Les Poomsae du Taekwondo - Taekwondo Académie Genève

Transcription

Les Poomsae du Taekwondo - Taekwondo Académie Genève
(Travail pour l’obtention du 3ème Dan)
Emmanuel Vachoux
TaeKwonDo Club Genève
Genève, décembre 2005
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I) Des racines communes :
Le TaeKwonDo est de loin l’art martial le plus connu du pays du Matin Calme. De nombreux
historiens des arts martiaux doutent de l’existence d’arts guerriers d’origine purement
coréenne, dû au fait de la situation géographique particulière de la Corée entre le Japon et la
Chine. Les influences semblent avoir été manifeste entre ces trois pays. On s’accorde
d’ailleurs à penser que le lieu mythique des arts martiaux serait le Temple de Shaolin où un
moine bouddhiste, Bodihidharma, venant d’Inde au Vème siècle aurait mis au point des
techniques martiales. Dès le début, ces techniques ont une volonté d’auto-défense et de santé
adaptant par là l’adage « se défendre en tant de guerre et vivre plus vieux en tant de paix ».
Peinture murale de l’aire
des Koryo (918-1332)
De ces racines vraisemblablement commune on retrouve aujourd’hui des pratiques similaires
dans les arts martiaux. Les « formes » sont présentes dans chacune des disciplines sous des
dénominations différentes : « katas » pour le Karate, « tao » pour le Kung-fu wuschu,
« quyens » pour le viet-vo-dao et Poomsae pour le TaeKwonDo. Véritable encyclopédie des
arts martiaux, il semble que ces « formes » aient également d’autres fonctions et symboles
propres à chaque discipline.
Le TaeKwonDo de création récente sous cette dénomination (1965) s’est doté dès 1973 des 8
Taegeug Poomsae et des 9 Poomsae supérieurs (Koryo-Ilyo). L’ensemble de ces formes
viennent s’inscrire dans les 5 disciplines de l’art martial du matin calme. Poomsae, Macho
kylougui, kylougui et Hoschinsul. Les formes initient donc un processus de formation qui
aboutit à la capacité de faire face à l’adversité physique (auto-défense ou hoshinsul) ou
mentale (confiance en soi, réalisation de soi). Ces objectifs passent donc par la nécessité de
bien comprendre les mécanismes mis en place dans les Poomsae.
II) Méthode et rôle des poomsae
Il faut remonter jusqu’au Ier siècle sous le règne de la dynastie des Koguryo pour s’apercevoir
à travers des peintures et des documents (Illustration page 2) de la pratique ancestrale des
Poomsae. Aujourd’hui, l’ensemble des pratiquants de la WTF (Wolrd TaeKwonDo
Federation) pratiquent les Taegeug Poomsae et les Poomsae supérieurs. Seule 40% d’entres
eux continuent à pratiquer les Palgwe forment antérieurs aux Taegeug (soit 25 formes en
tout).
Le Poomsae se veut un combat imaginaire contre plusieurs adversaires. Sa pratique régulière
permet de maîtriser des techniques fondamentales ainsi que des enchaînements codifiés. Une
des règles essentielle est de toujours enchaîner les attaques de bras et de jambes après un
blocage. Par cette démarche le Poomsae démontre que la pratique d’un art martial est une
auto-défense et non l’apprentissage de techniques d’attaque.
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La Poomsae débute et se termine par la position charyotsogui suivi du salut Kyongye. Il
s’annonce à haute voix. Les Taegeug Poomsae sont composés de gestes de base. Chaque
forme est programmée dans un cadre conforme à sa signification propre. Ces cadres sont des
lignes de Poomsae dessinées par des caractères chinois (cf : chapître III). Le point de départ
doit aussi être celui du retour après la prestation.
Planche de Poomsae datant du Ier siècle
L’objectif fondamentale des Poomsae est de coordonner la rapidité d’action, la respiration
avec un sens précis du déplacement du poids du corps durant l’exécution des mouvements. Il
est également important, à l’image de l’arc qui se tend avant l’envoi de la flèche, d’armer
chacun de ses blocages ou attaques. Cela permet de démultiplier la force en facilitant
l’engagement de la hanche, pivot indispensable à tous les mouvement.
Outre la respiration, la précision du geste et le placement du corps (équilibre), il s’agit de faire
vivre son Poomsae, c’est à dire de faire sentir une réelle impression de combat dans
l’exécution et l’efficacité des différents mouvements. L’article 7 alinéa 4 du Règlement
concernant le déroulement d’un tournoi de Poomsae au sein de l’Association Suisse de
TaeKwonDo va dans ce sens en décrivant « l’impression générale » lors de l’exécution d’une
forme : « L’impression générale d’une performance domine l’appréciation. Les mouvements
sont bien exécutés, la représentation et le comportement font preuve d’un esprit combatif
(convaincant, vivant, crédible). Chaque technique et le lien entre deux techniques doivent être
clairement identifiable, ainsi que l’interprétation de la signification propre du Poomsae ».
