pour me payer ce dont j’ai besoin. (Garçon, transporteur,
(Fille, nettoyeuse, 15 ans)
17 ans)
Pour gagner de l’argent afin de payer les études de mes frères
Pour acheter des vêtements et être bien habillée. (Fille,
et d’aider ma famille. (Fille, nettoyeusee, 14 ans)
nettoyeuse, 15 ans)
Pour payer mes études. (Fille, transporteuse, 10 ans; fille,
nettoyeuse, 15 ans)
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 23
soit 71 % du groupe, ont mentionné que l’achat de
vêtements était leur principale priorité.
`` Nous avons demandé aux enfants de partager les
aspects positifs du travail dans les mines : 89 % des
réponses concernaient l’argent gagné ou le salaire
régulier (40 réponses sur 53) ou ce qui pouvait être
fait avec l’argent, comme payer les frais scolaires
(7 réponses sur 53).
`` Nous avons demandé aux enfants de partager
les aspects négatifs du travail dans les mines : les
57 réponses fournies étaient très variées. Les
enfants ont mentionné que le travail était dangereux
(18 fois), épuisant (15 fois), difficile (8 fois) ou
ennuyant (8 fois). D’autres ont indiqué que le travail
les empêchait d’aller à l’école (7 fois) et un enfant a
mentionné la façon dont les enfants étaient traités
par les adultes comme un des aspects negatifs.
3.2.2 Renseignements fournis par les adultes
concernant les facteurs incitant les
enfants à travailler dans les mines
`` Des mères et des pères ont admis avoir incité
leurs enfants à travailler dans dans les mines, en
soulignant toutefois l’avoir fait parce qu’eux-mêmes
n’avaient pas d’autre travail. Le niveau de scolarité
des mineurs adultes auxquels nous avons parlé
variait beaucoup : certains n’avaient pas terminé
leurs études primaires, tandis que d’autres avaient
un diplôme universitaire. La diversité des emplois
antérieurs des négociants allait de chauffeur de taxi
à enseignant.
`` Tous les mineurs adultes ont exprimé le désir de
faire un autre type de travail (mécanicien, chauffeur,
administrateur, agronome, couturier, etc.).
`` Lorsque les parents n’ont pas les moyens de payer
les frais scolaires de leurs enfants, ils les emènent
travailler dans les mines pour subvenir aux besoins
de la famille. Ils ont toutefois précisé que le travail
des enfants, combiné auleur , permettait à peine de
gagner assez pour nourrir leur famille.
3.2.2.1 Le travail dans les mines constitue l’unique
gagne-pain et les enfants doivent y
contribuer
Les participants aux groupes de discussion ont exprimé
des sentiments mitigés concernant la qualité de vie
à Kambove, et leurs commentaires reflétaient une
ambivalence envers le travail dans les mines. Nous leur
avons demandé si, en général, Kambove était un endroit
où il faisait bon vivre. La plupart d’entre eux ont d’abord
répondu par l’affirmative. Les participants ont mentionné
que les mines de Kambove leur permettaient au moins
de gagner leur vie et que c’était la raison pour laquelle,
elle attire aussi des gens incapables de trouver un gagnepain dans d’autres ville telle que Lubumbashi.
Des participants ont aussi mentionné que des familles
viennent s’installer dans la ville parce que les femmes
sont autorisées à travailler dans les mines de Kambove
alors que leur présence est interdite dans d’autres.12
Des personnes en provenance de grandes villes ont
aussi mentionné que le coût de la vie est moins élevé à
Kambove. Néanmoins, nombreux sont ceux qui ont dit
considérer le travail dans les mines comme une solution
de dernier recours et l’unique gagne-pain offert à
Kambove. Des mères ont mentionné que les conditions
de vie à Kambove rendaient l’éducation des enfants
difficile, voire même impossible, en l’absence de mines.
Parmi les mineurs adultes que nous avons interviewés,
certains n’avaient pas terminé leurs études primaires,
d’autres avaient fait des études secondaires, tandis
que d’autres possédaient un diplôme universitaire.
Ils ont tous exprimé le désir de faire un autre travail
(mécanicien, chauffeur, administrateur, agronome). Les
groupes de discussion des mères comportaient aussi des
personnes ayant reçu une formation en couture, mais
12 Une mère d’un groupe de discussion a mentionné que les femmes n’étaient pas autorisées à travailler dans les mines dans d’autres
régions du Katanga. En vertu des lois de la RDC, les femmes ont, comme les hommes, le droit de travailler dans les mines. Cependant,
au Katanga, l’accès à certaines mines est interdit aux femmes par une loi locale et par la coutume. En effet, sur de nombreux sites du
Katanga, les mineurs croient que la présence des femmes provoque la disparition des filons (PACT, 2010, p. 93). (Un informateur clé a
mentionné cette croyance locale, qui a aussi été signalée par un membre du personnel de WV avant le début du projet de recherche.)
Les femmes qui travaillent sur ces sites sont donc plus susceptibles d’être vues en train de creuser dans les zones de résidus, les
zones de rebuts de faible valeur ou les carrières. Même sur ces sites, les femmes sont principalement affectées au traitement du
minerai (surtout le nettoyage) et à la fourniture de biens et services à d’autres mineurs (PACT, 2010, p. 93).
24
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
qui devaient travaillent dans les mines parce qu’elles
n’avaient pas de machine à coudre. Une des mères était
enseignante qualifiée.
Nous avons aussi appris que même des négociants ont
commencé à travailler dans les mines (situation plutôt
précaire) après avoir été incapables de gagner leur vie
en exerçant la profession pour laquelle ils avaient été
formés. Tant d’ enseignants que de chauffeurs de taxi
faisaient partie de ce groupe.
Des pères et des mères ont affirmé avoir incité leurs
enfants à travailler dans les mines, mais ont précisé
l’avoir fait principalement parce qu’eux-mêmes ne
trouvaient pas d’autre travail. Les parents qui n’ont pas
les moyens de payer les frais scolaires de leurs enfants
les emmènent avec eux dans les mines pour qu’ils
contribuent à la survie de la famille. Dans de nombreux
cas, la décision est prise par les deux parents, mais il
arrive aussi que l’insistance vienne d’un seul parent.
Ainsi, une mère a expliqué avoir surmonté ou défié la
résistance initiale de son mari pour amener ses enfants
avec elle dans les mines. (À noter que les données tirées
des questionnaires des enfants révèlent que les mères
jouent un rôle plus déterminant dans la décision des
enfants de travailler dans les mines de Kambove). Des
mères ont mentionné que certains enfants offraient euxmêmes leur aide parce qu’ils comprenaient la situation
de la famille.
Même si les parents affirment parfois que l’aide des
enfants rend leur travail « plus facile », il faut remettre
cette affirmation dans son contexte : le travail des
enfants, combiné à celui des adultes, permet à la famille de
gagner à peine assez d’argent pour se nourrir. Des mères
ont mentionné qu’au prix actuel des aliments, elles
avaient besoin de 10 000 FC13 par jour (somme jugée
raisonnable par un employé local de WV) pour nourrir
convenablement leur famille. Des femmes des groupes de
discussion ont toutefois affirmé que trois bacs pleins de
minerai permettaient à une famille de gagner d’ordinaire
seulement de 7 000 à 7 500 FC par jour. Des pères des
groupes de discussion ont mentionné qu’une bonne
journée de travail leur rapportait seulement 5 000 FC.
Il convient toutefois de noter que certaines autres
affirmations des parents et des enfants viennent
compliquer le tableau général de la mise en commun
des revenus familiaux quotidiens. Des mères ont dit que
même un jeune enfant (8 ans) pouvait gagner entre 300
et 1 000 FC par jour en vendant lui-même le minerai
de surface ramassé, pour ensuite dépenser cet argent
immédiatement en achetant des biscuits, sans que la
mère puisse intervenir. Les réponses aux questionnaires
des enfants révèlent également qu’un nombre important
d’enfants qui travaillent avec leur famille dépensent leur
argent pour acheter des vêtements, une tendance qui
n’a pas été mentionnée par les parents. En revanche,
des pères ont indiqué avoir d’autres enfants qui ne
travaillaient pas avec eux dans les mines (dont certains
n’ont pas encore atteint l’âge de 18 ans).
3.2.2.2 Capacité limitée de réglementation des
activités minières artisanales
Comment nous l’avons déjà mentionné (à la section 2.4),
les activités minières artisanales sont techniquement
illégales à Kambove. Cependant, la majorité des
personnes qui travaillent dans les mines du Katanga le
font sur des sites non officiels.
Le Service d’assistance et d’encadrement du Small Scale
Mining (SAESSCAM)14, créé officiellement en 2003,
est l’organisme gouvernemental chargé de superviser
et d’organiser les activités minières artisanales
en RDC (PACT, 2010, p. 37). Des informateurs bien
renseignés ayant participé à la recherche ont affirmé
que le SAESSCAM exerçait ses fonctions (appuyer
les coopératives minières, par exemple) uniquement
sur les sites officiels du Katanga. Ces informateurs ont
mentionné plusieurs activités (nettoyage des sites,
construction d’abris, soins de santé, amélioration des
techniques et de la sécurité) mises en œuvre par les
coopératives sur les sites officiels du Katanga, avec le
soutien du SAESSCAM et la collaboration de la GCM,
dans certains cas. Un informateur nous a aussi parlé des
accords que des coopératives auraient conclus avec des
sociétés minières pour excaver des puits à ciel ouvert
à l’aide d’engins lourds excavateurs en vue d’exposer
des filons et permettre ainsi une exploitation artisanale
13 1 USD équivalent à 900 FC
14 Service gouvernemental
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 25
sécurisante, et ce en échange d’un monopole sur l’achat
des produits. Nous n’avons relevé aucun signe de ce
genre d’activités (amélioration des conditions de travail
ou utilisation de technologie plus avancée) sur les sites
non officiels que nous avons visités à Kambove.
la réglementation des mineurs artisanaux (PACT, 2010;
Tsurukawa, 2011; Global Witness, 2006).
En ce qui concerne l’organisation, la réglementation
et la surveillance des sites que nous avons visités à
Kambove, un informateur a précisé que le SAESSCAM
n’essayait pas d’exercer la totalité de ses fonctions sur
ces sites et sur les autres sites non officiels, mais qu’il se
contentait de contribuer à assurer la paix sociale. Des
parents et des mineurs adultes étaient au courant de la
nature non officielle, de la réglementation laxiste et de la
désorganisation relative des activités minières artisanales
à Kambove; ils ont mentionné que dans ce contexte, ils
n’avaient pas « besoin » d’une carte de mineur officiel
pour travailler.
La rareté des recherches effectuées sur le travail des
enfants dans les mines en RDC ne permet pas d’établir
si le SAESSCAM ou tout autre organisme parvient à faire
appliquer efficacement les lois interdisant le travail des
enfants. Deux participants à la recherche ont toutefois
affirmé clairement qu’aucun enfant ne travaillait sur
les sites (officiels) supervisés par le SAESSCAM au
Katanga et que les enfants travaillaient uniquement dans
les campements érigés en périphérie de ces sites. La
recherche n’a pas permis de confirmer ces allégations.
Les chercheurs ont toutefois constaté que des enfants
participaient non seulement au nettoyage et au triage
dans les zones considérées comme étant en périphérie
des sites, mais aussi au creusage, au ramassage et au
transport du minerai dans les zones des puits à ciel
ouvert.
Les allégations de corruption et d’exploitation sont
courantes dans les mines artisanales dans toute
la RDC. Des participants à la recherche ont affirmé
que souvent et surtout sur les sites non officiels (où
le SAESSCAM n’offre pas de soutien aux mineurs),
il arrive que les fondeurs (usines d’affinage), ceux des
entreprises minières, sous-estiment la teneur en minerai
des produits qu’ils achètent. Les fondeurs agissent ainsi
pour pouvoir verser des pots-de-vin aux pouvoirs
politiques afin de conserver leur travail et leur marge
bénéficiaire. En conséquence, pour récupérer ces « coûts
d’exploitation » supplémentaires et maximiser leurs
profits, les fondeurs et les compagnies paient le minerai à
un prix relativement bas. La recherche n’a pas permis de
vérifier ces allégations.
