4 Au sujet de l`opération « Frankton » Au sujet - Avions
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4 Au sujet de l`opération « Frankton » Au sujet - Avions
Merci d’adresser vos courriers à la rédaction : Frédéric STAHL, Marijolet, 12 560 ST LAURENT D’OLT et vos mails à [email protected] Au sujet de l’opération « Frankton » Fidèle lecteur de votre revue, et parfois participant au « courrier des lecteurs », je connais, et apprécie, votre souci du détail. Aussi, j’aimerais en toute humilité vous faire part de deux petites remarques futiles et sans importance aucune ; - L’insigne présenté en bas de page 45 dont la légende est : « L’écusson des Royal Marines, cousu sur l’épaule des commandos » est en fait l’insigne des Opérations Combinées (Combined Operations badge) adopté en septembre 1942. Sa forme avec sommet arrondi et base horizontale, rappelle effectivement les insignes de manche de la Royal Navy. Mais il n’est pas l’insigne des RM, ni même celui des RM Commandos, même si il est effectivement porté par les RM commandos, en particulier lors de l’opération dont nous parlons. Il est porté par tous les membres des « Opérations Combinées », qu’ils soient de l’Army, de la RAF ou de la Navy. La symbolique de l’insigne le rappelle. L’autre variante a la forme ronde (on trouve même une forme carrée). On peut noter que les Français du 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commando ont porté les deux modèles. Il y a des types brodés et des types imprimés. On trouve également des insignes brodés cerclés rouge. En général, les insignes se portent par paire, sur chaque manche, le dessin étant inversé, l’arme (Tompson) étant toujours pointée vers l’avant (Réf. Laurent Jego in Militaria magazine n°105 et n°107, et site Internet). On trouve également pour les US Army Amphibious forces un insigne reprenant le même dessin mais brodé en jaune sur fond bleu ou rouge (Réf. Commandos and Rangers of WWII by James Ladd 1978)… Pas de quoi en faire un plat. - Autre remarque tout aussi inintéressante, la traduction de Davis Submarine Escape Apparatus me gêne un peu. C’est le mot « fuite », même si l’appareil en question est utilisé dans les sousmarins où les fuites ne sont pas rares. Je pense que le mot « évacuation » aurait été approprié. Voilà. Encore merci et bravo pour vos travaux. J’attends avec impatience le prochain numéro… M. François Pelissier Merci pour vos renseignements sur les insignes. Pour votre traduction de Davis Submarine Escape Apparatus nous sommes d’accord avec vous. La rédaction Au sujet des bateaux d’Algérie Lecteur très fidèle de votre revue, qui me comble, et que j’achète à chaque parution (car l’abonnement pour un TOM est bien trop aléatoire ; beaucoup de vols à la poste, ici). Je me permets de vous adresser ce courrier, afin de vous demander si vous avez fait paraître dans le passé (avant que je commence à vous lire) ou comptez faire paraître, des articles sur les sujets suivants : - les paquebots, cargos et « pinardiers » (bateaux spéciaux pour le transport du vin en vrac) desservant l’Algérie dans les années 1950-1960. Etant natif de Mostaganem, port oranais très actif, dont pour le vin, je garde un souvenir très émerveillé de ces navires, dont ceux, entre autres, de la Compagnie Le Borgne et Schiaffino, d’Alger, je crois. - les chalutiers algériens de cette même période, tous en bois, au « lamparo » de formes merveilleuses. Hélas, je n’ai aucune photo, aucun souvenir de tout ceci ! … Existe-t-il, à défaut, des revues spécialisées sur ces flottes, et des ouvrages traitant de ces sujets ? D’avance, je vous remercie infiniment de votre réponse, et vous dis « bon, bon courage ! » M. Serge Torres Le Bacchus à Oran. (Collection Jean-Yves Brouard) 4 Le pinardier Bacchus de 1949 ; (collection Jean-Yves Brouard) Navires et Histoire à travers les brèves Frédéric Stahl Depuis plusieurs années, nous répétons régulièrement que le but que s’est fixé la Chine, est de devenir la première puissance économique mondiale d’ici 2020. Cela a parfois fait sourire, comme lorsque nous avons parlé du missile ASBM (Anti Ship Ballistic Missile) DF-21D Mod.4 (1) ou de la remise en service programmée du