ProphylaxieInfos 2012

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ProphylaxieInfos 2012
Numéro 2012
PROPHYLAXIEInfos
Informations pratiques sur la prévention en hygiène bucco-dentaire
Le phénomène d’hypersensibilité dentinaire
Les caries chez les enfants en âge préscolaire
Les soins bucco-dentaires dans les maisons de retraite
Le lien entre abrasion et érosion
Mentions légales/Sommaire/Éditorial
Éditorial
Éditeur (responsable selon la loi sur la presse):
GABA Laboratoires
60 avenue de l’Europe · 92270 Bois-Colombes
Affaires Scientifiques: Dr Marianne Le Reste
Marketing: Marie-Agnès Richard
Chère Consœur, Cher Confrère,
Le sujet de l’érosion, constamment couvert depuis maintenant
4 ans dans nos éditions de Prophylaxie Infos, reste un sujet de prédilection dans les congrès scientifiques
dentaires et nous avons souhaité
à nouveau inclure deux articles: sur
érosion et nutrition (Dr Gerta van
Oost) d’une part et érosion et abrasion d’autre part (Dr Judith von
Hinckeldey).
GABA International AG
Grabetsmattweg · 4106 Therwil · Suisse
Directeur du Department Affaires Scientifiques:
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Ceci ne doit pas nous faire oublier que la carie et tout
particulièrement la carie précoce du jeune enfant ou la situation bucco-dentaire des personnes âgées restent des challenges encore non solutionnés de nos jours.
Internet:
www.gaba.fr
Les avis des auteurs ne correspondent pas toujours
à ceux de l’éditeur. La réimpression et la publication
d’extrait doivent indiquer la source.
Pr Annerose Borutta de Jena (Allemagne) et Dr Gert Stel
de Groningen (Pays-Bas) mettent l’accent sur l’importance
de la prévention dans la prise en charge du problème de la
carie chez le jeune enfant.
Dr Luc de Visschere de Gand (Belgique) nous fait partager les résultats de deux grands projets de mise en place
de soins bucco-dentaires auprès de personnes âgées en institution dont je vous laisse découvrir les grands enseignements.
Arginine-bicarbonate
Il est d’ailleurs intéressant de mettre en relation l’article
de l’équipe du Dr Eric-Nicolas Bory (Bron-France) sur un sujet
similaire chez des personnes âgées en institution en France.
(Source: Christian Scheibe)
Sommaire
Le phénomène d’hypersensibilité dentinaire (DHS)
dans la pratique dentaire
Partie 1: définition, épidémiologie, étiologie et principes
théoriques fondamentaux de la DHS
Dr Ulrike Beier, Innsbruck, Autriche;
Dr Christian R. Gernhardt, Halle-Wittenberg, Allemagne
Epidémiologie des caries – pré-requis pour
la détermination de la santé bucco-dentaire et preuves
d’efficacité des mesures prophylactiques
Prof Annerose Borutta, Jena, Allemagne
Comment traiter l’apparition des premières caries chez
les enfants en âge préscolaire?
Dr Gert Stel, Groningen, Pays-Bas
Enfin et ce sera le premier article de cette édition, une
mise au point sur l’hypersensibilité dentinaire réalisée par un
duo Austro-Allemand de jeunes auteurs passionnés du sujet.
3
7
9
Recommandations en termes de produits de soins
bucco-dentaires à destination des personnes âgées dans
les maisons de retraite
Dr Luc De Visschere et Prof Jacques Vanobbergen, Gent,
Belgique
11
Coup de projecteur sur une alimentation saine
(pour les dents): les aliments acides!
Dr Gerta van Oost, Dormagen, Allemagne
15
Bonne lecture!
Lien entre abrasion/brossage des dents et érosion:
exigences pour un dentifrice adapté
17
Judith von Hinckeldey, Alexandra Tolle, Dr Nadine Schlüter,
Prof Joachim Klimek, Prof Carolina Ganss, Giessen, Allemagne
Nouvelle approche de l’érosion dentaire
19
Évènements
20
Impact d’un programme de santé orale sur l’hygiène
bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes
institutionnalisées
Dr Gnagna Ndiaye et al., SOHDEV, Bron-France
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Numéro 2012
Nous vous rappelons que tous nos numéros de
Prophylaxie Infos déjà publiés sont disponibles sur notre site
www.gaba.fr/prophylaxieinfos dans la rubrique professionnels dentaires/nos publications. Nous vous invitons à les
consulter ou les télécharger s’ il vous en manque un numéro.
Dr Marianne Le Reste
Directeur Affaires Scientifiques
GABA France
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PROPHYLAXIEInfos
Hypersensibilité dentinaire
Le phénomène d’hypersensibilité dentinaire (DHS)
dans la pratique dentaire
Partie 1: définition, épidémiologie, étiologie et principes théoriques fondamentaux
de la DHS
Dr Ulrike Beier, Université de Médecine d’Innsbruck, Autriche;
Dr Christian R. Gernhardt, Université Martin Luther de Halle-Wittenberg, Allemagne
Introduction
L’hypersensibilité dentinaire (DHS) est un trouble courant dans la pratique dentaire. Un quart de nos patients
souffrent de douleurs occasionnellement sévères liées à
l’hypersensibilité dentinaire. Ces patients se plaignent
d’avoir les dents sensibles à la température lorsqu’ils
boivent, lorsqu’ils mangent et lorsqu’ils se brossent les
dents. Dans certains cas, même le simple fait de respirer
peut provoquer des douleurs. Les causes principales sont
une perte non-cariogène des tissus dentaires durs, et la
perte d’attachement parodontal.
Définition
La DHS se caractérise par une «douleur brève et
aiguë en cas de stimulation thermique, évaporative, tactile ou chimico-osmotique des tubules dentinaires exposés, dont l’apparition ne peut être expliquée par d’autres
défauts ou mécanismes pathologiques» (Addy & Dowell
1986; Orchardson & Collins 1987). Par conséquent, les
surfaces exposées de la dentine constituent un prérequis de base pour l’apparition d’une hypersensibilité
dentinaire.
Des symptômes similaires, peuvent cependant être
également provoqués par les lésions carieuses, restaurations inadaptées, comme des obturations défectueuses
ou fracturées, ou inadéquation des restaurations fabriquées en laboratoire (inlays, couronnes, bridges) (Porto
et al. 2009).
En outre, les facteurs pathologiques tels que les fractures au niveau de l’émail/de la dentine, la présence de
fissures sur des dents massivement restaurées, le «syndrome des dents cassées», l’usure des facettes, l’inconfort post-opératoire à la suite d’une obturation ou le
mauvais placement des pivots parapulpaires doivent
également être exclus du diagnostic différentiel (voir
tableau 1).
En général, il est vrai, pour les symptômes de la DHS
induits par une stimulation, que la sensation d’inconfort
est limitée dans le temps et s’atténue, ce qui les distingue de ceux liés aux affections pulpaires.
Epidémiologie
Les données concernant la répartition moyenne de la
DHS au sein de la population varient considérablement:
entre 8 et 57 % selon la littérature (Dababneh et al. 1999).
Lorsque les patients parodontaux sont considérés en
PROPHYLAXIE Infos
Les lésions carieuses
Les affections de la pulpe dentaire
Les obturations endommagées ou fracturées
Les maladies parodontales
Le manque d’adéquation des restaurations
fabriquées en laboratoire
Les fractures au niveau de l’émail/de la dentine
La présence de fissures sur des dents
massivement restaurées
L’usure des facettes
Les douleurs post-opératoires à la suite d’un
traitement de restauration
Un mauvais placement des pivots parapulpaires
Toute douleur orofaciale d’origine autre
Tableau 1: Différentes causes de diagnostic possibles qui doivent être clarifiées avant de diagnostiquer une hypersensibilité
dentinaire
isolés, un taux de prévalence de 72,5 à 98 % est cité
(Chabanski et al. 1997). La grande différence entre les
conditions d’étude pour les investigations associées en
sont la cause; les investigations basées sur de simples
questionnaires ont été comparées avec des études cliniques détaillées. En outre, certaines études reposent sur
des questionnaires simples, sans aucun examen clinique
des patients. Dans ce cas, bien entendu, les résultats
peuvent être biaisés, étant donné que les réponses des
patients peuvent être davantage associées à un diagnostic différentiel (voir tableau 1). Si l’on considère les différentes populations étudiées, plusieurs niveaux de DHS
apparaissent, alors qu’un taux de prévalence moyen de
15 % à 25 % est observé avec une étude uniforme (Flynn
et al. 1985; Fischer et al. 1992; Graf & von Galasse 1977).
Soit environ un adulte sur 3 (Dowell & Addy 1983).
Le nombre de patients souffrant d’hypersensibilité
dentinaire atteint son apogée entre 20 et 40 ans; selon la
littérature, le pic serait atteint vers la fin de la trentaine
(Addy & Pearce 1994). Après 40 ans, en raison de la formation physiologique de la dentine secondaire, la perméabilité de la dentine diminue et, par conséquent, la
susceptibilité aussi (Brodowski & Imfeld 2003). De plus, la
numération cellulaire, l’innervation et l’afflux sanguin de
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Hypersensibilité dentinaire
la pulpe continuent à diminuer avec l’âge, si bien que
la pulpe dentaire devient moins sensible à la douleur
(Trowbridge 1986). En général, les femmes sont plus
souvent touchées que les hommes, ce qui peut s’expliquer par une plus grande conscience en matière de
santé (Addy 1990). Les maxillaires sont plus souvent touchés que les mandibules. Cela est lié à la structure de
l’os vestibulaire plus délicate, qui, selon l’étiologie correspondante, provoque plus rapidement des récessions
que le mandibule. De plus, le côté gauche de la
mâchoire est plus souvent touché que le coté droit. Cela
s’explique par l’hypothèse selon laquelle la majorité de
nos patients sont droitiers et, par conséquent, exercent
davantage de pression sur leur main droite, et passent
plus de temps à se brosser les dents du côté gauche. Si
l’on considère les dents de manière individuelle, il a été
déterminé que les canines étaient le plus souvent touchées, ce qui se justifie par la dominance des surfaces
vestibulaires (Orchardson & Collins 1987; Brodowski &
Imfeld 2003; Addy & Mostafa 1987).
le cas de l’émail dentaire, cela n’est généralement possible qu’avec une combinaison avec des facteurs érosifs
(Fig. 1).
Généralement, on suppose que, en raison de l’augmentation de la prise de conscience en matière de santé
bucco-dentaire et des mesures prophylactiques continues, le nombre de patients souffrant d’hypersensibilité
dentinaire devrait continuer d’augmenter dans les
années à venir (Dababneh 1999).
L’abrasivité des substances abrasives présentes dans
les dentifrices est essentielle à leur action, à l’élimination
de la pellicule exogène acquise, qui, à son tour, est
nécessaire à la fixation des bactéries ou à la coloration,
mais aussi à l’apparition d’abrasions (Levitch et al. 1994).
Les dentifrices disponibles dans le commerce aujourd’hui présentent généralement des valeurs d’abrasivité inférieures au seuil critique défini par la «British
Specification for Toothpastes». Mais une hygiène dentaire trop intensive et la combinaison d’une brosse à
dents trop dure associée à un dentifrice abrasif peuvent
provoquer une usure de la substance dentaire dans la
région cervicale (Hotz 1985; Barbakow et al. 1989). Les
mouvements de brossage horizontaux avec une pression
de contact excessive peuvent en particulier provoquer
des altérations du tissu dentaire dur dans la région cervicale (Gross et al. 1996).
L’hypersensibilité dentinaire:
entre l’âge de 20 et 40 ans
pic de fréquence à la fin de la trentaine
femmes > hommes
maxillaire > mandibule
côté gauche > côté droit de la mâchoire
au niveau des canines
Tableau 2: Occurrence de l’hypersensibilité dentinaire
Etiologie
Un ou plusieurs des facteurs étiologiques suivants
peut/peuvent jouer un rôle dans le développement de
l’exposition non-cariogène de la dentine et, par conséquent, dans l’exposition des tubules dentinaires:
W L’attrition
W L’abrasion
W L’érosion
W L’abfraction
W La récession gingivale
L’attrition est due à une abrasion occlusale, lorsque
les dents entrent en contacts répétés, comme par exemple en mâchant et en cas de bruxisme. Les collets dentaires sont souvent dénudés à cause des abrasions dues
à l’usure mécanique des substances dentaires dures
(dentine) provoquée par l’utilisation de mauvaises techniques de nettoyage et de dentifrices abrasifs. Dans
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Fig. 1: Surfaces dentinaires dénudées à la suite des causes
abrasives
Les premiers signes sont souvent une récession gingivale au niveau des canines et des prémolaires, qui, en
raison de la faible adhésion de la gencive et du revêtement très fin de la lamelle osseuse, sont souvent inévitables (Yaacob & Park 1990). Il en résulte entre autres une
perte de la fine couche de cément qui recouvre la surface radiculaire dénudée en un temps assez rapide
(Mellberg & Sanchez 1986), et une mise à nu de la surface dentinaire. Les abrasions dans la zone interdentaire,
qui se présentent cliniquement comme un creux lisse et
concave, peuvent également être provoquées par un
usage excessif de brossettes interdentaires, de fil dentaire ou de bâtonnets interdentaires.