Ces constats semblent indiquer que les conditions de
travail sont systématiquement plus difficiles sur les
sites non officiels que sur les sites officiels et que ces
conditions sont plus difficiles à améliorer. Cependant,
le manque de ressources et de capacité qui limite
grandement le pouvoir d’action du SAESSCAM à
s’acquitter de son rôle à la grandeur du pays a été bien
documenté (PACT, 2010) et confirmé par plusieurs
participants à l’étude. En fait, la documentation sur
les activités minières artisanales en RDC montre
que les difficultés auxquelles font face les organismes
de réglementation ne permettent pas d’établir des
différences importantes entre les sites officiels et non
officiels en ce qui concerne le soutien, la surveillance et
26
3.2.2.3 Capacité limitée de réglementation du
travail des enfants dans les mines
Nous avons demandé aux parents si l’exploitation
physique et sexuelle des enfants était fréquente sur les
sites que nous avons visités. Les parents ont répondu
que les cas de violence physique ou sexuelle étaient
rares, mais que le travail des enfants était parfois exploité
par les négociants. Il existe un système où les négociants
donnent aux enfants une somme d’argent à leur arrivée
sur le site, ce qui les oblige à travailler extrêmement
fort pour être en mesure de fournir le minerai
correspondant à cette somme à la fin de la journée. En
raison de ces arrangements, les enfants gagnent moins
que les adultes et sont parfois même payés en nourriture
(biscuits ou friandises) plutôt qu’en espèces. Quand un
négociant achète des produits non finis directement
à des enfants, il doit embaucher d’autres enfants pour
effectuer le nettoyage, le tamisage et le triage des
produits.
Certains négociants minimisent ce type d’exploitation
et prétendent que les activités minières seraient aussi
rentables sans le travail des enfants. Cependant, plusieurs
informateurs ont affirmé que les enfants contribuaient
en fait à réduire les coûts de la main-d’œuvre dans les
mines et que les négociants profitaient d’eux à cette
fin, étant donné que les enfants sont relativement
faciles à manipuler. Des participants ont expliqué que
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
la situation financière des négociants était très fragile,
car ils risquent de subir des pertes en raison des coûts
de transport élevés et ce qu’ils décrivent comme étant
les pratiques abusives de leurs acheteurs (les fondeurs
susmentionnés). Ces conditions exercent sur eux
des pressions additionnelles qui les incitent à acheter
le minerai au plus bas prix possible. Un informateur
a raconté qu’une petite quantité de minerai valant
2 000 FC (vendu par un négociant à un fondeur) pouvait
être payée entre 500 et 1 000 FC à un enfant. Il a ajouté
que des coopératives plus dynamiques, sur des sites
autres que ceux que nous avons visités, recevaient des
plaintes concernant l’exploitation des enfants15. Un autre
informateur a mentionné que les femmes et les enfants
étaient systématiquement sous-payés pour effectuer la
tâche fastidieuse du triage.
3.2.2.4 Capacité d’organisation et de négociation
des travailleurs adultes
Des parents et d’autres travailleurs adultes ont expliqué
n’avoir pratiquement aucun pouvoir de négociation
quant au prix de vente de leurs produits. La principale
préoccupation des mineurs artisanaux de Kambove est
de gagner assez d’argent pour se nourrir ou nourrir leur
famille au quotidien; ils ont donc tendance à travailler
de façon autonome, sans chercher à se regrouper pour
négocier. Il existerait une coopérative de mineurs sur
les sites non officiels que nous avons visités à Kambove.
Cet organisme n’exercerait toutefois aucune des
fonctions dont, selon les informateurs, s’acquittent les
coopératives comme COMIPAD, SEMAK et CMKK16 sur
les sites officiels. Par ailleurs, les mineurs de Kambove
doivent vendre leurs produits à la fin de la journée,
car ils n’ont pas d’endroit où les entreposer durant la
nuit. Par conséquent, même si un bac de minerai lavé se
vend au prix standard non négociable de 2 500 FC, des
mères ont mentionné subir parfois des pressions en fin
de journée pour vendre leurs produits à moindre prix.
Des mères nous ont dit que les négociants arrivaient
et repartaient rapidement et qu’ils profitaient du fait
que les travailleurs ne pouvaient pas interrompre leurs
activités pour s’organiser.
3.2.2.5 Le travail des enfants dans les mines n’est
pas considéré socialement acceptable, ni
comme une étape normale de l’enfance
Des parents ont affirmé clairement qu’ils ne
considéraient pas le travail de leurs enfants dans les
mines comme une étape normale de l’enfance. Même
si la plupart des informateurs reconnaissaient que,
traditionnellement, les enfants participaient aux tâches
domestiques ou au travail agricole de la famille, des
pères ont cependant mentionné que les enfants de leur
génération ne commençaient généralement pas à faire un
travail rémunéré avant l’âge de 17 ans. En fait, les activités
minières artisanales ont commencé seulement en 2002
à Kambove, et vers la fin des années 1990 dans d’autres
régions du Katanga (Tsurukawa, 2011). Une mère a
précisé avoir eu une enfance agréable avec ses parents
qui travaillaient pour le compte de la Gécamines. Ils
étaient bien payés et la famille mangeait à sa faim.
Les pères et les mères ayant affirmé ne pas considérer
le travail des enfants dans les mines comme une activité
normale ont également dit souhaiter que leurs enfants
poursuivent leurs études en fonction de leurs aptitudes,
jusqu’à l’université si possible, et fassent même des
études de 2e ou 3e cycle. Le principal obstacle à ce souhait
est l’incapacité des familles à payer les frais scolaires. De
l’avis général des membres des groupes de discussion,
des informateurs et des enfants, les enseignants et les
directeurs d’école obligent les enfants à abandonner
leurs études lorsque leur famille ne peut pas payer
les frais scolaires. Cette affirmation concorde avec la
documentation sur l’éducation en RDC (Mrsic-Garac,
2009, p. ex.). Les enfants exclus de l’école vont travailler
dans les mines pour aider leur famille ou pour gagner
eux-mêmes de l’argent. Comme nous le verrons dans
la prochaine section sur les conséquences, la grande
majorité des enfants qui travaillent dans les mines et qui ne
vont pas à l’école souhaitent reprendre leurs études et
s’accrochent à l’espoir qu’ils pourront le faire un jour.
Des parents ont confirmé les données venant des
questionnaires des enfants ou fournies par plusieurs
informateurs, à savoir que les enfants qui vont à l’école
travaillent régulièrement dans les dans les mines.
Cependant, aucun des parents avec qui nous avons parlé
15 Plusieurs informateurs ont admis (aucun d’eux n’a nié) que les enfants participaient au traitement du minerai à la périphérie des sites
officiels et ont même précisé que des négociants achetaient des matières premières et embauchaient des enfants pour les traiter.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 27
n’a mentionné que ses propres enfants (de moins de
18 ans) allaient encore à l’école. Les parents ont reconnu
que les enfants qui vont encore à l’école peuvent
s’influencer mutuellement et accorder plus d’importance
au travail qu’aux études; certains enfants commencent
même à travailler dans les dans les mines à l’insu de leurs
parents. Comme nous le verrons dans la sous-section
suivante, la plupart des informateurs clés ont confirmé
que, même chez les enfants qui vont encore à l’école, la
possibilité de gagner régulièrement de l’argent de poche
constitue un attrait supplémentaire pour travailler dans
les mines, surtout pour les enfants plus âgés.
Selon un informateur, la majorité des enfants qui
travaillent dans les mines de Kambove vont à l’école.
Celui-ci a mentionné que les élèves de niveau secondaire
étaient plus susceptibles de travailler pour payer leurs
études, tandis que les enfants plus jeunes utilisaient
souvent l’argent pour acheter des biscuits ou des
vêtements. Les réponses fournies par les enfants de
notre échantillon contredisent ces affirmations : il est
fort improbable que la majorité des enfants qui travaillent
dans les mines fréquentent l’école, compte tenu d’un
taux d’achèvement des études primaires de 54 % et d’un
taux d’inscription à l’école secondaire de 35 % (25 %
pour les filles) pour l’ensemble de la RDC (UNESCO,
2011).
3.2.2.6 Scepticisme concernant les motifs des
parents et des enfants plus âgés
De l’avis général des informateurs clés et des
participants aux groupes de discussion, les parents
commencent à travailler dans les mines par nécessité,
parce qu’ils vivent dans la pauvreté ou la « misère ».
Même l’informateur clé qui a exprimé le moins de
sympathie à l’égard des personnes qui travaillent sur
les sites non officiels a mentionné que la pauvreté
constituait un obstacle important à l’application des lois
interdisant le travail des enfants. Plusieurs informateurs
clés ont toutefois affirmé, de manière plus ou moins
nuancée, ne pas être d’accord avec l’idée générale selon
laquelle les parents n’ont d’autre choix que d’emmener
leurs enfants avec eux dans les mines ou ils ne peuvent
les empêcher d’y travailler parce qu’ils ne sont pas en
mesure de subvenir à leurs besoins.
Un informateur clé a donné un aperçu historique du
contexte des activités minières en RDC; il a décrit
la ruée vers l’exploitation artisanale des mines de
diamant dans la province du Kasai dans les années 1980
et il a précisé que de nombreux enfants, alléchés par
la promesse de gagner rapidement de l’argent, ont
simplement abandonné leurs études. Selon un autre
informateur clé, des enfants et des familles de Kambove
(celles qui sont venues s’installer dans la ville ) ont été
aussi attirés par l’argent au moment de choisir entre
l’école et le travail; il a précisé que ces familles estiment
que les études coûtent trop cher, car elles empêchent
les enfants de travailler à temps plein dans les dans les
mines.
Trois informateurs ont mentionné l’irresponsabilité des
parents et leur incapacité à contrôler leurs enfants
comme causes du travail de ces derniers dans les mines.
Les enfants dont les parents jouent « normalement »
leur rôle n’iraient jamais travailler dans les mines, a
déclaré un autre informateur. Ces enfants auraient plutôt
honte de faire ce travail. Des informateurs ont aussi
affirmé que la seule raison pour laquelle les enfants se
laissent influencer et vont travailler dans les dans les
miness est qu’ils n’ont pas été élevés correctement. Fait
intéressant, ces informateurs ont comparé leurs propres
enfants (bien élevés, selon eux) aux enfants des parents
qui travaillent pour la GCM.
Un informateur a déclaré que les parents utilisaient
leurs enfants comme « main-d’œuvre bon marché »
dans les mines, tandis qu’un autre a mentionné que
certains parents traitaient leurs enfants comme des
« moyens » de parvenir à leurs fins plutôt que comme
des personnes.
Durant les entrevues, ces informateurs n’ont pas
vraiment exprimé leurs idées sur ce que pourraient faire
16 COMIPAD = Coopérative minière du peuple en action pour le développement; SEMAK = Syndicat des exploitants artisanaux; CMKK
= Coopérative minière Madinikwakilimo.
17 En raison du temps limité consacré aux entrevues, nous n’avons pu approfondir les hypothèses et les concepts inhérents aux points
de vue exprimés par ces informateurs à l’endroit des parents des enfants qui travaillent dans les mines. Les données ne permettent
donc pas de déterminer clairement à qui ces informateurs faisaient allusion ou les causes auxquelles serait attribuable, selon eux, la
conduite répréhensible des parents.
28
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
les parents, qui seraient sans emploi s’ils ne travaillaient
pas dans les mines, pour subvenir aux besoins de leurs
enfants, payer leurs études ou les empêcher de recourir
à l’unique source locale de revenus17.
Nous avons demandé aux informateurs les raisons qui,
selon eux, incitaient les enfants à travailler dans les
mines. Ils estimaient en général que la possibilité de
gagner rapidement de l’argent de poche attirait certains
adolescents, qui ne pouvaient plus s’en passer par la
suite. (Les enfants ont confirmé qu’un grand nombre
d’enfants plus âgés décidaient, de leur plein gré ou sous
l’influence de camarades, de travailler dans les mines.)
Un informateur a mentionné qu’après avoir pris goût à
l’argent, les enfants avaient du mal à reprendre leur vie
d’avant, où ils en étaient régulièrement privés. Certains
informateurs ont dit clairement que l’absence d’autres
activités accessibles (loisirs, travail, formation) aux jeunes,
ainsi que le goût de l’aventure, jouait aussi un rôle dans
les décisions des adolescents.