porte-avions Varyag par la marine chinoise. Le vendredi 9 novembre, trois jours après la réélection sans grande surprise du président Obama aux Etats-Unis, un rapport de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) va indiquer que, même avec un taux de croissance ralenti (2), la Chine devrait devenir la première puissance économique mondiale devant les Etats-Unis en 2016, c’est-à-dire dans quatre ans (3). Bien sûr, un rapport de l’OCDE n’est pas parole d’évangile, mais à côté de Navires et Histoire, il pèse son poids. En 1992, il y a vingt ans, tirant avec pragmatisme les enseignements des événements de la place Tienanmen (Tien-an-Men) et de l’effondrement du système soviétique, Deng Xiaoping, le « petit timonier », qui avait déjà entrouvert la porte en 1979, va lancer la Chine sur la voie de l’économie de marché. Pendant dix ans, entre 1992 et 2001, malgré la crise asiatique de 1997-1998 (4), le pays va devenir l’usine du monde en matière de gadgets et autres produits bon marché. Cette politique va permettre aux états occidentaux de compenser le blocage des salaires dans de nombreux domaines, par une baisse des prix sur des produits de grande consommation et ouvrir la porte à un néo-libéralisme ravageur. A partir de 2002, la Chine va changer de vitesse et commencer peu à peu à produire des matériels de haute qualité tout en continuant à fournir la chaîne des magasins américains Wal-Mart et les supermarchés occidentaux jusqu’à l’écœurement au moment où les pays occidentaux s’engageaient dans des guerres à répétition de plus en plus coûteuses. La Chine connaît alors un taux de croissance frisant, voire dépassant, les 13%. Fin 2005 elle devient la quatrième économie mondiale derrière les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne. Deux ans plus tard elle dépasse l’Allemagne puis en 2009, le Japon. En à peine vingt ans, la Chine s’est donc hissée au niveau de deuxième puissance économique mondiale. La phase suivante, débutée en fait il y deux ans, est d’assurer l’économie intérieure en doublant le PIB du pays et de doter la Chine d’outils, en particulier militaires, permettant d’assurer son avenir. Aujourd’hui, les dirigeants chinois veulent restaurer l’Empire du Milieu dans l’expression de sa pleine puissance et laver ainsi la souillure ouverte par la guerre de l’Opium, puis par le saccage du Palais d’été. La Chine fait maintenant face à une stratégie de containment de la part des Etats-Unis qui lui ont littéralement déclaré une nouvelle forme de guerre larvée « from Behind » en octobre 2011. Elle sait bien que l’ère du grand jeu de la concurrence (Agôn) est terminée et qu’elle a fait place à celle d’une rivalité stratégique qui est en train de glisser vers une rivalité mimétique généralisée (Eris) avec les USA. Les événements en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Libye, en Syrie, en Iran, au Soudan, en mer de Chine et ailleurs, la question des approvisionnements pétroliers (5), celle de l’énergie nucléaire, de la guerre des monnaies … doivent être lus à l’aune de cette rivalité. Pour éviter un affrontement direct (Polemos) qui mènerait à la destruction mutuelle et mettrait en péril le monde, les deux grandes puissances gagnent du temps et ouvrent une véritable grande loterie (pour ne pas dire braderie) sur l’avenir. Bien malin celui qui peut dire aujourd’hui comment vont évoluer tous les dossiers en suspens et d’où partira l’événement (Iran, Syrie, Mali, Palestine, espace Pacifique, pétrole, matières premières, bourses… ?) qui permettra à la Chine et aux Etats-Unis d’engager un combat indirect mais coûteux pour les tiers… Dans un tel contexte, pour éviter de devenir les pions d’une partie qui leur échapperait complètement, les pays de la communauté européenne seraient bien inspirés de jouer du balancier et de ne pas se laisser instrumentaliser. 1 - Dans l’article « ASBM le premier Shashoujian chinois » du N&H n°54 de juin 2009. 2 - Il est actuellement de 7,7%. 3 - En 2005, Goldmans Sachs prévoyait que les courbes des PIB de la Chine et des Etats-Unis se croiseraient en 2040. 4 - Cette crise économique va être déterminante dans l’élaboration de la stratégie économique de la Chine comme l’une des armes de la « guerre hors limites ». 