Radioactivité alpha

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Radioactivité alpha
APPROCHE DOCUMENTAIRE : LA RADIOACTIVITÉ ALPHA
La radioactivité résulte de l’instabilité d’un noyau qui se désintègre. Elle a été découverte par Wilhelm Röntgen,
Henri Becquerel et Marie Curie à la fin du XIXème siècle. La radioactivité a donné lieu à des applications
technologiques (méthodes de datation, énergie nucléaire civile, armes nucléaires) et elle présente souvent un danger
pour les organismes vivants en raison des rayonnements ionisants qu'elle produit.
I - Les différentes radioactivités
On note N le nombre de neutrons d’un noyau, Z le nombre de ses protons (appelé numéro atomique) et A = N+Z
(nombre de masse) le nombre de nucléons, ce terme désignant indistinctement les neutrons et les protons. On
désigne un noyau de l’élément X par la notation ZA X . Quant aux particules α, ce sont des noyaux d’hélium formés
de deux neutrons et deux protons, d’où la notation 24 He .
On constate expérimentalement que certains noyaux sont stables et d’autres instables. Les premiers n’évoluent pas
alors que les seconds se transforment en d’autres noyaux en émettant du rayonnement. Ce phénomène, appelé
radioactivité, correspond au passage spontané du noyau vers un état d’énergie plus basse. Parmi les 289 noyaux
naturels, 264 sont stables et 25 radioactifs, tels les différents isotopes de l’uranium et du radon. Quant aux centaines
de noyaux artificiels obtenus dans les laboratoires de physique nucléaire, tous sont instables. La désintégration d'un
noyau peut prendre différentes formes :

Radioactivité  : elle correspond à l'émission, par un noyau instable, d’une particule α, qui est en réalité un
noyau d’hélium formés de deux neutrons et deux protons, d’où la notation 24 He . Ce noyau d'hélium est un
noyau particulièrement stable. La radioactivité  permet aux noyaux lourds, contenant un nombre
important de protons, de diminuer la répulsion électrostatique des protons par émission d'une particule ,
qui emporte deux protons.
236
232
4
Par exemple, le noyau 236
92U donne lieu à ce mode de désintégration : 92U  90Th 2 He

Radioactivité  : elle correspond à l'émission d'une particule  par un noyau instable. On distingue la
radioactivité - de la radioactivité +. La désintégration - correspond à la conversion d'un neutron en
proton et à l'émission d'une particule - (électron) et d'un antineutrino électronique selon :
A
A

Z X  Z 1Y  e   e
La désintégration + correspond à la conversion d'un proton en neutron et à l'émission d'une particule +
(positron) et d'un neutrino électronique selon :
A
A

Z X  Z 1Y  e   e

Radioactivité  : elle correspond à l'émission d'un photon  par un noyau se trouvant dans un état excité et
revenant dans un état d'énergie inférieure.
II - Durée de demi-vie
Il est impossible de prévoir à quel instant un noyau radioactif se désintégrera en un noyau plus stable. La
radioactivité est un phénomène aléatoire pour lequel on ne peut raisonner que de manière probabiliste. Pour chaque
transition radioactive, il existe une constante λ telle que la probabilité de désintégration pendant une durée dt
s’exprime par dP = λ dt . La constante radioactive λ représente une probabilité de désintégration par unité de temps
en s-1.
La demi-vie  1 2 d'un isotope radioactif représente la durée au bout de laquelle la population de noyaux radioactifs a
été divisée par un facteur 2. On a  1 2 
Ln2

