Les idées morales d`Horace - Actividad Cultural del Banco de la
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Les idées morales d`Horace - Actividad Cultural del Banco de la
Philosophes, Penseurs et Grands Ecrivains ~_ '..,.-.....-..-_...:...z:::.~-=.~ ~..----".'" .. ---_~ .~-,....,-~~"'~_ .. - =-- ...•.. --~.- ." __ - ----- Victor . _.'-'_~'_. -- .---.- __ ..••..... _- -"'-<:..-.-- GIRAUD Les Idées Morales d'Horace Dellxleme édtliOIt ... , Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES MORALES D'HORACE Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia DU MEME AUTEUR Paseal: L'}¡OlllnW, l'lI'llYJ'C, \';nflllcne.·. 3' ,·,ditioll. ¡'e\"lIC, cOl'l'i~(>e et (~tHlSidt.·~J':¡))It'rneHt angnlentée. 1 vol. in-16, Paris, ,\. Fontell1l)ing3 fr. :;0 Essai sur Taine, son ceuvre et son infiuenee, u'apri,s ues donllll"lIh iné(lits, fl\"(~I, des ext.r'tits de 40 nrtides de Tainl' non ¡·""tlCil!is dalls se!; lI'u\'res. Ou\'rag'l ('ourllflIH', ('al' )'''\c:<d"mi., fl'alll:aise (l'rix BOl·din). :1- ,,,litioll, rcvu.? I \,,,!. in-16. I'nris, Hadwttc 3 fl'. :;0 Bibliographie critique de Taine, ~. i,dit.il)n rL'l"ollduú, 1 \'01. in-K" d" la Hi'¡liolheqlle '{es (J,'/¡{io(/{'(lphi", I',.i¡i,/ues. Paris, A11'}¡oflse I'i"artl. 5 fr. La Philosophie religieuse de Paseal et la Penséecontemporaine. ·1' édition, l'l'nl<:, (,()ITi~""c et allgmcntée, ILJroe}¡u¡'e I'ctit. in-!l>, Paris, Blolld O fl·. 60 Sainte-Beuve. TalJle alphal)l~t;'lIlC el. anal.di/{u" des Premie,·s [.1(1/1118 R\'f(re el ['II/'troi!s et .•.• f}ft (l'ar/,{' Call1lann-r .•.·\'\· Ch·ateaubriand. "onlempo,'ains,aH": \I'lcF(lu/esurSainte('/'itir¡tte, ~~ l·ditíOll, 1 \"pl. ill·lu. Pal'is. :l fr. ;,U J·;tur/"s {itt(;"(lil'e8, J \".-.1. i 11- ]\i. Hachette 3 fr. ;,O Chateaubriand .\']'\1..\. HeprocltlO'tilln ,In I\~dit.ion origíllale a\'ec unú Etlu!e sur lrtjo:ulle8.'le tic Chateaull/'iand, d'al'ri:,~ de~ ,lol'uments ill(·,dit.5, 1\'01. petit in-1K. _\. Fontcl11oing 3 fr. Opuscule~ ehoisis de Paseal, '-·Jiliull noun:ll,: re\"ue sur ¡('s matlus('r¡ts d ks Il\elll,~urs tl>:dc<, al'c<' utle llltrolll1l:tlOn l'l. des note5. :¡- ,·"liti,'n. B!Ol\lI O fr. Go Pensées ehrétiennes et morales de Bossuet, ,··.lil.ion tlOU\'l·lle, I'C\,Ul' sur les Oleillcnrs 1.""tes. al'C<' un •. íntl'llduetion ..t. ¡J.lS uotes, :~' "d¡tíOIl. Blo(¡d , () fr. (iO Anticlériealisme et Catholicisme, 1 IJI'ol'll!ll'C, petit in-Hi (Q(Il'~t.jO/lS du jUlll') 2' é,litíO/l, BlllUd 1 fr. (;0 Livres et questions d'aujourd'hui, 1 In!. iu-IO, Hal'hett •. :1 1"'. 50 Pensées de Paseal, ,"dition noul',,]},? rc\'nl' Rur les manu»ITits (·t le."i I)lt~i\leul's tl'-:\.tes, n\"tl{~ 1111(~intI'odlll'tÍnll eL dc;.; notes,· :1' ,-,(jiti(ln, 1 \'01. in-tu, Blllllll· ') fr. ~O. Pensées choisie, de Joubert, sllilil"~ dI> !l,;{ll';ciolt.'i, fJeIl8"e.' et 1JHLCinll'.<{ de Chatellu!JJ'ioi/,!, cl\"ef'tllH~introdlh't-ioIl l't dC's notéR (ponr par"ltr" proc]¡ai,,,,ml'Ul Ú b librairi,; HloUtl). Il fr. Gil Ferdinand Brunctiere. :\"(,tp.s d SOUt cllil's, I \'01. .'l!tL-< p"t',>;,'" (p,mr I',,,·,¡itl'" il h liill'ai¡'i,' Bloud). I>~n .,r.(·f)!U'atlon : Le Christhni>me de Chateaubriand: les (ll'I~II¡CS, 1,<"",111tion, ¡'i\lIl\l<'¡(O'l!. ¡';//lIle "riti'l'u' -'tU' l'lti.'/Ilire des irll;,'s Icli!};e(t~t's '¡({1l~ d¡_l'-ne((ri(~II/(' Lamennais, lu son ¡iu(;"(ftaf'e sí(~I·{ll~ •. \ ceuvr3 '11" ,··t"· ti,· ..· ;)1)(lx"mpbir,'s "'nd,', "'1 I'ri" (J,> 5 fran"". )/·(I/u;ai ...• e dt'$ (U r.-hnitÚ;lIu.: ct la iihr:drie lI:tl'IIf~ttl'. ct son temps. \1011 nlllll,"¡'ot('s Slll' p"l'i,,¡' de 1101- Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia fPHILOSOPHES, " PENSEURS eL GRANDS ~RIVAINS-I ~ ~, Les Idées i I morales d'Horace 1¡ I'Alt I "'ictOl· GIRAUD o' • l'rol'esseur il l'Cni\"crsité I eJe Fribourg (Suis~e) I¡ I i I I ! PAHIS L 1TI n A 1 n 1 E B L O U D 4, RVK MAD.UII~, & CJe 4 HJ07 Reprotuction et trnduc~iuninterdites. C/~T !'.LOC.AC! O ;-] Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia Les Idées morales d'tIorace ----.---------- .. ----- ---- .--. - ---- Quand Oll prononco devallt 1l0US le mot de moraliste) ee mot évoque aussit6t anos yeux de graves et austeros images qui nous en paraissent le cortege inséparablt~. Il y a de ce phénomene une double cause. D'ulle part, les progres de la pensée et les exigences de la vio modorne nous ont appris a toujours associer les notions de moralc et d'etfort ; oí 1'oJ1'ort,nous en faisons tous lesjours la douloureuso expérience, s'accommode peu de ]a joie. D'autre part, IlOUSavons tous été formés á l'éco)e de ees éerivains exquis) de ees penseurs originaux et profonds, de ces observateurs tristes et san s illusioll, qui s'appellent La Rochefoucauld d Paseal, La Bruyere ot Vauvenargues. C'esí Ú oux que nous réservons le titre de « moralistcs», et ]0111' ceuvrc nous parait constituer un «genro» si heureux et si parfait, que nous avons peine a coneevoir qu'on puisse traiter de morale sans l'adopter. Ni ]e gen re, ni les hommos n'aurai(:nt peut-Círe joui d'une aussi Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 6 LES mÉES "lORA LES n'1I0RACE grande fa.veur parmi les anciens. Non qu'il n'y ait eu chez eux des moralistes austeros: les noms de }'Iarc-Aurele et d'Épictetc seraient lá pour nous répondre. 1\[ais d'abord, ils ne séparaient pas COlll!ll~ nous la momle des autros recherches intellectuellcs ; ils ne la confinaient pas dans un genre spécial; elle pénétrait dans leurs ceuvres, a'y insinuait d'une fugon plus ou moins profonde, jamais, ou bien rarement, au point de tout envahir, En second lieu, i1s eussent été effrayés peut-6tre des diflicultés don t nous entourons le devoir; ils nous eussent reproché notre tristesse et peut-etre nous eussent-ilg accusés de pédantisme; volontiers, sana doute, ils auraiont dit de notre vertu ee qu'en a <.litplus tard l\lontaigne, qui en fait un tres maussadc portrait et la déclare un «pUl' fantosmo á estonner les gens ». Venus a la jeunesse du monde, vivant au grand air, sous le plus doux et le plus radieux des climats, entourés d'esclaves quí travaUlaient pour eux, l'existence leur paraissait plus souriallte, et ilsfaisaient Inoins d'efforts que nons pour la viyre. De la leur sérénité et Icur gaieté quand Hs auordent les questions morales. Elles les préoccupent cependant; et si le nom de moraliste convient surtout a ceux qui, ayant agité quclques idécs dans leur vie, ayant Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia observe longuoment (lt curieusemcnt les hommes el les choses, ell rapporlent b con víctiotl qne le poiat de \"IlC lUoral ost le seul auquel lo monde mérite d'etre cIlvisa;.;-é et lui UOIlllcnt cn fin (le comptc la place d'honn0ur dans bien des ancien;.; méritent ca titro lcurs iBuvrcs, que nous asso- cions plus \'olontiers d'ordinairr, Ú Lt \'t:n'c indignee, 0\1 Ú l'amcrtllme ironiqllc. Parmi Cl1X, et uu premier l'ang, iI faut mettre IIoracc, Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 1 Moraliste, en effet, Hl'a été toute sa víe et dés la premiére heure. Les premiéres poésies qu'il eomposa furent des épodes, dont quelques-unes déja. sont satiriques. Puis vinrent les satires proprement dites. 01', la satire, telle que 1'0nt con(;ue les Romains, est un genre essentiellement moral: c'est á la pratiqlle qu'elle tend, e'est la réforme des mreurs qu'elle vise, et depuis Lucilius jusqu'a Juvénal, toutes les reuvres satiriques it Rome ont eu ce commun earaetére. Rien la, d'ailleurs, qui doive étonner, surtout chez un peuple positif commo les Romains. Oll ne se moque, en réalité, que de ee qu'on n'approuve pas. Mais approuver ou bl;lmer, e'est porter sur les hommes 011 les actes humains un jugement moral; et quand ce jugement est défavorable, n'est-ce pas avouer, au moins ímplicitement, qu'on a un idéal supérieur? De lá a exprimer cet idéal moral, il n'y a qu'un pas. Ce pas, les satíriques romains l'ont presque toujours franchi, et les préoccupations morales étaient trop vives chez Horace pour qu'il ne le franch~t pas assez t61. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia {.ES IDf;EB ~IORALES O'IIORACE 9 Cela esí si vrui que, des su seconde satire, la premiere n'étant qu'un jeu d'esprit [Sat., I, 7], le besoin de moraliser, de donncr des conseils pratiques apparait déjÚ : il rappellc á la nature: il veut q u' ({ elle mette une borne aux passions (1)). Et pourtant, Horace est jeune; il a 2~)ans ; toutes les passions de son Úge, illes ressent, i! s'y lin'e, et, selon toute apparence, de f"(jon á mériter Juime me l(~sreproches qu'i! adresse il ceux <¡ui sont immoderés dans kurs jouissances. C'est le temps oÚ il compase les deux épodes les pl us intraduisibles de son muno [Epod. H et 12~,et iln'est pas jusqu'á eette satire memo, ou les tendances morales se maniCestent déjÚ, qui ne nous revele sur ses Illmurs maint détail plus qu'équi\'oque. 11 faut done que les preoccuputions morales soient bien invincibles en lui pour qu'elles se fassent jour ainsi, meme uu plus fort des passions de la 1) s"ó., 1,2, e, 7:1-7(;; 111-114. At (IU<llltOllldiol'a llllmet, pugllantia ¡slis, lJi \',;S opis llatur'a SlI'1" tu si 1110<10 I'eele Uispell-;al'c velis, ¡ti, 110lJ fu;:iéll<la petelldis IlIllnis',el'c, .... , , ..• :\Olllll; ('upidíllíhus slatuat ll:llUl'U lllodulll 'luem, {hi<l lalul'a s¡f,i, 'Jllid sit rlo!itul'a lIegatum, (~u;"l'el'c l'lu'i pl'o\¡,~-;t, et i!lill"! at¡SCilltl';l'l: :soldo t Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 10 LES 1D1~ES ~IORALES \)'1I0RACE jeunesse. No::!