70e anniversaire du Débarquement

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70e anniversaire du Débarquement
Supplément gratuit de LA PRESSE DE LA MANCHE du mardi 27 mai 2014, n° 21 271 - Ne pas jeter sur la voie publique
 Classes-presse 2014
1944 - 2014 : la Normandie se souvient
Les 4es du collège Raymond-Le Corre d’Equeurdreville-Hainneville peuvent être fiers. Ils obiennent le 2e prix d’écriture avec un article sur l’histoire insolite de Michel Brisset, né sous un pont à Rocheville
pendant la Libération.
En cette année de commémoration du 70e anniversaire
du Débarquement, le thème
des Classes-Presse s'imposait
de lui-même. Une belle opportunité pour les élèves manchois de se (re)plonger dans
l'histoire — pas si lointaine —
de leur région et de leurs
aïeux.
Une occasion que les collégiens ont su saisir, se faisant
journaliste auprès de leurs
grands-parents ou arrièregrands-parents, pour que
ceux-ci leur livrent des souvenirs personnels de la Seconde
Guerre mondiale et du Débarquement.
Cela donne dans ce supplément des témoignages inédits,
riches, d'autant plus forts en
émotion que ce sont souvent
des histoires de familles qui se
transmettent.
Les élèves se sont aussi
penchés sur leur environnement, des lieux, des monuments qu'ils voient tous les
jours, mais dont ils ne connais-
saient pas nécessairement
l'histoire.
En plongeant dans leurs histoires de famille, dans les histoires locales, c'est la grande
Histoire que les élèves ont
ainsi (re)découvert avec passion.
Cette année encore, l'opération Classes-presse a permis
aux collégiens d'appréhender
le métier de journaliste, aidés
des équipes enseignantes et
de leurs journalistes parrains
de La Presse de la Manche et
Ouest-France. Initiée par le
Clemi (Centre de liaison de
l'enseignement et des médias
d'information), soutenue par le
conseil général, l'inspection
académique et l'enseignement
catholique de la Manche,
l'opération Classes-presse est
devenue dans de nombreux
collèges du département un
soutien pédagogique indispensable et ludique pour le
travail de l'écriture, l'étude de
l'image, les recherches historiques, etc.
Palmarès 2014
● 1er prix d'écriture
Attribué par le conseil général
Manon Labbé, Marine Ladouce et Manon Madeleine
collège Jean-Monnet, Marigny
« À 12 ans, je jouais sur les ruines de Saint-Lô »
● 2e prix d'écriture
Attribué par Ouest-France
Enzo Boché, Jérémie Lepetit et Jules Robichon
collège Raymond-Le Corre, Equeurdreville-Hainneville
L'enfant du pont
● 3e prix d'écriture
Attribué par La Presse de la Manche
Flavie Lemoigne, 4e C
collège Saint-Exupéry, Sainte-Mère-Église
« C'était terrifiant, tous ces bruits d'explosion »
● Prix de l'illustration
Collège Pierre-Aguiton, Brécey
Souvenirs d'enfance
● Mention spéciale du jury
Attribuée par le Clémi
Collège Jean-Paul-II, Coutances
Quand le courage se transforme en amitié
Établissements participants
Les 14 classes participant à l’opération Classes-Presse ont reçu le soutien éclairé de journalistes « parrains », de La Presse de la Manche
ou de Ouest-France, qui ont aidé les élèves dans les phases de recherche et d’écriture. Un parrainage payant pour les 4es du collège SaintExupéry de Sainte-Mère-Église qui, avec le soutien de notre consœur Corinne Gallier, remportent cette année le 3e prix d’écriture.
2 - Classes-Presse - Mai 2014
Collège Le Hague-Dick, Beaumont-Hague, 4e A et 4e B
Collège Pierre-Aguiton, Brécey, 4e D
Collège Jean-Paul-II, Coutances
Collège Raymond-Le Corre, Equeurdreville-Hainneville, 4e B
Institut Sévigné, Granville, 4e Bleue
Collège Emile-Zola, La Glacerie, 5e A
Collège Jean-Monnet, Marigny
Collège Les Courtils, Montmartin-sur-Mer
Collège Le Fairage, Périers
Collège Georges-Brassens, Pontorson
Collège Jules-Ferry, Querqueville, 4e A
Collège Saint-Exupéry, Sainte-Mère-Église, 4e C et 4e D
Collège Interparoissial, Saint-Lô
Collège Guillaume-Fouace, Saint-Vaast-la-Hougue
 Passeurs de mémoire
« À 12 ans, je jouais sur les ruines de Saint-Lô »
LÉOPOLDA BEUZELIN, 82 ans, a vécu le Débarquement du 6 juin 1944. Soixantedix ans après, elle se souvient.
En juin 1944, Léopolda Beuzelin a
12 ans. Elle habite rue de la Poterne, au pied des remparts de
Saint-Lô, chez sa mère, avec son
frère et ses deux sœurs. Il est
environ 20 heures lorsque Léopolda et sa famille se rendent
compte du carnage qui commence. « Les avions bombardaient
Saint-Lô
et
les
premières bombes tombaient
sur la gare. » La défense passive,
qui consiste à protéger la population
en cas de guerre, passe dans les maisons pour dire aux gens d'aller se réfugier sous
le Rocher, tunnel creusé par les Allemands sous les Remparts.
« Pendant quatre jours, on n'a rien mangé, on buvait juste
l'eau croupie des wagonnets qui se trouvaient là. »
■ « Y'a la gamine qui respire »
Afin de se mettre à l'abri, les soldats allemands font sortir les civils. Les bombes tombent tellement que Léopolda se retrouve séparée de sa mère. « Mais je n'avais pas lâché mon petit frère ». Une
personne de la défense passive les voit et leur dit : « Rentrez dans
la maison et cachez-vous sous l'escalier où se trouve le tas de
bois ». Cependant, par crainte d'être ensevelie, elle décide de mon-
ter à l'étage. Mais des bombes explosent à proximité de la maison,
ils sont alors éjectés, et se retrouvent sous des débris. Elle se souvient avoir entendu la voix d'un homme qui disait : « Mais non, ces
deux-là, ils ne sont pas morts, y'a la gamine qui respire ».
■ « Je ne peux plus vous nourrir »
Léopolda et son frère sont transportés dans le bois de la Falaise à Agneaux, recueillis par la Croix-Rouge qui leur donne du
lait à boire. Elle les informe qu'ils ont perdu leur mère. Trois jours
plus tard, une dame les prévient que la Croix-Rouge l'a retrouvée
au Mesnil-Amey. « Nous y sommes partis le long de la voie ferrée. Nous étions accompagnés par un homme de la défense
passive parce qu'il fallait traverser Saint-Lô. » Elle retrouve sa
mère et ses sœurs. Le maire du Mesnil-Amey dit : « Les personnes qui ont de la famille qui peut les accueillir, il faut nous
le dire parce que je ne peux plus vous nourrir ». Ayant des cousins à Condé-sur-Vire, Léopolda et sa famille s'y rendent à pied.
« Il fallait retraverser Saint-Lô, il n'y avait plus de maisons,
plus de quartier ». En cours de route, quand ils entendent des
avions, ils se jettent dans les fossés pour éviter les bombes. Deux
messieurs les ont accompagnés jusqu'à Baudre. « On a atterri à
Condé-sur-Vire et on a été libéré là-bas. »
■ La Capitale des ruines
Les bombardements ont duré trois semaines et six cents civils
sont morts. « Malgré ça, on jouait quand même dans les
Au moment du Débarquement, Léopolda Beuzelin a été ensevelie
sous les débris de sa maison. © Manon Marine
ruines ». La ville de Saint-Lô est libérée le 17 juillet 1944 par des
soldats américains. Elle a été détruite à 95 %, c'est pour cela
qu'elle fut surnommée la Capitale des ruines. Soixante-dix ans
après, lorsque Léopolda entend un avion, elle ne peut s'empêcher de le localiser dans le ciel.
Manon Labbé, Marine Ladouce, Manon Madeleine
Collège Jean-Monnet, Marigny
« C'était terrifiant, tous ces bruits d'explosions ! »
Habitante de Sainte-Mère-Église, FRANÇOISE MASSABO était une jeune fille
âgée de 11 ans lors du 6 juin 1944. Nous l'avons rencontrée et elle nous a transmis son
témoignage.
Où habitiez-vous pendant le débarquement ?
« J'habitais Sainte-Mère-Église,
dans l'impasse Ribet qui se situe
non loin de la rue Cayenne, en
face de la maison de M. Fleuri.
Celui-ci avait pour loisir l'aprèsmidi de raconter aux enfants du
village la guerre de 14-18. C'est
peut-être en partie à cause de
ces histoires que nous, les enfants, avions aussi peur des soldats
allemands. »
Que s'est-il passé lors de l'arrivée
des parachutistes américains ?
« Pendant la nuit du 5 au 6 juin, nous fûmes réveillés par le bruit
que faisaient les C47 qui passaient au-dessus de Sainte-Mère.
Nous étions émerveillés de voir toutes ces corolles dans le ciel. Au
milieu de l'après-midi du 6 juin, des Américains arrivèrent pour installer un mortier dans le jardin de Mémère, ma nourrice. Nous, les
enfants, étions contents d'être aux côtés de nos sauveurs. Nous
sommes restés une partie de l’après-midi avec eux. Je les aidais en
mettant les obus dans le mortier.
Malheureusement, le soir même, ces soldats avec qui je m'amusais se firent tuer. C'est ce jour-là que ma sœur a été blessée. Elle
s’occupait du bébé des voisins. Le 6 juin, elle décida malgré les événements d'y aller. Les bombardements reprirent et la maison où elle
était prit feu. Elle reçut un éclat d'obus à la jambe. Le matin du 7, ce
fut l'exode vers la ferme de la Londe. Lorsque nous sommes arrivés
à la boulangerie Dubost à Sainte-Mère, une auto-mitrailleuse allemande apparut de la rue Cap de Laine, tirant de tous les côtés. Mémère emmena ses cinq enfants dans la boulangerie. Ce fut une
Françoise Massabo a correspondu pendant plus de trente ans
avec un soldat américain.
Stèle à la mémoire de Stanley S. Smith, William C. Walter, Robert
L. Herrin et Robert E. Holtzamm.
chance inouïe d'avoir survécu. Nous pûmes arriver à la Londe, mais
le 12 juin, nous fûmes obligés de partir, car les Américains devaient
construire le camp d'aviation. »
■ « Ce n'est qu'un au revoir »
Comment réagissiez-vous lors des bombardements ?
« Ma nourrice, les autres enfants et moi, nous nous abritions
sous la voûte de la maison. C'était terrifiant, tous ces bruits d'explosions ! »
Quel était le comportement des Américains ?
« Ils nous donnaient des barres de chocolat, des bonbons ainsi
que du beurre de cacahuète. J'étais peu en contact avec eux
parce que je devais m'occuper de la maison. Un jour, je vis dans
un champ des Américains, je ne sais pas pourquoi je vins les voir,
et je fis la rencontre d'un soldat qui parlait très bien le français (il
était professeur de français dans le New Jersey). Depuis cette rencontre, plus de trente ans après la guerre, nous correspondîmes,
puis on se perdit de vue. »
Qu'est-ce que ça vous fait de revoir des vétérans plus de
70 ans après le Débarquement ?
« C'est toujours très émouvant. D’ailleurs, lors du 14 juillet 1944,
des Canadiens jouaient Ce n'est qu'un au revoir. Depuis ce jour,
dès que j'entends cette chanson, cela me fait pleurer. »
Flavie Lemoigne, 4e C, Sainte-Mère-Église
« La mer était rouge de sang »
Deux vieilles dames, deux copines, Monique et Marguerite avaient 4 et 13 ans lors du
débarquement. Elles se souviennent…
Dans quelle ville habitiez-vous quand la guerre a frappé ?
Avez-vous des souvenirs de la guerre ?
Monique : J'habitais à Les Veys, entre Carentan et Isigny. Il y
avait une quarantaine de chevaux à la ferme.
Marguerite : Moi j'habitais à Saint-Marcouf-de-l'Isle, petite commune rurale près de la mer. C'est un triste souvenir, les Allemands
tiraient sur les gens, et la mer était rouge de sang.
Avez-vous accueilli des réfugiés chez vous ? Étiez-vous
obligées de vous cacher ?
Ma : Oui, nous avions des réfugiés, puis nous sommes partis de
chez nous. Nous sommes allés dans une ferme avec pleins d'autres gens, mais nous n'étions pas obligés de nous cacher.
Mo : Des gens habitants près de la nationale 13 sont venus se
réfugier à la ferme. On dormait dans une étable, nous étions à peu
près 30 personnes. Parfois, des avions survolaient la ferme à
basse altitude et bombardaient. Quand les Américains ont débarqué, en une nuit les Allemands sont partis en catastrophe, tellement vite que les chariots à quatre roues se renversaient. Trois
Allemands ont choisi de se rendre aux Américains afin d'avoir le
statut de prisonniers de guerre.
Comment se passait la cohabitation avec l'ennemi ?
Mo : Les simples soldats qui s'occupaient des animaux et des
charrettes étaient très corrects, ils m'appelaient Monica (cela leur
rappelait certainement leurs enfants). Les gradés étaient plus exigeants et utilisaient les provisions de la ferme. C'est alors que le
rationnement a commencé.
Comment faisiez-vous pour manger ?
Ma : Les Américains envoyaient de la nourriture et des boîtes de
conserve qu'ils parachutaient.
Est-ce que vous avez eu peur ? Est-ce que les Allemands
faisaient des rondes dans votre quartier ? Écoutiez-vous les
messages de la résistance à la radio ?
Ma : Oui j'avais très peur, surtout au moment des bombardements. Les Allemands ne faisaient pas de rondes, ils étaient plutôt gentils. J'écoutais le moins possible la radio car la nuit j'avais
très peur.
