Politique monétaire non-conventionnelle et indépendance des
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Politique monétaire non-conventionnelle et indépendance des
L’indépendance des banques centrales a-t-elle limité le recours aux politiques monétaires non-conventionnelles lors de la crise économique? Guillaume L’oeillet∗ & Nolwenn Roudaut Université de Bretagne Sud - IREA ∗ Auteur correspondant IUT Vannes, 8 rue Montaigne, 56000 Vannes. E-mail address: [email protected] 1 Résumé La sévère crise économique qui frappe l’économie mondiale depuis 2008 a poussé les banques centrales à mobiliser des outils de politique monétaire dits non-conventionnels. La baisse des taux d’intérêt venant buter sur la trappe à liquidité, les autorités monétaires ont adopté des mesures alternatives provoquant l’augmentation massive de leurs bilans. Ces mesures apparaissent, a priori, contradictoires avec les principes d’indépendance et de transparence des autorités monétaires vis-à-vis du pouvoir politique. En effet, l’accroissement de la base monétaire risque de perturber les anticipations habituelles d’inflation tandis que l’achat d’actifs publics s’apparente à la monétisation de la dette. Cet article s’interroge sur le lien entre l’indépendance des banques centrales mesurées par l’indice de Cukierman et l’ampleur des mesures dites non-conventionnelles prises durant la période de crise. Les banques centrales ont-elle préféré préserver leur "crédibilité" en limitant les interventions de prêteur en dernier ressort, ou se sont-elles affranchies de ce cadre institutionnel pour soutenir une économie fragilisée par un système bancaire et financier en péril ? Notre étude empirique se base sur l’estimation d’un modèle en données de panel sur un échantillon de 23 banques centrales issues d’économies industrialisées et émergentes sur la période 2006-2011. The severe financial crisis that arised in 2007 led central banks to implement an unconventional monetary policy. Faced to the trap liquidity, monetary authorities adopted measures that conducted to large increases of their balance sheet. Those measures could be conflicting with central bank independency. The growth of money base potentially pushes inflation rates above targets and public assets purchases could be seen as the monetization of public debt. This paper investigates the link between the level of independency od central Banks and their behaviour during the crisis. We wonder whether the central banks have preserved their credibility and reputation by limiting their role of lender of last resort or whether they took unusual initiatives to restore financial and macroeconomic stability. We estimate a panel data model for 23 industrial and emerging countries between 2006 and 2011. JEL classification : E52, E58. Keywords : Politique monétaire non-conventionnelle ; Independance des banques centrales ; 2 1 Introduction La grave crise financière que traverse l’économie mondiale a considérablement perturbé et modifié le travail des banquiers centraux. Confrontés à des situations financière et bancaire inédites, ces derniers ont rapidement pris la mesure du choc en adoptant un nombre de mesures monétaires exceptionnelles et inhabituelles, qualifiées de non-conventionnelles, pour rétablir un système financier profondément destabilisé. A l’exception notable du Japon, la conduite de la politique monétaire consistait, depuis une vingtaine d’années, à un pilotage automatique reposant sur l’adoption formelle ou informelle de règles préconisées par Kydland & Prescott (1977). La principale tâche revenant au conseil des gouverneurs consistait à manipuler un instrument (taux d’intérêt de court terme) afin d’atteindre les objectifs finaux (prix, emploi ou change) fixés généralement par la sphère politique. Ainsi, la mission des gouverneurs de la plupart des banques centrales s’est considérablement simplifiée en se réduisant à un pilotage mécanique de l’instrument en fonction de la conjoncture économique au détriment de décisions de nature discrétionnaires plus complexes et opaques. Aux gouverneurs donc de prendre les bonnes décisions au gré des conditions économiques et d’anticiper au mieux l’évolution de la conjoncture afin d’atteindre les objectifs fixés, reflets du bien-être de la société. Cette pratique revient par exemple à soutenir la demande globale en cas de ralentissement (bas du cycle) par une politique accommodante en diminuant le taux d’intérêt ou à mener une politique plus restrictive en augmentant le taux d’intérêt en cas de surchauffe de l’économie (haut du cyle) synonyme d’inflation. Aussi compliquée que soit l’anticipation, aussi fine que doive être l’analyse et aussi délicate que puisse être la prise de décision, l’éventail des solutions et le panel d’outils à la disposition du banquier central est restreint. La prévision et l’anticipation des opérations monétaires par les marchés est en conséquence facilitée. Toutefois, l’unique instrument des taux d’intérêt peut s’avérer insuffisant voire inopérant dans certaines circonstances, notamment lorsque l’économie tombe dans la trappe à liquidité théorisée par Krugman (1998). Cette situation suggère que l’action sur les taux directeurs, proches de 0, n’a plus aucune incidence sur les comportements des agents économiques et que les canaux habituels de transmission sont devenus défectueux. Une politique monétaire expansionniste devient impossible puisque les taux nominaux ne peuvent être négatifs. La politique monétaire n’est cependant pas devenue inefficace et peut être mobilisée pour éviter la récession et la déflation. Elle peut s’avérer précieuse si l’on opte pour des solutions inhabituelles permettant de rétablir les mécanismes de transmission, notamment à travers les anticipations des agents 1 ou les taux longs 2 . La figure 1 révèle 1. Le banquier central peut avoir intérêt à mener des actions orientant les anticipations d’inflation à la hausse afin d’offrir une perspective de taux d’intérêt réel négatifs encourageant l’endettement. 2. La Banque centrale peut modifier son bilan en rachetant des obligations publiques et privées poussant à la hausse leur prix et diminuant de fait leur rendement pour inciter les investisseurs ayant des projets de long terme à s’endetter. 3 que les principales banques centrales se sont rapidement situées dans la trappe à liquidité après la baisse des taux directeurs impulsée à l’automne 2008. Si l’année 2007 avait montré quelques signes avant-coureurs de la fragilité du système financier mondial, les banques centrales n’ont véritablement engagé de politique accommodante qu’à la fin de l’année 2008 suite à la faillite de la Banque Lehman Brothers, étincelle d’une future crise systémique. Les gouverneurs des banques centrales ont alors été contraints, devant le gel du circuit interbancaire, l’illiquidité de certains segments de marchés monétaires et la fragilité des institutions bancaires et financières, de mobiliser des instruments alternatifs qualifiés de non-conventionnels afin de réactiver les canaux de transmission de la politique monétaire. Parmi ces mesures, on peut citer les nombreux programmes d’achats d’actifs financiers publics et privés réalisés par la Banque d’Angeterre (Asset Purchase Facility), la Federal Reserve (quantitative easing 1 et 2), la Banque Centrale Européenne (covered bond purchase programme, securities market programme). On doit également mentionner la modification des procédures d’injection de liquidités : plus fréquentes, à plus long terme, plus conséquentes, complètes, contre des actifs éligibles de moindre qualités 3 . Les banques centrales ont, dans leur ensemble, joué le rôle de prêteur en dernier ressort au coeur de la crise financière parfois en dépit de l’indépendance impliquant une certaine constance dans l’utilisation des instruments de politique économique. La politique de taux d’intérêt à laquelle s’était astreinte la majorité des banques centrales s’inscrivait parfaitement dans un cadre institutionnel devenu la référence : celui de l’indépendance vis-à-vis de la sphère politique. Ce cadre s’est progressivement imposé comme une condition suffisante de la stabilité monétaire. L’indépendance de la banque centrale revient à laisser à l’autorité monétaire la liberté de formuler et conduire la politique monétaire (choix des objectifs intermédiaires et des instruments) sans intervention politique sur les plans organisationnel et opérationnel. L’indépendance des banques centrales prend ses racines dans les travaux des économistes de la la nouvelle macroéconomie classique et notamment de Kydland & Prescott (1977) proposant l’adoption de règles permettant d’éviter l’incohérence temporelle des politiques économiques discrétionnaires. 4 . Barro & Gordon (1983) puis Rogoff (1985) ont ensuite prolongé ce travail. Les premiers démontrent qu’il peut exister un équilibre reposant sur la réputation de l’autorité monétaire sans nécessairement adopter de règles. Le second valide le bienfondé réputationnel en proposant la déconnexion de la politique monétaire et de la Banque centrale au pouvoir politique en rendant la première indépendante. Le recours à des instruments non-conventionnels de politique monétaire vient troubler le fonctionnement habituel reposant sur une règle mo3. Ceci permet de rendre plus liquides certains segments de marché mais aussi de récupérer les actifs toxiques afin d’assainir les bilans des banques resuscitant la confiance dans le circuit interbancaire. 4. Ce concept suggère qu’une politique économique discrétionnaire en réaction à un évènement passé risque de devenir inadéquate au moment où elle est mise en oeuvre, principalement à cause des anticipations rationelles des agents. Ces derniers vont anticiper les effets attendus de la politique et ajuster leur comportement. Ainsi toute politique de relance est vouée à l’inflation puisque les agents, conscients des effets inflationnistes, réclament immédiatement une augmentation de salaire qui va annuler les bénéfices attendus en termes d’emplois et de production en réhaussant les salaires réels. La règle facilite la lecture des politiques économiques par les agents qui savent désormais quand les autorités vont intervenir et quels en seront les effets. 4 nétaire et menace la réputation d’une banque centrale en mettant en cause sa crédibilité. Les anticipations d’inflation sont alors perturbées et peuvent générer des effets réels non désirables. A l’inverse, une approche plus "conservatrice" souhaitant préserver le cadre opérationnel habituel, peut aggraver la situation en ne s’attaquant pas à l’illiquidité de certains segments du marché monétaire ou au gel du circuit interbancaire conduisant à une contraction du crédit. Toutefois, indépendance, crédibilité et réputation n’impliquent pas forcément immobilisme et statu-quo. Il est même envisageable que la préservation de sa crédibilité et de sa réputation justifie l’utilisation de la boîte à outil non-conventionnelle. Posen (2010) de la Banque d’Angleterre, dans un discours à New-York, résout le dilemme posé par l’achat de titres publics et l’indépendance des banques centrales en exhortant ces dernières à prendre leur responsabilité... sans que cela ne porte préjudice à leur réputation. L’indépendance ne se caractérise pas seulement par la réputation mais également par le pragmatisme. La mise en oeuvre de décisions pertinentes et judicieuses ne feront que renforcer la réputation et la crédibilité d’une autorité monétaire. Les hésitations peuvent en outre devenir contre-productives si la rationalité des agents les amène à anticiper cette politique non-conventionnelle étant données les circonstances. En d’autres termes, il apparaît optimal pour une banque centrale d’utiliser des moyens non-conventionnels pour rétablir les canaux de transmission de la politique monétaire. Nous proposons dans cet article de confronter, pour un large ensemble d’économies incluant des pays industrialisés et émergents, l’indépendance des banques centrales (mesurée par l’indice de Cukierman) à la politique monétaire mise en oeuvre durant la crise, principalement à travers la variation de la taille du bilan des banques centrales (modifiée par le quantitative easing). Nous nous demandons si l’indépendance a constitué un frein dans la nature et l’ampleur des mesures adoptées ou si au contraire les banques se sont affranchies de ce qui peut apparaître comme un carcan ? Nous menons une étude empirique sur 23 pays ndustrialisés et émergents en estimant un modèle en données de panel reliant l’indice d’indépendance des banques centrales à trois indicateurs différents reflétant la politique monétaire non-conventionnelle : la taille du bilan et la base monétaire rapportées au PIB nominal ainsi que la part des créances publiques dans le bilan. Nous nous concentrons sur la période 2006-2011 pour nous focaliser sur l’épisode de la crise financière. Dans la seconde section, nous expliquons l’intérêt des politiques non-conventionnelles puis recensons les politiques menées par les pays étudiés. Nous nous penchons dans la section 3 sur la question de l’indépendance en rappelant ses finalités et en quoi elle peut potentiellement entrer en contradiction avec les instruments non-conventionnels. Nous présentons ensuite la partie empirique de notre étude incluant le modèle estimé ainsi que les résultats avant de conclure. 