Hors-Série Horlogerie
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Hors-Série Horlogerie
HORLOGERIE DE QUOI SERA FAIT LE MONDE HORLOGER DANS 30 ANS? QUAND LE TEMPS SE FAIT MYSTÈRE CE QUE VEULENT LES FEMMES DENIS HAYOUN Ce hors-série ne peut être vendu séparément Le Temps Mercredi 24 avril 2013 LUDWIG OECHSLIN, LE PURISTE Horlogerie 2 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 ÉDITO On a bien entendu découvert des trésors mécaniques. Mais ce que l’on a perçu est du domaine de l’ineffable: la conscience que l’on vit une époque charnière et que l’on ne sait pas encore si un cycle va se terminer, et si oui quand, et surtout comment. Un cycle horloger, c’est quoi? Sept ans pour les cycles courts, trente ans pour les cycles longs. Personne n’a oublié la crise de 1972. Personne n’a oublié non plus le miraculeux redressement de la montre mécanique dans les années 90. Depuis plus de vingt ans, l’horlogerie vit un nouvel âge d’or. Mais que sera l’horlogerie dans trente ans? C’est la question que nous avons posée à des présidents de manufacture, des patrons de marque horlogère, des concepteurs (p. 4). Selon l’endroit d’où l’on parle, bien sûr, les réponses varient. Mais on ne peut s’empêcher de les croire lorsqu’ils dépeignent une polarisation qui va aller en s’accentuant entre les grandes marques qui font des centaines de millions de chiffre d’affaires et les indépendants qui en font 15 ou 20. Les manufactures statutaires, elles, n’étant pas concernées: leurs produits confinent à l’œuvre d’art… Tiens, cela me rappelle les mots d’un informaticien venu donner un cours à la rédaction afin de nous aider à mieux appréhender les outils informatiques mis à notre disposition. «Un beau La montre est un objet propre à refléter les préoccupations de la société qui la voit naître. Les modèles que l’on a découverts dans les salons poussent à s’interroger sur la pertinence de segmenter le marché en fonction des genres masculin et féminin. Pendant ce temps, dans les tribunes, les politiciens débattent de l’attribution du droit au mariage à des personnes du même sexe. Hasard du calendrier? Peut-être… Les femmes sensibles à la mécanique horlogère aiment à porter des modèles masculins (p. 28). Mais depuis que les horlogers conçoivent de beaux mouvements exprès pour elles, les hommes en sont jaloux et n’hésitent pas à transgresser non pas un tabou, mais une frontière virtuelle qui sépare les sexes. Et ce ne sont pas quelques diamants sertis sur la lunette qui les empêcheront de jeter leur dévolu sur un modèle créé pour une autre (p. 26). Il est même un brillant horloger, Ludwig Oechslin, qui ne s’embarrasse plus de savoir à qui plairont ses montres, son seul but étant de les concevoir de la manière la plus simple possible. Et si elles ne plaisent à personne, tant pis (p. 14). Sa position extrême pourrait presque relever de l’art pour l’art. Quel est le futur de l’horlogerie? Présidents de manufacture, concepteurs horlogers, patrons de marque esquissent des projections d’avenir. Propos recueillis par Isabelle Cerboneschi et Vincent Daveau. LAZIZ HAMAN CARTIER 2013 8 8 Montres mystérieuses Les montres mystérieuses En vrais magiciens, les horlogers composent avec la mécanique pour troubler nos perceptions. Par Vincent Daveau 12 Garde-temps à un million Qu’ont-elles de plus que les autres? Et que promettent-elles en échange d’un tarif aussi élevé? Par Catherine Cochard 14 Portrait de Ludwig Oechslin L’horloger, qui a créé sa marque ochs und junior, a un nouveau credo: utilité, fiabilité et simplification. Par Pierre Chambonnet 18 A l’heure des métiers d’art Les montres ornées de miniatures en émail, de gravures précieuses sont les nouveaux enjeux de communication pour les marques maîtrisant ces techniques. BEA WEINMANN Par Isabelle Cerboneschi 20 14 Ludwig Oechslin Les arcanes de la granulation étrusque Cartier a réinventé cette technique d’orfèvrerie datant de 2500 ans av. J.-C. Reportage dans les ateliers. Par Isabelle Cerboneschi. Photographies: Véronique Botteron 22 Les nouvelles voies de l’échappement Trois grandes orientations en matière de développements mécaniques. Par Vincent Daveau 24 GILLES-MARIE ZIMMERMANN En 2011, Hermès lançait une montre qui donnait l’illusion que l’on pouvait se rendre maître du temps et le suspendre. C’est un peu le sentiment que l’on a ressenti en découvrant les modèles des salons horlogers de l’année 2013. Une sorte d’entretemps… Mais entre deux quoi? 4 28 Mouvements féminins Protection anti-magnétique Face à un monde qui se magnétise, les horlogers cherchent à améliorer la résistance de leurs montres. Par Vincent Daveau 26 Petits cadrans pour hommes Une clientèle masculine n’hésite plus désormais à porter de petites montres serties ou pas. Par Isabelle Cerboneschi 28 2013, année de la femme Lors du SIHH 2013, on a découvert une foison de gardetemps dotés de mouvements mécaniques, agrémentés de complications, destinés exclusivement aux femmes. Par Isabelle Cerboneschi. 33 Portfolio Ignition! Photographies et réalisation: Denis Hayoun/studio Diode 40 Moteurs de montres et d’automobiles Les marques horlogères, dont on connaît les partenariats, se mesurent sur fond de performances, de chrono, de mécaniques élaborées et de belles carrosseries. Par Vincent Daveau DR Par Isabelle Cerboneschi tableau, a-t-il affirmé, cela ne sert à rien.» Une telle affirmation mérite que l’on s’y attarde. Ainsi donc, l’émotion née devant une peinture de Kandinsky, ou le simple plaisir ressenti en écoutant les oiseaux chanteurs des boîtes à musique fabriquées par Reuge (p. 44), ne servirait à rien? L’utile aurait un avantage absolu sur l’agréable? Le monde horloger a cette particularité qui le rend passionnant: les deux s’y côtoient avec art, parvenant même à se valoriser l’un l’autre. Les horlogers, conscients que donner l’heure ne suffit plus, s’attachent à la fois à inventer des complications qui servent à quelque chose en améliorant le quotidien de celui qui les portent (p. 46) et à offrir du rêve. Ils conçoivent des œuvres délicates, gravées, émaillées, guillochées, serties, par des artisans d’art (p. 20), des garde-temps mystérieux dans lesquels le regard s’oublie (p. 8). SOMMAIRE 40 Pole position 44 Le nouveau souffle de Reuge L’entreprise plus que centenaire tend à se moderniser en conservant intact son savoir-faire artisanal, entre sidérurgie et métier d’art. Par Géraldine Schönenberg. Photos: Véronique Botteron En regardant tous ces modèles, en interrogeant ces présidents, ces horlogers, ces concepteurs, ces artisans, je me demande s’il est bien raisonnable de continuer à attendre des entreprises une croissance à deux chiffres dans une époque qui a singulièrement besoin d’être réenchantée? VERONIQUEBOTTERON.COM FRÉDÉRIC LUCA LANDI L’entretemps… 44 Boîtes à musique 46 Complications utiles Quelques marques entendent offrir à leurs clients des produits horlogers qui sont comme des outils ultra-spécialisés. Par Vincent Daveau 48 Nouveautés en avant-première Une sélection de Vincent Daveau Portfolio Ignition! Photographies et réalisation Denis Hayoun/studio Diode Horological Machine No 5 On the Road Again, MB&F Horological Lab. Moteur horloger tridimensionnel développé par Jean-François Mojon et Vincent Boucard de Chronode, sur une base Sowind. Remontage automatique par rotor «mystère» en or 22 cts en forme d’astérohache. Réserve de marche de 42 heures. 28800 alternances par heure. Heures sautantes bidirectionnelles et minutes affichées par prisme saphir réfléchissant avec lentille grossissante intégrée. Affichages des heures et des minutes sur disques numérotés rotatifs (l’un pour les heures, l’autre pour les minutes). Boîtier en zirconium avec carter, moteur étanche à 30 m en acier. Verre saphir fumé de qualité optique avec couche antireflet et grossissement de 20%. Edition limitée de 66 pièces. Remerciements: Nous remercions le garage Lambo Cars SA, concessionnaire Lamborghini à Plan-les-Ouates, qui a mis à notre disposition ses belles mécaniques. Editeur Le Temps SA Place Cornavin 3 CH – 1201 Genève Président du conseil d’administration Stéphane Garelli Directrice générale Valérie Boagno Rédacteur en chef Pierre Veya Rédactrice en chef déléguée aux hors-séries Isabelle Cerboneschi Rédacteurs Pierre Chambonnet Catherine Cochard Vincent Daveau Géraldine Schönenberg Assistante de production Géraldine Schönenberg Photographies Véronique Botteron Denis Hayoun Photo edit Alain Vincent Responsable production Nicolas Gressot Réalisation, graphisme, photolitho Cyril Domon Christine Immelé Patrick Thoos Correction Samira Payot Conception maquette Bontron & Co SA Internet www.letemps.ch Michel Danthe Courrier Case postale 2570 CH – 1211 Genève 2 Tél. +41-22-888 58 58 Fax + 41-22-888 58 59 Publicité Le Temps Media Case postale 2564 CH – 1211 Genève 2 Tél. +41-22-888 59 00 Fax + 41-22-888 59 01 Directrice: Marianna di Rocco Impression IRL plus SA La rédaction décline toute responsabilité envers les manuscrits et les photos non commandés ou non sollicités. Tous les droits sont réservés. Toute réimpression, toute copie de texte ou d’annonce ainsi que toute utilisation sur des supports optiques ou électroniques est soumise à l’approbation préalable de la rédaction. L’exploitation intégrale ou partielle des annonces par des tiers non autorisés, notamment sur des services en ligne, est expressément interdite. ISSN: 1423-3967 cartier.com - 044 580 90 90 rotonde de cartier Double Tourbillon Mystérieux 9454 MC Conçu par les maîtres horlogers de la manufacture Cartier, le double tourbillon mystérieux 9454 MC s’affranchit par deux fois des lois de la gravitation. Destiné à réguler avec précision le mouvement, il semble se déplacer en suspension au cœur de la montre. Sa cage en titane effectue une giration en une minute et réalise dans le même temps une révolution complète en 5 minutes. Cette complication brevetée s’inspire des pendules mystérieuses, savoir-faire unique de la Maison Cartier depuis 1912. Boîtier en platine, couronne perlée en platine ornée d’un saphir cabochon, mouvement mécanique Manufacture à remontage manuel, certifié "Poinçon de Genève", calibre 9454 MC (25 rubis, 21’600 alternances par heure, double-barillets, Réserve de marche d’environ 52 heures). En vente dans les boutiques Cartier à Genève, Zurich, lucerne, St. Moritz et auprès des distributeurs agréés : Genève : b & B - Les Ambassadeurs - interlaken : kirchhofer casino – Lucerne : Embassy - vaduz : huber - Zurich : Les Ambassadeurs Horlogerie 4 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 FUTUR Commentimaginez-vous l’horlogeriedans30ans? C’est la question que nous avons posée à des présidents de manufacture, des concepteurs horlogers, des patrons de marque. Extraits choisis. PHOTO: JAMES BORT / PHOTO EDIT BY [email protected] PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY [email protected] Propos recueillis par Isabelle Cerboneschi et Vincent Daveau. Photo edit par Alain Vincent Max Busser, fondateur de MB&F «Unmarchéhyper-segmenté» Thierry Stern, président de Patek Philippe «Lebeauvaperdurer:ilrassure» «J’ai déjà un plan à peu près à vingt ans dans ma tête, donc trente ans, ce n’est pas si loin… Il m’est difficile de m’exprimer sur l’avenir global de l’horlogerie, mais je ne pense pas que le haut de gamme coure un grand risque. L’horlogerie est passée dans le domaine artistique, même si elle conserve une utilité. Une montre, c’est bien plus qu’un objet utilitaire: c’est un status symbol, une pièce d’art, elle a également une valeur patrimoniale et familiale qui se transmet, c’est le seul bijou qu’un homme porte. Il y a bien les boutons de manchettes, mais ceux-ci ne vivent pas: une montre vit avec vous. Quand les téléphones portables sont arrivés sur le marché, on disait que les montres allaient disparaître. Quelque vingt ans plus tard, les téléphones sont bien plus petits qu’à l’époque, ils ont une infinité de fonctions, pourtant on continue de porter des montres. Le beau va perdurer, c’est une valeur qui rassure. Plus on va avancer et plus on sera tributaire d’outils que l’on ne peut pas maîtriser. Or une montre de manufacture – je ne parle pas des mouvements à quartz –, c’est du 100% mécanique. Mes enfants me demandent parfois: «Tu ne la recharges pas, ta montre?» Non, elle n’a pas besoin d’être rechargée. Une automatique se recharge toute seule. C’est une sensation formidable de se dire qu’il s’agit d’un mécanisme qui a été inventé il y a plusieurs centaines d’années, et qu’il fonctionne toujours. Mon iPhone, lui, tombe tout le temps en rade à cause de la batterie qui se décharge. Ma montre jamais. En revanche, je suis très curieux de voir arriver sur le marché des montres avec d’autres fonctions, qui vont nous aider aussi bien à contrôler notre éclairage que notre santé, ou la localisation de nos enfants avec un GPS intégré… Mais cela n’altérera jamais la passion pour la montre mécanique. Peut-être que l’on reliera les deux d’ailleurs? Chez Patek, cela m’étonnerait qu’on les mélange dans la boîte. Encore qu’il ne faille jamais dire jamais… On a fait du quartz, nous aussi. Mais je pense que l’évolution horlogère sera vraiment sensible dans pas moins de cinquante ans. Avec l’apport de nouvelles technologies. C’est à ce moment qu’un clivage se fera. Mais cela ne tuera pas l’horlogerie traditionnelle. Si elle devait disparaître, ce serait la fin de toutes les œuvres d’art…» Propos recueillis par I. Ce. «J’aime revenir en arrière pour envisager le futur. J’ai commencé à travailler dans l’horlogerie il y a vingt-deux ans. A l’époque, le mot «luxe» signifiait artisanat et nous étions tous un peu des fous qui essayaient de défendre quelque chose d’indéfendable: la montre mécanique. En 1991, on se trouvait à ce moment charnière où les choses ont basculé en sa faveur. Les manufactures ont vendu de la tradition, du savoir-faire. Avec un succès inespéré. Puis à l’aube du XXIe siècle, on a assisté à l’émergence d’une horlogerie différente, en termes de créativité. Aujourd’hui, il y a une dichotomie entre, d’un côté, certaines grandes maisons, au pouvoir marketing fort, qui créent le désir, la tendance, et qui sont suivies par 95% des clients et, à l’opposé, les artisans, tout petits, qui n’existent quasiment que par le bouche-à-oreille et Internet, et n’intéressent qu’une petite partie de la population. Je pense que cette polarisation va s’accentuer. Les méga brands auront des budgets marketing toujours plus colossaux et vont fabriquer des volumes toujours plus importants. Je ne pense pas que ces marques prendront beaucoup de risques. Plus une entreprise est grande, moins elle prend de risques, sauf si elle s’appelle Apple. Si je regarde ce qui s’est passé les dix dernières années, la créativité la plus débridée est venue surtout des indépendants. J’observe une sorte d’homogénéisation des goûts, due à quelques grands acteurs trend setters qui créent un produit qui n’est plus artisanal, mais qui a du succès, parce qu’ils ont su, grâce au marketing, encourager des personnes à acheter une montre non pas parce que le concepteur a mis trois ans pour la construire, mais parce que tel coureur automobile la porte. En parallèle, des maisons comme Patek Philippe ou Rolex, qui sont ce que j’appelle les gardiens des valeurs, avec quelques autres manufactures, perdureront, sans être nullement touchées par ce phénomène. En parlant de l’avenir de l’horlogerie, j’aimerais soulever un autre point important: la difficulté croissante de rentrer dans ce métier. Il y a quinze ans, il n’avait aucune barrière d’entrée. N’importe qui pouvait acheter un mouvement ETA, demander à un designer de lui dessiner une boîte, la faire fabriquer chez X et monter une marque de montre. Aujourd’hui, c’est impossible. On ne peut plus se fournir en mouvements chez ETA. Créer son propre mouvement est un investissement incroyable et j’en sais quelque chose. Il y a de moins en moins de fournisseurs indépendants, car beaucoup sont rachetés par les groupes. A l’avenir, cette fractalisation va s’accentuer entre les marques qui font du branding, les indépendants qui racontent des histoires d’hommes derrière la mécanique, et les gardiens du temple. Mais le côté très positif de ce phénomène, c’est que toutes les maisons qui créent des besoins, qui génèrent l’envie, quels que soient les moyens employés, ouvrent les marchés à des gens comme nous. Sans elles, qui popularisent l’idée de dépenser de l’argent pour un produit horloger, nous n’existerions pas. Parce que, pour arriver jusqu’aux indépendants, c’est une aventure initiatique…» Propos recueillis par I. Ce. TO BREAK THE RULES, YOU MUST FIRST MASTER THEM. POUR BRISER LES RÈGLES, IL FAUT D’ABORD LES MAÎTRISER. LE DESIGN ASYMÉTRIQUE DE LA MONTRE MILLENARY A CHANGÉ LA FAÇON DONT LES HORLOGERS CRÉENT UN CALIBRE. SON MOUVEMENT TRIDIMENSIONNEL ALLIE PRÉCISION ET PERFORMANCE À CE SOUCI DU DÉTAIL QUI CARACTÉRISE LA HAUTE HORLOGERIE. SON PONT DE BALANCIER TRAVERSANT ORNÉ D’UNE FINITION EN FORME DE VAGUES, DITE CÔTES DE GENÈVE, LUI ASSURE UNE EXCELLENTE RÉSISTANCE AUX CHOCS. MÉLANGE DE TECHNICITÉ, DE BEAUTÉ ET DE SAVOIR-FAIRE ARTISANAL, ELLE INCARNE PARFAITEMENT LA PHILOSOPHIE HORLOGÈRE DU BRASSUS. MILLENARY 4101 EN OR ROSE. MOUVEMENT NT MANUFACTURE À REMONTAGE NTAGE AUTOMATIQUE. GENEVE BOUTIQUE AUDEMARS PIGUET, PLACE DE LA FUSTERIE 12 TEL: +41 22 319 06 80 MONTRES PRESTIGE, GRAND HOTEL KEMPINSKI TEL: +41 22 732 83 00 PROUD PARTNER OF MIL_15350OR_290x440_j.indd 1 03.04.13 14:00 Horlogerie PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY [email protected] PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY [email protected] Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 Jean-Frédéric Dufour, président directeur général de Zenith Manuel Emch, directeur général de Romain Jerome «Entrehistoireetplaisir» «Entrehorlogerieettéléphonie» «Une chose est certaine, dans trente ans, je serai à la retraite… Mais, plus sérieusement, on peut dire que nous sommes au stade ultime du métier. Avant les années 2000, nous avions à reconquérir un marché et aujourd’hui nous sommes dans la pure notion de plaisir. Alors, si nous parvenons à faire rêver les générations futures, il n’y aura pas de révolution majeure. On restera dans une sorte d’équilibre tranquille. Assurément, il peut y avoir une vraie rupture en matière d’histoire. C’est-à-dire que dans un monde qui se cherche, seules les maisons ayant une histoire, les maisons assises sur un passé de manufacture et capables d’offrir du rêve auront leur place et seront par conséquent toujours là dans trente ans. Toutefois, il y a peu de chance que les choses changent vraiment si profondé- ment. L’horlogerie sera sans doute la même avec la coloration des goûts des consommateurs dans trente ans, car l’horlogerie véritable véhicule des valeurs, fait rêver les gens, incarne des repères qui durent. La montre est et restera toujours un bijou. Il ne faut pas sortir la montre de ce contexte, le seul dans lequel elle peut largement et durablement s’exprimer sans risque de se dénaturer au point, finalement, de disparaître. Voilà pourquoi, je pense qu’il ne faut pas céder aux sirènes de l’informatique. C’est évident, le risque existe de voir ressurgir des pièces électroniques, c’est une histoire de cycle. Mais les vraies montres, si elles savent entretenir leur potentiel «plaisir» ne risquent rien. Toutefois, sans ce même plaisir, elles n’auront plus de raison d’être…» Propos recueillis par V. D. «Il y a trente ans, l’horlogerie mécanique a failli disparaître. Puis elle a connu une croissance sans fin. J’imagine qu’un bouleversement de société va changer la donne. On assiste à l’émergence de montres technologiques. Il y a eu la T-Touch, la Slide. Le client est éduqué à ce geste: simplement toucher sa montre pour changer les fonctions. Je crois à la convergence de l’horlogerie et de la téléphonie. Je m’intéresse aux premiers téléphones avec écran plexi. Ils ne sont pas encore très flexibles, mais dans trois ans on verra certainement des prototypes de téléphones à mettre sur le poignet. Or, je ne crois pas que l’on puisse avoir à la fois une montre et un téléphone sur le poignet. La customisation va se développer. Le marché sera toujours demandeur de montres statutaires, mais il ira aussi vers des objets plus émotionnels, plus radicaux. Des marques de référence, comme Rolex, Patek et deux ou trois autres, ne seront pas touchées. Mais je suis avec beaucoup d’intérêt le projet de l’iWatch d’Apple. Si elle n’est pas encore sur le marché, c’est soit parce que la technologie n’est pas aboutie, soit parce qu’ils n’ont pas trouvé l’angle d’attaque émotionnel pour bien la vendre. C’est une question de maturité de produits. Apple n’a jamais cherché à maîtriser ce qui est satellite autour du produit. Ils ont laissé ce soin aux autres. Dans dix ans, je ferai peut-être des applications de mouvements techniques téléchargeables… Je suis tiraillé entre l’envie de confort du statu quo et le souhait égoïste d’assister à un changement de cycle, un bouleversement. Même si cela est anxiogène. En tout cas, cela oblige à se remettre en question et pousse à l’humilité.» Propos recueillis par I. Ce PHOTO: DR / PHOTO EDIT BY [email protected] PHOTO: DR / PHOTO: EDIT BY [email protected] 6 Jorg Hysek, cofondateur et président de Slyde Jean-Marc Wiederrecht, patron d’Agenhor «Desproduitshybrides» «Troisvoiespourunmêmefutur» «C’est clair, le monde bouge et l’horlogerie doit évoluer et aller vite pour suivre le mouvement. Il y a dix ans, personne n’aurait cru que le café serait vendu dans des capsules en aluminium et pourtant c’est devenu un mode de consommation pratiquement exclusif. Dans l’univers du temps, il en est un peu de même. Le métier s’est longtemps cantonné à la mécanique pure et au savoir-faire traditionnel pour soutenir l’aspect patrimonial, mais il se produit aujourd’hui un changement. La jeunesse actuelle vibre pour des valeurs qui ne sont pas nécessairement les nôtres et il faut prendre en compte leurs goûts. Nés avec les nouveaux outils de communication électroniques, ils n’ont pas de rejet par rapport à cette technologie, mais l’intègrent à leur vie de tous les jours. Pour eux, la mécanique peut très clairement s’exprimer de façon virtuelle à travers la mise en œuvre de produits que l’on peut qualifier d’hybrides. C’est pour répondre à ce qui me semble être une orientation forte du marché que j’ai créé Slyde. Si je n’y croyais pas, je ne me serais pas engagé de la sorte. Cet univers à un énorme potentiel, car il permet d’exprimer tout un tas de choses. Il ne sert à rien de diaboliser l’électronique, car bien employée, elle peut apporter beaucoup au métier. Bien entendu, dans trente ans, les montres mécaniques n’auront pas disparu. Véritables bijoux, elles évolueront sans doute avec leur temps, suivront également les modes et ont toutes les chances de ne plus ressembler à ce que nous avons connu. En dix ans, nous avons vu une très forte évolution dans l’univers des matériaux et des designs. Faire une projection à trente ans est plus risqué, mais tout laisse supposer que les nouvelles technologies intégreront le métier aujourd’hui traditionnel. D’ailleurs, elles l’ont déjà pénétré avec les matériaux comme le silicium par exemple, mais également en matière de conception avec la stéréolithographie et les électroformages. Alors dans trente ans…» Propos recueillis par V. D. «Il est difficile de répondre, mais j’imagine le métier pouvoir prendre trois voies différentes. Dans l’absolu, il y aura sans doute prochainement une nouvelle race d’instruments très dessinés, capables de répondre aux attentes d’une jeune génération. On ne parlera plus d’une montre bien que l’engin donnera l’heure, mais d’une sorte de smartphone de poignet. Ce sera assurément un marché important qui répondra par la multitude de ses fonctionnalités aux attentes d’un grand nombre de consommateurs. On devrait également trouver une série de produits mécaniques, mais réalisés avec des technologies plus contemporaines. Ces montres industrielles, peu chères, serviront la cause des marques de mode, de produits destinés à accompagner leur propriétaire durant une période relativement courte. De l’horlogerie mécanique mais «high-tech». Ces montres n’auront pas d’âme, mais seront un peu comme les Swatch d’hier, des objets de consommation. Et puis, il y aura la troisième catégorie, celle en laquelle je crois. Plus traditionnelle, elle fera la part belle aux matériaux qui offriront aux horlogers de pouvoir les réparer dans le futur. On peut espérer voir ce monde rapidement soutenu par des labels et des certifications garantissant le travail réalisé. Rien n’impose que les produits soient classiques, ils seront ce que les clients voudront qu’ils soient. Pour atteindre cet état, il faudra sans doute revoir le principe des labels et autres certifications. D’ici à trente ans, il faudra de toute façon un nouveau règlement du swiss made pour donner sa chance à la troisième voie d’expression horlogère. Une voie qui aura pour quête de répondre aux défis qui ont toujours été ceux des horlogers: atteindre la précision la meilleure et offrir à ces mécaniques infiniment fines les moyens de faire autre chose que donner seulement l’heure…» Propos recueillis par V. D. F O L L O W Y O U R O W N S T P I L O T B I G D AT E S P E C I A L W W W . Z E N I T H - W A T C H E S . C O M Depuis toujours la Manufacture a accompagné les pionniers de l’aviation en leur proposant des instruments de bords et garde-temps à la mesure de leur exploit. Animée du légendaire mouvement El Primero, elle indique les dates en grand et les heures en superluminova. Héritière du tout premier chronographe automatique haute fréquence à roue à colonne, elle perpétue l’infaillible réputation de la marque. Zenith Boutique 35, Rue du Rhône - Genève +41 (0)22 311 18 65 [email protected] A R Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 ZIM ZALA BIM Lesmontres mystérieuses,magie dutempsquipasse Confronté à l’extraordinaire, à l’inattendu, voire au surnaturel, le cerveau tente de trouver des explications rationnelles à ce que l’œil observe. Tout l’art du prestidigitateur tient dans cette capacité à leurrer son auditoire en créant une illusion. En vrais magiciens, les horlogers ont composé avec la mécanique pour envoûter nos sens et laisser le temps comme en suspens. Par Vincent Daveau LAZIZ HAMANI / CARTIER 2013 CARTIER 2012 8 Cartier. Calibre de la Rotonde de Cartier Mystérieuse réf. 9981 MC comprenant 158 composants et ayant 48 heures de réserve de marche. P our beaucoup d’amateurs, la simple mécanique d’une montre relève du mystère, et le fond transparent laissant voir les petits composants s’apparente à une lucarne par laquelle ils peuvent contempler une part de la magie du génie humain. Mais cela n’a rien de vraiment mystérieux face à ce que les horlogers, quand ils jouent aux apprentis sorciers, aux illusionnistes pour tromper nos sens, parviennent à produire pour nous berner et révéler avec talent et légèreté leur capacité à maîtriser les arts cinétiques pour transcender le temps qui s’écoule inexorablement. On aura beau chercher, il n’y a pas grand-chose de plus fascinant et de plus étonnant dans l’univers du temps que de voir léviter les aiguilles d’une montre dans le vide. L’esprit cartésien, piqué au vif, cherche à savoir par quelle force invisible les aiguilles en suspension se meuvent, ou par quel enchantement elles parviennent à échapper aux lois de la gravitation universelle. Le père de ces drôles d’instruments est un horloger français né à Blois en 1805, Jean-Eugène Robert-Houdin, qui se passionna pour la prestidigitation après qu’il eut acheté par erreur, et à la place du Traité d’horlogerie de Berthoud, le Dictionnaire encyclopédique des amusements, des sciences mathématiques et physiques. Ainsi naissent des vocations et des merveilles mécaniques… Ce maître, plus connu pour ses tours prodi- Cartier Rotonde de Cartier Double Tourbillon Mystérieux Cal. 9454MC: une montre en platine de 45 mm de diamètre dont le tourbillon semble léviter dans le vide comme tenu par un mystérieux enchantement de magicien. gieux et pour être le père de la magie moderne, devait créer des pendules faisant la part belle aux effets d’optique. Mais c’est l’horloger parisien Maurice Couët qui allait remettre au goût du jour cette technique des pendules mystérieuses grâce à la fascination qu’elles exerçaient sur Louis Cartier. La maison parisienne en produit régulièrement encore en pièces uniques depuis 1913 comme celles présentées au SIHH 2013, et il semblait logique à l’équipe des ingénieurs et horlogers de La Chaux-de-Fonds, emmenée par Carole Forestier-Kasapi, de se pencher sur ce type d’affichage et de le miniaturiser pour l’intégrer à une montre-bracelet mécanique. De cet attachement à entretenir le mystère de l’affichage, Cartier a présenté cette année deux gardetemps que tous les amateurs ont reconnus comme grandioses: la Rotonde de Cartier Mystérieuse en or gris ou rose et la fascinante Rotonde de Cartier Double Tour> Suite en page 10 hermès. le temps en mouvement dressage la montre hermès dompte le temps pour en maîtriser la mesure. au coeur du modèle dressage résonne le tic-tac du mouvement mécanique de manufacture h1837. de la conception aux ultimes réglages, de la fabrication de chacune des pièces à leur finition manuelle, la montre hermès met son exigence d’excellence et de belle facture au service de la précision. POUR INFORMATION: +41 32 366 71 00, [email protected] 10 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 VINCENT WULVERYCK / CARTIER 2012 Cartier ID2: «concept watch» prototype développé au sein de la manufacture Cartier. Le but: apporter des solutions concrètes en toute transparence. Boîtier en céramique cristalline. Mouvement manuel travaillant sous vide pratiquement