Nolwenn Gueguen et Lisa Lelarge, 4e A, Querqueville
Nous avons l'âge qu'avait Marguerite à l'époque, ses souvenirs
et ceux de Monique sont précieux pour nous. Il n'y a pas si longtemps, elles avaient notre âge…
Monique Lelarge se souvient de la débacle des soldats allemands
quand les Américains ont débarqué.
Classes-Presse - Mai 2014 - 3
 Passeurs de mémoire
« Avant d'être enterrés, ils étaient mis dans leurs parachutes »
Madeleine Valognes, habitante de Sainte-Mère-Église, nous a raconté son histoire pendant la guerre.
« Quand la guerre a commencé, j'habitais à Montebourg puis, pour des raisons
de survie, les Américains
nous ont emmenés avec nos
voisins dans la campagne,
car les combats allaient devenir intenses », raconte Madeleine Valognes. « Nous
Le cimetière américain provisoire n°1 de Sainte-Mère-Église est aujourd’hui un stade de foot.
mangions des morceaux de
viande crue provenant d'animaux écrasés par les obus ;
d'ailleurs, ma mère s'est pris
un éclat dans le dos et s'est
fait soigner par un Allemand.
Les enfants, eux, n'avaient
pas peur des obus, au
contraire ça les amusait ! »,
se souvient la vieille dame.
Par la suite, elle est arrivée à
Sainte-Mère-Église, où elle fut
engagée pour peindre les croix
sur les tombes des soldats
américains.
Avant d’êtres enterrés, ils
étaient mis dans leurs parachutes ou dans des draps
blancs, puis enterrés dans le
cimetière qui, aujourd’hui, est
un stade. « Les Américains
ont trouvé deux champs immenses pouvant recueillir
tous leurs camarades, ex-
plique Madeleine, un près de
l'actuel collège Saint-Exupéry de Sainte-Mère-Église,
l'autre près de ce qui est
désormais la zone industrielle. »
En automne 1945, les familles ont réclamé les corps, la
plupart sont partis dans leurs
familles, les autres ont été
transférés au cimetière de Colleville.
Une fois tous les corps enlevés du champ près du collège,
la ville de Sainte-Mère-Église a
réalisé à l'emplacement un
stade de football. À présent,
une borne devant le terrain
rend hommage aux soldats
tombés pour la France.
Rouan Mesnil et
Charly Youdine, 4e D
Sainte-Mère-Église
Après
le
Débarquement,
Madeleine Valognes a peint les
croix sur les tombes des
soldats américains.
« Le son des bombes et l'odeur du soufre me hantent encore »
Marcel Massieu, témoin de la Seconde Guerre mondiale, nous raconte sa vie à l'époque de
l’Occupation allemande et du Débarquement américain dans son petit village de La Pernelle.
Quel âge aviez-vous en 1944 ? Aviez-vous peur des Allemands ? Que vous demandaient-ils de faire ?
J'avais 14 ans en 1944 et non, je n'avais pas peur des Allemands car ils ne venaient pas souvent au village. Il fallait souvent
que je leur monte de l'eau fraîche sous la garde d'un sergent non
armé qui me surveillait. J'avais un bonbon à chaque fois que
j'amenais de l'eau à leur camp !
Quelle image en aviez-vous alors ? Quelles étaient vos occupations ? Alliez-vous à l’école par exemple ?
Ils nous offraient des bonbons mais il y avait deux sortes d'Allemands. Au début, ce n'étaient que des soldats entraînés au
combat, mais à la fin, c'étaient des pères qui avaient laissé leur famille en Allemagne et qui pleuraient le soir. Mais il y avait aussi
des anciens prisonniers libérés pour aller à la guerre. Alors, non,
en majorité, ils n'étaient pas méchants. Contrairement à vous, je
n'allais pas beaucoup à l'école, et je faisais souvent « l'école buissonnière ». Je trouvais des prétextes pour ne pas y aller comme
aider mon père à travailler dans les champs !
■ « On y voyait comme en plein jour »
Avez-vous eu des tracts pour vous annoncer l'arrivée des
alliés et où vous trouviez-vous lors des bombardements dans
la nuit du 5 juin ?
Pas un seul tract n'a été lancé. La nuit du 5 juin, j’étais dans la
grange avec mes parents, puis je me suis réfugié dans la tranchée que mes parents avaient construite. Seule notre petite
bonne a refusé de nous rejoindre : elle était terrorisée à l’idée de
se trouver nez à nez avec des rats ! Toute ma famille, en revanche,
s’y était réfugiée, sans oublier nos chiens bien sûrs. Je me souviens même que les voisins nous ont rejoints après les premiers
bombardements. La tranchée était en angle pour mieux se protéger des éclats de roches ou d’autres projectiles.
Le village de La Pernelle a-t-il été touché par les bombes ?
Y a-t-il eu des morts ?
Il n'y a pas eu de morts à La Pernelle. Les bombardements ont
eu lieu vers 23 h 30, mais avant, il y a eu des fusées éclairantes :
on y voyait comme en plein jour ! Notre église a été touchée lors
des bombardements, il ne restait plus que le clocher ! Tout a dû
être reconstruit. Aujourd'hui, il reste juste le clocher qui est
d'époque !
■ Les bonbons américains
meilleurs que les bonbons allemands
Comment avez-vous réagi lorsque les Américains sont arrivés à La Pernelle et qu'est-ce qui a vraiment changé ?
Les Américains sont arrivés à La Pernelle le 20 juin et on était
soulagés de les voir. D’ailleurs, les bonbons des Américains
étaient bien meilleurs que ceux des Allemands. Je me souviens
aussi qu’ils avaient apporté de nouvelles choses comme des sacs
de blé noir, du chewing-gum et aussi des cigarettes qu'ils nous
donnaient alors que je n'avais que 14 ans !
Avez-vous gardé des souvenirs de la guerre après la Libération ? Certaines villes ont-elles dû être reconstruites ?
Oui, le son des bombes et l'odeur du soufre me hantent encore… Montebourg et Valognes ont été particulièrement touchées.
Combien de bombes ont été larguées et avez-vous retrouvé
des bombes après la Libération ?
J’ai comptabilisé 130 bombardements du 27 avril au 22 juin
1944, vous imaginez ? Bien sûr, il y a eu des pauses entre chaque
Marcel Massieu à l’âge de 13 ans, en 1943.
largage, mais tout de même… Et oui, nous avons retrouvé à peu
près 600 tonnes de bombes.
Vos parents ne vous disaient rien pour les cigarettes ?
Non, ils ne me disaient rien à ce sujet car ils n'en avaient jamais
vu et nous ne connaissions pas les dangers de la cigarette à notre
époque.
Baptiste Debrix et Mattéo Pitrel
Collège Guillaume-Fouace, Saint-Vaast-la-Hougue
Nous tenons à remercier M. Massieu pour sa gentillesse et la
qualité de ses informations. En tout cas, nous, nous n’oublierons
jamais notre rencontre avec vous.
« Des images douloureuses qu'on préfère oublier »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, au moment de la Libération, de nombreuses villes
et villages ont été détruits. C'est le cas du hameau aux Fèvres situé sur la commune de
Gréville-Hague.
Habitant au hameau Christo
(Urville-Nacqueville), séparé
du hameau aux Fèvres (Gré-
ville-Hague) par la vallée du
Hubilan, j'ai beaucoup entendu parler des bombarde-
Les papiers de Bernard Damourette jeune et la photographie du
hameau aux Fèvres après les bombardements. (Sources : Sillons
de vie Gréville-Hague 1939-1944 et demain, Mémoire collective,
Agnès Lelion).
4 - Classes-Presse - Mai 2014
ments de 1944. Bernard Damourette, alors âgé de 21 ans,
grand-père de ma camarade
Agathe Lecostey, nous a
confié ses souvenirs.
Bernard Damourette avait
choisi d'être réfractaire : il a refusé de se soumettre aux Allemands. Il était revenu trois
jours avant le 1er juin 1944
dans sa famille au hameau
Fleury, un village très proche
du hameau aux Fèvres. C'était
un lieu stratégique pour les alliés anglais : deux radars allemands s'y trouvaient, l'un
au-dessus de l'Hôtel Millet et
l'autre au sein du village. « Le
bruit circulait d'un bombardement imminent de cet endroit. Le hameau aux Fèvres
avait été prévenu par l'instituteur de la commune. » Très
peu de familles sont parties
malheureusement. Bernard
Damourette se souvient du
1er juin 1944. « On tremblait
dans le lit. » Il se réfugie avec
sa famille dans un abri :
« C'était une grande tranchée et on avait découpé
des troncs de sapins et mis
des fagots et de la terre dessus ».
Après le bombardement, le
hameau aux Fèvres est un
paysage
de
désolation.
« C'était un petit Verdun, des
amas de corps humains, de
cadavres d'animaux, de
pneus… des images douloureuses qu'on préfère oublier. »
On dit dans le village que
seule une famille et une dame
seront rescapées de ce bombardement. Les Allemands ont
accompagné cette femme
jusqu'au hameau Christo. Partie dans l'urgence, elle est arrivée dans une ferme voisine
nu-pieds, en chemise avec
juste une couverture sur le
dos. Au hameau Christo, de
Alison Brunet, Bernard Damourette et sa petite-fille Agathe
Lecostey.
nombreux débris ont été projetés et ont détruit une maison
et fait trois morts.
Aujourd'hui, le hameau aux
Fèvres est reconstruit, mais on
peut toujours voir les ruines de
l'Hôtel Millet et de la maison
de Boris Vian.
Alison Brunet, 4e A
Beaumont-Hague
 Passeurs de mémoire
Ce montage photo, réalisé par les élèves de 4e D du collège
Pierre-Aguiton de Brécey, a reçu cette année le Prix de l'illustration. Il est très représentatif du travail réalisé par les collégiens
pour cette opération Classes-presse 2014, où beaucoup sont
allés interroger leurs grands-parents, arrière-grands-parents ou
autres anciens qui ont vécu le Débarquement et la Libération, il
y a 70 ans de cela. Ces témoins (à l’instar de Claudine Grould,
Louis Couëtil et Odette Lelandais, de g. à d.) sont allés fouiller
dans leur mémoire, leurs photos, leurs archives, pour transmettre aux jeunes d'aujourd'hui leur histoire dans la grande Histoire.
Ils se souviennent de ces jours-là
Ces habitants de Pontorson et des alentours nous livrent leurs souvenirs d'enfant,
d'adolescent ou de jeune adulte sur l'Occupation et la Libération.
Jeanne, 13 ans en 1944
Lors du bombardement de Saint-Hilairedu-Harcouët, j'étais seule avec ma petite
sœur de 4 ans. Je voulais sortir de la maison car je craignais que les murs nous
tombent dessus. J'ai pris ma petite sœur
dans mes bras, avec un drap sur elle pour
la protéger. Dehors, les gens criaient et
couraient. Je pleurais. J'ai retrouvé ma
mère deux rues plus loin, mais j'ai perdu
mon père. Aujourd'hui encore, je sursaute
en entendant des bombes à la télévision.
Raymonde, 22 ans en 1944
Je travaillais comme commis dans une
ferme près de Coutances. Quelque temps
avant les bombardements, les soldats allemands sont arrivés pour réquisitionner la
ferme de mes patrons. Ces derniers se
sont réfugiés dans l'étable. Nous ne savions rien de ce qui allait se passer. Il nous
arrivait d'être brutalisés par les Allemands : un jour, j'ai reçu un coup de
crosse sur la tempe.
Au milieu de la journée du 6 juin 1944, il
y a eu beaucoup d'avions dans le ciel, et
les bombardements ont commencé. Je
suis allé me cacher dans la ferme des voisins. Après les bombes, il ne restait plus
grand-chose. Dans les jours suivants,
Roger et Pierre Leboulanger racontent à
leur petit-fils l'exode lors de la Seconde
Guerre mondiale.
Le 12 juillet 1944 reste
une date importante
dans la mémoire de la famille Leboulanger. Alors
qu'ils s'en allaient à pied
moudre du grain dans un
moulin de La ChapelleEnjuger, « une pluie de
18 obus s'est abattue à
50 mètres de nous.
Pierre et Roger Leboulanger
Nous nous sommes caraconte l'exode…
chés dans les fossés et
suite à cet épisode, nous avons décidé de fuir », se rappellent les deux frères.
Roger et Pierre Leboulanger avaient 12 et 16 ans lors de cet
exode. Ils sont partis avec leurs trois frères et sœurs, leurs parents et leur grand-mère. « Les deux chevaux et les deux ânes
que nous avions avaient été tués lors des bombardements,
et nous sommes donc partis à pied », explique Pierre.
Louise, 6 ans en 1944
Nous habitions à Amiens, pris dans un
bombardement. Nous avons assisté à une
scène terrible : la mort de cette maman,
tenant encore son petit garçon qui pleurait. Nous avons été recueillis par la CroixRouge. Muette pendant trois ans, j'ai
reparlé quand mon papa et mon frère sont
revenus du camp de Dachau. Mais mon
autre frère Raymond et mon cousin Julien
ont été tués par les Allemands.
Lorsque nous sommes rentrés, nous
n'avions plus de maison ni de nourriture.
Un prêtre nous a accueillis à bras ouverts
à Amiens. J'ai beaucoup souffert jusqu'à
l'âge de 20 ans. Mon petit frère était tout
pour moi, il était de mon devoir de le protéger.
« Dis papy, c'était
comment la guerre ? »
Jean (au 1er plan à gauche),
posant le 1er août 1944
avec des soldats américains.
nous avons vu des convois de soldats
américains. C'était la première fois que je
voyais des hommes de couleur.
Jean, 22 ans en 1944
Je tenais une boulangerie dans un village près de Saint-James. Tous les jours,
je voyais passer les Allemands. Ma boulangerie a manqué d'être détruite suite à
une bombe qui est tombée à proximité.
J'ai perdu des proches, en particulier mon
oncle. Aujourd’hui, c'est toujours difficile
pour moi de parler de cette époque.