Les érosions sont provoquées par les acides nutritionnels ou endogènes (ex.: régurgitation d’acide gastrique) (Attin 2006; ten Cate & Imfeld 1996; Attin et al.
2005). Elles se présentent comme des creux peu profonds et blanchâtres, généralement sur les surfaces linguales et vestibulaires des dents. Lorsque la période
d’exposition aux facteurs étiologiques est suffisamment
longue, il peut en résulter une élimination complète de
l’émail dentaire, et, à terme, une mise à nu des surfaces
dentinaires (Fig. 2).
PROPHYLAXIEInfos
Hypersensibilité dentinaire
fenestration osseuse, la déhiscence de la lamelle osseuse
vestibulaire et la formation des récessions gingivales
induites en raison du mouvement orthodontique des
dents peuvent également être envisagés.
Principes théoriques fondamentaux
Structure de la dentine et de la boue dentinaire
«smear layer»
Fig. 2: Lésions dentaires érosives sévères. Vue palatine.
En cas de lésions dues à une mauvaise technique de
brossage, un effet sur l’apparence des lésions est également attendu par les aliments et les boissons acides
(Eccles & Jenkins 1974). La perte du tissu dentaire dur est
plus marquée après une exposition à des acides, et le
nombre de tubules mis à nu augmente, comme on peut
l’observer dans le cadre d’études au microscope à
balayage électronique (Absi et al. 1992).
L’abfraction (lésions cunéiformes) est souvent observée dans la région cervicale chez les patients plus âgés
(Brady & Woody 1977; Graehn et al. 1991). Cette forme
de lésion non cariogène des substances dentaires dures
peut également provoquer une mise à nu des surfaces de
la dentine et, ainsi, une hypersensibilité. Les facteurs à
l’origine de l’apparition de ces lésions, restent cependant
encore relativement méconnus. On suppose que ces
lésions sont dues à une surcharge occlusale qui provoque
des micro-fractures dans la région cervicale, qui, au fur et
à mesure qu’elles évoluent, parfois également en raison
de l’effet du brossage des dents, entraînent une dislocation du tissu dentaire dur (Brady & Woody 1977; Lee &
Eakle 1996). Le taux de prévalence des lésions cunéiformes est estimé entre 5 et 50 %. Une augmentation de
ce chiffre devrait être observée avec le vieillissement
(Brady & Woody 1977; Graehn et al. 1991). Sur le plan
clinique, la lésion cunéiforme est localisée sur les surfaces
vestibulaires et se caractérise par ses bords acérés.
La mise à nu des surfaces de la dentine peut également être provoquée par la récession gingivale. En
raison de la perte rapide de la couche de cément radiculaire mis à nu due à sa faible résistance aux acides, la
dentine se retrouve alors découverte, et exposée à des
stimulis douloureux. Outre l’inadéquation de l’hygiène
orale déjà décrite (mauvais brossage des dents), des
causes iatrogènes, comme les traitements parodontaux
(détartrage, chirurgies parodontales, etc.), les affections
parodontales aigües ou chroniques et les trauma occlusaux peuvent également être des causes potentielles
(Dowell & Addy 1983). Les résultats d’études menées
sur des patients parodontaux traités ont démontré une
corrélation positive entre l’hypersensibilité de la dentine
et la réalisation d’un traitement parodontal (Wallace &
Bissada 1990). Le taux de prévalence de l’hypersensibilité de la dentine est beaucoup plus élevé chez les
patients souffrant de problèmes parodontaux que chez
les autres patients (Chabanski et al. 1996).
En outre, les appareils dentaires utilisés pour les remplacements dentaires ou les bords des prothèses peuvent provoquer une mise à nu de la surface radiculaire. La
PROPHYLAXIE Infos
La dentine peut être reproduite tout au long de la vie
et, contrairement à l’émail, est un tissu dur vital moins
minéralisé. La partie inorganique se compose de 70 % en
poids d’hydroxyapatite; la fraction organique représente
20 % en poids, et est principalement composée de fibres
de collagène et de prolongements odontoblastiques, le
reste étant de l’eau. La pulpe dentaire est entourée par la
dentine, avec laquelle elle forme une unité fonctionnelle.
La dentine est recouverte coronairement par l’émail et,
dans la zone radiculaire, par le cément, qui, selon la position et la structure, est divisé à nouveau de manière coronaire en cément acellulaire et fibrillaire et, de manière
apicale et dans la zone de bi- ou tri-furcation, en cément
cellulaire/fibrillaire (Schröder 1987).
Les tubules radiaux de la dentine, situés entre la
pulpe dentaire et la périphérie, sont caractéristiques de
la dentine. Sous la jonction dentino-pulpaire se trouvent
les corps cellulaires d’odontoblastes, qui, par leurs prolongements, pénètrent dans ces tubules remplis de
liquide et partiellement dans la dentine périphérique
coronaire dans la zone de jonction amélo-cémentaire. Le
tubule dentinaire contient un liquide transparent qui contient des protéines, également appelé fluide dentinaire,
et qui est soumis à une légère pression externe d’environ
25 à 30 mmHg (Mitchem & Gronas 1991). Le nombre et
le diamètre des tubules de la dentine diminuent au fur et
à mesure que l’on passe de la pulpe à la zone de jonction
amélo-dentinaire (Mjor & Nordahl 1996; Marshall et al.
1997), tout comme le nombre de tubules, qui diminue de
la zone coronaire à la zone apicale. Par conséquent, on
en compte environ 45000 à 65000 par mm2 dans la zone
située à la jonction pulpo-dentinaire, avec un diamètre
de 2 à 4 µm, ce qui correspond à une proportion d’environ 80 % de tubules dans la dentine qui entoure la pulpe
(Mjor 1979; Garberoglio & Braennstroem 1976). Jusqu’à
la jonction amélo-dentinaire, le diamètre des tubules
diminue jusqu’à atteindre environ 1 µm, et leur nombre
total diminue jusqu’à 16000 à 20000 par mm2. Par conséquent, la proportion en pourcentage dans cette zone
n’est que de 4 % environ (Marshall et al. 1997).
La dentine provient des papilles dentaires et est, d’un
point de vue embryologique, d’origine ectodermique.
Elle se forme tout au long de la durée de vie d’une dent.
Les formes suivantes de la dentine se distinguent chronologiquement:
W La dentine primaire correspond à la dentine qui se
forme jusqu’à la fin de la croissance radiculaire.
W La dentine secondaire correspond à la dentine qui
s’accumule dans des conditions physiologiques après
la fin de la croissance radiculaire.
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Hypersensibilité dentinaire
W La dentine tertiaire se forme sous l’effet d’influences
externes (attrition, caries, préparation coronaire,
trauma, érosion) suite à la défense de la pulpe
(«dentine réactionnelle»).
Une dentine hypersensible présente des diamètres
de tubules plus ouverts et plus grands (Pashley 1992). En
raison de la géométrie, avec le doublement du diamètre
des tubules, le fluide tubulaire se déplace 16 fois plus
(Garberoglio & Braennstroem 1976).
Une boue dentinaire (“smear layer“) se développe
après un traitement mécanique de la dentine à l’aide
d’instruments manuels ou rotatifs, et se présente sous la
forme d’une couche rugueuse/grasse qui contient des
cristaux d’hydroxyapatite et du collagène partiellement
dénaturé (Pashley 1984; 1992). L’épaisseur de la couche
de boue dentinaire se situe entre 1 et 5 µm. La boue dentinaire est si fermement liée à la dentine sous-jacente
qu’elle ne peut être décollée à l’aide d’un jet d’eau
(Braennstroem 1984; Pashley et al. 1993). De plus, la
boue dentinaire pénètrant dans les tubules de la dentine
est appelée «bouchon dentinaire» (smear plugs) (longueur moyenne de 1 à 2 µm). Ces bouchons peuvent
également pénétrer à plus de 10 µm dans les tubules
(Heymann & Bayne 1993; Pashley 1990). Ils fonctionnent
comme des pansements biologiques, étant donné qu’ils
réduisent le débit du fluide dans les tubules dentinaire,
ce qui entraîne une diminution de la perméabilité dentinaire pouvant aller jusqu’à 86 %, et permet de protéger la
pulpe contre des stimulations externes (Pashley 1992).
Cette protection biologique, malheureusement, ne dure
que peu de temps, parce que cette boue dentinaire n’est
pas résistante ni aux acides ni à l’hydrolyse (Nakabayashi
& Bonding 1996).
Théories de conduction de stimuli au sein
de la dentine
Il existe trois théories reconnues sur la conduction des
stimuli au sein de la dentine, qui diffèrent par leur hypothèse de type de récepteur:
W Théorie hydrodynamique selon Braennstroem
(Braennstroem 1963)
W Théorie de la conduction directe
(Byers & Dong 1983; La Fleche et al. 1985)
W Théorie de la transduction
(Byers & Dong 1983)
Toutes les théories sur la conduction des stimuli au
sein de la dentine reposent sur un flux laminaire au sein
des tubules dentinaires dans le cadre d’un mécanisme de
transfert. L’excitation résultante des terminaisons nerveuses et la transmission de la sensation de douleur au
système nerveux central, cependant, n’ont pas pu être
expliquées de manière concluante à ce jour (Addy &
West 1994; Gillam 1995). Lorsqu’une sensation de douleur se déclenche, une réaction hyperémique se produit
dans la pulpe dentaire (augmentation du flux sanguin
jusqu’à 30 %) (Andersen et al. 1994), qui peut se prolonger pendant une demi-heure (Edwall et al. 1987). En
guise de mécanisme de protection, déclenché par
l’extravasation, le débit sortant du fluide dans les tubules
de la dentine est augmenté.
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La théorie la plus connue est la théorie hydrodynamique selon Braennstroem (1963; 1986; Braennstroem
& Astrom 1972; Braennstroem et al. 1969). Les stimuli
thermiques et osmotiques provoquent un changement
de débit du fluide dans les tubules dentinaires et, par
conséquent, produisent un hydrodynamisme dans les
tubules de la dentine. Cet hydrodynamisme engendre
un mouvement des prolongements odontoblastiques et
l’excitation des terminaisons nerveuses libres qui les
entourent. Dans des conditions physiologiques, un débit
sortant ralenti du fluide présent dans les tubules de la
dentine doit être observé (Mitchem & Gronas 1991), en
raison de la prédominance d’une plus grande pression
dans la cavité pulpaire. Le froid contracte le fluide présent dans les tubules et produit par conséquent une augmentation du débit sortant, qui provoque une douleur.
La chaleur, à l’inverse, crée un flux de liquide vers la
pulpe, et ne déclenche généralement qu’une douleur
modérée ou rarement ressentie.
La théorie de la conduction directe suppose une
stimulation nerveuse directe dans les tubules de la dentine. Les fibres nerveuses sont stimulées par les changements hydrodynamiques eux-mêmes, ou par les irritations mécaniques. Dans ce modèle, les odontoblastes ne
sont quasiment pas impliqués. La théorie est soutenue
par la détection des fibres nerveuses sous la jonction
amélo-dentinaire, à l’aide de fixation souple (Byers &
Dong 1983; La Fleche et al. 1985).
La théorie de la transduction suppose que l’odontoblaste lui-même fonctionne comme un récepteur et,
après le stimulus approprié, transfère l’excitation aux
nerfs en aval à proximité de la pulpe. Jusqu’ici, aucune
connexion synaptique, aucune nexus ni aucune jonction
communicante n’avait pu être trouvée; par conséquent,
le trajet de transmission est inconnu jusqu’à ce jour
(Byers & Dong 1983).