12 5 - La demande mondiale devrait augmenter de 14% d’ici 2035, soit une demande portée à 99,7 millions de barils/jour dont la moitié pour couvrir les besoins en matière de transport. Jusqu’en 2015 la hausse peut être couverte par une augmentation de la production des pays de l’OPEP portée à 53 millions de barils/jour… Après, c’est l’inconnu, même si en 2020, grâce au pétrole non-conventionnel (pétrole de schiste, sables bitumeux, tightoil…) et aux agro-carburants, les Etats-Unis devraient devenir autosuffisants pour une courte période prenant fin en 2025. Le porte-avions CVN-69 USS Dwight D. Eisenhower croisant en mer d’Oman le 14 septembre, jour où un commando va détruire au moins six avions AV-8B de l’USMC en Afghanistan. (Photo Ryan D. McLearnon – US Navy) Les brèves au jour le jour du 14 septembre au 13 novembre 2012 Le vendredi 14 septembre, en Irak, l’aviation turque effectue toute une série de raids sur le Kurdistan. Cette action fait 76 victimes dans les rangs du PKK… En Afghanistan, un commando de 15 « rebelles » détruit six avions de combat américains AV-8B Harrier II de l’USMC sur la base aérienne du camp Bastion. Deux autres appareils sont sévèrement endommagés, 3 postes de ravitaillement en carburant pour avions sont détruits et 6 hangars légers endommagés (1)… Au Yémen, une petite unité de Marines arrive à Sanaa pour protéger l’ambassade des Etats-Unis… Le Samedi 15 septembre, au Yémen, l’effectif des Marines à Sanaa est porté à 250 hommes… Le dimanche 16 septembre, dans le golfe Persique, des navires américains et britanniques - la frégate D 34 HMS Diamond, les chasseurs de mines MCM-3 USS Sentry, MCM-13 USS Dextrous, MCM-6USS Devastator, M 112 HMS Shoreham, M 38 HMS Atherston, les bâtimentsbases AFSB(I)-1 USS Ponce et L 3009 RFA Cardigan Bay - emportant des observateurs de 20 nations, débutent l’exercice « INCMEX 12 » qui se prolongera jusqu’au 27 septembre… Le porte-hélicoptères USS Peleliu appareille pour un nouveau déploiement dans la zone opérationnelle du CENTCOM (5e Flotte). (US Navy) Photo prémonitoire prise au début des essais du porte-avions indien Vikramaditiya qui va rencontrer de gros problèmes de propulsion le 17 septembre. (DR) Le lundi 17 septembre, aux USA, le portehélicoptères LHA-5 USS Peleliu, les transports de chalands de débarquement LPD-20 USS Green Bay et LSD-47 USS Rushmore quittent San Diego pour rejoindre la zone opérationnelle du CENTCOM (5e Flotte)… En Syrie, un hélicoptère Mil Mi-8 est abattu au cours de combats qui vont faire 35 morts à Damas… Au Pakistan, les forces armées effectuent avec succès un tir-test de missile de croisière Babur (Hatf 7) d’une portée de 700 km… Dans le golfe d’Aden (GOA), la marine chinoise et la marine américaine effectuent pour la première fois une patrouille anti-piraterie commune avec le destroyer DDG-81USS Winston S. Churchill et la frégate n°548Yiyang… En Russie, le porte-avions indien INS Vikramaditiya (ex-Admiral Gorchkov) qui procède à des essais de vitesse en mer de Barents, connaît une sévère avarie de machines, à cause d’un problème d’isolation des chaudières (il devra rejoindra Severodvinsk le 25). Cet accident va repousser vers octobre 2013, la mise en service du navire qui devait intervenir en décembre 2012… 1 - Au cours de la période du 14 septembre au 13 novembre 2012, les combats et les attentats dans la zone Afghanistan/Pakistan vont faire 1 282 morts dont 51 soldats US, 12 soldats britanniques, 1 soldat australien, 130 soldats afghans, 66 policiers afghans, 4 agents de renseignement afghans, 6 policiers pakistanais et au moins 13 « contractors »… 13 Dix reproductions de ce tableau, du peintre anglais Bearman, ont été signées par le commandant du HMS Tuna, Richard Prendergast Raikes. Un exemplaire a été remis à François Boisnier (1) par le peintre. (Collection F. Boisnier) (2e Partie - L’Exécution) René Alloin Nous avons vu, lors du précédent numéro de Navires & Histoire, la préparation minutieuse et rigoureuse des douze hommes qui vont prendre part à la plus extraordinaire opération de commandos de toute la seconde guerre mondiale. Le moment de l’action, tant