Etude sur l`action des défenseurs des droits des

Transcription

Etude sur l`action des défenseurs des droits des
Etude sur l’action des défenseurs des droits
des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
trans et intersexes, et sur son rôle dans les
développements importants à
l’ONU entre 2003 et 2014
Rédigé par : Dodo Karsay
Equipe de recherche : Jack Byrne, Dodo Karsay,
Lucas Paoli Itaborahy
1
Promouvoir les droits OSIG à l’ONU:
où en est-on? et où va-t-on?
Etude sur l’action des défenseurs des droits des
personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et
intersexes, et sur son rôle dans les
développements importants à
l’ONU entre 2003 et 2014
Un rapport commandé par ARC International
Rédigé par : Dodo Karsay
Equipe de recherche : Jack Byrne, Dodo Karsay, Lucas Paoli Itaborahy
www.arc-international.net
Septembre 2014
Copyright © 2014 ARC International
Tous droits réservés.
Image de couverture : Istock
Remerciements
L’équipe de recherche souhaite exprimer sa profonde
reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui ont
investi du temps et de l’énergie dans ce projet : les
personnes qui ont participé à l’enquête et celles qui
ont été interviewées, les militant(e)s, les expert(e)s en
droits humains et les représentant(e)s d’agences de
l’ONU et de missions diplomatiques qui ont partagé
leurs connaissances, leurs expériences et leurs
expertises. Ce rapport n’aurait jamais pu voir le jour
sans votre soutien.
Résumé
2
Introduction 5
Profils des participants
8
Acquis majeurs sur les questions OSIGI à l’ONU
10
L’utilité des mécanismes de l’ONU et des outils à disposition de la société civile 14
Les thématiques OSIGI à l’ONU
24
Plaidoyer à l’ONU : les obstacles principaux rencontrés à ce jour
et les défis futurs
27
Les principales opportunités pour le futur, et quelques remarques
en guise de conclusion
33
Annexe I: Questionnaire de l’enquête
38
Annexe II: Chronologie du plaidoyer OSIG et des principaux développements
à l’ONU
40
Ce rapport a été commandé par ARC
International. Il étudie la perception des progrès
acquis à l’ONU depuis 2003 par les militants et les
militantes travaillant à la promotion des questions
d’orientation sexuelle (OS), d’identité de genre
(IG) et intersexes, ainsi que les défis qui restent
à relever et les opportunités d’actions futures
dans ces domaines. Le rapport utilise l’acronyme
OSIG qui couvre à la fois l’orientation sexuelle et
l’identité de genre. C’est la terminologie utilisée
dans les Principes de Jogjakarta ainsi que par la
plupart des mécanismes de l’ONU. L’expression
« OSIG et intersexe » est utilisée lorsque les
questions intersexes sont également incluses
dans la discussion.1
Le travail de recherche, effectué entre mars et mai 2014, a
bénéficié de la participation de plus de 100 personnes au
total à un questionnaire par Internet et à des entretiens
avec des militants et militantes OSIG et intersexes, ainsi
que des personnels de l’ONU et de Missions diplomatiques.
Le présent rapport fait le tour des principaux thèmes qui
ont émergé des 98 réponses au questionnaire et qui ont
pu être explorés plus en profondeur grâce à 29 entretiens
conduits avec des personnes en position d’apporter des
informations pertinentes.
Le rapport montre qu’il existe un large consensus autour
d’un constat de base : des progrès gigantesques ont été
accomplis au cours des dix dernières années, permettant
à l’ONU de mieux traiter des violations des droits des
personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes
(LGBTI) à travers le monde. Le travail persévérant des
militants et des militantes OSIG et intersexes auprès
des mécanismes de l’ONU et des Etats a débouché sur
plusieurs résultats : une visibilité accrue de ces questions
à l’ONU, et notamment dans le travail des organes de
traités,2 des procédures spéciales et dans le cadre de
l’Examen Périodique Universel (EPU).3 Leurs activités
de couloir et leurs conseils souvent discrets ont incité
les Etats à s’exprimer davantage sur ces questions. Les
Etats bénéficient maintenant d’un ensemble d’éléments
tangibles sur lesquelles ils peuvent s’appuyer. Ils ont
aussi des alliés avec qui travailler. Le leadership puissant
de hautes personnalités de l’ONU comme le SecrétaireGénéral Ban Ki-Moon et l’ex Haut-Commissaire Navi Pillay4
a été très important pour inciter les acteurs onusiens et
les gouvernements à reconnaître les violations basées sur
l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou la condition
intersexe comme des violations des droits de l’homme
à part entière et pour mettre fin à l’impunité. En terme
de résultat concret de ces efforts de rendre légitime les
revendications de mettre fin à ces violations contre les
personnes LGBTI, la résolution de 2011 et par la suite le
rapport du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme
(HCDH) sont vus comme les principaux progrès accomplis
jusqu’à présents.
Il convient de noter que le questionnaire par Internet et
les entretiens ont été conduits avant l’adoption, à la 27ème
session du Conseil des droits de l’homme, en septembre
2014, d’une résolution de suivi portant sur les droits
humains, l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
Présentée par le Brésil, le Chili, la Colombie et l’Uruguay,
cette résolution a été adoptée à la majorité absolue (25
pour, 14 contre, et 7 abstentions), marquant ainsi un pas
en avant considérable dans le traitement de ces questions
par l’ONU.
Il a été généralement reconnu que les questions
d’orientation sexuelle et, dans une moindre mesure,
celles d’identité de genre ont été de plus en plus traitées
par les mécanismes de l’ONU. Cependant, seule une
minorité de personnes pense que cela a été le cas pour les
questions intersexes. En ce qui concerne les thématiques
plus spécifiques, le VIH/Sida et la criminalisation des
défenseurs des droits humains sont perçus comme les
thèmes les mieux traités par l’ONU jusqu’à présent.
1 Les auteur(e)s se sont efforcé(e)s d’opter pour l’une ou l’autre de ces expressions en fonction du contexte spécifique. Par exemple, « OSIG» est utilisée
pour des rapports de l’ONU ou des initiatives qui ne portent pas sur les questions intersexes. En revanche, on trouvera des références spécifiques aux
développements relatifs aux questions intersexes, qui ont commencé à recevoir une attention accrue ces dernières années dans les forums onusiens.
2 Les organes de traités sont les gardiens des conventions internationales de droits de l’homme. Chaque organe de traité est composé d’experts
indépendants qui examinent le respect de ces traités par les Etats.
3 L’Examen Périodique Universel est un mécanisme du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies qui permet d’examiner la situation des droits de
l’homme dans tous les Etats membres de l’ONU. Les ONG peuvent soumettre des rapports et des recommandations sur comment améliorer la situation
des droits de l’homme dans chaque Etat examiné, y compris concernant la mise en œuvre des recommandations du cycle précédent de l’EPU, les
développements concernant la situation des droits dans ce pays et d’autres questions de droits de l’homme.
4 L’actuel Haut-Commissaire Al Hussein a aussi souligné dans sa déclaration inaugurale au Conseil des droits de l’homme : « Il n’y a aucune justification
pour la dégradation, le rabaissement ou l’exploitation d’autres êtres humains, sur quelque base que ce soit : sa nationalité, sa race, son ethnie, sa religion,
son genre, son orientation sexuelle, son handicap, son âge ou sa caste ».
2 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Il reste de grands déficits dans le traitement d’autres
thématiques, comme les droits sexuels et reproductifs et
la reconnaissance juridique du genre.
bureaux locaux du HCDH et d’autres agences onusiennes,
qui souvent ne se feraient pas le relais des standards
progressistes en matière de questions OSIG.
Les conclusions de cette étude montrent également que
les capacités d’action des militants et militantes OSIG et
intersexes (OSIGI) se sont substantiellement améliorées à
travers les années. Ils et elles ont commencé à interagir
avec un plus grand nombre de mécanismes et ont utilisé
une plus grande variété d’outils à leur disposition. Pour
beaucoup, le mécanisme de l’EPU a été le forum onusien le
plus utile. Ce mécanisme est vu comme ouvrant bien plus
d’espace pour traiter des questions OSIG que les autres
mécanismes et comme ouvrant des opportunités à la
société civile pour qu’elle puisse se mettre en relation avec
les gouvernements et influencer les recommandations.
Cependant, il est possible que cela reflète aussi une
plus grande connaissance de ce mécanisme par les
participants, puisque ceux qui ont travaillé avec d’autres
mécanismes, comme les procédures spéciales,5 les ont
trouvé au moins aussi utiles. Les procédures spéciales sont
vues comme des mécanismes qui ont historiquement joué
un rôle essentiel dans la promotion des questions OSIG
à l’ONU, et qui sont restées approchables quand aucun
autre mécanisme n’était prêt à traiter de ces questions
au début des années 2000. Les personnes participantes
reconnaissent et apprécient également le rôle des
procédures spéciales lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention
sur des thématiques spécifiques. Cela a été le cas par
exemple avec le rapport du Rapporteur Spécial sur la
Torture, qui a identifié les obligations de stérilisation des
personnes trans et les opérations d’assignation de genre
non-consenties par les personnes intersexes comme une
forme de torture ou de traitement cruel, inhumain ou
dégradant. Le Conseil des droits de l’homme6 (CDH ou
« le Conseil ») est perçu comme important pour le
travail de plaidoyer à haut niveau, mais aussi comme
inaccessible pour beaucoup de militants et de militantes
OSIG et intersexes Les organes de traités, quant à eux, sont
reconnus comme des institutions clés pour établir normes
et standards, dont le travail est moins visible mais pas
moins important. Parmi les agences de l’ONU, le rôle du
HCDH7 a été vu comme extrêmement important par une
majorité, bien qu’il existe des inquiétude concernant les
Les principaux obstacles identifiés au cours des 11
dernières années sont les suivants : le manque de
ressources financières est l’inquiétude principale. Elle
a été la plus communément mentionnée par ceux et
celles qui travaillent en Asie, en Afrique, en Europe
de l’Est et en Amérique latine et Caraïbes, ainsi que
par les femmes, les personnes trans et intersexes. Ces
barrières ont une conséquence : la difficulté d’assurer
une bonne représentation de la diversité géographique
et communautaire des militants et des militantes actifs
à l’ONU. Pour surmonter cette difficulté dans le futur,
un changement dans les politiques des bailleurs est vu
comme essentiel. Un renforcement des efforts pour
rendre plus accessible le plaidoyer OSIG et intersexe
et pour former à cela les militants et les militantes a
également été identifié comme crucial.
Il y avait également un sentiment de frustration largement
partagé parmi les militants et les militantes LGBTI, au
moment des entretiens, de constater que la résolution de
juin 2011 n’avait toujours pas débouché sur des résultats,
et que la progression sur ces questions semblait au point
mort à l’ONU. Depuis cette résolution, les questions OSIG
ont été davantage politisées à l’ONU : les positions se
sont durcies et il semble extrêmement difficile d’avancer.
Beaucoup ont souligné que cette impasse apparente ne
devrait pas dissuader les Etats favorables et les mécanismes
de maintenir l’attention qu’ils portent aux questions OSIG
et intersexes, et de continuer à les traiter. Cependant,
beaucoup considèrent également qu’il est essentiel que
plus d’Etat non-occidentaux apportent ouvertement leur
soutien sur ces questions, pour contrer l’idée fausse que
l’orientation sexuelle et l’identité de genre seraient des
concepts occidentaux qui n’ont pas de pertinence dans les
autres pays. La récente résolution de suivi, portée par des
Etats latino-américains et adoptée avec le soutien de pays
provenant des cinq régions géographiques à l’ONU, vient
confirmer l’efficacité de cette approche.
La discrimination et la violence en raison de l’orientation
sexuelle, de l’identité de genre ou de la condition
5 « Procédures spéciale » est un terme générique faisant référence à des expert(e)s indépendant(e)s le plus souvent nommé(e)s par des organes
politiques de l’ONU pour étudier et faire des rapports sur des thématiques spécifiques ou des situations de pays. Le terme couvre en réalité les
Rapporteurs Spéciaux, les Experts Indépendants et des Groupes de Travail. On utilisera dans le texte l’expression « Rapporteur spécial » pour les
désigner ; puisque c’est celle utilisée le plus fréquemment par les personnes interviewées.
6 Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU est le principal forum intergouvernemental s’occupant des questions de droits humains. Le CDH est
chargé de travailler sur une grande variété de questions de droits humains, et en particulier de traiter des situations qui requièrent son attention, de
coordonner le travail du système onusien de protection des droits humains et d’élaborer de nouveaux standards en matière de droits humains.
7 Le HCDH travaille à faire fonctionner les différents mécanismes de l’ONU, notamment le Conseil des droits de l’homme, l’EPU et les organes de
traités. Il est piloté par le ou la Haut-Commissaire aux droits de l’homme.
3
intersexe persistent sur le terrain et se sont accrues dans
certains pays ces dernières années. Certains voient cette
augmentation de la violence d’une part comme une
réaction à une plus grande visibilité et aux acquis gagnés
par les militants et les militantes OSIG, à l’ONU comme
sur le terrain, et d’autre part comme la conséquence
d’efforts plus concertés de forces qui sont hostiles
à ces changements. Pour combattre cette violence,
l’engagement continu des acteurs onusiens est perçu
comme vital, notamment pour renforcer les mesures de
prévention.
Ces dernières années, le nombre de militants et de
militantes LGBTI travaillant avec les mécanismes de l’ONU
a connu une augmentation constante. Bien que cela ait été
largement salué comme un progrès, cela mène aussi à des
difficultés pour parvenir à s’unir et pour s’accorder sur des
objectifs de plaidoyer communs. Certains pensent qu’il
y a là une opportunité pour que les mouvements LGBTI
repensent la façon dont ils prennent des décisions et dont
il fixent leurs priorités stratégiques. En ce qui concerne les
objectifs pour le futur, il y a consensus autour de l’idée que
l’ONU doit faire des rapports réguliers sur les questions
OSIG et intersexes. Cependant, il existe une variété de
points de vue lorsqu’il s’agit de savoir quel mécanisme
précisément devrait faire ce travail. Certains pensent
qu’un mécanisme spécifique mandaté pour traiter de ces
questions serait idéal, d’autres pensent qu’une approche
intersectionnelle pour discuter des questions OSIG et
intersexes serait suffisante, alors que d’autres pensent
que ces deux approches se complèteraient mutuellement.
En résumé, il est indéniable que le plaidoyer LGBT a fait
bouger beaucoup de lignes depuis 2003. Ces succès
doivent être célébrés et servirent de base aux activités
futures. Cependant, le chemin à parcourir reste long et
difficile. La société civile doit non seulement continuer ses
efforts, mais elle doit aussi les amplifier sur tous les fronts.
4 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Contexte
Cela fait maintenant 11 ans que le projet
brésilien de résolution sur l’orientation sexuelle
et les droits humains s’est heurté à un mur à la
Commission des droits de l’homme de l’ONU,
en 2003,8 et ce malgré les efforts considérables
déployés par la société civile et l’engagement
de nombreux Etats progressistes à l’ONU. Pour
beaucoup, ce moment de militantisme OSIG a
été une douche froide.
Cependant, de très nombreux acteurs de la société
civile à travers le monde ont persévéré dans leurs
engagements, et les Etats progressistes ont continué à
pousser l’ONU à garantir les droits des personnes LGBTI
dans le monde. En 2005, 2006 , 2008 et 2011,9 les pays
favorables ont réaffirmé la nécessité de protéger les
droits des personnes LGBTI en délivrant des déclarations
communes remerciant les organes de traités de l’ONU et
les rapporteurs spéciaux qui avaient traité des questions
OSIG, et appelant le Conseil des droits de l’homme à
prêter à ces sujets l’attention qu’ils méritent. Se basant
sur les leçons tirées de l’échec de la résolution brésilienne
et prenant acte de la nécessité pour les droits LGBTI de
trouver leur place dans les cadres du droit international
des droits de l’homme existants, un groupe d’experts en
droits humains éminents a développé puis adopté les
Principes de Jogjakarta en novembre 2006.
Toutes ces pierres posées l’une après l’autre, ainsi que
l’engagement continu des acteurs de la société civile,
des Etats et de l’ONU, ont débouché sur ce qui aurait été
encore impensable en 2003 : l’adoption de la première
résolution OSIG à l’ONU. En 2011, le Conseil des droits
de l’homme de l’ONU a adopté une résolution sur les
droits humains, l’orientation sexuelle et l’identité de
genre (« l’identité de genre » était cette fois clairement
incluse dans le titre). Dans cette résolution, le Conseil
demandait à la Haut-Commissaire aux droits de l’homme
de préparer un rapport documentant les législations et les
pratiques discriminatoires, ainsi que les phénomènes de
violences basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de
genre dans toutes les régions du monde. Le Conseil s’est
également engagé à organiser le tout premier panel sur la
thématique OSIG en 2012. Ce faisant, le Conseil prenait
finalement un engagement fort en faveur des droits des
personnes LGBTI à travers le monde.
Les progrès accomplis par les militants et les militantes
OSIG et leurs allié(e)s au sein des Etats et à l’ONU sont
indéniables. Pourtant, on voit encore aujourd’hui sur le
terrain des accès de violences verbales et des attaques
physiques contre les activistes, et les dynamiques
politiques à l’ONU sur les questions OSIG sont difficiles
à appréhender. Alors même que les questions OSIG sont
devenues plus visibles, des lignes de fractures se sont fait
jour et les Etats s’opposant à l’institutionnalisation de ces
droits ont uni leurs forces pour mobiliser davantage. En
2009, le Conseil a adopté sa première résolution sur les
valeurs traditionnelles et les droits humains. Cinq années
plus tard, en 2014, le Conseil a adopté une résolution sur
la protection de la famille qui exclue toute référence à la
diversité existante des formes de famille. Ces résolutions
illustrent les résistances qui existent à la reconnaissance
des droits OSIG à l’ONU et posent un certain nombre de
questions. Les divers mécanismes et agences de l’ONU
ont-ils été efficaces à faire progresser la considération des
droits des personnes LGBTI ? Que sont parvenus à réaliser
les mouvements LGBTI jusqu’à présent et pour quels
objectifs devraient-ils se mobiliser pour la suite ?
Le 24 juin 2014, une déclaration cosignée par un nombre
sans précédent d’acteurs de la société civile, co-signée
par plus de 500 ONG provenant de plus de 100 pays, a
été présentée à la 26ème session du Conseil des droits
de l’homme. Celle-ci appelait le Conseil à adopter
une seconde résolution. La déclaration a appelé à la
soumission de rapports réguliers, à un dialogue continu, et
à prêter une attention durable aux violations systémiques
des droits de l’homme auxquelles font face les personnes
LGBTI à ce jour en raison de leur orientation sexuelle,
de leur identité de genre ou de leur statut intersexe. Le
texte de cette déclaration a détaillé les diverses violations
8 Le projet de résolution a initialement été présenté en 2003, puis repoussé à 2004, et enfin retiré en 2005, sans même avoir été soumis au vote. Alors
que le projet se concentrait sur l’orientation sexuelle et les droits de l’homme, des organisations de la société civile ont tenté sans succès d’y inclure
l’identité de genre.
9 Pour une liste détaillée des étapes importantes de ce combat présentées dans ce chapitre, voir l’annexe II.
5
auxquelles font face les communautés LGBTI à travers le
monde :
Dans de trop nombreux pays, nous sommes victimes
de graves violations des droits humains. Nous sommes
criminalisé(e)s, notamment par des lois datant de
l’époque coloniale, nous risquons la peine de mort, nous
sommes tué(e)s, les lesbiennes font l’objet de viol et de
mariage forcés, les personnes intersexes sont victimes
d’eugénisme négatif, d’infanticides, de stérilisation
forcée et de mutilations génitales, les personnes
transgenres sont moquées et font l’objet de violences,
sont réduites à l’état de malades, sont stérilisées,
leurs identités ne sont souvent pas reconnues par
les Etats. On nous refuse des soins de santé et les
traitements dont nous avons besoin. Nous faisons
quotidiennement face à des discriminations au travail,
à l’école et dans l’accès au logement. Dans beaucoup
de pays, notre travail comme défenseurs des droits de
l’homme est critiqué, empêché et interdit. Notre droit
de se rassembler pacifiquement est souvent violé, et
on tente de faire taire nos voix.10
Le but de ce rapport est de contribuer au succès du travail
de plaidoyer LGBTI dans le futur, par la mise en partage
d’un peu des très riches connaissances, expériences et
expertises acquises par ceux qui utilisent les mécanismes
de l’ONU pour traiter des droits des personnes LGBTI,
qu’ils soient de la société civile, qu’ils travaillent pour
l’ONU ou pour des missions diplomatiques.
98 réponses ont été reçues (81 en anglais, 12 en espagnol et
5 en français).14 Dans un second temps, des entretiens plus
détaillés ont été conduits avec 29 personnes (notamment
des représentant(e)s d’organisations de la société civile,
des personnes militant à titre individuel, du personnel
d’agences de l’ONU et de missions diplomatiques, ainsi
que des universitaires). Le but premier des entretiens
était de clarifier et d’approfondir les informations réunies
dans les réponses aux questionnaires.15 Les entretiens
ont duré une heure en moyenne et ont été conduits sur
une période de six semaines (du 28 mars au 9 mai) en
anglais et en espagnol.