épicuriens modernes nous ont géneralement habitués a plus d'insoucianee. CcHe morale des premieres annécs est, il faut l'avoue1', un peu rudimentaire ; du moins, ella n'a pas l'élévation poul' trait dominant. Cependant, elle coutient en germe la plupal't des idées qu'Horace dé\'cloppem plus tard avec complaisance, et cela nous prouve que la pensée du poete n'a guere varié sur ce point. Frappé des divergences qui éclatent dans la eonduite des hommes, Horace s'irrite de eeHe Ji\'ersité; elle l'inquiete, ella le trou1>le : riell de fixe, den de S('l1' autour de 80i; et pourtant, il faut bien s'arréter a quelque Ch08C pour etre heureux. Ce besoin J'introduire l'unitó dans ¡'orurc pl'atique est des plus caractérisques : il marque au plus haut chef l'intention morale chez celui qui l'éprouve : ear, si la morate n'est pas universelle, faite ponr tous et bonna pour tous, si ella n'ast qU'une simple rÓgle d'action valablc pour un seul individu, ca n'est plus la morale; elle n'a aueun d1'oit sur nous, et elle ne peut nOU8 imposer aueune reelle obligation, C'est ce qu'Horace a senti mieux que personne, et voila pou1'quoi il a si souvent railIé I~ <liversité <les opinions humaines sur la meilleure conduite á suivre pour etre heu1'eux. l\Iais íl ne s'en tient Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 11 [las ;t cette ironir¡ue constatatioll <¡ui a défrayé tant de foís les ouvrages des 8ceptirlues de toutes les école- .• \ d8f"aut (l"un systémc de momio dogmatiqnc, cc (IU'illH: raudrajamais lni deman(ler, ilnowl llonne queI'lues cOllseils prati'llleS dont tout le monde, cro,t-il, pont faire SOH profit. Ces consoils se mmenc:llt ¿'t un seu], Pou!' iHre hellreux et tranr¡uíllc, il [¡wt se garder C'est ¡ti un précepto le poó:e a tonjours reuvres Dans I:lO xrrr, dé\'cloppée íl millo aut.ant systeme fjll'il natur0llc on pCllt que los précisant. avcc est déjÚ finesse l'indulgetlCé. pour est susceptiblc connll, HO q ne toutes qll'il nOllS faut rctenir do ~ympathíc des doctrines vont ne q ui preche Ú. le sait, ;t mCSllre les traíts sonl. éga1cil, el. il exhorte inclieation on l'idée du rarpe rliclil (1). Aillellrs, Sé\'éri té stolcien tel l'excmple. linéamollts Peu á peu, succe-dent, l'épodc auquel, Hlljoindre Tels sont les premienl morales d'IIoracc. excés: memo en ce r¡ui r,-,;;arda est le nx:m de la llature, l'amonr. de tout C'est une : lIoraee a peu le storcisme, d'etr'e orienté le rlirc la [es fautos et, vers un Úpicurien. N'y (1) J~'flod, X JI r, e, 3-;, : }{aphlHltl=-" ()('l:a~i()IH:1ll de EL d"rel, di,', ol.Hiucltl dUIll(lue soh'atul' \lIHtel \"il,,'¡jl g.mu~, fl'Ollt'l SCl1t!r:l'lS. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 12 LES IDÉES ~IORALES D'UORACE eut-i), d'ailleurs, que les imitations qu'il fait de Lucréce dans sa seconde satire, cela suffirait presque a nous le prouver O). Oll pourrait, en suivant l'ordre des années, étudier dans l'reuvre d'Horace le développement de ses idées morales et marquerIesétapessuccessives de sa pensée. On observerait aisément que ce développement a été continu et logique, je suis tenté de dire harmonieux : dans la pensée d'Horaco comme dans sa vie, il n'y a. pas de« crise », pas de brusque changement; l'unité qu'elle nous présente n'est pas artificielle, voulue et imposée du dehors; elle provient, au contraire, d'une uatura un peu superficiella sans douta, mais riche et heureuse, souplo et indépendante a la fois, qui trouve en elle-meme sa regle et son propre principe d'action. C'est l'impression derniere qu'on emporte de la lecture d'Horace. Moralista et artiste tout ensemble, ilu'a jamais sacrifié l'art a la morale; il les méle et les unit étroitement: s'il ambitionne la gloirc lyrique, c' est sans doute pour rivalisar avec les classiques grecs, mais c'est aussi pour iIlustrer á l'occasion par des imagos nobles ou gracieuses les préceptesmoraux, les exhortations qu'il adressc a. ses amis ou ases (1) Sat., 1,2, c. 38-54; - Lt;CRi;CE, IV, u. 1115-1166. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÍ';ES ~IOIULES n'nORACF. 13 contemporai ns. n s'exerce, en un rnot, déjá dans ses odes familieres au role de moraliste aimablc, de conseiller délicat et ingénieux qll'on lui voit tenir dans les Épltrcs et qui fut peut-etre sa véritable vocation. C'est, en eJ1'et, dans le premier livre des Épitrcs qu'il fatlt chereher l'exposé le plus complot de la morale d'I1oraee. Non qu'il y Boit plus dOi!:matique qu'a l'ordinaire: Horace n'a jamais été dogmatique; il a horreul' des affirmations trop absolues : je ne sais, au cas oÚ on l'eut mis en demeure de choisir, s'il n'el1t pas préféré le scepticisUlC meme uu dogmatisme. Les systemes trop tranchants ne 80nt pas son rait; ils Iui paraissent eontenir plus d'erreurs que de vérités : en tout eas, la vio pratique leur donne de si fréqucnts démontis qu'il s'en déf1e Ú. justo titre. Pour lui, il n'est jamais bien sÚr ¡¡'avoir raison; il souffre des contradictions en lui-meme comme dans les autres, et il lui répugne de vouloir á tout prix toat eOllcilicr. De lá les atténuations qu'il apportc sans ccsse á sa pcnsée, les allégories ou les rabies, les breves et spirituelles saillies dont il se plait á l'cnvclopper; de la surtout l'éternel sourire qu'on lui dedne aux lévres, méme quand il parle sérieusement, et qui melc une ironie si attique á ses plus gravos théo- Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 14 (.ES ID~:ES ~lOnALES n'1l0R.\C¡'; ries. ~Iais, pour etre discretes et parfois voilées, ses idées morales n'en ont pas moina leur réelle valeur historique. Horace a envíron 40 ans au moment oÚ il compose ses premieres épitres. A cet age, on est revenu des illusions trop vives de la jeunesse: déjÚ, l'on entre\'oit la vieillesse au delá de l'horizon borné de la maturité ; la vie n'a plus guére á 1l0US apprendre; notre expérience des hommes s'est enriehie autant qu'il était en elle; <lésormais, ellc eessera ses conquetes, et le temps est ven u de fairc le départ entre les mauvaises et les bonnes aequisitions du passé. Les idées se fixent et s'assagissent : on sent qu'i! ne faut retellir d'ellcs que celles dont on aura besoin pour le reste du voyage, et dont on a soi-meme 6prouvé déja la valeur pratique. En un mot, le moment e81 bien choisi pour un sincere examen de conscienee philosophique ou moral. C'est a l'étude d'un examen de ee gen re qu'lIoraee para1t nous convier : il nous en fait lui-meme les honneurs avee sa bonne grace habituelle. Il semble bien que ee rut la lectura des poetes, et en particulier d'Homere, qui le tourna définitivement du eóté des questions morales. C'est du moins ce qu'illaisse entendre daos la charmante Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LF;S IDEES MORALES I)'HORACE épitre qu'il adressa a Lollius (1) et 011 il conseille aujeune homme la lecture de l' lliadf' et de l'Odys. sée pour y puiser le gout de la sagesse. Le guido ótait,:l eoup SU1', des pltl8 engageants; mais IIorace eut·iI trouvé dalls le vieux poMe des lec;ons d'uno si fine moralité, s'il n'avait pas eu la fermo intentian de les .v découvrir, !':i, en d'alltres termes, la préoceupatioll Illorale n'était pas déj:'t vi\·cment éveiJJée en lui'? II est au moins permis (}'en dOllter. Qlloi qu'i1 en soit, c'eat dans Homere qu'á la fa~on des stolciens, le poéte prétend trollver un exemple des différentca manieres dont se ecnJuisellt les homrnes: e'est aux amant.'; de PéJélope, aux courtisans d'Alcinoi.is « uniqllemcnt oeeupés de leur corpa » qu'il compare, pou: la bliimer, «la fouJe neo poar jouir des LienH de la terre». 01' cette foule, ce 80nt Jes épicurier.s de moollrs et d'habitlldes,« les poureeaux d'Jépiel:Te», comme il dit ailJeurs lui-meme (2). Ce LJiune, d'aillcurs íronique, est done un Jésaveu des principesles plus chers Ú I'épicurisme. El, de fait, I'épitre toutentierc estd'inspiration stoIcicn ne; elIerespire une morale élevée et sé,'ere. 11 faut, scutient (1) Epi.st., 1,2. (2) EfHst., 1, .1. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 16 LES ID~:ES ~fORALES D'UORACE Horace, étutlier de bonne heure la sagesse, ROUS peine d'avoir a s'en repentir plus tardo Toute la víe, en elfet, se ressent de eette étude : cal' e'est la sagesse seule qui apprend a bannir le désir et la crainte, - les deux maux stolciens, - et a commander ases passions, eondition essentielle pour étre heureux. Chrysippe et Crantor n'auraient pas mieux dit, et il faut croire, en dépit d'Horaee, qu'ils étaient moins étrangers qu'Homere a ces nobles idées du poete. Parti de l'épicurisme pratique, Horaee parait done incliner maintenant vers le stolcisme. Mais il n'ira pas jusqu'aux dernieres conséquences de la doctrine j il n'imitera pas la passíon spéculative avee laquelle les stolciens reeherehaient la vérité. Il a bien soin d'en prevenir son jeune ami: il lui faut plus de modération dans la sagesse, et il termine par eette profession de foi : « Si tu restes trop en arriere ou que, dans « ton ardeur, tu me devanees, ne compte pas « que je t'attende, ni que je cherche a te rat« traper (1). » (1) Epist., 1, 2, O. 69-71. •.. Quod si cessas, aut strenuus anteis, Nee tardum opperior, nec prrccedentibus insto. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 17 C'est qu'au fond, Horace n'est storcien qu'Ú demi ; il n'a guere que des vclléités de stoi'cisme ; il admire volontiers cette grande ct pure doctrine ; il sent qu'oll lui doit tout ca qui reste d'energie dans les ámes romaines) et que, si le salut de la morale est quelque part, il cst lÚ. )Iais l'effort qu'elle impose Ú la volonté cst trop rude, ct) d'ailleurs, qui sait si cette théorie cst plus vraie qu'une autre ? .. La premiere epitre, l'une des dernieres uu li\'re qu'il ait vraisemblaulement éerites, et qu'on peut considerer comIlle son testament moral, nous est un curieux et caracté .. ristique témoignage de Son indécision philosophique. Le poete avoue :'t :\Iécene qu'en vieilliHsant, il a dit adieu Ú toutes les frivolites q li occupaient Ha jeunesse: les problemes morallx 1'ont pris tout cntier, et il amasse désormaís pour les besoins de l'avenir. Mais il ne faut pas '.ui uemander á quelle éeole il s'est rallié: « Je ne me ({ suis engagé, dit-il, ájurer sur la parole d'au(~un « maitre; partout oÚ me porte le vent, je « m'arréte, hote passager. Tantót j'embrasse la « vie active, je me hasarde sur la mer orag¡~use « des affaires publiques: je suis le gardieu) le « sectateur rigide de la vertu véritable. T8,ntót « je me laisse doucement retombel' dars la Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 18 LES IDÉES :llORA LES D'IlORACE «doctrine d'Aristippe, et je m'elTorce de me « soumettre les choses du dehors, non de me so u« mettre a elles (lJ. »On a reconnu 1á les deux doctrines philosophiques qui se disputaient a10rs la faveur des esprits éclairés, le stoi'cisme et l'épicurisme. Horace fIoite de Pune a l'autre, et flottcra toujours: son aveu sur cc point eat décisif. Sans doutc, il n'aura plus pour les philosophes du Portique les railleries cruelles qu'i! leur décochait si sou vent jauis. nleme, on peut dire qu'il. mesure qu'il vieiHít, il devient de plus en plus stolcien: jamais comp1etement, cependant. Dans la meme épitre, il fait de la philosophic un éloge vraiment enthousiaste. Ellc tient licu de tout: elle regle la conduite, elle consola, elle guérit toute8 les passíons, l'amour de la vaine gloire, la cupídité, l'envie, la calero, la paresse, l'amour du vín et de la débauchc: il n'est, en un mot, aucunc passion, si violente soit-elle, sur (1) Epist., 1, 1, v. 14-20 ; Nullius addictus jUl'arc in verba magisll'i, Quo me cumque rapit tempcslas, deferor hospes. NUl1cagilis no, et mersor civilihus undis. Vil'tutis vel'ea custos rigidusque satclles ; Nunc in Aristippi fUl·tim prrecepta relaLor, Et mihi res, non me rcbus subjullgcre conor. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES WÉES ~I()I{ALES U'nORAC¡'; laqueIle el/El ne pUiS8C oxcrccr uisciplo do Zénon n'ctlt pas tonu un autre Et en regard sagesse, de ectte souveraine i! oppose humaines: ectto ne l'irrite memo trouvé son 19 puissance !'inconstance des avec uneccrt.aine tilions pitiéanalogue qnand i[ déplore dos hommos de la opinions pas, ello ¡>a:-l hOll ': N'a-t-il le reml~de ? Et s'd g'en moque, Lucreco langa,;e. foii", elle !lO le trouble paso A ljlloi Un empire. e'e~t plu ~ut Úeelle qu'éprouve ks u\'cugles et souhaitc supen,- do !cur COIUIUU- niquer sa foi dans la vérité qu'il a cOlllluise. El la piece se termine par un magnifique portrait uu sage ( libre, qu'au seul ,Jllpiter; il a II's honneurs, ( des rois « quand dernier ; surtout le r:lIlme Horaco il scrait la beallté; no l'illcollllnoJe Ad e'est ras (1). dupe de son admiration ne sont le roi » Le tentl~s tcmp')- uu contraire. pas ironique:l, 1,1, u. 105-10~. SUlllmUIIl Lihcl', n'(st il ESt a ruerveílle si IlOIlS étions lá pOllr nOllS avertir Si les vers qui précedent (1) Epi,.;t" le sage il e:st riche, il se porte trail est significatif: de croire raire, : « En sommc, stoicien (( inférieur : sapiens hOIIOI'¡¡lll:';, PI';pcipue sallUs, UllO pulclIer, millO!' cst Jove, d,\"es, ¡'ex. dellique ¡¡¡si fj'lUIll pituita ¡'cgull! : Il,ulesla ..,st. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 20 LES IDÉES ~IOHALES U'HORACE ils ne sont au moins pas d'un adepte qui ne rait aucune réserve, Horace est done éclectique en moral e, de son propre aveu; et quand bien memo il ne nOllS le dirait pas, il nous serait facile de l'induíre de ses reuvres. Mais cette sagesse, a l'étude de laquelle il veut consacrer ses dernieres années, quelle sera-t- elle? Sur queJs principes doit-elle reposer '? Quelles obligations impose-t-elle '? Et quels en sont les résultats pratiques '? Car l'éclectisme ne peut etre qu'une méthode : il conduit a l'adoption d'une doctrine. QueJIe sera done cette doctrine? lci, il ne faudrait paR prMer fiU poete une allure trop systématique dans l'enchainement de ses idées: ee serait bien plutOt dénaturer sa pensée que de l'interpréter librement; et si 00 la lui eut présentée sous ceUe forme rígide et dogmatique, qui sait s'il n'eut pas été le premier a la désavouer ~ C'est Sl1rtout quand il s'agit d'l1n mobile esprit comme Horace que la critique doit se faire souple, conciliante et \'adée; elle doit en quelque sorte se modeler sur la pensée qu'elle ex pose, en suivre les contours et le subtil ondoiement, en reproduire, en un mot, jusqu'á la vio intérieure : si la logique y perd quelquefois, la vérité historique y gagne toujours. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LE;; IOÉES \f0R,\LES D'HORACE 21 Cosí dans l'ép1trc Ú Numicius qu'on peut trouV8r ce qu'on appellerait volonticrs, si le mot n'était pas trop ambitieux pour IIorace, les príncipes de su morale. De toute la piÓce, en eITet, il ressort clairernent que le hut unique de la de est le bonheur: 1", p!lilosophie ne saurait done avoi¡" de meilleur emploi que la l'echerche de ce bon·· hcur. Croit-on que l'ar;;ení, la puissance, la bonno chere, l'amour peuvent en assurer la possession 'l Qu'on essaye donc d'acquérir ces bieng. Horace, d'ailleurs, ne ['cut se résourlrc ;\ Icur attribuer un aussi grand pouvoir. Ases yellx, la "ertu seul€ est capable de rendre I'!lommc heureux. l\lais en qnoi uevra-t-elle consister? A ne s'émouvoir de rien, a n'éprou\'cr ni erainte, ni uésir: telles sont les conditions primordiales de la vcrtu, et, par conséquent, uu bonhcur. Au reste, il no faut pas que le sagc exagere ses principes et recherche la vcrtu avec trop d'ardeur: le poete, dans ce cas, aimerait mieux renoncer á la sagesse. C'est qu'en effet la crainte et le désir reparaitraient aussitOt, et le bonheur s'évanouirait en méme temps. Une "ertu moyenne, «ennemie professe et irréconciliable» de tout excés, telle est, cn uerniere analyse, la solutioll proposée par IIorace au probleme du bonheur; il la eroit sans doute la Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES mÉES "ORALES n'HORACE meilleure, mais il ne voudrait pour rien au monJe l'imposer, surtont ases amis, et voici son dernier mot: « Si tu connais quolque chose de mieux, «fais-m'en part avec franchis~; sinon, partage « a.vec moi (1). » Cotto sagesse, si modérée et si prudente en théorie, est, en prati(/lIe, tout uimable et touto souriunte. Bien loin de proscrire le pla.isir, elle accueillo UI1contraire, - avec une indulgence qui nous scandaliserait nous autres modernes,tout08 los jouissancos de la vie ; elle l.ie contente de leu1' onlever cc qu'elles ont de brutal, j'allais Jirc de roturicr; elle se souvient trop de sos origines épicurionnes pour qu'il en soit autrement. Et, de fait, elle contient un reste d'épicurisme qui reparait souvent et s'avoue meme par endroits. Horace adresse un jour á son ami Torquatus une charmante invitation a diner: le billet, il faut l'avouer, est plus aimable qu'austere. A quoi bon sedonnertant de peine pour acquérir des richcsses dont on no jouira pas? On reconnaít bien la l'auteur de l'ode célebre au meme Torquatus. Que celui·ci s'échappe done, qu'il vienne joyeusemen t (1) Epist., 1, G, v. GG-G8. Si quid Jlovisli l'cctius iSlis, Candidus impcrti ; si llon, hi~ UlCl'C lllCCU1l1. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES \fORALES D'HORACE fes1.inpr avoe le poMe. On boira <1I'U,« all risgue m(!mc de par¿lltre peu sage », et c'est son hato qlli llli en donnera l'exemple. Pútarc Incipinm, patinrqrH' ct sp:lI'ge¡'e flor,'s \"el irwollsu!tns Imbcri (Epist., v.) Suit un élogc tIc l'ivresse que Socrate eíH peu:étre éerit, mais non pas l~piet(~tc. Dans l'épitre a Tibulle, Horace est plus net encare: « Au milieu « de tes espérances, de tes craintes, de tes soueiE, « de tes emportements, dit-il Ú son ami, regarde « cornme le dernicr chacun des jours de ta vio. « L'hellre que tu auras par sureroit te scmblera « une gri'lce inattendue. Si tu vellX rire, viens me « visiter; tu verras un homme dodu, luisaIlt, fort « soigneux de sa peau, un pourccau du troupeau. « d'É:picurc (1). » Quanu OIl professo si som'cnt el. si joyeusemcnt le ca7'[Je dieJil, on nc saurait etrE un moraliste bien rigide. Il est, en etTet, bien des accommodements avec Horace, ot sa vertl! sait se plier sans raideur aux O) Epist., 1,4, r., 12-1u. Olllnem cl'c<!e dielll tibi diluxissc sUprClIlUIl1: Gr'ak supe¡· .•.cllict, qUt\~non sperabitul', hora. Me pillguem et Ilitidum bene curata eute vises, Quum ¡'ide¡'c voles, Epicul'i dc gl'CgC porcurn. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 24 LES lDÉF.