strategie africaine et plan d`action de lutte contre l`exploitation
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strategie africaine et plan d`action de lutte contre l`exploitation
“Sécuriser la Biodiversité d’Afrique pour la Durabilité et la Paix Mondiale” STRATEGIE AFRICAINE ET PLAN D’ACTION DE LUTTE CONTRE L’EXPLOITATION ILLEGALE ET LE COMMERCE ILLICITE DES PRODUITS DE LA FAUNE ET DE LA FLORE SAUVAGES D’AFRIQUE Table des matières Résumé analytique ................................................................................................................................................ 4 1 2 Contexte .......................................................................................................................................................... 5 1.1 Introduction ............................................................................................................................................. 5 1.2 Contexte ................................................................................................................................................... 7 1.3 Portée de la stratégie ............................................................................................................................. 9 Problèmes, lacunes et défis du Commerce illégal des espèces sauvages en Afrique ........................ 10 2.1 Etat des aires protégées et leur niveau de surveillance .................................................................. 10 2.1.1 Historique ..................................................................................................................................... 10 2.1.2 Menaces sur les aires protégées ............................................................................................... 11 2.1.3 La crise de la viande de brousse ............................................................................................... 12 2.2 Commerce illégal des espèces sauvages en Afrique ........................................................................ 13 2.3 Implications politiques, socio-économiques et écologiques du commerce illicite des espèces sauvages ........................................................................................................................................................... 17 2.3.1 Implications politiques ................................................................................................................ 17 2.3.2 Implications socio-économiques ................................................................................................ 19 2.3.3 Implications écologiques ............................................................................................................ 20 2.4 Forces ..................................................................................................................................................... 20 2.5 Faiblesses à relever............................................................................................................................... 21 3 Le Cadre stratégique de lutte contre le Commerce illégal des espèces sauvages en Afrique de 2015 à 2024 ......................................................................................................................................................... 23 4 3.1 Objectif global ....................................................................................................................................... 23 3.2 Objectifs spécifiques ............................................................................................................................. 23 3.3 Axes stratégiques .................................................................................................................................. 23 Plan de mise en œuvre et Stratégie.......................................................................................................... 29 4.1 Approche de la mise en œuvre de la Stratégie ................................................................................. 29 2 4.1.1 Architecture institutionnelle ....................................................................................................... 29 4.1.2 Rôle des CER ................................................................................................................................ 30 4.1.3 Gestion des spécificités régionales ............................................................................................ 30 4.1.4 Mobilisation des ressources........................................................................................................ 30 5 Suivi et évaluation de la stratégie ............................................................................................................. 32 6 Révision de la Stratégie .............................................................................................................................. 32 3 Résumé analytique Le présent document décline la stratégie africaine et le plan d’action de lutte contre l’exploitation illégale et le commerce illicite des produits de la faune et de la flore sauvages d’Afrique. L’Afrique constitue un continent d’une biodiversité exceptionnelle. Cette biodiversité est cependant menacée par une exploitation illégale et un commerce illicite sans précédents, nourris par l’explosion démographique et une demande intérieure et internationale. De nombreuses espèces, charismatiques ou non, animales et végétales, souffrent de cette exploitation qui conduira à terme, si rien n’est fait, à leur extinction. L’état préoccupant des aires protégées existantes, la difficulté d’en créer de nouvelles, la superposition d'usage des terres, la forte demande des produits de la faune et de la flore qui alimentent les marchés internationaux, la demande intérieure en viande de brousse constituent des défis à relever. Le commerce illicite des produits de la faune et de la flore, issus de l’exploitation illégale, résulte de nombreux phénomènes (la corruption, les pratiques mafieuses, le financement de groupes armés) avec comme conséquence, la déstabilisation de régions entières. De nombreuses organisations internationales (ONUDC, UA, etc.), régionales (CEEAC, SADEC, CEDEAO, etc.), gouvernementales et non gouvernementales (TRAFIC, WWF, WCS, IUCN, réseau EAGLE, etc.) ont entamé un travail de lutte contre ce fléau. Cependant, l'on note une absence de stratégie à l’échelle africaine, définie dans le présent document. Celle-ci s’articule autour de plusieurs objectifs spécifiques, à savoir : i) susciter l’application des engagements nationaux et internationaux par les Etats ; ii) renforcer le cadre de coopération internationale en rapport avec la sauvegarde des espèces sauvages ; iii)renforcer la gestion des aires protégées nationales et transfrontalières, particulièrement dans les paysages les plus intacts, iv) Renforcer la lutte contre les trafics intérieurs de viande de brousse, v) renforcer les capacités opérationnelles des services de contrôle aux frontières ; VI) renforcer les 4 cadres juridiques et institutionnels et notamment légiférer sur les espèces végétales oubliées. L’application de cette stratégie et de son plan opérationnel est essentiellement du ressort de l’Union Africaine et des Etats membres, assistés par les initiatives internationales, sous régionales et les ONG spécialisées. Un effort considérable sur des délais courts doit être entrepris. Les propositions d’actions assorties d’indicateurs pratiques sont tournées vers le pragmatisme, l’efficacité et des actions concrètes de terrain. 