absolu, donc sans frottement. > Suite de la page 8 billon Mystérieux en platine. Des deux pièces, la seconde est sans doute celle qui a le plus retenu l’attention du public lors du SIHH, qui avait lieu à Genève en janvier, car son tourbillon semblant comme léviter dans le vaste espace laissé libre effectue une giration en une minute et une révolution autour du centre, dans le vide, en cinq minutes. Difficile de faire mieux. Pourtant, il existe à l’AHCI (Association des horlogers et créateurs indépendants) un horloger russe du nom de Konstantin Chaykin qui fabrique également des montres-bracelets mécaniques dotées d’un affichage mystérieux. L’artisan est méconnu du grand public, mais il fait, avec une toute petite équipe, un vrai travail de précision, et ses pièces soignées, très aériennes et, finalement, mécaniquement assez proches de celles de chez Cartier – sans pour autant qu’il y ait le moindre point commun, selon Carole Forestier-Kasapi – méritent largement d’être présentées. Car la qualité de ses réalisations est la preuve qu’il est possible, avec une belle dose de talent, de rivaliser avec les maisons les plus prestigieuses. Le mystère de la transparence Cartier, qui possède une vraie expertise de longue date dans ce secteur (elle avait produit des montres de poche mystérieuses dans le passé), n’est donc pas la seule maison de luxe à donner, cette année, une place de choix au mystère temporel. La marque Quinting par exemple, réalise, à partir d’un concept mis au point par ses soins en 1993, des montres et chrono- PHOTOS: DR Arnold & Son Time Pyramid: dans son boîtier en or rouge se devine le mouvement squeletté à l’extrême avec beaucoup d’originalité. Ce modèle ajouré s’inspire d’une horloge régulée par une chaîne-fusée, datant de la première partie du XIXe siècle. graphes aux cadrans strictement transparents ne laissant voir aucun composant en lien avec les aiguilles. Cette entreprise fait aujourd’hui encore appel à un calibre à quartz élaboré pour son seul usage, qu’elle loge dans la carrure de boîte, mais cherche toujours à développer un organe mécanique pour ses pièces. Elle propose, cette année, une collection Street Art dont les motifs font oublier un tant soit peu l’aspect transparent du cadran, mais dont la peinture réalisée sur les différents disques évolue au gré des heures et des minutes pour ne se recomposer que deux fois par jour. Cette société avait fourni, en 2010, à la Maison Dior, les moyens de produire une série de montres Christal Mystérieuses. Il ne faudrait pas oublier Louis Vuitton dont la montre Tambour Mystérieuse lancée en 2009 avait séduit le grand public, et la montre Grand Tourbillon Heures Mystérieuses présentée la même année par Montblanc. Les montres mystérieuses exploitent la transparence pour donner l’illusion à l’observateur que les aiguilles ou les composants que l’on a choisi de conserver à la vue pour entretenir le mystère lévitent dans le vide. Mais toutes les marques n’emploient pas la transparence de la même façon pour entretenir la magie et le mystère. La maison Arnold & Son propose, par exemple, sa vision du mystère horloger avec la Time Pyramid: une montre dont le calibre a été conçu de façon à ce que la platine se concentre à la périphérie afin de laisser le centre, vide de matière. Résultat: les composants, bien dessinés, semblent en effet comme par enchan- Revelation: fondée en 2003, cette jeune maison propose des montres dont la rotation de la lunette permet, grâce à une glace polarisée, de faire découvrir aux observateurs les différents composants du mouvement habituellement cachés à la vue. tement en suspension dans l’espace de la boîte alors qu’en réalité ils sont tenus par un pont, partant de la carrure, que l’on voit à peine. D’autres maisons comme Richard Mille pour la RM 56-01 ou Cartier avec sa Concept Watch ID2 font appel à la transparence absolue du boîtier pour révéler une part du mystère du fonctionnement de son mouvement et donner l’impression que ce dernier, au complet, flotte dans le vide, audessus du poignet… Au jeu de la lévitation, la montre ID2 de Cartier, présentée à une poignée de journalistes spécialisés, avait bluffé tout le monde. Pour ce «concept watch» révolutionnaire, l’équipe de R&D de Cartier avait eu l’idée d’enfermer son calibre très innovant dans un boîtier transparent réalisé en céramique de nouvelle génération dans lequel avait été fait le vide d’air à plus de 99%. Résultat: le rendement du calibre s’en voyait largement amélioré, et le fond de cette pièce, réalisé dans la même matière technique et transparente, comme du cristal, tenait en place sans l’aide de la moindre vis grâce au différentiel de pression. Imparable et magique! Cette solution n’a pas été retenue par Richard Mille et le boîtier de la RM 56-01, comme certains de ses composants usinés en saphir de synthèse, est encore assemblé par des vis. Des vis bien visibles dont la présence contribue à maximiser le caractère viril de cet instrument à l’envoûtante transparence. Cacher ce que l’on ne saurait voir Dans les faits, toutes les montres ne font pas mystère de leur mode d’affichage, mais le transforment Richard Mille RM 56-01 Saphir: avec son boîtier à la transparence exceptionnelle, cette pièce éditée à cinq exemplaires repousse les règles de la conception, car la carrure à elle seule demande plus de 40 jours d’usinage. pour lui donner une dimension onirique. Une marque comme Chanel a choisi cette année de surprendre son public en présentant la montre Mademoiselle Privé; un bijou qui ne se contente pas d’afficher l’heure au cadran mais la transcende en lui donnant une autre dimension. Pour y parvenir, la maison parisienne a substitué les aiguilles par des ornements qui semblent léviter au-dessus d’un ciel de cadran formé d’un disque d’aventurine. Si les aiguilles sont ici remplacées par d’autres marqueurs temporels pour faire du temps un instant magique, certaines enseignes ont choisi de faire de l’art de l’occultation – on parle d’escamotage en magie – une spécialité. Deux jeunes sociétés se sont fait une spécialité de cette dissimulation: les maisons Valbray et Révélation. La première, fondée en 2009 par Côme de Valbray et sa femme Olga, fait appel à un cadran inspiré d’un diaphragme d’appareil photo pour faire disparaître à la vue les fonctionnalités du chronographe Oculus V.01. Ce dernier, très attractif, fait l’objet de trois nouvelles déclinaisons, et la jeune entreprise présente également une nouvelle version à Baselworld: l’Oculus V.02 avec grande date. Assurément, les fans de fine mécanique apprécieront le travail et le caractère mystérieux des 16 lames de ce diaphragme qui s’escamotent une fois la lunette de la pièce mise en rotation. Bluffant et poétique pour les passionnés de photographie argentique. La maison Revelation entend également surprendre son auditoire en proposant un tour de magie horloger. Son but: permettre au propriétaire de la montre de Quinting Street Art: ce modèle est piloté par un calibre à quartz de manufacture caché dans la carrure. Il actionne les disques en saphir portant chacun une aiguille et une peinture qui ne se reforment parfaitement que deux fois par jour. faire apparaître le mouvement sans avoir à l’enlever du poignet. Le tour est finalement simple, mais demande d’embarquer dans la carrure de l’objet un mécanisme assez compliqué et nécessite un traitement très technique des verres constituant le cadran. On devine que l’entreprise fait appel à des disques polarisés pour laisser voir le mouvement ou l’escamoter à la vue, une simple rotation de la lunette et s’opère l’illusion d’optique. Etonnant et très esthétique d’autant que la mécanique à découvrir est soignée et mérite plus qu’un simple coup d’œil. Le champ des possibles en matière de développement de produits est immense, et les marques ont tout intérêt à offrir dans un proche avenir des constructions permettant de créer cette magie. Car, au-delà de la matière, au-delà des sertissages éventuels, au-delà même de l’exploit que représente le fait d’occulter à la vue une partie d’un mécanisme, futiliser le mystère comme élément de sublimation offre paradoxalement à la marque une visibilité accrue. Et de tenir une belle cote dans l’univers de la collection. C’est déjà pas mal, car contrairement à ce que peuvent décréter certains spécialistes et commissaires-priseurs travaillant pour différents fonds de placement: la notoriété d’une marque ne suffit pas pour assurer à un garde-temps de voir sa valeur augmenter annuellement de 15%. Il faut des arguments, du rêve et de quoi surprendre. Dans le cas des montres mystérieuses, l’étonnement et la poésie qu’elles dégagent suffisent à faire de ces merveilles plaisantes au regard des références incontournables en matière d’investissement. Konstantin Chaykin Levitas. L’horloger russe propose des montres mystérieuses mécaniques à remontage manuel d’une rare qualité. Réalisées dans son atelier, elles sont la preuve manifeste qu’un indépendant brillant peut rivaliser avec les plus grands. Big Bang Zebra. Chronographe en or rouge 18K orné de pierres précieuses, topazes incolores et spinelles noires taille baguette. Cadran imprimé serti de 8 diamants. Bracelet caoutchouc et cuir avec imprimé zèbre. Série limitée à 250 pièces. BOUTIQUE GENEVE 78 rue du Rhône / 3 rue Céard twitter.com/hublot • facebook.com/hublot Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 SIX ZÉROS Letemps, c’estbeaucoupd’argent Cette année, parmi les tendances horlogères qui font surface, la montre à un million de francs. Qu’est-ce que ces garde-temps ont de plus que les autres et que promettent-ils en échange d’un tarif aussi élevé? Par Catherine Cochard REUTERS/WIN MCNAMEE/POOL 12 L’ horlogerie, comme la mode, fait naître des tendances plus difficilement portables que d’autres. Pour ce qui est des montres, une des valeurs montantes de 2013 c’est le garde-temps coûtant 1million et plus. Un «hit» de saison qui n’est pas à la portée de tous les poignets. «Une pièce à 1million et plus est sans aucun doute une talking piece! L’effet recherché, c’est justement qu’on en parle», explique François Courvoisier, docteur ès sciences économiques, professeur à la Haute Ecole de gestion Arc de Neuchâtel et doyen de l’Institut du marketing horloger. Parmi les marques qui misent sur cette stratégie cette année, on peut citer notamment Roger Dubuis et son Excalibur Quatuor à 4 balanciers, la RM 56-01 Tourbillon Sapphire de Richard Mille (une marque coutumière des modèles proches du million), plusieurs pièces très joaillières chez Cartier ou encore la Piaget Gouverneur Tourbillon pavée (une pièce unique, vendue durant le SIHH pour 2300000 francs). Le premier à s’être servi de cette technique qui consiste à marquer les esprits avec une pièce à 6 zéros, c’est Jean-Claude Biver chez Hublot, lorsqu’au printemps 2007 il présente la One Million Dollar Big Bang. Il se souvient: «Un jour, un fournisseur me téléphone alors que je suis au volant de ma voiture et me propose de créer une montre exceptionnelle en serti invisible, soit une première mondiale d’un point de vue technique et tarifaire puisque la pièce coûterait au moins 1million de dollars. Il ajoute qu’il évalue à 30% le risque de ne pas parvenir à fabriquer le garde-temps et que, en cas d’échec, cela ne coûterait pas plus de 250000 dollars. Compte tenu de ces données, j’ai dit OK sur-lechamp, tout en conduisant! Quelques minutes plus tard, j’appelle un de nos clients et lui raconte ce qui vient de se passer. Après un temps de réflexion, il me donne son accord. En l’espace de vingt minutes, j’avais à la fois passé commande pour la fabrication d’une montre exclusive à 1million de dollars et l’avais vendue!» Arguments de taille Si on n’en attendait pas moins de Jean-Claude Biver, ce coup d’éclat eut des retombées bien plus grandes, en termes d’image et de communication, que la recette de la vente. «Ce jour-là, Hublot est entré dans la cour des grands! Cette montre nous a permis de nous positionner comme une marque d’exception capable de fabriquer et de vendre une pièce extraordinaire à un prix tout aussi extraordinaire! Les amateurs ont, quant à eux, apprécié le formidable challenge technique que représentait la réalisation d’un tel gardetemps.» Outre son caractère unique, la One Million Dollar Big Bang possède également un argument massif: elle comptabilise 493 diamants baguette de tailles différentes et de qualité Top Wesselton. Ce qui fait de cette montre un excellent véhicule de placement puisque la valeur des pierres précieuses ne tarira pas. Après ce premier succès, Hublot faisait encore plus fort l’année dernière avec la 5$ Million présentée à Baselworld. Une pièce unique totalisant 1282 diamants, soit plus de 100 carats de diamants baguette et six pierres pesant plus de 3 carats chacune. «Cette montre peut ainsi être considérée comme une collection de tableaux, car tous les diamants ont été sélectionnés pour créer un ensemble cohérent», extrapolait le dossier de presse de la montre. Une façon de suggérer qu’à ce prix-là, ce n’est pas un simple objet à donner l’heure, mais un chef-d’œuvre auréolé de l’aura d’un Picasso ou d’un Renoir. Et Jean-Claude Biver de confirmer: «Avec un tel objet, on entre dans l’art. Il s’agit d’une œuvre.» Vu les sommets atteints par les tableaux des maîtres anciens aux enchères, les 5 millions de dollars que coûte la pièce seraient donc légitimes… La rumeur raconte que c’est la chanteuse Beyoncé qui aurait acheté la montre superlative comme cadeau d’anniversaire à son mari, le rappeur Jay-Z. A la hausse Mais qu’est-ce qui peut bien pousser les marques à commercialiser cette année des montres à 1million? «Chez Piaget, nous avons toujours fait des montres à 1million et plus», explique Philippe Léopold-Metzger, directeur général de Piaget. Mais contrairement à d’autres marques, nous n’utilisons pas ces pièces pour communiquer à grande échelle. Les montres qui allient haute horlogerie et haute joaillerie – et dont les tarifs avoisinent le million – font historiquement partie de notre offre.» Pour les clients qui peuvent se se payer de tels bijoux horlogers, la montre à plus de 1 million possède de nombreux arguments. «Bien sûr, une pièce comme la Gouverneur permet d’afficher son statut, de montrer qu’on a réussi. Si, sous nos latitudes, nous ne som- mes pas habitués à voir un homme porter une montre sertie, cela est très courant en Asie ou dans les Emirats. Et puis ces garde-temps sont rassurants pour l’acheteur: ils peuvent être considérés comme un véhicule d’investissement. Un produit d’une grande marque avec un tel nombre de diamants ne va pas voir sa valeur chuter de sitôt. A l’argument émotionnel qui motive le désir d’acquérir la pièce vient s’ajouter un autre argument, rationnel, qui rassure le client final quant à la valeur de l’objet pour lequel il est sur le point de débourser 1million de francs.» Si Piaget n’use pas de ses pièces à 1million et plus pour faire parler d’elle, elle en retire néanmoins des bénéfices. «C’est excellent pour la cote de nos produits, s’enthousiasme Philippe Léopold-Metzger. Une montre à 1million qui a nécessité tellement d’heures de travail, qui présente autant de pierres précieuses et qui en plus a été réalisée en un seul exemplaire est évidemment très rare. Par conséquent, sa valeur sur le marché des enchères sera très élevée. Ce n’est plus une simple montre, c’est une œuvre d’art.» La subjectivité de la valeur Si ces montres qui dépassent le million font tellement parler d’elles, c’est parce qu’elles ravivent le sempiternel débat de la valeur des choses. «La plupart des marques de très haute horlogerie connaissent des clients à très haut potentiel qui n’ont pas de problème pour poser un demi-million ou 1million de francs sur la table», ajoute François Courvoisier. Mais quid des effets de tels prix sur un plus large public? «M. et Mme Tout-le-monde peuvent trouver Jay-Z et Beyoncé à Washington en janvier 2013. Il se dit que la chanteuse aurait acheté à son rappeur de mari la montre à 5 millions de Hublot. que c’est du luxe superflu et qu’on ferait mieux de dépenser cet argent autrement. Il y a néanmoins toujours eu des montres chères et d’autres bon marché… Mais l’écart semble chaque année se creuser un peu plus, au même titre que l’écart entre les salaires!» souligne-t-il. Cette tendance ne fait, en fin de compte, que répondre à une demande, comme tout autre produit de consommation. «Comme l’horlogerie se porte très bien et qu’il y a toujours plus de personnes très riches, par exemple en Chine, les marques se permettent de faire de l’upgrading.» Soit d’augmenter le prix des produits de façon forcée. «Or, la plupart des amateurs recherchent d’abord un bon rapport qualité-prix et toutes les marques ne sont pas légitimes pour pousser les prix vers le haut. Le risque alors pour certaines marques qui proposent une montre à 1million sans réel bien-fondé, c’est d’être démasquées, et leur tentative perçue comme coup publicitaire», ajoute-t-il. Les dégâts en termes d’image et de crédibilité peuvent être immenses… Mais alors pourquoi courir un tel risque? «Tant que la recherche de l’exclusivité et de la rareté sera un moteur pour certains clients, les montres ultra-chères auront un bel avenir devant elles. Néanmoins, je ne suis pas sûr que toutes les montres affichées à plus de 1 million de francs trouvent effectivement preneur… Et ce n’est peut-être pas le but premier de la démarche: l’important – d’un point de vue stratégique – c’est que tout le monde en parle!» >> Retrouvez la vidéo sur www.letemps.ch/horlogerie M ESURE ET DÉMESURE TONDA QUATOR Or rose Mouvement automatique Bracelet alligator Hermès Made in Switzerland www.parmigiani.ch CRANS-MONTANA L’ATELIER DU TEMPS SA | GENÈVE AIR WATCH CENTER SA, BENOIT DE GORSKI, GÜBELIN LAUSANNE GUILLARD SA | MONTREUX ZBINDEN | NEUCHÂTEL BONNET | VILLARS-SUR-OLLON BRÄNDLI CREATION & CO Horlogerie 14 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PORTRAIT LudwigOechslin, simplegénie Il déteste l’épithète, qui fait croire à des facilités tombées du ciel. Pourtant, les travaux de l’horloger – aujourd’hui conservateur du Musée international d’horlogerie – forcent l’admiration. Car toute sa vie de labeur acharné et virtuose, il l’a bâtie comme une œuvre d’art. Mais depuis ses réalisations légendaires et compliquées à l’extrême, il a aujourd’hui un autre credo: utilité, fiabilité et simplification. Rencontre. Par Pierre Chambonnet PHOTOS: BEA WEINMANN Ludwig Oechslin: «C’est la fonction pratique et la manière de le produire qui définissent l’objet en termes de forme. Et c’est peut-être pour cela que mes montres dégagent une force et une âme différentes. De toute façon, même si elles ne plaisaient pas, je continuerais de les faire.» S es deux chaussettes sont identiques, on a eu l’occasion de le vérifier. Précédé par sa réputation de savant notoire féru d’astronomie, on s’attendait, avant de le rencontrer, à un être lunaire, un professeur Tournesol de la toquante perdu dans la course des astres, loin des soucis de la vie quotidienne. Mais Ludwig Oechslin a bien les pieds sur terre. Et les idées claires. Actuellement conservateur du Musée international d’horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds, ce brillant horloger est l’un des grands spécialistes des mouvements mécaniques les plus complexes qui soient, et notamment le créateur d’une horloge astronomique, l’horloge Türler à Zurich. Une compétence qui n’est pas tombée du ciel. C’est même précisément l’inverse. C’est dans le ciel qu’il est monté pour aller chercher une masse de connaissances sur la compréhension des phénomènes cosmiques, à l’origine de ses créations actuelles. Durant sa longue collaboration avec la marque Ulysse Nardin, il a créé, entre autres, la Trilogie du Temps, trois montres-bracelets parmi les plus compliquées au monde (l’Astrolabium Galileo Galilei, le Planetarium Copernicus et le Tellurium Johannes Kepler). Une œuvre qui a marqué le retour de la manufacture du Locle parmi les grands noms de l’horlogerie «IL N’Y A AUCUN DESIGN DANS MES MONTRES!» suisse. Et Ulysse Nardin continue de développer aujourd’hui certaines de ses idées, des projets qu’il a laissés à la marque au moment de sa prise de fonction au MIH en 2001. 21 mars 2013. Officiellement, c’est la fin de l’hiver. L’information n’est pas parvenue jusqu’à La Chaux-de-Fonds, toujours sous une épaisse couche de neige. La vallée qui y conduit scintille et se réchauffe difficilement dans ce début de printemps. Ludwig Oechslin nous reçoit dans les bureaux du MIH, au milieu du tintement quasi ininterrompu de carillons et d’horloges en tout genre. Sandales Birkenstock – sur chaussettes assorties, donc –, pattes d’oie rieuse au coin des yeux, demi-lunes pincées sur le nez, sobre prototype au poignet – «un nouveau projet…». L’homme manie un français teinté d’accent italo-alémanique, en agitant des doigts cerclés d’anneaux voyants. Ludwig Oechslin, 61 ans, est né en Italie mais a fait ses études à Bâle puis à Berne. Cursus atypique: un apprentissage en horlogerie dans l’atelier lucernois de Jörg Spöring mené en parallèle avec des études universitaires d’archéologie, de grec, de latin et d’histoire ancienne. Puis un Doctorat d’histoire et de philosophie des sciences. Au cours de son apprentissage, il a eu l’opportunité d’étudier et de restaurer à Rome «la montre Farnese», une horloge astronomique fabriquée en 1725. Cette vieille dame de près de 300 ans, offerte au pape Léon XIII en 1903, a livré tous les secrets de ses roua- ges épicycloïdaux au jeune horloger-rhabilleur, qui a développé ses propres outils mathématiques pour parvenir à une telle prouesse. Devenu conservateur du MIH, Ludwig Oechslin a dû arrêter ses mandats pour l’industrie horlogère, par souci de neutralité. Il représente notamment le musée chaux-de-fonnier à la Fondation du Grand Prix d’horlogerie de Genève. Il est aussi le responsable du Prix Gaïa, dont il préside le jury. Sa collaboration avec Ulysse Nardin mise entre parenthèses, il n’a cependant jamais cessé de continuer à inventer et à produire. Notamment la montre MIH (conjointement avec Embassy à Lucerne), qui fait du musée luimême une marque. Et son taux d’activité à 60% au MIH, en dépit d’un engagement à 120%, «par passion», lui a laissé le loisir de créer sa propre marque: ochs und junior. Après s’être intéressé au formidablement complexe pour comprendre son métier et inventer de nouveaux outils et de nou- velles voies, il cherche aujourd’hui une forme de simplification extrême dans ses travaux. Faire simple, précis et utile. Comme avec la «Selene» par exemple, l’une de ses dernières créations. Cette montre à phases de lune à l’affichage ultra-simple reproduit les mouvements de l’astre de la nuit avec une forme de poésie enfantine. Sans aucun doute la montre qu’aurait portée le Petit Prince de Saint-Exupéry, s’il avait possédé un objet. L’horloger est arrivé à ce résultat après 12 prototypes. Une immense chaîne de travail qui a abouti à une pièce d’une grande sobriété et surtout à une prouesse technique. En utilisant seulement cinq composants pour la phase de lune (une phase de lune classique en comporte en moyenne six fois plus), il est parvenu à une très grande précision. Le secret? Un rouage épicycloïdal inédit. Le mécanisme est basé sur le principe de l’épicycloïde, un cercle qui tourne sur un autre fixe et qui permet un mouvement très fin, le plus à même de restituer la course des astres. La simplicité, au service de la précision. Horlogerie WEIN MAN N Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PHO TOS: BEA ochs und junior «Selene». Cette montre à l’affichage ultra-simple reproduit les mouvements de l’astre de la nuit. En utilisant seulement cinq composants (ci-dessous) pour la phase de lune, Ludwig Oechslin est parvenu après 12 prototypes à une très grande précision, grâce à un rouage épicycloïdal inédit. «Jeveuxfairedemavieuneœuvred’art» Conservateur du Musée international d’horlogerie, Ludwig Oechslin parle de son parcours et explique sa vision du métier d’horloger. Un mouvement naturel qui va pour lui de l’incroyablement compliqué vers le simple et l’utile. Le Temps: Vous avez étudié entre autres l’archéologie et la civilisation grecque ancienne. Comment en êtes-vous arrivé à l’astronomie? Ludwig Oechslin: C’est venu par l’horlogerie. La montre est un outil de mesure du temps qui se base sur la rotation de la Terre. La montre-bracelet est une petite modélisation de cette rotation qu’on porte au poignet. Et les horloges les plus intéressantes sont celles qui reproduisent des indications astronomiques (le mouvement des astres, du soleil, de la lune et des planètes). Ce sont des pièces fascinantes sur le plan technique à étudier, à comprendre, puis à réaliser. Mais pourquoi avoir cumulé des études universitaires avec une formation en horlogerie? Après ma licence, j’ai commencé à 24 ans un apprentissage en horlogerie, en parallèle avec mes études. Parce que l’un et l’autre se complétaient. Grâce aux méthodes scientifiques apprises à l’université, j’ai pu faire de la modélisation et de la recherche poussée sur le cosmos notamment. Cette méthodologie m’a aussi servi pour mes recherches historiques sur les horloges et les pendules antiques. Passe-t-on facilement d’études théoriques à une formation pratique? J’ai commencé l’horlogerie au moment où plus personne ne s’y intéressait, mais j’ai voulu, de mon côté, développer à ce moment-là la capacité de ma main. C’était aussi ma logique du moment. M’exercer dans la maîtrise du métier d’horloger, pour pouvoir ensuite avancer dans d’autres domaines. Et pour exercer le plus finement possible sa main, c’est ce métier qu’il faut apprendre. La «montre Farnese» à Rome a occupé une place centrale dans votre formation. En quoi précisément? L’analyse du fonctionnement de l’horloge astronomique farnésienne correspond à la partie autodidacte de ma formation. J’ai appris le métier de base d’horloger avec Jörg Spöring à Lucerne. J’ai eu ensuite l’opportunité de travailler à la restauration de cette horloge mythique. Il n’existait aucune documentation. J’ai donc dû tout inventer pour analyser mathématiquement, comprendre et décrire son fonctionnement. Tout ça m’a permis d’engranger des connaissances pratiques essentielles. C’est-à-dire? La modélisation mathématique du fonctionnement de l’horloge farnésienne est à la base de tout mon travail actuel. J’utilise les moyens théoriques que j’ai inventés à cette époque dans mes propres créations aujourd’hui. Mais je n’ai jamais reproduit directement une pièce de cette horloge. J’ai toujours trouvé mes propres solutions pratiques. Cet aspect autodidacte de ma formation m’a permis de tracer par la suite ma propre trajectoire. C’est le lien entre ma maîtrise du métier de base et ma propre vision de l’horlogerie. Savoir-faire traditionnel et vision d’artiste, il s’agit là de la définition même du génie… Cette notion de «génie», c’est idiot! Derrière ce mot, on oublie tout le travail en amont car on se focalise uniquement sur les produits finis, tout aussi créatifs qu’ils puissent être. On pense que c’est tombé du ciel, arrivé comme ça, quasiment par hasard. Mais il y a en réalité tellement de travail, tellement de petits pas additionnés les uns aux autres, et aussi tellement de chutes… Il n’y a rien de génial là-dedans. N’importe qui d’un peu décidé et courageux, avec la même quantité de travail et de passion peut aller très loin, encore plus loin que moi. Je ne suis pas le plus intelligent. Mais peut-être que je suis l’un des seuls qui accepte de réaliser ce labeur immense. Et je reste persuadé qu’il existe de meilleures solutions encore que celles que je trouve moi-même. Jusqu’à votre prise de fonction au MIH, la marque Ulysse Nardin a joué un rôle capital dans votre parcours. Avez-vous des projets d’avenir avec elle? Je me concentre aujourd’hui sur des choses plus simples que ce que je faisais avant pour Ulysse Nardin. Mais quand je ne travaillerai plus pour le musée, ma collaboration avec cette marque pourra, pourquoi pas, recommencer. Je ne travaillerai en tout cas jamais pour une autre marque, quoi qu’il arrive. Par fidélité envers Ulysse Nardin, d’une part, mais aussi car je veux faire de ma vie une œuvre d’art, ce que je ne pourrais pas faire en m’éparpillant. C’est un choix de vie qui a pour conséquence une ligne claire, comme la trajectoire qui va avec. Vous parlez de «choses plus simples». Est-ce que la simplification est votre nouvelle philosophie? Mon but premier n’est pas de faire des choses simples. Je veux en fait fabriquer les montres les plus fiables possibles. Il faut pour cela utiliser le moins de composants possible. Car quand on multiplie les pièces, on divise d’autant la fiabilité de la montre. Cette simplification ne repose pas sur un concept stylistique. C’est la conséquence de ma volonté de créer des montres fiables. Avez-vous le projet de revenir à de grandes complications, l’équation du temps par exemple? Dans l’immédiat, je veux faire des choses utiles. Utilité, fiabilité et simplification de la production sont les trois axes principaux de mon travail. D’abord l’indication claire des heures, minutes et secondes ainsi que du calendrier. C’est fondamental. En ce qui concerne les autres complications, je ne l’exclus pas. Peut-être que je serai amené à créer des complications pour des montres de poignet Ulysse Nardin, une fois que je serai à la retraite. Mais qui a objectivement besoin d’une équation du temps? On est là presque dans la catégorie des jouets, ce qui m’intéresse moins. Dans les années 80, le quartz a changé l’horlogerie en la simplifiant. C’était pour vous la période durant laquelle vous avez construit des horloges traditionnelles ultra- compliquées comme des pendules astronomiques. Aujourd’hui, avec la