mohamed-ali bouharb

Transcription

mohamed-ali bouharb
N° 8 – JUIN 2009
SPÉCIAL
Voyages
p. 8-10
www.salamnews.fr
Une ville, une mosquée
Montreuil, la difficile
édification de la Grande
Mosquée
p. 12
Actu
LE Message d’obama
au monde musulman
p. 6
Focus
Les 1 001
richesses
de Dubaï
Imprimé sur du papier recyclé, ne jetez pas ce mensuel sur la voie publique : donnez-le. Merci !
p. 10
Mohamed-Ali Bouharb
« Mon but : être un ambassadeur
de l’institution militaire »
p. 16
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
SOMMAIRE
ÉDITO
HORIZONS
Un tournant annoncé
4 Spiritualité et mondialisation
our ceux qui en doutent encore,
le discours de Barack Obama prononcé à l’université du Caire marque un
tournant d’avec la période Bush. Obama
porte la voix d’une Amérique souhaitant
reconquérir les cœurs d’un milliard et demi
de musulmans. Cette Amérique-là peut y
parvenir. Son nouveau président a des
atouts qui manquaient à son prédécesseur.
Le bon sens, tout d’abord. Les musulmans
ne peuvent être considérés comme un bloc
monolithique. Et encore moins être réduits
à une frange ultra marginale prônant la
violence et la destruction de l’autre ! À
partir de ce simple constat, le choc des
civilisations prôné par l’ancienne administration apparaît comme puéril, mais ô
combien destructeur. D’autant que la destruction de l’Irak – berceau civilisationnel
– est pour l’Arabo-musulman semblable
à celle de la Grèce pour un Occidental.
C’est donc une autre voie que nous propose Barack Hussein Obama, celle du
dialogue et du multilatéralisme. « As salam
alaykum », ces premiers mots par lesquels
le président a débuté son discours ont bien
été pesés. Il en va de même pour le choix
du Caire, un autre foyer de civilisation.
Sans parler du fait qu’il reconnaît l’islam
comme étant un élément du melting-pot
américain. Ce président a vraiment tout
pour plaire. Les musulmans ont été sensibles à ses paroles, mais ils restent en
attente d’actions probantes, notamment
sur le dossier israélo-palestinien. Si les actes
viennent, le discours du Caire pourra être
considéré comme historique. ■
P
ACTU
6 Les élections européennes
7 Le Message d’Obama
© Lahcène Abib
au monde musulman
UNE VILLE UNE MOSQUÉE : Montreuil
12 La difficile édification
de la Grande Mosquée
14 Montreuil-sous-Mali !
Muslim is beautiful
16 Mohamed-Ali Bouharb : « Mon but : être
© Lahcène Abib
un ambassadeur de l’institution militaire »
De Vous à Nous / Jeux
18 Tabous – Mots mêlés
FOCUS
Spécial Voyages
© Ingus
8 Vacances à tout prix
10 Les 1 001 richesses de Dubaï
Salamnews
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Journalistes : Hanan Ben Rhouma,
Nadia Hathroubi-Safsaf, Siham Bounaïm
Ont participé à ce numéro : Éric Geoffroy,
Chams en Nour. Photos de couverture :
Lahcène Abib, Radovan Kraker
Conception graphique et mise en pages :
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Directeur commercial : Mourad Latrech
Chef de projet : Sandrine Mayen
Imprimé en France
Tirage : 110 000 exemplaires
Éditeur : Salamnews est édité par Saphir Média,
SARL de presse au capital de 10 000 euros
N° ISSN : 1969-2838 – Dépôt légal : juin 2009.
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
HORIZONS
© D.R.
4
Éric Geoffroy, islamologue, notamment à l’université de Strasbourg, spécialiste
du soufisme ; vient de signer aux Éditions du Seuil : Le Soufisme, voie intérieure
de l’islam, et L’islam sera spirituel ou ne sera plus. www.eric-geoffroy.net
Spiritualité et mondialisation
O
« Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » (Coran, s. 2, v. 115) : tout ce qui se trouve
dans l’Univers est un signe divin, et fait sens. Le musulman ne saurait exclure de la Présence divine aucune religion,
aucune culture, aucun visage. C’est bien ce qu’ont vécu les premières générations de musulmans, ce qui explique
pourquoi, dans son élan fondateur, l’islam a opéré une véritable « mondialisation » humaniste, une première modernité
universelle, qui n’a rien à voir avec la « globalisation » actuelle, de type matérialiste.
De nos jours, l’absence de sens, le nihilisme atteignent l’Occident comme l’Orient, en manifestant des symptômes contradictoires mais solidaires. En Occident, ils ont produit de l’errance morale ; en Orient, le
complexe de l’humilié et la culture du ressentiment. Dans les deux cas, le ciel de la spiritualité a été refermé.
Mais l’instant même de la prise de conscience généralisée du nihilisme provoque le retour du balancier : la réémergence
de la spiritualité sous des formes renouvelées.
Dans ce contexte de désagrégation des repères, de la révolution informatique et de l’instantané médiatique, où « la seule vérité absolue est la totale “fluidité” et le changement continu » (Mohamed el-Tahir el-Mesawi), comment
maintenir un espace intérieur non altéré ? Il semble que seule la spiritualité puisse vivifier l’enseignement islamique, selon
lequel la sacralité réside non pas dans un temple, mais en l’homme.
Le cosmos lui-même n’a pas la capacité d’accueillir la Présence comme peut le faire l’homme : « Ni Ma terre ni Mon ciel ne
Me contiennent ; seul Me contient le cœur de Mon serviteur fidèle », dit un hadîth qudsî. Si les sociétés traditionnelles, qui fournissaient les repères socioreligieux, sont mortes ou en train de mourir, la spiritualité répond que l’homme peut trouver ici et
maintenant son axialité en lui-même.
Plus que jamais, avec la mondialisation, la Terre entière devient une « mosquée pure » – comme l’in-
diquait le Prophète – en dépit de sa pollution matérielle. Le processus d’individualisation du religieux va en ce sens :
dans le mouvement d’émancipation vis-à-vis des églises, et parfois même des lieux de culte, les repères seront intérieurs
ou ne seront pas.
Dans notre nouvel espace-temps caractérisé par l’immédiateté et la simultanéité,
Dieu n’a sans doute jamais été aussi immanent. Vivons-nous dans le « dernier tiers de la nuit », au cours duquel – selon
une parole du Prophète – Dieu descend jusqu’à ce bas monde ? La nuit symbolise bien sûr la durée de vie du cosmos et
de l’humanité. Pour Ibn ‘Arabî comme pour l’émir Abd el-Kader, Dieu serait plus proche de nous durant cette
période…
Oui, la mondialisation conduit à l’uniformisation des cultures pour mieux imposer sa vision
mercantile du monde ; oui, elle consacre la domination d’une aire culturelle sur les autres ; oui, elle produit le désenchantement et fait de l’homme un prédateur pour les autres règnes et pour lui-même. Mais ne peut-on y voir la trace, en
négatif, de la Sagesse ? Selon le cheikh Bentounès, « Dieu accomplit l’unité du monde à travers la société de consommation ».
La postmodernité cache peut-être le projet suivant : ce n’est qu’après avoir perdu toute illusion quant aux idéologies politiques, religieuses ou scientistes (le « mythe du progrès »), après avoir touché le fonds du manque de repères, de la confusion, que le Sens, quelque visage qu’on lui donne, émergera comme une évidence. ■
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
6
ACTU
w Pour plus d’actus, saphirnews.com,
le premier quotidien musulman d’actualité
FRANCE
Fatiha Benatsou, première femme
préfet issue de la diversité
NOMINATION. Mercredi 3 juin
a été nommée, en Conseil des
ministres, la première préfète « issue
de la diversité », pour le département du Val-d’Oise (95). L’heureuse élue est Fatiha Benatsou, 52
ans, actuellement chargée de mission pour l’insertion sociale et
professionnelle des jeunes. Diplômée d’un master en ingénierie des
affaires à l’École polytechnique
féminine, elle avait rejoint en 2005
le cabinet du ministre des Anciens
combattants comme conseillère
technique chargée de la mémoire.
Membre du Conseil économique
et social depuis 2004, elle est également l’auteure d’une biographie
familiale Le Rêve de Djamila (Éd.
Robert Laffont, 2009).
