Fiche Histoire des arts "La liste de Schindler"

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Fiche Histoire des arts "La liste de Schindler"
Art, créations, cultures
Arts, mythe et religions
Art, espace, temps
Arts, techniques, expressions
Arts, états et pouvoirs
Arts, rupture, continuité
"La liste de Schindler" ("Schindler's list")
Steven Spielberg (1993)
Contexte ( historique, social, artistique…) :
Depuis 1963, Poldek Pfefferberg, un des "Juifs de Schindler" (très visible dans le film) cherchait à réaliser ou à faire réaliser un film sur Oskar Schindler,
sans y parvenir. En 1982, après avoir rencontré Pfefferberg, l'écrivain Thomas Keneally écrit le roman "La liste de Schindler". Le roman est envoyé par
les studios de production à Steven Spielberg pour l'adapter au cinéma. Néanmoins, celui-ci ne se sent alors pas capable de réaliser un film sur le
génocide. Le projet est alors proposé à Roman Polanski, qui refuse, l'histoire lui étant trop proche, il a en effet vécu le ghetto de Cracovie et sa mère a
été assassinée à Auschwitz. Martin Scorsese est, lui aussi, approché, mais après avoir étudié le projet, il trouve que seul un réalisateur juif peut adapter
cette histoire. Finalement, en 1993, Spielberg accepte, choqué par la montée du Néo-nazisme et du négationnisme (fait de considérer que la Shoah n'a
jamais existé). Il n'accepte aucun salaire pour ce film, cela aurait été, pour lui, accepter de "l'argent du sang". Il choisit trois acteurs emblématiques pour
les rôles principaux: Liam Neeson pour jouer Oskar Schindler , Ralph Fiennes pour jouer Amon Göth et Ben Kingsley pour Itshak Stern, le comptable juif
de Schindler. Le film est tourné en 1993 dans le quartier du Kasimierz à Cracovie. Spielberg n'ayant pas eu l'autorisation de tourner à Auschwitz, des
décors sont créés. Par contre, il réutilise le site exact du camp de Plaszow pour reconstituer le camp d'Amon Göth, au sud de Cracovie. Le film sort en
1994 et recueille des critiques élogieuses. Il est aujourd'hui considéré comme le 7ème ou 8ème plus beau film de tous les temps selon les classements.
Le film reçoit l'Oscar du meilleur film en 1994.
Artiste:
Steven Spielberg, né en 1946, est considéré comme "the entertainment king", le roi du divertissement, d'Hollywood. Spielberg débute sa carrière de
réalisateur dans les années 1970 et se rend vite célèbre par la réalisation de films comme "Les dents de la mer", la série des "Indiana Jones", ou encore
"E.T." ou "Rencontres du 3ème type". Très proche de George Lucas, le créateur-réalisateur de la franchise "Star Wars", Spielberg touche à tous les
genres cinématographiques: l'angoisse ("Les dents de la mer"), la science-fiction ("E.T.", "A.I.", "Rencontres du 3ème type", "Minority report", "La guerre
des mondes"...), l'aventure ("Indiana Jones", "Jurassik park", "Les aventures de Tintin"), et, après la réalisation de "La liste de Schindler", le film
historique ("Il faut sauver le soldat Ryan", "Munich", "Lincoln", "Amistad"). Il obtient l'oscar du meilleur réalisateur en 1994 pour "La liste de Schindler".
Analyse de l'oeuvre
L'histoire (source: Wikipedia)
Oskar Schindler (Liam Neeson) est un industriel allemand, membre du parti nazi. Ne pensant tout d'abord qu'à son profit, il emploie une main
d'œuvre juive bon marché dans son usine. Mais Oskar Schindler ne se rend véritablement compte de l'horreur et la folie nazie qu'en assistant à la
liquidation du ghetto de Cracovie par le commandant SS Amon Göth (Ralph Fiennes), et particulièrement en voyant une petite fille au manteau
rouge perdue dans le massacre. Dès lors, il tente avec son comptable Itzhak Stern (Ben Kingsley), de sauver le plus de vies possibles.