.
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212
9
-7
Pour le noyau 238
92U , elle est de 4,5 x 10 années, alors qu'elle est seulement de 3 x 10 s pour le noyau 84 Po . Il est
rare qu'une grandeur physique varie sur autant d'ordres de grandeur. Construire un modèle théorique rendant
compte de ces variations gigantesques se présente comme un véritable défi.
III - Les résultats expérimentaux pour la radioactivité 
Les demi-vies de différents isotopes radioactifs et l'énergie cinétique de la particule  émise ont été mesurées.
On constate que l’énergie cinétique de la particule  émise s’échelonne entre 4 et10 MeV et que  1 2 est d’autant
plus grande que E est faible. Dès 1911, Geiger et Nuttal avaient remarqué cette dépendance et proposé la loi
B
empirique : Ln 1 2  A 
où A et B sont des constantes.
E
IV – Le modèle de Gamow, Gurney et Condon
Tentons d’analyser dans le cadre de la mécanique classique le mouvement d’une particule α expulsée d’un noyau où
elle se trouve retenue par des interactions attractives. Ce modèle suppose que la particule α préexiste à l’intérieur du noyau. Si
son énergie cinétique est suffisante, elle peut s’en échapper à la manière d’un projectile lancé depuis la Terre qui
échappe au champ gravité si sa vitesse dépasse 11,2 km/s (seconde vitesse cosmique). Bien que cette analogie soit
instructive, le cas d’une particule α émise par un noyau est plus subtil.
En effet, elle n’est pas uniquement soumise à l’interaction forte, attractive et de courte portée, mais aussi à la
répulsion électrostatique qui intervient seule dès que sa distance aux nucléons demeurés dans le noyau dépasse 1fm.
Entre le noyau fils portant Z protons et la particule α de charge +2e, la force coulombienne a pour expression
2 Ze2
2 Ze2
F
U

et
dérive
de
l’énergie
potentielle
.
e
4 0 r 2
4 0 r
Dans ces expressions, r désigne bien entendu la distance entre la particule α et le centre du noyau. Cette force
répulsive accélère la particule α dans sa fuite dès lors qu’elle a réussi à s’extraire de la région où l’interaction forte
tendait à la confiner, c’est à dire du noyau fils de rayon R. La valeur de ce rayon est connue grâce à des expériences
de diffusion et se calcule par R  R0 A1 3 avec R0 = 1,2 fm.(1 fm = 1 Fermi = 10-15m).
Une courbe d’énergie potentielle U(r) schématique est représentée sur la figure suivante, l’origine des énergies ayant
été choisie en r → ∞. Pour r > R, U se confond avec Ue ; pour r < R au contraire, l’interaction forte se manifeste et
explique la formation du puits de potentiel dans lequel la particule α est enfermée. La réalité est sans doute plus
nuancée : au delà de R et sur une distance de 1 ou 2 fm existe sans doute une zone intermédiaire où l’interaction
forte, rapidement décroissante, conjugue ses effets avec ceux de la répulsion coulombienne. En négligeant cette
subtilité, on peut affirmer que U(R) ≃ Ue(R) et calculer sa valeur numérique.
Pour les noyaux lourds étudiés A ≃ 200, R  R0 A1 3 ≃ 6, 5 fm et U(R) ≃ 40MeV. Cette valeur apparaît, pour la
particule α venant de l’intérieur du noyau, comme la hauteur de la barrière de potentiel qu’elle doit franchir ; nous la
notons dorénavant B.
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Énergie potentielle agissant sur une particule α. L’énergie cinétique E mesurée loin du noyau s’identifie à l’énergie mécanique, dont E1 et
E2 sont deux exemples de valeur.
Sur la figure, deux valeurs possibles de l’énergie mécanique Em, notées E1 et E2, ont été portées, respectivement
inférieure et supérieure à B. Avec l’énergie E2, la particule se trouve dans un état lié et reste dans le noyau ; avec
l’énergie E1 elle s’en échappe et peut rejoindre l’infini. Lorsqu’elle y parvient, son énergie potentielle s’annule et la
conservation le l’énergie mécanique indique que Ec = E1 ≥ 40MeV. Fait extrêmement important, cette valeur
s’avère complètement incompatible avec les valeurs de Ec indiquées plus haut, de l’ordre de 4 à 9Mev, bien
inférieures à la hauteur de barrière B. Autrement dit, les énergies cinétiques mesurées pour les particules α sont telles
qu’elles interdisent en principe le passage de l’intérieur vers l’extérieur du noyau.
Pour interpréter ces résultats Gamow propose en 1928 un modèle théorique basé sur l’effet tunnel.
Franchissement par effet tunnel
Nous savons que lorsque qu’une particule ne possède pas suffisamment d’énergie pour franchir une barrière de
potentiel en respectant les règles de la mécanique classique, la probabilité pour qu’elle la traverse est cependant nonnulle grâce à l’existence d’ondes évanescentes dans la zone classiquement interdite. Cette probabilité s’identifie au
coefficient de transmission T que l’on obtient approximativement par T  e  où :
2 r2
   2mU r   E dr
 R
Où R et r2 sont les abscisses délimitant la zone classiquement interdite pour la particule d’énergie E. On peut alors
E
calculer cette intégrale et en remarquant que «1 on obtient une formulation approchée de  :
B
 