Vue d’ensemble
Afin de garantir la réussite du traitement, le diagnostic doit être correct, et doit éliminer tout diagnostic différentiel possible, et il faut maîtriser les facteurs étiologiques et les prédispositions à la DHS. Des options
thérapeutiques existent, que ce soit pour un traitement
à domicile ou pour un usage professionnel en cabinet
dentaire. La partie 2 de cet article – dans la prochaine
édition – abordera les différents mécanismes d’action et
les indications précises des options thérapeutiques pour
chaque patient.
Dr Ulrike Stephanie Beier
Medizinische Universität Innsbruck
Dept. Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde und Mund-, Kieferund Gesichtschirurgie, Universitätsklinik für Zahnersatz und
Zahnerhaltung, MZA
Anichstrasse 35 · 6020 Innsbruck · Autriche
Dr Christian R. Gernhardt
Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg
Dept. Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde, Universitätspoliklinik für Zahnerhaltungskunde und Parodontologie
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Caries
Epidémiologie des caries – pré-requis pour
la détermination de la santé bucco-dentaire et preuves
d’efficacité des mesures prophylactiques
Prof Annerose Borutta, Hôpital universitaire de Jena, Allemagne
Introduction
Tout comme les cas de parodontite, les caries font
partie des affections bucco-dentaires les plus courantes.
Les études épidémiologiques, surtout si elles sont représentatives d’une région ou d’un pays en particulier, fournissent des informations intéressantes sur le niveau de
santé bucco-dentaire de la population et sur les besoins
en traitements à extrapoler à partir de ces données. Par
la même occasion, les résultats servent également à
démontrer l’efficacité des mesures de prévention et de
traitement mises en place.
Des études épidémiologiques bucco-dentaires représentatives menées auprès d’adultes de 35 à 44 ans, de
65 à 74 ans et auprès de 12/15 ans ont été régulièrement
réalisées en Allemagne depuis 1989 dans le cadre du
«German Oral Health Studies» (DMS). En outre, le
«German Working Party for Adolescent Dental Care»
(DAJ) a mené des études représentatives auprès d’écoliers tous les quatre ans depuis 1994/1995, auxquelles les
6/7 et les 12/15 ans ont été inclus depuis 2004. Les
méthodes de ces études sont inspirées des «Oral Health
Surveys – Basic Methods» (Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) 1997).
Définition des termes
épidémiologiques fondamentaux
L’indice CAOD constitue la base de l’épidémiologie
des caries. Il indique le nombre moyen de caries existantes (CD), de dents Obturées (OD) et de dents absentes après extraction à la suite de caries (AD) auprès de la
population étudiée. Les données sont recueilles séparément pour les dents temporaires et pour les dents permanentes, et des minuscules (cd, ad, od) sont utilisées
pour les dents temporaires. Dans tous les cas, le processus concerne les caries pour lesquelles les lésions avancées de la dentine n’ont pas encore atteint la pulpe (D3)
ou ont déjà atteint la pulpe (D4).
Tout comme les données relatives aux dents (recommandées par l’OMS), où chaque dent se voit attribuer un
score (le plus bas) minimum, les investigations liées à la
surface (caof/CAOF) offrent une description plus précise,
étant donné que l’état respectif (carie, dent obturée ou
dent absente) est noté ici pour la surface (s/S) de chaque
dent. Les études épidémiologiques qui enregistrent le
statut initial des caries en termes de lésions (D1, D2) limitées à l’émail sont encore plus précises.
PROPHYLAXIE Infos
Jusqu’ici, à l’exception des études du DMS menées
en Allemagne, les méthodes de détection précoce des
lésions carieuses étaient relativement peu reconnues.
Même la détection de ces stades précoces est une innovation récente et doit constituer une composante des
examens dentaires de prévention au sein du Public
Health Service (OeGD), des études DAJ, et en cabinet
dentaire.
Situation épidémiologique chez les
enfants en Allemagne
Depuis des décennies, les études épidémiologiques
ont permis de réduire le nombre de caries dans les pays
industrialisés. Ce fait a été plus particulièrement observé
sur la denture permanente des enfants et des adolescents. La comparaison sur 10 ans des études DAJ a
révélé que, en Allemagne, le nombre de caries avait
diminué, chez les enfants de 12 ans, de 20 % (Basse-Saxe)
à 70,4 % (Baden-Wurttemberg) entre 1994 et 2004. Une
diminution du nombre de caries a également été observée pour les dents temporaires, bien que dans une
mesure tout à fait moindre, avec des valeurs situées entre
10,6 % (Basse-Saxe) et 35,5 % (Mecklenburg-Poméranie
Occidentale) (Pieper 2004; German Working Party for
Adolescent Dental Care e.V. (DAJ), Bonn 2005).
Une concentration prononcée des caries a été observée parallèlement à l’énorme amélioration de la santé
bucco-dentaire au cours de ces dix dernières années.
Bien que la majorité des enfants et des adolescents ait
une denture qui ne présente quasiment aucune carie,
10,2 % des enfants de 12 ans représentent 61,1% du
nombre total de caries enregistré. 79,2 % du nombre
total de caries ont été observés chez 26,8 % des adolescents de 15 ans (IDZ, Institute of German Dentists (éditeur): Quatrième étude allemande sur la santé buccodentaire (DMS IV), Cologne 2006). Ce sont souvent des
facteurs sociaux, comme le manque d’éducation, le
milieu socio-économique défavorable et le contexte
d’immigration, qui limitent le recours régulier et préventif
aux services dentaires. L’équipe de prophylaxie doit bien
connaître les facteurs de risque des caries et doit savoir
déceler les caries à leur stade précoce. Il s’agit de lésions
blanchâtres («white spot») ou brunâtres («brown spot»),
localisées principalement au niveau des sillons des
molaires, ou au niveau des collets dentaires chez les
enfants d’âge préscolaire et d’âge scolaire.
Les caries précoces, cependant, apparaissent également chez les jeunes enfants juste après l’éruption des
premières dents temporaires (Borutta et al. 2002; 2006).
Ces caries sont initialement localisées sur les surfaces
Numéro 2012
70
Caries
palatines et labiales des incisives supérieures. Si elles ne
sont pas traitées, elles peuvent évoluer très rapidement
et se développer en caries impliquant d’autres dents
(molaires, canines), voire même détruire la dentition temporaire. En raison de leur degré de gravité et de leur diffusion étendue, entre 7 % et 20 % (Splieth et al. 2009) des
caries précoces chez les enfants sont devenues un problème de santé publique en Allemagne, nécessitant une
solution urgente. Pour les équipes dentaires, cela signifie
qu’il est nécessaire d’expliquer les facteurs de risques
même aux futures mères, et de les inciter à emmener
leurs enfants chez le dentiste pour la première fois au
plus tard aux alentours de leur premier anniversaire.
L’incitation et la sensibilisation à l’hygiène bucco-dentaire avec un dentifrice pour enfants contenant du fluor et
les recommandations en termes d’équilibre alimentaire
doivent faire partie des priorités lors de la première visite
chez le dentiste. Néanmoins, en cas d’apparition de
caries précoces, d’autres mesures de fluoration peuvent
aider à enrayer leur progression.
Un suivi régulier à titre préventif est nécessaire pour
les enfants en âge scolaire, étant donné que les nouvelles
dents permanentes, sont particulièrement sujettes aux
caries. Le dentiste et l’équipe de soins peuvent le prendre en charge, et intégrer des mesures prophylactiques
individuelles (IP I à IP V) pour l’enfant entre ses 6 et ses 18
ans. Les caries précoces peuvent se développer dans
toutes les tranches d’âge. Une fois que toutes les dents
permanentes sont sorties, les surfaces de contact sont
fortement exposées aux risques. C’est pourquoi une
attention particulière doit être apportée aux lésions précoces dans la zone proximale chez les adolescents (de 12
à 18 ans) dans le cadre d’examens dentaires de prévention. Les résultats épidémiologiques du DMS IV ont également révélé 2,1 lésions initiales pour un CAOD de 1,8
chez les adolescents de 15 ans. Il s’agit principalement
(1,6 lésions) de lésions actives, qui, si elles ne sont pas
traitées, peuvent se transformer en caries de la dentine
(D3, D4). Ce qui est également alarmant, c’est que, en
moyenne, les adolescents de 15 ans présentent deux fois
plus de lésions initiales que les enfants de 12 ans (0,9
lésion), avec trois fois plus de lésions actives (1,6 lésions)
que de lésions inactives (0,5 lésion) (IDZ: DMS IV,
Cologne 2006).
Situation épidémiologique chez les
adultes
Bien que la sensibilité aux caries due à différents facteurs soit très élevée chez les enfants et les adolescents,
elle diminue progressivement chez les adultes. Les données des études DMS le démontrent sur le plan épidémiologique (IDZ: DMS IV, Cologne 2006; IDZ: DMS III,
Cologne 1999). Une concentration peut également être
observée pour cette tranche d’âge. Cependant, celle-ci,
comme pour les tranches d’âge plus jeunes, repose sur la
classe sociale. Seulement un quart des adultes représente la totalité des dents cariées, le reste présentant une
denture dont les caries ont été traitées. En outre, 1,5
caries précoces ont été observées, parmi lesquelles 0,7 a
été jugée active ou avait déjà atteint l’émail.
08
Numéro 2012
Les affections parodontales qui se produisent de
manière cumulative chez les adultes et dont le degré de
gravité s’accentue avec l’âge apparaissent, entre autres,
en raison de la récession gingivale, qui entraîne de plus
en plus la mise à nu des collets dentaires et des racines.
Les surfaces exposées de la dentine ou les zones recouvertes de cément radiculaire, cependant, sont très sensibles aux caries. C’est pourquoi ces patients présentent
des risques de caries radiculaires. Selon les résultats
actuels du DMS IV (IDZ: Quatrième étude allemande sur
la santé bucco-dentaire (DMS IV), Cologne 2006), environ 1 adulte sur 5 âgé de 35 à 44 ans a déjà développé
des caries radiculaires avec un indice de carie radiculaire
(RCI) (Katz et al. 1982) de 8,8. En huit ans, la fréquence
des caries radiculaires a quasiment doublé. A cet égard,
la prévention et le traitement sont de plus en plus indispensables.
La tranche d’âge la plus fortement désavantagée en
termes de santé bucco-dentaire aujourd’hui est celle des
personnes âgées (65 à 74 ans). Aujourd’hui, ces personnes présentent un CAOD de 22,1 avec une moyenne
de 14,1 dents extraites qui constitue la majeure proportion du CAOD. La fréquence d’extraction des dents est
liée au niveau d’éducation. Les personnes âgées qui disposent d’un niveau d’éducation plus élevé présentent
moins de dents extraites. Globalement, les personnes
âgées (53 %) présentent la plus grande proportion de
caries proximales, ce qui, par conséquent, est deux fois
plus que chez les enfants de 12 ans (28,6 %) et les adolescents de 15 ans (28,9 %). Avec la diminution du nombre
de dents extraites attendue à l’avenir, le risque de caries
radiculaires augmente. Quasiment une personne âgée
sur deux (45 %) a déjà développé des caries radiculaires.
Il a été démontré, cependant, que, en ayant régulièrement recours aux services dentaires, la fréquence des
caries radiculaires pouvait être réduite.
Résumé
L’état de santé bucco-dentaire, mesuré en termes de
fréquence et de degré de gravité des caries, s’est considérablement amélioré au cours de ces 10 dernières
années, plus particulièrement chez les enfants et les adolescents. Afin de maintenir cette situation, des mesures
prophylactiques doivent être prises de manière cohérente. Dans le cadre de l’utilisation régulière des services
dentaires, les caries précoces doivent être dans l’esprit
de tous les patients, et leur évolution doit être contrôlée
à l’aide de mesures efficaces. La répartition des caries
chez les adultes est également en train de diminuer.
Chez les personnes âgées, on peut observer une plus
grande incidence des caries radiculaires, qui est déjà
constatée chez les adultes aujourd’hui. Par conséquent,
les futures stratégies de prévention devront se concentrer davantage sur la prévention de cette forme de caries.
Prof Dr Annerose Borutta
Zentrum für Zahn-, Mund- und Kieferheilkunde
Universitätsklinikum Jena
WHO Kollaborationszentrum
«Prävention oraler Erkrankungen»
Bachstrasse 18 · 07443 Jena · Allemagne
e-mail: annerose.borutta@ med.uni-jena.de
PROPHYLAXIEInfos
Caries
Comment traiter l’apparition des premières caries chez
les enfants en âge préscolaire?
