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Style
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bre 2 a et dig e
ovemaper, dad e Versac
re, n
m
p
ctobn – Toilet de la fem
re, o
i
e
temb a Paqu L’imag
– Sep Paquit ide –
N°17 iques de la jolie-la
Les pusiness de
Le b
édito
Ça y est, on a changé d’époque. Fini la critique. Terminé les longs discours.
Aujourd’hui, « un bon tweet vaut mieux que trois feuillets » (p. 39). Reste qu’on
aime toujours lire ou écouter des histoires et que, même si nous n’en
utilisons que 7 %, on aimerait bien que notre cerveau – critique – ne soit
pas seulement bon pour la casse.
Heureusement, il se profile une ouverture : les médias se sentent à l’étroit
dans leurs habits et veulent en changer. Tel magazine (M) veut faire une
Web TV, telle radio (France Culture) se met à l’écrit, tel site de e-commerce
lance un magazine (Porter)… Et si l’avenir du récit était oral ? En vignette de
5 minutes à podcaster et à écouter dans le métro ? Et si la critique devenait
film, s’appuyant sur des images pour en faire un commentaire éclairé ?
La mauvaise nouvelle pour les journalistes est qu’ils ne sont pas couchés ;
la bonne : ils ont du boulot, s’ils savent réinventer leur métier.
13.16 NOV 2014
GRAND PALAIS
Avec le soutien de / With the support of
angelo cirimele
sommaire
textes
p.36, 46, 54, 62, 68 — Collection
constellations
Par Priscillia Saada
p.37 — Interview
paquita paquin
Par Cédric Saint André Perrin
p.40 — Chronique mode
le business de la jolie-laide
Par Alice Pfeiffer
intro
p.10 — Brèves
p.14 — Shopping
que faire avec
9 7 5 2 2 e u r o s ?
Photographie : Roberto Greco
Stylisme : Clémence Cahu
p.24 — Magazines
system
near east
printed pages
violet
protein
p.43 — Consumer
leica fotografie
international
par Angelo Cirimele
p.47 — Biographie
rené gruau
Par Marlène Van de Casteele
p.52 — Website
toiletpaper
par Céline Mallet
mode
p.76 —
emeline’s reverie
Portfolio d’Alex Villaluz
Stylisme : Arabella Mills
p.92 —
kate
Portfolio de Janneke van der Hagen
Stylisme : Lilia Toncheva O’Rourke
p.104 — kathleen seltzer 1977-1979
Proposé par Patrick Remy
p.118 — Collection
citations
Compilées par Wynn Dan
p.120 — Abonnement
p.55 — Chronique mode
heim, une maison, un
magazine et des idées
Par Émilie Hammen
p.122 — Agenda
p.58 — Interview art
jocelyn wolff
Par Thimothée Chaillou
p.63 — Ping pong
versace, over constructed?
Par Mathieu Buard & Céline Mallet
En vente sur
magazinemagazine.fr
p.69 — Rencontre
suzanna l.
Par Mathias Ohrel
p.72 — Rétrovision
audience
Par Pierre Ponant
magazine
7
magazine
contributeurs
Style, media & creative industry
N° 17 - Septembre, octobre, novembre 2014
rédacteur en chef
Angelo Cirimele
distribution france
KD Presse - Éric Namont
14 rue des Messageries
75010 Paris
T 01 42 46 02 20
kdpresse.com
directeur artistique
Charlie Janiaut
fashion director
Arabella Mills
photographes
Roberto Greco, Janneke van der Hagen,
Priscillia Saada, Kathleen Seltzer,
Alex Villaluz.
stylistes
Clémence Cahu, Arabella Mills,
Lilia Toncheva O’Rourke.
contributeurs
Mathieu Buard, Timothée Chaillou,
Wynn Dan, Émilie Hammen, Céline Mallet,
Mathias Ohrel, Alice Pfeiffer, Pierre Ponant,
Patrick Remy, Cédric Saint André Perrin,
Marlène Van de Casteele.
couverture
Photographie : Janneke van der Hagen
Stylisme : Lilia Toncheva O’Rourke
Coiffure : Fumihito Maehara
Maquillage : Mai Kodama
Mannequin : Kate McGlone chez FM London
diffusion internationale
Pineapple
remerciements
Monsieur X.
traduction
Rebecca Appel
secrétaire de rédaction
Anaïs Chourin
design original
Yorgo Tloupas
publicité
ACP
32 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
T 06 16 399 242
[email protected]
retouches
Janvier
Issn no 1633 – 5821
CPAPP : 0418 K 90779
directeur de publication
Angelo Cirimele
Éditeur
ACP - Angelo Cirimele
32 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
T 06 16 399 242
alex villaluz
priscillia saada
Photographe
Photographe
Où avez-vous passé vos vacances ?
Normandie puis New York.
Quelle(s) couleur(s) portez-vous aujourd’hui ?
Où avez-vous passé vos vacances ?
Dans le sud de la Corse, en famille.
Quelle(s) couleur(s) portez-vous aujourd’hui ?
Quel est le dernier magazine que vous avez acheté ?
National Geographic, Hot and Cool.
Quel est le dernier magazine que vous avez acheté ?
Masses.
roberto greco
patrick remy
Photographe
Éditeur
Où avez-vous passé vos vacances ?
Chez moi, dans les Pouilles.
Quelle(s) couleur(s) portez-vous aujourd’hui ?
Où avez-vous passé vos vacances ?
Croatie.
Quelle(s) couleur(s) portez-vous aujourd’hui ?
Quel est le dernier magazine que vous avez acheté ?
Le Nouvel Observateur.
Quel est le dernier magazine que vous avez acheté ?
Inrocks spécial rentrée littéraire, c’est le seul numéro que j’achète !
magazinemagazine.fr
[email protected]
© Magazine et les auteurs, tous droits
de reproduction réservés.
Magazine n’est pas responsable des textes,
photos et illustrations publiées, qui engagent
la seule responsabilité de leurs auteurs.
imprimeur
Graficas Irudi
magazine
8
magazine
9
brèves
Après une vague de
concentrations, c’est un
mouvement de r e f l u x qui
affecte les agences de publicité.
Gabriel Gaultier avait quitté
Leg et le giron d’Havas pour
lancer Jésus, puis est venu le
tour d’Olivier Altmann de
quitter la direction de création
de Publicis Conseil pour
monter Altmann + Pacreau. À
qui le tour ? Babinet ? Chiche…
After a period of
concentration, a new round
of movement has begun
at advertising agencies.
Gabriel Gaultier has left
Leg and Havas to start
Jésus, and now it’s Olivier
Altmann’s turn to leave his
position as head of design
at Publicis Conseil to start
Altmann + Pacreau. Who’s
next? Babinet? I bet…
long!), featuring s e l f i e s
taken by the Purple-BaronAndré-Richardson team. It
will be available at Rizzoli in
the U.S., from September.
C’est sous la forme
d’une boutique, d’un café
et à travers son émission de
r a d i o hebdomadaire que le
magazine Monocle sera présent
à Maison & Objet en cette
rentrée.
The magazine Monocle
will be represented at this
fall’s Maison & Objet festival
with a boutique, a café, and
a r a d i o program.
Changement de
s t r a t é g i e chez Vanessa
Rien ne se perd…
le Purple Diary d’Olivier
Zahm devient un livre (de
600 pages !), qui compile les
s e l f i e s du team PurpleBaron-André-Richardson
and so on. Chez Rizzoli, dès
septembre aux États-Unis.
Nothing is lost… Olivier
Zahm’s Purple Diary is being
turned into a book (600 pages
magazine
10
Bruno : la marque va
quitter les podiums pour
se concentrer sur une
communication digitale et
print plus ambitieuse.
Vanessa Bruno is changing
its s t r a t e g y : the brand
is stepping off the catwalks
to develop more ambitious
digital communication and
print presentations.
Kenzo présente sa
collection automne-hiver 2014
à travers une installation
v i d é o 3 D (réalisée par
Partel Oliva) ; les vidéos
et les œuvres seront visibles
à la galerie 12Mail du 24 au
26 septembre.
Kenzo will present its
Fall-Winter 2014 collection
via a 3 D v i d e o installation
(by Partel Oliva); the videos
and designs will be on display
at the gallery 12Mail, from
September 24-26.
Récemment nommé
président exécutif de la
Chambre syndicale de la
couture, Stéphane Wargnier
quitte la rédaction en chef du
M o n d e d ’ H e r m è s , on
ignore encore qui devrait lui
succéder.
Recently named executive
president of the Couture
Syndicate, Stéphane Wargnier
is stepping down as editor
in chief of L e M o n d e
d ’ H e r m è s . His successor
there has not yet been named.
Report des campagnes
automne-hiver : côté
mannequins, Cara Delevingne
est toujours aussi présente
(Chanel, Burberry,
Mulberry…), mais
E d i e C a m p b e l l la
talonne (Lanvin, McQueen,
Bottega Veneta, et aussi Zara,
Sandro). Gisele Bündchen ne
chôme pas (Balenciaga, Rykiel,
Isabel Marant, Pucci…) et
la chanteuse Rita Ora arrive
chez Cavalli et DKNY.
Fall-Winter fashion update:
model Cara Delevingne
will be everywhere (Chanel,
Burberry, Mulberry…), but
E d i e C a m p b e l l won’t be
far behind (Lanvin, McQueen,
Bottega Veneta, Zara and
Sandro). Gisele Bündchen
will be working hard
too (Balenciaga, Rykiel,
Isabel Marant, Pucci…), and
the singer Rita Ora will be at
Cavalli and DKNY.
Côté photographes,
Steven Meisel, Mert & Marcus
et Inez & Vinoodh tiennent
toujours la maison, devant
David Sims et Mario
Sorrenti. Les tendances ? Le
photographe in house se porte
toujours bien (Chanel, Saint
Laurent, Dolce & Gabbana),
le c h e v a l aussi (Hermès,
Lanvin, McQueen). Louis
Vuitton a choisi trois
photographes pour sa
campagne (Teller, Klein et
Leibovitz). Enfin, vive les
photos de groupe : Balmain
(à six), Givenchy ou Gucci
(à sept) et DKNY (à douze) !
On the photographers’
side, Steven Meisel,
Mert & Marcus and
Inez & Vinoodh are holding
down the house, as are David
Sims and Mario Sorrenti.
Trends? The “in house”
photographer is popular
(Chanel, Saint Laurent,
Dolce & Gabbana) ; horses
too (Hermès, Lanvin and
McQueen). Louis Vuitton has
chosen three photographers
for its campaign (Teller,
Klein and Leibovitz). Finally,
group photos win the day at
Balmain, Givenchy, Gucci
and DKNY.
depuis des accusations de
harcèlement sexuel.
The battle between
Vogue and Porter
La première
m o n o g r a p h i e consacrée
au designer Robert Stadler
paraîtra en octobre aux Éd.
La Martinière. Parallèlement,
l’exposition « Quiz »,
commissariat de Robert
Stadler et Alexis Vaillant, à
la galerie Poirel à Nancy se
poursuit jusqu’au 12 octobre.
In October, Éd. La
Martinière will release the first
m o n o g r a p h dedicated
to the designer Robert
Stadler. Until then, those
with an interest in Stadler
can visit the “Quiz” exhibit,
curated by Stadler and Alexis
Vaillant, which runs through
October 12 at the Poirel
gallery in Nancy.
Les médias continuent
toujours plus de s’affirmer
comme l a b e l s et
s’affranchissent des anciennes
catégories. Ainsi, Le Parisien et
M Le Monde prépareraient une
Web TV.
News media outlets
continue to act increasingly
like fashion l a b e l s , and roll
out new brands. Le Parisien
and M Le Monde are preparing
web TV channels.
Les rédactrices de mode,
et souvent consultantes,
passent le pas et deviennent
créatrices. Ainsi Caroline
Issa (Tank, Because) vient-elle
de dessiner une collection
de 2 5 p i è c e s pour le
department store américain
Nordstrom. Peu avant, la
consultante anglaise Yasmin
Sewell avait fait de même
pour Barney’s.
More and more fashion
editors and consultants
are becoming designers
themselves. Caroline Issa
(Tank, Because) has designed
a 2 5 p i e c e collection for
Nordstrom, the American
department store. The British
consultant Yasmin Sewell has
done the same at Barney’s.
La bataille V o g u e
v s P o r t e r se poursuit,
photographes interposés. C’est
au tour de Terry Richardson
de signer une série dans le
consumer magazine du site
de e-commerce. Il est vrai
que le photographe était
en délicatesse avec Vogue
continues, with photographers
caught in the middle. Terry
Richardson has done a photo
series for the consumer
magazine of the e-commerce
site. (Though it’s true that
Richardson has been in a
delicate position at Vogue ever
since accusations of sexual
harrassment were made
against him.)
To be honest, Wanted,
In Pursuit of Magic, Shaded
sont les 4 f r a g r a n c e s de
la ligne de parfums lancée par
Diane Pernet, connue jusqu’ici
pour son blog et son festival
de films de mode Asvoff.
Lancement le 26 septembre
à la galerie Joyce à Paris.
To be honest, Wanted, In
Pursuit of Magic, Shaded…
These are 4 f r a g r a n c e s
in the perfume line started
by Diane Pernet, known
until now for her blog and
her festival of fashion films,
ASVOFF. The line launches
September 26 at the Joyce
gallery in Paris.
La 3e Biennale de
Belleville est intitulée La
piste des A p a c h e s ,
mais c’est le quartier de
Belleville qui semble être le
vrai thème, puisque cette
édition proposera une série
de déambulations jalonnées
de récits, rencontres et
installations. Du 25 septembre
au 26 octobre. Plus sur
labiennaledebelleville.fr
The theme for the
3rd Belleville Biennale, the
contemporary art festival
that runs from September 25
through October 26, is “The
A p a c h e Trail.” But it
seems that Belleville itself
will be the real star of the
show. This third edition will
include a series of walks, talks
and installations in the Paris
neighborhood. Read more on
labiennaledebelleville.fr
Le magazine Marie Claire
fêtera ses 6 0 a n s en
octobre et en profitera pour
lancer un prix pour jeunes
créateurs de mode – quelle
bonne idée –, un autre pour
une femme artiste et même
un festival de musique. Nous
qui pensions nous ennuyer
cet automne…
Marie Claire will celebrate
its 6 0 t h b i r t h d a y in
October, and will use the
opportunity to establish
a prize for young fashion
designers—what a good
idea—, another for a female
artist, and a music festival.
And we thought we’d be bored
this fall…
magazine
11
C’est ses 8 0 a n s que
Giorgio Armani a fêté en
juillet dernier et il en a profité
pour annoncer le projet d’un
musée consacré à sa Maison,
dans sa ville de Milan.
Pas de date annoncée, mais
le bâtiment à restructurer
est choisi.
When Giorgio Armani
celebrated his 8 0 t h
b i r t h d a y last July, he
announced plans for a
museum devoted to his
designs, in his hometown of
Milan. No date has yet been
announced, but the building
that will house the museum
has been selected.
Le festival Planche(s)
Contact à D e a u v i l l e
présentera les images de
Sarah Moon, Philippe
Ramette, Rinko Kawauchi,
Henry Roy notamment. Du
25 octobre au 30 novembre.
Plus sur deauville-photo.fr/
The Planche(s) Contact
festival in D e a u v i l l e ,
which runs from
October 25-November 30,
will feature images by Sarah
Moon, Philippe Ramette,
Rinko Kawauchi and
Henry Roy. Read more at
deauville-photo.fr/
magazine
12
La vitrine du magazine
AD s’est trouvé une
nouvelle destination,
puisque l’exposition A D
I n t é r i e u r s 2014 se
tiendra dans la nef des Arts
décoratifs. On y découvrira
16 décorateurs, parmi lesquels
Bismut & Bismut, Charles
Zana, Noé DuchaufourLawrance et l’indispensable
Vincent Darré. À partir du
6 septembre.
From September 6, the
A D I n t e r i o r s 2014
exhibit will be on display at
the Museum of Decorative
Arts. The exhibit will feature
16 decorators, including
Bismut & Bismut, Charles
Zana, Noé DuchaufourLawrance and Vincent Darré.
Un nouveau consumer
magazine consacré à la
b e a u t é , sur le modèle de
Porter, c’est-à-dire financé par
un site de e-commerce, serait
en préparation.
A new consumer magazine
devoted to b e a u t y , based
on the Porter model—meaning,
financed by an e-commerce
site—is being prepared.
Le secteur Lafayette,
enclave p r o s p e c t i v e
au sein de la Fiac,
accueillera cette année
les galeries Chert (Berlin),
Laura Bartlett (London),
Parisa Kind (Francfort),
RaebervonStenglin (Zurich),
Real Fine Arts (Brooklyn),
SpazioA (Pistoia), Thomas
Duncan (Los Angeles), et les
parisiens Antoine Levi, High
Art et Triple V.
At the FIAC, the
c o l l e c t i v e Lafayette
will welcome the galleries
Chert (Berlin), Laura
Bartlett (London),
Parisa Kind (Frankfurt),
RaebervonStenglin (Zurich),
Real Fine Arts (Brooklyn),
SpazioA (Pistoia), Thomas
Duncan (Los Angeles), and
Parisian galleries Antoine Levi,
High Art and Triple V.
C’est aussi au moment
de la Fiac que LVMH devrait
inaugurer sa fondation,
au jardin d’acclimatation,
avec une première
exposition consacrée à…
F r a n k G e h r y , qui a
conçu le bâtiment.
Also at the FIAC, LVMH
will inaugurate its foundation
at the Jardin d’Acclimatation
in Paris’ Bois de Boulogne.
Its first exhibit is dedicated
to F r a n k G e h r y , who
designed the foundation’s
building.
Puisque les concept stores
se sont imposés comme
des s e l e c t o r s de la
production contemporaine,
rien d’étonnant à ce qu’ils
éditent leurs mémoires. Ainsi
le milanais Corso Como, qui
publie 10 Corso Como A to Z,
chez Rizzoli.
Concept stores have
become increasingly
influential as c u r a t o r s of
contemporary production,
and it is only logical that they
want to reflect on their own
histories. Milan-based Corso
Como is publishing 10 Corso
Como A to Z, at Rizzoli.
On peut bénéficier d’un
succès d’estime et être – en
partie – sur le marché. Ainsi,
une part du c a p i t a l de
Carven, environ 25 %, serait à
vendre. Avis aux amateurs…
It’s possible to be both
a financial success and—
partially—on the market.
Approximately 25% of
Carven’s c a p i t a l is up for
sale. Amateur buyers beware…
Collectionneur d’art
contemporain, le récent
ex-président de la Chambre
syndicale de la couture
pourrait rassembler ses
œ u v r e s au sein d’une
fondation.
The ex-president of the
Couture Syndicate, a collector
of contemporary art, is
developing a foundation to
showcase his w o r k s.
Une nouvelle formule
d’O b s e s s i o n (supplément
mensuel du Nouvel Obs) est
annoncée. Arnaud Sagnard,
ex-GQ, prend la rédaction en
chef, pas encore d’infos sur
une nouvelle DA.
