blitz wolf le cartoon au service de la guerre d`anéantissement

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blitz wolf le cartoon au service de la guerre d`anéantissement
BLITZ WOLF
LE CARTOON AU SERVICE DE LA GUERRE D'ANÉANTISSEMENT
FICHE TECHNIQUE :
Titre : Blitz Wolf.
Genre : cartoon.
Technique : technicolor
Date : 22 août 1942.
Réalisateur : Tex Avery.
Producteur : Fred Quimby, patron de la branche animation de la Métro Goldwyn Meyer. (M.G.M).
Durée :10 mn.
SYNOPSIS :
Les deux petits cochons, celui qui construit une maison en paille et celui qui en construit une en bois, sont
insouciants car ils ont signé un traité de non-agression avec Adolf Wolf.
Mais cette confiance n'est nullement partagé par le troisième petit cochon, le sergent Pork, qui s'est enrôlé
dans l'armée américaine et qui a entouré sa maison d'un véritable dispositif de défense.
Les circonstances ne tardent pas à lui donner raison car le redoutable Adolf Wolf lance une attaque
surprise sur Pigmania...
I. PRÉSENTATION DE L'ŒUVRE
A. UN CARTOON...
Blitz Wolf est un cartoon, c'est-à-dire un court métrage avec des personnages appelés toons, le plus
souvent des animaux humanisés, sorti sur les écrans américains le 22 août 1942.
Le réalisateur en est Tex Avery. Il a été produit par Fred Quimby, patron de la branche animation de la
Métro Goldwyn Meyer (MGM). C'est un cartoon en technicolor 1, d'une durée de 10 mn.
B. ...EXEMPLE D'UN GENRE EN PLEIN ESSOR, LE DESSIN ANIMÉ...
a. LA NAISSANCE DU DESSIN ANIMÉ...
En 1906, James Stuart Blackton produit le premier dessin animé (muet) par succession de dessins
photographiés (Humorous Phases of Funny Faces).
Plus tard, le Français Émile Courtet, dit Émile Cohl, innove en produisant le premier dessin animé sur
pellicule de cinéma (Fantasmagorie).
Il amène son savoir-faire aux États-Unis entre 1912 et 1914 dans des studios de Fort Lee, non loin
de New-York. Ses techniques inspireront de nombreux studios et se développeront aux États-Unis.
b. … ET DU DESSIN ANIMÉ MODERNE
Le dessin animé est un genre qui connaît un grand succès aux États-Unis dès les années 20 : par la
caricature, le gag, l'imagination, le cartoon cherche à faire rire. C'est donc un slapstick2.
Tous les grands studios hollywoodiens — à commencer par celui de Walt Disney, l'inventeur du dessin
animé moderne (et du premier long-métrage d'animation, Blanche-Neige et les sept nains,en 1937)
— possèdent une branche animation, où, sous la houlette d'un producteur et d'un réalisateur, travaille
toute une équipe de cartoonistes et de scénaristes.
D'abord en noir et blanc, accompagnés d'une bande-son à partir de la fin des années 20, les
cartoons sont en couleur à partir de 1934. La bande son, presque uniquement musicale au début,
privilégie désormais les dialogues et le bruitage. Dès ce moment, jusqu'aux années 50, le cartoon
connaît son âge d'or.
c. LES TECHNIQUES DU DESSIN ANIMÉ À L'ÉPOQUE DE TEX AVERY
Les différentes étapes qu’exige la fabrication d’un dessin animé sont fortement hiérarchisées et
répétitives :
1. LE STORY-BOARD
Scénario mis en images par le RÉALISATEUR, sous forme d’esquisses se
succédant, pour en raconter l’histoire, c'’est le résultat de ces multiples
dessins que l’on appelle le story-board. Il sert de « conducteur » aux diverses
équipes techniques.
Une fois précisés les traits de caractère, l’apparence physique et toute la
gamme des expressions possibles des héros, les avoir situés dans le décor
avec les indications de mouvements de la caméra, vient la partie exécution
The First Bad Man. Décor de mise en proprement dite du dessin animé.
place du décor et de l’animation.