■ 500 km à pied
Je me rendais régulièrement à Paris voir
la famille avec des valises remplies de
viandes et d'autres denrées avec la peur
d'être arrêtée. J'ai vécu des mitraillages et
des bombardements à Pontorson et à Folligny en 1944.
Françoise, 18 ans en 1944
Je travaillais dans la boucherie de mes
parents. Les soldats allemands ne nous
ont jamais manqué de respect. Une petite
histoire m'est arrivée : j'étais sortie avec
une jupe écossaise, et un jeune soldat m'a
dit : « Écossais kaput ! ». Je lui ai répondu :
« Non, Écossais venir par là-haut et tatatatata ».
Dessin d’Ophélie Perrotte, collège
Guillaume-Fouace, St-Vaast-la-Hougue.
Ils sont partis avec les voisins qui avaient un cheval pour
transporter le peu de bagages et de nourriture qu'ils avaient. Ils
sont restés ensemble jusqu'à Buais (Sud-Manche) et ont ensuite pris les convois qui étaient tirés par des chevaux des
gens de la commune jusqu'à Vouneuil-sur-Vienne (près de Poitiers). Ils étaient nourris et logés gratuitement dans des centres d'accueil. Ils ont continué à pied pour arriver le 7 août 1944
à Haims, dans la Vienne, à 500 km de chez eux.
Pendant presque quatre mois, toute la famille a travaillé dans
trois fermes différentes pour être nourrie et logée. Le benjamin,
Roger, vivait avec sa mère dans une ferme, les quatre autres
frères et sœurs étaient dans la deuxième, et le père était tout
seul, dans la dernière. « Ce qui nous inquiétait, c'était de voir
les gars du maquis se promener en plein jour avec des mitrailleuses, des fusils, des revolvers et des grenades », a
écrit Pierre sur son journal de bord.
Le 27 octobre 1944, ils ont pris la route du retour avec la
charrette d'un mécanicien. Mais à Pont-Hébert, le pont était
détruit. L'aîné de la famille, Raoul, est donc parti à vélo demander de l'aide à son oncle pour qu'il vienne les chercher.
Lorsqu'ils sont rentrés chez eux, la ferme était encore habitable, car leur oncle s'y était installé trois semaines après leur
départ, et a ainsi pu la préserver. Raoul, lui, est retourné dans
la Vienne car pendant ce voyage, il avait rencontré l'âme sœur.
Il y a vécu 60 ans.
Marin Iziquel, collège Jean-Monnet, Marigny
Classes-presse - Mai 2014 - 5
 Passeurs de mémoire
L’enfance trimballée sur les routes, sous les bombes…
Le 6 juin 1944, les Américains et quelques Français débarquent
en Normandie pour nous sauver de l'occupation allemande. Deux
rescapés de cette époque, Jeanine et Paul témoignent…
Quel âge aviez-vous pendant le Débarquement ?
Quelle a été votre première
réaction ? Pourquoi ne vous
êtes-vous pas enfuis ?
Jeanine : J’étais âgée de
10 ans lors du Débarquement,
j’en avais même très peur. Habitante de Saint Lô, j'ai dû
vivre l'exode à cause des
bombardements, car ma ville
natale a été détruite à 80 %.
L'exode consistait en une
marche d'environ 30 km par
jour pour fuir les bombardements.
Paul : Moi, j’étais âgé de
18 ans le 6 juin 1944. J’étais
très surpris du bruit des moteurs d’avions et par les ombres des parachutistes (ils
étaient 18 par avion de modèle
C-47), et en même temps heureux de savoir qu’une nation
venait nous délivrer. Je ne me
suis pas enfui car les Américains avaient bouclé la ville. De
toute façon, je devais travailler
à la ferme de mes parents.
■ « Nous étions
des nomades »
Votre père était-il parti à la
guerre ? Où vous cachiezvous et où viviez-vous ?
Jeanine : Mon père n'y est
pas parti, il était prisonnier de
guerre depuis trois ans, donc
c'est ma mère qui me protégeait
dans plusieurs logements. Nous
étions des nomades. Je vivais
dans des fermes rencontrées en
chemin, où nous avons été accueillies avec ma mère et d'autres personnes. Le manque de
place dans les fermes nous obligeait à dormir dehors à côté des
haies. Ma mère travaillait pour
être nourrie par les fermiers, sinonn nous devions nous trouver
de la nourriture nous-mêmes.
Dans une des fermes, nous
avions retrouvé un oncle et un
cousin, un bon moment dans
cette période de galère.
Paul : Je vivais avec mes
frères et mes parents à la
ferme. Des Allemands avaient
réquisitionné deux de nos
chambres, j’avais une sorte de
haine de vivre aux côtés de
mes ennemis. Sinon, je me cachais avec mes frères et mes
amis dans un fossé recouvert
de branches et de feuilles pour
se protéger des tirs de mortiers.
Comment se déroulaient
vos journées pendant le Débarquement ? Vous ennuyiez-vous souvent ?
Jeanine : Mes journées
étaient entre guillemets banales, à part les bombes. J'es-
Un vélo d’époque !
sayais de jouer en compagnie
des enfants. L’ennui n'était pas
présent à cause de l'exode durant pas mal de temps.
Paul : Je me cachais et je
travaillais à la ferme, et le soir
je jouais aux cartes avec mes
amis.
Avez-vous vu des soldats
allemands ? Avez-vous vu ou
entendu des coups de feu ?
Jeanine : J'ai vu beaucoup
de soldats allemands, américains et étrangers, des corps
jonchant le sol, et aussi des
bombes sifflantes et effrayantes détruisant de beaux
bâtiments. Une scène affreuse
à vivre, surtout pour mon âge.
Paul : Oh oui, j’en ai vu
beaucoup de ces Allemands,
et surtout des mortiers, des
bombes, des grenades, j’en ai
gardé ici.
Jeanine Groult avait 10 ans au moment du
Débarquement.
À 88 ans, Paul Paquet conserve des souvenirs
intacts de cette période douloureuse.
■ Un moment
de bonheur ?
Jeanine : Le moment de
cette guerre que j'ai préféré,
c'est en arrivant à Reffuveille,
l'accueil des fermiers qui nous
ont tout de suite mises à l'aise.
À la fin du siège allemand, les
Américains sont venus avec
leurs camions pour ramener
les survivants dans un de leurs
camps où on était nourries et
logées. Ma mère, Suzanne, a
refusé d'y rester, donc elle a
pris l'initiative de quitter le
camp pour retrouver son habitation. Le long de notre route,
des corps jonchaient le sol,
mais en rentrant chez nous,
nous sommes tombées sur
des jambons abandonnés par
des soldats allemands qui
avaient pris notre maison
comme camp et qui ont fui rapidement.
Paul conserve chez lui de nombreuses reliques du Débarquement, dont des casques et des armes.
« Papa, on est ti mort ? »
Solange Benoît, adolescente lors du Débarquement, vivait avec sa
famille à Equeurdreville. Ses souvenirs sont toujours intacts.
Romain Marcheron
et Evan Calas, 4e A,
collège Ferry, Querqueville
Sous l’occupation allemande
« Les familles ont su que la
guerre était déclarée grâce
aux sons des cloches qui retentissaient dans la ville. Des
personnes l’ont aussi su au
moment où un membre de
leur famille a reçu une lettre
de mobilisation. » Solange
Gilot de Lingreville et Marthe
Levavasseur de Dragey se
souviennent. Leurs communes
respectives ont toutes les
deux recueilli des réfugiés de
Saint-Lô qui fuyaient la répression allemande.
« Notre famille a construit
une tranchée le long d’une
butte : elle pouvait s’y réfugier, mais heureusement, les
bombardements étaient très
rares dans les petites communes. Les Allemands occupaient aussi les maisons »,
explique
avec
émotion
Mme Gilot. « Les Allemands
se sont approprié nos maisons, ils occupaient nos
chambres mais également
les autres pièces de la maison ». Marthe raconte : « Un
jour, un soldat allemand
s’est approché du berceau
de ma sœur et a pleuré ».
■ « On n'oubliait pas
la messe »
Pendant la journée, les soldats allemands patrouillaient
6 - Classes-Presse - Mai 2014
les lumières devaient être impérativement éteintes.
■ « On dissimulait
le beurre
sous nos blouses »
Solange Gillot se souvient de
l'occupation allemande dans
son village de Lingreville.
dans la ville, principalement à
Saint-Lô et Coutances. Donc,
les familles étaient surveillées
et ne pouvaient pas faire ce
qu'elles voulaient.
Durant cette journée, elles
effectuaient leurs activités
quotidiennes : elles pouvaient
se promener dans la rue sans
problème. Les enfants allaient
toujours à l'école. « On ne sortait pas beaucoup pendant la
journée, mais on n’oubliait
pas la messe de 7 heures »,
explique Solange.
Cependant le soir, le couvrefeu étant à 21 heures, il était
impossible de sortir plus tard,
Le petit-déjeuner était souvent constitué de pain, de lait,
de crêpes. Le déjeuner et le
dîner étaient parfois composés
de viande, de beurre et d'un
seul paquet de café par personne, car les rations étaient limitées à cause des bons ; les
bons existaient pour toutes
sortes de produits. À la ferme,
lorsqu'ils avaient des vaches,
les agriculteurs vendaient leur
beurre. « Il était dur se nourrir car il fallait des bons pour
tout », raconte Marthe. Les Allemands, qui ne souhaitaient
pas que les fermiers vendent
leurs produits, réquisitionnaient leur beurre : « On
échangeait du blé contre du
pain et on dissimulait sous
nos blouses le beurre pour le
vendre », nous a confié Solange.
À la libération, la commune
de Dragey a accueilli l’armée
de Patton pendant environ un
mois.
Cassandre Louis
et Marie-Amélie Bisson
4e Bleue, Granville
Solange Benoît « On a vu des avions de parachutistes canadiens dans le ciel... »
« Un jour, nous sommes partis de notre maison
Mon grand frère fut pris pour un espion des
qui était à Equeurdreville et à notre retour, des
Allemands et les Américains l'ont arrêté. Ils ont
bombes l'avaient détruite. Nous avons dû loger
mis un certain temps avant de le relâcher.
dans une autre maison à Urville-Nacqueville.
Les Allemands venaient dans les maisons
C'était plus pratique de vivre à la campagne, car
pour prendre les radios et tout objet de comla vie y était moins pénible, mais c'était tout de
munication.
même des conditions difficiles : on avait à manUne femme ayant trois enfants a été blessée
ger 271 g de pain par jour, des pommes de terre
par une bombe. Elle a trouvé refuge chez nous,
issues de nos récoltes et du lait.
et nous avons essayé de la soigner tant bien que
J'avais 13 ans lorsque les Américains ont démal. Mais elle est morte sur la route en direction
barqué, on entendait les bombes siffler, et notre
de l'hôpital.
père nous disait que lorsqu'elles sifflaient, elles
Les Allemands n'étaient pas tous désagréane nous atteindraient pas. J'entends encore ma
bles. Un jeune Allemand nous donnait des bonpetite sœur demander à mon père : « Papa, on
bons.
est ti mort ? »
L'accès à la plage était interdit, l'école était
On a vu des avions de parachutistes canaprise par les Allemands et les Américains
diens dans le ciel, et l'un d'entre eux s'est
avaient fait un camp de prisonniers, mais la Liécrasé dans un champ pas loin de chez nous.
bération était proche. On le sentait… »
Je me rappelle qu'il y avait trois Canadiens
morts. On récupérait la toile des parachutes
pour faire des vêtements, et ma mère nous faisait des corsets, je détestais ça !
Soraya Mazirt et Lucie Nothommes, 4e B,
collège Le Hague-Dick, Beaumont-Hague
 Passeurs de mémoire
Et les friandises débarquent !
La Seconde Guerre mondiale a pris fin grâce à l'aide précieuse des soldats américains.
Mais l'histoire n'est ni toute noire ni toute blanche. Certaines personnes les ont vus
comme des héros, et d'autres pas…
Claude Fauvel, 77 ans,
chaudronnier à la retraite,
n'avait que 4 ans lors du Débarquement. Pourtant, certains souvenirs remontent à la
surface. Comme marqués au
fer rouge. « Nous avions dû
quitter Equeurdreville dès
les premiers mois de guerre.
Nous nous étions tous réfugiés chez ma grand-mère
qui avait une ferme à Benoistville. Nous y avons
passé toute la guerre jusqu'à
la Libération. »
Le Débarquement et l'arrivée
des premiers Américains ont
été vécus comme un soulagement. Mais c'était effrayant
aussi, comme en témoigne
Christiane Delauney, 8 ans à
l'époque. « À cause des grondements sourds et infernaux, j'avais l'impression
qu'on allait être engloutis : ils
y avaient des tirs sans interruptions ! » Elle était seule
avec sa mère et ses frères et
sœurs dans son petit village à
Brix, son père était prisonnier
en Allemagne.
« Les gens étaient heureux
de voir les soldats américains arriver, se souvient l'ancien chaudronnier. On savait
qu'ils venaient nous libérer. Mon frère et moi (âgé de
7 ans à l'époque) les aidions
à se repérer car ils se perdaient souvent ! » Les soldats
distribuaient facilement des
friandises aux enfants. « D'ailleurs, mon frère construisait
une boîte en carton, il se
postait devant la maison et
Claude Fauvel, 77 ans, ancien chaudronnier, en
photo avec son petit frère.
attendait le passage des
Américains qui lui déposait
des bonbons dedans ! »
Pour Claude Fauvel et les
enfants de l'époque, les Américains sont des héros. Les enfants, privés de friandises et
de chocolat pendant les années de guerre, l'arrivée des
Américains, c'est le retour du
plaisir et la découverte du chewing-gum !
■ Un autre son
de cloche…
Mais pour les adultes, c'était
plus compliqué que ça…
Claude Fauvel nous explique :
« La plupart des gens étaient
surpris de voir des soldats
de couleur dans les rangs.
C'était pour certains la première fois qu'ils voyaient des
noirs, même s'ils en avaient
déjà entendu parler. Les
gens étaient choqués du
comportement de certains
militaires US vis-à-vis d'eux.