~ ~(()RALF.S D'nORACF. circonstances. Il conviendra aisément que si 1'0n tient a etre libre et á ne dépendre que de soi, il faut vivre a la eampagne, loin des grands et de leur eompagnie. Mais si Pon est plus soucieux de ses intérets et qu'on trouve quelqllc avantage a [rayer ave e les personnages les plus ínfluents, le poete est loin de s'opposer á un genre d'existence qu'il asu si bien pratiquer lui-meme. Meme, il a, sur ca point, tout un ensemble do préceptes a l'usage de ses amis, Scrcva ou Lolius. Fidéle ases idées de mesure et de juste milieu, il croit qu'on ne doít pas plus, aupres des granJs, sacrífier sa dígníté sous prétexte de gratitude qu'affecter de rudes et brutales maníeres sous prétexte de franchíse. Accepter avec modestie, mais ne ríen réclamer avec impudence. etre complaisant sans bassesse, prudent sans servilité, voila ee qui réussit auprés des riches et puissants Romains. O'est, d'ailleurs, une théorie qui se reeommande du nom d'Aristippe et qui parait á IIorace bien préférable a celle des sto'iciens ou des cyniques dont il trace un plaisant portrait, quand il parle de cette « rudesse sauvage, rebutante, importune, « qui croit se faire valoir par des cheveux ras, des «dents noires, se disant elle-meme la liberté Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES '!ORALES n'I10RACE « pure, la vortu yéritable (1) ». Aristippo, en elfet, tout en ne He piquant pas d'un si bruyant dé¡lintéressement, aurait pu s'accommodcr de toute condition, ee que ne saurait faire le eynique, lequel a bCHoin de faire montre de sa préten:lue ycrtu, Or, c'est eette parfaite égalité d'humeur que le pocte estime avant tout. S'il définit la vertu« un sage milieu entre deux exccs opposés (2) », et s'il en fait ainsi l'application :tIa \'ie pratique, c'est qu'ello assure la tranquillité do l':lme, et c'est ausi'li parce) qu'ellc permet de sc consacrcr:L l'étude de la sagesse : ear, il a bien soin de le rappeler :t ses amis, me me :i. la cour des grands, il faut trouycr du torops pour cultiver la philosophie: n'est-elle pas le but le plus élevé ot l'emploi le plus noble de la vie ': Sans doute, ello n'interdit pas d'llser des jouissanees légir.imes, mais ees jouissances n'ont tout (1) Rpist., 1,18, r. ::J-D. Est hui(~ divc¡'sum vilio ViLiulll prope majus, '\spcl'ilil.S agl'cstis, l:t illCOlJcilllJa, I;r'il.visr¡ue, QU:t' S(~COllHI\Clldat turIsa cute, llclltiflUS atl'i>l, IIllln vult lillcr'las dt(>i llleI'a, vr>raquc vi!'tus. (:?) Fpist, , 1, 18, e, lO, "il'tus cst IllcdiullI vitiol'UIll, et utl'in'lue 1'C'duC'tum. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 2G l.ES mÉES :\IORALES O'HORACE laur prix qu'autant qu'elle s'y mele et les pénétre de son délieat parfum (1). La eulture philosophique ainsi entendue n'est pas seulement utile a ehaeun en particulier; elle est utile ;lla patrie elle-meme. C'est ee qu'Horaee laisse entendre dans l'épitre eharmante adressée á son jeune ami Julius Florus, épitre pleine d'affeetueux intéret et de diserets eonseils : « Faisons«en au plus tM notre oeeupation, grands et petits, « si nous voulons vi "re chers ;\ la patrie et sur« tout a nous-mémes (2). » - Ainsi done, )'intéret social, comme le bonheur individuel, est engagé dans l'étude des problemes philosophiques. 011 ne saurait faire la part plus belle, on le voit, a ces recherches qui jadis avaicnt tant inquiété le vieux Caton. Il est d'autant plus nécessaire de faire eette observation qu'IIorace n'a pas pour habitude d'associer« les petits » aux jouissances de la spéeulation philosophique. Sa moral e n'est pas faite pour tous, ct il a trop sou vent exprimé son facheux mépris á l'égard du vulgaire pour tenir granel (1) Epist., 1, 17, 18. (2) Epist., 1, :1, 1'. 27-2Í'l. Hoc opus, hoc studium paf·vi propcI'cmlls Si patrio)' volllmu;;, si Ilobis ViVC1'C,~ari. et aml'li, Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES ID¡::ES ~fORALES n'1I01UCE eompte des idées morales de ee dcrnier. Quintius Hirpinus pas'lc pour heureux et sage ; ¡nais e'e ••t I'opinion (le la foulc: le poete a grand'peine :\ eroire qll'clle puisse etre fondéc. Le peuplc, ~n elfet, a eoutume de proelamer sagcs ecux qui le f1attent: ses jugements f;ant done toujollrs suspeets. II faut s'afTranehir des idées conrantes, il faut iHre ~age pour soi seul, an reganl (Il~ la seulo raison. Ce n'est paR etre vertneux que de f,Lire le bien par crainte du ch:ltim\~nt. TOLtCR les fautes étant 6gales en elles-memes, ec qu';! a eontesté tres spiritucllement dans IIne satire, tout danR I'ordre mora! releve donc de I'i ntcntion. VoilÚ qui est d'une élenltion toute stolcienne. On en pent dire autant ún bel 610ge du Ragc qui termine I'épitre (1). On sent que le stoi"cisme a passé palOlit; et: si aristocratill'les qlle 80icnt san s doutc ces idées, 00 souhaiterait pourtallt que ('e mt en morale la derniére pensée du pacte. Nous avons essaye de SUiHC Jans ses ingénieux détours et jusqllc dans scs variations, nom. 08erions presque prononcer le gros mot d'inconséljuences, la pensée morale d'lIorace, et d'en reproduirc le souple mouvemeot. Il s'agirait maintc11) Epi;;I .. Hi, [. 73 s'I<I. \'ir !,onu,; el s:ll,icns ... Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 28 LKS lOÉES '!ORAI,ES O'nORACE nant d'en rassembler les traíts caraetéristiques. Et d'abord, iI cst admis, suivant les principes communs du stolcisme et de l'épícurisme, que le but unique de la vie est le bonheur. La questíon fondamentalc qu'íl convient de se poser cst done la 8uivante : En quoi consiste le bonheur ? - Sur cette question, rien de plus divers que les opinions humaines, et la conduite dont elles sont les eonséquences. Or, eette di\'ersité ne peut satisfaire Horace : il sent qu'il ne peut y avoir de vrai bonheur sana unité dans la pensée et dans la eonduite de l'homme. De plus, cette diversité et eette ineonstanee, en fait, ill'a constaté biensouvent, ne dannent pas le bonheur. On ne voit partout que trouble et agitatíon j rien done de moins compatible ave e le bonheur qui est, par définition me me, tranquillité, paix de l'amc, satisfaetion intérieure, exacta praportion entre les jouissances et les désirs. Enfin, Ú quoi han ce trouble? La mort n'est-elle pas la fin do tout? Et, s'i! en est ainsi, n'y a-t-il pas rien de plus vain que l'agitation humaine? II faut done évíter a tout prix l'agitation qui ne mime a rien moins qu'au bonheur. Le bonheur consistant, avant tout, dans la tranquillité morale, la sagesse nous commande de ne nous étonner de Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES lDÉES ;\lORALES 2,) U'1l0RACE rien, alin de eonsenor la sérénité intérieur<'. Voilá le preluier préceple de la morale,l\lais coila supremc sag0sse meme, il Jle 1'aut pas la rechereher a\'oc trop d'ardeur, sous pciJlc de "oir repara'itre en notre [uno le désir et la crainte. I1~' a done lien de toujours garder tlnjuste miliau cntre les exces : lJ. \'ertu, comme la sagesse, ast le prix de la lllodération. De 1ft uno conséqucnce: (,tra sag:e, ee n'nst pas nOIl plus se détaeher de lout plaisir; ear cela aussi est un exees qui ne peut manqller de détruirc en nous l'equilibre de l'áme et uc com]Jromettre gravement nútre bonheu'·. La natura, <}u'il faut comprendrc et suivre, mai~; non mutiler, ne nous impose pas d'eJfort si rigoUJ'eux, quúi qu'en pcnscnt les stolciens. User :J.vec sooriété de tautes les jouissances que la vie peut nou!) présentar, savoir s'en passcr quand elles se dérobent á nous, tel est done, en !in de com )ta, le Hai secrct du bonheur. Et si 1'on joint [. cette douce philosophie l'élé;,\unce aimable et la bonne humeur souriante, l'ironie légére de l'hoUlme du monde, un certain orgueil intellectuel, et un peu de ce dilettautisme aristocratique que notre siecle a vu relieurir, on aura réalisé l'idéal dU'lage tel qu'Horace 1'a cont;u, et si ingénieusement exprimé, pour la plus grandc joie des purs hUl'lanistes de tous les siécles, 1 Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 30 LES lDf;F.S ~lOItALES 0'110 ¡U e r·; En résumé, un rond d'épicurismc pratique, avec des retours discrets et comme des velléités de stolcísme, telle nous apparait la morale d'Horace. Le poete a oscillé entre les deux doctrines qui se partageaient alors la faveur du monde antique, et il en a préparé la fusiono Tout en regardant de préférence du caté de Lucrece, il continuo l'reuvre éclecliq ne et conciliatrice de Cícér<Hl: il annonce la morale et jusqu'á la dírection de conscience mise cn honneur par Séneque. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia II Il serait facile, tl'op facile peut-etre, de s'érigcr en juge sévcrc de cette moralc, d'en condamner I'indulgence et d'intcnter au poete llll proces en regle ponr n'avoir pas deviné les austeros et modemes théol'ies de Kant. .:\Iais les airs indignés réussissentmal a \"eoHorace: on aurait si aisément raisoll de lui sur ce terrain qu'il fandrait se défier de sa propre assurance. Il falldrait se souvcnir que si I'aimable philosophe a'a devancé ni Kant, ni meme Épictete, il pourrait bien, Ú plus d'une reprise, avoir tracé dans son ceuvre l'ironique portrait du moraliste intransigeant et importun de tous les temps. Sans doute, la moral(, d'Horace n'enfantera jamais de héros ; comme ello fait pou de place a I'elfort, elle ne peut revendiquer le noble privilége de trempel' vigoureusament les volontés; nous avouerons meme que la natian dn devoir véritable et calle du dévouement lui sont Ú peu prés inconnues, et qu'elle n'apprendra jamais (1 mOlli'ir par sacl'ifice. Mais Horace n'a songé á ricn de tel, et il y aurait quelque injustice Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia · LE" IDEES ~IORALES D ,HORACE lui reprocher de n'a.voir pas fait ee qu'il n'a pas voulu faire. Au lieu done de eondamner le poeta presque san s l'entendre, il est plus simple, plus diffieile aussi et peut-etre plus instructif de chercher a l'expliquer et a le comprendro. D'ou lui viennent ses idées? Sont-elles le résultat naturel ue son expérience personnelle de la vie'? Sontelles en meme temps l'écho d'une certaine maniere de penser et de vivre cornmune ti toute son époque ? Enfin, quelle influence ont-elles exercée jusqu'a. nosjours, et quelles out été, en quelque sorte, les destinées posthumes de cette moral e ? Telles son t les questions qu'il convient de 1l0US poser maintenant. Ú Horaee nous a si souvent ot si librement parlé de lui-meme qu'il suffit de le lire pour le eonnaitre intimement. De son propre aveu, son éducation premiercaeu sur la formation de ses idées mora.les une action décisive. Son pere,homme de sens pour lequel il a toujours professé la plus grande vénératíon, et dont iI n'a jamais rougi au sein de la prosrérité, ne se contentaít pas do régler ses mreurs par des díseours, mais par des exemples. Tout ee qu'il constatait autour de luí servait de prétexte a des conseits moraux. Il ne luí disait Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 33 LES IOÉES MO!