mode des grandes complications à outrance, vous travaillez à une simplification. Est-ce le signe d’un anticonformisme? Une volonté de faire différemment? Je ne me laisse jamais guider par les goûts du public. Ce que disent ou pensent les autres m’intéresse évidemment, mais ça n’oriente jamais mes réflexions, pas plus que ça ne détermine la direction de mon travail. Je fais toujours mes propres choix et suis mes propres centres d’intérêt comme ils se développent logiquement chez moi. Il se trouve que c’est sans parallélisme avec la mode, et toujours précisément en dehors. Je n’arrive pas à être à la mode! (Rires.) Du coup, c’est le plaisir qui vous guide? Précisément! Je cherche uniquement à créer la montre qui me plaît, sans aucune autre considération. Je suis content bien sûr si mon travail séduit et que je peux gagner quelque chose avec. Je cherche en permanence des solutions pour les choses qui m’occupent l’esprit car elles me font plaisir. Tous les trois ou six mois, en fonction du temps dont je dispose, j’ai une nouvelle montre au poignet, la dernière qui me plaît. Vous êtes un égoïste! (Rires.) Oui, totalement. Mais je crois précisément que c’est grâce à son propre égoïsme que l’on peut faire plaisir aux autres. C’est en se faisant plaisir d’abord à soi que l’on peut le communiquer aux autres. Sans être égocentriste pour autant, sans quoi on se perd dans soi-même uniquement. Vos montres ont une esthétique particulière. Parlez-nous de leur design. Il n’y a aucun design dans mes montres! J’ai conçu les boîtes selon un aspect utile, pratique et fonctionnel uniquement. Toutes les pièces ont été pensées de façon à ce qu’elles puissent être produites de la manière la plus simple et la plus rapide possible par les machines. Aucun souci esthétique là-dedans. A la fin, il en sort ça, ce dont on peut parler en termes de design. Mais je n’ai à la base jamais cherché à faire quelque chose de beau. Est-ce qu’elles vous plaisent esthétiquement? Je trouve le résultat esthétique un peu primitif, mais peu importe. Ça ne m’intéresse pas plus que ça. Ici, le design est un effet secondaire de la fabrication de la montre. Vous n’avez jamais été sensible à l’esthétique des vieilles horloges que vous avez eu l’occasion d’étudier? Je n’ai jamais été attiré que par leur fonctionnement. Tout le reste ne m’intéressait pas. J’ai quand même analysé leur forme aussi, mais pas selon des critères esthétiques. Vous êtes sans doute le seul créateur d’objets au monde à ne pas prendre en compte les questions de design… Effectivement, le design est primordial dans beaucoup de domaines. Mais chez ochs und junior, la forme vient de l’intérieur. C’est la fonction pratique et la manière de le produire qui définissent l’objet en termes de forme. Et c’est peutêtre pour cela que ces montres dégagent une force et une âme différentes, et qu’elles plaisent du coup. De toute façon, même si elles ne plaisaient pas, je continuerais de les faire, et je me débrouillerais pour gagner ma vie autrement. Votre avenir, vous l’imaginez éventuellement en dehors de l’horlogerie? C’est tout à fait possible. A l’heure actuelle, j’ai encore deux ou trois choses en tête qui font que je suis amené à m’intéresser à l’horlogerie pour un moment encore. Si après je n’ai plus d’intérêt, je laisserai cette activité de côté. Faire autre chose: revenir à des recherches historiques, l’archéologie, les voyages, reprendre mes études de grec… Propos recueillis par P. C. 15 OR JAUNE 18 CARATS ET DIAMANTS www.chanel.com DP PREMIERE OR JAUNE 605x440 Le Temps HS SUI.indd 1 07/03/13 14:41 Horlogerie 18 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 HAUT ARTISANAT Lesmétiersd’art, beausouci del’horlogerie Réservées autrefois à quelques connaisseurs et présentées en toute discrétion, les montres ornées de miniatures en émail, de gravures précieuses, de savants guillochages sont devenues de nouveaux enjeux de communication pour les marques maîtrisant ces techniques. Des équipes dédiées partent en quête de métiers inédits, comme la marqueterie de verre, les camées ou la granulation étrusque. Pourquoi cet engouement récent? Par Isabelle Cerboneschi E Les nouveaux métiers d’art On assiste ainsi à une floraison de techniques nouvelles, parfois empruntées au monde de la joaillerie, souvent à celui de la décoration. C’est à qui présentera l’objet réalisé selon le procédé le plus inusité: on a vu de fait apparaître au fil des ans des cadrans ornés de marqueterie de pierre, de nacre, de paille, laqués selon la technique japonaise du maki-é. C’est presque devenu un rituel: lors de chaque salon horloger, désormais, on s’attend à découvrir un, voire plusieurs nouveaux métiers d’art. La 23e édition du Salon international de la haute horlogerie (SIHH), qui s’est tenue à Genève en janvier dernier, était à ce titre exemplaire. Sur le stand Cartier, pas moins de huit métiers étaient mis à l’honneur, dont deux encore inédits en horlogerie: un cadran représentant un alligator sculpté en camée d’agate et une panthère qui doit ses formes à des milliers de microbilles d’or, selon la technique de la granulation étrusque (lire p. 20). La manufacture genevoise Vacheron Constantin a présenté un bouquet floral de trois cadrans inspirés des planches de l’ouvrage d’illustrations botaniques du XIXesiècle «The Temple of Flora», mettant en avant l’art de l’émail, du guillochage et du sertissage. Van L’artiste émailleuse Anita Porchet travaillant la profondeur de la rose Yves Piaget réalisée en émail miniature. Altiplano Miniature Email, Piaget. ETIENNE DELACRETAZ PHOTOS: DR mail grand feu, guillochage, gravure, sertissage, mais aussi marqueterie de pierre, de nacre, de bois… Depuis ces cinq dernières années, on entend beaucoup parler des métiers d’art. Le travail artistique consistant à orner les garde-temps de savantes gravures, d’exquises peintures miniatures, de motifs guillochés raffinés existe pourtant depuis les origines de l’horlogerie. Les garde-temps gravés du XVIe siècle ou les magnifiques miniatures des XVIII et surtout du XIXe siècle ont traversé le temps. Mais jamais on a autant communiqué sur ces objets et ceux qui les ont réalisés. Au point que les métiers d’art traditionnels, comme l’émail grand feu, la peinture miniature, le champlevé, le cloisonné, le plique-àjour, la grisaille, la gravure, le guillochage et le sertissage, n’y suffisent plus. Cleef & Arpels a également puisé chez Dame Nature son inspiration, avec sa série de Cadrans Extraordinaires, où différents métiers étaient mis à l’honneur: sculpture sur nacre, plique-à-jour, champlevé, émail cabochonné… La maison Piaget s’est livrée à un très bel exercice autour du motif de la rose Yves Piaget. «Nous avons demandé à trois artisans de la réinterpréter», explique Philippe Léopold-Metzger, le président de la marque. Sur un plateau tendu de velours noir, trois montres ornées de ces fleurs semblent vouloir attirer toute l’attention. La première est une rose miniature en noir et blanc, une prouesse réalisée par la fameuse émailleuse Anita Porchet. La deuxième semble avoir été dessinée à l’aide d’une minuscule chaîne d’or: en réalité un fil d’or torsadé, brodé à même la soie, par un artisan brodeur français. «Nous voulions retrouver la même créativité que lorsque nous avions développé des bracelets brodés interchangeables pour le modèle Miss Protocole il y a quelques années, mais cette fois-ci à l’intérieur De haut en bas:: Piaget Piaget Altiplano Micro-Mosaïque. Le cadran est orné d’une rose Piaget réalisée en marqueterie de verre. Vacheron Constantin montre Métiers d’Art Florilège, modèle Limodoron de Chine, selon une illustration botanique extraite de l’ouvrage «The Temple of Flora» de Robert John Thornton. Cadran guilloché main, émail grand feu cloisonné. DeLaneau ATAME Tulip Field, cadran émaillé grand feu, peinture miniature et émail représentant un champ de tulipes. Les émailleuses ont mis au point une technique «pointilliste», afin de pouvoir reproduire la photographie d’un champ de tulipes à la manière des peintres impressionnistes. Boîte sertie de 30 diamants baguette et 292 brillants. Mouvement automatique. Pièce unique. même du cadran», explique Philippe Léopold-Metzger. Puis le regard est attiré par un autre modèle, qui joue les trompe-l’œil. De loin, on a l’impression de voir une rose peinte en émail. De près, on découvre une micro-mosaïque de verre. «Les tesselles sont toutes posées à la verticale», explique Marc Menant, chef de produits marketing. Elles sont tellement petites et serrées que l’on ne voit pas d’espace entre elles. «Le maître verrier commence par créer ses couleurs, poursuit-il. Ensuite il chauffe sa pâte de verre et l’étire jusqu’à avoir le fil le plus fin possible. Puis il recommence l’opération jusqu’à parvenir au diamètre d’un cheveu. Il le casse avec une pince brucelles pour obtenir des mini-tesselles qu’il dépose sur le cadran, où elles seront emprisonnées dans un stuc.» Un travail qui s’apparente à un jeu de patience et de maîtrise de soi. Chez Cartier, on prend les nouveaux métiers d’art très au sérieux. Un ingénieur a été assigné pour faire de la «veille métiers d’art». C’est-à-dire qu’il part en quête de toute technique pouvant être utilisée par les artisans des ateliers Cartier. Tout en respectant l’esprit de la maison, bien sûr. «Nous avons créé une équipe nommée «projets métiers d’art», formée de personnes issues de plusieurs disciplines et nous nous réunissons toutes les semaines ou tous les 15 jours. On passe en revue les projets ouverts, on prépare ceux susceptibles d’être présentés à la direction», explique Romain Moïse, responsable de l’innovation chez Cartier. «Des procédés applicables à l’horlogerie, il n’y en a pas une infinité, explique Jean-Luc Carisey, chef de l’atelier métiers d’art de Cartier. Il faut les adapter. Ça peut sembler simple, mais c’est là que réside toute la difficulté: comment adapter une technique où tout se calcule en centimètres, à une autre, où l’on travaille au dixième de millimètre?» C’est lors d’un de ces séminaires, il y a trois ans, que l’idée de retrouver les secrets de la granulation étrusque a surgi. «Le réseau des arts horlogers est limité, explique Romain Moïse. Si l’on veut réussir à introduire de nouveaux savoir-faire, on doit s’intéresser à d’autres domaines. La granulation étrusque est un métier joaillier, par exemple.» Du fait de la lenteur de la mise en œuvre d’une nouvelle technique, plusieurs programmes sont menés de front. «Actuellement, nous avons une vingtaine de projets dans le pipeline, confie Romain Moïse. Mais on en perd en cours de route…» Assurer la pérennité des œuvres Van Cleef & Arpels Lady Arpels Papillon Extraordinaire. Un cadran de nacre sculptée sur lequel repose un papillon en lapis-lazuli avec des ailes en plique-à-jour. Lorsque l’on tente d’appliquer un nouveau métier d’art à l’horlogerie, il faut non seulement réussir à adapter la technique au support, mais aussi veiller à la pérennité du garde-temps ainsi orné. D’où la nécessité de faire passer aux montres des tests d’homologation. «Par le passé, il est arrivé que certains cadrans, conçus avec de nouvelles techniques de métiers d’art, cassent pendant les tests d’homologation. Nous avons dû soit repenser entièrement la montre pour Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 De gauche à droite: Cartier montre Rotonde, décor crocodile, camée d’agate naturelle. Mouvement mécanique manufacture à remontage manuel, calibre 9452 MC, certifié Poinçon de Genève, tourbillon volant avec indication de la seconde par la cage de tourbillon en forme de C. PHOTOS: DR Chanel montre «Mademoiselle Privé», décor Coromandel gravé et sculpté à la main sur le cadran. Miniature réalisée en émail grand feu selon la technique de Genève et feuillage en paillons d’or 24 carats réalisé par Anita Porchet. Parmigiani Tourbillon Tonda Woodstock. Cadran en marqueterie de bois représentant une guitare Gibson. Cette marqueterie est le résultat de 10 jours de travail et comporte plus de 50 segments de bois teinté. Mouvement PF 510 à remontage manuel. Pièce unique. «Unémail,c’estmagnifique,maiscen’estpasassez: ilfautledoterd’unjolimouvement» VINCENT WULVERYCK / CARTIER 2013 Ce nouvel engouement autour des métiers d’art inquiète Thierry Stern, le président de Patek Philippe. A ses yeux, les manufactures ont un devoir moral face aux artisans: leur donner du travail, même lorsque la demande du marché faiblit. Un flou artistique opportun Ce nouvel engouement pour ces savoir-faire nouveaux et ancestraux entraîne hélas quelques dérives. Notamment lorsque certaines marques pèchent par omission et essaient de faire passer de l’émail à froid, dont le résultat n’est pas pérenne, pour de l’émail grand feu, un art qui traverse les siècles. Faire de l’émail à froid, c’est n’avoir aucune des compétences de l’artiste émailleur et ne prendre aucun des risques qu’il encourt. Une peinture à l’émail grand feu, comme son nom l’indique, passe plusieurs fois l’épreuve du feu, au risque d’y disparaître. Cette confusion volontaire se fait bien entendu au détriment du client, qui paiera le prix fort pour une pièce qui ne le vaut de loin pas. «C’est la même chose pour le guillochage: vous savez combien de guillochages réalisés avec des machines CNC, et non pas à la main, existent sur le marché?» relève Thierry Stern, président de Patek Philippe (lire interview ci-après). Le risque existe, hélas. Il s’agit donc pour l’acheteur potentiel de cultiver son regard et sa connaissance des marques. Mais pour les autres, ceux qui ne sont que des «voyeurs», quelle beauté! Même les plus rétifs à l’art horloger ne peuvent rester insensibles devant ces montres qui sont autant d’objets d’art miniature. C’est peutêtre d’ailleurs l’une des plus belles manières qu’aient trouvées les manufactures pour les amener progressivement à s’intéresser au cœur des montres, à ces mécanismes miniatures qui relèvent eux aussi de l’art… Vous connaissez beaucoup de personnes qui ont les moyens de s’offrir un Picasso? (Rire.) A Bâle, sur notre stand, nous avons créé un coin réservé aux métiers d’art où l’on peut les regarder de près. D’ailleurs le rendu d’une photo n’est jamais à la hauteur de la beauté de la pièce. La gravure, l’émail, le sertissage, le guillochage sont difficiles à réduire en deux dimensions. MARC NINGHETTO mettre des amortisseurs, soit changer la manière dont on utilisait la technique», explique Romain Moïse. Une épreuve pénible pour tous les acteurs, surtout lorsqu’il s’agit d’un travail de développement qui aura duré des mois, voire des années. La pérennité, voilà le souci récurrent des horlogers. Comment vont vieillir les garde-temps ornés de végétaux, comme la mosaïque de paille, ou de matériaux lourds, comme la mosaïque de pierre? Comment s’assurer que les vernis utilisés pour la laque ne vont pas jaunir avec le temps? Peut-on être certain que les 9000 microbilles de la montre décorée selon la technique de la granulation étrusque ne vont pas se détacher? «C’est une pièce qui va bien vieillir dans le temps, rétorque Jean-Luc Carisey. Les bijoux étrusques ont été fabriqués 3000 ans avant Jésus-Christ et ils sont encore là!» Le Temps: Les métiers d’art sont constitutifs de l’histoire de l’horlogerie, or on n’en a jamais autant parlé que ces cinq dernières années. Les montres appelées Métiers d’art sont devenues une famille à forte valeur ajoutée. Comment l’expliquez-vous? Thierry Stern: On assiste aujourd’hui à une chasse aux métiers d’art, ce qui est bien et pas bien à la fois, car ce sont des objets rares. Or, à quoi cela sert-il de sur-communiquer autour et de donner envie à des acheteurs potentiels, pour leur dire ensuite qu’ils ne pourront pas obtenir la pièce parce qu’il n’y en a pas assez? Chez Patek Philippe, nous restons discrets. Ces montres ont toujours été destinées à des connaisseurs, à des passionnés: ceux qui apprécient la belle gravure, les beaux émaux et même un magnifique sertissage avec des pierres spécifiques. Avec cette abondance de communication, ces métiers se sont ouvert un marché plus vaste. Vous semblez le regretter. Mais ne pensez-vous pas que ces modèles pourraient permettre à des personnes qui ne sont pas forcément sensibles à la beauté de l’art horloger de s’y intéresser grâce à la beauté du cadran? Oui, c’est certain. Mais notre rôle, c’est aussi de protéger les personnes qui ne feront pas forcément la différence entre un émail grand feu et un émail à froid. Certaines marques sont prêtes à leur vendre tout et n’importe quoi, alors que le prix restera toujours fixé à 150 000 francs… Nous limitons volontairement la communication sur ces pièces afin de ne pas frustrer les clients potentiels pour rien: nous n’en faisons qu’une trentaine de modèles par an. Si l’on suit votre raisonnement, les maisons de vente aux enchères devraient aussi s’abstenir de communiquer lorsqu’elles ont un Picasso à vendre, parce qu’il n’y en a qu’un seul et qu’un seul client pourra se l’offrir? Ce nouvel intérêt pour des pièces au cadran orné a-t-il une incidence sur une manufacture comme la vôtre? Nous avons toujours eu la volonté de fabriquer ces produits, que cela marche commercialement, ou pas. Pour l’instant, ces montres surfent sur une vague. Mais le jour où les acheteurs se feront plus rares, que croyez-vous qu’il va se passer pour les artisans? Nous n’avons jamais arrêté de leur commander des pièces. Il nous est arrivé d’avoir en stock 80 pendulettes «dôme» en émail cloisonné parce que personne ne les voulait. Nous souhaitons que ces métiers perdurent. Les artisans qui travaillent avec nous savent que ce sera à long terme. Que ce n’est pas qu’un effet de mode. Il y a des décennies, nous étions les seuls à leur commander des pièces. Vous parlez de la pérennité de ces métiers et je me permets de faire une comparaison avec le monde de la haute couture. Chanel, par exemple, a racheté tout ou partie de certains ateliers d’art – brodeurs, plumassiers, etc. – qui risquaient de disparaître. Une manufacture comme Patek Philippe n’auraitelle pas une obligation morale de racheter des ateliers? Vous pouvez racheter un atelier, oui, mais si l’artisan n’est plus dedans, cela ne vous servira à rien. On ne peut pas acheter le cerveau d’une personne. En revanche, l’obligation morale, vous avez raison, nous l’avons toujours eue, mais nous l’exerçons en passant des commandes. Il y a plus de dix ans, personne ne communiquait sur ces métiers. Pendant les périodes creuses, quand personne ne voulait acheter des pièces en émail, aucune autre marque n’en commandait. Tout ce savoir-faire aurait pu se perdre. La manufacture n’a jamais cessé de commander, de stocker. Aujourd’hui, on peut se le permettre, mais il y a vingt ans, je peux vous assurer que ce n’était pas le cas. J’ai encore le souvenir de mon père qui fondait de l’or pour payer les salaires. Et il continuait à commander ces pièces. Je veux bien être damné si une autre marque a fait cela! Actuellement, nous avons deux émailleuses, qui travaillent essentiellement pour nous. Il est certaines techniques qui se sont perdues, des couleurs d’émaux que l’on ne peut plus refaire. Comment redonner le goût aux jeunes générations d’apprendre ces métiers si l’on ne communique pas autour? En formant. En demandant à des artisans de former les jeunes. Les commandes sont là. Mais a-t-on la volonté de le faire? Certains artistes souhaitent rester uniques et garder leur savoir-faire. Pour qu’un émailleur ou une émailleuse atteigne un niveau acceptable, il faut compter quinze ans de formation minimum. Pour devenir un maître, comme Suzanne Rohr, par exemple, il faut en compter trente. L’émail est un art complexe. Pour créer une belle pièce, un an est nécessaire. Cela signifie que pour devenir un maître vous aurez fait 30 pièces? Ce n’est rien. C’est un métier très ingrat pour les jeunes, c’est long, on prend beaucoup de risques. Chaque fois qu’on met la pièce au feu, elle peut disparaître. C’est dur nerveusement. Etes-vous confrontés à des demandes impossibles? Il peut arriver que tel client demande de reproduire son labrador ou son cheval sur son cadran, tel autre le portrait de sa fille. Mais il y a trop peu d’artistes pour les pousser à faire n’importe quoi et leur faire perdre leur temps. Nous choisissons nos propres thèmes. Est-ce que vous explorez des métiers d’art qui ne sont pas traditionnels à l’horlogerie? Oui, cela fait plus de dix ans déjà que l’on combine différents métiers d’art. On avait appelé cela «les techniques mixtes». On est en constante recherche. On le fait par plaisir. Les métiers d’art sont passionnants mais difficiles, selon le degré d’exigence que l’on s’impose. Un émail tout seul, c’est magnifique, mais ce n’est pas assez. Il faut le doter d’un joli mouvement. C’est le mélange des deux qui fera naître la montre parfaite. Les grands artisans le savent. Puisque la demande est supérieure à l’offre, comment tranchez-vous entre tel et tel client? Je ne présente ces pièces qu’à Bâle. Cela fait environ 40 à 60 objets. Les détaillants dressent une liste indiquant leur intérêt pour telle ou telle pièce. Après Bâle, je passe cette liste en revue, je sélectionne les détaillants, je leur demande à qui ils entendent vendre le produit, s’il s’agit d’un client de la maison, s’il est connaisseur… J’essaie d’être équitable en fonction des marchés. C’est difficile à gérer. Certaines pièces ne peuvent pas être vendues à n’importe qui. Ce n’est pas une question d’argent. Il y a d’ailleurs des montres que l’on ne vend pas. On préfère les présenter au musée plutôt que de les savoir dans un coffre, afin que des personnes qui apprécient vraiment ces savoir-faire puissent les admirer. Elles restent dans notre patrimoine. Cela peut aussi motiver les jeunes à se lancer dans ces métiers. D’ailleurs, nous allons réaliser en mai prochain une exposition dans notre magasin, à Genève, où nous allons présenter toutes ces pièces, avec les artisans. Et vous, comment vous êtes-vous passionné pour ces métiers? J’ai grandi avec l’émail. L’une des premières choses que mon grand-père m’a montrées, c’étaient des pièces émail. Et puis j’ai vu mon père passionné. Il avait l’habitude de me dire: «Quand tu en auras eu 1000 dans les mains, tu comprendras…» Propos recueillis par I. Ce Au centre: Patek Philippe Ara rouge, référence 5077P-080. Cadran décoré d’un ara réalisé en émail cloisonné sur une plaque de base en or gris décorée d’un motif feuilles guilloché main. 9 feux, 18 couleurs d’émaux. 19 20 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 Le ré-apprentissage de la technique de granulation permet de créer une nouvelle interprétation de l’emblématique panthère Cartier… MÉTIER D’ART Lemystèredelapanthère auxgrainsd’or… A l’occasion du dernier SIHH, Cartier a réinventé une technique d’orfèvrerie datant de 2500 ans av. J.-C.: la granulation étrusque. Ou comment, à l’aide de microbilles d’or, parvenir à former un motif en relief. Un art impossible qui exige une patience et une minutie extrêmes. Reportage dans les ateliers. Par Isabelle Cerboneschi. Photos: Véronique Botteron R A gauche, de haut en bas: Le point de départ de la création du motif est la découpe d’un fil d’or de 22 carats, qui servira à créer les billes de granulation. La calibration des billes se fait par passage successif dans des micro-tamis calibrés en fonction des dimensions recherchées. Un exemple de bille d’or 22 carats fabriquée main. Une démonstration de la manière dont le maître joaillier dispose les billes une à une. éinventer une technique oubliée depuis des millénaires, cela peut vous user les nerfs. Des deux joailliers des ateliers Cartier qui ont tenté de percer les secrets de la granulation étrusque, un seul a supporté de voir son travail disparaître sous ses doigts. La panthère d’or que l’on découvre sur son établi est fille du renoncement et de l’espérance. Sans espoir, comment supporter de voir fondre le visage d’une panthère dessinée patiemment avec des milliers de microbilles d’or, sous le souffle un peu trop appuyé d’un chalumeau à bouche? Durant dix-huit mois, Cartier s’est acharné à découvrir le secret de cet art oublié et a choisi de le réinventer. La maison a prévu de faire une série de 20 pièces. «Un défi», souligne Jean-Luc Carisey, chef de l’atelier Métiers d’Art. «Il faut déjà réussir à fabriquer ces billes, confie Romain Moïse, responsable de l’innovation chez Cartier. Ensuite, il faut les mettre en place sur des parois inclinées sans qu’elles tombent, puis enfin les souder, mais sans les faire fondre.» Autrement dit, une gageure. Surtout lorsque aucun mode d’emploi n’a traversé les siècles. «Nous nous sommes rapprochés des experts du Musée du Louvre pour essayer d’en apprendre plus, poursuit-il. Ils reconnaissent qu’il y a un mystère autour de cette technique, mais ils ne le connaissent pas.» Trois étapes, trois mystères à élucider… L’or repoussé d’où naît une panthère Il a d’abord fallu repousser l’or du cadran à la main, afin de lui donner du volume. «On part d’une feuille d’or d’épaisseur 0,3, de l’or 22 carats, plus tendre – et on repousse la matière par l’arrière pour faire apparaître cette tête de panthère.» Cette partie a été confiée à un repousseur, qui fait métier de gravure, à La Chaux-deFonds. Une semaine de travail. Ensuite viennent les différentes étapes de la granulation. Et la fabrication des billes, pour commencer. «A l’époque, je pense qu’ils faisaient comme on fait maintenant», dit Romain Moïse. C’est-à-dire? «Les Etrusques n’ont pas livré leurs secrets, nous, on fait pareil», sourit Jean-Luc Carisey. «Ce qui se passe entre le moment où l’on coupe le volume d’or nécessaire pour faire la bille et l’obtention de celle-ci, on ne peut pas le dévoiler, poursuit Romain Moïse. C’est le résultat de dix-huit mois de travail et on veut conserver ce savoir-faire.» Bien. 9000 micro-billes pour faire un motif Oublions alors les secrets et contentons-nous de ce que l’on peut observer: un joaillier à l’œuvre, en train de couper des fils d’or en microsections, qui deviendront des granules d’or par la grâce d’une technique qu’il ne nous sera pas donné de connaître. Cela fait un an que le joaillier coupe des petits morceaux d’or. Au début, avec un gabarit. Le repoussé manuel de l’or terminé, la pose des billes a nécessité 120 heures de travail au maître joaillier. Aujourd’hui, son œil suffit. «Pendant une semaine je ne fais que cela, des billes. Et une fois qu’elles sont prêtes, je les trie avec un tamis», explique-t-il. Celui que l’on appellera l’artisan granuleur, faute de pouvoir en dévoiler le nom, en a une douzaine à disposition, correspondant à différents diamètres allant de 9/10e à 2/10e, qui permettent les variations d’effets et de reliefs. «Vous imaginez que les Etrusques faisaient leurs petites boules, on ne sait comment, sur des feux de bois? Il nous est resté des images. On a travaillé avec le Musée du Louvre, qui nous a aiguillés sur différentes techniques. L’une des deux paraissait plus probable», souligne le joaillier formé à la granulation. La mise en place, ensuite. Pour que les micro-billes restent en place, il faut réussir à les faire tenir sur le support avant la chauffe, avec une matière qui disparaît sous le feu. De la cire perdue? «Non, ce Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 > Un secret bien gardé On sait peu de choses sur cette technique d’orfèvrerie, dont la plus ancienne pièce remonte à 2500 ans av. J.-C, développée sans doute par les Sumériens. Mais ce sont les Etrusques, au VIIe siècle av. J.