Fatiha Benatsou doit prendre ses
fonctions de préfète déléguée à
l’égalité des chances d’ici à quelques
semaines à l’occasion d’une cérémonie officielle. Sa mission sera
d’assister le préfet Paul-Henri Trolle
dans la coordination et la mise en
œuvre de la politique du gouvernement en matière de cohésion
sociale, d’égalité des chances et de
lutte contre les discriminations.
Ainsi aura-t-elle à participer, sur
le plan départemental, à la mise
en œuvre des actions visant à l’intégration des populations immigrées résidant en France. ■ H. T. N.
ONE-MAN-SHOW
Rires à profusion
au Comedy Club,
avec Vie de chien
d’Abdelkader Secteur,
qui nous vient tout droit
d’Algérie pour jouer
(en arabe) ses sketchs
hilarants. Il dénonce
les travers de la vie
quotidienne, tous les
samedis, à 21 h 45.
Les comédiens
du Jamel Comedy Club
se produisent en solo :
Wahid, les jeudis et
vendredis, à 21 h 45 ;
Dedo, les mercredis
et samedis, à 20 h ;
Yacine, les jeudis et
vendredis, à 20 h.
w Réservations :
0811 940 940
42, bd Bonne-Nouvelle
Paris 10e
www.lecomedyclub.com
COLLOQUE
EUROPE
Pour un Maghreb
des droits de l’homme
Colloque organisé
par l’Association des
travailleurs maghrébins
de France et la Ligue
des droits de l’homme,
à l’Assemblée nationale.
w 20 juin, de 10 h à 17 h
126, rue de l’Université
Paris 7e
[email protected]
06 33 43 64 93
Vague bleue au Parlement
européen
JOURNÉE-SOIRÉE
© Lahcène Abib
ÉLECTIONS. Abstention record
de 60 %, victoire des conservateurs
et percée des extrêmes : voilà ce qu’on
peut retenir des élections européennes,
qui se sont tenues du 4 au 7 juin dans
les 27 pays membres de l’Union européenne. La majorité présidentielle a
obtenu son meilleur score (28 %)
« depuis 1979 », date de la première
élection des députés européens au
suffrage universel direct, selon Xavier
Bertrand, secrétaire général de l’UMP.
Parmi les eurodéputés élus, Michel
Barnier, ministre de l’Agriculture, et
la garde des Sceaux Rachida Dati s’en
vont tout droit pour Bruxelles.
En France, les conséquences de la
crise et le vote sanction n’ont pas
eu l’effet escompté pour la gauche.
L’abstention mais surtout l’extrême
émiettement des oppositions ont
donc profité à la droite. Seule la
liste Europe Ecologie, emmenée par
Daniel Cohn-Bendit, s’en sort avec
les honneurs grâce aux 16,2 % de
voix récoltées sur l’ensemble de
AGENDA
l’Hexagone. Un « succès » qui tranche avec « l’échec » du MoDem
(8,5 %) de François Bayrou et des
résultats « médiocres » du Parti socialiste (16,8 %), selon Martine Aubry,
secrétaire générale du PS. Quant
au Front national, il n’a remporté
que 6,5 % des voix, ce qui lui fait
perdre quatre députés au Parlement.
Ce résultat contraste avec celui des
autres pays européens, où la percée
des extrémismes en Europe s’est fait
remarquer. ■ Hanan Ben Rhouma
Manifestation culturelle
sous l’égide de la
Grande Mosquée de
Lyon : projection du film
d’animation Muhammad,
le dernier Prophète,
pique-nique familial,
stands, spectacle,
conférences avec
Larbi Kechat,
Ghaleb Bencheikh,
Mohamed Mestiri et
Abd al-Haqq Guiderdoni,
soirée anasheed.
w 21 juin,
de 11 h à 22 h 30
Parc Antonin-Perrin
130, rue GuillaumeParadin, Lyon 8e
04 78 76 00 23
06 60 89 73 43
contact@mosquee-lyon.
org
www.soiree-anasheedlyon.com
INTERRELIGIEUX
Le pape
en Terre sainte
PROCHE-ORIENT. Du 8 au
15 mai, Benoît XVI a effectué
un pèlerinage en Terre sainte,
en suivant les principales étapes
qui ont ponctué la vie de Jésus
décrites dans les Évangiles. La
Jordanie, Israël et les Territoires
occupés palestiniens ont figuré
au programme de cette tournée.
Concernant le conflit israélopalestinien, le pape s’est déclaré
en faveur de la création de deux
États : « Le peuple palestinien a
le droit à une patrie souveraine et
indépendante, de vivre avec dignité et de se déplacer librement. »
Il a évoqué le mur de Séparation
comme étant « une de mes plus
tristes images au cours de ma
visite ». ■ H. T. N.
Construire
l’amitié
CULTURE ET FOI. Dernières
semaines d’inscription pour la
SERIC 2009, la Semaine de
rencontres islamo-chrétiennes,
qui se déroulera du 12 au 22
novembre. Que l’on soit chrétien ou musulman, il s’agit
d’initier et d’organiser une
action destinée à favoriser
l’échange culturel entre les deux
communautés de foi mais aussi
avec toutes les personnes intéressées par la construction d’un
monde de justice et de paix, dans
la compréhension mutuelle.
Les actions peuvent revêtir des
formes diverses : conférences,
ciné-débats, partage de repas,
animations sportives... Toutes
les idées sont bonnes à proposer.
En 2008, 67 villes ont participé,
dont 7 européennes (Espagne,
Finlande, Suède...), organisant
123 manifestations. ■ H. T. N.
GAIC (Groupe d’amitié islamo-chrétienne) :
01 43 35 41 16
www.semaineseric.eu
www.salamnews.fr
« Les États-Unis et le monde occidental doivent apprendre à mieux connaître l’islam ; d’ailleurs,
si l’on compte le nombre d’Américains musulmans, on voit que les États-Unis sont l’un des plus grands pays
musulmans de la planète. » (Barack Obama, 2 juin 2009)
7
INTERNATIONAL
Le message d’Obama au monde musulman
POLITIQUE. En prenant la parole au Caire le 4 juin,
Le 4 juin,
à l’université
du Caire,
Barack Obama
prononce
son discours
à l’adresse
du monde
musulman.
L
’administration du président George Bush, engluée dans une idéologie
guerrière, a perdu toute crédibilité aux yeux du monde musulman. À la suite au 11-Septembre
2001, elle a envahi l’Afghanistan. Puis elle a attaqué l’Irak sur
la base d’un mensonge légendaire sur les armes de destruction massive.
Alors que les GI’s affrontaient
la résistance irakienne et les talibans afghans, l’administration
Bush resserrait ses liens avec le
régime saoudien, l’un des plus
décriés du monde musulman.
Mais aussi elle menaçait la République islamique d’Iran en
soutien à Israël contre le projet
d’un État palestinien. L’Amérique de George W. Bush fut une
Amérique en guerre contre divers peuples musulmans.
En portant Barack Obama à
la tête de l’État, l’Amérique
a voulu changer. Le nouveau
président a charge d’arrêter
l’hémorragie d’une économie
blessée par les efforts de guerre,
il a aussi mission de restaurer
l’image d’une Amérique pacifiste, libératrice de l’Europe, garante des libertés individuelles.
Pour cette mission, M. Obama
doit réconcilier l’Amérique avec
le monde musulman. Sa stratégie tient en deux mots : séduire
et rassurer.
La séduction du monde musulman a commencé en février avec Hillary Clinton, la
secrétaire d’État. « L’Indonésie serait un bon partenaire des
États-Unis pour tisser des liens
avec le monde musulman »,
annonce-t-elle à Susilo Bambang Yudhoyono, le président
de l’Indonésie, premier pays
musulman avec 230 millions
de fidèles (90 % de la population). Au cours de sa tournée en
Asie, Mme Clinton prépare le
terrain. « Nous avons la responsabilité de communiquer et de travailler avec le monde musulman
en vue d’une évolution positive »,
déclare-t-elle.
© Chuck Kennedy / Maison Blanche
Barack Obama ne s’adressait pas
aux seuls Égyptiens, il parlait à l’ensemble
du monde musulman. Pour les observateurs
politiques à travers le monde, il s’agit d’un discours
majeur dont l’on attend les effets prochains.
En clair, le président américain a plaidé
la réconciliation et la paix. Les regards se portent
désormais sur le passage à l’acte.