1 1.1 CONTEXTE INTRODUCTION La ressource faunique et floristique africaine est riche par sa diversité. Selon les scientifiques, l’Afrique présente deux zones zoologiques distinctes: la zone nord et nord-ouest, comprenant le Sahara avec une importante population de daims rouge, de fennecs, de gazelles, d’ânes sauvages, de dromadaires, d’addax et la zone éthiopienne, englobant toute l’Afrique subsaharienne que l’on peut diviser en quatre régions: Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale, Afrique de l’Est et Afrique Australe. Chaque région a des caractéristiques distinctives en termes de vie sauvage et de priorités de conservation. L’Afrique Australe représente la partie la plus prospère et la plus développée d’Afrique subsaharienne. Cette sous-région dispose des plus anciens et grands parcs et réserves d’Afrique, et compte plus d’éléphants et de rhinocéros que le reste du continent. L’Afrique de l’Est est la plus complexe et la plus diverse des quatre régions en termes de géographie, de climat, de biodiversité. La région comporte les points les plus hauts et les plus bas du continent, avec une gamme d’habitats allant de la forêt tropicale et récifs côtiers jusqu’aux déserts. Ces caractéristiques uniques incluent la faune et la flore des hauts plateaux éthiopiens, les sommets et les glaciers du massif du Ruwenzori, du Mont Kenya et du Kilimandjaro. On observe ici les plus grandes et spectaculaires migrations de faune de savane à savoir gnous, zèbres, et autres antilopes suivies par les carnivores, les cobs de Buffon à oreilles blanches et les tiangs (damalisques). 5 L’Afrique de l’Ouest montre une variation de l’aridité avec, au Nord, les franges ouest du Sahara, au centre, la région du Sahel avec la savane boisée et au sud les diverses forêts sempervirentes humides, bordées par les grandes étendues de mangrove. La faune de cette sous-région regroupe des espèces endémiques et emblématiques telles que l’hippopotame nain, plusieurs primates, des antilopes, des oiseaux, des amphibiens et des reptiles. Parmi les espèces dont les besoins de conservation sont importants, on trouve l’éléphant, le lion, le chimpanzé, le guépard du désert, le gorille de la Cross River, l’Eland de Derby, la girafe et plusieurs antilopes (addax, oryx, etc.). Les zones humides sont d’une importance extrême pour la migration des oiseaux d’eau. L’Afrique de l’Ouest est la principale zone d’hivernage pour une grande partie d’espèces d’oiseaux paléarctiques. La richesse en biodiversité est très élevée dans la petite zone forestière. L’Afrique Centrale renferme le Bassin du Congo, deuxième poumon écologique mondial d’un seul tenant, après l’Amazonie. De ce fait, il joue un rôle majeur dans la séquestration du carbone et recèle une faune et une flore très diversifiée et endémique. On y rencontre les espèces emblématiques et endémiques telles que l’éléphant de forêt, l’okapi, quatre sous-espèces de gorilles, le bonobo, la genette aquatique, le paon congolais, etc. Madagascar, pour sa part, est biologiquement distinct des autres régions du continent. En effet, elle constitue une région d’importance de conservation hors norme, avec un haut niveau d’endémisme et une forte proportion d’espèces menacées. La faune particulière de Madagascar inclut les fameux lémuriens, les tenrecs et les caméléons. Le taux d’épuisement des ressources biologiques est l’une des causes de dégradation des écosystèmes. Cette situation est à l’origine des menaces au niveau des services éco-systémiques. La vente des produits et des dérivés, consécutive à l’exploitation illégale et au commerce illicite de la faune et de la flore sauvages, est source de privation des revenus pour les gouvernements. Cette vente, d’une part, entrave la croissance économique et, d’autre part, sape les capacités des pays à mettre en œuvre leurs programmes de développement. Les moyens de subsistance des populations et le développement socioéconomique de leurs terroirs dépendent, en grande partie, de l'utilisation des ressources de la faune et de la flore sauvages. 6 Des efforts considérables ont été accomplis par les pays africains pour (i) la lutte contre le commerce illégal de la faune et de la flore sauvages, (ii) la ratification et l'adhésion à plusieurs instruments régionaux et internationaux, et (iii) la mise en place des stratégies nationales en matière d'exploitation forestière et de conservation des espèces sauvages. Il sied de relever que d’importants moyens financiers continuent d’être investis par les parties prenantes à la conservation de la faune et de la flore sauvages. Les Etats, à travers leurs agences nationales respectives, soutenus par les organisations intergouvernementales et non gouvernementales travaillent sans relâche pour trouver des solutions à cette problématique. Préoccupée par cette situation, l'Union Africaine (UA), lors de sa 23ème session de Juin 2014, avait adopté la décision EX.CL/Déc.832 (XXV) sur la conservation et le commerce illicite de la faune et de la flore sauvages d'Afrique. Cette décision a reconnu la nécessité de renforcer la gouvernance environnementale et d’éradiquer le commerce et le trafic illégaux de la faune et de la flore sauvages qui menacent la paix et la sécurité mondiales. Elle a interpelé les Etats africains à tout mettre en œuvre pour élaborer et adopter une stratégie commune en matière de lutte contre le commerce illicite de la faune et de la flore sauvages. 1.2 CONTEXTE De nombreuses espèces animales et végétales en danger, inscrites à la CITES, sont en train de disparaître à un taux élevé.i Selon une étude menée par le PNUE, près de 25% d’espèces de faune pourraient disparaître d'ici2020.Par ailleurs, durant la même période, certaines autres études estiment que la disparition de la faune se produirait à l’échelle d’un cinquième pour toutes les espèces existantes. La menace qui pèse sur les espèces de faune et de flore sauvages émane de sources multiples, particulièrement l’exploitation illégale et le commerce illicite. 