2. ANIMATEUR, INTERVALLISTE, RÉALISATEUR, TRACEUR, COLORISTE
•
L'ANIMATEUR pense et dessine au crayon les principales positions
des personnages sur papier
L'INTERVALLISTE exécute tous les dessins intermédiaires entre deux
dessins clés dans un mouvement.
Les animateurs et intervallistes dessinaient une image par prise de vue, soit 18 images
par seconde pour le cinéma muet, puis 24 images par seconde pour le cinéma sonore.
•
•
LE RÉALISATEUR vérifie la qualité de l'animation.
•
LE TRACEUR encre soigneusement les dessins à la plume sur des
feuilles de rhodoïd3 ou celluloïd transparentes (appelées « cellos » ou
« cellulos »).
Slap Happy
Lion. Dessins
d’animation
originaux.
•
LE COLORISTE, muni d’un pinceau et de gouache acrylique, met en couleur le
dessin sur le verso des « transparents », ceci afin que les couleurs ne débordent
pas sur les contours bien nets des personnages tracés sur l’autre face.
Chaque cellulo est perforé et classé pour réaliser en quelque sorte une pellicule qui
viendra se superposer au décor.
3. LE DÉCOR
Swing Shift
Cinderella.
Mise
en
couleurs.
Le décor est peint, indépendamment des personnages, à l’aquarelle ou à la
gouache sur une feuille de papier pouvant mesurer plusieurs mètres de long, afin
de pouvoir réaliser de larges panoramiques4.
4. PRISE DE VUE ET PISTE SONORE
•
Selon un ordre défini, les « cellos » sont superposés à un décor et passent sous une
caméra, appelé banc-titre5, qui les photographie image par image. On peut superposer
plusieurs cellulos pour une même image.
•
La synchronisation de la piste sonore était réalisée, à l’époque de Tex Avery, dans un
grand auditorium qui projetait sans fin les images muettes du cartoon où l’orchestre se
mêlait aux choristes et aux acteurs.
C. … AU SERVICE D'UN PROCÉDÉ ANCIEN : LA CARICATURE ANIMALIÈRE...
La caricature animalière est un procédé ancien. On la retrouve dans les papyri 6 égyptiens, dans les
fables d’Ésope7 ou celles de La Fontaine, dans les contes...
L’originalité ici est qu’elle est au service d’un média relativement nouveau : le cinéma d’animation.
D. … PAR UN CARTOONISTE NOVATEUR...
Né en 1908, Tex Avery meurt en 1980. Il commence sa carrière
de cartooniste au début des années 30. En 1935, il est embauché
par les studios Warner Bros comme réalisateur.
Avec son équipe de cartoonistes, dont Chuck Jones
(1912-2002) qui sera le premier à mettre son talent au service
de l'effort de guerre en créant les personnages De Daffy Duck
(1937) et Bugs Bunny (1940), il révolutionne le dessin animé
TEX AVERY,
en opposant au style réaliste et aux scénarios bien-pensants
http://www.giantbomb.com
de Walt Disney un style complètement farfelu, des histoires CHUCK JONES,
et des situations délirantes, au service d'un humour http://www.vintagec
ulture.net/chuck-jon
irrévérencieux
(comique
de
transgression).
Il
trouve
son
inspiration es-looney-tunes/
danslesvieillescomédies burlesques (slpastick).
En désaccord avec la Warner Bros qui, dit-il, le censure, Tex Avery rejoint la MGM en 1941. Sa créativité
débordante s'exprime par la création des toons suivants : Droopy, le loup, la vamp sexy, l'écureuil
Casse-noisettes ...
Blitz Wolf est le premier cartoon de cette période MGM.
D. ...DANS UN DOUBLE CONTEXTE HISTORIQUE...
a. … 1942 : LE TOURNANT DE LA GUERRE...
les Alliés commencent à reprendre l’initiative face aux puissances de l’Axe, que ce soit en U.R.S.S
(Stalingrad), en Afrique du Nord (El-Alamein) ou dans le Pacifique (Mer de Corail - Midway).
