Latéralité et communication gestuelle chez le babouin et le

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Latéralité et communication gestuelle chez le babouin et le
Station de Primatologie
DOCTORAT – UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE
École Doctorale : Cognition, Langage, Éducation (ED356)
délivré par
UNIVERSITE DE PROVENCE
N° attribué par la bibliothèque
_______________
Latéralité et communication gestuelle chez le babouin et
le chimpanzé : à la recherche des précurseurs du langage
THÈSE
pour obtenir le grade de
Docteur de l’ UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE
Présentée et soutenue publiquement
le mardi 27 octobre 2009 à Aix-en-Provence
par
Adrien Meguerditchian
Directeur de thèse :
Jacques Vauclair
JURY
Catherine Blois-Heulin (Laboratoire EthoS : Ethologie Animale et Humaine, Université de Rennes), rapporteur
Luciano Fadiga (Neurolab, Université de Ferrara, Italie), examinateur
Jacqueline Fagard (Laboratoire Psychologie de la Perception, Université Paris Descartes-CNRS-ENS), rapporteur
Jean-Marie Hombert (Laboratoire Dynamique du langage, CNRS-Université Lumière-Lyon), examinateur
Jacques Vauclair (Centre PsyCLE, Université de Provence & Institut Universitaire de France), directeur de thèse
1
Latéralité et communication gestuelle chez le babouin et le chimpanzé : à la
recherche des précurseurs du langage
Adrien Meguerditchian
3
A la mémoire de…
Henri Giudicelli (1950-2009),
mon 2 papa comme j’aime à dire, mon « copaing »,
mon maître à penser, à rire et maintenant à pleurer.
ème
« Refrains fanés à l’aigre goût de vieux,
chantés à l’intérieur des édifices pieux…
Je porte l’attention aux prières qui montent
et j’ai beau écouter, me morfondre, avoir honte,
aucun souffle divin ne vient frôler mon âme
et je ne comprends pas pourquoi la foule brame.»
Henri Giudicelli, 1968, Marseille.
… et Nicolas Primat (1967-2009),
mon complice artiste babouinologue.
« Le futur n’existe pas, le passé n’existe plus,
mais je fais le grand écart entre les deux pour peut-être
essayer de mieux comprendre ce qui se passe au présent »
Nicolas Primat, mai 2008, Toulouse.
5
Remerciements
Outre la participation de Papio anubis et autres Pan troglodytes, cette thèse
n’aurait pu éclore sans le soutien d’un certain nombre d’Homo sapiens sapiens.
Je commencerai naturellement par remercier mon directeur de thèse, le Pr.
Jacques Vauclair, après ces 6 années passées sous sa direction (en maîtrise, en DEA
puis en thèse). Je ne saurais être assez reconnaissant pour la bienveillance et l’attention
constantes qu’il m’a portées tout au long de mon parcours. Sa confiance inébranlable,
son exigence à mon égard, ses intuitions, sa culture et son savoir scientifiques hors du
commun, son respect légendaire pour les étudiants et sa capacité à me proposer de
nouveaux défis toujours plus ambitieux, ont été des moteurs incroyables dans ma
formation d’apprenti enseignant-chercheur et ma production scientifique. De telles
qualités de directeur, couplées à l’attention discrète et à la générosité de son épouse, le
Pr. Annie Piolat (qui m’a ouvert les portes de l’enseignement universitaire), m’ont
assuré, outre une autonomie très appréciable, le sentiment rassurant d’être soutenu quoi
qu’il arrive, ainsi qu’une confiance inespérée en l’avenir. Je me rappelle encore notre
tout premier échange par email en octobre 2003 dont voici le contenu :
----- Original Message ----From: [email protected]
To: [email protected]
Sent: Wednesday, October 29, 2003 6:48 PM
Subject: Recherche stage en éthologie + CV + lettre motiv.
Bonjour,
Passionné par l'éthologie cognitive, je recherche activement un stage dans ce
domaine dans le cadre de ma maîtrise Biologie des Populations et des
Ecosystèmes. Etant particulièrement sensible et interpellé par vos travaux, je
suis ravi de me retrouver à solliciter votre disponibilité pour, peut-être un
jour, mettre la main à la pâte à vos côtés.
Dans le cas où vous êtes prêts à accueillir des étudiants pour un stage de deux
mois (avril-mai), permettez-moi de vous présenter ma lettre de motivation et mon
CV afin de me porter candidat avec enthousiasme pour un entretien.
Sincères remerciements pour votre attention et à bientôt.
Cordialement,
Adrien Meguerditchian, Université des Sciences de Montpellier
----Je n’étais alors qu’un étudiant en maîtrise de biologie-écologie à Montpellier à la
recherche du fameux stage faisant paniquer tous mes camarades d’amphi. A l’époque,
mes rêves de gosse de devenir éthologue pour primates me semblaient alors bien
inaccessibles, malgré une tentative – sans illusion – de prise de contact électronique
avec l’auteur de mon livre de chevet « L’intelligence de l’animal ». Vous pouvez alors
imaginer ma surprise en consultant ma boîte emails et en y découvrant une réponse d’un
7
certain Jacques Vauclair. Et quelle réponse ! Un de ces emails à vous donner une
explosion d’adrénaline :
----- Original Message ----From: vauclair
To: [email protected]
Sent: Friday, October 31, 2003 5:15 PM
Subject: Re: Recherche stage en éthologie + CV + lettre motiv.
Bonjour,
J'ai bien reçu votre demande. Je suis intéressé par celle-ci qui pourrait se concrétiser
par un stage au cours duquel vous pourriez entreprendre une étude sur la latéralité
chez le babouin Papio anubis à la station de Primatologie du CNRS de Rousset près
d'Aix-en-Provence. Je vous invite à reprendre contact avec moi vers le 15 janvier 2004
afin que nous finalisions votre projet. Il serait naturellement souhaitable que vous
veniez à Aix pour une rencontre avec moi.
Avec mes meilleurs sentiments,
Jacques Vauclair
----Tel un marsupilami, je bondissais de joie et d’excitation dans la cour de la Fac de
Sciences. J’allais enfin pouvoir entrer dans le monde de la primatologie sans me douter
une seconde du basculement irréversible qui en découlerait. Près d’un millier d’emails
de Jacques plus tard, me voilà en passe de devenir « Docteur », rien que ça. Un truc à
faire pleurer une maman.
Au cours de ma thèse, grâce à Jacques Vauclair, j’ai eu la chance de faire la
rencontre marquante du Pr. Bill Hopkins qui s’est terminée par une embauche d’un an
dans son laboratoire au Yerkes National Primate Research Center à Atlanta. J’ai alors
pu travailler pour la première fois avec des chimpanzés et des gorilles et je l’en remercie
infiniment. Outre ses qualités humaines, sa modestie, sa disponibilité, sa générosité
incroyable, « The King of the Laterality » m’a fait profiter de son inventivité
bouillonnante et d’une effervescence scientifique très formatrice dans son laboratoire
dont j’ai pu jouir tout au long de cette année (Oh man, you’re an « Ideas Machine » !).
J’ai également fort apprécié les bons moments passés avec lui et l’accueil formidable
qu’il m’a réservé.
Mes premiers pas dans le monde des primates ont commencé à la station de
Primatologie de Rousset où j’ai rencontré, non sans émotion, mes futurs camarades de
recherches babouinesques. Les portes m’ont été généreusement ouvertes par son
directeur, le Dr. Guy Dubreuil. Je tiens à le remercier pour son soutien sans faille, la
confiance qu’il m’a accordée ainsi que pour les conditions de travail idéales dont j’ai pu
bénéficier dans cette station.
Je remercie également toute l’équipe de la station pour m’avoir épaulé au cours
de mes travaux d’avril 2004 à mars 2007, notamment les soigneurs animaliers:
Marylaine Bourrelly, Jean-Noël Benoit, Christian Durupt, Corinne Espejo, Jean-
8
Christophe Marin, Valérie Moulin, David Pericat, Brigitte Rimbaud, Ahmed
Zellat et le vétérinaire Mourad Mekaouche. Pour son accueil si chaleureux et son
amitié, je pense particulièrement à Richard Francioly, une de ces belles rencontres qui
vous tient au corps pour la vie. Je pense aussi aux anciennes thésardes Cécile Garcia et
Agnès Daspre qui m’ont pris sous leur aile à mon arrivée à la station et m’ont beaucoup
appris sur le comportement des babouins. Merci beaucoup à l’artiste plasticien en chef
de la station Georges Di Grandi et la gestionnaire Laura Desmis pour leur aide
précieuse, leurs conseils et leur bonne humeur légendaire.
Une thèse est avant tout un travail collectif qui a pu bénéficier de la participation
d’un certain nombre d’étudiants stagiaires, particulièrement pour la collecte de données
sur le comportement de « frottement de museau » chez le babouin : Muriel Rabino,
Romain Jayer, Natacha Debas, Alice Dovis, Nicolas Alizard, Geoffroy Mercier. Je
remercie tout particulièrement Aurélie Vandeginste pour son soutien salutaire et nos
discussions passionnées.
Cette thèse n’aurait pas été possible sans l’intérêt et l’aide du Pr. Jean-Marie
Hombert, alors initiateur et responsable du programme OHLL (Origine de l'Homme du
Langage et des Langues) au CNRS, qui m’a permis de mener à bien mes premières
années de thèse avant de m’envoler aux Etats-Unis.
Je remercie infiniment mes amies Frédérique Jankowski et Hélène Meunier
ainsi que les étudiantes Anaïs Maugard et Anne-Claire Collet pour leurs
commentaires et leur travail remarquable et minutieux de correction du manuscrit.
Merci beaucoup aussi à Hélène Cochet et Julie Gullstrand pour leur relecture attentive
et à Céline Scola pour sa contribution.
Merci à mes collègues primatologues pour nos discussions, leurs conseils ou
leurs contributions : Jared Taglialatela, Jamie Russell, Jennifer Schaffer qui m’ont
beaucoup appris sur le chimpanzé et qui m’ont généreusement accueilli avec Bill
Hopkins ; David Leavens, Maïté Romero et Simone Pika.
Je salue aussi mes amis pour leurs encouragements et autres réconforts
notamment lors de ce grand moment de solitude qu’est la rédaction : Ivan Balansard,
Paul Cucciaioni, Emilie Genty, Cyril Gigout, Marianne Jover, Audrey Lasserre,
Jeremy Maury, Anaïke Meter, Nicolas Primat, Virginie Roy, Caroline Saby,
Maëlle Tremolada et Emma Van Loon ; mon plus fidèle compagnon de route Julien
Boichot et aussi Thomas Padovan notamment pour s’être occupés des poules, des
canards et des oies alors que j’étais tête dans le guidon.
Je ne saurais être assez reconnaissant pour la confiance, le soutien et l’attention
bienveillante indéfectibles de ma famille : mes parents, Marie-Thérèse Bogucki, et
Gérard Meguerditchian, ma sœur, Pauline, ainsi que Lisa, David-Pierre, Caroline et
Henri Giudicelli.
9
Résumé
Les études comparatives entre les primates humains et non humains concernant
les gestes communicatifs connaissent un regain d’intérêt à travers les recherches sur les
origines du langage. En effet, une théorie récente stipule que le langage trouverait ses
premières racines phylogénétiques dans la communication gestuelle plutôt que dans les
vocalisations. Elle s’appuie, notamment, sur (1) les liens entre l’organisation du langage
et la communication gestuelle dans l’espèce humaine (i.e., gestes accompagnant la
parole, langage des signes, gestes qui précèdent le développement de la parole chez le
jeune enfant), et (2) la mise en évidence de continuités entre le système de
communication gestuelle des primates non humains et certains traits du langage humain,
comme l’intentionnalité, la flexibilité d’apprentissage et d’usage ainsi que des
propriétés référentielles. Comme les fonctions du langage humain sont contrôlées
principalement par l’hémisphère cérébral gauche, la question d’une continuité avec la
latéralisation du substrat cérébral impliqué dans le contrôle de cette communication
gestuelle peut être posée chez les primates non humains. Afin d’apporter des éléments
de réponse à cette question, l’étude des asymétries manuelles associées aux gestes
communicatifs peut constituer une approche indirecte pour inférer leur latéralisation
hémisphérique. Au cours de cette thèse, les préférences manuelles ont été mesurées pour
différentes catégories de gestes communicatifs intraspécifiques ou dirigés vers l’homme
dans des groupes de babouins et de chimpanzés vivant en captivité. Quelles que soient
les catégories de gestes, les préférences manuelles de la communication gestuelle ont
montré une prédominance de l’usage de la main droite beaucoup plus prononcée que
celle associée à des actions motrices de manipulation ainsi qu’une absence de
corrélation avec les biais manuels individuels de ces actions non communicatives. Ces
résultats suggèrent l’hypothèse de l’existence d’un système gestuel spécifique à la
communication, latéralisé dans l’hémisphère gauche, dans ces deux espèces. Ce système
pourrait ainsi constituer, chez l’ancêtre commun au babouin, au chimpanzé et à
l’homme, une prédisposition à l’origine du substrat cérébral du langage spécialisé dans
l’hémisphère gauche. Cette hypothèse est discutée à la lumière des travaux récents en
imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle concernant les comportements
communicatifs des primates non humains. Enfin, l’ensemble de ces résultats est
confronté aux théories relatives à l’origine gestuelle versus vocale du langage.
11
SOMMAIRE
Remerciements ............................................................................................................. 7
Résumé .......................................................................................................................... 11
I. INTRODUCTION - PARTIE THÉORIQUE ........................................................ 17
1. À la recherche des précurseurs du langage ........................................................... 19
1.1. Le langage, une apparition soudaine chez Homo sapiens ? ................................... 19
1.2. Intérêt du modèle primate pour les origines du langage ......................................... 20
1.3. L'hypothèse de l'origine gestuelle du langage ........................................................ 22
2. Organisation du langage et communication gestuelle .......................................... 23
2.1. Le geste chez l'enfant, une voie royale vers le langage ? ....................................... 23
2.2. Le langage chez l'adulte, un système bimodal ........................................................ 28
2.3. Gestes, latéralité et organisation cérébrale du langage ........................................... 31
3. Communication gestuelle des primates non humains et langage ........................ 39
3.1. Flexibilité et apprentissage ..................................................................................... 40
3.2. Intentionnalité ......................................................................................................... 43
3.3. Propriétés référentielles .......................................................................................... 45
4. Problématique .......................................................................................................... 51
4.1. Aux origines de la spécialisation hémisphérique à gauche pour le langage ........... 51
4.2. Latéralité manuelle et manipulation ....................................................................... 52
4.3. Latéralité et communication gestuelle .................................................................... 58
4.4. Questions ................................................................................................................ 60
II. PARTIE EXPERIMENTALE ............................................................................... 63
Article 1 : Meguerditchian & Vauclair, 2006, Behavioral Brain Research ................ 65
« Les babouins communiquent avec leur main droite. »
13
Article 2 : Meguerditchian & Vauclair, 2009, Brain and Language .......................... 67
« Contrastes des préférences manuelles entre des gestes communicatifs et des
actions non communicatives chez les babouins : Implications pour les origines
de la spécialisation hémisphérique chez l'homme. »
Article 3 : Meguerditchian et al., sous presse, Cortex ................................................ 69
« Les chimpanzés en captivité utilisent leur main droite pour communiquer entre
eux : Implications pour les origines du substrat cérébral du langage. »
III. DISCUSSION - IMPLICATIONS THÉORIQUES ........................................... 71
5. Les babouins et les chimpanzés communiquent avec leur main droite .............. 73
5.1. Latéralité et gestes communicatifs chez le babouin ............................................... 73
5.2. Un système spécifique à la communication dans l’hémisphère gauche ................. 75
6. Les corrélats neuroanatomiques de la communication gestuelle ........................ 78
6.1. Asymétries hémisphériques neuroanatomiques ...................................................... 78
6.2. Association aire de Broca/main droite pour la communication gestuelle .............. 79
7. Vocalisations des primates et discontinuités avec le langage ............................... 80
7.1. Intentionnalité et flexibilité dans la production vocale ? ........................................ 80
7.2. Contraste production/perception de vocalisations : les comportements ................. 82
7.3. Contraste production/perception de vocalisations : les bases cérébrales ............... 85
8. Un système bimodal à l’origine du langage ? ........................................................ 88
8.1. Des vocalisations intentionnelles latéralisées à gauche chez le chimpanzé ........... 88
8.2. Implication du système oro-facial et des actions intentionnelles ........................... 90
8.3. Système bimodal chez le chimpanzé et gestuel chez le babouin ............................ 93
9. Conclusion et perspectives ...................................................................................... 95
14
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ................................................................. 99
ARTICLES ANNEXES ............................................................................................. 119
Article 4 : Vauclair et al., 2005, Cognitive Brain Research ....................................... 121
« Préférences manuelles pour des tâches unimanuelles et de coordination
bimanuelle chez le babouin (Papio anubis). »
Article 5 : Hopkins et al., 2008, NeuroImage ............................................................. 123
« Asymétries de la matière grise chez les chimpanzés mises en évidence par la
méthode d’analyse morphologique des voxels. »
Article 6 : Losin et al., 2009, PlosOne ....................................................................... 125
« Spécialisation hémisphérique à gauche des mouvements oro-faciaux de
signaux vocaux appris chez le chimpanzé en captivité. »
CURRICULUM VITAE ........................................................................................... 127
Crédits Photo : (photos retouchées adaptées de…) p.17, Adrien Meguerditchian ; p.63, © Cyril Ruoso/BIOS ;
p.71 & p.119, Maxime Cauchoix ; p. 99, © Nick Brandt ; p.127, © James Mollison.