Les informateurs qui connaissaient bien la population
locale et qui ont exprimé de la sympathie à l’égard
des parents qui travaillent dans les mines ont formulé
des points de vue qu’il sera utile d’examiner plus
tard. Les informateurs de la société civile ont soulevé
plus particulièrement des questions concernant la
« mentalité » et l’état d’esprit des parents, en tenant
compte de leur pauvreté et en critiquant subtilement
leurs choix, plutôt qu’en les décrivant comme des
parents irresponsables et exploiteurs. Ces informateurs
s’inquiètent de la façon dont les parents gèrent le peu
d’argent qu’ils gagnent et ils croient que leurs mauvaises
pratiques de gestion contribuent à les maintenir dans la
pauvreté. Les points de vue et les arguments judicieux
formulés par les informateurs sur cette question ne
ressortent pas clairement des données recueillies, mais il
faudrait mener une étude plus approfondie pour mieux
les comprendre.
3.3 Conséquences du travail des enfants
dans les mines pour leur bien-être
Les questions suivantes sont examinées dans la présente
section :
`` Quel lien y a-t-il entre le travail de l’enfant dans la
mine et sa capacité à fréquenter l’école ?
`` Comment les enfants et les parents conçoivent-ils
l’éducation, notamment les possibilités qu’elle offre
aux enfants pour leur avenir ?
`` Quelles sont les conséquences immédiates les plus
évidentes de ce travail et de ce milieu de travail sur
la santé des enfants ?
`` Quels risques moins évidents, à plus long terme, ce
travail et ce milieu de travail comportent-ils pour
leur santé ?
`` Comment les enfants et les parents perçoivent-ils
les effets à court et à long terme sur la santé ?
3.3.1 Les enfants parlent des conséquences de
leur travail dans les mines sur leurs études
`` Parmi les 53 enfants que nous avons interviewés,
23 allaient à l’école et 30 avaient abandonné leurs
études.
`` Nous avons constaté que, parmi les enfants qui
travaillaient dans les mines de Kambove, les filles
étaient moins nombreuses que les garçons à
fréquenter l’école; seulement 33 % des filles (8 sur
24) allaient à l’école par rapport à 52 % des garçons
(15 sur 29). Dans le groupe des enfants de 9 à
14 ans, la disparité entre les sexes était encore plus
marquée : seulement 38 % des filles allaient à l’école
(5 sur 13) comparativement à 69 % des garçons (11
sur 16).
`` Les enfants qui ne vivaient pas avec l’un ou l’autre
de leurs parents étaient aussi plus susceptibles
de ne pas aller à l’école, et les filles étaient plus
nombreuses que les garçons à vivre sans leurs
parents. Parmi les 13 enfants qui vivaient avec un
proche (autre que leurs deux parents ou leur mère),
9 n’allaient pas à l’école18.
18 Cette constatation concerne uniquement le lien entre les conditions de vie des enfants et la fréquentation scolaire; elle n’illustre pas
les liens entre ces variables et le travail des enfants dans les mines.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 29
`` Nous avons constaté, en analysant le lien entre
l’occupation des parents et la fréquentation scolaire,
que les enfants étaient légèrement plus susceptibles
d’aller à l’école lorsque leurs deux parents ne
travaillaient pas dans les mines, comparativement aux
enfants dont au moins un des parents y travaillait.
`` Treize des 23 enfants qui allaient à l’école
s’absentaient au moins une fois par semaine; 38 %
d’entre eux (5 sur 13) attribuaient leur absence au
travail et/ou à la maladie.
`` Nous avons demandé aux enfants quelles activités
ils avaient dû interrompre ou réduire lorsqu’ils ont
commencé à travailler dans les dans les mines : 55 %
d’entre eux (29 sur 53) ont mentionné l’école.
`` Nous avons demandé aux enfants qui n’allaient pas à
l’école pourquoi ils avaient abandonné : 97 % d’entre
eux (29 sur 30) ont répondu que c’était parce que
leur famille ne pouvait pas payer les frais scolaires.
`` Le lien entre le travail des enfants dans les mines et
l’abandon (ou la poursuite) des études n’a pu être
établi clairement. Quinze des 23 enfants qui allaient
à l’école ont mentionné que leur travail dans les
mines les aidait à payer leurs frais scolaires; 28 des
30 enfants qui n’allaient pas à l’école ont exprimé
le désir d’y retourner. Nous n’avons pu déterminer
clairement pourquoi le travail dans les mines n’aidait
pas ces enfants à retourner à l’école, étant donné
que ce travail aidait les enfants qui fréquentaient déjà
l’école à payer leur frais scolaires.
`` Cinq des enfants qui allaient à l’école ont dit
que le travail dans les mines rendait leurs études
plus difficiles, qu’il les empêchait de bien étudier
et d’apprendre leurs leçons, qu’il les obligeait à
manquer des cours parce qu’ils devaient attendre
leur salaire ou continuer à travailler afin de gagner
assez d’argent pour payer leurs frais scolaires.
Les données sur le lien existant entre le travail dans
les mines et la fréquentation scolaire doivent être
interprétées avec prudence en raison de leur complexité.
Elles montrent qu’il serait utile d’examiner de façon
plus approfondie le lien entre le travail dans les mines et
l’abandon des études ainsi que la mesure dans laquelle le
travail dans les mines contribue à payer les frais scolaires.
Des renseignements sur les projets d’avenir des enfants
30
et la valeur qu’ils accordent aux études sont présentés à
la section 4.1.
Renseignements fournis par les adultes
concernant l’éducation des enfants
`` Dans les groupes de discussion, de nombreux
parents ont dit croire que les enfants qui essayaient
de combiner le travail dans les mines et les études
avaient de la difficulté à bien étudier. Les mères, plus
particulièrement, estimaient que le travail dans les
mines empêchait les enfants d’aller à l’école et de
terminer leurs études; en revanche, certains pères
considéraient que les enfants doués pour les études
pouvaient combiner les études et le travail.
`` De façon générale, ces opinions (parfois
contradictoires) viennent confirmer les réponses
des enfants. Certains des enfants qui allaient à l’école
ont dit que le travail dans les mines les empêchait
de suivre régulièrement les cours et de bien étudier.
Cependant, d’autres ont mentionné qu’il facilitait
leurs études, précisant que c’était parce qu’il leur
permettait de gagner de l’argent pour payer leurs
frais scolaires.
`` De nombreux parents ont mentionné qu’ils
n’envoyaient pas leurs enfants à l’école parce qu’ils
ne pouvaient payer les frais scolaires, ce qui confirme
les affirmations des enfants.
`` Des pères ont affirmé que, comme leur seule
possibilité d’emploi était le travail dans les mines,
ils ne pouvaient se permettre de laisser inoccupés
les enfants qui n’allaient pas à l’école; ils leur
demandaient donc de travailler dans les mines pour
aider la famille à subvenir à ses besoins.
`` Les informateurs clés ont aussi commenté certains
des points de vue (parfois contradictoires) que
nous venons d’aborder. Certains ont mentionné
que l’abandon des études était principalement
attribuable aux frais scolaires élevés, et que le
travail dans les mines permettait à certains enfants
de payer ces frais. D’autres estimaient que l’attrait
d’un salaire régulier détournait les enfants des
études et constituait ainsi un facteur expliquant les
mauvais résultats scolaires, la fréquentation scolaire
irrégulière et l’abandon éventuel des études par les
enfants plus âgés.
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
Malgré l’excellente participation des enfants et des
adultes, nous n’avons pu établir clairement les liens entre
le travail des enfants dans les mines et la fréquentation
scolaire (en particulier l’abandon des études); cette
question nécessite une étude plus approfondie.
3.3.2 Les enfants parlent des conséquences de
leur travail dans les mines pour leur santé
`` Nous avons demandé aux enfants s’ils éprouvaient
des problèmes de santé depuis qu’ils travaillaient
dans les mines : 81 % d’entre eux (43 sur 53) ont
répondu par l’affirmative. Les problèmes les plus
souvent cités étaient les douleurs corporelles (au
dos, aux hanches, aux bras et aux jambes), la toux,
le paludisme, les maux de tête, les rhumes et les
irritations cutanées.
`` Nous avons demandé aux enfants si leur état de
santé avait changé depuis qu’ils travaillaient dans les
mines : 47 % d’entre eux (25 sur 53) ont répondu
par l’affirmative. Parmi ces 25 enfants, 59 % étaient
des garçons (17 sur 19) et 33 % étaient des filles (8
sur 24).
`` Nous avons ensuite demandé aux enfants s’ils
présentaient l’un ou l’autre des sept symptômes
à court et à long terme qui, selon l’équipe de
recherche, sont associés à une exposition prolongée
au cuivre ou au cobalt19.Voici les résultats.
◊ 34 % des enfants (18 sur 53) ont dit avoir eu
des problèmes de peau ou avoir été malades. Ces
problèmes étaient plus fréquents chez les enfants
affectés au ramassage (67 % ou 8 sur 12) et au
transport (67 % ou 2 sur 3).
◊ 67 % des enfants (35 sur 53) ont dit avoir eu
une toux fréquente ou persistante. Ces problèmes
étaient plus fréquents chez les enfants affectés au
ramassage (92 % ou 11 sur 12).
◊ 25 % des enfants (13 sur 53) ont dit avoir eu des
douleurs aux yeux ou des troubles de la vue. Encore
une fois, ces problèmes étaient plus fréquents
chez les enfants affectés au ramassage : 42 % des
enfants (5 sur 12) ont dit présenter ce symptôme.
◊ 87 % des enfants (46 sur 53) ont mentionné avoir
des douleurs corporelles (dos, bras, etc.) dont ils ne
souffraient pas avant de travailler dans les mines.
Au moins 75 % des enfants de chaque catégorie de
tâches (creusage, ramassage, nettoyage, etc.) ont dit
présenter ce symptôme.
◊ 30 % des enfants (16 sur 53) ont dit avoir des
nausées (sans vomissement); 38 % des enfants (8
sur 21) affectés au nettoyage, en majorité des filles,
ont mentionné ce symptôme, soit un pourcentage
plus élevé que les enfants affectés à d’autres
tâches. À noter que tous les enfants ont mentionné
avoir des nausées ainsi qu’une toux fréquente ou
persistante. Les informateurs adultes ont toutefois
reconnu que la toux persistante était fréquente
parmi la population de Kambove en général,
en raison de l’irritation causée par la quantité
considérable de poussière dans l’air. Il faudrait
toutefois examiner plus en profondeur le lien
existant entre la toux et la nausée20.
Nous avons demandé aux enfants s’ils croyaient que
ces symptômes étaient liés à leur travail dans les
mines : 75 % d’entre eux (40 sur 53) ont répondu par
l’affirmative. De ce nombre, 86 % (25 sur 29) étaient des
garçons et 62 % (15 sur 24) étaient des filles.
`` Nous avons demandé aux enfants pourquoi ils
croyaient que leurs symptômes étaient liés à leur
travail dans les mines : 12 enfants ont mentionné
la nature ardue du travail ou les lourdes charges à
transporter, tandis que 7 enfants ont mentionné le
maintien d’une posture inclinée. Seulement trois
enfants ont parlé de l’exposition à des matières
toxiques, ce qui montre que les enfants connaissent
mal ce risque.
Les mines artisanales comportent de très grands
dangers. Elles présentent des risques d’accidents mortels
en raison :
◊ de la présence de trous profonds dans lesquels les
enfants peuvent tomber (surtout les très jeunes
enfants qui accompagnent leurs parents);
19 Elenge-Molayi et DeBrouwer, 2011; Banza et coll., 2009; Stern et coll., 2007; ATSDRC 2004.
20 Consulter la section intitulée « D’autres recherches devront être menées sur les conséquences pour la santé ».
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 31
◊ de l’effondrement des puits ou des galeries
souterraines pendant que les enfants creusent;
◊ des pentes raides sur lesquelles les enfants peuvent
glisser pendant qu’ils transportent de lourdes
charges;
◊ des masses d’eau dans lesquelless les enfants
peuvent se noyer.