C’est le moment également où l’effort de guerre américain entame son rythme de croisière et surclasse
celui des puissances de l’Axe.
b. … ET HOLLYWOOD EN GUERRE
Jusqu’à l’entrée en guerre des États-Unis après l’attaque de Pearl Harbour par les Japonais, les studios
d’animation américains n’étaient pas touchés par le conflit, mis à part sur l’aspect financier (l’Europe en
guerre était devenu un marché où les productions de ces studios ne s’écoulait plus).
D’un point de vue artistique, la guerre, dont les enjeux restaient très éloignés des préoccupations
de l’Amérique profonde, n’avait pas d’influences sur les productions de dessins animés.
Mais après le 7 décembre 1941, le gouvernement étatsunien réquisitionne tous les studios
d’animation :
• Disney prend la lourde tâche de vulgariser les enjeux du conflit, ses tenants et aboutissants .
Le patriotisme est valorisé et tous les thèmes sont bons à mobiliser : Ex : l’intérêt pour tout un
chacun de payer ses impôts en temps et heure (The New Spirit).
Toutes les Stars de la compagnie sont donc mises à contribution et participent à l’effort de Guerre.
•
Dans cette perspective, Tex Avery et les studios Warner ne sont pas en reste, Blitz Wolf se
distinguant néanmoins comme une contribution originale à la propagande de guerre
antifasciste .
II. ANALYSE DE L'ŒUVRE
A. TEX AVERY S'INSPIRE D'UN CONTE...
Pour réaliser Blitz Wolf, Tex Avery puise son inspiration dans un conte anonyme du folklore
anglo-saxon : les trois petits cochons (Three little pigs) dont les premières traces remonteraient au
XVIIIème siècle, bien que le conte soit sans doute plus ancien.
Ainsi, dans le conte comme dans le dessin animé, les principales fonctions narratives sont
assumées par des animaux.
B. ...EN LE PARODIANT8...
Tex Avery prend des libertés avec le conte d’origine. Le message s’il correspond relativement bien au
conte originel, s’en trouve actualisé par les temps de guerre. Ex : Le loup, symbolise depuis le
Moyen-Âge dans les contes tout ce qui fait peur à l’enfant (peur d’être dévoré, peur de l’étranger, peur
d’être dans la pénombre, peur d’être puni, peur d’être kidnappé...). Il est donc naturel qu’il soit associé à
Adolf Hitler.
C. ….PAR L'UTILISATION DE MULTIPLES RESSORTS COMIQUES...
•
LA CARICATURE
Incarnée par Wolf, elle vise à le dévaloriser :
▪ Par le comique de geste. Ex : la démarche et le salut nazi associés à l'attitude fourbe
attribuée classiquement au loup dans le conte.
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▪ Par le comique de situation. Ex : peureux, idiot et dragueur, il n'est nullement un chef de
guerre terrifiant.
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▪ Par l'utilisation de connotations9 de deux types :
▪ Racistes. Ex : le pied de Wolf transformé en saucisse de Francfort (stéréotype).
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▪ Sexy, voire sexuelles. Particularité de Tex Avery, dont il fera un des éléments de son
comique de transgression.Ex: la comparaison des tailles des canons, et le sergent
pork utilisant une revue de pin'ups10.
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•
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LE GAG
C'est toute l'originalité de Tex Avery qui s'exprime ici, par la création de situation burlesques (absurdes,
ridicules) créant des décalages par :
▪ La personnification. Ex : l'humanisation de l'armement.
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▪ La transformation. Ex : la forme et la fonction de l'armement, dévalorisant Wolf ou son
armement
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▪ L'exagération. Ex : le canon à échelle démesurée ou la forteresse volante suréquipée,
montrant la surpuissance de l'armement américain.
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▪ La distanciation, impliquant directement le spectateur dans la démonstration. Ex : Wolf
s'adressant au spectateur,ou Tex Avery lui-même, rappelant le bombardement audacieux de
Tokyo dès janvier 1942, mené par le lieutenant-colonel James Doolittle, à partir de
bombardiers Hornet modifiés,lancés pour la première fois de porte-avions.