Dr Gert Stel, Centre médical universitaire de Groningen, Pays-Bas
Apparition précoce de la carie
dentaire; les caries précoces
de l’enfance (ECC)
Les caries peuvent commencer à attaquer dès le
moment où les dents temporaires font leur éruption dans
la cavité orale. Plusieurs théories ont été établies quant à
la manière dont les enfants peuvent acquérir une flore
orale cariogène, mais celles-ci n’ont pas été concluantes.
Un grand nombre de scientifiques et de dentistes
s’accordent à dire, cependant, qu’une combinaison
défavorable entre une forte absorption de glucides,
une mauvaise hygiène bucco-dentaire et l’absence de
mesures de prévention adéquates (tant en cabinet dentaire qu’à domicile) contribue à la détérioration rapide de
la santé bucco-dentaire.
Etant donné que les
premiers signes des
caries dentaires sur la
dentition primaire ne
sont pas toujours reconnus par les parents/les
enseignants et que les
premières visites chez
le dentiste ont normalement lieu à un âge tardif, l’apparition précoce
de caries chez les enfants est souvent négligée. Grâce à la mise en
place de mesures de
prévention individuelles et collectives aux Pays-Bas ces
dix dernières années, l’état de la denture de la majorité
des jeunes parents est satisfaisant, voire bon. Bien
entendu, cela ne s’applique pas automatiquement à leurs
enfants; de nombreux parents, cependant, ont tendance
à considérer que leurs habitudes en matière d’hygiène
bucco-dentaire n’ont pas d’effet négatif sur la santé
bucco-dentaire de leurs enfants.
La première visite chez le dentiste
n’a généralement pas lieu tant que
les caries ne se voient pas dans la
cavité buccale
Dans de nombreux pays (comme aux Pays-Bas), la
première visite chez le dentiste pour un enfant en âge
préscolaire a lieu uniquement si celui-ci se plaint d’inconfort buccal et/ou si les parents remarquent une coloration
ou une carie évidente, généralement dans la zone des
molaires. On ne peut pas toujours savoir avec certitude si
les plaintes de l’enfant sont liées à ses dents, étant donné
PROPHYLAXIE Infos
que les causes d’inconfort au niveau de la zone orofaciale sont nombreuses chez les jeunes enfants. On peut
citer entre autres plusieurs types d’infections dans la
zone auditive et/ou les voies aériennes. Les parents et les
dentistes doivent réunir les connaissances anamnestiques afin de déterminer si l’enfant présente de graves
problèmes dentaires qui doivent être traités, ou si il
existe d’autres causes médicales à l’origine de sa douleur
et de son inconfort. Les difficultés à mâcher peuvent
avoir des causes diverses, comme par exemple une pulpe
nécrosée dans une molaire temporaire ou une infection
ORL en cours de développement. Un examen approfondi
peut révéler le problème sous-jacent.
Le «feu tricolore dentaire», qui a été développé et
validé par des collègues de la clinique dentaire de
l’ACTA aux Pays-Bas, peut être un outil intéressant. Cet
outil est basé sur le comportement objectif et validé de
l’enfant. Il semblerait qu’un comportement facilement
évalué par les parents, comme le fait que l’enfant pleure
en mangeant, qu’il mette ses bonbons de côté et qu’il
serre ses mains contre ses joues après manger, soit associé à des problèmes dentaires possibles. Ce «feu tricolore» indique que les signes précoces doivent être évalués et, si nécessaire, traités par un dentiste.
Le traitement dentaire des caries
initiales et des lésions carieuses
profondes n’est pas si simple
Des travaux de recherche indiquent que de nombreuses «premières visites» chez le dentiste se terminent
par des interventions de restauration intensive ou, dans
le pire des cas, par l’extraction des molaires temporaires
cariées. L’enfant n’a pas d’expérience préalable du dentiste et, par conséquent, peut réagir négativement au
traitement initial et/ou ultérieur. Les caries qui touchent
la dentition temporaire, et plus particulièrement les
zones de contact des molaires temporaires, se développent rapidement, et l’apparition des caries proximales
est cliniquement difficile à diagnostiquer. En cas de mauvaises habitudes alimentaires et/ou de mauvaise hygiène
bucco-dentaire, on peut supposer que, quand il y a apparition des premiers signes de déminéralisation dans les
zones visibles, les zones proximales sont déjà touchées.
Etant donné que la meilleure méthode de diagnostic
des caries reste l’inspection visuelle confirmée par rayons
X, il est nécessaire de disposer de conditions optimales
pour identifier les caries, avec un soin particulier à l’examen buccal régulier. Le polissage des dents permet
d’obtenir une denture propre, prête à être inspectée. Il
est également recommandé d’évaluer par radiographie
les caries visibles qui se forment dans la cavité buccale.
Numéro 2012
90
Caries
Si la lésion est profonde, mais ne provoque aucune douleur spontanée, et si il n’existe aucune indication d’affection inter-radiculaire, une approche plus conservatrice
peut être recommandée en termes de traitement dentaire. Le coiffage pulpaire indirect peut être choisi après
nettoyage des caries manifestes.
Le fait de laisser une dentine infectée dans la zone
axiale d’une cavité profonde peut être accepté uniquement en cas de possibilité d’utiliser un bon matériau
d’obturation adhésif afin de fermer la cavité préparée.
Dans ce cas, le fait de laisser une dentine infectée semble
ne pas endommager la pulpe. Ce matériau adhésif peut
être un verre ionomère ou un compomère. Le point crucial reste l’étanchéité – par conséquent, une bonne adhérence périphérique sur les bords de la cavité est absolument essentielle. Bien entendu, les dents traitées de
cette manière doivent être surveillées avec soin, tant
clinique que radiologique.
La prévention à l’âge préscolaire
Il est généralement reconnu que l’attitude des
parents vis-à-vis de l’hygiène bucco-dentaire contribue
de manière significative à la santé dentaire de leurs
enfants. Les informations sur les affections dentaires et
leur prévention sont facilement accessibles; les dentistes,
cependant, ne savent pas au cas par cas si les connaissances des parents sont suffisantes pour garantir les soins
de restauration ou de prévention. Si les parents disposent de plusieurs sources d’information, cela peut donner
lieu à une indécision et à des conflits. Une étude publiée
récemment suggérait que les parents, même si ils disposent d’informations de qualité de la part de médecins
et/ou de dentistes, semblent les «traduire» en des habitudes dentaires moins bénéfiques. Il est recommandé
d’inciter les parents et les enfants, même précocement, à
se rendre en cabinet dentaire afin de mettre l’accent sur
la nécessité et les effets bénéfiques des mesures de prévention. Bien entendu, des informations écrites, adaptées à la situation et remises à la fin de la visite, sont
indispensables.
Les aspects nutritionnels doivent être bien entendu
expliqués, mais également, l’usage correct des fluorures!
L’utilisation de produits contenant du fluor à domicile
(dentifrices pour enfants présentant des concentrations
adaptées en fluor, soit 500 ppm pour les moins de 6 ans
et 1 200 à 1 400 ppm pour les tranches d’âge plus élevées et les patients à risques) et de fluorures à usage
professionnel peut contribuer à améliorer l’état de la
dentition (primaire) des enfants. Les intervalles de rappel
doivent être planifiés individuellement et une attention
particulière doit être apportée à la qualité de l’hygiène
bucco-dentaire. Si le niveau d’hygiène bucco-dentaire
semble diminuer, l’intervalle de rappel doit être ajusté en
conséquence.
10
Numéro 2012
Le dentiste doit se focaliser sur la triade «nutrition»,
«hygiène bucco-dentaire» et «mesures de prévention».
Etant donné que chacun de ces facteurs peut contribuer
à la prévention des caries, ceux-ci doivent être évalués
par le dentiste et, si nécessaire, pris en charge. Et non
pas une seule fois, mais de manière régulière et individuelle, selon la situation familiale de l’enfant.
Aux Pays-Bas, l’organisation Ivory Cross a récemment
publié une nouvelle recommandation à l’attention des
dentistes généralistes, qui contient ces trois points et se
concentre sur la prévention individualisée.
Le principal objectif des dentistes doit être d’évaluer
l’état de santé dentaire des bébés et des enfants en âge
préscolaire le plus tôt possible, étant donné que les premiers signes des ECC sont souvent négligés ou mal interprétés. En outre, le risque de caries doit être évalué
de manière individuelle, et les mesures de prévention
doivent comprendre des informations nutritionnelles,
des recommandations individuelles en termes de santé
bucco-dentaire, et des mesures de prophylaxie adaptées. Ces dernières comprennent l’élimination de la
plaque à domicile et l’utilisation d’un dentifrice au fluor.
Dans l’éventualité où ces mesures fondamentales s’avèreraient moins efficaces voire inefficaces, une application
de fluorure plus intensive devra alors avoir lieu. Cela peut
passer par une application professionnelle de vernis fluorés topiques à fortes concentrations en fluor, et/ou de
produits spéciaux à plus forte teneur en fluor. Les opinions divergent quant aux concentrations nécessaires en
fluor pour ces produits. On peut supposer, cependant,
que, à cet égard, le dentiste peut généralement se baser
sur les directives nationales de son association professionnelle.
La coopération entre les médecins
et les dentistes
Au sens le plus général, un enfant en âge préscolaire
a davantage de contacts avec des médecins qu’avec des
dentistes. Afin de garantir que l’augmentation du risque
de caries chez un enfant est également perçue par les
médecins, l’accent doit être davantage mis sur la reconnaissance des anomalies dentaires et/ou des problèmes
potentiels lors de la formation des médecins généralistes. A l’inverse, le programme dentaire peut également
prévoir plus de temps pour la médecine pédiatrique. Par
conséquent, les dentistes comprendront mieux les effets
dentaires potentiels des affections globales et/ou des
interventions médicales réalisées par des médecins
généralistes ou des pédiatres.
Dr Gert Stel
University Medical Center Groningen
Center for Dentristy and Oral Hygiene
Antonius Deusinglaan 1, FB 21
9713 AV Groningen · Pays-Bas
e-mail: [email protected]
PROPHYLAXIEInfos
Santé bucco-dentaire
Recommandations en termes de produits de soins
bucco-dentaires à destination des personnes âgées
dans les maisons de retraite
Dr Luc De Visschere et Prof Jacques Vanobbergen, Université de Gand, Belgique
Santé bucco-dentaire
et personnes agées
L’augmentation proportionnelle de la population
vieillissante est indubitablement l’un des évènements les
plus importants de l’évolution récente de notre société.
La qualité de vie, et en particulier la qualité de vie reliée
à la santé bucco-dentaire, d’une grande partie des personnes âgées, constitue une véritable préoccupation. Le
groupe de population constitué par les personnes âgées
se caractérise par une grande diversité. Les adultes plus
âgés représentent une combinaison complexe et l’expression des prédispositions génétiques, des modes de
vie, de la socialisation, de l’environnement, du bien-être
et de l’éducation de chacun. Cette diversité s’observe
principalement à travers l’état de santé, y compris l’état
de santé bucco-dentaire.
Par rapport aux autres tranches d’âge, l’hétérogénéité en termes de dépendance fonctionnelle est indiscutablement plus importante chez les 65 ans et plus. Les
principaux facteurs responsables de cette hétérogénéité
sont: les antécédents comportementaux de la personne,
l’effet cumulatif des facteurs de risque, l’augmentation
de la co-morbidité, et la polymédication fortement liée.
En raison de l’effet de réciprocité de la santé globale sur
la santé bucco-dentaire, il est important que ces deux
éléments restent optimaux le plus longtemps possible.
Les maladies systémiques affectent la santé bucco-dentaire, et inversement (Seymour et al. 2007; Rautemaa et
al. 2007).
De nombreux médicaments ont également un effet
négatif sur la santé bucco-dentaire, en induisant une
xérostomie, une hyposalivation, des lésions des muqueuses, et des troubles de l’hémostase (Ciancio 2004). En
outre, plusieurs aspects de la santé bucco-dentaire affectent la qualité de vie et le bien-être général (Tsakos et al.
2006; Kandelman et al. 2008; Marino et al. 2008). La
santé bucco-dentaire influence la mastication, le choix
des aliments, le poids, la parole, le goût, l’hydratation,
l’apparence, et le comportement psycho-social, et est
donc préoccupante non seulement pour les personnes
âgées elles-mêmes, mais également pour leur entourage
et les prestataires de soins (Nordenram et al. 1994;
Nitschke & Mueller 2004; Ikebe 2006; 2007).