7 La demande en produits fauniques et forestiers est en augmentation. L'Afrique se situe au centre de l’approvisionnement du monde en trophées et spécimens vivants d'animaux. En Afrique du Sud, la demande des produits de la faune, tels que la corne de rhinocéros et le braconnage associé, est passée de moins de 50 rhinocéros en 2007 à plus de1000 individus, de nos jours. Le rhinocéros noir d'Afrique de l'Ouest est menacé d'extinction. De même, l'ivoire de l’éléphant d'Afrique continue de faire l’objet d’un trafic significatif entretenu par les pays de l’Asie du Sud-est (Vietnam et Thaïlande) et par la Chine. Pour illustration, de 2009 à 2014, plus de 60 saisies importantes, comprenant plus de 92 tonnes d'ivoire ont été enregistrés. Ceci représente des milliers d'éléphants abattus illégalement (20 000 à 25 000 éléphants par an) sur une population estimée entre 420 000 et 650 000 individus. Le braconnage est également la cause du déclin catastrophique des populations d'éléphants de forêt africains, jusqu'à 62% entre 2002 et 2011 (Maisel et al. 2013). Ces données corroborent les récents rapports MIKE. En effet, selon ces rapports, la moitié des éléphants récemment retrouvés morts sur les sites MIKE est issue des abattages illégaux. Cette situation a été observée en Afrique centrale, en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est et en Afrique australe. D'autres espèces sont également touchées. On estime que 22 000 grands singes (Gorilles et Chimpanzés) ont été décimés entre 2005 et 2011. Le commerce illégal de pangolins géant a été estimé à 40.000-60.000 individus en 2011. En tenant compte de l’évolution des prises, cette espèce pourrait constituer le mammifère le plus commercialisé. Concernant la perte de la flore, les pratiques agricoles et la construction des infrastructures sont à l’origine de la déforestation. Les forêts sont aussi détruites pour approvisionner l'industrie mondiale du bois et pour les besoins énergétiques. Selon les estimations du PNUE, le commerce illicite de la faune sauvage rapporte entre 50 et 150 milliards USD, chaque année, la pêche illégale, 8 entre 10 à 23,5 milliards USD et l’exploitation illégale du bois, entre 30 et 100 milliards USD. Il sied de souligner qu'il existe un trafic « oublié ». Loin des espèces emblématiques de faune, loin des listes CITES, loin des législations nationales précises sur le bois et des initiatives pour réguler son trafic (comme le FLEGT), un ensemble d’espèces végétales est commercialisé ou exporté pour ses vertus médicinales, son potentiel pharmaceutique ou cosmétique, sa valeur alimentaire ou pour ses vertus décoratives, etc. Son exploitation est l’objet d’une industrie extractive dont les conséquences sont souvent non documentées et son commerce illégal, ou pire encore, non légiféré. En dépit des plaidoyers au plan international, le commerce illégal de la faune et de la flore sauvages reste une activité de plus en plus lucrative. Une stratégie commune africaine sur la lutte contre le commerce illicite et l'exploitation illégale de la flore et de la faune sauvages est donc essentielle pour relever le défi. 1.3 PORTEE DE LA STRATEGIE Cette stratégie complète les initiatives en cours et guide les réponses et actions concertées aux niveaux national, sous régional, régional et international visant à la sauvegarde de toutes les espèces de la faune et de la flore sauvages en Afrique. La stratégie traite des questions relatives aux pays d’origine, de transit et de destination des spécimens de faune et flore sauvages ayant fait l’objet de commerce illicite. Elle vise à transformer les paroles en actes, à mettre en œuvre les décisions prises lors de divers forums internationaux et à susciter la mobilisation des fonds nécessaires à soutenir sa mise en œuvre. 9 2 PROBLEMES, LACUNES ET DEFIS DU COMMERCE ILLEGAL DES ESPECES SAUVAGES EN AFRIQUE 2.1 ETAT DES AIRES PROTEGEES ET LEUR NIVEAU DE SURVEILLANCE 2.1.1 Historique Les premières aires protégées en Afrique apparaissent avec les excès cynégétiques de la colonisation. Devant l’extinction de certaines espèces (comme l’Hippotrague bleu) perpétrée au cours d’abattages massifs, les premières Réserves de faune voient le jour. Le premier parc national d’Afrique (Parc National Albert) est créé en 1925 au Congo Belge, suivi du Parc Kruger en 1926. La tendance se poursuivra, y compris après la vague d’indépendance, pour atteindre une exponentielle ces trente dernières années. De nombreux projets d’aires protégées, presque aboutis, attendent encore l’impulsion politique de leurs Etats. Le temps et la croissance démographique 10 jouant contre leur création, il est recommandé de publier les textes y relatifs, le plus vite possible. Les spécialistes s’accordent pour dire que, dans quelques années, il ne sera plus possible de créer de nouvelles aires protégées, en raison de la croissance démographique humaine qui colonise l’ensemble de l’espace terrestre. Seuls quelques grands écosystèmes encore plus ou moins intacts échappent à cette conclusion. Pour ces derniers, une approche « paysagère » a été adoptée, qui détermine un paysage comme un ensemble d’aires protégées entourées d’espaces non protégés mais bénéficiant d’une protection via d’autres mécanismes (forêts d’exploitation sous certification internationale, secteur minier engagé dans la conservation, aires privées..). Ces vastes espaces méritent d’être clairement identifiées et doivent faire l’objet d’une attention particulière. Cependant, de nouvelles aires protégées pourraient être créées en tenant compte de la nécessité de restaurer les zones dégradées et fragiles ou de protéger certaines espèces rares ou endémiques. Par ailleurs, certains sites dits « critiques » méritent un classement prioritaire. 2.1.2 Menaces sur les aires protégées Malgré la croissance récente des différentes formes de conservation, de nombreux pays africains n'ont pas 10% de leur territoire national en aires protégées, comme le recommande l’UICN et le protocole de Nagoya. De surcroit, un grand nombre d’entre elles sont devenues des paper parks, des parcs qui n’existent plus que sur les cartes officielles. Sur le terrain, elles subissent une pression anthropique liée à la création des infrastructures, à l’agriculture itinérante sur brûlis et le développement agro-industries, l’élevage, la superposition des activités extractives dans les zones forestières, etc. A cet effet, à Oti-Mangouri au Togo, par exemple, la faune a complètement disparu. Ces pressions humaines ont pour conséquence la fragmentation des écosystèmes et la migration des animaux vers des zones jadis enclavées. De plus, les aires protégées qui subsistent, présentent de graves problèmes structurels (gouvernance, financement, etc.) entravant leur principale mission. 11 L’un des plus grands problèmes rencontrés concerne l’affectation multiple des terres et la superposition des usages incompatibles, résultat de l’absence d’aménagement du territoire à l’échelon national. Commune à de nombreux pays d’Afrique, comme le Gabon ou la République du Congo, cette problématique aiguë est à la base de nombreuses incohérences dans l’affectation des terres. Les permis miniers notamment sont attribués au mépris d’autres vocations. Il n’est ainsi pas rare de voir des concessions minières ou des permis d’exploration miniers (ou pétroliers) attribués sur des concessions forestières sous aménagement durable, voire à l’intérieur de parcs nationaux. Javelle & Veit (2012) notent en République Démocratique du Congo que 3,5 millions d’hectares de permis miniers seraient superposés à des aires protégées. D’autres problèmes entravent en pratique la bonne gestion des aires protégées :les pesanteurs administratives et politiques, le manque de stratégie d’implication des populations et l’absence de retombées économiques pour les populations, le statut des éco-gardes, encore considéré dans de nombreux pays comme un « sous corps », non habilités à porter des armes ou à verbaliser ; le salaire du personnel des aires protégées, trop faible au regard des dangers encourus et de l’isolement géographique ; le faible niveau de formation, en particulier concernant les aspects paramilitaires, la gestion participative et communautaire ; la faible possibilité de progression dans la carrière, pour l’ensemble des agents ; le faible niveau des incitations, la faible valorisation médiatique de leur travail ; la présence de groupes armés au sein de nombreuses aires protégées ; et enfin le sous-équipement, particulièrement en technologies de pointe et en armes modernes de qualité, de plus en plus nécessaires dans un contexte d’affrontement avec des braconniers puissamment armés. Il en résulte des aires protégées mal surveillées, où se joue le premier maillon du trafic, l’abattage de l’animal ou la collecte de la plante, et qui, évité, permettrait de réduire l’effort autour du commerce. 