Exécuter un Poomsae ne revient pas seulement à présenter une suite de techniques codifiées
mais à dévoiler également la symbolique de ce dernier. Les poomsae sont non seulement une
forme de recueil encyclopédique garant de l’éternité de l’art martiale mais surtout il recouvre
l’essence du Tae Kwon Do, sa symbolique.
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III) Symbolique et philosophie des Poomsae
« Poom » signifie le geste, la forme en coréen. « Sae » indique l’apparence, l’allure. Les
gestes d’un Poomsae doivent donc à travers une correcte exécution de techniques dégager une
certaine apparence. Cette dernière reflètera la philosophie du Taegeug dans le cas des 8
premiers Poomsae et la tradition ainsi que la philosophie du peuple coréen dans le cas des 9
formes supérieures.
A) Les Poomsae du Taegeug
Le Taegeug est la philosophie asiatique la
plus ancienne. Tae signifie la grandeur et
Geug l’éternité. Le Taegeug n’a donc ni fin
ni commencement, tout vient de lui, il
renferme en lui l’essence de toutes choses.
Cette philosophie orientale est basée sur les
forces
opposées
mais
cependant
complémentaires (le Yin et le Yang ou Um/
Yang en coréen).
On retrouve le symbole de cette philosophie dans le drapeau coréen qui se nomme d’ailleurs
Taegeug- ki. La partie supérieure du cercle (rouge) représente la force du yang et la partie
inférieur (bleu) celle du Um. Bien que différente de part leurs couleurs les deux parties une
fois assemblées symbolisent la complémentarité. Aussi différent que puisse être l’homme et la
femme, le bien et le mal, la lumière et la nuit ces extrêmes sont amenés à cohabiter avec
harmonie et équilibre dans l’univers symbolisé par le cercle. La partie épaisse des deux
virgules représente le début de toutes chose et la queue la fin. Ainsi, où le Ying termine le Um
commence respectant les principes fondamentales de l’harmonie et de l’équilibre.
Taegeug-ki crée en 1882. Avec les Palgwe
de l’eau/du feu et de la terre/du ciel
De cette philosophie du Taegeug sont issus les concepts orientaux de terre, de cosmos et de
vie. En découle huit voies majeures ; à chacune d’entre elles correspondent des caractères
chinois spécifiques appelés trigrammes ou Palgwe reprenant des éléments de la nature :
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Poomse
Coréen
Trigrammes
Caractères chinois
Français
Le ciel
Keon
Il nous donne la pluie, le soleil et la lumière.
Par ces éléments la vie prend naissance. Ce
Poomsae doit être exécuté avec la puissance
du ciel
Il Jang
Yi Jang
Symbolique
Le lac
Tae
Force intérieur et douceur extérieur
Le feu
Sam Jang
RI
Il donne à l’humanité la lumière, la chaleur,
l’enthousiasme et l’espoir. Les mouvements
sont exécutés avec détermination
Jin
Inspire la crainte et l’épouvante. Principe
enseignant le calme et le courage face au
danger
Le tonnerre
Sa Jang
Le vent
Oh Jang
Exceptés quelques vents terribles, le vent est
par nature paisible. Ces mouvements ont la
monotonie et la douceur de la brise mais
aussi la force de la tempête.
Seon
L'eau
La fluidité et le calme. L’exécution des
mouvements doit être à l’image de l’eau
parfois calme comme l’eau d’un lac et
déchaîné comme un fleuve en crue
Youk Jang
Gam
Tchil Jang
Gan
Inébranlable, immuable. Les gestes doivent
faire sortir son côté majestueux
Gon
Le trigramme associé à ce Poomse est le
Um: la fin du commencement. C’est la fin
d’un cercle et le début d’un autre
La montagne
La terre
Pal Jang
Chacun des 8 Taegeug poomsae reprend les lignes des trigrammes qui représentent tous
ensemble le principe de l’Univers ainsi que tous les principes variés tel que l’attaque/la
défense, le recul/l’avancée, la rapidité/la lenteur, la souplesse/la force. L’exécution correct
d’un Taegeug Poomsae doit laisser transparaître l’élément qu’il symbolise (ciel, feu, vent…).
B) Poomsae Koryo et Kumgang1
Les 9 Poomsae supérieurs sont associés à des légendes ou des faits historiques propres à la
nation coréenne.
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Se travail étant dans le but de l’obtention d’une 3ème Dan, c’est à dessein que nous nous arrêtons au 10ème
Poomsae.