Le principal facteur qui permet d’engendrer et de
maintenir une bonne santé bucco-dentaire passe par des
soins bucco-dentaires quotidiens, afin d’éliminer la
plaque dentaire, principalement composée de germes
PROPHYLAXIE Infos
pathogènes Gram-négatifs (Hancock & Newell 2000,
2001; Attin & Hornecker 2005). Au cours de ces dernières
décennies, l’augmentation significative des soins buccodentaires a permis d’améliorer considérablement la santé
bucco-dentaire. Bien qu’un grand nombre de patients
constate l’effet positif d’une approche plus préventive,
principalement basée sur ses propres soins, des groupes
à risques importants ont été identifiés, et pour lesquels
une approche plus ciblée est nécessaire. Outre les dentistes et les hygiénistes dentaires, les infirmières jouent
également un rôle très important dans l’entretien de la
santé bucco-dentaire des personnes âgées, et dans
la continuité des soins pour la tranche d’âge la plus
dépendante. Les infirmières s’occupent souvent de la
coordination, du soutien et de l’exécution des tâches
liées aux soins bucco-dentaires (Boyle 1992; Wardh et al.
2000; Brady et al. 2006). Ces compétences impliquent
des connaissances précises, une attitude positive et
des compétences adaptées. Un grand nombre d’études
quantitatives et qualitatives révèlent que le manque de
connaissances, l’inadéquation des attitudes et des compétences, le manque de temps, le manque de personnel
et le manque de coopération de la part des résidents
constituent des obstacles importants à la bonne santé
bucco-dentaire chez les personnes âgées placées en
institutions, et en particulier chez celles atteintes d’un
syndrome de démence. Il existe un fossé entre la volonté
des prestataires de soins d’optimiser la santé buccodentaire et l’état de la santé bucco-dentaire observé chez
les personnes âgées placées en institutions.
Afin d’éliminer ce fossé et d’optimiser les soins
bucco-dentaires, il est nécessaire d’étudier plus en détail
les aspects liés à la mauvaise hygiène dentaire et aux
soins bucco-dentaires inadaptés. Par conséquent, de
nouvelles stratégies doivent être développées afin
de promouvoir une santé bucco-dentaire optimale.
L’introduction de modes de soins innovants est largement reconnue comme un processus complexe (Tannahill
1985). La plupart des experts en amélioration de la santé
bucco-dentaire mettent l’accent sur l’importance de la
compréhension du problème, du groupe cible, de sa
composition, et des obstacles à surmonter afin de développer des stratégies de changement plus efficaces (Grol
1997; Rashidian et al. 2007; Shiffman et al. 2004).
Lorsqu’il s’agit de lancer de nouveaux modes de soins, il
est important d’étudier les facteurs déterminants qui
peuvent faciliter ou entraver le processus de mise en
oeuvre (Grol & Wensing 2006).
Numéro 2012
11
Santé bucco-dentaire
Projets AMOR et ABRIM
En Flandre (Belgique), deux projets de promotion des
soins bucco-dentaires ont été planifiés et développés: le
projet AMOR1 et le projet ABRIM2. Ces deux projets ont
été soutenus par GABA International.
Ils avaient pour but d’améliorer l’hygiène buccodentaire et d’influencer l’attitude des prestataires de
soins vis-à-vis des soins bucco-dentaires. AMOR comprenait la mise en oeuvre non-supervisée d’un guide
d’hygiène bucco-dentaire, et le projet ABRIM incluait
la mise en oeuvre supervisée d’un «protocole de soins
bucco-dentaires», basé sur les consignes développées
par l’association hollandaise des infirmières de ville (De
Visschere et al. 2010). Différents aspects des deux projets ont été évalués par des méthodes d’évaluation quantitatives des effets, et des méthodes d’évaluation qualitatives des processus (van der Putten et al. 2010;
De Visschere et al. 2009; 2010).
Dans le cadre du projet AMOR, la mise en oeuvre a
été introduite au début de la période de 5 ans prévue, et
a été soutenue par une seule visite annuelle à l’occasion
de l’évaluation des impacts. Dans le cadre du second
essai (ABRIM), la mise en oeuvre a été supervisée pendant une période d’étude de 6 mois.
L’intervention du projet AMOR a consisté en: une session de présentation (1 h) avec le directeur de l’institution, qui a expliqué les motifs et la procédure de l’intervention, la nomination des infirmières agréées en tant
qu’organisatrices des soins bucco-dentaires, et chargées
de la procédure de mise en oeuvre dans leur secteur; une
session de formation théorique et pratique d’une demijournée destinée à l’ensemble des coordinateurs de soins
nommés, qui ont du à leur tour former les autres infirmières, les infirmières auxiliaires et les assistantes (principe de formation des formateurs); une évaluation orale
de l’ensemble des nouveaux arrivants, réalisée par les
coordinateurs de soins qualifiés à l’aide de nouveaux formulaires d’évaluation; un «plan d’hygiène bucco-dentaire
personnalisé», préparé par les coordinateurs de soins
qualifiés, en prenant en compte les besoins en soins
bucco-dentaires des résidents indiqués sur l’évaluation
orale, et le niveau de dépendance des résidents. Le protocole d’hygiène orale décrivait clairement les instructions de brossage des dents, des tissus mous et des prothèses dentaires, et l’intégration du «plan d’hygiène
bucco-dentaire personnalisé» aux soins quotidiens, qui
doit être réalisé par l’ensemble des prestataires de soins
impliqués dans ces soins quotidiens.
Dans le cadre du projet ABRIM, une équipe de soins
bucco-dentaires a été créée, composée d’un chef de projet au niveau de l’institution, d’au moins 2 organisateurs
de soins (infirmières ou infirmières auxiliaires) par secteur,
d’un médecin, et éventuellement d’un ergothérapeute
1
Les soins buccaux chez les personnes âgées en centre
d’hébergement et de soins (maisons de soins)
2
Mise en oeuvre supervisée d’un «Guide des soins
bucco-dentaires»
12
Numéro 2012
Fig. 1: Investigateur au cours d’une session de formation
d’une équipe de soins bucco-dentaires (projet ABRIM)
ou d’un orthophoniste. La mise en oeuvre du guide a été
supervisée par un investigateur (premier auteur) assisté
d’un hygiéniste dentaire, et a compris la même intervention que celle utilisée dans le cadre du projet AMOR. Du
matériel et des produits de soins bucco-dentaires ont
également été mis à la disposition de chaque résidant
gratuitement, et des visites de suivi ont été organisées
par l’investigateur toutes les 6 semaines, avec le chef de
projet et les organisateurs des soins, afin de suivre le processus de mise en oeuvre et d’étudier les problèmes.
Au bout de 5 ans (projet AMOR), les niveaux de
plaque dentaire (> 1,5) et les niveaux de plaque sur les
prothèses dentaires (> 2) ont révélé qu’un grand nombre
de personnes âgées frêles étaient incapables de se brosser correctement les dents ou les prothèses dentaires, et
ne recevaient aucune aide. Néanmoins, les raisons pour
lesquelles la plupart des infirmières et des infirmières
auxiliaires n’ont pas réussi à prodiguer les soins buccodentaires chez les résidents restent sans explication dans
le cadre de cette approche quantitative. Des facteurs
confondants importants ont été découverts, liés à l’intervention (variable indépendante) et aux niveaux d’hygiène
orale (résultat). La capacité du centre d’hébergement et
de soins et la présence de dentifrice ont été corrélées
avec les niveaux de plaque sur les prothèses dentaires,
tandis que le degré de dépendance des résidents et la
présence de bains de bouches ont été liés aux niveaux de
plaque dentaire. Il semble que, tant que le résident était
capable de se brosser correctement les dents, le problème de l’hygiène orale était minime. Mais, dès que le
résidents est devenu plus vulnérable et dépendant des
soins, l’hygiène orale des dents naturelles a rapidement
décliné, et a du être prise en charge par les prestataires
de soins. En fait, les prestataires de soins étaient généralement capables de nettoyer les prothèses dentaires des
résidents, mais pas leurs dents naturelles, comme cela a
été mentionné de manière anecdotique au cours du
feedback.
Le protocole d’hygiène orale a été mis en oeuvre
dans des conditions réelles au sein d’un centre d’hébergement et de soins. Par conséquent, certains facteurs
confondants ont été difficiles à contrôler, comme la rotation importante du personnel et la difficulté à contrôler le
respect du protocole au sein du centre de soins. Un effet
PROPHYLAXIEInfos
Santé bucco-dentaire
de nouveauté et effet Hawthorne ont été observés, selon
lesquels le nouveau protocole de soins a entraîné un
avantage initial qui s’est étiolé au fil du temps. A l’inverse, dans le cadre de l’effet Hawthorne, le groupe
d’intervention et le groupe de contrôle ont tiré profit,
directement ou indirectement, de leur participation à
l’étude. Les niveaux de plaque dentaire sur les dents et
les prothèses dentaires de référence observés dans le
cadre du projet ABRIM ont été moins élevés par rapport
à ceux du projet AMOR, ce qui témoigne d’une certaine
évolution. Néanmoins, le niveau de plaque dentaire sur
prothèse dentaire a été amélioré grâce à la mise en
oeuvre supervisée, malgré un avantage inférieur à ce qui
était attendu. L’intervention a été plus satisfaisante sur la
plaque des prothèses dentaires, puis pour la plaque sur
la langue et les dents.
Une grande différence a été observée entre les différents centres d’hébergement et de soins pour tous les
niveaux de plaque. L’institution a pu justifier la quasi
majorité des différences de niveaux d’hygiène au cours
de la période expérimentale. En outre, l’effet Hawthorne
et/ou l’effet de nouveauté peut avoir eu un impact positif
sur les niveaux d’hygiène, en particulier au début. Cela a
été expliqué par la tendance à mieux se comporter lors
de la participation à une expérience, entraînant une amélioration à court terme du résultat escompté. L’analyse
des différences entre les groupes d’intervention et de
contrôle a en outre conduit à l’hypothèse que les caractéristiques individuelles des institutions avaient influencé
les résultats. La complexité de ces caractéristiques a
empêché l’analyse quantitative de leur impact sur les différents niveaux de plaque, d’où l’approche qualitative
menée dans le cadre d’autres recherches.
Fig. 2: Investigateur proposant une formation aux soins
bucco-dentaires sur site (brossage de la langue)
Conclusions
La mise en oeuvre d’un protocole d’hygiène buccodentaire n’a pas répondu à toutes les attentes. Les
niveaux de plaque observés lors du suivi sont restés insatisfaisants dans le cadre des deux études, ce qui démontre la difficulté à obtenir et à maintenir des niveaux d’hygiène bucco-dentaire adéquats chez les personnes âgées
placées en institution spécialisée. Les facteurs d’influence
au niveau des individus et des institutions ont été étudiés
afin de trouver des explications logiques à ces résultats
décevants. Des analyses de données quantitatives ont
clairement démontré que tous les facteurs d’influence
PROPHYLAXIE Infos
individuels étaient surpassés par l’institution, en particulier dans le cadre de l’étude ABRIM.
Ce phénomène doit être pris en compte lors du développement des stratégies de mise en oeuvre futures.
L’analyse de données qualitatives a démontré que le protocole d’hygiène bucco-dentaire lui-même avait été bien
accepté par les infirmières. Cela indique que ce protocole peut être diffusé plus largement, en prenant en
compte certaines adaptations nécessaires. Des preuves
supplémentaires doivent être recueillies à l’aide d’autres
recherches de façon à étayer les conseils en matière
d’hygiène bucco-dentaire et à étendre leur usage clinique. A l’inverse, il semble que certains éléments de la
procédure de mise en oeuvre aient été appliqués de
manière insuffisante et inappropriée. Deux inconvénients
majeurs ont été observés : l’insuffisance de la formation
des infirmières et des infirmières auxiliaires en interne, et
la réticence à utiliser l’évaluation périodique des effets en
interne, en décrivant les procédures.
Recommandations
En prenant en compte les résultats des projets AMOR
et ABRIM, certaines recommandations peuvent être formulées afin de soutenir les centres d’hébergement et de
soins qui souhaitent se lancer dans la mise en oeuvre
d’un protocole d’hygiène bucco-dentaire.
Avant de lancer un tel protocole, les attitudes et les
perceptions des infirmières en terme de santé buccodentaire doivent être évaluées dans chaque service.