{ALES D'1I0RACE pas: la débauche est un mal, mais: vois quel mauvais parti 8'est attiré ee libe1'tin ; et toujours ainsi (1). Ce n'était pas, á v1'ai dire, une morale fo1'télevée : elle faisait plus appel aux soueis assez mesquins de l'intéret pratique qu'aux nobles ins •. tincts de l'áme. Du moins, elle avait l'avantage d'étre vivante: c'était par excelIence une moraL) en action. 01', qui ne voit sortí1' de cette édueatio.1 positive, volontiers utilitaire, ee besoin de modÚratLon, ee goílt de la prudence et des solutíOllS moyennes, eet amour de l'utile, et ee dédain d,~s utopies morares qui forment les principaux traits de la philosophie d'Horncc ? Les le<;on8 de la vie n'étaient pas faites pcur ar.nuler eelles du foyer paternel. Le pocte a vu de pres bien des soeiétés et bien des régimes. A Athénes, il fréquenta des jeunes gens de gra'lde famille, etudía avee eux les doctrines de l'Académie etd'Épieure, et, entre temps, dut mener Hans <loute lajoyeuse existenee que Ci,céron reprochait :l son fils. Un moment engagé, peut-etre ~ans savoir pourquoi, sous les drapeaux de Brutus, iI ne se seotit pas sur le ehamp de batailIe de Philippes une vocation militaire assez sérieuse pour lui sacrifier sa vie, et revint sans son bou( t) Sal" J, '1, e, 1O:l, ;;'-1 r 1. 3 Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 3-1 LE" IDÍ;F.S MORALES f)"110RACE clier. La révolution politique qui s'accomplissait BOUS ses yeux, les proscriptiollS, la confisca.tion probable de ses biens, les embarras de ses débuts, et son enrolement dans ht compagnie des scribes du q uesteur, tous ces événements d u dehors qui ne pouvaicnt manquer de troubler profondémcnt les consciences et de bouleverser les idées morales, n'étaient pas pour lui une école de haute vertu et de farollche indépendance. Quand les f<lits extérieurs nous sont si contraires, il esí bicn difficile de ne pas croire á leur toute-puissa.nce. Il n'est rien qui développe n.utant le scepticisme moral et l'esprit positif que les révolutions politiqueR. Si Horace ¡n'ait été tenté, de par son éducatioll premiére, de youloir subordonner les faits aux idées, et de se révolter contre eux, quand ils contrecarraient ses théories, il etlt été obligé, ROUS peine de se heurtcr et de se briscr aux circonstances, de rabaisser considérablcment son idéal. Il n'cut pa~ a le faire: il était préparé de longue date Ú se soumettre sans mau\"aise grace au fait accompli. Plus tard, quand la fortune lui rc(levint fa\"orable, quand il fut l'un des poctes préférés du régime nouyeau, l'ami en titre de l\Iécene et d'Octave, il fut content: son bonheur était désormais assnré, et ~on ideal d'existcnce Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES lOtes ~(()RALES O'/lORAC¡.; 35 realisé au del;\, de ses espérances. (.J,u'un hom me aínsi (' rompu a toutes les métamorphoses », - le mot e~.t de Sainte-neuve sur lui-meme, - vienne il parlerde morale: pourra-t-il se faire I'apologiste des apres vertus du stoleisJlle, le théorieien rigide du devoir, et le panégyriste de la libre volanté? En UL mat, pOllrra-t-il ne pas chanter comrne Horace la joie de vivre et de jouir, et no pas con. seiIler la prudence pratique á ceux quí luí demanderon/ une regle de conduite? II était d'autant plus difficile au poete de ne pas adopt.er ce parti que son cantetere et, sí j'ose le dire, Hon tempérament s'aceommodaient peu de l'effort et des abstinences stolciennes. Il avait l'humeur indépcndante, lui-mcme lIOllS le dit souvent, et iI aímait á ne relever que de lui, á suivre sa falltaisie et son caprice. TI aimait le vin, la bonne cbere ;'¡ un poillt qui peut nous sembler, :\ nou;~autres modernes, voisin de l'intempérance. Les nombreuses apologies qu'il a faites de l'i \'fesse n'ont probablemcnt pas tOlljours (~té platoniques, et on se l'imagine aisérnent le verre en rnain ot courcnné de fleurs. Il était encore plus sensible a l'amour, --- ou Ú ee qu'on est eonvcnu d'appcler de ce nom, - et il resta tel trop longtemps. Enfin, il aima:t la carnpagne, etil fut bien heureux lejour oil Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 36 LES mÉES ~IORALES D'UORACE Méeene lui donna son domaine de la Sabine. Non qu'iléprouvatenfacedela nature ces ravissements mystiques que les poetes modernes ontdécritsavec tant de puissance, et que Virgile, son ami, a connus avant eux. Horace ne s'absorbe pas dans la nature au point de s'y oublier tout entier. en gotite le charme; mais la grtLce, la fraicheur, voih't. ee qu'il estime en ello plus que la profonde poésie. N'importe: il l'aimait pour elle-meme, elle lui était presque nécessaire. Quand on attache tant de prix aux jouissances de la vie, et qu'on croit aussi peu qu'I1orace á 1'« au-delÚ.» (1), eomment ne pas etre l'aimable et léger philosophe qu'il a été? Il Y a pourtant mieux á dire de lui. Toua ces traits de sa vie et de son caractere expliquent amplement ce qu'il ya d'épicurien dans sa morale. cn est d'autres qui expliquent ses aspirations vers le stolcisme. D'abord, son souei tres vif des problemes philosophiques. Ses épitres sur ee point ne nous trompentpas. Toutjeune encore, il emportait Platon et II1énandre dan s sa valise (:2). A la campagne, e'est sur des questions philosophiques qu'il fait porter ses entretiens a vec ses ,'oisins (3). n n (1) Sat., 1,5, 0.100. (2) Sat., Il, 3, 11, (3) Sat., 11, G, 71. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia I.ES IDÉES '!ORALES n'1I0RACE 37 De plus, il sait etre sobre, plus peut-etre par prudence et hygiéne que par véritablc vertu ; mais enfin, il l'est, et il faut lui en savoir gré. Quand il est a la campagne, il est peu exigcant, écrit-i1 á Numonius Vala, et il se contente d'un «méchant ordinaire ». }lais en voyage, il lui faut toutes ses commodités (1). Il chante les louanges de la santé, qu'i1 proclame préférable a la. richesse (2) ; et il J a pJ.usqu'une théorie dans ses fréquents éloges dI' la médiocrité (i~:: il ne semble pas qu'il ait joui daos sa maison de campagne des derniers raffl.nements du luxe. Enfin, si équivoques que fussent seR mreurs, elles semblent meilleures que celles de beaucoup de ses contemporains. Sa conceptioll de. l'amour et de la femme est, certe!!, loin d'etre élevée. Pourtant, meme sur ce délicat chapitre, il parait avoir été plus raffiné, moins brutalement sensuel, plus tempérant, en un mot, qu'on ne l'était de son temps. En tout cas, il ne passait pas pour le pire des débauchés. N'oublions pas non plus qu'il n'aimait pas les voyages : il était persuadé qu'ils n'assurent jamais le bonheur qu'i1 (1) Epist., 1, 15. (2) .l!.pi:;t., 1, 2. (3) Episí., 1, 10. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 38 LES \D{,;ES ~IORALES U'II0RACE faut, disaít-il, porter en soi (1) jet en cecí, Séneque se rencontrera plus ta1'd avec lui. Il est un dernier trait qui cst tout á son honneur, et quí le rapproche plus de Zónon que de Martial, et meme deSÓn(~qufl. Non seulement Horace u'a pas contre luí d'avoir fait l'éloge d'un parricide imperial) ma.ís encare il ¡¡'est pas suspect de la moindrc nasse camplaisance pour le uouveau régime. La premiére fois que ses amis le présenterent Ú l\lécene, il nc fut pas remarqué ; peut-étre déplut-il. Il ne lit rien pour efTacer cette premiére impression. :Mécene uut faire tous les frais du rapprochement, et il ne trouva jamais en Horace un flatteur et un parasite. Son amitié fut, á vrai dire, la recompense dl1 poete. Mais un jour, Méctme qui, sans doute, s'ennuyait á Home, se plaignit qu'Horace rest:1t dans sa maisoll de ~abinc au delá dl1 temps fixé par ses propre8 promesses. La. reponsa du poÚte est un pUl' chefd'ceuvre empreint d'unc spirituelle, mais trés ferme dignité. Des anecdotes et proverbes qui semblent en composer la trame, sa pensée se déga.ge nettement. Bien loin de revenir á Rome, il prolongera son séjour ¡\ la campagne, et méme il descendra au boru de la mero Illaisse cntendre (1) Rpt·'l., 1, 11. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia l.ES IDEES ~IORALES O'1I0RACE l'ormellement q u'íl tient asa santé a van t túut, q uo les maladies qui sé\'issent uanfi la grande vilk~ l'en écartent quelque temps encore, enfin, <¡u'il veut garder son indépendanee el <¡u'il ne faií pas á son proteeteur l'injure de croire qll'ill'a cambié de bienfaits pour le priver de sa liberté : ~,i, d'ailleurs, telle était l'intention secnHede Mécene, il n'a qu'á reprenure ses pré8ents (1). Si attaché que fÚt done Horace aux él\'antages matériels de la fortune, son gout poudo p1aisir n'allait pasjusq¡¡':'l 1uí sacrilier sa Jignité. Bien des stolciens de tnéorie Il'ont pas dans la pratiqllc agi avce aut.:mt de eourageux desintéressemcnt quc l'aimable poeto de 1'0de el Torquatus. Son attitude á l'égard d'Auguste est plus significative encore. Les louullges qu'il1ui adress(; ne doivent pas 1l0US faire illusiún : n'est-on pas :'t l'époque ou commence l'apotheose impériale ? Et d'autre part, ce dont il le felicite sl1rtout, e'est ú'avoir r:l.fficne la paix duns1'Empirc, e'es! d'avoir mis fin uux guerres ciriles, dont le lugubre 80Uvenir est toujours présent á son esprit. 