attendu, va enfin débuter pour le Major Hasler et ses Royal Marines. Avant de s’embarquer à bord du sous-marin HMS Tuna, les hommes ont écrit à leurs familles. L’un d’eux, Robert Ewart est très amoureux de Heather Powell, la fille de ses hôtes, alors âgée de seize ans. Il lui écrit une lettre très tendre qu’elle ne recevra que s’il ne revient pas. Départ d’Écosse Le lundi 30 novembre 1942, avant le lever du jour, l’embarquement des kayaks, du matériel et des commandos est effectué. A 10 h30, le HMS Tuna appareille pour d’ultimes manœuvres de mises à l’eau devant l’île d’Inchmarnok. A 20 heures, les exercices sont terminés et le sousmarin fait route vers le golfe de Gascogne, escorté jusqu’au 2 décembre à 17 h 30 par le HMS White Bear, l’ex-yacht américain Iolanda réarmé. Hasler informe alors ses hommes de leur destination finale et de l’opération programmée. Les heures à bord ne se passent pas dans l’oisiveté. Toute la journée, des instructions sont fournies avec L’opération d’extraction des kayaks est particulièrement délicate. Il n’y a que trois centimètres de marge pour passer les esquifs et la moindre erreur peut être fatale. 30 l’étude des photos des parages de l’attaque, les dispositions en cas de mauvaises rencontres, le résumé des ordres complets, l’apprentissage de quelques phrases de Français (2), les détails pour l’évasion à travers la campagne française, etc... Les objectifs sont également définis. Le Catfish de la Divison « A » (Major Hasler et Marine Sparks) et le Cutllefish, de la Division « B » (Lieutenant Mackinnon et Marine Conway) doivent s’occuper de Bordeaux rive ouest. Le Crayfish (Corporal Laver et Marine Mills) et le Coalfish (Sergeant Wallace et Marine Ewart) prendront en charge les navires de Bordeaux rive est. Enfin, le Conger (Corporal Sheard et Marine Moffatt) et le Cachalot 1 - Il faudrait pratiquement écrire un livre sur François Boisnier, pour raconter sa vie riche de multiples expériences. Cet ancien de Sciences Po à Bordeaux et de l’Institut Universitaire des Hautes Études Internationales à Genève a passé de nombreuses années en Suisse, au Cameroun, au Venezuela, aux ÉtatsUnis, etc. Officier parachutiste de réserve pendant la guerre d’Algérie, au sein du IIe Bataillon de Choc, il sera blessé et cité. Trilingue, il va fonder, en 2000, l’association Frankton et en est aujourd’hui, à 79 ans, le Président d’Honneur. Il vit désormais à Barbezieux, en Charente, berceau de son enfance. 2 - La plupart des hommes trouvant cela trop difficile, estiment qu’ils pourront se débrouiller avec des gestes. Le Major Herbert (Blondie) Hasler, instigateur de l’opération Frankton et le Marine Bill (Ned) Sparks composent l’équipage du Catfish (poisson-chat). (DR) Le Lieutenant Richard Prendergast Raikes est un commandant expérimenté de sous-marins. Il a dirigé successivement le HMS Tribune, le HMS Seawolf et le HMS Tuna avec lequel il va débarquer les commandos de Hasler. (Collection R. P. Raikes) (Marine Ellery et Marine Fisher) devront poser leurs mines sur les bâtiments amarrés à Bassens, quais Nord et Sud. Ainsi chaque cible est couverte par un kayak des deux divisions « A » et « B » qui doivent opérer indépendamment. Cette séparation des forces comporte également la nécessité de ne pas se préoccuper des kayaks de l’autre division, quelles qu’en soient les raisons. Pour tout incident éventuel, seuls les deux bateaux d’un même groupe peuvent porter assistance au troisième, laissant ainsi à l’autre section, la possibilité de mener à bien la totalité de la mission. Le vendredi 4 décembre, le sous-marin atteint les côtes des Landes mais une tempête empêche le moindre relèvement. Le bâtiment se rend alors au large pour éviter tout contact avec la flottille de pêche. Le lendemain, le temps ne s’améliore pas et le dimanche 6 décembre, le brouillard remplace la tempête. A 13 heures seulement, le Commanding Officer Dick Raikes repère enfin un phare. Il estime se situer au nord d’Hourtin mais il demeure difficile d’obtenir une confirmation. Le HMS Tuna, en immersion périscopique, entreprend la remontée de la côte landaise. Débarquement des commandos Une rare photo du Marine Bill Ellery et du Marine Eric