5 Figure 1 – Evolution des taux directeurs des pays étudiés Pays du G5 Autres pays avancés européens Pays avancés non-européens Pays émergents 2 Les politiques monétaires non-conventionnelles : rétablir les canaux de transmission de la politique monétaire 2.1 Typologie des politiques monétaires non-conventionnelles Le canal de transmission de la politique monétaire transitant par le taux d’intérêt, est très rapidement devenu inopérant après la baisse spectaculaire des taux directeurs engagée à l’automne 2008 suite à la faillite de la Banque Lehman Brothers (voir figure 1). Le taux d’intérêt directeur avoisinant zéro plonge les économies dans une trappe à liquidité où le taux d’intérêt n’a plus aucun effet incitatif sur la demande et l’offre de crédits. Dans cette situation la banque centrale n’a plus d’emprise directe sur les conditions de financement des agents économiques via le taux d’intérêt nominal. Dans le cas où les banques centrales renoncent à d’autres instruments monétaires pour ne pas perturber les anticipations des agents économiques, la récession ne peut plus être endiguée que par 6 l’arme du déficit budgétaire. Dans les faits, la plupart des banques centrales ont délaissé l’habituelle politique de taux au profit d’une politique plus inédite dite de bilan assimilée aux politiques non-conventionnelles 5 . Les taux d’intérêt devenus impuissants pour orienter les comportements des agents économiques, les banquiers centraux mobilisent d’autres outils permettant de soutenir la demande agrégée. Bernanke et al. (2004) proposent trois grandes catégories de politiques non-convetionnelles 6 : l’extension du bilan de la banque centrale (quantitative easing ou credit policy), la modification de la composition du bilan de la banque centrale (qualitative easing ou credit easing), et des actions visant à orienter les anticipations des agents privés sur le taux d’intérêt futur. L’augmentation du bilan : le quantitative easing Les politiques non-conventionnelles passent essentiellement par des actions transitant par le bilan de la banque centrale. La première catégorie de politique non-conventionnelle affectant le bilan consiste purement et simplement en son augmentation à partir de l’accroissement de la base monétaire située au passif du bilan. Ces politiques, assimilées à des opérations d’open market et connues sous le nom d’assouplissement quantitatif, portent sur la quantité de réserves excédentaires détenues par les banques en définissant une cible. Cette cible est atteinte par l’achat d’actifs privés et/ou publics à différentes maturités. La nature des actifs financiers acquis par l’autorité monétaire est identique, et le portefeuille d’actifs demeure inchangé. Seule la taille de ce portefeuille est modifiée. Si ces achats d’actifs permettent d’agir sur les prix relatifs des actifs monétaires et financiers (en faisant monter le prix des titres achetés), la principale préoccupation du banquier central est d’abonder les banques en liquidités afin que celles-ci ne se retrouvent pas dépourvues lorsque qu’elles accordent des crédits aux agents économiques 7 . Le quantitative easing permet de prévenir et circonscrire la crise de liquidités qu’a connue le marché monétaire après la chute de Lehman Brothers. Cette politique monétaire peut s’avérer inefficace si le supplément de liquidités injectées est thésaurisé ou lorsque les agents anticipent parfaitement les effets potentiels 8 . Par ailleurs, l’accroissement de la base monétaire peut éventuellement s’accompagner d’une inflation si l’on s’en tient à l’équation quantitative 5. On peut considérer que le terme non-conventionnel est inapproprié comme le suggèrent Borio & Disyatat (2010). Le terme non-conventionnel qualifie, au sens plus strict, les initiatives prises par la banque centrale dans le financement direct (fourniture de liquidités ou achats d’actifs émis) des agents économiques privés, sans transiter par les banques de second rang. Ces politiques agissent tout simplement sur d’autres canaux de la politique monétaire qui n’avaient plus besoin d’être activés dans les périodes récentes (excepté au Japon), le taux d’intérêt étant suffisant. Pour des raisons de clareté nous retiendrons ce vocable tout au long du papier. 6. Voir également les articles de Drumetz et Pfister (2011) et de Loisel et Mésonnier (2009). 7. L’intérêt de cette politique est particulièrement évident pour les obligations d’Etat à long terme. Elle permet à ces derniers de bénéficier d’une détente des taux et de soutenir les politiques de relance menées par les Etats grâce à un endettement peu coûteux. Cette option largement utilisée aux Etats-Unis et au RoyaumeUni est préconisée par de nombreux économistes pour le cas de la zone euro confrontée à une crise de dette souveraine. 8. Ce qui revient à considérer qu’il n’y aucune rigidité dans l’économie. Voir Eggertsson & Woodford (2003). 7 de la monnaie. En revanche, l’assouplissement quantitatif fonctionnera dès lors que l’injection de liquidités débouche effectivement en l’achat de titres financiers qui se substituent à la monnaie dans les portefeuilles des agents. Cet élan d’acquisition permettra alors d’augmenter le prix de ces titres et d’en réduire le taux de rendement, ce qui incitera les investisseurs à se lancer dans des nouveaux projets. Enfin, cette option de politique monétaire permet d’envoyer un signal sur la trajectoire des taux d’intérêt qui devraient durablement rester faibles. Bernanke et al. (2004) reconnaissent un impact relativement modéré pour l’unique expérience japonaise. Le changement de la composition du bilan : le qualitative easing Une autre action sur le bilan de la banque centrale de nature plus qualitative (qualitative easing) peut être effectuée dans le cadre des mesures monétaires non-standards. Cette dernière consiste à modifier la composition de l’actif du bilan de la banque centrale, sans nécessairement l’augmenter 9 . La banque centrale procède alors à des achats d’actifs non-conventionnels (actifs adossés à des crédits hypothécaires par exemple), dans le but d’influencer les prix relatifs des titres, entre-eux et vis-à-vis de la monnaie. Ces actions vont permettre à la banque centrale d’atteindre un taux cible plafond qu’elle s’est fixée sur certains titres (obligations par exemple). Cette opération permet ensuite d’effectuer une redistribution des titres du point de vue de leur maturité. Les banques centrales vont racheter des titres de long terme contre des titres de court terme pour faciliter la détente sur les taux de long terme, et offrir de nouvelles perspectives pour les investissements à cet horizon. Cette catégorie d’opérations visent plus largement à se substituer aux banques commerciales et au schéma classique de financement de l’économie lorsque celui-ci est en panne. On parle de credit easing (voir Bernanke (2009)). La banque centrale procède alors à l’octroi de prêts à des agents ciblés et fournit des facilités contre des titres de très court terme (papiers commerciaux à 3 mois), de moyen terme (titres adossés à des actifs) ou encore de long terme (titres de dette publique). L’aspect non-conventionnel de cette politique peut être accentué par la modification et l’extension des contreparties éligibles pour l’obtention des facilités. Les différentes banques centrales ont fréquemment utilisé cette arme au cours de la crise, ce qui a permis de rendre plus liquides certains segments du marché monétaire et de racheter des titres "toxiques" dépréciés afin de les sortir des bilans des banques commerciales et de les "isoler" dans celui de la banque centrale. Le choix de l’emploi de l’assouplissement quantitatif ou de l’assouplissement de crédit reposent sur la structure du financement de l’économie. Ainsi, les économies basées sur un système d’intermédiation bancaire vont privilégier la première option en s’appuyant sur les banques dans le financement des investissements. Les économies plus désintermédiées et orientées vers le financement direct via les marchés financiers se tournent vers le credit easing afin de répondre aux besoins de financement des agents privés. 9. Cette politique peut éventuellement conduire à une augmentation du bilan si les opérations d’achats ne sont pas stérilisées par des ventes d’autres actifs. Cependant, l’objectif n’est pas d’accroître la quantité de réserves excédentaires au passif mais de modifier les prix relatifs des titres. 8 Influencer les anticipations de taux d’intérêt futurs La troisième option touche plus largement à la communication de l’institution notamment à travers les signaux qu’elle peut envoyer aux investisseurs. Elle cherche à influencer les anticipations des marchés qui sont déterminantes dans la transmission de la politique économique. Une politique monétaire non-conventionnelle peut consister par exemple à prendre l’engagement, implicite ou explicite 10 , de maintenir à un niveau proche de zéro le taux d’intérêt directeur pendant une période donnée. Cette procédure a pour ambition d’ancrer les anticipations de taux d’intérêt futur à un bas niveau. En effet, cette décision provoquera une baisse du taux d’intérêt réel par l’effet combiné de la baisse des taux nominaux et l’augmentation des anticipations d’inflation générée par la politique accommodante menée par la banque centrale. Une variante des politiques de signaux peut également revenir à annoncer une cible inflationniste supérieure à la cible habituelle afin de compenser la période de déflation ou de stabilité des prix vécue pendant la récession. La conséquence de celle-ci en est une baisse plus marquée des taux réels. Les modalités et les effets de ces politiques sont discutés en détail dans les articles de Bernanke et al. (2004) et Eggertsson & Woodford (2003). Notre étude porte plus précisément sur les mesures de nature quantitative puisqu’elle vise à mesurer l’ampleur des décisions prises par les autorités à l’aune de leur degré d’indépendance. L’intitulé des politiques menées par les différentes autorités n’entrent pas rigoureusement dans la classification de Bernanke et al. (2004). Les politiques qui s’apparentent par exemple à des assouplissements quantitatifs (en Europe et aux Etats-Unis) dans les faits n’en sont pas dans les objectifs qu’elles poursuivent puisqu’elles visent, dans le cas de la récente crise, à se substituer au marché interbancaire voire à éviter la faillite de certains établissements présentant un risque systémique important (trop gros pour faire faillite) 11 . L’augmentation du bilan de la banque centrale répondait plus au besoin de liquidités que de la nécessité de saturer la demande de monnaie. Les banques centrales, dans ces cricconstances, se sont saisies de la large gamme d’instruments non-conventionnels rentrant dans ces trois grandes orientations. 2.2 Les réponses monétaires des banques centrales durant la crise Plusieurs bilans des politiques monétaires non-conventionnelles menées depuis 2007 ont été dressés. Borio & Disyatat (2010), Minegishi & Cournède (2010) et Ishi et al. (2011) ainsi que Yehoue et al. (2009) pour les pays émergents ont proposé différentes typologies des mesures non-conventionnelles de politique monétaire. Elles s’inscrivent essentiellement 10. Cette décision fait souvent l’objet d’une déclaration publique par le comité de politique monétaire. 11. AIG aux Etats-Unis par exemple. 9 dans les deux premières catégories présentées ci-dessus puisqu’elles se concentrent sur les actions affectant le bilan. Borio & Disyatat (2010) présentent une classification reposant sur les segments de marché ciblés par l’autorité monétaire : le marché des changes, le marché de la dette publique, celui des actifs privés et les réserves bancaires. Pour répondre à la première préoccupation, la banque centrale va mener une politique de change en injectant des devises nécessaires aux agents privés lorsqu’elles se raréfient ou tout simplement pour défendre la parité de la monnaie vis-à-vis d’une monnaie étrangère 12 . Elles sont par conséquent amenées à modifier le volume de devises détenues dans leur bilan. La politique de change ne relève pas nécessairement de la politique non-conventionnelle puisqu’elle peut être menée notamment dans le cadre d’un régime de change fixe ou d’arrimage souple. La mobilisation des réserves en devises présente en revanche un caractère non-conventionnel lorsqu’elles sont destinées aux agents économiques confrontés à un assèchement des devises sur le marché des changes. Face au déséquilibre sur le marché des dettes publiques, la banque centrale va conduire une politique dite de gestion de la dette en modifiant la composition de son portefeuille à l’actif par l’achat de titres de dette publique de différentes maturités. La banque centrale a la possibilité d’acheter ces titres sur le marché primaire pour financer les déficits publics, ou sur le marché secondaire pour permettre aux détenteurs privés de se séparer de ces actifs. La première initiative permet d’agir sur le taux de rémunération des titres en exerçant une pression à la hausse des prix, ce qui réduit le taux d’intérêt sur la dette pour soulager l’Etat. La seconde initiative part de la même intention mais favorise en outre une plus grande liquidité sur ce marché et offre des liquidités bancaires en contrepartie. La stabilité sur le marché du crédit et le financement direct privé relève de la politique dite de crédit. La banque centrale va à nouveau jouer le rôle de prêteur en dernier ressort de manière directe ou indirecte afin d’assouplir les conditions d’accès aux capitaux. Elle peut, le cas échéant, suppléer les intermédiaires financiers en allouant directement des fonds aux agents économiques en besoin de financement en cas d’extrême instabilité financière 13 . Plus fréquemment, la banque centrale va prendre des dispositions exceptionnelles concernant les procédures d’allocation des liquidités aux établissements bancaires. Cette politique de crédit comporte donc un plus large éventail de mesures que les deux précédentes catégories permettant d’influencer à la fois la sphère interbancaire mais également le circuit alternatif de financement. En ce qui concerne le circuit interbancaire, la politique de crédit consiste essentiellement à modifier les conditions habituelles de liquidités aux établissements : modulation des taux sur les réserves excédentaires, mise en oeuvre d’opé12. Cette injection peut être définitive ou temporaire. Pendant la crise, cette politique s’est principalement réalisée via des lignes de swap consistant en un accord bilatéral sur les flux de liquidités entre deux autorités monétaires. Ce contrat comporte deux opérations simultanées. La première s’effectue au comptant et fournit des devises contre de la monnaie nationale à un cours déterminé. La seconde s’effectue à terme dans le sens inverse (rachat de la monnaie nationale contre des devises) au même cours. 