Limites
Les méthodes de recherche utilisées induisent quelques
limites, liées à la variété des participants et au contenu
du questionnaire et des entretiens. En ce qui concerne la
participation :
•
le principal moyen par lequel l’enquête en ligne a été
diffusée est la liste de diffusion « SOGI-list »
•
le questionnaire n’était disponible qu’en anglais, en
français et en espagnol
•
une enquête à petite échelle comme celle-ci ne peut
produire des données quantitatives généralisables
à l’ensemble des militants et des militantes OSIG et
intersexes actifs à l’ONU. Cependant, il s’en dégage
des thèmes récurrents qui ont été étudiés plus en
profondeur par la suite grâce aux 29 entretiens
réalisés avec des participants à l’expérience
particulièrement pertinente
•
L’équipe en charge du projet a essayé d’assurer un
équilibre au sein des personnes interviewées entre
les différentes origines, expériences et identités, mais
cet équilibre est inévitablement imparfait.
Champ d’étude et méthodologie
A la fin de l’année 2013, dans le cadre de son processus
d’évaluation,11 ARC International a commandé un rapport
externe pour étudier comment sont perçus les progrès
réalisés par les militants et militantes LGBTI aux Nations
unies depuis 2003, les défis qui restent à relever et les
possibles opportunités d’actions pour le futur.12
Le travail de recherche a été mené en deux phases.13
Tout d’abord, un questionnaire en ligne en trois langues
a été élaboré. Celui-ci s’intéressait aux contributions de
la société civile aux développements onusiens. Au total,
Le second type de limites est lié au contenu de l’enquête
et des entretiens :
•
les questions fermées et les listes préétablies de
réponses possibles peuvent avoir limité la liberté
10 Déclaration commune de plus de 500 ONG provenant de plus de 100 pays, lue par Lame Charmaine Olebile, Conseil des droits de l’homme, 24 juin
2014, www.arc-international.net/hrc26-joint-statement-fr.
11 L’évaluation du travail d’ARC fait l’objet d’un rapport séparé : ARC International dans ses 10 premières années : étude de la contribution d’ARC au
militantisme LGBTI et aux succès obtenus à l’ONU depuis 2003. Rédigé par Lucas Paoli Itaborahy, paru en septembre 2014. Equipe de recherche : Jack
Byrne, Dodo Karsay, Lucas Paoli Itaborahy.
12 Bien que le personnel d’ARC ait fourni des informations et une aide au début de ce travail de recherche, ils n’ont participé ni à l’élaboration des
questionnaires ni aux entretiens.
13 Des détails supplémentaires sur la méthodologie ont été fournis à ARC. Dans un but de concision, ils n’ont pas été ajoutés à ce rapport, mais ils
restent disponibles auprès d’ARC sur demande.
14 Voir Annexe I pour la liste des questions contenues dans cette enquête.
15 La liste des personnes interviewées reste confidentielle et l’équipe de recherche a fait en sorte que les citations ne permettent pas d’identifier la
personne interviewée. Quand un élément d’information important ne pouvait pas être retranscrit sans dévoiler l’identité d’un individu, la personne en
question a été approchée par l’équipe pour obtenir sa permission explicite avant de l’utiliser.
6 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
de réponse des personnes participantes. Plusieurs
questions ouvertes ont cependant permis aux
participants et participantes de développer leurs
réponses
•
les questions de l’enquête faisaient référence au
plaidoyer sur les questions « OSIG» (conformément
à la terminologie consacrée par les Principes de
Jogjakarta). A celles-ci s’ajoutaient des questions
spécifiques sur l’attention portée aux questions
intersexes et à la participation des militants et
militantes intersexes. Dans la présente analyse des
réponses à l’enquête, OSIG est utilisé tout au long
du rapport, et quand des participants et personnes
interviewées parlent explicitement de questions
OSIG et intersexes, cela est reflété dans le texte.
Structure
Le rapport se structure en 7 chapitres. Après cette
introduction, le Chapitre 2 offre une vision générale du
profil des participants et des personnes interviewées.
Le Chapitre 3 traite des succès majeurs obtenus sur les
questions LGBTI à l’ONU depuis 2003 et des leçons tirées
durant cette période. Il examine également l’évolution
de la façon dont les mécanismes de l’ONU ont traité
des questions OSIG et intersexes, de la composition
et des capacités de plaidoyer de la société civile, et de
l’équilibre entre le traitement des questions d’orientation
sexuelle, d’identité de genre et intersexes. Le Chapitre
4 traite de la façon dont sont perçus les mécanismes
onusiens et leurs utilités, notamment celle du Conseil
des droits de l’homme, de l’Examen Périodique Universel,
des Rapporteurs Spéciaux et des organes de traité. Il
fait également le point sur un ensemble d’outils et de
techniques communément utilisés par les militants et
les militantes LGBTI, et sur l’utilité qu’ils ont démontrée
jusqu’à présent. Le Chapitre 5 identifie les questions OSIG
et intersexes considérées par les participants comme
ayant été convenablement traitées depuis 2003, ainsi
que les points qui à leurs avis mériteraient une attention
accrue. Le Chapitre 6 se concentre sur les obstacles
auxquels ont fait face les acteurs de la société civile dans
leurs interactions avec les mécanismes onusiens sur cette
période, ainsi que sur les nouveaux problèmes entrain
d’émerger. Le Chapitre 7 se penche plus en profondeur
sur l’avenir du plaidoyer OSIG et intersexe, en examinant
non seulement les stratégies possibles pour surmonter
ces défis majeurs mais aussi les opportunités et les espoirs
pour l’avenir. Le rapport s’achève sur quelques remarques
en guise de conclusion.
7
Au total, 98 personnes ont répondu au
questionnaire en ligne et 29 personnes ont
été interviewées. Il leur a été demandé de
préciser les domaines et les régions sur
lesquels ils et elles travaillent, leur nombre
d’années d’expérience dans le militantisme
LGBTI en général (et auprès de l’ONU en
particulier), ainsi que leurs identités.16 Dans ce
rapport, le terme « participant » renvoie aux
personnes qui ont répondu au questionnaire
en ligne. Tous les diagrammes sont basés sur
les réponses à ce questionnaire.
Figure 2 : Expertise régionale
Monde
Afrique (total)
Europe (total)
Afrique sub-saharienne
Asie
Amérique latine et Caraïbes (total)
Europe de l’Est et Balkans
Amérique latine
Europe occidentale et centrale
Caraïbes
Pacifique
Afrique du Nord
Amérique du Nord
Domaines d’expertise thématique
Moyen Orient
Les participants travaillaient sur les questions
d’orientation sexuelle et d’identité de genre dans les
mêmes proportions (autour de 90% pour chaque). Moins
de la moitié avait travaillé sur les questions intersexes ou
sur les droits sexuels et reproductifs. Une personne sur
deux travaillait également sur d’autres questions de droits
humains. Ces proportions sont restées similaires chez les
personnes interviewées par la suite.
51%
33%
33%
31%
31%
29%
28%
27%
19%
18%
15%
12%
11%
11%
Expertise régionale
La moitié des participants travaillaient à l’échelle
mondiale et beaucoup travaillaient sur plusieurs
régions à la fois (figure 2).17 La proportion de personnes
interviewées travaillant en Europe était inférieure à celle
des participants de cette région. Cela était le résultat
d’un choix délibéré destiné à assurer une représentation
suffisante des personnes travaillant en Asie, en Amérique
latine et aux Caraïbes dans les 29 entretiens.
La plupart des participants avaient participé à des activités
de plaidoyer OSIG pendant au moins 10 ans, mais ils et
elles avaient moins d’expérience en ce qui concerne le
travail avec l’ONU (figure 1). Il y avait une proportion plus
élevée de personnes interviewées avec plus de 10 ans
d’expérience de plaidoyer auprès de l’ONU.
Figure 1 : Années d’expérience dans
le militantisme OSIG
53%
18%
10 ans ou plus
26%
22.4%
De 5 à 10 ans
18%
26.5%
De 2 à 5 ans
3%
11%
Moins de 2 ans
militantisme / plaidoyer OSIG
plaidoyer OSIG à l’ONU
16 Toutes les questions, à l’exception de celles relatives au nombre d’années d’expérience de militantisme OSIG et/ou à l’ONU, étaient ouvertes à des
réponses multiples. Cela explique que certains pourcentages puissent aboutir à un total supérieur à 100. Cela est particulièrement le cas pour ce qui
concerne la réponse concernant la question de l’identité de genre.
17 La question portait sur les régions sur lesquelles les personnes travaillaient, plutôt que sur les régions où elles étaient basées, ou d’où elles
venaient. Le nombre total de personnes travaillant sur l’ensemble « Amérique latine et Caraïbes » est plus bas que l’addition des personnes travaillant
dans chacune de ces régions, puisque certaines personnes ont travaillé sur ces deux régions à la fois. La même remarque s’applique à ceux et celles
travaillant en Afrique (Afrique du Nord et Afrique Sub-Saharienne) et en Europe (Europe centrale et occidentale, Europe de l’Est et Balkans).
8 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Figure 3 : Identité des participant(e)s
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Sexe, orientation sexuelle et identité
de genre
Le questionnaire a été rempli par une proportion très
similaire de femmes (43%) et d’hommes (44%), auxquelles
s’ajoutent 5 personnes (5%) qui s’identifient comme
intersexes.
Environ un tiers des participant(e)s s’est identifié comme
gay, un quart a utilisé le terme lesbienne ou queer. Les
proportions étaient très similaires chez les personnes
interviewées.18
Un tiers des participant(e)s a décrit son identité de genre
comme homme, un autre tiers comme femme. Au total,
vingt-sept personnes (28%) se sont identifiées comme
trans, gender variant, queer ou comme travesti(e). Dans
le présent rapport, toute personne s’identifiant par au
moins l’un de ces termes est inclue dans l’ensemble
« trans ». Si l’on compare ces proportions au sein
des participants à celles des personnes interviewées,
on retrouve la même proportion pour celles
identifiant leur genre comme féminin (10 personnes
ou 34%), une proportion plus large d’hommes
(13 personnes ou 45%) et une proportion plus
faible de personnes trans, gender variant ou queer
(7 personnes ou 24%).19
18 Une personne qui a répondu au questionnaire en langue anglaise a déclaré : « Je n’approuve pas la dichotomie anglophone sexe/genre » et a
précisé qu’elle ne la considérait pas appropriée dans le cadre d’une enquête à l’échelle mondiale.
19 Aucune des personnes interviewées ne s’est identifiée comme travestie.
9
Ce chapitre s’intéresse aux progrès considérés
comme majeurs par les participants, obtenus
grâce au plaidoyer OSIG à l’ONU au cours des
10 années passées, ainsi qu’aux leçons tirées de
cette période.20
La quasi-totalité des personnes ayant participé au
questionnaire ou aux entretiens s’accorde sur les avancées
immenses accomplies sur les questions OSIG à l’ONU
dans les 10 dernières années, et sur le fait que ce progrès
aurait été impensable dix ans en arrière. Il était alors
difficile d’aborder les questions OSIG dans l’enceinte de
l’ONU et les participants ont considéré que les militants et
militantes étaient trop prudents pour systématiquement
formuler les questions OSIG en terme de droits humains.
Très peu d’Etats s’affirmaient comme des soutiens forts
aux droits LGBTI et peu de mécanismes de l’ONU traitaient
des violations des droits basées sur l’orientation sexuelle
et l’identité de genre. Aujourd’hui, les questions OSIG
et intersexes sont abordées comme des questions de
droits humains, ce qui est vu par beaucoup comme une
large victoire : d’invisibles et marginales, ces questions
sont devenues bien visibles et pleinement légitimes. Les
questions OSIG sont de plus en plus largement traitées
dans des textes, des discussions, des déclarations, des
rapports et des recommandations de l’ONU. Elles sont
devenues partie intégrante du travail quotidien de l’ONU.
En réfléchissant aux 10 dernières années, certain(e)s
ont identifié la résolution brésilienne (2003) comme la
première pierre de l’édifice, malgré la retrait final du texte.
En terme de progrès réalisé, la résolution a créé une
mobilisation massive autour des questions OSIG qui a
aidé à identifier des alliés, ce qui selon les participants a été
utile pour les activités de plaidoyer qui allaient suivre. Une
personne latino-américaine a cependant fait remarquer
que ce processus avait révélé le fossé énorme séparant
les acteurs OSIG locaux de ceux qui dirigent le plaidoyer
OSIG à l’ONU. Elle pensait qu’une leçon essentielle de la
résolution brésilienne était que le plaidoyer international
ne devrait pas être concentré dans les mains d’un petit
nombre de personnes ou d’organisations.
Plusieurs personnes ont mis en avant une autre leçon : la
nécessité d’établir un lien explicite entre les questions
OSIG et le cadre des droits humains existant. Allant
dans le même sens, certaines personnes interviewées
ont souligné l’importance des Principes de Jogjakarta, 3
ans plus tard, pour établir ce lien. Bien qu’il ne s’agisse
pas d’une initiative de l’ONU, de nombreux participants
et personnes interviewées ont vu dans l’élaboration
des Principes de Jogjakarta le plus grand acquis de ces
dix dernières années sur les questions OSIG, à cause du
rôle crucial qu’ils ont joué pour développer un langage
commun sur les questions OSIG qui est maintenant utilisé
par un grand nombre d’Etats et d’acteurs onusiens. Un
militant gay qui a été actif à l’ONU pendant plus de dix
ans a déclaré :
Il est devenu illégitime de dire que le PIDCP,21 le PIDESC22
et le CAT23 (…) ne s’appliquent pas aux personnes
lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres ou intersexes,
parce que d’éminents experts, spécialistes des droits
humains, ont déclaré haut et fort que le droit existant
s’applique de façon universelle.24
Selon plusieurs personnes interviewées, les Principes
ont constitué pour les militants et les militantes un outil
précieux pour renforcer leurs communications, pour
apprendre à identifier rapidement les questions OSIG
et pour argumenter en s’appuyant sur des principes et
obligations existants en droit international des droits
humains. Tout en reconnaissant leur caractère significatif,
20 Ce chapitre s’appuie sur une question ouverte de l’enquête demandant aux gens d’indiquer ce qu’ils/elles pensaient être le progrès le plus
significatif obtenu à l’ONU sur les questions OSIG dans les 10 dernières années et pourquoi ils/elles pensaient cela. Durant les entretiens, nous avons
demandé aux gens de développer leurs réponses. Les personnes qui ont contribué à ces succès à l’ONU ont été particulièrement sollicitées pour
partager les leçons qu’ils en ont tirées.
21 Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
22 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
23 Convention contre la torture.
24 Sauf mention contraire, toutes les citations proviennent d’entretiens originaux spécialement conduits pour ce projet entre mars et mai 2014.
10 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
certains et certaines ont fait remarquer que ce document
avait aussi des limites qui se sont maintenant traduites
dans les institutions. Certaines personnes considèrent
que les Principes impliquent une distinction entre
orientation sexuelle et identité de genre qui n’est pas si
clairement définie en dehors de l’Amérique du Nord et de
l’Europe occidentale. Quelques personnes interviewées
ont exprimé leur inquiétude quant au nombre limité de
références à l’expression de genre, ou aux questions de
droits des personnes intersexes. D’autres ont pour leur
part insisté sur le fait que les Principes reflétaient l’état
de la jurisprudence internationale en matière de droits
humains au moment où ils ont été rédigés.
Certains et certaines ont souligné que les déclarations
communes (2005, 2006, 2008, 2011) ont été absolument
nécessaires dans le contexte post-2003 pour poser les
fondations d’une résolution qui serait adoptée plus tard.
Nombre de personnes interviewées qui avaient contribué à
ces déclarations ont fait remarquer que les pays occidentaux
ont dû prendre beaucoup de précautions puisque le rôle
moteur qu’ils pouvaient jouer sur ces questions risquait
d’aliéner d’autres Etats ou de donner à des acteurs de ces
régions une excuse pour ne pas jouer un rôle plus visible.
Cependant, quand les discussions touchant aux questions
OSIG ont commencé à l’ONU, il y avait un accord général sur
l’idée qu’il était parfois nécessaire que des pays occidentaux
comme la Nouvelle-Zélande (2005) et la Norvège (2006)
jouent un rôle moteur.
L’immense majorité des personnes participant au
questionnaire et des personnes interviewées a identifié la
Résolution du Conseil de 2011 et le Rapport du HCDH ainsi
que le Panel (2012) comme les plus grands acquis à ce jour.25
La résolution a été vue par la plupart comme constituant
un précédent et un véritable tournant pour le plaidoyer
OSIG. Beaucoup pensent que cela a apporté de la
légitimité aux revendications des organisations OSIG et a
rendu plus difficile leur ignorance par les Etats. Un militant
gay faisait remarquer :
Un des buts est de faire des questions OSIG des
questions faisant partie du quotidien du Conseil
des droits de l’homme. D’en faire une composante
ordinaire et pas exceptionnelle et inhabituelle de son
travail… C’est pour ça que j’ai vu la résolution comme
un moment important : à la fois parce que c’était
la première résolution du genre, donc elle crée un
précédent, mais aussi parce que – et c’est encore plus
important – cette résolution fait partie du processus de
normalisation de ces questions.
De nombreuses personnes interrogées ont déclaré que,
au contraire de ce qui s’était passé pour les déclarations
communes qui l’ont précédées, il existait un large
consensus au sein de la société civile et des Etats sur
la nécessité pour la résolution d’être portée par un
Etat non-occidental, de façon à contrer l’idée que les
questions OSIG était un problème qui ne concernait que
les Occidentaux. Cependant, comme l’a fait remarquer un
militant travaillant sur l’Amérique latine et les Caraïbes, la
réussite de la résolution doit être vue dans son contexte. Il
l’a décrite comme le fruit des efforts stratégiques continus
d’un nombre sans cesse plus grand d’Etats qui ont parlé
de plus en plus ouvertement des questions OSIG au cours
des années précédentes.
Une autre leçon importante qu’ont mise en avant les
participant(e)s est le rôle central joué par les coalitions
de la société civile pour obtenir la résolution. Beaucoup
ont considéré que les efforts de la société civile ont pu
être efficaces parce que l’objectif faisait l’objet d’un large
consensus et qu’il a donc été plus facile de contribuer à
des activités de plaidoyer communes que ce n’est le cas
aujourd’hui. Une personne a souligné le rôle crucial joué
par les ONG internationales, pour aider à conceptualiser la
façon dont les questions relatives à l’orientation sexuelle
et à l’identité de genre ont pu être décrites et comprises
en termes de droits humains :
La stratégie la plus utile jusqu’à présent a à voir avec
le langage utilisé pour parler des questions OSIG.
Quand l’Afrique du Sud a présenté la résolution de
2011 (…) [les ONG internationales] les ont approchée
pour éviter qu’ils ne présentent les droits OSIG comme
de nouveaux droits. A la place, ils sont allés parler
à la Mission [Sud-]Africaine et ils les ont convaincu
d’approcher les questions OSIG comme faisant partie
des droits humains existants.
Cependant, un certain nombre de militants, notamment
d’Afrique du Sud, ont pensé que les militants et les
militantes OSIG locaux ont souvent été oublié(e)s dans
le processus de consultation puisqu’ils n’avaient pas
un bureau à Genève ni un accès facile aux événements
et aux discussions. Ces remarques viennent en écho
aux inquiétudes exprimées autour de la résolution
brésilienne. Elles mettent en évidence le défi constant de
la réduction du fossé séparant les militant(e)s OSIG faisant
du plaidoyer à l’ONU des militant(e)s locaux.
25 Au moins la moitié des personnes ayant répondu à notre questionnaire ont participé à ces développements majeurs : 64% ont travaillé pour
obtenir la résolution de 2011, 55% pour les déclarations communes et 54% pour le rapport du HCDH.
11
Bien que la résolution ait été considérée comme un
moment fort de l’histoire du plaidoyer OSIG, le manque
de progrès immédiat à l’ONU suite à l’adoption de cette
résolution a frustré beaucoup de gens. Comme une
personne travaillant à l’ONU l’a fait remarqué :
Au niveau intergouvernemental, cela a été un processus
frustrant parce que l’adoption de la résolution a créé
beaucoup d’espoirs, et nous avons eu le rapport du
HCDH. Inévitablement, cela a fait apparaître combien
les Etats membres sont divisés sur la question, ce
qui n’avait rien de nouveau en soi, mais le niveau de
polarisation : plus de 50 Etats sont sortis de la salle
durant le premier débat (…) Ce niveau de polarisation
rend toujours plus difficile les avancées à l’ONU et le
processus est resté au point mort depuis lors.
étant donné qu’aucun d’eux n’a eu de prise de position
ou d’expérience par le passé sur ces questions. Parlant du
rôle de Navi Pillay, un expert de l’ONU a ajouté :
Je pense que son plaidoyer a été à la fois inattendu
et extraordinaire (…) Remarquable en cela qu’elle
a fait preuve de beaucoup de courage. Elle a été
bien plus loin que les diplomates prudents auraient
jamais pu lui conseiller d’aller, et en faisant cela, elle a
encouragé de façon incroyable et donné de la force à
de nombreuses personnes.