15
I. Introduction – Partie Théorique
17
1. À la recherche des précurseurs du langage
1.1. Le langage, une apparition soudaine chez Homo sapiens ?
Le langage humain constitue un système de communication symbolique unique
dont le développement et l’usage nécessitent l’implication d’un ensemble de capacités
cognitives complexes telles que l’intentionnalité, le partage de l’attention, l’imitation,
l’empathie, la générativité, l’élaboration et la compréhension syntaxique, la
catégorisation, la représentation mentale conceptuelle, la manipulation de conventions
symboliques partagées, les propriétés référentielles du signal, etc. (Pinker, 1999). La
question des origines du langage fait l’objet d’un débat scientifique multidisciplinaire
intense qui a souvent été dominé par les linguistes (e.g., Smith, Smith, & Ferrer i
Cancho, 2008). Les discussions sur les origines de la parole ont longtemps été
restreintes à la modalité vocale et à l’évolution des traits exclusivement liés au langage
articulé, tels que la modification anatomique de l’appareil vocal et des cordes vocales,
les capacités articulatoires, l’innervation de la langue, le développement d’un contrôle
cortical pour la production de sons (e.g., Ploog, 2002). Au regard des connaissances
communément admises suggérant une apparition tardive et soudaine de certains de ces
changements biologiques il y a 170 000 ans environ, le langage aurait émergé d’un bloc
lors de l’apparition de notre espèce Homo sapiens (Bickerton, 1995 ; Chomsky, 1966 ;
Crow, 2002 ; Pinker, 1994), excluant ainsi, de fait, le point de vue des primatologues
sur cette question. Cette apparition tardive du langage est expliquée, notamment, par
l’hypothèse d’une mutation du gène FOXP2 (Enard et al., 2002) associée à une
19
modification
soudaine
des
structures
cérébrales
permettant
au
système
de
communication humain de développer des propriétés linguistiques propres à son espèce.
1.2. Intérêt du modèle primate pour les origines du langage
Longtemps marginalisées, les contributions des primatologues commencent à
être reconnues au sein de la problématique des origines de la parole (Christiansen &
Kirby, 2003 ; Hauser, Chomsky, & Fitch, 2002). Comme relevé précédemment, les
propriétés du langage dépassent largement celles uniquement liées à l’appareil vocal de
l’homme. Certaines d’entre elles pourraient alors potentiellement trouver une origine
dans un système de communication bien plus lointain que celui datant de l’émergence
de Homo sapiens (e.g., Gentilucci & Corballis, 2006).
Dans la lignée des théories évolutionnistes darwiniennes, les chercheurs
considèrent généralement une homologie entre deux espèces phylogénétiquement
proches comme un trait remontant probablement à leur ancêtre commun. Par exemple,
une homologie démontrée entre un chimpanzé Pan troglodytes et un être humain
pourrait provenir de leur ancêtre commun il y a 5-7 millions d’années environ (e.g.,
Chen & Li, 2001), tandis que si cette homologie s’étend à un singe de l’ancien monde,
comme le babouin olive Papio anubis, elle pourrait remonter à 30-40 millions d’années
(e.g., Boyd & Silk, 2000). Au regard de la proximité phylogénétique unique entre les
primates humains et non humains, étudier le système de communication et la cognition
de nos plus proches cousins ainsi que les discontinuités et continuités éventuelles avec
l’homme peut fournir des éléments de discussion concernant les précurseurs
phylogénétiques potentiels directs de la parole. Nos cousins les primates constitueraient
20
ainsi un modèle d’étude dans les problématiques, non pas de l’évolution du langage qui
ne concerne que le système de communication propre à l’espèce humaine, mais bien de
l’origine du langage (Li & Hombert, 2002).
La majeure partie de ces recherches a concerné la communication vocale des
primates tandis que la communication gestuelle a été relativement peu étudiée.
Néanmoins, il est admis que ces animaux, en particulier les grands singes, utilisent leurs
mains et leur corps pour communiquer avec leurs congénères dans des contextes
sociaux variés (voir Pika, Liebal, Call, & Tomasello, 2005a pour une revue de la
littérature). Par exemple, un chimpanzé peut lever le bras pour demander à un
congénère de l’épouiller, lui donner une petite tape furtive pour l’inviter à jouer, frapper
le sol pour le menacer, chercher le contact mutuel des mains pour le saluer, lui tendre la
main pour se réconcilier après un conflit, ou, chez les juvéniles, étendre le bras pour
quémander de la nourriture auprès de sa mère. Ce type de gestes communicatifs a été
décrit, non seulement chez le chimpanzé (en milieu naturel : Goodall, 1986 ; en
captivité : Liebal, Call, & Tomasello, 2004a ; Tomasello & Camaioni, 1997 ;
Tomasello, George, Kruger, Farrar, & Evans, 1985 ; Tomasello, Gust, & Frost, 1989),
mais également chez d’autres espèces de primates, avec des variantes spécifiques,
comme le gorille, Gorilla gorilla (Tanner & Byrne, 1993, 1996 ; Pika, Liebal, &
Tomasello, 2003 ; Genty, Breuer, Hobaiter & Byrne, sous presse), le bonobo, Pan
paniscus (De Waal, 1988 ; Pika, Liebal, & Tomasello, 2005b), l’orang-outang, Pongo
pygmaeus (Liebal,
Pika,
&
Tomasello,
2006),
le
gibbon,
Symphalangus
syndactulus (Liebal, Pika, & Tomasello, 2004c), ainsi que les singes de l’Ancien Monde
(trois espèces de macaques : Maestripieri, 2005 ; le babouin : Kummer, 1968).
21
1.3. L’hypothèse de l’origine gestuelle du langage
Les connaissances sur les systèmes de communication vocale et gestuelle des
primates non humains ont intéressé les chercheurs afin, notamment, d’évaluer laquelle
de ces deux modalités représente le meilleur substrat potentiel pour l’émergence du
langage. Certains primatologues soutiennent l’existence de similarités entre le système
vocal et certaines propriétés du langage, et ont suggéré que la parole pourrait être issue
de l’évolution d’un système vocal chez nos ancêtres (Hauser, 1996 ; Snowdon, 2001 ;
Zuberbühler, 2005). Depuis une trentaine d’années, une hypothèse alternative –
proposée initialement par Condillac (1746/1947) – gagne du terrain au sein de la
communauté scientifique. L’anthropologue Hewes (1973) a remis en selle la théorie
stipulant que l’origine du langage trouverait ses premières racines dans la
communication gestuelle plutôt que dans les vocalisations. Depuis, l’hypothèse de
l’origine gestuelle du langage est soutenue par un nombre grandissant de chercheurs
venant de disciplines variées, comme la psychologie (e.g., Kendon, 1991 ; Kimura,
1993 ; Corballis, 2002 ; Vauclair, 2004b ; Armstrong & Wilcox, 2007), les
neurosciences (Rizzolatti & Arbib, 1998 ; Arbib, 2005 ; Fadiga & Craighero, 2007), la
linguistique (e.g., Hombert, 2008), etc. Elle s’appuie, non seulement sur les études des
systèmes de communication de nos cousins primates (voir chapitre 3), mais également
sur les liens existants entre l’organisation du langage et la communication gestuelle
dans l’espèce humaine (McNeill, 1992 ; Goldin-Meadow, 1999 ; Iverson & Thelen,
1999), qui inclut les gestes accompagnant la parole, les gestes symboliques (e.g., le
langage des signes des sourds) ou encore les gestes qui précèdent le développement de
la parole chez le jeune enfant, comme c’est le cas pour le pointage.
22
2. Organisation du langage et communication gestuelle
2.1. Le geste chez l’enfant, une voie royale vers le langage ?
Quand la communication intentionnelle commence par le geste
Bien avant d’être en mesure de parler, l’enfant utilise des gestes pour
communiquer (e.g., Blake, 2000 ; Volterra, Caselli, Capirci, & Pizzuto, 2005). Dès l’âge
de 3 mois, il est capable de produire des gestes d’extension de l’index, dits de « prépointage », puis développe une communication gestuelle clairement intentionnelle,
voire référentielle, à partir de 10-12 mois (Butterworth & Morissette, 1996 ; Camaioni,
1997), avec la production, notamment, de gestes dits « déictiques » comme le pointage.
Autrement dit, à partir de cet âge, l’enfant serait capable, non seulement de transmettre
par gestes ses premières intentions communicatives à une personne en particulier
(intentionnalité), mais aussi de diriger volontairement l’attention d’autrui vers un
référent (e.g., un objet extérieur) à l’aide de gestes de pointage (propriété référentielle).
De plus, l’enfant produirait ces gestes référentiels en partageant conjointement son
attention avec ses partenaires (Baldwin et al., 1996 ; Franco & Butterworth, 1996 ;
Liszkowski, Carpenter, Henning, Striano, & Tomasello, 2004), voire en leur attribuant
des états mentaux, i.e., une propriété appelée communément « théorie de l’esprit »
(Moll & Tomasello, 2007 ; Tomasello, Carpenter, & Liszkowski, 2007). L’usage de
gestes déictiques, dont la fréquence ne cesse d’augmenter au cours de la deuxième
année (Blake, McConnell, Horton, & Benson, 1992 ; Rodrigo, González, de Vega,
Muñetón, & Rodríguez, 2006), refléterait ainsi, outre l’intention référentielle, des
propriétés cognitives caractéristiques du langage.
23
Pointage impératif versus déclaratif
Toutefois, ces processus cognitifs sous-jacents restent sujets à débat selon le
type de pointage déictique considéré (e.g., Tomasello, 2006 ; Gomez, 2007 ;
Leavens, Racine & Hopkins, sous presse). Il en existe, en effet, deux catégories :
- les gestes impératifs qui expriment une demande auprès d’une autre personne,
pour obtenir un objet désiré par exemple (Bates, 1976) ;
- les gestes déclaratifs qui incluent (1) ceux visant à partager l’attention et
l’intérêt de l’émetteur avec autrui vers une découverte, un objet ou un évènement
(Bates, 1976), et (2) ceux utilisés dans un contexte coopératif pour informer une
personne de la localisation d’un objet qu’elle recherche (Liszkowski, 2005).
La production de gestes déclaratifs est toujours associée à une compréhension
des intentions du destinataire et un véritable partage de l’attention mutuelle (Camaiomi,
Perucchini, Bellagamba & Colennesi, 2004). En revanche, ces dernières capacités ne
semblent pas indispensables pour expliquer le développement et l’usage de gestes
impératifs (e.g., Gomez, 2007). Leur production, bien qu’intentionnelle et référentielle,
pourrait résulter de processus cognitifs plus simples, tels que le conditionnement
opérant, via une ritualisation ontogénétique individuelle à partir d’actions unimanuelles
(e.g., Tomasello, 1996). Autrement dit, les actions de saisie d’objet par exemple, se
ritualiseraient progressivement en signaux communicatifs impératifs « d’extension de la
main ». Cette ritualisation s’opérerait grâce à l’anticipation et le renforcement de
l’adulte qui, lors de tentatives de saisie d’un objet par l’enfant (i.e., action d’extension
de la main), réagit généralement en le lui donnant (renforcement positif).
Certains travaux accréditent cette hypothèse d’un développement indépendant
entre ces deux types de pointage intentionnel. Par exemple, le pointage déclaratif
24
émerge plus tardivement que le pointage impératif au cours du développement de
l’enfant (Camaiomi et al., 2004), et sa fréquence de production augmente fortement
entre 1 et 3 ans (Cochet & Vauclair, soumis). Ces derniers auteurs ont d’ailleurs montré
que ces deux types de pointage, qui diffèrent par leur fonction, diffèrent également par
leur forme. Le pointage déclaratif est davantage associé à une extension de l’index
tandis que le pointage impératif se retrouve aussi sous la forme d’une extension de la
main ouverte, se confondant ainsi avec la morphologie des actions de saisie (Cochet &
Vauclair, soumis). Ces données confortent l’hypothèse de l’existence de processus
d’apprentissage différents : apprentissage individuel par ritualisation ontogénétique
d’actions de saisie pour les gestes impératifs versus transmission sociale par imitation
pour les gestes déclaratifs. D’ailleurs, l’extension de l’index n’est pas une forme
universelle de pointage déclaratif. Les variations culturelles observées refléteraient ainsi
l’implication des processus sociaux d’imitation dans le développement de ce type de
pointage (e.g., Kendon & Versante, 2003 ; Wilkins, 2003).
Bien que les gestes impératifs et déclaratifs chez l’enfant partagent certaines
propriétés fondamentales du langage (i.e., l’intentionnalité et la communication
référentielle), les processus cognitifs sous-jacents aux gestes déclaratifs semblent plus
complexes que ceux impliqués dans les gestes impératifs et, comme mentionné plus
haut, se confondraient plus favorablement à d’autres traits du langage humain, tels que
les échanges coopératifs, l’attention conjointe, la transmission sociale, la théorie de
l’esprit, etc. (Liszkowski et al., 2004 ; Liszkowski, Carpenter, & Tomasello, 2008). Les
propriétés de la communication gestuelle de l’enfant pourraient alors constituer des
prédispositions à l’acquisition et l’émergence du langage articulé.
25
Le geste, un catalyseur de l’apprentissage du langage ?
Le développement de la communication gestuelle entretient des relations très
étroites avec la modalité vocale et l’émergence du langage (pour des revues de la
littérature : Bates & Dick, 2002 ; Volterra et al., 2005). Entre 6 et 8 mois, l’apparition
du babillage (i.e., production répétitive et stéréotypique de syllabes du type « ba-baba ») semble être corrélée à une augmentation significative des mouvements rythmiques
moteurs, en particulier des mains (e.g., Thelen, 1979 ; Eilers et al., 1993). Le lien entre
ces deux types de stéréotypies a été interprété comme le produit d’un entraînement
mutuel entre le système vocal et le système moteur manuel. Ces mouvements de mains
favoriseraient ainsi le babillage (Iverson & Thelen, 1999). Or, cette activité vocale est
considérée comme une prédisposition fondamentale au développement du langage (e.g.,
Oller, 2000) dans la mesure où le babillage participe à la maîtrise de la formation des
syllabes spécifiques à la langue maternelle de l’enfant. Par conséquent, les activités
manuelles motrices auraient un rôle de médiateur dans la construction du système
langagier et du lien entre les gestes et le langage (Iverson, Hall, Nickel, & Wozniak,
2007). Il est intéressant de noter, par ailleurs, que les enfants de parents sourds qui
pratiquent le langage des signes, présentent une activité manuelle rythmique particulière
et bien distincte des autres activités rythmiques manuelles de l’enfant (Petitto, Holowka,
Sergio, & Ostry, 2001). Cette sorte de babillage gestuel silencieux contient des patterns
rythmiques propres à la langue des signes de leurs parents.
D’autres travaux soulignent le rôle de la communication gestuelle pour
l’acquisition du langage articulé et son implication dans le développement ultérieur des
capacités linguistiques (e.g., Brooks & Meltzoff, 2008 ; Iverson & Goldin-Meadow,
2005 ; Rowe, Özçaliskan, & Goldin-Meadow, 2008), et ce, à 3 niveaux :
26
- Au niveau lexical : Avant 2 ans, les enfants sont en mesure de communiquer par
gestes des intentions qu’ils sont incapables d’exprimer verbalement. Par exemple, ils
peuvent pointer du doigt de nouveaux objets bien avant d’être capables de les nommer.
Ainsi, une récente étude longitudinale a montré que la taille du « vocabulaire gestuel »
(gestes associés à un sens particulier) d’enfants âgés de 14 mois est corrélée
positivement à la taille de leur vocabulaire verbal acquis une fois qu’ils ont atteint l’âge
de 42 mois (Rowe & Goldin-Meadow, 2009).
- Au niveau syntaxique : Alors que l’enfant est en mesure d’utiliser des mots seuls,
il continue néanmoins à les combiner avec des gestes déictiques et exprime ainsi des
idées plus complexes. De telles combinaisons bimodales reflètent les premières
constructions syntaxiques rudimentaires, comme émettre le mot « manger » puis pointer
vers un biscuit (Ozçaliskan & Goldin-Meadow, 2005). La production de nouvelles
combinaisons geste-mot de ce type, dans lesquelles le mot et le geste ont chacun une
signification particulière, augmente sensiblement pendant la deuxième année de
développement (Ozçaliskan & Goldin-Meadow, 2005). Le taux de combinaisons gestesmots est d’ailleurs corrélé avec la production ultérieure de combinaison de deux mots
(Iverson & Goldin-Meadow, 2005).
- Au niveau de la compréhension du langage : Le pointage des enfants, qu’il soit
ou non accompagné de vocalisations, induit le plus souvent des commentaires et des
réponses verbales de la part des parents (e.g., Kishimoto, Shizawa, Yasuda,
Hinobayashi, & Minami, 2007). La communication gestuelle de l’enfant est alors
considérée comme une modalité valable de communication par l’adulte. Celui-ci met
inconsciemment ce système communicatif sur le même plan que les réponses verbales
qu’il formule dans ses échanges avec l’enfant. Cette interaction participe ainsi à
27
l’apprentissage de significations spécifiques du langage articulé et à son acquisition
globale par l’enfant.
L’ensemble de ces travaux souligne avec force le rôle majeur de la communication
gestuelle dans le développement du langage chez l’enfant et nous invite à nous
questionner sur les implications potentielles de la communication gestuelle dans les
origines phylogénétiques de la parole.
2.2. Le langage chez l’adulte, un système bimodal
Gestuelle accompagnant la parole
L’homme gesticule quand il parle (McNeill, 1992). Bien que n’ayant pas de
fonctions linguistiques (Goldin-Meadow, 1999), ces mouvements de mains sont
synchronisés avec la prononciation des mots (McNeill, 1992) et ont souvent une
fonction iconique et/ou rythmique pour appuyer le sens du propos (Goldin-Meadow &
McNeill, 1999), comme le mouvement d’ouverture large des bras et des mains d’une
personne lorsqu’elle prononce le mot « grand ». Dans une étude, Bernardis et Gentilucci
(2006) ont montré que les productions simultanées de mots et de gestes communicatifs,
qui partagent la même signification, interfèrent l’une avec l’autre. Par exemple, certains
paramètres sonores liés à la prononciation du mot « Ciao ! » gagnent en amplitude
lorsque le mot est associé simultanément au geste correspondant (i.e., agitation de la
main ouverte), alors que ce n’est pas le cas lorsque le mot est associé à un geste dénué
de sens. Réciproquement, le geste d’agitation de la main est moins ample et d’une durée
plus courte lorsqu’il est produit avec un pseudo-mot dénué de sens. D’ailleurs, GoldinMeadow (2003) a relevé que la production de gestes se fait souvent de manière
28
involontaire, même dans les situations où le destinataire n’est pas visible, comme lors
d’une conversation téléphonique par exemple. Il a été également rapporté que des
aveugles de naissance peuvent produire des gestes lorsqu’ils parlent avec d’autres
aveugles (Iverson & Goldin-Meadow, 1998). Pour les auteurs de cette dernière étude,
cette expression révèle la profondeur des liens entre la parole et les mouvements de
mains qui dépassent même l’intention de communiquer de l’orateur.