Christiane Delauney avait 8 ans au moment du
Débarquement.
Ils étaient traités comme des
esclaves, et les tâches ingrates leur étaient réservées. »
En 1944, les troupes noires
américaines subissaient la ségrégation, car non seulement
le noir était obligé de servir
dans une armée régie par les
lois ségrégationnistes, mais la
nourriture qui lui était allouée
et les quartiers où il était logé
étaient toujours de piètre qualité, comme l’était également la
formation militaire qu’il recevait.
De plus, on retrouve dans les
documents administratifs de
l'époque signés pour certains
par le commandant Bouloc,
des crimes de soldats américains non punis : viols, vols et
autres…
Alors ces Américains, héros
ou pas ?
Lisa Grisel
et Léa Kermorgant
c. Le Corre, Equeurdreville
La guerre vue par les femmes
Le point de vue des femmes sur la guerre est différent des
témoignages des soldats. L'occupation a bouleversé leur
quotidien. Trois femmes de Bricqueville-sur-Mer témoignent.
Liliane, 6 ans à l'époque :
« Le bouche à oreille concernant la guerre devenait de plus
en plus fréquent, et nos
craintes furent confirmées
lorsque le tocsin retentit. Les
radios nous avaient averties
que la guerre allait éclater.
Heureusement, nous avons
été isolées de la guerre.
Contrairement aux citadins,
nous n'avons pas vécu la faim
grâce à la ferme qui nous apportait tout le nécessaire. Cependant, nous bénéficiions
quand même de tickets de rationnement. »
Nicole, 8 ans lors de la
guerre : « On avait peur sans
avoir peur car on ne savait pas
ce qui allait se passer. Un jour,
les Allemands ont traversé la
cour, c'était de début de l'Occupation. Par la suite, le couvre-feu,
les
tickets
de
rationnement faisaient partie
de notre quotidien. Nous nous
éclairions à la bougie que nous
fabriquions nous-mêmes à
base de graisse de porc fondue, d'une ficelle pour faire la
mèche ; une pompe à vélo servait à les mouler. Nous devions
aussi fabriquer nos propres
savons.
Un après-midi, mon père a
vu les Allemands traversant la
cour afin d'atteindre les chars
qui se situaient dans un
champ pas très loin. Il a aussi
remarqué un jeune allemand
attristé. Celui-ci a réussi à lui
faire comprendre qu'il ne vou-
Avec l'arrivée des Américains, les petits Français retrouvent le
plaisir des friandises et découvrent le chewing-gum.
Les Allemands et les Américains
sont passés dans la maison de Paulette
Paulette Lemoine, âgée de 75 ans, témoigne de sa vie à l'époque
du Débarquement. Habitant à Cérences, dans une ferme sur la
route de Lengronne, elle était à cette époque âgée de 5 ans.
Son père étant parti à la
guerre huit jours après sa naissance, le 3 septembre 1939,
elle vit avec sa mère et sa
tante. La guerre est déclarée le
jour de son baptême. Les
cloches de l’église de Cérences sont arrêtées pour faire
sonner le tocsin qui annonce la
guerre. Son père est rapidement fait prisonnier dans une
ferme allemande, de 1940 à
1945. Une première permission lui est accordée en 1944,
Paulette est alors âgée de
quatre ans et demi.
En 1943, elle a assisté à une
scène de pillage, chez elle.
« Les Allemands tenaient ma
mère et ma tante en joue
pendant que les soldats prenaient et fouillaient toute la
maison. Ils ont tout pris, les
draps brodés, le linge, les bijoux précieux de ma mère…
Tout ce qui leur plaisait ? »
La maternelle n'existant pas,
Paulette n'est allée à l'école
qu'à l'âge de 6 ans. Elle ne
s'est pas tout de suite rendu
compte de ce qui se passait.
« Je voyais ma mère avoir
peur et je sentais qu'il se
Paulette Lemoine se souvient
d’une scène de pillage chez
elle par les soldats allemands.
passait
quelque
d'anormal. »
chose
■ Les Américains
dans l'étable
« En 1944, les Américains
ont débarqué avec un escadron dans la cour de la
ferme, et ils ont installé leur
commandement dans l'étable de nos vaches Ils y sont
restés pendant deux-trois
mois. » Paulette, à son âge, ne
fait pas la différence entre les
Allemands et les Américains
qui viennent juste de débarquer. La peur est identique.
« Je me souviens que les
avions lançaient des obus
sur le pont de Cérences.
Mon grand-père, qui avait
peur pour moi, est venu me
chercher en vélo pour m'emmener en « sécurité »,
comme il disait, chez lui. Il
habitait sur la route de Bréhal, poursuit-elle. Quand nous
sommes passés sur le pont,
à 500 m derrière nous, un
obus est tombé et a détruit
le pont ».
Dans cette période, un officier américain s'est pris d'amitié pour elle. « Je ressemblais
à sa fille. Je le suivais partout… »
Aujourd'hui, Paulette ne
parle pas de cette période. La
classe-presse lui a permis de
se souvenir et de raconter son
histoire à sa petite-fille. Cette
période restera gravée dans sa
mémoire…
Véronique Pasturel
et Cécile Lemoine
Montmartin-sur-Mer
« On a vécu l'Exode
avec les patients du Bon Sauveur »
Nicole, Marie-Thérèse et Liliane se remémorent l'Occupation.
lait pas faire la guerre, et qu'il y
était obligé. Ceci marqua mon
père jusqu'à la fin. Mon père
connaissait des Russes et des
Polonais qui se cachaient. Il
les nourrissait tout en gardant
une certaine discrétion, il devait éviter que les Allemands
ne les remarquent et les arrêtent. Un jour, mon père est
parti leur donner à manger,
mais ils n’étaient plus là. Il supposa alors qu'ils étaient partis
se réfugier en Amérique. »
Marie-Thérèse, 24 ans à
l'époque : « Le soir pour nous
occuper, on avait le choix entre
tricoter et filer la laine. Pendant
la journée, nous travaillions
dans la ferme, les conditions
étaient dures, à cause du froid.
Pour y remédier, nous avons eu
l'idée de faire chauffer des
cailloux, et de les mettre dans
nos poches, cela nous permit
de nous réchauffer les mains. »
■ Le débarquement
américain
Nicole et Liliane, deux
sœurs, et Marie-Thérèse, leur
amie, témoignent enfin du Débarquement des Américains.
Les cloches se sont mises à
sonner. Elles se souviennent
avoir vu les Américains arrêter
des Allemands. Marie-Thérèse
se rappelle de la venue du général De Gaulle à Bricquevillesur-Mer. Deux de ses oncles
partis pour la guerre ne sont
jamais revenus, un autre qui
avait été fait prisonnier fut libéré au bout de 5 ans.
« Bien que préservées, la
guerre nous a tout de même
gâché notre jeunesse. »
Alison Teffaut, Shannon
Germanicus, Emilie
Roupnel, c. Les Courtils,
Montmartin-sur-Mer
TémoignagedeSœurLamache,anciennesœurde
la fondation du Bon Sauveur, sur l'Exode de 1944
Lors de l'Exode, vous rappelez-vous combien de malades
vous
accompagnaient ?
On était séparés en plusieurs
groupes, mais il y avait environ
600 patients, 60 employés et
90 religieuses.
Et à la fin de la guerre ?
Nous n'avons pas connu
beaucoup de décès, mais je
crois me souvenir qu’une sœur
est morte dans une expédition
pour aller chercher des médicaments, puis des malades
que nous n'avons pas pu sauver. Après, il y avait des sœurs
restées sous les décombres
de l'hôpital.
Aviez-vous été prévenues
qu'il fallait évacuer l'hôpital ?
Oui, nous avons reçu l'information deux jours auparavant.
J'étais partie à l'avant pour cher-
cher des fermes, des granges
pour nous loger. Je me souviens
avoir prononcé toujours la
même phrase aux propriétaires :
« Auriez-vous quelque chose
pour la soupe ? Combien
êtes-vous ? 70 ! ».
Comment
avez-vous
réussi à soigner les malades
et les instables ?
Nous disposions de médicaments emmenés lors de notre
départ subit. Quant aux malades instables, ils étaient attachés entre eux avec une corde
ou portés sur des brancards.
De quoi vous manquiez le
plus ?
Contrairement à ce que les
gens pensent, ce n'est ni de
nourriture, ni d'eau, mais de
manque de place et d'hygiène.
Alors là, ce n'était pas très
propre et je n'ai pas pu me
Sœur Lamache en 1944.
coiffer pendant 15 jours, puis
on ne se changeait pas.
Aviez-vous peur ?
Évidemment, nous avions
peur, la mort était tout près.
Nous la côtoyions avec les
morts, nous étions tellement
préparées à mourir que nous
étions presque déçues d'être
encore en vie.
Anaïs Montaigne, Anaïs
Tirel, Ludivine Gratraud
c. Interparoissial, Saint-Lô
Classes-Presse - Mai 2014 - 7
D É C E M B R E 2013
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6 JUIN 2014
70 ANS
1944
•••
2014
DE PAIX PARTAGÉE
AVRIL 2014 – ILLUSTRATION © NOËLLIE BRUN
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dans l’Histoire
De mai à septembre,
au Musée du Débarquement
à Utah Beach (Sainte-Marie-du-Mont)
TÉMOIGNEZ AUSSI EN LIGNE SUR :
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6 JUIN 2014
70 ANS
1944
•••
2014
DE PAIX PARTAGÉE
 Des hommes dans la guerre
Quand le courage se transforme en amitié
Rien ne prédestinait Marcel et Albert à se rencontrer. Une forte
amitié va naître entre le para américain et le paysan normand, à
partir du 12 juin 1944.
Peu après le Débarquement des alliés
américains, à Muneville-leBingard,
les
soldats
allemands ont envahi le village.
Marcel Bollag se
réfugie donc dans
une ferme, où il rencontre Albert Ourselin. Ce dernier se lave
les mains à une pompe devant la maison, et c’est à ce moment-là que
l’Américain en profite pour lui demander : « Pouvez-vous m’aider à m’évader ? » Étonné que
l’homme parle français, il lui répond qu’il préfère
demander à sa femme avant de lui donner sa réponse. Peu de temps après, Albert revient vers
Marcel et laisse tomber un morceau de papier
plié, où est inscrit : « À minuit, cachez-vous
derrière la haie du jardin, je serai là. »
■ Sous les yeux de l’occupant
À minuit, Albert est là. Alors qu’il fait nuit noire,
Marcel le suit, accompagné d’un de ses copains. Il les emmène dans sa maison, où il leur
donne à boire et à manger. Pendant plusieurs
jours, Marcel se fait passer pour un civil français.
Vêtu des plus mauvais habits trouvés dans la
maison, il aide à la forge. Les jours suivants, il
donne un coup de main à Albert pour ferrer ses
chevaux et au passage quelques-uns des
troupes allemandes. Après quelques jours, il devient un véritable forgeron, avec le visage crasseux, qui remplace son camouflage du Jour J.
La forge se trouve à proximité d’une maison,
transformée en un hôpital pour l’armée allemande. Le va-et-vient des soldats allemands inquiète de plus en plus Albert Ourselin : il a peur
que l’Américain ne se fasse repérer, risquant la
vie des villageois. Après s’être renseigné auprès
des forces de la résistance locale, Albert fait traverser la mer de la Manche à l’évadé, de Gouville jusqu’à l’Angleterre. Pour cet acte de
courage, Albert Ourselin a été récompensé d’un
diplôme signé du Général Eisenhower.
Leur histoire ne fait que commencer. En effet,
Albert Ourselin et sa famille sont restés en
contact avec le soldat américain. Ce dernier
sera présent aux funérailles d'Albert Ourselin en
1981. Et jusqu'à son décès, en janvier 2013,
Marcel Bollag reviendra régulièrement en Normandie.
Collège Jean-Paul-II, Coutances
Albert Ourselin photographié près de la pompe dans la ferme voisine de Niétot, d'où il fit évader
Marcel Bollag et son copain John Kersh (Photo Henri Levaufre, 1976).
Un aviateur américain caché à Vernix Prisonnier quatre ans au Stalag III A
Il y a 70 ans, au Débarquement, un Américain a été protégé par
un agriculteur à Vernix pendant 52 jours.
René Briant (fils d'Auguste Briant), aux côtés d'un portrait de Weston Leunox.
René Briant a 12 ans lors du Débarquement.
Aujourd'hui, il en a 82. Il nous raconte de vive
voix l'histoire de son père. Celui-ci s'appelle Auguste Briant, il est agriculteur à Vernix. Le 6 juin
1944, le matin du Débarquement, il se souvient
avoir vu des avions américains qui « ronflent »
dans le ciel. Les Allemands abattent un appareil
américain, et son pilote a eu le temps de sauter
en parachute. L'appareil s'abat dans un champ.
Voyant un bâtiment, le parachutiste se précipite
pour se cacher. Mme Pichon, la voisine, est aux
champs quand elle aperçoit au loin un soldat qui
se dirige vers la grange de M. Briant.
■ Les présentations
Dans l'après-midi, Mme Pichon va avertir Auguste, pensant qu'il s'agit d'un Allemand. Le soir
même, il essaye de découvrir l'intrus qui se camoufle sous la paille dans sa grange. Après
avoir remué plusieurs fois la paille, il aperçoit un
homme avec un revolver. Celui-ci voit l'agriculteur en civil, baisse son arme, s'approche et lui
serre la main. Il se présente au cultivateur. Il
s'appelle Weston Leunox, il a 24 ans, il vient
d'Amérique. M. Briant lui fait comprendre qu'il
peut rester. Il va chercher des provisions et lui
présente sa femme.