-C., qui l’ont élevée à son plus haut degré de raffinement. Ils étaient parvenus à décorer des surfaces avec des billes d’or d’un diamètre n’excédant pas 100 micromètres, probablement soudées au sel de cuivre. «La chose la plus précise que nous connaissions sur leur technique, c’est une sorte de gravure où on les voit travailler sur un feu de bois avec une espèce de grande paille en bois dans laquelle ils soufflent, dans l’esprit d’un chalumeau à bouche. On a aussi eu accès à des rapports du Musée du Louvre sur les matériaux utilisés dans ces bijoux, analysés au rayon X. Le musée était très intéressé de collaborer avec nous, car ils espéraient que, grâce à nos essais, nous pourrions leur donner des explications. C’est encore un mystère pour eux», confie Romain Moïse, responsable de l’innovation chez Cartier. La technique a perduré, avec moins de finesse, sous l’occupation romaine, puis le savoir-faire s’est perdu. Au XIXe siècle, l’orfèvre romain Fortunato Pio Castellani, spécialisé dans la restauration d’orfèvrerie étrusque, a tenté d’en retrouver le secret. Il avait eu accès à la fameuse collection de bijoux étrusques du marquis Giampietro Campana et avait pu l’analyser en détail. Coutumier des pastiches à l’antique, vendus d’ailleurs comme tels et très en vogue à l’époque, il poussa l’art de la copie un peu trop loin et fut impliqué dans l’affaire des faux étrusques de la collection Campana, acquise par le Louvre sous Napoléon III. Le secret ne se laisse pas découvrir par n’importe qui. I. Ce. Le maître joaillier doit soumettre le cadran à l’épreuve de la flamme afin que quelques billes fraîchement déposées puissent se lier à la plaque. C’est uniquement en contrôlant le changement de coloration de la zone que l’artisan peut savoir quand arrêter de chauffer le cadran. PUBLICITÉ RÊVE | ÉTERNITÉ ne serait pas assez précis. Mais on ne peut pas vous en dévoiler la composition.» N’insistons pas. Tout ce que l’on en sait, c’est qu’il s’agit d’une colle utilisée couramment en joaillerie, dans laquelle on a intégré quelques ingrédients secrets qui permettent de faire la soudure. Une fois cette colle posée sur le cadran, il s’agit de choisir le calibre des billes que l’on va poser. «Mais ce n’est pas un choix aléatoire: on doit respecter les volumes de l’animal. Pour le nez, on travaille en dégradé: on commence avec de grosses billes et on termine avec des billes de 3/10e», explique l’artisan granuleur. «Tout le problème de cette technique, c’est qu’à un moment donné, la colle ne joue plus son rôle. On doit donc passer le chalumeau sur les billes avant qu’elles soient sèches. Et ce, toutes les demi-heures, soit toutes les dix ou vingt environ, sur un total de 9000. Avec le risque de tout perdre à chaque fois», explique Romain Moïse. L’épreuve du feu Nous voilà donc arrivés au point le plus délicat du processus: la soudure. «L’or de la bille doit réussir à se diffuser dans l’or du cadran, sans se déformer. Ce n’est pas comme dans certains autres métiers où l’on peut avancer pas à pas. A chaque fois que l’on pointe le chalumeau sur la pièce, on peut détruire tout le travail que l’on a déjà fait», explique Romain Moïse. Et lorsque l’on apprend qu’un cadran passe 2000 à 3000 fois sous la flamme, on comprend que le joaillier doit avoir un tempérament de moine bouddhiste. Une guerre du feu, et surtout, une guerre des nerfs. La pièce est posée sur un moule en plâtre qui permet d’en conserver la forme. Comment l’artisan granuleur reconnaît-il le moment où il faut qu’il s’arrête de chauffer avant qu’il ne soit trop tard? «Lorsque la pièce commence à rougir d’une certaine façon, il faut arrêter de chauffer. On le voit à l’œil», explique-t-il. Il aura fallu deux mois et demi au joaillier pour poser les 9000 billes du premier cadran. Ensuite, celui-ci ayant noirci, il sera plongé dans un bain d’acide avec des ultrasons pour le dérocher. Les moustaches, les yeux et les oreilles vont être polis. Cartier a intégré ce nouveau métier car il était impossible de le faire réaliser à l’extérieur. Aucun artisan d’art n’a souhaité relever le défi, et notamment pas avec ce dessin-là: autant de granules d’or sur une si petite surface pour donner l’illusion d’une panthère en relief qui surgit hors de l’or. De plus, le support – un cadran de montre – suppose des contraintes supplémentaires. «Des personnes qui travaillent la granulation sur bijoux, il y en a. Mais ils œuvrent sur des pièces plus volumineuses, plus épaisses, où il n’y a pas de partie fonctionnelle. Avec un cadran de montre, vous avez à prendre en compte toutes les contraintes horlogères», explique Jean-Luc Carisey. Et notamment le fait qu’il ne saurait être question de perdre des billes lors d’un mouvement un peu brusque du poignet. Quand on a découvert ce cadran inouï en octobre dernier, dans les ateliers de La Chaux-deFonds, Cartier espérait pouvoir présenter deux pièces au SIHH. L’artisan granuleur avait terminé la première, après une huitaine d’essais et dix-huit mois de travail. Il venait de commencer la seconde, travaillant 6 jours sur 7. En janvier dernier, dans les vitrines du SIHH, une seule panthère était exposée. On ne sait pas ce qu’il est advenu de la seconde. Ni du moral du joaillier… HORLOGERIE BIJOUTERIE JOAILLERIE Basel Bern Davos Genève Interlaken Lausanne Locarno Lugano Luzern St. Gallen St. Moritz Zermatt Zürich Berlin Düsseldorf Frankfurt Hamburg München Nürnberg | Wien | Paris | bucherer.com 21 22 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PRÉCISION L’échappementréinventé Cette année, un tour d’horizon rapide des nouveautés permet de noter trois grandes orientations en matière de développements mécaniques visant à optimiser les rendements horaires des instruments de mesure du temps contemporains. Ceux qui tentent d’améliorer l’existant en utilisant des recettes du passé, ceux qui réécrivent le passé avec les outils d’aujourd’hui. Et enfin ceux qui explorent des voies étonnantes dont on ne sait si les résultats seront à la hauteur des investissements consentis. Par Vincent Daveau Diversifier les voies de recherche Mais cet assemblage, au demeurant très graphique, n’est pas la seule solution pour égaliser la force du barillet à destination du balancier. Les organes permettant de la lisser peuvent prendre différentes appellations en raison de leur mode de construction. Ainsi, la montre Tourbillon Souverain de François-Paul Journe utilise un remontoir d’égalité, un organe – ici un ressort lame – dont le réarmement régulier permet de transférer à l’organe réglant une force constante et calibrée. La manufacture saxonne A. Lange & Söhne avait pris l’option d’un échappement à force constante pour la Lange 31 dont le couple incroyable nécessitait la mise au point d’un mécanisme le régulant. Visuellement qualitatifs, souvent complexes à mettre au point, d’une efficacité difficilement démontrable, ces développements ont fait des émules, et quelques maisons ont présenté, cette année, leur propre vision des choses. Christophe Claret intègre, par exemple, au sein du nouveau chronographe Kantharos, un L’échappement Co-Axial d’Omega avec sa roue au profil redessiné. Cette architecture, radicalement différente de celle mise au point initialement par George Daniels, est apparue en 2011. PHOTOS: DR C ertains procédés élaborés par les horlogers du passé comme la transmission «chaîne-fusée» pour lisser la force transmise du barillet au balancier (à roue de rencontre), refont surface depuis quelques années dans des montres de haute horlogerie. Chez A. Lange & Söhne par exemple, les modèles portant la mention «pour le Mérite» avaient ouvert la voie et intégré un régulateur à chaîne-fusée assurant un couple constant à ses tourbillons, des organes de précision que l’on sait assez sensibles aux différences de tension du ressort de barillet. La maison Breguet a suivi avec la mise au point du modèle Tradition Tourbillon Chaîne-Fusée avec spiral en silicium, présenté en version platine en 2010 et, depuis, décliné en or rose. Cette année, quelques privilégiés ont pu découvrir chez Zenith la montre Christophe Colomb Hurricane: une impressionnante référence éditée en série limitée à 25 exemplaires dotée de son groupe de régulation monté sur cardan et, cette fois, équipé d’un mécanisme de chaîne-fusée comme on en trouvait sur les chronomètres de marine. Macro de la pièce fondamentale de cet échappement constant de Girard-Perregaux. On devine la finesse de la lame en silicium qui fait 14 microns d’épaisseur. Cet organe exploite l’élasticité et la déformation programmée connue sous le nom de flambage d’une lame de silicium. La montre Christophe Colomb Hurricane de Zenith emporte un régulateur classique monté sur cardan et un barillet associé à une «chaîne-fusée» inspirée de celle des chronomètres de marine. échappement à force constante visible, à 6 heures, côté cadran. Selon son auteur, ce savant mécanisme donne la possibilité de diminuer sensiblement les écarts de marche de la montre. Situé en amont de l’échappement, il dispose d’une came de commande qui est déportée de l’axe du mobile de force constante. Le spiral se trouvant ainsi armé plus fréquemment, le couple à la roue d’échappement gagne en constance, augmentant d’autant la précision. Hypnotique parce qu’en continuel mouvement, ce mécanisme s’admire sous un pont de saphir minutieusement anglé destiné à mettre en valeur le savoir-faire du maître horloger. On retrouve, cette année, dans la collection Ingenieur présentée par IWC lors du SIHH 2013, une construction intégrant également un échappement à force constante. Il est ici originalement regroupé dans la cage de tourbillon du modèle Ingénieur Tourbillon à Force Constante. Celui-ci, d’une rare complexité et ayant demandé dix ans d’études, laisse admiratif puisque la régulation de la force distribuée au grand balancier se fait directement dans la cage effectuant une ronde minutée. Les échappements à double roue d’échappement Montre Girard-Perregaux Echappement Constant: montre en or gris de 48 mm de diamètre dotée d’un échappement innovant mis au point par Nicolas Dehon en 1998 lorsqu’il était chez Rolex et développé depuis par la manufacture GirardPerregaux. Mais certaines maisons ont également l’ambition de produire leur propre calibre avec un échappement «maison» comme l’a fait Omega avec le Co-Axial conçu par George Daniels et produit en série par la manufacture à partir de 1999. Difficile pourtant de rivaliser avec l’échappement à ancre mis au point en 1754 par l’horloger anglais Thomas Mudge. Rares sont ceux capables de lui faire concurrence en précision et en facilité de production. Seulement, avec l’aide des nouvelles technologies, il est aujourd’hui possible de donner une seconde chance à des organes de régulation longtemps restés en suspens. De tous, celui baptisé «Oscillateur Naturel» par son inventeur Abraham-Louis Breguet, semble le plus apprécié. On sait Ulysse Nardin en avoir employé dès 2001 une version revisitée par Ludwig Oechslin (lire p. 14,15) pour la Freak. On sait également depuis peu que l’horloger français François-Paul Journe, installé au cœur de Genève, propose le Chronomètre Optimum, un chronomètre associant un remontoir d’égalité d’une seconde breveté à un échappement Biaxial à Haute Performance, lui aussi breveté. Ce nouvel organe baptisé EBHP comprenant une double roue d’échappement à impulsions directes fonctionne sans huile. Il semble promis à un bel avenir car, en matière d’entretien, l’absence de lubrification garantit une précision de fonctionnement sur une plus longue période. Cette ambition est aussi celle du CoAxial d’Omega qui, comme par hasard, possède deux roues d’échappement superposées, visuellement inspirées, depuis 2011, de celles des échappements Duplex. Les étranges groupes de régulation Un bel avenir semble également sourire à l’échappement Constant, récemment finalisé par la manufacture Girard-Perregaux et présenté le 26 mars dernier aux professionnels de la branche lors d’une soirée à Zurich. Cet organe original avait déjà été présenté dans Le Temps en 2008 (lire Hors- série du 3.11.2008). Rendant hommage aux dix années de recherches menées par l’inventeur Nicolas Dehon pour faire de cet échappement, conceptualisé et déposé du temps où il était chez Rolex (avant d’être engagé chez Girard-Perregaux), un produit fonctionnel. Il aura donc encore fallu cinq ans à la manufacture pour parvenir à optimiser cet échappement Constant dont le mode de fonctionnement est très innovant. Réalisé en silicium à l’aide de technologies de pointe, cet élément fin et symétrique, dont la forme rappelle un peu celle d’un papillon, s’intègre à merveille dans l’architecture de la montre Girard-Perregaux Echappement Constant. Cet organe d’un nouveau genre exploite l’élasticité et la déformation programmée (connue sous le nom de flambage) d’une lame de silicium de 14 microns d’épaisseur (soit le sixième d’un cheveu) pour agir comme échappement à force constante d’un groupe mécanique comprenant deux roues d’échappement, une sorte d’ancre couplée à cette lame ressort en silicium et un balancier spiral classique. D’une qualité de fonctionnement élevée, cette montre, en or gris de 48 mm de diamètre au mouvement mécanique à remontage manuel innovant vibrant à 3 Hertz et traité noir pour plus de modernité, est la première d’une collection d’un nouveau genre. Question étrangeté, Franck Muller n’est pas en reste avec le Thunderbolt Tourbillon. Dans cette construction propulsée par quatre barillets, la cage du tourbillon effectuant 12 rotations par minute (soit une toutes les cinq secondes) enferme un mécanisme breveté par Franck Muller composé d’une Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 Antoine Martin Slow Runner: un balancier géant et une fréquence très basse pour une montrebracelet… A surveiller en termes de précision chronométrique. F.P. Journe Chronomètre Optimum avec remontoir d’égalité et son échappement Bi-Axial à Haute Performance EBHP. Christophe Claret Kantharos: un chronographe innovant doté d’un échappement à force constante pour améliorer la précision. Rudis Sylva et son étonnant échappement avec oscillateur harmonieux. Un appairage osé mais qui fonctionne efficacement. PUBLICITÉ 80 HOURS ON YOUR SIDE IWC Ingenieur Tourbillon à Force Constante. La subtilité tient au fait que le régulateur à force constante est intégré dans la cage de tourbillon. roue d’échappement fixe, d’une ancre inversée et d’un balancier. L’ensemble est mécaniquement très original et mérite le coup d’œil. Autre découverte anticonformiste: le très grand balancier de 24 mm de diamètre de la jeune maison horlogère Antoine Martin. Visiblement inspirée par les œuvres du XVIIIe siècle, cette montre intégrée à la collection «Slow Runner» bat à une fréquence oscillatoire basse de 1 Hz soit 7200 alternances par heure. L’emploi d’un grand et lourd balancier vibrant à basse fréquence est un choix osé surtout lorsqu’il s’agit de passer l’instrument au Franck Muller Thunderbolt poignet, car tout le monde sait Tourbillon: la cage de tourbillon combien l’inertie liée aux gestes avec sa roue d’échappement fixe de la vie quotidienne peut avoir montée à la périphérie effectue une incidence sur ces compodouze rotations par minute. sants et, par effet, sur la précision de la montre. En termes de précision, il y a encore plein de choses à essayer. Et, en la matière, Jaeger-LeCoultre, qui n’est pas la dernière manufacture à chercher à améliorer le rendement de ses gardetemps, vient d’expérimenter le spiral Sphérique pour sa Gyrotourbillon III. Une expérience qui fait suite à l’emploi du spiral cylindrique… La question demeure de savoir lequel des deux est le plus efficace? Cette question se pose d’ailleurs pour toutes ces inventions qui ne trouvent que très rarement un débouché en grande série, preuve sans doute de la faiblesse du gain par rapJaeger-LeCoultre Master Grande port au coût de mise en œuvre… Tradition Gyrotourbillon 3 Jubilee: Mais l’expérimentation étant un cette montre dotée d’une cage moyen de progresser, ces tentade tourbillon étonnante et sphérique tives doivent être regardées, et emporte un balancier en or associé admirées, à l’aune de l’histoire à un spiral sphérique pour plus de l’horlogerie, et non à celle de de précision. la rentabilité. TISSOT LUXURY AUTOMATIC Une pièce exceptionnelle et intemporelle offrant une réserve de marche de 80 heures grâce à son mouvement automatique innovant Powermatic 80, certifié COSC. Boîtier en acier inoxydable 316L, fond de boîtier transparent et étanchéité jusqu’à 5 bar (50 m / 165 ft). IN TOUCH WITH YOUR TIME Get in touch at www.tissot.ch 23 24 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PROTECTION Letemps anti-magnétique PHOTOS: DR Portiques d’aéroports, jeux vidéo, sacs à fermeture aimantée, dans un monde qui se magnétise toujours plus, les horlogers cherchent à améliorer la résistance de leurs montres. L’occasion de revenir sur l’un des pires cauchemars des rhabilleurs. Par Vincent Daveau Publicité IWC datant de 1964 décrivant clairement les avantages de la protection offerte par la cage en fer doux. I l n’a pas fallu attendre l’invention des portiques d’aéroports pour que les horlogers prennent conscience de l’incidence du magnétisme sur les composants de leurs créations. Les artisans ont été confrontés à ses effets dès l’apparition des boussoles en Europe, au début du XIVe siècle. Au départ, les montres étaient bien trop imprécises pour qu’il leur soit possible de mesurer l’influence du magnétisme sur leur marche. Toutefois, dès le XVIIIe siècle, les instruments horlogers portatifs, précis à terre, étaient, une fois embarqués sur les navires, confrontés à des forces inconnues qui leur faisaient perdre leur précision. Après maintes analyses, les horlogers comprirent que le magnétisme des boussoles perturbait leurs instruments, et la solution trouvée à l’époque fut de les éloigner les uns des autres. On aurait pu croire cette histoire d’aimantation réglée. Elle ne faisait que commencer. En effet, à l’aube du XXe siècle, l’arrivée progressive de l’électricité dans les foyers et l’utilisation de plus en plus régulière d’engins faisant appel à des moteurs électriques et d’instruments contenant des aimants devaient remettre au goût du jour la recherche destinée à contrer les effets du magnétisme sur la marche des instruments de mesure du temps. montres dotées d’une cage de protection en fer doux avaient une résistance largement supérieure à la normale, simplement du fait que le caisson de vil métal agissait comme une cage de Faraday. Cette particularité physique permettait à IWC de résoudre, pour un temps, le problème du magnétisme en dotant la Mark XII d’un boîtier doublé d’un blindage en fer doux. Mais c’est surtout à l’issue de la Seconde Guerre mondiale qu’il s’est révélé essentiel pour les scientifiques et les ingénieurs du génie civil de disposer d’instruments de mesure du temps capables de résister à de forts champs magnétiques. Toutes les marques sérieuses travaillaient sur ce projet et les recherches aboutirent à la mise au point durant les «fifties» des premiers prototypes. IWC créait l’Ingenieur, et Rolex l’Oyster Perpetual Milgauss; deux pièces dont les mouvements étaient enfermés dans des boîtiers usinés en acier inox – lui-même difficilement magnétisable – et protégés des champs magnétiques par la présence d’un caisson en fer doux. Ces produits devaient réveiller la concurrence: Omega proposait en 1957 la Railmaster, une montre capable de résister à un champ magnétique de 900 gauss, tandis que Jaeger-LeCoultre créait la Geophysic en 1958-59. Le présent comme une répétition du passé Mais chaque époque a ses récurrences. Aussi, dans le courant des années 70, avec la généralisation des ordinateurs dans les bureaux, l’apparition dans les foyers de chaînes hi-fi dotées d’enceintes dégageant de puissants champs électromagnétiques, les marques ont soumis aux consommateurs des montres résistant à des produits du quotidien dont la proximité ou l’emploi pouvaient perturber la marche normale. Ainsi, durant les seventies, la manufacture IWC remettait au goût du jour son Ingénieur sous le crayon de Gérald Genta, et Rolex devait conserver à son catalogue la Milgauss jusqu’en 1988. Puis le magnétisme est passé un peu au second plan jusqu’en 2004, date à laquelle IWC est reve- Jaeger-LeCoultre Geophysic de 1958 en acier avec cage interne en fer doux permettant de protéger la montre contre le magnétisme. Jusqu’à 600 gauss. nue à la charge avec une nouvelle Ingénieur capable de résister à des champs magnétiques de 1000 gauss. Et même si Rolex a également relancé la Milgauss en 2007, il semble que l’intérêt du public pour ce type de garde-temps très spécialisés n’ait pas été au rendez-vous. Questions de règles et de normes Cela dit, le commun des mortels ne peut pas mesurer l’incidence des champs magnétiques classiques sur sa montre, les instruments contemporains en acier en étant finalement assez correctement protégés. Les responsables d’Omega lors de la présentation de la Seamaster Aquaterra Amagnétique en janvier 2013 rappelaient que la norme NIHS (Norme industrielle de l’horlogerie suisse) en matière de protection des montres mécaniques est aujourd’hui de 75 gauss. Assez donc pour pouvoir passer sa montre derrière un écran d’ordinateur, la plonger dans un sac doté d’un fermoir aimanté, pour supporter le rayonnement des instruments de bord dans une voiture, un avion ou ailleurs, mais pas assez pour la voir résister aux champs émis par des aimants se trouvant dans des enceintes hi-fi, dans certains jeux pour enfants et surtout dans les portiques magnétiques des aéroports. Et Jean-Claude Monachon, vice-président et chef du développement produit d’Omega, soulignait, lors de la présentation de la nouvelle Omega, à Genève, qu’il estimait à 15% environ le nombre de montres rapportées au Service après-vente, toutes mar- ques confondues, pour cause de magnétisation des composants; une magnétisation dont le propriétaire n’a aucune idée, car elle se traduit, le plus souvent, non pas par un arrêt de la montre mais par une avance importante de l’heure. Pour éviter ces retours intempestifs qui pénalisent les propriétaires et engorgent les SAV déjà débordés, Omega proposera, à partir d’octobre, la Seamaster Aquaterra. Une pièce dotée d’un calibre Coaxial révolutionnaire qui, en plus de recevoir une nouvelle roue d’échappement, s’équipe de composants amagnétiques et paramagnétiques lui permettant de fonctionner au cœur de champs magnétiques intenses supérieurs à 15000 gauss, soit, ceux émis par les IRM des hôpitaux. On l’aura compris, le but n’est pas de pouvoir faire un contrôle de santé avec sa montre préférée, mais de lui garantir de supporter des forces qui, si elle n’y avait pas résisté, auraient imposé qu’elle soit intégralement révisée. En somme en créant ce mouvement, Omega a bon espoir de réduire de 15% son SAV. Des produits en phase avec le monde Face à un monde urbain qui se magnétise de plus en plus, les horlogers proposent des solutions adaptées aux pires environnements. Mais est-il nécessaire d’aller jusque-là, telle est la question. La nouvelle Omega a ouvert la voie d’une nouvelle série de montres destinées à répondre aux attentes de professionnels décidés à gérer des magnétismes de forte intensité. Cet intérêt éveille également celui d’autres maisons qui, elles aussi, ont leur avis sur la question. Ainsi, en plus de la collection Ingénieur d’IWC, qui opère un retour en force avec des produits spécialisés dont quelques-uns portent encore leur protection en fer doux, Panerai propose cette année la Luminor Submersible 1950 Amagnetic 3 days Automatic Titanio en 47 mm de diamètre. Cette pièce, spécialement dédiée aux plongeurs, est aujourd’hui dotée d’un boîtier qui lui permet d’offrir une résistance aux champs magnétiques à hauteur de 40000 A/m (Ampères – mètres), soit un seuil plus de 8 fois supérieur aux standards de la norme NIHS. Cela devrait garantir à ce produit de supporter la proximité des compas de bord des bateaux spécialement affrétés pour emmener les hommes-grenouilles sur des spots de plongée ou les portiques des aéroports. Alors, c’est vrai, l’idée d’Omega avec cette montre particulièrement attractive, mais amagnétique, n’est pas de faire réagir la concurrence, mais de proposer un mouvement Coaxial, aujourd’hui à l’avantgarde en matière de protection magnétique, appelé à équiper toutes les montres Omega de haut de gamme. Une façon claire pour le Swatch Group d’annoncer que la prochaine avancée – ou bataille – en matière d’horlogerie mécanique sera d’augmenter sensiblement la fiabilité des produits en réduisant au minimum le risque de panne et de faire en sorte que la révision d’une montre n’intervienne qu’une fois tous les dix ans contre une tous les cinq ans, en moyenne aujourd’hui… A suivre! La généralisation d’une protection magnétique Durant la Première Guerre mondiale, les forces et les faiblesses de certaines montres ont été mises en lumière. Il s’est alors avéré que les De gauche à droite: Omega Seamaster Aqua Terra Amagnétique: produit en acier capable de résister à un champ magnétique supérieur à 15 000 gauss. IWC Ingenieur Automatic 40 mm acier: inspirée de la référence dessinée par Gérald Genta durant les «seventies», cette pièce résiste à 40 000 A/m grâce à sa cage en fer doux. Rolex Oyster Perpetual Milgauss: modèle relancé en 2007 avec cette particularité de résister à un champ magnétique égal à 1000 gauss. Panerai Luminor Submersible 1950 Amagnetic 3 Days Automatic Titanio: cette pièce est taillée pour résister à des champs magnétiques jusqu’à 40 000 A/m. U LT I M E D I S C R É T I O N PIAGET ALTIPLANO La montre automatique la plus plate du monde Boîtier en or blanc, 5,25 mm d’épaisseur Le mouvement automatique le plus plat du monde Calibre Manufacture Piaget, 2,35 mm d’épaisseur piaget-altiplano.com Boutiques PIAGET : Genève - rue du Rhône 40 • Zurich - Bahnhofstrasse 38 Horlogerie 26 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 GENRE GUERIN NICOLAS Leshommespréfèrent lespetites… Une clientèle masculine issue du domaine artistique a commencé il y a cinq ans à arborer des garde-temps au boîtier d’un petit diamètre. Certains n’hésitent plus désormais à porter des montres serties ou pas, conçues pour les femmes. La barrière des genres est devenue poreuse. Tour de la question. El Primero Original 1969, 38 mm, version sertie, Zenith Par Isabelle Cerboneschi Reverso Classique, Jaeger-LeCoultre 1972 Prestige, collection 1972, Vacheron Constantin Calatrava référence 5227, 39 mm, Patek Philippe Clifton 10058 , 39 mm, Baume & Mercier I l s’agissait à l’origine d’une sorte d’exception culturelle. Il y a quatre ou cinq ans, on a commencé à voir aux poignets de ceux qu’on appellerait dans le jargon marketing des «early adopters», souvent issus du monde de l’art – cinéastes, acteurs, musiciens –, des montres de petits diamètres. Dans le GQ de décembre 2011, on découvrait notamment l’acteur Michael Fassbender, sexy au possible, portant, outre une chemise blanche très ajustée, une Reverso Ultra Plate 1931. Quelques cinéastes ou musiciens n’hésitant pas à emprunter aux femmes certains de leurs modèles favoris. «Nous avons commencé à observer ce phénomène en 2011 avec la Reverso Classique, souligne Jérôme Lambert, PDG de la manufacture Jaeger-LeCoultre. Au début, 90% de la clientèle qui portait une Classique était masculine. Ensuite, ce modèle est devenu à 90% féminin. Puis une clientèle masculine, plus jeune, plus urbaine, l’a redécouvert. Cette année-là, cela s’est ressenti très fortement au niveau des ventes, au point que nous nous sommes retrouvés en rupture de stock pendant un bon trimestre pour les modèles dotés de mouvements mécaniques. C’était une belle surprise, car c’est ce même modèle qui avait relancé la Reverso en 86-87. Il n’est pas marqué féminin, il n’a pas de chiffres floraux, pas de diamant, même son nom est neutre. Quand on fait des statistiques, on ne sait jamais dans quelle catégorie le classer: il est en quelque sorte unisexe.» Du sexe des montres, on pourrait discuter longtemps. Lorsque l’on regarde l’histoire de l’horlogerie, on note que certaines montres ont changé de genre au fil du temps et des modes. La Tank Louis Cartier que portait Rudolf Valentino dans le film Le fils du cheik en 1926, par exemple, est devenue un modèle pour femmes. Une montre que se réapproprient d’ailleurs certains artistes, musiciens ou chanteurs. Le temps a l’art de faire des boucles… L’engouement pour le vintage y est d’ailleurs pour quelque chose. Comme cette nostalgie pour un hier dont on se souvient ou que l’on imagine plus rieur, qui anime les quarantenaires. «J’ai observé que certains créatifs portaient des L’acteur Clive Owen portant une Reverso, JaegerLeCoultre. montres plus petites, des pièces vintage. Au début, je pensais que c’était une manière de se démarquer, souligne Alain Zimmermann, PDG de Baume & Mercier. Puis j’ai pensé qu’il s’agissait d’autre chose. Plus le contexte est difficile, plus on a envie de se rassurer et on a besoin de points d’ancrage. Ce qui explique aussi l’engouement pour le vintage dans tous les autres domaines, du design, de la mode…» Mais la nostalgie n’explique pas tout. C’est aussi une question de style. La tendance des grosses montres avait atteint des proportions frôlant le grotesque: 50 mm au poignet, il faut avoir envie. «Arborer une montre de grande taille, ce n’est pas agréable, c’est trop lourd, trop grand. On peut la porter le week-end, mais ce ne sera pas la montre de tous les jours. Ce qui compte c’est de choisir le bon diamètre par rapport à son poignet: les plus belles proportions naviguent entre 38 et 40 mm», souligne Thierry Stern, président de la manufacture Patek Philippe. On pourrait même les étirer jusqu’à 37-41 mm. «Quand on s’ancre dans le classique et l’intemporalité, on doit respecter un certain nombre de codes. Celui de la taille en fait partie, et ce, quel que soit le pays auquel on s’adresse», relève aussi Alain Zimmermann. Pour Jean-Frédéric Dufour, PDG de Zenith, il ne faut pas généraliser: «Cela dépend du type de montre. Faire une montre sport en dessous de 42-44 mm, c’est difficile. Les Etats-Unis, l’Amérique du Sud, le Moyen-Orient ne vont pas vers le plus petit. En revanche, les marchés matures reviennent en effet vers des dimensions historiques. Nous avions relancé le chronographe El Primero de 1969 dans sa taille originale en 38 mm il y a deux ans. Au départ, ce furent surtout des femmes qui l’ont plébiscité, mais les hommes recommencent à le porter. Nous venons de recevoir une commande de 35 blogueurs italiens de Orologi & Passioni pour ce modèle.» Nul besoin d’aller jusqu’en Italie pour voir les diamètres des montres rétrécir au poignet des hommes. Lors de l’édition 2012 du SIHH, nous avions demandé au génial concepteur horloger Giulio Papi, fondateur et directeur techni- que de Audemars Piguet Renaud & Papi, qui portait alors une Royal Oak de 41 mm, de faire un test et d’essayer un modèle en 37 mm. «Au début, j’étais suspicieux. Mais comme toute chose, il faut les mettre au poignet et vivre avec. Ensuite, soit on aime, soit on déteste. Et j’ai aimé. D’ailleurs, je n’ai pas reçu un seul commentaire», sourit-il. Un an plus tard, il porte toujours une Royal Oak, mais d’un diamètre de 39 mm. «Ce qui est important, c’est la chute du bracelet, le confort du porter, l’élégance. Autant 37 mm était trop petit pour moi, j’ai un poignet assez fort, autant 41 mm, c’est trop gros. Je me suis arrêté sur 39. On a tous nos numéros fétiches. Et moi, j’adore les multiples de 3», dit-il avant de partir dans un grand éclat de rire. «Lorsqu’il y a eu cette mode des grands boîtiers qui sont allés jusqu’à 50 mm, on me disait que mes mouvements étaient trop petits, relève Thierry Stern. Or, cela allait à l’encontre de tout ce que j’avais appris: la difficulté de ce métier réside dans le fait de réussir à fabriquer un mouvement précis, qui soit plat et beau. Le retour vers des diamètres plus raisonnables, je crois que cela contente toutes les manufactures qui fabriquent