`` Nous avons demandé aux enfants s’ils avaient déjà
été blessés au travail : 53 % d’entre eux (28 sur 53)
ont dit avoir été blessés au moins une fois pendant
qu’ils travaillaient dans les mines. Les blessures
étaient plus fréquentes chez les enfants affectés au
ramassage (75 % ou 9 sur 12), au transport (75 %
ou 3 sur 4) et au creusage (67 % ou 6 sur 9). Les
blessures avec plaies mineures par le plus grand
nombre d’enfants (20 enfants). Trois enfants ont dit
avoir subi des blessures graves, avec plaies béantes,
et deux ont mentionné des fractures.
`` 42 % des enfants (22 sur 53) ont dit avoir vu*21
d’autres enfants subir des blessures : 20 ont été
témoins de blessures avec plaies ouvertes.
`` 19 % des enfants (10 sur 53) ont dit avoir été
témoins* du décès accidentel d’un autre enfant sur
le site.
`` 47 % des enfants (25 sur 53) ont dit avoir vu* des
adultes être blessés au travail. Nous avons demandé
aux enfants de quels types de blessures il s’agissait :
21 ont mentionné des fractures, 8 des saignements
et 3 ont dit avoir vu mourir un adulte. Deux
enfants ont précisé avoir vu des adultes être blessés
lors de l’effondrement d’un puits.
Renseignements fournis par les adultes concernant la santé des enfants
`` Les parents s’inquiètent beaucoup des conséquences
du travail dans les mines pour la santé de leurs
enfants. Ils ont mentionné plusieurs symptômes
que les enfants avaient aussi relevés et ils en
ont ajouté quelquesuns. Des mères ont affirmé
être parfaitement conscientes que le corps en
développement de leurs enfants était plus vulnérable.
`` Les parents ont mentionné les problèmes suivants :
◊ poussière causant des maladies respiratoires, la
diarrhée et des vomissements;
◊ exposition aux radiations (uranium présent dans le
cuivre et le cobalt)22;
◊ fièvres attribuables à la consommation d’eau
insalubre et au manque d’hygiène (lavage des
mains).
`` Ils ont aussi mentionné avoir remarqué les
symptômes suivants chez leurs enfants :
◊ anémie;
◊ toux fréquente;
◊ ballonnement;
◊ douleur et irritation oculaires;
◊ irritation cutanée.
`` Les mères, en particulier, ont dit être préoccupées
par les conséquences à long terme du contact de
leurs enfants avec l’eau « acide » dans laquelle le
minerai est lavé. Des filles et des femmes de tous
âges qui travaillent dans l’eau jusqu’à la taille ont des
infections vaginales, que les mères traitent souvent
elles-mêmes avec des antibiotiques.
`` Les parents étaient aussi parfaitement conscients
que leurs enfants s’exposaient à des risques élevés
de blessures liés à l’utilisation de pelles et de
pioches, au terrain très accidenté et, par-dessous
tout, à la profondeur des puits. Des mères ont
mentionné que tout ce qu’elles pouvaient faire
pendant qu’elles travaillaient était de dire aux
21 *Certains des enfants ayant mentionné ces événements (blessures, accidents et décès) ont peut-être été témoins du même
événement. Par exemple, même si cinq enfants ont dit avoir été témoins d’un décès, cela ne signifie pas que cinq personnes sont
décédées. Cela signifie cependant que cinq enfants ont subi le traumatisme associé à cet événement.
22 Les informateurs clés étaient plus réticents à reconnaître que les enfants pouvaient être exposés aux radiations de l’uranium et donc
à des risques pouvant avoir des conséquences à long terme pour leur santé. Même si certains ont admis cette possibilité, l’un d’eux
a précisé que des études scientifiques devaient être menées pour confirmer ce risque. Des représentants du gouvernement ont
indiqué à WVRDC que l’exposition aux radiations suscitait des préoccupations.
32
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
Encadré 4 || Les enfants
ne sont pas des adultes en
mignature
``
Les enfants ont la peau plus fine, qui absorbe
plus facilement les toxines.
``
Les enfants respirent plus vite et plus
profondément; ils peuvent donc inhaler plus
d’agents pathogènes et de poussières en
suspension dans l’air.
``
Les enfants sont plus facilement déshydratés
du fait de leur surface cutanée plus grande et
de leur respiration plus rapide.
``
Le cerveau des enfants absorbe et retient
plus facilement les métaux lourds (plomb,
mercure).
``
Le système endocrinien des enfants (qui joue
un rôle essentiel dans leur croissance et leur
développement) peut être perturbé par des
produits chimiques.
``
Le système enzymatique des enfants, encore
en plein développement, est moins à même
d’éliminer les substances dangereuses.
``
Les enfants, qui utilisent plus d’énergie pour
leur croissance, courent donc un risque plus
élevé de métaboliser des toxines.
``
Les enfants ont besoin de plus de sommeil
pour se développer.
``
Le système de régulation thermique moins
développé des enfants les rend plus sensibles à
la chaleur et au froid.
Source : OIT, 2011, p. 13.
enfants de rester loin des trous profonds et de prier
pour leur sécurité.
`` Plusieurs adultes dans les groupes de discussion ont
mentionné des accidents impliquant un proche ou
un collègue, ce qui confirme les propos des enfants.
Un adulte a dit souffrir des séquelles permanentes à
la suite d’un accident.
`` Les mères, plus particulièrement, ont dit
désapprouver la consommation d’alcool sur le
site; elles ont affirmé que certains mineurs (des
hommes et des garçons) buvaient pour avoir la
force de travailler. Un informateur clé a soulevé
des préoccupations semblables concernant la
consommation d’alcool chez les adolescents, en
précisant qu’ils donnaient le mauvais exemple aux
plus jeunes23.
`` Les parents ont dit en outre, ne pas craindre que
leurs filles soient victimes d’exploitation sexuelle
ou se livrent à la prostitution dans les mines
artisanales de Kambove. Des mères ont mentionné
avoir entendu parler, à de très rares occasions, de
tentatives de viol. Les autres formes de mauvais
traitements infligés à des enfants par des adultes
étaient aussi considérées comme peu fréquentes.
`` Un informateur clé a souligné les risques pour la
santé inhérents aux conditions de vie dans les camps,
plus particulièrement la typhoïde et les infections
sexuellement transmissibles (suite à l’utilisation
facultative des condoms). Un autre a mentionné
les problèmes répandus de prostitution (dans les
« hôtels » sur certains sites) ainsi que les abandons
d’enfants. Les participants aux groupes de discussion
n’ont pas mentionné ces problèmes.
`` Selon les informateurs clés, les parents connaissent
suffisament bien la plupart des conséquences du
travail dans les mines pour la santé, mais ce travail
constitue une solution de dernier recours pour les
familles.
`` Les informateurs clés conviennent que les
conséquences négatives du travail dans les mines
pour la santé des enfants surpassent les avantages
23 Le personnel de WVRDC a aussi été informé du lien entre la consommation d’alcool et les dangers du travail dans les mines. Un
informateur a mentionné que les risques d’effondrement sont beaucoup plus élevés dans les zones de décharge de GCM (dont
certaines ont été visitées durant la recherche) que sur les sites où le creusage est effectué sur des formations rocheuses naturelles
plus stables. World Vision a appris que des adolescents et des adultes buvaient avant de travailler pour surmonter leur crainte des
effondrements.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 33
qu’ils en retirent et que des mesures devraient être
prises pour les retirer de ce milieu.
D’autres recherches devront être menées sur les
conséquences pour la santé
L’expérience des enfants et des adultes qui travaillent
dans les mines de Kambove révèle qu’il s’agit d’un
travail très dangereux, en raison non seulement des
conséquences et des risques physiques immédiats, mais
aussi des séquelles à long terme sur la santé.
Comme le souligne l’Organisation Internationale du
Travail, « [L]e travail dangereux des enfants ne peut être
accepté compte tenu de l’essence même de leur biologie.
Les enfants ne sont pas juste des adultes en mignature,
ils sont physiquement et mentalement différents. » (OIT,
2011, p. 13) (Voir l’encadré 4.)
Le minerai extrait dans le sud du Katanga est dangereux
pour la santé des enfants et de la communauté. Le
cobalt, par exemple, peut endommager le cœur, la glande
thyroïde et les poumons. (Organisation mondiale de la
Santé, 1999) Lors d’une étude menée dans une mine
artisanale au Katanga, des traces de cobalt ont été
décelées chez 87 % des enfants vivant à proximité de la
mine. Cette étude visait à mesurer les concentrations
de 17 métaux et non-métaux chez 47 enfants de
moins de 14 ans travaillant dans les mines ou vivant à
proximité. L’étude a révélé des concentrations beaucoup
plus élevées de métaux toxiques chez les enfants que
chez les adultes, même si les enfants avaient été moins
directement exposés aux métaux. (Banza et coll., 2009)
Le personnel local de WV et les assistants de recherche
nous ont dit que la toux persistante était un symptôme
très fréquent dans la population de Kambove durant
la saison sèche, en raison de la grande quantité de
poussière dans l’air, principalement attribuable aux
routes non pavées. La poussière de cuivre est reconnue
pour être un irritant respiratoire (toux causée par
l’inhalation et lésions pulmonaires causés par l’exposition
à long terme). Le simple fait d’inhaler cette poussière
peut causer des troubles gastro-intestinaux, comme des
nausées ou la diarrhée, étant donné que la poussière
présente dans le nez et la gorge finit par être ingérée
(ATSDRC, 2004). Pendant qu’ils mangent et boivent, les
mineurs de Kambove ingèrent vraisemblablement la
poussière de cuivre qui s’est déposée sur leurs mains et
leur nourriture ainsi que dans l’eau potable.
34
Une étude menée par Elenge et coll. (2011) a révélé
que les concentrations de cuivre étaient beaucoup
plus élevées dans les cheveux des travailleurs miniers
que dans ceux de groupes témoins des populations
environnantes. À la lumière de ces resultats, le lien étroit
existant entre la toux et les nausées des enfants et leur
travail dans les mines, mentionné précédemment, devra
faire l’objet d’une analyse plus approfondie.
Au cours de la recherche, nous n’avons pas analysé l’eau
utilisée pour nettoyer et trier le minerai, afin de vérifier
si elle était acide ou alcaline ou, encore, si elle contenait
des toxines ou des bactéries. Cette eau devrait toutefois
être analysée sans tarder. Le lien entre l’immersion
régulière dans cette eau et les infections vaginales
semble plausible. Le fait que les femmes se traitent
elles-mêmes aux antibiotiques pose problème, car on
sait fort bien que ce comportement dans de nombreux
pays en développement entraîne une résistance aux
antibiotiques. Nous avons appris qu’il est facile de se
procurer des antibiotiques dans certains dispensaires, de
sorte que les femmes peuvent souvent en acheter sans
avoir eu de diagnostic officiel. En outre, les médicaments
sont sans doute vendus sans les instructions appropriées
concernant la posologie, avec tous les risques qui s’y
rattachent.
Même si très peu d’études établissent un lien entre
l’uranium présent dans le minerai extrait par les enfants
dans le sud du Katanga et leurs problèmes de santé,
des adultes et divers intervenants sont convaincus de
l’existence de ce lien. Le personnel de World Vision à
Kambove a observé que des rapports faisaient état d’une
augmentation du nombre d’enfants mort-nés et d’enfants
nés avec de graves difformités.
Les commentaires des enfants et des adultes qui
travaillent dans les mines et des études connexes
permettent, à tout le moins, de comprendre que des
recherches plus approfondies doivent absolument être
menées pour trouver des réponses.
A la lumière d’études sur l’absorption de métaux par
l’organisme (Banza et coll., 2009; Elenge et coll., 2011),
les resultats de notre recherche indiquent que dans les
mines artisanales de Kambove, les risques et les dangers
que posent la santé des travaux même légers et limités
(par exemple le ramassage) dépassent les avantages que
peuvent en retirer l’enfant, même dans une situation où
il contribue à la subsistance de sa famille.
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
4 || Solutions proposées aux problèmes
des enfants
Les questions suivantes sont examinées dans la présente section :
`` Parmi les initiatives visant à résoudre les problèmes
liés au travail des enfants dans les mines, lesquelles
ont connu du succès? Lesquelles n’ont pas eu de
succès ? Indiquez pourquoi.