Pour avoir vécu en Indonésie,
pour avoir travaillé avec les
Black Muslims à Chicago, pour
avoir une famille paternelle musulmane, Barack Hussein Obama est familier du fait musulman malgré sa foi chrétienne. Il
sait que le monde musulman est
multiple et hétérogène. Il a les
atouts pour réconcilier l’Amérique avec celui-ci.
En prenant la parole au Caire,
ce jeudi 4 juin 2009, M. Obama
commence ainsi par un as salam
alaykum de séduction. Quand il
aborde la question du foulard, il
la place sous le sceau de la liberté
religieuse. « Il est important que
les pays occidentaux évitent de gêner les citoyens musulmans [dans
la pratique de leur religion] »,
prévient-il, avant de préciser :
« Par exemple, en leur dictant
les vêtements qu’une femme doit
porter. » Une allusion à la loi de
2004 sur les signes religieux qui
interdit l’école publique française aux musulmanes portant
un hijab.
Le président américain est explicite : « L’Amérique n’est pas en
guerre contre l’islam. » Au mois
d’avril dernier, à Istanbul, lors
de sa première visite en pays
musulman, M. Obama avait
tenu les mêmes propos bien
accueillis dans le monde musulman. Un espoir de paix est
né, il reste à le concrétiser. Forcer Israël à négocier la création
d’un État palestinien serait un
geste concret de paix. Un geste
qui vaudra mieux que tous les
beaux discours. Barack Obama
en a-t-il les moyens ? ■
Amara Bamba
Deuil. Lundi 1er juin disparaissait mystérieusement des écrans radars un Airbus A330 de la compagnie Air France. Des débris d’appareil et les premiers corps ont été retrouvés cinq jours après à 360
km des côtes brésiliennes. Le bilan est lourd : 216 passagers et 12 membres d’équi-page se trouvaient
à bord du vol assurant la liaison entre Rio de Janeiro et Paris. Parmi les passagers se trouvaient 32
nationalités, dont 73 Français, 5 Libanais et 2 Marocains. Deux cérémonies se sont tenues mercredi
3 juin : l’une, musulmane, à la Grande Mosquée de Paris ; l’autre, œcuménique, en la cathédrale
Notre-Dame de Paris, présidée par Mgr André XXIII. ■
© Saphir Média
Hommages
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
8
FOCUS
spécial VOYAGES
© Ingus
Vacances
à tout prix
Les vacances d’été approchent à grand pas. Alors que les études
menées par les tour-opérateurs dressent un bilan plutôt rassurant
sur les départs en vacances des Français, la crise économique incite
les vacanciers à changer leurs habitudes et leurs lieux de voyage.
Gros plan sur les destinations les plus prisées.
f
LES CLASSIQUES
La France et le pourtour méditerranéen sont à l’honneur cet
été. Pour 2009, le sud de la France séduit
toujours autant, si ce n’est plus. En cette
période de récession économique, les campings et les villages de vacances, qui sont
montés en gamme, sont les grands bénéficiaires de ce phénomène. Les Français
délaissent l’avion et prennent la voiture pour
découvrir les beaux paysages de l’Hexagone
et ceux des pays européens limitrophes.
À l’image de la situation de l’an passé, le bassin méditerranéen enregistre les meilleurs
taux de réservations. Soleil, tarifs attractifs
et proximité, autant d’arguments qui expliquent l’attrait des vacanciers pour cette
destination.
L’Espagne et ses îles (Ibiza, les Baléares...)
décrochent la première place. Le pays étant
bien desservi en compagnies et doté de
nombreux aéroports, il est facile d’acheter
un billet sec et de s’y rendre par ses propres
moyens. À un degré moindre, l’Italie, ses îles
(Sardaigne, Sicile) et ses villes mythiques
empreintes d’Histoire (Rome, Florence,
Venise…) redeviennent des lieux prisés par
les familles.
Autre destination indémodable : l’Égypte.
Mélange d’Orient et d’Occident, de splendeur et de pauvreté, le pays des Pharaons
séduit toujours les voyageurs. Abordable
financièrement, l’Égypte continue d’enflammer l’imaginaire, comme en témoigne
Imane, 26 ans, enseignante, qui s’est rendue
au Caire et à Charm el-Cheikh. « Ayant fait
des études d’histoire, j’ai toujours rêvé de visiter
les pyramides. Même après les avoir vues plus
de mille fois en photos, les voir en vrai est
impressionnant », se souvient-elle. « J’ai aussi
beaucoup apprécié la population locale, qui est
éduquée, respectueuse et plus pratiquante que
les Maghrébins », fait-elle remarquer. Entre
visites des monuments historiques, découvertes de la vallée du Nil, plongées dans les
rivages de la mer Rouge et excursions dans
les splendeurs du désert, l’Égypte demeure
intemporelle.
f
LES INCONTOURNABLES
Les États-Unis demeurent une
destination phare pour les Français. La tendance ne fait que s’accentuer
depuis l’an dernier. Selon une récente étude
www.salamnews.fr
Go Voyages, le pays de l’oncle Sam
se classe à la troisième position des
destinations les plus réservées pour
le printemps (augmentation de
45 % du nombre de passagers).
Un engouement majoritairement
expliqué par la faiblesse du dollar
par rapport à l’euro. New York s’affiche désormais comme étant la
destination préférée des voyageurs.
Les prix des billets sont devenus
plus accessibles que par le passé, les
Français se ruent donc vers la
Grande Pomme, à l’instar d’Oumar,
26 ans, Sénégalais d’origine, qui s’y
est rendu à trois reprises. « Tout le
monde a déjà rêvé au moins une fois
d’aller aux States. Depuis que je suis
petit, les séries TV et les clips ont
contribué à alimenter mon admiration pour New York : ses grands buildings, sa Cinquième Avenue, la statue de la Liberté et le Ground Zero
[emplacement laissé béant par les
Twin Towers, ndlr]. Tout est impressionnant là-bas », nous confie-t-il.
Non loin du continent américain,
la République dominicaine tire
également son épingle du jeu. Idyllique et romantique, elle est l’île
tropicale la plus prisée, et le voyage
est à moindre coût (environ 600
euros). Un endroit paradisiaque,
qui ne manque pas de charmer les
touristes tels que Shéhérazade, 25
ans, animatrice dans un centre de
loisirs. Revenue il y a trois mois de
son séjour de deux semaines, elle
en garde des images plein la tête.
« C’était vraiment une destination
coup de cœur. Depuis que j’avais vu
des images de ses plages à la télé, il y
a une dizaine d’années, je souhaitais
m’y rendre. J’ai donc enfin réalisé
mon rêve. Je suis vraiment tombée
amoureuse de cette île. Les Dominicains sont chaleureux et généreux.
Quant aux plages et aux paysages,
ils sont magnifiques », se remémoret-elle.
f
plébiscitent de plus en plus les îles
et presqu’îles d’Asie. En tête du
classement se trouve la Thaïlande,
où se rend un grand nombre de
jeunes Français, entre amis ou en
couple. Baignades dans des lagons
transparents, shopping, coût de la
vie peu élevé et farniente sous le
soleil, telles sont les clés de la réussite du tourisme thaïlandais. Le
pays souffre, en revanche, d’une
réputation sulfureuse à cause de la
prostitution.
L’ASIE FEVER
En 2009, l’attrait pour
les destinations de longcourrier se renforce chez les Français musulmans. En quête d’exotisme et de dépaysement, ils
n’hésitent plus à traverser le Vieux
Continent pour aller à la découverte de l’Asie. Longtemps délaissé,
ce continent à dominance musulmane a le vent en poupe. Une tendance encouragée par les formules
de séjours tout inclus, de plus en
plus avantageuses, que proposent
les agences de voyages en ligne (il
faut tout même compter en
moyenne 1 000 euros).
Amateurs de paysages tropicaux,
de grandes étendues de sable blanc,
de plages bleu turquoise et de poissons multicolores, les vacanciers
La France, première destination
touristique du monde
Bénéficiant d’une géographie diversifiée − mers et océan, montagnes et
campagnes – et riche de hauts lieux chargés d’Histoire, la France demeure
la première destination mondiale. Elle occupe le 1er rang mondial en nombre
de touristes (80 millions, en 2008) et le 3e rang en recettes générées par le
tourisme (42,3 milliards de dollars, derrière les États-Unis et l’Espagne). Les
trois régions les plus touristiques sont l’Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte
d’Azur et la région Rhône-Alpes. Les cinq sites culturels les plus fréquentés
sont le musée du Louvre, la tour Eiffel, le centre Georges-Pompidou, le château
de Versailles et la Cité des sciences de la Villette. Les cinq sites non culturels les plus visités sont Disneyland Paris, le parc Astérix, le Futuroscope, le
Puy du fou et le parc zoologique du bois de Boulogne. Cependant, plus de la
moitié des Français (52 %) ne partira pas en vacances, essentiellement pour
des raisons financières. D’autres choisiront de partir, malgré la crise, mais
opteront pour des distances moins longues, un séjour plus court et réduiront
leurs dépenses en souvenirs et sorties.