Cette évaluation peut passer par des entretiens en face à
face à l’aide de questions ouvertes basées sur le modèle
de classification (Fig. 3) afin de déceler les obstacles et
les facteurs favorables. Par conséquent, les résultats
obtenus doivent orienter les stratégies de mise en oeuvre, y compris le contenu et la fréquence des sessions de
formation théorique et pratique au niveau de l’institution
et de chaque service. Les sessions de formation doivent
anticiper de manière déterminée les attitudes et les perceptions du personnel impliqué dans les soins quotidiens. La procédure de mise en oeuvre doit être supervisée, orientée de manière active, et suivie en continu
par un professionnel des soins bucco-dentaires. Afin de
respecter cette recommandation, la participation d’un
dentiste, d’un hygiéniste dentaire ou de tout autre auxiliaire est recommandée.
Des évaluations internes de l’état de santé buccodentaire des résidents et des processus en cours doivent
être effectuées de façon périodique afin de suivre l’évolution de la mise en oeuvre. Un suivi et un feedback
externes supplémentaires par un professionnel des soins
bucco-dentaires sont également recommandés.
Afin de répondre aux besoins des résidents en
matière de soins bucco-dentaires, de nouvelles initiatives
faisant appel à du matériel dentaire mobile doivent être
mises en place afin d’offrir les soins nécessaires, et de
soutenir les procédures de mise en oeuvre et les prestataires de soins bucco-dentaires dans les centres
d’hébergement et de soins.
Numéro 2012
13
Santé bucco-dentaire
Organisation
Infirmières
Résidents
Charge de travail
Charge de travail
importante
Prise de conscience
en matière de santé
bucco-dentaire
Importance
Degré
de dépendance
Mobilité
Basé sur l’expérience
personelle*
Palliatif
Manque de temps
(week-end)
Moment de soins
bucco-dentaires
Prise de conscience
Priorité
Communication
Poste à temps partiel*
Vos commentaires
Incapacité
Cognition
Lien social
Connaissances
et compétences
Communication
Précision
Observance
Manque de volonté
Humeur
Indifférence
Conservation des
anciennes habitudes
Évaluation des effets
en interne
Education
Communication
Attitude en
matière de santé
bucco-dentaire
Responsabilité
Autodétermination*
Volonté
Attitude vis-à-vis
de la santé
bucco-dentaire
Négative / positive
Scepticisme
Résignation
Conscience
Empathie
Actions
Brossage des dents/
des
prothèses dentaires*
Faisabilité
Peur
Absence
de coopération
Absence de soins
bucco-dentaires
délivrés*
Gratitude
Formation
Mise en œuvre
Implication de l’étude
Santé
bucco-dentaire
Problèmes
Notables*
Niveau de gravité
des conséquences
Dégoût
Perte de mémoire
Paresse
Négligence
Tendance à
l’acquiescement*
Soins
bucco-dentaires
en fonction
des demandes
Repos sur les autres
Résignation
Esprit d’équipe
Manque de réflexion
* Nouveaux obstacles révélés par le projet ABRIM; l’italique
indique une incohérence entre les personnes interrogées.
Fig. 3: Modèle de classification des obstacles et des facteurs
favorables à l’intégration des soins bucco-dentaires aux soins
quotidiens
14
Numéro 2012
Dr Luc De Visschere
Université de Gand · Service de Dentisterie communautaire
et de Santé dentaire publique
De Pintelaan 185 · 9000 Gand · Belgique
e-mail: [email protected]
PROPHYLAXIEInfos
Erosion
Coup de projecteur sur une alimentation saine
(pour les dents): les aliments acides!
Dr Gerta van Oost, Dormagen, Allemagne
Une alimentation saine pour des
dents saines
Une alimentation équilibrée contenant des céréales,
des légumes (crus ou cuits), des fruits frais, des produits
laitiers, du poisson, de la viande et des œufs, des noix ou
des graines, des huiles et des boissons, et surtout de
l’eau, est indispensable au maintien d’une bonne condition physique. Les nutriments, comme les hydrates de
carbone et les fibres alimentaires, les acides gras, les
minéraux, les vitamines et les matières végétales secondaires que l’on trouve dans les aliments, sont indispensables à la croissance physique et une bonne santé.
L’eau et les boissons représentent la moitié de
l’apport total quotidien et même plus les jours de chaleur
en été où les besoins hydriques sont élevés. Il doit être
compris entre 1500 et 2000 ml par jour.
Parmi les aliments d’origine végétale, les produits
complets, les légumes et les fruits jouent un rôle préventif déterminant. Le lait, en particulier les produits laitiers
fermentés comme le yaourt, le képhyr et le lait caillé sont
parmi les aliments d’origine animale les plus importants
pour la santé. La viande, le poisson et les œufs ne représentent que 7 % environ de la consommation journalière.
Chez un adulte, l’apport journalier en aliments recommandés peut, par exemple, être constitué des éléments
suivants: 150 à 300 g environ de pain / produits à base
de céréales, 150 à 250 g de pommes de terre / riz /pâtes,
650 à 800 g de légumes et de fruits, 250 à 300 g de produits laitiers, 100 à 150 g de viande /poisson /œufs, 25 à
45 g d’huile ou de matière grasse, soit au total 1500 à
2000 g, soit la quantité de liquide recommandée.
Nous consommons les aliments ci-dessus généralement en trois principaux repas et deux collations. Le
nombre de repas dépend de l’âge, du poids corporel, de
la profession, des loisirs ou des maladies. Chez un adulte
en bonne santé, il est conseillé de faire 3 repas par jour,
ce qui est idéal également pour la prophylaxie dentaire.
Les enfants ont besoin de deux collations supplémentaires. Un verre d’eau doit être consommé à chaque
repas. Les repas principaux et les collations doivent comprendre en priorité un aliment d’origine végétale. Un
accompagnement rassasiant, comme le pain, les pommes de terre, le riz ou les pâtes, doit figurer à chaque
repas principal. Parmi les collations recommandées, on
peut citer les yaourts (aux fruits ou natures), les pommes,
les noix ou le pain accompagné de fromage. Les aliments
sucrés doivent être consommés de façon exceptionnelle.
En revanche, tout ce qui est bon pour l’organisme
n’est pas forcément bon pour les dents, en particulier en
cas de mauvaises habitudes alimentaires ou d’erreurs
nutritionnelles. Il convient d’appliquer quelques «règles
de comportement» en matière de prophylaxie buccodentaire.
Le facteur de risque acide
Une portion quotidienne de fruits et de légumes est
indissociable d’un style de vie moderne, performant et
actif. Une alimentation légère, riche en vitamines et en
Aliments et
boissons acides
Fruit à noyau
et boissons
correspondantes
Agrumes et boissons
correspondantes
Exemples
Acides
aromatisants
correspondants
Potentiel
érosif
pomme, poire
acide malique
oui
orange,
pamplemousse
acide citrique
oui
Légumes et jus
de légumes
tomate
carotte
rhubarbe
acide citrique
acide malique
acide citrique,
malique, oxalique
oui
oui
oui
oui
Légumes marinés
cornichons
betterave
acide acétique
oui
Légumes fermentés
dans l’acide lactique
chou saumuré
acide lactique
oui
Vinaigre
vinaigre de vin
acide acétique
oui
Produits laitiers
fermentés
yaourt, képhir, lait
caillé
acide lactique
non
(teneur
élevée en
calcium)
Sucreries/Confiseries
bonbons acidulés
bonbons gélifiés
boules de gomme
acide citrique
vinaigre de vin
oui
oui
acide citrique
acide phosphorique
oui
oui
acide citrique
oui
acide citrique
oui
acide acétique
(malique)
acide citrique/
malique
acide lactique/
acétique
oui
acide lactique
oui
acide acétique
oui
acide carbonique
non (faible
capacité
tampon)
Thé glacé
Boisson au cola
Limonades
Concentré de limonade
Boissons énergétiques
et bien-être
Boissons isotoniques
pour sportifs
Thés aux fruits
Thé kombucha
Boissons aux céréales
fermentées, kwas
Boissons acides
aux fruits
Eau minérale
oui
oui
Tableau 1: Aliments acides et acides correspondants
PROPHYLAXIE Infos
Numéro 2012
15
Erosion
nutriments contient des fruits et des salades. Il faut éviter
de consommer la salade en utilisant systématiquement
des sauces toutes prêtes et du vinaigre, qui ne contiennent pas d’huile, élément indispensable d’un point de
vue nutritionnel et physiologique, et qui peuvent être
préjudiciables à la santé dentaire. Les agrumes, les assaisonnements prêts à l’emploi contenant du vinaigre, les
jus et les boissons rafraîchissantes, les boissons allégées
(même l’eau minérale aromatisée basses calories) contiennent des acides (voir tableau 1). Le citron et l’acide
phosphorique, en particulier, présentent un risque élevé
pour les surfaces dentaires (voir tableau 2).
Valeurs de pH dans les boissons
Les collations ou les confiseries acides, consommées
en dehors des repas, attaquent l’émail dentaire et augmentent le risque de caries et d’érosion.
Facteur de risque: consommation
fréquente d’aliments et de boissons
Outre le mauvais choix des aliments, les habitudes de
consommation des aliments et des boissons et un comportement alimentaire perturbé jouent un rôle majeur sur
les lésions dentaires.
W Des collations fréquentes ne permettent pas aux
dents de récupérer.
W Les personnes qui ont des horaires décalés essaient
de rester éveillées en consommant des boissons au
cola.
Jus de fruits (par ex. pomme, abricot,
poire, pamplemousse, cerise, orange, raisin)
Jus de citron
3,0 à 3,7
2,7 à 3,0
W Les jeunes ont toujours à portée de main des sodas.
Jus de légumes (carotte, tomate)
4,0 à 4,2
Boissons gazeuses
2,5 à 3,5
W On trouve des encas, des barres énergétiques et des
sodas partout dans des machines et dans les bureaux.
Sodas (par ex. boissons au cola, limonades,
également les boissons «allégées»)
2,6 à 3,0
Boissons isotoniques (pour sportifs)
3,0 à 3,7
Journal d’un adolescent de 17 ans
Eaux aromatisées
(par ex., eau minérale citronnée)
environ 3,3
07h00
Thé glacé
3,8 à 3,9
Eau minérale gazeuse
environ 5,5
07h45
Début des cours
Eau potable, selon la législation allemande
sur l’eau potable
environ 7,0
6,5 à 9,5
10h00
Petit-déjeuner
Lait frais
6,6 à 6,8
1 Bounty
1 yaourt aux fruits
1 canette de limonade
1 cigarette
Thé noir
6,5 à 7,0
12h30
Déjeuner
Café
5,2 à 5,6
1 portion de frites
1 grosse saucisse grillée
Ketchup et mayonnaise
1 canette de coca
1 canette de limonade
1 cigarette
14h30
Pause café
(et entre temps)
2 cigarettes
2 canettes de coca allégé
16h00
Fin des cours
W Les confiseries permettent de remplacer un vrai repas
au bureau.
Lever
07h15
1 cigarette
1 canette de coca
Tableau 2: valeurs de pH de boissons courantes
Le potentiel érosif des aliments dépend non seulement des acides qu’ils contiennent, mais également
du pH (plus le pH est bas, plus le risque d’érosion est
élevé), la capacité tampon (plus la capacité tampon est
élevée, plus le risque d’érosion est élevé) et la concentration en ions calcium/phosphate (plus la concentration est élevée, plus le risque d’érosion est faible).
Vous trouverez des détails précis sur chaque aliment
et médicament dans le document suivant: Lussi et al.:
analysis of the erosive effect of different dietary substances and medications Br J Nutr (2001).
16
Numéro 2012
Brossage des dents
16h15
2 sandwiches
2 verres de jus de pomme
19h00
1 grande pizza
2 verres de jus d’orange
1 verre de coca
3 cigarettes
23h00
Bain, brossage des dents, coucher
PROPHYLAXIEInfos
Erosion
Conseil d’un expert en diététique
Quelle alternative proposer?
Quels aliments sont sains, plaisant et sans
inconvénient pour les dents?
Repas
Le slogan du Plan National Nutrionnel Santé (PNNS)
français et de la société allemande de nutrition «5 fruits
et légumes par jour» & «5 par jour» pourrait être un
objectif pour chacun.
5 portions de fruits et légumes par jour en faisant
attention si pris avec des aliments acides, réparties en
trois repas ou prises comme collation (fruits frais par
exemple).
