Portrait de l`inspecteur Bonnier

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Portrait de l`inspecteur Bonnier
Portrait de l’inspecteur Bonnier
Lucien Bonnier
Né en 1942 à Lyon – rue Garibaldi.
1,76 m - 70 kg
Une sœur : Patricia (mariée à un vendeur d’assurances au porte à porte
qui lui a fait six enfants).
Vit maritalement avec Florence (médecin légiste).
A pour adjoint Daniel Contet.
Roule en Renault 16.
Prix Inspecteur Bonnier 2015 - Des Livres et des Histoires - Page 1
« Dormir c’est mourir un peu » - Extrait « C’est Salvatore Giulema, un copain de promo, qui avait depuis quitté la police pour se
mettre à son compte comme privé, qui avait présenté Tonio Vendetti à Bonnier et ce dernier
qui avait apprécié ce sympathique petit italien, un peu frappe, un peu gigolo, mais surtout
sosie vivant de Franck Sinatra qu’il avait toujours adulé. Au surplus, Vendetti pouvait se
permettre de faire des choses que la police réprouve mais qui lui sont parfois bien utiles.
Tonio, les mains aux poches et l’air rêveur, s’approcha de l’immeuble repéré quelques jours
auparavant. C’était une grande maison cossue dont la façade nord et plutôt principale donnait sur les arbres et les pelouses du Parc de la Tête d’Or.
Au-delà des grilles, on entendait le grondement des voitures sur le boulevard des Belges.
La nuit était opaque et le petit crachin glacé qui tombait du ciel épais rendait tout ce qu’on
touchait à la fois poisseux et glissant.
Le plus délicat, jusqu’à présent, avait été de se faire enfermer dans le parc, au moment où
les gardiens faisaient leur ultime ronde de la journée. La prochaine n’aurait lieu que vers
minuit et d’ici là…
Tonio regarda l’imposant immeuble comme un alpiniste regarde la montagne. Puis il traversa la haie de fusains mouillés, palpa en connaisseur le tuyau de descente des eaux et
essuya ses mains avec des kleenex tirés de sa poche et écologiquement rejetés dans une
poubelle à portée de main justement. Il sortit de sa poche une petite boîte, saupoudra ses
paumes de résine, assura sa prise sur le tuyau de zinc et lentement, très lentement, commença à monter.
Les fenêtres du premier et du second étage étaient éclairées. Elles ouvraient sur des salons
pleins d’animations familiales autour du dieu télé, mais il aurait fallu que quelqu’un passe la
tête à travers une de ces baies pour qu’il puisse voir Tonio. Et par ce temps de chien !
Il y avait quatre jours que Bonnier, Contet et Vendetti avaient repéré l’endroit. Il s’étaient
renseignés chez le gardien, puis avaient fait une enquête serrée de voisinage et avaient
poussé le scrupule jusqu’à téléphoner à plusieurs reprises, de jour comme de nuit, chez
le propriétaire du troisième pour tomber immanquablement sur le répondeur automatique.
Et pour cause, c’était l’appartement très privé de René Bosson, bien en peine de quitter la
morgue pour rentrer chez lui.
Tonio grimpait silencieusement, mais l’angoisse lui serrait le ventre. Les arbres dénudés par
l’hiver étaient assez hauts pour l’abriter des regards du côté du boulevard des Belges, mais
un gardien aurait pu l’apercevoir, accroché au mur, plaqué contre lui comme Spiderman.
Tout à l’heure, lorsqu’il serait dans l’appartement, tout deviendrait beaucoup plus simple.
Arrivé à la hauteur du second étage, le rire clair d’une jeune femme ou d’une adolescente
le fit sursauter. Il regarda au-dessous de lui. Le vide semblait un abîme noir, parfois balayé
par les phares d’une voiture et les haies de fusains et de buis ressemblaient à des gnomes
menaçants. L’odeur putride des feuilles mortes montait vers lui.
Jamais il ne s’était senti aussi seul ! »
Dormir c’est mourir un peu (pp.97-100) - Éditions du Poutan - Jacques Bruyas et Gilbert
Sterlini - http://poutan.fr/#dormir
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