`` Quelles mesures faudrait-il prendre (à court, à
moyen et à long terme) pour faire du travail dans les
mines un moyen de subsistance sûr et durable pour
les familles ? Quel rôle pourrait jouer World Vision
et qui pourrait faire équipe avec WV (autres ONG,
gouvernement local) ?
`` Quelles possibilités de développement et quels
défis Kambove représente-t-il selon les adultes ?
Comment les mines artisanales contribuent-elles ou
nuisent-elles au développement de Kambove? Quels
types de développement (non liés directement aux
mines artisanales) ayant lieu à Kambove contribuent
ou pourraient contribuer à résoudre les problèmes
découlant du travail des enfants dans les mines
artisanales ?
`` Quel rôle peuvent jouer les entreprises
(particulièrement les sociétés minières) dans le
développement de Kambove ?
4.1 Projets d’avenir des enfants qui
travaillent dans les mines
La présente section fait principalement état des solutions au travail des enfants dans les mines. Nous avons
cependant jugé utile de mentionner certains constats
importants concernant les projets d’avenir des enfants,
le désir de la plupart d’entre eux de cesser de travailler
dans les mines et la valeur qu’ils accordent à l’éducation.
Il est très important de garder ces constats à l’esprit au
moment où l’ on envisage des solutions.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 35
Encadré 5 || Raisons pour
lesquelles les enfants qui
travaillent dans les mines et ne
vont pas à l’école aimeraient
reprendre leurs études
``
Pour être instruit, comme les autres enfants
qui vont à l’école.
``
Pour être une personne de valeur dans la
société.
``
L’éducation est très importante dans la vie.
``
Je veux apprendre un métier pour aider ma
famille.
``
Parce que je veux devenir mécanicien.
``
Parce que je préfère travailler pour une
compagnie pour aider ma mère.
``
Parce que c’est mieux d’étudier que de faire
ce travail.
`` La valeur que les enfants accordent aux études
est ressortie dans toutes les entrevues : 28 des
30 enfants qui n’allaient pas à l’école ont dit vouloir
reprendre leurs études (93 %); les 23 enfants qui
allaient à l’école, sauf un, voulaient obtenir leur
diplôme d’études secondaires, et plus de la moitié
des enfants (12 sur 23, surtout des garçons)
voulaient obtenir au moins un diplôme de premier
cycle universitaire.
`` L’encadré 5 montre les raisons pour lesquelles
les enfants qui n’allaient pas à l’école aimeraient
y retourner, tandis que l’encadré 6 montre les
raisons pour lesquelles les enfants qui vont à l’école
aimeraient poursuivre leurs études.
`` Nous avons demandé aux enfants qui n’allaient
pas à l’école s’ils pensaient pouvoir y retourner un
jour : 87 % d’entre eux (26 sur 30) ont répondu par
l’affirmative et ont dit espérer que leurs parents,
leurs frères et sœurs ou d’autres personnes auraient
les moyens de payer leurs frais scolaires.
36
`` Nous avons demandé aux enfants qui allaient à
l’école s’ils pensaient pouvoir obtenir le diplôme
souhaité : 87 % d’entre eux (20 sur 23) ont répondu
par l’affirmative. L’encadré 7 montre les conditions
qui, selon eux, pourraient leur permettre d’atteindre
leur objectif. De nombreuses réponses montrent
bien que les enfants ont besoin que quelqu’un paie
leurs frais scolaires et qu’ils doivent s’appliquer à
l’école.
`` Nous avons demandé aux enfants s’ils voulaient
arrêter de travailler dans les mines et faire autre
chose : 77 % d’entre eux (41 sur 53) ont répondu
par l’affirmative.
`` Nous avons demandé aux enfants s’ils avaient la
possibilité de quitter leur emploi : 79 % d’entre eux
(42 sur 53) ont répondu par l’affirmative. Nous leur
avons ensuite demandé comment ils pourraient
y arriver, et la plupart ont dit espérer que leurs
parents, leurs frères et sœurs ou d’autres personnes
les aident financièrement.
`` Les 7 enfants ayant dit croire qu’il leur serait
impossible de quitter leur travail ont mentionné que
les principaux obstacles étaient le manque d’argent
et l’absence d’autres possibilités d’emploi.
`` L’encadré 8 montre les objectifs de carrière des
enfants, qui vont de commerçant à médecin,
en passant par couturier, ingénieur, mécanicien,
infirmière, enseignant, etc.
4.2 Solutions proposées par les adultes
Nous avons demandé aux informateurs clés et aux
participants aux groupes de discussion de proposer
des mesures qui aideraient les enfants à quitter leur
travail dans les mines, les protégeraient des dangers et
leur permettraient de poursuivre leurs études ou leur
formation.
4.2.1 Coûts liés à l’éducation et à la garde des
enfants
Dans la logique des affirmations des parents et des
enfants selon lesquelles les frais scolaires élevés obligent
les enfants à abandonner l’école (ce qui leur permet de
travailler à temps plein dans les mines), des parents ont
proposé que quelqu’un (gouvernement ou ONG) paie
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
tous les frais scolaires et de santé des enfants. Certains
parents estimaient en effet que l’intervention précédente
de Groupe One24 avait permis d’aider des enfants et
leurs familles, car les frais scolaires étaient payés pour au
moins un an (certains parents ont dit pour deux ans).
Les mères à qui nous avons demandé si l’accès à des
garderies aiderait les familles à garder les jeunes enfants
loin des mines ont répondu que, dans les circonstances
actuelles, leurs revenus quotidiens ne leur permettaient
pas de s’offrir ce type de service. Pour que cette
stratégie soit efficace, les services de garde devraient
être gratuits.
Compte tenu des affirmations des enfants et des
parents concernant les coûts excessifs de l’éducation,
il est étonnant qu’un seul informateur clé ait souligné
l’urgence de supprimer tous les frais scolaires et
d’assurer la gratuité de l’éducation. Selon un autre
informateur, les ONG devraient assumer la totalité des
frais scolaires des enfants.25 Ensuite, quand nous lui avons
demandé ce que WV devrait faire pour aider les enfants
à quitter leur emploi dans les mines et à terminer leurs
études, cet informateur a répondu que WV devrait
construire une école où les enfants pourraient étudier
gratuitement pendant un certain temps.
4.2.2 Agriculture et autres moyens de
subsistance
La plupart des parents à qui nous avons demandé ce
qu’il faudrait faire pour que leurs enfants ne travaillent
plus dans les mines ont mentionné la création d’emplois
décents pour les adultes, et notamment la responsabilité
du gouvernement à cet égard. Les parents ont affirmé
qu’ils enverraient leurs enfants à l’école s’ils avaient un
gagne-pain leur permettant de payer les frais scolaires; ils
pourraient ainsi les empêcher de travailler dans les mines
durant les heures de classe.
Encadré 6 || Raisons pour
lesquelles les enfants qui vont à
l’école veulent faire des études
secondaires ou postsecondaires
``
Pour être intellectuel
``
Pour être respecté
``
Pour être plus intelligent
``
Pour être patron
``
Pour apprendre à lire et à écrire
``
Pour devenir professeur
``
Pour travailler dans une société minière
``
Parce que j’aime beaucoup étudier
``
Pour avoir un bon emploi
Des mères ont dit être prêtes à occuper divers autres
emplois. Même si certaines ont d’abord mentionné
l’agriculture comme moyen de subsistance intéressant,
elles ont admis que cette activité exigeait un
investissement à long terme risqué, avant que les cultures
ne génèrent des revenus, et qu’elles préféreraient donc
avoir un petit gagne-pain, comme la confection de
robes ou le commerce des vêtements ou de produits
alimentaires. Dans ce dernier cas, les mères faisaient
allusion aux pratiques commerciales traditionnelles
(troc), qui consistent à acheter des articles comme
du maïs, des vêtements, etc., puis à les vendre ou à les
échanger au village; les articles achetés au village sont
ensuite revendus en zone urbaine ou péri-urbaine.
Des mères ont dit que l’idéal serait que les hommes
travaillent dans des compagnies et que les femmes
pratiquent cette forme de commerce.26
24 Cette intervention visait à payer les frais scolaires des enfants et à aider les parents et les enfants plus âgés (17 ans ou plus) à suivre
une formation leur permettant d’avoir un autre moyen de subsistance.
25 Il tient lieu d’indiquer que le Gouvernement de la RDC a amorcé une politique de la gratuité de l’enseignement primaire, dont la
mise en oeuvre est progressive, et l’effectivité suscite encore beaucoup de discussion.
26 La question de la sécurité a aussi été soulevée dans les discussions sur les stratégies à mettre en place pour aider les mineurs artisanaux
à trouver d’autres moyens de subsistance. Selon Perks (2011), les travailleurs ont aussi tendance à travailler dans les mines parce que
les sites offrent une sécurité relative dans les régions aux prises avec des conflits. Cependant, comme il n’y a pas de conflit à Kambove à
l’heure actuelle, la présence de la police ou d’un autre service de sécurité sur les sites n’a pas été mentionnée comme un avantage par les
participants aux groupes de discussion. En fait, certaines mères, conscientes des risques pour leur santé et leur sécurité et celles de leurs
enfants, ont affirmé qu’il est généralement plus sécuritaire de travailler à la maison quedans les mines, ce qui constitue une autre raison de
préférer d’autres options que le travail dans les mines.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 37
Encadré 7 || Conditions qui
permettraient aux enfants
de poursuivre leurs études
jusqu’au niveau désiré
``
Si ma famille et moi avions beaucoup d’argent,
je pourrais continuer à étudier. (Garçon, 17 ans,
``
``
``
1
`` Commerçant10
`` Médecin7
Si mes parents veulent payer. (Garçon, 15 ans,
Nous allons trouver l’argent. (Garçon, 13 ans,
`` Couturier4
`` Chauffeur2
`` Chauffeur/mécanicien2
ramasseur, but : diplôme d’études secondaires)
`` Électricien1
Si quelqu’un paie pour moi. (Fille, 14 ans, laveuse,
`` Ingénieur4
Parce que ma sœur s’occupe de moi. (Fille, 16 ans,
laveuse , but : diplôme d’études secondaires)
``
`` « Patron »
Il faut avoir de l’argent. (Garçon, 15 ans, ramasseur,
but : diplôme d’études secondaires)
``
1
`` Ouvrier1
creuseur, but : diplôme universitaire)
``
`` « N’importe quoi »
transporteur, but : diplôme d’études secondaires)
but : diplôme universitaire)
``
Encadré 8 || Objectifs de
carrière des enfants
Étudier beaucoup. (Filles, 13 et 16 ans, venduese et
`` Femme au foyer
1
`` Avocat1
`` Mécanicien4
laveuse, buts : diplôme d’études secondaires)
`` Mines et agriculture
Travailler fort. (Garçon, 14 ans, ramasseur, but :
`` Religieuse1
diplôme d’études secondaires)
`` Infirmière
1
4
`` Pasteur1
Les pères ont mentionné comme emplois possibles
l’agriculture, l’aquaculture, la production d’œufs, l’élevage
de bétail, l’industrie de la conserve (ils ont signalé
qu’il y avait déjà eu une conserverie dans laville ) et le
commerce en général. Des pères ont aussi proposé de
créer des écoles de métier à faible coût. Contrairement
à l’affirmation d’un informateur clé, les parents n’ont pas
exprimé d’attentes concernant les emplois offerts par la
GCM.
Des informateurs clés ont dit que l’agriculture avait déjà
constitué un moyen de subsistance important dans les
zones péri-urbaines de Kambove et que cette activité
pourrait être rétablie, conformément à la vision (selon
eux) du gouverneur en matière d’agriculture pour
l’ensemble de la province. Selon un informateur, même
si WV ou d’autres organismes encouragent la culture
du maïs, les chances de succès des mesures axées sur
l’agriculture sont plutôt minces en raison du succès
38
`` Politicien1
`` Professeur1
`` Enseignant3
`` Aucune réponse
3
limité des interventions précédentes et du fait que
les gens se sont habitués à la vie de mineur. D’autres
informateurs ont convenu que les gens auraient besoin
de beaucoup de soutien et de conseils pour faire la
transition vers l’agriculture et qu’ils devraient se défaire
de leur habitude de gagner de l’argent instantanément et
surmonter leur réticence au « travail rural ».