A new edition of
O b s e s s i o n (the monthly
supplement of the Nouvel Obs)
has been anounced. Arnaud
Sagnard will be its editor in
chief, but no news yet on who
has been chosen as artistic
director.
s’apprêterait à faire appel à
une a g e n c e e x t é r i e u r e
pour la réalisation de visuels
publicitaires. Mazarine et
Publicis sont pour l’instant
sur les rangs.
Breaking with a
longstanding practice,
Chanel, particularly its
jewelry department, will be
bringing in an e x t e r n a l
a g e n c y to handle publicity.
Mazarine and Publicis are,
for the moment, the prime
contenders.
C’est Steven M e i s e l
qui signera le calendrier
Pirelli 2015. Et côté filles ?
Isabeli Fontana, Adriana Lima
et Candice Huffine, entre
autres.
Steven M e i s e l will
be shooting the Pirelli 2015
calendar, which will feature
models Isabeli Fontana,
Adriana Lima and Candice
Huffine, among others.
Remarqué pour des
visuels pour Roger Vivier,
le photographe Philippe
Jarrigeon signe la nouvelle
campagne A n d r é .
Photographer Philippe
Jarrigeon, known for his work
for Roger Vivier, will design
the new A n d r é campaign.
Le medium « film » n’en
finit plus d’être redécouvert :
probablement inspiré
d’Asvoff, le festival de
films de mode, le Milano
D e s i g n F i l m Festival
prépare sa 2e édition, qui
aura lieu du 9 au 12 octobre,
à Milan, donc. Plus sur
milanodesignfilmfestival.com
Likely inspired by
ASVOFF, the festival of
fashion films, the Milano
D e s i g n F i l m Festival is
planning its second edition,
which will run from the
9-12 October, in Milan.
Get more information at
milanodesignfilmfestival.com
Rompant avec une
pratique séculaire, Chanel,
et plus précisément le
département joaillerie,
Le magazine
M o u v e m e n t (théâtre,
danse, art, musique), qui
avait cessé de paraître fin
mai, pourrait renaître de ses
cendres avec une nouvelle
équipe, dont Aïnhoa JeanCalmettes à la rédaction en
chef et Charlie Janiaut à la
direction artistique.
Mouvement
magazine (theater, dance, art
and music), which had shut
its doors at the end of May,
could emerge from the ashes
with a new team. Aïnhoa
Jean-Calmettes will be editor
in chief, Charlie Janiaut will
handle artistic direction.
Polo Women is thus a happy
addition, with a campaign by
Bruce Weber.
Après de nombreuses
années de collaboration,
E r w a n F r o t i n ne
signera plus les visuels
Cartier. Toby McFarlan Pond
prendrait la suite.
After many years of
collaboration, E r w a n
F r o t i n will no longer be
handling the visuals at Cartier.
Toby McFarlan Pond has been
tapped to take over.
Le consumer magazine
de la marque Louis Vuitton
pourrait bien être rebaptisé
L’Arlésienne tant il aura
multiplié les formules avec
différents directeurs artistiques.
La dernière tentative avec
Yorgo Tloupas ne rencontrera
pas plus de succès et la sortie
du magazine est repoussée
sine die.
Louis Vuitton’s consumer
magazine has branched
out extensively, producing
editions with many different
artistic directors. The release
of the latest issue, designed
by Yorgo Tloupas, has been
pushed back.
Il aurait été dommage que
la notoriété d’une marque
comme Polo de Ralph Lauren
ne profite pas du m a r c h é
féminin ; c’est chose faite
avec Polo Women, et c’est
Bruce Weber qui signe l’image.
It would have been a
shame if a renowned brand
like Ralph Lauren’s Polo did
not take advantage of the
lucrative women’s m a r k e t .
Crise ou pas, on
s’émancipe. C’est du moins
le credo d’Elie T o p qui,
laissant la joaillerie de Lanvin
qu’il a dessinée pendant onze
ans, lance sa propre marque.
Rendez-vous fin janvier,
pendant la couture.
Crisis or no crisis, we have
to move on. At least that is the
motto of Elie T o p , who is
leaving Lanvin jewelry, where
he worked for 11 years, to
start his own line. Look for it
at the end of January, during
the couture presentations.
Lanvin, justement, il en
sera question au printemps
prochain, puisque le
Palais Galliera proposera
une exposition consacrée
à J e a n n e L a n v i n qui
durera tout l’été.
Lanvin, meanwhile, will
be in the news next spring,
with the Palais Galliera
proposing an exhibit devoted
to J e a n n e L a n v i n , to
run through the summer.
magazine
13
que faire avec 97 522 ?
Shopping
photographie – Roberto Greco
Stylisme – Clémence Cahu
assistée de Rebecca Andersson et Insook Lee
Eau de toilette, h e r m è s Vernis, n a i l m a t i c Jeu de dominos, a r m a n i c a s a Bougie vintage, l e l a b o p a r i s Bougie, f o r n a s e t t i (chez Liquides, bar à parfums)
Bracelet, g o o s s e n s
Bague en or blanc et diamants, b o u c h e r o n
Barre de col, d i o r h o m m e
299 €
18 €
Prix secret
49 €
133 €
390 €
6 750 €
350 €
Tube de piment (l e b o n M a r c h é )
Verre, é p u r a m a
Vernis, y v e s s a i n t l a u r e n t Lames de rasoir doubles, p e r s o n n a
Escarpins, p i e r r e h a r d y
Porte-clés losange, c a r t i e r
Bougeoir de voyage, m a i s o n m a r t i n m a r g i e l a
12 €
20 €
22 €
3 €
740 €
Prix secret
62 €
Faux cils, s h u u e m u r a Presse-papier, a r m a n i c a s a Coffret p a r f u m d ’ e m p i r e (chez Liquides, bar à parfums)
Vernis, c h a n e l
Mètre de coton, m a i s o n m a r t i n m a r g i e l a Porte-lunette, e m m a n u e l l e k a h n Porte-lunette laiton, e m m a n u e l l e k a h n Escarpins, c h r i s t i a n l o u b o u t i n Lunettes de soleil, d i o r
24 €
Prix secret
330 €
69 €
25 €
80 €
80 €
775 €
380 €
eau de parfum, y s - u z a
c (chez Taizo à Cannes)
Eau de parfum, é t a t l i b r e d ’ o r a n g e Pommade concrète, b u l y
Fard à lèvres, s e r g e l
utens
Blaireau, m ü h l e Stylo or jaune, s . t . d u p o n t Briquet laqué noir, s . t . d u p o n t Stylo collection classic, s . t . d u p o n t Pochette, h e r m è s
Décanteur, t o m f o r d
Prix secret
150 €
28 €
70 €
79 €
230 €
820 €
200 €
4 000 €
441 €
Pendulette octogonale, c a r t i e r Parfum 1,5 l, g u e r l a i n After-shave en pierre d’alun, m ü h l e Lunettes, r a y - b a n
Poudres, c h a n e l
Eau de parfum, l e g a l i o n (chez Jovoy, Paris)
Portefeuille en cuir avec clous, s a i n t l a u r e n t
Appareil photo, m i n o x Vaporisateur de voyage, c i r e t r u d o n Manchette baroque, c h a n e l Veilleuse luminescente, m a i s o n m a r t i n m a r g i e l a Soin d a v i d m a l l e t (chez Liquides, bar à parfums)
Eau de parfum, l a p a r f u m e r i e m o d e r n e (chez Jovoy, Paris)
Mocassin, d i o r h o m m e
Bracelet, d i o r L’Orpheline, s e r g e l u t e n s
Prix secret
2 500 €
16 €
138 €
104 €
140 €
295 €
229€
55 €
1 120 €
119 €
55 €
160 €
750 €
1 150 €
99 €
Escarpin, c a s a d e i
Grande boîte, a r m a n i c a s a
Pochette rectangulaire, h u g o m a t h a
Mini créoles, a u r é l i e b i d e r m a n n
Boucles d’oreilles avec perles Swarovski, s a s k i a d i e z
Rouge à lèvres, s h u u e m u r a
Briquet Super Héros, b i c
Eau de parfum, s a s k i a d i e z
580 €
Prix secret
1 140 €
145 €
75 €
30 €
2 €
83 €
Pochette, j é r ô m e d r e y f u s s
Bloc de marbre motif oiseaux, l e s m i l l e f e u i l l e s , Paris
Eau de Parfum, d i o r h o m m e
Téléphone, v e r t u Sac, c é l i n e
Jetons et dés de backgammon, a r m a n i c a s a Bague, g o o s s e n s
Boîte de vaporisateurs, m e m o (Le Bon Marché)
425 €
38 €
99 €
10 900 €
1 600 €
Prix secret €
190 €
95 €
Ceinture, h e r m è s
990 €
Eau de parfum, j o v o y
120 €
Botanical Perfume, e a r t h t u f a c e
54 €
Minaudière, b o t t e g a v e n e t a
1 800 €
Siphon, é p u r a m a
45 €
Pions de jeu d’échecs, a r m a n i c a s a
Prix secret
Poudre bronzante, t o m f o r d
85 €
Parfum Ambre Tigré, g i v e n c h y
170 €
Chaussure, d i o r
950 €
Bougie, f o r n a s e t t i (chez Liquides, bar à parfums)
133 €
Chaînette, e m m a n u e l l e k a h n
95 €
Lunettes, e m m a n u e l l e k a h n
400 €
Magazines
system
Après tout, la presse de style n’est-elle pas
autre chose qu’une presse BtoB, certes
apprêtée et faisant mine de jouer un jeu
du grand public ? Dès lors que les magazines interprètent tous la même partition
(le vestiaire de la saison, les beautiful
people de la fashion et quelques curiosités architecturales ou artistiques), le jeu
s’est clairement déplacé sur le terrain
du comment et non celui du quoi. Alors,
certains titres ont envisagé le sujet de
manière frontale : Industrie, puis System.
Il est à noter que les deux membres féminins du board de System sont les transfuges d’Industrie, rejointes par Thomas
Lenthal et Jonathan Wingfield, ex-Numéro.
Le sujet de System est donc le backstage
du luxe, mais côté stratégie et création,
image et vêtement. Et l’approche sera
technique ou érudite et non de l’ordre
de la célébration ou de la pâmoison.
Certes, cela reste une bonne occasion de
rencontrer la planète des créateurs et des
acteurs – celle qui décide et donne aussi
du boulot. Et même si les écoles de mode
déversent des contingents de nouveaux
arrivants chaque été, pas sûr qu’ils
constituent le gros des rangs des lecteurs
de System, plus sûrement composés de
professionnels de la profession. C’est
aussi cela le luxe du luxe : faire semblant
de s’adresser à tous et ne concerner que
quelques-uns. Côté ligne éditoriale, la
cartographie des élus est assez lisible
pour qui connaissait Paradis, magazine
créé par Thomas Lenthal : Juergen Teller,
Azzedine Alaïa, Marc Ascoli, Robert
Polidori… avec une tendance marquée
pour le rétroviseur plutôt que le parebrise, mais puisqu’on n’a rien contre
l’histoire… La DA semble importée, à
la gouttière près, de feu Paradis, mais là
encore, pourquoi réinventer ? Il y aurait
bien le digital, qui rime avec invention…
digital
… mais voilà : le digital n’est pas configuré
pour qui veut converser (les interviews
de System s’étalent sur 3 à 4 doubles pages
de texte). Résultat, le site ne fait que
renvoyer au semestriel, en mentionnant
les lieux de vente ; quant aux comptes
Instagram, Tweeter ou page Facebook,
ils répètent les occurrences relatives au
papier. Il n’est pas à exclure que les initiateurs de System se moquent du digital.
Mais leur dédain affiché rend criant le
fait que l’information chaude et préalablement digérée est omniprésente en
ligne et qu’elle appelle des compléments
que seuls d’autres médias peuvent offrir.
system-magazine.com
Angleterre, 206 p., n° 3, semestriel, 230 x 300 mm, 10 €
Editorial board : Alexia Niedzielski, Elizabeth von Guttman, Jonathan Wingfield & Thomas Lenthal,
Art director : Mathieu Perroud, Publisher : Tartan Publishing
magazine
24
Images : charlie janiaut
Papier
Magazines
Papier
digital
Avec la fiction, le magazine de style
reste l’une des rares formes à pouvoir
embrasser des sujets aussi vastes que
« l’Est ». En effet, par quel canal nous
parviennent les informations sur la
Turquie par exemple : les news ? Trop
occupées au sensationnel ; le documentaire ? Trop peu rentable. Même Youtube
va dans le même sens que les médias
classiques. Reste le cinéma, la littérature
et les magazines. Des interviews, des
images de mode, une manière de poser
une maquette, et une conception plus
élastique de l’Orient, qui commence
en Turquie et pousse jusqu’au Liban
ou à l’Iran. Bien entendu, les diasporas
font voler les frontières et rares sont les
contributeurs qui n’ont pas œuvré en
Europe occidentale ou aux États-Unis ;
c’est probablement pour cette raison que
la baseline de ce premier numéro est :
Parallel culture is the future. Intégralement
rédigé en anglais, Near East cultive une
identité turque qui va prendre forme
sous d’autres latitudes et ne néglige pas
le passé pour comprendre ce qui se joue
aujourd’hui. Les images de mode qui
viennent rythmer ces 160 pages sont
d’autant plus troublantes ; contemporaines et brutes, elles posent un réel qui
nous est un peu étranger avec calme
et douceur. Comme ce portfolio de la
photographe suédoise Lina Scheynius,
de nus en plans rapprochés.
C’est la matérialité qui semble intéresser
l’équipe de Near East et sa fondatrice
Mihda Koray, passée par Londres avant
de revenir à Istanbul. Un site minimal
proposant un simple contact, une page
Facebook régulièrement alimentée de
l’actualité légère du magazine. Le projet
est aussi de monter des expositions et
de faire vivre la capitale turque avec des
événements et des productions – pas que
du virtuel, donc.
neareastistanbul.com
Turquie, 160 p., n° 1, semestriel, 220 x 285 mm, 21 €
Editor in chief : Mihda Koray, Art direction : OMO Creates, Senior editor : Nadim Sammen, Publisher : Near East
magazine
26
Images : charlie janiaut
near east
Magazines
Papier
digital
Sauf quelques dinosaures, les graphistes ne sont aujourd’hui jamais très
loin de leur Mac et hyperconnectés
sur la production de leurs contemporains. L’idée de communauté virtuelle
ne s’est peut-être jamais aussi bien
prêtée à une profession. It’s Nice That
va ainsi alimenter cette communauté
en rassemblant les productions remarquables en graphisme et leur offrant
une perspective. Mais ce qui se serait
traduit naturellement en magazine il y a
encore 10 ans se doit d’être protéiforme
aujourd’hui : digital, papier, événements,
rencontres… intégrant les temps courts
(scan rapide des dernières productions)
et ceux plus longs où l’on se demande
ce qui se cache derrière le graphisme en
termes d’enjeux personnels, politiques
ou de société. Car la forme seule n’existe
pas sans un contenu qu’on n’interroge
jamais vraiment, en graphisme comme
ailleurs. Donc Printed Pages, le magazine
de It’s Nice That (remarquez les titres
ultra dénotatifs), propose un peu de
profondeur sur une dizaine de sujets par
numéro : des illustrations de contes pour
enfants aux photographes de musique en
passant par la scénographie des défilés
de mode. Bien sûr, l’écueil du magazine
de graphisme est son graphisme, qui doit
dégager une certaine personnalité en
même temps qu’il sait s’effacer devant
les autres productions. Printed Pages relève
le défi de l’épure et mêle les différents
papiers. Dernier point : en plus du
semestriel, un livre annuel est édité, qui
reprend les 130 projets les plus remarquables pour la rédaction.
Ici, c’est le flot des productions, des propositions et des profils qui se déverse, mais
de manière organisée. Chaque jour, une
rubrique est alimentée : le lundi une playlist, le mardi la bibliothèque d’un designer
qui commente 5 livres choisis ; le mercredi les opinions, le vendredi les objets…
mais heureusement le week-end est off.
Enfin presque, puisque The Weekender
fonctionne comme un blog agrégeant
liens, vidéos, mini interviews, bref, encore
un peu de nourriture pour les yeux. La
plateforme digitale sert aussi à faire vivre
les événements (annonces et comptes
rendus), rencontres, symposiums souvent
thématiques et autres projets donnant lieu
à des réalisations. En somme, It’s Nice
That parvient à combiner temps court,
temps long et temps réel, ce qui se dessine
comme la trilogie des années à venir, pour
l’édition notamment.
itsnicethat.com
Angleterre, 128 p., n° 6, trimestriel, 200 x 275 mm, 12 €
Directors : Will Hudson & Alex Bec, Editor in chief : Rob Alderson, Design : Joseph Burrin & Philip Cronerud
Publisher : It’s Nice That
Images : charlie janiaut
printed pages
Magazines
Papier
digital
Cette première moitié d’année 2014 a vu
de nombreux magazines se lancer, ce qui
ne laisse pas de nous interroger. Envie
irrépressible, vieille habitude ? Sauf que
ce sont des acteurs rompus au digital
comme source d’inspiration et aux multiples formules qu’il offre, des réseaux
sociaux aux blogs, etc. Dans le cas de
Violet, Leith Clark – styliste de son état,
fondatrice du magazine Lula, style director at large du Bazaar anglais, consultante
pour quelques marques et actrices –, pas
de doute sur son habileté digitale. Mais
le papier lui offre d’autres possibilités :
produire de vraies images de mode, qui
seront regardées et non zappées d’un
doigt agile sur une tablette, et éditer de
longs textes. Le résultat est d’une très
bonne tenue, combinant des entretiens
avec des enseignants en mode, des exdirectrices de la mode comme Molly
Parkin à Nova dans les 70s ou encore
proposant quelques fictions. Les complicités mode sont évidentes avec Luella
Bartley, deputy editor et design director
de Marc Jacobs – les Anglo-Saxons ne
voient pas où est le problème à cumuler
information et communication… Violet
recèle une vraie énergie, dans les séries
mode comme dans la direction artistique,
pour ce magazine qui, comme Lula, est
une affaire de filles.
Pas le temps ? Pas l’envie ? Plus minimal
que le site de Violet, ce n’est pas possible :
le logo + un contact. Les réseaux sociaux
ne sont pas plus bavards. Il est vrai que le
nom « violet » avait déjà été préempté par
d’autres publications ou livres.
violetbook.co.uk
Angleterre, 254 p., n° 1, semestriel, 220 x 285 mm, 10 €
Editor in chief : Leith Clark, Art direction : Christopher Miller,
Deputy editor : Luella Bartley, Publisher : Stephen White & Calum Richardson
magazine
30
Images : charlie janiaut
violet
Magazines
Papier
digital
Étude de cas : vous êtes à la tête d’une
agence de conseil en communication
et souhaitez vous différencier sur un
marché saturé. Que faire ? Il y a bien
l’ancienne école des réseaux et des coups,
mais c’est un peu trop Séguéla. Plus
contemporain, il y a le collaboratif et le
partage – enfin, pas tout quand même.