■ La cachette
Le lendemain, Weston Leunox lui demande :
« Où suis-je ? Quelle est la gare la plus
proche ? ». M. Briant lui répond : « Vous êtes à
10 - Classes-Presse - Mai 2014
Vernix, vous ne pouvez pas partir à cause des
Allemands ». Auguste vient tous les soirs le ravitailler et le sortir. Au bout de 9 jours, pour plus
de sécurité, il l'installe dans un tonneau qui est
dans une cabane près de chez lui. Weston y
resta 42 jours. René et le reste de sa famille
ignorent qu'il est près de leur maison jusqu'au
31 juillet.
■ La libération
Les Américains étant à Tirepied, M. Briant prévient Weston. Le soir même, le major Lenox
tente de rejoindre ses camarades, il tombe sur
une embuscade de trois Allemands, il en tue un
mais les deux autres le poignardent. Weston
rentre chez M. Briant. Auguste le soigne comme
il peut. Le lendemain matin, Auguste va au camp
américain de la Croix-rouge. Accompagnée de
M. Briant, l'armée américaine vient sur place reconnaître son compagnon. Il est soigné à l'hôpital de Saint-Lô, puis transféré en Angleterre
pendant plusieurs mois pour se rétablir. Auguste
ne sait alors pas si Weston a survécu à ses blessures.
Un matin en janvier 1945, il reçoit une lettre
venant de l'étranger. Il lut la lettre écrite par Weston Leunox avec beaucoup d'émotions. Il est en
vie.
Laurence Debon, Louise Patfoort
Lauriane Alexandre, Anastasia Balayn
4e D, collège Georges-Brassens, Brécey
Malgré ses 94 ans, Marcel Leplé, résidant à Tirepied, se souvient
de son vécu pendant la guerre.
Né le 6 mars 1920 à SaintLaurent-de-Cuves, Marcel est
domestique jusqu'à ses 20 ans
dans cette même commune.
Après l'invasion de la France
par
les
Allemands
en
mai 1940, Marcel est fait prisonnier le 20 juin de la même
année. « Alors que j'étais
dans la Somme pour acheter
du blé, je me suis retrouvé
encerclé par de nombreux
Allemands armés de mitraillettes », déclare-t-il.
Marcel est emmené à Dortmund en Allemagne, où on
l'oblige à travailler dans une
usine : « Les usines allemandes sont plus modernes
qu'en France », dit-il.
Quelques jours plus tard, un
volontaire est demandé pour
travailler dans une écurie. Marcel s'y résout et part au stalag
III A. « Dans cette écurie,
j'étais bien nourri et bien
chauffé. » Là-bas, il rencontre
une jeune fille qui lui apprend
l'allemand.
Marcel nous raconte :
« Deux de mes amis ont
tenté de s'échapper. Le premier a réussi, l'autre a eu de
graves ennuis. » Marcel n'est
pas effrayé par les Allemands,
même si ces derniers fouillent
partout par peur de trouver
des armes, des bombes ou
autre…
Le 7 mai 1945, les Américains le libèrent, après qu'il a
passé quatre ans sans voir sa
famille : « Je pouvais seulement leur envoyer des lettres. »
Trois jours après, Marcel est
de retour chez lui à Saint-Laurent-de-Cuves, après un long
voyage dans des wagons à
vaches. Un souvenir un peu
confus l'a particulièrement
marqué : « J'ai vu des gamins
d'une dizaine d'années manier des armes à feu. »
Noémie Roblin, Laurène
Samson, Océane Bainée
et Jasmine Charki, 4e D
collège de Brécey
À gauche, portrait pris le 17 mars 1942 au Stamag III A. À droite,
Marcel Leplé dans son domicile, le 29 mars 2014.
Qu'est-ce que le Stalag III A ?
Contrôlé par l'Allemagne nazie, le Stalag III A est un camp de
prisonniers situé à Luckenwalde, dans le Brandebourg au sud
de Berlin. Des prisonniers de différentes nations y sont retenus : des Français, des Américains, des Russes, des Roumains
et bien d'autres encore.
Ce site a été créé pour accueillir près de 10 000 hommes, et
il est considéré comme un modèle pour les autres camps d'Allemagne.
Illustration de la 4e A du collège Jules-Ferry, Querqueville
 Des hommes dans la guerre
Un jeune Anglais de 17 ans en première ligne
Ernie décide en 1941 de suivre l’exemple de son frère aîné, engagé dans la Navy. Malgré
son jeune âge, il participera au débarquement du 6 juin 1944 à bord du HMS Melbreak.
■ « Je suis bien trop naïf »
« Mars 1941, la guerre a commencé depuis 18 mois, c’est enfin
mon tour d’y participer. Âgé de 17 ans et demi, en bonne santé,
je suis prêt à m’engager.
Je décide d’aller m’enrôler dans la Royal Navy. J’entre dans le
bureau d’inscription où un homme en uniforme de Petty Officer attire mon attention. Il me regarde et me dit :
- Bonjour jeune homme. Que puis-je faire pour toi ?
- Je souhaiterais rejoindre la Navy, dis-je très vite.
Il m’accueille à bras ouverts.
- Assieds-toi. Veux-tu un thé ?
Quelle prévenance, j’ai déjà un traitement de faveur, alors que
je ne fais même pas encore partie de la Navy ! Mais je suis bien
trop naïf de penser qu’il va en être ainsi tous les jours.
- Alors, tu veux être marin ? Bien. Tu n’aurais pas pu trouver
mieux. Pour le moment, nous cherchons des hommes seulement
pour de courts services, sept ans sous les drapeaux et cinq
comme réserviste.
La guerre va-t-elle durer si longtemps ? On dit pourtant qu’elle
va se terminer vite.
Je passe ensuite des examens physiques et médicaux et un
test psychologique.
Je veux rejoindre mon frère qui a 20 ans et qui est engagé depuis 1938. Il sert sur le HMS Liverpool. Je le retrouve à Scapaflow, où sont rassemblés les bateaux. »
Le HMS Melbreak.
■ « J’ai du mal à croire
que la mer peut être aussi vaste »
« Une fois arrivé au port, j’observe pour la deuxième fois de ma
vie la mer. J’ai du mal à croire qu’elle peut être aussi vaste. Je n’ai
jusqu’alors jamais vu un navire de guerre. Mon sac sur le dos, je
monte à bord. Je suis très impressionné par sa taille. Le bateau
s’éloigne des côtes, c’est ma première expérience maritime.
Je me présente au capitaine. Il me désigne mon poste : mitrailleur. Puis on m’indique mes quartiers où je retrouve mon frère,
stupéfait de me voir.
- Que fais-tu ici ?
- Je suis venu faire la guerre. Comme ce navire est grand !
- Tu es stupide, tu vas bientôt regretter ta décision. »
■ « 6 juin 1944, je ne suis plus le jeune homme
qui vient de s’engager »
« 3 juin 1944, nous sommes consignés à bord du HMS Melbreak en attente du départ vers la France. Personne ne peut quitter le navire.
5 juin 1944, nos supérieurs nous informent de notre mission du
lendemain. C’est une longue soirée d’attente, pleine d’anxiété.
Nous avons tous du mal à nous endormir. Finalement, le soleil
commence à percer les nuages. C’est la fin de la tension sur tout
le navire.
6 juin 1944, je ne suis plus le jeune homme qui vient de s’engager à la Royal Navy, mais un soldat participant à la Seconde
Guerre mondiale.
La traversée est longue. Je vérifie les canons, les mitrailleuses…
Des avions nous survolent et tirent. Nous ripostons aussi. La peur
occulte toutes nos pensées. La tension est très forte sur le bateau. Nous naviguons de concert avec les autres navires anglais.
Nous voilà au milieu des combats, cela tire de partout. Nos bateaux forment un triangle en dehors duquel toutes les forces sont
ennemies.
On reçoit un message des Américains. Ils réclament de l’aide
car ils ne peuvent bombarder les Allemands de peur de blesser
leurs troupes. Pendant deux jours, nous faisons donc d’incessants allers et retours pour bombarder les troupes allemandes sur
la côte.
Un grand-père pas comme les autres
Maurice Marland était le chef de la résistance à Granville
pendant la Seconde Guerre mondiale. C’était un professeur de
français, de mathématiques et d’instruction civique. Nous avons
rencontré son petit-fils, Yann le Pennec, anciennement
éducateur, aujourd’hui à la retraite.
Yann Le Pennec est né en
1940, et a connu brièvement
son grand-père. On lui en
parle, par sa mère, par des livres, par des gens, il a commencé en 2007 un travail de
mémoire sur ce Maurice à travers les livres, les gens qui
l’ont connu, sa mère. Il se sent
porté par les mêmes idées, les
mêmes valeurs, c’est peut-être
pour cette raison qu’il a aimé
son métier. Yann est fier
d’avoir un grand-père comme
Maurice.
Mais revenons un peu en arrière… Maurice Marland enseignait dans le second étage du
bâtiment du collège Ferdinand-Buisson, qui est aujourd’hui la médiathèque de
Granville. Mais déjà avant, il
était très engagé et s’était dévoué pour les autres : il s’était
occupé aussi des orphelins de
la guerre 14-18 par exemple. Il
était très respecté, très connu
dans
Granville.
C’était
quelqu’un de très exigeant au
point de vue de l’éducation de
ses enfants, malgré son divorce. Très cultivé, il sortait
souvent avec ses élèves, subjugués par sa façon de sortir
des citations, poèmes. Il n’hésitait pas à donner quelques
corrections en classe ; un orphelin avait fait l’école buissonnière et Maurice lui avait
mis une gifle : cet élève a 84
ans aujourd’hui, et il dit encore
sentir sa joue brûler. Il était un
peu provocateur envers les Allemands, en restant très digne.
De sa classe, lorsqu’une patrouille allemande passait,
Ernie Linstead sur le HMS Melbreak. (© Famille Linstead)
Le troisième jour, notre mission est terminée. Nous escortons
les troupes à terre. Mais un navire allemand arrive droit sur nous.
Les troupes américaines ont atteint la plage… pas nous… Notre
bateau est bombardé. Je me réveille dans un lit d’hôpital.
J’ai eu beaucoup de chance. Je m’en tire avec quelques morceaux de métal dans le dos et à la tête. »
Collège Jean-Paul-II, Coutances
Qui était Georges Lavalley
maire de « la Capitale des ruines » ?
On le voit partout s'occuper de tout, pantalon relevé, pour
éviter la boue recouvrant les rues de Saint-Lô. Georges Lavalley
est l'incarnation du courage et de la volonté.
Le maire des ruines
Le bilan est catastrophique, une fois l'émotion
passée de la Libération. Saint-Lô est détruite à
80 %. Georges Lavalley a œuvré de 1944 à 1953
pour la reconstruction de Saint-Lô. Semeur
d'optimisme et de ténacité, on a vraiment l'impression qu'il commande, qu'il agit et qu'il entraîne.
Un homme de terrain
Yann Le Pennec, petit-fils de Maurice Marland.
Maurice Marland ouvrait les fenêtres et faisait chanter à ses
élèves It’s a long way to early,
une chanson anglaise contre
les Allemands.
■ Le réseau Marland
Maurice Marland constitue,
au début de la Seconde
Guerre mondiale, un groupe
de renseignements : le réseau
Marland. En mai 1943, il fait
parvenir à Londres un rapport
sur Granville et ses alentours,
notant l'emplacement des défenses allemandes. Il est arrêté
par les Allemands le 18 juin
1942 dans sa classe. Il est torturé mais relâché fin septembre 1943. À Granville, il
reprend ses activités. Le
22 juillet 1944, la police allemande l'arrête à La Croix du
Lude et l'emmène au presbytère de La Rochelle-Normande
où se trouve la kommandantur.
Pendant la nuit, les habitants
entendent des coups de feu.
Ils retrouveront le corps de
Maurice Marland sans vie,
dans un ravin.
■ Le souvenir
Il y a une stèle à la Lucerned’Outremer et à Granville, qui
le représente. Chaque année,
le 22 ou 23 juillet, une cérémonie a lieu à la Lucerne et à
Granville devant la stèle ; aussi
la randonnée Marland, chaque
année, va de la Lucerne à
Granville. Yann Le Pennec a
assisté aux cérémonies, dès
l’âge de 7 ans, les gens le saluaient, l’acclamaient… il riait
car il ne comprenait pas pourquoi.
Zeyd Ghomri et
Jean Barbier, I. Sévigné,
Granville, 4e Bleue
On voit Georges Lavalley s'occuper de tout,
pantalon relevé, pour éviter la boue recouvrant
les rues de Saint-Lô. Parmi les mesures qu'envisage Georges Lavalley pour établir une première capacité de logements pour les sinistrés,
figure la construction de grands immeubles
dans les zones à remembrer. Il apparaît en effet
qu'en raison de l'ampleur des problèmes posés
par la reconstruction, il consulte individuellement tous les sinistrés de Saint-Lô.
Reconstruction et patience
Le principe ne peut que séduire l'assemblée
municipale mais, entre le projet et la réalisation,
il y a obligatoirement un délai que Lavalley
n'imagine pas forcément. Ce délai va être de
quatre longues années.
Le buste de Georges Lavalley, ancien maire de
Saint-Lô.
Après avoir défini un périmètre d'action, le
programme de reconstruction d'urgence envisage le déblaiement des cours d'eau puis « le
maire des ruines » organise la reconstruction
des immeubles. Ce plan d'urgence est mis en
place le 15 novembre 1944.
Une fin tragique
Après avoir connu les horreurs des deux
guerres et dépensé tant d'énergie pour reconstruire Saint-Lô, Georges Lavalley meurt le 5 avril
1959 dans un accident de la route.
Louis Macrel, Robin Delozier, Jérémy
Fréret, collège Interparoissial, Saint-Lô
À l'issue de la Libération, Saint-Lô est un champ
de ruines.
Classes-Presse - Mai 2014 - 11
 La vie malgré tout
L'enfant du pont de Rocheville
Né le 19 juin 1944 sous un pont, qui porte aujourd'hui son nom,
MICHEL BRISSET nous raconte son histoire.
d'abord cru qu'il y avait des Allemands en dessous ; ils
avaient préparé les grenades.