01', il n'était pas de service dont illui fút plus naturcllement et plus légitimement l'cconnaissant. II y a pItis. Au (1) J<.'pi::;[., L 7, Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 40 LES IDÉES MORALES O'1I0RAC¡;; lieu de se ruer comme tant d'autres á la servitude, selon la forte expression de Tacite, au líeu de se pousser aupres de l'empereur, il ne Iui fit aucune avance, il le laissa toujours venir: sa réserve a I'endroit du nouveau régime est des plus dignes d'éIoge. Déja. lié avec :Mécene, il se tait longtemps sur le compte d'Auguste. Quand il peut se rallier franchement á I'Empire, il ne rompt avec aucun de ses anciens amis, il ne dénonce personne. Seul peut-Ctre parmi les littérateura en renom de l'époque, iI fréquente le cercIe quelque peu [rondeur d' Asinius Pollion. En outre, il se refusa toujours a écrire un long poeme pour chanter les expIoita de l'empereur, et peut-etre aurions-nous une belle épitre de moins, si ce dernier n'nvait pas dO. la Iui réclamer. On sait, cnfin, qu'il n'accepta jamais la charge de secrétaire d'Auguste. Tout cela n'est pas d'un courtisan bien empressé, ct si, plus d'unc fois, Horace se Iaissa imposer des odes officieIles, la [roideur Iaborieuse dont elles témoignent est une preuve de plus de son peu de disposition pour la servilité monarchique. Ainsi donc, le justc milieu qu'i! recommande si souvent dana son reuvre, nul mieux que lui n'a su l'observer dans sa conduite, et l'on peut dire Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES .\lORA!.ES D'Il0llACE 41 que sa philosophie a. été ce qu'elle devraít toujours etre, l'expression fidéle et exacte de toute une fac;on personneHe de penser et de vivre. Son éducation, les lec;ons de l'cxpérience, son caractére, enfin, ont orienté ses préférences philosophiques du cóté d'un épicurisme pratique tempéré de stolcisme. Sa vie explique sa pensée et en est le perpetuel et le meilleur commentaíre. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia !II En est-ee pourtant l'unique, et l'époque ou. il a véeu n'a-t-elle pas exercé sur le développement de son esprit une intluence décisive? Horace, en un mot, est-i1 un cas isolé dans son temps, ou bien sa morale ne serait-eIle pas plutOt le rctlct des idées et úes mmurs contemporainos, et ne retrouvons-nous pas en elle, ;\ peine épurés etidéalisés, les traits qui conviennent á ce qu'on pourrait appeler la momle du siecle d'Auguste'( Son ceuvre semit alors un doeument de la plus llaute importance pour l'histoire des idées morales dans l'antiquité. L'un des caracteres les plus curieux de cette époque, c'est un gout tres vif pour les recherches pllilosophiques. Horaco n'est pas le seul qui néglige pour elles ses occupations les plus cIll~res. L'exemple part de haut. L'empereur écrit des llartallones acl philosophiam. Tite-Live, l'hístorienorateur, a composé des ouvrages sur ces hautes questions. Virgile annonce l'intention de s' y consacrer. Tíbulle roourut trop jeune, sans douta, Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LE," IDÉES \!ORALES D'UORACE 43 pour avoir de sérieuses velléités philosophiques, mais Horaee ne l'en reconnait pas incapable, puisqu'il admet l'hypothese que son ami, «uu milicu <le 8es bois salutaires, rechorchc en silenee ee qui est digne uu ~agc ot de l'hollnetc homme:)) ». La philosophie se fait alors tonto pratiqtlo, dc ~heorique qu'ello etait avec Cicéron. Ello exeree ou tente d'cxerccr ulle réella actiou moralc. 80S adeptes se font directeur~ de conseience, précepteurs dans les grandes maisons, ou dirigent des écoles publiques. Les cyniques sont parfois de véritables mj¡;siolllluires et préchent la rnorale au peuple. Le plus grand philosophe de l'époque, Soxtius, qtli écrit en grec, est presque un apotre paren. De lit ees conseils et ces preceptes Ú l'adresse de 8es amis qu'Horace seme si souvent ualls ses Épitres, et qui peu\'ent surprendrc Ú premiere "ue. Car de quel droit s'ingere-t-il ainsi uans les cOllsciences? C'est que, lui aussi, á titrc de philosophe, croit avoir charge u'ámes. Les anciennes idees morales a.ttachées al! vieux droit romain et Ú la. religion SOllt ruinées: chacul1 se toumc instincdvement 1, 4, e. ·1-5. :\11 Tacitum silvas ílltcr rcptare salubres, (·,UI·J.lltCIll quiul¡uid <liguum ~apiellte uouoque (1) Ep¿;i{., est 1 Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 44 LES mÉES ~tORALES D'I10RACE vers la spéculatíon qui seule parait pouvoir les remplacer. On commence a se lasser de l'épieurísmo et a se tourner plus résolument vers le stoIcisme. Horace représentc a merveille ee mouvement des esprits. Or, le stoIcisme, en se développant a Rome, preche de plus en plus á ses adeptes le détachement des atraires. publiques, et tourne toute leur attention vers la vie intérieure de l'itme. Cette phílosophie convenait trop bien a une génératioD qui s'appretait a abdiquer toute activité politique entre les mains d'un seul homme; elle préparait á mervei1le l'ceuvre future du christianisme. }-Iorace n'a, en somme, pas dit autre chose, et cette rusion entre deux doctrines ennemies ti l'origine, e'est au fond ce qu'il enseigne, la mise en pratique de son éeleetisme et l'applieation de sa théorie du juste milieu. Les mceurs sont le plus souvent en retard sur les idées : il y a dans la conduite des contemporaíns d'Horace, comme dans sa propre vic a Iui, plus de vestiges d'épicurisme que dans leurs doctrines. A ee point de vue encore, Auguste donnait l'exempIe. L'auteur des lois sur l'adu1tére était un franc libertin ; et la célebre Jlllie n'étaít pas trop indigne d'etre sa petite·tille. Mécene était le type Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES MORALES D'HORACE 45 du parfait épicurien; sa lllollesse, son luxe, son dédaill de la foule étaient choses connues de toml ; quallt aux lll(eUrS de ce dilettante de la politiqu1J, elles paraissent avoir été aussi peu reCOlllmal:.dables que celles d'Horace, et peut-etre apportaitil :\ ses débordements moins de délicatesse. La cour d' Auguste dOllnant le ton, les grandes familles se modelent sur ces moours. La galanterie eut bienWt son poete attitré dans Ovidc. Les femmes qui jouissaient, une fois mariées, de la plus grande liberté, usent de tous les moycns de séduction: elles se font lcttrées pour mieux plaire. La vieille femme de moonrs légcres a laquelle s'adresse I10racequelque part parait avoi r été versée dans la philosophie stolcienne. Denx causes surtout, d'apres Tacite, développent ces tendances au libertinage: les spectacles et les festins auxquelles les femmes assistent maintenant. La cupidité, la délation, l'amour cffréné du luxe, la soif des rapides jouissances, tous les vices, en un mot, qui aceompagnent les grands bouleversements politiques se donnaient libre carriere. Le mariage, ee fondement sacré de l'ancien édifice social, n'étaít plus qu'une institution hors d'usage. -l\1ais au sein de ceHe corrupHon générale qu'Horaee flétrit parfois, mais dont Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 46 LES mÉES ,¡ORALES n'nORACE il est trop souvent le peintre singulierement cynigue se faisait pourtant sentir un besoin tres sérieux d'amélioration morale. L'opinion publique finit par s'émouvoir et le sénat, s'en faisant l'interprete, supplia Auguste de rendre des lois pour remédier au désordre des mceurs. L'empereur hésita longtemps : sentait-il que sa vie privée lui donnait peu d'autorité pour le faire? Mais les instances redoublérent: Auguste dut céder á la pression de l'opinion, ct rendit des lois sur les adulteres, sur les mariages dont il voulait multiplier le nombre. La littérature fut intéressée á eette reuvre réformatriee qui excita tout d'abord beaucoup d'enthousiasme. Horaee la célébra et exhorta ses eoncitoyens au mariage. 11 esí vrai que ni lui, ni Virgilc, ne prechérent d'exemple. :;\Iais, si précaire que mt dans ses résultats ectte réforme officielle, il y a lieu de la signaler : si les loís sans les mceurs sout peu de chose, les mceurs inspirent souvcnt lesloís. Dans la cir~onstance, les décrets impériaux étaieut un effort louable pour faire passer dans les faits les aspirations souvent élcvécs dont témoignaient les idées morales acceptées par les esprits d'élite de la soeiété romaine. Idées et mceurs sont done, chez les contempo- Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES lOtES ~IORALES n'/lOHAC¡'; 47 rains d'Hot'ace, ce que 1l0USavolls constaté chez lui: un mélange, ;l doses [ort inogales, d'épícurisme et de storcismJ. Le storcisme l'emporte parfoís dan s 1'ordre de la théorie; I'épícurisme I'emporte le plu~ sou\'cnt dan" ['ordrc de l'action. O'est cette union, c'ast cette pénétration prochaine des deux doctrines l'une par l'autre que represente Horace. Sa vie explique sa pensée, maís l'histoíre de son époque explique Puno et l'autre. Poete national, en s'exprimant lui-meme, il a exprime aussi son siccle; et dans les quelque huit mille vers qu'il a laissés, nous retrouvons l'hístoire de sa vio et celle de son temps. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia IV Nous y rotrouvons aussi celle de l'homme de toua les temps. Car la morale d'Horace est humaine; existant avant lui, elle n'est pas morte avec lui. Meme de nos jours, elle est encore ví"ante, et ca n'est pas en vain que tant de génératíons successives ont lu et admiré les vers qu'elle a inspirés. Les AlIemands ont étudié a plusieurs reprises l'intluence qu'a exercée Horaco sur leur littératuro. 