Concrètement constituer un réseau de
têtes chercheuses : designers, journalistes,
scientifiques… leur demander d’humer
l’air du temps avec discipline, c’est-à-dire
à fréquence régulière et enfin partager ce
que vous savez. Site Internet, magazine,
livre… toute forme aura son contenu.
Voilà résumée l’approche de Protein, une
agence qui nous gratifie d’un magazine
thématique, plus proche de la revue que
des rubriques d’un magazine de style
classique. Bien que voisinant avec des
magazines de mode et d’art, Protein ne
parle pas des créateurs stars, des défilés
déjà surmédiatisés, mais bien de ceux
qui font des choses, dans des champs
aussi variés que les cosmétiques, les jeux
vidéo, les sites Internet ou le recyclage du
plastique. Ça parle de nous et de maintenant, et plus de l’image d’un monde
qui n’existe que sur papier glacé ou sur
écran. Le design du magazine est élégant
et sans ostentation. Lisible et rythmé, il
fabrique son identité loin des visages et
des noms trop souvent croisés – le plus
connu est Martí Guixé. Enfin, la baseline résume bien le projet : Inspiration,
insight, ideas.
C’est aussi et avant tout côté digital que
ça se passe : des reportages dans la section Feed, des petits films, le programme
des événements, et bien sûr le pont avec
l’agence de communication, clients et cas
concrets. Ici aussi le contrat est globalement respecté : on découvre des choses
et on change sa manière d’en envisager
d’autres.
prote.in
Angleterre, 112 p., n° 13, trimestriel, 225 x 300 mm, 9 €
Editor : Max Reyner, Art director : Imogen Bellotti, Publisher : Protein
magazine
32
Images : charlie janiaut
protein
p.36, 46, 54, 62, 68 : Collection constellations
p.37 : Interview
paquita paquin
p.40 : Chronique mode
le business de la jolie-laide
p.43 : Consumer
leica fotografie international
textes
p.47 : Biographie
rené gruau
p.52 : Website
toiletpaper
p.55 : Chronique mode
heim, une maison, un magazine et des idées
p.58 : Interview art
jocelyn wolff
p.63 : Ping pong
versace, over constructed?
p.69 : Rencontre
suzanna l.
p.72 : Rétrovision
audience
constellations
Collection
Images : Priscillia Saada
paquita
paquin
Interview
Journaliste de mode et écrivain, Paquita Paquin demeure une figure
incontournable du milieu de la mode. Celle qui participa au début des
années 1970 à l’aventure des g a z o l i n e s , mouvement gay politique
aavant d’entamer une carrière à succès dans la presse. Elle collabora dans
les « eighties » au quotidien « Le Matin de Paris » puis à « Vogue ». Les
années 1990 et 2000 l’amèneront à couvrir les collections pour « Libération »
avant qu’elle ne se dirige vers le Web. Curieuse, intuitive et passionnée,
Paquita Paquin pose un regard pertinent sur son métier
Au départ, la mode relève du
visuel ; comment le texte peutil trouver sa place dans cet
univers ?
L’écrit permet de faire
partager un ressenti, de se livrer à des
analyses, pas juste de communiquer
une information, c’est en cela qu’il
trouve sa justification par rapport à la
mode. À l’époque où j’ai commencé à
écrire sur ce domaine, en 1983, c’était
nouveau. Le prêt-à-porter n’existait
pas depuis très longtemps, il y avait
bien entendu des papiers un peu
ampoulés sur les collections de haute
couture, mais avec le prêt-à-porter des
créateurs, on sentait pointer une excitation nouvelle dont il fallait rendre
compte. Des quotidiens s’y attelèrent
alors, Le Matin de Paris, par la suite
Libération… Quand les choses éclosent,
c’est toujours passionnant. Notez que
voir des talents chercher à se pérenniser me passionne également.
Tu cours toujours les défilés avec
la même énergie, le domaine
t’intéresse toujours autant ?
Ah oui, il y a toujours des
trucs qui m’intéressent ! Un talent
36
qui sort du lot, un changement de
mood d’une saison à l’autre. Des
gens comme Nicolas Ghesquière,
Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo
Picciolo pour Valentino, Rick Owens,
Phoebe Philo pour Céline, j’ai toujours
un appétit à découvrir ce que vont
présenter ceux qui font évoluer le style
de l’époque. Je ne suis pas du tout blasée. Et je ne trouve pas que l’époque
soit moins créative qu’une autre parce
[…] Pour une
journaliste de mode,
c’est aujourd’hui plus
important d’avoir l’air
de ressembler à un
mannequin que de
paraître intelligente.
que sa mode serait mainstream, ou
corporate. Raf Simons chez Dior c’est
très intéressant, Nicolas Ghesquière
chez Louis Vuitton également.
Qu’est-ce qui te donne désormais le plus de satisfaction ?
J’ai une prédilection pour la
mode masculine parce que l’ambiance
est plus sympa. Les gens sont moins
sur leur 31, ils ne se sont pas préparés
pendant trois heures avant d’arriver
au show. Il y a quelque chose de normal. Les journalistes se parlent entre
eux, le snobisme des collections féminines est par contre devenu détestable.
Hordes de photographes de
street-style à l’extérieur des
shows, ballet de limousines, personnalités aux premiers rangs,
les défilés femme relèvent du
grand barnum.
Les défilés sont aujourd’hui
dédiés à la presse américaine et
asiatique, la présence de la presse
française se réduit comme peau de
chagrin : Elle, L’Officiel, Vogue, Numéro,
et c’est tout ! Puisque les Françaises ne
sont plus les clientes finales, pourquoi
s’embarrasser de titres féminins hexagonaux ? Il faut donc jongler pour se
faire inviter ! Et en même temps, pourquoi se battre pour avoir une invitation quand on a le défilé en direct sur
style.com. Certaines maisons de luxe
vont te refiler une place pour le show
37
de 17h alors que le défilé de 14h30 est
déjà passé sur Internet. C’est absurde.
Certes, ils gardent quelques stars pour
le deuxième défilé, et par rapport à
l’écran, tu as la musique et l’ambiance
en plus, mais enfin…
Les défilés sont
aujourd’hui dédiés à
la presse américaine
et asiatique […] Elle,
L’Officiel, Vogue, Numéro
et c’est tout ! Puisque
les Françaises ne sont
plus les clientes finales,
pourquoi s’embarrasser
de titres féminins
hexagonaux ?
Le profil des journalistes
de mode a-t-il changé ?
Les Américaines sont sur
les dents. Aucune décontraction, des
gravures de mode, elles se préparent
des heures le matin avant de se rendre
au show et elles se parlent peu – pas de
communication. Ce sont des images.
Pour une journaliste de mode, c’est
aujourd’hui plus important d’avoir
l’air de ressembler à un mannequin
que de paraître intelligente. Les
rédactrices en chef des premiers
rangs sont sollicitées par les caméras
pour des interviews, chaque détail de
leur look sera commenté sur le Net.
Pour le grand public, Anna Wintour,
Carine Roitfeld ou Babeth Djian
incarnent la mode. Idem dans les services de presse : c’est important que les
employées représentent physiquement
38
leur maison, d’où ce casting de jeunes
filles canons.
Outre les rédactrices s’est
développée une scène mondaine
spécifiquement mode, avec des
figures comme Catherine Baba,
Olympia Le-Tan ou encore Lily
McMenamy.
J’ai tenu ce rôle à une
époque, dans les années 1970... Si à
un moment une fille arrive à incarner
une époque, ça m’intéresse ! Une fille
comme Catherine Baba, par exemple,
évolue en robe du soir du matin au
soir ; c’est le décalage qu’elle opère
qui est intéressant, car elle est très
habillée, mais de façon décontractée.
J’aime bien ce côté over-dressed. C’est
significatif d’une génération de filles
qui vivent non-stop sous le regard des
photographes et dont on suit la vie
en ligne de soirées en lancements et
ouvertures de boutiques. L’influence
de certaines femmes un peu dandy
sur la mode m’a toujours captivée
– l’influence de Loulou de la Falaise
auprès d’Yves Saint Laurent nourrit
des films aujourd’hui. Voir comment
une styliste du moment comme
Camille Bidault Waddington donne
de sa personne, jouant à chaque fois
d’une facette différente de sa personnalité pour servir des maisons aussi
diverses qu’APC, Hermès, Chloé ou
Marc by Marc Jacobs, c’est captivant.
Cette vie sous le regard des
photographes et des caméras
définit l’esprit même de la mode
actuelle.
Oui, et cela donne même lieu
à des gimmicks. Dans les années 1980,
par exemple, les gens se forçaient
à tirer la gueule sur les photos ;
maintenant il est de bon ton de faire
des grimaces genre selfie. Lorsque
Olivier Zahm pointe sont nez dans
une soirée, les filles se sentent obligées
de se foutre à poil et de prendre des
poses suggestives dans l’espoir d’apparaître sur son Purple Diary.
Jusque dans la décadence, tout
le monde est désormais dans
l’under control. Les fêtes de la
mode, qui par le passé passaient
pour de grands défouloirs, se
sont muées en séances de pose
généralisées, les invités venant
se faire photographier dans leurs
plus beaux atours avant de filer
au plus vite. Impossible de se
lâcher dans une fête puisque le
moindre écart sera relaté online
le lendemain matin.
Je ne sais pas, je ne sors pas…
Comment as-tu vu évoluer le
métier de journaliste de mode ?
Il n’a pas foncièrement
changé, pas dans sa forme ou la façon
dont on le pratique ; c’est le contenu
qui a beaucoup changé ! Le métier
est le même, il faut parler des collections, interviewer les créateurs, rendre
compte des nouveautés. Mais plus
exactement de la même façon… Bon,
j’ai toujours eu l’impression que la
réflexion que l’on cultive, nous, sur
la mode est beaucoup trop profonde,
un peu trop intello – c’est peut-être
dû aux supports pour lesquels j’ai
travaillé par le passé qui étaient
assez exigeants. Maintenant on nous
demande systématiquement d’écrire
avec de l’humour, de la légèreté, il
faut que cela soit ludique. La réflexion
n’est pas au programme, on se fiche
de l’avant, de l’après, de l’histoire des
[…] Maintenant
on nous demande
systématiquement
d’écrire avec de
l’humour, de la
légèreté, il faut que
cela soit ludique. La
réflexion n’est pas
au programme, on
se fiche de l’avant de
l’après, de l’histoire
des gens.
gens, mais on ne parle du contexte
que s’il est un peu people. Si le mari
de Phoebe Philo, la styliste de Céline,
possède une galerie et que ses robes
à elle ressemblent à des œuvres d’art,
tout cela fait sens, justifie sont travail.
Ben voyons…
À part quelques interviews,
les textes longs sur la mode
n’existent plus ?
C’est une histoire d’efficacité, mieux vaut un bon tweet que
trois feuillets !
Tu as dernièrement œuvré sur
Internet, quel est le traitement
du style sur la Toile ?
Les gens qui font du business
sur le Net s’intéressent uniquement
à la photo de l’actrice avec le nouveau
sac, aux robes sur le tapis rouge des
Oscars et aux people présents lors des
ouvertures de boutiques. Moi, c’est
comprendre à travers une interview ce
que le designer a cherché à exprimer
dans sa collection qui m’excite… Et ça,
c’est inaccessible si tu n’es pas dans un
grand quotidien. Sur le Net, les textes
sont souvent courts, mais pas toujours
faciles à lire, car bien souvent rédigés
par des gens qui savent davantage
mettre leurs articles en ligne que les
écrire. Et puis, pourquoi se fatiguer
quand il suffit de recopier le dossier de
presse ? On ne leur demande pas d’être
passionnés par la mode
à ces journalistes, mais
d’être rentables. Car ce
qui compte, c’est qu’ils
postent en continu toute
la journée : 60 news a day!
Internet prend de
plus en plus d’importance, mais
on ne peut pas dire que les
propositions soient très passionnantes ; les sites des magazines
féminins proposent tous des
contenus interchangeables.
Le problème, c’est qu’il n’y a
pas de créativité visuelle sur Internet,
tout est réalisé à partir d’images fournies par les marques, cela demeure
donc de la promotion. Certes, il y a
Nowness, mais leur inventivité passe
plus par le film que les photos ou
l’écrit.
Depuis une quinzaine d’années
s’est développé tout un langage
spécifique à la presse féminine, nourri d’anglicismes et de
terminologies codées, « fashion
police », « fashion marathon »,
« fashion addict », qui rend cette
presse assez autocentrée.
Parfois je suis simplement
choquée par des mots. Par exemple
le mot « modeuse » m’horripile :
je trouve ça atroce, seul quelqu’un
qui n’aime pas la mode peut dire une
chose pareille.
Quelles sont tes sources
d’information ?
Je lis les chroniques de
Frédéric Martin-Bernard au
Figaro, style.com, parfois les envolées lyriques de Fabrice Paineau
à L’Express. style.com, ça me va très
bien, ils ont une vision large, poussent
jusqu’aux backstages pour recueillir
des informations en plus de la part
des créateurs. C’est agréable, plaisant,
et pas trop consensuel.
À la fin des années 1990-début
2000, à l’époque où nous écrivions ensemble les comptes
rendus de collections pour
Libération, nous étions réputés
pour notre plume assassine.
Aujourd’hui quelque chose
qui ne me plaît pas, une collection
ratée, je préfère ne pas en parler.
À moins d’être dans un quotidien
puissant, c’est devenu un exercice un
peu trop dangereux… Et puis pourquoi devrais-je exercer un jugement ?
J’ai de plus en plus de mal à exercer
un jugement, étant même devenue
très habile dans le fait de ne pas en
porter. Il faut trouver une façon de
dire ou de faire comprendre que ça
t’a plus ou moins plu, mais pas de
jugement. On ne peut plus être dans
l’humeur aujourd’hui. J’ai l’impression
d’être devenue d’une incroyable docilité. Fini les saisons où l’on détestait
tout !
Propos recueillis par
cédric saint andré perrin
Photo : © Marc-Antoine Serra
39
le business
de la
jolie-laide
Chronique mode
Chaque matin, avant de sortir de chez elle, Lily étale de la poudre
foncée sous ses yeux et le long de ses joues. Puis elle applique
un rouge à lèvres brillant afin d’a u r é o l e r son imposante
dentition. Son but ? « Avoir l’air d’un crâne », explique-t-elle en
tout sérieux au magazine britannique i-D.
Lily, c’est Lily McMenamy, la fille
de la cultissime top des années 1980
Kristen McMenamy. Âgée d’à peine
20 ans, notre damoiselle est la nouvelle coqueluche des créateurs, et
pas seulement par la force de son
patronyme. Avec une mâchoire
prognathe, une bouche qu’elle décrit
comme « totalement asymétrique »
et des yeux globuleux, elle est à sa
mère ce que Charlotte Gainsbourg
est à Jane Birkin : une version à la fois
ressemblante et aux antipodes de ce
que la madre représente ; non pas un
canon à faire dérailler un conducteur
de train, mais un petit canard qui a eu
la force de sublimer ses défauts, et qui
dresse un portrait de la complexité du
genre féminin contemporain. Et ça lui
réussit plutôt bien : encore inconnue
il y a deux ans, sa carrière a démarré
sur des chapeaux de roues, avec déjà
trois couvertures de i-D à son actif,
un défilé torse nu pour Marc Jacobs,
40
Aujourd’hui, au cœur
d’une industrie saturée
de sameness, on se rue
vers la différence innée
plutôt qu’achetée […]
sur la physionomie, de la substance sur la
surface ». La botte secrète d’actrices
telles Bette Davis, Anjelica Houston
ou, plus atypique en son genre (et non
pas moins iconique), Rossy de Palma,
cette belle laideur valoriserait le
charme et la personnalité de l’individu,
célébrerait toutes les valeurs invisibles,
intangibles et inimitables qui font
l’individualité de chaque être humain.
Outre-Manche, on la
décrit comme « jolie-laide », histoire
d’adoucir la dureté du propos. Ce
terme pseudo-français, pourtant
peu employé en terre gauloise,
serait extrait d’une chanson de
Serge Gainsbourg (lui-même un bien
joli laid) écrite pour Bambou, Laide
Jolie Laide. L’expression décrit, selon
l’imminente journaliste du New
York Times Daphne Merkin, « derrière
l’image viscérale, une vie intérieure » qui
raconte « le triomphe de la personnalité
Aujourd’hui, Lily n’est pas
seule. Une génération de mannequins
est venue contredire l’esthétique
photoshoppée de la mode qui battait
particulièrement son plein à la fin du
xxe siècle ; des jeunes filles aux grandes
dents, menton saillant et sex-appeal
rugissant refusent le diktat d’une perfection Barbie (ou Victoria’s Secret),
et ont repoussé les Miranda Kerr de
ce monde à la case de mannequinat
high street (elle n’apparaît aujourd’hui
plus que dans des campagnes du type
et cet hiver, la campagne APC ainsi
qu’un shoot dans le Vogue US.
Mango). Jamie Bochert, au visage
anguleux et quelque peu mortuaire,
Hanne Gaby Odiele et son physique
maladif, Saskia de Brauw, fièrement
costaude, racontent une féminité
marginale, unique – et en vogue. Pour
Natalie Joos, agent de mannequin, la
tendance est claire : c’est une lame
de fond depuis des années – plutôt
qu’une quête de perfection mathématique, les créateurs cherchent
aujourd’hui « une personnalité ».
Quant à Stefano Tonchi, rédacteur
en chef de W Magazine, notre société
réclame de l’authenticité, de l’unique
dans une ère où même la beauté est
reproductible à l’infini. Ces visages
reflètent effectivement un certain
scepticisme d’une génération d’Internet natives ultra-familiarisée avec les
outils digitaux, et ce depuis leur plus
jeune âge. Ladite perfection n’est
jamais qu’une illusion temporaire, qui
promeut, de surcroît, « un physique si
standardisé qu’on pourrait presque y trouver
un code-barres dessus », comme l’analyse
l’écrivain Mark Seltzer.
Aujourd’hui donc, au cœur
d’une industrie saturée de sameness (ou
« du pareil au même »), on se rue vers
la différence innée plutôt qu’achetée.
Ou presque. Car, ironiquement, des
jeunes filles un peu trop jolies, ou tout
simplement normales, rêvent d’un
petit minus en plus. Voilà donc tout
un marché émergent autour de la
création artificielle de « jolie-laideur ».
Commençons par le quasi monosourcil de Cara Delevingne. Selon le Wall
Street Journal, le domaine de l’épaississement du sourcil est en expansion
majeure. À l’encontre du fil archi-épilé
des nineties, les ventes de maquillage
trompe-l’œil, brosses et crayons en
tout genre ont bondi de 30 % l’année
dernière, et la même progression est
attendue cette année. Ça ne s’arrête
pas là : des cliniques onéreuses se
spécialisent dans l’intervention chirurgicale sourcilière. Pour la modique
somme de 8 000 à 10 000 dollars, des
chirurgiens plasticiens peuvent réaliser
une greffe capillaire qu’ils réimplantent dans vos sourcils.