Heureusement, un homme réfugié sous le pont avec mes
parents a eu le courage de leur
montrer le bébé. Les Américains ont donc protégé le pont
pendant les combats. Une fois
que Rocheville a été libéré, les
villageois sont rentrés chez
eux. Mes parents sont revenus
à Cherbourg par la suite.
Pourquoi votre mère vous
a donné naissance sous ce
pont ?
Beaucoup de personnes sont
parties dans la campagne durant la guerre. Mes parents se
sont donc retrouvés à Rocheville, car ils avaient de la famille
et des amis. Cela faisait environ
un an que mes parents vivaient
là-bas quand je suis né. Le
18 juin, les combats ont commencé, mes parents sont donc
partis sous un pont près de leur
maison pour se mettre à l'abri
des bombardements. Je suis
né le 19 juin au matin, sous le
pont où ils s'étaient réfugiés !
Dans quelles circonstances s'est passé l’accouchement ? Y a-t-il eu des
difficultés ?
C'était très rudimentaire,
comme au Moyen Âge ! Ils ont
fabriqué un lit avec des
branches et ils ont chauffé un
peu d'eau pour désinfecter.
Votre mère était-elle seule
ou a-t-elle eu de l'aide ?
Il y avait mon père et un forgeron. Ensuite, des soldats
américains sont venus les
aider.
Comment se sont passés les
premiers jours de votre vie ?
Quelques heures après ma
naissance, les soldats américains sont venus délivrer Rocheville, et quand ils sont
arrivés près du pont, ils ont
■ « J'ai failli
m'appeler Moïse »
Comment avez-vous appris les circonstances de
votre naissance ?
Je l'ai appris à l'âge de 5 ans
par mes parents. Au départ, je
n'ai rien trouvé d'extraordinaire
à cette naissance, j'étais trop
jeune pour avoir conscience
des choses. Mais aujourd'hui,
à 70 ans, je trouve le lieu de
ma naissance très original !
J'ai appris aussi à cette occasion que j'avais failli être prénommé Moïse. Mes parents
étaient très croyants et étant
né près des eaux, cela semblait être un prénom de circonstance.
Avez-vous cherché à revoir
l'homme qui a aidé votre mère ?
J'ai recherché le forgeron qui
avait aidé ma mère vers l'âge
de 20 ans. Malheureusement,
il était décédé quelques années auparavant. Je n'ai donc
pas eu la chance de le rencontrer et d'évoquer avec lui l'événement.
Michel aura pour ses 70 ans
une belle fête d'anniversaire !
Enzo Boché, Jérémie
Lepetit et Jules Robichon
c. Le Corre, Equeurdreville
Michel Brisset à côté du pont où il est né.
Et les familles dans tout ça ?
Comment vivaient les familles pendant la
guerre ? Beaucoup de personnes se posent la
question. Suzanne Letondeur a accepté de
nous raconter ses souvenirs. À l’époque, elle
avait 11 ans et vivait à La Colombe, petit village
à quelques kilomètres de Villedieu-les-Poêles.
© Jules Robichon
Une famille au cœur de l'histoire
C’est une famille bien normande, au cœur du Val de Saire, qui témoigne, à travers la
doyenne Marguerite, de la vie au quotidien sous l’occupation allemande, et des
moments formidables de la paix retrouvée suite au Débarquement. La petite histoire
dans la grande Histoire.
Alfred et Marguerite Levaché se marient
en mai 1942. Ils exploitent une petite
ferme à Teurthéville-Bocage au cœur du
Val de Saire. Leur vie de jeunes mariés est
rythmée par les cartes de ravitaillement, la
peur de partir en Allemagne et la naissance de trois filles.
■ Caché dans les toilettes
pour éviter la rafle
« Les cartes de ravitaillement étaient
nécessaires pour s’habiller, se chausser, se nourrir. Même le bétail avait sa
carte. Pour nous marier, nous avons obtenu une carte spéciale », se souvient
Marguerite, aujourd’hui âgée de 94 ans.
« Nous sommes montés à Cherbourg
acheter le costume de mon mari, après
avoir parcouru les magasins, nous nous
sommes arrêtés dans un café : malheureusement, mon mari a dû se cacher
dans les toilettes car à ce moment précis, les Allemands effectuaient une rafle
des jeunes hommes pour le travail obligatoire en Allemagne. »
Le jour du mariage, le cortège en carriole
mène les jeunes époux à la ferme des parents de Marguerite : « À la campagne, on
ne mourait pas de faim, on mangeait les
poules, les lapins, ce que l’on produisait. Seul le café manquait, alors on
brûlait de l’orge que l’on buvait en ti12 - Classes-Presse - Mai 2014
sane ». « Les anciens semaient le trèfle,
ils faisaient sécher les feuilles qu’ils fumaient en guise de tabac. Pour la lessive, pas de savon, je faisais bouillir le
linge avec de la cendre de paille de sarrasin », ajoute Marguerite.
■ « Un Allemand a tiré pour nous faire peur »
Auriez-vous une petite anecdote à nous raconter ?
Oui, je me rappelle que les Allemands avaient réquisitionné
une charrette et un cheval. Ils mettaient de la nourriture dedans, et ma mère montait dans la charrette et remettait les provisions au fur et à mesure par terre. Elle a arrêté quand un
Allemand a tiré en l’air pour nous faire peur.
Les Allemands ont-ils réquisitionné des animaux ou des
objets ?
Ils avaient réquisitionné un cheval. Il a ensuite été retrouvé
par un réfugié, qui nous l’avait ramené. Puis nous l’avons
caché dans un petit chemin pour le nourrir.
Auriez-vous d’autres souvenirs à nous témoigner ?
En effet, je me rappelle avoir vu de mon lit, dans la commune
d’en face, des maisons qui brûlaient. J’ai souvenir d’avoir vu un
avion tomber à peu près à 500 mètres de ma maison. Je me
souviens aussi qu’au fur et à mesure que les Allemands
fuyaient, les Américains avançaient et gagnaient du terrain.
■ Des hommes grands…
et noirs
Entre 1942 et 1945, Marguerite met au
monde trois filles : Thérèse, Renée et Denise. « Des rations de chocolat étaient
destinées aux mamans qui allaitaient.
Quand les filles ont commencé à grandir, je les nourrissais avec de la panade,
un mélange d’eau, de sel et de pain
coupé bouilli avec du lait et du beurre. »
À plusieurs reprises, les bombardements s’abattent non loin de la ferme,
dans le bois de Barnavast qui contenait
des munitions allemandes. Puis un jour,
entre le 6 et le 29 juin, Cherbourg est libéré. Marguerite voit pour la première fois
les Américains, elle ajoute : « Je n’avais
jamais vu de chars, de jeeps. L’arrivée
des Américains reste gravée dans ma
mémoire par la vue des premiers
hommes noirs et surtout par leur
grande taille ».
Marguerite note tous ses souvenirs dans
un cahier, afin de laisser une trace de cette
page d’histoire à sa grande famille.
Pouvez-vous nous parler
des conditions de vie à
l’époque ?
Le confort était très modeste.
Je dormais dans un petit lit avec
cinq autres personnes. Concernant l’alimentation, je vivais à la
ferme donc il y avait des poules
et du lait. Sinon, je mangeais
principalement des galettes et
de la soupe. Nous avions des
tickets de rationnement.
Que faisiez-vous de vos journées pendant cette période ?
Je ne sortais que très peu car
j’avais peur. Mais certains enfants sortaient pour aller voir les Des tickets de rationnements.
Américains car ceux-ci leur
donnaient des sucreries. Ces enfants allaient dans leurs tentes.
Votre famille a-t-elle hébergé des réfugiés ?
Oui, nous avions hébergé une famille toute entière venant de
Saint-Lô. Elle avait fui les combats, la famille était venue avec
leur vache et je me souviens d’avoir vu des morts et des blessés. Ma mère les soignait. J’ai entendu de nombreux bombardements. J’avais de grandes craintes. Avec ma famille, nous
avions creusé une tranchée pour nous réfugier, notamment
quand nous entendions des avions passer.
■ De Gaulle sur la route de Saint-Lô
Alfred et Marguerite avec leurs leur trois
filles (© Famille Levaché).
Corentin Jouan
collège Zola, La Glacerie, 5e A
Qu’avez-vous vu ou trouvé près de votre maison pendant
la guerre ?
Nous avons retrouvé quatre cadavres, il y avait des bêtes,
des hommes et des carcasses de véhicules. Il y avait des trous
d’obus partout.
Quand vous avez appris que la guerre était finie, comment avez-vous réagi ?
J’étais très heureuse, j’avais l’impression d’avoir retrouvé ma
liberté et j’ai vu le général de Gaulle passer sur la route de
Saint-Lô. Il faisait des saluts aux gens au travers de sa voiture.
Cela s’est passé juste après la Libération.
Léonard Letondeur et Emeline Jégo, I. Sévigné, Granville
 La vie malgré tout
Marigny sous les décombres
Marigny a bien souffert durant l'été 44. Roger Potier, créateur du musée Cobra, avait 18 ans lors du Débarquement. Il témoigne de
cette partie de sa vie, 70 ans après.
Dans la nuit du 5 au 6 juin
1944, les premiers signes du
Débarquement se font sentir :
« Les maisons se mettent à
trembler, et les ennemis deviennent anxieux ». Le 7 juin,
les soupçons sont confirmés,
la Radio de Londres annonce,
en messages codés, que le
Débarquement a été effectué.
Ce même jour, les Allemands
prennent la décision de confisquer toutes les radios, privant
ainsi les habitants de la commune de tout contact avec
l'extérieur. Tôt dans la matinée, des premiers mitraillages
ont lieu sur la route de SaintSauveur-Lendelin : les Américains ont repéré des chars
allemands cachés derrière des
arbres. Mais finalement, c'est
après un temps d'accalmie de
six jours que les bombardements commencent vraiment.
■ Vivre dans les ruines
Le 13 juin, des bombes sont
lâchées dans le bourg de Marigny, tout autour de l'église.
Un camion allemand a été remarqué, des chasseurs améri-
cains vont le mitrailler. Une explosion a lieu. « Sur le moment, on ne voit pas le
danger, c'est après qu'on
réalise. » Marigny a été en
partie détruite le 13 juin, et le
reste lors de l'Opération
Cobra, nom de code de l'offensive américaine. Le 12 septembre, jour de la Libération
de Marigny, on constate que le
bourg a été détruit à 80 %. En
hiver 44-45, les Marigniais rentrent chez eux. La plupart des
habitants ont perdu tous leurs
biens, et sont obligés de vivre
dans les ruines, sans nourriture, ni vêtement. « C'est terrible de perdre tout ce qu'on
a, de perdre sa jeunesse. »
Le bourg de Marigny a été
entièrement reconstruit dans
les années cinquante, tandis
que l'église a été finie en 1955,
soit dix ans après le débarquement. « Marigny n'est plus
pareil. » Cette reconstruction
a été possible grâce aux Américains qui ont mis en place le
plan Marshall, qui consistait à
rassembler des dons pour
aider les pays touchés par la
Une bombe qui éclate au milieu du bourg.
La même route aujourd'hui.
Seconde Guerre mondiale,
fonds redistribués en France
par le ministère de la Reconstruction. « La France était
pauvre. On était au fond du
trou, mais on était heureux,
parce qu'on avait retrouvé la
liberté. »
Lilou Hauguel et
Lilou Tostain,
c. Jean-Monnet, Marigny
L'école Jeanne-d'Arc de Brécey
sous les bombardements
Brécey a eu la chance d’être relativement peu sinistré en 1944,
lors de la libération par les Alliés le 31 juillet. Pierre Ménard,
79 ans, ancien élève à l'école Jeanne-d'Arc et secrétaire à la
mairie de Brécey à la retraite, se souvient encore…
« En arrivant à l'école, j'ai
vu trois amoncellements de
terre surplombés d'une croix
avec un casque de soldat.
Quand je suis rentré dans le
préau, j'ai vu une quinzaine
de cercueils vides empilés
près du mur. Les Allemands
devaient s'attendre à un
coup dur. »
■ Une école
réquisitionnée
L'école
privée
SainteJeanne-d'Arc est réquisitionnée par les soldats allemands
quelques années auparavant
pour occuper Brécey. Pendant
cette occupation, afin de
continuer
l'enseignement,
« les élèves étaient dispersés
dans le bourg où se tient actuellement le Crédit Mutuel,
et l’habitation au 1, rue
Jeanne-d'Arc », nous affirme
Armande Jouenne. Information
confirmée par Monique Arondel, Eugène Harivel et Pierre
Ménard, tous élèves en 1944.
Cette école est alors touchée
par un bombardement américain à la fin du mois de juillet 1944.
■ Deux versions s'opposent
Deux versions s'opposent :
la première est une bombe
destinée au pont de la Tourelle,
situé sur la route de Saint-Hi-
laire-du-Harcouët, mais c'est
l’école qui est touchée. Le
pont lui-même n'est pas atteint malgré les multiples tentatives
;
informations
recueillies dans le livre de Michel Erard, Témoin de leur
temps.
La seconde est une information de la résistance française
donnée aux Américains précisant que les Allemands occupaient
l'école.
Un
renseignement bien reçu
puisqu’une bombe la coupe
littéralement en deux, la rendant ainsi inutilisable, nous
confirme Pierre Ménard. Mais,
grâce à une information donnée par les espions prévenant
de l'attaque, l'école est désertée la veille par les Allemands.
■ La reconstruction
Suite à ce bombardement,
l'argent et la main-d’œuvre
étant
manquants,
deux
groupes de classes en bois
d'outre-Atlantique furent érigés : l'un au nord pouvant accueillir cinq ou six classes et
l'autre à l'est avec une capacité de quatre classes. Ce
n'est qu'en 1953 que les
élèves de l'école Jeanne-d'Arc
réintègrent leur établissement
reconstruit en dur.
Les deux baraquements en
bois n'ayant plus leur utilité,
l'un d'eux disparaît, mais la
paroisse de Brécey décide de
garder celui édifié à l'est de
l'école pour en faire des salles
de réunion du service des
jeunes. Ce n'est qu'en 1998
que ce dernier fut détruit pour
cause de dégradation.