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D. ... POUR LE METTRE AU SERVICE DE LA GUERRE
Tex Avery utilise les techniques et les codes de la propagande politique :
1. LA SIMPLIFICATION :
•
Les ennemis nazis et japonais sont ciblés par des symboles simples et aisément
identifiables. Ex : Wolf par sa petite moustache, sa coiffure et sa démarche représente de
manière évidente Hitler.
•
La répétition de ces symboles propose une vision manichéenne11 : la lutte du Bien (les
démocraties, incarnées parles trois petits cochons) contre le Mal (les régimes totalitaires
nazis et nippons, incarnés par Wolf).
2. LE GROSSISSEMENT ET LA DÉFIGURATION :
•
Absence de nuances. Ex : le loup est fourbe, cruel et a un fort accent germanique.
•
Utilisation du pastiche12 et de la caricature qui déforment, dévient et amplifient.
3. L'ORCHESTRATION :
•
Les règles de découpage de l'action sont simples et graduées :
➔ Inconscience face au danger.
➔ Le danger grandissant.
➔ La lutte d'influence.
➔ La victoire.
•
Le rythme ainsi proposé permet ainsi de capter l'attention du public.
4. LA TRANSFUSION :
•
L’ennemi est totalement dévalorisé, mais il convient de distinguer deux approches
différentes, selon qu’il s’agisse de l’Allemagne ou du Japon :
➔ Ce n’est pas le peuple allemand qui est visé mais son Führer.
➔ Anti-japonisme très violent (ex : panneau « no japs ») s'appuyant sur le mythe du
« Péril Jaune »13 né en 1905 à San Francisco et renforcé par le fait que l'attaque de
Pearl Harbour le 7 décembre 1941 se soit déroulée avant la déclaration de guerre
japonaise aux États-Unis (ex : discours de F.D Roosevelt du 8 décembre : « […] un
jour à marquer du sceau de l'infamie...[...] » ): c'est donc le peuple japonais dans
son ensemble qui est visé. Ex : la bombe lancée sur Tokyo, provoquant l'immédiate
disparition sous les eaux de l’archipel nippon.
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5. L'UNANIMITÉ :
•
•
Les références allemandes et japonaises, et, face à elles, les références américaines,
ne laissent aucun doute sur les intentions de l'auteur :
▪ Faire accepter la guerre.
▪ Convaincre les partisans du bien pour rassembler l’argent nécessaire à la victoire des
démocraties par l'anéantissement des régimes totalitaires nazi et nippon.
▪ Galvaniser l'esprit combatif des Américains.
L'interpellation directe du spectateur à plusieurs reprises renforce cet objectif d'adhésion.
Ex : le générique de fin (The End...of Adolf). énonce clairement que Hitler sera détruit grâce aux
bons achetés.
III. PORTÉE DE L'ŒUVRE
Blitz Wolf apporte la preuve du rôle primordial que peut jouer l’image en mouvement dans la
perception des événements historiques :
D’abord, parce qu’il (re-)présente à grands traits stéréotypés l’idéologie d’une époque. En
effet, ce dessin animé daté de 1942 retrace un pan entier du conflit et de la guerre des nerfs qui
opposa les démocraties aux dictatures.
• Ensuite, parce qu’il révèle comment un outil de culture (le cinéma d’animation) peut être
détourné de son rôle premier de divertissement destiné principalement aux plus jeunes pour
devenir une arme redoutable de propagande alors destinée aux adultes dans le contexte de la
deuxième guerre mondiale.
• Enfin, parce qu’à postériori certaines scènes originales ont été gommées dans l’édition parue en
DVD. Ainsi, selon la Warner, leurs connotations racistes (même si elles sont à recontextualiser dans
la conjoncture de l’époque) n’ont plus lieu d’être aujourd’hui !! Cela fait mauvais effet !
À tous ces niveaux, Blitz Wolf peut donc être envisagé comme un document d’Histoire au même titre
qu’une affiche, qu’un discours, qu’un article de presse ...