© Fraser Cambridge
65 %
w C’est le pourcentage de Français qui déclarent que, malgré le contexte économique difficile
et la baisse du pouvoir d’achat, le voyage reste un moyen d’évasion indispensable. Si chacun
fait des économies, les vacances ne seront pas, cet été, les premières à être sacrifiées.
Mosquée à Kuala Lumpur,
capitale de la Malaisie.
C’est ainsi que l’on retrouve, dans
un registre similaire mais en version moins frivole, la Malaisie.
Une île de plus en plus prisée par
les musulmans, essentiellement
ceux qui sont pratiquants, qui
apprécient son côté islamique et
calme. « C’est la Thaïlande sans la
débauche. Il y a des mosquées partout, on peut manger halal, le tout
dans un cadre respectueux et magnifique. Je peux, de ce fait, pleinement
y pratiquer ma foi. C’est une destination idéale pour les voyages en
famille », affirme Nabil, 32 ans,
chef d’entreprise.
On ne saurait parler de l’Asie sans
évoquer l’engouement qui existe
pour l’empire du Soleil levant. La
Chine est un pays qui attire de plus
en plus de jeunes entrepreneurs
musulmans qui s’y rendent pour
faire des affaires. Si le tourisme
chinois est beaucoup porté par le
business, il n’en reste pas moins
que certains s’y rendent pour ses
sites touristiques et culturels grandioses telle la Grande Muraille. ■
Siham Bounaïm
9
MEMO
■ ÉCHANGE
DE MAISON
Échanger sa maison
contre celle
d’un autre vacancier :
très tendance,
ce procédé simple
et économique
permet de découvrir
de nouvelles régions
en France ou
de l’étranger.
De nombreux sites
proposent ce type
de services. Il suffit
de s’inscrire et de
choisir la maison ou
l’appartement de sa
prochaine destination.
Ce système repose
avant tout sur
la confiance et
l’échange culturel.
■ ÉCOTOURISME
Il s’agit de « voyager
responsable »
sur le plan
environnemental,
en visitant des milieux
naturels relativement
peu perturbés dans
le but d’apprécier
la Nature. L’idée
est d’encourager
les touristes
à la conservation
des sites naturels,
à la protection
de la biodiversité,
et de laisser le moins
d’impacts négatifs
après son séjour.
Le tourisme vert
s’appuie aussi sur
une participation
active des populations
locales.
■ TOURISME
ÉQUITABLE
Le tourisme équitable
et solidaire s’inscrit
dans une logique d’aide
au développement des
territoires d’accueil
et obéit à plusieurs
principes : activité
économique avec les
producteurs locaux les
plus défavorisés ; refus
du travail des enfants
; bénéfices tirés du
tourisme réinvestis
par les communautés
d’accueil dans leurs
projets agricoles, de
santé, de formation…
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
10
FOCUS
spécial VOYAGES
Les 1 001 richesses de Dubaï
LA VILLE-PAYS. « Époustouflant, fascinant, luxueux, futuriste »... Les adjectifs ne
manquent pas pour décrire Dubaï.
Capitale économique des Émirats arabes
unis (dont plus de 65 % de la population
n’est pas dubaïote), Dubaï est le plus connu
des sept émirats. Une renommée due à la
médiatisation de ses projets touristiques, à
l’image de l’hôtel Burj al-Arab, le plus
luxueux et le plus étoilé du monde, dont la
forme rappelle celle d’une voile de voilier,
d’une hauteur de 321 m.
La fréquentation touristique ne cesse d’y
augmenter et de nombreux projets de complexes hôteliers pharaoniques viennent
compléter ceux qui sont déjà en place. En
moins de dix ans, pas moins de 150 hôtels
ont été construits. Se plaçant résolument
sur le marché de la démesure, Dubaï a pour
but avoué de devenir la première destination mondiale du tourisme de luxe.
Lieu très tendance, Dubaï est reconnu notamment pour le shopping. Et les vacanciers européens viennent s’adonner à cœur joie dans ce
qu’on appelle le « paradis du shopping ». C’est
le cas de Kamélia, 26 ans, ingénieur projet,
venue essentiellement faire des emplettes et se
dorer au soleil dans un cadre luxueux, et surtout musulman. « À mes yeux, c’est surtout une
destination à faire entre filles. Je suis partie avec
ma mère, il y a moins de deux mois, et on a
vraiment apprécié. Nos journées étaient rythmées
par les souks, le matin ; la plage, l’après-midi ; et
© Steve Rosset
Lassés des voyages au Maghreb,
de nombreux Français de culture
musulmane se dirigent vers
Dubaï. Une destination très
en vogue, qui ne cesse
de fasciner par sa splendeur et
sa profusion de luxe à outrance.
le soir, les centres commerciaux. Ce sont des complexes géants, ouverts 24 heures sur 24, c’est vraiment démesuré. Il n’y a que des boutiques de luxe,
on se croirait à Paris. Cependant, si on évite les
grandes marques, alors la vie n’est pas chère du
tout », nous explique-t-elle.
Un paradis artificiel ?
Fonctionnant sur le principe du « client est
roi », rien n’est laissé au hasard et tout est
fait pour séduire les touristes. Terrains de
golf, croisières, centres de congrès, spas, restaurants ouverts nuit et jour, salles de gym
et plages exclusivement réservées aux femmes un jour par semaine, etc. Dès lors que
l’on a les moyens de payer, on peut tout
faire et tout trouver – même jouer dans les
casinos... interdits en islam.
Pour Mohamed, 26 ans, gestionnaire en
back-office dans une grande banque française, la donne est différente. C’est un habitué des lieux. Il y a deux semaines, il rentrait
de son quatrième voyage à Dubaï, où il était
parti rendre visite à sa sœur qui y est installée. Ce qu’il aime à Dubaï ? « C’est une destination pas trop chère, ensoleillée toute l’an-
née, idéale pour le musulman moderne. Il y a
des mosquées partout, même dans les centres
commerciaux, cela me permet de prier à
l’heure, tout en pouvant pleinement profiter
de mes vacances. Cela dit, c’est vrai qu’à part
la plage et les magasins il n’y a pas grand-chose
à faire. Ceux qui aiment la fête et les visites de
sites culturels seront déçus », prévient-il.
En effet, nombreux sont ceux qui reprochent
à Dubaï de manquer d’âme et d’Histoire, à
l’inverse de ses voisins, le Qatar ou Oman, où
l’on trouve un patrimoine historique plus
riche. Imane, 26 ans, enseignante, le déplore.
« Dubaï manque cruellement de paysages traditionnels ou authentiques, ce n’est pas comme
Paris. Le pays est très bling bling, on ne voit que
ça : l’argent, l’immobilier... Alors qu’à Doha, la
capitale du Qatar, ils font en sorte de préserver
l’identité culturelle de leur pays. Ils ont un musée ;
et misent sur le sport, avec les Masters féminins
de tennis, le grand prix de Formule 1... »
Dubaï, une destination qui fait rêver... mais
qui ne doit pas faire oublier la situation de ses
700 000 travailleurs immigrés, véritables
piliers de son ambition. ■
LAGORA INVEST
PREMIER PROMOTEUR
LAGORA INVEST
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Siham Bounaïm et H. T. N.
Le halal à l’honneur
COMMUNIQUÉ
Seul traiteur certifié
Les meilleures idées sont souvent les plus simples. Alors que
les consommateurs musulmans
étaient plutôt habitués aux fastfoods et au fameux « salade,
tomates, oignons », s’ouvrir aux
cuisines du monde, et en particulier à la cuisine française, s’est
avéré être le ticket gagnant.
Le restaurant, d’une capacité
d’accueil de 150 personnes sur
450 m², fait en effet salle comble
tous les week-ends. Au point
que l’Alambra fait figure
aujourd’hui de référence dans la
communauté musulmane.