L'école Jeanne-d'Arc juste après sa destruction et les baraquements (images fournies par Pierre Ménard et extraites du livre de
Michel Erard, Témoin de leur temps).
Guillaume Harivel
Clément Lemardelé
Wilfried Julien
Benjamin Hallais, 4e D
collège de Brécey
L'église en partie détruite par les bombardements.
L'église aujourd'hui.
La mystérieuse disparition
du coq gaulois de Saint-Vaast
En 1940, les résistants cachent leur coq ; on ne le retrouve que
quatre ans après…
Durant la Seconde Guerre mondiale, le coq,
symbole de la nation française (comme le drapeau et la cocarde), était interdit par les Allemands. C'est pourquoi ce coq, qui surmontait
le monument aux morts de Saint-Vaast-laHougue, était si important aux yeux de la population. Mais les Allemands étaient intéressés
par tous les matériaux en fer - et plus particulièrement par ceux qui étaient en bronze (pour
sa solidité) - pour les faire fondre afin de fabriquer des canons qui serviraient à combattre les
Français.
■ Le coq disparaît !
Dans la nuit du 25 au 26 août 1940, un petit
groupe de résistants réussit à se glisser au monument aux Morts pour faire ce qui leur semble
juste : enlever le coq. Ils lui scient les pattes et
l'emmènent avec eux en espérant que les Allemands ne le retrouvent jamais.
Au matin du 26 août, c'est un véritable drame
qui s'est produit pour tous les Saint-Vaastais :
leur coq est introuvable. Beaucoup de gens
pensent qu'il s'agit d'un acte de vandalisme allemand, personne ne sait vraiment qui accuser,
énormément de questions se posent, mais la
vraie question est : où se trouve le coq ?
■ Un « poulailler » fier de son coq
C'est seulement quatre longues années plus
tard, après la Libération, que Georges Lucas,
un ancien résistant de la commune, déterre le
coq de son jardin. Il sera remis en place le
11 novembre 1944 pour la commémoration de
la capitulation allemande : une date symbolique !
Georges Lucas expliqua bien plus tard que
l'idée de perdre le symbole de la nation française lui était tout simplement insupportable.
À présent le coq a retrouvé sa place : audessus du monument aux Morts, à côté de la
chapelle des marins.
Le coq est aujourd’hui bien en place, et vous
pouvez le voir aujourd’hui encore au sommet
du monument aux Morts de Saint-Vaast-laHougue.
Anaïs Lemagnent, Eva Lepoittevin
Camille Ledentu, c. Guillaume-Fouace
Saint-Vaast-la-Hougue
Classes-Presse - Mai 2014 - 13
 Des lieux stratégiques
Une piste d’aviation pour trois nations
L'aviation française à Querqueville
Les avions allemands occupent la piste
Puis les Américains débarquent
En 1944 après la libération de Querqueville, ce sont les Américains qui s'en servent jusqu'à la fin de la guerre. Après la Seconde
Guerre mondiale, en 1947, la piste se libère.
La base française vers 1930.
En 1925, la base aérodrome de Querqueville, du nom de ALG A23C, a servi à l'armée française de base d'hydravion, de centre de
formation et d'aérodrome de recherche pour l'aéronavale (marine
française). On voit encore aujourd'hui près de la digue le portique
en fer qui servait à accrocher les hydravions.
Des BF 109, appareils de l'aviation allemande. En arrière-plan, le
fort de Querqueville.
Après la défaite de juin 1940, les Allemands récupèrent la base.
Ils utilisent la piste pour attaquer l'Angleterre avec leurs avions.
Elle a ensuite servi pour les avions de remplacement et de réparation de l'armée allemande.
La piste d'aviation de Querqueville en 1947. Elle faisait 5 km.
De 1944 à 2014…
En 1960 la piste a même servi d'hippodrome ! Aujourd'hui en
2014, on ne voit plus la piste d'aviation, mais à la place un parking, un camping, un restaurant, ainsi que l'école des Fourriers.
À Querqueville, après le débarquement, le rangement ; après
les avions, les oiseaux !
Joss Brondeau et Jules Vautier, 4e A, Ferry, Querqueville
Nom de code : Pluto
Portique en fer où l'on mettait les hydravions.
Le même endroit aujourd'hui.
Les Américains, lors de la préparation du Débarquement, ont
emmené d'Angleterre en Normandie une énorme bobine enroulée d'un tuyau d'essence qu'ils vont dérouler dans la mer de
la Manche. Cette opération portera le nom de code Pluto.
Parachutés au mauvais endroit… 600 soldats tués
à la lande des Morts
Le pont de la Roque, situé entre Mont- Dans la nuit du 5 juin 1944, des parachutistes
Un pont, une mémoire !
chaton et Orval sur la Sienne, est gardé
par des civils dès 1943.
sont lâchés au mauvais endroit et se trouvent
égarés dans le canton de Quettehou. Ce sont
des Américains de la 82e Airbone.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, vers 2 h 30, un parachutage de 18
hommes de la 82e Airborne atterrit à Quettehou au hameau Mansais. Mais cette commune n'est pas le point de ralliement
convenu. Un long combat qui dura jusqu'à 10 heures du matin
commence alors, car les Allemands sont très nombreux à cet endroit. Seize hommes sont tués. De ce carnage, au moins deux
parachutistes sortent vivants, dont le capitaine Hawkins et Clinton Ford, car ils parviennent à s’échapper à temps.
Une chasse à l'homme peut commencer. Les deux survivants
suivent les chemins de fer (il y en avait à l'époque) pour arriver
jusqu'à Saint-Vaast-la-Hougue. Ils se dirigent dans un champ
inondé pour ne pas que les avions et les chiens les repèrent. Ils y
restent deux jours.
Le pont de la Roque avant les bombardements. (Photo archives
famille Meunier)
Les Romains, qui occupaient Coutances (Cosedia), se servaient
de Regnéville comme port, ou plutôt comme havre d’échouage
pour leurs bateaux en 58 av J.-C. Ils construisirent un pont de
dix piliers qui supportait un tablier de bois habillé d’une arche plus
large au milieu pour laisser passer l’eau lors des grandes marées.
Ce pont a vu passer les Vikings, les Anglais pendant la guerre de
Cent ans, les armées royales du duc de Richemont, et pendant
1 900 ans, a résisté aux marées, aux intempéries et aux diverses
dégradations.
■ Un lieu stratégique
Le 23 avril 1944, le pont est bombardé pour la première fois. Il
sera de nouveau bombardé au mois de juillet. Lors du Débarquement, les Alliés tentent à de nombreuses reprises de détruire ce
pont, véritable passage stratégique, car il permet de franchir la
Sienne. Quatre bombardiers de la Royal Air Force parviennent à
détruire trois des onze arches de pierre les 14 et 15 juin 1944. Ce
qui n’arrête pas pour autant les Allemands. L’objectif stratégique
n’est pas atteint, car la partie du pont qui enjambe la rivière La
Soulles n’a pas été détruite, et les colonnes allemandes peuvent
le franchir et s’échapper par la route d’Orval vers Hyenville et
Granville.
Un pont de type Bailey est alors installé par les alliés à la fin du
mois de juillet 1944, pour permettre le passage des troupes du
brigadier général B.C. Clarke. Ce pont de remplacement prévu
pour deux ans sera utilisé jusqu’en 1967. Un nouveau pont sera
construit à côté.
Aujourd’hui, peu entretenue, la structure souffre de l’usure du
temps. Les visiteurs qui enjambent les barrières de protection
contribuent également à sa dégradation.
Malgré tout, ce pont demeure toujours un lieu de mémoire très
attractif. Une stèle à la mémoire des soldats tombés au combat
rappelle cet épisode de la Seconde Guerre mondiale.
Collège Jean-Paul II, Coutances
14 - Classes-Presse - Mai 2014
■ Les deux survivants sortent de leur cachette
Affamés et tenaillés par le froid, ils se dirigent vers une ferme
qu'ils avaient sans doute repérée. Ce sont deux Saint-Vaastais
qui les accueillent : une jeune fille, prénommée Jeanne, prend
peur mais son fiancé, Georges, voit aussitôt que ce ne sont pas
des Allemands. Ils les amènent chez eux, leur permettent de se
réchauffer et restaurent nos deux rescapés. Jeanne appellera
même sa sœur Geneviève au secours pour pouvoir communiquer
dans la langue des rescapés. Les deux hommes sont ensuite
amenés non loin de là, à Rideauville, où ils seront cachés par la famille Lefilliâtre. Ensuite, ils seront placés dans une camionnette
qui passera à travers champs pour rejoindre Videcosville où des
résistants les attendent. Au final, c’est tout le hameau de SaintVaast qui va s'impliquer pour aider les deux Américains et réussir à les sauver. Après la guerre, Hawkins et Clinton Ford n’ont
pas oublié leurs sauveurs car ils sont revenus les voir.
Benjamin Hennequin, Dylan Borel, Chloé Wajda
Ulysse Danglade et Lucas Léger
collège Guillaume-Fouace, Saint-Vaast-la-Hougue
31 juillet 1944, en haut de la route de la lande des Morts à Trelly :
une Jeep longe un convoi de véhicules allemands et un char
Sherman détruits sur la route départementale 49.
Dans la nuit du 29 au 30 juillet 1944, entre 23 heures et 1 heure
du matin, à la lande des Morts à Trelly, a eu lieu une terrible et affreuse bataille : 450 morts et 1 000 prisonniers côté allemand, et
environ 150 à 200 morts côté américain.
« Il y a eu une résistance allemande en haut de la grande
route qui traverse cette lande. Les soldats qui résistaient
étaient pour certains gravement blessés. Jambes cassées,
bras arrachés… Mais ces soldats ne voulaient pas se rendre », indique Louis Hébert, habitant de Trelly et fin connaisseur
de l'histoire de sa région. « Beaucoup de chars allemands
étaient endommagés et bloquaient la circulation. Les Allemands ont fui par une autre route, la seule possible, dite la
poche de Roncey. »
La bataille est marquée par des tirs de chars intensifs. « C'était
pendant la nuit mais on voyait comme en plein jour », précise
Patrick Fissot, historien.
■ Déjà pendant la Guerre de 100 ans…
La lande des Morts méritait bien son nom. Un nom qui n'est pas
lié à la deuxième guerre mondiale, mais à la guerre de Cent ans.
Au Moyen Âge, une grande bataille contre les Anglais s'était déjà
produite et avait donné lieu à une légende : le sang aurait coulé
dans les ruisseaux et les fossés de la vallée.
Une stèle à la sortie du bourg commémore les événements de
1944. Elle rejoindra bientôt un jardin de la mémoire aménagé à
une centaine de mètres de l'emplacement actuel. Il sera inauguré
en juillet prochain, 70 ans après.
Sainte-Mère-Église, point de départ de la liberté. © Collège
Jean-Paul II, Coutances
Nicolas Lienard, Haas Olivier, Antoine Tomasini
collège Les Courtils, Montmartin-sur-Mer
 Se souvenir et commémorer
Le seul mausolée allemand de France est à Huisnes-sur-Mer
Émouvant monument funéraire, c'est un bâtiment circulaire rayonnant sur 47 mètres,
composé de deux étages. Il a
été inauguré le 14 septembre
1963. Dans ce cimetière reposent 11 956 personnes, en majorité des soldats tués lors de
la Percée d'Avranches en juil-
let 1944. Mais on trouve également des sépultures de civils, enfants et nouveaux nés,
femmes et personnes âgées.
Ces morts ont été rapatriés de
différents départements français pour être réunis à
Huisnes : Morbihan, Ille-etVilaine, Sarthe, Mayenne, Loir-
et-Cher, et même les Îles
anglo-normandes. Les corps
sont répartis par chambre numérotée, qu'on appelle crypte.
Il y a 68 cryptes au total.
Chaque crypte a une plaque
de bronze où sont notés les
noms des personnes inhumées.
Cinq questions à Jean Tridemy
conservateur du cimetière depuis 1992
Pourquoi le cimetière a-t-il
été construit ?
Les Français ont proposé
aux Allemands cet endroit
près du Mont Saint-Michel
pour regrouper tous les morts
de Normandie, de Bretagne et
des départements voisins.
Une
nécropole
a
été
construite car le terrain est
trop petit pour mettre 11 000
morts. Le gouvernement allemand et surtout le Volksbund
Deutsche Kriegsgräbenfursorge financent l'entretien de
tous les cimetières de commémoration au monde. Nous
faisons un jumelage avec de
jeunes Allemands pour qu'ils
viennent travailler ici, pour le
devoir de mémoire. L’État allemand finance le transport
par car, assuré par l'Armée.
Les morts sont-ils tous
des soldats ?
À la fin de la guerre, des Allemands, y compris des civils,
étaient victimes de sévices et
mouraient de faim dans des
camps d'internement. 64
corps d'enfants et nouveaux
nés, sans identité parfois, ont
été retrouvés dans une fosse
commune près de Poitiers.
Tous reposent dans des sarcophages, les enfants dans la
crypte 59.
Quelles sont les cérémonies ?
Tous les ans, au mois de novembre, il y a la journée du
Deuil national dédiée à la mémoire des civils et des soldats
morts durant les deux guerres
mondiales. Quand j'ai débuté
ce travail, les familles étaient
plus nombreuses. Aujourd'hui,
les descendants vieillissent
mais il y a toujours des visiteurs qui amènent des fleurs.
Auriez-vous des anecdotes sur le cimetière et ses
visiteurs ?
Une dame autrichienne
avait un magasin de fleurs.
Son mari était mort durant la
Seconde Guerre mondiale et
reposait à Huisnes. Chaque
année, elle déposait des fleurs
séchées sur les tombes d'inconnus dans chaque cimetière allemand qu'elle croisait
sur sa route.