Alors que le camp dirigé par Amon Göth reçoit l'ordre de fermer et que des milliers de Juifs doivent alors être transférés à Auschwitz, Schindler
décide d'acheter, grâce à la fortune qu'il a ainsi faite, 1 100 de ces hommes pour les « abriter » en les embauchant dans la nouvelle usine d'armes
qu'il a ouverte. Il rédige alors la liste contenant les noms de ceux qui seront sauvés. Mais un train de femmes destinées à partir à son usine est
détourné vers Auschwitz. Elles échappent de peu à la mort et vont enfin à l'usine de Schindler. Dans cette usine, il interdit aux gardiens tout méfait
sur les employés et ira même jusqu'à saboter sa propre marchandise pour qu'elle ne puisse être tirée par les canons.
Quelques mois plus tard, la guerre se termine. Oskar Schindler et sa femme quittent le pays car ils sont pourchassés comme criminels de guerre
par les alliés, mais pas avant d'avoir dit adieu aux1 100 Juifs qu'ils ont sauvés et de s'être vu offrir par ces derniers une bague portant la maxime
tirée du Talmud : « Celui qui sauve une vie sauve l'humanité toute entière » (Michna, Sanhédrin 4:5 « ‫וכל המקיים נפש אחת מישראל מעלה עליו‬
‫)» הכתוב כאילו קיים עולם מלא‬.
I) Une oeuvre réaliste?
Steven Spielberg a choisi d'utiliser le noir et blanc pour donner une impression de réalité, d'archive. Le Noir et Blanc rajoute aussi au film un
caractère plus sombre et tragique. A plusieurs reprises dans le film, le sang noir s'écoulant sur la neige blanche renforce le côté tragique. La couleur
n'est utilisée qu'à six reprises, dans un but bien particulier: au début, lors de la scène du Shabbat, la flamme de la bougie est en couleur, symbole
de vie et d'espoir. Cette scène de la bougie trouve un écho dans la scène de Shabbat dans l'usine d'armement à la fin du film, et la bougie est à
nouveau en couleur. Trois scènes utilisant la couleur sont centrées sur le personnage de la petite fille au manteau rouge: cette petite fille qui erre
dans les rues du Ghetto de Cracovie pendant sa liquidation par Amon Göth, que l'on pense sauvée, et dont le manteau rouge réapparaît par la suite
sur un tas de cadavre, faisant perdre l'espoir au spectateur. Cette petite fille au manteau est un destin individuel montré du doigt pour souligner la
valeur individuelle de chaque Juif, ceux-ci n'étant pas que des matricules ou des chiffres.
Si de nombreuses scènes du film semblent fortes et terribles, Spielberg fut férocement critiqué à la sortie du film: on lui reprocha notamment
d'esthétiser l'horreur de la Shoah, c'est à dire de rendre beau, par de belles images, l'horrible et l'indicible. En effet, Spielberg fit le choix de ne pas
en rajouter dans le fait de montrer des corps décharnés, des maladies... Il choisit plutôt de représenter des scènes horribles, dans les rapports entre
les êtres humains (scènes d'exécution par Amon Göth, les sélections...).
Spielberg a rencontré de nombreux témoins de la Shoah, ce qui lui permit de reproduire fidèlement Auschwitz ou le camp de Plaszow. Spielberg est
d'ailleurs, depuis, le fondateur de la Shoah Foundation Institute for Visual History and Education dont l'objectif est de recueillir les témoignages de
tous les survivants de la Shoah et d'en diffuser les images aux jeunes générations pour que ne se reproduisent plus pareilles horreurs.
II) Le rôle majeur de la musique
Dans le film, la musique joue un rôle particulièrement important. la musique n'est pas qu'un fond sonore, elle est là pour raconter, pour faire
ressentir, pour faire évoluer l'intrigue dans l'esprit du spectateur. "La liste de Schindler" sans la musique de John Williams n'aurait pas cet impact
dramatique. John Williams a d'ailleurs reçu l'oscar de la meilleure musique pour ce film. Ainsi, la musique composée ou choisie par John Williams
peut être décomposée en trois catégories:
- Les créations originales inspirées de la musique slave et juive d'Europe centrale (force dramatique du violon)
- Les emprunts à la musique traditionnelle Yiddish (langue juive d'Europe centrale)
- L'utilisation judicieuse de la musique classique (Bach par exemple).
Le thème principal musical revient à de multiples reprises dans les moments tragiques et lors d'évolutions narratives importantes.
Pour le reste, John Williams joue beaucoup sur l'opposition entre des scènes pouvant être horribles et une musique plus apaisante, dans le but de
confronter le spectateur à cette opposition et le faire s'interroger sur ce qu'il se passe:
- Lors de la liquidation du Ghetto, et de l'errance de la petite fille au manteau rouge, une comptine douce en Yiddish, sur l'alphabet, couvre les
coups de feu et les exécutions. Cette opposition entre l'image et la musique est là pour faire réagir le spectateur et accroître le sentiment de malaise
et l'horreur ressentie.