En fait, les systèmes moteurs manuel et oro-facial (incluant les mouvements de
langue) semblent être également impliqués dans le traitement de fonctions linguistiques
plus complexes, comme la compréhension du langage (Gentilluci & Dalla Volta, 2008).
Par exemple, des études ont démontré que les mouvements de mains pouvaient affecter
la compréhension de phrases (Glenberg & Kaschak, 2002 ; Zwaan & Taylor, 2006)
tandis que Fadiga, Craighero, Buccino et Rizzolatti (2002) ont montré que l’écoute de
mots était associée à une excitabilité des muscles de la langue chez l’auditeur, en
particulier lorsque les mots écoutés nécessitent d’être prononcés à l’aide d’importants
mouvements de langue. Pour souligner plus globalement les liens moteurs supposés
entre la main et bouche, il est intéressant de mentionner les mouvements oro-faciaux
(e.g., lèvres, bouche, langue, etc.) généralement effectués lors d’actions manuelles
particulièrement fines, comme un solo de guitare ou de batterie par exemple, ou encore
lorsque qu’un enfant dessine ou qu’un adulte essaie d’introduire un fil dans une aiguille
à coudre. La proximité des connexions entre le système moteur de la main et celui de la
bouche constituerait une prédisposition idéale au système gestuel bimodal impliqué
dans le langage articulé (i.e., gestes manuels et oro-faciaux).
L’ensemble de ces résultats soutient l’hypothèse d’un système intégré commun
chez l’homme entre le langage articulé et les gestes manuels et oro-faciaux (Bates &
29
Dick, 2002 ; Gentilucci & Dalla Volta, 2007 ; McNeill, 1992, 2005), et suggère une
association plus lointaine entre les activités de la main et de la bouche qui aurait précédé
l’émergence de la parole (voir Iverson & Thelen, 1999).
Langage des signes
Par ailleurs, il a été largement rapporté dans la littérature que le langage des
signes chez les sourds, bien qu’étant exclusivement manuel et facial, partage l’essentiel
des propriétés de la parole (voir pour des revues de la littérature : Bellugi, 1991 ;
Emmorey, 2002 ; Sandler & Lillo-Martin, 2006), et ce, à tous les niveaux structurels
caractéristiques du langage :
(1) au niveau phonologique, la structure des signes (i.e., forme et orientation de
la main, localisation dans l’espace et type de mouvement), peut être comparée au
système consonnes/voyelles des mots (Padden & Perlmutter, 1987 ; Perlmuttter, 1992 ;
Corina & Sandler, 1993) ;
(2) au niveau morphologique avec l’existence de noms, de verbes et d’adjectifs
(Supalla & Newport, 1978 ; Supalla, 1986) ;
(3) au niveau syntaxique, les signes sont combinés et hiérarchisés pour composer
des phrases, répondant ainsi à des règles grammaticales comparables au langage articulé
(Lidell, 1980 ; Lillo-Martin, 1991 ; Neidle, Kegl, MacLaughlin, Bahan, & Lee, 2000).
Bien que certains signes semblent avoir une composante iconique suggérant une
origine gestuelle primaire (Gentilucci & Corballis, 2006), les signes gestuels sont
généralement d’une nature symbolique arbitraire comme le langage et se transmettent
entre les générations (Frishberg, 1975). D’ailleurs, de la même manière que, lorsqu’on
cherche à retrouver un mot qu’on a « sur le bout de la langue » en prononçant ses
30
premiers phonèmes, les sourds peuvent avoir un « signe sur le bout des doigts » et
produire seulement certaines des composantes de ce signe sans arriver à l’exprimer
entièrement (Thompson, Emmorey, Gollan, 2005). La proximité entre le langage des
signes et la parole n’a pas échappé aux défenseurs de l’origine gestuelle du langage
(Corballis, 2002 ; Gentilucci & Corballis, 2006). En effet, une telle convergence
questionne l’implication potentielle des fonctions manuelles et oro-faciales dans
l’évolution des systèmes de communication proprement humains.
2.3. Gestes, latéralité et organisation cérébrale du langage
Les travaux mentionnés précédemment amènent à s’interroger sur le substrat
neurobiologique de la production des gestes et de ses relations avec l’organisation
cérébrale du langage. Le traitement de la plupart des fonctions de la parole est associé à
une dominance de l’hémisphère gauche chez une majorité d’êtres humains et implique
un réseau neuronal complexe dans lequel les aires de Broca et de Wernicke jouent un
rôle clé (Broca, 1865 ; Wernicke, 1874 ; voir aussi plus récemment pour des revues de
la littérature : Cooper, 2006 ; Lieberman, 2003). Cette asymétrie hémisphérique a été
historiquement liée à la prédominance de la main droite (aussi sous le contrôle de
l’hémisphère gauche1) pour les actions de manipulation, amenant ainsi les chercheurs à
se questionner sur le rôle des fonctions manuelles motrices dans les origines du langage
(e.g., Hewes, 1973 ; Steklis & Harnad, 1976 ; Place, 2000 ; Skoyles, 2000). Cependant,
Knecht et al. (2000) ont démontré que, bien que 96% des droitiers révèlent une
1
Les asymétries manuelles constituent une manifestation comportementale de la spécialisation
hémisphérique du cerveau. Pour simplifier, l’hémisphère droit contrôle la partie gauche du corps incluant
la main gauche tandis que l’hémisphère gauche contrôle la partie droite. Ainsi, la direction des asymétries
manuelles (i.e., droite ou gauche) indique la dominance fonctionnelle de l’hémisphère controlatéral.
31
dominance de l’hémisphère gauche pour les fonctions du langage, 70% des gauchers
présentent aussi une latéralisation similaire. Ces pourcentages indiquent que la direction
droite ou gauche des préférences manuelles pour les fonctions de manipulation est un
marqueur finalement assez pauvre de la latéralisation hémisphérique du langage. La
question de savoir si les préférences manuelles pour la communication gestuelle
constituent un meilleur marqueur reste sans réponse.
Asymétries manuelles des gestes
Les êtres humains sont majoritairement droitiers, non seulement pour la
manipulation (avec près de 90% de droitiers environ, Annett, 1985), mais également
pour la communication gestuelle, que ce soient :
- les mouvements des mains accompagnant la parole (Kimura, 1973 ; Dalby,
Gibson, Grossi, & Schneider, 1980 ; Kimura & Humphrys, 1981 ; Lavergne & Kimura,
1987),
- le langage des signes chez les sourds (Vaid, Bellugi, & Poizner, 1989),
- les gestes de pointage chez le jeune enfant (Blake, O’Rouke, & Borzellino,
1994 ; Vauclair & Imbault, sous presse).
Ces asymétries refléteraient une dominance de l’hémisphère gauche pour la
production de ces différents gestes. Le degré de préférence pour la main droite
concernant le pointage tend à s’accentuer au cours du développement du langage chez
l’enfant (Blake et al., 1994). Les individus âgés de 4 mois ne montrent pas de biais
manuels pour les gestes de pré-pointage, puis une tendance vers une préférence de la
main droite à 8 mois. À 12 mois, cette asymétrie s’accentue et devient robuste pour le
pointage.
32
Concernant les mouvements moteurs rythmiques des mains associés
particulièrement au babillage vocal entre 6 et 8 mois, l’usage préférentiel de la main
droite a été rapporté dans une étude menée par Locke, Bekken, McMinn-Larson et Wein
(1995). Cette observation pourrait refléter, en accord avec celle de Blake et al. (1994),
la maturation de la spécialisation hémisphérique à gauche du système linguistique à
cette tranche d’âge. De plus, chez le jeune enfant, les signes langagiers, les gestes de
pointage et les actions manuelles symboliques révèlent un degré d’asymétrie en faveur
de la main droite beaucoup plus prononcé et plus précoce que les biais manuels des
actions non communicatives de saisie et de manipulation d’objets. Ces résultats
suggèrent l’existence d’une spécialisation hémisphérique spécifique pour les gestes qui
pourrait être associée au langage (Bates, O’Connell, Vaid, Sledge, & Oakes, 1986 ;
Bellugi et al., 1986 ; Blake et al., 1994 ; Bonvillian, Richards, & Dooley, 1997 ;
Vauclair & Imbault, sous presse). Les patterns de latéralité spécifiques rapportés pour
les gestes communicatifs, qu’ils soient iconiques (e.g., mouvements de mains lorsqu’on
parle), symboliques (e.g., les signes) ou déictiques (i.e., le pointage), pourraient
constituer des marqueurs de la spécialisation hémisphérique du langage. Cette
hypothèse serait ainsi en cohérence avec l’idée d’une implication d’un système neuronal
commun à celui qui contrôle le langage articulé (Bellugi, 1991 ; Kimura, 1993).
Toutefois, cette hypothèse reste incertaine dans la mesure où, à ma
connaissance, il n’existe pas d’étude sur les relations entre la direction des préférences
manuelles spécifiques à la communication et la spécialisation hémisphérique du
langage. Afin d’apporter des éléments de réponse, il serait intéressant de savoir, par
exemple, si les sourds qui montrent une dominance de la main gauche pour le langage
des signes ont leurs fonctions linguistiques majoritairement dans l’hémisphère droit.
33
Lésions hémisphériques, langage et gestes
Les études neurobiologiques portant sur des sujets qui ont subi des lésions
cérébrales, ont fourni des éléments soutenant l’hypothèse d’un substrat cérébral
commun, latéralisé à gauche, entre la communication gestuelle et le langage. Des
troubles des coordinations manuelles (i.e., apraxie) associés à des troubles du langage
(i.e., aphasie) ont été davantage rapportés lors d’atteinte de l’hémisphère gauche que
lors d’atteinte de l’hémisphère droit. Le lien entre l’aphasie et l’apraxie concerne plus
particulièrement les gestes communicatifs (Bates & Dick, 2002 pour une revue de la
littérature) bien que certains travaux montrent que les troubles du langage chez les
sujets cérébro-lésés n’affectent pas toujours la production gestuelle (Feyereisen, 1987 ;
Lausberg, Zaidel, Cruz, & Ptito, 2007).
En ce qui concerne le langage des signes, des « aphasies » ont été décrites
seulement chez des sourds lésés dans l’hémisphère gauche, tandis que leur capacité à
produire des gestes communicatifs non linguistiques (i.e., non signés) a été préservée
(Corina, Vaid, & Bellugi, 1992). À la différence du langage des signes, il est donc
possible que la production de ces gestes communicatifs puisse se passer de zones
cérébrales indispensables au langage. Cependant, comme le soulignent Bates et Dick
(2002), si une aphasie n’est pas toujours associée à une apraxie, les sujets présentent
quasi systématiquement des troubles du langage lorsqu’une lésion cérébrale induit une
déficience de la production de gestes.
Imagerie cérébrale, aire de Broca et liens geste-bouche
Les travaux récents d’imagerie cérébrale fonctionnelle ont permis d’en
apprendre davantage sur les relations potentielles entre les zones cérébrales impliquées
34
dans la production de mots (i.e., aire de Broca) et les différentes catégories de gestes
communicatifs, en particulier ceux du langage des signes. Plusieurs études d’imagerie
par tomographie à émission de positrons (PET) chez des sourds ont révélé une
activation de l’aire de Broca plus particulièrement dans l’hémisphère gauche lors de la
production de signes (e.g., Corina, San Jose-Robertson, Guillemin, High, & Braun,
2003 ; San José-Robertson, Corina, Ackerman, Guillemin, & Braun, 2004 ; Emmorey,
Mehta, & Grabowski, 2007).
A ma connaissance, il n’y a pas d’étude d’imagerie fonctionnelle disponible,
susceptible de mettre en lumière le degré d’implication potentielle du système propre au
langage dans la production de mouvements de mains accompagnant simultanément la
parole. En revanche, en cohérence avec certains travaux comportementaux mentionnés
plus haut (cf. section 2.2.) qui ont suggéré que les gestes et la parole partagent le même
système de communication (e.g., Bernardis & Gentilucci, 2006), une implication de
l’aire de Broca a été mise en évidence dans l’exécution, l’imitation et l’observation
d’expressions oro-faciales (Carr, Iacoboni, Dubeau, Mazziotta, & Lenzi, 2003 ;
Montgomery & Haxby, 2008) et de gestes communicatifs (Montgomery, Isenber &
Haxby, 2007 ; Montgomery & Haxby, 2008 ; voir Gallagher & Frith, 2004), tels que les
gestes symboliques (e.g., « ok » : rond formé à l’aide du pouce et de l’index) et
iconiques (e.g., « viens » : tous les doigts d’une main tendue se rabattent vers la paume).
Neurones miroirs, aire de Broca et perception d’actions manuelles intentionnelles
Une telle activation de l’aire de Broca a été également décelée lors de la
réalisation et l’observation de mouvements de mains dirigés vers des objets, comme
mimer l’action de tourner une clé (Montgomery et al., 2007), et lors de l’observation
35
d’actions manuelles dites « signifiantes » (i.e., motivées par un but), comme c’est le cas
de la saisie d’objets (Grafton et al., 1996 ; Decety et al., 1997 ; Grèzes et al., 1998). En
revanche, cette activation n’a pas été observée pour des actions manuelles sans
signification (i.e., sans but particulier ; Decety et al., 1997 ; Grèzes et al., 1998, 1999).
Cette généralisation des patterns d’activation de l’aire de Broca, concernant
l’observation des actions manuelles intentionnelles autres que communicatives, pourrait
être associée à une représentation et une compréhension des intentions manuelles
d’autrui via l’implication de neurones dits « miroirs ».
Découverts initialement chez le macaque rhésus, Macaca mulatta, dans une zone
homologue de l’aire de Broca (i.e., zone F5 du cortex prémoteur ; Rizzolatti, Fadiga,
Gallese, & Fogassi, 1996) via l’utilisation d’électrodes pour enregistrer directement les
décharges neuronales (i.e., « single cells recording »), les neurones miroirs auraient la
particularité de s’activer, non seulement lors de la production d’actions manuelles, mais
également lors de la perception de ces actions. Ce système miroir associé à l’implication
majeure du système moteur intentionnel a été considéré comme fournissant le substrat
neuronal idéal pour l’émergence de certaines capacités cognitives complexes telles que
la compréhension des intentions de l’autre ou encore l’empathie et le langage (Rizzolati
& Arbib, 1998 ; Arbib, 2005 ; Fadiga & Craighero, 2007).
Cette activation de l’aire de Broca pourrait être associée à une représentation des
séquences motrices articulatoires et gestuelles signifiantes d’autrui sans être
exclusivement liée au traitement sémantique pouvant résulter de l’observation de ces
actions. En effet, grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle à résonance magnétique
(IRMf), Fadiga et al. (2006) ont montré que l’observation d’ombres chinoises
manuelles, représentant des animaux qui ouvrent la bouche, activait l’aire de Broca.
36
Cette activation se maintient même après soustraction des patterns d’activation
associés : (1) à une tâche contrôle susceptible de n’impliquer qu’un traitement
sémantique (i.e., observation de vidéos d’animaux réels ouvrant la bouche) ; (2) à des
mouvements de doigts, neutres et sans signification. Par ailleurs, d’après une étude
d’imagerie PET, une tâche de discrimination des structures de phonèmes de mots
présentés induit une activité de l’aire de Broca dans l’hémisphère gauche. En revanche,
cette activation ne se retrouve pas lors d’une tâche d’évaluation des changements des
pics au sein des syllabes de ces mêmes mots. Ces résultats suggèrent que, lors de la
perception phonétique, l’aire de Broca jouerait un rôle dans le recodage articulatoire des
gestes oro-faciaux (Zatorre, Evans, Meyer, & Gjedde, 1992).
Ces découvertes soulignent avant tout le rôle « moteur » de l’aire de Broca, à la
fois dans la production et la perception de mots ou de gestes. Ce circuit neuronal
pourrait être destiné, dans un premier temps, à percevoir ou à produire des unités
motrices séquentielles (manuelles ou oro-faciales) sans signification. Dans un deuxième
temps, l’aire de Broca permettrait d’assembler ces unités pour les convertir en
représentations signifiantes (Fadiga et al., 2006) en termes, non seulement sémantiques,
mais aussi en termes de buts et/ou d’intentions, comme le suggère l’existence supposée
de neurones miroirs dans cette région cérébrale. Cette organisation correspondrait donc
à un traitement séquentiel et hiérarchisé des unités d’action en séquences temporelles
(e.g., Fadiga et al., 2006). Or, un tel traitement est nécessaire au langage et plus
particulièrement à la construction grammaticale (Koechlin & Jubault, 2006). Ces
derniers auteurs ont d’ailleurs montré que l’aire de Broca était impliquée dans les
actions humaines organisées en séquences temporelles hiérarchisées, telles que la
conduite d’une voiture ou l’application d’une recette de cuisine.
37
Bien que la plupart des fonctions du langage soit latéralisée principalement dans
l’hémisphère gauche, que la modalité soit gestuelle ou orale, certaines études révèlent
un activation bilatérale du système de représentation des actions intentionnelles (e.g.,
Fadiga et al., 2006 ; Montgomery et al., 2007), tandis que d’autres montrent une
dominance de l’hémisphère gauche (e.g., Decety et al., 1997 ; Grèzes et al., 1998 ;
Zatorre et al., 1992 ; Gallagher & Frith, 2004). Les activations de l’hémisphère droit
mesurées dans certaines études pourraient être associées à un traitement spatial des
informations lors de la représentation des gestes. En comparaison avec les autres actions
manuelles intentionnelles, la spécificité de la production de gestes communicatifs
pourrait provenir, non seulement du traitement sémantique (avec la génération et la
manipulation de significations), mais aussi de la transmission volontaire d’une intention
communicative et référentielle à autrui. Ces propriétés communes avec le langage
articulé font de la communication gestuelle et de l’aire de Broca des médiateurs
convaincants entre les actions séquentielles manuelles et oro-faciales intentionnelles, et
le langage articulé (Gentilluci & Dalla Volta, 2008).