Idem pour les dents du bonheur à la Ashley Smith. Si les dentistes
sont plus habitués à les rapprocher,
voilà que des cliniques proposent
d’écarter ces deux dents frontales,
à coup de limages astucieux et appareils spécialisés – une tendance qui
émerge lorsque Tyra Banks impose
41
leica
fotografie
international
Consumer
Voilà qu’on démolit des années
d’orthodontie coûteuse, qu’on
refuse la culture du sourire
Colgate, pilier de l’esthétisme
ultra-normé du pays et symbole
de sophistication de l’être humain
se différenciant ainsi de l’animal
– ou du pauvre […]
à une candidate d’America’s Next
Top Model d’aller se faire déformer la
dentition pour se donner « un truc en
plus ». Voilà qu’on démolit des années
d’orthodontie coûteuse, qu’on refuse
la culture du sourire Colgate, pilier
de l’esthétisme ultra-normé du pays
et symbole de sophistication de l’être
humain se différenciant ainsi de l’animal – ou du pauvre.
Car la jolie-laide, sans
le savoir, joue les anthropologues,
par sa force occulte à déconstruire
l’organisation hiérarchique des
genres. Charmante malgré ses traits
à première vue atypiques, elle va à
l’encontre de la place traditionnelle de
la beauté féminine. Selon John Berger,
sociologue anglais bien connu, « la
femme apparaît et l’homme agit » : autrement dit, la femme et son physique
se placent dans une passivité totale
destinée à être admirée, reluquée.
L’homme, lui, vit le moment présent,
et est jugé par ses actions. La femme
ni laide, ni classiquement belle apporte
à la beauté une qualité performative :
42
c’est quelque chose qui s’incarne, se
décide par une force interne, plutôt
qu’un cadeau que l’on reçoit (ou pas)
arbitrairement. On s’empare de son
physique plutôt que de le subir. Dans
la mode, cela a toujours été une force,
du moins pour les femmes dans l’envers du décor : à travers les époques,
des personnalités inouïes ont surgi,
fortes et créatrices de leur relation
ambiguë à la beauté et à la séduction : Diana Vreeland, Miuccia Prada,
Anna Piaggi, à défaut de tomber les
hommes, ont ravi le vêtement, en
créant un champ d’expression à part
qui détournait les codes des genres et
de l’attraction.
Aujourd’hui, cette vague de
mannequins et de célébrités atypiques
chamboule une société hyper-hiérarchisée, un monde où l’apparence,
comme la couleur et la classe sociale,
est un facteur auquel on ne peut
échapper. Le triomphe de la fille quirky
secoue l’organisation hétéro-normée
de notre époque : dans un monde
où la société patriarcale fait toujours
et encore rimer jolie avec jeunesse
fertile, elles libèrent non pas le physique, mais le droit de refuser le rôle
maternel. À l’heure où l’avortement
est plus que compromis en Europe,
la procréation médicalement assistée
un débat virulent, et le mariage gay
une source de colère nationale, quoi
de plus prometteur qu’une femme
qui refuse de vendre son corps à la
norme reproductive ? Ces beautés
pourraient être décrites comme queer,
non pas gay, mais dans sa signification
d’origine : étranges ou différentes. Car,
pour citer la théoricienne féministe
Eve Sedgwick, la différence n’est-elle
pas le point de départ d’un nouveau
champ de possibilités et de libertés ?
alice pfeiffer
Images : Lily McMenamy, Jamie Bochert
©DR
La ruée vers le digital fait parfois oublier que le « brand
content » a longtemps été l’apanage du papier, donnant lieu
à un objet qu’on peut garder ou c o l l e c t i o n n e r. Certains
champs s’y prêtent davantage que d’autres, ainsi en est-il de la
photographie ; exemple avec « Leica Fotografie International ».
Narcissse et ses avatars (Grasset). En tout
cas, on stocke, comme si on avait peur
de manquer.
Que faire quand on est la marque
la plus respectée du marché de
la photographie mais que l’objet
« appareil photo » est devenu désuet
dès lors qu’il s’est glissé dans chaque
téléphone ? Continuer, comme si de
rien n’était, ou presque, ce qui a été
fait depuis soixante-quatre ans : un
magazine papier.
LFI est d’un grand
classicisme dans son
approche, mais il a
l’avantage d’être un
point fixe, qui offre une
perspective et met en
relief ce qui a changé
dans le paysage […]
Parce que, même si ça nous
semble farfelu aujourd’hui, on a
longtemps regardé la photographie
dans les magazines ou dans les livres.
On imprimait même ses photos de
vacances – pas le choix, on n’allait pas
se balader avec des négatifs… Jusqu’à
il y a peu, l’écran était réservé à la
télévision ou l’ordinateur, le reste du
contenu étant matérialisé, en papier
souvent. Ça avait le mérite de circuler,
de représenter une valeur, de garder
en mémoire, de se perdre aussi, pour
mieux se retrouver ailleurs et créer des
surprises, dans un grenier ou sur des
étals de marché aux puces… Mais ça
c’était avant. Maintenant, on dégaine
son smartphone pour prendre note
d’une chose vue ou aperçue, pour
quoi faire ? « Admirer ? Copier ? Acheter ? »
questionne Yves Michaud dans
Alors, qui possède un
appareil photo aujourd’hui ? Un
Leica de surcroît, donc pas donné
ni anodin – on aurait l’air fin à faire
de mauvaises images avec une telle
machine. Des professionnels, bien
sûr, encore que la marque n’ait pas
de succès dans la mode, secteur qui
porte la photo contemporaine autant
en termes de visibilité que de création. Des amateurs éclairés aussi et
des reporters. Vous savez, ceux qui
vont sur les « terrains d’intervention » pour rendre compte… Bon,
la multiplication des médias et la
répétition des informations qu’ils
proposent nous rendent les conflits
encore plus lointains, irréels et semblables. Il n’empêche. Si un endroit
résiste à l’uniformisation proposée
dans la représentation du monde,
c’est encore grâce à ceux qui vont
s’immerger dans des terrains hostiles
et peu touristiques. Certes, la presse
43
papier ne s’y intéresse plus depuis
longtemps ; le film faisant plus d’effet
que l’image fixe.
Donc un magazine, Leica
Fotografie International (LFI), avec un
penchant affirmé pour le reportage :
des gens, des lieux, des guerres…
toutes sortes d’images qu’on ne voit
plus que dans des festivals. Venons-en
aux faits : LFI est d’un grand classicisme dans son approche, mais il a
l’avantage d’être un point fixe qui
44
offre une perspective et met en relief
ce qui a changé dans le paysage. Ainsi,
la multiplication des canaux (Twitter,
Instagram…) ne propose finalement
que des images très similaires, avec
une variation faible. Beaucoup de ce
que charrient les réseaux sociaux sont
des selfies, des images qui ne nécessitent
plus le regard de l’autre ; des autoimages à bout de bras, où il n’y a plus
de regard que vers l’objectif, pour soimême. Paradoxalement, on voyait plus
le monde quand on voyageait moins,
certes par images interposées. LFI
fait donc ce travail, dans l’ombre, de
proposer des immersions en Ukraine,
au Japon ou aux Caraïbes, pour des
conflits armés ou des catastrophes
naturelles, mais aussi pour des drames
loin de l’actualité comme la pollution
ou la pauvreté. Là encore, on mesure
le prisme qui fait entrer ou non un
sujet dans l’actualité et l’oubli volontaire qui en résulte.
LFI fait aussi pénétrer le lecteur dans des univers
Beaucoup de ce que
charrient les réseaux
sociaux sont des selfies,
des images qui ne
nécessitent plus le regard
de l’autre ; des autoimages à bout de bras,
où il n’y a plus de regard
que vers l’objectif, pour
soi-même […]
photographiques tels que ceux d’Alec
Soth, René Burri ou Thomas Ruff,
et bien entendu propose de faire
partager l’essence de la marque à
travers ses produits. Leica présente
donc une sorte de way of life, manière
de voir le monde et de le représenter,
de prendre le temps aussi de poser
son regard, d’imprimer une image, au
sens propre comme au figuré.
On pourrait penser que Leica
en est resté au siècle dernier, mais ils
ont bien entendu parler du numérique.
Pour leurs appareils tout d’abord, mais
aussi dans leur manière de communiquer, mêlant concours et cobranding.
Le site propose une actualité de la
photographie, une galerie virtuelle, un
espace librairie subtilement alimenté,
un shop, mais aussi des blogs (dont
l’un consacré à la chasse !), où l’on
constate que le politiquement correct
a été laissé à la porte du webmaster.
Plus intéressant, le magazine peut être
feuilleté en ligne, mais pas intégralement. On peut en revanche se le
procurer, également en ligne ou lors
d’événements.
Par la force des choses,
LFI est l’un des rares magazines de
photo au sens traditionnel du terme.
Il propose huit fois par an une actualité et une archive de la production.
Signe qu’on peut combiner image de
marque et éditorial.
angelo cirimele
LFI, Allemagne, 88 p., 215 x 280 mm,
8 numéros par an, 9,90 €.
Editors in chief : Inas Fayed, Frank P.
Lohstöter, Art direction : Brigitte Schaller,
Publisher : Leica
lfi-online.de
Images : Guillermo Cervera, Ekaterina
Mishchenkova, René Burri, Jens Juul.
45
rené gruau
Biographie
Dessinateur, peintre et affichiste prolifique, René Gruau a
marqué l’histoire de l’illustration de mode et publicitaire. Afin
de « résoudre des problèmes d’ordre visuel », il suggère, saisit des
instants à la dérobée, exalte un stéréotype nostalgique, intensifie
une charge affective et intellectuelle dans u n e é c o n o m i e
d e m o y e n s.
Image : priscillia saada
1 9 0 9 Naissance du comte Zavagli
46
Ricciardelli delle Caminate à Rimini,
d’un père aristocrate, d’une mère
française. Bientôt, sa mère quitte le
palais familial du centre historique
de Rimini et reprend son nom de
jeune fille, Gruau, dans un effort de
redevenir nom commun. Le petit
René ne sait plus comment il s’appelle,
mais se réveille un matin armé d’un
crayon et d’un style. « Je pense que j’ai
commencé à dessiner à ma naissance. Je ne
me souviens d’aucun moment de mon enfance
sans crayon à la main. Je dessinais sur tous
les espaces vides. Je dessinais des voitures,
ensuite des maisons – je voulais devenir un
architecte. C’était mon grand rêve… »
1 9 2 3 « Mais le destin en a voulu
autrement et à l’âge de 14 ans, j’ai dû mettre
mes aspirations de côté pour penser plutôt
à gagner ma vie, et par-dessus tout, mon
indépendance. » René se voit obligé
de travailler pour subsister. Un jour,
il prend son courage à deux mains et
s’en va montrer ses dessins à une jeune
éditrice d’un magazine italien de
Milan, prénommée Vera. « Je ne pense
pas qu’elle m’ait pris très au sérieux au début,
mais elle m’a donné ma première chance dans
la vie en me demandant de lui faire des croquis pour des dessins de mode. » L’histoire
de l’illustration de mode moderne
commence en effet l’année 1923
quand Condé Nast, le directeur de
Vogue, se décide à étendre à l’intérieur
des numéros l’image en couleurs qui
était jusqu’alors l’apanage de la couverture. « Franchement, je n’y avais jamais
songé. Mais j’ai essayé, et le
résultat n’était pas mauvais…
Le dessin très épuré, c’est ce
qui est le plus difficile. Le
dessin, l’idée, ça vient petit
à petit. Il faut faire beaucoup
de croquis… ça vient comme un éternuement… Alors il faut laisser, y revenir quelques
jours après. »
1 9 3 2 « Mais nous étions en plein milieu
du fascisme et le champ de la mode en Italie,
excepté les chemises noires, n’avait pas de
marché au-delà des frontières. » Il quitte
l’Italie fasciste et suit sa mère jusqu’à
Paris. Sa mère, figure centrale du
microcosme, apparaît comme l’incarnation des valeurs du « monde », de
l’élégance et de l’aristocratie française.
Elle est la figure d’un monde disparu,
le Paris de la Belle Époque, la capitale
de la haute couture. L’illustration de
47
mode y est alors un champ fertile.
Il commence à faire du porte-à-porte,
son portfolio sous le bras, et à se
faire un nom. Il travaille pour des
quotidiens, des journaux et des petits
magazines. Il fait aussi quelques allers
et retours à Londres pour vendre des
croquis aux couturiers. C’est ici qu’il
rencontre un Anglais qui lui propose
de devenir « styliste » pour sa maison
de mode sur Grosvenor Street. Il y
dessine des collections haute couture,
mais se sent vite pieds et poings liés,
accablé sous le poids de la responsabilité (être à l’atelier du matin au
soir, assister aux essayages, choisir les
tissus, commander les accessoires et
rencontrer tous les acteurs du milieu
de l’industrie de la mode). Un beau
jour, excédé, il part prendre l’air à
Paris dans l’idée de ne jamais revenir.
« J’étais conscient de mon mauvais comportement, mais avec mon caractère indépendant
et ce fardeau sur les épaules, je ne pouvais pas
m’en empêcher. »
1 9 3 8 À Paris, il raccroche avec
ses anciens clients avant que la
revue Femina (le concurrent direct
de Vogue Paris) puis Marie Claire ne
48
L’histoire de
l’illustration de mode
moderne commence
en 1923, quand Condé
Nast, le directeur
de Vogue, se décide
à étendre à l’intérieur
des numéros l’image
en couleurs qui était
jusqu’alors l’apanage
de la couverture […]
l’embauchent comme illustrateur.
Dès lors, il n’a plus besoin de chasser le client, ses dessins se laissent
désirer. Il fait la connaissance de
Jacques Fath, de Pierre Balmain
et de Christian Dior – qui dessinait alors des figures de mode pour
Le Figaro –, tous trois caressant le
doux rêve de devenir un jour couturiers… En dessinateur anonyme et
fin observateur, il pénètre dans l’antre
d’Elsa Schiaparelli, de Coco Chanel
et de Cristóbal Balenciaga. Il est de
toutes les fêtes, ne renonce à aucun bal
et ouvre sa maison à toutes les célébrités de la couture. Mais la guerre surgit
bientôt pour le sortir de ses rêveries.
Dans le Paris occupé, le travail se fait
rare pour les dessinateurs, en raison
de la disparition ou de la fermeture
des revues de mode. Marie Claire, avec
toute la rédaction de Paris‑Soir, quitte
Paris pour être imprimé en zone libre,
à Lyon. « Ce fut pour moi une sorte de
salut ; mais je dois ajouter que mon dessin fut
aussi d’un certain secours à Marie Claire. »
Il dessine un peu de tout, des croquis
de mode aux illustrations de feuilletons et nouvelles. On l’envoie ensuite
à Cannes, où se trouvent alors les succursales des plus importantes maisons
parisiennes : Chanel, Worth, Lanvin,
Hermès… Pour mettre un peu de
beurre dans les épinards, il se met
à peindre des petits tableaux à l’huile
représentant des jeunes femmes plus
ou moins vêtues de tulle, de plumes
et de rubans… « Douceâtres images de
bonbonnière qui se vendaient comme des petits
pains et me permirent de traverser ces années
difficiles d’assez confortable manière. »
1 9 4 5 La guerre terminée, il
remonte à Paris. « La ville était en fête,
les maisons de mode réouvraient leurs portes
en grand. Les anciens couturiers rénovaient
tout et les nouveaux prospéraient dans une
atmosphère euphorique, jouissant d’une
vitalité suractivée par l’incroyable besoin
qu’éprouvaient les femmes de tout âge de se
vêtir, d’arborer de nouvelles robes du soir
pour les bals, les fêtes qui se succédaient. »
Les revues de mode telles que Vogue,
Femina, L’Officiel réapparaissent tandis
que de nouvelles (Silhouette, L’Album de
la mode du Figaro) se lancent. Le nom
de Gruau est alors fortement sollicité.
« Mes dessins trouvèrent en quelques mois un
style nouveau, personnel, qui me vint ainsi,
je ne sais comment, comme par enchantement.
Je crois que l’atmosphère même du moment a
suffi à tout faire. » Les bals des Beistegui
ou les fêtes du Palais Labia reflètent
en effet cette intense résurrection de
la mondanité et des dépenses somptuaires que symbolise l’élégance « classique » incarnée par le vêtement Dior.
« Avec Christian Dior, j’avais une totale liberté,
il me donnait carte blanche. “Tu fais ce que
tu veux…” me disait-il. Ses vêtements étaient
une aubaine pour les photographes et les dessinateurs. » Dans la silhouette New Look
redessinée à grand renfort d’épaulettes,
de balconnets, de paniers, de gaines et
de coupes en biais, le dessin de Gruau,
avec son amour de la ligne, est parfaitement adéquat à une époque qui
redessine (et infléchit) les contours du
corps pour rechercher avec nostalgie
cette lointaine élégance caractéristique
du Second Empire. Les élégantes
de Gruau, prises dans
un monde tourbillonnant, sont saisies dans
l’essayage d’une robe
sophistiquée, une séance
de maquillage devant
un guéridon Louis XV,
une scène de théâtre ou
d’opéra du haut d’une
loge, et toutes sortes de
scènes de genre… « Une ligne ! Mais c’est
la base de tous les arts, une ligne seule peut
nous exprimer la grandeur, la noblesse, la
sensualité, elle est la synthèse de toutes les sensations, la concentration de tous les savoirs. »
1 9 4 8 Il se rend à New York afin
de travailler pour le Harper’s Bazaar,
Vogue et diverses agences de publicité.
Le magazine Look l’envoie ensuite
à Hollywood pour croquer les stars,
mais lorsque la Metro Goldwin Mayer
lui propose un contrat de deux ans
comme costumier, il refuse. « L’idée de
passer tout ce temps dans cette cage de dollars
et d’ennui me parut insupportable. Je ne me
repentis d’ailleurs jamais de ma décision. »
Après avoir copié les créations d’autres
artistes, ses amis les couturiers, la
publicité avec toutes ses contraintes
représente pour lui la liberté. « J’ai
toujours voulu faire des affiches. Le dessin
publicitaire vous donne la liberté de résoudre
des problèmes d’ordre visuel presque toujours
ardus, mais aussi souvent stimulants, variés
et toujours nouveaux. » Les images créées
par Gruau pour la publicité sont traversées par les influences croisées des
arts graphiques de la seconde moitié
du xixe siècle et du début du xxe ; les
influences de Degas, Manet, ToulouseLautrec, Cocteau ou Van Dongen
sont déterminantes. Il participe ainsi
au renouvellement de l’esthétique de
l’annonce et de l’affiche, en travaillant
pour des annonceurs proches de son
univers d’origine, la mode : marques
de bas, chaussures, gants, produits de
beauté, parfums, mais aussi pour les
grands music-halls parisiens comme
49
« Lorsque je fais un dessin, j’ai besoin d’avoir un
modèle vivant que je bouge comme je veux, je ne
peux pas reproduire d’après une photo, j’ai besoin
de sentir la personne »
le Moulin Rouge et le Lido. Dans les
années 1950, l’affiche devient un art
appliqué à part entière. Une nouvelle
génération d’affichistes arrive, avec
en tête Savignac, Villemot, Morvan,
Georget, Jean Colin, Francis Bernard,
René Ravo, Aslan, O’kley. Certains,
cependant, continuent de penser que
l’art publicitaire n’existe pas – « L’art
et la publicité peuvent collaborer, pas se
confondre. » « Le créateur publicitaire est-il
un artiste ou un esclave ? », s’interroge
Villemot dans la revue Vendre, en
mars 1952, et de répondre : « Le dessin
publicitaire est un art appliqué au commerce,
c’est-à-dire créé pour ce but : vendre. La position de l’artiste publicitaire est donc de faire
de l’art utile – et par ce truchement, de faire
œuvre d’artiste, de remplir un rôle d’éducateur
des masses. La rue pourrait être la grande
galerie d’exposition populaire. »
1 9 5 5 Synthèse de l’exigence
commerciale et d’une conception
artistique propre, les affiches de Gruau
s’imposent par leur grâce et leur
originalité. La femme selon Gruau
est féline, sinueuse, mutine, séductrice,
capricieuse, vive, dansante. La vision
tronquée, raccourcie ou au contraire
50
prolongée à l’infini incite le spectateur
à prolonger mentalement la scène…
elle le place en position de voyeur.