Une militante lesbienne qui a travaillé sur le plaidoyer à l’ONU
pendant presque 10 ans a ajouté que le rôle bien visible des
dirigeants de l’ONU a donné de la légitimité aux militants et
aux militantes de terrain, ainsi que de la confiance :
Obtenir de hautes personnalités qu’elles prononcent
des discours promouvant le respect des droits LGBT
a été très efficace parce que cela valide les identités
LGBT, ainsi que nos luttes. C’est très important d’avoir
des personnes d’autorités qui disent que votre vie
est importante, que votre orientation sexuelle et que
votre identité de genre sont importantes. Cela donne
de la légitimité à nos combats.
Parlant de l’importance du rapport du HCDH, une militante
lesbienne a affirmé :
Appeler à prêter plus d’attention aux questions LGBT
dans un tel cadre, où par le passé la question a été
tellement sensible, est un succès énorme en soi. Et
le fait qu’on ait vu tant d’Etats soutenir les questions
OSIG au Conseil des droits de l’homme est une chose
très positive. Je pense qu’on peut faire le lien entre tout
cela et le rapport lui-même.
Le leadership de hautes personnalités de l’ONU sur les
questions OSIG a également été identifié par beaucoup
comme l’un des succès les plus importants : le Secrétaire
Général Ban Ki-Moon et la Haut-Commissaire de l’époque,
Navi Pillay, ont été tous les deux vus comme des porteétendards sur les questions OSIG. Leur travail exceptionnel
à la fois dans les forums formels et dans le cadre de
réunions moins formelles avec les Etats où ils ont pris
soin de soulever ces questions a certainement influencé
les acteurs onusiens et les gouvernements, les poussant à
parler davantage ouvertement de ces questions.
Je pense que les discussions qu’ont les dirigeants de
l’ONU avec des pays, qui sont peut-être plus dures à
suivre, ont un réel impact pratique. Cela a un impact
quand Ban Ki-Moon visite un pays et soulève ces
questions (…) Non seulement à un niveau général,
mais aussi à un niveau très pratique : le fait d’exprimer
une inquiétude concernant des législations spécifiques
ou même concernant le sort d’individus qui sont
emprisonnés pour homosexualité. Cela a mené à des
libérations de personnes détenues.
Globalement, l’opinion générale était que ces acquis sur
les questions LGBTI à l’ONU étaient interconnectés et se
renforçaient mutuellement :
•
l’évolution des discussions au Conseil des droits
de l’homme et à l’Assemblée Générale dans les
10 dernières années, notamment l’adoptions de
résolutions majeures et les déclarations communes
•
le rôle visible que de hautes personnalités de l’ONU
comme le Secrétaire Général et la Haut Commissaire
ont joué en donnant de la voix en soutien aux droits
LGBT, et
•
le travail de divers mécanismes onusiens, comme les
organes de traité, les rapporteurs spéciaux et l’EPU.
L’étendue de la visibilité et de la participation de la
société civile sur les questions OSIG et intersexes à l’ONU
a aussi été vu par beaucoup comme un grand succès.
Certains pensent que pouvoir revendiquer un espace de
parole à l’ONU est une victoire cruciale en soi, et que c’est
plus important que tout document ou standard formel
adopté. Comme un(e) militant(e) queer a fait remarquer :
Quelques militants ont souligné que l’engagement fort
de ces deux personnalités en faveur des droits LGBTI
étaient non seulement courageux, mais aussi surprenant,
12 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Même si on part de la session sans avoir rien gagné,
on n’a pas l’impression que c’est un espace inutile (…)
on voit cela à travers la façon dont les personnes de
pouvoir discutent, le fait de faire réfléchir les gens sur
les questions même s’ils refusent notre point de vue.
Plusieurs personnes interviewées ont souligné qu’aucun
des développements positifs à l’ONU n’aurait été possible
sans les efforts continus de la société civile, au niveau
local, régional et international.
Ces questions n’auraient tout simplement pas pu être
portées sur le devant de la scène de la façon dont elles
l’ont été et avec un tel succès s’il n’y avait pas eu de
coalitions de la société civile. Les discussions autour
des questions OSIG dans les forums onusiens n’ont
pas eu lieu grâce à la bienveillance des Etats membres
de l’ONU. Ca a été le réseau d’ONG et les militants et
militantes qui ont poussé pour ces évolutions, et bien
plus rapidement que je n’aurais pu l’imaginer.
Quelques personnes ont mentionné des événements
particuliers, qu’ils ont vu comme les plus importants pour
leurs communautés. Un(e) militant(e) intersexe a parlé
du tout premier événement parallèle sur les questions
intersexes à l’ONU en 2014.26 Un(e) militant(e) africain(e)
a mentionné le discours de Bev Ditsi en 1995, lorsqu’elle
a été la première lesbienne noire visible à parler dans une
enceinte de l’ONU, durant la 4ème Conférence mondiale
sur les femmes.27
26 Intersex People and Human Rights: Violations, Voices and Visions. Organisé en marge de la 25ème session du Conseil des droits de l’homme, le 11
mars 2014, www.arc-international.net/wp-content/uploads/2014/02/Flier-for-Intersex-Side-Event-11-March-2014.pdf (en anglais).
27 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes : Lutte pour l’Egalité, le Développement et la Paix, Pékin, Chine, 1995.
13
Après avoir considéré les principaux succès
obtenus à l’ONU sur les questions OSIG
depuis 2003, ce chapitre se concentre sur la
perception des acteurs quant à l’utilité des
différents mécanismes de l’ONU et des outils
qu’ils offrent à la société civile. Ce chapitre offre
également quelques pistes de réflexions sur des
améliorations possibles.28
La grande majorité des participants a jugé que les
mécanismes de l’ONU portent une plus grande attention
aux questions OSIG aujourd’hui que cela n’était le
cas il y a dix ans (figure 4). La plupart des participants
ont également souligné le nombre grandissant d’Etats
soutenant ouvertement le traitement des questions
OSIG à l’ONU. Des personnes interviewées ont ajouté
que les Etats sont beaucoup plus à l’aise pour aborder
ouvertement les questions LGBTI à l’ONU qu’il y a dix ans.
Ces Etats ont maintenant un ensemble de textes et de
standards sur lesquels ils peuvent s’appuyer, et des alliés
avec lesquels travailler. Certain(e)s militant(e)s ont estimé
qu’il était positif que même les Etats moins favorables
soient obligés de traiter des questions LGBTI.
La majorité des participant(e)s s’accordent sur le fait que
les militants OSIG travaillent avec un plus grand nombre
de mécanismes, et utilisent une plus grande variété
d’outils à leur disposition qu’il y a dix ans. La majorité
pense également que les capacités professionnelles des
organisations OSIG pour faire ce travail s’est améliorée
au fil des années. Les réponses ont été analysées plus
finement pour voir si ces perceptions étaient partagées
par les militant(e)s de régions différentes et provenant
de différentes composantes des communautés OSIG et
intersexes. Plus de la moitié des participant(e)s de chaque
région a considéré que les capacités professionnelles des
Figure 4 : Je suis d’accord pour dire …
Les mécanismes onusiens accordent plus
d’attention aux questions OSIG
Un plus grand nombre d’états soutiennent
les questions OSIG à l’ONU
Les militantes et militants OSIG interagissent avec une
plus large palette de mécanismes onusiens
Les organisations OSIG sont plus en capacité
de faire ce travail à l’ONU
Les militantes et militants OSIG utilisent une plus grande
variété d’outils et de stratégies pour leur travail à l’ONU
Les organisations généralistes travaillant sur les droits
humains sont plus en capacité de travailler sur les questions OSIG
Les militantes et militants OSIG
ont bâti de solides coalitions
85%
75%
74%
70%
70%
67%
60%
28 Le contenu de ce chapitre repose sur trois questions de l’enquête. La première demandait aux participants dans quelle mesure les mécanismes onusiens
avaient été utiles pour soutenir leurs activités de plaidoyer en faveur des droits OSIG aux niveaux local, national et international. Les participants avaient
le choix entre plusieurs mécanismes. Si une personne trouvait les organes de traité, les rapporteurs spéciaux ou des agences de l’ONU utiles, il lui était
demandé lequel ou laquelle plus spécifiquement avait été d’une utilité particulière pour son travail. La seconde question portait sur les actions de la société
civile qui avaient été les plus utiles aux militant(e)s dans le cadre de leur travail à l’ONU. Les participant(e)s avaient le choix entre plusieurs outils et ils
pouvaient donner trois à cinq réponses. La troisième question listait 12 affirmations portant sur les succès obtenus à l’ONU sur les questions OSIG et sur le
rôle des campagnes des ONG. Les participants devaient indiquer dans quelle mesure ils étaient d’accord ou non avec chaque affirmation. Pour une meilleure
analyse des réponses, les options « entièrement d’accord » et « plutôt d’accord » ont été comptabilisées ensemble. Les figures 8 et 12 fournissent plus de
détails sur les réponses données à cette troisième question.
14 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
La présence de représentant(e)s des ONG généralistes
de droits humains a donné encore plus d’importance à
ces réunions, en en faisant des opportunités pour elles
et eux d’apprendre des militant(e)s LGBTI de terrain.
Les organisations généralistes qui ne représentent pas
directement les personnes LGBT ont apprécié le fait de
pouvoir s’entretenir avec elles et de pouvoir reprendre
leurs témoignages, de façon à donner plus de crédibilité à
leur travail de plaidoyer.
organisations OSIG s’étaient développées, à l’exception de
l’Afrique, où la proportion a été légèrement plus basse (47%).
Les militant(e)s les plus en phase avec cette affirmation
étaient ceux d’Amérique latine et des Caraïbes (72%). 2
des 5 personnes intersexes qui ont participé à l’enquête
et la moitié des personnes trans se sont également dites
d’accord sur le fait que les capacités professionnelles des
organisations OSIG avaient progressé.29
Quand je parle avec des militantes et des militants, je
sens une plus grande conscience, un plus grand intérêt
et une plus grande connaissance des moyens pour
interagir avec l’ONU, et c’est vraiment quelque chose
qui a beaucoup changé ces derniers temps (…) Les gens
ont une idée beaucoup plus aboutie, globalement, de
comment l’ONU peut promouvoir les droits LGBT à
travers le monde, et les gens savent mieux comment
on peut travailler à cela.
La plupart des participants ont jugé que les militant(e)s
OSIG avaient su construire des coalitions fortes. Cet avis
n’était cependant partagé que minoritairement par les
militant(e)s travaillant sur le Moyen Orient (3 sur 11) et sur
l’Amérique du Nord (4 sur 11). De même, seule 1 personne
intersexe sur 5 s’est dite en accord avec l’affirmation que
des coalitions fortes avaient été établies.30 Les personnes
queers et celles s’identifiant comme des femmes étaient
proportionnellement légèrement moins d’accord que la
moyenne avec cette affirmation.31
Les deux tiers des participants s’accordent aussi à dire
que les ONG généralistes de droits humains sont mieux
dotées qu’avant pour promouvoir les questions OSIG.
Les réunions de militant(e)s OSIG à l’échelle régionale
ou internationale ont été vues comme essentielles pour
développer leurs capacités, et importantes pour pouvoir
échanger sur des questions de stratégie.
Selon les personnes interviewées, les coalitions d’ONG
ont rendu un grand service en amplifiant la portée du
message, puisque des alliances sont généralement plus
écoutées que des militant(e)s ou des groupes individuels.
Une personne a souligné que les coalitions comprenant
des organisations de droits humains connues et reconnues
permettaient de renforcer considérablement la crédibilité
et la légitimité des questions OSIG à l’ONU.
On s’est réunis régulièrement, on s’est soutenus, on
s’est montrés solidaires, on s’est inspirés et motivés
les uns les autres. Cette nouvelle proximité entre
militants et militantes du monde entier nous a aidé
à ancrer l’idée que les revendications OSIG sont des
revendications transnationales et transversales, qui
nous touchent tous et toutes et qui ont un impact sur
tous et toutes.
La formation de coalitions a été vue comme indispensable
en particulier dans les régions où les organisations OSIG
et intersexes étaient marginalisées ou ne pouvaient
Figure 5 : Utilité des mécanismes de l’ONU
5%
14%
81%
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14%
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Pas utilisé le mécanisme
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29 Les participants queer ont été moins d’accord sur ce point que les autres (39% contre 54% pour les autres).
30 Contre plus de la moitié de ceux et celles qui se sont défini comme des hommes ou des femmes.
31 Environ un tiers des personnes queers se sont dites d’accord avec cette affirmation, contre à peu près la moitié pour l’ensemble des autres. 41%
des personnes s’identifiant comme femmes se sont dites d’accord, contre la moitié pour les hommes, les personnes trans et celles s’identifiant
comme cisgenres.
15
Figure 6 : Utilité des mécanismes de l’ONU
(pour ceux et celles qui les ont utilisés)
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intervenir publiquement sans se mettre en danger (comme
en Afrique, en Europe de l’Est et dans certaines parties
de l’Asie). Les soumissions de rapports conjoints, les
campagnes communes et les platformes partagées ont été
des outils précieux pour surmonter ces obstacles. Certain(e)
s militant(e)s d’Europe de l’Est32 ont cependant fait part de
leur inquiétude quant à la place accordée aux questions
OSIG au sein des coalitions plus larges, dès lors que leurs
organisations restaient dans une position marginale au
milieu des organisations de droits humains généralistes.
De nombreuses personnes interviewées étaient d’accord
pour dire que les coalitions sont plus efficaces quand
elles intègrent les personnes actives sur les questions
OSIG au niveau local, régional et international, et que ces
coalitions leur permettent de se soutenir et de créer de
l’émulation. Un(e) militant(e) local qui s’identifie comme
queer a fait remarquer la chose suivante :
Je pense que la valeur de notre travail réside dans le
fait que nous sommes en première ligne pour observer
ces violations, les documenter, et que notre situation
locale nous permet de nous entretenir avec les gens,
de faire du lobby auprès des institutions étatiques etc.
C’est de cette façon qu’on contribue à ce qui se passe
au niveau mondial.
Une très grande proportion de participant(e)s a
considéré que l’EPU et le Conseil des droit de l’homme
avaient été les mécanismes les plus utiles pour
promouvoir les questions OSIG (figure 5).33 Au moins
la moitié des participants de chacune des régions a jugé
ces deux mécanismes utiles. L’EPU a également été
considéré par beaucoup comme le mécanisme qui a été
le plus utile pour la société civile à ce jour (figure 6).
Les personnes intersexes qui ont répondu à cette
enquête ont été les seules à ne pas considérer l’EPU
comme ayant été utile. Seule 1 personne intersexe
sur 5 a jugé l’EPU utile sur cette question, contre 70%
des hommes et des femmes.34 A l’inverse, 4 des 5
personnes intersexes ont répondu que le Conseil était
un mécanisme utile à leur travail.35
Les rapporteurs spéciaux ont été jugés d’une utilité
presqu’aussi grande, avec près des trois quarts des
participants déclarant les trouver utiles dans leur
travail, y compris 4 personnes intersexes sur 5. Les
groupes qui ont trouvé les rapporteurs spéciaux le
moins utiles pour leur travail a été ceux qui s’identifient
comme trans ou queer (environ la moitié de chaque
groupe).36
Les organes de traités, les agences de l’ONU et la
Commission de la condition de la femme (CCF)37
ont aussi été considérés utiles ou très utiles par
une majorité de participant(e)s. Les participantes
lesbiennes ont été deux fois plus nombreuses (58%)
à juger favorablement la CCF, comparées aux femmes
qui se sont identifiées comme hétérosexuelles (27%)
ou bisexuelles (30%).38 Une proportion similaire
d’hommes et de femmes ont jugé la CCF utile pour leur
travail (environ 40% pour chaque).
Le Conseil économique et social (ECOSOC) a été le
seul organe qui a reçu plus de réponses négatives
32 Dans ce rapport, et conformément à la division géographique des régions en vigueur à l’ONU, « l’Europe de l’Est » couvre l’ancienne Union
Soviétique ainsi que les Balkans.
33 Pour une meilleure analyse des réponses à cette question, les options « très utile » et « utile» ont été comptabilisées ensemble pour arriver à un
nombre total de personne considérant qu’un mécanisme spécifique est utile.
34 L’EPU a été jugé utile par au moins la moitié des participants travaillant dans chacune des régions et par plus de 70% de ceux qui travaillent
au niveau mondial (70%), sur l’Asie (sur l’Amérique du Nord (73%) et la région Pacifique (80%). Les personnes travaillant sur l’Afrique (59%) et en
Amérique latine et Caraïbes (55%) ont légèrement moins fréquemment jugé ce mécanisme utile, quoiqu’une majorité ait quand même été en ce sens.
Les 10 personnes bisexuelles participant à cette enquête ont unanimement trouvé le mécanisme utile, contre à peu près la moitié des personnes
queer et hétérosexuelles.
35 Le Conseil des droits de l’homme a été vu comme utile par un grande proportion de ceux travaillant dans la région Pacifique (87%) et en Amérique
du Nord (9 personnes sur 11), et a été identifié comme utile par au moins 60% de tous les autres.
36 Les rapporteurs spéciaux ont été jugés utiles par les personnes travaillant sur l’Amérique du Nord (9 fois sur 11), un peu moins par celles travaillant
sur l’Amérique latine et les Caraïbes (55%) et l’Asie (57%). Ils sont vus comme utiles par au moins la moitié des participants, à l’exception de ceux qui
s’identifient comme queer (48%).
37 Les organes de traités ont été jugés utiles par environ la moitié des participants travaillant sur les différentes régions, mais par une plus grande
proportion de ceux travaillant sur l’Amérique du Nord. Seules 3 des 11 personnes hétérosexuelles ayant participé à l’enquête les ont jugé utile, contre
au moins la moitié de celles identifiées comme lesbiennes, gays, bisexuelles ou queers. Environ le tiers des personnes trans ont répondu trouver les
organes de traités utiles.
38 La proportion de personnes trouvant la CCF utile est plus faible parmi ceux et celles travaillant sur l’Europe (31%), le Moyen-Orient (36%) et
l’Afrique (38%) et plus forte parmi les personnes travaillant sur la région Pacifique (53%) ainsi que sur l’Amérique latine et les Caraïbes (52%).
16 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
que de réponses positives.39 L’EPU et le Conseil ont été
les mécanismes les plus utilisés par les participants :
seulement 5% ne les avaient pas utilisés dans leur travail,
contre 36% qui n’avaient jamais interagi avec l’ECOSOC.40
Si on se concentre exclusivement sur les réponses de
celles et ceux qui ont utilisé un mécanisme spécifique,41
les rapporteurs spéciaux sont portés à la première place
des mécanismes de l’ONU jugés les plus utiles. Ils sont
suivis de près par l’EPU et le CDH (figure 6).42
U
n certain nombre de personnes interviewées
considérait que l’un des instruments les plus
efficaces à l’ONU était les histoires personnelles, y
compris rapportées par vidéo. Celles-ci avaient l’avantage
de faire passer des messages nuancés en quelques
minutes seulement. En sortant de ce qui pouvait parfois
devenir un discours abstrait sur les droits humains, ces
histoires montraient l’impact réel des lois et des attitudes
homophobes et transphobes. Une militante lesbienne
faisait ainsi remarquer :
Les histoires vécues de détentions illégales, de
harcèlement, de torture, d’assassinats de personnes
LGBTI ont été les instruments les plus puissants pour
mettre en lumière la discrimination et l’oppression
dont souffrent les personnes LGBTI. Et les éléments
factuels que contenaient ces histoires ont été les
moyens les plus puissants pour faire changer, et
convaincre divers gouvernements et acteurs que les
crimes contre les personnes LGBTI, en raison de leur
orientation sexuelle et de leur identité de genre,
étaient horribles, inacceptables, et contraires au droit
international.
De même, environ la moitié des personnes participantes
au questionnaire ont jugé que l’outil le plus utile aux mains
de la société civile est l’EPU (figure 7).43 Les réunions de
briefing et les rapports alternatifs auprès des organes de
traité ont aussi été vus comme utiles par au moins un tiers
des participant(e)s.
Les entretiens ont permis de discuter plus en profondeur
des raisons pour lesquelles les participant(e)s avaient
désigné ces mécanismes et ces outils de plaidoyer. Alors
que certains outils (les plaintes individuelles déposées
auprès des organes de traités, les demandes d’actions
urgentes adressées aux rapporteurs spéciaux) sont
fortement liés à un mécanisme, d’autres (réunion de
briefing, rapports alternatifs) peuvent être utilisés auprès
de différents organes. D’autres outils comme la formation
de coalition ou les témoignages personnels peuvent
même avoir un intérêt pour les ONG au delà de la simple
question du plaidoyer auprès de l’ONU. Dans la partie
suivante, des détails portant sur comment des outils
particuliers ont été utiles au travail de militant(e)s LGBTI
font l’objet d’encadrés.