00 pourrait élargir la question et rechercher son infiuence sur les littératuros modernes. Le chapitre qui serait consacré a la littérature franc;aise prMerait a de longs et curieux développements. Mais la question prendrait un intéret plus grand et plus général encore, si l'on étudiait l'influence exercée par la morale du poete sur les conceptions des modernes et la place qu'elle occupe dans l'histoire des idées. Cette place est considérable. Si, en effet, nous mettant a quelque distance des textes, nous essayons d'en retenir l'esprit plutót que la lettre, iI nous semble qu'on pourraít définír cette morale : Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES la morale IDÉES ~IORA LES n' JlORACE rles Iwnnetes !Jrns. On ne con~oit pa3 que les honnet.es gens de l' époque d' Auguste aient pu "ivre d'uno autre fa<;on que celle que recom.mande Horace, et dont il a donné lui-meme l'exemple. De fait, a part 1es ehangements néces.saires que les variations de l'usage peuvent apporter daos les mceurs, conljoit-on que « l'honnete hornme» de tOU8 les temps vive autrement? Cal' l'honnete homme, il faut le remarquer, n'est ni un héros, ni un saint: je ne voudrais pas affirmer <}u'i1fUt incapable de s'élever jusqu'á l'hérolsme; en tout cas, cette grande vertu qu'il admire est raremellt la sienne : il se sentirait mal a l'aise sur ces hauteurs. Il n'a pas non plus du saint,sans parler de la disposition mystique, - la patience inaltérable, le désintéressement absolu, la persévérance et l'il.preté dans l'effort, et l'ardeur de prosélytisme. Une vertu moyenne, aímable, ennemie de tout excés, pou accoutumée aux pénibles effort~, jouissant volonticrs, mais avec modération, des plaisírs de la vie, faible parfois, mais modeste, tranq lIille, sociable, amie des choses de l'esprit, sachant s'indignor d'ailIeurs quelqllcfois, rnais plus portée iL l'indulgenco, voilá ee qui, croyolls-nous, con8titue, dans 80S principaux traits, la morale de l'honnete homme. Or, n'est-co lIJÉl';-; ),IOILo\LES D'UI)HAt.!:; 4 Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 50 . , LES IDEES ~IORALES D HORACE pas le portrait du sage selon Horace que nous avons tracé la, presque sans songer :i. lui ? Cette morale, du reste, le poete ne 1'a pas créée. Elle s'est dégagée peu a peu, semble-t-il, des traditions sociales, religieuses et morales de la noble et fine race des Hellenes, et c'est d'eUe que sont sorties les plus belles conceptions des poetes et des philosophes grecs. No la voit-on pas circuler sereine, facHe et. souriante dans les vers de Solon, et jusque dan s l'enseignement de Socratc et de ses disciples? Aristote s'en inspire et en formule le précepte le plus important, la théorie morale du juste milieu. Elle devait etre l'ame des comédies de Ménandre. Épicure surtout et les premiers stOlciens lui firent de nombreux cmprunts. Elle ne suftit pas a sauver la Grece, mais quand celle-ci dut subir la loi du vainqueur, ca fut á lui qu'elle légua sa douce sagesse. Le vieux Caton s'en émut : s'il lutta toute sa vie contre l'invasion des idées grecques, ce fut parce qu'il sentit qu'un nouvel idéal moral, contraire a l'esprit du vieux droit romain, moins viril peutetre, mais plus humain et plus large, allait se substituer aux anciennes coutumes. Il devait échouer dans sa chimériquo entreprise. L'hellénisme pénétra a Rome, et avec lui la morala Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES 1[)~;¡';.3 .\¡ORALES D'IlORACE 51 dOllt iI avait élé 113représentant. Le cercle des ScipiollS en répanJit les idées et en popularisa les mceurs. Térence, dans un \'ers célebre traduit de Ménandre, doalla la devisc de cctte moralc nouvelle qui estcello de tout son théiitre. Cicéron en dressa le code Ú I'usage des gens du monde dans le De 0l/ieí¿s. Horace y fit pénétrer un pou de poésie et y mit si bien la marque de son ai rnable souril'e qu'il es!. presque impossible a,ujout'u'ht: i d'Cll separer son nom. Tous ceux qui, apres lui, ont professé cctte moralo ct en ont app!igué les préceptoR, som ses disciples. De son temps, Virgile, 1'ite-Livc, plus tard Tacite,Stacc, Qllintilicn, Pline le Jeuno paraissent avoir á pell pres trouvé dans cette aiInable sagesse la paix de I'áme dont ds ¿waient be"oin pOlIr écrire et un moyen de vine á l'abri des désillusiolls améref! et des reo-rets inutiles. Sous l'Empire, elle dut consoler bien des ames faibles et honnMes auxquelJes le storcisme eút semblé peut-etre trop sévere, mais que froissait, dans leur délicatesse intime, le spectacle de la servitllde générale. La rellOlUmée croissante d'Horace teudrait Ú pl'ouver yue sa poesie n'y fut pcut-etre pas inulile. Dans les premien~ sit~c1es du christianisme et pendant tont le moyen [¡ge, on perd un peu la trace de la moralc BAJ-iCO DE li t\/[;UOTECI, r17. í.;--~ ;,0.( :C~ i ',,"' 0;[ .. ¡ ~~'~G:) j Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 52 LES mÉES 'lORA LES n'1I0RACE des honnetes gens. La naissance des grandes vertus religieuses, l'extension de la di vine moral e chrétienne, puis les violentes passions déchainées par les Barbares durent nécessairement la rejeter dans l'ombre. Pourtant, meme alors, il semble bien qu'elle n'ait pas entierement disparll. Des deux cent cinquante manuscrits d'Roraee qui nous restcnt, la plupart, en effet, sont d'origine fran($aise. Ce fait est pellt-etre plus significatif qu'on ne pense. Et peut-étre les humanistes voudront-ils se figurer la-dessus quelque moine studieux apprenant du poete qu'il copie :\ ne pas désespérer de la vi e, it sourire encore au réveil du printemps, ot a. placer la sagesse supreme dana I'habile équilibre des bcsoins et des jouissances. Si ea Inoine a jamais existé, je doute, pour ma part, qu'il ait vécu en bonne intelligence avec l'auteur de l' Imitation. Quoi qu'il en soit, la momle prechée par Horace reparait á la Renaissance, et si elle n'est pas défendue par les fallatiques de l'epoque, elle l'est par les lettrés pacifiques et modérés de l'ecole de Montaigne. Celui-ci est un véritable disciple du poete latin, dont il fait, d'ailleurs, le plus grand cas: ille cite souvent, le met au premier rang des poetes avec Virgile, Lucréce et Catulle, et il n'y Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES WEES ~roRALES n'HORACE 53 a guere que Virgíle qu'il place avant lui (1). Rien de plus charmant, de plus ingénieux et de plus juste que l'éloge qu'il faít de son esprit« qui crochetto et furette tout le magasin des mota et des figures pour se representer », de ses vers qui ({signifient plus qu'ils ne disent» :2). La conceptíon de la vertu est la meme dans les deux moralistes: bref, on sent que ~Iontajgne a dans Horace un maitre aime dont la pensée a formé et dirigé la sienne. Mais ce fut 8urtout au XVII" siécle que la moral e des honn&tes gens commen~a it etrc en grande faveur chez 1l0US. La société des salans, le~ moou1's mondaines, la paix géné1'ale, la vie de cou1', tout tendait it creer, Ú cOlé de la mo1'al0 proprernent religieuse, une mOr/tle plus indulgente, moins scrupu[eusc, faite de compromis f}t de eonventions sociales, plus lalque en quelque sorte, a l'usage, en un mot, de ee produit spécial et quelque pou artificiel de l'époque qu'on est con. venu d'appeler ({ l'honnete hornme », et qJC Bussy-Rabutin a defini ainsi : « un homme poli qui sait vivre »(i~). Sans doute, cctte monde se (1) Editioll Leclel·c,t. lI,p, ,1'12. (2) ldem, t. IV, p. 314,310. (3) Lettl'e :'1 Corbillelli, {¡ lllal'S 1679. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia [,4 LES ID~:ES ~lORALES n'nORACE mel rarement en conflit avec la morale religieuse, et eIlesemblemerne n'avoir pastoujours eonseienee des profondes divergcnces quí les séparent: maiA ces divcrgcnces n'eo existent pas moins et préparent l'incredulité avouee dll siecle suivant : « le monde» et Dicu sont des lors deux ordres souvent separes: on cssaye de les concilier comme l'on peut, et e'est ainsi qu'il faut expliquer la contradiction qui parait cxister entre la liberté de moours d'un graod nombre d'hommes du X\'lle siecle et leur croyance tres sincere le plus souvent aux dogmes et a la morale du christianisme. Les Jesuites, en cherchant á « aplanir le:;; voies du salut », n'avaient-ils pas, sans le vouloir, un peu contrihilé a cet état de choses ? Le courant, en tout cas, etait sí fort que la réaction jansénistc, indignée d'un Pascal, les tentatives memes d'un Bossuet (1) vinrent s'y briser. Regnier, La Rochefoucauld, Gassendi, Molierc, La Fontaíne, pour no rappeler que les plus grands, sont les chefa autorises de ce mouvement des csprits. Or, il cst :\ remarquer que presqlle tous sont nourris d']{orace : Regnier l'imite, La Fontainc avoue qu'i1 l'a sauvé de l'école de Voiture; enfin, toute la philosophie de (1) \' nil' les ,\Ja:.cimes sur la Comédic. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES ~IORALES D'HORACE Moliere tient dans ces deux vors qu'IIorace signés: 55 eut r ,él parfaite raison fuit toute extrt~mité Et vcut que I'on soit sago avec sobriété (1). Au XVIll siÓc./e, avec Voltaire ct les philosophes, 80S disciples ou ses rivaux, les IIelvétius, les d'IIolbach, les Saint-Lambert, la morale des honnCíes gons se sépare nettement de la mOJ~ale religieuse. « Le monde» se suffit Ú, lui-meme:, au lieu des «sublimes folies du christianisme », e'est la sagessc tempérantc qu'on preche, - quand on ne prechc pas la licence (2); - et, chose curieuse e'est encoro le nom d'Ilorace qu'on invoque: C Tes maximes, tes vers, Ton esprit j uste et vrai, ton mépris des cnfers, Tout m'assul'e qu'Horaee est mort en honn~te homme ..• Je vivrai moins que toi, mes vers dureront muins, Mais au bord du tombeau, je mcttrai tuus mes soins A sui\'rc les lec;ons de ta philosuphie, A mépriser la mort en sa vourant la vio (3). (1) Muliel'c, MisanthrojJlJ, Aet. 1, se. l. (2) Cf. ee mat signifieatif de Voltail'e dans une Iett:'e iL Cideville du 8 mars 1732 : « •.• :\Iaís j'uimc ellcore rnieux voil' les Il1CCUI'S du l'ublic dl~pru\"écs (lile si ,;'étaíl son gout. » (3) Voltail'c, EpUrc ri Ilol'ace. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 56 LES IDÉES MORALES D'II0RACE Aujourd'hui, ,la morale des honnetes gens, si elle s'est encore un peu transformée, n'endemeure pas moins celle du plus grand nombre: elle est conforme a la moralité moyenne de l'hllmanité ; elle ne décourage personne, ellejustifie ou excuse bien des fautes que I'autre, - la vraie morale chrétienne, - condamnerait. Un vrai disciple d'Horace, Sainte·Beuve, en a donné la définition suivante: « Ce n'est pas la vertu, c'est un composé « d'habitudes, de bonnes maniéres, d'honnetes «procédés, reposant d'ordinaire sur un fond «plus ou moins génércux, sur une nature plus «ou moins bien née ... Elle n'affecte guere le «fond général de bonté ou de malice humaine. «Quand survient quelque grande crise, quand «quelque grand criminel heureux s'empare «de la société pour la pétrir :'l. son gré, cette « morale des honnetes gens devient insuffisante ; «elle se plie et s'accommode en trouvant mille «raisons de colorer ses cupidités et ses bas«sesses. On en a eu des exemples (1). » Qui ne reconnait 1<\ le portrait de l'indulgente sagesse qu'Horace, il ya dix-neuf siecles, proposait ases contemporains? Or, il est permis de croire que (1) Silillle-Bcuve, Port-Roya/. édition ddinilh'e, t. 11I, p, 261-262. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉES ~fORALF.S D'1I0RACE 57 I'autorité du poete latin et le culte, parfois un peu superstitieux, qu'on lui a généralement voué, n'ont pas nui á la. faveur constante dont jouissent toujours les idées morales qu'i1 a si spirituellement défendues. Quand on aime beaucoup un poeta, il est bien difficile de ne pas lui prendre ses idées. C'est ce qui est arrivé pour Horace: iI ne pouvait souhaiter un meilleur sort. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia v 'rolle est, dans ses traits généraux, et, avec les vicissitudes diverses de sa fortune, la moral e €xposéc par Horace. Image fidólo de sa propre vie et des idées de son temps, elle est devenue, á travers les siécles, la regle pratique de tous ceux qui sentont la nécessité d'un frein aux passions, mais qu'une certaine moHesse native de volonté, un demi-scQpticismo, ou le joug des conditions sociales sollicitont á plier la loí moral e aux exigenees etaux accidents de l'existenco.Cette morale est avant tout humaine et bienveillante ; elle tient compte plutot de la faiblesse de l'hornme que de sa foree. Ello no commande pas, ello conseille et persuade. Elle est volontiers utilitaire ; ello parle <lebonhour plutot que de devoír. Elle est rarernent éloquente, plus rarement encore índignée. Elle est amie de l'expérience et, comme ello connalt les hommes, il faut peut-etre luí savoir gré de no pas trop les mépriser.Parfois ironique ot railleuse, elle n'est ja!lluis la dupe des grands mots, ni meme, - et en cela elle marque sa limite, - des Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia LES IDÉEs ~fORALES D'HORACE 59 grandes pensées; mais son ironie est sans fiel, e1; son expérience quelque pou désabusée ne di8till,~ pas l'amertumo. Elle est polie et sociable; elle pardonne beaucoup Ú ceux qui professent pour les choses de l'esprit, pour l'art, la poésie un culte melé d'adoration. Le fanatisme dalls la "eriu et le eynisme dan s la débauehe sont peut-etre,es deux choses pour lesquelles elle éprou\'e ee 'lui ressemble lo plus :\ l'indignation. Eneore peutetre les eondamne-t-olle moills paree qu'elles blessent la loi morale que la pudeur et la modestie, paree qu'elles 80nt une faute de goÚt, un manque de taet, une \'iolation des regles les plus élémentaires du bon ton. l\Iais parrni tous les sentiments hurnains qu'elle aecueílle et fay,)rise, il en est un qu'elle place si haut <}u'e1le serait tentée do le mettre all nombre des vortus: e'est celui de l'amitié. La plupart de ccs demi-épicuriens qui, depuis Horace, ~e sont acquis quelque gloire ont été de parfaits amis. f~picure, d'ailleurs, lcur servaít de modt':le: sa dernicre paro le n'avaitelle pas été un souvenir fl :Métrodore et une recommandatioll pour ses enfants. C'est aussi le sentiment qui honore le plus la vie d'H'Jraee. Il airnait tendrement ses amis: Virgile, Tibulle, l\Iéccne que, selon son désir touchant, il sui\'it de Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 60 LES IOÉES ~IORALES U'HORACE pres dans la mort. Montaigne, La Fontaine, Moliere, chez nous, et bien d'autres ont continué cette noble tradition. Il me semble que cela peut servir a excuser bien des défaillances. Car, il faut le reconnaitre, la morale des honnetes gens, telle qu'I-Iorace l'exposc, ne suftit pas et ne doit pas suffire. Elle est impuissante contre les trop fortes passions ; elle ne prévient ni les chutes, ni les grandes faiblesses; elle les pallie quelquefois ; elle ne pousse ni aux actes héro'iques, ni aux sublimes vertus qui sont, il ne faut pas l'oublier, de laborieuses conquetes de la volonté et le prix de douloureux eITorts. Faite pour la moyennc de l'hllmanité, les :lmes d'élite ont raíson d'éprouver pour elle quelquc méprís. Si elle existait seuIe, l'idéal moral de l'humanité irait en s'afl'aiblissant, et il faut qu'il demeure élevé pour que le niveau de la moralité moyenne ne desean de pas trop baso Mais, car je ne voudrais pas prendre congé d'Horace sur une pensée trop sévere, peut-etre se serait-il dit toutes ces choses, et d'autres encore, s'il avait pu deviner l'ímmense révolution religieuse et morale qui,au moment 011 il mourait, était :"t la veille de soulever et de transformer les ámes. Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia BIHLIOGRAPHfF: Horace, (Euvl'l's, édition O¡'clli, l'cvue ¡¡al' Baiter el, I-lirschfelUcl'. Horace, (Fueres, éuitiun F. Plessis el!'. Lcjay. Cicéron et ses amis. - La Religion romaíne, t. I. - Nouvelles promenades archéologiques (llorocc) . .- Commont les Romaíns ont connu l'hum;¡nité. l;. UO¡SSI~:ll,- (Uceuc des Dcu,l' .1Jondes du 15 déeemb¡'c 1:106 et 1" jan viel' HJ07.) uu Des raisons de la popularité d'F.[ol'ace en France • C.\It'fA>JLT, Etudes sur les Satires d'H.orace, C,\'II'\UX. .\. (Biúlioti¡éque de la Facalté des Lcttrcs dc París.:, Or::-¡¡s. - Histoire des idées morales dans l'an1.iquité, L 11. Fm.EDI.K:-IDEll. - Tableau des mceurs romaines, tmuuc- lion f¡·Ulli:a.ise. La morale d'Epicure. Die deutsche Díchtung des 17 und 18 Jahrundertes in ibren Beziehungen zu H(,raz. K. :\1AIER. - Darstellung des philosophíschen Standpunkts des Horaz. C. l\hnl'llA. - Etudes morales sur l'antiquité. - Les moralistes sous l'Empire romain. l\Io)nlsIi:N. - Histoire romaíne, tl'utluctionfl'lLn,;aile. n. ';\¡SARD. - Etudes de critique littéraíre. (Le$ Dea;c GlJYAu. - LEHXJl:Ror. - Jt,)rales, ) Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia G2 BIBLlOGHAPHI POlRET. O. - F. Horace, /tude psyclwlo[¡t"gue el liitél'ail'c. Histoire de la poesie la.tine, tmduetion RID[j~cli:.- fl'au~aise . H. RIG.\ULT. - S,\l:-lTE-13lwn>. - Etude sur Horac&. Etude sur Horace (a la fin de I'Etude sar Fil'gile). The roman poets of Augusta.n Age, Horace and the elegiac poets. \\'Al.CK8:-¡,u.:n. - Histoire de la vie et des poesies d'Horace. E. ZELLEIt. - La Philosophie et la Religion chez les Romains. Sl>LL,\R.- Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia TABLE DES MATIERES La lllol'ale ét le gCllloC ues lllol'ali~tes oans I'lllltirJuit,~ et de nos jours. - Que le nom de moraliste cOfl\·ieut bien au poCte H,)racc ,., o, . ooo. , , .. 5- morale d'Horace. - La lIlorale dan;; les Sat¿"es. -- Cal'actel'c un peu rudimP'lItail'C l{u'elle [. La presente; désil' d'unité 1ll0l'alc ; tcndance a l'épicul"isme. - DÓ\'c\')ppernent hal'lIIonieux et Pl'ofól'cssif de la pensée morale d'HOl'ace. - Les Ud,'s familicres. - Les E'pftres: c'est la que la phílosophie d'HOl'acc se ueveloppc le plus [oll;;uemellt. Yelléités de sto·:cismc. - Sag~! tempél'Ulllcllt gaI'll,:, entre le;; exc0,. llu sto'icisme et ceux de l'épicul'isme.La méthode éclectique en mOl'ale, L'objet de la mOl'a[e est la I'echerelle du LonheUI'. - Nécessité, p:lUr étre heul'cux, d'user de tout avee modération. - Caracterc aristocl'atiquc (le la rnol'ah~ du pacte. - L'.d,·!ul du sage suinwt BOI'aceo 8 11.La morale d'Horace et sa vie. - L'éducatioll utilitaire et pratique du poGle. - Le/;olls de sceptici •.mc données pal' les évéuements politiljues. - Le cal'act~re el le tempérament d'Horace: tendance natul'ellc il I'épicurismc pratir¡ue, mais préoccupations philosophiques. - Son indépendance il.¡'égard des gmnds, d,~ Mécéne et d'Augu$te. - Le juste milieu dans la vie comme dans la doctl"ine., .•.... 3' ¡Vi.J(O Uf.¡r-~!','JTl?r'j L t.!;' (' {'j'ILC'~I.Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia 64 TAJJLE DES ~IATIERF.S Puges. 111.La morale d'Horace et son tem ps. - Les pl'éoccupations philosof'hiyues el morales dans la société contemporaine: mélauge d~ slolcísme el d'épicul'¡sme, éclectisme cl·oissanl. - Les mceul'S : la corruption el le libcl'linage ; tentative de réaction el <lerMorme moralc. - La morale d'Hol'ace est Ull rellet assez fidde de la mOl'ale contemporaiue .... , '12 1V. La morale d'Horace dans l'histoire des idées. - La morale d'Horace est la moralc des ltonnétcs [jcns. - « L'hollnele homme » de tous les temps. La morale des honnÓtes gens en f~r~ce et a Rome, uyanl el. ap"es Horace. - Au l110yen age. - La morale d'HOI'aee a la Renaissance : Montaigne. La lllorale des honnMes gens au XVII' sicele : Hégnier, La Rochefoucauld, :\foliére et La FOIltaine. - 1I0race et Voltaire. - La morale des honnetes gens dÓfillie et jugée par Sainte-Beuve .. ,18 V. Conclusion - La 11100'aled'Hol'ace, a\'ec ses c¡ualilés et ses défauts, est faite pour la moyenlle de J'humanité ; elle n 'apprclld pas a l'homme a se surpasser; elle Il'est )las, comme la morale ehrélienne, gÓné¡'utJ'ice d'hérolsllle , .. , , .. , 58 BIBLIOGRAI'HIR 1\156-06. - •.••• , •• _, ••••••••• Imp. des Orph.-Appr., F. Blétit, , •••• , •••••••..• , 61 40, flle La Fontaioe, Pari., Este Libro fue Editado por la Biblioteca Luis Ángel Arango del Banco de la República,Colombia