Cependant, trop peu d’études d’imagerie cérébrale fonctionnelle sont disponibles
à propos de la production de gestes communicatifs. Il est donc peu aisé de spéculer sur
(1) la spécificité de leurs patterns d’activité cérébrale, en comparaison avec les actions
intentionnelles non communicatives, (2) leur latéralisation hémisphérique et (3) leur
relation directe à l’aire de Broca. Il est néanmoins indéniable que l’ensemble de ces
recherches comportementales, neurobiologiques et d’imagerie cérébrale fonctionnelle
fournit des arguments convaincants pour envisager un rôle crucial des gestes
communicatifs, et plus généralement de l’action intentionnelle, dans l’évolution,
l’organisation et le contrôle du langage articulé.
38
3. Communication gestuelle des primates non humains et langage
L’hypothèse de l’origine gestuelle du langage s’appuie sur de nombreuses études
portant sur le système communicatif gestuel des primates non humains. Le langage est
un système de communication spécifique à l’espèce humaine qui ne trouve aucun
équivalent dans le monde animal. Au regard de la proximité phylogénétique unique qui
existe entre l’homme et les primates non humains, en particulier les grands singes
anthropoïdes, l’étude des systèmes de communication de nos cousins pourrait
néanmoins révéler certaines propriétés communes avec le langage. Si de telles
convergences sont décelées, il est probable que ces propriétés constituent, chez notre
ancêtre commun, des prédispositions phylogénétiques indispensables à l’émergence et
l’évolution des traits qui ont conduit au langage articulé actuel. Comme décrit plus haut
(cf. chapitre 2), le langage humain n’est pas exclusivement associé à la modalité orale.
Les recherches sur les origines de la parole se sont souvent réduites aux précurseurs de
traits propres au langage oral et ont montré que l’anatomie de l’appareil vocal des
primates non humains, incluant la position du larynx, constituait une limite pour une
production et une modulation aisée des sons articulés nécessaires à la parole (e.g.,
Gardner & Gardner, 1969 ; Lieberman, 1975).
Plus récemment, ces recherches se sont élargies (1) à l’étude d’autres
précurseurs de propriétés linguistiques indépendantes des traits exclusivement liés à la
production vocale du langage humain, comme l’intentionnalité par exemple, et aussi (2)
à l’étude d’autres modalités d’expression chez les primates non humains, comme la
communication gestuelle (Tomasello, 2008). Un certain nombre de ces travaux a mis en
évidence des continuités intéressantes entre les propriétés de la communication gestuelle
39
de nos cousins et certaines caractéristiques du langage humain (qu’il soit gestuel ou
vocal), telles que la flexibilité d’apprentissage, d’usage, l’intentionnalité et les
propriétés référentielles (voir Meguerditchian & Vauclair, 2008 pour une revue détaillée
de la littérature). Dans le présent chapitre, je présenterai une revue succincte de ces
études et les discuterai à la lumière de la théorie de l’origine gestuelle du langage.
3.1. Flexibilité et apprentissage
Apprentissage du langage chez les grands singes
Le langage humain est, notamment, caractérisé par l’acquisition et l’usage très
flexible de nouvelles conventions partagées. Il s’avère que le système de
communication gestuelle des primates non humains est beaucoup plus flexible que leur
système vocal (Goodall, 1986 ; Tomasello & Zuberbühler, 2002). Ce point de vue
remonte notamment aux travaux expérimentaux sur l’apprentissage du langage menés
sur les grands singes à partir des années 1950. Une première étude a consisté à
apprendre à parler à un chimpanzé nommé Vicky (Hayes, 1952) avec un succès très
mitigé. Après des années d’entraînement, Vicky est parvenu seulement à prononcer des
sons ressemblant vaguement aux mots anglais « papa », « mama », « cup » et « up ».
Les recherches sur l’apprentissage du langage américain des signes (ASL) à des grands
singes ont été beaucoup plus fructueuses. Plus d’une centaine de signes ont été appris
par les chimpanzés Washoe (Gardner & Gardner, 1969) et Nim (Terrace, 1979), par le
gorille Koko (Patterson, 1978), et l’orang-outang Chantek (Miles, 1990). En dehors du
débat virulent qui a porté sur l’interprétation de ces travaux et sur l’opportunité
d’attribuer ou non un véritable « langage » aux grands singes (e.g., Terrace, 1970 ;
40
Fouts & Mills, 1998), ces expériences ont néanmoins permis de mettre en évidence le
contraste incontestable et saisissant entre les difficultés des grands singes à produire de
nouvelles vocalisations, et leur remarquables capacités à apprendre et à utiliser de
manière flexible de nouveaux signes manuels abstraits pour communiquer. Il a
d’ailleurs été fréquemment observé que les chimpanzés élevés par des hommes
pouvaient apprendre à utiliser quelques gestes typiquement humains pour communiquer
(e.g., Tomasello & Camaioni, 1997).
Flexibilité du système gestuel au sein de groupes sociaux
L’observation de grands singes vivant en groupes sociaux en captivité comme en
milieu naturel a confirmé cette flexibilité du système gestuel. Une étude récente a, en
effet, montré que les bonobos et les chimpanzés communiquent par gestes
indépendamment des contextes sociaux et comportementaux. Par contraste, la
production d’une expression faciale ou d’une vocalisation donnée est davantage
dépendante d’un contexte particulier (Pollick & De Waal, 2007). Cette étude souligne,
une fois de plus, la plus grande flexibilité d’usage des gestes par rapport aux systèmes
facial et vocal. Par ailleurs, au cours de leur vie, les chimpanzés sauvages ou en
captivité sont capables d’inventer de nouveaux signaux gestuels pour communiquer
avec leurs congénères (Goodall, 1986 ; Tomasello et al., 1985). Chez tous les singes
anthropoïdes, le répertoire des gestes communicatifs, qu’ils soient visuels, tactiles ou
« sonores » (e.g., frapper sur le sol, sur un objet, taper dans les mains), varie
significativement, non seulement entre individus du même groupe, mais également
entre différentes populations (voir Pika et al., 2005a pour une revue de la littérature).
Parmi les individus d’un même groupe, différents types de gestes peuvent ainsi être
41
produits dans le même but, et inversement, des gestes similaires peuvent être utilisés
avec des buts divergents (Tomasello et al., 1985, 1989).
La ritualisation ontogénétique des gestes communicatifs
Tomasello (1996) explique la plasticité du répertoire gestuel en proposant
l’hypothèse d’une ritualisation ontogénétique de ces gestes à un niveau individuel,
plutôt qu’à un niveau social, via l’apprentissage par imitation. En d’autres termes,
comme cela a été décrit à propos des gestes pré-linguistiques impératifs des enfants
(voir section 2.1.), la plupart des gestes communicatifs chez les grands singes résulterait
d’une ritualisation progressive d’actions motrices manuelles en signaux communicatifs
via les interactions avec les congénères, et en particulier la mère (Tomasello, 1996).
Par exemple, lorsqu’un chimpanzé, nommons le « A », est épouillé par un
congénère « B » :
- « A » peut être amené à lever son bras pour faciliter l’épouillage de certaines
parties de son corps.
- Au cours de la prochaine étape, « B » anticipe l’envie de « A » d’être épouillé
en apercevant le bras levé de « A ».
- Enfin, « A » peut prévoir l’anticipation de « B » en produisant volontairement
le geste initial « lever le bras » pour inviter « B » à venir l’épouiller.
En revanche, contrairement au langage, certains gestes du répertoire semblent
être stéréotypés et spécifiques à l’espèce (comme les gestes de frappe sur la poitrine des
gorilles par exemple), et seraient ainsi principalement déterminés génétiquement (voir
Genty et al., sous presse, pour une étude chez le gorille). Cependant, il n’est pas exclu,
comme c’est le cas pour l’acquisition du langage, que certains gestes soient issus d’un
42
apprentissage social par imitation au sein de groupes de grands singes (Pika, 2008, pour
une revue de la littérature).
3.2. Intentionnalité
L’intentionnalité est une propriété-clé du langage et se caractérise par 3 critères
principaux (e.g., Leavens, 2004) :
(1) le comportement de l’émetteur du signal est produit et dirigé à l’attention
d’un destinataire en particulier ;
(2) l’orientation visuelle alterne clairement entre le destinataire et l’objet de
l’intention (alternance du regard) ;
(3) lorsque le destinataire ne répond pas ou ne prête pas attention à l’émetteur du
signal, ce dernier est capable de répéter son signal ou de modifier et d’ajuster son
comportement en fonction de l’état attentionnel du destinataire (persistance du signal).
De l’importance d’un partenaire récepteur et de l’alternance du regard
Des comportements intentionnels ont été souvent décrits lors de la production
des gestes communicatifs chez les grands singes (e.g., Bard, 1992 ; Call & Tomasello,
1994 ; Tomasello et al., 1994 ; Leavens, Hopkins, & Bard, 1996 ; Leavens & Hopkins,
1998). Premièrement, la communication gestuelle implique toujours un partenaire social
(un congénère ou un humain) chez les primates non humains au sein d’interactions
dyadiques (pour des revues de la littérature : Leavens, 2004 ; Pika et al., 2005a ; voir
aussi Genty et al., sous presse). Deuxièmement, lorsque les chimpanzés en captivité
produisent des gestes de quémande ou de pointage, ils alternent leur regard entre
43
l’expérimentateur et un aliment désiré qui est hors de portée (Krause & Fouts, 1997 ;
Leavens & Hopkins, 1998, 1999).
L’ajustement du signal au statut attentionnel du récepteur
Il a été démontré que les chimpanzés et les orangs-outangs en captivité sont
capables de répéter et de changer de type de gestes lorsque l’expérimentateur ne répond
pas à leur signal gestuel initial ou ne délivre pas la nourriture désirée (Leavens, Russel,
Hopkins, 2005 ; Cartmill & Byrne, 2007). Un chimpanzé n’hésite d’ailleurs pas à
produire des gestes « attracteurs » destinés à attirer l’attention vers lui avant d’initier
une interaction avec un partenaire social, que celui-ci soit un congénère du groupe
(Goodall, 1986) ou un être humain (Krause & Fouts, 1997), et ce, plus particulièrement
lorsque le partenaire ne répond pas ou n’est pas attentif (Tomasello, 2003). Par exemple,
de jeunes gorilles tapent sur le sol pour inviter leur congénère à jouer avec eux (Pika et
al., 2003) tandis que les chimpanzés en captivité tapent des mains ou sur leur cage pour
attirer l’attention d’un humain en possession d’une nourriture (Hostetter, Cantero, &
Hopkins, 2001 ; Leavens, Hostetter, Wesley, & Hopkins, 2004). D’autres observations
ont mis en évidence la capacité des singes anthropoïdes à changer leur position pour se
mettre face à leur partenaire avant d’émettre un geste communicatif (e.g., Liebal, Pika,
Call, & Tomasello, 2004b). L’émetteur produit d’ailleurs significativement plus de
signaux visuels lorsqu’il est dans le champ visuel d’un congénère tandis qu’il produit
plus de gestes tactiles ou sonores lorsque le destinataire est inattentif (Tomasello et al.,
1994, 1997 ; Pika et al., 2003 ; Liebal et al., 2004b, 2004c, 2006 ; Pika et al., 2005b).
Pour résumer, les grands singes sont donc capables de distinguer un état attentif
d’un état inattentif chez leurs partenaires sociaux et d’ajuster leur comportement gestuel
44
en conséquence. L’évaluation de l’état attentionnel d’un congénère semble reposer
surtout sur l’orientation de la tête et du corps de celui-ci (chez les bonobos, chimpanzés
et orangs-outangs : Kaminski, Call, & Tomasello, 2004 ; chez les chimpanzés
uniquement : Hostetter et al., 2001 ; Leavens, Hostetter, et al., 2004). Le rôle du contact
visuel mutuel dans cette évaluation, et plus généralement dans les échanges
communicatifs gestuels, est controversé (Theall & Povinelli, 1999 ; Kaminski et al.,
2004 ; voir aussi pour une revue de littérature : Gomez, 1996). Néanmoins, l’importance
de la visibilité des yeux du partenaire a été démontrée chez les orangs-outangs en
captivité, mais semble varier en fonction des individus (Call & Tomasello, 1994).
L’étude la plus récente sur cette question et conduite sur un grand échantillon (116
sujets) a montré qu’en présence d’un expérimentateur et de nourriture hors de portée, les
chimpanzés en captivité produisent significativement plus de gestes communicatifs
lorsque les yeux de l’expérimentateur sont visibles que lorsqu’ils ne le sont pas
(Hostetter, Russell, Freeman, & Hopkins, 2007).
L’ensemble de ces observations démontre clairement que les grands singes ont
une communication gestuelle de type intentionnel. À ma connaissance, aucune étude n’a
véritablement porté sur le caractère intentionnel des gestes communicatifs chez des
singes non anthropoïdes comme le babouin.
3.3. Propriétés référentielles
Par définition, le pointage référentiel est un geste manuel directionnel destiné à
orienter l’attention d’un partenaire social vers un objet externe, un évènement, une
direction ou un lieu dans un but impératif ou déclaratif (voir section 2.1.). L’existence
45
de propriétés référentielles dans la communication gestuelle chez les primates non
humains, correspondant à la capacité à produire des gestes de pointage, est controversée
(e.g., Gomez, 2005, 2007 ; Leavens, 2004 ; Tomasello, 2006 ; Leavens et al., sous
presse).
Pointage impératif en captivité
Le pointage impératif a été fréquemment décrit chez les primates non humains
en captivité, incluant les grands singes et, dans une moindre mesure, les singes non
anthropoïdes (voir Leavens & Hopkins, 1999 pour une revue de la littérature). Par
exemple, Leavens, Hopkins et Thomas (2004) ont observé qu’en présence d’un
destinataire humain, les chimpanzés en captivité dirigeaient leur bras, voire leur index,
vers l’une des deux boîtes opaques (placées à une distance hors de portée du sujet) dans
laquelle un aliment avait préalablement été caché par un autre expérimentateur en
présence du sujet testé.
Certaines données peuvent néanmoins limiter la portée de ces travaux. D’une
part, contrairement à l’espèce humaine, il existe peu d’observations de pointage
déclaratif chez les grands singes. Dans leur grande majorité, leurs gestes sont
exclusivement impératifs dans la mesure où ils expriment une requête particulière (e.g.,
le plus souvent de la nourriture) auprès d’un partenaire social (i.e., un être humain). Par
ailleurs, le pointage a rarement été observé en milieu naturel dans des populations
sauvages (mais voir Inoue-Nakamura & Matsuzawa, 1997 ; Veà & Sabater-Pi, 1998),
tandis que les individus en captivité l’utilisent très fréquemment (Leavens & Hopkins,
1999). Ces limitations suggèrent que l’émergence du pointage impératif chez les singes
anthropoïdes résulte d’une ritualisation ontogénétique. Une telle ritualisation serait
46
associée spécifiquement aux conditions de captivité des individus et à leurs interactions
fréquentes avec l’homme (i.e., soigneurs animaliers, chercheurs/expérimentateurs, etc.)
pour obtenir de la nourriture visible mais hors de portée du sujet (Leavens, Hopkins, &
Bard, 2005).
Gestes référentiels et invitation à l’épouillage chez les chimpanzés sauvages
Pika et Mitani (2006) ont rapporté que des chimpanzés sauvages des forêts
ougandaises étaient capables de produire et de comprendre un geste référentiel singulier
dans un contexte d’épouillage mutuel. En grattant une région précise de son corps, un
chimpanzé peut effectivement indiquer à son congénère l’endroit où il souhaite être
épouillé (voir Figure 1). Le congénère semble capable de comprendre le but du geste de
« grattage » dans la mesure où il réagit généralement en changeant la localisation de son
épouillage vers la zone désignée par l’émetteur du geste (Pika & Mitani, 2006).
Figure 1. Gestes référentiels de “grattage” chez les chimpanzés sauvages. Un individu gratte une partie de
son corps pour indiquer à son congénère la zone précise où il souhaite être épouillé.
Dessin : Adrien Meguerditchian (adapté de Pika & Mitani, 2006).
47
Une telle compréhension partagée d’un geste directionnel reflète typiquement ce
qu’on appelle la communication référentielle. Mais, ici encore, les processus cognitifs
sous-jacents ne sont pas clairs. Tout comme les gestes de pointage chez les chimpanzés
en captivité, le processus de ritualisation ontogénétique d’actions au cours d’interactions
mutuelles pourrait expliquer le développement du geste directionnel de « grattage » sans
pour autant impliquer de processus complexes d’attribution d’états mentaux à autrui
(i.e., théorie de l’esprit), ni d’apprentissage social (i.e., imitation).
Les chimpanzés ne sauraient-ils pas pointer ?
Sur la base de cette absence supposée de théorie de l’esprit et d’imitation lors du
développement, de la production et de la compréhension des gestes directionnels chez
les grands singes, certains auteurs estiment que, contrairement au pointage chez
l’enfant, ces comportements ne sont pas dotés de propriétés référentielles, et ils se
refusent alors à parler de « pointage » (Baron-Cohen, 1999 ; Povinelli, Bering, &
Giambrone, 2003 ; Tomasello, 2006, 2008). Cependant, comme le fait remarquer
Gomez (2007), les processus cognitifs sous-tendant les comportements de pointage chez
l’enfant sont tout autant équivoques que ceux des grands singes concernant les gestes
directionnels impératifs. En effet, la capacité à produire de tels gestes dits
« référentiels » chez l’enfant pourrait également se passer des processus d’imitation et
d’attribution d’états mentaux à autrui (voir section 2.1.). Ainsi, nous soutenons que
l’habilité à diriger l’attention d’autrui par des gestes, qui caractérise la communication
référentielle, ne dépend pas de ces processus cognitifs complexes et se retrouve aussi
bien dans les comportements de pointage des enfants que dans ceux des grands singes
(Meguerditchian, Cochet, & Vauclair, sous presse).
48
Pointage déclaratif : vers une discontinuité homme/singe ?