Boissons
Règles de base à appliquer: l’eau potable est l’élément le plus important et le plus sain d’un point de vue
santé générale et santé dentaire. Le café et le thé (noir ou
vert) consommés en modération contribuent de façon
similaire à la satisfaction des besoins hydriques. En termes de prophylaxie dentaire, les infusions sont inoffensives mais certains thés aux fruits rouges par exemple
sont extrêmement acides. Les boissons pour sportifs
destinées aux athlètes sont à réserver aux sportifs en
compétition.
Si les boissons jouent le rôle principal dans la perte
de tissu dentaire par acide, un simple changement des
habitudes de consommation liquide est généralement
suffisant. A cause de leur pH acide, vous ne devez pas
consommer les jus et sodas, par petites gorgées répétées, réparties dans la journée, aussi rafraichissantes
semblent-elles, tout particulièrement quand elles contiennent des sucres rajoutés. Cette consommation représente pour vos dents une attaque acide et un risque pour
la carie ou l’érosion à chaque prise. Les jus de fruits du
commerce peuvent être jusqu’à 5 à 8 fois plus érosifs que
le fruit original correspondant.
C’est mieux de combiner la consommation d’aliment
acide avec un aliment protecteur ou neutralisant comme
les produits laitiers par exemple un yaourt ou un morceau
de fromage pour terminer le repas.
Préférer des aliments qui
nécessitent une mastication active
Tout ce qui se mâche et stimule la production salivaire est avantageux. Une pomme consommée en collation ne pose aucun problème pour les dents et des
légumes crus comme les carottes sont également particulièrement adaptées. Les noix ou le fromage sont du
même registre. Choisir des aliments croquants nécessitant une mastication active sont à intégrer dans votre
plan diététique au moment des repas mais aussi au
moment des collations.
Dr Gerta van Oost
Ernährungsmedizinische Kommunikation und Beratung
Meerbuscher Strasse 45a · 41540 Dormagen · Allemagne
Lien entre abrasion /brossage des dents et érosion
Exigences pour un dentifrice adapté
Judith von Hinckeldey, Alexandra Tolle, Dr Nadine Schlüter, Prof Joachim Klimek,
Prof Carolina Ganss, Université Justus Liebig de Giessen, Allemagne
Les érosions dentaires sont formées par l’exposition
directe des surfaces dentaires aux acides, sans implication de micro-organismes (Fig. 1).
Une exposition chronique aux acides provoque une
perte minérale, qui évolue de l’extérieur de la surface
vers l’intérieur. Lorsqu’il existe des caries initiales, la zone
de la perte minérale la plus importante se trouve au-dessous d’une couche superficielle pseudo-intacte. En principe, la reminéralisation de ce type de lésion est possible
grâce à ces conditions structurelles. En fait, la précipitation minérale sur la surface dentaire qui a été modifiée
par l’érosion est, à l’inverse, inconcevable; les processus
de reminéralisation en eux-mêmes, n’ont pas lieu. Seule
une couche partiellement déminéralisée subsiste en surface (Fig. 2), avec une micro-dureté réduite (Lussi et al.
1995). Par conséquent, le tissu dentaire dur érodé est
moins résistant à la perte de substance mécanique (abrasion) que les tissus dentaires durs qui ont été modifiés
sans érosion.
Fig. 1: Apparence clinique des érosions. Les lésions sont plus
larges que profondes, concaves et plates. L’émail intact le
long de la gencive est caractéristique.
PROPHYLAXIE Infos
Numéro 2012
17
Erosion
quent une précipitation de dépôts similaires au CaF2 sur
la surface des dents (Nelson et al. 1983; Øgaard 2001).
Ces dépôts peuvent se dissoudre relativement facilement
dans des acides dans des conditions érosives et n’offrent
qu’une protection limitée contre les effets érosifs des
acides (Ganss et al. 2007; 2008). Par conséquent, l’une
des principales exigences pour un dentifrice anti-érosion
efficace serait de créer un revêtement sur la surface des
dents, qui serait plus stable que les précipités similaires
au CaF2 dans des conditions érosives et abrasives. Cela
pourrait être rendu possible par l’utilisation d’autres
dépôts minéraux plus résistants aux acides, mais également, par exemple, en ayant recours à des biopolymères.
Fig. 2: Image histologique d’un émail érodé. Les changements
ultrastructurels sont comparables aux modèles de mordançages classiques et sont associés à une diminution de la dureté
superficielle (Meurman & Frank 1991).
Le traitement de base des caries à l’aide de fluorures
est administré par le biais de dentifrices fluorés. La
fluoruration par des dentifrices est considérée comme
prophylaxie adéquate de l’érosion dans la plupart des
cas, lorsque l’impact acide quotidien est modéré.
Néanmoins, malgré ce traitement de base, des érosions
cliniquement manifestes apparaissent, par exemple, chez
les individus davantage exposés aux acides. On peut
donc se demander quelles doivent être les critères des
dentifrices destinés à ce groupe d’individus.
Entre autres choses, les propriétés des dentifrices se
différencient par leur abrasivité et par leurs ingrédients.
La valeur REA indique l’abrasivité d’un dentifrice sur
l’émail sain; la valeur RDA correspond à une mesure de
l’abrasivité d’un dentifrice sur une dentine saine.
Cependant, ces valeurs ne se corrèlent pas et leur rapport avec l’abrasivité sur des tissus dentaires durs modifiés par érosion, en laboratoire ou dans des conditions
cliniques, n’est pas clair.
Une expérience menée en laboratoire a démontré
que la perte de substance par érosion/abrasion au sein
de l’émail, due à l’ajout d’abrasifs dans les dentifrices,
était certainement accrue par principe. Cependant
aucune différence évidente entre des dentifrices à
valeurs REA moyennes et élevées (Wiegand et al. 2008)
et des dentifrices sans fluor présentant une abrasivité différente (Hara et al. 2009) n’a été observée. Globalement,
la dentine présente une micro-dureté inférieure à celle
de l’émail, et est donc par nature plus sensible à l’abrasion. Ainsi, dans le cadre de diverses études, la dentine a
également révélé une corrélation entre l’abrasivité des
dentifrices étudiés et le niveau de perte de substance par
érosion/abrasion (Hooper et al. 2003; Wiegand et al.
2009). Par conséquent, les patients qui présentent une
érosion manifeste et une dentine mise à nu doivent être
sensibilisés aux dangers de l’utilisation d’un dentifrice
hautement abrasif.
En-dehors des abrasifs, les dentifrices contiennent
différents ingrédients qui peuvent présenter divers effets.
Les dentifrices classiques qui contiennent du fluor provo-
18
Numéro 2012
Les dépôts minéraux riches en étain sous la forme de
composés complexes de phosphate d’étain peuvent être
détectés à la surface des dents après l’application de
produits bucco-dentaires qui contiennent de l’étain
(Ganss et al. 2008; Schlüter et al. 2009). Ceux-ci sont
beaucoup moins solubles dans les acides que les précipités similaires au CaF2 (Babcock et al. 1978). En outre,
une exposition répétée aux acides due aux processus
complexes de déminéralisation et de re-précipitation
provoque l’incorporation de composants contenant de
l’étain difficilement solubles dans les couches supérieures de la substance dure des dents (Schlüter et al.
2009). Les solutions dentaires qui contiennent de l’étain
et du fluor se sont donc avérées avoir un effet supérieur
à celui des fluorures classiques, en laboratoire comme
dans des conditions bucco-dentaires réelles. De la même
façon une meilleure efficacité anti-érosion d’un produit
test contenant du fluorure d’étain a également été
démontrée pour des dentifrices par rapport à un dentifrice fluoré classique (Hooper et al. 2007; Young et al.
2006).
Certains dentifrices contiennent des formes nanocristallines d’hydroxyapatite. Celles-ci sont destinées à provoquer des dépôts et des processus de reminéralisation
sur la surface érodée des dents, et à réparer le tissu dentaire dur. Les dépôts d’hydroxyapatite, cependant, sont
reconnus comme très facilement solubles dans des
conditions acides. En outre, il n’est aucunement indiqué
que les formes nanocristallines présentent des propriétés
différentes à cet égard. C’est pourquoi un effet protectif
contre l’érosion est improbable avec les dentifrices qui
contiennent ce type d’agent (Klimek et al. 2010).
Le potentiel érosif des acides peut être réduit en
ajoutant des biopolymères (Barbour et al. 2005; Beyer et
al. 2010). Par conséquent, l’utilisation de biopolymères
dans les dentifrices peut également constituer une
option afin d’accroître l’efficacité de la protection contre
l’érosion. Des expériences initiales ont démontré qu’un
film protecteur pouvait être formé à la surface des dents
et que, par conséquent, la déminéralisation érosive
(Barbour et al. 2005) et la réduction de la micro-dureté
étaient atténuées (Beyer et al. 2010).
Récemment, différents dentifrices ont été mis sur le
marché en étant identifiés par leurs fabricants comme
étant particulièrement efficaces contre l’érosion/l’abrasion grâce à des ingrédients spéciaux ou une meilleure
biodisponibilité du fluor. L’efficacité de certains de ces
PROPHYLAXIEInfos
Erosion
dentifrices, dont certains ne contiennent pas de fluor, a
été comparée avec celle de dentifrices classiques qui
contiennent du NaF dans le cadre d’une expérience en
laboratoire. Il a été démontré que, en se brossant les
dents avec les dentifrices qui contiennent du NaF, la
perte de substance sur la surface érodée des dents
n’augmentait pas. Les dentifrices spéciaux qui contiennent du fluor, ne se sont pas avérés supérieurs aux dentifrices fluorés classiques. En revanche, les produits sans
fluor qui contiennent de l’hydroxyapatite nanocristalline
ont présenté une perte de substance plus importante.
Des produits qui contiennent de l’étain et du fluor ont
également été étudiés dans le cadre de cette expérience. Par rapport aux dentifrices qui contiennent du
fluor, seuls quelques-uns de ces produits se sont avérés
plus efficaces (Neutard et al. 2010; von Hinkeldey et al.
2010).
Par conséquent, les dentifrices à effet spécial antiérosion peuvent être utilisés par les personnes qui
consomment souvent des boissons ou des aliments éro-
sifs, et par celles qui présentent déjà une érosion modérée, essentiellement en guise de mesure de prévention.
Globalement, cependant, il est évident que les dentifrices actuellement présents sur le marché et qui revendiquent un effet prophylactique contre l’érosion ne sont
pas supérieurs aux dentifrices classiques. Par conséquent, un produit qui allierait les effets protecteurs des
dentifrices fluorés à ceux, par exemple, de l’étain, qui est
actuellement le meilleur ingrédient anti-érosion, et un
biopolymère, par conséquent, présenterait un meilleur
effet prophylactique contre l’érosion qui pourrait être
prometteur.
Judith von Hinckeldey
Poliklinik für Zahnerhaltung und Präventive Zahnheilkunde
des Medizinischen Zentrums für Zahn-, Mund- und
Kieferheilkunde
Justus-Liebig-Universität
Schlangenzahl 14 · 35392 Giessen · Allemagne
Nouvelle approche de l’érosion dentaire
Étude: la protection contre l’érosion du
dentifrice contenant la technologie ChitoActiveTM
Les premiers stades de l’érosion dentaire sont difficiles à percevoir par les patients et à diagnostiquer, une
anamnèse dentaire et un diagnostic complets sont donc
nécessaires.
Un pourcentage croissant de la population est exposé
aux risques de l’érosion dentaire. Cette augmentation est
due en partie à des facteurs extrinsèques et à des facteurs intrinsèques. Parmi les facteurs extrinsèques, on
peut citer la consommation d’aliments, de boissons et de
confiseries acides. Certains médicaments et compléments diététiques peuvent également contenir des
acides érosifs. Par ailleurs, les effets mécaniques, comme
le brossage dentaire, peuvent intensifier la perte d’émail
dentaire. Parmi les facteurs intrinsèques, on peut citer
l’acide gastrique, qui atteint la cavité buccale en cas de
reflux et de vomissements chroniques. De plus, une diminution de la salivation peut favoriser le développement
de l’érosion dentaire.
Attaques acides récurrentes
Les attaques acides récurrentes peuvent ramollir,
voire dissoudre, l’émail dentaire. En résulte une perte
d’émail dentaire et, à un stade avancé, de dentine. Cette
lésion est irréversible. Des produits spéciaux peuvent
permettre d’atténuer le risque de perte d’émail dentaire.