2.1.3 La crise de la viande de brousse L’Afrique vit une crise majeure de la viande de brousse, et particulièrement en Afrique centrale. Dans certains pays, la consommation de viande de 12 brousse est devenue marginale (soit en raison de la disparition complète des espèces ciblées, soit en raison d’un désintérêt culturel pour ce type de protéines). Dans d’autres, elle reste très importante. Les peuples des régions forestières ont toujours consommé de la viande de brousse, principale source de protéines animales dans des écosystèmes où l’élevage est réduit à sa plus simple expression. Elle constitue un des éléments de la sécurité alimentaire de ces peuples, et doit, à ce titre, être gérée durablement. Mais cette consommation locale s’est doublée de la demande élevée des centres urbains, toujours en pleine expansion démographique et présentant un pouvoir d’achat supérieur. Il en résulte des trafics nationaux criminels mis en place par des petits opérateurs, qui commanditent les réseaux de braconnage, financent la chasse au piège et au fusil, organisent l’évacuation du gibier et corrompent les agents sur le terrain. Les consommateurs finaux sont les ménages, les élites urbaines et les restaurants. Les études scientifiques montrent que les écosystèmes parviennent à peine à répondre à la demande des peuples des zones forestières, mais sont incapables de répondre à la demande des centres urbains. Il en résulte des « forêts vides », écosystèmes amputés de toute faune sur de vastes étendus autour des grandes villes (exemple, Yaoundé, Cameroun). Dans ces « forêts vides », même les derniers grands oiseaux ont été abattus, et les dernières proies sont constituées par des rats (Gillet et al, 2014). Le bol alimentaire des populations locales n’est plus constitué que de rares protéines de poisson, quand il en reste encore. 2.2 COMMERCE ILLEGAL DES ESPECES SAUVAGES EN AFRIQUE L’envolée des prix des produits de la faune et de la flore sauvages (ivoire, corne de rhinocéros, écailles de pangolins, peaux de félins et de reptiles, bec de calao, mains de gorille, viande de baleine, ailerons de requins, bois de rose, d’ébène, d’afrormosia, etc.) a entraîné une montée de l’abattage des éléphants, des rhinocéros et d’arbres précieux en Afrique. En sus des produits ci-dessus énumérés, on devrait aussi prendre en compte tout ou partie des plantes et d’animaux terrestres ou aquatiques utilisées dans la pharmacopée, l’alimentation, le textile, l’esthétiques, etc. 13 Un marché noir, de qui génèrent plusieurs centaines de millions de dollars, alimente la corruption dans les aéroports, les ports, les bureaux de Douanes et les services de sécurité, fournissant de nouveaux revenus aux groupes d’insurgés et aux réseaux criminels de l’ensemble du continent. Le braconnage n’est certes pas un problème récent en Afrique ; cependant, depuis la fin des années 2000, il a atteint des proportions alarmantes. Si des mesures correctives ne sont pas prises, on assistera à une extinction des espèces animales et végétales ci-dessus évoquées. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de braconnage de ces espèces sauvages, mais aussi d’un réseau international de trafic illégal qui renforce les groupes mafieux et armés. C’est pour cette raison qu’il apparait important d’apporter un soutien immédiat au réseau africain des gardes forestiers. On pourrait ainsi ralentir la fréquence des abattages d’éléphants, de rhinocéros, de félins, de bois de rose, etc. et de prélèvement de perroquets, de pigeons verts à front nu, de grands singes juvéniles, de tortues-araignées, etc. Pour faire face à cette menace, il faudra fortement réduire la demande de ces organes d’animaux, surtout en direction des marchés asiatiques. Selon certaines estimations, le nombre d’éléphants abattus tous les ans en Afrique a plus que doublé depuis 2007 pour atteindre 30 000 individus. Cette tendance a franchi un seuil inquiétant en 2010 quand la fréquence des abattages a dépassé le rythme de reproduction des éléphants. D’où, le début d’une baisse sensible de la population. Une récente étude à l’échelle de l’Afrique centrale (Maiselet al. 2013) a montré que ces pachydermes avaient perdu à l’échelle de l’Afrique centrale 62 % de leurs effectifs et 30 % de leur surface de distribution ces dix dernières années (2002- 2011). Le braconnage des rhinocéros a également explosé. Entre 2000 et 2007, les abattages illégaux en Afrique australe étaient rares, souvent moins de dix par an. L’explosion des taux de braconnage a débuté en 2008. En l’espace de cinq ans, 1 004 rhinocéros avaient été braconnés, rien qu’en Afrique du Sud. En 2003, l’ivoire de haute qualité se vendait environ 200 USD. le kilo. Dix ans plus tard, son prix est passé entre 2 500 et 3 000 USD sur le marché noir. L’essor des prix de la corne de rhinocéros est encore plus important. Alors que, dans les années 90, elle coûtait environ 800 USD. le kilo, elle est aujourd’hui plus précieuse que l’or, atteignant, selon certains rapports, le 14 prix de 65 000 $US le kilo en 2013. Les cornes des 1 004 rhinocéros abattus en Afrique du Sud pourraient donc valoir 440 millions $US. Dents, yeux, organes et os de tigres se vendent à prix d’or sur le marché asiatique, qui dépassent ceux de la cocaïne et de l’héroïne dans certains pays, et menacent la disparition de sur cette espèce. Cette tendance a même vu se multiplier les vols dans certains musées et salles de ventes qui exposent de l’ivoire ou de la corne. La principale raison de cette hausse des prix est la demande croissante de ces produits, qui, auparavant, étaient considérés comme des objets de décoration ou d’art sculptés (bijoux, bustes sur socle, etc.). Un sondage mené auprès de professionnels chinois issus de la classe moyenne a révélé que 87 % d’entre eux associaient ivoire et « prestige », et que 84 % souhaitaient en acquérir. En Asie, la croyance, selon laquelle la corne de rhinocéros a de puissantes vertus aphrodisiaques et thérapeutiques, est également à l’origine de son trafic. Le braconnage a ainsi conduit à la quasi-extinction de certaines sousespèces, dont la disparition des rhinocéros du Mozambique, de la République Démocratique du Congo, du Cameroun, et de République Centrafricaine. En effet, dans les régions des Grands Lacs, du Bassin du Congo et de l’Ouest de l’Afrique, divers réseaux criminels et autres groupes armés sont attirés par les bénéfices que génère le commerce de la faune et de la flore sauvages, ainsi que de leurs dérivés. L’usage d’armements ultra puissants et d’autres équipements tactiques sophistiqués démontre les capacités et moyens financiers de ces groupes, et le danger qu’ils représentent. Des dizaines de gardes forestiers sont tués chaque année en République Démocratique du Congo, au Tchad, au Kenya et ailleurs. Les bénéfices de tels trafics alimentent la corruption, affaiblissent les services publics clés de contrôle, telles que la Police, les Douanes et l’Armée, assurant leur service. Ces agents et intermédiaires facilitent le passage aux frontières des marchandises illégales et se chargent du blanchiment des revenus générés. 