•
NOTES :
1. Le technicolor est une série de procédés de films en couleur lancés par la Technicolor Motion Picture
Corporation, fondée par Herbert T. Kalmus, Daniel F. Comstock et W. B.
Westcott en 1915.
Herbert Kalmus va mettre au point en 1932 la caméra qui permet de
filmer tout en couleurs : la caméra Technicolor trichrome. C’est celle
du technicolor classique, celle à laquelle on fait référence aujourd’hui
lorsque l’on parle d’âge d’or du technicolor. Elle gère trois négatifs noir
et blanc à la fois, entraînés en synchronisme parfait, l’un étant
sensible au rouge, l’autre au vert et le dernier au bleu. Ce procédé
nécessitait beaucoup de soin lors du tirage final, afin que les trois images
caméra Technicolor trichrome - source:
se superposent exactement sur la copie.
http://commons.wikimedia.org/wiki/File
Le premier film utilisant le technicolor trichrome sera donc un film :3-strip_Technicolor_camera.jpg
d’animation, Des arbres et des fleurs (1932), issu des Silly Symphonies,
laboratoire d’expérimentation pour le futur premier long métrage de Walt Disney, Blanche-Neige et les
Sept Nains (1937).
2. Genre d'humour impliquant une part de violence physique volontairement exagérée, dérivé de la
commedia dell'arte, et très utilisé par le cinéma burlesque américain.
3. Matières plastiques inventées par l'américain Earl Hurd en 1914.
4. Mouvement de rotation de la caméra sur l’un ou l’autre de ses axes, à l’horizontal ou à la verticale
5. Désigne une caméra permettant le déplacement vertical de l’appareil face à une surface plane sur
laquelle reposent les originaux à filmer.
6. Pluriel de papyrus.
7. Écrivain grec d'origine phrygienne, du VIIème – VIème siècle avant J.-C., à qui on attribue la paternité de la
fable comme littérature ou genre littéraire.
8. Reprise ironique ou dérisoire d'une œuvre, ou d'un genre, qui en caricature les règles, les
personnages, les situations ou les stéréotypes. De même que le détournement, la parodie utilise
l'inversion, la réduction ou l'amplification, l'anachronisme, les jeux de mots... Elle est très proche du
burlesque.
9. Sens qui dépend du contexte, ici la Seconde Guerre Mondiale.
10. Femme dont on accroche la représentation photographique ou artistique dans une pose attirante ou
« sexy », représentation de la femme libérée, à la fois sophistiquée et attirante.
11. Opposition simplifiée du Bien et du Mal.
12. Imitation du style d'un auteur ou d'un artiste.
13. Expression de la fin du XIXème siècle énonçant l'idée d'un danger que les peuples d'Asie dépassent les
Blancs et gouvernent le monde, désignant d'abord les Chinois (ayant émigré massivement, notamment
vers les États-Unis), puis les Japonais (suite à leur victoire contre les Russes en 1905).
ŒUVRE LIÉE : « DER FUEHRER'S FACE »
FICHE TECHNIQUE :
Titre : Der Fuehrer's Face
Genre : cartoon.
Technique : Technicolor
Date : 1er janvier 1943. Oscar du meilleur court-métrage en 1943.
Réalisateur : Jack Kinney (1909-1992), co-écrit par Joe Grant (le père de Blanche Neige –
1908-2005) et Dick Huemer (1898-1979).
Producteur : Walt Disney Company.
Durée : 8 mn.
SYNOPSIS :
Donald fait un cauchemar où il se retrouve citoyen de Nutziland. Débute alors une journée qui ne sera pas
de tout repos...
I. PRÉSENTATION DE L'ŒUVRE
A. UN CARTOON...
Der Fuehrer's face est un cartoon, sorti sur les écrans américains le 1er août 1943.
Le réalisateur en est Jack Kinney Il a été produit par la Walt Disney Company. C'est un cartoon en
technicolor1, d'une durée de 8 mn.