La discontinuité primates humains versus non humains pourrait se situer à un
autre niveau que celui de la nature référentielle des gestes. Comme discuté
précédemment (section 2.1.), contrairement aux gestes impératifs, le développement
plus tardif du pointage déclaratif chez l’enfant pourrait être associé à l’émergence de
capacités cognitives et motivationnelles complexes incluant l’empathie, l’attention
conjointe, l’échange coopératif et l’imitation (Liszkowski et al., 2004, 2008), soit autant
de propriétés essentielles pour le développement du langage (Tomasello, 2008). Or, les
observations de pointage déclaratif chez les primates non humains restent anecdotiques,
et il est probable que cette absence supposée de motivations attentionnelles dans leurs
comportements gestuels traduise l’absence de certaines de ces habilités sociocognitives
complexes chez nos cousins.
Il est néanmoins possible que ces différences cognitives entre l’homme et le
singe, ainsi qu’entre gestes impératifs et gestes déclaratifs, ne soient pas aussi marquées
(Leavens et al., sous presse). Il est certes admis que les primates non humains sont
capables de suivre le regard d’autrui (pour une revue de question, voir Gomez, 1996), et
certains travaux mentionnent clairement que la visibilité des yeux d’un partenaire peut
influencer la production de gestes chez l’émetteur (Call & Tomasello, 1994 ; Hostetter
et al., 2007 ; voir aussi section 3.2.). Ces études soulignent que les primates non
humains sont en mesure d’extraire des informations à partir des comportements visuels
de leurs partenaires sans pour autant leur attribuer d’états mentaux. Mais un ensemble
de travaux expérimentaux récents a montré que les chimpanzés peuvent avoir une
compréhension de ce que leurs congénères voient ou ne voient pas dans leur
environnement (Hare, Call, Agnetta, & Tomasello, 2000 ; Hare, Call, & Tomasello,
49
2001, 2006 ; Tomasello, Call, & Hare, 2003) et être ainsi capables de se mettre à leur
place. Par exemple, en présence de deux aliments dans une pièce – l’un attractif, l’autre
non – placés, au moyen de caches opaques, hors du champ de vision d’un mâle
dominant maintenu d’un côté de la pièce, mais visibles de l’autre côté où se trouve un
chimpanzé dominé, ce dernier ne se prive pas de prendre l’aliment attractif sous le nez
du dominant. Par contre, le dominé se garde de prendre l’aliment attractif lorsque le
cache est transparent et il se rabat alors sur l’aliment non attractif (Hare et al., 2000,
2001). Le caractère transparent ou non du cache semble donc constituer un critère de
sélection de l’aliment pour le chimpanzé dominé sans qu’il y ait eu préalablement un
entraînement explicite de la part des chercheurs. Ainsi, le chimpanzé agirait en se basant
sur ce que le mâle dominant qui lui fait face est en mesure, ou non, de voir.
Une telle capacité cognitive est nécessaire à la production de gestes déclaratifs
chez l’homme, et il n’est pas exclu qu’elle soit à l’oeuvre lorsque le chimpanzé produit
des gestes référentiels impératifs, c’est-à-dire qu’il prenne en compte ce que le
destinataire est en mesure de voir. Ainsi, une continuité entre les processus sous-jacents
aux gestes impératifs et aux gestes déclaratifs peut être envisagée. En d’autres termes,
les comportements gestuels des grands singes pourraient impliquer un substrat cognitif
prédisposant à l’émergence phylogénétique de la communication déclarative à l’œuvre
dans le pointage et le langage chez l’homme.
50
4. Problématique
4.1. Aux origines de la spécialisation hémisphérique gauche pour le langage
J’ai souligné dans les chapitres précédents le rôle central de la communication
gestuelle dans le développement et l’organisation du langage, de l’enfant à l’adulte, en
passant par les sourds qui pratiquent la langue des signes (chapitre 2). Puis, dans une
perspective phylogénétique, j’ai discuté les continuités potentielles entre la
communication gestuelle des primates non humains et le langage concernant un certain
nombre de traits fonctionnels et cognitifs, tels que la flexibilité d’apprentissage et
d’usage, l’intention communicative et certaines propriétés référentielles (chapitre 3).
Ces continuités apportent naturellement des éléments convaincants à l’hypothèse d’une
origine gestuelle de la parole. Cependant, au sein de cette quête des précurseurs
phylogénétiques du langage chez les primates non humains, d’autres champs
d’investigation méritent d’être explorés. Je mentionnerai notamment l’étude du substrat
cérébral sous-jacent à la communication gestuelle et plus particulièrement – et c’est
l’objet de cette thèse – de la spécialisation hémisphérique de ce système gestuel chez les
primates non humains. Ce système est-il latéralisé ? La production de gestes
communicatifs chez nos plus proches cousins implique-t-elle principalement
l’hémisphère gauche comme la plupart des fonctions du langage ?
Pour répondre à ces questions, l’étude des asymétries comportementales, et
spécifiquement celles des gestes communicatifs chez les grands singes et les singes non
anthropoïdes, peut représenter une approche pertinente, bien qu’indirecte, en vue de
rechercher les antécédents de la spécialisation hémisphérique à gauche du langage (e.g.,
51
Vauclair & Meguerditchian, 2007). En effet, les asymétries manuelles chez l’homme
constituent de bons marqueurs de la latéralisation cérébrale (cf. note1, page 16), dans la
mesure où la direction des préférences manuelles reflète la dominance de l’hémisphère
cérébral controlatéral (l’hémisphère droit pour la main gauche et l’hémisphère gauche
pour la main droite).
4.2. Latéralité manuelle et manipulation
La latéralité manuelle, une spécificité de l’espèce humaine ?
La majeure partie des recherches sur la latéralité manuelle chez les primates non
humains s’est focalisée sur les actions motrices non communicatives, en particulier sur
des tâches unimanuelles assez simples, comme la saisie d’objets (voir les revues de
questions de la littérature : McGrew & Marchant, 1997 ; Papademetriou, Sheu, &
Michel, 2005). Ces études présentent de larges disparités concernant la taille des
échantillons étudiés et elles ont mis en évidence des résultats souvent contradictoires
pour une espèce donnée et, dans leur grande majorité, des absences de biais significatifs
à l’échelle du groupe. Ces travaux, qu’ils soient entrepris sur des individus en milieu
naturel ou en captivité, ont ainsi été interprétés comme une démonstration solide de
l’hypothèse historique selon laquelle la prédominance des droitiers ainsi que la
spécialisation hémisphérique du cerveau sont propres à l’évolution de l’homme et
exclusivement associées à l’émergence de la parole (e.g., Crow, 2004 ; Ettlinger, 1988 ;
Warren, 1980). Cette hypothèse a toutefois été mise en défaut par des séries de données
chez de nombreux vertébrés qui ont démontré des asymétries comportementales et
cérébrales à l’échelle des groupes (Rogers & Andrew, 2002 ; Vallortigara & Rogers,
52
2005), incluant les primates non humains (pour une revue de la littérature : Hopkins,
2007). D’ailleurs, un nombre grandissant de travaux montre une prédominance de
droitiers chez des primates non humains, particulièrement dans de grands échantillons
de chimpanzés en captivité. Ces études se distinguent du reste de la littérature, non
seulement par la taille des échantillons, mais également par le type d’actions manuelles
étudiées. En effet, les démonstrations de prédominance significative de la main droite
ont concerné généralement des actions manuelles complexes, telles que la saisie de
nourriture en position bipédale, le lancer d’objets ou la coordination asymétrique des
deux mains pour accomplir une action dans un but précis : épouiller un congénère,
atteindre de la nourriture contenue dans un objet, etc. (pour une revue de la littérature
chez les grands singes et les chimpanzés en particulier, voir Hopkins, 2006a, 2007).
Cependant, quelques auteurs restent sceptiques à propos de ces résultats et ont
formulé des critiques méthodologiques et théoriques (McGrew & Marchant, 1997 ;
Palmer, 2002, 2003 ; Crow, 2004). Par exemple, certains d’entre eux soulignent que ces
résultats sont opposés au reste de la littérature sur la latéralité des primates, en faisant
référence, notamment, aux biais de latéralité non significatifs obtenus avec des
populations de chimpanzés sauvages (McGrew & Marchant, 1997 ; Papademetriou et
al., 2005). Les êtres humains étant majoritairement droitiers (Annett, 1985), ces auteurs
soutiennent que la prédominance de droitiers chez les chimpanzés en captivité serait un
artefact lié à l’environnement humain dans lequel sont élevés ces individus (e.g.,
McGrew & Marchant, 1997).
53
De l’importance de la complexité de la tâche
D’autres facteurs que celui lié aux conditions de vie des groupes de primates
(i.e., en captivité versus naturelles) pourraient réconcilier ces résultats, tels que la
complexité de la tâche et la taille des échantillons. Il a ainsi été démontré que le degré
de complexité motrice de la tâche manuelle avait un effet significatif sur les patterns de
préférences manuelles individuelles mesurés (e.g., magnitude, robustesse dans le temps
ou direction) chez l’homme (e.g., Perelle & Ehrman, 1994 ; Marchant, McGrew, &
Eibl-Eibesfeldt, 2005 ; Fagard, 2001), les grands singes (Boesch, 1991 ; McGrew,
Marchant, Wrangham, & Kleinm, 1999 ; O'Malley & McGrew, 2006 ; Hopkins, 2007)
et les singes non anthropoïdes (Fagot & Vauclair, 1988, 1991 ; Spinozzi, Castorina, &
Truppa, 1998 ; Blois-Heulin, Guitton, Nedellec-Bienvenue, Ropars, & Vallet, 2006 ;
Blois-Heulin, Bernard, & Bec, 2007 ; Lilak & Phillips, 2007 ; Meunier & Vauclair,
2007 ; Schweitzer, Bec, & Blois-Heulin, 2007).
De plus, la grande majorité des travaux sur les préférences manuelles des
chimpanzés sauvages a concerné des échantillons relativement restreints et s’est surtout
focalisée sur une batterie de comportements unimanuels simples, comme la saisie
d’objets (Marchant & McGrew, 1996 ; McGrew & Marchant, 1997, 2001). Or, il
s’avère que chez les chimpanzés en captivité, ces mesures unimanuelles échouent
également à montrer des préférences manuelles individuelles et populationnelles
robustes (e.g., Hopkins, 1993 ; Fletcher & Weghorst, 2005), et ce, même dans des
groupes ayant grandi et évolué exclusivement dans un environnement social humain
(Mosquera et al., 2007). Par contraste, les travaux qui ont montré des prédominances
significatives de droitiers dans plusieurs populations de chimpanzés en captivité (e.g.,
Hopkins, Wesley, Izard, Hook, & Schapiro, 2004) ont porté quasi exclusivement sur des
54
tâches manuelles complexes, notamment le test bimanuel dit du « tube » (Hopkins,
1995). Cette tâche consiste à saisir un court tube en PVC d’une main pour récupérer la
nourriture placée à l’intérieur (e.g., du beurre de cacahouète) avec les doigts de l’autre
main (cette dernière étant considérée comme la main dominante).
Un tel contraste des patterns de latéralité entre les tâches unimanuelles et
bimanuelles se retrouve chez d’autres espèces de primates que le chimpanzé, l’homme
inclus. Au sein d’un même groupe de sujets étudiés, les préférences manuelles pour de
simples actions unimanuelles ont montré, soit une absence de biais manuel à l’échelle
du groupe, soit des biais en faveur de la main droite moins prononcés que celui,
significatif, apparaissant pour les actions de coordination bimanuelle chez l’enfant
(Fagard & Marks, 2000) et le gorille (Hopkins, Stoinski, Lukas, Ross, & Wesley, 2003 ;
Meguerditchian & Hopkins, en révision) ainsi que pour la tâche bimanuelle du tube
chez le babouin (Vauclair, Meguerditchian, & Hopkins, 2005 ; cf. Annexe, Article 4) et
le capucin (Spinozzi et al., 1998). Une prédominance des droitiers pour la tâche du tube
a également été rapportée dans des groupes de macaques rhésus en captivité
(Westergaard & Suomi, 1996) et plus spécifiquement chez ceux élevés par leur mère
(Bennett, Suomi & Hopkins, 2008), alors que les individus élevés en nurseries
montraient plutôt un biais en faveur de la main gauche (Bennett et al., 2008 ;
Westergaard, Champoux & Suomi, 1997).
Il est maintenant communément admis qu’à la différence des comportements de
coordination bimanuelle, les mesures des asymétries des actions unimanuelles simples,
pourtant très fréquemment utilisées dans les recherches sur la latéralité manuelle, se
révèlent peu adéquates chez les primates non humains pour évaluer la latéralisation
hémisphérique individuelle ainsi que les biais manuels potentiels à l’échelle du groupe
55
(e.g., Fagot & Vauclair, 1991 ; Hopkins, 2007). L’ensemble de ces travaux conforte
l’hypothèse selon laquelle les divergences de résultats observées dans la littérature
concernant les primates non humains pourraient être aisément réconciliables sur la base
de la taille des échantillons et de la complexité de la tâche. Elle contredirait alors la
discontinuité, communément évoquée, entre les populations sauvages et les groupes en
captivité (e.g., Hopkins, 2006a, 2006b). Seules des études sur des échantillons
importants d’individus sauvages concernant des actions complexes bimanuelles seraient
en mesure de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. À ma connaissance, aucune n’est
encore disponible à ce jour.
Latéralité et perspective phylogénétique
Les problématiques, les hypothèses et les implications potentielles théoriques
associées généralement aux recherches sur la latéralité manuelle des actions motrices
non communicatives chez nos cousins les primates ne seront pas développées ici. En
effet, la plupart d’entre elles n’est pas en relation directe avec la problématique des
origines du langage qui motive cette thèse. De plus, comme mentionné précédemment
(cf. section 2.3.), la direction des préférences manuelles pour les manipulations d’objets
chez l’homme ne constitue pas le meilleur marqueur de la spécialisation hémisphérique
du langage (Knecht et al., 2000). Je ne résiste néanmoins pas à suggérer l’hypothèse
d’une continuité phylogénétique potentielle entre les primates humains et non humains
concernant la spécialisation hémisphérique associée à la manipulation bimanuelle
d’objets. En effet, il existe une continuité des patterns de prédominance de la main
droite entre l’homme, les singes terrestres anthropoïdes (i.e., gorilles, chimpanzés) et les
singes terrestres de l’Ancien Monde (i.e., babouins, macaques rhésus) pour les actions
56
bimanuelles, bien qu’elle reste encore à confirmer dans des populations sauvages de
primates non humains.
Cette continuité ne semble pas se généraliser à des singes du Nouveau Monde
tels que le capucin. En effet, le biais évoqué plus haut en faveur d’une prédominance de
la main droite dans un groupe de 26 sujets (Spinozzi et al., 1998), ne se retrouve pas
dans d’autres études ayant répliqué la tâche du tube sur des groupes différents
(Westergaard & Suomi, 1996 ; voir aussi, les études sur des échantillons faibles :
Phillips & Sherwood, 2005 ; Lilak & Phillips, 2007 ; Meunier & Vauclair, 2007). Par
ailleurs, la tâche du tube a révélé des préférences de la main gauche à l’échelle de
groupes, et ce, seulement chez des espèces arboricoles, comme l’orang-outang (Hopkins
et al., 2003) et le singe de Brazza (Schweitzer et al., 2007). Toutefois, dans ces études,
la taille relativement faible de l’échantillon ne permet pas de tirer de conclusions solides
sur la direction des préférences manuelles à l’échelle de la population. Néanmoins, cette
discontinuité potentielle des biais populationnels entre les primates arboricoles et
terrestres soutient la théorie de l’origine posturale de la latéralité proposée par
MacNeilage, Studdert-Kennedy et Lindblom (1987). Selon cette théorie, les conditions
de vie des primates (i.e., terrestres versus arboricoles) seraient un facteur
supplémentaire à prendre en compte pour expliquer l’évolution phylogénétique des
distributions des préférences manuelles au sein de l’ordre des primates. Ainsi, les
espèces
arboricoles
(e.g.,
orangs-outangs,
singes
de
Brazza)
utiliseraient
préférentiellement leur main droite pour supporter le poids du corps dans les arbres, la
main gauche se spécialisant pour les fonctions de manipulation. Par contraste, chez les
espèces terrestres (e.g., chimpanzés, babouins, gorilles, espèce humaine), la main droite,
57
dominante, étant libérée de la fonction posturale dans les arbres, se serait alors
spécialisée dans la manipulation.
Des recherches futures sur la latéralité des primates non humains sont
nécessaires pour évaluer les continuités potentielles avec les patterns de préférence
manuelle caractéristiques de l’espèce humaine et tester les différents modèles
évolutionnistes proposés (MacNeilage et al., 1987 ; Crow, 2004 ; Hopkins, 2004 ;
2007). Dans cette perspective phylogénétique et théorique, il est souhaitable que ces
recherches se situent dans le cadre d’une approche comparative la plus large possible
entre espèces. Afin d’être en mesure d’évaluer et de comparer, de manière optimale, les
distributions des préférences manuelles à l’échelle des populations, ces travaux doivent
également s’attacher à intégrer le plus grand nombre possible d’individus et à
homogénéiser les tâches manuelles étudiées, sur la base de la complexité de la tâche
(e.g., coordination bimanuelle).
4.3. Latéralité et communication gestuelle
Contrairement aux recherches sur la latéralité manuelle associée à la
manipulation, il existe relativement peu d’études sur les asymétries comportementales
associées à la production de signaux communicatifs gestuels ou vocaux chez les
primates non humains (Hopkins & Fernandez-Carriba, 2002 ; Taglialatela, 2007 ;
Vauclair & Meguerditchian, 2008). Pourtant, ces comportements semblent les mieux à
même d’apporter des éléments de discussion aux différentes théories concernant les
origines du langage et de sa spécialisation hémisphérique à gauche.