15 En Afrique du Sud, certaines preuves ont révélé l’existence de liens entre d’anciens membres d’unités d’élite de la police et de l’armée et des trafiquants de corne de rhinocéros. Les bénéfices importants et les risques faibles du trafic d’espèces sauvages pourraient donc alimenter un sentiment d’impunité au sein du secteur de la sécurité en Afrique. Cette situation continue à saper le professionnalisme de ces services et à déclencher d’autres activités illégales et abusives (trafic des drogues dures, circulation des armes légères, trafic humain, etc.). Le soutien et la complicité de certaines communautés locales, qui grossissent les équipes de braconniers ou ferment simplement les yeux sur les chasses illégales qu’ils mènent, compliquent encore les efforts de lutte contre le braconnage. Des programmes communautaires ont été lancés pour éduquer les populations et encourager la coopération locale. Si d’importants défis persistent pour renverser les tendances en matière de braconnage, ces premiers efforts portent leurs fruits. Le Kenya a mis en place une nouvelle législation, en 2014. Celle-ci vise à imposer des peines plus lourdes pour le trafic d’espèces sauvages. D’autres pays, comme le Gabon, le Mozambique et la Tanzanie révisent également des lois, en prévoyant notamment des peines plus sévères. Concernant les espèces végétales, la CITES mentionne dans un rapport récent que les espèces de son annexe 2, les plus commercialisées pour la période, 1996-2010 sont le Pericopsis elata (pour son bois d’œuvre), Aquilaria malaccensis (pour ses vertus cosmétiques), Prunus africana et Taxus wallichiana (pour leurs vertus médicinales) et les familles et genres des Orchidaceae, Cyathea, Euphorbia, Hoodia pour leur caractère ornemental. Par ailleurs, selon le dernier communiqué CITES de mars 2015, les saisies issues du trafic illégal du « bois de rose » extrait de Madagascar atteindraient pour la période 2011-2014 plus de 4800 tonnes. 16 2.3 IMPLICATIONS POLITIQUES, SOCIO-ECONOMIQUES ET ECOLOGIQUES DU COMMERCE ILLICITE DES ESPECES SAUVAGES 2.3.1 Implications politiques La CITES est la principale initiative au plan mondial qui regroupe en son sein 180 Etats-Parties, en vue de règlementer le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. En mars 2013, les États parties à la CITES ont convenu de mesures concrètes pour lutter contre le braconnage et le trafic d’un certain nombre d’espèces menacées d’extinction, notamment les éléphants, les rhinocéros, les tigres et les bois tropicaux. En vue de lutter contre le commerce illicite de bois, l’Union Européenne a conclu des Accords de partenariat volontaires (APV) qui visent à soutenir les pays producteurs des bois tropicaux dans les efforts de renforcement de la gouvernance du secteur forestier et la mise en place de systèmes nationaux de traçabilité et de contrôle de la légalité. Le Plan d’Action, issu de la Déclaration de Marrakech, consolide et complète d’autres actions mises en œuvre par des initiatives telles que le Consortium International de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC) et les réseaux régionaux d’application des législations sur la faune et la flore sauvages (WEN). Cette Déclaration offre une plateforme panafricaine d’appui aux initiatives existantes. Le Consortium International pour Combattre le Crime sur la Faune Sauvage (ICCWC) ci-dessus évoqué comprend la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flores Sauvages Menacées d’Extinction (CITES), l’Organisation Internationale de Police Criminelle (OIPCInterpol), l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Outre l’ICCWC, l’Accord de Lusaka sur les opérations concertées de coercition visant le commerce illicite de la faune et de la flore sauvages, et la Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée (CTO) contribuent également à l’échange des informations et de renseignements, à la coordination des efforts d’application des législations, ainsi qu’au renforcement des capacités répressives au niveau mondial. 17 Au niveau africain, au-delà du fait que chaque Etat s’est doté d’un arsenal juridique de lutte contre l’exploitation illégale et du commerce illicite des espèces sauvages, des efforts importants sont également déployés au niveau des Communautés économiques des différentes sous-régions. Ces entités sous régionales s’impliquent désormais, de manière significative, dans la lutte contre le commerce illégal des espèces sauvages. C’est le cas du Plan d’Action sous régional des Pays de l’Espace COMIFAC pour le renforcement de l’Application des Législations nationales sur la Faune sauvage (PAPECALF) et du mémorandum d’entente entre la CEEAC et l’ONUDC. Nombreux sont les pays d’origine, de transit ou de vente finale des produits issus du braconnage et du commerce illégal d’espèces sauvages où les ressources et l’engagement des services nationaux de répression sont insuffisants pour faire appliquer les règles existantes. L’application effective de ces règles demeure une gageure, d’autant que les canaux du commerce illégal peuvent aisément être ré-aiguillés afin d’exploiter les maillons faibles du système répressif au niveau mondial. De nombreuses espèces sauvages à haute valeur commerciale connaissent un déclin catastrophique de leur population. Beaucoup sont aujourd’hui rares, menacées ou éteintes localement, comme l’éléphant des forêts dans certaines régions du bassin du Congo, le rhinocéros de Sumatra, le rhinocéros de Java et l’éléphant d’Asie. Le commerce d’espèces sauvages, qu’il soit légal ou illégal, est également associé à l’introduction d’espèces envahissantes. Ces espèces envahissantes s’attaquent aux espèces indigènes ou leur font concurrence et constituent une sérieuse menace pour l’équilibre des écosystèmes. Cette nouvelle vague de criminalité organisée, liée au commerce d’espèces sauvages et perpétrée par des groupes de braconniers transfrontaliers lourdement armés, met en péril non seulement les avancées réalisées en matière de conservation, mais aussi des écosystèmes entiers dans de nombreux pays à travers le monde. En mars 2013, le commerce des bois précieux (le bois de rose et les ébènes), qui est interdit par la loi malgache, se double d’un embargo international. Celui-ci ne pourra être levé que lorsque le gouvernement de Madagascar aura présenté un plan d’action jugé crédible par les 180 pays signataires de la CITES. 18 Le bois de rose est classé parmi les 48 espèces connues de Dalbergia de Madagascar. Les ébènes également convoitées par les trafiquants ont aussi été classées parmi les espèces protégées. En août 2014, en dépit des demandes insistantes des autorités malgaches, l’embargo a été prolongé d’un an. En 2012, la Chine a officiellement importé 757.000 m3 de bois de rose, un volume multiplié par 10 en dix ans. Ce bois provient de plus en plus d’Afrique. Madagascar apparait dans les statistiques des douanes chinoises et aucune saisie n’a jamais été réalisée par le port de Hong Kong, qui est la plus grande porte d’entrée de ce bois illégal. 