Une de ses techniques préférées pour
valoriser le produit : des mains qui
apparaissent derrière une porte, qui
surgissent d’un large fauteuil, des
jambes qui se tendent, se sauvent en
courant, dansent. Le dynamisme est
ainsi obtenu par la combinaison du
détail découpé ou du gros plan, mais
aussi par l’utilisation de la diagonale
graduée ou zigzagante, suggérant une
savante illusion d’espace et de profondeur empruntée à l’art de l’estampe de
la fin du xixe siècle. Les perspectives
audacieuses, telle la plongée ou la
contre-plongée, s’inspirent elles aussi
directement de l’estampe japonaise,
des Nabis ou des impressionnistes.
Le motif tour à tour en creux ou en
relief est traité comme un pochoir.
Il découpe les figures directement
dans des papiers de couleurs qu’il met
en scène sur des fonds d’intensités
opposées, à la manière des gouaches
découpées de Matisse – souvent seuls
le visage et le vêtement sont définis, alors que les masses abstraites
se partagent l’espace de l’image.
L’échelonnement de plans, l’alternance de zones sombres et lumineuses
reflètent une composition mouvementée – une technique graphique
empruntée à Toulouse-Lautrec. Les
« Une ligne ! Mais
c’est la base de tous
les arts, une ligne seule
peut nous exprimer
la grandeur, la noblesse,
la sensualité, elle est
la synthèse de toutes
les sensations, la
concentration de tous
les savoirs. »
personnages ainsi saisis comme un instantané photographique contiennent
toujours cette tension qui les rend
vivants, sensuels. « Il y a toujours un
humain au point de départ. Le modèle sert
à vérifier la position, l’anatomie. Lorsque je
fais un dessin, j’ai besoin d’avoir un modèle
vivant que je bouge comme je veux, je ne peux
pas reproduire d’après une photo, j’ai besoin
de sentir la personne ; s’il n’y a pas de matière,
le dessin a moins de personnalité. »
1 9 6 3 Tandis que les journaux de
mode font de plus en plus appel à
des photographes de mode (pour ne
citer qu’Erwin Blumenfeld, William
Klein, Guy Bourdin, Helmut Newton,
Richard Avedon dans les années 1950),
le destin du dessin de mode est intimement lié aux améliorations de la
technique qui ont pour effet l’accéléré
cinématographique. Un grand débat
oppose bientôt les dessinateurs et les
photographes. « Je n’ai rien contre la
photographie, mais feuilletez un magazine,
Vogue par exemple, vous voyez les mêmes top
models, les mêmes visages, des femmes toutes
jolies, toutes pareilles, mais on ne voit pas le
produit, on ne retient ni l’image ni le nom du
produit. Ça n’a pas la même puissance. Alors
que dans une affiche, peinte par un affichiste,
on se souvenait du produit », rétorque alors
Gruau. Depuis la fin du xixe siècle,
l’esthétique de l’illustration publicitaire
suit les courants des modes graphiques.
Elle entretient avec les arts majeurs, la
peinture en particulier, des relations
souvent conflictuelles, mais la photographie qui emprunte à l’univers de la
sculpture, de la danse et du cinéma, a
perturbé ce système de référence. En
effet, la disparition de toute référence
figurative dans la peinture de l’époque,
le culte de plus en plus prononcé des
valeurs d’immédiateté que satisfait au
mieux la photographie, le goût des
mélanges et le refus de toute formalité
rigide, les anciennes attitudes sociales
balayées par le culte de la jeunesse
anticipent sa désintégration. L’histoire
de l’illustration de mode s’achève ainsi
en 1963 lorsqu’un à un les Vogue du
monde entier renoncent au graphisme
pour la photographie. Après 1963,
seules les revues féminines plus populaires tiennent encore aux charmes
analytiques de l’illustration, trouvant
une représentation plus claire, plus
appuyée dans le dessin que dans la
photo. « On préfère immanquablement une
photographie passable à un dessin de mode
passable. Mais on préfère toujours le bon
dessin à la bonne photographie de mode et
les couturiers travaillent mieux sur un de mes
dessins que sur la meilleure photo du monde. »
1 9 8 0 En raison de l’uniformisa-
tion progressive des revues de mode,
René Gruau se consacre désormais
entièrement – et ce jusqu’à son décès
en 2004 – au dessin publicitaire ou à
la création de décors et costumes de
théâtre. « Les couvertures photographiques
d’aujourd’hui reflètent la vérité sous la forme
de superbes modèles dont on voit essentiellement le visage et peu du reste. Toutes belles,
maquillées à la perfection. La singularité de
nombreuses revues, luxueuses ou non, ne tient
au fond qu’à leur titre. »
marlène van de casteele
Les citations sont extraites des ouvrages
René Gruau, Patrick Mauriès, René
Gruau, éd. Franco Maria Ricci, 1984 ;
Le Premier Siècle de René Gruau, Sylvie
Nissen, Vincent Leret, éd. Thalia, 2009 ;
René Gruau, Réjane Bargiel, Sylvie Nissen,
éd. Le Cherche-Midi, 1999.
Images : Illustrations René Gruau ©DR
51
toiletpaper
Website
Éditer son site Internet, c’est ranger, o r g a n i s e r,
hiérarchiser… Sauf si l’on s’appelle Maurizio Cattelan et
Pierpaolo Ferrari, qui ont préféré l’option de tout mettre sur le
même plan : création, publicité, livres, presse… comme Warhol
aimait à le faire.
On est en 1916, le premier conflit
mondial et industrialisé de l’histoire
pourrit l’Europe. En Suisse, terre
d’asile, les artistes dadaïstes improvisent des happenings sauvages pour
vomir par l’absurde la catastrophe.
Les mêmes ne tardent pas à détourner
les images diffusées par la presse et le
commerce, inventant une forme de
collage comme une iconographie où
le chaos le dispute à l’ironie, et à une
nécessaire violence : démembrées,
décapitées, les pin-up des posters
conservent leurs bas de soie, mais
entrent en collision avec les chars
d’assaut ; multipliés et réassemblés,
le sigle et les roues des voitures des
premières campagnes publicitaires
extravaguent des systèmes mécaniques
machiavéliques. Le surréalisme, le
pop art, l’esthétique punk reprendront
à leur compte cette attitude pilleuse
et frondeuse, qui manipule les mass
media pour en révéler l’inconscient
et les rouages.
Aujourd’hui ? Il y a
Toiletpaper : un magazine et un site,
une fabrique d’images comme une
marque de fabrique, emmenés par
Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari,
artiste et photographe roués quant aux
logiques spectaculaires. Deux images
siglées Toiletpaper : un tendre canari
à qui l’on coupe sadiquement les ailes ;
une fille à l’allure mannequin tout en
jambes, mais qui déverse de son t-shirt
des spaghettis ensanglantées comme
s’il s’agissait de ses intestins. Les mises
en scène sont réalisées en studio et
évitent le trucage numérique ; les couleurs éclatantes et saturées rappellent
un peu les publicités des années 1950 ;
les images sont léchées, mais faussement suaves. Affreux, sale et postmoderne, Toiletpaper s’inscrit dans la
lignée des avant-gardes évoquées plus
haut et salit tout ce qu’il touche, pour
la joie mauvaise de faire glisser le sens.
Le site est à l’avenant :
a priori conforme dans son architecture, mais parodique et déviant
sur le fond, ou la surface. Combien
de blogs et de tumblr accumulent et
redistribuent aujourd’hui, avec une
candeur insane et fascinée, les images
des autres, brouillant au passage toutes
les sources, les contextes et les auteurs ?
Et l’utopie Internet ne s’est-elle pas
Affreux, sale et postmoderne, Toiletpaper
s’inscrit dans la lignée
des avant-gardes et salit
tout ce qu’il touche,
pour la joie mauvaise de
faire glisser le sens […]
52
convertie en un vaste supermarché ?
La homepage du site de Toiletpaper
montre tout elle aussi, au même
niveau, dans le désordre ou l’anarchie
la plus assumée : les images produites
par et pour le magazine lui-même, les
textes qu’a pu lui consacrer la presse
internationale, les collaborations avec
le journal français Libération, avec
la marque en vogue Kenzo, avec le
Palais de Tokyo.
Toutes ces réalités caracolent
entre elles, et tout est potentiellement
activable sur cette même homepage,
où la plupart des images s’animent
en quelques saccades frénétiques et
au gré d’une bande-son en forme de
bruitages tout aussi incongrue. Des
citations émanant d’une jet-set internationale de pacotille ponctuent de
leur enthousiasme l’opération. Il y a
des rubriques. Il y a une boutique en
ligne. On peut acheter des t-shirts, des
guéridons : des inutilités narquoises
entre le gadget et l’objet promotionnel. On peut acheter une pierre
tombale en mousse de polyuréthane,
effet granit, réalisée en collaboration
avec le célèbre groupe de design
italien Gufram. Il est ici significatif
que Toiletpaper ait aussi remis en
scène une sélection d’objets créés par
le design radical italien de la fin des
années 1960 : soit des objets tenant
plus de la sculpture pop ou hyperréaliste d’un Claes Oldenburg que du
produit moderne et fonctionnaliste,
dont il s’agissait justement à l’époque
de défaire la placide assurance comme
l’hypocrisie mercantile. La rubrique
journal est la plus prodigue en textes,
et livre quelques clés quant à la complexité des références qui sous-tend en
réalité « l’absurdité » de cet univers.
Alors qu’arrive-t-il lorsqu’un
hipster apparaît sur un rideau de saucisses, ou lorsque les shorts obscènes
de trois pépées remuantes rencontrent
des adolescents en pleine overdose
cocaïnique ? L’entreprise Toiletpaper
est radicale en ce qu’elle consomme
toute forme de sophistication, et
consume toute forme d’innocence.
Peut-on être duplice et révolutionnaire ? Peut-on être idiot et faire la
guerre ? Et peut-on adorer les images
sans en être le dupe ?
céline mallet
Images : captures d’écran du site Toiletpaper
53
heim, une maison,
un magazine
et des idées
Chronique mode
Que faire lorsque l’on hérite d’une maison de couture un peu
vieillissante ? Une belle marque, un j o l i n o m qui a gagné
ses lettres de noblesse, mais qui peut-être n’occupe plus le devant
de la scène…
Cette question, nombre de directeurs
artistiques nouvellement appointés
se la sont posée. Cet exercice de
style n’est-il pas devenu une figure
imposée dans le monde du luxe, tant
il semble désormais que la créativité
d’un designer passe par son habileté à
faire renaître de ses cendres une belle
endormie plutôt que par sa capacité à
créer sous son nom ?
Image : priscillia saada
En 1920, Jacques Heim est
un jeune Parisien tout juste diplômé
d’une école de dessin qui rejoint
ses parents, Isidore et Jeanne, à la
tête de leur maison éponyme. Et à
20 ans, à l’orée des Années folles,
Jacques Heim se pose exactement la
même question que Karl Lagerfeld
en 1982, John Galliano en 1996,
Nicolas Ghesquière en 1997 ou plus
récemment encore Guillaume Henry
en 2009.
54
Rebranding, mode d’emploi
Fourreurs d’origine polonaise,
les parents Heim ouvrent à Paris en
1899 leur atelier. Le succès est assuré
quand les plus élégantes mondaines
et demi-mondaines de la Belle
Époque viennent se parer de vison
et de chinchilla chez eux, au 48 rue
Laffitte. Jeanne Heim sera même
une complice de la première heure
de Mademoiselle Chanel : elle lui
fournira des écharpes d’hermine pour
sa boutique de Deauville et poursuivra l’aventure encore plusieurs
années, lui suggérant la fourrure de
lapin à l’allure plus sportive et donc
plus « garçonne ». Mais Jacques voit
les choses autrement. Être fourreur,
c’est être un fournisseur. Ce n’est pas
jouir du même prestige qu’une maison de haute couture. Sa première
démarche sera donc de dessiner pour
la griffe des robes et des manteaux, et
non plus exclusivement en fourrure.
Diversification et conquête d’un nouveau territoire auquel la maison n’est
pas tout à fait étrangère – un bon
manuel de stratégie marketing actuel
ne suggérerait pas le contraire.
Certes, mais malgré une
formation en dessin et une habileté certaine pour la coupe et le
volume, comment se mesurer
aux monstres sacrés de la mode
parisienne ? Pas facile de tenir
tête à Madeleine Vionnet ou à
Jeanne Lanvin et d’intégrer un
monde si élitiste. Après quelques
collections de manteaux qui attirent
l’attention de la presse américaine,
Jacques Heim trouve une idée
meilleure encore. Jeunes mariés, son
épouse et lui sont au centre de la vie
artistique et mondaine si caractéristique de l’entre-deux-guerres parisien.
Parmi leurs fréquentations, le couple
d’artistes Sonia et Robert Delaunay.
En 1914 déjà, Guillaume Apollinaire,
observant leurs tenues au Bal Bullier,
les qualifiait de « réformateurs du
costume » et constatait que « l’orphisme
simultané a produit des nouveautés vestimentaires qui ne sont pas à dédaigner ».
[Dans la revue Heim] on
imite la mise en page
d’un tract et le ton d’un
manifeste pour déclamer
ce que sera la mode du
printemps 1934 […]
Dix ans plus tard, Jacques Heim est
toujours du même avis que le poète.
Il organise ainsi, dans le cadre de
l’Exposition des Arts décoratifs de
55
1925, la « Boutique simultanée » pour
Sonia Delaunay – mais sur le pont
Alexandre III, loin du Pavillon de
l’Élégance et des couturiers parisiens.
Cobranding avant l’heure, positionnement intéressé entre art et mode,
participation remarquée à l’événement phare de l’esthétique moderne…
Pas étonnant que les robes et manteaux « à inspiration cubiste » qui
composent les premières collections
haute couture de Heim marquent
les esprits.
Coton, beachwear et jeunes filles
en fleur
Forte de ses premiers succès, la
maison Heim s’inscrit progressivement dans le paysage « officiel » de
la mode parisienne. Le flair et la
vision singulière de son maître la
maintiennent au-devant des modes.
En 1931, l’Exposition coloniale
internationale ouvre ses portes à
Paris. Que retenir de cette exposition
dont les idées paraissent pour certains
déjà dépassées et que le parti communiste s’attache à boycotter ? Heim
la visite et revient avec pas moins
de 5 000 mètres de coton imprimé.
Le « luxe pauvre » de Chanel n’a qu’à
bien se tenir, car Heim vient d’introduire la modeste étoffe au panthéon
des tissus couture. En résulte une
collection annonciatrice du beachwear
aux élégants paréos d’inspiration
polynésienne, et qui donnera lieu à la
création du maillot Atome, « plus petit
costume de bain du monde » et précurseur
56
Jacques Heim organise,
dans le cadre de
l’Exposition des Arts
décoratifs de 1925, la
« Boutique simultanée »
pour Sonia Delaunay,
cobranding avant
l’heure […]
souvent oublié du bikini. Un autre
marché que le couturier conquiert
tout autant qu’il invente est celui
de la mode jeune. Dès 1936, Heim
Jeunes Filles vous habille « de votre
première communion à votre mariage » et
fait le bonheur des débutantes aisées.
Quand on pense à l’impact de cette
nouvelle classe de consommateurs sur
l’industrie de la mode au cours des
décennies suivantes, on ne peut que
saluer la démarche…
Image d’une marque
Mais le dispositif ne serait pas
complet sans une dernière note.
Pour l’heure, les publicités n’ont pas
encore l’impact visuel des campagnes
d’une Annie Leibovitz ou d’un
Steven Meisel. Que faire avec un
budget publicitaire conséquent et une
farouche envie d’affirmer sa différence ? Promouvoir sa griffe peut dès
lors passer par des moyens détournés. Et quand on a pour relations
Germaine Krull, Charlotte Perriand,
Man Ray, Sonia Delaunay, mais aussi
Dora Maar, Emmanuel Sougez ou
Max Ernst, il faut en jouer. En 1931
sort ainsi le premier numéro de la
revue Heim, une publication semestrielle qui devient l’organe de promotion officiel de la maison de couture.
Dans une maquette qui fait écho
aux partis pris plastiques des revues
d’avant-garde de l’époque, de Vu
à Arts et Métiers Graphiques, la revue
Heim propose à ses clientes/lectrices
d’explorer un thème : le voyage, le
merveilleux, le cinéma… Max Ernst
se livre alors à une réflexion graphique sur les « formes et déformation
du corps féminin », une photographie
de nénuphar signée Man Ray partage une double page avec le portait
d’une élégante inconnue – une
cliente, sans doute. On y parle aussi
de Gabriel Guévrékian, de Marc du
Plantier comme de Jacques-Émile
Ruhlmann. On imite la mise en page
d’un tract et le ton d’un manifeste
pour déclamer ce que sera la mode
du printemps 1934, on s’instruit sur
la notion de luxe à travers les âges…
le tout bien entendu entrecoupé
de présentations des modèles de la
maison. Enfin, l’ensemble se parfait
d’un soupçon people, mais choisi,
puisqu’on laisse à Charlotte Perriand
ou à la princesse Bibesco, poétesse
proche de Marcel Proust, le soin
d’expliquer ce qu’elles aiment porter.
En marge de la maison
Heim, Jacques Heim sera élu président de la Chambre syndicale de
la couture parisienne de 1958 à 1962.
Un parcours qui aura combiné avantgarde et establishment.
émilie hammen
Images : magazine Heim, de mars 1932
à mars 1937
57
jocelyn
wolff
Interview art
Galeriste d i s c r e t mais efficace, Jocelyn Wolff trace son
chemin entre France et Allemagne, privilégiant un travail de fond
avec ses artistes plutôt qu’une communication clinquante.
Tu as ouvert ta première galerie en 2003 pour déménager
en 2006 dans l’espace que tu
occupes actuellement. Comment
s’est décidée cette installation
à Belleville, hasard ou choix
prémédité ?
Un peu les deux. Je voulais
m’installer dans un quartier populaire.