Ce succès, l’Alambra le doit à
Si, il y a quelques années encore,
lors des réceptions et des mariages, on faisait plutôt appel aux
amies de la famille ou à des cuisinières bénévoles pour s’occuper du repas, les mœurs ont évolué. Un mariage ou une réception
se fait désormais avec traiteur. Il
n’en fallait pas plus à l’Alambra
pour proposer son propre service traiteur.
Ce service a été pensé dans le
même esprit que le restaurant :
une certification halal, assurée
par l’organisme de certification
AVS, et une carte originale composée de différentes spécialités,
du classique tajine au filet
Alambra
93, avenue Paul-Vaillant-Couturier
93240 Stains – 01 48 22 57 10
www.alambra.fr
Service traiteur halal, certifié AVS
© D.R.
Un concept simple,
mais novateur
mignon en passant par la souris
d’agneau. Comme le restaurant
qui offre la possibilité de privatiser tout ou partie des salles,
Alambra traiteur s’adresse tant
aux particuliers lors d’événements familiaux (naissance,
repas de famille, mariage, etc.)
qu’aux professionnels (buffets
dînatoires, séminaires, conférences, soirées thématiques, etc.)
et aux institutions. L’ONG
internationale Muslimhands, le
collège-lycée La Réussite et le
syndicat des patrons musulmans
figurent d’ailleurs parmi ses
clients.
Grâce à un service commercial
efficace et disponible, et à une
logistique bien rodée, l’Alambra
traiteur couvre toute l’Île-deFrance et prend en charge des
réceptions allant jusqu’à mille
couverts. Les entreprises ne sont
pas oubliées puisque l’Alambra
traiteur va très prochainement
proposer des coffrets repas en
livraison. Il suffira de commander par téléphone ou via le site
Internet dédié :
www.alambra-traiteur.fr
© D.R.
une idée simple, mais novatrice :
permettre aux musulmans de
goûter à toutes sortes de cuisine.
Mexique, Algérie, Italie, France,
Inde, la carte sans cesse renouvelée offre aux musulmans l’occasion de découvrir des plats qui
leur étaient jusque-là interdits,
faute d’être halal. Cultiver l’originalité et l’innovation, voilà la
clé du succès de l’Alambra. Le
concept fonctionne si bien que,
après le restaurant, les musulmans peuvent désormais s’offrir
les services d’un traiteur : Alambra traiteur.
© D.R.
Q
uand, en 2006, le restaurant ouvre ses portes, personne ne pouvait préjuger de sa réussite. Et
pour cause. Situé en Seine-SaintDenis, l’Alambra s’installait dans
les locaux d’un restaurant
savoyard contraint de fermer
faute de couverts suffisants. Le
défi était alors double : géographique et culturel. Il fallait
convaincre une nouvelle clientèle non seulement de venir jusque dans le 93, mais encore de
manger autre chose que le traditionnel kebab.
© D.R.
On y vient de toute la région parisienne pour y manger une raclette
savoyarde, une flamenkuch ou encore un carpaccio de bœuf.
L’Alambra, qui connaît depuis trois ans un succès qui ne se dément pas,
propose désormais un service traiteur. Focus sur une stratégie gagnante.
© D.R.
au restaurant l’Alambra
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
Une ville, une
12 mosquée
Spécial
Montreuil
Reportage de Nadia Hathroubi-Safsaf – Photos de Lahcène Abib
La difficile édification
de la Grande Mosquée
La communauté musulmane montreuilloise, lassée de prier dans des caves
ou des foyers inadaptés, tente de se doter depuis plusieurs années
d’une Grande Mosquée. Pour réunir toutes les chances d’y parvenir,
cinq associations se sont regroupées en 2004
en Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil.
Leurs efforts sont enfin en passe d’être récompensés.
V
Voilà plus de deux ans que la première
pierre de la future Grande Mosquée de
Montreuil (Seine-Saint-Denis) a été posée.
Pourtant, au 215, rue de Rosny, aucune
trace de travaux. Le terrain semble être
laissé à l’abandon. Un sujet de désolation
pour l’imam Ahamadou Nimaga, également
président de la Fédération cultuelle des
associations musulmanes de Montreuil
(FCAMM), qui avoue, de lui-même, avoir
été « tenté de baisser les bras à de nombreuses reprises ». Car la construction de la
Grande Mosquée de Montreuil n’en finit
pas de connaître de multiples rebondissements.
Le dernier en date ? La décision du Mouvement national républicain (MNR) de se
pourvoir en cassation devant le Conseil
d’État en septembre dernier. Le parti
d’extrême droite n’accepte pas, en effet, la
décision de la cour d’appel de Versailles
(Yvelines), qui a invalidé, le 6 août 2008,
le recours en annulation pour bail
illégal, déposé par l’élue MNR, Patricia
Vayssière.
L’ancienne conseillère municipale MNR
contestait la légalité du bail emphytéotique*
(de 99 ans, ndlr) consenti à la FCAMM
pour l’édification d’une mosquée. Plus que
la durée du bail, c’est le montant du loyer
(un euro symbolique par an) qui avait
REPÈRES
2004 : naissance de la FCAMM.
2005 : concours d’architectes.
Mai 2006 : désignation du lauréat.
Décembre 2006 : obtention du permis
de construire.
30 décembre 2006 : pose de la
première pierre.
Superficie totale du terrain : 2 150 m2,
mosquée sur deux niveaux ;
Capacité d’accueil : 800 fidèles.
Coût du projet : 2 350 319 € TTC ;
400 000 € récoltés (avril 2009).
Durée prévisionnelle des travaux :
10 mois.
www.salamnews.fr
20 000
w 20 000 musulmans résident à Montreuil, selon la Fédération cultuelle
des associations musulmanes de Montreuil. La ville compte 110 000 habitants.
Mohamed Abdoulbaki : « 800 000 € seraient nécessaires
pour démarrer les travaux de la Grande Mosquée. »
soulevé l’indignation de l’édile,
qui dénonçait une forme de
financement indirect et une
atteinte au principe de neutralité
de l’État, inscrit dans la loi de
1905.
Des arguments rejetés par la cour
d’appel qui a estimé que « le
principe constitutionnel de laïcité,
qui implique la neutralité de l’État
et des collectivités territoriales de
la République et le traitement égal
des différents cultes, n’interdit pas,
par lui-même, l’octroi, dans l’intérêt général et dans les conditions
définies par la loi, de certaines aides
à des activités ou à des équipements
dépendant des cultes ».
« Un lieu de prière
digne »
Une issue heureuse qu’attendaient avec impatience les
musulmans de Montreuil :
« Nous n’étions pas certains de
remporter ce bras de fer », explique Ahamadou Nimaga. « Nous
avions déjà perdu et vu notre projet annulé, le 12 juin 2007, par
le tribunal administratif de CergyPontoise au motif de la loi sur la
séparation de l’Église et de l’État.
Du coup, nous avons été obligés
d’arrêter les travaux, alors même
que nous venions de poser la première pierre », se désole-t-il.
« Pourtant, la première délibération
en conseil municipal avait été votée
le 25 septembre 2003 à l’unanimité,
moins la représentante du MNR »,
rappelle Mohamed Abdoulbaki,
vice-président de la FCAMM.
« Bizarrement, le même jour, un
bail similaire pour la construction
d’une synagogue avait été approuvé,
et il n’a jamais été contesté par le
MNR », fait-il observer. « À chaque fois, seuls les lieux de culte
musulman sont visés par ces attaques, ces tentatives de déstabilisation. Pourtant, d’autres associations
cultuelles d’autres confessions bénéficient de baux emphytéotiques sans
déclencher de polémique. On veut
nous cantonner dans les caves »,
s’indigne-t-il.
Autre difficulté : la collecte.
Lancée par la FCAMM, elle a
permis de ne récolter que
400 000 € à ce jour.
« Il en faudrait au moins le double pour démarrer les travaux. On
est encore trop loin des 2,350
millions d’euros nécessaires au
projet ! », explique Mohamed
Abdoulbaki. Le vice-président
espère, malgré tout, voir le chantier démarrer dans les semaines
à venir. « Une Grande Mosquée
doit impérativement voir le jour !
Les salles de prière débordent.
Nous avons, nous aussi, l’envie de
prier dans des lieux dignes. Il faut
sortir de l’islam des caves », s’impatiente-t-il.
La nouvelle sénatrice-maire
Verte de Montreuil, Dominique
Voynet, a décidé d’accompagner
le mieux possible ce projet,
qu’elle juge cependant pharaonique : « Je constate que les associations ont beaucoup de mal à
collecter l’argent », a-t-elle déclaré
au journal Le Parisien en janvier
2009.