2.3.2 Implications socio-économiques Le commerce illégal induit la corruption. Celle-ci compromet la stabilité macroéconomique et fiscale, exerce un effet dissuasif sur l’investissement et freine la croissance. En d’autres termes, la corruption permet à une minorité de s’enrichir aux dépens de la société. De surcroît, elle sert directement les intérêts des groupes criminels impliqués et entrave le développement de plusieurs secteurs d’activités légaux. En nuisant à la viabilité des entreprises légales, la corruption engendre une perte importante de recettes et des coûts supplémentaires pour les États. Ceci pourrait conduire à la faillite de ces entreprises et, par conséquent, augmenter le taux de chômage. D’autres conséquences directes liées au trafic illégal d’espèces sauvages sur le développement socioéconomique peuvent être citées, et notamment : l’épuisement immédiat et irréversible des ressources d’intérêt communautaire, la menace de la sécurité alimentaire des populations locales et autochtones en épuisant leur principale source de protéines, la pauvreté en milieu rural et l’exode rural comme conséquence de la détérioration de leur conditions de vie, le manque d’investissement pour le développement local autour des projets de conservation, le financement direct de groupes armés qui déstabilisent des régions entières, etc. Le potentiel productif des écosystèmes peut également être affecté, au motif que de nombreuses espèces commerciales de bois ont besoin de la faune pour se disperser et régénérer. 19 Enfin, le commerce illégal risque de concentrer l'attention accrue des partenaires techniques et financiers sur les questions de biodiversité, reléguant les questions de développement socio-économiques au second plan, alors même que ces questions sont parfois à l’origine de ce commerce illégal. Le braconnage et le trafic d’espèces menacées de notre planète sont le quatrième plus grand trafic international, après celui de la drogue, des êtres humains et des armes. Les montants issus de ce trafic ont été estimes en 2013 entre 8 et 10 milliards USD, et ce chiffre est en hausse chaque année. 2.3.3 Implications écologiques Le trafic illégal d’espèces sauvages a un effet direct et potentiellement irréversible sur l’environnement. De nombreuses espèces sauvages à haute valeur commerciale connaissent un déclin catastrophique de leur population. Beaucoup sont aujourd’hui rares, menacées ou éteintes localement, comme l’éléphant des forêts dans certaines régions du bassin du Congo, le rhinocéros de Sumatra, le rhinocéros de Java et l’éléphant d’Asie. La disparition de certaines espèces végétales et animales présente ensuite des effets en cascade, avec la perturbation de l’ensemble des chaînes trophiques et la disparition d’autres espèces dépendant des premières. Le commerce d’espèces sauvages, qu’il soit légal ou illégal, est également et parfois associé à l’introduction d’espèces envahissantes. Ces espèces envahissantes s’attaquent aux espèces indigènes ou leur font concurrence et constituent une sérieuse menace pour l’équilibre des écosystèmes. Cette nouvelle vague de criminalité organisée, liée au commerce d’espèces sauvages et perpétrée par des groupes de braconniers transfrontaliers lourdement armés, met en péril non seulement les avancées réalisées en matière de conservation, mais aussi des écosystèmes entiers dans de nombreux pays à travers le monde. 2.4 FORCES La tenue de plusieurs rencontres internationales dont les objectifs principaux se rapportent à la problématique de l’exploitation illégale et du commerce illicite des espèces de faune et de flore sauvages constitue un atout de 20 premier ordre. La mobilisation d’entités sous régionales (CEEAC, UEMOA, SADEC, EAC,) en constitue un autre. Cette prise de conscience des décideurs et autres personnalités se traduit par un réel élan de solidarité et une volonté dans l’adoption des approches stratégiques en vue de juguler le trafic des espèces sauvages en danger. L’existence de programmes nationaux, sous régionaux et internationaux proposant de mesures de coercition devrait permettre de répondre durablement aux attentes des Etats. L’existence de programmes de sensibilisation et d’éducation environnementale est un moyen qui permet de susciter l’implication et l’adhésion des communautés locales et des populations autochtones, dans l’accompagnement des politiques sur cette question majeure. 2.5 FAIBLESSES A RELEVER Devant l’ampleur de l’exploitation illégale et du commerce illicite des espèces de la faune et de la flore sauvages soutenu par un réseau international bien organisé, l’Afrique semble ne pas être disposée à apporter des réponses idoines. Cette situation est due essentiellement aux facteurs suivants : - la faible connaissance de la ressource et de la disparition progressive de nombreux taxons, et en particulier les végétaux « oubliés » ; - la faible gouvernance des aires protégées ; - le faible niveau de valorisation des aires protégées ; - le manque d’initiatives et d’activités alternatives en faveur des populations ; - le faible niveau de financement des aires protégées et l’absence d’un mécanisme de financement durable des aires protégées ; - la faible diversité dans les modes de gestion des aires protégées (dont la plupart restent étatiques, UICN, 2015) alors que les modes de gestion communautaires, partagés, privés ont également montré leurs performances ; - le faible niveau de lutte contre les trafics intérieurs de viande de brousse ; 21 - le non-respect des engagements souscrits dans l’application des Accords Multilatéraux ; le faible niveau de collaboration interservices ; la porosité des frontières et la corruption des services de Police, des Douanes, de l’Armée et de la justice ; la faiblesse des capacités carcérales ; la faiblesse des cadres juridiques et institutionnels ; le faible niveau de formation des agents chargés de l’application des textes ; la faible possibilité de progresser dans la carrière et absence d’avantages liés à l’emploi ; des grilles salariales peu adaptées à la dangerosité du métier le manque d’équipements et de matériels de terrain, y compris dans le domaine des armes et munitions ; l’impunité de certains acteurs malgré les condamnations ; la faiblesse de la volonté politique de certains états quant aux domaines précités; l'absence des plans d'affectation des terres; l'absence de la vulgarisation de l'Accord de Bangui sur la propriété intellectuelle, qui a intégré les obtentions végétales; le caractère informel de l'exploitation et du commerce des produits de la flore. 22 3 LE CADRE STRATEGIQUE DE LUTTE CONTRE LE COMMERCE ILLEGAL DES ESPECES SAUVAGES EN AFRIQUE DE 2015 A 2024 3.1 OBJECTIF GLOBAL Doter les Etats africains d’un ensemble de mesures visant à combattre l’exploitation illégale et le commerce illicite des espèces de faune et de flore sauvages, avec l’appui des partenaires au développement. 