13. En décembre 2011 puis en mars 2012, la BCE a prêté près de 500 milliards d’euros sur trois ans à des établissements bancaires et financiers afin qu’ils reactivent le crédit et financent l’économie réelle. 10 rations de long terme supplémentaires, augmentation de la fréquence et du volume des opérations de refinancement, modification des conditions de réalisation des opérations 14 , l’élargissement de la liste des contreparties admises en échange des liquidités, relâchement des critères d’éligibilité des collatéraux requis, allongement de la durée de remboursement de liquidités fournies, fourniture de devises via les lignes de swap. En dehors du cadre interbancaire, la banque centrale peut opérer au rachat de titres monétaires et financiers permettant d’alléger les conditions de financement qui se durcissent suite à une présomption accrue des probabilités de défaut : papier commercial, valeurs mobilières addossées à des actifs, obligations privées, autres titres... 15 . Enfin, la banque centrale va mener une politique de réserves bancaires en définissant une cible de réserves à atteindre en ne se préoccupant plus des actifs obtenus en échange. Ces rachats d’actifs permettent de rendre plus liquides les marchés de ces titres mais aussi d’isoler des actifs dépréciés susceptibles de dégrader les bilans des institutions bancaires et financières. Enfin, la banque centrale va mener une politique de réserves bancaires en définissant une cible de réserves à atteindre en ne se préoccupant plus des actifs obtenus en échange. Elle va alors modifier la composition de son portefeuille d’actifs en y intégrant des titres libellés en devises ou en monnaie nationale. Cette politique vise principalement à limiter les tensions sur l’accès aux liquidités dans le cas d’un substantiel rétrecissement. Ishi et al. (2011) reprennent en partie ces catégories de mesures non-conventionnelles dans les pays développés en distinguant deux grands objectifs : la stabilité financière et la stabilité macroéconomique. La première préoccupation trouve des réponses dans la politique d’allocation de liquidités sur les marchés de capitaux (financiers et de crédits). La stabilité macroéconomique trouve sa finalité dans la mise en place d’une politique d’achats d’actifs publics de long terme (y compris titres des agences fédérales américaines) visant la réduction de leur taux de rendement qui soulagerait l’endettement de l’Etat. Les interventions sur le marché des changes permettent de combattre la variabilité du taux de change. L’achat massif de devises permet de lutter contre l’appréciation de sa monnaie 16 . Enfin, la banque centrale semble la mieux placée pour redynamiser un crédit atone en soutenant directement un secteur spécifique plus durement frappé par la crise. Dans leur typologie, Minegishi & Cournède (2010) détaillent la politique de crédit de Borio & Disyatat (2010) en dissociant les mesures concernant la fourniture de liquidités favorisant la redynamisation du circuit interbancaire, des mesures concernant l’acquisition de titres qu’ils qualifient d’interventions directes sur certains segments du marché des capitaux. Ils conservent néanmoins la distinction opérée dans l’étude de la BRI en isolant les achats 14. A partir d’octobre 2008, la BCE a modifié les conditions de fourniture de liquidités à long terme (LTRO), en proposant notamment des procédures dites Fixed Rate Tender with Full Allotment où tous les besoins sont satisfaits à prix fixe. 15. La Fed a procédé à d’amples programmes de rachat d’actifs adossés aux crédits hypothécaires sur les ménages américains. 16. Les banques centrales suisse et israélienne se sont engagées dans l’injection de leur monnaie nationale sur les marchés des changes afin de contrer l’appréciation de leur monnaie consécutive à la politique monétaire accommodante menée par la BCE. 11 de dette publique. Le soutien spécifique et exceptionnel à des institutions financières en besoin urgent de liquidités est à nouveau considéré comme une mesure distincte du reste. Les économies émergentes ont moins eu recours aux instruments non-conventionnels. Yehoue et al. (2009) recensent les différentes mesures prises par ces pays durant la période de crise. Trois grandes classes de mesures sont retenues : les mesures d’allocation de liquidités à l’échelon domestique regroupant les modifications des opérations de liquidités habituelles, les mesures de change et les mesures d’assouplissement du crédit (octroi direct et indirect de crédit) et d’assouplissement quantitatif reprenant la définition originelle de l’achat d’actifs publics de long terme. Le tableau 1 offre une synthèse des différentes mesures prises les banques centrales étudiées dans cet article durant la crise. Les mesures sont regroupées en quatre catégories : assouplissement et accroissement des programmes de liquidités, achat d’actifs publics de long terme, les mesures de change à travers l’injection de devises et le soutien direct, exceptionnel et spécifique de la banque centrale à des institutions en grande difficulté. Table 1 – Présentation synthétique des principales mesures adoptées par les banques centralesa Aménagement des programmes de liquidités Achat d’actifs publics de long terme * * * * * * * * * * * * * Mesures de change Injections de liquidités Etats-Unis Zone euro Royaume-Uni Japon Canada Australie Suisse Suède Corée Indonésie Rep. Tchèque Hongrie Islande Russie Turquie Argentine Brésil Chili Mexique Nouv. Zélande Norvège Afrique du Sud Danemark a * * * * * * * Lignes de swap * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * Soutien direct et spécifique * * * * * * * * * * * * * * * * A partir de Yehoue et al. (2009), Minegishi & Cournède (2010), Borio & Disyatat (2010) et Ishi et al. (2011) Ce tableau ne fournit pas le détail des mesures prises par les autorités monétaires et ne précise pas l’intensité du recours aux instruments non-conventionnels pour chaque institution. Cette intensité est directement liée au statut et au poids des économies dans l’économie mondiale 17 . Les autres "grandes" banques centrales ont été plus discrètes dans 17. Il n’est ainsi pas surprenant d’observer que la Federal Reserve fut la banque centrale la plus active du point de vue du nombre de programmes de facilités qui se montent à sept : Term Auction Facility (TAF), Primary Dealer Credit Facility (PDCF), Term Securities Lending Facilities (TSLF) comme programmes de fourniture de liquidité à court terme par la FED aux Banques et institutions financières, ainsi que les Commercial 12 l’ampleur des actions menées 18 . Pour se faire une idée plus précise de l’ampleur des politiques non-conventionnelles menées depuis l’éclatement de la crise financière nous proposons quelques statistiques de l’évolution de la taille des bilans entre 2007 et 2011. Figure 2 – Variation annuelle moyenne du bilan (total des actifs) des banques centrales entre 2007 et 2011 (en%) Pays du G5 Autres pays avancés Pays émergents On constate une tendance globale à l’augmentation des bilans. La chute de la banque d’affaire Lehman Brothers déclencha une panique sur les marchés financiers qui poussa les banques centrales à prendre des mesures débouchant sur l’augmentation de leurs bilans. Les pays appartenant au G5 apparaissent comme les locomotives de ce mouvement par l’ampleur des réponses apportées, en particulier par la Federale Reserve et la Banque Paper Funding Facility (CPFF), Asset-Backed Commercial Paper Money Market Mutual Fund Liquidity Facility (AMLF), Money Market Investor Facility (MMIF) et Term Asset-Backed Securities Loan Facility (TALF) visant à la fourniture directe de liquidités aux emprunteurs. Bernanke (2009) détaille tous ces programmes. Vient ensuite la Banque d’Angleterre qui a engagé un conséquent programme d’achat d’actifs Asset Purchase Facility). La Banque Centrale Européenne (BCE) s’est égalemment distinguée en intensifiant les programmes de liquidités à long terme (LTRO) et en achetant des obligations publiques sur le marché secondaire (covered bond programme). Notons que la Banque Nationale de Suisse a démontré une certaine activité spécialement à travers les injections de devises lui permettant de limiter l’appréciation de la monnaie. 18. Pour un comparatif détaillé et complet des mesures non-conventionnelles prises par la Fed, la BCE et la Banque d’Angleterre, voir Lenza et al. (2010) et Bentoglio & Guidoni (2009). Pour un comparatif incluant plus d’économies, voir Anderson et al. (2010). 13 d’Angleterre. Ces deux autorités ont en effet pris des mesures qui ont conduit à un triplement de l’actif en un peu plus de deux ans 19 . D’autre banques centrales affichent des progressions importantes comme le Brésil, la Suisse, la Hongrie, la Suède (qui a ensuite réduit son bilan) mais surtout l’Islande confrontée à la restructuration d’un système bancaire et financier totalement dévasté. Ce qui distingue assez nettement les pays du G5 du reste de l’échantillon c’est la trajectoire de l’évolution des bilans. On note une rupture intervenant à l’automne 2008 et coïncidant avec la faillite de la Banque d’affaire Lehman Brothers. On note enfin que les autorités les plus "puissantes" ont maintenu ces mesures jusqu’à aujourd’hui sans jamais entamer de processus inverse visant à réduire leur bilan. Les économies émergentes ont en revanche accentué un phénomène de croissance continue de leurs actifs déjà entamé avant la crise accompagnant une forte croissance économique 20 . Enfin, les mesures prises par ces économies ont souvent porté sur des mesures de change visant à empêcher l’appréciation "mécanique" de leur monnaie face. Figure 3 – Evolution de la taille des bilans des différentes banques centrales (Indice 100 au 1er trimestre 2006) Pays du G7 Autres pays avancés Pays émergents Europe-Asie Pays émergents Amérique latine-Afrique 19. Le Japon apparaît ici une exception dans la tendance commune. Il faut toutefois garder à l’esprit que la banque centrale avait adopté des instruments non-conventionnelles bien avant la crise qui avait substantiellement gonflé son bilan. 20. L’accroissement de la taille du bilan est sensiblement inférieure à celle des pays industrialisés lorsqu’elle est rapportée au PIB 14 Après avoir passé en revue les différentes options de politique monétaire offertes puis adoptées par les autorités monétaires, nous les confrontons au niveau d’indépendance et d’autonomie des banques centrales. 