Le Plateau venait d’ouvrir à Belleville
et Grégoire Maisonneuve avait aussi
un espace à Ménilmontant. À un
moment où l’aventure des galeries de
la rue Louise Weiss, dans le 13e arrondissement de Paris, était en train de
s’essouffler, je ne me voyais pas être
le dernier à me raccrocher à un train
déjà parti depuis longtemps. Je voulais
trouver une place au sein d’une ville
qui est, dans sa relation à l’art contemporain, assez conservatrice.
Au niveau des secteurs géographiques de l’inscription des
galeries dans la ville ?
58
La galerie de promotion
est un modèle qui m’a
toujours intéressé : être
fidèle à ses artistes,
même si cela prend
du temps. Ce modèle
est opposé à celui des
galeries qui s’orientent
uniquement en fonction
de leur réseau de
collectionneurs, qu’elles
favorisent au détriment
de leurs artistes […]
Oui, il y a vraiment un grand
conservatisme dans les parcours
parisiens. Paris est une ville dont le
centre est très petit par rapport à la
taille de son agglomération et je trouve
étrange que l’on emprunte toujours
des parcours très établis. Je ne vois pas
pourquoi une galerie paierait quatre
fois son loyer en se privant de certaines
libertés juste pour être dans un quartier qui est au centre d’un parcours
de collectionneurs.
Tu évoques les galeries de la rue
Louise Weiss. Leurs programmations ont-elles été un modèle
pour ta propre galerie ?
Oui, bien sûr. Par exemple,
Air de Paris est une galerie qui
m’impressionne toujours autant
qu’il y a vingt ans. C’est un vrai
modèle d’engagement, qui ne faiblit pas. C’est une galerie avec une
attitude très pure dans la relation aux
artistes, dans leur passion du partage de l’art. J’ai aussi énormément
apprécié l’ouverture intellectuelle
de la programmation de la galerie
de Jennifer Flay, le fait de pouvoir
travailler aussi bien avec des artistes
conceptuels qu’avec Karen Kilimnik.
Sa programmation était passionnante.
Une autre galerie qui me fut très
importante, dans les années 1990,
est celle de Ghislaine Hussenot. Elle
avait ce talent de toujours repérer les
artistes qu’il fallait pour ses clients au
moment où il le fallait. La galerie de
promotion est un modèle qui m’a toujours intéressé : être fidèle à ses artistes
pour les promouvoir le plus longtemps possible même si cela prend
du temps.Ce modèle est opposé à
celui des galeries qui s’orientent uniquement en fonction de leur réseau
de collectionneurs, qu’elles favorisent au détriment de leurs artistes.
D’autres réussissent à faire les deux,
comme la galerie Xavier Hufkens
ou Barbara Gladstone, qui savent
toujours détecter un artiste au bon
moment de leur carrière.
Penses-tu que Belleville soit un
quartier de galeries s’installant
dans la durée ou un quartier
incubateur comme le fut la rue
Louise Weiss ?
L’expérience de la rue Louise
Weiss a été une très grande réussite
puisqu’une partie des galeries les plus
puissantes commercialement et au
niveau de leur rayonnement international sont issues de cet incubateur ;
Emmanuel Perrotin notamment.
Quant à savoir si Belleville sera un
quartier de galeries dans la durée ou
un incubateur, pour l’instant, personne
n’en sait rien…
Tu as participé à Choices qui,
pendant un week-end, invitait
collectionneurs et professionnels
de l’art à parcourir un ensemble
d’expositions dans Paris. Que
penses-tu de cette initiative ?
C’est une initiative qui était
absolument nécessaire et ce fut, sans
langue de bois, une grande réussite.
Après, malheureusement, Belleville
n’existait pas vraiment sur le parcours
de Choices. Trop peu de galeries
ont participé à cet événement parce
qu’elles n’en ont pas les moyens. Donc,
le potentiel de cette opération, dans le
quartier, nous ne l’avons pas encore
vu. En revanche, la réussite de l’opération au niveau de Paris est absolument évidente et éclatante, au-delà de
ce qu’on pensait.
Alors que beaucoup de galeries
essayent à tout prix de s’agrandir,
tu as toujours gardé le même
espace depuis 2006.
J’ai une structure aux coûts
fixes assez faibles qui me permet de
m’engager davantage sur des productions, sur toute la partie disons invisible des activités de la galerie. À partir
du moment où l’on commence à avoir
de grands espaces, des coûts fixes très
importants, on doit forcément faire
des choix commerciaux au sein de sa
programmation ; ce n’est absolument
pas ce qui m’intéresse. Je préfère avoir
des conditions de travail plus compliquées, mais qui me permettent de
59
En France […] les directeurs de musées
sont confrontés à cette obligation de
faire des entrées. Le Louvre a été co
mplètement confisqué par l’industrie
touristique, ce n’est plus un lieu de culture
[…]
garder ma liberté artistique, d’expérimenter avec les artistes, de faire
des expositions qui ne soient pas des
expositions-show-rooms ou des expositions-ventes. Je continue de penser que
l’espace d’une galerie ne s’évalue pas
en mètres carrés, il doit être un espace
d’expérimentation, un prolongement
de l’atelier dans lequel il y a déjà un
enjeu public. Ce que j’offre ce ne sont
pas des milliers de mètres carrés, mais
un public exceptionnel. Un public
qui ne fréquente pas simplement ma
galerie, mais toutes les galeries du
quartier. Et ce public, on ne le trouve
pas à la galerie Gagosian au Bourget.
Au Bourget, c’est autre chose ; il y a
un dîner le soir du vernissage avec
quelques milliardaires qui vont faire
du shopping, mais il n’y a aucune
relation sur le long terme impliquant
tout le réseau intellectuel de l’art.
[…] Paris est l’une des seules villes
au monde où existe cette pratique
de la visite des galeries, le samedi
après-midi. On pense que cela va de
soi parce que ça existe, mais c’est une
pratique culturelle qui est absolument
géniale. C’est pour cela que je voulais
avoir une galerie sur rue, pour qu’il
soit facile d’y entrer et d’en sortir.
Je trouve cela important d’avoir un
espace qui soit ouvert à tous les publics
et où l’on expérimente, où l’on a une
programmation très variée et où les
artistes peuvent travailler dans le sens
qu’ils souhaitent en ayant les moyens
de le faire. Après, effectivement, la
60
contrepartie c’est que l’espace de ma
galerie est petit.
Je continue de penser
que l’espace d’une
galerie ne s’évalue
pas en mètres carrés :
il doit être un espace
d’expérimentation, un
prolongement de l’atelier
dans lequel il y a déjà un
enjeu public […]
Tu évoquais le réseau intellectuel de l’art. La chaîne qui relie
artistes, collectionneurs, consultants et galeries semble ne plus
avoir besoin des critiques d’art.
Effectivement, il y a une
baisse de l’influence des critiques d’art.
Leur économie dépend de celle du
marché d’une façon tellement directe,
à travers des commandes de publications, qu’aujourd’hui ils cherchent
davantage à légitimer le marché
qu’à opérer comme des contre-pouvoirs. Il n’y a plus de contre-pouvoir face à l’hégémonie du marché.
Finalement et de façon très limitée,
ce sont les galeries qui opèrent comme
des contre-pouvoirs par rapport au
marché, à la place de ceux dont on
pourrait penser que c’est le rôle, à
savoir les critiques et les commissaires.
Est-ce un changement récent ?
Depuis dix ans, je pense que
c’est plus ou moins la même chose.
Après, je n’ai pas connu la période
des critiques qui avaient un véritable
pouvoir de légitimation ou de validation. Le grand changement que j’ai pu
constater ces derniers temps est de voir
des galeries qui appartenaient à ce
système de contre-pouvoirs – comme
la galerie Marian Goodman – céder à
la mode et au virage d’une hype dictés
par le marché. Les dernières barrières
tombent sous la pression de ce système,
y compris pour des galeries puissantes
qui opéraient comme des labels
indépendants.
Comment garde-t-on de jeunes
artistes prometteurs au sein de
sa galerie ?
Bonne question… En gérant
leurs pièces comme s’il s’agissait
d’artistes établis, en ayant un absolu
respect pour leur travail et en ayant
des résultats économiques immédiats. Mais pour cela il n’y a pas de
recette miracle ! Il faut essayer de faire
en sorte que les artistes se rendent
compte que l’engagement d’une galerie est parfois difficile à mesurer et à
comprendre. Après, on ne peut jamais
retenir un artiste contre son gré. La
relation entre un galeriste et un artiste
est une relation amoureuse, si elle ne
fonctionne pas, il ne faut pas la continuer. Si une galerie se sépare d’un
artiste ou qu’un artiste quitte sa galerie,
des millions de visiteurs pour penser
que c’est un succès. Au contraire,
quand les lieux d’art deviennent des
lieux hyper-fréquentés, on ne peut
plus avoir une véritable relation aux
œuvres. Ce populisme exacerbé est
extrêmement dommageable.
il arrive souvent que cela soit simplement un manque de libido de l’un ou
de l’autre. En tant que galeriste, on se
doit de travailler avec les artistes – qui
ont la volonté de construire une œuvre
plastique originale, authentique et
visionnaire – en essayant de leur offrir
une visibilité, ou alors on est un galeriste qui aime ce monde de la parodie,
où les valeurs esthétiques et l’expérimentation plastique ne priment plus
et ne sont plus des critères de réussite.
Avec la galerie que tu codiriges
à Berlin, KOW, quelle est ta
relation avec le milieu de l’art
allemand ?
Je dois être l’une des rares
galeries françaises qui a des résultats
et un très fort réseau en Allemagne.
J’ai des collectionneurs allemands avec
qui je travaille très régulièrement, mais
l’essentiel de mon réseau est américain.
En France, à l’inverse de l’Allemagne,
les grands musées de province ont du
mal à émerger sur un plan international parce qu’ils n’ont pas un public
local de qualité. Il y a très peu de
collectionneurs en province. Nous
avons des institutions fantastiques
à Paris, mais il n’y a pas cette diversité
à l’échelle du territoire.
Quelles seraient les trois
mesures à prendre par le ministère de la Culture ?
Premièrement, que le
pavillon français de la Biennale de
Venise devienne un lieu d’exposition
où l’on doit montrer des artistes plus
jeunes. Que ce lieu ne devienne pas
une légion d’honneur ou une ambassade temporaire. Il faut prendre plus
de risques pour ne pas passer à côté de
tous ces artistes qui ont une pratique
expérimentale en France. Il faut aussi
arrêter de penser qu’une galerie puissante et riche est un critère de sélection pour l’artiste qui représente la
France. Deuxièmement, il faut repenser le rôle des musées pour que leur
succès ne soit pas évalué uniquement
par leur nombre d’entrées. Le musée
Reina Sofía à Madrid est l’un des
musées les plus intéressants au monde.
Pourquoi n’arrivons-nous pas à faire
des programmations aussi pointues en
France ? Parce que les directeurs de
musée sont confrontés à cette obligation de faire des entrées. Le Louvre
a été complètement confisqué par l’industrie touristique, ce n’est plus un lieu
de culture. On n’a pas besoin d’avoir
Très bien, et la troisième
mesure ?
Troisièmement, en tant que
galeristes, nous vivons dans un climat
d’instabilité fiscale et sociale permanent. Nous n’avons pas forcément
un mauvais système fiscal en France,
mais comme il est en permanence en
débat, c’est très difficile de développer
un business lorsque tu ne sais pas si
demain tout changera. Il y a toujours
ce débat populiste sur la position des
œuvres d’art dans l’ISF, cela revient
régulièrement. Il faudrait absolument
qu’en Europe les règles de la concurrence et la TVA sur les œuvres soient
les mêmes pour tous les pays. Il y a un
énorme travail d’harmonisation fiscale
et juridique à faire au plan européen
pour que les galeries puissent lutter à
armes égales dans un contexte ouvert.
Propos recueillis par
timothée chaillou
Images :
Times are hard, but postmodern, Isa Melsheimer
January 18, 2014 to march 22, 2014,
Galerie Jocelyn Wolff
Portrait : ©André Wolff
61
versace,
over
constructed ?
Ping Pong
Image : priscillia saada
Plus que le vêtement, c’est une certaine image de la femme
que la maison Versace cultive, ou plutôt celle du g l a m o u r,
version Los Angeles. Une analyse des campagnes démontre
à quel point elles étayent la thèse d’une femme femme phallique
et objet de désir.
62
et femmes tellement phalliques qu’on
en reste coi, femmes qu’il faut soutenir
encore et porter par tous les moyens
– éphèbes musculeux et nus, détails
architecturaux ou totems à la limite
de la redondance… Tu disais over
constructed ?
Céline Mallet écrit
à Mathieu Buard, par mail,
Date : 4 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
Versace donc : un lamé, un
drapé sur un déhanché franc, ou
la mode comme l’exaltation de la
puissance désirante et sexuelle des
corps. Une assurance classique,
solaire, voluptueuse ; une joie pleine.
En tout cas, dans presque toutes les
campagnes qu’Avedon aura réalisées
pour la maison jusqu’au début des
années 1990, campagnes qui nous
laissent un peu ahuris ou béats je crois,
et quand on songe par exemple à un
Terry Richardson : la branlette trash,
la tristesse et les flashs anxiogènes,
les corps maigres et aigres des nymphettes à deux doigts du procès.
peu après la mort de Gianni Versace,
puis dans les années 2000 avec
Mario Testino, la succession narcissique des clones de Donatella Versace
elle-même ayant elle-même succédé
à son frère – des odalisques paradoxales car languides, peroxydées,
mais puissantes et guerrières en réalité
(Madonna, Aguilera… des personnalités de la jet-set la plus wealthy),
dont Lady Gaga est l’un des derniers
avatars.
D’hier à aujourd’hui, je distingue à peu près trois périodes dans
les campagnes Versace. La période
Avedon, la césure Meisel en 1998, un
La préhistoire de l’image
Versace c’est d’abord Avedon :
puissance des corps, puissance du
groupe comme une moderne statuaire,
Mathieu Buard écrit
à Céline Mallet, par mail,
Date : 5 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
Over constructed, à fond, tout est
construit comme une scène, un théâtre,
où les femmes vestales sportwear
assument un décontracté baroque, un
trop de la pose qui me rappelle cette
chanson dont il faut que je retrouve
les paroles : « you wear it well… »
Cette femme est une rhétorique : celle d’une captation qui
dévore le plan et ces hommes aux couleurs rompues, taupe (ahah ! la méduse
qui rend les hommes taupes) ou nude,
63
chair. Une domina qui écrase de son
pied le bel homme moderne, telle
une vénus à la fourrure, ou plutôt une
vénus à la permanente, qui braque
d’un jeu savant de prises de mains
le bel Apollon et le soumet.
Blond, blanc, or, déesse
indomptable. Les images sont
baroques comme sur les plafonds des
églises, où les mouvements entrelacés
s’enchaînent et accompagnent ici
cette femme qui est la figure centrale. Avedon adresse un message
efficace : l’homme est à genoux, et
nous sommes béats comme tu le disais.
Éloquente photographie (spring 1980)
où la figure composée des hommes,
uniforme, tente de regarder à la
dérobée, sinon de capter l’attention
de cette femme qui, négligemment,
écrase le petit phallus pour mieux
l’incarner.
Céline Mallet écrit
à Mathieu Buard, par mail,
Date : 6 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
L’incarnation est en effet
le mot juste, voire toute la question
(outre celle d’en avoir ou pas ; et
puisque que l’on parle du grand langage classique et ou baroque). Avedon
croit absolument à l’image qu’il met
64
en place : à sa construction qu’il
affirme et surligne par tous les moyens,
à la beauté (réelle) des corps masculins et féminins qu’il exalte comme
photographie. C’est cette croyance
toute positiviste qui nous étourdit je
crois. Puisque nous croyons moins,
que nous nous méfions plus, nous qui
regardons d’une ère iconique si sophistiquée et ambiguë. Nous jugeons et
disons over constructed, mais n’est-ce pas
plutôt le visage complètement refait
de Donatella qui l’est ? N’est-ce pas
la beauté liftée, masquée, retouchée
à l’image de Lady Gaga qui est trop
over constructed pour être honnête ?
Mathieu Buard écrit
à Céline Mallet, par mail,
Date : 6 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
Coup de bol ou méga intuition (ou tu parles plutôt sous l’effet
du sentiment d’un retard culpabilisé
ahahah !) from Korea coucou et oui
reprenons !
Effectivement on peut dire
que Donatella est un must en termes
d’équilibres faciaux et d’entrelacements baroques. Over constructed au
départ, c’est quand même le Versace,
Monsieur Gianni (avec Santo son
frère et cofondateur si j’ai bien tout
Alors Meisel, 1998, « winter
is coming » ? pour reprendre Game
of Thrones. La maison ne proposant
plus rien si l’on regarde le style, que
les looks qui ne soient ad hoc avec
l’époque. Non ?
compris sur Wiki), construisant ou
post-construisant une image de femme
over sexy et pas la mama ni la donna.
Tout ça suit de façon concomitante l’actualisation de l’industrie
à des échelles de distribution grandissantes, Versace devient un système
extrêmement rodé qui se décline,
d’où l’ère Avedon et du credo « on ne
change pas une équipe qui gagne ».
L’équilibre de la construction se joue
comme une réponse aux propositions
des skylines américaines, ériger un
empire, faire corps avec le contexte
et tenir droit, capital.
C’est la fête, celle que décrit
Bret Easton Ellis dans Glamorama, mais
jamais sans la chute. Versace sans
chute, libre et extatique. Du coup la
silhouette est colorfull, méga contrastée noire/blanche, ou labellisée d’un
motif dévorant (que l’on retrouvera
alors dans Versace « casa », sur les
coussins et autres assiettes de l’art
de la table de l’empire) : soit Avedon
1988, 1993, 1994… Le lion rugit.
Éloquente
photographie où la
figure composée des
hommes, uniforme,
tente de regarder à
la dérobée, sinon de
capter l’attention
de cette femme qui,
négligemment, écrase
le petit phallus pour
mieux l’incarner […]
Céline Mallet écrit
à Mathieu Buard, par mail,
Date : 6 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
Winter is coming in 1998
carrément… et d’ailleurs les hommes
partent aussi des images.
Les odalisques qui désormais
prendront toute la place ont sans
doute fini par les dévorer, de la même
manière que Donatella Versace a dû
elle-même absorber le projet, l’art
et la vision de son frère pour que la
maison puisse continuer d’exister.
Et, oui, vient se greffer
à l’affaire l’emballement industriel
et international du système mode.
Comme dans toutes les grandes
superproductions, et comme toute
bonne héroïne de péplum, Donatella
est puissante et fragile à la fois : il lui
faut s’appuyer sur les figures du star
system pour justifier et consolider
l’empire. Il y a bien une fragilité
dans le système donc, comme il
existe un chiasme entre le fait d’être
une femme d’affaires et de vouloir
quand même ressembler à la caricature de Barbie.
Avedon c’était un fantasme pur, et un panthéon. Testino
aujourd’hui, c’est une stratégie – au
fond légèrement schizophrène, d’où
l’affaire des images Gaga il y a peu.