Un homme venait aussi tous
les ans sur la tombe de son
père pour lui raconter toutes
Jean Tridemy, conservateur
du cimetière de Huisnes-surMer depuis 1992.
les histoires qui se passaient
dans leur village. Pour les cent
ans de son père, il lui a consacré un long texte dans le livre
d'or du cimetière.
Que vous apporte votre
métier ?
Pour moi, c'est important
que l'on se rappelle la guerre
et que l'on préserve la paix.
Aujourd'hui, de nombreux
pays sont toujours en guerre.
La paix est une fleur à arroser
et protéger.
L’inauguration du cimetière allemand de Huisnes-sur-Mer a eu lieu le 14 septembre 1963 (Archives
Ouest-France).
Commémorer en chantant…
Clara Lelandais
et Margot Remy
c. Brassens, Pontorson
« Je suis le monument danois »
Sur les lieux du débarquement du 6 juin 1944 se trouve le
monument danois. Il se présente.
Je suis le monument danois.
Je suis situé volontairement à
quelques centaines de mètres
d'Utah-Beach, sur la D 913
entre Sainte-Marie-du-Mont et
Utah-Beach. J'ai été réalisé
par Svend Lindhang. Je rends
hommage aux 800 marins danois qui n’ont pas débarqué
sur la plage, mais qui ont largement contribué au succès
de l’opération.
Une des dernières répétitions.
Nous sommes Chloé et Solène, et nous faisons partie de la chorale du collège de Périers.
Nous sommes embarquées dans une aventure
fantastique ! Les 26, 27, 29 et 31 mai, nous allons chanter pour commémorer le 70e anniversaire du Débarquement. Nous chanterons avec
la maîtrise de Caen, une chorale américaine du
New Jersey et le collège caennais Guillaumede-Normandie.
Nous participerons à un concert au Mémorial
de Caen le mardi 27 mai, à un concert pendant
le 33e festival de Jazz sous les pommiers à Coutances, et à un autre concert à Sainte-MèreÉglise le samedi 31 mai.
Nous avons de la chance car nous sommes le
seul collège de la Manche à avoir été sélectionné. C'est pour cela qu'on espère que vous
allez venir nombreux nous écouter chanter ! Car
nous répétons beaucoup, et nous avons envie
de réussir.
Nous allons maintenant vous raconter l'histoire d'une chanson que nous allons interpréter :
There'll be brids over. Cette chanson raconte
l'histoire d'Américains qui partaient au combat
et espéraient revoir les grandes falaises de Douvres.
Nous allons également interpréter la chanson
White Christmas. Le chef d'orchestre avec lequel on a répété nous a dit que cette chanson
était la plus vendue pendant les années quarante, car tous les soldats américains voulaient
l'entendre. En effet, elle leur rappelait les Noëls,
chez eux, sous la neige.
Maintenant, si vous voulez venir écouter ces
deux chansons et bien d'autres, vous pouvez
vous renseigner au collège de Périers, Tél. 02 33
46 63 11
Je suis également le seul
monument jusqu'en 2008 qui
représente un visage humain,
et qui met à l'honneur la participation danoise en France. Il
s'agit d'hommes de la marine
marchande danoise qui ont
choisi de s'engager aux côtés
des alliés pendant la guerre.
Le 6 juin 1944, le Nordvest et
une bonne vingtaine d'autres
cargos danois sont au large
des côtes normandes. Dans
leurs cales, du matériel et des
véhicules qui vont équiper les
forces alliées débarquées sur
les plages d'Utah.
Le 6 juin 2014, la reine du
Danemark Margrethe II vient
pour rendre hommage aux 800
marins danois. Il y a aura une
exposition au musée d'UtahBeach du 1er juin au 31 décembre, dédiée aux marins
danois. Je suis entretenu par la
commune de Sainte-Marie-duMont.
Emma Robine, 4e C
collège Saint-Exupéry
Sainte-Mère-Eglise
Monument danois d'Utah-Beach.
Solène Leconte et Chloé Resse
collège Le Fairage, Périers
There’ll be blue birds over
■ En anglais
There'll be blue birds over
The wite chiffs of Dover
Tomorrow
Juste you wait and see
There'll be love and laugter
And peace ever after
Tomorrow
When the world is free
The Shepherd will tendis sleep
the valley will bloom aqair
And Jimmy will go to sleep
In is own little room agair
There'll be blue birds over
Ther wite cliffs of Dover
Tomorrow
Just you wait and see
■ En français
Il aura des oiseaux bleus
Sur les falaises blanches de Douvre
Demain
Attendez un peu et vous verrez
Il aura de l'amour et du rire
Et la paix pour toujours
Demain
Quand le monde sera libre
Le berger fera paître ses brebis
La vallée refleurira
Et Jimmy ira dormir
Dans sa petite chambre à nouveau
Il y aura des oiseaux bleus
Sur les falaises blanches de Douvre
Demain
Attendez un peu et vous verrez
Classes-Presse - Mai 2014 - 15
 Se souvenir et commémorer
Une collection très particulière…
Collectionneur, fou amoureux du Débarquement depuis sa plus
tendre enfance, il s’engage chaque jour pour sa passion. Ce
dernier, que nous avons rencontré, ne souhaite pas révéler son
identité, ce que nous avons respecté.
comme armes. Il posA
sède légalement des
armes, qui ont été démilitari-
sées à Saint-Étienne. Elles ne
pourront donc jamais être réutilisées, car elles sont neutralisées.
comme
bouées.
À
B
Omaha Beach, les Américains et les Anglais ont es-
sayé de faire tenir des chars
sur des bouées pour les amener jusqu’au bord de la plage.
Mais en vain, car ce jour-là,
une tempête s’annonçait et les
vagues ont fait basculer et
couler les chars.
C
comme casques. Ce
sont ses premiers objets
collectionnés, mais aussi ses
objets favoris. Certains appartiennent à des Allemands,
d’autres à des Américains.
D
comme dangereux. Il lui
est déjà arrivé, lors de
ses recherches, de tomber
entre des chasseurs et des
chiens de chasse. Mais heureusement, un garde forestier
est arrivé au bon moment pour
le faire sortir de la ligne de mire
des chasseurs.
comme échanges. Pour
E
pouvoir avoir autant
d’objets, le passionné a fait
quelques échanges. Il a acheté
quelques objets grâce au
bouche à oreilles, et en a
trouvé d'autres au détecteur
de métaux.
comme forums. Il existe
F
plusieurs forums qui ont
pour thème le Débarquement,
les survivants… Sur certains
forums, plus de 1 400 personnes collectionnent comme
lui et discutent de leurs découvertes.
comme guerre. Cette
G
collection est particulière, car elle est remplie
d’émotions. Elle rappelle les
sacrifices, puisque certains
objets reflètent les horreurs de
la guerre, comme ceux percées de balles ou d’éclats.
comme histoire. Ce colH
lectionneur est passionné par le Débarquement.
Pourquoi ? Tout simplement
parce qu’il aime l’histoire de sa
région.
comme livres. Notre pasL
sionné a participé à l’écriture d’un livre sur le thème des
casques de la Seconde Guerre
mondiale. Principalement en
donnant des informations sur
les casques qu'il a retrouvés.
comme masque à gaz.
M
Les soldats du Débarquement portaient dans leur
paquetage des masques à gaz
à utiliser de problèmes
(bombes lacrymogènes…).
comme
nurse.
Les
N
nurses sont des infirmières qui soignent n’importe
quel soldat blessé. Il existe
aussi d’autres sortes d’infirmières, celles de la Croix
rouge, elles s’occupent seulement de faire les piqûres pour
les dons du sang.
comme passion. Cette
P
passion date de toujours,
elle a commencé à l’âge de 8
ans, en récupérant les
casques qui étaient chez ses
grands-parents.
comme
récupération.
R
Après la guerre, les
casques sont réutilisés pour
donner à manger aux poules et
servir de pot de fleurs.
comme tenues. Les teT
nues valent très cher. Il
les a achetées ou échangées.
Il reste très peu de tenues allemandes car à la fin de la
guerre, les résistants ont tout
brûlé.
U
comme USN. USN ou
US Navy. US pour
l’Amérique et Navy pour la marine. Ce sont les soldats américains de la marine.
comme V-Mail. Ce sont
V
des lettres préfaites qui
sont données aux soldats
américains pour donner des
nouvelles à leurs familles.
Justine Chenu
et Léa Connan, 5e A
Zola, La Glacerie
Rejouez la bataille de Normandie !
Plusieurs jeux vidéos retracent le débarquement de Normandie,
notamment Medal of honor « Allied assault » et « Airborne »,
Call of duty 1 et 2, et Battlefield 1942. Le jour J entre vos mains…
C'est lourd, un casque !
Une enquête passionnante
Ce collectionneur, mais aussi
chercheur d'objets du Débarquement, a retrouvé une famille américaine à l'aide d'une
plaque d'identité militaire.
Celui-ci a également retrouvé
un casque, dans lequel se
trouvait une plaque matriculée.
Plein de curiosité, il est parti à
la recherche de ce soldat inconnu. Il a fini par retrouver la
sœur du soldat, mort sur une
des cinq plages du Débarquement.
Il est parti à sa rencontre et après plusieurs
minutes de discussion, elle lui
a raconté que son autre frère
était mort lui aussi à la guerre,
dans le Pacifique contre les
Japonais. Aujourd'hui encore,
ils restent en contact.
■ De la prudence
quand même…
Être collectionneur n'est pas
de tout repos. Le danger le
guette à tout moment. Pendant une recherche d'objets
enterrés, grâce à son détecteur de métaux, il a trouvé une
Notre collectionneur a créé de vraies reconstitutions ! © Justine
Chenu
ligne de mines qui s'étendait
sur environ dix mètres. Cellesci étaient enfoncées dans la
terre à environ cinq centimètres du sol. Après les avoir
trouvées, il a appelé la mairie
de la commune en question.
Peu de temps après, les dé-
mineurs ont désamorcé la
ligne de mines.
Notre rencontre avec le collectionneur nous aura appris
beaucoup de choses. Nous
sommes reparties les yeux
émerveillés et la tête pleine de
souvenirs.
« Je sais maintenant qui ils sont… »
Dans mon collège, à Périers, il y a une plaque en pierre avec des noms.
Quels sont ces noms et pourquoi sont-ils gravés sur cette pierre ?
Le débarquement comme si vous y étiez…
Ces jeux, aux scénarios vasoldat Ryan de Steven Spielof honor : allied assault (débarriés, permettent de revivre inberg ou encore la série Band
quement allié) qui vous place
teractivement (et avec le plus
of Brothers de Tom Hanks et
dans la peau du lieutenant
souvent un grand souci de
Steven Spielberg.
américain Mike Powell, pour
réalisme) les événements de
Le grand point fort des jeux
réaliser diverses missions de
juin 1944 tel que le Débarquehistoriques récents est de prosabotage ou de renseignement de Normandie (Medal of
poser une vision cinématograment derrière les lignes ennehonor), la prise du pont Pegaphique
réaliste
des
mies.
sus Bridge (Call of Duty), ou
événements. Les techniques
De l'Afrique du Nord en 1942
encore la libération de la ville
modernes d'imagerie satellite
à la Norvège en 1943, le jeu
de Caen (Day of Defeat). Les
permettent aux développeurs
permet surtout de débarquer à
créateurs veulent désormais
de reproduire à l'identique sur
Omaha Beach, le 6 juin 1944.
coller au plus près de l'Hisordinateur un espace géograUne mission difficile qui fourtoire, et s'inspirent directement
phique. Ce mode de travail est
mille de détails et qui montre
de faits réels en interrogeant
également à mettre en paralbien une partie des difficultés
des vétérans ou en consultant
lèle avec la création en image
rencontrées par les soldats
des experts militaires.
de synthèse de rues, champs,
américains à Omaha le Jour J.
La bande-son de ces jeux
maisons, églises, ponts par
Alors, prêts à vivre le débardevient de plus en plus réarapport à un support photoquement en direct ?
liste, en passant des bruits des
graphique d'époque.
Corentin Poisson
armes jusqu’à la musique, rapLe jeu qui lança cette mode
et Théo Ridel
pelant des films dont ils s'insde la Seconde Guerre monLe Corre, Equeurdreville
pirent, tels qu'Il faut sauver le
diale dans les jeux est Medal
16 - Classes-Presse - Mai 2014
Cette pierre est une plaque
dédiée aux Prisiais décédés
pendant la Seconde Guerre
mondiale. Pendant cette
guerre, il y a eu 127 morts à
Périers. Pour évoquer cette
plaque, je vais vous raconter
leur histoire.
Parmi ces noms, il y a ceux
des collégiens et des professeurs qui étudiaient dans le
collège de Périers. Lucien Renaux (17 ans) était malade, victime d'une angine, la bombe
est tombée près de son lit. Le
dortoir a explosé, l'adolescent
est mort sur le coup. Paul
Abraham (15 ans), originaire de
Portbail, se trouvait près du
mur du parc lors du bombardement. Il a subi le souffle de
l'explosion d'une bombe qui lui
a fait éclater la rate. Il a souffert
du côté gauche. Il est mort
quelques heures après. Restés
chez eux, Georges Leroux et
son épouse Odette, tous les
deux professeurs au collège de
Périers, ont été tués dans leur
lit. Le 2 août, on a retrouvé les
restes du corps de Roger Lebourgeois. Il a été tué alors
qu'il se rendait chez les Leroux.
Maurice Trelluyer (24 ans) a été
découvert sous un vieux piano,
il respirait encore mais il est
mort peu après.
Après la guerre, les habitants
voulaient oublier le bombardement.
Ce n'est que 10 ans après
qu’un enseignant, voulant
qu'on se rappelle ses collègues morts le jour du bombardement, a commandé une
plaque de commémoration
avec l'aide du conseil municipal de Périers. La plaque a été
installée en juillet 1956.
Et maintenant, 70 ans après,
la plaque est toujours à l'entrée, je vois ces noms tous les
jours et je sais maintenant qui
ils sont.
Aurélie Maunoury
Le Fairage, Périers
La plaque de commémoration
à l'entrée du collège.