Une sortie dans la presse qui
étonne quelque peu Mohamed
Abdoulbaki, qui avoue attendre
de rencontrer l’élue : « Nous
avons mis du temps à nouer des
rapports avec l’ancien maire qui
n’avait pas forcément les bons
interlocuteurs, on espère que ce
ne sera pas le cas avec elle. » ■
* Bail de très longue durée en échange d’un
loyer modique et de la mise en valeur du
bien.
FCAMM
1-2, square Jean-Zay
93100 Montreuil
01 48 70 86 71
06 25 19 77 14
13
Portrait
Un imam tourné
vers la jeunesse
« Je suis le plus ancien prêcheur de
Montreuil », s’enorgueillit Ahamadou Nimaga, 61 ans, aujourd’hui
retraité. Depuis vingt-huit ans, cet
imam tente de délivrer la bonne
parole. Son cheval de bataille :
prévenir la délinquance. « J’aime
le contact des gens, j’aime partager avec les jeunes mon savoir, les
guider dans leur recherche spirituelle », explique ce père de dix
enfants, qui avoue être fier de
leur réussite.
J’aime
me rendre utile »
Arrivé du Mali en 1961, après des
études de théologie, il poursuit sa
formation à l’université de ParisVIII. Il est parallèlement peintre
en bâtiment : « Il fallait bien nourrir la famille », explique-t-il avec
un grand sourire. Infatigable,
Ahamadou Nimaga multiplie les
casquettes : président de la Fédération cultuelle des associations
musulmanes de Montreuil ; membre du CRCM, chargé de mission
auprès du président du CRCM de
la Région Paris-Centre.
PAROLE À
Mohammed
Diarra
57 ans, agent
d’entretien
« Je suis musulman, c’est donc
un devoir pour moi de venir prier
tous les vendredis. Pour tout vous
dire, je viens tous les jours sans
me poser de questions, c’est le
contraire qui serait inimaginable.
J’aime me retrouver
dans ma communauté. »
Cheickne Traoré
60 ans, conducteur
« Je suis retraité, je
peux donc venir prier
tous les jours et à toutes les
prières. Ce que j’aime ici, c’est
le mélange des nationalités :
Maliens, Sénégalais,
Mauritaniens… Mais, avant tout,
nous sommes tous des frères
musulmans. On partage souvent
des repas ensemble. »
Ibrahim
Soukouna
28 ans, étudiant
« J’habite plus loin,
à Noisy-le-Grand, mais je viens
chaque vendredi prier ici et visiter
en même temps ma famille.
J’accomplis ainsi deux devoirs
chers à notre Prophète − paix sur
lui. C’est un moment important
pour moi. J’aime le mélange
des communautés aussi. »
Ibrahima Niakaté
18 ans, sans emploi
« Je viens d’abord
pour accomplir un
des piliers de notre religion.
C’est aussi l’occasion de
retrouver des amis, de discuter
avec les anciens, d’apprendre
de nouvelles choses. Puis mon
père m’a toujours dit que c’est
recommandé de prier en groupe. »
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
21e arrondissement
de Paris
Mutations. « 21e arrondissement
de Paris », c’est ainsi que le chanteur
Alain Chamfort définit sa ville d’adoption. Montreuil, en effet, est située dans
la banlieue est de la capitale, au sud du
département de la Seine-Saint-Denis,
à la limite des départements de Paris
et du Val-de-Marne. Desservie par
plusieurs lignes de métro, la ville attire
les jeunes couples « bobo », chassés par
les loyers exorbitants de la capitale. Ces
artistes, intellectuels et jeunes cadres
bouleversent le visage de la commune
ouvrière, communiste pendant quarante
ans, et qui a viré « écolo » aux municipales de 2008.
En vingt ans, Montreuil a perdu un
tiers de ses ouvriers et, dans le même
temps, le nombre de contribuables
soumis à l’impôt de solidarité sur la
fortune (ISF) a augmenté de près de
60 %. Sur les anciennes friches industrielles, les sociétés se multiplient : Air
France, BNP Paribas, Nouvelles Frontières... ■ N. H.-S.
Spécial
MONTREUIL
Montreuil-sous-Mali !
Sur la présence des Maliens
à Montreuil, les avis divergent :
ils seraient 2 000 selon l’INSEE ;
6 000, selon la ville ; et 10 000
selon Niakaté, président de
l’Association des Maliens de
Montreuil.
Immigration. Montreuil, la « deuxième
Bamako » ? « Non ! », s’insurge Jean-Pierre Brard
(apparenté PCF), qui connaît bien la question pour
avoir été le maire de la ville pendant 24 ans et
surtout le principal artisan du rapprochement entre
les deux pays. « Montreuil n’est pas la deuxième ville
malienne après la capitale du Mali, c’est un vieux
fantasme. En revanche, je pense qu’elle est la première
de France, peut-être même avant Paris ! Nous avons
toujours eu une tradition d’accueil de cette communauté. », renchérit-il.
Ce n’est donc pas un hasard si, cette année, la ville
fête ses 24 ans de jumelage avec le cercle (équivalent de notre département) de Yélimané, cette
partie de l’ouest du Mali, dans la région de Kayes,
d’où est originaire la majorité des Maliens montreuillois. La plupart de ceux qui sont arrivés dans
1re édition
de la Fête des foyers,
à Montreuil, en mai 2008.
les années 1960 sont de l’ethnie soninké. Grâce
au jumelage avec Yélimané 5 micro-barrages ont
été construits et 14 puits ont été creusés ou réhabilités, ce qui a relancé l’activité agricole.
Dans un des foyers de travailleurs de la ville, les
Maliens de Montreuil le savent bien, ils trouveront
toujours une oreille attentive et le réconfort d’être
ensemble. Le plus connu est le foyer Bara. C’est
là un véritable village malien reconstitué, avec ses
vendeurs en tout genre qui s’affairent dans la cour.
Cette ancienne usine de pianos, reconvertie en
foyer en 1968, était prévue à l’origine pour 400
résidents, elle en accueille aujourd’hui le double.
Même situation au foyer Branly, où, malgré la
suroccupation, « tout se passe bien », affirme le
doyen Souleyman Diarra. Sur les neuf foyers de
la ville, sept sont « maliens ». ■ N. H.-S.
© D.R.
Une ville, une
14 mosquée
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
16
Muslim is beautiful
Mohamed-Ali
Bouharb
L’aumônerie du culte musulman à la gendarmerie nationale a désormais
un visage : celui de Mohamed-Ali Bouharb, 32 ans. C’est dans son bureau,
au fort de Charenton, à Maisons-Alfort (94), que l’aumônier nous reçoit
pour expliquer son parcours, son engagement et ses projets.
Comment êtes-vous arrivé à devenir
aumônier pour la gendarmerie ?
Mohamed-Ali Bouharb : J’étais loin
d’imaginer, il y a un an et demi, que je
serai officier de l’État français, dans une
telle position historique. Je préparais
mes concours d’inspecteur des douanes, des impôts et du Trésor public, que
je préparais activement jusqu’au jour où
j’ai rencontré mon chef actuel, Abdelkader Arbi, en 2007. Je le connaissais
déjà, mais on s’était perdu de vue. Il
m’a annoncé avoir été nommé au poste
d’aumônier général de l’armée française un an plus tôt. On s’est échangé
nos numéros. Alors que j’étais en pleine
révision, il me rappelle fin 2007 pour
me présenter le métier d’aumônier,
dont je ne connaissais rien. Il avait
besoin d’un adjoint. C’est là qu’il m’a
proposé le poste. J’ai réfléchi pendant
un mois avant de rendre ma décision
que je ne regrette pas.
Pour parfaire votre formation,
vous avez intégré l’Institut
catholique de Paris (ICP).
Quel regard portez-vous ?
M.-A. B. : Avant mon intégration, j’ai
d’abord eu quelques frustrations. Tous,
rabbins, prêtres et pasteurs, peuvent aller
à l’université, à côté de leur formation
théologique, pour un master ou un doctorat, alors que ce n’est pas le cas pour
les cadres cultuels musulmans. S’ils se
déclarent comme tels au moment de
leur inscription, ils ne sont pas acceptés.