Figure 7 : Les activités les plus utiles pour la société civile (3 principales)
EPU
Réunions : Comités / RS
Rapports alternatifs
Coalitions
Réunions avec diplomates
Témoignages personnels
Réunions internationales ou régionales pour les militant(e)s OSIG
Principes de Jogjakarta
Evénements parallèles
Formations sur les mécanismes onusiens
Campagnes sur Internet
Plaintes individuelles
Demandes d’action urgente
Autres
Pétitions
Réunions régionales pour militant(e)s OSIG ET autorités
Campagnes d’actions
49%
37%
35%
30%
27%
27%
27%
20%
15%
13%
7%
6%
4%
2%
2%
1%
1%
39 Parmi ceux qui ont travaillé avec ce mécanisme, il y a eu plus de participants à déclarer trouver ce mécanisme « peu utile » ou « pas utile du tout
» que de personnes ayant indiqué le trouver « utile » ou « très utile ». Cela peut aussi être le reflet de l’utilisation relativement plus faible de ce
mécanisme.
40 Parmi ceux qui ont choisi de répondre à cette question. Il peut y avoir d’autres personnes qui n’ont pas interagi avec ces mécanismes et ont
simplement choisi de passer à la question suivante.
41 Les personnes qui ont coché « Je n’ai utilisé aucun de ces mécanismes » n’ont pas été incluses dans le calcul des pourcentages.
42 Pour le reste, le classement de la Figure 5 reste inchangé.
43 La Figure 7 détaille la proportion de participants à l’enquête qui ont classé ces outils utilisables par la société civile parmi les trois outils les plus
utiles selon eux.
17
Les organes politiques
Le Conseil des droits de l’homme, bien qu’il ait été classé
second mécanisme le plus utile par les participants à
l’enquête en ligne, a fait l’objet de commentaires plus
mitigés de la part des personnes interviewées. Cellesci reconnaissent que le Conseil a été le théâtre de
certains des développements les plus importants sur les
questions OSIG, et notamment de la résolution de 2011,
et qu’il constitue un espace privilégié utilisé par les Etats
progressistes pour évoquer de manière récurrente les
questions OSIG. Cependant, certain(e)s ont fait remarquer
que pour interagir avec le Conseil, il faut s’engager dans
un travail de long terme, que très peu de militant(e)s et
d’organisations peuvent se permettre. Le Conseil a donc été
considéré par beaucoup comme inaccessible. Certain(e)s se
sont également inquiété(e)s du fait que pour travailler avec
le Conseil, il faut passer par les quelques militants et de
militantes qui ont le droit de prendre la parole durant les
sessions. Par conséquent la représentation des différentes
régions et des différentes composantes des communautés
LGBTI n’est pas toujours assurée.
Quelques personnes interviewées ont ajouté que leurs
pays n’étaient même pas présents dans la salle quand les
questions LGBTI étaient traitées, et que par conséquent
les discussions au Conseil étaient d’un intérêt limité pour
leur travail au niveau national. D’un autre côté, une autre
personne a avancé que l’impact réel du Conseil n’est pas
immédiatement palpable, et qu’il se mesure avec le temps :
Il n’y a pas eu de suivi [de la résolution], donc ça
n’a mené nul part pour l’instant. On espérait que –
peut-être – ça allait être un tremplin pour permettre
d’inscrire durablement ces questions à l’agenda du
Conseil, mais ça n’est pas encore arrivé… C’est trop tôt
pour en tirer des conclusions.
P
our beaucoup de personnes interviewées, les
rapports alternatifs soumis dans le cadre de l’EPU
ou des examens d’états par les organes de traités sont
particulièrement utiles lorsque la situation des questions
OSIG ou intersexes n’avait pas encore été documentée
pour un pays particulier. Une compilation détaillée des
violations des droits humains aide la société civile dans ses
efforts de plaidoyer, et permet aussi à l’ONU d’aborder ces
problèmes avec les Etats. Un représentant de l’ONU a ainsi
déclaré :
Des militants et militantes veulent venir à l’ONU pour
faire un discours chargé d’émotion et appeler à l’aide
et à plus de protection, pensant que c’est cela qui
aurait un impact. Mais ce qui fait vraiment avancer
les choses sur le temps long, c’est de commencer à
vraiment documenter ces violations et de transmettre
cette information aux organes de traités, à l’EPU, et
finalement dans les débats qui ont lieu à l’ONU. On
peut avoir plus d’impact comme cela.
Parmi les mécanismes de l’ONU les plus mentionnés,
la Commission sur la Condition de la Femme est
également perçue comme un espace difficile d’accès,
qui oblige les ONG à déployer beaucoup d’effort
pour pouvoir y participer. Cette difficulté a été
attribuée par certain(e)s à la présence importante de
pays conservateurs et d’ONG conservatrices. Elle a
cependant amené quelques résultats, en particulier
grâce à l’action de groupes travaillant en Asie, en
Amérique latine et aux Caraïbes. Des personnes
interviewées considéraient que de plus en plus de pays
étaient entrain de devenir favorables aux questions
lesbiennes, bi et trans au sein de la CFF :
L
es événements parallèles, en marge des sessions du
Conseil, de l’Assemblée générale, de la CFF ou des organes
de traités, ont été perçus par les personnes interviewées
comme particulièrement utiles lorsqu’il n’y avait pas de
discussion en cours sur les questions OSIG ou intersexes et
qu’il s’agissait d’essayer d’inscrire ces questions à l’agenda.
Beaucoup ont déclaré que pour maximiser l’impact des
événements parallèles, il était important qu’ils aient lieu
au bon moment, et avec les bons acteurs. La participation
de hautes personnalités de l’ONU peut aider à donner une
plus grande visibilité aux questions OSIG et intersexes,
et notamment à assurer une meilleure couverture par
les médias nationaux. Une personne a fait remarquer
cependant que s’ils étaient mal organisés, ils pouvaient
s’avérer une perte de temps et d’argent.
Depuis deux ans, les pays d’Amérique latine, des
Caraïbes et d’Asie abordent de plus en plus les
questions OSIG à la Commission (…) Clairement,
chaque année, on compte plus de pays soutenant
les questions OSIG. Ce soutien grandissant est le
fruit des campagnes de plaidoyer de la société civile
et des efforts au niveau de l’ONU, articulant les
niveaux locaux, régionaux et internationaux.
L’Assemblée générale et sa Troisième Commission
(arrivant à la 7ème place dans le classement) ont aussi
été perçues comme parfois utiles. Quelques personnes
ont ainsi mis en avant la résolution sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, qui a été
l’une des pierres fondatrices historiques du traitement
18 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
des questions OSIG à l’Assemblée générale.44 Globalement
cependant, le Conseil a été vu comme un forum plus
efficace pour obtenir des déclarations importantes sur les
droits LGBTI.
L’Examen périodique universel
Comme cela a déjà été souligné, l’EPU est généralement
perçu comme un mécanisme très utile. Certains
participants à l’enquête et des personnes interviewées ont
dit apprécier le fait que le processus de l’EPU débouchait
sur des réponses immédiates de l’Etat, à chaque cycle.
D’autres ont comparé les avantages relatifs du processus
d’EPU avec d’autres mécanismes de l’ONU. Par exemple,
les organes de traités ont été jugés utiles pour expliciter
les conséquences concrètes des obligations juridiques et
leur donner chair, et les rapporteurs spéciaux répondent
efficacement aux appels urgents.
Parce que l’EPU couvre tous les domaines des droits
de l’homme dans un pays et n’est pas restreint par
les dispositions d’un traité particulier, il est vu comme
donnant aux militant(e)s l’opportunité de soulever une
plus grande variété de questions OSIG et intersexes
dans l’enceinte de l’ONU. De nombreuses personnes
interviewées l’ont également décrit comme l’opportunité
d’action la plus utile. L’EPU est perçu comme fournissant
plus d’espace pour pouvoir directement influencer des
recommandations liées aux problématiques OSIG, pour
qu’elles soient spécifiques et de portée pratique. Pour
plusieurs personnes interviewées, le fait que les questions
d’orientation sexuelles soient devenues couramment
traitées dans ce cadre est un grand succès.45
Certains ont fait remarquer que l’EPU avait ouvert
un espace beaucoup plus grand aux militants et aux
militantes OSIG, notamment ceux et celles provenant
des pays asiatiques. Pour certain(e)s, les militants et
militantes, jusqu’alors, ne s’étaient pas investis dans le
travail auprès de l’ONU car les autres mécanismes étaient
considérés comme trop distants. Une personne travaillant
sur l’Amérique latine et les Caraïbes a expliqué pourquoi
selon elle l’EPU avait été un outil formidable pour
impliquer davantage les militants et militantes locaux et
développer leurs compétences professionnelles :
Les organisation internationales (…) contactent des
organisations membres quand leur pays est sur le
point d’être examiné par l’EPU pour voir si elles sont
intéressées à participer à ce processus (…) [Elles] ont
ainsi permis aux militants locaux d’aller à Genève
pour faire du lobby auprès de leurs gouvernements,
d’améliorer leurs capacités à faire du plaidoyer
international ainsi que leurs connaissances de l’ONU,
de parler au Conseil et de faire des déclarations.
Des militantes et des militants venant de pays africains et du
Pacifique ont estimé que l’EPU avait été particulièrement
utile pour les pays où il est difficile, voire impossible, de
coopérer avec le gouvernement. Dans de tels cas, l’EPU
a créer un espace qui permettait aux militant(e)s locaux
d’interagir directement avec les représentants de leurs
Etats. Cependant, cette efficacité est limitée quand les
autorités prêtent peu d’importance à la façon dont elles
sont jugées par des Etats tiers ou par le CDH.
Un grand nombre de personnes interviewées et de
participants au questionnaire ont fait part d’une double
inquiétude : premièrement, relativement peu d’Etats
acceptent les recommandations de l’EPU liées aux
questions OSIG ; deuxièmement, même quand ils les
D
es militant(e)s de longue date et des représentant(e)
s de missions diplomatiques ont considéré que les
réunions de briefing avec les rapporteurs spéciaux, les
membres de Comité et les représentants d’Etats étaient
particulièrement utiles il y a une décennie, quand les
questions OSIG étaient discutées pour la première fois.
Un(e) militant(e) a commenté:
Le résultat [de ces réunions de briefing] a été de faire
prendre conscience de la nécessité de traiter des
questions LGBT en général, et des dynamiques globales
complexes qui entourent ces questions (…) On ne peut
pas désigner telle ou telle réunion et dire que c’est elle
qui a fait la différence. C’est plutôt un long processus de
discussions, d’interactions, et une reconnaissance par
les Etats de l’importance des perspectives apportées
par la société civile.
Les réunions de briefing fournissent un cadre relativement
neutre, qui permet aux acteurs majeurs de l’ONU
d’entendre – de façon discrète - les conseils et les analyses
de la société civile dont ils ont besoin pour savoir d’une
part ce qui serait utile sur le terrain et d’autre part les jeux
politiques à l’œuvre à l’ONU. Comme un expert de l’ONU
l’a souligné :
Je pourrais vous donner de nombreux exemples où des
Comités (…) ont soulevé des questions OSIG durant
l’examen d’un Etat suite au lobby des organisations de
plaidoyer sur ces questions.
44 Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 20 décembre 2012, Exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, A/RES/67/168.
45 Les recommandations ayant trait à l’identité de genre ont été moins fréquemment reprises par les Etats, et les questions intersexes n’ont reçues
que peu d’attention dans le cadre de l’EPU.
19
acceptent, les recommandations ne sont pas pour autant
mises en œuvre en pratique. Une personne travaillant sur
l’Asie a affirmé que cela décourageait énormément les
militants et les militantes sur le terrain :
Cela fait perdre espoir aux militants, ils en perdent
la foi (…) Par exemple, quand la Malaisie répond aux
recommandations de l’EPU sans dire quoique ce soit
[sur les recommandations OSIG] et que le Conseil
ne pose aucune question là dessus, du type « qu’en
est il de cette recommandation X ou Y ? ». Même si
nous savons bien que le Conseil ne peut rien faire de
contraignant pour les obliger à quoique ce soit.
D’autres ont constaté avec inquiétude que l’espace de
l’EPU était devenu récemment de plus en plus politisé, et
que l’on voit les recommandations devenir de moins en
moins fortes. Une minorité non négligeable de personnes
interviewées a fait remarqué que bien que l’EPU ait
permis de traiter assez bien des questions d’orientation
sexuelle, il n’en avait pas été de même avec les questions
d’identité de genre et les questions intersexes, qui ont
été moins fréquemment abordées. Un(e) militant(e)
d’Amérique latine a déclaré voir dans ce mécanismes des
opportunités de plaidoyer futures pour les personnes
trans et intersexes :
Je pense vraiment que les personnes trans et intersexes
devraient s’investir davantage dans les processus
d’EPU. Ils fournissent de très bonnes opportunités pour
mettre en lumière la façon dont les Etats traitent des
questions trans et intersexes. Et faire un rapport ou
faire du lobby dans le cadre de l’EPU n’est ni difficile,
ni cher.
Les rapporteurs spéciaux
Des personnes interviewées ont avancé que,
historiquement, les rapporteurs spéciaux avaient joué un
rôle essentiel pour amener les questions OSIG à l’ONU.
Au début des années 2000, alors que le plaidoyer OSIG à
l’ONU était à son tout début, à une époque où aucun autre
organe de l’ONU n’était prêt à traiter de ces questions,
les rapporteurs spéciaux ont été des interlocuteurs très
utiles pour les militants et militantes. Une personne a par
exemple cité comme un moment fondateur le premier
rapport abordant l’orientation sexuelle : celui d’Asma
Jahangir,46 alors Rapporteure spéciale sur les exécutions
extrajudiciaires. Selon cette personne, ce rapport a
donné aux Etats la possibilité de se saisir de l’orientation
sexuelle parmi les questions abordées dans le rapport, d’y
faire référence et de pousser pour son inclusion dans la
résolution.
Quelques personnes ont aussi fait remarquer que les
rapporteurs spéciaux étaient relativement faciles à
approcher et que l’interaction avec eux n’exigeait pas
d’investissement financier conséquent, puisqu’il n’y avait
pas besoin de voyager à New York ou à Genève. D’autres
ont souligné que le fait que les rapporteurs spéciaux
conduisent des visites dans différents pays les rend plus
accessible pour les militants et militantes locaux.
Alors que le Conseil est perçu comme le forum où seul
un petit nombre de militants et de militantes peuvent
interagir avec l’ONU, certaines personnes interviewées
considèrent que les rapporteurs spéciaux et les organes de
traités pourraient et devraient être plus accessibles. Pour
pouvoir en tirer le maximum, les militants et militantes
auraient besoin de davantage d’information sur la façon
d’approcher les rapporteurs spéciaux et les organes de
traités.
Parmi les participants qui avaient trouvé les rapporteurs
spéciaux utiles, les rapporteurs qui sont revenus le plus
souvent sont la rapporteure spéciale sur les défenseurs
des droits de l’homme (61%), suivie du rapporteur spécial
sur la torture (41%), du rapporteur spécial sur la santé
(32%) et de la rapporteure spéciale sur la violence contre
les femmes (31%).47
Les entretiens ont permis de réunir plus d’information
sur les raisons qui ont poussé à considérer le travail de
tel ou telle rapporteur(e) comme utile. La rapporteure
spéciale sur les défenseurs des droits de l’homme,48 par
exemple, a beaucoup travaillé – et depuis longtemps – sur
les questions OSIG, et s’est faite l’écho de préoccupations
en rapport avec ces thématiques à travers les plaintes
individuelles et ses rapports thématiques réguliers. Son
bureau a joué un rôle essentiel pour l’identification des
défenseurs des droits humains LGBTI et la reconnaissance
de leur travail, ainsi que pour la protection des individus
militant pour ces droits.
Le rapporteur spécial sur la torture49 a fait l’objet
d’éloge, en premier lieu de la part de nombreuses
46 Asma Jahangir, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, 1998 – 2004.
47 L’enquête proposait une liste de 15 procédures spéciales. Certains participants ont coché la case « autre » pour désigner d’autres procédures
spéciales. L’équipe en charge du projet a estimé que la soumission d’une liste de choix avait plus de chance de recueillir une réponse de la part des
personnes participantes.
48 Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
49 Rapporteure spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
20 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Etude de cas
En 2010, des militantes et des militants d’Ukraine
ont envoyé une demande d’action urgente à la
Rapporteure spécial sur les défenseurs des droits de
l’homme au sujet de l’attaque violente dont avaient
été victimes des militants participant à la Journée
Internationale de la Mémoire des Transgenres. Les
autorités locales avaient classés l’enquête judiciaire
et aucun des agresseurs n’avait été poursuivi. Un
mois après qu’ils aient informé la Rapporteure
spécial, les militants concernés ont été contacté par
des représentants de l’Etat qui avaient finalement
rouvert la procédure judiciaire. Celle-ci est encore en
cours, mais au moins elle a été rouverte.
personnes trans et intersexes, en particulier pour son
dernier rapport thématique portant sur les formes de
torture dans les établissements de soins de santé. Dans
ce rapport, le rapporteur a appelé à abolir la stérilisation
forcée des personnes trans en tant que condition au
changement légal de genre, ainsi que les « corrections »
chirurgicales de l’appareil génital pratiquées sur les enfants
intersexes. C’est une illustration parfaite du potentiel
qu’ont les rapporteurs spéciaux d’appliquer les normes
fondamentales des droits humains (comme le principe
de non-discrimination et l’interdiction de la torture) aux
expériences spécifiques vécues par les personnes en
raison de leurs orientations sexuelles, de leurs identités
de genre, ou de leur condition intersexe.
De nombreuses personnes interviewées ont également
souligné le rôle particulièrement utile joué par le
rapporteur spécial sur la santé.50 Depuis le début, son
D
e manière significative, les participants à l’enquête
ont classé les demandes d’actions urgentes assez
bas parmi tous les outils proposés. Un grand nombre
de personnes interviewées ont cependant souligné
l’intérêt particulier que présentent ces appels urgents,
puisqu’ils permettent d’obtenir une réponse rapide
dans des situations d’urgence. Plusieurs personnes
interviewées provenant d’Asie, d’Amérique latine et des
Caraïbes en particulier ont avancé qu’ils avaient permis
de répondre rapidement à des violations locales des
droits humains comme des violences, des détentions
ou des tortures.
bureau a été perçu comme à l’écoute et sensible à ces
questions. La grande qualité du travail de Paul Hunt51
comme d’Anand Grover52 sur les questions OSIG et
intersexes a été soulignée. Leurs travaux ont servi de
sources d’inspiration pour d’autres rapporteurs spéciaux
par la suite. Les personnes trans et intersexes en
particulier ont souligné combien le travail de ce bureau
avait été utiles pour aborder les problèmes spécifiques de
droits humains auxquels font face leurs communautés.
Plusieurs participants et personnes interviewées ont
dit apprécier le fait que la Rapporteure spéciale sur
la violence contre les femmes53 ait parfois adoptée
une approche intersectionnelle dans son travail. Une
participante a cité son rapport sur la Namibie qui a abordé
les questions de discriminations dont sont victimes les
travailleuses du sexe lesbiennes, bisexuelles et trans.
Cependant, d’autres ont mentionné des exemples moins
positifs, où le manque de connaissance des questions
propres aux femmes lesbiennes et trans était apparent
dans le rapport, et était la conséquence d’un manque de
consultation sur ces questions. Une personne a également
souligné le rôle positif joué par le Rapporteur spécial sur
la liberté de réunion et d’association,54 détaillé dans
l’étude de cas suivante :
Etude de cas
Alors que les ONG LGBTI du Botswana se voyaient
systématiquement refuser l’enregistrement légal,
des militants et des militantes locaux ont saisi le
Rapporteur spécial sur la liberté de réunion et
d’association. Peu après, le Rapporteur spécial a
fait part publiquement de son inquiétude sur cette
question, devant le Conseil des droits de l’homme, et a
envoyé des informations aux délégués diplomatiques.
Les militants et les militantes ont été satisfaits de ces
mesures puisqu’elles ont forcé le gouvernement à
répondre publiquement à ces allégations devant le
Conseil.
Quelques personnes interviewées ont souligné le rôle
important joué par les rapporteurs spéciaux dans
l’intégration d’une perspective OSIG au sein de questions
qui ne sont pas en général associées aux communautés
OSIG. Un exemple de cela a été le travail de la
Rapporteure spéciale sur l’eau et l’assainissement55 qui
a montré dans un rapport comment les personnes trans
50 Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.
51 Paul Hunt, rapporteur spécial sur la santé de 2002 à 2008.
52 Anand Grover, rapporteur spécial sur la santé de 2008 à maintenant.
53 Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences.
54 Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d’association pacifiques.