Fisher prise lors d’une pause au cours d’un entraînement en Angleterre. Ils ne pourront participer au raid, leur kayak, le Cachalot, ayant été endommagé au cours de sa sortie du HMS Tuna. (DR) Le lundi 7 décembre à 13 h 45, l’officier navigateur repère le phare de Cordouan, le château d’eau du village de Montalivet et la bouée de Saint-Nicolas ce qui lui permet d’effectuer un point précis. Afin d’éviter une trop longue exposition du sous-marin dans la zone de mise à l’eau des kayaks, leur assemblage s’effectuera au large. A 15 heures, les esquifs sont sortis du compartiment des torpilles puis déployés et raidis. Les hommes effectuent le gonflement des sacs de flottaison et le chargement des kayaks avec les pagaies, les boussoles, les sacs 4, contenant des vêtements de rechange et 5, celui du trousseau d’évasion. A 18 h 10, le HMS Tuna se trouve en position mais un patrouilleur allemand est repéré à 4 500 mètres, entre Soulac et Cordouan. A regret, le Lieutenant Raikes met le cap au sud et, à 19 h 17, il donne l’ordre de faire surface par 45°22’ N et 001°14’ W, à 3 milles au large de Montalivet et à 10 milles seulement du radar allemand Vogel de Soulac-sur-Mer, au beau milieu d’un champ de mines britannique dont les coordonnées, supposées précises, ont été fournies par la RAF. Les hommes achèvent de passer leurs tenues versicolores et de peindre leur visage avec une crème de camouflage. La mise à l’eau débute avec l’aide du canon et de l’ingénieux système mis au point (voir N&H n° 74). Malgré les nombreuses répétitions, le flanc en toile du Cachalot se déchire sur un crochet de fermeture du panneau de l’écoutille. Le Catfish, avec Hasler et Sparks est déjà posé sur la mer. Raikes a donc la responsabilité des Cockles pendant le débarquement et ne peut que décider l’interdiction à Bill Ellery et Eric Fisher de prendre part à l’opération, de rentrer le canot et de demeurer à bord. Malgré les supplications des deux hommes auprès d’Hasler, affirmant qu’ils peuvent réparer et rejoindre le groupe, le major confirme la sage décision du commandant du sous-marin. A 20 h 22, mettant le cap au 035, les cinq kayaks s’enfoncent dans la nuit. Carte du premier jour de l’opération Frankton : débarqués le 7 décembre 1942 en face du village de Montalivet, les commandos vont affronter trois «Tidal Race» avant de parvenir à la Pointe aux Oiseaux. 31 Navigation vers l’embouchure de la Gironde Malgré l’absence de lune, la nuit est claire. La mer calme permet une navigation aisée même si l’effort à fournir pour propulser les kayaks, demeure intense. Pour cette raison, Hasler a institué une pause de cinq minutes à chaque heure. En repartant après le premier arrêt, les kayakistes ressentent déjà l’effet du courant de marée qui les entraîne vers l’embouchure de l’estuaire, facilitant leur progression. A 23 h 50, ils passent le Banc des Olives dont on perçoit les déferlantes au-dessus des hauts-fonds. Peu après, Sparks constate une entrée d’eau dans le Catfish et il lui faut écoper toutes les heures. Vers minuit, Hasler L’estuaire de la Gironde vu par satellite. A droite, la Pointe de Grave avec, en face, les villes de Royan et de Saint-Georges-deDidonne. En bas, la presqu’île d’Arvert et l’île d’Oléron. A gauche de la photo, la Charente se jette dans l’océan Atlantique. En remontant la Gironde on aperçoit l’île Patiras, avec à sa droite le Vasard de Beychevelle, puis l’île Bouchaud prolongée par l’île Nouvelle, la petite île de Fort Paté et l’île Verte, précédent l’île du Nord et l’île Cazeau. On peut distinguer, à sa droite, au bord de la photo, la petite île de la Tour de Mons, appelée aussi île Margaux. (CNES) 32 Le « Tidal Race », comme le nomment les Britanniques est provoqué par la rencontre de la marée montante avec les hauts-fonds. Comme vous pouvez le constater sur cette photo, les vagues ne restent pas parallèles comme dans un mascaret mais désordonnées avec des creux de plus d’un mètre. Il ne faut pas oublier non plus que cela se passe de nuit avec un kayak pesant 218 kilos, équipage compris, donc très difficile à manœuvrer. (Photo Adam Clutterbuck) Le Corporal George (Jan) Sheard et le Marine David Moffatt composent