3.2 - OBJECTIFS SPECIFIQUES Renforcer l’engagement des pays à l’application des traités internationaux et des lois nationales ; Renforcer le cadre de coopération internationale en rapport avec la sauvegarde des espèces sauvages ; -Renforcer la gestion des aires protégées nationales et transfrontalières, notamment en impliquant les communautés locales Renforcer la lutte contre l’exploitation et le commerce illicite intérieur de viande de brousse ; Renforcer les capacités opérationnelles des services de contrôle ; Renforcer les cadres juridiques et institutionnels et en prenant notamment en compte les espèces végétales « oubliées » 3.3 AXES STRATEGIQUES Ces objectifs spécifiques seront sous-tendus par les axes stratégiques suivants : Axe 1. Amélioration des connaissances sur la diversité biologique Axe 2. Renforcement du cadre institutionnel et juridique 23 Axe 3. Renforcement de la coopération entre pays d’origine, de transit et de destination Axe 4. Extension du réseau, aménagement et renforcement de la gestion des aires protégées Axe 5. Renforcement du contrôle, du commerce et de l’application des lois nationales et internationales Axe 6. Renforcement des capacités des parties prenantes à la gestion et la conservation de la biodiversité, notamment dans la cadre de la lutte contre l'exploitation illégale te le commerce illicite de s produits de la faune et de la flore AXE 1. Amélioration des connaissances sur la diversité biologique Renforcer la gestion des connaissances et des informations - Associer les universités et les centres de recherche nationaux Poursuivre les inventaires de la faune et de la flore Créer un Centre de Collecte et de Traitement des Données Développer un système de diffusion rapide des données Développer les programmes de recherche sur la connaissance de la biodiversité Identifier « correctement » les espèces végétales et animales « oubliées » et l’intensité du trafic AXE 2. Renforcement du cadre institutionnel et juridique A. 2.1. Légiférer sur les espèces végétales et animales « oubliées » - Identifier « correctement » les espèces végétales et animales « oubliées » et l’intensité du trafic Elaborer et réviser les cadres législatifs adaptés Poursuivre les initiatives de domestication pour les espèces végétales et animales les plus prisées 24 A. 2.2. Renforcer le cadre légal et institutionnel régional - Adapter les législations et réglementations nationales auxAccords Multilatéraux Harmoniser les législations et les réglementations au niveau des sousrégions Recueillir les bonnes pratiques de certains textes nationaux pour les adapter en cas de besoin A. 2.3. Accroître l'engagement des gouvernements africains et de la communauté internationale - Susciter la ratification des Accords Multilatéraux pertinents (ex. Accord de Lusaka, etc.) Créer une unité de « casques verts » africains, unité d’élite appelée à se déployer lorsqu’une aire protégée d’un pays est particulièrement menacée. Dans un premier temps, chaque pays identifierait en son sein un corps armé qui se spécialiserait dans la lutte armée tournée vers les problématiques environnementales, avec une formation spécifique mixte militaro-forestière. Cette unité se déploierait dans les frontières nationales. Dans un second temps il est possible d’imaginer des unités mixtes (composées d’unités de différents pays), particulièrement dans le cas d’aires protégées transfrontalières. Ces casques verts n’auraient pas pour vocation de remplacer à long terme le personnel classique des aires protégées mais plutôt de leur apporter un appui ponctuel et adapté. Leur caractère mobile sur le pays devrait être garanti. En raison de leur caractère spécifique, ils dépendraient directement des plus hautes autorités de l’Etat. 25 AXE 3. Renforcement de la coopération entre pays d’origine, de transit et de destination A. 3.1. Renforcer la coopération entre les pays d'origine, de transit et de destination - Initier un cadre juridique contraignant pour intensifier les mesures de lutte contre le commerce illicite international Mettre en place un mécanisme de diffusion des informations au sein des services de Police, des Douanes et de l’Armée A. 3.2. Renforcer la collaboration entre les Partenaires - Mettre en place un cadre de concertation qui réunirait les partenaires techniques et financiers, les organismes internationaux concernés, les organisations intergouvernementales (OIG) et les Organisations Non Gouvernementales (ONG) AXE 4. Extension du réseau, aménagement et renforcement de la gestion des aires protégées A. 4.1. Créer en urgence les aires protégées dans les zones dégradées ou fragiles et les sites critiques déjà identifiés - veiller à classer des écosystèmes représentatifs de la diversité à l’échelon nationale et régional élaborer, valider et mettre en œuvre les plans d’aménagement et de gestion A. 4.2. Renforcer le fonctionnement des aires protégées existantes, leur périphérie, et privilégier une approche par paysages, quand elle est possible - Réformer les structures nationales en charge des aires protégées 26 - - Rechercher les financements durables en faveur des aires protégées Créer les mécanismes de financement durable en faveur des aires protégées Renforcer la gouvernance (y compris la résolution des problèmes d’affectation des terres) et varier les modèles de gouvernance (privée, partagée, communautaire…) Renforcer les politiques en faveur des populations en périphérie Développer les activités alternatives à la chasse Mettre en place les mécanismes de partage équitable des recettes issues de la valorisation des aires protégées Mettre en place un système de motivation des personnels de terrain Recruter, former, recycler et équiper le personnel de gardiennage des aires protégées Réformer et adapter les contenues des formations A.4.3. Renforcer la gouvernance, la mise en œuvre et la conformité des aires protégées - Mettre à disposition des outils techniques performants de terrain Arbitrer les problèmes de superposition d’usages incompatibles des terres Evaluer régulièrement la gouvernance des aires protégées selon la méthode UICN et apporter les corrections nécessaires AXE 5. Renforcement du contrôle du commerce et l’application des lois nationales et internationales A. 5.1. Lutter contre les trafics nationaux de viande de brousse - Augmenter les postes de contrôle fixes et mobiles le long des axes fluviaux et routiers Poursuivre en justice les actes liés à la criminalité faunique Revoir les échelles de peines en fonction de leur gravité Poursuivre les initiatives de domestication et élevage en périphérie des centres urbains pour les espèces les plus prisées 27 A.5.2. Renforcer le contrôle aux frontières - Doter les postes de contrôle du matériel de pointe de détection des produits dans les frontières Renforcer le personnel aux postes de contrôle Recycler et former les agents AXE 6. Renforcement des capacités des parties prenantes à la gestion et la conservation de la biodiversité, notamment dans la cadre de la lutte contre l'exploitation illégale te le commerce illicite de s produits de la faune te de la flore A.6.1. Former et recycler les personnels Former et recycler le personnel de l'administration forestière, notamment dans le domaine de la lutte contre le braconnage Former les agents des autres services (douaniers, juristes etc.) au contrôle des produits de la faune et de la flore A. 6. 