3 L’indépendance des banques centrales et la mise en oeuvre des politiques monétaires non-conventionnelles durant la crise A partir du début des années 80, nous avons assisté à une convergence des orientations monétaires sous l’impulsion de la politique monétaire menée par la Federal Reserve. Sur le plan du contenu, les banques centrales ont généralement accordé plus de poids à la stabilité des prix dans leurs objectifs et se sont engagées dans des politiques monétaires très restrictives afin d’orienter les anticipations d’inflation à la baisse et casser les dynamiques inflationnistes 21 . Selon la théorie économique dominante de l’époque, la politique monétaire ne constitue pas un outil de réglage fin permettant de limiter les fluctuations conjoncturelles. En effet, toute politique accommodante visant à réduire le chômage ou relancer l’activité va déboucher sur la hausse du niveau des prix à long terme avec des effets réels mineurs voire nuls lorsque les agents sont parfaitement rationnels (Lucas et Sargent). Kydland & Prescott (1977) préconisent alors l’adoption de politique de règles au détriment d’une politique discrétionnaire pour éviter les tentations de politique accommodante à vocation inflationniste. La poursuite d’une règle offre aux marchés une plus grande clarté et lisibilité de l’action gouvernementale. Elle permet aux investisseurs de mieux anticiper les actions du gouvernement et leurs effets. Cette évolution de la mise en oeuvre des politiques économiques s’accompagne d’un changement institutionnel du statut des banques centrales devenant indépendante du pouvoir politique. Le principe d’indépendance est avancé par Rogoff (1985) comme l’arrangement institutionnel idéal permettant de limiter le coût inflationniste de la politique monétaire souligné par Barro & Gordon (1983). Selon ces derniers, tout gouvernement a intérêt à mener une politique accommodante source d’inflation "surprise" (supérieure à celle attendue par les agents) qui diminuerait les salaires réels et réduirait le chômage. Cette politique n’est toutefois pas durable du fait de la relation dynamique et répétée qu’entretiennent les agents économiques avec les autorités. Les premiers apprennent des expériences passées et sont alors amenés à se méfier des seconds lorsqu’ils "trichent" de manière récurrente voire à anticiper les effets indésirables. Barro et Gordon démontrent qu’un équilibre intermédiaire entre une règle pure et la politique totalement discrétionnaire est possible. Cet équilibre est dit réputationnel et repose sur les engagements pris et annoncés par les banques centrales et sa crédibilité. Rogoff (1985) s’appuie sur ce résultat pour proposer un nouvel 21. Cette tendance a été accompagnée et facilitée par l’abandon progressif et généralisé du mécanisme d’indexation des salaires sur les prix. 15 agencement institutionnel de la politique économique dans lequel la politique monétaire serait confiée à une Banque centrale dirigée par un individu plus "conservateur" que la société. Ce conservatisme exprime une pondération plus importante accordée à la stabilité des prix qu’au plein-emploi chez le gouverneur de l’institution. Cela revient alors à retirer la gestion de la monnaie aux gouvernants élus censés représenter les préférences sociales. Les préférences du gouverneur étant publiquement connues, les agents s’attendent à ce que le taux d’inflation diminue, facilitant ainsi l’ancrage nominal à un niveau relativement bas. Cet éloigement s’opèrera par l’indépendance opérationnelle et fonctionnelle des banques centrales vis-à-vis de la sphère politique. Cette indépendance va se traduire sur le plan institutionnel par des dispositions limitant l’intrusion des élus dans l’organisation et le fonctionnement de l’institution (nomination, révocation du gouverneur, et des membres du conseil de politique monétaire,...). Sur le plan économique, l’indépendance se concrétise par le transfert le plus complet de la conduite de la politique monétaire : objectifs, instruments et prise de décision. En attribuant une latitude totale à la banque centrale dans la conduite de la politique monétaire et en coupant quasi-totalement l’ensemble des liens de communication entre le gouvernement et l’autorité monétaire (excepté lors de la procédure d’accountability), la société fait le choix d’éviter un potentiel biais inflationniste inhérent à toute politique monétaire qui poursuivrait un intérêt privé, celui du politicien. Théoriquement, cet agencement institutionnel évite toute confusion des objectifs et cherche à cloisonner les objectifs et les outils associés. Il remet finalement à la seule politique budgétaire la possibilité d’amortir les fluctuations conjoncturelles à l’aide d’une politique contra-cyclique. La politique monétaire se charge de la stabilité de la monnaie en premier lieu, et parfois de la stabilité financière en cas de déséquilibre 22 . Ce cloisonnement n’est en revanche pas incompatible avec la mise en place d’un policy-mix à partir duquel on parvient à concilier les objectifs propres. Rogoff (1985) ne néglige cependant pas les conséquences de cette nouvelle donne institutionnelle dans un monde marqué par des chocs aléatoires non-prévus. Il ne sous-estime pas non-plus la capacité de la politique monétaire à répondre à ces chocs. Il voit la construction d’une réputation et de la crédibilité de la banque centrale comme une solution optimale de second-rang après la recherche d’élimination de rigidités sur les marchés du travail et des biens. Alors qu’on peut s’attendre à un coût de cette politique monétaire en termes réels, ces effets seraient théoriquement atténués par la bonne anticipation des effets de la politique menée puisque les annonces de l’autorité monétaire sont crédibles. L’indépendance apparaît particulièrement précieuse lorsque les autorités monétaires s’engagent dans un processus de désinflation susceptible de générer des effets récessifs. L’in22. Ce courant de pensée initie à la même époque une libéralisation des marchés de capitaux censée générer la stabilité de ces marchés de manière automatique et autonome par le seul ajustement des prix. La stabilité financière est alors supposée acquise. Demeure la surveillance macro et micro-prudentielle afin d’assurer le fonctionnement de ces marchés. 16 dépendance de la banque centrale favoriserait donc une réduction de l’inflation et une moindre volatilité de la production 23 . L’impact de l’indépendance en termes de production (ratio de sacrifice) fait toutefois l’objet d’un désaccord dans la littérature étant donné que la réduction de l’inflation est associée à une diminution de la croissance économique (voir Fischer (1996)). D’une part, les enquêtes menées dans les travaux mentionnant un impact positif concernent essentiellement des pays de l’OCDE. L’extension de l’examen statistique à des pays en développement suggère que la relation entre indépendance et réduction de l’inflation est moins évidente. D’autre part, un problème d’endogénéité est lié à l’indépendance de la banque centrale. Est-ce la seule indépendance qui génère une réduction de l’inflation ? L’indépendance peut être corrélée négativement avec la baisse de l’inflation sans qu’elle en soit la cause. En considérant qu’une société fasse le choix central de la stabilité des prix dans l’économie, Hayo & Hefeker (2002) concluent que l’indépendance ne constitue une condition ni nécessaire ni suffisante à la baisse de l’inflation. D’autres options monétaires peuvent conduire au même résultat : ciblage d’inflation, currency board ou le régime de change fixe. L’indépendance représenterait un instrument parmi d’autres pour atteindre cet objectif 24 . Pour atteindre cette crédibilité, on peut imaginer que le recours à un nombre minimal d’instruments favorisera la lecture et la compréhension des actions de politique monétaire par les marchés. Une fois ses engagements définis, l’autorité monétaire va chercher à les respecter en adoptant un comportement lisible auquel elle va s’astreindre en fonction des circonstances. Au dela de sa communication, elle va privilégier une politique de règle caractérisée par une réponse quasi-mécanique et donc facilement prévisible étant donné la conjoncture et l’objectif final à atteindre. La règle de Taylor exprime parfaitement ce type de politique qui définit la trajectoire du taux d’intérêt de court terme selon l’écart de production et la déviation de l’inflation par rapport à sa cible. Le choix du ciblage d’inflation indique également clairement que la banque centrale s’engage sur une action lisible en rendant implicite son action lorsque le taux d’inflation dévie de sa cible. Les banques centrales vont peu à peu se concentrer sur une politique dite de taux pour faciliter la compréhension de son action et la rendre prévisible au fil du temps. Elle ne va probablement pas multiplier les recours à différents instruments qui pourraient semer le doute chez les acteurs des marchés de capitaux. Elle évitera également les réponses à géométie variable dans des contextes économiques sensiblement identiques. Que va-t-il se passer alors dans des circonstances inédites et dans des temps exceptionnels de crise ? 23. De nombreuses études se sont intéressées aux effets macroéconomiques du statut de l’indépendance et ont confirmé des liens négatifs entre indépendance et fluctuations cycliques : Alesina & Summers (1993), Alesina & Gatti (1995) et Bouwman et al. (2005). 24. Pour un débat approfondi sur l’indépendance de la banque centrale, on peut se référer à l’ouvrage de Héron & Moutot (2008). 17 3.1 Augmentation du bilan des banques centrales et indé- pendance des banques centrales : un antagonisme apparent Le "bon sens" économique voudrait que les situations de chaos conduisent les banques centrales à abandonner les principes prévalant en période "normale" pour adopter des réponses appropriées avec les instruments pertinents. Si l’urgence peut amener des banquiers centraux, même conservateurs à se rallier à cette position, une divergence peut subsister quant à l’appréciation de l’urgence. Par ailleurs, le consensus sur le recours à des mesures inhabituelles peut être perturbé par des banquiers centraux désireux de préserver la "réputation" de l’institution qu’ils dirigent de peur de subir à l’avenir l’incohérence temporelle des futures politiques. La crise est passagère et durera vraisemblalement moins longtemps que la période nécessaire au rétablissement de la crédibilité et de la réputation de l’autorité. Les responsables des banques centrales semblent donc confrontés à un arbitrage délicat : la résolution des troubles financiers par le recours à des mesures inhabituelles ou la stabilité de la conduite de la politique monétaire et la préservation de la réputation de l’entité au détriment, temporaire, de l’impératif macroéconomique. Cinq facteurs sont suceptibles de freiner une banque centrale préoccupée par sa réputation dans l’emploi des politiques non-conventionnelles et plus particulièrement celles provoquant l’augmentation du bilan. Premièrement, l’accroissement du bilan de la banque centrale via l’augmentation de la base monétaire peut être perçu comme une politique potentiellement inflationniste. En effet, l’injection abondante de liquidités a pour objectif de voir croître le volume de crédits accordés. Cette initiative risque d’avoir pour conséquence la modification à la hausse des anticipations d’inflation. L’autorité monétaire se retrouverait alors confrontée à l’écueil de l’incohérence temporelle et devra à nouveau regagner en crédibilité pourqu’à nouveau ses actions soient parfaitement anticipées et l’inflation se stabilise. Deuxièmement, le rachat de titres de dette publique sème le doute quant à la séparation de la liaison autorité monétaire-pouvoir politique. Les opérations d’achat d’obligations publiques s’apparentent en effet à la monétisation de la dette publique également source d’inflation et de retour des cycles électoraux. Par ailleurs, cette interconnexion risque de faire renaître le phénomène d’aléa moral en ce qui concerne la gestion des finances publiques dans la mesure où le gouvernement sait qu’il peut compter sur l’appui de la Banque centrale lorsqu’il fait face à une situation non-soutenable. Troisièmement, les détracteurs du recours à la politique non-conventionnelle font valoir que les opérations de quantitative et qualitative easing conduisent à la dégradation du bilan de l’actif de la banque centrale qui récupèrent des titres dévalorisés. Cette dégradation est coûteuse pour le détenteur du capital de la banque centrale... la puissance publique et le contribuable. Quatrièmement, les politiques non-conventionnelles impactant le bilan réduisent la transparence de l’action de la banque centrale. Cette dernière va jouer sur différents tableaux (marché interbancaire, stabilité financière, ...) et non plus un seul (la stabilité monétaire). Elle va en outre être amenée à recourir à différents outils de politique monétaire. L’option d’une politique monétaire non-conventionnelle contraint la 18 banque centrale à multiplier les objectifs et les instruments, ce qui risque de brouiller son action et dérouter les investisseurs habitués aux modifications des taux directeurs. Enfin, l’intervention de la banque centrale comme prêteur en dernier ressort peut générer un risque d’aléa moral en cherchant à éviter la faillite des établissements bancaires et financiers. Ces sauvetages peuvent être perçus comme une atteinte à l’indépendance de l’institution, non plus vis-à-vis du pouvoir politique, mais par rapport au secteur privé. Les marchés financiers s’exposent à l’avenir à une instabilité plus grande du fait de prises de risque inconsidérées de certains opérateurs. Cela oblige la banque centrale à suivre deux objectifs simultanément : stabilité monétaire et financière. Ces arguments apparaissent toutefois contestables, particulièrement dans un contexte de ralentissement marqué de l’économie. En ce qui concerne la crainte inflationniste, elle est logiquement écartée lorsque les réserves injectées ne se transforment pas en nouveaux prêts bancaires, faute de demande ou par restriction d’offre. Par ailleurs, les poussées inflationnistes n’interviennent qu’à partir du moment où la demande globale excède l’offre, ce qui est difficilement envisageable dans une période de récession marquée par l’accroissement du chômage. L’augmentation du bilan peut même s’avérer vitale lorsque le niveau général des prix stagne. Les cibles d’inflation que se fixe un certain nombre d’autorités monétaires sont différentes de zéro, et la déflation apparaît alors comme une situation tout aussi désagréable. Enfin, l’arrêt brutal du circuit interbancaire ne trouve pas d’autre issue que dans l’intervention de l’agent détenteur du pouvoir d’émission de monnaie. La monétisation de la dette et la réapparition de cyles électoraux semblent excessifs dès lors que la politique de rachat d’obligations publiques est temporaire. Il s’agit pour la banque centrale d’éviter des tensions de nature spéculative sur les taux d’intérêt des obligations d’Etat consécutives à des ajustements budgétaires ou non. Les reproches adressés à cette initiative pourraient alors l’être pour tout rachat d’actifs de différentes natures par la banque