B. ...METTANT EN AVANT UN NOUVEAU TOON, DONALD DUCK...
Donald Duck est créé en 1934 par l’animateur Dick Lundy (1907
-1990), entre autres, pour les studios Disney. Sa première apparition
au cinéma se fait en tant que canard en costume de marin, le 9 juin 1934
dans le film « The Wise Little Hen » (Une petite poule avisée).
Au départ, ce canard, présenté comme grincheux et colérique, sert de
contrepoint au caractère plus posé de Mickey Mouse, la star de
Disney. Mais il devient rapidement le héros de sa propre série de
dessins animés.
Avant 1941, Donald n’est apparu que dans 50 films, mais après
cette date (lorsque les États-Unis entrent en guerre contre le
troisième Reich et l’Empire du Soleil Levant) et jusqu’en 1965, on le voit dans plus d’une centaine
de films.
Tandis que la production des Mickey Mouse est stoppée de 1942 à 1947 , celle de la série Donald
Duck se fait à un rythme de 7 à 10 films par an jusqu’en 1955.
En 1949, Donald est devenu plus populaire que Mickey : il est la vedette Disney des temps de
guerre.
C. … DONT LE PÈRE EST L'INVENTEUR DU DESSIN ANIMÉ MODERNE...
Walter Elias Disney représente le rêve américain par sa carrière : né à
Chicago en 1901 d’un père d’origine irlandaise d'une famille modeste, il
meurt en 1971. Il passera par beaucoup de métiers étant jeune : vendeur
de journaux, remplaçant facteur, portier en uniforme à la station de métro
aérien, vendeur dans les trains.
S’engageant dans l'armée en 1918 en falsifiant son passeport, ce n’est
qu’à son retour aux États-Unis qu’il commence à postuler pour la
réalisation de film (dont un avec Charlie Chaplin).
À Hollywood, Disney monte une « affaire » d'animation avec son frère
Roy. Ainsi débutent les Disney Brothers Studio dans le garage de leur
Source: http://disney.wikia.com
oncle Robert. En 1926, les Disney Brothers Studio sont rebaptisés Walt
Disney Studio.
Walt Disney n'était pas un grand dessinateur et a souvent admis ne pas avoir contribué à un seul
dessin après 1926, se consacrant plutôt au domaine des idées, notamment la recherche de
l'hyperréalisme :
En 1928, sort Steamboat Willie, premier dessin animé avec son synchronisé, qui marque la
naissance de Mickey Mouse (et de Minnie et Pat Hibulaire), lequel devient une star internationale
dès 1930.
En 1929, début de la série de courts métrages musicaux,The Silly symphonies.
En 1932 : contrat d'exclusivité avec Technicolor, qu'il est le seul à pouvoir utiliser.
•
•
•
Mais les investissements nécessaires ont créé des dettes et afin de rendre ses studios bénéficiaires, Walt
Disney décide de produire un long métrage d'animation, Blanche-Neige et les sept nains. Entre
1934 et 1937, les studios Disney utilisent principalement les Silly Symphonies pour tester les techniques
nécessaires à Blanche-Neige (l'animation réaliste des êtres humains, l'animation de personnages
distincts, les effets spéciaux).
En 1941, Disney décide de participer à l'effort de guerre :
•
En association avec Lockheed Martin, les studios réalisent un dessin animé sur les méthodes de
rivetages des avions à destination des nouveaux employés des usines. La popularité des studios
ne cesse de croître, de nombreux régiments ou escadrilles américains demandent aux studios de
leur produire des personnages Disney qui serviront notamment à décorer le fuselage des avions
•
À partir de 1942, l'armée américaine réquisitionne la plupart des bâtiments des studios
Disney et demande aux équipes de créer des films d'entraînement et d'instruction pour les
militaires, aussi bien que des films de propagande.
II. ANALYSE DE L'ŒUVRE
A. JACK KINNEY PARODIE L'ALLEMAGNE NAZIE : NUTZILAND...
On retrouve Donald Duck dans la peau d'un ouvrier nazi, travaillant dans une usine
de munition à Nutziland. (jeu de mots: « nut » signifie « fou » en anglais et la
prononciation de « nazi » en allemand et en anglais est : « natzi »).