2.Renforcer les existantes en Afrique - capacités des institutions Favoriser le réseautage et la mutualisation des activités au sein des CER et du nouveau-LATF Etendre les systèmes de communication d’Interpol et de l’OMD au niveau des administrations en charge de la faune et de la flore sauvages A.6.3. Renforcer la sensibilisation des groupes cibles - Initier ou renforcer un programme d’Education Relative à l’Environnement (ERE) Introduire la problématique du commerce illicite dans les programmes scolaires 28 4 4.1 PLAN DE MISE EN ŒUVRE ET STRATEGIE APPROCHE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA STRATEGIE Chaque Etat devra puiser au sein de la présente stratégie les éléments nécessaires pouvant lui permettre d’élaborer et mettre en œuvre sa propre stratégie nationale. 4.1.1 Architecture institutionnelle Afin de permettre au continent africain d’avoir un centre unique de prise de décisions dans la collecte et la gestion des données relatives à l’exploitation illégale et au commerce illicite de la faune et de la flore sauvages, il reviendra de renforcer le cadre du Task Force de l’Accord de Lusaka (LATF). Le LATF, qui pourrait être un organe de l’UA en la matière, devrait bénéficier de l’apport des Cellules décentralisées au sein des Communautés Economiques Régionales (CER). Les Etats membres de l’Union Africaine devraient ouvrir des Bureaux Nationaux. Des accords de collaboration pourraient être signés avec les Bureaux Centraux Nationaux (BCN) d’Interpol. Il reviendra ainsi à chaque pays d’accéder à l’Accord de Lusaka sur les opérations concertées de coercition visant le commerce illicite de la faune et de la flore sauvages, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait. Pour le LATF, il sera réalisé une étude institutionnelle afin d’apporter toutes les adaptations possibles qui lui permettraient de jouer son nouveau rôle. Toutefois, un projet d’organigramme du LATF pourrait être mis à la disposition des Etats pour observations et commentaires, avant son adoption par la Commission de l’Union Africaine. 29 4.1.2 Rôle des CER Etant dépositaires de l’Acte de renforcement du nouveau cadre institutionnel du LATF, à travers les Cellules décentralisées, les CER auront la mission de coordonner les actions visant à contrôler l’exploitation illégale et lutter contre le commerce illicite des espèces de faune et de flore sauvages dans les Etats. Les Bureaux-pays du LATF seront reliés par un système de communication. Celui-ci devra être mis en place sous la forme d’un centre sous régional de décision. 4.1.3 Gestion des spécificités régionales A l’instar du CER Afrique Centrale, la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) dispose d’un cadre institutionnel quasi-fonctionnel. La cellule décentralisée du LATF-Afrique Centrale pourrait être logée au siège de cette institution. On pourrait aussi envisager qu’elle soit directement abritée au sein de la CEEAC. La décision de fixer le siège de la structure reviendrait ainsi aux Chefs d’Etat. Les autres CER pourraient envisager d’installer leurs cellules décentralisées respectives et prendre des mesures pour la création des Bureaux-pays. 4.1.4 - Mobilisation des ressources Création d’un organisme de coordination pour la mobilisation des ressources L’Union africaine devra mettre en place un mécanisme de financement durable de l’initiative. 30 - Conduire un audit des besoins en ressources Un audit implique un aperçu des besoins financiers et une stratégie pour combler les déficits de financement, un à deux ans avant la date à laquelle les fonds sont requis. L'audit doit disposer d'un horizon à cinq ans pour permettre la planification à long terme et la durabilité. - Identifier les bailleurs de fonds cibles On devrait identifier les bailleurs de fonds cibles. Cette stratégie doit inclure une vue d'ensemble de tous les bailleurs de fonds existants ou potentiels, ainsi qu'un bilan des activités passées et établir des domaines d'intérêt desdits bailleurs de fonds. Pour les activités sectorielles, il importe de veiller à ce que le financement provenant de bailleurs de fonds internationaux actuels soit maintenu mais aussi à ce que de nouveaux bailleurs de fonds soient recherchés. La stratégie de mobilisation des ressources devra cibler les besoins des Etats pour intensifier la lutte et maintenir le contrôle. Ces Etats doivent être encouragés à apporter des contributions sur fonds propres. - Exposer l'approche de chaque bailleur de fonds Les besoins en financement devraient être en adéquation avec les besoins exprimés auprès des bailleurs de fonds. - Faire le plaidoyer pour la mobilisation des fonds Une table ronde des bailleurs de fonds spécifiques sera organisée par la Commission de l’Union africaine, assistée par la Commission Economique pour l’Afrique pour l’Organisation des Nations Unies (CEA) et la Banque africaine de Développement (BAD). A cette occasion, il sera attendu des Bailleurs de Fonds qu’ils expriment clairement les apports en termes de ressources. 31 - Suivre le rendement des fonds et rendre des comptes Pour assurer le rendu de comptes et l'entretien de l'intérêt, il sera important d'assurer le suivi de l'utilisation des fonds, celui de la performance et d'établir des mécanismes de reporting. 5 SUIVI ET EVALUATION DE LA STRATEGIE Le succès de la mise en œuvre de la stratégie est basé sur les principes fondamentaux du Partenariat et de la Participation. Chaque partenaire identifié doit pouvoir s’impliquer entièrement et remplir pleinement son rôle et sa responsabilité. La mise œuvre de cette stratégie nécessitera l’implication de tous les acteurs dans chaque Etat. Sont impliqués pour apporter leurs contributions aux contrôles et à la lutte : les représentants des services techniques étatiques, les organisations intergouvernementales et Non Gouvernementales (ONG), les communautés locales, la Société Civile, etc. Il sera judicieux de mettre en place des structures locales de coordination et de surveillance. Il s’agit particulièrement des Comités Scientifique et Technique, des composantes suivi-évaluation, etc. L’Union Africaine publiera annuellement les acquis pays par pays. 6 REVISION DE LA STRATEGIE Le texte de la stratégie pourra avoir une durée de cinq ans, à la suite de son adoption. Aussi, faudra-t-il susciter préalablement la concertation des Etats, à travers les différentes CER. 32 Il serait indispensable que cette révision se fasse à la suite d’une évaluation technique du niveau d’exécution de la stratégie et du plan d’action. 33 Bibliographies Africa Security Brief No. 28 May 2014 Anonymes (2014), Séminaire pour vulgariser les textes sur la lutte contre le braconnage au Cameroun, 2 pages CITES, (2014). Status of elephant populations, levels of illegal killing and the trade in ivory: a report to the CITES Standing Committee (SC65 Doc.42.1). Annonyme (2014), Communication de la commission au conseil et au parlement européen sur l’approche adoptée par l’UE en matière de lutte contre le trafic d’espèces sauvages, 12 pages. Commission de coopération environnementale (2005). Le commerce illégal d’espèces sauvages. La perspective de l’Amérique du nord, 25 pages. 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