centrale, y compris des actifs dépréciés susceptibles de dégrader leur bilan. Il s’agit avant tout de préserver la stabilité du système financier en évitant des distorsions trop importantes et des situations d’illiquidités sur certains segments de marché où les demandeurs d’épargne démontrent des fondamentaux identiques à ceux d’avant la crise. L’argument portant sur la dégradation du bilan de la banque centrale paraît le plus délicat à contrer. On peut toutefois arguer à nouveau qu’une banque centrale a, en plus du pouvoir d’émission monétaire, le privilège de ne pas pouvoir faire faillite. Les deux derniers arguments défavorables aux politiques conventionnelles butent sur la stratégie de communication que doit mettre en oeuvre la banque centrale lorsqu’elle se lance dans une politique d’accroissement du bilan. Elle peut en effet faire preuve d’une transparence approfondie en annonçant les initiatives prises, les cibles visées, les mécanismes de transmission attendus ainsi que le délai sur lequel s’étendent les mesures prises. Par ailleurs, la banque centrale doit se montrer suffisamment claire sur la stratégie de sortie des politiques non-conventionnelles en intégrant celle-ci dans sa communication. En précisant les raisons qui la poussent à adopter des mesures exceptionnelles, l’effet escompté de ces mesures ainsi que le moment et la procédure d’abandon de ces mesures, la banque centrale évite 19 l’effet de surprise tant redouté par les membres de la nouvelle macroéconomie classique. La stratégie de sortie est une condition de la réussite de la politique non-conventionnelle. Adam Posen valide l’intervention des banques centrales sur le marché obligataire en période de crise au nom du pragmatisme. Sa contribution insiste sur le fait que c’est l’adoption des mesures adéquates qui renforcent la réputation et donc la crédibilité de l’autorité monétaire. En excluant l’achat d’actifs publics au titre de des statuts, la banque centrale s’interdit un levier d’action qui permettrait de retrouver une stabilité macroéconomique 25 . En d’autres mots, il n’y a pas de perte de crédibilité en prenant les mesures qui s’imposent. En revanche, une banque centrale peut créer un doute dans la tête des investisseurs qui ont conscience que les mécanismes traditionnels de transmission de la politique monétaire sont inopérants et anticipent un risque déflationniste en l’absence de mesures non-conventionnelles. Si la stabilité des prix est annoncée comme l’objectif final et qu’elle passe inévitablement par ces mesures, la banque centrale doit d’urgence les mettre en oeuvre. 3.2 Analyse empirique : expérience de la crise économique La suite du travail propose d’examiner sur le plan empirique l’impact de la réputation des banques centrales sur la nature des décisions prises lors de la récente période marquée par la crise financière entre 2006 et 2011. 3.2.1 Vue d’ensemble Nous confrontons dans un premier temps l’indépendance mesurée par l’indice pondéré de Cukierman à l’évolution de trois indicateurs de politiques monétaires non-conventionnelles : la taille du bilan rapportée au PIB nominal, la base monétaire rapportée au PIB nominal et la part des actifs publics dans le bilan. L’indice de Cukierman (1992) actualisé par Crowe & Meade (2008) est disponible pour un large ensemble de pays 26 . Sa construction offre une plus grande variabilité que d’autres indices puisqu’il est compris entre 0 et 1 et est continu. L’élaboration de l’indice appelé Legal Variables Unweighted (LVAU) ou Legal Variables Weighted (LVAW) repose sur seize variables 27 regroupées en quatre catégories : – Le gouverneur de la banque centrale : nomination, conditions d’exercice et révocation ; – La formulation de la politique monétaire : choix des instruments et design de la politique monétaire ; 25. On retrouve évidemment le débat actuel en Europe sur le lien entre le rôle de la BCE et les problèmess de finances publiques que connaissent certains membres de la zone euro. En ne garantissant pas leur dette la BCE laisse planer le doute quant à leur solvabilité et ouvre le champ à la spéculation sur les titres obligataires de ces économies. 26. D’autres indices existent : Bade & Parkin (1982) qui est la première véritable tentative de mesure du degré d’indépendance ou Grilli et al. (1991) qui est corrélé avec l’indice de Cukierman. Voir Eijffinger & De Haan (1996) pour une comparaison détaillée des indicateurs. 27. Crowe & Meade (2008) se limitent à douze indicateurs pour actualiser l’indicateur. 20 – La définition des cibles intermédiaires et des objectifs finals de la banque centrale ; – Les relations avec le gouvernement en matière de financement des déficits et de la dette ; L’indice d’indépendance des banques centrales est évidemment discutable puisqu’il intègre des critères dits de jure, reposant en partie sur des principes legislatifs déclaratifs qui, parfois, divergent des faits observables dans la pratique (de facto). Le graphique 4 démontre que les banques centrales ont globalement progressé vers une indépendance plus grande vis-à-vis du pouvoir politique puisque les indices ont augmenté depuis les années 80. Le graphique 5 renseigne le degré d’indépendance des banques centrales par grandes catégories de pays 28 . Il indique que l’indépendance n’est pas plus élevée dans les pays du G5 que dans le reste des pays industrialisés ou des pays émergents. Ceci s’explique par le degré d’indépendance affiché par les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et le Japon. On remarque du côté britannique et Japonais une plus grande propension à financer la dette publique par les autorités monétaires 29 . Du côté nordaméricain, l’influence de la sphère gouvernementale dans la conduite (instruments) de la politique monétaire est plus prononcée 30 . Les pays européens appartenant aux pays les plus avancés (notamment la zone euro) affichent toutefois des niveaux plus élevés d’indépendance selon la réactualisation. Les économies émergentes ont connu la progression la plus importante de leur degré d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique afin de se caler sur le "modèle" des pays industrialisés. Le Japon, la Suède, l’Islande et la Norvège ont enregistré les plus fortes progressions de l’indice parmi les économies avancées. Face à l’indice d’indépendance des banques centrales, nous opposons l’évolution des trois indicateurs de politique monétaire non-conventionnelle. Les informations relatives aux variables sont présentées dans l’annexe A. L’évolution est représentée par le taux de variation annuel moyen de ces variables sur la période 2007-2011. Nous reportons cidessous les trois nuages de points confrontant les deux grandeurs. On peut observer que l’expansion du bilan de la banque centrale n’entre pas nécessairement en contradiction avec une réputation et une crédibilité bien établies. Des banques centrales affichant un degré élevé d’indépendance n’ont pas hésité à prendre des mesures les conduisant à augmenter de manière inhabituelle leurs bilans en rachetant un plus grand nombre d’actifs. Outre l’Islande, la Hongrie et la Zone euro, perçue comme conservatrice, se sont affranchies de leur indépendance pour mener des politiques monétaires véritablement accommodantes. A l’inverse d’autres autorités monétaires se sont révélées plus réticentes à de telles actions (Australie, Corée du Sud, Indonésie ou encore Afrique du Sud). La taille de leur bilan n’a 28. G5 : Canada, Etats-unis, Japon, Royaume-Uni, et Zone euro ; Autres pays avancés : Australie, Corée du Sud, Danemark, Islande, Nouvelle-Zélande, Norvège, République Tchèque, Suède, Suisse ; émergents et pays développés : Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Hongrie, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie. 29. La crise a de nouveau démontré que la Banque d’Angleterre avait procédé à un ample programme d’achats d’actifs et était l’acheteur principal d’obligations émises par le trésor anglais. 30. Nous ne discriminons pas dans cette étude les quatre sub-indicateurs d’indépendance. Relier les sousindices aux options monétaires prises par les banques centrales pourrait faire l’objet d’études ultérieures. 21 pas augmenté (voire s’est réduite) sur l’ensemble de la période. Certaines n’ont adopté que très temporairement des mesures exceptionnelles (Suède). Figure 4 – Indice de Cukierman en 2003 et évolution par rapport aux années 80 Source : Crowe & Meade (2008). La zone euro n’existant que depuis 1998, nous avons reporté l’indice associé à la Bundesbank pour la période 1980-1989. Figure 5 – Moyenne non-pondérée de l’indice de Cukierman par groupes en 2003 Source : Calculs des auteurs 22 Figure 6 – Indice d’indépendance et taille du bilan rapporté au PIB nominal Sources : Calculs des auteurs Figure 7 – Indice d’indépendance et évolution de la base monétaire rapportée au PIB Sources : Calculs des auteurs Les deux autres indicateurs concernant la base monétaire et les actifs publics semblent en revanche corrélés négativement avec l’indice d’indépendance. Aussi les autorités monétaires jouissant d’une forte réputation seraient plus réticentes à accroître la base monétaire 23 ou à acheter des titres d’Etat (Hongrie, République Tchèque, Suède 31 et Chili). Les plus importantes progressions de la base monétaire sont à mettre à l’actif de banques centrales disposant d’un indice d’indépendance inférieur à la moyenne de l’ensemble des pays (Royaume-Uni, Etats-Unis, Brésil) même si certaines économies ont injecté massivement de nouvelles liquidités en dépit d’un niveau élevé de l’indépendance, notamment la zone euro. Nous retrouvons quelques similitudes toutefois. On s’aperçoit qu’un groupe de pays dont l’indépendance est relativement plus faible ne s’est pas engagé, ou du moins pas durablement, dans une extension substantielle de leur bilan à travers une croissance marquée de la base monétaire ou de l’achat de titres publics : l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Japon 32 , le Danemark, la Norvège ou la Corée du Sud. Le Royaume-Uni se distingue en revanche nettement de l’ensemble de l’échantillon par l’ampleur des plans de politique monétaire non-conventionnelle mis en oeuvre. La Banque d’Angleterre a largement soutenu le système financier en appliquant un plan massif de rachat d’actifs privés pour favoriser la liquidité de certains segments de marchés de capitaux. Elle s’est également mise au service de l’Etat qui a renfloué certaines institutions bancaires en rachetant des titres de dette publique émis pour l’occasion à travers la création du Debt Management Office. Les économies affichant un degré élevé d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique se divisent en deux catégories. D’un côté les pays s’étant affranchis du "fardeau" de l’indépendance pour mener des politiques répondant à l’urgence de la situation : BCE, Banque nationale Suisse et l’Argentine. De l’autre, des économies moins enclines à augmenter sensiblement, du moins durablement, leur bilan en faisant croître la base monétaire ou en achetant des actifs publics : Republique Tchèque, Suède, Indonésie et Hongrie. Il convient de dissocier les deux derniers instruments et d’accorder une importance plus modeste à l’acquisition d’actifs publics. En effet, la crise n’a pas systématiquement conduit à une flambée des taux obligataires. Plusieurs économies ont été épargnées par ce phénomène. Leur niveau d’endettement initial étant plus faible, les gouvernements ont pu mettre en oeuvre des plans de relance massifs sans nécessairement générer d’effets d’emballement sur les marchés obligataires consécutifs à l’anticipation d’un défaut comme en Europe. Les pays n’ont pas tous été exposés au risque souverain comme le suggère le graphique 9. Dès lors, l’intervention de la banque centrale présente moins d’urgence pour calmer les tensions et soutenir les Etats afin d’éviter l’effet boule de neige sur les finances publiques. La banque centrale peut néanmoins envisager de racheter ce type d’actifs dans une autre optique : recomposition de son portefeuille, rendre liquide le segment obligataire,... 31. Notons que la Norvège, le Mexique, la République Tchèque et la Suède n’ont pas engagé de plan d’achats d’actifs publics. L’Islande, face à la gravité de la crise financière s’est résolue à acquérir des titres publics dès la fin de l’année 2008. 32. Rappelons à nouveau que le Japon mène déjà depuis quelques années ce type de politiques afin de s’extraire de la trappe à liquidités. La crise n’a finalement pas engendré une surréaction de la Banque du Japon qui a poursuivi son action. 