Le dessin animé décrit ainsi sa journée, au cours de laquelle il doit sans
cesse rappeler sa fidélité au Führer.
PHOTOGRAMME 1
B. ….PAR L'UTILISATION D'UNE CHANSON DEVENUE UN TUBE....
Walt Disney voulait que la musique de « Der Fuehrer’s Face » soit amusante mais
ses paroles sérieuses Les soldats nazis chantent ainsi en anglais, mais leur accent
Allemand ressort et donne un aspect comique à la musique .
La composition en a été confiée à Oliver Wallace, entré aux studios Disney en 1936,
et compositeur des musiques des courts-métrages de Donald Duck depuis ses
débuts.
http://tresorsdisney.blogspot.fr
Il choisit délibérément de parodier la mélodie du « Horst Wessel Lied », l'hymne
officiel du parti nazi (Le texte du Horst-Wessel-Lied a été écrit par le jeune S.A Horst Wessel, abattu en
1930 dans un échange de coups de feu avec des communistes).
When der Fuehrer says, « We ist der
master race »,We HEIL ! [fart] HEIL !
[fart] right in der Fuehrer’s face ! Not to
love der Fuehrer is a great disgrace,So
we HEIL ! [fart] HEIL ! [fart] right in der
Fuehrer’s face !
When Herr Goebbels says we own the
world and space
We heil heil right in Herr Goebbels’ face
When Herr Goring says they’ll never
bomb dis place
We heil heil right in Herr Goring’s face
Are we not he supermen Aryan pure
supermen
Ja we are the supermen (super duper
supermen)
Is this Nutsy land so good
Would you leave it if you could
Ja this Nutsy land is good
We would leave it if we could
We bring the world to order
Heil Hitler’s world to order
Everyone of foreign race
Will love der fuehrer’s face
When we bring to the world disorder
Quand le Führer dit : « Nous sommes la
race des seigneurs », nous crions
HEIL ! [pet] HEIL ! [pet] droit vers la
figure du Führer !Ne pas aimer le Führer
est une grande disgrâce, Alors nous
crions HEIL ! [pet] HEIL ! [pet] droit
vers la figure du Führer !
Quand Herr Goebbels dit que le monde et
les terres nous appartiennent
Nous crions « heil ! » droit vers la figure
d’Herr Goebbels
Quand Herr Göring dit qu’ils ne nous
atteindront jamais
Nous crions « heil ! » droit vers la figure
d’Herr Göring
Ne sommes-nous pas des surhommes,
nous la pure race aryenne
Ja ! nous sommes des surhommes (des
surhommes et des supermenteurs)
Notre terre nazie est si belle
La quitterions-nous si nous le pouvions ?
Ja ! cette terre nazie est belle
Nous la quitterions si nous le pouvions
Nous remettrons de l’ordre sur la Terre
Faire crier Heil ! à la Terre entière
Toutes les races étangères
Vénéreront le visage du Führer
Quand nous aurons mis du (dés-)ordre !
http://www.musicweb-intern
ational.com
Avant la sortie du film, la chanson a été parodiée et
enregistrée par le groupe Spike Jones and His City
Slickers, spécialiste de la parodie de chansons
populaires, le 28 juillet 1942.
Devant son succès le titre de travail « Donald Duck
in Nutziland » a été remplacé par celui de la chanson,
devenue un immense succès (vendue par le label
Southern Music Publishing à 200 000 exemplaires dès
novembre 1942 )
Des éléments essentiels de 'idéologie nazie y sont
rappelés :
•
Supériorité de la « race des seigneurs » (=Aryens).
•
Conquête de l'espace vital (« la terre nous appartient »).
POCHETTE DU DISQUE
Mais elle est tournée en dérision :
•
•
•
« race des supermenteurs », « nous la quitterions si nous pouvions ».
Bruits de pets accompagnant toute la durée de la musique.
Petit à petit la musique s'accélère pour montrer la folie qui s'installe.