- Lors des scènes de sélection dans le camp, une musique traditionnelle allemande, très enjouée est diffusée. Au delà de la réalité de la
sonorisation des camps par les Nazis, cela accroît le malaise du spectateur qui saisit bien que des centaines de personnes jouent leur vie face aux
médecins SS, mais cela dans une atmosphère de "fête villageoise".
- Lorsque l'on croit que les femmes de Schindler vont se faire gazer lors de leur transport par erreur à Auschwitz, cette fois-ci, le violoncelle va dans
le sens de l'image et accroît l'angoisse ressentie. La musique, qui change lors de l'apparition de l'eau des pommeaux de douche, participe alors à
l'effet de suspense.
- La musique peut aussi accroître la folie nazie, comme lors de la liquidation du Ghetto, lorsqu'un officier SS joue frénétiquement du Bach au piano
alors que résonnent les coups de feu et les fusillades.
La musique est donc un personnage à part entière de "La liste de Schindler", un outil dramatique et narratif fort utilisé par Spielberg et le
compositeur John Williams.
III) Des héros multiples face à une horreur plurielle
Le film ne distingue pas de véritable héros. Certes, Oskar Schindler est l'objet du film, mais est-il vraiment un héros? Le personnage est ambigu et
ses motivations premières ne sont pas honorables (gagner de l'argent "sur le dos" des Juifs, réduits en esclavage, une main d'oeuvre gratuite), de
même ses habitudes de vie ne sont pas louables (il trompe sa femme, boit, fume, mange trop, se lie d'amitié avec des Nazis, il est lui même mebre
du parti nazi). C'est l'évolution du personnage de Schindler qui est un vrai thème du film: de "salaud" cupide, attiré par l'argent, à celui qui va sauver
la vie à des milliers de Juifs et qui va gagner en humanité. C'est cette ambiguité et cette évolution que voulait raconter Spielberg.
Le film distingue donc de nombreux personnages "héros", dont la psychologie et la destinée sont "creusées": le couple Pfefferberg, le comptable
Itshak Stern, Helen Hirsch (la pauvre "bonne à tout faire" d'Amon Göth), la petite fille au manteau rouge... L'efficacité du film tient justement dans sa
capacité à nous faire nous attacher à ces personnages, ballotés au gré des volontés des Nazis, au départ simple main d'oeuvre indéterminé et, peu
à peu, s'individualisant pour devenir des personnages principaux.
Oskar Schindler devient peu à peu un véritable héros, qui risque sa vie, sa réputation, ce qu'il est, pour sauver des vies. La fin du film où les
ouvriers lui offrent une bague et où Schindler s'effondre, en pleurs, persuadé de ne pas en avoir fait assez pour sauver d'autres vies, fait basculer
Schindler dans le camp des héros véritables et l'hommage rendu, en couleurs, par les couples personnages rééls/acteurs à la fin du film héroïse
Schindler. Cette héroïsation de Schindler fut critiquée par des historiens, soulignant la cupidité et l'ambiguité initiale du personnage. Mais l'évolution
psychologique et morale de Schindler (soutenue par son amitié avec son comptable Itzhak Stern) est finalement peut-être l'histoire principale du film
CONCLUSION: "La liste de Schindler", une oeuvre historique?
L'impact de "La liste de Schindler" sur le grand public fut manifeste. Jusqu'en 1993, peu de films avaient montré l'horreur de la Shoah de cette
manière. En cela, "La liste de Schindler" a permis de "libérer" la création artistique cinématographique autour de la Shoah. Au delà des critiques lui
reprochant sa trop grande esthétisation de l'horreur de la Shoah, Spielberg fit oeuvre de témoignage, en immortalisant aussi bien l'horreur du
Nazisme et des camps, que l'humanité de ceux qui oeuvrèrent pour sauver des vies, ceux qu'on nomme aujourd'hui les "justes parmi les nations".
« Celui qui sauve une vie sauve l'humanité toute entière » (Michna, Sanhédrin 4:5
« ‫)» וכל המקיים נפש אחת מישראל מעלה עליו הכתוב כאילו קיים עולם מלא‬.
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du Mont Sion à Jérusalem.