Les informateurs ont aussi mentionné que les pratiques
agricoles devaient absolument être modernisées et
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
intégrer l’utilisation de tracteurs. Un informateur a
parlé d’un programme du gouvernement (provincial)
qui tente de promouvoir l’agriculture dans la ville de
Kambove en donnant des tracteurs, mais il a déploré la
gestion locale inadéquate du programme et l’absence
de suivi. Il a critiqué les programmes mis en œuvre par
le gouvernement, qu’il considérait moins apte que le
secteur privé à assurer une gestion efficace.
Un informateur a proposé la culture d’oranges et de
citrons, d’autres l’aquaculture et l’élevage de volailles
comme moyens de subsistance. Selon un autre
informateur, l’ouverture d’un cyber café à Kambove
serait une option commerciale possible.
Les pères aussi bien que les mères ont dit qu’ils auraient
besoin d’une aide sous forme de matériel et de capitaux
pour commencer un petit commerce. Des mères ont
dit apprécier la contribution de Groupe One, qui fournit
aux parents des biens qu’ils peuvent vendre. Selon
certains parents, l’incapacité de certaines personnes
à faire fructifier les revenus tirés de ces ventes est en
partie attribuable à leurs mauvaises pratiques de gestion.
4.2.3 Réformer et améliorer les activités
minières artisanales
Même si les réponses aux questionnaires des enfants
montrent que ce sont plus souvent les mères que les
pères qui enseignent aux enfants leurs tâches dans
les mines, les mères n’ont pas exprimé d’attachement
particulier à ce travail et n’ont pas proposé de mesures,
comme l’ont fait les pères, pour améliorer l’organisation
du travail ou pour l’amener au niveau des petites
exploitations minières, conformément à ce qui se ferait
sur les sites officiels. La création des coopératives plus
efficaces et l’accès à des excavateurs pour exposer
les filons figurent au nombre des améliorations
mentionnées. Des pères ont aussi recommandé
l’installation de comptoirs de vente sur les sites afin
d’obtenir des prix plus élevés en éliminant les négociants
comme intermédiaires.
Les négociants, quant à eux, ont affirmé que les
coopératives étaient actuellement inefficaces. Ils ont
mentionné qu’on pourrait améliorer le travail dans les
mines :
`` en créant une coopérative efficace sur chaque site;
`` en utilisant de la machinerie lourde afin d’exposer
des filons pour les mineurs artisanaux;
`` en rendant plus efficaces les divers services et
structures (gouvernementaux) qui existeraient
sur les sites officiels et en appliquant plus
rigoureusement tous les règlements.
4.2.4 Application de la loi
Les informateurs clés ont déclaré unanimement que le
travail des enfants dans les mines est totalement interdit
par la loi et qu’aucune tâche n’est acceptable pour
ces derniers. En ce qui concerne le travail des enfants
dans les mines et le travail dans les mines en général,
les répondants ont reconnu que les ministères et les
organismes de réglementation, malgré leur présence,
manquaient de moyens pour exercer leurs fonctions.
Un informateur a précisé que les superviseurs du travail
des enfants dans les mines pouvaient être poursuivis
officiellement et même emprisonnés en cas d’accident,
mais qu’en pratique cela arrivait rarement, voire jamais.
Un répondant a donc recommandé de prendre des
mesures plus efficaces pour faire appliquer les lois en
vigueur. Cependant, aucune recommandation particulière
n’a été formulée concernant les ressources et les
mesures de renforcement des capacités qui pourraient
être prises à cette fin. Le renforcement de l’application
de la loi comme moyen d’empêcher les enfants de
travailler dans les mines ou d’accéder aux sites non
officiels semble être une solution peu pertinente à la
lumière de l’affirmation d’informateurs selon laquelle les
lois sont difficiles à appliquer lorsque les gens n’ont pas
d’autre possibilité d’emploi.
Les participants au groupe de discussion des négociants
ont aussi parlé d’une initiative de l’Organisation
Internationale du Travail qui ne semble pas avoir été
mise en œuvre à Kambove. Ils nous ont dit qu’un
« code de conduite » était imposé aux membres d’une
communauté, dans une région non précisée, et que des
responsables avaient essayé d’empêcher par la force des
enfants d’accéder aux sites. Ils ont ajouté que les fonds
prévus n’avaient pas tous été alloués à cette initiative
et que les activités prévues pour retirer les enfants des
mines n’avaient pas été mises en œuvre, faute de budget.
Certains des participants ont aussi mentionné que les
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 39
efforts déployés pour empêcher les enfants de travailler
rendaient le travail dans les mines moins rentable.
Les participants au groupe de discussion des négociants
ont aussi mentionné un autre aspect négatif des
initiatives incomplètes et inefficaces visant à empêcher
les enfants de travailler dans les mines, à savoir le
scepticisme de la population à cet égard.
4.2.5 Autres rôles du gouvernement, des
coopératives et des sociétés minières
Un informateur a mentionné une autre mesure
importante prise par le gouvernement, à savoir les accords
conclus avec des entreprises privées pour autoriser
l’exploitation artisanale sur certains sites et aider les
mineurs en exposant les filons avec des machines
appropriées . Cependant, en vertu de ces dits accords,
les mineurs sont obligés de vendre le minerai à ces
entreprises privées, ce qui a créé un monopole privant
les mineurs de leur pouvoir de négociation. En outre, des
négociants ont exercé des pressions en vue de maintenir
le statu quo, qui leur est profitable. Un informateur clé
a affirmé que les négociants peuvent même résister au
retrait des enfants de crainte de voir leur rentabilité
diminuer.
Un informateur a présenté des comptes rendus vagues
sur les contributions positives de la coopérative CMKK
sur des sites officiels ailleurs au Katanga, notamment
le nettoyage des sites, la prestation de soins de santé
et la construction d’abris, affirmant qu’en général,
l’exploitation minière se faisait conformément aux
normes techniques et de sécurité. Il n’a pas précisé
si cela consistait à fournir des gants, des masques
ou d’autre matériel. Aucune des innovations ou
améliorations mentionnées n’a évidemment été
observée sur les sites dépourvus de coopératives
efficaces, comme c’est le cas de la plupart des sites non
officiels.
Un autre rôle essentiel du gouvernement, a souligné
un informateur, est la négociation et l’exécution des
contrats avec des sociétés minières étrangères pour
assurer la création d’emplois. Celui-ci a précisé que,
conformément au décret du gouverneur de la province,
les sociétés minières sont censées cultiver des champs
de 500 hectares, mais que bon nombre d’entre elles
ne le font pas parce que cette disposition n’a pas été
ajoutée à leur contrat lorsqu’il a été négocié avec le
40
gouvernement national. Cet informateur a formulé
le commentaire suivant : « … elles viennent ici pour
extraire le minerai, mais qu’est-ce que leurs contrats
prévoient ? [Le gouvernement de la RDC] leur impose
habituellement certaines conditions à cette fin, mais on
ne peut pas leur imposer ces conditions rétroactivement,
après la signature du contrat. »
Un informateur a mentionné que le gouvernement
pouvait aussi rendre l’éducation plus « attrayante » en
améliorant la qualité des écoles. Un autre a affirmé que
les enseignants avaient contribué aux efforts déployés
pour retirer les enfants des mines et les aider à
reprendre leurs études, sans préciser comment.
Deux informateurs ont souligné que la question du
travail des enfants dans les mines relevait carrément
du gouvernement. L’un d’eux a dit croire que la
décentralisation pourrait permettre aux administrations
provinciales et locales d’examiner la situation de façon
exhaustive et de trouver des solutions. Cependant,
d’autres informateurs, à qui nous avons demandé
de proposer des solutions aux problèmes du travail
des enfants dans les mines, ont surtout parlé des
contributions que pouvaient faire les ONG dans le cadre
de diverses stratégies; l’un d’eux a dit explicitement
que le rôle du gouvernement était d’apporter une aide
logistique aux ONG, notamment en fournissant des
terrains afin de créer des installations récréatives pour
les jeunes.
4.2.6 Rôles des ONG et stratégies de
subsistance
De nombreux informateurs ont affirmé que les ONG
pouvaient grandement contribuer à garder les enfants
à l’école et à faciliter la transition des parents entre le
travail dans les mines et un autre mode de subsistance.
Ils ont mentionné que les précédentes interventions
des ONG allaient de l’indifférence à une analyse
minutieuse permettant d’orienter les efforts. Deux
informateurs ont affirmé que les mesures précédentes
avaient donné très peu de résultats. L’un d’eux a déclaré :
« Les interventions des ONG n’ont pas fonctionné parce
qu’elles ne s’attaquaient pas aux causes de la présence
des enfants dans les mines, mais uniquement aux
conséquences. » On explique aussi l’absence de résultats
tout simplement par le manque de fonds pour financer
les interventions directes des ONG sur le terrain.
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
En ce qui concerne les leçons tirées de l’intervention de
Groupe One,27 trois informateurs et des participants
aux groupes de discussion ont mentionné la nécessité de
renforcer le suivi, la surveillance et les vérifications pour
s’assurer que les initiatives mises en œuvre par les ONG
sont sur la bonne voie. Un informateur a fourni des
renseignements plus détaillés à ce sujet et a souligné la
nécessité :
`` de continuer à sensibiliser les parents (par exemple
sur l’importance de l’éducation et des lois relatives
au travail des enfants); d’aider les parents à tirer le
meilleur parti de leurs revenus;
`` d’offrir une autre formation aux parents des enfants
qui travaillent dans les mines afin de leur donner
d’autres possibilités d’emploi;
`` de ne pas se limiter aux interventions axées sur
les familles, par exemple en créant des associations
dotées de règlements officiels.
Toutes ces suggestions visent à réorienter de façon
permanente les moyens de subsistance et les priorités
des parents. En fait, cet informateur a aussi souligné que
les interventions devaient être axées sur les parents
pour réussir à sortir les enfants des mines et leur
permettre de retourner à l’école. Selon lui, même si
les parents disent accorder beaucoup d’importance à
l’éducation de leurs enfants et affirment ne pas travailler
dans les mines par choix, il faut continuer à essayer
de changer les mentalités des parents et à améliorer
leur gestion financière. On ne devrait pas fournir une
assistance directe aux parents sans les sensibiliser à
ces questions, a-t-il affirmé, car la bonne gestion est un
principe à acquérir.
Un informateur a mentionné qu’en ce qui concerne
l’intervention de Groupe One, certains parents ont été
incités à entreprendre des activités ou à exercer des
métiers pour lesquels ils n’avaient pas d’expérience, de
sorte qu’ils ont échoué. Un deuxième informateur a
souligné qu’il fallait jumeler les moyens de subsistance
aux compétences et connaissances de chaque personne.
Cependant, nous avons aussi appris que des parents qui
avaient choisi un métier qu’ils connaissaient bien avaient
obtenu de bons résultats et réussi à payer les frais
scolaires de leurs enfants. (Le pourcentage de réussite
n’a pas été mentionné.)
Nous avons demandé aux participants si les
interventions des ONG devraient être axées sur
une catégorie particulière d’enfants (étant donné
les ressources limitées).Un informateur a répondu
que la priorité devrait être accordée aux orphelins
et aux enfants des familles vulnérables vivant dans
des conditions difficiles plutôt qu’aux enfants qui
effectuent des tâches qui sont ou semblent être plus
dangereuses, comme le creusage. Les données issues
des questionnaires des enfants viennent appuyer cette
approche (en effet, les enfants affectés à des tâches
autres que le creusage étaient plus nombreux à se
plaindre de problèmes de santé et les enfants qui ne
vivaient pas avec leurs parents étaient plus susceptibles
d’avoir abandonné l’école).
Nous avons aussi entendu parler des programmes de
formation professionnelle offerts par des ONG, qui
visent à aider les enfants et les adultes à délaisser le
travail dans les mines. Il existe une demande locale pour
ces programmes, ce qui prouve, selon un informateur,
l’engagement de la communauté envers l’éducation et la
formation et son insatisfaction envers le travail dans les
mines.
Ces programmes de formation permettent d’acquérir
des compétences en couture ou en conduite automobile
(on a signalé que des personnes ayant suivi la formation
ont été embauchées comme chauffeur). Cependant, le
taux d’abandon pose problème lorsque la formation se
déroule sur plusieurs mois. Le coût de la formation pose
également problème; des mineurs adolescents auraient
dit être intéressés à suivre la formation de chauffeur,
mais n’avaient pas l’argent nécessaire.