58
Asymétries oro-faciales lors de la production de vocalisations
Les asymétries comportementales concernant la modalité vocale chez les
primates ont été principalement évaluées en mesurant les différences entre le côté droit
et le côté gauche des expressions oro-faciales (déclenchement du mouvement des lèvres,
taille de l’ouverture de la bouche, etc.) lors de la production de vocalisations. Chez
l’homme, les expressions faciales associées à l’émotion révèlent plutôt une asymétrie en
faveur du côté gauche de la bouche (i.e., dominance de l’hémisphère droit) tandis que le
côté droit de la bouche s’ouvre en premier et plus largement que le côté gauche lors de
la production de mots, reflétant ainsi probablement une dominance de l’hémisphère
gauche pour le langage (Graves, Goodglass, & Landis, 1982 ; Wolf & Goodale, 1987).
Cette asymétrie en faveur du côté droit de la bouche se retrouve également chez le jeune
enfant lors du babillage contrairement aux gazouillements associés à l’émotion
(Holowka & Petitto, 2002). En émettant des vocalisations, les marmosets, les macaques
rhésus et les chimpanzés produisent des asymétries oro-faciales en faveur du côté
gauche de la bouche (i.e., dominance de l’hémisphère droit). Ce résultat est en accord
avec l’opinion courante selon laquelle l’expression de vocalisations chez les primates
reflète des états émotionnels (Hauser, 1993, 1999 ; Hook-Costigan & Rogers, 1998 ;
Hauser & Akre, 2001 ; Fernandez-Carriba et al., 2002 ; mais voir Losin et al., 2008 et la
discussion, partie III).
Communication gestuelle et hémisphère gauche
Les premières études d’asymétries comportementales à propos de la
communication gestuelle chez les primates non humains ont concerné des gestes de
pointage et des gestes « signés » chez les quelques singes anthropoïdes entraînés au
59
langage des signes. Les résultats ont révélé des préférences manuelles individuelles
contradictoires (le gorille Koko : Shafer, 1988 ; l’orang-outang Chantek : Miles, 1990 ;
quelques chimpanzés : Steiner, 1990 ; Morris, Hopkins, & Bolser-Gilmore, 1993 ;
Krause & Fouts, 1997). D’autres travaux ont montré des prédominances de la main
droite pour des gestes communicatifs spontanés chez les bonobos (Hopkins & De Waal,
1995 ; Shafer, 1997) et les gorilles (Shafer, 1993). Cependant, l’ensemble de ces
premiers travaux a porté sur des échantillons trop réduits pour être en mesure d’inférer
la direction des biais manuels à l’échelle des groupes.
Les premières études avec des échantillons importants ont été conduites sur des
chimpanzés en captivité pour des gestes de pointage exclusivement à destination d’un
être humain, à savoir quémander de la nourriture inaccessible pour l’animal. Avec des
populations de plus de 200 individus, Hopkins et ses collègues ont montré une
prédominance significative de la main droite pour ces gestes (Hopkins & Leavens,
1998 ; Hopkins & Wesley, 2002 ; Hopkins & Cantero, 2003 ; Hopkins et al., 2005), à
des degrés d’ailleurs bien plus prononcés que ceux rapportés précédemment pour des
actions bimanuelles non communicatives telles que la tâche du tube (Hopkins et al.,
2005).
4.4. Questions
Dans le cadre théorique des antécédents de la spécialisation hémisphérique du
langage et de son substrat cérébral, les derniers travaux cités ci-dessus font émerger
l’hypothèse d’une continuité phylogénétique entre les asymétries des gestes
60
communicatifs chez les primates non humains, celles des gestes chez l’homme et la
latéralisation des fonctions du langage.
Pour étudier cette hypothèse, j’ai cherché à :
(1) évaluer si cette continuité des patterns de latéralité s’étend à une autre espèce
que le chimpanzé, phylogénétiquement plus éloignée de l’espèce humaine : le babouin
olive Papio anubis (cf. Articles 1 & 2) ;
(2) mesurer si les patterns de prédominance de la main droite décrits chez le
chimpanzé pour des gestes exclusivement produits vers l’homme se généralisent à la
communication gestuelle intra-spécifique (cf. Article 3) ;
(3) tester l’hypothèse de l’existence d’un système gestuel spécifique à la
communication (cf. Articles 1, 2 & 3), en comparant, chez le babouin et le chimpanzé,
les biais manuels individuels et populationnels exprimés entre :
(a) différentes catégories de gestes communicatifs,
(b) les gestes communicatifs et les actions motrices non communicatives.
- Les babouins sont-ils droitiers pour la communication gestuelle ?
- Différentes catégories de gestes communicatifs intra-spécifiques et interspécifiques chez le babouin et le chimpanzé montrent-elles des asymétries manuelles
similaires ?
- Les gestes communicatifs expriment-ils des patterns de préférences manuelles
différents des actions non communicatives ?
Les implications de ces résultats seront discutées à la lumière des études récentes
d’imagerie cérébrale anatomique et fonctionnelle menées chez le chimpanzé. J’évaluerai
61
ainsi les théories évolutionnistes proposant une continuité entre le substrat cérébral de la
communication gestuelle chez les primates non humains et celui du langage chez
l’homme. Enfin, je dresserai un bilan comparé des propriétés cognitives et
neurologiques des modalités vocale, oro-faciale et gestuelle chez les primates non
humains, et je discuterai ainsi de leurs implications potentielles respectives dans
l’évolution du système de communication qui a conduit au langage articulé et à sa
latéralisation dans l’hémisphère gauche.
62
II. Partie Expérimentale
63
Article 1
« Les babouins communiquent avec leur main droite. »
Meguerditchian, A., & Vauclair, J. (2006). Baboons communicate with their right
hand. Behavioral Brain Research, 171, 170-174.
Cet article a reçu la mention "must read" par la base de données d'articles
évalués "Faculty of 1000 Biology".
65
Article 2
« Contrastes des préférences manuelles entre des gestes communicatifs et
des actions non communicatives chez les babouins : Implications pour les
origines de la spécialisation hémisphérique chez l’homme. »
Meguerditchian, A., & Vauclair, J. (2009). Contrast of hand preferences between
communicative gestures and non communicative actions in baboons: implications
for the origins of hemispheric specialization for language. Brain and Language,
108, 167–174.
Cet article a reçu la mention "must read" par la base de données d'articles
évalués "Faculty of 1000 Biology".
67
Article 3
« Les chimpanzés en captivité utilisent leur main droite pour communiquer
entre eux : Implications pour les origines du substrat cérébral du
langage. »
Meguerditchian, A., Vauclair, J., & Hopkins, W. D. (in press). Captive chimpanzees
use their right hand to communicate with each other: Implications for the origin of
the cerebral substrate for language. Cortex.
69
III. Discussion – Implications théoriques
71
5. Les babouins et les chimpanzés en captivité communiquent avec
leur main droite
Les recherches sur les asymétries des gestes communicatifs chez le babouin et
le chimpanzé en captivité ont permis d’accroître nos connaissances relatives aux
patterns de latéralisation spécifiques au système gestuel en comparaison avec ceux
associés au système moteur non communicatif.
5.1. Latéralité et gestes communicatifs chez le babouin
Nous avons montré dans un groupe de 60 babouins olives (Article 1,
Meguerditchian & Vauclair, 2006), une prédominance significative de la main droite
pour un geste communicatif de menace, que le destinataire soit un congénère ou un
observateur humain. Ce geste intentionnel consiste à menacer ou intimider un congénère
en tapant ou en frottant rapidement la main contre le sol (Figure 2 ; voir Kummer, 1968,
pour une première description de ce geste).
Figure 2. Geste communicatif de menace chez le babouin. Un jeune mâle menace l’observateur en tapant
rapidement sa main droite contre le sol. Photo : Adrien Meguerditchian
73
Figure 3. Degré de prédominance de l’usage de la main droite à l’échelle des groupes de chimpanzés et de
babouins pour la tâche bimanuelle du tube et les gestes communicatifs. Echantillons babouins : N = 104
sujets pour la tâche du tube (Vauclair et al., 2005), N = 60 pour le geste communicatif de menace
(Meguerditchian & Vauclair, 2006). Echantillons chimpanzés (Hopkins et al., 2005) : N = 166 sujets pour
la tâche du tube, N = 227 pour le geste communicatif de quémande.
Sur la base du nombre de réponses de la main gauche et de la main droite, un indice de latéralité
individuel (HI) a été calculé pour chaque individu. Sa valeur peut varier de -1.0 à 1.0. Le signe indique la
direction de la préférence manuelle (positive : préférence pour la main droite ; négative : préférence pour
la main gauche). La valeur absolue reflète le degré de l’asymétrie manuelle. Ainsi, pour une espèce et une
action manuelle données, la moyenne des HI donne la direction et le degré d’asymétrie manuelle à
l’échelle du groupe. La barre d’erreur représente l’erreur standard autour de la moyenne des HI. Toutes
les valeurs des M.HI diffèrent significativement de 0, p<0.05.
Etonnamment, le degré de prédominance de la main droite à l’échelle du groupe
mis en évidence chez le babouin, est quasiment identique à celui révélé précédemment
par les études des gestes de quémande/pointage chez le chimpanzé (Hopkins et al.,
2005). Dans ces deux espèces, de tels biais s’avèrent être plus prononcés que les
asymétries en faveur de la main droite observées pour la tâche bimanuelle du tube. Ces
résultats pourraient refléter une mobilisation plus conséquente de l’hémisphère gauche
pour la communication gestuelle, comme cela a été supposé chez l’enfant (voir
74
Introduction, section 2.3.). D’ailleurs, chez les babouins et les chimpanzés ayant réalisé
à la fois des gestes communicatifs et la tâche du tube, les préférences manuelles
individuelles ne sont pas corrélées entre ces deux types d’actions (Figure 3 ; Hopkins et
al., 2005 ; Meguerditchian & Vauclair, 2006). Ces résultats soutiennent ainsi
l’hypothèse de l’existence d’un système spécifique de communication latéralisé dans
l’hémisphère gauche et d’une possible dissociation neuronale entre le système de
communication gestuelle et les fonctions de manipulations.
5.2. Un système spécifique à la communication dans l’hémisphère gauche
Afin de tester cette hypothèse, j’ai cherché à déterminer si la nature
communicative des gestes pouvait être à l’origine de cette spécificité des patterns de
préférences pour la main droite. Des mesures d’asymétries manuelles ont alors été
effectuées pour de nouvelles catégories de gestes communicatifs chez ces deux espèces
ainsi que pour un comportement manuel dit de « frottement du nez ». Les préférences
manuelles de cette dernière action autodirigée constituent des mesures « contrôles » de
comparaison idéales dans la mesure où ce comportement n’est ni communicatif, ni
associé à de la manipulation d’objets, mais refléterait plutôt l’état de nervosité du sujet
(Wallis, 2000).
Ainsi, dans un groupe de 33 babouins, l’analyse des gestes « ritualisés » de
quémande de nourriture dirigés vers un être humain a mis en évidence une tendance à
utiliser préférentiellement la main droite (Article 2, Meguerditchian & Vauclair, 2009),
mais aussi, parmi les mêmes sujets, une corrélation significative des préférences
manuelles individuelles avec le geste de menace étudié précédemment. Chez le
75
chimpanzé, le degré de prédominance de la main droite mis en évidence précédemment
pour les gestes de quémande exclusivement dirigés vers l’homme (Hopkins et al.,
2005), se généralise aux gestes spécifiques de leur répertoire, que ceux-ci soient
destinés à l’homme ou à un congénère (Article 3, Meguerditchian, Vauclair, & Hopkins,
sous presse). D’ailleurs, les préférences manuelles sont corrélées entre les gestes de
quémande et cette catégorie de gestes dits « spécifiques ». De plus, en répliquant les
mesures des asymétries manuelles pour les gestes de quémande chez les mêmes
chimpanzés, 4 ans après l’étude d’Hopkins et al. (2005), j’ai pu mettre en évidence que
les biais manuels individuels et populationnels étaient stables et robustes dans le temps.
Dans ces recherches (Articles 2 & 3 ; Meguerditchian & Vauclair, 2009 ;
Meguerditchian et al., sous presse), le contraste des patterns de latéralité manuelle entre
les gestes communicatifs et les actions motrices non communicatives se vérifie, et ce,
pour les deux espèces étudiées :
(1) le comportement de dérivation de « frottement du nez » n’a pas révélé de
biais populationnel de latéralité ;
(2) les nouvelles catégories de gestes communicatifs montrent des degrés
d’asymétrie en faveur de la main droite à l’échelle des groupes supérieurs à celle
observée pour la tâche bimanuelle ;
(3) il n’y a pas de corrélation des préférences manuelles individuelles entre ces
gestes communicatifs et les différentes actions non communicatives (tâche du tube,
saisie unimanuelle, « frottement du nez »).
Pour résumer, différents gestes communicatifs intra- ou interspécifiques chez le
babouin et le chimpanzé montrent des patterns de latéralité similaires en faveur de la
76
main droite, et pourraient ainsi partager, du moins partiellement, le même système de
contrôle cortical. Par contraste, les actions manuelles non communicatives montrent des
patterns de latéralité différents de chacune des catégories de gestes communicatifs.
L’ensemble de ces résultats apporte des éléments supplémentaires à l’hypothèse de
l’existence d’un système gestuel latéralisé à gauche spécifique à la communication. Ce
système pourrait être différent du système impliqué dans les fonctions purement
motrices de la main. La continuité des asymétries gestuelles entre le babouin, le
chimpanzé et l’enfant suggère que l’existence d’un système gestuel latéralisé à gauche
pourrait remonter à leur ancêtre commun et constituer une prédisposition pour
l’évolution du circuit neuronal qui sous-tend aujourd’hui le langage chez l’homme.
77
6. Les corrélats neuroanatomiques de la communication gestuelle
6.1. Asymétries hémisphériques neuroanatomiques
Il est intéressant de discuter les résultats présentés dans les sections précédentes
à la lumière des études des asymétries hémisphériques cérébrales des primates non
humains. Comme chez l’homme (e.g., Beaton, 1997 ; Foundas, Eure, Luevano, &
Weinberger, 1998 ; Shapleske, Rossell, Woodruff, & David, 1999), des asymétries
neuroanatomiques en faveur de l’hémisphère gauche ont été fréquemment mises en
évidence chez les grands singes, en particulier le chimpanzé, concernant deux zones
homologues des aires-clés du langage : l’aire de Broca (i.e., le gyrus frontal inférieur,
IFG) et l’aire de Wernicke (i.e., le planum temporal, PT). De telles asymétries se
retrouvent quelle que soit la méthode de mesure :
(1) analyse morphologique de cerveaux post-mortem (PT, Gannon et al., 1998) ;
(2) analyse des asymétries des régions IFG et PT à partir de scanners de cerveaux in
vivo et post-mortem obtenus par IRM, incluant :
- le traçage manuel sur ordinateur de ces régions dans les deux hémisphères
(Cantalupo & Hopkins, 2001 ; Cantalupo, Pilcher, & Hopkins, 2003) ;
- la soustraction – hémisphère droit/gauche – des voxels (i.e., pixels en 3
dimensions) de la matière grise (Hopkins et al., 2008 ; cf. Annexe, Article 5).
Par exemple, en étudiant les scanners IRM de 20 chimpanzés, 4 bonobos et 2 gorilles, et
en mesurant leurs asymétries cérébrales, Cantalupo et Hopkins (2001) ont montré que la
surface de l’aire de Broadman 44 (homologue de l’aire de Broca) était plus développée
dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit.
78
6.2. Association aire de Broca/main droite pour la communication gestuelle
Les analyses ultérieures de 56 scanners de chimpanzés ont, non seulement
confirmé un biais hémisphérique à gauche concernant la zone homologue de Broca à
l’échelle de l’échantillon, mais également montré que cette asymétrie était associée
uniquement aux individus droitiers pour la communication gestuelle (Taglialatela,
Cantalupo, & Hopkins, 2006). Par contraste, les préférences manuelles pour la tâche
bimanuelle du tube ne sont corrélées à aucune des asymétries neuroanatomiques des
zones homologues des aires du langage, mais sont, en revanche, associées à celles du
cortex moteur primaire (Hopkins & Cantalupo, 2004). Ces corrélats neuroanatomiques
renforcent les hypothèses suggérées plus haut à partir des données comportementales à
savoir : (1) une possible dissociation neuronale entre la communication gestuelle et les
fonctions motrices de manipulation ; (2) le système spécifique de communication
gestuelle chez les primates non humains pourrait constituer un précurseur du circuit
cérébral, latéralisé à gauche, sous-jacent à la production du langage.
Une telle prédisposition chez le chimpanzé constitue un argument de poids pour
l’hypothèse de l’origine gestuelle du langage. Cependant, l’absence de données
neuroanatomiques chez le babouin ne permet pas de déterminer si ces corrélats
remontent à l’ancêtre commun au babouin, au chimpanzé et à l’homme, comme peuvent
le suggérer les patterns de latéralité spécifiques des gestes communicatifs mesurés chez
cette espèce de primates de l’Ancien Monde. Afin de tester cette dernière hypothèse, il
est souhaitable d’étendre les travaux d’imagerie cérébrale anatomique et de mesures des
asymétries hémisphériques aux individus dont les préférences manuelles pour la
communication gestuelle ont été préalablement mesurées.
79
7. Vocalisations des primates et discontinuités avec le langage
En comparaison avec la modalité gestuelle, les propriétés du système vocal chez
les primates non humains semblent moins convaincantes pour constituer des précurseurs
directs de l’émergence de la parole. Les limites de ce système ont souvent été réduites
aux insuffisances des structures anatomiques de leur appareil vocal incluant la position
relativement haute du larynx par rapport à celui de l’homme (Lieberman, 1975). Ces
contraintes ne permettent certes pas une production et une modulation aisée de syllabes,
mais elles ne suffisent pas à expliquer, à elles seules, l’absence de flexibilité dans la
production de sons (e.g., Snowdon, 1999). Il semblerait que cette déficience serait plutôt
liée à des limites cognitives et de contrôle du système moteur et motivationnel associé à
la production vocale.