l’équipage du Conger (congre). (DR) entend soudain un bruit inquiétant, inconnu, qui ne correspond pas aux bruits des vagues se brisant sur une plage. Le major stoppe son kayak et se rend compte que le bruit s’amplifie mais se situe face à eux et non à droite vers la côte. Il devine instantanément ce dont il s’agit. Là où la marée montante rencontre les hauts-fonds se forme ce que les Anglais appellent un « Tidal Race ». Ce n’est pas exactement un mascaret, formé par la rencontre de la marée et du courant d’un fleuve, mais une série de vagues désordonnées pouvant atteindre un mètre-vingt, de remous et même de tourbillons potentiellement dangereux. A aucun moment, il n’a été fait mention de ce phénomène et aucun des hommes n’est préparé à affronter un tel danger. Couvrant le rugissement qui s’accroît, Hasler crie aux commandos de s’efforcer de prendre les vagues les plus violentes de face et de pagayer de toutes leurs forces pour maintenir leurs frêles esquifs en équilibre. Le Catfish subit le phénomène le premier et il est rapidement malmené par les courants désordonnés. Enfin, au bout de quelques interminables minutes, Hasler ressort du maelström aussi brusquement qu’il y est entré. Avec satisfaction, il se rend compte que le petit bateau qu’il a conçu peut affronter des conditions extrêmes. Peu après, apparaissent le Conger, le Cuttelfish et le Crayfish. Manque le Coalfish de Wallace et Ewart. Après une attente de plusieurs minutes et des appels répétés avec le sifflet imitant le cri de la mouette, il faut se rendre à l’évidence et Hasler ordonne de continuer l’opération. Les quatre kayaks rescapés poursuivent leur navigation et aperçoivent bientôt le phare de la Pointe de Grave, éteint, qui détermine l’entrée de l’estuaire de la Gironde. A ce moment-là, un Cette photo prise en juin 2009 montre ce qu’il reste de l’ancien môle d’escale de Verdon-sur-Mer. C’est entre ce môle et trois patrouilleurs ancrés à un demi-mille de son extrémité que doivent passer Hasler, Laver et Mackinnon. (Photo Philippe Dufour, avec son aimable autorisation) La Pointe aux Oiseaux, où les Royal Marines vont trouver refuge après leur première nuit de navigation. Comme on peut le voir sur cette photo de juin 2009, la végétation y est plutôt rare. (Photo Philippe Dufour) 33 grondement menaçant dépassant le précédent en intensité, annonce un nouveau phénomène de «Tidal Race». Cette fois, les vagues sont plus serrées et mesurent plus d’un mètre cinquante. Elles se croisent et se brisent les une contre les autres. Les kayaks subissent de violents soubresauts mais, grâce à un « pagayage » forcené et l’étanchéité de leur jupe de cockpit, Hasler et Sparks parviennent à sortir de cet enfer. Deux autres esquifs viennent se ranger près du Catfish mais le Conger est malmené et chavire. Sheard et Moffatt s’accrochent à leur bateau plein d’eau. Impossible de l’écoper dans ces conditions, sauf de le ramener sur la rive, mais la furieuse marée les entraîne. A ce moment, le phare de la Pointe de Grave s’allume et Hasler n’a d’autre choix que d’ordonner à Sparks de crever les sacs de flottaison du Conger. Il demande à Sheard de s’accrocher à l’arrière du Catfish et à Moffatt d’en faire de même derrière le Cuttelfish. Les deux hommes frigorifiés se cramponnent du mieux qu’ils peuvent, engourdis par le froid. Hasler veut les conduire en sécurité mais une troisième zone de turbulence, moins violente cependant, en décide autrement. Les kayaks, devenus moins manœuvrables à cause des naufragés, sont entraînés irrémédiablement vers le port du Verdon. Hasler prend conscience que s’il insiste dans son entreprise, la mission est définitivement compromise. A regret, il doit abandonner Sheard et Moffatt en leur conseillant de nager jusqu’à la côte, de se cacher pour la journée puis de tenter de gagner l’Espagne. lueurs commencent à poindre à l’est et la renverse de la marée va bientôt débuter. Il leur faut découvrir rapidement un abri. L’aube du 8 décembre se profile à l’horizon lorsqu’ils aperçoivent une vasière située, sur leur carte, à la Pointe aux Oiseaux . Le lieu offrant peu de buissons, les filets de camouflage sont déployés sur les kayaks et les hommes