leurs propres calibres. Les gros mouvements, ce n’est pas ce que les horlogers aiment faire…» Quant aux femmes, celles qui aiment porter des modèles masculins, elles aussi sont ravies de voir les tailles des montres masculines diminuer. Homme, femme, cette frontière entre les genres est devenue plus poreuse. Ce qui n’est pas pour déplaire à Christian Selmoni, le directeur artistique de Vacheron Constantin. En janvier dernier, la manufacture genevoise a présenté au SIHH des modèles exclusivement féminins. Notamment une collection de montres Métiers d’art baptisée Florilège. «Alors qu’elle avait été clairement conçue pour les femmes, on a noté qu’une clientèle masculine raffinée souhaitait l’acquérir. Ces hommes veulent des objets qui soient beaux, quel que soit le public auquel les maisons les avaient destinés.» La barrière séparant les genres a été levée par les femmes, lorsqu’elles ont commencé à se soucier du moteur de leur montre. Mais l’inté- rêt n’allait que dans un sens. Ce qui est en train de changer. Notamment depuis que les horlogers conçoivent exprès pour elles des modèles dotés de beaux mouvements mécaniques (lire p. 28). Sertir un modèle n’est plus un marqueur suffisant pour définir le sexe d’une montre. Certains hommes savent passer outre. Lorsque Patek Philippe avait lancé son chronographe pour dames en novembre 2009, Thierry Stern avait souhaité que le boîtier soit serti afin qu’une clientèle masculine n’y ait pas accès. Cela n’a pas empêché certains de l’acquérir pour leur propre usage… «La tendance, c’est aux marques d’essayer de la capturer. Il est difficile de parler de ces choses fugaces, note Christian Selmoni. Prenez la montre 1972 Prestige. Il s’agit de l’interprétation d’un modèle datant de 1972 qui était complètement atypique. Les proportions de ce garde-temps répondent au nombre d’or. Nous avons mis l’accent sur le côté dandy de l’éventuel acheteur, d’où le cadran décoré de chevrons. Elle est à la fois étroite, longue et très galbée. Mais finalement, c’est une montre qui n’appartient ni au genre féminin, ni au genre masculin. Elle est androgyne, en quelque sorte.» Androgyne, unixexe… Est-ce vraiment ce que le marché souhaite? On pourrait établir un parallèle avec le monde de la parfumerie. Le premier essai d’un parfum unisexe remonte à 1975, vingt ans avant le fameux CK One de Calvin Klein. Il s’appelait Eau Libre, il était signé Yves Saint Laurent et la publicité vantait: «Tout ce qui est à toi est à moi.» Il a hélas été très vite retiré du marché. L’histoire montre que les femmes veulent bien emprunter aux hommes leurs voitures, leurs parfums, leurs pulls, leurs montres et regarder les hommes désormais faire de même, tant que cela ne reste qu’un emprunt, aussi sexy soit-il… SERTIR UN MODÈLE N’EST PLUS UN MARQUEUR SUFFISANT POUR DÉFINIR LE SEXE D’UNE MONTRE 17 Septembre 1755. A l’étude de Maître Choisy, notaire, Jean-Marc Vacheron, jeune Maître Horloger genevois s’apprête à engager son premier apprenti. Cet engagement porte la plus ancienne mention connue du premier horloger d’une dynastie prestigieuse et représente l’acte de naissance de Vacheron Constantin, la plus ancienne manufacture horlogère au monde en activité continue depuis sa création. Depuis cet acte, et fidèle à l’histoire qui a fait sa réputation, Vacheron Constantin s’est engagé à transmettre son savoirfaire à chacun de ses Maîtres Horlogers, gage d’excellence et de pérennité de ses métiers et de ses garde-temps. Patrimony Traditionnelle Tourbillon 14 jours Boîtier en or rose 18K 5N, Cadran opalin argenté, Poinçon de Genève, Mouvement mécanique à remontage manuel, Tourbillon, Ø 42 mm Réf. 89000/000R-9655 Maison Vacheron Constantin : 7, Quai de l’Ile - 1204 Genève - Tél. 022 316 17 20 Boutique Vacheron Constantin : 1, Place de Longemalle - 1204 Genève - Tél. 022 316 17 40 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 GENRE Leshorlogersàla conquêted’uneterra malcognita:lafemme Nouveau design, mouvements mécaniques conçus pour elles, complications qui leur sont dédiées. Les femmes sont reines. Au point que les hommes jalousent leurs nouveaux garde-temps. Par Isabelle Cerboneschi GILLES-MARIE ZIMMERMANN 28 Montre Jules Audemars extra-plate 41 mm. Mouvement automatique manufacture Calibre 2120. Boîtier en or rose, lunette sertie de diamants, index 12h serti, cadran argenté guilloché, glace saphir devant et au dos du boîtier, Audemars Piguet. L’ PHOTOS: DR Calatrava Référence 7200, Patek Philippe. Mouvement mécanique à remontage automatique extra-plat, calibre 240, aiguilles «poire Stuart» en or rose. année 2013 est l’année de la femme. En termes horlogers s’entend. Et il y a fort à parier que 2014 le sera tout autant. Lors du Salon international de la haute horlogerie (SIHH), qui s’est tenu à Genève en janvier, et dans les manufactures, on a découvert une foison de garde-temps dotés de mouvements mécaniques, agrémentés de complications, destinés exclusivement aux femmes. Ce n’est pas la première fois que les horlogers se lancent à la conquête de cette clientèle aux goûts versatiles, mais c’est sans doute l’offensive la plus importante que l’on observe depuis de nombreuses années. Il ne s’agit pas que de ces pièces destinées à de riches collectionneuses comme il en existe à Hongkong, à Singapour ou à Taïwan. Des amatrices de haute horlogerie avant l’heure qui n’ont jamais hésité à dépenser plusieurs centaines de milliers de francs pour s’offrir un tourbillon, une montre à grande complication, qu’elle soit sertie ou pas. On est dans un tout autre registre. Les maisons horlogères cherchent à s’adresser à un marché plus local, sentant un intérêt croissant pour la mécanique chez les Européennes. Et ils ont raison: il y a une vraie demande. «J’ai interrogé les distributeurs pour savoir si les achats de montres mécaniques féminines sur le marché européen étaient à mettre sur le compte des touristes asiatiques ou bien si c’était le fait de clientes italiennes, anglaises, suisses ou françaises, explique Alain Zimmermann, PDG de Baume & Mercier, qui lance cette année une Linea dotée d’un mouvement automatique. De manière unanime, ils m’ont dit que c’était effectivement la cliente locale qui prenait conscience avec plaisir de cet aspect de l’horlogerie. Mais lorsqu’on leur propose une montre à la mécanique sophistiquée – que les hommes regarderont toujours avec des lunettes de gamin et de mécano – si cela entraîne un déficit esthétique, à modèle équivalent, la femme choisira plutôt la version quartz.» La donna è mobile… «L’esthétique». Voilà bien le mot le plus difficile à circonscrire. Il existe des règles immuables en termes d’élégance et de simplicité, mais comment appréhender ce que les femmes désirent, ce quelque chose d’ineffable, qui est dans l’air et qu’elles-mêmes, parfois, ne parviennent pas à expliquer? «J’ai délégué ce problème à ma femme, qui chapeaute la création, confie Thierry Stern, président de Patek Philippe. Je suis capable de faire une belle montre homme, mais pour une montre dame, je n’y arrive qu’à 80%. Avec le chrono, mon épouse a réalisé la montre qu’elle voulait porter. Elle a réussi à instiller dans ce modèle l’esprit Patek – cela fait plus de quinze ans qu’elle travaille à la manufacture – tout en s’adaptant à la demande féminine, plus mode que la clientèle homme. Il fallait créer une montre intemporelle tout en la mettant au goût du jour: seule une femme pouvait relever ce challenge.» A condition qu’elle en ait les moyens, la cliente peut avoir envie de porter un chrono masculin un jour, un tout petit calibre le lendemain, une montre bijou ou manchette le soir même, un modèle classique le surlendemain, un modèle vintage l’après-lendemain, en fonction de son humeur, du personnage qu’elle aura envie d’endosser, de son sac, de ses vêtements, du lieu où elle se trouve, bref… Les horlogers savent qu’il leur est impossible de se calquer sur le calendrier de la mode. «On ne fait pas de soldes dans l’horlogerie, relève Jean-Frédéric Dufour, PDG de Zenith. Les temps de fabrication sont beaucoup plus longs. On travaille sur des cycles minimums d’un an et demi à deux ans. Pour faire un sac, on met trois mois maximum. Le rythme de lancement des produits est différent. On ne peut pas suivre la mode.» Toutefois, il y a quelques tendances à cycles longs qui font sens. Lorsque celle des gros calibres a envahi le marché, la clientèle féminine n’a pas hésité à la suivre. On a vu des Panerai dépassant allègrement les 42 mm sur des poignets minuscules. Tout le Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 29 PHOTOS: DR Arceau Le Temps suspendu 38 mm, La Montre Hermès. Mouvement mécanique à remontage automatique. Boîtier en or rose, glace et fond saphir antireflet. monde semble en être revenu, et la tendance actuelle, pour les deux sexes, est plutôt à un retour vers des calibres plus petits (lire p. 26). Il n’est qu’à voir d’ailleurs la montre qu’a lancée la créatrice Isabel Marant avec la marque JEM. Un modèle en or, de forme carrée, inspiré par celui que portait le père de la créatrice. Pile ce dont les filles et les femmes ont envie. Sauf qu’Isabel Marant n’est pas un horloger et que ses montres sont à quartz. Il n’en demeure pas moins que ce style, plus classique, qui se réfère à une horlogerie traditionnelle est justement ce qui plaît aux femmes aujourd’hui. «Elles veulent des petites montres, couture, confirme Jérôme Lambert, PDG de Jaeger-LeCoultre. Mais faire un petit mouvement automatique en 27 mm, c’est très compliqué: il y a à peine cinq maisons capables de les fabriquer. Or plus c’est petit, moins il reste de place pour faire de l’esbroufe. Il faut que la finesse du métier, le savoir-faire s’exprime. On doit travailler dans la subtilité. Vous allez voir, l’an prochain, il y aura foison de montres féminines signées par des horlogers.» Ce que femme veut. Sans attendre l’an prochain, les manufactures présentent déjà cette année pléthore de modèles qui possèdent cet esprit intemporel et statutaire qui plaît. «Nous avons décidé de ne nous adresser qu’aux femmes pendant le SIHH, explique Christian Selmoni, directeur artistique de Vacheron Constantin. Nous en sommes au début du redéploiement de notre segment féminin. On ressent une forte demande pour des montres classiques, élégantes qui incorporent un mouvement mécanique. Cet intérêt se généralise. C’est un phénomène passionnant. Cela offre un territoire d’expression sans précédent! La montre Patrimony, à l’origine un modèle masculin, a été entièrement repensée pour les femmes – que ce soit la largeur de l’entre-corne, la longueur des cornes, le galbe de la glace, la minuterie – mais sans modifier la substance, la personnalité du modèle originel. On ne pense plus la montre femme en réduction de celle de l’homme.» Il reste encore quelques maisons horlogères pour continuer à croire qu’une montre pour dame n’est rien d’autre qu’un modèle masculin au diamètre réduit, construit en homothétie, avec un cadran nacre, des diamants jetés sur la lunette et un bracelet rose, mais sans doute plus pour très longtemps. La plupart ont compris que ce n’était pas aussi simple. Et que la cliente n’hésitera plus à acheter un modèle masculin qui lui plaît, si aucun modèle féminin n’arrive à la séduire. «Les Européennes ont été les premières à dérober les montres des hommes, poursuit Christian Selmoni mais ce sont les Asiatiques, les grandes collectionneuses de Hong Kong et Taïwan, qui se sont d’abord intéressées aux mouvements. Ce sont deux choses distinctes: dans le premier cas, il s’agissait d’un intérêt pour le design, dans le second, de technique horlogère.» Jérôme Lambert estime que ce nouvel engouement remonte à 2008-2009: «Il y a eu un double basculement qui vient, d’une part, de la clientèle asiatique qui a une aversion pour le quartz et, de l’autre, d’une passion retrouvée pour l’automatique. La clientèle, qu’elle soit masculine ou féminine, est à la recherche d’un contenu, d’une tradition, des valeurs de réassurance.» La mode, la mode… L’arrivée des marques venues de l’univers de la mode sur le marché horloger dès 1972, année de création de Gucci Timepieces par le visionnaire Severin Wunderman, a certainement eu une influence sur la création horlogère. Même si, à l’époque, ces montres, dotées d’un mouvement à quartz, étaient considérées avant tout comme des accessoires de mode. Il a fallu que des maisons comme Chanel, Hermès, Louis Vuitton, Dior, pour ne citer qu’elles, se lancent dans la course, et imposent à la fois un style, et surtout, la force de leur nom de marque, pour que les quelques horlogers ayant longtemps négligé le segment féminin dans leurs collections, s’y intéressent de près. «S’il est assez facile de définir l’horlogerie masculine, il est beaucoup plus complexe de définir l’horlogerie féminine, souligne Nicolas Beau, directeur international Horlogerie chez Chanel. Dans notre cas, l’approche créative de la féminité ne se pose pas dans les mêmes termes que pour les horlogers. On ne fait pas de vêtements pour homme. Chez nous, la femme est reine. La féminité n’est pas un sujet. Et même si la J12 avait été conçue par un homme pour lui-même (Jacques Helleu, qui fut le directeur artistique de l’horlogerie et des parfums, ndlr), nous avons beaucoup de mal à connaître le pourcentage de vente de ce modèle aux hommes. On l’estime à un petit 20%.» Parce que les équipes marketing des grandes marques aiment bien donner un nom à un épiphénomène qu’elles n’ont pas anticipé, mais qu’il leur faut définir afin de créer une demande et ensuite y répondre, elles ont inventé Royal Oak 37 mm, Audemars Piguet. Mouvement manufacture automatique calibre 3120. Date à 3 h. Boîtier, lunette en or blanc pavé de diamants. Glace saphir dos et devant. le terme de «boyfriend watch», comme il existait celui de «boyfriend jean». Il s’adresse aux habitudes de certaines femmes qui, depuis des années, quelles que soient les tendances, les années, les crises, aiment à porter des modèles conçus pour les hommes. Par goût personnel. Et non pas parce qu’elles ont emprunté le garde-temps de leur mari ou de leur amant. Des femmes qui ont l’utilité et les moyens de s’offrir un quantième annuel doté d’un beau mouvement manufacture, et qui n’ont pas demandé que l’on conçoive des modèles rien que pour elles. Ce qui existe leur convenant parfaitement. Thierry Stern pense que c’est un choix dirigé par la marque. «Le meilleur exemple, c’est Rolex. Beaucoup de femmes portent des modèles masculins, parce qu’il n’y a pas le même modèle en version féminine: il y a soit des montres trop petites, soit pour homme. Tant que les manufactures ne proposent pas des modèles qui les séduisent, elles choisissent des modèles homme. C’est plus facile aussi pour une marque: pourquoi travailler sur un design féminin, si la cliente préfère un modèle homme? C’est plus de travail, cela demande de nouvelles boîtes, de nouveaux cadrans, mais c’est notre travail! Nous avons désormais chez Patek une équipe qui travaille à plein-temps juste pour les montres dames. En revanche, nous n’allons pas jusqu’à faire des différentiations entre les mouvements, pour l’instant. Les nôtres sont suffisamment petits et plats pour s’adapter. Pour notre chrono, on a pris des mouvements compliqués homme et, même si l’on n’en avait pas assez, on en a gardé un pourcentage pour les dames.» Féminin jusqu’au cœur Certaines manufactures, en revanche, conçoivent des mouvements spécifiquement pour cette clientèle. Blancpain par exemple (lire interview ci-après). Jaeger-LeCoultre, aussi. «Il est difficile de se battre contre la force d’étiquette de certaines marques. En revanche, si l’on considère qu’une montre se doit d’être automatique, fine, de petite taille, et qu’elle doit présenter des fonctions spécifiques, cela rend les montres horlogères plus pertinentes que jamais», Explique Jérôme Lambert. Raison pour laquelle, dans la Grande Maison, on s’est penché sur les moteurs et l’on a réfléchi à ce qui pouvait être modifié afin de concevoir des modèles qui soient féminins jusqu’au cœur du mouvement. «Il y a vingt ans, une ligne de montres féminines s’appelait Rendez-vous. Il y avait une petite pierre sertie sur la lunette que l’on pouvait faire tourner afin d’indiquer l’heure d’un rendez-vous choisi. Pourquoi ne pas transformer cela en fonction, avec une aiguille? Notre nouveau modèle Rendez-Vous a été lancé en juin 2012. C’est de la belle horlogerie pour femme, avec des mouvements automatiques très fins, très petits, un soin tout particulier est porté au boîtier, aux aiguilles, explique Jérôme Lambert. Cette année, nous la présentons en deux nouvelles versions: un quantième perpétuel, et une montre Céleste. Comme la voûte céleste apparaît sur un cadran de lapis-lazuli, une pierre qui implique un certain poids, cela a entraîné une reconception du mouvement.» Et quand on regarde cette montre avec attention, on découvre que tout, depuis le mouvement jusqu’au décor, en passant par la fonction d’indication de l’heure du rendez-vous, a été pensé et conçu pour la femme. Fifty Fathoms Bathyscaphe, Blancpain. Mouvement automatique, date et seconde, cadran blanc, lunette unidirectionnelle en céramique. Les femmes et les complications L’indication de l’heure d’un rendez-vous, que l’on imagine amoureux, est une fonction qui fait appel au cœur des femmes plus qu’à leur raison. Mais elles ont besoin d’un peu plus que cela pour succomber. Si, aux yeux des hommes, certaines montres à complications sont simplement des «toys for boys», les femmes attendent de leurs outils qu’ils les accompagnent dans leur quotidien et leur soient utiles. «Je pense comme vous, mais c’est totalement contre-intuitif: une idée commune veut qu’une femme choisisse une montre seulement en fonction de son esthétique et l’homme selon la fonction», souligne Jérôme Lambert. Quelles sont dès lors les complications plébiscitées par les femmes? «Le tourbillon, la phase de lune, et le chronographe, répond Jean-Frédéric Dufour, PDG de Zenith. Certaines marques de montres bijoux ont fait des complications plus poétiques et je crois que cela marche très bien. Mais nous faisons plutôt des complications utiles» Lesquelles? «Le Tourbillon, parce que c’est un status symbol. La phase de lune et le chrono, qui est utile dans la vie quotidienne. C’était une fonction qui était très masculine et qu’on retrouve désormais au poignet des femmes.» Toutes les personnes consultées ont placé la phase de lune en tête de liste de la complication utile pour la clientèle féminine. Sans ö Suite en page 30 Patrimony Traditionnelle Dame manuel, Vacheron Constantin. Mouvement mécanique à remontage automatique. Calibre manufacture 1400. Boîtier 33 mm en or rose. Lunette sertie de diamants. Tonda 1950 extra-plate sertie, Parmigiani. Mouvement PF 701 à remontage automatique. Petite seconde à 6h. Décoration «Côtes de Genève». Aiguilles Delta luminescentes. Lunette sertie de diamants, boîtier en or rose. Chronographe Grande Date de la collection Women, Blancpain. Cadran de nacre perlée. Heure décentrée. Affichage des heures et des minutes à 12h, grande date à 6h, Boîtier en or rouge serti de diamants. Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PHOTOS: DR Lady Arpels Ballerine Enchantée, Van Cleef & Arpels. Complication poétique. Boîtier en or blanc, lunette sertie de diamants. Fond du cadran guilloché recouvert d’émail champlevé translucide et or sculpté. Mouvement mécanique double rétrograde, affichage de l’heure à la demande. Ultra Thin Lady Moonphase, collection Héritage, Zenith. Mouvement automatique Elite 692. Epaisseur du boîtier: 3, 97 mm. Masse oscillante avec motif «Côtes de Genève». Heures et minutes au centre, petite seconde à 9h, disque de phases de lune à 6h. Boîtier en or rose. AltiplanoSquelette serti automatique, Piaget. Mouvement squelette serti automatique le plus plat du monde (3 mm d’épaisseur) serti de diamants et de cabochons de saphir noir. Calibre automatique 1200D. Réserve de marche: env. 44 heures. Boîtier en or gris de 6, 10 mm d’épaisseur. Lunette, couronne, cornes et fond saphir sertis. J12 Blanche Phases de Lune 38 mm, Chanel, en céramique high-tech blanche et acier, cadran en opaline finition satin, compteur en aventurine. Mouvement mécanique à remontage automatique, avec phases de lune et date. Réserve de marche de 42 heures. Disponible en boutique à partir d’octobre 2013. Rendez-vous Perpetual Calendar, Jaeger-LeCoultre. Mouvement mécanique à remontage automatique. Année, mois, quantième perpétuel, jour, phases de lune. Réserve de marche de 43 heures. Lunette sertie de diamants. Boîtier en or rose. ö Suite de la page 29 beaucoup. Cela lui permet de savoir l’heure qu’il est là où je me trouve, afin que nous puissions nous appeler. Elle a décidé de prendre une pièce utile», confie Thierry Stern. «Le Temps Suspendu», d’Hermès. Le modèle pour homme avait été lancé en 2011. Le principe? Arrêter symboliquement le temps afin d’être entièrement ancré dans le moment présent. En actionnant un poussoir, les aiguilles des heures et des minutes se relèvent et indiquent un temps qui n’existe pas. Cette année, la maison lance un modèle féminin, mais légèrement modifié. Ce qui était au départ un impératif technique, est devenu un plus poétique. «Elle est un peu différente du modèle masculin, souligne Philippe Delhotal, Directeur Création et Développement de La Montre Hermès. Ce dernier avait une date rétrograde qui se cachait quand on suspendait le temps, or en réduisant le module, on a dû faire disparaître ce mécanisme. Pour le modèle homme, on avait utilisé un mouvement de base ETA 2892 avec un mécanisme additionnel de JeanMarc Wiederrecht. Pour la femme, on a choisi un mouvement Vaucher qui a une particularité: il possède une petite seconde. Avec cette idée de temps que l’on suspend, une aiguille indiquant les secondes, cela n’aurait eu aucun sens. On l’a donc transformée en témoin de marche. Quand on suspend le temps, le mouvement, lui, ne s’arrête pas. La petite aiguille le rappelle en tournant à l’envers et trois fois plus vite. Le chiffre 24 ne se réfère à rien d’autre qu’au 24, rue du Faubourg Saint-Honoré (ndlr: l’adresse parisienne de la marque). Elle a un côté plus fou que le modèle pour l’homme.» Les possesseurs de la montre originale pourront toujours suspendre le temps des regrets… si ce n’était pas le but. Il est difficile de segmenter le marché quand il est question de mouvements d’exception. La marque Parmigiani était une marque essentiellement masculine, jusqu’à ce qu’en 2006, elle lance une vraie collection féminine. «Aujourd’hui nous faisons 30% de notre volume avec les montres dame, explique Catia Hofmann, vice-présidente marketing et communication de Parmigiani. Nous avons serti la lunette de la Tonda 39 mm. avec des diamants très fins. Nous l’avons développée dans l’idée d’avoir une pièce plus féminine, tout en sachant que des hommes pourraient la porter. Elle plaît aux hommes» Idem pour le squelette Altiplano de Piaget, doté d’un mouvement automatique. «Nous avons lancé un squelette entièrement serti pour les clientes amoureuses de la mécanique. Ainsi qu’une Altiplano sertie. Franchement, je pourrais m’imaginer la porter à une soirée. En revanche, je ne porterais pas la squelette sertie», souligne Philippe Léopold Metzger, PDG de Piaget. Lui, peut-être pas, mais on ne voit pas ce qui empêcherait d’autres hommes de succomber. doute parce que l’astre de la nuit a toujours été associé à la féminité, même si le cycle de la lune et celui des femmes diffèrent à un jour et demi près, ce qui, scientifiquement parlant, est une énorme différence. Cette soit disant correspondance entre les deux est donc plus symbolique qu’autre chose. Et le chronographe, en quoi est-il utile? Pour calculer le temps de cuisson des œufs à la coque? Quant au tourbillon, il sert surtout à mettre en avant son pouvoir et sa capacité financière. On sent que là encore, dans la compréhension des véritables besoins des femmes, certains schémas de pensée perdurent. De quoi a-t-on vraiment besoin? Comme les hommes, de connaître la date avec exactitude, donc d’un quantième annuel, ou d’un quantième perpétuel. De pouvoir voyager sans avoir à modifier constamment l’heure de sa montre, donc d’une montre à double fuseau horaire. «Mon épouse porte l’heure universelle, non pas parce qu’elle voyage, mais parce que moi je me déplace De la poésie dans les rouages Mais la femme a aussi besoin qu’on la fasse rêver. Le terme de complication poétique est apparu en 2005. Inventé par Van Cleef & Arpels, il s’appliquait au quantième des saisons, qui faisait un tour en un an grâce à un mouvement développé par le concepteur horloger Jean-Marc Wiederrecht. Depuis, chaque année, le joaillier parisien présente dans ses salons du SIHH une collection de montres qui prêtent à rêver, avant de donner l’heure. Cette année, outre le thème des papillons cher à la marque, et quelques envols de cerfs-volants, on pouvait découvrir les deux pans de la robe d’une fée s’ouvrir comme des ailes pour donner l’heure et les minutes à la demande, telles deux aiguilles rétrogrades. La poésie se niche dans les détails, et confine parfois à une philosophie de vie. Ainsi la montre Les hommes en sont jaloux Par un curieux effet de balancier, il arrive qu’une idée développée pour la femme, se retrouve chez l’homme. «Notre guillocheur a créé un motif pour des montres féminines que l’on va utiliser sur un modèle a priori masculin de 38 mm», confie Christian Selmoni. Il y a quelque chose de flatteur dans le fait qu’un modèle ait été conçu uniquement pour plaire à une femme. Mais un beau mouvement, dans un beau boîtier, n’attire pas qu’une clientèle féminine. «Quelques clients, plutôt asiatiques, ont acheté le chronographe dame», confie Thierry Stern, même Entretien avec Marc A. Hayek, président et CEO de Blancpain «Nousavonsreconstruitunmouvementpourlesfemmes» Le Temps: Les montres féminines ont longtemps été un écueil pour les manufactures réputées pour leurs garde-temps masculins. Comment l’avez-vous contourné? Marc A. Hayek: Cela reste difficile. La femme correspond à 20% de nos ventes chez Blancpain. Il y a une vraie demande pour les montres mécaniques. Nous essayons de concevoir nos complications différemment, comme le chrono avec l’heure décentrée et la phase de lune, mais cela prend du temps. Et c’est difficile. Nous avons aussi rendu le cadran plus féminin, on l’espère, moins rigide, moins géométrique que l’on a l’habitude. Les femmes portent très volontiers des montres pour homme, notamment quand ce sont des complications. Est-ce que l’on ne va pas trop loin pour essayer de les séduire? Je crois qu’il faut pouvoir leur offrir le choix. Chez Breguet, par exemple, la Reine de Naples concentre en elle toute l’expression de la féminité de la marque. Or, elle ne représente pas 90% des ventes des modèles féminins! Les montres beaucoup plus sportives, plus proches des modèles masculins, sont fortement demandées ALAIN GROSCLAUDE 30 Marc A. Hayek. par les dames. Ce n’est d’ailleurs pas forcément à une cliente différente que l’on vend une montre très joaillière et une autre plus masculine. Ces différents modèles correspondent à différents moments dans la vie d’une femme. La femme a des goûts versatiles… Dans l’idéal, j’aimerais accompagner une cliente dans toutes les situations, qu’elle trouve chez nous une montre correspondant à toutes ses émotions, (rire). D’ailleurs, nous allons lancer à Bâle un modèle Fifty Fathom pour dame (photo p. 29). Elle n’a pas de diamant, pas de nacre, c’est juste une petite montre de sport, proche du modèle homme. Mais ce n’est pas un bijou. Elle a un petit côté masculin, mais on doit voir qu’elle est destinée aux femmes. Elle est plus petite, elle fait 38 mm. Quant au mouvement, c’est le même que l’on utilise aussi sur des modèles hommes. On l’a créée en pensant à la montre dont une femme a besoin quand elle fait du sport. Est-ce que Blancpain va lancer une ligne de bijoux comme l’a fait Breguet? Si un jour on découvre notre face féminine, peut-être… Mais ce n’est pas la stratégie actuelle. Je le vois avec Breguet, c’est un tout autre métier. Et il n’est pas facile. Quelles sont les complications chez vous qui ont la préférence des femmes? La phase de lune. C’est une complication moins technique, plus romantique. Elle a toujours été la plus demandée. Qui achète? Il existe un plafond de prix qu’une femme – je ne parle pas des collectionneuses – est moins encline à dépasser qu’un homme. Qui achète vraiment, c’est difficile à dire. Mais qui décide vraiment, c’est la femme, sans aucun doute. En tout cas chez nous. On voit de plus en plus de femmes qui s’offrent leur garde-temps mécanique. Par ailleurs, lorsqu’un homme veut faire un cadeau à une femme, Blancpain n’est pas un choix évident: il choisira plus facilement une marque réputée pour ses produits féminins, ou bien une maison dont la femme possède déjà des bijoux, afin d’être sûr que cela lui plaise. Beaucoup de clientes sont amenées chez nous par leur mari. Nous ne sommes pas extrêmement forts en communication féminine, je dois l’admettre. Est-ce qu’il y a un profil de l’acheteuse des montres Blancpain? Là encore, c’est difficile à dire. Cela varie selon les cultures, les pays. Si je compare les deux marques, la Reine de Naple de Breguet a beaucoup de succès en Russie, mais ce sont les hommes qui l’achètent. Comme la plupart des montres bijoux, d’ailleurs. Les collections féminines de Blancpain, en revanche, n’y connaissent pas ce succès, justement parce qu’il y a moins de femmes qui s’offrent leurs montres ellesmêmes. En revanche, en Europe et en Chine, c’est tout le contraire. Pour en revenir au visage de la montre, votre dernier chrono porte un cadran de nacre, avec des diamants de la lunette. Faut-il en passer par là pour faire une montre pour femme? Non, pas forcément. Mais le cadran de nacre, à mes yeux, a une beauté exceptionnelle. On en a fait aussi pour des hommes et c’est magnifique, même si je ne les porterais pas. Mais nous ne nous sommes pas contentés de jouer avec les matières. Cela ne suffit pas de réduire un mouvement et de le mettre dans une boîte plus petite. Nous l’avons reconstruit spécialement pour les femmes. Nous l’avions déjà fait avec la phase de lune avec heure décentrée l’an passé. Cela nous permet de déplacer les compteurs, de donner une esthétique différente à la montre. Nous voulions surtout nous éloigner des modèles homme. Même si cela prend du temps: il faut compter quand même un an et demi de travail pour changer une heure décentrée! Propos recueillis par I. Ce. guebelin.ch Tradition signée Gübelin. Chez Gübelin, la connaissance des pierres fines repose sur une longue tradition familiale. Aujourd’hui, nos expertises scientifiques et nos estimations de gemmes sont reconnues par les spécialistes du monde entier. C’est ainsi qu’une passion se transmet de génération en génération. À l’instar d’un bijou précieux. Tambour In Black Chronographe automatique LV 277 Manufacturé en Suisse dans les Ateliers Horlogers Louis Vuitton de La Chaux-de-Fonds En vente exclusivement dans les magasins Louis Vuitton. Tél. 022 311 02 32 louisvuitton.com HORLOGERIE Ignition! Photographies et réalisation: Denis Hayoun www.dior.com - 044 439 53 53 Or rose, diamants et céramique. Mouvement automatique. Réserve de marche de 40 heures. Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PORTFOLIO Page précédente: Mille Miglia 2013, Chopard. Chronographe mécanique à remontage automatique certifié Chronomètre COSC. Réserve de marche de 46 heures. 28 800 alternances par heure. Cadran 3 compteurs à 12h, 6h, 9h. Petite seconde à 9h. Affichage du deuxième fuseau horaire au centre. Quantième à guichet à 3h. Tachymètre. Etanche à 100 m. Boîtier en or rose. Edition limitée à 250 pièces. Ci-dessus: Bugatti Super Sport, Parmigiani Fleurier. Calibre PF 372 à remontage manuel conçu en cascade, sur deux plans. 21600 alternances par heure. Réserve de marche de 10 jours. Balancier visible, pont circulaire de réserve de marche gradué sur 10 jours et placé au centre. Six glaces saphir montrent les 333 composants. Décoration «Côtes de Genève», platines perlées, sablées et anglées à la main. Etanche à 10 m. Cadran opalin noir avec base or en hommage à la Bugatti Veyron 16.4. 35 36 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PORTFOLIO Seamaster Bullhead Co-Axial Chronograph, Omega. Calibre exclusif Omega 3113, mouvement chronographe à remontage automatique, certifié Chronomètre. Réserve de marche de 52 heures. 28800 alternances par heure. Echappement Co-Axial sur 3 niveaux. Petite seconde à 6 h, guichet de date à 3 h et 30 mn centrales à 12 h. Cadran «Sport-Chic» avec motif inversé «Clous de Paris». Boîtier en acier inoxydable. Etanche à 150 m. Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 Horlogerie PORTFOLIO Modèle R10 de la collection L-evolution, Blancpain. Mouvement 6950, Grande Date double guichet, spiral en silicium. Boîte en acier brossé, cadran en fibre de carbone, fond saphir. 37 38 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 PORTFOLIO Carrera Carbon Calibre 1887 Concept Chronograph, TAG Heuer. Mouvement de manufacture Calibre 1887. Chronographe automatique. Compteur des heures à 3 h. Compteur des secondes à 6 h. Compteur des minutes à 9 h. Guichet de la date à 6 h. Eléments en composite de carbone typiques de la Formule 1 et de l’aéronautique. Boîtier en carbure de titane poli satiné à la main, cage en acier satiné et sablé, tachymètre et pulsomètre sur le cadran. Boîtier, fond et lunette en fibre de carbone ultra-fine. Nous remercions le garage Lambo Cars SA, concessionnaire Lamborghini à Plan-les-Ouates, qui a mis à notre disposition ses belles mécaniques. BR 01 Tourbillon 46 mm . Régulateur . Réserve de Marche 120 heures . Indicateur de précision . Boîtier titane finition carbone . Ponts et cadran en fibre de carbone . édition limitée à 60 pièces . Bell & Ross Suisse : +41 32 331 26 351 . [email protected] . e-Boutique : www.bellross.com 40 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 TIM CHONG/REUTERS Formule 1 Ferrari. Hublot est sponsor et chronométreur de l’écurie. MOTEURS PolePosition L Sensibiliser un nouveau public PHOTOS: DR ors d’une course automobile, le nombre de concurrents sur la piste augmente l’attractivité de la compétition auprès du public, car il multiplie les confrontations possibles et accentue le suspense. En horlogerie, c’est un peu pareil. Si une marque de référence réussit à focaliser l’attention des médias spécialisés sur une activité sportive, il y a toutes les chances que les sociétés déjà présentes dans cet univers profitent de retombées plus importantes. Depuis quelques années, ces médias spécialisés dans le secteur horloger boudent un peu la Formule 1™, discipline reine des sports automobiles. Mais l’annonce, connue le 5 décembre 2012, de l’arrivée en 2013 et pour plusieurs années de la manufacture Rolex comme l’un des principaux partenaires de la Formule 1 ™ en tant que Chronométreur officiel et Montre officielle devrait changer le regard des professionnels et passionnés d’horlogerie sur ce sport. Hublot Big Bang Ferrari «Carbon Red Magic», modèle de 45,5 mm avec boîtier en fibre de carbone édité à 1000 exemplaires. Chopard Mille Miglia 2013: un chrono attendu sur son bracelet au profil de pneu Dunlop des années 60. La relation qu’entretiennent les horlogers avec l’automobile est née d’une passion pour la belle mécanique. Rolex Oyster Perpetual Cosmograph Daytona avec gravure spécifique pour les vainqueurs des 24 Heures de Daytona. Un chrono de référence puisque le modèle fête ses 50 ans. ROLEX/TOM O’NEAL Les marques horlogères, toujours en course pour conquérir un nouveau public, sont nombreuses à capitaliser sur l’univers automobile, tous secteurs confondus, parce qu’il véhicule des valeurs fortes et universelles. L’occasion, pour ces compétitrices dont on connaît les partenariats, de se mesurer sur fond de performances, de chrono, de mécaniques élaborées et de belles carrosseries. Par Vincent Daveau BRM CNT-44-Gulf: l’acronyme du Français Bernard Richards Manufacture. Une montre bien lubrifiée Gulf avec container d’huile. La démarche n’est pas innocente, car ce sport mondialement rediffusé touche un énorme public. Et, même s’il est annoncé en baisse avec un chiffre officieux d’un demi-milliard de téléspectateurs en 2012, soit une perte d’une quinzaine de millions par rapport à 2011 (essentiellement chinois), ce volume d’audience demeure colossal. Cela n’a pas échappé à la sagacité des entreprises qui, dans des périodes où la concurrence se fait rude, ont besoin d’une visibilité importante pour entretenir leur notoriété, mais également pour séduire les foules et ainsi espérer élargir leur cercle de chalandise. Rolex a donc mis la main sur les retransmissions audiovisuelles des 20 Grands Prix comme l’avait fait TAG Heuer en son temps, de 1992 à 2003. Seule différence avec les années passées: huit des Grands Prix, contre trois en 2000, seront courus dans des marchés stratégiques intéressant au premier chef les horlogers, dans leur ensemble… On l’aura compris, être en première ligne augmente les chances de renforcer sa position sur les marchés concernés. Cela vaut bien quelques millions! Alors, c’est un fait, la marque à la couronne a perdu des chevaux avec l’arrivée de Longines dans les concours de la FEI (Fédération équestre internationale), mais elle est parvenue à renforcer considérablement sa puissance dans le secteur automobile, qui ne manque pas de chevaux non plus. Ainsi, en plus de la F1, Rolex occupe une place privilégiée dans l’univers des courses automobiles d’endurance… On pense à l’engagement historique de Rolex avec les 24 Heures de Daytona (USA), mais également à la reconduite de sa présence aux 24 Heures du Mans en tant que «Montre officielle» pour les prochaines années. On comprendra d’autant mieux ce positionnement que cette année 2013 est l’occasion de célébrer le cinquantenaire du célèbre Chronographe Cosmograph Daytona dont la production a débuté en 1963. Grille de départ On connaît la marque de montres en «pole position» dans la course à la visibilité horlogère dans l’univers automobile! Mais quelle maison occuperait potentiellement la deuxième position sur une grille de départ de Grand Prix? Difficile de départager TAG Heuer et IWC. Dans l’absolu, les accords passés par TAG Heuer avec McLaren, mais aussi avec l’Automobile Club de Monaco lui permettant d’avoir une présence privilégiée au Grand Prix de Monaco, donnent un certain avantage à cette maison sur IWC dont la carte principale demeure son accord de partenariat avec l’écurie Mercedes AMG-Petronas. Rapportée à l’échelle purement horlogère, cette compétition entre le trio de tête constitué de Rolex, TAG Heuer et IWC prend un drôle de tour. En effet, le fameux chrono Daytona de Rolex partagera la tête d’affiche avec le chronographe Carrera de TAG Heuer car ces deux références fêtent, en 2013, leurs 50 ans de bons et loyaux services… Mais attention, il faut compter d’autres protagonistes dans cette fantastique course médiatique. Si les trois ténors sont bien cernés, d’autres maisons horlogères affichent également leurs prétentions au titre. Ainsi, Hublot, ancien tenant du titre de Montre officielle de la F1, est partenaire de Ferrari depuis 2011 partout dans le monde et affichera sa présence comme chronométreur de la Scuderia Ferrari et à bord des monoplaces rouges, à grand renfort de logos sur les meilleurs emplacements. La Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 ROLEX/TOM O’NEAL Les 24 Heures de Daytona en Floride, de nuit. maison Oris, entreprise horlogère indépendante basée à Hölstein en Suisse alémanique reste également, plus que jamais, dans la course et a reconduit, pour la 11e année pleine, son contrat qui la lie au Team Williams. Assurément, cette entreprise devrait pouvoir profiter au mieux de cette implication. suppose que la pièce présentée, tout en restant classique, intègre différents éléments en matière «high-tech» comme du Cerachrom, par exemple. Dans le même esprit, nul indice ne permet de savoir comment seront les montres Oris dédiées à l’univers de la F1, mais il est possible de conjecturer que le titane, le carbone et le caoutchouc seront de la partie. Des montres à forte personnalité Richard Mille RM 011 Spa Classic: boîtier en titane calibre chronographe flyback, compte à rebours, bracelet caoutchouc. IWC Ingenieur Automatic Carbon Performance: boîtier en fibre de carbone, calibre automatique. Oris, chronographe Calobra: boîtier en acier de 44 mm, calibre automatique 774, base Sellita. Edition limitée à 1000 exemplaires. Cette année, La Formule 1™ sera hyper-représentée dans le monde horloger en raison de la présence nouvelle de Rolex. On peut soupçonner que cette participation va mettre de l’huile dans les rouages et contribuer à concentrer l’attention du public sur quelques grandes courses, autres que la F1tm que les médias avaient un peu délaissées. Cette année, avec l’anniversaire du célèbre Oyster Perpetual Cosmograph Daytona et l’implication de Rolex en F1, l’intérêt des journalistes européens pour les Rolex 24 at Daytona a été largement supérieur à la moyenne habituelle. Cela n’a évidemment pas chamboulé la vie des consommateurs, mais a contribué à mettre l’accent sur la durée record de ce partenariat entre un circuit et une manufacture. 51 ans… Autre circuit magique: Le Mans… Et une course mythique: les 24 heures du même nom. Et, là encore, Rolex. On soupçonne qu’elle y prend du plaisir, car la marque à la couronne vient de signer un nouveau contrat comme Montre officielle pour cette compétition mythique. Elle ne sera pas la seule maison d’horlogerie présente durant cette épreuve reine. Mais elle demeure toujours égale à elle-même et ne se mélange jamais au groupe des enseignes prêtes à en découdre sur le terrain. Elle laissera ce plaisir à TAG Heuer qui, elle aussi, fête cette année les 50 ans de l’un de ses modèles phares: le chronographe Carrera. Présente aux côtés d’Audi depuis 2009, la maison TAG Heuer sera, cette année encore, associée à cette firme qui brigue un énième podium en Endurance. Mais elle n’est pas seule, car la marque Rebellion, présente en American Le Mans Series (ALMS) et en World Endurance Championship (WEC), sera également là avec une Lola sur la piste et au poignet des pilotes avec des créations horlogères dont les matériaux et le design sont inspirés du monde de l’automobile… L’univers du Grand Tourisme Parmigiani Fleurier Bugatti Super Sport édition spéciale de 30 pièces en or rose 18 carats bracelet alligator Hermès. On pourrait imaginer la présence de Jaeger-LeCoultre sur le circuit sarthois (Le Mans) car il se dit, dans les paddocks, que la marque horlogère du Sentier et le constructeur anglais Aston Martin envisagent des partenariats croisés pour les anniversaires des deux avec le constructeur britannique Bentley en présentant le chrono Breitling for Bentley Light Body Midnight Carbon, une référence puissante et racée, tout à fait dans la veine des GT les plus tendances parées de carrosseries noir mat. Mais à ce jeu, Parmigiani Fleurier n’est pas la dernière à s’inspirer des créations automobiles de son partenaire: le célèbre constructeur Bugatti. L’association est réussie, la dernière Parmigiani Fleurier Bugatti Super Sport Rose Gold en est la plus belle expression. Le passé qui inspire La relation qu’entretiennent les horlogers avec l’automobile est née d’une passion pour la belle mécanique. Et celle-ci s’incarne plus particulièrement dans l’univers des voitures de collection. Délicates, souvent faites à la main et à l’unité, elles partagent avec les montres mécaniques de demander de l’attention et de la méticulosité pour leur entretien comme au premier jour. La maison familiale Chopard, codirigée par Caroline et Karl-Friedrich Scheufele, a parfaitement analysé ce qui liait les uns aux autres et s’implique comme partenaire dans la course des Mille Miglia depuis 1988. Difficile de faire mieux en termes d’antériorité. Cette année, comme d’habitude, ce rallye ralliant Brescia à Rome et retour donnera lieu à la présentation d’une nouvelle référence spécialement créée pour l’événement. Apprécié des amateurs, le modèle de cette année reprend les éléments qui ont fait son succès et multiplie les allusions à l’univers de la collection. Ainsi, les poussoirs de chrono ne sont pas sans rappeler les boutons des tableaux de bord des voitures de sport d’antan, les compteurs de chrono s’inspirent MALCOLM GRIFFITHS/WWW.MGPHOTO.UK.COM L’endurance dans la peau PHOTOS: DR Mais, pour un horloger, pareille visibilité doit être suivie d’effet et donner naissance à un produit dans l’esprit de la Formule 1. On sait, à date, quelle sera la montre proposée par Hublot. Il s’agit d’une Big Bang Ferrrari «Carbon Red Magic». Ce garde-temps est le porte-étendard de l’engagement de la marque dans l’univers automobile, mais il est également l’emblème de l’entreprise vers la verticalisation. En effet, la boîte en fibre de carbone et le calibre Chronographe Unico sont conçus, développés et produits dans les murs de la manufacture Hublot. On notera que ce chronographe, bien dans la tendance du moment, est habillé d’une boîte usinée en fibre de carbone. Tendance oui, car TAG Heuer présente également avec le Carrera CMC Concept un chronographe avant-gardiste au boîtier en fibre de carbone et piloté par un calibre automatique 1887. Et, parce qu’une bonne idée est souvent partagée, la montre Ingenieur Automatic Carbon Performance d’IWC a retenu le même genre de livrée pour faire plus Formule 1™. Petit détail qu’apprécieront les connaisseurs sur cette pièce: le traitement de la masse oscillante avec ses pistons et ses bielles gravées… Certains puristes s’étonnent de l’importance accordée à la fibre de carbone dans le secteur horloger haut de gamme dès qu’il s’agit d’évoquer l’univers de la Formule 1™ et plus largement de l’automobile… Mais le phénomène n’est pas nouveau. Cette matière habillait déjà les cadrans des garde-temps associés à l’univers des voitures, il y a de cela dix ans. Avec les progrès de la technologie et des savoir-faire, la généralisation des boîtiers composites tombe presque sous le sens… A savoir maintenant si cette matière, comme le titane ou la céramique, aura la chance d’être anoblie par les consommateurs… Cela reste à voir. Pour les autres, concurrents de cette course à l’image dans l’univers mécanique à forte valeur ajoutée, certaines marques présentes dans l’univers de la Formule 1™ comme Oris ou Rolex, n’ont pas encore dévoilé leur jeu. On se doute que Rolex va présenter un nouveau chronographe Daytona, mais personne ne sait comment il sera. Toutefois, en raison de l’orientation générale du marché et des désirs du public que la marque sait très bien analyser, on maisons: les 180 ans de l’horloger et le centenaire du constructeur britannique. Bien entendu, une bonne idée ne venant jamais seule, TAG Heuer, à l’occasion du cinquantenaire du chrono Carrera, s’est rapprochée de l’univers des GT en s’associant, lors du Salon de l’automobile de Genève, au pôle McLaren Automotive, car le constructeur fête également ses 50 ans d’existence. Les fanatiques de montres peuvent sans aucun doute se réjouir. Il y a fort à parier que ces relationnels très particuliers donnent naissance à des montres dédiées, du meilleur cru. Des pièces qui, à l’instar du chronographe Blancpain 8886F Supertrofeo Flyback, sont nées de la compétition et de l’investissement de Blancpain au sein du Lamborghini Super Trofeo. Un univers qui semble plaire à la marque horlogère puisqu’elle est également «sponsor titre» pour les Blancpain Endurance Series et la Montre officielle des ADAC GT Master, un championnat automobile Pro-Am, pour ceux qui l’ignoraient. Evidemment, d’autres entreprises – et elles sont nombreuses – occupent le segment. Parmi celles qui proposent des produits inspirés de cet univers des GT, on citera Graham. Cette maison, présente en Swiss Porsche Cup, propose des produits dédiés, dont les bracelets s’inspirent, comme pour la Silverstone Stowe 44, de profils de pneus de GT. On pense également à la marque française BRM qui entretient un important relationnel avec des sociétés gravitant autour de l’univers automobile dont les sociétés Gulf (lubrifiants) et Renault, à travers les WSR. On sait également la manufacture Breitling impliquée dans le secteur avec la collection Breitling for Bentley. Cette année, la marque souligne son association La Lamborghini Gallardo aux couleurs de Blancpain lors du Blancpain Super Trofeo. 41 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 DR/GPMH 42 La manufacture Chopard est le Chronométreur officiel et sponsor du Grand Prix de Monaco Historique: une rencontre au sommet dans un univers de belles mécaniques. Machines à voyager dans le temps Graham Chronographe Silverstone Stowe 44: boîtier en acier de 44 mm, calibre automatique G1702 bracelet en gomme au profil de pneu de GT. Tendance rétro-futuriste En raison des commémorations et autres anniversaires, on aurait pu imaginer une opération entre Richard Mille et le circuit du Mans, dans la Sarthe, puisque ce dernier fête ses 90 ans. En fait, le calendrier ne permet pas au principal sponsor du Mans Classic de célébrer l’événement, mais qu’à cela ne tienne. Richard Mille, collectionneur de voitures de course de collection sera, cette année, plus que jamais présent dans l’univers automobile vintage. Celui qui a su transcender la mécanique horlogère inspirée de l’univers automobile sera, cette année encore, le partenaire principal du Grand Prix Historique de Pau qui aura lieu du 10 au 12 mai. Il sera également partenaire principal du Grand Prix de Pau Moderne (18-20 mai) et, pour la première fois, de celui de Spa Classic, en Belgique, qui aura lieu du 24 au 26 mai. A l’occasion de cette compétition qui se déroulera sur cette piste vallonnée très réputée pour son tracé sinueux, ce fanatique de mécanique, toujours prêt à en découdre au volant de l’une de ses propres voitures quand il en a la possibilité, dévoilera la RM011 Spa Classic, une édition limitée à 50 pièces de son chronographe automatique Flyback avec compte à rebours, quantième annuel et rotor à géométrie variable. Evidemment, cette pièce portera les couleurs de l’épreuve. Breitling for Bentley Light Body Midnight Carbon: un chrono viril et puissant édité à 1000 exemplaires avec bracelet au motif inspiré des calandres de voitures. Blancpain Chronographe L-evolution Flyback à Rattrapante: boîtier en carbone et matériaux de pointe. Grande Date bracelet Alcantara et fibre de carbone. Cette année, Audemars Piguet sera présent dans le secteur automobile en tant que sponsor du rallye Gstaad Classic Audemars Piguet qui aura lieu du 25 au 28 septembre 2013. Elle abandonne en revanche le Tour Auto, rallye qui aura lieu durant Baselworld et c’est presque dommage car le retour médiatique de l’opération se confondra dans le milieu horloger avec la présentation de toutes les nouveautés découvertes durant ce salon proposant un nouveau visage. Pour la première fois, Hublot sera le partenaire horloger de cette course organisée par Peter Auto et devenue au fil des ans une vraie référence en Europe. L’occasion pour les équipages et le public nombreux de découvrir des voitures dans un état exceptionnel et une marque de montres dont l’inspiration automobile est nettement plus orientée vers le présent. Il semblerait que pareil investissement vaille la peine d’être fait puisque des maisons plus accessibles – en termes de prix public – s’impliquent dans le secteur. Ainsi, en début d’année, la maison Tissot était le partenaire des Alpine-Renault pour le Rallye Historique de Monte-Carlo qui se déroulait du 25 janvier au 1er février 2013. Moment privilégié pour mettre sur le devant de la scène la montre Heritage PR516, une pièce inspirée d’un modèle historique datant de la fin des années 60, soit la période où les «Alpines» brillaient en rallyes. Mais il y a bien d’autres protagonistes de ces rencontres qui fonctionnent comme autant de machines à remonter le temps. Ainsi, Oris a été partenaire à la mi-mars (14 au 16 mars) du «Rally Clasico Isla Mallorca». Ce rendez-vous des passionnés de voitures de sport anciennes, parrainé par Oris et rebaptisé pour l’occasion «Oris Rally Clasico Isla Mallorca», a été le prétexte pour la marque de Hölstein de proposer le chronographe Oris Calobra en édition limitée à 1000 exemplaires: une belle référence virile et rétro-futuriste utile en course et portant, au dos, une gravure rappelant cet événement. TAG Heuer Carrera CMC Concept Chronographe: boîtier en composite à matrice carbone 19 g et calibre chrono 1887. DR PHOTOS: DR de ceux des tachymètres des voitures de sport du passé. Mais c’est indéniablement le bracelet reprenant le profil d’un pneu Dunlop des années 60 qui constitue le fil conducteur de ces montres qui, au cours des années, forment une collection cohérente qui sert de signe de ralliement entre amateurs. Ce n’est pas la seule car, aujourd’hui, la ligne Superfast incarnant les valeurs du Grand Prix de Monaco Historique, dont Chopard est également le sponsor et Chronométreur officiel, possède, en plus de disposer d’un calibre de manufacture, de codes forts et distinctifs à même de permettre aux passionnés d’automobiles de se reconnaître entre eux. Tissot était déjà engagée dans l’univers «vintage» en 1966, date de la photo où l’on voit la Visodate PR516. La pièce est rééditée cette année à l’identique. Pour chaque semaine de l’année. La Patravi Calendar est la première montre de boîtier rond à être dotée du mouvement de manufacture de Carl F. Bucherer. Le module fonctionnel CFB A1004, la masse oscillante périphérique, le mécanisme de grande date, ainsi que l’affichage hebdomadaire le confirment: la Patravi Calendar représente l’instrument parfait pour mesurer le temps, aux yeux des esthètes aussi bien que des amoureux de la technique. www.carl-f-bucherer.com BUCHERER boutiques Bâle, Freie Strasse 40, T 061 261 40 00, Berne, Marktgasse 2, T 031 328 90 90, Davos, Promenade 69, T 081 410 00 50, Genève, 45, Rue du Rhône, T 022 319 62 66, 22, Rue du Mont-Blanc, T 022 732 72 16, Interlaken, Höheweg 43, T 033 826 02 02, Lausanne, Rue de Bourg, T 021 312 36 12, Locarno, Piazza Grande, T 091 751 86 48, Lugano, Via Nassa 56, T 091 923 14 24, Lucerne, Schwanenplatz 5, T 041 369 77 00, Saint-Gall, Multergasse 15, T 071 222 02 22, St. Moritz, Via Maistra 17, T 081 833 31 03, Zermatt, Bahnhofstrasse 6, T 027 967 53 53, Zurich, Bahnhofstrasse 50, T 044 211 26 35, Zurich aéroport, Airside Center, T 044 800 85 40, KURZ boutiques Bâle, Freie Strasse 39, T 061 269 60 60, Lucerne, Weggisgasse 25, T 041 419 40 20, Zurich, Bahnhofstrasse 80, T 044 219 77 77 et SWISS LION boutiques Engelberg, Titlis, T 041 372 10 90, Lucerne, Löwenplatz 11, T 041 410 61 81. Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 FÉERIQUE Reuge, paradisdes mélodies artificielles L’entreprise plus que centenaire tend à se moderniser en conservant intact son savoir-faire artisanal, entre sidérurgie et métier d’art. Maîtres du design ou de l’horlogerie s’intéressent aujourd’hui à la boîte à musique, objet «vintage» par excellence, diffusant des mélodies de velours au moyen de cylindres de laiton. Cage à oiseaux chanteurs automates. Volière de la cour, collection 1865. REUGE Par Géraldine Schönenberg. Photos: Véronique Botteron «L a musique creuse le ciel», écrivait Baudelaire. Sous le plafond ouaté qui recouvre la route en lacets menant au Balcon du Jura, le soleil, lui, tarde à percer. A Sainte-Croix, la manufacture, bâtisse discrète et désuète, vestige de l’architecture industrielle des années 20, se devine sans s’imposer. Cet écrin prosaïque en renferme de plus allégoriques: les boîtes à musique de luxe. Tabatière ouvragée d’où surgit un minuscule oiseau au ramage cristallin et au plumage irisé, meuble en bois marqueté dont les ouvertures s’inspirent de l’architecture d’Azerbaïdjan, cage de verre au design futuriste, les coffrets ont mille facettes mais leur cœur bat au même rythme depuis le XIXe siècle, celui de la musique mécanique. Un son tintinnabulant, à la fois métallique et rond, qui ramène à la quiétude des endormissements de l’enfance, au mystère et à la féerie. Notions dénigrées ou valeurs refuges? Il semblerait que l’objet anachronique revienne hanter l’imaginaire au XXIesiècle. Car la boîte à musique, dont Reuge est le seul fabricant artisanal mondial, recommence à capter l’attention après des décennies de désintérêt, des designers de renom, comme les frères Campana ou le fondateur de la marque MB&F, Max Büsser, s’appropriant la boîte à rêves. «Comme cadeau, une boîte à musique est plus exceptionnelle que n’importe quel autre objet de luxe», affirme Kurt Kupper, CEO de la marque. «Elle permet de laisser un message de longue durée, tout le monde s’en souvient. S’il est interdit de rêver aujourd’hui, les adultes ont pourtant toujours des émotions…», ajoute-t-il en actionnant le remontoir d’un simple galet de bois. Une sonorité claire, lisse, enveloppante s’échappe, qui parle à l’âme. «Une étude initiée par une université au Japon prouve que l’impact sur le bien-être est plus grand si vous écoutez une mélodie provenant d’une boîte à musique que d’un MP3 ou d’un CD par exemple», affirme le CEO. L’impact sur le corps serait lui aussi différent, le son d’une musique mécanique provoquant des ondes, des vibrations que n’émet pas une musique électronique. Il suffit de passer la main sur la table où est posé l’écrin mélodieux pour s’en rendre compte. «La résonance n’est pas la même selon que le boîtier est en verre, en bois ou en acrylique, ajoute le CEO. Si vous posez n’importe lequel d’entre eux sur du bois, le son a une grande amplitude. Sur du tissu, la sonorité est éteinte, moins riche.» Kurt Kupper nous présente un imposant coffret où trône un téléphone portable. L’objet a été personnalisé pour le Montreux Jazz Festival sur une idée du défunt Claude Nobs. «Dans ce modèle uni- que, l’iPhone se charge par induction. Lorsque l’on reçoit un appel, le mécanisme de la boîte à musique se met en route et joue Smoke on the Water, des Pink Floyd, voilà un exemple de modernisation!» s’exclame Kurt Kupper, qui a été appelé justement à dépoussiérer l’entreprise il y a six ans. Venant du monde horloger, il savait que les créations Reuge, au début des années 2000, ne s’adressaient encore qu’aux chefs d’Etat pour les plus belles pièces ou aux touristes fortunés qui souhaitaient rapporter chez eux un peu de la tradition suisse exposée dans les vitrines des grands hôtels… «Reuge est redevenue attractive aujourd’hui grâce aux écrins modernes, mais les gens achètent toujours les boîtes en bois qui touchent au cœur de l’émotion», affirme Kurt Kupper qui a mille idées en partenariat avec d’autres entreprises pour démocratiser ce savoir-faire unique au monde, comme une machine à café, par exemple, qui enclencherait une mélodie en même temps que la capsule pour se réveiller en douceur… Le CEO souhaite développer de nombreuses collaborations d’opportunismes mutuels: «Dans l’horlogerie, le créneau de distribution est figé mais pas chez nous. On peut tout inventer», dit-il. Pour séduire la riche clientèle brésilienne, par exemple, il a imaginé insérer dans le mécanisme du niobium, Ci-dessus: L’habillage des oiseaux avec des plumes véritables: un métier d’art. Ci-dessous: Les volatiles prêts à se nicher dans une tabatière ou une cage ouvragée. PHOTOS: VERONIQUEBOTTERON.COM 44 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 matériau utilisé