L’université de la Sorbonne et Paris-VIII
m’ont refusé sous couvert de défense de
la laïcité. La volonté politique de l’État
s’est trouvée mise à mal, puisqu’il n’arrivait pas à nous trouver de partenaire
public. Mais il n’a pas lâché prise et s’est
© Lahcène Abib
« Mon but : être un ambassadeur
de l’institution militaire »
tourné vers le privé. La seule université
capable de nous délivrer une formation
de qualité a été l’ICP. J’en garde un très
bon souvenir, puisque j’en suis ressorti
major de la promotion.
Comment avez-vous été accueilli
à votre arrivée au poste ?
M.-A. B. : Vraiment très bien. J’ai eu
beaucoup de messages de soutien de la
part de tous les militaires musulmans,
qui m’ont inondé de mails, de lettres,
de coups de téléphone, de visites. Mais
les messages de félicitations venant de
gendarmes non musulmans et du commandement m’ont particulièrement
touché. Je pense que la gendarmerie
est une véritable institution qui prône
l’éclectisme, le courage et l’engagement,
un terme qui correspond parfaitement
à la structure de l’esprit du croyant : engagé envers Dieu et envers l’autre.
BIO EXPRESS
Né en 1977 à Dreux (Eure-et-Loir) − ancien bastion du
Front national −, Mohamed-Ali Bouharb grandit avec ses
parents, partis de Tunisie dans les années 1970. Vivant
« dans l’abnégation » et « la peur des skinheads », il obtient son baccalauréat à 17 ans. Poussé par son père,
technicien, il part étudier les sciences de l’ingénieur à la
faculté de Rouen. Mais son goût pour la réflexion et les
lettres le rattrape au point de tout abandonner, deux ans
plus tard, pour des études de sociologie.
Dans le même temps, il se découvre un goût pour le religieux, grâce à des rencontres d’Algériens qui ont fui la
période noire du terrorisme dans les années 1990. En
parallèle de sa vie universitaire, il suit alors plusieurs
formations théologiques, dont celles du CERSI et de
l’IESH. Après l’obtention de sa licence de sociologie, il
se réoriente vers les sciences du langage, qui lui permettent, aujourd’hui, de manier rhétorique et éloquence, et de communiquer plus justement sur l’islam. Son
dernier diplôme en date : le DU Interculturalité, laïcité
et religions, en 2008, à l’Institut catholique de Paris.
Marié et père de deux enfants, le capitaine MohamedAli Bouharb est, depuis mars 2008, le premier aumônier de la gendarmerie nationale, sous tutelle du ministère de la Défense, qui l’a nommé.
www.salamnews.fr
« Travailler pour l’État français n’entre pas en contradiction avec l’islam.
La question sur notre loyauté ne se pose pas. »
Quelles sont vos tâches au quotidien ?
M.-A. B. : J’apporte aux militaires qui viennent me
voir un soutien spirituel et religieux. Ils viennent
me voir pour toutes sortes de raisons, d’ordre familial par exemple : relations conflictuelles avec des
parents ; éloignement physique avec la famille apportant un déséquilibre affectif ; conflits au travail
qui sont d’ordre religieux ou non. Une personne
m’a demandé si elle pouvait porter le hijab pendant le service. Je lui ai répondu négativement, car
le service public stipule qu’elle ne peut avoir un
signe d’appartenance religieuse. Certes, je porte un
képi avec le croissant islamique, mais ma fonction
est purement religieuse.
Occupez-vous la fonction d’imam en parallèle
de l’aumônerie ?
M.-A. B. : Sémantiquement, un imam est une
personne qui est devant pour guider la prière. Me
concernant, je suis aumônier du culte musulman
par statut tout comme mes homologues catholiques, protestants et israélites. Par analogie, je suis
imam, car les autres aumôniers ont une fonction
de prêtre, de pasteur ou de rabbin ; à partir du
moment où je suis amené à guider la prière, je
suis imam, comme n’importe qui peut l’être, car
il n’a pas de statut juridique défini.
Y aurait-il une question liée à l’islam qui est
un sujet de débats au sein de la gendarmerie ?
M.-A. B. : Il n’y a rien, c’est tout le paradoxe. Au
sein des cursus de formation, il existe des modules de formation dans lesquels sont intégrés des
cours sur la diversité religieuse, sur le respect des
libertés publiques. La situation était ici tout à fait
banalisée, car les musulmans sont présents depuis
longtemps. On les recrute non pas en fonction
de leur religion mais de leurs compétences. C’est
plutôt à l’extérieur que l’on perçoit ma nomination comme un exploit… Les militaires ne m’ont
pas attendu pour faire leurs preuves.
Trouvez-vous que les choses ont changé depuis
votre arrivée ?
M.-A. B. : Absolument. Cette nouvelle a renforcé
l’image de la gendarmerie. C’est un exercice périlleux, car la question de l’islam est minée. Elle
est généralement perçue sous un angle sécuritaire,
puisqu’on l’envisage seulement comme une capacité à nuire la sécurité publique. Ma nomination
prouve le contraire et participe à un mouvement
de société qui va vers une meilleure compréhension de la religion musulmane.
Quels sont vos projets en préparation dans
votre service ?
M.-A. B. : J’organise des repas de rupture du jeûne
pour le Ramadan, l’iftar, avec le commandement.
J’inviterai donc l’état-major avec des colonels, des
commandants et les militaires, musulmans ou pas,
le but étant de montrer que l’islam est une religion
de partage. En même temps, on se sert de ce moment comme vertu pédagogique pour expliquer
pourquoi nous nous privons du matin au soir car,
même si la culture du respect de l’autre est là, beaucoup ne savent rien de l’islam, surtout en cette période où l’image des médias envers les musulmans
est négative. Mon travail est de la déconstruire.
Vous projetez d’organiser le pèlerinage, le hajj,
pour bientôt ?
M.-A. B. : C’est le projet le plus important. Il est
prévu pour 2011, voire 2010. On essayera d’affréter deux avions de 220 places chacun. Actuellement, les militaires partent avec des agences de
voyages civils, dont beaucoup sont défaillantes. Je
souhaite qu’ils et leurs familles puissent bénéficier
du soutien de l’aumônerie et donc du ministère
pour que le protocole soit pensé en amont. Je
rappelle que l’État ne peut financer, au nom de
la laïcité, le hajj ; de toute façon, religieusement
parlant, c’est au pèlerin de payer le voyage. Nous
partons bientôt repérer les infrastructures qui
offriraient la possibilité, tout au long de l’année,
aux militaires et à leurs proches d’effectuer le petit
pèlerinage, la ‘umra. L’état-major des armées a été
particulièrement favorable à cette idée.
Un jour, ce sera à vous de choisir
des aumôniers locaux pour la gendarmerie…
M.-A. B. : Exactement, mais pour l’instant ce
n’est pas d’actualité car c’est tout nouveau. Mais
j’espère que les effectifs augmenteront bientôt.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
M.-A. B. : Mon message est celui de ma religion,
celui de concourir à une vie commune de paix
et d’engagement pour la justice. Pour cela, nous
devons en apprendre davantage sur notre religion
et je suis convaincu que c’est par la laïcité, telle
qu’elle existe en France, que va émerger un islam
qui soit à la hauteur de sa grandeur perdue. Les
musulmans de France doivent se débarrasser de
ce syndrome dichotomique qui relève des cultures maghrébine et subsaharienne et qui sont loin
des principes lumineux de l’islam. Ils doivent
aussi se définir comme des citoyens à part entière.
Une fois ce syndrome résolu, nous serons de vrais
moteurs pour la société. La France est une chance
pour les musulmans mais nous sommes aussi une
chance pour elle. ■
Propos recueillis par Hanan Ben Rhouma
17
Abcédaire
Eengagement
comme
Posture qui lie l’homme
à Dieu, à soi, à autrui
et donc à la société dans
laquelle on vit. Je pense
que l’engagement permet
de donner le meilleur sens
à son existence.
M
Musulmans
LAïCs
comme
Le pléonasme le plus
aberrant de l’Histoire
française sur la
couverture de l’islam.
Si on n’est pas forcément
musulman lorsqu’on est
laïc, on est forcément
laïc lorsqu’on est
musulman, puisque
« aux musulmans, leur
religion ; aux autres,
la leur » (Coran, s. 109).
Les musulmans doivent
cesser d’utiliser cette
expression, c’est une
nouvelle stratégie de
distraction émotionnelle
qui les égare dans leur
engagement envers la
nation française.
syndrome
Sdichotomique
comme
État d’esprit de
l’existence qui empêche
de pouvoir prendre
une décision assumée,
à partir de l’antagonisme
de deux univers
de référence et de
l’impossibilité à dépasser
cet antagonisme. Je cite
ici les antagonismes
entre l’appartenance
à la foi et l’engagement
citoyen envers un État,
une institution.