C. ….ET PAR L'UTILISATION DE MULTIPLES RESSORTS COMIQUES...
•
LA CARICATURE
Incarnée par la fanfare, elle vise à :
•
Diaboliser les Nazis et leurs alliés :
▪ Par le décor : nazifié dans tous ses aspects :
◦ Arbres, poteaux nuages en forme de croix gammée.
PHOTOGRAMME 1
◦ Le coq et le coucou font le salut nazi
PHOTOGRAMME 2
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Enfin les couleurs varient peu, beaucoup de vert rappelant l'uniforme nazi
•
Par le comique de geste. Ex : la démarche des membres de la fanfare :
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▪ Par le comique de situation. C'est le registre comique essentiel de ce
cartoon.
▪ Ex : L'empereur du Japon, Hiro-Hito, dont les traits déformés (avec une
connotation raciste très forte (couleur jaune de son visage)) sont mis en
parallèle avec la question « sommes-nous des surhommes ? »
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Ce sont les seuls humains présents durant tout le film : le régime Nazi est donc déshumanisé.
•
Dénoncer tous les aspects du système totalitaire :
Là encore, le comique de situation est systématiquement utilisé pour :
▪ L'absence de liberté de pensée. Ex : lecture de « Mein Kampf » dès le
petit-déjeuner.
PHOTOGRAMME 6
▪ L'embrigadement. Ex : l'intégration à la fanfare.
PHOTOGRAMME 7
▪ L'absence de liberté d'expression et la terreur . Ex :Lorsque Donald semble
émettre une critique, des baïonnettes surgissent, déshumanisant davantage
encore le régime nazi).
PHOTOGRAMME 8
▪ Le culte de la personnalité. Ex : l'omniprésence des portraits d'Hitler et du
salut.
PHOTOGRAMME 9
PHOTOGRAMME 10
PHOTOGRAMME 11
▪ Le contrôle de l'économie tournée vers la guerre. Ex : l'usine d'armement
qui montre un travail déshumanisé (multiplication du salut hitlérien et des
cadences) qui finit par conduire à la folie.
PHOTOGRAMME 12
PHOTOGRAMME 13
D. ... POUR LE METTRE AU SERVICE DE LA GUERRE
Jack Kinney utilise lui aussi les techniques et les codes de la propagande politique :
2. LA SIMPLIFICATION :
•
Les ennemis nazis et japonais sont ciblés par des symboles simples et aisément
identifiables. Ex : les éléments du paysage nazifiés (arbres-nuages-objets)
•
La répétition de ces symboles propose une vision manichéenne11 du régime nazi
2. LE GROSSISSEMENT ET LA DÉFIGURATION :
•
Absence de nuances. Ex : les personnages de la fanfare ont un fort accent (germanique,
italien et nippon).
•
Utilisation de la caricature qui déforme, dévie et amplifie.
3. L'ORCHESTRATION :
•
Les règles de découpage de l'action sont simples et graduées :
➔ Ia fanfare : l'idéologie nazie en action.
➔ Le réveil de Donald : l'embrigadement.
➔ La journée de travail de Donald :un travail aliénant (« I become mad »)
•
➔ Le réveil de Donald : Les valeurs de l'Amérique en guerre incarnées par la Statue de la
Liberté (« «I am proud to be a citizen american of United States of America »).
Le rythme ainsi proposé permet ainsi de capter l'attention du public.
4. LA TRANSFUSION :
•
L’ennemi est totalement dévalorisé.
5. L'UNANIMITÉ :
•
Les références allemandes, italiennes et japonaises (personnages de la fanfare usine), et, face à elles, les références américaines (Donald portant le « stars and
stripes » en guise de pyjama – la Statue de la Liberté), ne laissent aucun doute sur les
intentions de l'auteur :
▪ Dénoncer les fondements du régime nazi en les ridiculisant (fanfare) et en les
opposant aux valeurs incarnées par les Éats-Unis d'Amérique.
▪ Convaincre les partisans du bien de la nécessité de la guerre.
▪ Galvaniser le patriotisme des Américains.
• En rappelant ses valeurs par des symboles forts :
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L'interpellation directe du spectateur par le générique de fin renforce cet
objectif d'adhésion.
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