AN : Pour la désintégration du
232
90
Th en
-44
Ze2
 0
Ze2 mR
m 4

2E 
 0
228
88
Ra qui produit des particules α d’énergie E = 4, 08MeV, nous obtenons
B = 37, 7MeV, γ = 101 et T = 10 . Pour celle de
222
86
Rn en
Po avec E = 6, 4MeV on a γ = 63 et T = 10-28.
218
84
T varie sur 16 décades ! Cela est bien entendu lié à l’effet amplificateur de la fonction exponentielle, typique de
l’effet tunnel et des ondes évanescentes qui lui sont associées. Ces impressionnantes variations rappellent celles
relevées pour  1 2 et sont d’ailleurs la clé de leur explication.
Loi de Geiger et Nuttal
Compte tenu de son énergie cinétique, la particule a fait des aller-retour dans le noyau et ne cesse de « rebondir»
contre la barrière de potentiel. À chaque « collision» sur la barrière de potentiel, la particule α a une probabilité T
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d'être transmise au-delà du noyau. Autrement dit, il lui faut en moyenne 1/T collisions pour sortir du noyau. Or la
vitesse de la particule α dans le noyau est sensiblement la même pour les différents noyaux. La durée d’un aller
2R
retour est alors de  0 
. Cette durée est sensiblement constante pour tous les noyaux.
v
La durée de demi-vie est alors de l’ordre de
0
ce qui donne pour Ln 1 2 la formule de Geiger Nuttal et valide les
T
idées développées par Gamow, Gurney et Condon. S'il est bien sûr possible d'améliorer la modélisation théorique, il
n'en reste pas moins que le mérite de ce modèle est de montrer que la radioactivité α résulte d'un effet purement
quantique : l'effet tunnel. C’est la grande sensibilité de la probabilité de transmission par effet tunnel à la masse et à
l’énergie de la particule α qui est responsable des variations importantes de la demi-vie des noyaux radioactifs sur
plusieurs ordres de grandeur.
V – Questions
222
4
1. Considérons la désintégration α du radium 226 : 226
88 Ra  86 Rn  2 He . On donne les masses atomiques suivantes:
mRa = 226,0254 u ; mRn = 222,0175 u et mHe = 4,0026 u. L'unité de masse atomique vaut : 1u = 931,5 MeV/c2.
Calculer la variation de masse, puis l'énergie libérée par cette transformation nucléaire. Pourquoi peut-on dire
qu'elle correspond à l'énergie cinétique emportée par la particule α ?
2. Comment interprétez-vous la quantité R0 qui intervient dans l'expression du rayon R du noyau en fonction du
nombre de masse A ?
3. Expliquer comment on détermine l’expression de la probabilité de transmission T à travers une barrière épaisse
donnée dans le texte.
On considère toujours la désintégration α du radium 226 :
4
Ra 222
86 Rn  2 He
226
88
4. Calculer le rayon R de ce noyau.
5. À partir de la valeur de l'énergie E de la particule α émise, calculer le rayon r2.
E
«1 ?
B
 arccos E B

2R
On peut montrer alors que l’expression donnant  est :  
2mB 
 1 E B

E B


6. Déterminer la valeur B du texte pour le noyau étudié. A-t-on
7. Estimer la probabilité T de transmission de la particule α à travers cette barrière.
8. Évaluer ensuite  0 en supposant que l’énergie cinétique de la particule α dans le noyau est de l’ordre de E. En
déduire la durée de vie moyenne  du noyau.
9. On admet que le nombre moyen de noyaux qui se désintègrent entre t et t + dt s'écrit : dN =
N t 

dt où N(t) est
le nombre de noyaux non désintégrés à l'instant t. En déduire la loi d'évolution de N(t). Établir le lien entre  et
la demi-vie  1 2 .
10. Estimer la demi-vie du radium 226 et comparer à la valeur figurant dans le tableau fourni. Commenter le
résultat.
11. Le neutron fut découvert en 1934 par Chadwick, bien après la publication du modèle théorique de la
radioactivité α par Gamow, Gurney et Condon. On sait depuis cette découverte que le noyau est constitué de
protons et de neutrons. Quelle hypothèse du modèle de Gamow, Gurney et Condon est remise en cause ?
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