prennent leur premier repas depuis douze heures. Ils ont parcouru vingt-trois milles, dans des conditions extrêmes, dépassant celles envisagées au cours des pires périodes d’entraînement. Il ne reste qu’un tiers de l’effectif et il y a encore trois nuits de navigation à effectuer avant de parvenir à destination. Hasler se demande s’il parviendra à mener à bien sa mission mais sa volonté farouche lui enjoint d’aller jusqu’à Bordeaux, même s’il doit y parvenir seul. A proximité, un petit chenal disparaît dans les terres, menant au hameau du Port de Saint-Vivien d’où proviennent, peu après leur installation, plusieurs petits calups (1) entrevus par les rescapés. A huit heures trente, quelques embarcations se dirigent directement vers leur refuge. La malchance a voulu qu’ils se cachent à l’endroit où, ce matin, les pêcheurs et leurs familles ont rendez-vous pour prendre le petit déjeuner, dans l’attente de la montée des eaux. Tandis que les bateaux approchent de la crique, des femmes et des enfants arrivent par un étroit sentier, les bras chargés de paniers de victuailles. Positionnés au milieu, leur camouflage devient totalement inopérant et Hasler comprend qu’il faut faire le premier pas. Dans son français approximatif, il les salue, leur explique qu’ils sont des soldats britanniques et leur demande de ne pas révéler leur présence. Malgré leurs doutes, les Français vont se taire. Mieux, Yves Ardouin, ostréiculteur, conseille aux commandos de se déplacer de deux cents mètres en amont et de prendre l’embouchure d’un petit ruisseau, expliquant qu’ici, c’est le canal du Gua, empruntés régulièrement par d’autres pêcheurs et qu’il existe un chantier tout proche avec des Allemands. En plein jour, les quatre hommes suivent ce précieux conseil. A son retour de la pêche, à Saint-Vivien, M. Ardouin confie à M. Baudray, qui tient le Café des Sports dans la commune, le récit de sa brève rencontre du matin. Il sait pertinemment que la famille Baudray ravitaille clandestinement quelques patriotes français en ces temps de disette où la résistance est encore embryonnaire. C’est à ce moment-là que Jeanne Baudray (2), la fille, se voit chargée d’emporter à pied, quelques provisions aux commandos. Premier accostage Toutes ces péripéties ont considérablement ralenti les Royal Marines et le major pressent l’impossibilité d’aborder la rive Est, près de Saint-Seurin d’Uzet comme le prévoit le plan si minutieusement élaboré. Il va falloir trouver rapidement une cachette sur la rive ouest, plus désertique et exposée, d’autant qu’il ne reste que trois ou quatre heures d’obscurité. Devant eux s’élève le môle du Verdon et, comble de malchance, trois patrouilleurs allemands sont ancrés à quelques encablures de son extrémité. Le moindre détour s’avère impossible et les trois kayaks rescapés doivent impérativement passer entre le môle et les bâtiments. Cette option présente d’autant plus de risques que l’alerte a été donnée depuis la détection du HMS Tuna par le radar allemand de Soulac. C’est la raison de l’éclairage du phare de la Pointe de Grave. Hasler décide l’emploi des pagaies simples, moins bruyantes et préconise un passage séparé des trois bateaux, avec une distance de sécurité de deux cents mètres entre eux. Comme à son habitude, le Catfish passe le premier, sans incident, bientôt rejoint par Laver et Mills. Cependant le Cuttlefish n’apparaît pas. Soudain, ils entendent un cri mais aucun autre bruit n’est perceptible. Le temps presse, les premières L’ostréiculteur Yves Ardouin photographié après la guerre en compagnie de sa femme et de sa fille. Il va conseiller aux deux équipages des kayaks de se déplacer de 200 mètres en amont afin de quitter le lieu trop fréquenté du canal du Gua et trop proche d’un chantier allemand, où ils se sont réfugiés. (DR) 1 - Calup : Nom local d’un petit bateau de pêche à fond plat, utilisé jadis par les ostréiculteurs des bords de l’estuaire de la Gironde, leur permettant de se rendre sur les parcs à huitres à marée basse. 2 - Madame Baudray a été Maire de Saint-Viviende-Médoc de 1994 à 2008 et a participé, à ce titre, à l’inauguration de la plaque commémorative élevée à la Pointe aux Oiseaux, le 12 juillet 2003. 