Ces renseignements ont été fournis durant une
discussion sur les problèmes liés à l’habitude (ou
au besoin) des gens d’être payés quotidiennement
pour leur travail dans les mines; l’implication étant
que les personnes ayant abandonné la formation
étaient retournées travailler dans les mines. Selon un
informateur, les efforts de sensibilisation des enfants
plus âgés et des adultes doivent viser à modifier cette
mentalité (l’habitude d’être payé tous les jours).
27 Nous aimerions souligner que les commentaires concernant les interventions de Groupe One ont été formulés par les informateurs
et que WV ne peut en déterminer l’exactitude.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 41
Un informateur a aussi mentionné qu’une ONG avait
créé une école en 2004 près d’un ancien site minier; il
pourrait être utile d’en apprendre davantage sur cette
expérience.
4.2.7 Installations récréatives pour les jeunes
Plusieurs informateurs ont souligné qu’un autre
facteur lié au travail des enfants dans les mines était
l’absence d’aires de loisirs ou d’activités organisées leur
permettant d’occuper leur temps. Durant une brève
visite d’un site, nous avons observé que les installations
récréatives fournies par la GCM (réservées aux enfants
de ses employés) étaient abandonnées depuis des
années. Les informateurs ont donc recommandé que
des installations et des activités récréatives, allant des
terrains de football aux colonies des des vacances, soient
mises à la disposition des jeunes. Selon un informateur,
ces initiatives devraient se faire en collaboration avec
le ministère de l’éducation et la division des affaires
sociales.
4.2.8 Atténuation des conséquences pour la
santé
Même si tous les informateurs ont dit être préoccupés
par les conséquences du travail dans les mines pour
la santé, surtout celle des enfants, ils ont été peu
nombreux à proposer des solutions pour régler le
problème (exception faite de sortir rapidement les
enfants des mines). Ils n’ont pas discuté des moyens que
pourraient prendre les ONG pour atténuer les risques
pour la santé et la sécurité des enfants à court terme
(avant l’adoption de solutions permettant de retirer
définitivement les enfants des mines). Un informateur a
toutefois recommandé la tenue d’un plus grand nombre
de séances de sensibilisation sur les risques pour la santé,
surtout à l’intention des enfants, et la création de centres
de soins à proximité des sites. Nous estimons toutefois
qu’il serait difficile d’établir des postes sanitaires publics
(gouvernementaux) à proximité des sites non officiels.
Il serait tout aussi difficile de faire passer un examen
médical annuel aux travailleurs affectés au creusage,
comme l’a suggéré un autre informateur. Un tel système
pourrait-il être fonctionnel pour la majorité des mineurs
qui n’ont pas de carte officielle, sans compter tous les
enfants affectés à d’autres tâches dans les mines ?
4.2.9 Rôle éventuel de World Vision
Les informateurs ont offert plusieurs suggestions
concernant le rôle que pourrait jouer WV dans la
résolution du problème des enfants dans les mines. Ainsi,
comme il a été mentionné précédemment, l’un d’eux
a proposé que WV construise une école et paie les
salaires des enseignants et les autres frais d’exploitation
(section 4.2.1). Le même informateur a suggéré, sans
trop y croire, que WV encourage la culture du maïs. Un
autre a recommandé que WV vienne en aide aux écoles
existantes situées près des mines artisanales.
Un informateur s’est dit d’avis que WV devrait donner
un coup de main aux ONG locales en leur fournissant
du matériel (p. ex., des machines à coudre) et en
accordant son soutien à leurs programmes de formation
sur les emplois alternatifs au travail dans les mines. Un
autre informateur, qui semblait croire que de nombreux
enfants travaillent dans les mines en raison des conflits
les opposant à leur famille, a proposé que WV appuie
les structures et les activités destinées à faciliter la
réintégration des enfants après leur retrait de la mine. (Il
estimait que ces enfants auraient besoin de préparation
et d’aide en vue de réintégrer leur famille.)
Une autre suggestion, offerte par deux informateurs,
préconisait une collaboration entre WV et des
organismes gouvernementaux dans la conduite de
recherches sur des situations d’exploitation d’enfants
dans les mines, situations similaires à celles faisant
l’objet du présent rapport. D’autres ont proposé que
WV appuie les instances administratives locales dans
leurs activités de sensibilisation des parents et dans
leurs revendications auprès des pouvoirs publics
pour l’obtention de structures efficaces d’aide et de
protection des enfants.
Plusieurs informateurs ont reportés que les efforts de
sensibilisation28 avaient une efficacité limitée auprès de
parents qui n’ont pas d’autres possibilités d’emploi et qui
ont réellement besoin du travail de leurs enfants dans
les mines pour payer le pain et la margarine. Pourtant,
divers répondants ont dit croire que la sensibilisation
constituait un élément important de toute stratégie de
retrait des enfants de la mine.
28 Des activités régulières de sensibilisation seraient menées par la division des affaires sociales et la division de genre, famille et enfants l,
42
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
5 || Travail des enfants dans les mines :
Un problème épineux, un obstacle au
développement
5.1 La parole est aux enfants qui travaillent dans les mines
Le présent rapport dévoile les principaux résultats issus de la
recherche menée en juin 2012 à Kambove, dans la province du Katanga,
en République Démocratique du Congo (RDC).
Les enfants ont eux-mêmes décrit, dans le cadre
d’entrevues, les circonstances, les conséquences et les
motivations de leur travail dans les mines, et ils ont
proposé diverses solutions. Leurs descriptions ont
ensuite été comparées et complétées par les adultes,
notamment leurs parents et des intervenants au sein
de la communauté et de l’industrie minière. Ce rapport
présente un résumé de ce que nous avons entendu
de la part des enfants et de la communauté dans son
ensemble.
Une écoute attentive nous a permis de recueillir
l’information suivante :
`` Les garçons et les filles sont très présents dans
les mines artisanales non officielles de la cité de
Kambove. Ils participent dès leur jeune âge à toutes
les activités de la mine, soit le creusage, le nettoyage
et le triage.
`` Les enfants ne sont pas contraints de travailler
dans les mines; ils le font de leur plein gré. Ils
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 43
apprennent le travail de leurs parents et, dans les cas
de pauvreté extrême, ils comprennent qu’ils aident
ainsi leur famille à joindre les deux bouts deux
bouts. Nous reconnaissons, bien sûr, que les choix
des enfants découlent souvent de fortes pressions
sociales, donc qu’ils ne sont pas vraiment « libres ».
Cela étant dit, la recherche montre clairement que
pour de nombreux enfants, la décision de travailler
représente un choix dans le contexte familial, et
que ce choix n’est pas influencé de façon indue.
Il y a toutefois lieu de croire que les enfants sont
exploités dans les mines, notamment en ce qui a
trait à la rémunération et à aux conditions de travail.
`` Il existe un lien très étroit entre le travail dans les
mines et la fréquentation scolaire. Plus de la moitié
des enfants interviewés avaient abandonné l’école,
et ceux qui allaient à l’école travaillaient au moins
une partie du temps dans les mines. L’incapacité de
payer les frais scolaires constitue un obstacle à la
scolarisation. La recherche n’a pu déterminer avec
certitude le rapport de cause à effet existant entre
le travail dans les mines, la fréquentation de l’école
et l’incapacité de payer les frais scolaires.
`` Le travail dans les mines entraîne de graves
conséquences pour la santé des enfants, qu’il s’agisse
du danger immédiat de subir des blessures ou des
effets à long terme d’une exposition prolongée au
cuivre ou au cobalt. Des recherches plus poussées et
une prise de conscience accrue par les enfants et la
communauté sont nécessaires.
`` Les conflits et les problèmes d’agressions sexuelles
sont beaucoup moins présents à Kambove
qu’ailleurs en RDC.
`` Les adultes aussi bien que les enfants ont
invariablement laissé entendre qu’ils préféreraient
ne pas travailler dans les mines. Dans leur immense
majorité, les enfants ont dit qu’ils aimeraient
mieux aller à l’école et qu’ils nourrissaient de
grandes ambitions pour leur carrière future et leur
contribution à la communauté.
`` Les organismes gouvernementaux, les ONG
et les autres intervenants ont toujours eu une
capacité limitée à améliorer de façon durable la
situation sociale et économique, à faire respecter
les règlements et à développer des solutions
44
de rechange afin de créer des conditions qui
permettraient aux enfants d’abandonner leur travail
dans les mines.
`` La disponibilité d’emplois convenables pour les
adultes constitue l’un des moyens essentiels
proposés pour permettre aux enfants de sortir des
mines. Diverses propositions allant de la formation
des travailleurs à la création de coopératives, en
passant par le renforcement des compétences
financières, ont été faites.
Il est inspirant d’observer le courage et la résilience des
enfants et des familles confrontés aux choix difficiles que
leur laisse la pauvreté. Les enfants qui travaillent dans
les mines sont remplis d’espoir. Ils aspirent à découvrir
de nouveaux horizons, mais ils ne peuvent espérer les
atteindre que s’ils terminent leur études.
5.2 Travail dangereux
Les constats observés dans le présent rapport montrent
de façon convaincante que le travail dans les mines
artisanales a une forte incidence sur le bien-être des
enfants de même que sur celui de leurs parents et des
autres employés.
Certains auteurs, notamment Hilson (2010), soutiennent
que le travail dans les mines artisanales en Afrique
constitue un travail léger, adapté aux enfants, et
« qu’aller dans les mines » pour aider sa famille est aussi
inoffensif « qu’aller aux champs ». Hilson affirme que
les observateurs devraient donc s’abstenir de qualifier
automatiquement le travail dans les mines comme l’une
des pires forme d’exploitation des enfants selon la
convention no 82 de l’OIT. A la la lumière d’études sur
l’absorption de métaux par l’organisme, notamment
Banza et coll. (2009) et Elenge et coll. (2011) les constats
issus de notre recherche, indiquent que dans les mines
artisanales de Kambove, les risques et les dangers
que posent pour la santé des travaux même légers et
limités (le ramassage, p. ex.) dépassent les avantages
que peut en retirer l’enfant, même dans une situation
où il contribue à la subsistance de sa famille. Comme
le souligne l’Organisation internationale du Travail, « Le
travail dangereux est inacceptable pour les enfants pour
des raisons essentiellement biologiques : les enfants ne
sont pas des adultes en mignature , ils sont physiquement
et mentalement différents d’eux. » (OIT, 2011, p. 13)
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
La conclusion qui s’impose est que tous les enfants
devraient cesser de travailler dans les mines artisanales
de Kambove.
5.3 Un problème épineux
Parvenir à l’étape du retrait des enfants des mines
artisanales de Kambove représente un problème épineux.
Dans le présent contexte, le qualificatif « épineux »
laisse entendre que le travail des enfants dans les
mines artisanales représente un problème complexe
et délicat, qu’aucune solution linéaire ne pourrait
résoudre. Un problème épineux est difficile à définir;
il comporte habituellement des interdépendances et
des causes multiples, et tenter de le résoudre peut
entraîner des conséquences imprévues. Ces problèmes
ne se prêtent donc pas à des solutions faciles. Ils sont
socialement complexes car ils englobent de multiples
intervenants. Leur résolution nécessite le changement de
comportements et, souvent, des influences extérieures
(règlements, etc.) sont aussi nécessaires.29
Comme l’ont souligné les enfants et la communauté
de Kambove, le travail des enfants dans les mines
artisanales représente un problème fort complexe, lié à
la pauvreté, au manque de services sociaux et d’emplois
de remplacement, aux effets du travail sur l’éducation
et la santé, et à l’exploitation. Et, comme l’attestent
les propositions de la communauté, les solutions sont
nombreuses et complexes; les personnes qui les ont
formulées avaient d’ailleurs des doutes quant à leur
pertinence. Les précédentes interventions avaient
tendance à être étroitement définies et à s’inscrire dans
une perspective à court terme.
multidimensionnels, et ils nécessitent une variété
d’interventions et de solutions.