Il y a quand même un vrai savoirfaire comme une virtuosité technique,
un art souvent (pas toujours visible
à l’image d’ailleurs) de transcender
comme de transfigurer les matières
chez Versace. C’est aussi ce que
raconte le visage de Donatella, ainsi
que celui de Madonna ou Lady Gaga !
Mathieu Buard écrit
à Céline Mallet, par mail,
Date : 7 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
Oui, et du système mode
dans le fond rien à redire, le prêt-àporter de luxe repose sur ce mode de
production sériel et les Italiens mieux
que quiconque ont ce savoir-faire
du luxe et savent bien faire l’industrie. La main du tissu, la qualité de
l’ensemble, indiscutablement tactile,
très bien choisi, est « constructed ». Tant
et si bien que crac, Versace Atelier fait
surface tout récemment pour défiler
au moment de la couture, catégorie
analogue, dans l’inconscient collectif,
à qualité et rareté...
Un choix stratégique évidemment de montée en gamme
perpétuelle et moment où Lady Gaga,
pour le coup, ne pourra pas défiler
(si l’on repense à la stratégie ratée et
over-cramée de Nicolas Formichetti
au premier défilé de sa prise en
main de la direction artistique chez
Mugler). On peut dire finalement
qu’utiliser une « pop » star c’est faire
événement, de faire savoir que la
marque existe toujours, à grand
renfort de Mert & Marcus, s’assurer
d’un succès ou d’une couverture
médiatique.
65
Avedon, c’était un fantasme pur et un
panthéon. Testino aujourd’hui, c’est
une stratégie – au fond légèrement
schizophrène, d’où l’affaire des images
Gaga il y a peu […]
[…] Quoi, l’on ne pourrait pas
être over the top, femme riche
alanguie, poseuse et refaite ?
No way!
En somme, l’over constructed
aura toujours été chez Versace la
stratégie éditoriale, celle de l’image.
Et en rapport comme tu le disais à
l’esthétique sinon aux lois de la jungle
du moment. La stratégie éditoriale de
Versace, si l’on tente un résumé, n’estce pas la métaphore filée et très explicite de l’addition, photographique,
stylistique, technique ?
Tu as raison de parler des
photographies fuitées sur Internet,
le « set design » opéré par les filtres
successifs de Photoshop sur le crâne
de Lady Gaga, c’est la poursuite de
cette stratégie additionnelle.
Céline Mallet écrit
à Mathieu Buard, par sms,
Date : 9 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
« Hey, je pense pouvoir
accéder à mes mails en début de
soirée – j’espère que ça ira… Désolée,
connexion infernale et impatience
de ma part d’où les textos qui vont
suivre ! »
« Sinon l’addition oui, à
l’image oui, notamment à la grande
époque Avedon où 10 corps et allures
valent mieux qu’un… L’addition, c’est
aussi le baroque dans son acception
vulgaire et la caricature du style à
66
l’italienne : on ne retranche rien au
contraire – ne nous méfions pas de
la beauté quitte à en faire des caisses
(des drapés, les découpes, les accessoires, bijoux qui viennent confirmer
les découpes, etc., et encore chez Lady
Gaga) –, c’est cette audace que relayait
si bien Avedon et qui peut-être émeut
encore aujourd’hui… »
« La pop star est là pour
affirmer la mythologie over the top de
la maison. Et, oui, sur un mode noir,
c’est peut-être aussi devenu une image
étrange de l’Autre… »
« C’est Donatella qui reste
l’image la plus persistante pour
Versace aujourd’hui… L’univers
stylistique en lui-même, on l’a un peu
oublié, non ? D’où les clones qui se
répètent, mais énoncent un certain
vide, surenchère du seul star system… »
Mathieu Buard écrit
à Céline Mallet, par mail,
Date : 9 août 2014
Objet : Ping Pong – Versace, over
constructed?
Une girl next door tu veux dire,
enfin façon de parler, si l’on considère
le pedigree, over the rainbow plutôt…
De la Russie des millionnaires ou du
public féminin des BRICS finalement,
de l’Amérique de la côte est… où
le « too much » est la ligne de conduite.
Et il est vrai que c’est aussi une façon
de poursuivre une distinction, non
rachitique et pincée Karl-Chanel,
hors maman moderne façon PhoebeCéline. Quoi, l’on ne pourrait pas
être over the top, femme riche alanguie,
poseuse et refaite ? No way! Le jeu qui
se déroule là est too much, et alors ?
mathieu buard
et c é l i n e m a l l e t
Image :
p.63, 64, 65 : Campagne printemps 1980,
printemps 1981, printemps et automne 1987,
printemps et automne 1994, par
Richard Avedon
p.66, 67 : Printemps et automne 1994 par
Richard Avedon. Printemps-automne
2007, printemps 2005 par Mario Testino ;
automne 1998 par Steven Meisel ; 2014 par
Mert & Marcus.
67
susanna l.
Rencontre
Le chant olfactif des fleurs, dans les jardins de l’Alcazar à Séville,
fait concurrence à la musique des fontaines. Il est encore trop tôt
pour les autres touristes et, a v e c l e s f i l l e s, nous arpentons
seuls le décor féerique des premiers pas de Bianca sur les azuléjos.
Je ne pense pas que [la couture]
dicte quoi que ce soit, que ça
fasse avancer la mode, comme
c’était le cas autrefois […]
Image : priscillia saada
Ysé est trop petite pour apprendre
à marcher, et l’aînée ne se souvient
pas de cette étape des vacances, il y a
deux ans seulement. Mais la joie est là,
Sonia évolue avec la grâce d’une liane
d’un bassin à l’autre, Bianca court
dans tous les sens en riant aux éclats,
on dirait qu’elles sont ivres de beauté,
de fatigue et d’émerveillement.
68
Susanna L. m’a fait l’effet
d’une fleur précieuse et épineuse
du jardin des modes, lorsque je l’ai
aperçue pour la première fois dans le
soleil de juin à Bruxelles, tout au bout
de cette grande table qui rassemblait
les membres du jury de La Cambre.
J’ai demandé à Stefan S. qui était cette
boudeuse qui aime les couleurs, manifestement dégoûtée par ce qu’elle triturait de la fourchette dans son assiette ;
il m’a dit simplement : « La bloggeuse que
je respecte. » Le lendemain, les discussions sur les travaux des étudiants
m’ont révélé un esprit courageux,
synthétique, sans compromis, équipé
d’une langue précise. Dans la voiture
qui nous menait au train, je l’avais
trouvée drôle et cool. Nous étions
à nouveau ensemble en Belgique la
semaine suivante, invités à examiner le
travail des élèves de l’Académie. Nous
avons rendez-vous rue du Faubourg
Saint-Martin, début juillet, à Paris.
C’est un dahlia noir sensiblement plus mûr qui ouvre le défilé de
la couture chez JPG. Trop âgée pour
marcher sur ces talons piégés, elle tombera plusieurs fois – quatre peut-être –,
après un tragique pas dansé, répété,
qui laissera le fashion pack hébété. La
bande-son du dernier film de Jarmush
accompagne ce défilé de vamps et de
morts-vivants, la fille de Pat Cleveland
incarne Morticia et Conchita W.
ferme la marche en mariée démoniaque de l’Eurovision. Susanna L.
m’attend dans le hall et nous traversons la rue pour aller boire une bière.
Les douloureuses titubations de cette
icône du passé de JPG me font penser
à cette mannequin vue à La Cambre
qui avait tatoué « marche » au-dessus
du genou gauche et « ou crève » sur la
cuisse droite.
Susanna L., aka Susie Bubble,
a plusieurs centaines de milliers de
followers sur Instagram. J’ai un peu
honte de ne pas en être, et regrette que
la blogosphère demeure un continent
si exotique pour ma rencontre avec
« one of the fashion blogosphere’s most original
and influential voices » – dixit Business
of Fashion il y a trois ans déjà. Susie
a en fait un filet de voix, perché, qui
s’impose par l’attention qu’il demande
plus que par le volume. Et transmet
des messages sérieux. Sur la couture :
« Ça veut dire beaucoup pour moi, si ; il s’agit
de garder ces savoir-faire qui mourraient sans
la couture, il s’agit de mettre du temps et de
l’énergie dans un seul vêtement, le coudre à
la main, la tradition. Mais je ne pense pas
que ça dicte quoi que ce soit, que ça fasse
avancer la mode, comme c’était le cas autrefois.
Hussein Chalayan pour Vionnet ? La saison
69
« Le fait que les marques aient le nez rivé
à Instagram et donnent de l’importance
à tous ces gens qui disent “heeeewww”,
“pretty” ou “disgusting!” dit beaucoup sur
la manière dont les choses sont en train
de changer, dont le pouvoir glisse des
prescripteurs aux consommateurs […] »
forums au lieu de montrer une collection à
travers un défilé classique. En fait, je n’aime
pas que les designers revendiquent de faire de
l’art, car je pense que leur intention est de dire
que ce qu’ils font est plus élevé que de la mode.
Mais en fait, la mode peut être aussi élevée
que tu le veux. Ça peut être aussi créatif, aussi
“poignant” et tout autant provoquant que
certaines propositions des meilleurs artistes. »
Susie a étudié l’art du
à l’université. La mode était
un intérêt sans lien avec le sujet de ses
études. « Il ne m’est jamais venu à l’esprit
d’étudier la mode, car mon école était tellement
académique, c’était un peu comme un dirty
secret pour moi ; mes amis n’avaient pas de
respect pour la mode, trop superficielle pour
tout le monde, surtout en Angleterre. Quand
j’ai travaillé dans une agence, je me suis
dit que ça ne servait à rien toutes ces études
intellectuelles pour finalement devenir chef de
pub… » C’est à ce moment-là qu’elle a
décidé de satisfaire sa nature curieuse
en faisant du journalisme, en vérifiant
les faits, en posant des questions. « Sauf
qu’en mode, le journalisme ne fait pas d’investigation autant qu’il le pourrait. Car les gens
aiment toucher la surface des choses, qui est
tellement centrale pour la mode. Personne
ne veut gratter sous cette surface ; parler des
tendances et des modalités suffit la plupart
du temps. Je ne passe pas beaucoup de temps
à regarder, finalement, donc ça me prend du
temps de faire ce travail facile pour d’autres.
Je ne suis pas si efficace que ça du coup dans
le commentaire sur les collections par exemple,
ça n’est pas ma spécialité. » Susie prend le
temps de faire les choses, et propose
des analyses originales, renseignées et
pertinentes.
xixe siècle
dernière, huit sections, chacune avec un sens
spécifique, comme une performance artistique.
La mode se manifeste en grande partie par les
moyens de l’art contemporain. »
Sur les étudiants dont nous
avons vu le travail ensemble, qui souvent se sont perdus dans leurs concepts
et ont oublié de faire de la mode, elle
dit : « Oui, l’art et la mode sont deux choses
très différentes, mais les jeunes designers
pensent souvent qu’ils peuvent aborder la mode
comme l’art, parce qu’ils n’ont pas encore à
respecter les contraintes du marché. Je pense
qu’ils se disent que c’est le moment de montrer
des choses dans des galeries, d’animer des
70
Pendant cinq ans, son blog
était une occupation parallèle à ses
activités dans la pub, puis comme
editor pour le Dazed & Confused. Elle
n’a pas décidé d’en faire une occupation à plein temps ; c’est devenu le cas
quand elle a compris que sa passion
pouvait devenir un business, qu’elle
pouvait surmonter sa crainte de
devenir free-lance, car « toute ma vie j’ai
été formée pour trouver un job à temps plein.
Le free-lance n’existe même pas en Chine, et
mes parents m’ont transmis cette angoisse de
l’incertitude des revenus. Mais le blog, qui
était une activité personnelle, est non seulement
devenu une source de revenus, mais aussi de
projets fabuleux qui me font découvrir ce qu’il
se passe dans le monde ».
Susie est de fait une observatrice et un acteur d’un monde qui
mute. « En moins de dix ans, le paysage
médiatique de la mode a totalement changé.
Par exemple de photos en noir et blanc dans
le WWD à des images en haute définition
publiées instantanément. En très peu de
temps, la façon dont on reçoit des informations, la façon dont les marques se projettent
elles-mêmes, le rapport au temps dans son
ensemble ; tout a été bouleversé. » Elle-même
a passé beaucoup de temps en bibliothèque et appartient à la génération
Google. « Donc oui, je respecte ces gens antibloggers, anti-digital, c’est compréhensible. »
les comprennent. Je ne suis
pas allée aux défilés dans les
années 1980 et 90, je n’ai
que mes propres références.
Je croyais pouvoir utiliser les
images et les forums, mais ça ne remplace pas
une first hand experience des choses et de
la mode. Le fait que les marques aient le nez
rivé à Instagram et donnent de l’importance à
tous ces gens qui disent “heeeewww”, “pretty”
ou “disgusting!”, je pense que ça dit beaucoup
sur la manière dont les choses sont en train de
changer, dont le pouvoir glisse des prescripteurs
aux consommateurs, et le fait que ces derniers
peuvent devenir les prescripteurs. »
Les mêmes ressorts temporels
font que les Susanna L. de ce monde
restent des « juniors » pour ceux qui
ont le pouvoir dans la mode depuis
plus de vingt ans, et entendent le garder. « C’est aussi une question générationnelle,
pas qu’une affaire de média. Dans la mode,
les gens donnent de l’importance à la longévité,
au temps que vous avez consacré à l’industrie.
C’est pourquoi des gens sont maintenus dans
l’ombre. » Donc seules Suzy Menkes,
Cathy Horyn et Vanessa Friedman
sont respectables ? « Oui, car elles ont tout
vu. Elles ont une vision lucide des choses, elles
Il s’est remis à pleuvoir. Des
cordes. Et le défilé Vionnet démarre
officiellement dans une minute. Susie
grimpe sur ma moto, et je la dépose
juste à temps. Nous reprendrons la
conversation plus tard. Et c’est sur
le Net que je trouve sa réponse à la
question d’un autre, sur ce que pourrait devenir son business (circa 2011) :
« I don’t think it can be larger than me—it’s
as large as I am. »
Le temps s’est amélioré
depuis. C’est devenu l’été des cactus.
Citroën a baptisé sa C4 inrayable
aux pare-chocs latéraux comme la
précieuse plante grasse, et envahi les
routes andalouses avec son modèle
protégé. Quelques relents psychédéliques de mes lectures m’ont rappelé
les vertus du peyotl, Susie et Stefan
avaient partagé du THC dans un
ustensile sophistiqué néo-beatnik du
nom de Pax by Ploom. Et ma femme,
mes filles, Susie, le genre féminin
en général, jusqu’aux chardons qui
ont composé l’écosystème poétique
de mon été, tout s’est passé comme
si Mother Earth avait souhaité me
convaincre à nouveau de la beauté
cachée des fleurs épineuses. Et du
temps dont elles ont besoin pour éclore
et s’épanouir.
mathias ohrel
Images :
Cactus en fleur, ©DR.
Susie Bubble, ©DR.
71
audience
Rétrovision
Personnalité incontournable du graphisme des années 1960-70,
M i l t o n G l a s e r, fondateur avec les illustrateurs Seymour
Chwast, Reynold Ruffins et Edward Sorel du mythique Push Pin
Studio en 1954, reste un révélateur de la pop culture graphique
nord-américaine.
Dans un entretien publié en préface
de l’ouvrage consacré à son travail,
Milton Glaser, design graphique, paru aux
éditions du Chêne à Paris en 1973,
celui-ci s’explique sur son éclectisme
graphique et sa sensibilité esthétique
à travers l’image la plus connue de
72
son œuvre : l’affiche de Bob Dylan,
tirée à 6 millions d’exemplaires et
incluse dans l’album discographique
du chanteur. « […] J’ai conçu ce poster
à partir de deux conventions différentes : je me
suis souvenu d’une silhouette autoportrait de
Marcel Duchamp qu’il a lui-même découpée dans du papier – profil aigu, silhouette
blanche et noire. J’ai dessiné les cheveux de
Dylan en m’inspirant de formes qui m’avaient
intrigué dans la peinture islamique. Vous
considérez l’osmose entre ces deux phénomènes
de style disparates comme quelque chose
de “spécifiquement américain”. C’est drôle,
non ? Au fond, nous parlons de crédibilité, de conviction. Ce qui est crédible a une
origine culturelle ou est plutôt en relation avec
une période culturelle déterminée. » Et à la
question de savoir jusqu’à quel point le
contexte culturel agit sur sa sensibilité
esthétique en rapport aux exigences
du commanditaire, Milton Glaser
« Je suis parti de l’ancien
logotype [de Paris
Match], j’ai plié un des
coins et ai apposé le
mot “nouveau”. J’ai dit
aux rédacteurs qu’en
Amérique les ventes
augmentaient de 20 %
lorsque l’on mettait
le mot “nouveau” sur
une couverture. »
poursuit : « Je ne puis formuler de réponse
claire. Je sais bien qu’il est de plus en plus
difficile de travailler avec des gens qui ont
une idée trop précise de la solution esthétique
d’un problème. Fréquemment des clients vous
demandent de concevoir un travail dans le
style qui a fait votre succès. Reproduire ce que
j’ai déjà fait ne m’intéresse plus. Il faudrait
que les gens me soumettent de nouveaux
problèmes, en ayant foi en mes recherches
stylistiques. C’est la situation que je trouve
la plus enrichissante à l’heure actuelle. »
formule à concevoir dans les 24 heures.
Outre un travail d’illustrateur, d’affiPrenant l’éditeur au pied de la
chiste et de typographe, Milton Glaser
lettre, Milton Glaser relève le défi et
s’attaque à la conception de formules
explique ce qui tient du coup de bluff
de presse. En 1968, il fonde avec
graphique : « […] C’était un vendredi
l’éditeur et journaliste Clay Felker
après-midi, à seize heures trente. Nous avons
le New York Magazine, qui lui sert de
champ d’expérimentations graphiques, travaillé jusqu’à dix heures du soir sans
interruption sauf pour déguster une douzaine
photographiques et typographiques,
d’huîtres. Nous avons continué jusqu’à
et reste aujourd’hui une référence
deux heures du matin, puis nous reprîmes
pour avoir formé une génération
tôt le samedi jusqu’au soir. Je suis parti de
de journalistes en matière de presse
l’ancien logotype, j’ai plié un des coins et
artistique et culturelle. Puis s’enchaîne
ai apposé le mot “nouveau”. J’ai dit aux
la conception ou la refonte de forrédacteurs qu’en Amérique les ventes augmules de plus d’une cinquantaine de
mentaient de 20 % lorsque l’on met le mot
titres, parmi lesquels : The Washington
“nouveau” sur une couverture. Utilisant le
Post, La Vanguardia à Barcelone, O
logotype modifié non seulement sur la couverGlobo à Rio de Janeiro ou encore
ture mais aussi sur les affiches et le matériel
The Los Angeles Time, The Boston Globe,
publicitaire, je visais à institutionnaliser la
The Nation… En 1972, de passage à
nouvelle formule. Avec quelques changements
Paris, Milton Glaser est contacté par
de direction photographique et une simplil’éditeur de Paris Match, Jean Prouvost.
fication ainsi qu’une meilleure cohérence des
Ce dernier lui demande une nouvelle
choix typographiques des titres, la diffusion de
l’hebdomadaire s’est accrue de 20 %. »
Dans les années 1980, avec
sa nouvelle agence WBMG, créée
avec Walter Bernard, Milton Glaser
intervient de nouveau en France sur
les nouvelles maquettes de L’Express,
des magazines Lire et Jardin des Modes.