55 Rapporteuse spéciale sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement.
21
étaient privées d’accès aux toilettes en raison de l’identité
de genre par laquelle elles se définissaient. Le Rapporteur
spécial sur l’anti-terrorisme56 a aussi traité de la vulnérabilité
des personnes trans lorsqu’elles franchissaient une frontière
avec des documents d’identité ne semblant pas correspondre
à leur identité de genre. Les déclarations de ce rapporteur
spécial ont ainsi pu être utilisées par les militants et militantes
trans dans leur travail de plaidoyer. Une personne trans a
ainsi souligné que le mouvement trans devait avoir une vision
stratégique de son travail auprès des mécanismes de l’ONU,
étant donné le manque de connaissance et de familiarité avec
les questions trans à l’ONU :
La principale leçon que j’ai tirée, c’est qu’il est très
important pour les militantes et les militants trans de
bien réfléchir à ce sur quoi on décide d’investir notre
temps. On doit se demander si on a le temps et l’énergie
nécessaires pour s’efforcer de sensibiliser les gens, ou
si on doit se concentrer sur des problèmes spécifiques
sur lesquelles on espère avoir des résultats. Pour nous,
l’important est vraiment de trouver ce sur quoi on peut
réellement agir et ce qu’on peut en retirer, et identifier
qui est intéressé et prêt à nous écouter et à prendre en
compte les questions trans.
Si l’utilité des rapporteurs spéciaux a été largement soulignée,
certaines personnes ont regretté leurs pouvoirs limités et
souhaiteraient qu’ils aient des mandats plus larges et la
possibilité de se prononcer sur la responsabilité des Etats.
Les organes de traités
Les organes de traités sont généralement perçus comme
les principaux mécanismes pour établir des standards.
Ils ont ainsi, à travers leurs jurisprudences, confirmé que
les questions d’orientations sexuelles57 (ainsi que, plus
récemment, celles d’identité de genre) sont couvertes par
les normes de droits humains existantes, qui s’imposent aux
Etats. Les observations finales des organes de traités et les
décisions sur les affaires individuelles sont perçues comme du
travail d’expert qui, quoiqu’il soit moins visible que les actions
du Conseil, a une importance aussi grande. Les observations
finales sont des instruments pratiques qui permettent de
mettre à jour les écarts entre les obligations internationales
des Etats et les situations nationales réelles, et de définir
les mesures que devraient prendre les Etats pour se mettre
en conformité avec leurs obligations conventionnelles. Une
personne d’Europe de l’Est a ainsi déclaré :
Les recommandations [des Comités] montrent l’écart
entre le droit national et le droit international et montre
comment la situation peut être améliorée. Ce sont donc
des outils pour promouvoir les droits OSIG dans notre Etat.
Cependant, comme beaucoup l’ont fait remarquer, les
conclusions des Comités ne sont que des points de départ :
B
ien que peu de participants aient désigné les plaintes
individuelles parmi les trois outils qu’ils voyaient
comme les plus utiles dans le travail de la société
civile, plusieurs personnes interviewées ont donné des
exemples pratiques pour illustrer le rôle important que
ces plaintes ont pu jouer. Ils et elles ont notamment cité
la décision marquante du Comité des droits de l’homme
dans l’affaire Fedotova contre la Fédération de Russie :
Cette affaire a été, pour moi, la plus importante qui
ait été portée devant l’ONU sur ces questions dans
les 20 dernières années. Les conclusions du Comité
sortent du cadre strict des considérations sur le droit
à la vie privée et le principe de non-discrimination,
et ouvrent la porte vers la reconnaissance de ce que
nous avons tous des identités individuelles qui doivent
être respectées et célébrées, et que ces identités
comprennent l’orientation sexuelle comme une de
leurs composantes.
c’est par la suite aux militants et militantes locaux de leur assurer
de la publicité et de s’en servir pour leur travail de plaidoyer à
l’échelle nationale. De nombreuses personnes interviewées ont
souligné qu’il était essentiel de coopérer avec les organes de
traité, de pouvoir briefer leurs membres et de s’assurer qu’au
moins un de ces membres était familier avec les questions OSIG
et était prêt à les soulever dans son travail.
Parmi ceux et celles qui ont trouvé les organes de traités
utiles, l’organe qui a été, de loin, le plus cité est le Comité des
droits de l’homme (62%). Il est suivi par le Comité des droits
économiques, sociaux et culturels et le Comité sur l’élimination
des discriminations à l’égard des femmes (36% chacun), puis par
le Comité des droits de l’enfant et le Comité contre la torture
(23% chacun).
Le Comité des droits de l’homme est perçu comme un
organe dynamique et réactif qui a au cours des 20 dernière
années adopté des décisions marquantes dans le cadre
d’affaires individuelles, et des conclusions importantes dans
le cadre de ses examens périodiques des rapports des Etats.
Etude de cas
En 2013, l’Ukraine a été examiné par le Comité des
droits de l’homme. Dans ses Observations finales, le
Comité a appelé le gouvernement à mettre un terme
aux mesures excessives qui empêchaient les personnes
trans d’accéder à la reconnaissance juridique de leur
genre, dont le placement dans un établissement
psychiatrique pendant 45 jours et la stérilisation forcée.
A la satisfaction des militants et militantes locaux, le
gouvernement a par la suite créé un Groupe de travail
et adopté un nouveau règlement en conformité avec les
recommandations du Comité.
56 Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.
57 Depuis la décision historique rendue par le Comité des droits de l’homme dans l’affaire Toonen contre Australie en 1994.
22 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Les prises de position progressistes des membres du
Comité des droits économiques, sociaux et culturels ont
également été appréciées. Une personne a ainsi mentionné
l’Observation générale sur la non-discrimination et
l’égalité,58 qui a intégré une dimension OSIG. Cela a
constitué, pour certain(e)s, un moment important qui a
permis de développer la réflexion juridique sur les droits
socio-économiques. Le Comité des droits de l’enfant a
lui aussi pris des positions sur le harcèlement à l’école
et sur les violences contre les enfants LGBT qui ont été
considérées comme très positives.59
Certaines personnes interviewées ont cependant relevé
des limites au travail des organes de traité : par exemple,
le fait que les Etats ne soient en général examinés que
tous les quatre ans au maximum, que certains pays ne
soumettent pas leurs rapports, et que ceux-ci puissent
ne pas traiter des questions OSIG ou intersexes. En plus,
le suivi régulier des situations peut être compliqué si des
membres d’un Comité sont contre l’idée d’aborder les
questions LGBTI.
Les agences de l’ONU
Pour les participants qui ont souligné l’utilité des agences
onusiennes, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme
(HCDH) arrive largement en première position (44%), suivi
par l’ONUSIDA (31%) et le PNUD (27%).
Beaucoup ont souligné que le HCDH avait porté haut et fort
les causes OSIG ces dernières années, notamment grâce
au rapport historique de 2011, au travail remarquable
de la Haut Commissaire, et à la campagne mondiale Free
& Equal (libres et égaux), lancée en 2013. Une militante
active dans le plaidoyer OSIG à l’ONU depuis plus de 10
ans a cependant exprimé une inquiétude, qui est partagée
par d’autres : elle considère que certaines agences de
l’ONU sont à la traine, et ne se sont pas mises à niveau
sur les questions qui ont été traitées par le Conseil et par
le Haut-Commissariat. Les discussions autour de l’agenda
pour le développement après 2015 en fournissent une
bonne illustration, selon elle :
Par exemple, le langage utilisé sur l’orientation sexuelle
à l’Assemblée générale : on a vu du langage beaucoup
plus fort et beaucoup plus adapté au sein du Conseil. On
voudrait voir les mêmes mots utilisés dans les travaux
de l’ONU Femmes, du PNUD, de l’Assemblée générale,
du Comité ECOSOC et d’autres organes de l’ONU (…) Ca
m’inquiète vraiment de voir que les standards qui sont
fixés ne sont pas suivis uniformément par les autres
organes de l’ONU (…) Parce que quand on parle de
développement, par exemple, si on a pas un langage
fort et claire qui est repris, alors on court un risque : celui
d’avoir des programmes d’aide au développement et de
financement qui n’atteignent pas tout le monde sur un
même pied d’égalité, conformément à ces standards.
Certain(e)s considèrent également qu’il existe parfois un
fossé entre les positions du HCDH et celles de ses bureaux
régionaux. Des personnes interviewées travaillant en
Europe de l’Est ont ainsi avancé que certains bureaux
ne souhaitaient ouvertement pas coopérer avec les
organisations LGBTI, au motif que ces questions ne
faisaient pas partie de leurs priorités. Beaucoup ont
soulevé le même problème s’agissant de l’ONU Femmes,
dont certains bureaux sont considérés lents à comprendre
et à intégrer les problèmes des femmes lesbiennes,
bisexuelles et trans ou des personnes intersexes. Une
personne travaillant à l’ONU considère que la raison
principale de cela est que les bureaux sont réticents à
parler de questions qui divisent :
Le vrai défi à l’ONU, c’est que les gens sont encore
mal à l’aise lorsqu’il s’agit de parler de questions
OSIG, parce que ces questions ont encore le pouvoir
de diviser, de polariser et de créer des controverses.
Or l’ONU déteste par dessus tout la controverse, la
polarisation et la division. Il y a encore un aspect très
conservateur dans les institutions, y compris dans le
personnel. Et ce conservatisme fait qu’il est parfois
difficile d’être aussi direct, aussi audacieux, aussi
rapide et aussi réactif qu’on le souhaiterait. A l’heure
actuelle, il y a encore de la résistance. Il y en a même
au sein du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme,
et il y en a certainement dans d’autres bureaux de
l’ONU. Ca explique pourquoi pendant longtemps l’ONU
a fait profil bas sur ces questions.
Un grand nombre de personnes interviewées et de
participants ont fait part de leurs satisfactions vis-à-vis
du travail effectué par l’ONUSIDA depuis des années.
Beaucoup ont fait valoir que l’ONUSIDA avait été consciente
d’enjeux OSIG majeurs depuis le début, qu’elle a été facile
d’approche et qu’il était relativement aisé de travailler
avec elle. Un(e) participant(e) africain(e) a souligné
que le travail des bureaux locaux de l’ONUSIDA a été
indispensable parce qu’ONUSIDA a servi sans discontinuer
de canal de communication entre les organisations LGBTI
et les agences gouvernementales. Quelques participants
et personnes interviewées ont également fait part de leur
satisfaction de voir l’ONUSIDA adopter de plus en plus une
approche droits humains dans son travail.
58 Observation générale n°20, La non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art.2, par.2 du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), E/C.12/GC/20, 2 juillet 2009.
59 Observation générale n°13, le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence. CRC/C/CG/13, 18 avril 2011.
23
Ce chapitre fait le point sur les thématiques
qui, selon les militants et militantes consultés,
ont été traitées de façon satisfaisante à l’ONU,
et sur celles qui pourraient être davantage
développées à l’avenir.60
De manière générale, selon la grande majorité des
participants, les divers mécanismes de l’ONU prêtent une
plus grande attention aux questions OSIG aujourd’hui que
ce n’était le cas il y a dix ans (figure 8).61 La quasi-totalité des
participants pense qu’il y eu des progrès positifs en matière
d’orientation sexuelle (1% seulement pense le contraire).
Cependant, le sentiment de progrès était moins partagé
pour ce qui concerne les questions d’identité de genre.
Les personnes travaillant en Amérique du Nord ont été plus
nombreuses à soutenir qu’il y avait eu du progrès sur ces
questions (10 personnes sur 11),62 alors que cette opinion
était moins partagée par celles travaillant en Afrique (56%).
Seulement une des cinq personnes intersexes participantes
et la moitié des personnes trans ont trouvé qu’il y avait eu
progrès sur les questions d’identité de genre.
Quand on rentre dans le détail des thématiques, on
voit que la reconnaissance juridique du genre apparaît
comme l’une des thématiques les moins bien traitées
par l’ONU selon les participants.63 En écho à cela, des
personnes interviewées ont exprimé leurs inquiétudes
de voir les questions d’identité de genre tantôt absentes,
tantôt simplement regroupées avec celles d’orientation
sexuelle. Par exemple, alors que les questions de violence
et de discriminations sont des questions d’importance
pour les personnes trans, leurs relations avec d’autres
problématiques spécifique aux trans comme le problème
de la reconnaissance juridique du genre ou celui de la
pathologisation n’ont reçues que peu d’attention.
Pour beaucoup, il existe encore une grande confusion
au sein des acteurs onusiens autour de la question de
la reconnaissance juridique du genre. C’est pourtant un
problème majeur, qui se pose dans la majorité des pays
à travers le monde, et qui crée des difficultés immenses
pour les personnes trans, dans leurs vies quotidiennes.
Selon une personne interrogée, qui ne s’identifie pas
comme trans, il est essentiel non seulement de travailler
sur ces questions avec les gouvernements et les acteurs
onusiens, mais aussi que les organisations OSIG soient
plus actives sur ces questions, aux côtés des militants
et militantes trans. Des militant(e)s du Sud ont souligné
en outre que les principaux progrès sur les questions
d’identité de genre ne sont pas le fait des pays d’Amérique
du Nord et d’Europe de l’Ouest, mais de pays comme
l’Argentine, et qu’il y aurait lieu de mieux prendre en
compte et intégrer les leçons à tirer de ces exemples pour
les autres pays.
De façon significative, seuls 16% des personnes
interrogées ont jugé qu’il y avait eu du progrès sur les
questions intersexes (figure 8),64 dont 2 des 5 personnes
Figure 8 : Je suis d’accord pour dire…
Changements positifs sur les questions d’orientation sexuelle
Changements positifs sur les questions d’identité de genre
Changements positifs sur les questions intersexes
91%
79%
16%
60 Ce chapitre se base sur les réponses aux questions de l’enquête qui demandaient aux participants de choisir trois thématiques sur lesquelles, selon
eux, l’ONU avait le mieux travaillé ces 10 dernières années. Les participants avaient le choix entre 14 thématiques, et ils pouvaient en sélectionner
trois en les classant de 1 à 3. Ils avaient aussi la possibilité de préciser si ils pensaient à d’autres thématiques, non comprises dans la liste, qu’ils
auraient souhaité mentionner. Dans une question ouverte, il leur était par ailleurs demandé quel(s) domaine(s) prioritaire(s) pour eux ou pour leurs
organisations n’avai(en)t pas été assez traité(s). Durant les entretiens, il a été demandé aux personnes interviewées de développer leurs réponses, et
de fournir si possible des exemples pratiques.
61 La figure 8 est basée sur la question de l’enquête qui listait 12 affirmations sur les progrès des questions OSIG à l’ONU et le rôle des activités de la
société civile dans ce progrès. Les figures 4 et 12 fournissent davantage de détails.
62 Au moins deux tiers des personnes travaillant en Asie-Pacifique, en Amérique latine et à l’échelle globalle partageaient ce sentiment.
63 La figure 9 montre, pour chaque thématique, la proportion de participants à l’enquête qui l’a désignée comme l’une des trois mieux traitées par les
mécanismes de l’ONU jusqu’à présent.
64 Bien que le niveau de désaccord était relativement faible sur les douze affirmations, il était plus important sur les questions intersexes (26%).
24 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Figure 9 : Thématiques les mieux traitées (trois principales)
41%
39%
37%
35%
34%
28%
27%
15%
a
s
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d’e
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As
ce
n
sid
H/
V
en
iol
7%
12%
intersexes participantes.65 Selon les participants, les
questions intersexes, au premier rang desquelles celles de
l’indisponibilité du corps humain et les mutilation génitales
dont sont victimes les enfants intersexes, n’ont été abordées
que récemment à l’ONU.
De manière générale, les questions qui touchent à
l’identité de genre ont été moins abordées et l’ont été
moins bien. Ce n’est que depuis ces quelques dernières
années que l’ONU a abordé ces questions avec la même
énergie et la même détermination qu’elle l’avait fait avec
les questions d’orientation sexuelle. Il y a encore plus de
retard sur les questions intersexes. Elles n’ont toujours
pas été vraiment traitées. Ni par les organes d’experts,
ni par les organes politiques.
Des personnes interviewées ont également fait remarquer
qu’au sein même de la société civile, le niveau de
connaissance et de familiarité avec les questions trans,
bisexuelles et intersexes restait faible.
On utilise le terme « LGBTI » mais sans penser à ce que
ça veut dire, sans se représenter ce que ça recouvre. En
réalité on parle plutôt de G, ou à la rigueur de L (…) Le
travail à l’ONU est ainsi fait que tu passes ton temps à
réfléchir à ta stratégie, à voir comment tu peux pousser
pour tel ou tel objectif (…) mais comment pourrais-tu
faire avancer certains sujets, si ce sont des questions
auxquelles tu ne penses pas toi-même ? En réalité, les
questions trans, intersexes et bisexuelles sont laissées
pour compte.
Beaucoup ont souligné que ces questions mériteraient plus
d’attention de la part des organisations OSIG. Des militants
intersexes ont suggéré que ces organisations devraient
11%
6%
2%
1%
es
ée
ce
à
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p
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rid
Dr
ju
re
tu
r
To
porter avec plus de vigueur les questions intersexes,
et devraient travailler avec des militants et militantes
intersexes et les aider à accéder à l’ONU.
En ce qui concerne les thématiques OSIG considérées
comme les mieux traitées par l’ONU, les 5 thèmes qui sont
apparus en tête, parmi les 14 proposés, ont été : le VIH/
sida, la criminalisation, la violence, la discrimination et la
situation des défenseurs des droits humains (figure 9).
Chacun de ces thèmes a été sélectionné comme l’un des 3
thèmes les mieux traités par plus de 30% des participants.
Les autres thématiques n’ont pas été mentionnées par
plus de 10% des personnes interrogées.
Selon plusieurs personnes interviewées, le thème du
VIH/sida a été traité de façon très satisfaisante par le
Rapporteur spécial sur la santé comme par l’ONUSIDA.
La déclaration du Saint-Siège contre la criminalisation
a été mentionnée par plusieurs personnes interviewées
comme une étape importante dans le débat sur la
décriminalisation à l’ONU, et un signe d’évolution vers
un soutien plus large en faveur de cet objectif.66 D’un
autre côté, plusieurs personnes ont fait part de leurs
préoccupations quant à la criminalisation qui perdure et
reste un problème grave dans de nombreux pays, et sur
laquelle il faudrait davantage travailler. Il a été suggéré que
les Etats occidentaux devraient cesser de s’autocensurer
et porter haut et fort la cause de la décriminalisation. Une
personne a également suggéré que les recommandations
de l’EPU sur ce sujet gagneraient à être plus stratégiques,
par exemple en adoptant plutôt une stratégie des petits
pas pour commencer. D’autres ont suggéré qu’il serait
utile d’exploiter davantage le soutien sur ce point de
certains Etats plus conservateurs pour pouvoir former
une coalition plus large autour de cet objectif.
65 Seulement une personne travaillant sur l’Amérique du Nord sur 11 voyait du progrès dans ce domaine, de même que 3 personnes sur les 29
travaillant sur l’Amérique latine et les Caraïbes. Les participants queer et bisexuels ont été deux fois plus nombreux que les lesbiennes et les gays à
considérer qu’il y avait eu du progrès à l’ONU sur les questions intersexes.
66 Dans une déclaration lue à l’Assemblée Générale en décembre 2009, le Saint-Siège s’est dit opposé aux lois pénales ciblant « les personnes
homosexuelles ».
25
De nombreux Etats pourtant peu progressistes sur les
questions OSIG ne justifient pas pour autant la violence
contre les personnes LGBTI. En conséquence, comme l’ont
fait remarquer des personnes interviewées, on pourrait
travailler sur les questions LGBTI avec une assise plus large
si on se concentrait sur la question de la violence :
Personne ne dit qu’on devrait tuer quelqu’un parce qu’il
est gay. Personne ne soutient ça officiellement. Donc
on devrait pouvoir s’attaquer à ces graves violations
des droits de l’homme les plus fondamentaux d’un
commun accord.
Plusieurs personnes interviewées se sont félicitées du
fait que de nombreux Etats aient adopté des lois antidiscrimination qui couvrent explicitement l’orientation
sexuelle et, quoique plus rarement, l’identité de genre.
Un(e) militant(e) d’Asie a insisté sur le rôle de la campagne
du HCDH Free & Equal à ce sujet :
Tout ce qu’a fait le Haut-Commissariat, avec ces vidéos
et ces posts dans les médias sociaux, tout cela parle
de la nécessité de mettre fin aux discriminations (…)
Ils produisent des documents qui peuvent être utilisés
par les militants et militantes (…) Est-ce que c’est un
progrès ? Oui, parce que c’est tourné vers l’anticipation
plutôt que vers la réaction.
Beaucoup ont souligné que la vulnérabilité particulière des
défenseurs des droits LGBT a été fréquemment abordée
dans différents forums. Par exemple, on a vu des affaires
individuelles attirer l’attention internationale, ce qui a eu
pour résultat de faire libérer des personnes détenues ou
de soutenir des familles affectées. Selon les mots d’une
militante lesbienne :
Je pense au nombre et à la diversité des militants et
militantes LGBTI qui se sont trouvé(e)s menacé(e)s
(…) Le fait d’attirer l’attention internationale a permis
d’obtenir leurs libérations, ou au moins de soutenir
leurs familles, et de donner une reconnaissance à leurs
communautés LGBT (…) C’est un des domaines pour
lequel je me dis qu’on a vraiment fait du bon boulot.
familiale, notamment en ce qui concerne les partenariats
civils et le mariage. Quelqu’un a considéré que cela n’était
pas dû à un manque d’intérêt du public, mais plutôt à
l’absence de consensus autour de la question de savoir si
ces questions sont couvertes par des obligations de droit
international des droits humains existantes. La liberté
d’association et de réunion a également été abordée,
dans un contexte de violence grandissante sur le terrain
dans certains pays africains, où les organisations OSIG
ont du mal à s’enregistrer, à tenir un bureau ou à obtenir
des financements. Des bureaux ont été attaqués, du
personnel a été mis en prison et la situation est critique.