24 Figure 8 – Indice d’indépendance et part d’actifs publics dans le bilan Sources : Calculs des auteurs Figure 9 – Taux de rendement des obligations publiques à 10 ans (2005-2011) Sources : OCDE outlook, IFS, Bloomberg 3.2.2 Estimations économétriques Spécification du modèle et estimation en données de panel Le modèle vise à étudier le lien existant entre l’utilisation de politiques monétaires non conventionnelles et le degré d’indépendance des banques centrales. Pour éviter un éventuel biais de variables omises, des ensembles de variables de contrôle (macroéconomiques et 25 financières) sont introduits dans le modèle. Ces variables de contrôle sont spécifiques au type de politique monétaire étudiée. Les estimations portent sur 23 pays 33 pour la période allant du deuxième trimestre 2006 au quatrième trimestre 2011 (23 périodes). Une estimation en données de panel est proposée dans cet article. La variable du degré d’indépendance de la banque centrale sur laquelle nous portons un regard plus appuyé est constant dans le temps. En effet, cet indicateur n’est pas révisé de manière annuelle ou infra-anuelle étant donnée la nature des critères sur lesquels il repose. Cette variable proposée par Cukierman a fait l’objet de révisions ponctuelles depuis sa création. Nous reposons nos estimations sur la dernière en date effectuée par Crowe & Meade (2008) pour l’année 2003. Le degré d’indépendance est alors une variable constante dans le temps et s’apparente à un effet individuel. Le modèle est donc estimé sur données de panel et peut s’exprimer ainsi : P M N Ci,t = β0 + β1 IBCi + β2 M ACROi,t + β3 F Ii,t + αi + λt + µi,t (1) Les 23 pays sont identifiés par l’indice i et le temps par l’indice t. Les variables αi désignent les effets individuels et captent l’ensemble des spécificités structurelles ou nontemporelles de la variable endogène. Ce sont des variables spécifiques aux pays, qui peuvent être supposés fixes ou aléatoires. Des tests, comme celui d’Hausman, permettent de privilégier l’une ou l’autre approche. Les variables λt représentent les effets temporels strictement identiques pour tous les pays. µi,t sont les erreurs classiques, supposées être indépendemment et identiquement distribuées (iid), de moyenne nulle et de variance constante. Les variables contenues dans le modèle se construisent de la manière suivante : – PMNC constitue les indicateurs de mesures non-conventionnelles prises par les autorités monétaires. Une équation est estimée pour chaque indicateur : – La taille du bilan de la banque centrale (total des actifs) rapportée au PIB nominal (bilan/pib) ; – Le montant de la base monétaire (réserves bancaires plus la monnaie en circulation) rapporté au PIB nominal (base monétaire/PIB) ; – Le volume des créances publiques détenues par les autorités rapporté à la taille du bilan (actifs publics/bilan) ; – IBC est l’indice d’indépendance de la banque centrale calculé selon la méthodologie de Cukierman. – MACRO regroupe les variables macroéconomiques influençant les décisions des banquiers centraux et constituant le plus souvent les objectifs finals : – L’écart de production résultant de la différence entre le taux de croissance du PIB réel et le taux de croissance potentiel calculé à partir d’un filtre d’HodrickPrescott (paramètre de lissage traditionnel pour des variables trimestrielles :1600) 33. Canada, Etats-unis, Japon, Royaume-Uni, Zone euro, Australie, Corée du Sud, Danemark, Islande, Nouvelle-Zélande, Norvège, République Tchèque, Suède, Suisse, Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Hongrie, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie. 26 (production). Un écart de production négatif doit conduire la banque centrale à accroître son effort en matière de politique non-conventionnelle. Le signe attendu du coefficient est donc négatif. – La déviation du taux d’inflation trimestriel (calculé à partir de l’indice des prix à la consommation) par rapport à l’inflation moyenne de l’année passée (inflation). Un taux d’inflation inférieur à la moyenne passée offre une fenêtre d’opportunité pour une politique plus accommodante. Le signe attendu est à nouveau négatif. – La variation trimestrielle du taux de change nominal effectif (tcne). Une appréciation (hausse) du taux de change provoque un assouplissement monétaire permettant de stabiliser la valeur de la monnaie domestique vis-à-vis des devises. Le signe attendu est positif. – L’écart du taux de chômage par rapport à sa valeur "d’équilibre" calculé à nouveau par un filtre d’Hodrick et Prescott (chômage). Une hausse du taux de chômage au-delà de son niveau d’équilibre conduit la banque centrale à relâcher la politique monétaire pour favoriser la création d’emplois. Le signe attendu est à nouveau positif. – FI inclut les variables financières susceptibles d’influer sur le choix du banquier central d’avoir recours ou non à des instruments non-conventionnels. A chaque indicateur de PMNC, sont associées des variables financières spécifiques : – Pour la taille du bilan rapportée au PIB nous associons le niveau du taux directeur (taux dir) ainsi que la dernière décision prise par le comité de politique monétaire sur les taux directeurs (delta taux dir). Plus les taux sont bas, plus les banques centrales risquent de se retrouver dans la trappe à liquidité. Elles devront alors augmenter leurs bilans pour rétablir les canaux de transmission de la politique monétaire. Par ailleurs, si les banques centrales ont déjà baissé leur taux directeur à la dernière période, elles sont alors incitées à utiliser leur bilan pour restaurer la transmission de la politique monétaire. Le signe attendu est négatif. – A la base monétaire, nous associons l’écart des taux d’intérêt monétaires au jour le jour 34 et à 3 mois (spread) ainsi que l’évolution du volume de crédit (credit) alloué par les banques commerciales. Une hausse du spread reflète des tensions sur le marché monétaire que la banque centrale peut apaiser en allouant des liquidités auprès des banques commerciales. La banque centrale peut temporairement prendre le relais des banques de second rang lorsqu’elle constate que le crédit s’essouffle en jouant sur le montant des réserves bancaires qu’elle fournit. Les signes des coefficients attendus sont respectivement positif et négatif. – Au troisième indicateur de politique non-convetionelle nous associons le niveau et la variation des taux obligataires (taux 10 ans), (delta taux 10 ans) qui peuvent amener l’autorité monétaire à racheter des obligations publiques pour alléger le poids du financement de la dette publique. Dans ce cas le signe attendu est positif. L’annexe A compile toutes les informations concernant ces variables. 34. Très fortement corrélé au taux directeur fixé par l’autorité monétaire. 27 Les effets temporels et les variables financières sont introduits de manière séquentielle dans les estimations. Le but étant de tester la robustesse de nos résultats et d’évaluer l’importance relative de l’environnement macroéconomique et des indicateurs financiers sur les décisions de politiques monétaires. Nous procédons ensuite à une analyse plus fine par groupes de pays. On peut en effet supposer que les réactions des banques centrales ne sont pas homogènes et qu’elles dépendent du "statut" du pays dans l’économie mondiale. En se basant sur la nomenclature proposée par le Fonds Monétaire International, les pays sont classés en trois groupes : les pays du G5, les autres pays industrialisés avancés et les pays émergents et en développement 35 . Le modèle précédent est estimé pour chaque sous-groupe. Le modèle est estimé sur la base d’effets aléatoires suite à l’application du test d’Hausman dont les résultats sont disponibles sur demande. Résultats Nous proposons dans le tableau 2 une synthèse des résultats portant sur l’ensemble des pays. Le tableau détaillé des résultats pour l’échantillon complet est placé en annexe. Table 2 – Synthèse des résultats pour l’ensemble des paysa (1) MACRO FI IBC production inflation tcne chômage - - - - Bilan/PIB (2) (3) - - - +++ +++ - - - +++ +++ - - - - - - - -c - -c 386 17 386 17 - - - - - +++b Effets temporels Observations Nombre de pays Actifs publics/Bilan (7) (8) (9) - - +++ delta taux dir taux dir credit spread taux 10 ans delta taux 10 ans Base monétaire/PIB (4) (5) (6) 529 23 529 23 +++b 529 23 +++b 506 23 506 23 +++b 506 23 386 17 a Le signe + indique une relation positive entre la variable exogène et endogène tandis que le signe - indique un lien inverse. Le niveau de significativité est désigné par le nombre de signes : +++ significatif à 1%, ++ à 5% et + à 10%. Les coefficients associés aux effets temporels deviennent très élevés et significatifs à partir du 4e trimestre 2008. Pour cette variable endogène, seuls les 4e trimestre 2008 et 1er trimestre 2009 sont faiblement significatifs. d Tous les pays de notre échantillon ne détiennent pas de créances publiques dans leur portefeuille d’actifs. Les bilans d’autres pays ne précisent pas le volume d’actifs publics. Par conséquent, la taille de l’échantillon se réduit pour cette variable endogène. Sont évincés ici : La République Tchèque, la Suède, le Mexique, la Norvège. L’Argentine et le Brésil disparaissent également de l’échantillon du fait de l’absence de données concernant le taux obligataire à 10 ans. b c Nous observons que l’indice d’indépendance ne ressort pas significativement des ré35. Le premier groupe comprend les pays du G7, les quinze membres de la zone euro et les quatre pays asiatiques nouvellement industrialisés. Le second groupe comprend le reste de pays recensés aux FMI. La Zone euro considérée comme une des principales zones monétaires en compagnie des Etats-Unis et Japon est associée aux économies avancées les plus riches (G7). G5 : Canada, Etats-unis, Japon, Royaume-Uni, et Zone euro ; Autres pays avancés : Australie, Corée du Sud, Danemark, Islande, Nouvelle-Zélande, Norvège, République Tchèque, Suède, Suisse ; émergents et pays développés : Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Hongrie, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie. 28 gressions. Il apparaît, sur l’ensemble de la période, que les banques centrales ont utilisé leurs bilans pour des raisons macroéconomiques, mais également comme une alternative au taux d’intérêt. L’expansion du bilan s’explique notamment par une dégradation de l’activité économique réelle tombant sous son niveau d’équilibre. L’inflation joue également un rôle dans la prise de décision d’une augmentation du bilan puisqu’elle incite le banquier central à augmenter la taille du bilan lorsqu’elle est inférieure à sa moyenne passée. Le taux de chômage n’impacte la variable endogène que dans la première spécification du modèle qui n’inclut pas les effets temporels. On observe que le taux directeur est associé négativement au ratio bilan/PIB. Celà confirme l’idée que la banque centrale a recours à un instrument conventionnel lorsqu’il vient buter sur la trappe à liquidité. En effet, lorsque le taux baisse de 100 points de base le bilan rapporté au PIB augmente de 0,6 point sur un trimestre. Les effets temporels s’avèrent importants dans le modèle que nous estimons. En effet, on remarque à partir du dernier trimestre 2008 que la dimension du temps augmente à elle seule le ratio bilan/PIB de 6 à 9 points de pourcentage par trimestre. Cette période coïncide avec la réaction des banques centrales à la chute de Lehman Brothers et à l’accélération de la propagation de la crise financière. Le modèle apparaît moins pertinent pour les deux autres indicateurs de politique monétaire non-conventionnelle. Le degré d’indépendance n’indique aucune influence sur ces indicateurs. En ce qui concerne le ratio base monétaire/PIB, seules les fluctuations du taux de change impactent significativement la variable endogène. Le coefficient détient donc le signe attendu et confirme la volonté pour les banques centrales d’éviter une trop forte appréciation de leurs monnaies vis-à-vis des devises étrangères. Cette variable démontre en revanche une influence négative dans l’acquisition de titres publics par la banque centrale. Cela signifie que l’autorité monétaire tend à acheter des actifs publics quand elle voit la monnaie se déprécier. En augmentant ainsi la masse monétaire, la banque centrale risque d’accentuer la dépréciation de sa monnaie. Ceci peut s’interpréter comme un soutien indirect à la compétitivité de l’économie. Du côté des variables financières on remarque que l’écart des taux monétaires agit négativement sur l’injection de liquidités dans l’économie. Ceci est tout à fait contraire à l’effet attendu. Le temps continue à jouer un rôle non-négligeable même si l’ampleur de son impact sur la variable expliquée diminue nettement. Le signe négatif obtenu dans la dernière régression se justifie par le fait que la part des actifs publics dans le bilan a mécaniquement baissé à la fin de l’année 2008 à cause de l’injection massive de liquidités à destination des institutions financières. Afin de tester une potentielle hétérogénéité des réactions des banques centrales au sein de cet échantillon, nous estimons le modèle pour trois catégories de pays : G5, autres pays industrialisés et émergents. La synthèse des résultats est présentée dans les trois tableaux 3, 4 et 5. Pour les pays du G5, on constate que l’indice d’indépendance de Cukierman impacte positivement l’indicateur portant sur la taille du bilan. Ce résultat suggère que plus une banque centrale est indépendante plus elle sera encline à augmenter la taille de son bilan même si cet effet demeure modeste : pour un dixième "d’indépendance" supplémen- 29 taire, le montant total des actifs de la banque centrale rapporté au PIB augmente entre 0,7 et 1,5 points de pourcentage sur la période. On retrouve alors l’idée de Posen selon laquelle la mise en oeuvre de mesures non-conventionnelles participe au renforcement de la crédibilité de la banque centrale. La recherche de la préservation de la réputation de la banque centrale passe, dans ce contexte de crise, par l’augmentation de la taille du bilan. L’inflation étant très basse et l’activité atone, l’autorité monétaire peut envisager des mesures exceptionnelles en matière d’injection de liquidités. Il aurait d’ailleurs une forte incitation s’engager dans cette voie à la fois pour se rapprocher du niveau de plein-emploi