7.1. Intentionnalité et flexibilité dans la production vocale ?
Plusieurs travaux ont montré une association entre le taux de la production
vocale chez un émetteur (e.g., lors de l’apparition d’un prédateur, de la découverte de
nourriture) et la présence de congénères dans l’environnement (e.g., Cheney & Seyfarth,
1990a ; Mitani & Nishida, 1993 ; Caine, Addington, & Windfelder, 1995 ; Wich &
Sterck, 2003 ; Joyce & Snowdon, 2007). Par ailleurs, dans des espèces variées de
primates non humains, un certain degré de plasticité dans les structures des
vocalisations spécifiques a fréquemment été décrit :
80
(1) entre différentes populations distantes géographiquement (Mitani, Hasegawa,
Gros-Louis, Marler, & Byrne, 1992 ; Arcadi, 1996 ; Fisher, Hammerschmidt, & Todt,
1998 ; Rukstalis, Fite, & French, 2003 ; van Schaik et al., 2003) ;
(2) à un niveau individuel et au sein du groupe, en relation avec des variations de
l’environnement social et contextuel (e.g., Lemasson, Hausberger, & Zuberbühler,
2005), telles que :
- le changement de rang hiérarchique de l’émetteur (Fisher, Kitchen, Seyfarth, &
Cheney, 2004),
- son degré d’implication dans un conflit (Slocombe & Zuberbühler, 2005a),
- la modification de la composition du groupe (Mitani & Gros-Louis, 1998 ;
Snowdon & Elowson, 1999 ; Snowdon & de la Torre, 2002), etc.
Bien que l’ensemble de ces travaux révèle un certain contrôle de la production
vocale en relation avec un auditoire ainsi que l’influence probable d’une forme
d’apprentissage au cours de la vie de l’individu, il existe des limites qui ne permettent
pas de conclure à un contrôle volontaire et intentionnel des vocalisations chez les
primates non humains. D’une part, à la différence de la communication intentionnelle,
les individus vocaliseraient seulement pour communiquer avec l’ensemble du groupe
social et non avec un congénère en particulier (Arbib, 2005). D’autre part, il n’a pas été
démontré que les primates non humains soient en mesure de générer de nouvelles
vocalisations, à part quelques exceptions chez certains singes anthropoïdes élevés au
contact permanent de l’homme dont nous verrons les implications potentielles
concernant les origines du langage dans le chapitre suivant (chez le chimpanzé :
Hopkins, Taglialatela, & Leavens, 2007 ; le bonobo : Hopkins & Savage-Rumbaugh,
81
1991 ; Taglialatela, Savage-Rumbaugh, & Baker, 2003). Pour finir, à la différence des
gestes, cette production vocale ne peut être dissociée ni de son contexte social approprié
(Pollick & de Waal, 2007), ni de l’état émotionnel du sujet (Goodall, 1986), comme la
peur pour les cris d’alarme ou encore l’excitation pour les cris suivant la découverte de
nourriture. Ces limites étayent les hypothèses selon lesquelles (1) la production de
vocalisations chez les primates non humains n’est pas intentionnelle et (2) le répertoire
vocal est principalement déterminé génétiquement malgré une légère influence, au cours
de la vie de l’individu, de l’environnement social sur certaines structures de
vocalisations existantes (voir pour une revue détaillée de la littérature, Roian-Egnor &
Hauser, 2004 ; Meguerditchian & Vauclair, 2008).
7.2. Contraste production/perception de vocalisations : les comportements
Les recherches sur la perception de vocalisations chez les primates non humains
ont mis en évidence des continuités intéressantes avec la compréhension de mots chez
l’homme. D’une part, certains grands singes élevés par l’homme, comme le bonobo
Kanzi (Savage-Rumbaugh, 1990 ; Savage-Rumbaugh et al., 1993) et le gorille Koko
(Patterson, 1978), ont révélé une capacité remarquable à comprendre des mots et des
consignes précises en anglais. D’autre part, depuis la célèbre étude de Seyfarth, Cheney
et Marler (1980) menée sur les cris d’alarme distincts associés à chaque type de
prédateurs chez les singes vervets, Cercopithecus aethiops, il a fréquemment été
démontré dans de nombreuses espèces de primates non humains que les vocalisations
sont référentielles pour l’auditoire. En d’autres termes, certaines productions vocales
seraient porteuses de sens pour les congénères dans la mesure où ceux-ci répondent
82
généralement de manière appropriée aux signaux vocaux. Ainsi, selon le type de cris
émis par un individu, les singes auditeurs seraient capables d’extraire des informations
telles que :
- la présence et le type de prédateurs (Cheney & Seyfarth, 1990c ; Macedonia,
1990 ; Zuberbühler, Noe, & Seyfarth, 1997 ; Zuberbühler, 2000d, 2001)
- la présence et la qualité de la nourriture (e.g., Dittus, 1984 ; Hauser & Marler,
1993 ; Hauser, 1998 ; Slocombe & Zuberbühler, 2005b)
- l’identité de l’émetteur de vocalisations et la nature des relations sociales entre
deux congénères (voir pour des revues détaillés de la littérature : Cheney & Seyfarth,
1990b, 1990c) ;
- la filiation maternelle (Cheney & Seyfarth, 1980, 1999 ; Hauser, 1991 ;
Rendall, Rodman & Edmond, 1996) ;
- le rang de dominance respectif des individus engagés dans une interaction
(Cheney, Seyfarth, & Silk, 1995 ; Bergman, Beehner, Cheney, & Seyfarth, 2003).
Les singes juvéniles se révèlent moins performants que les adultes pour associer
le prédateur correspondant au cri d’alarme approprié (Cheney & Seyfarth, 1990b). Par
ailleurs, les adultes sont capables d’extraire des informations à partir de signaux vocaux
produits par d’autres espèces de leur environnement (e.g., Zuberbühler, 2000a, 2000b,
2000c). De telles capacités chez les auditeurs pourraient ainsi s’expliquer par des
associations progressives, via le conditionnement opérant au cours de la vie du sujet,
entre le signal vocal donné (qu’il soit intra- ou interspécifique) et le stimulus social ou
environnemental correspondant. L’existence de vocalisations dites « référentielles » ne
peut, en aucun cas, signifier que l’émetteur produit intentionnellement des cris distincts
pour informer ses congénères. Elles reflètent uniquement la capacité de l’auditeur à
83
associer un son émis avec une connaissance particulière sans pour autant que la
production de vocalisations soit dissociée de sa composante émotionnelle (Seyfarth &
Cheney, 2003). Par exemple, dans le cas de découverte de nourriture chez le chimpanzé
(e.g., Slocombe & Zuberbühler, 2005b), la qualité de l’aliment influe sur le degré
d’excitation émotionnelle du chimpanzé, faisant ainsi varier son taux de production
vocale. L’auditeur est alors capable d’inférer la qualité de la nourriture en apprenant à
distinguer des vocalisations « d’excitation » de faible intensité de celles de forte
intensité et les associer au stimulus correspondant (aliment de faible et de haute valeur,
respectivement). Ainsi, les vocalisations des primates non humains pourraient être
comparées aux productions de cris émotionnels de l’espèce humaine (pleurs, rire, cris de
surprise, de peur, de douleur, etc., voir Burling, 1993), qui s’avèrent d’ailleurs
particulièrement difficiles à contrôler. Les cris d’un nourrisson à 4 heures du matin, par
exemple, bien qu’émotionnels et non linguistiques, sont en mesure de faire accourir les
parents qui sont alors capables d’inférer, par simple apprentissage progressif, que leur
enfant a probablement faim.
Cette habileté chez les primates non humains à associer des connaissances avec
un signal vocal particulier n’est pas sans rappeler, dans une certaine mesure, la
compréhension du langage chez le jeune enfant bien avant que celui-ci soit capable de
produire le moindre mot (Vauclair, 2004a). Ainsi, une distinction entre les propriétés de
la production (discontinuité avec la production du langage) et celles de la perception de
vocalisations (continuité avec la compréhension du langage) peut être envisagée chez
les primates non humains.
84
7.3. Contraste production/perception de vocalisations : les bases cérébrales
Il s’avère que ce contraste entre la production et la perception de vocalisations,
suggéré par les études comportementales chez les primates non humains, semble
correspondre à la dissociation potentielle entre les circuits neuronaux impliqués dans la
production de vocalisations (discontinuité avec les zones du langage) et ceux impliqués
dans la perception (continuité avec les zones du langage). Ainsi, chez le macaques
rhésus et le singe écureuil, Saimiri sciureus, des études de lésions ou de stimulations
électriques cérébrales localisées ont montré que la production de vocalisations semble
n’impliquer que des structures sous-corticales de manière bilatérale (e.g., le système
limbique incluant le cortex cingulaire antérieur, alloué notamment au contrôle des
émotions chez l’homme) et aucune zone homologue des aires du langage (Aiken, 1981 ;
voir aussi les revues de la littérature : Ploog, 1981 ; Jürgen, 2002). Ces travaux
renforcent l’argument du contrôle émotionnel du système vocal, mais se limitent,
cependant, aux espèces de primates non anthropoïdes.
Par contraste, des études d’imagerie fonctionnelle PET ont mis en évidence que
l’écoute passive de vocalisations spécifiques activait des zones corticales au sein du
gyrus supérieur temporal chez le macaque rhésus (Gil-da-Costa et al., 2006 ; Poremba
et al., 2006 ; Petkov et al., 2008) et le chimpanzé (Taglialatela, Russell, Schaeffer, &
Hopkins, 2009), une zone qui pourrait être homologue de l’aire de Wernicke (impliquée
dans la compréhension du langage chez l’homme). Toutefois, la question d’une
latéralisation fonctionnelle de l’hémisphère gauche – à l’œuvre dans la compréhension
du langage chez l’homme – reste incertaine concernant le traitement des vocalisations.
Des recherches chez le macaque ont montré une altération de la performance des sujets
85
dans des tâches de traitement vocal après avoir subi des lésions dans l’hémisphère
gauche incluant le cortex auditif et le lobe temporal (Dewson, 1977 ; Heffner &
Heffner, 1984 ; Gaffan & Harrison, 1991), suggérant ainsi une dominance de
l’hémisphère gauche pour la perception de vocalisations. En revanche, les études
d’imagerie PET, évoquées plus haut, révèlent des asymétries fonctionnelles
contradictoires et ne s’accordent pas sur la direction des biais en rapport avec le type de
stimuli vocaux présenté (spécifiques versus hétérospécifiques). Les mesures des
asymétries comportementales, pouvant refléter les asymétries cérébrales fonctionnelles
dans le traitement des vocalisations, ne sont pas plus éclairantes à ce sujet. Deux études
ont mis en évidence un avantage du côté droit (i.e., hémisphère gauche) uniquement
pour le traitement de vocalisations spécifiques à l’espèce (en opposition au traitement de
vocalisations hétérospécifiques). La première utilisait le paradigme d’écoute dichotique
dans des tâches de rapidité de discrimination de vocalisations chez le macaque japonais,
Macaca fuscata (Petersen, Beecher, Zoloth, Moody, & Stebbins, 1978). La seconde
étude mesurait le côté d’orientation de la tête des sujets en réponse à un stimulus vocal
émis par un haut-parleur chez le macaque rhésus (Hauser & Andersson, 1994).
Cependant, cette dernière méthode a montré des résultats contradictoires chez d’autres
espèces phylogénétiquement très proches : une préférence pour le côté gauche chez le
singe vervet (Gil-da-Costa & Hauser, 2006) pour la perception de vocalisations
spécifiques (pas de biais pour les signaux hétérospécifiques) et une absence
d’asymétries chez le macaque de Barbarie, Macaca sylvanus (Teufel, Hammerschmidt,
& Fischer, 2007).
Il est difficile de réconcilier l’ensemble de ces résultats et de tirer des
conclusions sur la latéralisation du traitement des vocalisations. Néanmoins, au regard
86
des travaux d’imagerie fonctionnelle menés chez les primates non humains, il n’est pas
exclu que le substrat neuronal sous-jacent à l’extraction d’informations et à leur
catégorisation à partir de signaux vocaux pourrait être le précurseur des processus
représentationnels impliqués, notamment, dans la compréhension du langage chez
l’homme (Zuberbühler, Cheney, & Seyfarth, 1999 ; Gil-da-Costa et al., 2004 ; Russ,
Lee, & Cohen, 2007). De telles habiletés chez nos cousins primates pourraient être
davantage associées à leur remarquable capacité à comprendre et catégoriser leur
environnement social et écologique (Cheney & Seyfarth, 1990b ; Seyfarth, Cheney, &
Bergman, 2005) sans qu’elles aient un lien avec les propriétés de leur système
spécifique de production vocale. Elles ne constituent donc pas une piste
particulièrement convaincante dans les recherches sur les précurseurs de système de
production du langage humain (Meguerditchian & Vauclair, 2008).
87
8. Un système bimodal à l’origine du langage ?
Au regard des limites du système de production vocale chez les primates non
humains et des continuités entre la modalité gestuelle et certains traits majeurs du
langage (i.e., flexibilité, intentionnalité, propriétés référentielles, latéralisation
hémisphérique à gauche), le système de communication gestuelle apparaît comme un
candidat plus convaincant pour constituer les précurseurs directs du langage que le
système de communication vocale. Bien que séduisante, cette hypothèse se heurte
toutefois à plusieurs questions encore irrésolues.
Au cours de l’évolution, comment le système gestuel a-t-il pu conduire à un
système de communication articulée orale aussi complexe que la parole ? À quel niveau
phylogénétique et à quel degré s’est impliqué le système vocal dans cette évolution ?
Des études récentes menées sur la communication vocale chez le chimpanzé en
captivité du Yerkes National Research Primate Center d’Atlanta (Etats-Unis) ont mis en
évidence des résultats surprenants qui, non seulement apportent certains éléments de
réponses à ces questions, mais également m’ont amené à modérer l’hypothèse d’une
origine exclusivement gestuelle du langage.
8.1. Des vocalisations intentionnelles latéralisées à gauche chez le chimpanzé
Hopkins et al. (2007) ont décrit l’usage de deux sons atypiques qui
n’appartiennent pas au répertoire spécifique des chimpanzés, et ce, seulement chez
certains individus parmi l’ensemble des groupes vivant en captivité : une vocalisation
grave et prolongée qui implique l’usage des cordes vocales (appelée « extended grunt »
88
en anglais, et sous le contrôle du système vocal), ainsi qu’un bruit produit par les lèvres
via l’expiration de l’air contenu dans la bouche (appelé « raspberry » en anglais, et sous
le contrôle du système oro-facial). Hopkins et al. (2007) ont montré que, contrairement
au reste du répertoire vocal spécifique qui n’implique pas la présence d’une audience, la
production de ces sons atypiques était exclusivement associée à la présence d’un
expérimentateur humain et de nourriture visible, mais inaccessible, pour l’animal. Cette
étude a ainsi démontré qu’une telle production de sons pouvait être contrôlée
volontairement, voire intentionnellement, par l’animal pour attirer l’attention d’un être
humain afin d’obtenir de la nourriture. Ces sons atypiques partageraient les mêmes
fonctions que les gestes communicatifs de quémande/pointage dans ce contexte.
Cette continuité geste/vocal se retrouverait également dans la spécialisation
hémisphérique à gauche des fonctions de communication. En présence de nourriture et
d’un destinataire humain, il s’avère que l’usage des sons atypiques, lorsqu’il est associé
simultanément à la production de gestes impératifs, induit un biais en faveur de la main
droite plus prononcé à l’échelle du groupe que lorsque le geste de quémande est produit
seul, sans émission vocale (Hopkins & Cantero, 2003). Les résultats de cette dernière
étude pourraient ainsi refléter une dominance plus forte de l’hémisphère gauche lors de
la production de signaux bimodaux (geste + son atypique). Plus récemment, la
latéralisation hémisphérique potentielle à gauche de ces sons a été illustrée par des
mesures des asymétries oro-faciales associées à leur production. Par contraste aux biais
en faveur du côté gauche de la bouche (i.e., hémisphère droit) mis en évidence pour les
vocalisations « émotionnelles » spécifiques du répertoire des chimpanzés, l’usage des
sons atypiques intentionnels montre une asymétrie du côté droit de la bouche, c'est-àdire une dominance de l’hémisphère gauche (Losin et al., 2008 ; cf. Annexe, Article 6).
89
L’existence de ce système intentionnel bimodal chez le chimpanzé a été
récemment mise en évidence par imagerie cérébrale fonctionnelle (PET) dans une étude
menée sur 3 individus. Taglialatela, Russell, Schaeffer et Hopkins (2008) ont montré
que le signal communicatif pour quémander de la nourriture auprès d’un humain, qu’il
soit gestuel (« pointage »), vocal/oro-facial (« raspberry », « extended grunt ») ou les
deux modalités simultanées, activait la région homologue de l’aire de Broca (IFG), et
ce, particulièrement dans l’hémisphère gauche.
8.2. Implication du système oro-facial et des actions séquentielles intentionnelles
Ces études questionnent notamment les implications des expressions oro-faciales
dans l’évolution du système communicatif ayant conduit au langage. Le système orofacial est capital dans la production du langage articulé dans la mesure où la parole
implique des séquences motrices complexes de mouvements de la bouche (e.g., lèvres,
langue). Ainsi, le système oro-facial pourrait jouer un rôle pivot, d’un point de vue
ontogénétique et phylogénétique, entre les gestes communicatifs et la communication
vocale, incluant la parole (Gentillucci & Corballis, 2006 ; Gentillucci & Dalla Volta,
2008). Bien que dans les espèces de primates non anthropoïdes comme le babouin, il
n’existe pas de données neurofonctionnelles équivalentes à celles rapportées chez le
chimpanzé pour la communication gestuelle manuelle ou oro-faciale, certains travaux
neurobiologiques chez le macaque rhésus soulignent la présence de connexions motrices
étroites entre la bouche, les mains et l’aire de Broca. Par exemple, des stimulations
électriques de l’aire de Broadman 44 (homologue de l’aire de Broca) chez le macaque,
induisent des mouvements de mains et de lèvres (Petrides, Cadoret, & Mackey, 2005).