Selon ceux et celles qui ont abordé ces questions, l’ONU
devrait immédiatement traiter de ces questions et les
bailleurs devraient en tenir compte lorsqu’ils fixent leurs
priorités.
D’autres thèmes méritant plus d’attention à l’ONU ont été
mentionnés :
•
la situation particulière des femmes lesbiennes,
bisexuelles et trans, y compris les violences sexospécifiques
•
les intersections entre l’orientation sexuelle,
l’identité de genre et la situation socio-économique,
le handicap ou l’âge
•
les droits liés à la santé mentale ou physique
•
les incitations à la haine
•
les droits des enfants et les impacts du harcèlement à
l’école sur leur droit à l’éducation
•
la discrimination dans les droits civils et politiques,
mais aussi économiques, sociaux et culturels
•
la liberté d’expression
•
les droits humains et Internet.
Une poignée de militants et militantes, notamment
d’Amérique latine et des Caraïbes, a souligné que selon
eux, les droits sexuels et reproductifs ont fait l’objet
de trop peu d’attention à l’ONU, et qu’il était difficile de
travailler sur ces droits, surtout dans un contexte OSIG.
Plusieurs pensent que les mécanismes de l’ONU n’ont
pas donné assez d’attention aux droits des travailleurs et
travailleuses du sexe, notamment des personnes trans.
Selon certaines personnes, il y a un déficit de standards
et de documentation relatifs au droit à la vie privée et
26 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Ce chapitre examine les obstacles qui se sont
présentés lors du plaidoyer à l’ONU depuis 2003,
ainsi que les défis qui seront à relever dans le
futur. Parmi ceux-ci : un manque de ressources
et de représentation équilibrée, la violence
contre les personnes LGBTI sur le terrain, la
polarisation à l’ONU et le manque de consensus
au sein de la société civile.67
Les obstacles rencontrés dans le travail
à l’ONU ces dix dernières années
Une seule personne, parmi les 29 personnes interviewées,
a déclarée qu’elle (ou son organisation) n’avait affronté
aucun obstacle dans son travail auprès de l’ONU depuis
10 ans. La majorité des participants au questionnaire
a déclaré que le manque de ressources financières
avait été une limite à leur capacité d’interaction avec
les mécanismes onusiens (figure 10). Deux tiers des
militants et militantes queer, 4 des 5 personnes intersexes
participantes68 et 73% des personnes trans69 ont déclaré
que ces difficultés financières avaient été un obstacle.
C’est la difficulté la plus communément identifiée par les
militants et les militantes travaillant sur la région Pacifique
(60%) et sur l’Amérique latine et les Caraïbes (55%). Parmi
toutes les régions, les personnes travaillant en Amérique
du Nord ont été les moins nombreuses à identifier l’argent
comme un obstacle.
Le deuxième principal obstacle invoqué est le manque
de personnel pour faire ce travail, cité principalement
par ceux et celles travaillant sur la région Pacifique (53%)
et Europe (56%).70 Parmi les cinq personnes intersexes
interrogées, 3 ont mis en avant le manque de ressources
humaines comme un problème, ainsi que 41% des
hommes et 36% des femmes. Pour 50% des personnes
bisexuelles et 46% des gays, ce problème s’est aussi posé
(contre un tiers pour les personnes identifiant autrement
leurs orientations sexuelles).
A l’exception des personnes travaillant en Europe, tous
ont identifié le manque de ressources financières comme
un problème davantage que le manque de personnel.
Figure 10 : Obstacles limitant le travail à l’ONU depuis 2003
Manque de ressources financières
55%
Manque de ressources humaines adéquates
Mécanismes peu accessibles
41%
22%
Manque d’information sur comment les utiliser
Autres
Le plaidoyer à l’ONU n’est pas ma/notre priorité
22%
13%
12%
Les questions sur lesquelles je/on travaille ne sont pas à l’agenda
D’autres ONG font déjà ce travail
11%
10%
67 Les données de ce chapitre s’appuient sur les réponses données à trois questions du questionnaire. La première demandait aux participants quelles
avaient été les obstacles qui avaient limité leurs capacités à travailler à l’ONU. Il était permis de cocher autant de cases que désiré. La deuxième
question demandait aux participants d’identifier les trois principaux défis qui allaient selon eux se poser pour le plaidoyer OSIG à l’ONU dans les 2
ans à venir. Ils et elles avaient le choix entre 11 différentes options, qu’ils pouvaient numéroté de 1 à 3. La troisième question faisait la liste de 12
affirmations qui portaient sur les progrès acquis en matière OSIG à l’ONU et le rôle du travail de la société civile dans ces progrès. Chaque participant
devait indiquer dans quelle mesure il ou elle était en accord ou en désaccord avec chacune des affirmations. Il a été demandé aux personnes
interviewées de développer leurs réponses et de donner des exemples pratiques si possibles.
68 Contre la moitié des personnes s’identifiant comme homme ou comme femme.
69 Contre environ 30% des personnes s’identifiant comme des femmes et 60% de celles s’identifiant comme des hommes.
70 Un peu moins de la moitié de celles et ceux qui travaillent en Amérique latine et aux Caraïbes (45%), en Asie (43%) et en Afrique (31%) ont vu cela
comme un obstacle.
27
En troisième position, le manque d’information sur
la façon dont on peut travailler avec les mécanismes et
un manque d’accès (du fait, notamment, de l’absence
de statut ECOSOC pour son organisation) ont aussi
été identifiés fréquemment comme obstacles. Peu de
personnes ont déclaré que le travail à l’ONU n’était pas
une priorité de leurs organisations, ce qui laisse à penser
que les facteurs limitant étaient généralement des
facteurs externes.
Lorsqu’on leur a demandé de lister les obstacles
principaux, 13% des participants ont coché la case
« autre » et ont avancé des obstacles supplémentaires.
Parmi ceux-ci, ceux qui sont revenus le plus souvent sont
le manque de consensus au sein de la société civile sur
les objectifs du plaidoyer et les questions de langue. Ces
éléments sont également revenus de façon récurrente
durant les entretiens.
Défis pour le futur
Manque de ressources et d’équilibre dans la
représentation
Le manque de ressources financières et le manque de
ressources humaines à même de faire un travail de
plaidoyer ont largement été vus comme les deux faces
d’une même médaille. Pour la plupart des personnes,
travailler à l’ONU requiert de forts investissements
en temps et en argent, puisque cela exige l’accès au
téléphone et à Internet, des voyages, l’écriture et la
soumission de rapports. Certaines personnes ont fait
remarquer que, dans l’idéal, les organisations devaient
avoir un représentant à Genève pour pouvoir interagir en
permanence avec les interlocuteurs de l’ONU. Le travail
de plaidoyer exige aussi des organisations qu’elles aient
du personnel connaissant le système, parlant les langues
utilisées dans ce système et ayant l’expérience requise.
Un(e) militant(e) de la région Pacifique a évoqué en ces
termes les difficultés rencontrées par les activistes locaux :
C’est difficile de réussir à faire un plaidoyer efficace
pour faire adopter quelque chose et de travailler sur tes
questions si tu n’as pas les ressources financières et les
bonnes personnes pour mettre en forme et défendre
tes propositions. On a pas les moyens de payer un
coordinateur qui aurait déjà de l’expérience là-dedans.
Pour défendre une proposition de réforme du droit,
on a besoin de quelqu’un qui ait des compétences
techniques, une expérience et des qualifications. Et
bien entendu cela a un prix. Nous, ça fait 21 ans qu’on
travaille sans salaire.
En ce qui concerne les défis à relever pour le futur, les
participants à l’enquête ont cité les obstacles financiers
comme l’un des trois principaux défis à relever pour les
deux prochaines années (figure 11).71 Cependant, la haine
encouragée par l’Etat domine largement parmi les défis
identifiés (59%). Les violences contre les militants et
militantes OSIG se trouve aussi en bonne place (23%).
Au final, les quatre principales barrières rencontrées par
le passé et principaux défis pour le futur qui ont émergé
de l’enquête et des entretiens sont les suivants :
•
le manque de ressources et d’équilibre dans la
représentation
•
la violence sur le terrain
•
la polarisation à l’ONU
•
l’absence de consensus au sein de la société civile.
Ces difficultés sont développées ci-dessous.
Bien que le manque de ressources financières et humaines
ont été présentés comme un motif d’inquiétude pour la
plupart des personnes, plusieurs personnes interviewées
ont fait valoir que ce problème affectait de façon
disproportionnée certaines régions du monde, et certains
sous-groupes parmi les LGBTI. Par conséquent, faire du
travail de plaidoyer à l’ONU est largement vu comme un
Figure 11 : Les principaux défis des 2 prochaines années
(les 3 principaux)
Homophobie et transphobie d’Etat
Manque de ressources financières
Manque d’instruments juridiques contraignants
Violence contre les militant(e)s OSIG
Manque de représentation équitable au sein des LGBTI
Trop peu d’organisations LGBTI puissantes
Manque de cohérence dans les standards
Manque de représentativité géographique
Manque de ressources humaines
Nombre grandissant d’acteurs OSIG
59%
41%
35%
23%
18%
17%
16%
15%
12%
10%
71 La figure 11 montre la proportion de participants à l’enquête qui ont désigné ces éléments comme l’un des trois principaux défis à relever pour les
deux prochaines années.
28 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Figure 12 : Je suis d’accord pour dire …
La diversité régionale est mieux
reflétée parmi les militants OSIG
66%
La diversité des communautés au
sein de LGBTI est mieux respectée
43%
privilège, qui ne peut être entrepris que par un très petit
nombre d’organisations. Plusieurs personnes interviewées
ont fait remarquer que, historiquement, les mouvements
à l’ONU ont toujours été dirigés par des hommes gays,
et particulièrement venant de pays occidentaux. Un(e)
militant(e) queer a rappelé la chose suivante :
Je me rappelle être allé à une réunion (…) et en
franchissant la porte, j’ai été saisie en voyant qu’il
n’y avait que des hommes occidentaux blancs. Il y
avait toute sorte de groupes différents, on voyait bien
qui était en charge de cette forme d’activisme. Il me
semble que c’est entrain de changer. Ce n’est plus aussi
masculin que ça l’a été . Mais il y a toujours bien plus
d’occidentaux, ou de personnes éduquées dans les
pays occidentaux.
Il existe une inquiétude, chez certaines personnes, selon
lesquels les militant(e)s OSIG actifs à l’ONU seraient
devenu(e)s soucieux de défendre leurs pré carrés, leurs
territoires et de conserver leurs positions et le pouvoir de
décision qu’ils ont entre leurs mains. Cela peut déboucher
sur l’exclusion de ceux et celles qui n’ont qu’une position
marginale dans le plaidoyer OSIG à l’ONU.
Bien que les deux tiers des participants à l’enquête
s’accordent à dire que la représentation régionale au sein
des militants OSIG s’est améliorée depuis 2003 (figure
12), nombreux sont ceux qui pensent qu’il y a encore une
marge de progrès dans ce domaine.72
devant les mécanismes de l’ONU. Ce choix n’est pas
nécessairement le reflet d’une absence de volonté
de travailler avec l’ONU, mais il est bien au contraire
le reflet des limites auxquelles se heurtent les
militants et militantes, faute de ressources financières
supplémentaires. Un(e) militant(e) d’Europe de l’Est a
décri ces défis en ces termes :
Je ne peux pas imaginer une ONG travaillant sur
l’orientation sexuelle et l’identité de genre en Ukraine,
au Kirghizstan ou en Russie mettre de côté 5000
dollars américains juste pour aller à Genève pour 3
ou 4 jours. Ca ne serait pas leurs priorités. Je ne sais
pas à qui incombe la responsabilité de faire cela, mais
je ne pense pas qu’il soit juste d’aller demander à ces
organisations de faire ça. On peut faire beaucoup de
chose avec 5000 dollars, au lieu d’aller à Genève.
Des personnes interviewées travaillant en Europe, en Asie
et en Amérique latine ont souligné que leurs organisations
avaient tendance à prioriser les mécanismes nationaux et
régionaux, et pas l’ONU, surtout lorsque leurs situations
financières étaient délicates et que la situation sur le
terrain appelait une réponse plus urgente et locale.
Selon de nombreuses personnes interviewées, les
bailleurs de fond finançant les activités de plaidoyer à
l’ONU auraient tendance à investir davantage dans les
organisations occidentales, sans comprendre ni apprécier
l’importance d’avoir des organisations d’autres régions
actives à l’ONU. Cela est d’autant plus préoccupant que
dans beaucoup de pays, les gens ont besoin de se saisir des
instruments offerts par les mécanismes de l’ONU parce que
leurs gouvernements ne sont pas ouverts à discuter des
questions LGBTI. Ainsi que le soulignait la représentante
d’une mission diplomatique auprès de l’ONU :
Les participants d’Amérique du Nord et d’Afrique sont
ceux qui ont le plus massivement trouvé que l’équilibre
régional s’était amélioré. Plus des deux tiers ont dit être
d’accord avec cette affirmation, contre environ la moitié
des participants travaillant en Asie. Aucune des cinq
personne intersexes n’a estimé que la représentation
régionale était meilleure.73
Je crois profondément qu’il est important que les
personnes comprennent mieux le système onusien
de façon à ce qu’il ne soit pas utilisé que par les ONG
occidentales, sur des questions sur lesquelles, pour parler
franchement, ils n’ont pas besoin de la médiation de
l’ONU, puisqu’ils ont des mécanismes au niveau national
qui peut les aider à avancer. L’ONU doit être accessible
aux pays qui n’ont pas ces mécanismes nationaux.
Plusieurs personnes interviewées travaillant en Afrique, en
Asie, en Europe de l’Est, en Amérique latine et aux Caraïbes
ont avancé qu’il leur manquait déjà des ressources pour
leur travail sur le terrain. Si les organisations priorisent
le travail à l’intérieur du pays, il leur reste souvent trop
peu de ressources pour pouvoir porter leurs causes
Certaines personnes travaillant en Asie, dans la région
Pacifique, en Afrique, en Europe de l’Est, en Amérique
latine et aux Caraïbes ont l’impression d’être trop
dépendantes des ONG basées dans les pays occidentaux,
puisqu’elles doivent compter sur elles pour les faire venir
à Genève ou à New York.
72 La figure 12 se base sur la question de l’enquête qui demandait aux participants s’ils étaient en accord avec 12 affirmations relatives aux progrès à
l’ONU sur les questions OSIG, et le rôle de la société civile. Les figures 4 et 8 fournissent plus de détails.
73 Ce qui peut simplement être lié à la région d’où ces personnes viennent.
29
D’autres avancent que le manque d’équilibre dans la
représentation des différentes régions peut aussi être un
problème pour le plaidoyer. Pour un(e) militant(e) africain(e) :
leurs conditions et pour fournir des témoignages sur les
violations des droits humains dont ils et elles font l’objet.
Ce dont je me suis rendu compte en travaillant sur
les questions trans, c’est qu’il y a un vrai manque de
connaissance. Du coup, quand on parle avec l’équipe d’un
Rapporteur Spécial, ça prend déjà du temps de leur faire
comprendre où sont les problèmes. Même si je connais
beaucoup de choses sur les questions trans (…) je ne suis
pas trans moi-même, et je pense que les choses seraient
beaucoup plus faciles si des défenseurs des droits des
trans qui seraient trans eux-mêmes pouvaient expliquer
ces questions : ce que ça veut dire d’avoir un passeport
qui ne reflète pas qui on est, ni son nom, ni son genre.
Quelles sont les conséquences quand on se fait contrôler.
Comment tu t’inquiètes à chaque fois que tu cherches à
trouver un nouveau boulot. Il devrait y avoir beaucoup
plus de militants et de militantes trans et intersexes à
faire du travail de plaidoyer à l’ONU, à parler de leurs
expériences et – tout simplement – à être visibles.
C’est vraiment important d’avoir quelqu’un pour faire une
déclaration devant le Conseil des droits de l’homme. Ce
n’est pas assez de juste soumettre un rapport alternatif
si on ne met pas de visage sur le problème, ça limite
considérablement l’impact qu’on peut avoir. C’est
spécialement vrai quand on voit les dynamiques qu’on a
dans les pays du Sud et dans les pays du Nord, et toute
la politique là-derrière. Voir quelqu’un d’une organisation
internationale faire une déclaration au nom d’autres
personnes [d’un pays africain] n’a pas le même impact
qu’avoir quelqu’un [de ce pays] présent pour faire la
déclaration lui même. Ca n’a pas le même impact.
Le déséquilibre dans la représentation des différents
sous-groupes des LGBTI a aussi été identifié comme un
problème. Seulement 43% des participants à l’enquête
estiment que la proportion des différentes composantes
des LGBTI est plus équilibrée aujourd’hui qu’il y a dix ans
(figure 12).
Les personnes travaillant en Amérique du Nord sont les
plus nombreuses à estimer que l’équilibre s’est amélioré,
à une majorité de 55%, contre environ un tiers parmi les
personnes travaillant dans d’autres régions. Environ la
moitié des gays et des personnes hétérosexuelles estime
qu’il y a eu amélioration, contre seulement un quart des
lesbiennes et des queers. Seules 6 des 27 personnes trans
et une des 5 personnes intersexes interrogées se disent
également en accord avec cette affirmation.
Des personnes interviewées se sont également inquiétées
de la proportion relativement basse de personnes trans et
intersexes et de femmes lesbiennes ou bisexuelles parmi
les militantes et les militants. Il a été souligné que les
organisations trans et intersexes devaient souvent avoir
l’appui de plus grandes organisations internationales pour
pouvoir participer aux travaux de l’ONU, ou pour qu’ils et
elles puissent être représenté(e)s. Certains perçoivent là
un risque, puisque les capacités des organisations OSIG
à traiter des questions intersexes et trans ne sont pas
toujours optimales.
En d’autres termes, ces inquiétudes autour de la question
de la représentation signifient pour certaines personnes
interviewées que le problème principal n’était pas
l’identification de priorités parmi les questions OSIG et
intersexes, mais plutôt l’absence de processus de décision
qui permette d’établir ces priorités. Cela amène à poser la
question de qui a les ressources et le pouvoir nécessaires
pour inscrire des questions à l’agenda global. Beaucoup
ont souligné que le manque de ressources financières
et humaines affecte certaines régions et certains sousgroupes de manière disproportionnée, et il en résulte un
déséquilibre criant dans la représentation des militants et
militantes LGBTI à l’ONU.
La violence sur le terrain
De nombreuses personnes interviewées ont fait
remarquer que la visibilité accrue des questions OSIG
et intersexes à l’ONU et dans différents pays s’est
accompagnée d’une violence plus présente sur le terrain,
notamment dans des pays comme la Russie ou l’Ouganda.
Certaines personnes ont vu un lien entre la montée de la
violence et les avancées obtenues sur les questions OSIG.
L’idée que la présence et la participation active des
militants et militantes trans et intersexes sont cruciales
pour l’efficacité du travail de plaidoyer est par ailleurs
partagée par d’autres militants et militantes OSIG
ainsi que par les personnes travaillant dans des ONG
généralistes de droits humains. Selon elles et eux, la
présence de personnes trans et intersexes est nécessaire
pour pouvoir clarifier les questions spécifiques propres à
30 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
On a vu des propositions de lois très répressives être
présentées dans un certain nombre de pays, et c’est peutêtre en partie une réaction aux avancées obtenues en
Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et
dans certains pays d’Asie. C’est aussi en réaction au fait
que, dans les pays qui proposent ces lois répressives, les
communautés et les militants LGBT ont maintenant plus
de visibilité (…) Ca peut déclencher une réaction et c’est à
cela qu’on assiste à présent.
Un(e) militant(e) africain(e) a insisté sur l’impact du départ
des militants et militantes locaux, causé par la violence et
les persécutions dont ils font l’objet :
Les extrémistes et les gouvernements anti-LGBT ont
vraiment réussi à mettre en pièce le mouvement LGBT
et à se débarrasser de son élite, qui réside désormais
dans des pays européens. Ceux et celles qui ont été les
fers de lance du mouvement en Afrique sont entrain
de partir, et les personnes qui restent derrière ont
peur, et même encore plus peur maintenant que les
gouvernements prennent des mesures plus répressives
contre eux, contre elles et contre leur travail.
De nombreux activistes se sont également inquiétés de
ce que les mesures destinées à réduire au silence les
personnes LGBTI puissent s’étendre, notamment en
Europe de l’Est, dans les pays où la Russie a une influence
considérable.
Il existe également des menaces et des attaques visant les
militantes et les militants dans la sphère virtuelle, via le
harcèlement sur Internet, les incitations à la haine, ou la
censure et le filtrage des contenus. Un militant a insisté
sur le fait que ces attaques ont un effet traumatisant
pour beaucoup de militants et de militantes. Selon lui,
les mouvements communautaires devraient se mettre en
capacité de pouvoir leur assurer un soutien adéquat.