lorsque ce dernier constitue un objectif final, mais également pour éviter un processus déflationniste qui pousserait également les agents à réviser leurs anticipations. Une économie caractérisée par un fort degré de rigidité dans l’ajustement des salaires subirait de lourdes conséquences réelles puisque le chômage tendrait à augmenter à nouveau. On peut même envisager que cette attitude est souhaitable et donc anticipée par les marchés. Alors que la règle de Taylor préconiserait un taux d’intérêt nominal négatif, la banque centrale ne peut que se résoudre à adopter des mesures alternatives affectant son bilan. Ces mesures permettront de jouer sur les anticipations d’inflation afin de rendre le taux d’intérêt réel négatif et restaurer le canal du taux d’intérêt. L’indice d’indépendance est également relié positivement au ratio base monétaire/PIB pour les pays industrialisés et à la part des actifs publics dans le bilan pour les pays émergents, ce qui est a priori plus surprenant dans la mesure où cette initiative supporte clairement les gouvernements. On peut toutefois imaginer que suite aux graves crises financières frappant les pays émergents à la fin des années 90, les banques centrales n’hésitent plus à racheter de la dette publique afin d’éviter la banqueroute des gouvernements, provoquant une crise bancaire et de change dans le pays suite à un retrait massif et brutal des capitaux étrangers. Les autorités monétaires se doivent d’assurer la liquidité de ce segment des marchés financiers afin de stabiliser la situation monétaire et financière. Le coefficient positif associé au taux obligataire à 10 ans renforce cette idée : les banques centrales des pays émergents sont promptes à répondre à une hausse des taux obligataires par l’acquisition d’actifs publics pour soulager les Etats. En celà, les autorités monétaires des émergents s’alignent véritablement sur la position de Posen. Elles font preuve du pragmatisme responsable réclamé par ce membre externe du comité de politique monétaire anglais qui insistait plus précisément sur le lien entre achats d’actifs publics et indépendance de la banque centrale 36 . L’action prime sur la réputation. Les pays du G5 adoptent un tout autre comportement et semblent corsetés par le maintien de leur réputation puisque l’indice est corrélé négativement à la part des actifs publics dans le bilan. Ils prennent alors le contre-pied de l’argument de Posen en se refusant (globalement) à acheter massivement des actifs publics, ceci afin de limiter l’intrication du pouvoir politique dans la politique monétaire, potentiellement au prix de la stabilité 36. Rappelons que le comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre a autorisé l’achat d’actifs (Gilts) par la création de réserves bancaires pour un montant approchant 325 milliards de livres sterling via le Debt Management Office. 30 économique. La BCE influence beaucoup ce résultat en limitant son intervention sur les marchés obligataires 37 . Notons également que, exceptée la zone euro, ces économies n’ont pas connu de flambée des taux obligataires à 10 ans mais bénéficient au contraire de taux historiquement bas 38 . L’environnement macroéconomique apparaît plus déterminant pour les économies industrialisées (hors G5) et les émergents et en particulier les variables réelles comme l’écart de production et l’écart du chômage par rapport à son niveau d’équilibre. Cette dernière variable pousserait les économies industrialisées n’appartenant pas au G5 à acheter plus de titres publics et à augmenter sensiblement la base monétaire. En ce qui concerne les variables financières, on s’aperçoit que les économies les plus riches sont plus réactives à un ralentissement du volume de crédits alloués par le secteur bancaire. Les banques centrales agissent alors comme un relais et un appui aux banques commerciales. Les émergents sont en revanche plus sensibles aux tensions apparaissant sur les marchés monétaires à travers l’indicateur du spread. Enfin, l’impact du taux directeur sur la décision d’augmenter le bilan est significatif pour les économies industrialisées. Table 3 – Synthèse des résultats pour les pays du G5a (1) MACRO FI IBC production inflation tcne chômage Bilan/PIB (2) (3) + +++ ++ Actifs publics/Bilan (7) (8) (9) — — — 115 5 115 5 115 5 +++ delta taux dir taux dir credit spread taux 10 ans delta taux 10 ans — — ++b Effets temporels Observations Nombre de pays Base monétaire/PIB (4) (5) (6) 115 5 115 5 +c 115 5 103 5 103 5 ++d 103 5 a Le signe + indique une relation positive entre la variable exogène et endogène tandis que le signe - indique un lien inverse. Le niveau de significativité est désigné par le nombre de signes : +++ significatif à 1%, ++ à 5% et + à 10%. Significatifs aux deux derniers trimestres de 2011. Significatif à partir de la fin d’année 2009. d Significatif en 2009. b c 37. Elle ne peut statutairement pas intervenir sur le marché primaire. 38. On pourra retourner l’argument en postulant que c’est grace aux interventions de la banque centrale. 31 Table 4 – Synthèse des résultats pour les autres pays industrialisésa (1) MACRO FI IBC production inflation tcne chômage Bilan/PIB (2) (3) ++ – - – +++ ++ + Actifs publics/Bilan (7) (8) (9) +++ ++ — +++ + ++ — — delta taux dir taux dir credit spread taux 10 ans delta taux 10 ans +++ +++ +++b Effets temporels Observations Nombre de pays Base monétaire/PIB (4) (5) (6) 207 9 207 9 +c 207 9 202 9 +d +e 202 9 202 9 138 6 138 6 138 6 a Le signe + indique une relation positive entre la variable exogène et endogène tandis que le signe - indique un lien inverse. Le niveau de significativité est désigné par le nombre de signes : +++ significatif à 1%, ++ à 5% et + à 10%. Les coefficients associés aux effets temporels s’accroissent et deviennent significatifs à partir du début d’année 2009. Devient significatif à partir du dernier trimestre de l’année 2009. d Faiblement significatif durant 2011. e Significatif à partir de la fin de l’année 2008. b c Table 5 – Synthèse des résultats pour les pays émergentsa (1) MACRO FI IBC production inflation tcne chômage Bilan/PIB (2) (3) +++ - – — +++ — delta taux dir taux dir credit spread taux 10 ans delta taux 10 ans Actifs publics/Bilan (7) (8) (9) +++ +++ +++ – — ++ +++ +++ +++ +++b Effets temporels Observations Nombre de pays Base monétaire/PIB (4) (5) (6) 207 9 207 9 +b 207 9 +c 202 9 202 9 202 9 138 6 +d +e 138 6 138 6 a Le signe + indique une relation positive entre la variable exogène et endogène tandis que le signe - indique un lien inverse. Le niveau de significativité est désigné par le nombre de signes : +++ significatif à 1%, ++ à 5% et + à 10%. Les coefficients associés aux effets temporels deviennent très élevés et significatifs à partir du 3e et 4e trimestre 2008. Significatif à partir de la fin d’année 2007. d Significatif à partir du début de l’année 2008. b c 4 Conclusion Cet article s’intéresse à l’impact du degré d’indépendance des banques centrales sur l’ampleur des mesures non-conventionnelles menées durant la crise financière et économique débutée en 2007. L’indépendance des banques centrales et la volonté de préserver cette indépendance est susceptible de freiner les autorités dans l’adoption de mesures alternatives au pilotage du taux d’intérêt de court terme. La perte de lisibilité de son action, l’inflation (et les modifications de ses anticipations) ainsi que la résurgence de cycles 32 électoraux motiveraient cette réticence. Pourtant, le rôle de prêteur en dernier ressort de la banque centrale s’avère toutà fait souhaitable et pertinent (en d’autres mots optimal) lorsque les canaux de transmission habituels de la politique monétaire sont défectueux. La banque centrale se doit de mettre en oeuvre des mesures exceptionnelles bouleversant le cadre institutionnel habituel : création monétaire accélérée par l’injection massive et répétée de liquidités, rachat d’actifs "pourris" pour "décontaminer" les bilans des banques de second rang et assurer la liquidité de certains segments de marché, rachat d’actifs publics pour atténuer le coût de refinancement des gouvernements, soutien spécifique à des institutions. Dans cet article nous rendons compte empiriquement de cette relation durant la période de perturbations financières Un modèle en données de panel portant sur trois indicateurs de politique monétaire non-conventionnelle relevant du quantitative easing est estimé afin de capter l’influence de l’indépendance des banques Centrales (mesuré par l’indice de Cukierman). Notre étude montre que le degré d’indépendance de la banque centrale n’a pas exercé de frein particulier dans l’application d’une politique monétaire d’urgence. Sur l’ensemble de l’échantillon, la variable d’indépendance, ne semble pas affecter sigificativement la politique monétaire non-conventionnelle qui se fonde plutôt sur des critères macroéconomiques. En affinant l’analyse à partir du découpage de l’échantillon en trois groupes de pays (G5, autres industrialisés et émergents), nos résultats suggèrent que l’indice d’indépendance peut influencer positivement la décision d’adopter des mesures exceptionnelles. Ce résultat peut être interprété comme la nécessité pour une banque centrale jouissant d’une forte réputation d’adopter les mesures appropriées pour restaurer la confiance et un fonctionnement normal des compartiments monétaires et financiers des marchés de capitaux. Au delà de la recherche d’efficacité qui doit rester une priorité en matière de politique économique, les autorités réalisent également un investissement important en crédibilité, renforçant par la suite sa réputation comme l’explique Posen. L’évitement de ces mesures exceptionnelles serait en réalité perçu comme une faillite dans la conduite de la politique monétaire en ne proposant pas ce qu’attendent les investisseurs : limiter les pertes financières. Ces conclusions sont toutefois conditionnées à la communication de la stratégie de sortie du dispositif non-conventionnel qui fournit les informations indispensables à l’efficacité des mesures prises. Deux pistes d’améliorations sont envisageables du point de vue empirique. L’introduction d’une dimension dynamique dans notre modèle afin de déceler une potentielle inertie dans le processus de décision des comités de politique monétaire à qui s’offre une gamme élargie d’outils complémentaires. Nous pouvons ensuite considérer des mesures plus qualitatives portant sur la communication de la Banque centrale, notamment à travers les annonces qui font partie de l’arsenal non-conventionnel. Il serait envisageable d’étendre l’actuel modèle et d’intégrer ces variables à un modèle à variable qualitative où la variable endogène serait discrète renseignant l’adoption de mesures non-conventionnelles. 33 A Données Table 6 – Description des données Variable Taille du bilan Base monétaire Actifs publics Indice d’indépendance des Banques centrales PIB nominal PIB réel Indice des prix à la consommation (IPC) Taux de chômage Taux de change nominal effectif Taux directeurs Crédits Taux monétaire à 3 mois Taux monétaire au jour le jour Taux de rendement des obligations publiques à 10 ans Source International Financial Statistics (FMI) Sites des banques centrales International Financial Statistics (FMI) Sites des banques centrales International Financial Statistics (FMI) Sites des banques centrales Crowe & Meade (2008) OCDE (economic outlook), IFS, Eurostat OCDE (economic outlook), IFS, calculs auteur OCDE (economic outlook), IFS OCDE (economic outlook), IFS OCDE (economic outlook), IFS, Banque des règlements internationaux (BRI) IFS, Sites des Banques centrales IFS, Sites des Banques centrales OCDE (economic Sites des banques OCDE (economic Sites des banques OCDE (economic outlook), centrales outlook), centrales outlook), IFS, Bloomberg, , Eurostat IFS, Bloomberg , Eurostat IFS, Bloomberg, Eurostat Figure 10 – Ratio taille du bilan PIB (2006-2011) Sources : OCDE outlook, IFS, Sites banques centrales 34 Commentaires Montant total des actifs de la Banque centrale Monnaie en circulation et réserves bancaires Montant des créances publiques détenues par la Banque centrale à son bilan Indice non pondérée Au prix de marché Aux prix de 2005 Base 100 en 2005 Base 100 en 2005 Variation trimestrielle de l’actif agrégé du secteur bancaire Figure 11 – Ratio base monétaire PIB (2006-2011) Sources : OCDE outlook, IFS, banques centrales Figure 12 – Poids des actifs publics dans le bilan (2006-2011) Sources : OCDE outlook, IFS, banques centrales 35 36 B Résultats Table 7 – Régressions pour l’ensemble des paysa Constante IBC production inflation tcne chômage (1) Bilan/PIB (2) 29.07* (14.89) -6.636 (24.10) -0.498** (0.196) -0.978*** (0.353) -0.051 (0.074) 2.441*** (0.428) 23.50 (14.96) -6.713 (24.10) -0.461** (0.217) -0.775** (0.394) -0.052 (0.075) 0.523 (0.564) delta taux dir taux dir Base monétaire/PIB (5) (6) (3) (4) 24.68 (15.43) -2.016 (24.91) -0.617*** (0.220) -0.703* (0.405) -0.076 (0.075) 0.320 (0.569) -0.625 (0.432) -0.590*** (0.218) 2.745 (3.082) 2.247 (4.763) -0.038 (0.051) -0.082 (0.0928) 0.041*** (0.011) 0.577*** (0.114) 0.720 (3.190) 2.125 (4.922) 0.013 (0.057) 0.052 (0.103) 0.049*** (0.010) 0.121 (0.150) 0.286 (3.427) 2.485 (5.323) -0.046 (0.058) 0.009 (0.101) 0.052*** (0.010) 0.194 (0.149) (7) Actifs publics/Bilan (8) (9) 33.27** (15.92) -29.75 (26.73) 0.330 (0.284) 0.041 (0.511) -0.273*** (0.105) 0.451 (0.609) 33.94** (16.84) -30.01 (27.96) -0.309 (0.349) -0.786 (0.652) -0.387*** (0.117) -0.250 (0.896) 33.27* (18.27) -34.35 (30.58) -0.259 (0.350) -0.655 (0.666) -0.399*** (0.118) -0.456 (0.911) -0.269 (3.579) -0.868 (3.678) -0.183 (3.580) 0.374 (3.604) -1.574 (3.606) -1.468 (3.582) -3.087 (3.547) -2.871 (3.601) -3.066 (3.678) -9.379** (4.134) -5.437 (3.915) 0.219 (3.683) 0.173 (3.622) 0.614 (3.609) 0.942 (3.583) 1.628 (3.535) 1.890 (3.546) 2.321 (3.508) 1.199 (3.488) 2.264 (3.546) 1.465 (3.595) 1.309 (3.578) 0.542 (0.460) -0.927 (0.917) -0.668 (3.587) -1.229 (3.683) -0.581 (3.589) -0.097 (3.615) -2.056 (3.616) -2.155 (3.624) -3.650 (3.566) -3.467 (3.618) -3.935 (3.727) -9.973** (4.150) -5.894 (3.941) 0.182 (3.674) 0.0444 (3.622) 0.536 (3.616) 1.017 (3.587) 1.548 (3.578) 2.025 (3.603) 2.740 (3.539) 1.606 (3.505) 2.390 (3.580) 1.526 (3.666) 1.573 (3.662) 386 17 386 17 0.016 (0.013) -0.480*** (0.120) credit spread taux 10 ans delta taux 10 ans T3 2006 T4 2006 T1 2007 T2 2007 T3 2007 T4 2007 T1 2008 T2 2008 T3 2008 T4 2008 T1 2009 T2 2009 T3 2009 T4 2009 T1 2010 T2 2010 T3 2010 T4 2010 T1 2011 T2 2011 T3 2011 T4 2011 Observations Nombre de pays a 529 23 0.035 (2.094) 0.351 (2.127) 0.912 (2.094) 1.546 (2.120) 1.350 (2.141) 2.414 (2.158) 1.844 (2.130) 1.703 (2.160) 2.767 (2.177) 6.162** (2.406) 6.892*** (2.280) 8.548*** (2.166) 8.447*** (2.146) 8.646*** (2.138) 8.474*** (2.131) 9.652*** (2.100) 8.547*** (2.097) 9.015*** (2.089) 8.730*** (2.083) 8.857*** (2.098) 9.898*** (2.122) 10.56*** (2.118) 0.397 (1.989) 1.031 (2.008) 1.345 (1.980) 2.242 (1.982) 2.474 (1.998) 3.300* (2.000) 2.529 (1.989) 2.448 (1.997) 3.512* (2.016) 5.711** (2.225) 4.296* (2.236) 5.262** (2.078) 5.468*** (2.053) 5.746*** (2.056) 5.479*** (2.070) 7.168*** (2.062) 6.359*** (2.073) 6.804*** (2.048) 6.642*** (2.049) 6.900*** (2.051) 8.334*** (2.067) 8.753*** (2.049) 529 23 529 23 506 23 0.031 (0.548) 0.590 (0.555) 0.095 (0.547) 0.184 (0.553) 0.204 (0.554) 0.905 (0.558) 0.356 (0.553) 0.140 (0.560) 0.667 (0.563) 2.393*** (0.611) 1.915*** (0.603) 2.068*** (0.562) 2.021*** (0.561) 2.496*** (0.558) 2.234*** (0.558) 2.046*** (0.550) 1.673*** (0.550) 2.127*** (0.553) 1.906*** (0.553) 1.831*** (0.554) 1.980*** (0.560) 3.050*** (0.569) 0.058 (0.538) 0.577 (0.544) 0.097 (0.537) 0.155 (0.542) 0.323 (0.546) 1.111** (0.552) 0.426 (0.546) 0.392 (0.554) 0.742 (0.553) 2.928*** (0.614) 2.325*** (0.599) 2.332*** (0.555) 2.202*** (0.552) 2.641*** (0.549) 2.335*** (0.547) 2.120*** (0.539) 1.757*** (0.540) 2.279*** (0.544) 1.984*** (0.543) 1.864*** (0.544) 2.034*** (0.550) 3.188*** (0.559) 506 23 506 23 386 17 Les écarts-types sont reportés entre parenthèses. ***, **, * indiquent respectivement un niveau de significativité de 1, 5 et 10%. 37 Table 8 – Régressions pour les pays du G5a Constante IBC production inflation tcne chômage (1) Bilan/PIB (2) 11.00*** (2.199) 7.062* (4.126) -0.0666 (0.840) -0.698 (1.016) 0.113 (0.174) 2.799** (1.094) 6.640 (4.329) 6.939 (4.289) 0.240 (1.443) 0.194 (1.723) 0.129 (0.186) 1.571 (2.680) delta taux dir taux dir Base monétaire/PIB (5) (6) (3) (4) 13.23*** (3.901) 15.40*** (3.955) -0.210 (1.235) 0.748 (1.487) 0.216 (0.160) -1.040 (2.338) 1.780 (1.589) -3.157*** (0.543) 13.68*** (1.750) -2.794 (3.247) 0.0879 (0.700) -0.265 (0.815) 0.0343 (0.142) 3.129*** (0.927) 10.14*** (3.144) -3.438 (3.118) -0.436 (1.093) -0.360 (1.263) 0.0496 (0.141) 0.122 (1.987) credit 14.77*** (2.545) -2.480 (2.475) -0.0711 (0.857) 0.0301 (1.007) 0.102 (0.115) -1.909 (1.582) (7) Actifs publics/Bilan (8) (9) 75.87*** (8.523) -65.81*** (16.00) 3.023 (3.257) 0.492 (3.937) -0.518 (0.674) -0.569 (4.242) 75.64*** (17.79) -66.19*** (17.63) -0.658 (5.930) -1.038 (7.082) -0.377 (0.765) -6.280 (11.02) 75.87*** (8.523) -47.14** (18.95) -1.391 (5.761) 0.0201 (6.930) -0.269 (0.743) -7.519 (10.95) -2.377 (21.87) -3.673 (22.48) -3.317 (21.65) -3.565 (22.08) -6.512 (23.06) -8.210 (22.85) -11.11 (23.53) -9.917 (23.74) -8.910 (23.48) -19.91 (31.65) -12.64 (29.42) 1.810 (23.29) 5.936 (24.03) 8.052 (23.76) 6.775 (23.06) 10.74 (22.04) 11.81 (22.23) 9.073 (21.13) 5.994 (20.98) 7.922 (21.20) 7.593 (22.21) 8.018 (22.41) -8.499*** (3.012) -2.016 (20.98) -3.619 (23.27) -5.587 (23.61) -4.486 (21.34) -3.610 (21.41) -6.298 (23.01) -11.91 (25.17) -17.64 (25.99) -14.85 (23.11) -14.03 (24.04) -27.85 (34.02) -23.64 (32.98) -4.840 (23.43) -0.0953 (25.15) 1.735 (25.47) 2.596 (23.03) 3.920 (24.79) 0.719 (27.98) -1.396 (21.83) -0.512 (20.47) -1.246 (22.93) -5.216 (27.33) -7.050 (25.40) 115 5 115 5 -0.642*** (0.0976) -2.649 (1.969) spread taux 10 ans delta taux 10 ans T3 2006 T4 2006 T1 2007 T2 2007 T3 2007 T4 2007 T1 2008 T2 2008 T3 2008 T4 2008 T1 2009 T2 2009 T3 2009 T4 2009 T1 2010 T2 2010 T3 2010 T4 2010 T1 2011 T2 2011 T3 2011 T4 2011 Observations Nombre de pays a 115 5 0.512 (5.321) 0.942 (5.468) 0.571 (5.268) 0.243 (5.371) 1.213 (5.610) 1.760 (5.558) 1.942 (5.724) 1.446 (5.777) 3.518 (5.712) 7.657 (7.700) 5.478 (7.159) 4.392 (5.666) 4.554 (5.847) 4.967 (5.780) 5.787 (5.609) 5.700 (5.361) 5.680 (5.407) 6.785 (5.140) 7.943 (5.105) 7.831 (5.159) 8.946* (5.405) 10.95** (5.451) 1.507 (4.547) 2.492 (4.683) 1.844 (4.504) 0.841 (4.588) 2.220 (4.820) 1.721 (4.768) 0.633 (5.063) -2.013 (4.989) 0.863 (4.897) 3.627 (8.071) -1.796 (6.529) -2.002 (5.088) -1.765 (5.180) -1.378 (5.105) -0.749 (4.969) -1.451 (4.778) -1.573 (4.820) -1.211 (4.643) -0.835 (4.640) -1.605 (4.708) 0.191 (4.882) 1.946 (4.977) 115 5 115 5 103 5 -0.625 (3.864) -0.0376 (3.975) -0.193 (3.829) -0.0198 (3.906) -0.231 (4.089) 0.434 (4.049) -0.122 (4.174) 0.0310 (4.210) 0.0787 (4.169) 0.858 (5.659) 2.689 (5.488) 6.668 (4.283) 6.300 (4.416) 7.873* (4.395) 7.953* (4.282) 7.310* (4.131) 6.311 (4.181) 7.098* (3.966) 8.657** (3.946) 8.377** (3.956) 8.665** (4.102) 10.12** (4.148) -0.233 (3.020) 0.102 (3.110) -2.050 (3.002) -2.853 (3.079) -1.522 (3.231) -0.720 (3.324) 0.469 (3.292) -0.0155 (3.461) 0.196 (3.438) 7.513 (5.255) 5.488 (4.502) 8.014** (3.456) 7.239** (3.468) 6.474* (3.444) 6.906** (3.351) 5.916* (3.244) 4.459 (3.280) 4.164 (3.155) 3.902 (3.216) 3.645 (3.199) 4.354 (3.293) 6.583* (3.366) 103 5 103 5 115 5 Les écarts-types sont reportés entre parenthèses. ***, **, * indiquent respectivement un niveau de significativité de 1, 5 et 10%. 38 Table 9 – Régressions pour les autres pays industrialisésa Constante IBC production inflation tcne chômage (1) Bilan/PIB (2) 37.23 (35.63) -1.807 (61.57) -1.525** (0.647) -1.564* (0.888) 0.150 (0.188) 5.144*** (1.103) 27.14 (35.76) -1.983 (61.52) -0.959 (0.676) -0.754 (1.059) 0.208 (0.216) 2.100 (1.791) delta taux dir taux dir Base monétaire/PIB (5) (6) (3) (4) 33.38*** (10.67) -0.272 (16.75) -1.176 (0.795) 0.422 (1.334) 0.162 (0.257) 0.759 (2.191) -4.041** (2.001) -1.601** (0.654) 2.269 (1.896) 7.083** (3.277) -0.244** (0.101) -0.0670 (0.136) -0.0655** (0.0291) 0.828*** (0.168) 1.384 (2.379) 6.992* (3.994) -0.111 (0.117) -0.0528 (0.175) -0.0542 (0.0358) 0.646** (0.295) credit 0.652 (0.883) 7.830*** (0.689) -0.0787 (0.159) 0.106 (0.241) -0.0268 (0.0471) 0.619 (0.407) Actifs publics/Bilan (7) (8) (9) 6.980*** (1.409) -0.480 (2.828) -0.174 (0.503) -0.819 (0.692) -0.162 (0.126) 2.382*** (0.884) 8.195** (3.481) -0.523 (3.086) -0.292 (0.623) -1.086 (1.027) -0.181 (0.173) 3.000* (1.620) 0.845 (3.233) -6.259** (2.815) -0.256 (0.542) -1.290 (0.927) 0.0725 (0.157) 3.610** (1.422) -0.444 (4.473) -1.759 (4.704) -0.854 (4.607) 0.874 (4.513) -1.185 (4.608) -0.153 (4.589) -0.982 (4.722) 0.240 (4.677) -1.981 (4.852) -2.285 (5.563) -1.794 (4.770) -1.444 (4.618) -1.709 (4.521) -3.676 (4.588) -2.302 (4.464) -2.733 (4.472) -2.451 (4.541) -0.691 (4.440) -0.755 (4.365) 0.0718 (4.467) -0.169 (4.638) -0.362 (4.762) 1.980*** (0.312) -0.351 (1.203) -1.065 (3.918) -2.493 (4.053) -1.423 (3.969) -0.500 (3.894) -2.388 (3.982) -1.399 (3.978) -1.662 (4.131) -0.0362 (4.100) -2.578 (4.236) -0.750 (4.811) -1.999 (4.275) -2.356 (3.998) -2.690 (3.900) -4.743 (3.956) -2.594 (3.856) -2.325 (3.898) -1.397 (3.939) 0.400 (3.829) 0.795 (3.770) 1.167 (3.864) 1.763 (4.083) 3.271 (4.212) 138 6 138 6 0.0684*** (0.0210) 0.456 (0.414) spread taux 10 ans delta taux 10 ans T3 2006 T4 2006 T1 2007 T2 2007 T3 2007 T4 2007 T1 2008 T2 2008 T3 2008 T4 2008 T1 2009 T2 2009 T3 2009 T4 2009 T1 2010 T2 2010 T3 2010 T4 2010 T1 2011 T2 2011 T3 2011 T4 2011 Observations Nombre de pays a 207 9 0.0174 (4.855) 1.657 (5.038) 2.592 (5.027) 3.637 (4.958) 3.952 (5.087) 5.000 (5.070) 4.348 (5.251) 5.608 (5.234) 7.795 (5.350) 15.03** (6.157) 12.68** (5.228) 13.77*** (4.999) 13.74*** (4.941) 13.06*** (4.960) 13.15*** (4.870) 16.25*** (4.847) 14.66*** (4.925) 15.14*** (4.800) 14.80*** (4.783) 15.40*** (4.836) 17.18*** (5.028) 18.07*** (5.061) 2.522 (5.707) 3.357 (5.905) 4.085 (5.915) 4.102 (5.922) 6.180 (6.044) 5.223 (6.162) 5.517 (6.313) 5.837 (6.424) 8.914 (6.463) 8.765 (7.688) 6.669 (6.488) 8.411 (6.044) 10.61* (5.845) 10.73* (5.884) 9.667* (5.793) 13.42** (5.764) 11.32* (5.853) 10.84* (5.737) 10.66* (5.723) 10.97* (5.780) 13.85** (5.962) 13.64** (6.032) 207 9 207 9 202 9 0.0319 (0.824) 0.474 (0.843) 0.309 (0.836) 0.410 (0.832) 0.649 (0.837) 1.685** (0.833) 1.177 (0.862) 0.522 (0.862) 1.178 (0.879) 1.831* (1.019) 1.489* (0.858) 1.477* (0.820) 1.914** (0.812) 1.945** (0.818) 1.476* (0.806) 1.008 (0.800) 0.443 (0.808) 0.644 (0.791) 0.283 (0.788) 0.438 (0.795) 0.496 (0.825) 0.824 (0.833) 0.0168 (1.117) 0.602 (1.143) 0.140 (1.134) 0.135 (1.130) 0.261 (1.145) 1.120 (1.146) 0.575 (1.179) 0.0570 (1.197) 0.765 (1.213) 2.111 (1.451) 1.511 (1.204) 1.422 (1.112) 2.145* (1.106) 2.108* (1.110) 1.266 (1.090) 0.878 (1.082) 0.565 (1.097) 1.002 (1.085) 0.277 (1.071) 0.600 (1.083) 0.449 (1.121) 0.779 (1.138) 202 9 202 9 138 6 Les écarts-types sont reportés entre parenthèses. ***, **, * indiquent respectivement un niveau de significativité de 1, 5 et 10%. 39 Table 10 – Régressions pour les pays émergentsa Constante IBC production inflation tcne chômage (1) Bilan/PIB (2) 25.46 (19.16) -7.785 (27.45) -0.222* (0.116) -0.389 (0.244) -0.182*** (0.0534) 0.823*** (0.291) 23.07 (19.19) -7.881 (27.43) -0.292** (0.146) -0.449 (0.291) -0.247*** (0.0665) -0.0180 (0.369) delta taux dir taux dir Base monétaire/PIB (5) (6) (3) (4) 20.22 (17.21) -9.759 (24.54) -0.198 (0.148) -0.386 (0.299) -0.248*** (0.0660) 0.0498 (0.372) 0.181 (0.306) 0.392** (0.155) 8.283 (9.593) -0.552 (13.74) 0.0342 (0.0353) 0.0138 (0.0755) -0.0180 (0.0162) -0.0218 (0.0895) 7.373 (8.887) -0.344 (12.72) 0.0205 (0.0425) -0.0195 (0.0881) -0.0126 (0.0198) 0.0578 (0.111) credit 5.003*** (1.783) 0.454 (1.871) 0.124 (0.140) -0.0473 (0.281) -0.0138 (0.0628) -0.0875 (0.353) (7) Actifs publics/Bilan (8) (9) -2.649 (1.804) 10.68*** (2.488) 0.0141 (0.127) 0.144 (0.265) -0.00705 (0.0619) -0.303 (0.306) -0.179 (2.561) 10.63*** (2.556) 0.0525 (0.174) 0.122 (0.352) 4.77e-05 (0.0857) 0.0198 (0.438) -4.413*** (1.648) 5.506*** (1.658) 0.0804 (0.110) 0.149 (0.223) -0.0138 (0.0558) -0.0985 (0.283) -0.357 (2.462) -0.430 (2.572) 0.360 (2.468) -0.136 (2.516) -1.075 (2.400) -1.545 (2.397) -2.031 (2.341) -2.102 (2.387) -2.303 (2.501) -1.875 (2.795) -2.376 (2.710) -2.659 (2.612) -3.225 (2.448) -3.087 (2.427) -2.897 (2.486) -3.750 (2.380) -3.715 (2.353) -3.782 (2.363) -4.380* (2.352) -4.052* (2.426) -3.782 (2.389) -3.941* (2.360) 0.916*** (0.0719) -0.301 (0.285) -1.005 (1.549) -1.159 (1.626) -0.171 (1.570) -0.482 (1.600) -1.533 (1.519) -2.002 (1.523) -2.959** (1.474) -3.892*** (1.509) -4.288*** (1.586) -3.983** (1.786) -3.940** (1.713) -3.768** (1.647) -3.821** (1.556) -3.196** (1.535) -2.677* (1.565) -3.313** (1.513) -2.950** (1.497) -2.995** (1.490) -3.746** (1.481) -3.360** (1.535) -3.024** (1.521) -3.229** (1.503) 133 6 133 6 0.0912*** (0.0247) 0.888*** (0.158) spread taux 10 ans delta taux 10 ans T3 2006 T4 2006 T1 2007 T2 2007 T3 2007 T4 2007 T1 2008 T2 2008 T3 2008 T4 2008 T1 2009 T2 2009 T3 2009 T4 2009 T1 2010 T2 2010 T3 2010 T4 2010 T1 2011 T2 2011 T3 2011 T4 2011 Observations Nombre de pays a 207 9 0.529 (1.767) 0.0878 (1.796) 0.786 (1.780) 1.415 (1.786) 0.528 (1.784) 1.197 (1.833) 0.741 (1.801) 0.309 (1.808) 0.834 (1.837) -0.405 (1.986) 3.693* (1.922) 5.087*** (1.878) 4.279** (1.817) 4.422** (1.819) 4.425** (1.863) 4.607** (1.791) 3.248* (1.752) 3.451* (1.794) 3.169* (1.779) 3.608** (1.783) 4.170** (1.762) 3.834** (1.777) 0.405 (1.744) -0.00858 (1.773) 0.745 (1.758) 1.470 (1.763) 0.357 (1.762) 1.165 (1.819) 0.585 (1.779) -0.0806 (1.791) 0.495 (1.816) -0.955 (1.992) 4.270** (1.929) 6.123*** (1.925) 5.255*** (1.826) 5.590*** (1.844) 5.711*** (1.900) 5.745*** (1.839) 4.349** (1.802) 4.493** (1.817) 4.131** (1.806) 4.598** (1.811) 5.244*** (1.794) 4.727*** (1.794) 207 9 207 9 201 9 0.0937 (0.509) 1.032** (0.519) 0.303 (0.514) 0.666 (0.516) 0.415 (0.515) 1.204** (0.531) 0.277 (0.520) 0.416 (0.524) 0.495 (0.532) 0.838 (0.574) 0.318 (0.555) 0.382 (0.543) 0.120 (0.524) 0.865* (0.525) 0.895* (0.540) 1.080** (0.517) 1.027** (0.504) 1.945*** (0.532) 1.274** (0.535) 1.233** (0.528) 1.274** (0.522) 2.355*** (0.546) -0.230 (1.638) 0.884 (1.670) 0.132 (1.654) 0.442 (1.665) -0.194 (1.661) 0.383 (1.713) -0.405 (1.677) -0.373 (1.687) 0.473 (1.714) -0.657 (1.850) -0.913 (1.793) -0.164 (1.746) -0.391 (1.688) 0.432 (1.688) 0.744 (1.733) 0.729 (1.662) 0.596 (1.624) 1.927 (1.710) 1.581 (1.716) 1.594 (1.696) 1.336 (1.681) 2.429 (1.755) 201 9 201 9 133 6 Les écarts-types sont reportés entre parenthèses. ***, **, * indiquent respectivement un niveau de significativité de 1, 5 et 10%. 40 Références Alesina, Alberto & Gatti, Roberta (1995) : “Independent Central Banks : Low Inflation at No Cost ?”, American Economic Review, vol. 85, no. 2, pp. 196–200. 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