R
comme
république
Dispositif
institutionnel qui permet
de se rendre utile pour
les citoyens. L’islam est
intrinsèquement une
mission de service public,
car les musulmans
se doivent d’être
au service des autres.
SALAMNEWS N° 8 / JUIN 2009
18
DE VOUS À NOUS
Par Chams en Nour, psychanalyste
Tabous…
Vous traversez un moment difficile ? Vos réactions et celles
des autres vous surprennent ? Vous avez l’impression d’être dans une
impasse ? Quelle décision prendre ?…
À partir du bel islam et d’une lecture appliquée du Coran, des
solutions peuvent toujours être trouvées. Posez vos questions à :
[email protected]
« JE SUIS CONSCIENTE que ce que j’ai à dire est
délicat, c’est un tabou, mais il me semble urgent d’en parler
enfin. J’ai 29 ans. Célibataire, je travaille et je suis la risée de
ma famille, car je ne correspond pas au modèle habituel de la
femme au foyer qui s’occupe de ses enfants. Dans mon enfance,
mon frère aîné a abusé de moi et m’a menacée de ne le dire à
personne sous peine de violentes représailles. J’étouffe dans ce
carcan familial, d’autant plus que je suis la seule à avoir un bon
salaire ; et sans scrupules toute la famille compte sur moi. Qu’en
pensez-vous ? » Wahiba
Chams en Nour. Au moins vous êtes courageuse et digne,
et, disons, sans rancune apparente. Mais si vous payez parce que
vous vous sentez coupable de ce qui vous est arrivé, vous avez
tort. Votre frère n’a pas su garder sa place et a abusé de vous, c’est
le seul responsable. Il a contribué à vous gâcher la vie, ce n’est
pas rien. Si vous étiez logique avec vous-même, vous laisseriez ce
frère prendre le relais financier. Vous ne devez rien à personne.
La culpabilité est le pire des poisons. Selon Abd ar-Rahmân asSulamî, qui le tient d’Abu Bakr al-Razi : « Le commencement du
mal réside dans l’idée qui traverse l’esprit (al khatra), si celui qui s’y
expose ne parvient pas à lui opposer la répugnance et la lutte, elle
devient de l’opposition et de la résistance… » ■
JEUX
« À 35 ANS, APRÈS HUIT ANS DE MARIAGE et la
naissance de nos deux enfants, ma femme Rahma vient de
m’annoncer qu’elle voulait divorcer. Je suis effondré. Elle me reproche
de me plaire au chômage et de compter sur elle pour faire vivre la
famille, mais est-ce de ma faute ? Je cherche un nouvel emploi depuis
des mois et je n’arrive pas à trouver. Elle ne me fait plus confiance, je
me sens humilié, je ne sais pas quoi faire pour obtenir une seconde
chance. » Riad
Chams en Nour. Pourquoi avez-vous l’air surpris ? N’en avez-
vous pas discuté avec elle de nombreuses fois auparavant ? La question du chômage est-elle la vraie raison de son envie de s’éloigner de
vous ? Quelle est votre part de responsabilité dans sa décision ? À
ce stade, il est urgent de comprendre ce qui a pu dissoudre ainsi la
solidarité qui aurait dû vous lier pour passer ces moments difficiles.
Êtes-vous un homme de dialogue ? Avez-vous essayé de comprendre
ce qui la pousse à vouloir vous quitter et renoncer ainsi à votre rôle
de père à plein temps ? Son sentiment d’insécurité lui a fait perdre
confiance en vous, parce que des mots, des confidences, des partages… ont manqué entre vous. Ce verset du Coran (s. 18, v. 104)
peut peut-être vous éclairer : « Vous ferai-Je connaître ceux dont l’effort
se perd dans la vie de ce monde alors qu’ils pensent avoir bien agi ? »
Avant de lui faire un procès, faites-le d’abord à vous-même. ■
Par Huê Trinh Nguyên
Mots cachés
Mots mêlés
w Retrouvez les capitales de chaque pays, puis découvrez
w Retrouvez les mots-clés liés au thème du voyage. Dans la grille, ils
se lisent horizontalement, verticalement ou en diagonale. Les lettres
restantes forment le mot mystère.
S
B
A
T
E
A
U
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S
P
G
U
I
D
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I
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N
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I
V
A
O
I
V
Mot mystère
Quand on part en vacances,
on souhaite qu’il soit au rendez-vous :
_ _ _ _ _ _
Mots-clés
le mot mystère.
1. Indonésie. – 2. Arménie. – 3. Arabie Saoudite.
4. Azerbaïdjan. – 5. Syrie. – 6. Turquie.
7. Pakistan. – 8. Tchad. – 9. Mali.
AVION
BAGAGES
2
BATEAU
CAMPING
4
5
DOUANE
ESCALE
GPS
GUIDE
HOTEL
VACCIN
VISA
MOUTON
NOEL
8
6
1
3
7
9
Mot mystère
Cette ville est sainte
pour les trois religions monothéistes.
Mot mystère : soleil. – Mots cachés : 1. Jakarta. – 2. Erevan. – 3. Riyad – 4. Bakou. – 5. Damas. – 6. Ankara. – 7. Islamabad. – 8. Ndjamena. – 9. Bamako. – Mot mystère : Jérusalem.
SOLUTIONS
www.salamnews.fr
Loisirs
Quand les musulmans
rient d’eux-mêmes
© D.R.
HUMOUR. La comédie islamique a le vent
en poupe. À l’heure où les musulmans font
l’objet de méfiance et d’incompréhension,
faire table rase des clichés à travers l’humour
et l’autodérision est tendance.
T
rois jeunes Français paumés dans leur religion se
cherchent. En quête de
savoir sur l’islam, ils se retrouvent
au Maroc pour suivre des cours
de « remise à niveau » et ainsi
devenir de « bons musulmans ».
Manque de pot, un prétendu
enseignant en sciences religieuses – un escroc local à la barbe
et au chapelet ostentatoires – se
présente à eux pour leur donner
des leçons… Welkoum à l’Islam
School ! Mais, au fait, qui a bien
pu dire que les musulmans ne
savaient pas rire ?
Après le succès engendré par la
sitcom canadienne La Petite Mosquée dans la prairie, voici que la
série À part ça tout va bien débarque sur nos écrans… d’ordinateur. La saison 1, intitulée « Islam
School Welkoum », fera son entrée
sur Saphirnews.com.
Abattre les clichés
par le rire
Lancé en octobre dernier et porté
par l’association Filmoude Afriqua (consacrée à la réalisation de
films sur les rapports Nord-Sud),
À part ça tout va bien a été créé
par le réalisateur Zangro. « Notre collectif traite de la francité, ce
que c’est que d’être Français, ce qui
nous divise et nous rassemble. On
s’est rendu compte que l’islam est au
centre de toutes les crispations au
sein de notre société. Cette question
s’inscrit dans la thématique de la
diversité et du vivre-ensemble. On
a donc décidé de mettre les pieds
dans le plat », explique-t-il.
Les quelques courts-métrages visibles sur le site apartcatoutvabien.
com connaissent déjà un réel succès sur la Toile. Pour preuve, près
de 2,5 millions de visites ont été
enregistrés toutes vidéos confondues, dont plus de 1 million pour
l’épisode « Les nettoyeurs ».
Cette fois, le changement de décor pour la saison 1 est probant.
Le tournage des épisodes inédits
s’est déroulé au Maroc, à Marrakech, afin de coller au plus près à
l’histoire.
Une série pour tout public
Les réactions sont majoritairement positives. Mais le réalisateur
le répète : il ne s’agit pas de rire
de la religion musulmane. « On
ne peut pas rire de tout. Le rire qui
ne fait que dénigrer ou provoquer
l’autre ne fait pas avancer le débat.
On ne le fait donc pas. Chaque
scène a fait l’objet de débats, d’interrogations avec les comédiens. Le
travail n’a pas été facile. »
Pour le moment, huit épisodes,
qui durent chacun trois à cinq
minutes, ont été réalisés. Ils seront diffusés chaque jeudi en
exclusivité sur Saphirnews.com, à
raison d’un épisode par semaine,
à partir du 11 juin prochain. ■
Hanan Ben Rhouma