Je m’inquiète pour ceux et celles qui se trouvent
victimes de cela, et dont – au sein du mouvement - on
ne prend pas soin comme il le faudrait. Je ne sais pas
comment il faudrait répondre à ce problème, mais c’est
quelque chose qui me dérange. Je pense qu’il faudrait
qu’on ait des stratégies là-dessus.
Des personnes interviewées ont également exprimé une
crainte de voir ces attaques finalement parvenir à réduire
les militantes et les militants locaux au silence, et aussi les
rendre réticents à prendre la parole publiquement à l’ONU,
ce qui pourrait considérablement saper la légitimité de travail
de plaidoyer OSIG et intersexe à long terme. Une personne
travaillant pour une ONG généraliste fait ainsi remarquer :
Pour moi, il est très important d’avoir ces voix
directement représentées à l’ONU, et pas seulement
à travers ceux et celles d’entre nous qui sommes
basés à Genève. Donc tout ce qui peut empêcher les
militants et les militantes de parler ouvertement au
niveau national comme international fait du mal à la
cause. Je pense qu’en particulier sur ces questions,
pour lesquelles se posent sans cesse la question de
la légitimité, nous [les organisations généralistes de
droits humains] ne pourrions tout simplement pas être
pris[es] au sérieux si on essayait de représenter les voix
des personnes LGBTI.
La polarisation à l’ONU
Un grand nombre de personnes interviewées s’est inquiété
de la polarisation grandissante sur les questions OSIG depuis
la résolution de 2011, et en a conclu qu’il sera difficile, pour
ne pas dire impossible d’avancer sur ce sujet.
Ca va être très dur de franchir de nouvelles étapes
(..) il semble qu’il y ait un durcissement des attitudes
dans les pays où il y a déjà une grande hostilité envers
les personnes LGBT (…) Donc la vraie question, c’est
comment on dépasse cette polarisation pour arriver à
quelque chose ?
Certains craignent que l’absence de suivi par le Conseil
mette en péril les acquis obtenus jusqu’à présent, et
fasse apparaître finalement les succès obtenus comme un
échec. Selon des personnes interviewées, la société civile
attend une action du Conseil. En même temps, des Etats
attendent de la société civile qu’elle donne des indications
sur ce que les prochaines étapes devraient être. Un expert
de l’ONU a résumé cette tension de la façon suivante :
On vit un moment crucial. Va-t-on voir une résolution
de suivi ? Ou était-ce juste un feu de paille ? (…) La
conséquence principale de tout ceci jusqu’à présent
a été de déclencher une réaction négative et (…) de
créer des attentes pour la suite. Les organisations de
la société civile demandent « quand est-ce que ça va
arriver ? » et commencent à être frustrées par ce qui
se passe à Genève.
Bien qu’il reste des défis à relever, on peut espérer que
la résolution récemment adoptée au Conseil des droits
de l’homme puisse en partie répondre à ces attentes.
De plus, des personnes interviewées ont fait part de
leurs inquiétudes vis-à-vis des discussions à l’ONU sur les
valeurs traditionnelles et sur la protection de la famille, y
voyant des menaces à l’avancée des droits LGBTI.
Les Etats voient qu’il y a cette résolution sur l’orientation
sexuelle et l’identité de genre et que s’ils ne peuvent
pas la défaire, ils vont essayer de faire adopter ces
autres initiatives qui vont désamorcer tous les succès
qu’on pourrait avoir sur les questions OSIG.
Une autre inquiétude a été exprimée : les standards
progressifs et les normes adoptés par certains mécanismes
de l’ONU ne sont pas généralisés ni repris par toutes les
autres composantes du système. Selon certain(e)s, ce
problème est encore plus grand lorsque le personnel de
l’ONU est peu informé, ou qu’il n’est pas favorable aux
questions OSIG et intersexes :
C’est important de s’assurer que le travail ne se
concentre pas que sur les sièges de l’ONU, mais qu’il
se passe aussi au niveau national, dans les bureaux
31
locaux : que partout où l’ONU est présente sur le
terrain, son personnel voit la protection des personnes
LGBT comme faisant partie de leur travail et de leur
mission. Et que leur mandat soit aussi de travailler
avec la société civile, de réunir et de consigner des
informations, de soulever des questions lors de leurs
échanges avec les autorités. Ca ne devrait pas juste
être quelque chose qui se passe de temps en temps (…)
Je pense qu’on a probablement fait la moitié du chemin
sur ces deux questions : convaincre les collègues
travaillant aux sièges que ce travail n’est pas risqué,
et convaincre les collègues sur le terrain d’intégrer ces
questions à leur travail.
Le manque de consensus au sein de la
société civile
Quelques personnes, lors des entretiens, ont souligné
le décalage existant entre les activistes travaillant sur
les questions OSIG à l’ONU et les militantes et militants
locaux. Selon elles, si ce décalage persiste, il y a un risque
de voir les problèmes les plus pressants localement
ne plus être visibles au niveau international. Cela peut
aussi se traduire par des occasions manquées pour des
militantes et militants locaux qui pourraient rappeler à
leurs gouvernements les propos qu’ils ont tenu à l’ONU .
déboucher sur un consensus autour des objectifs de
plaidoyer. Lors d’un entretien, une personne a avancé
que le problème de fond était que les gens partaient
parfois avec de points de départ tellement variés, avec
des organisations et des mouvements conceptualisant les
choses de façon tellement différentes, que l’augmentation
du nombre d’acteurs de la société civile a eu pour effet
d’exposer davantage les lignes de fracture, plutôt que
d’aider à la construction de coalitions plus fortes.
Certains s’interrogent également sur la façon – selon eux,
pas toujours claire – avec laquelle les militants et militantes
provenant de régions et de sous-groupes marginalisés
étaient choisis, lorsqu’il était question de les consulter.
Selon certaines personnes interviewées, il y a des « visages
familiers » auxquels on demande régulièrement l’avis, sans
nécessairement que ces experts ou que ces leaders aient été
sélectionnés suivant un processus transparent. Des personnes
représentant leurs régions ou un sous-groupe particulier au
sein de la communauté LGBTI peuvent avoir été sélectionnés
de façon ad hoc, et ne représentent pas forcément leurs
mouvements respectifs. Quelques personnes ont également
critiqué le fait que certains militants et certaines militantes
pouvaient être régulièrement actifs à l’ONU, de leurs propres
initiatives, sans pour autant être redevable devant leurs
collègues de la région :
L’absence de message commun de la société civile depuis
la résolution du Conseil de 2011 a été un thème récurrent
dans les entretiens. La résolution passée, il était devenu plus
difficile de s’accorder sur les étapes à suivre pour le travail
de plaidoyer OSIG et intersexe à l’ONU. Quelques personnes
interviewées considèrent que l’augmentation du nombre de
militants et de militantes LGBTI présents à l’ONU faisait que
la coordination devenait un défi plus grand et plus important.
Ainsi que l’exprimait un militant gay :
Cette question montre tout simplement que le
mouvement a été victime de son propre succès. La
première des priorité, pendant longtemps, a été
d’amener les militants et les militantes à l’ONU,
en travaillant à l’octroi du statut ECOSOC à des
organisations, et en faisant accréditer des personnes
par d’autres organisations, si elles ne bénéficiaient
pas du statut ECOSOC. Maintenant, il y a tellement
de monde que la question de la coordination, de
l’élaboration de stratégies conjointes, de la prise
de décisions collectives soutenue par tous et toutes
devient de plus en plus complexe année après année.
Ce n’est pas toujours claire, dans différentes parties du
monde, comment (…) certaines personnes en viennent
à représenter une région à l’ONU. Ce n’est pas comme
s’il y avait eu un consensus dans cette région autour
du fait qu’ « OK, cette personne va nous représenter
à l’ONU ». Le processus est un peu plus aléatoire que
ça. Et je pense que ça parle d’où en est le mouvement
en ce moment. Dans l’idéal, les personnes qui sont
à l’ONU devraient être plus représentatives de leurs
groupes d’origine.
Une personne a ajouté qu’en l’absence de consensus
autour des objectifs, les messages du plaidoyer finissent
par être affaiblis et la société civile en vient à réagir à ce
qui se passe à l’ONU alors qu’elle devrait être à l’initiative,
poursuivant des objectifs consolidés :
Bien que les personnes interviewées s’accordaient
généralement sur l’importance d’avoir plus de voix
présentes à l’ONU, nombreux sont ceux qui s’inquiètent
de savoir comment les différentes perspectives pourraient
32 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
C’est un défi pour la communauté mondiale LGBTI.
Certains Etats demandent des positions claires sur la
façon dont on devrait avancer sur les questions LGBT
à l’ONU, et il n’y a pas de position commune au sein
de la société civile sur ce qu’on devrait faire et sur
quelles sont nos priorités. Ca crée une situation très
dangereuse. On doit bien garder à l’esprit que les Etats
ne vont pas patienter indéfiniment.
Ce dernier chapitre reprend les principaux défis
identifiés dans le chapitre 6 pour explorer des
pistes de solutions possibles, les opportunités
qui émergent, et faire le point sur ce que l’on
peut espérer des années à venir.74
Surmonter les obstacles
Manque de ressources et d’équilibre dans la
représentation
Pour surmonter le défi posé par le manque de ressources
et l’absence d’équilibre dans la représentation auxquels
font fasse les militants et militantes OSIG et intersexes,
certaines personnes interviewées ont souligné la nécessité
de financer davantage les régions et les sous-groupes
parmi les LGBTI qui ont été historiquement marginalisés.
Pour beaucoup, cela serait de la responsabilité de ceux
qui reçoivent déjà les fonds, ainsi que des bailleurs.
Plusieurs personnes interviewées ont avancé que les
bailleurs devraient revoir leurs priorités. D’autres ont
suggéré que les organisations occidentales devraient
aider les bailleurs à comprendre qu’il est crucial de
financer des organisations provenant d’autres régions
pour qu’ellespuissent travailler à l’ONU.
travail : en terme de formation adéquate, de partage
de l’information, de définition de relations claires avec
des partenaires sur les questions d’intersections, de
connaissance des différentes organisations et de qui
fait du lobby sur quoi, étant donné les divisions au sein
des questions OSIG.
Pour plusieurs militants et militantes d’Europe de l’Est,
d’Asie et d’Afrique, il faudrait que les organisations locales
soient encouragées à créer leurs propres espaces de
dialogue interne, de façon à renforcer la coopération
au niveau national et régional. La participation des ONG
internationales à ces processus peut être utile, mais,
comme l’ont souligné certains, elle n’est pas toujours
nécessaire. Les groupes locaux et régionaux ont besoin
de leurs autonomies et doivent développer leurs propres
priorités stratégiques, en fonction des besoins locaux.
Les militant(e)s trans et intersexes ont aussi souvent
insisté sur la nécessité pour eux d’avoir une autonomie
financière et organisationnelle de façon à ce qu’ils et elles
puissent investir dans le travail de plaidoyer onusien. Un(e)
militant(e) intersexe a résumé cela de la façon suivante :
Plusieurs personnes interviewées travaillant en Afrique
et en Asie ont considéré que les organisations locales
doivent faire des choix stratégiques pour décider s’il est
utile pour elles ou non de s’engager dans un travail de
plaidoyer à l’ONU dans le long terme. Si c’est le cas, elles
devraient alors chercher des façons de financer ce travail,
et d’y allouer les ressources humaines nécessaires. Selon
un(e) militant(e) africain(e) :
Je crois à la formation, à la levée de fonds, à l’autonomie
et aux alliances. L’autonomie est une pré-condition
aux alliances. Ce dont les militants trans et intersexes
ont besoin, je pense, [c’est] de la sorte d’autonomie
que vous avez lorsque vous êtes capables d’obtenir
vos propres financements. Et de former des alliances
parce que vous avez identifié des buts et des intérêts
communs, et pas forcément parce que vous dépendez
de vos alliés.
La question en Afrique pour les organisations est de
savoir si le travail de plaidoyer à l’ONU est une priorité
pour elles, (…) si ça a un impact positif sur leur travail
au niveau national. Si on pense que faire du travail à
l’ONU est opportun, alors il faut mieux investir dans ce
Les militants et militantes trans et intersexes ont aussi
souvent souligné que « l’infrastructure » de leurs
organisations devait partir de la base. Cela implique
que les groupes travaillant sur le terrain soient capables
d’entreprendre de temps en temps du travail de plaidoyer
74 Une question ouverte demandait également aux participants d’indiquer quelles étaient les principales opportunités qui se présenteraient dans les
deux prochaines années. Durant les entretiens, il a été demandé aux personnes interviewées de développer leurs réponses plus en détail, et de fournir
des exemples pratiques lorsque c’était possible.
33
à l’ONU, de participer aux forums internationaux, de
prendre le temps de faire leurs retours à leurs organisations
au niveau local et de tisser des liens pratiques entre le
travail entrepris au niveau local, régional et international.
Les militants d’Europe de l’Est, d’Amérique latine et des
Caraïbes partagent largement l’idée que les mouvements
devraient s’efforcer davantage de rendre leurs espaces
de dialogue et de participation plus accessibles à tous.
Cela passerait, par exemple, par le soutien aux personnes
non-anglophones, pour qu’elles puissent participer sur un
pied d’égalité avec les autres. La plupart des personnes
interviewées s’accordent à dire qu’il est nécessaire de
continuer les programmes de formations dispensés par
des ONG internationales comme le Service International
pour les Droits Humains (ISHR) ou ARC international.
Quelques personnes ont aussi souligné que les supports
éducatifs devraient être plus simples et accessibles aux
personnes qui ont peu de connaissances de base sur le
sujet et peu d’éducation formelle.
Un(e) militant(e) africain(e) a suggéré que les formations
devraient davantage prendre en compte les contextes
régionaux, notamment en ce qui concerne la sécurité des
militants et militantes, et devraient se concentrer sur les
mécanismes pertinents et accessibles pour chacune des
régions.
La violence sur le terrain
Les relations entre visibilité et sécurité font qu’il est
essentiel que les victoires obtenues à l’ONU se traduisent
par des progrès sur le terrain, et que la violence, les
intimidations et l’impunité cessent. Parmi ceux et celles
qui travaillent sur la question des défenseurs des droits
humains, beaucoup ont souligné qu’il était essentiel
d’avoir des protections efficaces, notamment pour ceux
prenant la parole à l’ONU. Les mesures de prévention sont
aussi vues comme essentielles pour maintenir la présence
de mouvements OSIG dans des pays où la situation des
droits de ces communautés est particulièrement critique.
Une personne a ajouté qu’il y a également un grand
besoin de garanties pour les militantes et militants LGBTI
qui ont fui leur pays et sont demandeurs d’asile.
Selon un(e) militant(e) asiatique, dans le contexte critique
actuel, les Etats n’ont pas le droit de garder le silence sur
les questions OSIG :
Même si un Etat ne promeut pas l’homophobie ou la
transphobie, le simple fait de garder le silence et de ne rien
faire encourage la discrimination et la stigmatisation.
pousser les Etats à prendre position en faveur des droits
des personnes LGBTI :
Je crois que les terribles mouvements réactionnaires
qu’on a vus à l’œuvre dans des pays comme l’Ouganda
vont obliger les personnes de bonne volonté à prendre
position sur ces questions, et ça va nous permettre
de nous compter. Pour moi, les actions engagées au
parlement ougandais sont tellement abjectes pour
toute personne de bonne volonté qu’elles vont mettre
de notre côté des soutiens plus massifs que ceux que
les mouvements réactionnaires revendiquent.
Plusieurs militant(e)s et représentant(e)s de Missions
diplomatiques ont avancé que dans un tel contexte
d’augmentation de la violence, la société civile et les
Etats favorables aux droits LGBTI devraient s’efforcer de
parler plus haut et plus fort. Certains ont suggéré que
les organisations OSIG devraient approcher davantage
les organisations généralistes et s’allier avec elles pour
dénoncer conjointement les violences.
De manière générale, la plupart des participants et
participantes s’accordent sur le besoin d’un leadership
fort et constant de la part des principaux acteurs de
l’ONU, du Secrétaire Général de l’ONU au nouveau
Haut-Commissaire, en passant par les dirigeants des
différentes agences. En parallèle, ils et elles insistent sur
la nécessité pour les différents mécanismes de l’ONU de
porter les thématiques OSIG et de les intégrer à leurs
travaux quotidiens, chaque fois que cela est possible.
Un(e) militant(e) a également suggéré qu’il serait
important de voir davantage de délégués étatiques et de
fonctionnaires de l’ONU faire leurs coming-out :
Je pense que ce serait très bien de voir plus de
personnes LGBTQI travaillant au Conseil et au sein des
différents bureaux de l’ONU affirmer ouvertement
leurs identités. Ca serait fantastique.
La polarisation à l’ONU
De nombreuses personnes ont souligné que face à
une situation d’opposition grandissante aux questions
OSIG et intersexes à l’ONU, face à une augmentation
de la violence dans plusieurs pays, il est plus important
que jamais que la société civile travaille à donner de la
visibilité à ces violations, à en informer les mécanismes
onusiens, et fasse du lobby auprès des Etats. Une
personne travaillant à l’ONU a fait remarquer la chose
suivante :
Un(e) militant(e) a également dit espérer que
l’augmentation de la violence sur le terrain finisse par
34 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Quand on travaille dans le cadre de l’ONU, on doit
travailler à faire avancer les choses sur tous les fronts
et ne pas se laisser intimider par les résistances fortes
qui existent dans certains pays. On doit continuer à
pousser malgré cela et à en parler dès qu’on le peut,
dès que l’opportunité se présente (…), apporter la
preuve des souffrances endurées et des violations
subies. Parce que, finalement, les pays n’auront pas
d’autre choix que de faire face à ces questions, ils ne
peuvent pas rester la tête sous le sable éternellement.
Quelques personnes interviewées ont soutenu que
les militants et militantes LGBTI devraient travailler
davantage à essayer de comprendre et disséquer les
arguments de leurs opposants pour développer leurs
propres réponses à ces arguments. Cela permettrait
aussi de soutenir et renforcer l’argumentaire des Etats
progressistes lors des débats et des votes à l’ONU :
Ce que je suggère pour combattre ces campagnes,
c’est de fournir aux Etats les arguments dont ils ont
besoin pour mettre en défaite les initiatives [comme
sur les valeurs traditionnelles]. Ca peut aussi les aider
à accepter l’idée que si ces Etats insistent, alors il leur
faudrait voter contre ces initiatives. Mais ils devraient
le faire en étant assurés qu’ils pourront s’en justifier
devant celles et ceux qui pourraient le leur reprocher
dans leurs pays.
Selon certaines personnes interviewées, une plus
grande diversité parmi les Etats leaders sur les questions
LGBTI pourrait potentiellement aider à diminuer la
polarisation.
En fait, le vrai défi c’est de savoir comment on arrivera
à surmonter cette polarisation (…) Comment on peut
reformuler ces questions pour que ça n’apparaisse
pas comme une tentative des pays occidentaux pour
imposer quelque chose à des pays non-occidentaux.
Pour ça, on a vraiment besoin de la voix des acteurs
de la société civile du Sud. C’est un problème
universel. Ce n’est pas comme si ces violations ne
concernaient que les pays non-occidentaux et que
les pays occidentaux leur demandaient de régler ce
problème.
Allant dans le même sens, un(e) militant(e) latinoaméricain(e) a suggéré que les militantes et les militants
d’Amérique latine et des Caraïbes pouvaient jouer un
rôle de premier plan pour montrer que le respect des
valeurs traditionnelles n’exclue pas nécessairement les
personnes LGBTI. Un militant africain a recommandé
de parler plus du lien entre religion et questions LGBTI.
Il a insisté sur le fait que les personnes LGBTI viennent
d’horizons divers et peuvent avoir des religions variées,
et sur la nécessité de démanteler le mythe qui voudrait
que religion et identité LGBTI soient inconciliables.
Beaucoup craignent qu’il soit très difficile dans le
contexte actuel de trouver un autre Etat non-occidental
prêt à prendre le leadership sur les questions OSIG après
l’Afrique du Sud. Certain(e)s militant(e)s africain(e)s ont
avancé qu’il faudrait approcher d’autres Etats africains
susceptibles d’être plus ouverts sur les questions OSIG.
Plusieurs personnes ont fait remarquer que même si un
petit nombre d’Etats africains apportaient un soutien
visible sur ces questions, cela changerait grandement
la dynamique à l’ONU. Un représentant d’une Mission
diplomatique a déclaré :
Si un ou deux Etats africains pouvaient se sentir assez
à l’aise pour montrer leur soutien sur ces questions,
au sein d’un plus grand groupe transrégional, cela
changerait beaucoup de choses. (…) La dynamique
s’en trouverait complètement changée. Et je ne pense
pas que c’est irréaliste de penser cela.
Pour régler le problème des différents standards utilisés
au sein de l’ONU, certaines personnes ont suggéré qu’il
serait utile d’avoir une politique ou un protocole écrit
obligeant les bureaux locaux à se conformer, dans leurs
travaux, aux normes supérieures établies par le HCDH.
D’autres ont avancé que les acteurs de l’ONU et de la
société civile les plus en pointe sur le sujet devraient
s’engager pour travailler avec les mécanismes qui ne sont
pas aussi au point et actifs qu’ils pourraient l’être sur les
questions OSIG et intersexes.