Mais l’une des expériences où le style
de Milton Glaser et Seymour Chwast
put s’épanouir pleinement reste celle
du magazine Audience, dont le premier numéro paraît en janvier 1971.
Une sorte « d’ovni » dans la presse
américaine. Tiré à 4 000 exemplaires,
ce bimestriel est publié à New York
par l’éditeur Tim Hill. Ce dernier
en confie la direction artistique à
Milton Glaser et Seymour Chwast, et
s’entoure d’un conseil éditorial au sein
duquel on trouve des personnalités
73
de toutes les disciplines du monde
des arts et de la culture. Le graphiste
Saul Bass, les écrivains Saul Bellow
et Robert Penn Warren, les réalisateurs Alan Arkin et John Cassavetes,
les photographes Inge Morath
et Gordon Parks, le designer
Charles Eames, etc. Revue à couverture cartonnée, Audience oscille entre
le magazine et le livre. Sans aucune
publicité – le rêve pour les graphistes,
qui ainsi peuvent assurer une continuité du chemin de fer sans altération
des contenus –, la revue s’adresse à un
public d’amateurs de fictions littéraires,
d’art, de poésie, d’illustrations et de
photographies.
La diffusion se fait uniquement sur abonnement, mais malgré
cela, sans autre apport financier,
l’aventure éditoriale s’arrêtera en
1973 au terme de 13 numéros publiés.
Treize numéros intégralement conçus
au Push Pin Studio et dont l’impression est sans conteste d’une très grande
qualité. Les graphistes disposent d’une
liberté totale et interviennent aussi
en tant qu’illustrateurs des fictions
ou articles publiés. Ils expérimentent
ici des procédés de reproduction
photomécanique par trames pour la
mise en couleurs de dessins en noir et
blanc, et leur modulation colorée par
un système de gravure noire contrehachurée. Dans l’un des numéros où
il s’agissait d’illustrer un article sur
des animaux vivant dans l’obscurité,
Milton Glaser fait des trous d’épingle
dans une feuille de papier noir sur
laquelle sont reproduits ces animaux
et les éclaire par derrière avec des
lumières colorées. Le tout étant photographié et imprimé en couleurs.
Audience publie d’autres
dessinateurs comme Saul Steinberg
(Vol.2 #3) ou Barbara Nessim. Les
portfolios photographiques de
Charles Harbutt (Interlude, Vol.1 #3),
Richard Olsenius (High School,
Vol.2 #3), Steve Salmieri (Coney Island,
Vol.1 #2) ou Dennis Stock (California,
Vol.1 #1), entre autres, offrent au
lecteur, à travers des photos aux noirs
très denses et souvent colorés, une
vision au quotidien de l’Amérique de
la fin des sixties. La reproduction de
ces portfolios est traitée sur du papier
brillant alternant avec des papiers
mats ou semi-mats, blancs ou de
couleur, choisis en fonction du sujet.
Les choix typographiques, qui sont
plus des choix de lettrages, s’opèrent
à travers le dessin d’alphabets dont les
références graphiques émanent d’un
regard sur une identité vernaculaire
étatsunienne. Quant à la couverture,
sur laquelle le titre, en bas de casse,
est placé dans un demi-cartouche
toujours positionné en haut à droite,
elle laisse tout autant de liberté à
son concepteur. Typos néon, tête de
poupée ancienne, fronton Art déco,
carrosserie broyée, calandre rutilante
de bolide customisé, emballage de
sucrerie forment une sorte de drugstore de nostalgies à pages ouvertes. Et font du magazine Audience le marqueur
d’une génération et de son contexte
culturel.
pïerre ponant
Images : magazine Audience, 1971 à 1973.
mode
emeline’s reverie
Photographie : Alex Villaluz, Stylisme : Arabella Mills
kate
Photographie : Janneke van der Hagen, Stylisme : Lilia Toncheva O’Rourke
kathleen seltzer
Proposé par Patrick Remy
74
emeline’s reverie
Photographie - Alex Villaluz
Stylisme - Arabella Mills
Assistée de Frédéric Chane-sy et Sandra Masure
Coiffure - Kazuko Kitaoka chez Sybille Kléber
Maquillage - Camille Lutz chez Mod’s Hair Agency
Mannequin - Émeline Ghesquière chez Silent Models
Production - Joy Hart - JN Production
Assistée de Gwennaëlle Mirol
Top
Celine
Pantalon
Roksanda Ilincic
Bottines
Marc by Marc Jacobs
Robe
Missoni
Cardigan
Jonathan Saunders
Baskets
Acne Studios
Blouson
Kenzo
Robe
Veronique Branquinho
Manteau
Kenzo
Pantalon
Emanuel Ungaro
Robe
Issey Miyake
Baskets
Pierre Hardy
Lunettes
Christian Dior
Top
Roksanda Ilincic
Jupe
Jonathan Saunders
Top et escarpins C h r i s t i a n D i o r
Jupe B i m b a & L o l a
Pantalon M i s s o n i
Veste, Pantalon, baskets
G i v e n c h y (prefall 2014)
Merino jumper and white jeans
American Apparel
Fishing wire and bead necklace
MM6
kate
Photographie - Janneke van der Hagen
Stylisme - Lilia Toncheva O’Rourke
Coiffure - Fumihito Maehara
Maquillage - Mai Kodama
Mannequin - Kate McGlone chez FM London
Wool jacket
Shao Yen
Wool dress and white flats
JW Anderson
Gold and crystal top and skirt
Tessa Edwards
Cotton top
American Apparel
Wool jacket and trousers
Shao Yen
Silk bodice
Anne Karine Thorbjornsen
Merino jumper
American Apparel
Fishing wire and bead necklace
MM6
Wool top and skirt
Yirantian
Wool dress and white flats
JW Anderson
kathleen seltzer 1977-1979
C’était en 1998 ? En 1999 ? C’est loin… À cette époque, Hervé Morel
m’avait commandé un livre. Cet ancien fondateur du Book et d’Art
Director Management (ADM), qui me représentait à l’époque, voulait se lancer dans l’édition et m’avait demandé d’éditer un livre sur les
photographes disparus des années 1970. En vrac, Guy Bourdin, dont
aucun livre n’avait été édité à cette époque, mais aussi Sacha, Laurence
Sackman (dont deux assistants sont devenus célèbres : Paolo Roversi et
Arthur Elgort), Jerome Ducrot, Bill Silano, Harri Peccinotti, à l’époque
DA des couvertures du Nouvel Obs, Steve Hiett, qui avait disparu à
New York, Cheyco Leidmann, Chris von Wangenheim, Art Kane,
dont un livre rétrospective va paraître en cette rentrée, ou encore Hans
Feurer. Comme ce dernier, certains sont revenus aujourd’hui sur le
devant de la scène.
J’étais allé à New York pendant deux semaines, à la recherche de
ces fameux photographe ; j’avais passé des heures avec Gosta Peterson,
Alberto Rizzo (vingt années de still life au Harper’s Bazaar), James Moore,
tous trois disparus depuis ; j’avais retrouvé à Brooklyn, alors malfamé,
les archives d’Antonio Lopez et de Juan Ramos, puis Denis Piel. Tout
contents qu’un Frenchy (avec accent typique) vienne les déranger dans leur
retraite tranquille. J’avais une photographe en tête que je voulais absolument retrouver : Kathleen Seltzer. J’ai découvert ses photos de mode dans
Photo – un bon magazine à l’époque et non le torchon que l’on connaît
aujourd’hui –, précisément le numéro 125 de février 1976. Dix pages
en noir et blanc denses, où les visages sont coupés, les robes jouent avec
les motifs des canapés, j’étais subjugué. Sur place, j’ai recherché dans les
Yellow Pages (avis aux jeunes générations : Internet était balbutiant et
Google n’était même pas une idée en ce siècle si lointain…) et trouvé des
centaines de K. Seltzer – de quoi avoir mal à la tête…
Au bout d’une vingtaine de coups de fil, j’ai laissé un message sur
un répondeur automatique avec une voix féminine (une machine avec
une cassette pour y laisser un message que l’on branchait au téléphone
fixe !), et quelques heures après, Kathleen Seltzer, la photographe, me
rappelait à ma chambre d’hôtel ! Le rendez-vous eut lieu chez elle, 54
East 11 Street, appartement 10 (j’ai retrouvé mon carnet de notes !), un
magazine
104
appartement rempli de cartons, car elle déménageait le lendemain pour
East Hampton avec son répondeur… à un jour près, donc. Autour d’un
café elle me raconta sa surprise tout d’abord d’être contactée ; elle avait
abandonné la photographie depuis plus de dix ans, à la naissance de son
premier enfant et parce qu’elle galérait trop.
Amie de Robert Mapplethorpe, elle me parla de ses influences :
Horst, Hoyningen-Huene, Deborah Turbeville… De ses cours avec Ray
K. Metzker. De ses photos qu’elle réalisait avec des amis, des cousines
et des copines qui lui prêtaient des robes. Comme elle était dilettante,
elle avait du mal à contrôler leurs expressions – d’où ses images énigmatiques sans visage. De sa carrière ratée de danseuse à Philadelphie, de ses
travaux pour Details et de sa série d’images imprimées sur papier journal
qu’elle colla sur les murs de Soho en 1981, de sa seule et unique exposition à la galerie Sonnabend, qui n’exposa que peu de photographes, mais
Jasper Johns, Roy Lichtenstein ou Andy Warhol… L’après-midi tirait à
sa fin. Elle me confia quelques tirages sublimes, ceux-là même qui sont
imprimés dans les pages suivantes, mon livre ne vit jamais le jour : la
mort d’Hervé Morel, la faillite d’un éditeur américain…
Je n’ai jamais rendu ses tirages à Kathleen, j’en ai honte, mais je
n’ai pas son adresse et j’ai envoyé quelques messages Facebook en vain.
J’ai retrouvé dans un magazine Zoom (#127, automne 1985) une interview d’elle, prémonitoire ? « Je fais un peu de mode de temps en temps. J’aimerais
qu’il y ait plus de magazines d’avant-garde qui pourraient éponger les frais de mon
travail personnel. Je travaille pour Details quelquefois. Mais je ne sais pas me vendre.
De temps en temps, j’organise mon portfolio et je vais à un rendez-vous. Quand j’y suis,
j’ai la tentation de dire : “Je suis vraiment désolée d’être venue, c’est une erreur épouvantable !” Je ne suis pas agressive, et je suis très vite intimidée. Mon instinct me souffle
de ne pas me mêler au monde. Mon activité reste très souterraine. J’ai été élevée par
quelqu’un qui me disait : “Tu vas trouver un mari, il va s’occuper de toi, tu auras des
cartes de crédit…” L’idée de faire quelque chose de ma vie ne m’a jamais effleurée. Ça
n’a même rien à voir avec le fait d’être une princesse juive américaine, dans le sens droit
divin, je croyais tout bêtement qu’il n’y avait pas d’autres alternatives ! »
patrick remy
magazine
105
citations
Collection
Compilées par w y n n d a n
People everywhere
confuse what they read
in newspapers
with news.
a.j. Liebling
« Les gens confondent ce qu’ils lisent dans les journaux avec de l’information. »
“ Models used to have lives – character.
They ate, smoked, had boyfriends.
Now, all the girls are so scared to be sent
back to Ukraine.”
Franca Sozzani
« Les mannequins avaient une vie, une personnalité. Elles mangeaient, fumaient, avaient un petit ami. Maintenant, elles ont peur d’être renvoyées en Ukraine. »
magazine
118
In the old days, by that I mean the 50s, 60s and
70s, the direction of magazines was determined by
the Editor-in-Chief and the Art Director, mostly
the Art Director. In magazines today,
the Art Director is nothing.
helmut newton
newton
helmut
« Dans le temps, je veux dire dans les années 1950, 1960 et 1970, l’identité des magazines était définie par le rédacteur en chef et le directeur artistique, surtout par ce dernier. Dans les magazines contemporains, le directeur artistique n’est plus rien. »
"Tous les grands films
sont appréciés pour de
mauvaises raisons."
Jean-Luc Godard
Godard
Jean-Luc
« All the great movies are successful for the wrong reasons. »
magazine
119
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boulevard
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75010
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ACP–––Magazine,
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75010Paris
Paris
Magazine
14
paraîtra
le 10
6 décembre.
Magazine
17,décembre,
septembre,
octobre,février
novembre
paraîtra
ledécembre
1er septembre
Magazinen°
n° 18,
décembre,janvier,
janvier,
février
paraîtra
le
20142014
SEPTEMBRE OCTOBRE 2014 É:221
La revue internationale
sur le design graphique
et la culture visuelle
SPÉCIAL MÉDIAS
ET DESIGN GRAPHIQUE
SORTIE LE 5 SEPTEMBRE
S’ABONNER : WWW.ETAPES.COM
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m a g amagazine
z i n e no13
magazine
113
121
121
Agenda
automne 2014
septembre
6 au 13 septembre
De manière concomitante
au salon Maison & Objet,
la P a r i s D e s i g n
W e e k parsème la capitale
d’événements design.
parisdesignweek.fr
6 septembre au 4 janvier
Rétrospective consacrée
au photographe de mode
H o r s t P . H o r s t au
V&A, dont les images ont
traversé le siècle.
Vam.ac.uk
9 septembre
au 21 décembre
« From Black and White to
Color ». Exposition consacrée
à William E g g l e s t o n à la
Fondation Henri CartierBresson.
Henricartierbresson.org
10 septembre
au 31 octobre
Exposition pour le 16e prix
R i c a r d : « L’époque,
les humeurs, les valeurs,
l’attention », sous le
commissariat de Castillo/
Corrales. Vernissage le 9.
Fondation-entreprisericard.com
12 septembre
au 14 octobre
Exposition des plus beaux
l i v r e s suisses à la librairie
du centre culturel suisse.
Ccsparis.com
13 septembre
au 5 octobre
Le festival Images
se tiendra à V e v e y
(Suisse), réunissant près de
50 artistes et photographes
internationaux.
Images.ch
magazine
122
16 au 18 septembre
Le salon P r e m i è r e
V i s i o n présente les
tendances automne 2015-
printemps 2016, au Parc des
expositions.
premierevision.com
17 septembre
Mange tes morts – Tu ne
diras point de Jean-Charles
Hue, 2014, 94’. Un ovni
documentaire sur les
g i t a n s par un artiste
étonnant.
En salles
17 septembre au 2 février
Exposition N i k i d e
S a i n t P h a l l e au Grand
Palais, peinture, sculpture
et films.
Grandpalais.fr
18 au 21 septembre
Unseen, la foire de
photographie
néerlandaise s’installe chaque
année un peu plus.
Unseenamsterdam.com
23 septembre
au 1er octobre
Défilés p r ê t - à - p o r t e r
femme printemps-été 2015.
Modeaparis.com
23 septembre
au 15 novembre
Pour fêter les 15 ans de
l’Andam, la galerie des
Galeries présente G r a n d
M a g a s i n , une exposition
photographique de
Philippe Jarrigeon.
Galeriedesgaleries.com
24 septembre
Saint Laurent de Bertrand
Bonello, 2014, 150’. L’autre
b i o p i c , resserré sur la
période 1967-76.
En salles.
24 septembre au 5 janvier
Exposition D u c h a m p , la
peinture, même au Centre
Pompidou. Une centaine
d’œuvres pour une approche
inattendue de l’artiste.
Centrepompidou.fr
octobre
4 octobre
La Nuit Blanche version
2014 a été confiée à JoséManuel Gonçalvès (1 0 4 )
et proposera un parcours
parisien au milieu d’œuvres
et installations souvent
inédites.
Paris.fr
8 octobre au 25 janvier
Exposition et rétrospective
François Truffaut
à la Cinémathèque :
les 21 films + conférences.
Cinematheque.fr
8 octobre
Le Paradis d’ A l a i n
C a v a l i e r , 2014, 70’.
Le nouveau film du
réalisateur de Pater.
En salles.
8 au 12 octobre
25e festival du film
britannique de D i n a r d ,
avec Catherine Deneuve
en MC.
Festivaldufilm-dinard.
com
9 au 12 octobre
2e édition du Milano
Design Film
F e s t i v a l , dont le nom
a le mérite d’être explicite.
milanodesignfilmfestival.
com
11 au 13 octobre
6e édition du festival
A s v o f f consacré aux
films de mode au Centre
Pompidou.
Centrepompidou.fr
16 au 19 octobre
Pour ses 15 ans, les
P u c e s du Design invitent
Christian Ghion pour une
carte blanche.
Pucesdudesign.com
17 octobre au 22 février
Importante rétrospective
Sonia Delaunay,
peinture, mode, design,
architecture au musée d’Art
moderne de la Ville de Paris.
Mam.paris.fr
PARIS
SINGAPORE
MIAMI BEACH
SEPT. 5-9,2014
JAN. 23-27, 2015
MARCH 10-13, 2015
MAY 12-15, 2015
novembre
Jusqu’au 2 novembre
Derniers jours de l’exposition
Les années 50,
commissariat d’Olivier
Saillard et Alexandra Bosc.
Palaisgalliera.paris.fr
Jusqu’au 2 novembre
Prolongation de l’exposition
« Inspirations » consacrée à
l’univers du créateur belge
Dries Van Noten.
Lesartsdecoratifs.fr
LET’S
CALL THE
WORLD
MAISON
1er au 30 novembre
Le Mois de la Photo fédère
de nombreuses expositions
autour du thème de la
Méditerranée.
mep-fr.org
13 au 16 novembre
P a r i s P h o t o s’installe
au Grand Palais. Galeries,
éditeurs et symposium sur
la dématérialisation.
Parisphoto.com
14 au 16 novembre
La foire O f f p r i n t
consacrée à l’édition
indépendante devrait encore
se tenir cette année aux
Beaux-Arts.
Offprintparis.com
19 novembre
Eden de Mia-Hansen Løve,
2014, 101’. Une fiction
sur la nuit, la musique, les
DJ, inspirée des soirées
Respect.
En salles.
M&O PARIS 5-9 SEPTEMBRE 2014 & 23-27 JANVIER 2015
M&O ASIA 10-13 MARS 2015 / M&O AMERICAS 12-15 MAI 2015
* MAISON&OBJET S’OUVRE SUR LE MONDE
WWW.MAISON-OBJET.COM
21 novembre
La 3e Nuit de la D é c o
propose un parcours parisien
dans les boutiques du Marais,
notamment.
lanuitdeladeco.com
[email protected]
ORGANISATION SAFI, FILIALE DES ATELIERS D’ART DE FRANCE ET DE REED EXPOSITIONS FRANCE / SALON RÉSERVÉ AUX PROFESSIONNELS / DESIGN © BE-POLES
La métamorphose, une histoire Hermès
Hermes.com