90
L’étude du modèle rhésus a également révélé l’existence de neurones miroirs qui
s’activent de manière bilatérale dans la zone F5 du cortex préfrontal (homologue de
l’aire de Broca). Comme mentionné dans l’introduction (section 2.2.), ces neurones ont
la particularité de s’activer, non seulement lorsqu’un singe réalise une action manuelle
avec un but (e.g., déchirer une feuille de papier), mais également lors de l’observation
de cette action (Gallese, Fadiga, Fogassi, & Rizzolati, 1996), l’écoute passive du bruit
occasionné par cette action manuelle (Kohler et al., 2002), ainsi que l’observation de
l’utilisation d’outils (Ferrari, Rozzi, & Fogassi, 2005), et l’observation d’expressions
communicatives oro-faciales spécifiques du macaque (e.g., protrusion des lèvres,
« lipsmacking » qui consiste à battre rapidement les lèvres pour exprimer une intention
amicale) réalisées par un expérimentateur en face du sujet (Ferrari, Gallese, Rizzolatti,
& Fogassi, 2003). Il semble que, dans le cerveau du macaque, l’aire F5 soit prédisposée
au contrôle et à la reconnaissance de l’action manuelle intentionnelle et de la
communication oro-faciale. Les neurones miroirs apparaissent alors comme un substrat
possible pour l’émergence de l’imitation, la théorie de l’esprit et le langage (e.g., Arbib,
2005 ; Rizzolati & Arbib, 1998).
Ces derniers travaux sur les neurones miroirs soulignent également les relations
entre les actions séquentielles intentionnelles hiérarchisées et l’aire de Broca (e.g.,
Fadiga et al., 2006). La question de l’implication dans les origines du langage des
actions séquentielles complexes de manipulation, telle que l’utilisation d’outils, reste
posée (Greenfield, 1991 ; Bradshaw & Rogers, 1993). Hopkins, Russell et Cantalupo
(2007) ont mis en évidence chez le chimpanzé une corrélation entre les asymétries
neuroanatomiques correspondant à des homologues des aires du langage (PT et IFG) et
la latéralité manuelle associée à l’usage d’un outil (i.e., un bâton pour récupérer de la
91
nourriture contenue dans une boîte), contrairement aux autres actions de manipulation
telles que la tâche du tube. En revanche, l’usage de cet outil chez le chimpanzé n’a pas
révélé de biais manuels en faveur de la main droite à l’échelle des groupes, qu’ils vivent
en captivité (Hopkins, Russell, Lambeth, & Schapiro, 2007) ou en milieu naturel
(Lonsdorf & Hopkins, 2005 ; Marchant & McGrew, 2007).
Bien que ce type d’actions séquentielles complexes peu latéralisées et la
communication gestuelle spécialisée dans l’hémisphère gauche semblent être associées
à la zone homologue de l’aire de Broca, leur rôle respectif dans l’évolution du système
de communication ayant conduit au langage reste encore peu clair. Des divergences
persistent entre (1) la mise en évidence d’une implication bilatérale du système miroir
dans la zone homologue de l’aire de Broca pour des actions motrices intentionnelles
incluant l’usage d’outils et (2) nos hypothèses qui suggèrent une dissociation neuronale
entre la spécialisation hémisphérique à gauche associée à la communication gestuelle et
celle associée aux actions de manipulation. Des travaux d’imagerie cérébrale
fonctionnelle chez les primates non humains lors de la production de ces différents
comportements (e.g., communication gestuelle, simple saisie d’objets, tâche du tube,
utilisation d’outils) seraient souhaitables pour clarifier leur relation respective avec
l’aire de Broca et la spécialisation de l’hémisphère gauche caractéristique du langage.
Il semble néanmoins possible de réconcilier ces divergences. En effet, il est
admis que l’organisation des actions en séquences temporelles hiérarchisées, comme
celle qui est requise dans l’usage d’outils, implique également l’aire de Broca chez
l’homme (cf. Introduction, section 2.3.). Cette relation n’est pas sans rappeler
l’organisation de la syntaxe dans le langage (Koechlin & Jubault, 2006) qui correspond
également à une construction d’unités (i.e. les mots) en séquences temporelles
92
hiérarchisées. Une dissociation des précurseurs phylogénétiques de différentes
propriétés du langage pourrait alors être envisagée. Selon cette hypothèse, tandis que (1)
la spécialisation hémisphérique à gauche, (2) les fonctions sémantiques et (3) les
fonctions intentionnelles communicatives du langage trouveraient leur origine dans la
communication gestuelle, les actions séquentielles hiérarchisées, telles que celles à
l’œuvre dans l’utilisation d’outils, constitueraient, quant à elles, une prédisposition
phylogénétique au traitement syntaxique caractéristique du langage (e.g., Greenfield,
1991).
8.3. Système bimodal chez le chimpanzé versus gestuel chez le babouin
Dans cette thèse, l’existence d’un système spécifique à la communication,
latéralisé dans l’hémisphère gauche, a été illustrée chez le babouin et le chimpanzé par
la mise en évidence de patterns spécifiques de préférences manuelles à droite pour la
communication gestuelle. Au regard de la continuité présentée dans ce chapitre entre les
signaux gestuels et les sons atypiques intentionnels produits par le chimpanzé, il est
possible que ce système latéralisé soit impliqué dans la communication bimodale
(gestuelle et vocale/oro-faciale) chez le chimpanzé, mais seulement pour les gestes
communicatifs chez le babouin. En effet, à ma connaissance, il n’existe pas de
démonstration chez le babouin, ni de l’usage intentionnel de vocalisations, ni
d’associations entre les signaux gestuels et vocaux pour attirer l’attention d’un
congénère ou d’un être humain.
La synthèse de ces recherches sur les primates non humains permet d’esquisser
un scénario hypothétique assez rudimentaire des différentes étapes phylogénétiques de
93
l’émergence du langage et de sa spécialisation hémisphérique. D’un point de vue
évolutif, on peut suggérer que :
1) Les précurseurs de la spécialisation hémisphérique à gauche pour la
production du langage pourraient avoir émergé dans la communication manuelle de
l’ancêtre commun au babouin, au chimpanzé et à l’homme, il y a environ 30-40 millions
d’années.
2) Ce système serait alors devenu bimodal en intégrant progressivement, au
cours de l’évolution, des vocalisations et des expressions oro-faciales intentionnelles
dans le système gestuel, et ce, de manière embryonnaire, dès l’apparition de l’ancêtre
commun au chimpanzé et à l’homme il y a environ 5-7 millions d’années.
3) Au regard des avantages potentiellement sélectifs de la modalité vocale (e.g.,
communication sans voir le congénère : nocturne, à de longues distances, e.g.,
Snowdon, 2001), ce système bimodal se serait complexifié pour évoluer dans la lignée
des hominidés vers le langage articulé moderne de l’homme sous la prédominance de la
modalité vocale.
4) Ainsi, les mouvements gestuels associés à la parole pourraient constituer la
partie résiduelle, toujours active, de ce système bimodal ancestral.
Cette théorie d’un système communicatif intégré (vocal+gestuel) est cohérente
avec les observations et les expériences rapportées chez l’adulte et l’enfant (e.g.,
Gentillucci & Dalla Volta, 2008 et Introduction, chapitre 2 pour des revues de la
littérature) qui démontrent les hypothèses (1) d’un seul système intégré dans
l’hémisphère gauche en charge à la fois de la communication vocale et de la
communication gestuelle, et (2) du rôle actif de la communication gestuelle dans le
développement des habiletés linguistiques chez l’enfant.
94
9. Conclusion et perspectives
Dans ma thèse, j’ai pu démontrer l’importance des recherches sur les systèmes
de communication des primates non humains, et la communication gestuelle en
particulier, dans le cadre de la problématique des origines du langage et de sa
latéralisation dans l’hémisphère gauche.
Nous avons encore beaucoup à découvrir sur la cognition et la communication
des primates non humains. Les recherches concernant la latéralisation des gestes
communicatifs doivent évidemment se poursuivre et s’étendre au plus grand nombre
d’espèces possible dans le but de tester l’hypothèse d’une continuité primates humains
et non humains concernant la spécialisation hémisphérique associée à la
communication. Bien qu’encore à ses débuts, il est indéniable que les techniques
d’imagerie fonctionnelles utilisées récemment chez les primates non humains ouvrent
de nouvelles perspectives pour comprendre les corrélats neurofonctionnels des
comportements tels que la communication vocale et gestuelle, les actions manuelles
complexes, etc. Ces recherches peuvent se révéler précieuses dans les discussions sur
les origines phylogénétiques du langage et, plus généralement, clarifier les
continuités/discontinuités entre les primates humains et non humains.
En collaboration notamment avec William D. Hopkins du Yerkes National
Research Primate Center (Atlanta, Etats-Unis), d’autres perspectives de recherches sont
également envisagées dans notre équipe afin d’étudier les questions et les limites
soulevées par nos travaux. Voici, ci-dessous, une liste non exhaustive des projets prévus
ou en cours :
95
(1) Nous avons montré que la latéralisation manuelle pour des gestes impératifs
chez le chimpanzé était stable dans le temps. Toutefois, une telle démonstration n’a pas
encore été apportée chez le babouin. Quatre ans après la publication de la première
étude (Meguerditchian & Vauclair, 2006), une réplication des mesures des préférences
manuelles pour la communication gestuelle est actuellement en cours sur un échantillon
commun à la première session ainsi que sur une seconde population indépendante de la
première pour évaluer la robustesse des patterns spécifiques de latéralité.
(2) Des données sur les préférences manuelles de deux populations de
chimpanzés en captivité sont actuellement en cours de traitement dans une étude sur le
geste communicatif « taper dans les mains » (appelé « clapping » en anglais) utilisé
pour attirer l’attention d’un expérimentateur en possession de nourriture. Afin de tester
l’hypothèse d’une latéralisation spécifique du système gestuel en comparaison avec le
système moteur, les patterns de latéralité mesurés seront comparés avec ceux recueillis
précédemment pour d’autres gestes communicatifs ainsi que pour les actions de
manipulation.
(3) Après la mort naturelle de babouins, les cerveaux sont prélevés
régulièrement à la station de primatologie de Rousset en vu de répliquer les travaux de
l’équipe de William D. Hopkins menés sur les corrélats neuroanatomiques de la
latéralité manuelle. Les cerveaux seront alors scannés par IRM (anatomique) afin
d’analyser ultérieurement les asymétries hémisphériques potentielles de différentes
régions. Une attention particulière sera ainsi portée aux cerveaux d’individus dont les
96
préférences manuelles pour différentes tâches (i.e., geste, tube, saisie unimanuelle) ont
pu être mesurées de leur vivant.
(4) Il existe malheureusement trop peu d’études concernant la latéralité manuelle
sur des populations sauvages de primates non humains, particulièrement pour les
comportements qui se révèlent être de bons marqueurs de la spécialisation
hémisphérique (e.g., actions bimanuelles, gestes communicatifs). En fait, les données
montrant une prédominance de la main droite à l’échelle des groupes en captivité restent
une source de controverses dans les discussions scientifiques. Par exemple, comme
mentionné dans l’introduction (section 4.2.), McGrew et Marchant (1997) soutiennent
l’hypothèse selon laquelle les patterns de latéralité à droite rapportés chez des individus
vivants en captivité seraient dus à un artefact lié à leur environnement social humain.
Ainsi, j’envisage une étude sur le terrain, au Sénégal, sur des populations de babouins
afin de mesurer les asymétries manuelles des comportements bimanuels et
communicatifs. Ces données permettront de déterminer si les biais en faveur de la main
droite mesurés dans des groupes en captivité se généralisent ou non aux populations
sauvages.
(5) Alors qu’il a clairement été démontré que la communication gestuelle des
grands singes était intentionnelle, il n’y a pas d’études rigoureuses ayant évalué le
caractère intentionnel des gestes communicatifs chez le babouin. Une étude est
actuellement en cours sur les groupes de babouins à la station de primatologie de
Rousset. Chez les individus capables de produire des gestes de quémande en présence
de nourriture inaccessible, nous évaluerons les critères d’intentionnalité, tels que la
97
présence d’un individu récepteur, l’alternance du regard entre le récepteur et l’objet de
l’intention, et la persistance du signal en cas d’absence de réponse du récepteur.
Ces quelques pistes de recherche nous permettront d’en apprendre davantage sur
les propriétés et la latéralisation du système de communication gestuelle des
chimpanzés et des babouins. Ces recherches continueront à apporter leur contribution
aux débats intenses qui animent la communauté scientifique à propos des origines du
langage et, plus globalement, des continuités et discontinuités entre les primates non
humains et notre espèce qui ne cessent de bouleverser notre vision du monde animal et
celle de nos cousins primates en particulier.
98
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Articles Annexes
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Article 4
« Préférences manuelles pour des tâches unimanuelles et de coordination
bimanuelle chez le babouin (Papio anubis). »
Vauclair, J., Meguerditchian, A., & Hopkins, W. D. (2005). Hand preferences for
unimanual and coordinated bimanual tasks in baboons (Papio anubis). Cognitive
Brain Research, 25, 210-216.
Cet article a reçu la mention "must read" par la base de données d'articles
évalués "Faculty of 1000 Biology".
121
Article 5
« Asymétries de la matière grise chez les chimpanzés mises en évidence par
la méthode d’analyse morphologique des voxels. »
Hopkins, W. D., Taglialatela, J. P., Meguerditchian, A., Nir, T., Schenker, N. M., &
Sherwood, C. C. (2008). Gray matter asymmetries in chimpanzees as revealed by
voxel-based morphology. Neuroimage, 42, 491-497.
123
Article 6
« Spécialisation hémisphérique à gauche des mouvements oro-faciaux de
signaux vocaux appris chez le chimpanzé en captivité. »
Losin, E. R., Russell, J. L., Freeman, H., Meguerditchian, A., & Hopkins, W. D.
(2008). Left hemisphere specialization for oro-facial movements of learned vocal
signals by captive chimpanzees. PlosOne, 3(6), e2529.
Cet article a reçu la mention "must read" par la base de données d'articles
évalués "Faculty of 1000".
125
Curriculum Vitae
127
129
THÈSE DE DOCTORAT, Université Aix-Marseille, 2009 – Adrien Meguerditchian
Latéralité et communication gestuelle chez le babouin et le chimpanzé : à la recherche des précurseurs du langage
Résumé : Les études comparatives entre les primates humains et non humains concernant les gestes communicatifs
connaissent un regain d’intérêt à travers les recherches sur les origines du langage. En effet, une théorie récente stipule que
le langage trouverait ses premières racines phylogénétiques dans la communication gestuelle plutôt que dans les
vocalisations. Elle s’appuie, notamment, sur (1) les liens entre l’organisation du langage et la communication gestuelle
dans l’espèce humaine (i.e., gestes accompagnant la parole, langage des signes, gestes qui précèdent le développement de
la parole chez le jeune enfant), et (2) la mise en évidence de continuités entre le système de communication gestuelle des
primates non humains et certains traits du langage humain, comme l’intentionnalité, la flexibilité d’apprentissage et
d’usage ainsi que des propriétés référentielles. Comme les fonctions du langage humain sont contrôlées principalement par
l’hémisphère cérébral gauche, la question d’une continuité avec la latéralisation du substrat cérébral impliqué dans le
contrôle de cette communication gestuelle peut être posée chez les primates non humains. Afin d’apporter des éléments de
réponse à cette question, l’étude des asymétries manuelles associées aux gestes communicatifs peut constituer une
approche indirecte pour inférer leur latéralisation hémisphérique. Au cours de cette thèse, les préférences manuelles ont été
mesurées pour différentes catégories de gestes communicatifs intraspécifiques ou dirigés vers l’homme dans des groupes
de babouins et de chimpanzés vivant en captivité. Quelles que soient les catégories de gestes, les préférences manuelles de
la communication gestuelle ont montré une prédominance de l’usage de la main droite beaucoup plus prononcée que celle
associée à des actions motrices de manipulation ainsi qu’une absence de corrélation avec les biais manuels individuels de
ces actions non communicatives. Ces résultats suggèrent l’hypothèse de l’existence d’un système gestuel spécifique à la
communication, latéralisé dans l’hémisphère gauche, dans ces deux espèces. Ce système pourrait ainsi constituer, chez
l’ancêtre commun au babouin, au chimpanzé et à l’homme, une prédisposition à l’origine du substrat cérébral du langage
spécialisé dans l’hémisphère gauche. Cette hypothèse est discutée à la lumière des travaux récents en imagerie cérébrale
anatomique et fonctionnelle concernant les comportements communicatifs des primates non humains. Enfin, l’ensemble de
ces résultats est confronté aux théories relatives à l’origine gestuelle versus vocale du langage.
Mots-clés : Préférences manuelles ; Communication gestuelle ; Spécialisation hémisphérique ; Origines du langage ;
Primates non humains.
Laterality and gestural communication in baboons and chimpanzees : searching for the precursors of language
Abstract : Comparative studies on gestural communication between nonhuman and human primates have been newly
investigated within a framework about the origins of language. Indeed, a recent theory claims that language may have its
first phylogenetic roots in gestural communication rather than in vocal behaviours. This theory finds supports notably (1) in
the links between the organisation of language and the gestural communication in humans (i.e., gestures produced with
speech, sign language, gestures preceding the development of speech in toddlers) as well as (2) the evidence of continuities
between the communicative gestural system in nonhumans primates and some features of human language such as
intentionality, flexibility of learning and of use, and some referential properties. Since most of the linguistics functions are
mainly controlled by the left cerebral hemisphere, the question of a continuity with the lateralization of the cerebral
substrate involved in the control of this gestural communication remains unclear in nonhuman primates. Thus, in order to
investigate this question, the study of manual asymmetries for communicative gestures might constitute an indirect
approach for inferring their hemispheric lateralization. In my dissertation, manual preferences have been assessed for
different categories of intraspecific communicative gestures and of gestures directed to humans in captive groups of
baboons and chimpanzees. Regardless of the categories of gestures, manual preferences for gestural communication
showed a predominance of right handedness that is more pronounced than the one related to manipulative motor actions as
well as an absence of correlation of individual manual biases with these non communicative motor actions. These results
suggest the hypothesized existence of a specific gestural communicative system lateralized in the left hemisphere, in both
species. This system might thus constitute a phylogenetic prerequisite of the left-lateralized cerebral substrate for language
in the common ancestor of baboons, chimpanzees and humans. Such an hypothesis is discussed in the light of recent
neuroanatomical and functional brain imaging studies concerning communicative behaviours in nonhuman primates.
Finally, these collective findings are confronted to the theories about the gestural origin versus vocal origin of human
language.
Key words: Handedness; Gestural communication; Hemispheric specialization; Origins of language; Nonhuman primates.
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