34 (Collection François Boisnier) Navires et Histoire de la Guerre du Pacifique Des TBM Avenger sur le pont du porte-avions USS Enterprise, fin mai 1944, Peu de temps avant le lancement de l’opération « Forager ». (USNA) Le tir aux pigeons des Mariannes juin 1944 : Saipan et la bataille de la mer des Philippines Frédéric Stahl Les navires de la TF 58 de Mitscher au mouillage dans l’atoll de Majuro peu de temps avant le déclenchement de l’opération « Forager ». Ce rassemblement de navires est d’autant plus impressionnant qu’au même moment, de l’autre côté de la planète, un autre regroupement massif de navires s’apprête à effectuer un débarquement en Normandie. 48 Navires et Histoire de la Mar-Mar Le Santa Maria arrive enfin dans les eaux brésiliennes, fin janvier 1961, où il est rejoint par le Estacio Coimbra, un remorqueur du port de Recife. Le paquebot portugais a suivi jusque-là un trajet erratique, surveillé par des avions américains de patrouille maritime, poursuivi par des navires de guerre américains, anglais, hollandais, portugais… Mais aussi mis en échec par le commandant Maria qui donnait de mauvais conseils au commando d’opposants portugais qui avaient pris le contrôle du navire. (Photo Joseph Scherschel/US Navy) Opération « Dulcinée » « Nous ne sommes pas des pirates ! » (2e partie) Jean-Yves Brouard Le paquebot portugais Santa Maria a été détourné en pleine nuit par des opposants au régime du gouvernement portugais. A l’époque (janvier 1961), le dictateur Salazar règne avec une poigne de fer sur le Portugal. Le paquebot, qui devait rallier Miami à partir de Curaçao, prend un tout autre cap. Mais la prise de contrôle du navire par le commando dirigé par un certain Henrique Galvao a entraîné des tirs d’armes à feu : un mort et deux blessés parmi les membres de l’équipage… (voir N&H 74). Malheureusement pour le chef du commando, son plan doit être modifié. Plus question de rallier directement l’Afrique noire, pour y soulever les populations opprimées (vaste et utopique projet, soit dit en passant). Par « souci humanitaire », Galvao doit stopper le navire près d’une île des Antilles pour débarquer et y faire soigner au moins de Souza, le blessé par balles. Par précaution, le Santa Liberdade – ainsi les opposants portugais ont-ils rebaptisé le paquebot - reste à bonne distance de la côte de l’île britannique de SainteLucie, puis disparaît rapidement derrière l’horizon après avoir laissé un canot de sauvetage, transportant des marins et de Souza, le déborder pour rejoindre à l’aviron Port-Castries, la capitale de l’île britannique. Dans le port où est péniblement 86 entré le canot, une petite foule entoure les nouveaux arrivants et aperçoit des blessés. Un des officiers s’adresse aux indigènes en portugais. Personne ne comprend. Pire, les Antillais pensent qu’ils assistent à une mise en scène pour amuser les passagers du paquebot. Jusqu’à ce que certains membres portugais crient en anglais : « Des pirates ! Nous avons été abandonnés par des pirates ! » De ce fait, la nouvelle du détournement du Santa Maria, et sa dernière position connue, sont aussitôt révélées au monde stupéfait, alors qu’on commençait à s’inquiéter de son silence. Un message urgent, codé TTT, est envoyé depuis la Barbade à tous les navires en mer pour chercher et signaler le navire en fuite. Le Gouvernement portugais dénonce un acte de pure piraterie (en attendant d’en savoir plus, les autorités américaines et anglaises ne reprennent pas cette version de l’incident). Le gouverneur de Sainte-Lucie lance, à la poursuite du paquebot, la frégate Rothesay, un navire de sa Gracieuse majesté britannique qui, pour l’occasion, embarque, en tant que guide et interprète, un des marins portugais venus à bord du canot de sauvetage. Mais la frégate doit rapidement abandonner la chasse, pour ravitailler. En quittant Sainte-Lucie, le Santa Maria disposait de 1568 tonnes de mazout (assez pour parcourir 5000 milles dans toutes les directions) et de la nourriture pour 20 jours. Avions et bateaux de toutes nationalités sillonnent la zone, à la recherche du paquebot. Même des ballons dirigeables prennent part à la chasse. En vain. Ce n’est que le