en aéronautique et dont le Brésil détient des mines colossales. «On voulait obtenir la mélodie grâce à ce métal. Mais c’est impossible. On a donc essayé avec la platine.» C’est durant Baselworld que Reuge va proposer une pièce unique, élaborée avec la marque horlogère MB&F, la «MusicMachine». «Nous avons approché la manufacture il y a un an. J’avais toujours rêvé de fabriquer une boîte à musique à la MB&F. C’est la première idée que l’on expérimente en dehors du champ de l’horlogerie. Ça a été une collaboration incroyable», dit Max Büsser. Evoquant la magie du son d’une boîte à musique, qui hypnotise un public de tous âges. «C’est un moment de tendresse, de poésie dans un monde qui en manque beaucoup», avouet-il. Il souligne que, depuis les années 70, il n’y a plus aucune raison pratique de produire un mouvement mécanique, donc autant le transformer en art, comme il le fait avec ses sculptures fantastiques. «Reuge a la même démarche que nous. J’ai dessiné un objet que j’avais envie d’avoir, un caprice d’enfant. On est dans l’univers de La Guerre des étoiles, des navettes spatiales. J’avais envie d’électriser cette vénérable maison, qui est la seule au monde à posséder ce savoir-faire haut de gamme», poursuit Max Büsser. L’architecture métallique de base semble avoir été pensée pour une de ces machines insensées de MB&F. «On dirait que les cylindres sont les réacteurs de l’engin. Une boîte à musique est très proche de l’horlogerie: il y a un barillet que l’on remonte, un système qui transmet l’énergie au cylindre par des régulateurs de vitesse, qui est le même que celui d’une Répétition Minute.» Les prototypes alignés dans la salle d’exposition de la manufacture de Sainte-Croix, qui n’a jamais cessé sa production depuis sa création en 1865, évoquent des périodes révolues où la boîte à musique faisait partie du patrimoine familial, mais aussi les temps futurs, le mouvement mécanique haut de gamme s’adaptant aux nouvelles technologies et s’insérant dans des coffrets design, donnant un nouveau ressort et une impulsion de jeunesse à l’objet suranné. De la tabatière à oiseau chanteur en verre et laiton au mécanisme apparent à l’arche de verre minimaliste, du boîtier peint d’arabesques serties de cristaux Swarovski à la table mu- sicale en marqueterie «tapisserie» ou encore de la coque d’acajou en forme de bateau recouvert d’une voile en carbone au oud, instrument oriental joufflu, la galerie des boîtiers et des meubles, luxueux automates disparates, attendent qu’une main actionne leur mécanisme pour faire retentir leurs mélodies cristallines. Un modèle étonnant d’où se dressent des épis de blé trempés dans un bain d’or attire l’œil. Il s’agit d’une pièce créée en 2010 par des étudiants de l’ECAL lors d’un workshop autour de la nature, initié par les frères Campana, les épis s’activant aléatoirement en même temps que la mélodie. Mais de quoi sont composées les entrailles de ces boîtes ouvragées au clapet fermé et à l’air sage? De tout un jeu de cames, de vis et de ressorts autour de leurs organes vitaux, un cylindre orné de picots minuscules (les goupilles) et un clavier à lames. Nous partons à la rencontre de ceux qui, étape après étape, arrivent à faire chanter le métal. La manufacture résonne de cliquetis mystérieux. Sébastien, ouvrier polyvalent comme la plupart des employés, est actuellement préposé à l’atelier des claviers où de petites plaques de métal subissent plusieurs opérations destinées à les métamorphoser en une sorte de peigne: fendage, ébauchage, puis effilage des lames. Une fraiseuse tourne dans un bain d’huile, découpant le métal. «La machine a trente ans, elle a été développée par des mécaniciens à l’interne», explique l’artisan. Les claviers sont ensuite introduits, par Philippe cette fois, dans un four durant sept minutes pour atteindre une température de 800 degrés avant d’être plongés dans un bain d’huile, un procédé métallurgique qui donne une dureté à l’acier, permettant d’obtenir un son parfait. Le four (appelé «trempe») date de la construction de la manufacture en 1920, sa carcasse est encrassée et culottée comme une vieille cafetière. L’atelier suivant est le royaume d’un magicien aux doigts d’une souplesse surnaturelle, Didier, qui y trône depuis trente ans. Il est chargé du polissage latéral de chaque clavier à l’aide d’une meule avant d’enlever la calamine, la couche d’oxyde de fer qui macule le métal suite à la trempe. Le clavier est indissociable d’une masse de DR La MusicMachine, une collaboration exclusive entre Reuge et MB&F. Un vaisseau spatial à la coque en noyer laqué, composé de deux mouvements musicaux indépendants. Chacun comprend une hélice de remontage, un barillet à ressort en forme de piston sous l’hélice et le cœur du mécanisme: un cylindre à picots associé à un clavier à lamelles. plomb qui lui donne son poids. Celui-ci est coulé et forgé sur place puis la masse est pré-sciée de façon à ce que chaque lame ait sa masse indépendante. C’est à ce moment-là que l’on obtient les premiers sons. «Le pré-meulage du clavier se fait grâce à un diapason. J’ai été embauché parce que j’avais l’oreille musicale», souligne Didier qui, dans le privé, joue du synthétiseur. Leonardo, quant à lui, accorde les claviers à l’aide d’un système informatisé mis au point par Reuge en 1991, une meule retirant automatiquement la matière excédante jusqu’à ce que la lame joue la note juste. On retrouve Sébastien, qui L’AVENIR DE REUGE SEMBLE EMPRUNTER DE NOUVELLES VOIES PROMETTEUSES paraît avoir le don d’ubiquité, dans l’atelier suivant. Il contrôle, à l’aide d’un stroboscope (écran avec imagerie lumineuse), les claviers qui viennent de passer à l’accordage, de manière à stabiliser les notes. On peut encore, à ce niveau-là, affiner les lames grâce à la meule. Le clavier prêt, des plumes (sorte de petits tampons) sont ensuite collées sous les plombs pour amortir les vibrations des sons. Le clavier est indissociable du cylindre dont les goupilles incrustées, de façon à composer une ou plusieurs mélodies, vont faire jouer les lames comme les touches d’un piano. Nous voici dans l’atelier des rouleaux où s’opère le piquage qui consiste à distribuer mécaniquement les trous sur le cylindre. Suit l’étape du goupillage: des mini-fils d’acier de 0, 26 mm de diamètre sont insérés dans les trous, toujours mécaniquement. C’est Patrice, cette fois, qui contrôle avec une loupe que les goupilles soient placées correctement ou qu’il n’en manque pas. «Il y a trente ans, on insérait les goupilles une par une à la main!» s’exclame-t-il. Une fois les picots fixés, il faut maintenant les stabiliser définitivement grâce à un ciment spécial, dont la recette est tenue secrète: un alliage de pierres fondues et d’autres composants. Cette résine va tapisser l’intérieur du cylindre de façon à maintenir parfaitement les goupilles. C’est l’étape du gommage. A l’atelier du fixage, délicate opération consistant à arrimer le clavier en face des goupilles, on fait aussi du service après-vente. Alain répare une boîte des années 50 dont les plumes étaient usées et les cylindres oxydés (une boîte peut contenir plusieurs cylindres interchangeables pour obtenir autant de mélodies). «Il arrive qu’une lame se casse, l’acier durci étant fragilisé par la trempe. Un cheveu peut aussi freiner le mécanisme», énonce l’artisan. Il est conseillé au client de faire jouer sa boîte au moins une fois par mois pour qu’il y ait toujours de l’huile dans les rouages. Si les boîtiers sont fabriqués à l’extérieur (les pièces marquetées, par exemple, viennent d’Italie du Nord), c’est à l’emboîtage que l’on découvre les métiers d’art de la manufacture. Bertrand est chargédeconfectionner,pourlestabatières et les cages à oiseaux chanteurs, les soufflets en peau de chèvre, assouplie, talquée, de boucher les trous, de coller et d’ajuster pistons, soupapes, clapets qui produiront le chant de ces minuscules volatiles chamarrés qui stridulent à la commande en ouvrant le bec. Leur plumage est l’œuvre de Mejrema, artisane aux doigts d’or armés de brucelles, assise devant un amoncellement de plumes colorées et satinées, de paon, de colibri, de faisan teinté, qu’elle extirpe d’oiseaux taxidermisés pour les coller avec une minutie d’orfèvre sur les corps nus des oiseaux. Elle compose ses plumages, de la queue à la tête au gré de sa fantaisie d’artiste et aligne dans un coffret ses oiseaux ainsi parés, prêts à s’envoler au bout du monde. L’avenir de Reuge semble emprunter de nouvelles voies prometteuses. Selon Max Büsser, la destinée de la boîte à musique peut se comparer à celle de la pendule, à partir du moment où l’on arrête de penser qu’elle ne sert qu’à donner l’heure. «Dès qu’on sublime sa fonction, elle devient un objet d’art. Et la boîte à musique est autant un objet d’art qu’un mouvement mécanique d’horlogerie.» >> Retrouvez la vidéo sur www.letemps.ch/horlogerie En haut, de gauche à droite: Plongés dans un bain d’huile, les claviers sont découpés en lames par une fraise, c’est le «fendage». La «trempe», le four centenaire grâce auquel les claviers vont acquérir une dureté, chauffés à 800 degrés. En bas, de gauche à droite: Les claviers sont associés à une masse de plomb usinée de manière à ce que chaque lame soit indépendante, Le clavier est vissé face au cylindre à picots, qui jouera plusieurs airs des années 70 dans la MusicMachine élaborée par MB&F. 45 46 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 USAGES Quandlesmontres deviennentutiles Dans le monde fascinant de l’horlogerie, l’immense majorité des produits sont conçus d’abord pour donner l’heure. Ensuite, un nombre plus restreint de pièces sont mises au point pour répondre à des usages plus spécifiques comme la plongée, l’aviation, l’automobile, les voyages. Dans leur démarche visant l’exclusivité, certaines maisons entendent aujourd’hui aller encore plus loin, pour offrir à leurs clients des produits horlogers ultra-spécialisés, plus strictement adaptés à leurs attentes. Tour d’horizon d’une horlogerie entre «sur-mesure» et démesure. Par Vincent Daveau PHOTOS: DR De gauche à droite: Rado D-Star Rattrapante: une montre en céramique éditée à 250 exemplaires avec calibre de chronographe automatique cal. 7770 intégrant une fonction rattrapante. TAG Heuer Aquaracer Cal. 72: chronographe de régate en acier avec calibre automatique et compte à rebours de régate. Bracelet acier. Etanche à 500 m. Lunette en céramique. Christophe Claret Kantharos: chronographe automatique de 45 mm en titane avec mécanisme à force constante et indicateur sonore d’enclenchement des fonctions. Cartier Ballon Bleu Tourbillon Second Fuseau Double Sautant: cette montre en or gris de 46 mm de côté emporte un calibre à tourbillon affichant l’heure sautante en simultané sur les deux fuseaux. Panerai Luminor 1950 Regatta 3 Days Chrono Flyback Titanio 47 mm: chronographe avec calibre de nouvelle génération avec compte à rebours programmable et compteur de nœuds marins. D ans notre civilisation où règnent en maîtres l’informatique et la domotique, un horloger traditionnel avec ses instruments mécaniques serait bien présomptueux de vouloir concurrencer les ordinateurs de poignet ou les smartphones en matière de pure fonctionnalité. Toutefois, certaines entreprises et quelques visionnaires utopistes croient encore ce combat possible. Il y a presque vingt ans maintenant (1996), Patek Philippe présentait le quantième annuel, une mécanique fort pratique et simple à mettre en œuvre, qui garantissait à son porteur un affichage exact des informations calendaires sur la durée d’un cycle bissextile. Cette fonction a depuis fait florès et s’est généralisée au reste de la profession. Preuve de son utilité: la Maison Rolex – que l’on sait attachée à aller à l’essentiel – a proposé, l’an passé, l’Oyster Perpetual Sky-Dweller: une montre purement mécanique dont l’affichage de la date ne nécessite qu’une seule intervention manuelle par an, le 1er mars. Efficace, cette fonction d’usage agréable était également associée à un affichage de second fuseau horaire et à un mécanisme de programmation par la lunette, ayant pour objet de simplifier toutes les opérations de manutention concernant le réglage. Cette montre de série, disponible au catalogue, posait à sa façon la question de l’utilité des fonctions additionnelles pour une montre urbaine et celle connexe de savoir si les autres marques allaient rebondir sur ce défi et dévoiler leur vision de la montre citadine contemporaine dotée de fonctions vraiment utiles. Chronométrer et plus si nécessaire Le chronographe classique, qui représente tout de même près de 75% environ des montres à complications, n’a plus vraiment d’intérêt au sens strict du terme dans notre civilisation, sauf peutêtre pour quelques médecins s’en servant pour prendre le pouls de leurs patients ou certains cuisiniers soucieux de cuire leurs œufs mollets. Voilà pourquoi, pour lui redonner un peu de piquant, Rolex avait proposé, en 2007, l’Oyster Perpetual Yacht-Master II, un chrono de régate parfaitement adapté aux besoins des skippers. Cette année, Officine Panerai offre à son tour, en même temps que son premier calibre de chronographe «maison», sa vision du chrono de régate avec le Luminor 1950 Regatta 3 Days Flyback Titanio 47 mm. A l’essai, ce gardetemps se révèle d’une grande facilité de mise en œuvre, d’une incroyable efficacité et d’une grande lisibilité. Utile et pertinent, il devrait faire date dans l’univers nautique avec son compte à rebours mécanique et programmable et son échelle nautique permettant de mesurer la vitesse en nœuds. Dans le même esprit, TAG Heuer, que l’on sait impliquée dans l’America’s Cup, présente l’Aquaracer Cal 72: un chrono de régate qui, tout en restant traditionnel, se révèle d’une grande efficience. Tout de même, cet outil de régatier fait s’interroger sur l’usage potentiel que l’on peut avoir d’un instrument dédié à la mesure des temps courts. C’est sans doute la ques- tion que s’est posée Christophe Claret lorsqu’il a mis au point le chronographe Kantharos. Ce produit demeure un instrument classique, mais chaque enclenchement des fonctions du chronographe donne lieu à un petit tintement sur timbre cathédrale – excusez du peu – indiquant à son propriétaire leur mise en œuvre. Dans le cas présent, ce produit mécanique «singe» les outils électroniques produisant à chaque action un petit «bip». C’est sympa, mais est-ce utile? Indubitablement, cette mécanique est fort complexe, mais elle demeure moins essentielle qu’une fonction rattrapante, qui autorise des mesures de temps intermédiaires et de chronométrer deux événements ayant un départ simultané mais une fin différente. Bref, le truc qui vient toujours à manquer quand il est nécessaire de faire un relevé chronométrique avec le garde-temps dont on dispose et qui, bien entendu, n’en est pas équipé. Pour remédier à cela, Rado propose, cette année, le chronographe D-Star Rattrapante; une montre en céramique technique produite – et c’est malheureux – à 250 exemplaires seulement. Trop peu donc pour satisfaire tous les passionnés, mais c’est un bon début. Lier l’utile à l’agréable Evoquer les montres dotées de fonctions utiles impose de faire un point sur celles dédiées aux voyageurs. Si la fonction GMT, toujours d’une incroyable actualité, a été élaborée par Rolex pour la GMT-Master au début des années 50, il revient à Patek Philippe d’avoir mis au point, à partir de 1959, la fonction la plus évoluée en matière de garde-temps à destination des amateurs ayant une activité liée avec l’étranger: la complication d’Heures Universelles. La référence 5130 présentée l’an passé est l’héritière de ce type de produit. Elle permet d’afficher, au cadran et à volonté, l’heure de l’une des 24 villes représentant les 24 fuseaux partageant le globe terrestre. Cette année, Ralph Lauren entendait avoir la meilleure des fonctionnalités possible à destination des voyageurs et se voyait fournir par Jaeger-LeCoultre le calibre de référence de la manufacture du Sentier pour équiper la Ralph Lauren Sporting Worldtime en acier; une Heure Universelle capable d’afficher au cadran l’heure qu’il est dans le fuseau d’origine et celle d’un second fuseau horaire dans un petit compteur. Mais Jaeger-LeCoultre pouvait offrir cette mécanique car elle présentait, lors du SIHH, une référence particulièrement sophistiquée et graphique à destination des voyageurs exigeants: la Duomètre Unique Travel Time. Ce garde-temps en or gris, édité à 100 exemplaires pour l’inauguration de la boutique Jaeger-LeCoultre de Paris, possède la particularité de disposer d’un second fuseau à heure sautante et réglable, à la minute près. De cette façon, il sera possible au porteur de cette pièce d’avoir l’heure juste dans tous les fuseaux horaires existant sur Terre. Dans le même esprit, Cartier, qui sait combien il est essentiel d’inventer une nouvelle façon de lire l’heure pour sortir du lot, lance la Ballon Bleu Tourbillon Second Fuseau Double Sautant. Ce garde-temps subtilement sophistiqué offre une nouvelle dimension au temps du voyage. Dans cette construction, les deux heures indépendamment réglables sautent en même temps grâce à un mécanisme hautement élaboré partiellement visible à travers le cadran ajouré. Evidemment, toutes les marques n’ont pas pour ambition d’aller si loin en matière de complications. Voilà pourquoi une maison comme Tissot a conçu, pour son 160e anniversaire, le modèle Heritage Navigator. Cette montre éditée en série numérotée a été conçue afin de répondre aux attentes des amateurs de montres en quête d’un instrument disposant d’une fonction utile. Avec sa fonction Heure du Monde, il est possible d’avoir l’heure locale aux aiguilles et celles des 24 autres fuseaux en faisant coïncider les heures affichées à la périphérie avec le nom des villes en regard. Certains puristes préfèrent, lors de leurs voyages, se réveiller au son de leur propre réveil plutôt que de l’être par le groom de service. Ceux-là regarderont avec intérêt la montre «réveil» baptisée Chargée d’Affaires proposée par Corum. Produite à seulement 150 exemplaires, elle sera une parfaite alternative aux modèles disponibles au catalogue chez Vulcain ou Jaeger-LeCoultre. La sécurité pour fonction Du temps du grand Breguet, certaines montres étaient dotées d’hygromètres à cheveu, de répétitions à tact, de thermomètres… De son temps, aller de l’avant était gage de réussite et la garantie de s’assurer une certaine visibilité. Aujourd’hui, les choses ne sont pas vraiment différentes. Pour se Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 Horlogerie De haut en bas et de gauche à droite: Richard Mille RM 36-01 Limited Edition Jean Todt: édition limitée à 15 pièces en titane d’une montre intégrant en plus du tourbillon une fonction mécanique de capteur de G lisible dans le secteur à 12 heures. Patek Philippe Heure Universelle 5130: boîtier en or gris de 39,5 mm avec calibre automatique. Fonction Heure Universelle modèle 2012. Ralph Lauren Sporting World Time: boîtier en acier de 45 mm de diamètre avec calibre RL939 automatique avec affichage des heures universelles. Urwerk UR-110PTH: édition limitée en platine noir avec la fameuse platine comprenant l’indication de changement d’huile, signifiant l’utilité d’une révision. Oris Aquis Depth Gauge: boîtier en acier de 46 mm de diamètre étanche à 500 m avec profondimètre intégré dans la glace de la montre. PHOTOS: DR Tissot Heritage Navigator: pour ses 160 ans, la maison réédite un modèle lancé en 1953 qui permet de lire les heures du monde d’un simple coup d’œil. En acier et calibre automatique. faire connaître des clients et des médias toujours à l’affût de produits extraordinaires, les horlogers contemporains ont tout intérêt à mettre au point des fonctionnalités originales. Certaines, comme celle inventée par HYT avec la H1 en or rose, n’apportent rien de très utile sinon leur caractère divertissant – ce qui est déjà pas mal. Mais d’autres jeunes maisons réfléchissent, comme le fait la maison Urwerk de longue date, aux fonctions dont la présence sert concomitamment la cause de l’horlogerie et celle du propriétaire de la montre. Parmi les plus emblématiques, on retient l’indicateur de révision, celui de fonctionnement effectif en années et le frein dynamique destiné à ajuster le remontage du mécanisme automatique de la montre au mode de porter. La très récente manufacture Julien Coudray, fondée par Fabien Lamarche, propose également pour ses pièces d’exception une fonction permettant de rappeler aux propriétaires de façon ludique quand il est nécessaire de faire réviser sa montre (après quatre ans de fonctionnement). Mais, cette année, la vraie bonne idée originale en matière de fonctionnalité revient à Richard Mille. Avec la RM 36-01 Capteur de G, cet inventeur visionnaire a su concevoir quelque chose de vraiment nouveau. En effet, le mécanisme intégré au mouvement de la montre, par ailleurs classique, n’est pas directement associé à l’univers de l’horlogerie, mais a pour but d’apporter une information sur le nombre de G – autrement dit la force cinétique – subis par le corps lors de freinages, en voiture. On pourra juste Corum Heritage Vintage Chargé d’Affaires: boîtier en or rouge de 38 mm avec calibre mécanique à remontage manuel et fonction réveil. Editée à 150 exemplaires. regretter que ce système développé par Richard Mille, destiné à contribuer à l’amélioration de la sécurité routière, pour utile et intelligent qu’il soit, n’ait été réalisé qu’à 15 exemplaires. On retiendra que cette fonctionnalité sans lien avec le temps, mais associée à l’automobile s’inscrit dans le prolongement de celle qu’avait proposée Jaeger-LeCoultre aux propriétaires d’Aston Martin, qui consistait à faire de leur chronographe Amvox la clé permettant d’ouvrir leur voiture… A l’époque, cela avait interloqué, mais les mentalités évoluent et les montres peuvent aujourd’hui, grâce à la microtechnique, devenir des supports sophistiqués dispensant des informations de différentes natures susceptibles d’aider les porteurs à organiser, jouer (Christophe Claret) ou avoir des informations sur leur environnement. Par chance, certains visionnaires titillent les synapses d’ingénieurs et autres inventeurs pour faire avancer la science horlogère. Pareille vision du futur horloger devrait inciter les marques les plus déterminées à aller de l’avant, à s’interroger sur ce qu’attendent vraiment les amateurs de leurs montres. Bon nombre de maisons pourraient sérieusement se pencher sur de nouvelles complications pouvant servir la cause des citadins d’aujourd’hui, plutôt que d’être juste, année après année, de nouvelles déclinaisons des mêmes constructions mécaniques, dont l’objet est de flatter l’ego de ceux qui les créent. Et d’assurer aux investisseurs des fonds de placement spécialisés de réaliser des achats pratiquement garantis, par la tradition. 47 Horlogerie 48 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 NOUVEAUTÉS Montres desalon Sélection. Par Vincent Daveau Longines > Conquest Classic Chronographe Hermès > Chrono Arceau Bridon PHOTOS: DR Cet instrument dédié aux mesures des temps courts, décliné en cinq versions et mettant en scène une expression originale du sport équestre, est une évolution du modèle Arceau dessiné par Henri d’Origny en 1978. Dans cette pièce de 43 mm de diamètre façonnée en acier, bat un calibre de chronographe mécanique à remontage automatique capturant le temps des échappées belles, comme le souligne la maison. Sur le cadran, on note la présence des chiffres arabes inclinés identiques à ceux de la ligne originelle et la présence de trotteuses de chrono nimbées d’orange dans les versions plus sportives. La montre se porte sur un bracelet en veau lisse où le savoirfaire harnacheur-sellier de la maison est mis en valeur. Paré d’un très classique boîtier en or rose de 41 mm de diamètre, ce chronographe mécanique à remontage automatique et au dessin inspiré de l’âge d’or des montres-bracelets mécaniques – les «golden fifties» – joue à fond la carte de l’intemporalité pour toucher une clientèle encline à posséder un garde-temps dont les codes graphiques lui garantissent de passer à la postérité. Disponible également en acier ou en or et acier comme à la grande époque, cet instrument au gabarit idéal pour tous les poignets, étanche à 5 bars, laisse voir par le fond transparent son calibre automatique exclusif (L.688.2) doté de 54 heures de réserve de marche et d’un mécanisme de chronographe à roue à colonne. Sobre, il est disponible en cadran noir ou argenté avec chiffres et index rhodiés ou traité or rose poli. Bvlgari Tudor > Diagono Calibro 303 > Heritage Chrono Blue Avec ses proportions harmonieuses, son cadran traité «champlevé», ce chronographe, synthèse du savoir-faire suisse et d’esprit italien, habillé d’un boîtier en acier constitué de 75 pièces, est animé par un calibre ayant demandé 3250 heures de mise au point et comprenant 303 composants. Visible par le fond transparent, il dispose d’une roue à colonne traditionnelle pour les commandes de fonction et d’un très contemporain embrayage vertical pour l’entraînement de la trotteuse de chronographe. Edité en série limitée à 500 exemplaires, ce modèle subtil et viril se porte en toute élégance sur un bracelet en alligator bleu. Inspiré du très célèbre et recherché chronographe Tudor «Montecarlo» lancé en 1973 par la marque fondée par Hans Wilsdorf en 1926, ce modèle en acier animé par un calibre mécanique à remontage automatique retiendra l’attention des adeptes séduits par l’idée de passer à leur poignet un instrument à l’esthétique un brin vintage, mais refondu de façon à ce qu’il soit parfaitement en phase avec son époque. Etanche à 150 m et doté d’un boîtier de 42 mm – soit légèrement plus grand que la version historique (40 mm) –, il reçoit une lunette tournante bidirectionnelle avec cerclage en aluminium bleu et se trouve être proposé avec deux bracelets: l’un en acier et l’autre en tissu renforcé. Chronographes > Deep Sea Chronograph Cermet Avant-gardiste, ce chronographe l’est à plus d’un titre. Il est l’héritier d’instruments conçus pour des professionnels par la manufacture du Sentier, à la fin des années 50. Traditionnel, il se dote d’une lunette tournante unidirectionnelle pour calculer les temps de plongée, mais contemporain, son boîtier de 44 mm de diamètre, étanche à 10 bars, est usiné en cermet renforcé. Cet alliage utilisé en aéronautique, en Formule 1 et dans l’armement est ultra-résistant et d’un poids inférieur à celui du titane. Pratique, il protège un calibre de chrono automatique doté d’un indicateur d’enclenchement de la fonction de chronographe (disque rouge et blanc), une spécificité inspirée d’une fonction appelée «Chronoflight» utilisée par Jaeger-LeCoultre dans les années 30. Efficace, lisible et disponible en version vintage dans les boutiques de la marque. Breguet > Chronographe Type XXII Or Rose Cet instrument, héritier des chronographes mis au point par la marque à la fin des années 50 pour l’Armée de l’air française, se veut la luxueuse déclinaison de celui présenté l’an passé en acier. On retiendra de ce chronographe de 44 mm de diamètre équipé d’une lunette tournante bidirectionnelle sa fréquence élevée de 10 Hz garantissant une précision exceptionnelle (groupe de régulation en silicium) et sa trotteuse de chrono effectuant deux tours de cadran à la minute pour améliorer la précision de lecture. Il possède, en outre, la désormais classique fonction flyback, un cadran sur 24 heures permettant la lecture d’un second fuseau horaire et la date affichée en guichet à 6 heures. Produit superlatif, il s’adresse aux puristes passionnés d’aviation ou de pure chronométrie. Jaeger-LeCoultre Panerai > Luminor 1950 3 Days Chrono Flyback 44 mm On devine dans ce souci d’épurer à l’extrême les fonctionnalités pour aller à l’essentiel le lien qu’entretient Panerai avec son passé de fabricant d’instruments pour professionnels. Avec ce chronographe disposant pour la première fois de son propre calibre automatique de manufacture avec roue à colonne, les ingénieurs ont voulu saisir l’instant dans sa densité. Ainsi, le chrono affiche les secondes chronométrées et les minutes écoulées par le truchement de deux aiguilles partant du centre et de couleurs différentes; laissant à la petite trotteuse à 9 heures le soin d’indiquer l’état de fonctionnement. Et parce que cela peut s’avérer utile, ce garde-temps étanche jusqu’à 100 m est équipé d’une fonction flyback permettant d’interrompre un chronométrage et d’en reprendre un nouveau une fois relâché le poussoir placé, ici, à 7 heures. Disponible en acier. Horlogerie 50 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 NOUVEAUTÉS Complications Harry Winston > Histoire de Tourbillon 4 Les lois de la physique sont implacables: si une montre-bracelet occupe, en fonction des gestes de son porteur, un espace tridimensionnel, la cage de tourbillon qu’elle emporte doit également graviter dans un espace tridimensionnel pour être efficace et améliorer sensiblement la précision. Cette montre habillée d’or gris et de Zalium® avec traitement DLC fait partie de ces rares instruments à présenter, sous son globe de saphir, un assemblage mécanique capable d’y parvenir. Complexe visuellement à déchiffrer, cet organe comprend une cage intérieure qui, abritant l’oscillateur et l’échappement, fait une rotation toutes les 45 secondes. La cage intermédiaire effectue, quant à elle, une rotation toutes les 75 secondes. Et la troisième cage – externe – tourne à la vitesse d’une révolution toutes les 300 secondes (5 mn). Fascinante et graphique, cette pièce de 47 mm de côté, animée par un calibre mécanique à remontage manuel comprenant 345 composants et éditée à 20 exemplaires, fera le bonheur de ceux qui savent qu’échapper véritablement à la