Ainsi, les enfants qui travaillent dans les mines à
Kambove, en RDC, sont comparés aux canaris que l’on
emmenaient dans les mines de charbon; d’où l’expression
« canari dans la mine de charbon »30 : ils symbolisent
les obstacles au développement dans l’ensemble du
pays. Les conditions malsaines et dangereuses qui leur
sont imposées doivent être comprises et examinées
dans le contexte global du développement en RDC.31
Le problème des enfants dans les mines est lié
profondément au contexte général pour être considéré
séparément. Il faut se placer dans une perspective
plus large, sinon les mesures visant à atténuer le
problème sont presque certainement vouées à l’échec.
Desprogrammes et des campagnes de sensibilisation
visant directement les victimes de la pire forme
d’exploitation par le travail sont évidemment nécessaires,
mais de telles interventions doivent s’inscrire dans
l’optique globale du développement du pays.
Comme l’a déclaré un des informateurs clés, les
solutions offertes précédemment « n’ont pas fonctionné
parce qu’elles ne s’attaquaient pas aux causes de la
présence des enfants dans les mines, mais uniquement à
ses conséquences ».
5.5 Recherche de solutions
5.4 Le canaris dans la mine :
Un obstacle au développement
En s’appuyant sur les principaux constats tirés du
présent rapport et sur les conclusions d’autres
recherches, WVRDC et ses partenaires ont commencé
à énoncer des recommandations visant le problème
du travail des enfants dans les mines, et ce dans le
contexte global du développement en RDC. Ces
recommandations seront présentées plus en détail dans
une prochaine publication.
Les problèmes épineux sont fréquents dans le
domaine de l’aide et du développement. Les obstacles
au développement, particulièrement dans des pays
fragiles comme la RDC, sont souvent complexes et
Comme nous le disions précédemment, notre recherche
ne donne qu’un aperçu de la situation à un moment
donné. Toutefois, en faisant entendre leur voix, les enfants
et les autres membres de la communauté de Kambove
29 Cette liste contient certaines des caractéristiques des problèmes dits épineux. « Tackling Wicked Problems : A Public Policy
Perspective » Australian Public Service Commission, 2007. http://www.apsc.gov.au/__data/assets/pdf_file/0005/6386/wickedproblems.pdf
30 Au Royaume-Uni et aux États-Unis, des canaris en cage étaient emmenés dans les mines de charbon. Ces oiseaux constituaient un
système d’alerte : la présence de monoxyde de carbone, de méthane ou de dioxyde de carbone les faisait mourir avant d’affecter
les mineurs. Tout signe de détresse de l’oiseau indiquait aux mineurs qu’il y avait danger.
31 La RDC est classée en dernière position sur l’indice du développement humain 2012.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 45
ont permis de faire connaître les questions nécessitant
une attention accrue.
1 Dans chaque province et dans chaque communauté
de la RDC, donner la parole aux enfants dans
les mines et mener des recherches en vue de
comprendre les circonstances, les conséquences et
les motivations de leur travail, et de dégager des
solutions éventuelles.
2 Sensibiliser les enfants et le reste de la communauté
aux conséquences à long terme de ce travail sur
la santé, aux dangers inhérents et aux possibilités
perdues par les enfants qui ne vont pas à l’école.
Cette démarche pourrait aussi viser à mieux faire
comprendre le code minier et les lois de la RDC sur
les droits des femmes et des enfants.
3 Mieux comprendre les divers services
gouvernementaux et les possibilités d’améliorer les
lois et les politiques afin de réglementer le travail
dans les mines artisanales de façon qu’il soit plus sûr
et plus durable et qu’il contribue à la croissance de
l’économie Congolaise.
7 Intégrer à toute intervention des mesures
d’apprentissage et d’évaluation continues. Les
problèmes épineux ne se prêtent pas à des solutions
simples. Ils nécessitent une évaluation continue,
l’essai de nouvelles mesures et l’établissement de
nouveaux liens entre les interventions.
L’engagement à long terme d’un large éventail
d’intervenants sera nécessaire pour remédier au
problème du travail des enfants dans les mines. Les
solutions ne résident pas dans des projets à court terme
portant sur une ou deux questions pendant la durée
du financement du projet. Elles passent par la pleine
participation des différents paliers de gouvernement,
des organisations et des dirigeants communautaires,
des organismes confessionnels, des ONG et des autres
parties intéressées. Et, surtout, par l’engagement ferme
des personnes les plus touchées : les enfants et les
familles.
5.6 Engagement de World Vision envers
le problème du travail des enfants
dans les mines
4 Améliorer le développement socio-économique
des communautés. La fourniture de services et de
programmes de réduction de la pauvreté et de
développement durable (moyens de subsistance,
santé, eau, salubrité, éducation, etc.) incombe
d’abord aux différents paliers de gouvernement
et aux fournisseurs de services locaux. Les ONG
internationales et les sociétés minières peuvent
jouer un rôle en aidant le gouvernement et les
communautés à offrir ces services.
Jerry Kazadi, directeur national adjoint, World Vision
RDC, a résumé la situation en ces termes : « Poursuivre
notre travail de développement sans nous soucier de ce
phénomène équivaudrait à construire une maison sur
le sable. » La démarche de World Vision se fonde sur la
conviction que l’amélioration progressive du bien-être
des enfants nécessite une transformation des systèmes
et des structures à tous les niveaux, afin d’éliminer les
injustices et d’offrir des solutions permettant d’assurer
une paix et un développement durables.
5 Créer les conditions permettant d’assurer la
prospérité, la diversification et la résilience de
l’économie locale, notamment en offrant des emplois
pour remplacer le travail dans les mines, mais aussi,
dans la mesure du possible, en officialisant les mines
artisanales afin de les rendre viables et rentables
économiquement pour les ménages, les entités
locales et le pays.
Afin de réduire davantage les conséquences néfastes
du travail minier sur la santé et le bien-être des enfants,
WVRDC s’engage à prendre les mesures suivantes à
court terme :
6 Définir le rôle que les opérateurs miniers
nationaux et internationaux, et autres acteurs
de développement, jouer dans la résolution du
problème du travail des enfants dans les mines en
RDC.
46
`` effectuer des recherches et des évaluations dans les
communautés où nous sommes opérationnels ;
`` collaborer avec le gouvernement et ses organismes
en vue de déterminer la meilleure façon de
s’attaquer au problème du travail des enfants dans
les mines;
`` lancer des initiatives dans diverses communautés du
Katanga, en partenariat avec les communautés, les
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
organisations de la société civile et les assocaitions
à base de foi et les confessions religieuses , afin de
permettre aux communautés de se renseigner, de
défendre les droits des enfants et de trouver des
solutions au problème du travail des enfants dans les
mines;
`` examiner plus en profondeur le rôle que pourrait
jouer WVRDC, en collaboration avec ses
partenaires, pour créer les conditions permettant
d’assurer la prospérité, la diversification et la
résilience de l’économie locale, notamment en
offrant des emplois pour remplacer le travail dans
les mines, mais aussi, dans la mesure du possible,
en officialisant les mines artisanales afin de les
rendre plus sûres et plus durables, de façon qu’elles
contribuent à la croissance de l’économie congolaise.
Nous croyons qu’en raison de notre présence dans les
communautés de la RDC (habituellement pendant au
moins 15 ans), de l’importance que nous accordons aux
enfants, de notre expérience dans le développement
durable et de notre influence grandissante, nous sommes en mesure de contribuer de façon significative à la
résolution de ce problème en RDC.
WVRDC se réjouit de pouvoir collaborer avec le gouvernement et avec tous les intervenants mentionnés
précédemment afin de permettre aux enfants qui travaillent dans les mines de faire entendre leur voix.
Les enfants travaillant dans les mines s’expriment || world vision rdc 47
Bibliographie
ATSDR (2004). Toxicological Profile for Copper. Agency for
Toxic Substances and Disease Registry, US Department of Health and Human Services. http://www.
atsdr.cdc.gov/toxprofiles/tp132-c2.pdf
BANCHIRIGAH, S., et HILSON, G. (2010). « De-agrarianization, re-agrarianization and local economic
development: Re-orientating livelihoods in African
artisanal mining communities »,Policy Sciences, 43(2),
p. 157180.
BANZA C.L., NAWROT, T.S., HAUFROID,V., et coll.
(2009). « High human exposure to cobalt and other
metals in Katanga, a mining area of the Democratic
Republic of Congo », Environmental Research, 109(6),
p. 74552.
DFID (2008). Democratic Republic of Congo Country Plan,
London: Department for International Development.
ELENGE - MOLAYI, M., et De BROUWER, C. (2011).
« Revue de la littérature des pathologies liées aux
risques toxicologiques dans l’exploitation minière
artisanale au Katanga (RDC) », Journal International
de Santé auTravail, 1(1), p. 28-29.
ELENGE- MOLAYI, M., AUBRY, J., JACOB, L. et De
BROUWER, C. (2011). « Quantification of metal
in the hair of copper miners in Katanga province,
Democratic Republic of Congo », Journal of Environmental and Analytical Toxicology, 1, p. 114.
FEENEY, P. (2010). « Extractive industries: Their contribution to Congo’s development », Issues Paper No. 2 :
Natural Resources Management. Center on International
Cooperation.
http://www.brandeis.edu/ethics/pdfs/extractive.pdf
HILSON, G. (2010). « Child labour in African artisanal
mining communities: Experiences from Northern
Ghana »,Development and Change, 41(3) : 445-473.
OIT (2011). Enfants dans les travaux dangereux. Ce que
nous savons, ce que nous devons faire. Programme
international pour l’abolition du travail des enfants.
48
MRSIC-GARAC, S. (2009). Les parents d’élèves face à la
déliquescence du système éducatif congolais (RDC).
Dans LANGE, M. et PILON, M. (Éd.), Cahiers de la
recherche sur l’éducation et les savoirs (8e édition,
p. 137-152). Paris, ARES.
PACT. (2010). PROMINES study: Artisanal mining in the
Democratic Republic of Congo.Washington: PACT, Inc.
http://www.congomines.org/wp-content/uploads/2011/10/
PACT-2010-ProminesStudyArtisanalMiningDRC.pdf
PERKS, R. (2011). « Can I go?’— Exiting the artisanal
mining sector in the Democratic Republic of
Congo »,Journal of International Development, 23(8),
p. 1115–1127.
STERN, B.R., SOLIOZ, M., KREWSKI, D. et coll.
(2007).« Copper and human health : Biochemistry,
genetics, and strategies for modeling dose-response
relationships », Journal of Toxicology and Environmental
Health, Part B, 10 (3), p. 157–222.
TSURUKAWA, N., PRAKASH, S., et MANHART, A.
(2011). Social impacts of artisanal cobalt mining in
Katanga, Democratic Republic of Congo. Freiburg: ÖkoInstitut e.V.
http://www.oeko.de.proxy.bib.uottawa.ca/
oekodoc/1294/2011-419-en.pdf
UNESCO (2011). EFA Global Monitoring Report.The hidden
crisis: Armed conflict and education.
UNIVERSITÉ DE LUBUMBASHI/OBSERVATOIRE DU
CHANGEMENT URBAIN (OCU). (2006). Le travail
des enfants dans les mines et carrières du Katanga,
Groupe One et UNICEF.
UNIVERSITÉ DE LUBUMBASHI/OBSERVATOIRE DU
CHANGEMENT URBAIN (OCU). (2008). Le travail
des enfants dans les mines et carrières du Katanga. Cas
du bassin minier de Kipushi, Likasi et Kambove, http://
www.congomines.org/wp-content/uploads/2011/10/
OCU-2008-TravailEnfantsMines.pdf
ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (1999).
Directives de qualité pour l’eau de boisson. Critères de
santé et autre information pertinente. 2, p. 132-388 ,
p. 941-949
world vision rdc || Les enfants travaillant dans les mines s’expriment
World Vision est une organisation de solidarité internationale qui
lutte contre toutes les formes de pauvreté et d’injustice à travers ses
programmes d’aide humanitaire d’urgence, de développement et ses
actions de plaidoyer. Inspirés par nos valeurs chrétiennes, nous apportons une aide aux enfants et aux familles les plus démunis, sans aucune
forme de discrimination sociale, ethnique ou religieuse.
Copyright © 2013 World Vision RDC
192, avenue des Étoiles, Kinshasa – Gombe
République démocratique du Congo