Le manque de consensus au sein de la
société civile
Pour beaucoup, le nombre grandissant d’acteurs de
la société civile travaillant sur les questions OSIG et
intersexes constitue à la fois une opportunité et un défi.
D’un côté, il y a un plus grand nombre d’acteurs OSIG et
intersexes actifs à l’ONU. D’un autre côté cependant, il
subsiste un fossé entre les militants et militantes LGBTI
présents à l’ONU et les communautés locales, qu’il
faut s’employer à réduire, notamment en facilitant un
dialogue entre eux. Certain(e)s ont affirmé qu’on peut
faire de cette période critique pour le militantisme OSIG
et intersexe à l’ONU une opportunité, si elle est utilisée
intelligemment par les organisations LGBTI. Cela pourrait
devenir un nouveau départ pour la façon dont les
mouvements établissent leurs priorités et agissent. Une
militante lesbienne a résumé les choses ainsi :
C’est enthousiasmant de voir cette diversification du
mouvement (…) parce qu’on va pouvoir apprendre
les uns des autres et que le mouvement va grossir et
évoluer. Mais je pense aussi que cela va nous poser
des défis, notamment en terme d’organisation et de
coordination des activités.
35
Des personnes interviewées et des participants au
questionnaire ont souligné que toute consultation pour
trouver des objectifs de plaidoyer communs devrait être
pleinement représentative des différentes régions et des
différentes voix LGBTI. Une militante européenne a ainsi
fait remarqué :
être une solution à la polarisation, puisque les Etats
seraient obligés de traiter de ces questions.
Pour le moment, on a aucun mécanisme de droits
humains dans le système des Nations unies qui soit
spécifiquement consacré au suivi et au traitement
des violations des droits humains dont sont victimes
les personnes LGBT (…) Tant que nous n’avons pas de
rapporteur spécial dans le système qui se consacre à
ces questions et qui fasse des rapports réguliers aux
membres de l’ONU, il y aura toujours un manque
d’information, qu’on devra nécessairement combler.
Si on peut établir un flot d’information régulier d’une
manière systématique et présenter cette information
aux Etats membres, à l’Assemblée générale et au
Conseil encore et encore, ça deviendra de plus en plus
dur pour les pays de se tenir en retrait et de continuer
à refuser de faire face à ces questions.
Les efforts qui sont actuellement déployés pour essayer
de rendre les processus de décision pour le travail à
l’ONU plus collaboratifs et plus représentatifs des
différentes voix sont un point important, et ça arrive
au bon moment. Il faut investir des ressources dans
ce processus, même si le travail de plaidoyer habituel
à l’ONU continue. Si on a pas des objectifs et une
stratégie véritablement globale à l’échelle mondiale,
l’absence de représentativité réelle du mouvement
finira par détruire nos capacités à mener ce travail de
plaidoyer à l’ONU.
Plusieurs personnes interviewées ont appelé à mettre
en place des procédures de consultation formelles, pour
palier au manque de clarté sur qui participe à la prise de
décision et sur quelle base. Parmi les autres suggestions,
on trouve :
•
s’assurer qu’il y ait davantage de communications
entre les acteurs locaux et internationaux
•
établir un échéancier clair pour parvenir à un
consensus autour des stratégies
•
ouvrir la participation à ces discussions à toutes les
parties intéressées
•
mettre en place des procédures garantissant que les
processus de consultation sont bien représentatifs
•
établir des processus de dialogue entre militantes et
militants (à la fois en ligne et en face-à-face) sur le
long terme, plutôt que des discussions sporadiques
liées à un contexte précis.
Aller de l’avant
Au sujet des objectifs de plaidoyer pour le futur, un
consensus s’est dégagé parmi les personnes interviewées
pour dire qu’il est nécessaire d’avoir des rapports
présentés régulièrement à l’ONU sur les questions LGBTI.
Cependant, les opinions divergent sur la façon d’arriver
à ce but. Certaines personnes pensent qu’un mécanisme
spécifique devrait être créé par une possible résolution
de suivi. Ce mécanisme pourrait être un organe de traité
via une convention spécifique, ou un rapporteur spécial
qui aurait pour mandat de faire régulièrement un rapport
sur les violations au Conseil et d’émettre régulièrement
des recommandations. Pour certains, un mécanisme
spécifique chargé de traiter des questions OSIG pourrait
Cependant, d’autres personnes interviewées se sont
inquiétées de ce que la création d’un rapporteur spécial sur
les questions OSIG puisse donner la fausse impression que
ces questions peuvent être traitées par un mécanisme tout
seul. D’autres personnes interviewées, qui ne partageaient
pas l’idée qu’un mécanisme spécifique serait la solution,
ont mis en avant que les différents mécanismes de l’ONU
existant ont déjà fait un travail formidable en traitant des
questions OSIG dans le cadre de leurs mandats. Pour elles,
ce travail devrait être salué, on devrait s’en servir de base
pour l’approfondir et le continuer. Plusieurs personnes
interviewées ont soutenu cette opinion en disant que les
questions OSIG et intersexes ne peuvent pas être isolées
du reste. Au contraire, il existe des intersections entre
elles et les origines raciales, le statut socio-économique,
le handicap, les droits au logement, les droits des femmes
et des enfants, ainsi qu’avec une grande variété de
sujets qui sont déjà à l’agenda de l’ONU. Ces personnes
interviewées pensent que les mandats thématiques
devraient renforcer leurs efforts pour diffuser les
aspects des questions LGBTI pertinents pour chacun de
leurs domaines de travail particuliers, et privilégier une
approche de mainstreaming. Un(e) militant(e) asiatique a
ainsi déclaré :
36 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Il pourrait aussi y avoir un côté faussement rassurant
qui consisterait à dire « bon voilà, ils ont une résolution,
ils vont avoir un point focal sur les questions OSIG.
C’est bon, leurs problèmes sont pris en compte à
partir de maintenant » (…) Pourquoi est-ce que tous
les rapporteurs ne pourraient pas traiter des questions
OSIG? (…) S’ils s’intéressent tous aux questions OSIG,
alors elles seront intégrées dans toutes les autres
questions, plutôt que de dire « c’est le point focal OSIG ».
Il faut remarquer, cependant, que mainstreaming et
mécanisme spécifique ne sont pas nécessairement
des objectifs mutuellement exclusifs. Ils peuvent
être complémentaires, et même se renforcer l’un
l’autre. De plus, un très grand nombre de personnes
interviewées, particulièrement celles venant d’Afrique,
d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes pensent
qu’appliquer une approche intersectionnelle reste un
outil extrêmement utile pour s’assurer de la présence
des questions OSIG et intersexes à travers toutes
les composantes de l’agenda des Nations unies. La
coopération avec d’autres mouvements a été identifiée
comme une modalité d’action très utile pour mobiliser et
contrer plus efficacement les oppositions.
Il ne faut jamais penser que ce qu’on a fait est suffisant
et être auto-satisfait, mais il faut bien avoir à l’esprit
qu’un travail immense a été accompli. On a obtenu
bien plus que beaucoup ne le pensaient possible. Il
reste encore beaucoup à faire, mais cela ne doit pas
nous priver d’apprécier les succès extraordinaires que
nous avons obtenus, et, je crois, beaucoup plus vite
que nous ne l’avions jamais attendu. Je pense que c’est
une note positive, en conclusion.
J’aimerais entendre les militants et les militantes
OSIG parler de corruption, de pauvreté, et d’autres
problèmes que rencontre une société donnée. Pas
seulement des questions OSIG. Parce que tout cela
affecte aussi les droits et les libertés des militants
et des militantes OSIG. Si tu deviens un militant plus
complet, qui s’intéresse aux droits et aux libertés
en général dans une société, tes droits vont aussi
être défendus par d’autres membres de la coalition
et ensemble, vous pouvez former un mouvement et
marcher dans la même direction, pour promouvoir
tous ces droits.
En somme, il existe une grande diversité d’opinions sur
la question de savoir comment on devrait défendre les
droits OSIG et intersexes à l’ONU dans les années à venir.
Il est probable qu’un consensus sera d’autant plus difficile
à trouver qu’il y a maintenant un plus grand nombre
d’ONG travaillant sur ces questions à l’ONU. Cependant,
ce plus grand nombre d’acteurs LGBTI travaillant avec
les mécanismes onusiens a été largement perçu comme
un développement positif. Beaucoup espèrent que ces
acteurs seront capables de se rassembler et de mettre en
commun leurs efforts. A l’évidence, même si les objectifs
de plaidoyer ne sont pas complétement arrêtés, la société
civile peut déjà former des coalitions. La déclaration
commune de 2014 a été la plus large initiative conjointe
jusqu’à présent, réunissant 500 organisations venant de
plus de 100 pays. C’est un bel exemple qui peut servir
d’inspiration pour la suite.
Le chemin est encore long et la société civile doit
persévérer dans son travail et dans ses efforts pour régler
les problèmes existant et faire face aux défis pour le futur.
Les militantes et les militants OSIG et intersexes doivent
cependant garder à l’esprit les progrès gigantesques
qu’ils ont réussi à réaliser à l’ONU depuis 2003. Ainsi que
l’a exprimé un expert de l’ONU :
37
Dans la section suivante, vous serez interrogé(e.s) sur vos perceptions concernant les efforts déployés par la société
civile pour apporter des changements positifs sur les questions OSIG à travers l’ONU.
1. D’après votre expérience, quelles ont été les activités
les plus utiles pour votre travail à l’ONU ?
o La plus utile
o La deuxième plus utile
o La troisième plus utile
o La quatrième plus utile
o La cinquième plus utile
• Réunion avec des membres des Comités de l’ONU et
des Rapporteurs spéciaux
• Réunions avec des délégations diplomatiques / des
officiels gouvernementaux
• Participer au processus d’Examen Périodique Universel
(EPU)
• Les plaintes individuelles auprès d’organes de traités
• Les réunions régionales et internationales de militants
et militantes OSIG
• Campagnes d’actions (manifestations, événements
locaux et intra-communautaires etc.)
• Campagnes sur Internet
• Témoignages et histoires personnels de personnes LGBTI
• Campagnes de pétitions
• Rapports alternatifs
• Evénements parallèles lors de sessions à l’ONU
• Formations sur les mécanismes onusiens
• Fortes coalitions de la société civile
• Demande d’action urgente auprès de procédures
spéciales
• Utilisation des Principes de Jogjakarta
• Plaidoyer vidéo
• Rien de tout cela n’a été utile
• Autre
2. A quel niveau avez-vous / votre organisation a-t-elle
contribué aux initiatives suivantes sur les questions
OSIG à l’ONU ?
(Ex : en rédigeant un document, en faisant du lobbying,
en discutant…)
o Contribution importante
o Contribution relative
o PSas de contribution du toutl
o Je ne connais pas cette / ces initiative(s)
• Résolution brésilienne sur les droits de l’homme et
l’orientation sexuelle (2003-2005)
• Déclaration conjointe d’Etats sur les questions
d’orientation sexuelle et sur les questions OSIG (2005,
2006, 2008, 2011)
• Principes de Jogjakarta (2006)
• Résolution du Conseil des droits de l’homme (CDH) sur
l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les droits de
l’homme (2011)
• Rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme
(HCDH) sur les questions OSIG (2011)
•
Panel du Conseil des droits de l’homme sur
l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les droits de
l’homme (2012)
• Campagne du HCDH « Nés libres et égaux » (2013)
• Plaidoyer et événements parallèles OSIG à la
Commission de la condition de la femme des Nations
unies (CSW) et aux examens quinquennaux Pékin +5,
+10, +15
• Résolution sur les exécutions extra-judiciaires,
contenant des références à l’orientation sexuelle, puis à
l’orientation sexuelle et l’identité de genre
• Les campagnes pour l’obtention du statut ECOSOC
• Autre
3. Selon vous, quel a été le progrès le plus significatif
obtenu sur les questions OSIG à l’ONU au cours des
10 dernières années ? Merci d’expliquer brièvement
pourquoi.
4. Lequel/Lesquels de ces obstacles a/ont limité votre
capacité à utiliser les mécanismes de l’ONU dans vos
activités militantes sur les questions OSIG ? Cochez
autant de case que nécessaire :
•
•
•
•
•
•
•
•
5. o
o
o
o
o
•
•
•
•
•
38 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?
Manque d’accès à des informations permettant de
savoir comment les utiliser
Manque de ressources humaines pour faire ce travail
Manque de ressources financières
Manque d’accès aux mécanismes de l’ONU (ex : pas de
statut ECOSOC)
D’autres ONG étaient déjà actives sur ce terrain et
faisaient le même travail que j’aurais/nous aurions fait
Le plaidoyer à travers ces mécanismes n’est pas une
priorité pour moi / pour mon organisation
Les questions sur lesquelles je travaille / nous travaillons
n’ont pas été à l’agenda de ces mécanismes
Autre
Globalement, ces mécanismes de l’ONU ont-ils été
utiles pour alimenter votre travail de plaidoyer sur
les questions OSIG à l’échelle locale, régionale et
internationale ?
(Par exemple, à travers des recommandations de l’EPU,
les observations générales ou les observations finales
des organes de traités, les rapports, les déclarations
publique, la jurisprudence, les investigations etc.)
Très utile
Utile
Peu utile
Pas utile du tout
Pas applicable à ma/notre situation : je n’ai / nous
n’avons pas utilisé ce mécanisme onusien
L’Examen périodique universel (EPU)
Le Conseil des droits de l’homme (autre que l’EPU)
La Commission de la condition de la femme (CSW)
Les organes de traité
Les procédures spéciales (notamment les rapporteurs
spéciaux)
•
•
•
Les programmes, fonds, agences et bureaux de l’ONU
Le Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC)
L’Assemblée générale des Nations unies et/ou la
Troisième Commission
• Autre, merci de préciser
6. Les affirmations suivantes portent sur les 10
dernières années.
Indiquez si vous êtes en accord ou en désaccord avec
elles.
En vous basant sur votre expérience, en comparaison
avec la situation d’il y a 10 ans, diriez-vous que :
o
En fort désaccord
o
Plutôt en désaccord
oNeutre
o
Plutôt d’accord
o
Entièrement d’accord
o
Je ne sais pas
• Il y a eu des changements positifs sur les questions
d’orientation sexuelle à l’ONU
• Il y a eu des changements positifs sur les questions
d’identité de genre à l’ONU
• Il y a eu des changements positifs sur les questions
intersexes à l’ONU
• Un plus grand nombre d’états / de pays soutiennent les
questions OSIG à l’ONU
• Les mécanismes onusiens accordent plus d’attention
aux questions OSIG
• La diversité régionale des personnes militant en faveur
des questions OSIG à l’ONU est plus forte
• Il y a une représentation plus égale des différentes
sous-catégories comprises dans l’ensemble LGBTI parmi
celles et ceux qui militent sur les questions OSIG à
l’ONU
• Les militantes et militants OSIG interagissent avec une
plus large palette de mécanismes onusiens
• Les militantes et militants OSIG utilisent une plus
grande variété d’outils et de stratégies pour leur travail
à l’ONU
• Les militantes et militants OSIG travaillant à l’ONU ont
bâti de solides coalitions
• Les organisations OSIG sont plus en capacité de faire ce
travail à l’ONU
• Les organisations généralistes travaillant sur les droits
humains sont plus en capacité de travailler sur les
questions OSIG
7. Avez-vous des commentaires additionnels à faire
sur le militantisme et/ou les développements sur les
questions OSIG à l’ONU dans les dix dernières années
? Si c’est le cas, merci de les partager dans l’espace
ci-dessous.
8. Parmi les thématiques liées à l’orientation sexuelle
et à l’identité de genre ci-dessous, merci d’indiquer
les 3 qui, selon vous, ont été les mieux traitées par
les mécanismes onusiens au course des 10 dernières
années.
o La mieux traitée
o La deuxième mieux traitée
o La troisième mieux traitée
• La criminalisation
• Les discriminations
• Les libertés d’expression, de réunion et d’association
•
•
•
•
•
Les violences sexo-spécifiques
Le VIH/Sida
Les défenseurs des droits humains
La reconnaissance juridique du genre
Le droit à la vie privée et familiale (notamment la
reconnaissance légale des relations)
• Les droits sexuels et reproductifs
• La pauvreté / l’exclusion économique et sociale
• La torture
• Les assassinats extra-judiciaires
• La violence (notamment les incitations à la haine, les
crimes haineux etc.)
• Les autres droits à la santé
• Autre
9. Quelle question prioritaire pour vous et votre organisation
n’a, selon vous, pas été traitée de façon satisfaisante par
les mécanismes onusiens au cours des 10 années passées ?
Merci d’expliquer pourquoi.
10. Ayant à l’esprit vos domaines prioritaires de travail, quels
sont les trois principales opportunités de faire avancer les
questions OSIG à l’ONU dans les deux prochaines années ?
Merci d’expliquer pourquoi.
11. Selon vous, quels seront les 3 plus grands défis à relever
dans les deux prochaines années en ce qui concerne la
plaidoyer en faveur des questions OSIG à l’ONU?
o Le plus grand défi
o
2ème plus grand défi
o 3ème plus grand défi
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Un nombre plus grand d’acteurs de la société civile
travaillant sur les questions OSIG à l’ONU
Un manque de cohérence dans les approches et standards
utilisés au sein de l’ONU
Manque d’équilibre dans la représentation des différentes
régions
Manque de représentation équitable des sous-groupes au
sein de l’ensemble LGBTI
Déficit de ressources financières pour les ONG / groupes
Manque de ressources humaines pur les ONG / groupes
Absence de documents juridiquement contraignant sur les
questions OSIG
Trop peu d’organisations LGBTI puissantes travaillant à
l’ONU
L’homophobie et la transphobie d’Etat
Les violences contre les militantes et militants OSIG sur le
terrain
A mon avis, aucun de ces éléments ne constituera un défi
majeur
Autre
39
2003–2004 Résolution brésilienne sur l’orientation sexuelle et les droits de l’homme, Commission des droits de
l’homme, retirée.
2005
Déclaration commune sur l’orientation sexuelle et les droits de l’homme, Commission des droits de
l’homme, lue par la Nouvelle-Zélande au nom de 32 Etats.
2006 Déclaration commune sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les droits de l’homme,
Conseil des droits de l’homme, lue par la Norvège au nom de 54 Etats.
2006 Principes de Jogjakarta : Principes sur l’application de la législation internationale des droits
humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre.
2008 Déclaration commune sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les droits de l’homme,
Assemblée générale de l’ONU, lue par l’Argentine au nom de 67 Etats.
2008–2013 Résolution sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les droits de l’homme, Organisation des
Etats Américains (OEA), adoptée par consensus.
2000–2012 Inclusion du terme « orientation sexuelle » dans la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU sur
les exécutions extrajudiciaires.
Décembre 2010 Amendement américain sur l’orientation sexuelle adopté par vote (93 pour et 55 contre, 27
abstentions). L’« identité de genre » est ajoutée dans une résolution pour la première fois en 2012.
2009–2012 Adoption par le Conseil des droits de l’homme des résolutions russes sur les valeurs traditionnelles
(2009, 2011 et 2012).
Mars 2011 Déclaration commune au Conseil des droits de l’homme sur l’orientation sexuelle, l’identité de
genre et les droits de l’homme, lue par la Colombie au nom de 85 Etats.
Juin 2011 Résolution sud-africaine (résolution 17/19) sur les droits de l’homme, l’orientation sexuelle et
l’identité de genre, adoptée au Conseil des droits de l’homme par 23 voix contre 19 et 3 abstentions.
Décembre 2011 Premier rapport de l’ONU sur les lois et pratiques discriminatoires et les actes de violence contre
les individus en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.
Mars 2012 Premier panel de discussion à l’ONU portant sur le thème « mettre fin aux violations des droits de
l’homme basées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».
Jan–Avr 2013 Séminaires régionaux autour du thème « combattre la violence et la discrimination basée sur
l’orientation sexuelle et l’identité de genre » organisés à Katmandou (22-23 mars), à Paris (26 mars)
et à Brasilia (4-5 avril). Conférence finale tenue à Oslo (15-16 avril), organisée conjointement par la
Norvège et l’Afrique du Sud.
Juin 2013
L’Afrique du Sud annonce son intention d’organiser un séminaire régional africain, et de faire une
réunion de suivi de haut-niveau à Genève.
Juin 2014 Le Conseil des droits de l’homme adopte une résolution non-inclusive sur la protection de
la famille.
Juin 2014
Déclaration commune de plus de 500 ONG provenant de plus de 100 pays présentée au Conseil
des droits de l’homme.
Sep 2014
Le Conseil des droits de l’homme adopte une résolution sur les droits humains, l’orientation
sexuelle et l’identité de genre, demandant la présentation d’un nouveau rapport par le HautCommissariat. Présentée par le Brésil, le Chili, la Colombie et l’Uruguay, et adoptée par une
majorité de 25 contre 14 contre et 7 abstentions, cette résolution marque, pour la premières fois,
l’adoption d’une initiative OSIG par une majorité absolue d’Etats.
40 Promouvoir les droits OSIG à l’ONU: où en est-on? et où va-t-on?