gravitation est un luxe rare. Ulysse Nardin > Stranger Cette étonnante montre, animée par un calibre de manufacture à remontage automatique UN-690 et doté d’une ancre, d’une roue d’échappement mais également d’un spiral de haute technologie en silicium, présente au regard un cadran peu ordinaire. En effet, sans être au fait des savoir-faire traditionnels de cette manufacture, il est difficile à un béotien dans les arts mécaniques de deviner à quoi peut servir le disque portant toute une série de petits picots vers lesquels convergent des ressorts lames, vissés au cadran. Cet instrument de 45 mm de diamètre, réalisé en or rose, dispose d’un mécanisme de réglage de l’heure qui se fait non pas en tirant sur la couronne de remontoir, mais en poussant sur le bouton qui lui est intégré. Il embarque également un mécanisme original inspiré d’une boîte à musique avec un plateau et 10 lames. Ce dernier est conçu de façon à jouer une fois à chaque heure échue (ou à la demande en pressant sur le poussoir situé à 7 heures) le célèbre air Strangers in the Night de Frank Sinatra. Incroyable, cette montre innovante, dont les mélodies peuvent être déclinées à l’infini, ne sera proposée aux mélomanes qu’en édition limitée à 99 exemplaires. Hautlence > HL2.3 Titane Lancée dans sa version définitive en 2011, cette montre, dont la philosophie est de proposer une lecture différente du temps, ose le titane traité noir. Impressionnante et futuriste dans son design, cette pièce très légère et architecturée autour des minutes rétrogrades présente une heure sautante constituée d’une chaîne formée de 12 maillons et déclenchée par le fameux dispositif de bielle manivelle devenue la signature de la maison. On note que le mouvement de la chaîne s’accompagne, chaque heure, de la rotation sur 60° du mouvement baguette, permettant à terme de compenser les effets de la gravité sur l’organe réglant comme le fait un tourbillon. Mais ce garde-temps est un jeu d’astuces mécaniques voulues par le fondateur de la marque, Guillaume Tétu. Ainsi, ce calibre doté d’un mécanisme automatique réarme le barillet principal qui, lui, en arme un second dont le rôle est de dispenser la force nécessaire au bon entraînement de la chaîne de la complication. Edité à 28 exemplaires, ce modèle viril et abouti devrait plaire. Jaeger-LeCoultre > Master Grande Tradition Gyrotourbillon 3 Jubilee Pour son 180e anniversaire, la manufacture du Sentier a présenté son dixième opus de la série des Hybris Mechanica réservée aux grandes complications de la manufacture. Produit de haute volée, ce chronographe monopoussoir de 43,5 mm de diamètre proposé en platine extra-blanc a fait de la sphère son emblème pour permettre au groupe de régulation, ici composé d’un balancier en or 14 carats bleui associé à un spiral sphérique, d’échapper à la loi universelle de la gravitation. Tout l’exploit a été de placer le tourbillon sphérique volant effectuant une rotation par minute et dans lequel une seconde cage tourne au rythme de 2,5 tours par minute, au cœur d’un boîtier dont l’épaisseur n’excède pas 15,5 mm, glaces comprises. Cet instrument original présentant trois cadrans différents affectés chacun à une fonction spécifique (heures, chronographe et affichage jour/ nuit) est animé par le calibre mécanique à remontage manuel référence 176. Objet d’art majestueux, ses 592 composants patiemment assemblés un à un sont terminés à la main et réglés finement par les maîtres de la manufacture. H. Moser & Cie PHOTOS: DR > Perpetual Golden Edition Hublot > Classic Fusion Tourbillon Squelette Black Ceramic Ce modèle parvient à associer des codes graphiques à la fois classiques et contemporains pour donner à la mécanique du tourbillon une élégance intemporelle. Son fin boîtier en céramique, aux rondeurs suggestives, magnifie le travail d’ajourage du mouvement mécanique à remontage manuel réalisé par les artisans de la jeune manufacture. Le traitement contemporain du dessin, composé de lignes droites travaillées selon la tradition du squelettage au sein des ateliers de la marque, permet de faire en sorte que les aiguilles «glaives facettées» se confondent dans ce décor aérien. Pour la petite histoire, et rappeler que les éléments anciens peuvent parfaitement cohabiter avec d’autres plus modernes, les aiguilles sont empruntées aux premières montres Hublot. Editée en une série limitée à 99 exemplaires numérotés. Depuis la création de la Perpetual 1, première montre au monde avec calendrier Flash, cinq ans se sont écoulés. La maison H. Moser & Cie a profité de cette sorte d’anniversaire pour proposer aux amateurs une édition spéciale tirée à 100 exemplaires sous le nom Perpetual Golden Edition. Il n’est pas usurpé, car l’or est partout. Le boîtier est façonné dans ce métal tout comme l’ancre et la roue d’ancre de son échappement interchangeable. Les vis du balancier en Glucydur le sont aussi, en or blanc, cette fois. Mais ce n’est pas tout. Cette référence à complication méritait un traitement d’exception. Voilà pourquoi – luxe ultime – la platine et les ponts sont réalisés en or massif 18 carats. Finie et décorée à la main avec angles polis dans la masse, cette montre élégante et sobre, dotée de son étonnant calendrier perpétuel pouvant être corrigé à tout instant en avant et en arrière, arbore au contre-pivot de balancier un diamant. Cela peut sembler anodin, mais c’est la seule montre manuelle, dotée de 7 jours de réserve de marche magnifiée par son écrin d’un luxe saisissant, à posséder pareil détail horloger que l’on retrouve seulement sur certains chronomètres de marine particulièrement précis. Un petit clin d’œil pour un garde-temps dont le double spiral lui garantit la précision d’un tourbillon. Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 51 A. Lange & Söhne > Grande Complication De toute évidence, cette pièce proposée en or rose en impose car, avec 50 mm de diamètre et 20,3 mm d’épaisseur, elle sort de l’ordinaire, la collection de cette manufacture étant plutôt réputée pour ses tailles raisonnables. Mais cette montre produite à seulement six exemplaires a des arguments pour faire valoir son embonpoint. Son calibre manuel référencé L1902 n’affiche pas seulement les heures, le nombre important d’informations apposées sur le cadran en émail ainsi que la présence sur les flancs de carrure de poussoirs et autres tirettes sont là pour l’attester. Véritable florilège des complications essentielles, cette merveille emporte donc un calendrier perpétuel à aiguilles avec affichage des jours, de la date, du mois et des phases de lune. Elle dispose également d’un chronographe simple avec fonction foudroyante (à 6 heures) et fonction rattrapante (seconde aiguille de chrono superposée). Elle possède encore une complication de grande sonnerie au passage avec fonction petite sonnerie et silence (un barillet dédié). Et parce qu’il n’y suffisait pas, les horlogers ont associé à cet ensemble comprenant deux timbres la complication de répétition minutes actionnable à la demande via la tirette placée à 7 heures. Richard Mille > Tourbillon RM 27-01 Rafael Nadal Tout le monde s’accorde à dire que la contribution de Richard Mille au secteur horloger, en tout juste douze ans d’existence, est importante. Les instruments de sa fabrication apportent tous quelque chose au métier à travers l’utilisation de matériaux originaux ou l’exploitation de solutions mécaniques horlogères innovantes. Un peu comme du temps du grand Breguet, chacun de ses modèles peut s’envisager comme une sorte de «concept watch». Parmi les folies proposées cette année, la RM 27-01 créée en collaboration avec Rafael Nadal – le tennisman sept fois vainqueur de Roland Garros – a marqué les esprits. Il faut dire que cette montre au boîtier usiné en carbone ne pèse que 19 g et embarque un mouvement manuel régulé par un tourbillon de seulement 3,5 g, en alliage de lithium contenant de l’aluminium, suspendu au centre du boîtier par quatre câbles en acier de 0,35 mm de diamètre. Ces derniers, précisément tendus par l’horloger, doivent agir comme des amortisseurs et permettre au calibre de supporter les chocs et accélérations de plus de 5000 G, subis lors des matchs, car cette montre de luxe est faite pour être portée dans l’action. Roger Dubuis Ce modèle est le premier de l’histoire de l’horlogerie à être intégralement réalisé en silicium. Ce matériau est deux fois plus léger que le titane et donc quatre fois plus léger que l’acier, tout en étant quatre fois plus dur. D’un gris intense, cette carrure, dont la matière est qualifiée de cristal métallique, abrite un mouvement mécanique lui aussi particulièrement innovant. Pour améliorer la précision de ce cœur à remontage manuel baptisé RD101, les ingénieurs de la manufacture n’ont pas placé un seul organe réglant formé d’un balancier, d’un spiral d’une ancre et d’une roue d’ancre, mais quatre. Ce chiffre, récurrent pour cette création, lui a donné son nom. Fonctionnant par paires, ces balanciers, positionnés de manière spécifique, compensent instantanément les écarts de marche dus aux changements de position. Pour parvenir à ce résultat et cette dynamique dans les ajustements, cet instrument emporte non pas deux, mais cinq microscopiques différentiels. Trois couplent les balanciers au train de rouage de la montre, le quatrième est associé à l’original indicateur de réserve de marche et le cinquième relie la tige de remontage avec les deux barillets montés en parallèle. Au final, cette pièce vibre non pas à 4 Hertz comme cela serait le cas avec un seul balancier (28 800 alternances par heure), mais grâce aux différentiels, les fréquences s’additionnent pour offrir à ce calibre de vibrer à 16 Hertz, soit à un régime garantissant, de facto, une précision horaire supérieure à celle d’une montre traditionnelle. Montblanc > Nicolas Rieussec Rising Hours Lancée en 2008, la collection Rieussec s’enrichit, cette année, d’un modèle particulièrement saisissant. Au premier regard pourtant, rien ne dit en quoi ce garde-temps, inspiré du chronographe mis au point par Nicolas Rieussec en 1821, sort de l’ordinaire. Cet instrument de 43 mm de diamètre, habillé d’or rouge (disponible également en platine ou en acier), dispose en plus de la lecture du jour, de la date et des temps chronométrés sur disques présents dans la partie basse du cadran, d’un affichage de l’heure courante particulier. Celle-ci se lit également sur un disque rotatif qui, associé à une fonctionnalité mécanique originale, donne la possibilité de voir changer la couleur des chiffres du disque des heures selon l’avancée de la journée. Ainsi, les douze chiffres, en fonction de leur couleur, permettent de déterminer d’un coup d’œil si la valeur affichée s’applique aux heures diurnes ou nocturnes. > Royal Oak Offshore Grande Complication Jusqu’à cette année, cette collection sportive incroyablement charismatique, lancée en 1993, ne disposait pas d’une montre à grande complication, autrement dit d’une pièce dont le mouvement emporte au moins trois fonctionnalités avancées. Avec la présentation de cet instrument de 44 mm de diamètre réalisé en titane pour la carrure et en céramique pour la lunette et les poussoirs, la manufacture n’a pas fait les choses à moitié. En effet, au sein de ce boîtier au dessin viril prend place un calibre mécanique à remontage automatique, associant les complications traditionnelles de chronographe à rattrapante, de calendrier perpétuel et, summum du plaisir des vrais amateurs, celle de répétition minutes. Visible par le fond transparent, mais également par le côté cadran – ce dernier ayant été remplacé par une glace saphir sur laquelle sont rapportés certains éléments de lecture – ce cœur, ouvragé de façon traditionnelle selon les plus hauts standards, laisse voir une partie des composants, tous retravaillés à la main par un maître horloger avec des polis différents et des anglages délicats pour faire se détacher ces éléments les uns des autres. Disponible également en or rose et à seulement trois exemplaires par type de métal, cet instrument de tous les superlatifs fera le bonheur d’amateurs désireux de disposer au poignet un gardetemps réalisé dans le plus pur respect de la tradition horlogère suisse, mais paré d’atours contemporains. Piaget > Emperador Coussin Répétition Minutes Extra-Plate Cette montre de forme coussin en or rose 18 carats de 48 mm de diamètre emporte la quatrième complication majeure développée par la manufacture Piaget. Ce nouveau mouvement de répétition minutes à remontage automatique avec micro-rotor référencé 1290P est également le calibre le plus plat du monde dans sa catégorie (4,8 mm). Travaillé avec soin, ce cœur comprend 407 composants dont une bonne partie est visible par le fond transparent, mais également par le cadran lui aussi réalisé en saphir pour permettre à son propriétaire de profiter de l’exceptionnelle mécanique embarquée. Chaque détail est travaillé à la main. Les ponts sont anglés à la lime, les aplats étirés au cabron, les roues satinées – soleillées ou circulaires. A elles seules, les finitions demandent plus de 70 heures d’un patient ouvrage. Protégé dans son boîtier de 9,4 mm d’épaisseur, ce mouvement, une fois la tirette armée, a quelque chose de lyrique et fait retentir ses notes graves et aiguës avec une rare intensité puisqu’elles atteignent le seuil de 64 décibels, ce qui est fort acceptable, car la pièce est étanche jusqu’à deux atmosphères. PHOTOS: DR > Excalibur Quatuor Silicium Audemars Piguet Horlogerie 52 Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 NOUVEAUTÉS BlackTie de Grisogono > SuGar Sensuelle comme une femme croquant un carré de sucre, selon les propres termes de Fawaz Gruosi, le créateur de la marque, cette nouvelle pièce horlogère indiquera autant l’heure, grâce à son mouvement à quartz, que l’espièglerie de sa propriétaire. Son boîtier en or rose ou en or blanc pavé de gemmes précieuses en serti neige – ici des émeraudes – se termine en une cascade mobile de chatons articulés qui se meuvent au gré des gestes du poignet. Disponible également en version diamants, saphirs bleus ou orange. La D de Dior > Opale et Or Blanc Animée par un calibre mécanique à remontage manuel en provenance de la manufacture Zenith, cette montre arbore un cadran façonné dans une opale blanche d’Australie dont les feux et la profondeur sont d’une telle puissance qu’elle en est hypnotique. Habillée d’or blanc au palladium et sertie de 113 diamants pour 1,16 carat, elle est éditée en pièce unique. Girard-Perregaux > 1966 Elegance 38 mm Cette montre, avec son délicat et intemporel boîtier en or rose 18 carats serti de 72 diamants sur la lunette, est également magnifique de l’intérieur. Son cadran formé d’arcs de cercle s’imbriquant les uns dans les autres associe des parties satinées à un liseré d’or gris serti de 47 diamants dont l’arrondi vient mordre sur un anneau de nacre rose. Mêlant sophistication et originalité, cette merveille de 38 mm de diamètre vit au gré d’un sublime calibre mécanique à remontage automatique de manufacture référencé GP03300, fini avec soin et décoré selon les standards de la haute horlogerie. Visible par le fond transparent, il sera un peu le joyau secret de sa propriétaire dont le plaisir sera de savoir sa montre, dotée d’un cœur d’aussi belle facture que celle des amateurs masculins les plus avertis. Cartier > Tank Américaine Petit Modèle Sertie Avec son petit air inspiré par la période Art déco, cette montre de forme rectangulaire allongée possède un charisme particulier qui la fait apprécier des hommes comme des femmes. Proposée cette année en or rose 18 carats sertie de 49 brillants (0,97 carat), cette montre pilotée par un calibre à quartz Cartier 157 se porte sur un étonnant bracelet formé d’une succession d’écailles dont la forme rappellera à certains la pointe du Chrysler Building. L’idée d’associer ce symbole architectural à cette montre a du sens car l’Amérique est leur point commun, et leur esthétique intemporelle se confond presque. Piaget > Limelight Gala Avec ses 32 mm de diamètre et ses deux anses qui s’opposent, cette montre asymétrique en or gris sertie de 62 diamants animée par un calibre à quartz de manufacture 690P possède quelque chose de fondamentalement féminin. Ses courbes sensuelles entrent en résonance avec la géométrie rectiligne du bracelet de satin et rebondissent sur les chiffres romains droits comme des «I» du cadran pour révéler avec subtilité un poignet féminin. Chanel PHOTOS: DR > Première: formes originelles Jaquet Droz > Petite Heure Minute 35 mm Objet à la mémoire de Pierre Jaquet-Droz, horloger émérite du XVIIIe siècle, cette nouveauté appartenant à la ligne Elégance Paris se distingue par son chic contemporain. Réalisée en acier, elle présente un boîtier de 35 mm de diamètre paré d’une lunette sertie de 160 diamants. Ornée d’un cadran en nacre bleue, gravée et parée de huit étoiles argentées, cette montre délicate animée par un calibre à remontage automatique doté de 68 heures de réserve de marche met en exergue le temps et fait de l’asymétrie un jeu. Un jeu dont le bracelet aux maillons originalement assemblés et rehaussé de deux diamants enchâssés profite pour enlacer le poignet. Comme un retour aux sources, la montre Première de Chanel retrouve sa ligne originelle. Si le boîtier inspiré par la forme octogonale de la place Vendôme a connu assez peu de variations, le verre a été repensé avec un biseau en moins qui la rend plus moderne. Le bracelet, proposé en un grand nombre de déclinaisons, selon le principe des cycles de la mode, retrouve la forme «chaîne» de ses débuts. Une chaîne qui souligne son allure féminine et dynamise. Cette montre hyper-féminine,cette création mythique pensée pour les filles comme pour leurs mères, ici proposée en or blanc intégralement pavé de diamants, se fait plurielle. Louis Vuitton > Tambour Monogram 35 Dix ans après la création de la montre Tambour, Louis Vuitton signe une nouvelle identité horlogère féminine avec le modèle Tambour Monogram. Cette pièce automatique de 35 mm de diamètre, disponible en or rose 18 carats ou en acier, affiche son caractère intemporel et horloger avec son boîtier inversé, mais sait également souligner son orientation joaillière en se parant d’une lunette sertie de diamants, associée à son cadran opalin argenté guilloché soleil avec index appliqués ou sertis. 54 Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 NOUVEAUTÉ Baume & Mercier Urbietorbi > Clifton GMT Depuis sa fondation en 1830, la maison Baume & Mercier a toujours eu pour ambition de conquérir de nouveaux marchés et fait, par conséquent, du voyage un élément essentiel de son histoire. Voilà pourquoi il semblait évident de disposer au sein de la toute nouvelle collection Clifton d’un instrument de mesure du temps capable d’afficher simultanément au cadran deux heures différentes (Dual time). Efficace et sobre, cette montre en acier de 43 mm de diamètre poli-satiné répondra aux attentes des citadins qui, entraînés par leurs activités professionnelles ou privées à se déplacer à travers le monde, souhaiteraient, en un clin d’œil, connaître l’heure du lieu où ils se trouvent et celle de leur domicile. Proposée en deux finitions (cadran blanc ou cadran ardoise), cette pièce mêlant élégance et fonctionnalité est animée par un calibre mécanique à remontage automatique (ETA 2893-2) précis et aisément réglable. Louis Vuitton > Tambour éVolution Contemporaine, cette montre bi-matière au boîtier de 43 mm de diamètre en acier et lunette en Black MMC (un composite à matrice métallique utilisé dans l’industrie aéronautique et Formule 1™) possède un caractère résolument sportif, lié au sentiment de puissance et de technicité qu’elle dégage. Cette référence se révélera également utile en voyage car elle est équipée de la très utile fonction GMT matérialisée par une aiguille rouge vif et un affichage jour/nuit. Cet indicateur permettra au porteur de cette belle Tambour éVolution, uniquement proposée sur bracelet en acier à maille souple, de ne pas se tromper dans la lecture du second fuseau horaire et de savoir d’un coup d’œil si l’heure affichée est diurne ou nocturne. Zenith > Montre d’Aéronef Type 20 «GMT» > Freelancer Balancier Visible Jaeger-LeCoultre > Master Ultra Thin Jubilee Lancée en 2007, la collection Freelancer fait référence à l’indépendance de l’entreprise familiale. Ce garde-temps élégant, inscrit dans la dynamique de son époque, mesure 42 mm et arbore un traitement bicolore (acier et PVD or rose). Son cadran noir lui offrant un brin de sportivité est ouvert pour donner à voir le balancier rythmant la marche du calibre automatique RW 4200. Si ce détail esthétique permet à un observateur extérieur de savoir qu’il s’agit d’une montre mécanique à remontage automatique, son propriétaire appréciera de pouvoir, quant à lui, détailler ce cœur fini avec soin, par le fond doté d’une glace en saphir. Cette année, la manufacture du Sentier fête ses 180 ans d’histoire. Pour célébrer pareil événement, celle que l’on appelle sur place la Grande Maison présente la Master Ultra Thin Jubilee. Avec ses 4,05 mm d’épaisseur et ses 39 mm de diamètre, cette pièce en platine extra white 950, animée par un calibre mécanique à remontage manuel s’inscrit dans la tradition entamée avec la montre de poche ultra-plate créée en 1907 et établit un nouveau record en termes de finesse. Proposée en série limitée à 880 exemplaires avec la date de 1833 apposée sous le logo de la maison. Tout un symbole, mais discret, que les puristes retiendront comme le signe ultime de la rareté. PHOTOS: DR Digne héritière des montres créées aux temps héroïques pour les pilotes, alors considérés comme des chevaliers du ciel, la montre d’Aéronef Type 20 «GMT» baptisée Baron Rouge – toute de noir vêtue – est sans doute la plus graphique de la collection. Réalisée en titane sablé et traité noir DLC (Diamond Like Carbon), elle arbore un cadran épuré doté de gros chiffres peints avec une matière luminescente comme l’étaient les compteurs des avions d’antan. Charismatique, cette pièce éditée en série limitée est animée par le calibre automatique de manufacture Elite 693 et dispose d’un second fuseau horaire paramétrable grâce au poussoir situé à 10 heures. Dotée d’une couronne de remontoir à l’ancienne et d’un fond plein gravé, elle se porte sur un bracelet en cuir doublé caoutchouc pour un confort optimisé. Raymond Weil JeanRichard Boucheron > Neo Vintage 1681 > Epure Pour offrir à son calibre mécanique à remontage automatique JR1000 lancé en 2004 un écrin propre à le mettre en valeur, la maison JeanRichard a créé la collection 1681. Le généreux boîtier de 46 mm de côté, aujourd’hui décliné en or rose, associe le carré à une lunette ronde pour symboliser la quadrature du cercle. Ce garde-temps que l’on devine inspiré des pièces d’antan se pare d’un cadran rhodié d’une rare sobriété et dispose de finitions aux standards de l’horlogerie d’aujourd’hui. Ainsi, il affiche une étanchéité garantie à 100 m et voit son fond muni d’un verre saphir pour laisser admirer le calibre «maison» et la masse oscillante arborant la nouvelle signature de la marque. Créer une montre simple, sobre et intemporelle est en soi un vrai défi, car chaque détail a son importance et sa raison d’être. Cette pièce, dans son traitement minimaliste, traduit le désir de la marque de revenir à l’essentiel et incarne la vision du temps telle que l’imaginait Frédéric Boucheron. Une vision que l’on retrouve dans sa maxime gravée sur le fond: «Je ne sonne que les heures heureuses.» L’heure, dans cette configuration, profite de la délicatesse du vide et dépasse le simple décompte mathématique du temps pour intégrer la symbolique joaillière de la vie. Voilà qui est dit! Et pour parachever cette œuvre d’équilibre, son délicat boîtier de 38 mm en or blanc 18 carats, poli avec double godron sur le flanc et cornes biseautées, abrite un calibre de manufacture Girard-Perregaux référencé GP 4000, visible par le fond ouvert. Carl F. Bucherer > Manero PowerReserve Cette pièce traditionnelle proposée en acier reçoit pour la première fois le calibre mis au point par la manufacture Carl F. Bucherer, implantée à Sainte Croix. Référencé CFB A1011, ce cœur à l’originale masse oscillante périphérique bidirectionnelle affiche au cadran l’heure avec minutes et petite trotteuse, mais présente également la date dans un grand double guichet, et affiche le jour dans un autre ouvert à 9 heures. D’une grande sobriété, mais également d’une belle sophistication horlogère, cette référence est d’une intense lisibilité et d’une incroyable efficacité. En effet, la manufacture, consciente du soin qu’ont les cadres urbains à savoir s’ils ont suffisamment et consciencieusement remonté leur montre, propose au cadran un indicateur de réserve de marche par aiguille. En plus de l’équilibrer et de le dynamiser, il permettra de savoir à quel niveau de remontage se trouve ce garde-temps. Permettant d’anticiper, le cas échéant, un arrêt intempestif faute de n’avoir pas assez bougé. Horlogerie Le Temps l Mercredi 24 avril 2013 Patek Philippe > Calatrava Référence 5227 Cette montre très raffinée, au délicat boîtier rond et classique de 39 mm, en or 18 carats, jaune, rose ou gris de tout juste 9,24 mm d’épaisseur, possède un secret. Au premier regard, cette pièce inscrite au sein de la collection Calatrava lancée en 1932 semble ne pas laisser voir le mouvement automatique de manufacture référence 324 SC par le fond. En réalité, son cœur est parfaitement visible, mais à la seule condition d’ouvrir le couvercle monté sur une charnière invisible. Derrière, se trouve une glace saphir à travers laquelle se découvrent les composants du calibre. Il sera ainsi possible d’en apprécier les finitions haut de gamme. Tout aussi intemporelle que la première Calatrava, cette version se porte sur un bracelet en alligator fermé par une boucle ardillon, façonnée dans le même or que le boîtier. PHOTOS: DR Bell & Ross > BR01-97 Climb Marvin > Malton Ronde Reserve de Marche Simple en apparence, son boîtier rond de 42 mm pourrait passer inaperçu au poignet. Seulement, la présence de son large cadran blanc mat, velouté et structuré, rehaussé de chiffres romains aussi bleus que le sont les fines aiguilles, vient donner du corps à cet instrument animé par un calibre mécanique à remontage automatique dont la réserve de marche de 42 heures s’affiche sur un secteur semi-circulaire. Cette pièce se porte sur un bracelet en cuir lisse pour conserver ce petit quelque chose de sportif chic qui séduira les amateurs. Cette pièce, au graphisme inspiré du Variomètre – ou Climb – est inscrite au sein de la collection Aviation BR01 qui, avec les deux autres nouveaux modèles proposés cette année, en compte en tout et pour tout six (trois modèles présentés en 2012). Chacune reprend l’aspect de l’un des multiples indicateurs se trouvant dans un cockpit. Cet instrument, paré d’un boîtier carré en acier traité PVD noir et animé par un calibre à remontage automatique, se porte sur caoutchouc. Editée en série limitée à 999 exemplaires, cette montre peut être acquise par les collectionneurs avec les différentes références proposées par la marque – pour les numéros de série compris entre 1 et 99 –, et rassemblées dans un coffret en bois dont le couvercle ajouré permet d’apercevoir les différents cadrans d’un seul coup d’œil, comme sur un tableau de bord. PUBLICITÉ LAISSEZ-VOUS EMBALLER Speake-Marin > Triad Cette pièce de haute horlogerie proposée avec son maintenant fameux boîtier Piccadilly en acier de 42 mm de diamètre et lunette en or rouge célèbre le chiffre 3 avec l’affichage au cadran d’une triple indication des heures et des minutes. Ludique, cette construction est délibérément voulue comme ésotérique et s’inspire de la musique pour son nom de baptême. En effet, une triade est un ensemble de trois notes qui, jouées ensemble, n’en forment plus qu’une seule audible par l’oreille. Là encore, le chiffre 3. Mais il est pratiquement omniprésent et l’œil se plaira à chercher dans cette mécanique toutes les allusions à ce nombre. On note ainsi que cette mécanique présente, côté cadran, trois roues noires et trois roues dorées identiques et, au centre, une quatrième ornée de trois bras. En revanche sont présents quatre chiffres romains en relief… Qu’importe, la somme des chiffres 3 et de 4 forme le nombre 7, lui aussi particulièrement apprécié. Et parce qu’il ne fallait pas manquer un chiffre propitiatoire, le 8 s’impose au cœur de cette référence animée par un mouvement mécanique à remontage automatique en maillechort rhodié réalisé par le maître, en étant éditée en série limitée à 88 exemplaires. Corum > Ti-Bridge Automatic Dual Winder Ils en rêvaient, ils l’ont réalisée. La célèbre Ti-Bridge avec son mouvement baguette est aujourd’hui équipée d’un mécanisme de remontage automatique. Non pas, comme cela avait été fait précédemment avec une masse tangentielle, mais avec deux microrotors associés par une bielle, qui semble tout droit avoir été inspirée par le train de roue d’une locomotive à vapeur. Travaillant en symétrie, ils sont plus efficaces et remontent rapidement le barillet, garantissant 72 heures de réserve de marche. Fidèle à l’esthétique de la ligne Ti-Bridge, le nouveau mouvement CO 207 prend place dans le boîtier de 42 x 52 mm qui, réalisé en titane est plus fin que ses prédécesseurs, et largement ouvert afin de permettre de découvrir le calibre, mais également, côté fond, les deux masses oscillantes en ligne. Quels que soient les formes, les matières ou les mécanismes d’ouverture, nous réalisons sur mesure tous vos écrins pour l’horlogerie, la joaillerie, les spiritueux, la lunetterie, les instruments d’écriture et pour tout autre accessoire de luxe. L’ A R T D E L’ É C R I N S U R M E S U R E www.technew.ch GENÈVE - SUISSE 55