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a. Koryo Poomsae
Pour comprendre la symbolique du Poomsae Koryo, il faut remonter au temps de la période
des 3 royaumes (env.37 avant J.C. à 668 après J.C.). Le plus ancien d’entre eux, le royaume
de Kogoryo, avait établi une institution éducative nommée Pyung Dang pour former des
combattants expérimentés. Sélectionnés de façon drastique les jeunes gens étaient instruits
aussi bien au arts martiaux qu’à la littérature classique. Ceux qui passaient avec succès les
épreuves requises étaient ordonnés « Sun Bi », les guerriers braves et intelligents. En mémoire
de ces premiers pratiquants d’arts martiaux, les lignes de mouvements du Poomsae Koryo
représente le caractère chinois pour les « Sun Bi ».
Fresque représentant des guerriers Sun Bi
Par ailleurs, le Poomsae Koryo qui introduit la série des Pommsae supérieurs fait également
référence à la dynastie du même nom.
Après l’unification des trois royaumes (kogoryo, Paekche, Sylla) par Silla en 668 après JésusChrist la popularité des arts martiaux avait progressivement déclinée. Les guerriers
n’occupaient plus les hautes positions dans le royaume laissées au seul civils. En 918, les
descendants des royaumes de Koguryo et de Paekche organisèrent un coup d’état et mirent en
place le général Wang Kun en tant que premier roi de Koryo. Les guerriers ainsi que les arts
martiaux regagnèrent alors en popularité. Cette dynastie allant de 918 à 1392 fit beaucoup
pour l’expansion des arts martiaux en Corée notamment à des fin de défense contre les
invasions Mongole.
C’est de la dynastie des Koryo que le nom « Corée » tira ces racines durant les siècles qui la
suivirent.
Fort de cette profonde symbolique les divers gestes et techniques qui composent le Poomsae
doivent exprimer toute la magnificence propre à l’histoire et au
peuple coréen.
Koryo Poomsae revêt une importance particulière car il se situe à la fin d’un
cycle (les 8 Taegeug) et au début d’un autre. Il marque le commencement d’une
nouvelle voie pour le récent ceinture noire 1ère Dan.
b. Kumgang Poomsae
Le Poomsae Kumgang vient confirmer l’engagement du
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pratiquant de TaeKwonDo dans sa quête de l’harmonie du corps et de l’esprit. Il introduit la
dimension du sacré en se référant au Kumgang-san
Le Kumgang-san ou montagne de diamants est la seconde plus haute montagne de Corée du
Nord (1638m). Localisée sur la côte Est de la corée, il est considéré par les coréens comme le
centre de l’esprit national.
En effet, la légende veut que le Dieu Kumgang Yoksa défendit les principes du Boudhisme
avec un bâton de diamants. Ce n’est donc pas un hasard que l’on dénombre un grand nombre
de temple boudhiste dont les plus connus sont Changan-sa et Maha-yon.
Les gardiens du temple de Sokkuram
(datant du 8ème siècle), les deux statues
sont dans la position Kumgang
Le mot Kumgang signifie en coréen « trop fort pour être brisé ». A l’image du diamant
(Kumgang-seok)) le Mont Kumgang est le symbole de la beauté et la dureté. Le Poomsae doit
donc être effectué avec force et dignité en suivant les lignes du caractère chinois signifiant la
montagne.
IV) Poomsae : entre tradition et modernité
En 1993 l’ETU (European TaeKwonDo Union) a organisé les premiers Championnat
d’Europe de Poomsae. Pour la première fois au niveau international les Poomsae, considérés
jusqu’alors comme pratique purement martiale, connaissent le jugement des points.
D’une volonté de recherche d’harmonie nous sommes passés à celle de dépassement de soi.
Ce changement implique que dorénavant l’athlète doit répondre à des critères d’esthétisme et
de performance.
En perspective des premiers Championnats du monde de Poomsae en 2006, la W.T.F a
récemment édité des DVD de Poomsae. On y retrouve l’ensemble des Taegeug, les huit
Poomsae supérieurs et les 8 palgwe décrit de façon exhaustive et didactique. Sous le couvert
d’une volonté d’harmonisation des pratiques à travers le monde, la WTF cherche à faciliter
l’évaluation des formes lors de compétitions.
Quelque soit l’art martial pratiqué, la volonté première des « formes » est de permettre à
l’individu à travers leurs pratiques d’atteindre un niveau de « Bien être ». Cette notion peut se
comprendre sous l’angle de trois état :
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harmonie avec soi même
harmonie avec autrui
harmonie avec l’environnement naturel
L’art martial est le sentier abrupt qui conduit au « Bien-être ». La discipline et la persévérance
dans la pratique permettent un dépassement progressif de ses peurs et de ses hésitations. Le
pratiquant prend conscience de ses limites et parvient ainsi à la Maîtrise de soi. Le travail du
Pommsae est alors le support d’une métamorphose intérieur. On découvre rapidement que
l’adversaire le plus dangereux n’est pas à chercher ailleurs qu’en soi-même.
Il y a là une volonté de réalisation de soi que l’orientation sportive ne permettra plus
d’atteindre. Gageons que les dirigeants de la W.T.F réalisent assez tôt que les Poomsae sont
les derniers garants d’une pratique Martiale du TaeKwonDo.
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