GABA a mis au point un dentifrice qui forme une couche
protectrice à base d’étain sur les surfaces dentaires. Le
nouveau dentifrice elmex ® PROTECTION EROSION repose sur la technologie exclusive ChitoActiveTM. Outre le
chlorure d’étain et le fluorure d’amines, le dentifrice
contient également le biopolymère Chitosan. Lors des
attaques acides récurrentes il se produit en bouche des
PROPHYLAXIE Infos
composés d’étain presque insolubles qui se déposent sur
l’émail dentaire ramolli. L’émail devient alors plus résistant aux attaques acides érosives ultérieures. En outre, le
dentifrice offre également une protection renforcée
contre la perte d’émail dentaire ramolli lors du brossage.
Le nouveau dentifrice peut être utilisé tous les jours idéalement avec la solution dentaire elmex ® PROTECTION
EROSION.
Une étude in situ confirme l’effet
protecteur
Une étude clinique in situ (randomisée, contrôlée, en
double aveugle) a confirmé l’effet du dentifrice. 27 sujets
ont participé à cette étude en groupes croisés. Les sujets
ont porté des échantillons d’émail dentaire dans la cavité
buccale pendant une période de sept jours; les volontaires ont été soumis à six attaques acides par jour (hors
cavité buccale) et traités (dans la cavité buccale) avec l’un
des trois dentifrices testés deux fois par jour. Résultat:
l’utilisation du nouveau produit donne lieu à une réduction de 47 % de la perte d’émail dentaire par rapport
à l’utilisation d’un dentifrice contenant du fluorure de
sodium.
Numéro 2012
19
Évènements
Le plus grand évènement du secteur
de la parodontologie pulvérise tous les records!
Près de 8000 participants présents à
Vienne – Focus sur la péri-implantite
Un succès grandissant et inégalé pour EuroPerio.
Lorsque le premier EuroPerio s’est tenu en 1994, il ne
s’agissait que d’une simple réunion de quelques experts
à Paris. Depuis, ce congrès est devenu le plus gros
évènement du secteur en Europe et bien au-delà de ses
frontières.
Pour reprendre le discours de clôture du Président
du congrès, le Professeur Gernot Wimmer de Vienne/
Graz à la fin de l’évènement, ce sont près de 8000 participants issus de 90 pays qui sont venus assister à tout
un panel de présentations scientifiques, de symposiums
et de débats.
De g.a.d. Prof Sanz, Prof Mariotti, Prof Jepsen, Prof Renvert
Même si les organisateurs ont mis l’accent sur la parodontologie, les débats menés sur la péri-implantite ont
suscité un vif intérêt pendant toute la durée de l’évènement. Le Président du congrès, le Professeur Gernot
Wimmer, a insisté sur le fait que les organisateurs
s’étaient fixés comme priorité de choisir les bons sujets.
C’est pourquoi les problèmes de parodontologie ont été
beaucoup plus mis en avant que l’implantologie, contrairement à ce que de nombreuses personnes auraient pu
penser.
Le symposium présidé par le Professeur Søren Jepsen
de Bonn était sur le thème suivant: «Les 3 choses que
chaque dentiste doit savoir au sujet des affections liées
aux péri-implantites». Dans le cadre de sa présentation,
Mario Sanz de l’Université de Madrid a examiné les facteurs de risque qui peuvent être associés aux périimplantites. Selon lui, l’inflammation est principalement
de nature infectieuse, même si des causes locales et les
causes liées au patient, peuvent aussi jouer un rôle.
Pour le Professeur Angelo Mariotti de l’Université de
l’Ohio la prévention est également très importante, et a
donc figuré parmi les thèmes principaux. Pour les périimplantites dues à une inflammation d’origine bactérienne impliquant une perte osseuse – contrairement à
une inflammation parodontale – aucune solution capable
de stopper cette résorption osseuse n’a été trouvée à ce
jour. Il est donc établi que toute mesure de prévention
est préférable à un traitement. C’est la raison pour
laquelle le nettoyage approfondi à intervalles définis joue
un rôle essentiel.
Le Professeur Stefan Renvert de l’Université de
Kristianstad en Suède a conclu en présentant quelques
propositions de traitement des péri-implantites. Selon
lui, la protection contre les infections et la réinfection est
un élément essentiel du traitement, afin d’obtenir des
résultats satisfaisants. Dans le cadre de sa contribution à
la partie du programme concernant les limitations des
méthodes de traitement actuelles, il a présenté quelques
mesures de prévention, comme l’élimination régulière du
biofilm, en tant que point de départ essentiel des étapes
de traitement ultérieures. Selon lui, seule cette mesure
peut engendrer les résultats escomptés. A l’inverse,
selon lui, le traitement adjuvant à la chlorhexidine
n’apporte aucun bénéfice, pas plus que l’administration
non-spécifique d’un antibiotique. Cependant, cela n’est
vrai que dans une certaine mesure, selon Renvert. Dans
les cas les plus avancés, l’approche non chirurgicale s’est
avérée inefficace. C’est là que la chirurgie doit être considérée comme une mesure graduée. Selon lui, le traitement au laser YAG à l’erbium permet également d’obtenir de bons résultats. Il a notamment été mis en avant
que, après une exposition des zones enflammées, il était
courant de découvrir que la cémentite était à l’origine
de la péri-implantite. Après une chirurgie, le Professeur
recommande un traitement à l’azithromycine pendant
4 jours, et à la chlorhexidine pendant une durée pouvant
aller jusqu’à 6 semaines!
La dernière présentation menée par le Docteur Frank
Schwarz, le samedi après-midi, a concerné le thème suivant: «La péri-implantite – un défi pour tout le monde:
What future treatments may work?». En fait, il s’agissait
d’un avant-goût du prochain congrès EuroPerio, qui se
tiendra à Londres en 2015. Selon un grand nombre de
rapports intermédiaires et de commentaires à propos
d’études qui sont loin d’être achevées, une chose peut
être affirmée: cette spécialité va continuer à susciter de
l’intérêt. Inutile d’être devin pour prédire que le prochain
congrès EuroPerio s’inscrira également dans cette
success story.
Visionnez les vidéos du symposium Colgate/GABA
à l’ Europerio sur gaba.fr/europerio7
Tobias Bauer · Dentiste
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20
Numéro 2012
PROPHYLAXIEInfos
Évènements
Avant la thérapie,
la prévention
Prise en charge des caries dentaires des jeunes
enfants – un franc succès à l’occasion du 11ème congrès
de l’Académie Européenne de Dentisterie Pédiatrique
(EAPD) qui s’est tenu à Strasbourg
C’est sous un ciel bleu et des températures estivales
qu’un public très international s’est retrouvé dans le
cadre de la session annuelle conjointe de l’Académie
Européenne de Dentisterie Pédiatrique, de l’Association
européenne des dentistes pédiatriques et de l’organisation partenaire française, la «Société Française
d’Odontologie Pédiatrique» dans la ville d’Alsace riche
en tradition qu’est Strasbourg.
Les sociétés Colgate et GABA, qui se sont toujours
impliquées pour ces catégories d’âge, ont saisi cette
occasion pour inviter le public spécialisé à participer à un
symposium en marge du congrès sur la prise en charge
des caries dentaires des jeunes enfants. Sous la direction
de Jack Toumba de l’Université de Leeds et du
Professeur Jean Jacques Morrier de Lyon, le symposium
intitulé «Early Childhood Caries Management» s’est tenu
devant un public nombreux et ouvert dans la plus grande
salle de conférence du Palais des Congrès.
De g.a.d.
Prof Toumba,
Prof Declerck,
Prof Morrier,
Dr Innes,
Prof Twetman
La présentation du Professeur Svante Twetman de
l’Université de Copenhague portait sur l’évaluation des
risques de caries chez les enfants. L’un de ses objectifs
est de déterminer comment la répartition en groupes à
risque et la collecte des informations les plus diverses
peuvent permettre d’établir des pronostics plus précis.
Ces pronostics plus précis du groupe concerné permettraient, entre autres, de fournir une aide ciblée et d’utiliser les ressources (encore) présentes de manière plus
efficace. Simultanément, les dentistes traitants auraient la
possibilité de garantir un suivi approprié au groupe à
risque déterminé en lui prêtant une attention particulière,
notamment avec une fréquence plus rapprochée des
visites. Le Professeur Twetman recommande ainsi des
contrôles réguliers dès le plus jeune âge. La première
visite chez le dentiste peut déjà constituer la clé du succès. Les dentistes traitants doivent alors prendre en
considération tous les aspects en vue d’identifier et
d’évaluer les facteurs de risque. Le Professeur Twetman
met l’accent sur la responsabilité du dentiste traitant, sur
ses compétences et sa capacité à réévaluer correctement
la situation et les besoins de soins.
PROPHYLAXIE Infos
Le Professeur Dominique Declerck de l’Université de
Louvain s’est penchée sur la question de la réflexion critique sur l’organisation, la réalisation et l’évaluation des
interventions dentaires chez les jeunes enfants et sur le
projet «Smile for Life» soutenu par la société ColgateGABA, mené en Flandres (Belgique). Le travail clinique
de Dominique Declerck, en qualité de Professeur en
odontologie préventive à l’Université catholique de
Louvain et directrice du Département des sciences buccales et de la santé, comprend le suivi dentaire des
enfants exigeant des besoins de soins particuliers ainsi
que les services dentaires pour les personnes appartenant à des groupes de population spécifiques tels que
les personnes handicapées ou les patients ayant de faibles défenses immunitaires. L’objectif en toile de fond du
projet était de déterminer quelles seraient les mesures
nécessaires pour améliorer la santé buccale des jeunes
enfants appartenant aux différents groupes de population. Compte tenu des groupes de personnes sélectionnés, il n’est pas difficile de comprendre qu’il ne s’agissait
pas d’une tâche aisée et que les résultats ont été plutôt
décevants. Cependant, cela a permis de souligner que la
collecte des données dans ce domaine reste un élément
très important pour l’avenir car il faudra toujours accorder une grande importance aux groupes à risque ainsi
déterminés.
Le Docteur Nicola Innes de l’Université de Dundee
(Grande-Bretagne) s’est exprimé sur les programmes de
promotion du fluor destinés aux enfants. Avec le projet
«Childsmile» (www.child-smile.org), elle a donné un
exemple de réussite. Grâce à ce programme, le pourcentage d’enfants écossais âgés de 5 ans ne présentant
aucune carie est passé de presque 45 % en 2003 à 64 %
en 2010. Par ailleurs, ces programmes de fluoration par
exemple de l’eau potable ou d’autres mesures ne sont pas
sans controverse. Le Docteur Innes est néanmoins convaincu que ses observations parlent clairement en faveur
de leur maintien. Là encore, le suivi de certains groupes
sociaux qui doivent être caractérisés comme appartenant
aux groupes à risque s’avère très difficile pour mettre en
œuvre des mesures d’hygiène buccales réussies.
Mme Elda Moreno, en qualité de représentante de
l’Union européenne et responsable des Droits de
l’homme et de l’égalité des chances à Strasbourg a présenté la plateforme proposée par le Conseil de l’Europe
pour les droits des enfants: «Construire une Europe pour
et avec les enfants» et a démontré ainsi que le suivi et les
soins des enfants représentent bien plus que de simples
services dentaires. Ces considérations et ces impressions
ont sans doute donné matière à réflexion à plus d’un participant sur le chemin du retour.
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Numéro 2012
21
Santé bucco-dentaire
Impact d’un programme de santé orale
sur l’hygiène bucco-dentaire des personnes âgées
dépendantes institutionnalisées
Dr Gnagna Ndiaye et al.*, SOHDEV, Service d’Odontologie, Centre Hospitalier le Vinatier, France
Introduction
La santé bucco-dentaire constitue une composante
essentielle de la santé et du bien-être de la personne
âgée dépendante (PAD). Elle reste cependant souvent
négligée lors de la planification quotidienne des soins en
institution. Or, une mauvaise santé orale, associée aux
modifications physiologiques et pathologiques dues au
vieillissement, est un facteur de risque pour la survenue
ou l’aggravation de maladies générales (respiratoires,
cardiaques, diabète, dénutrition ...).
Pour prévenir cette détérioration de la santé orale
dans les Etablissements d’Hébergement pour Personnes
Âgées Dépendantes (EHPAD), un Programme de Santé
Orale (PSO) a été expérimenté dans 12 EHPAD inclus
dans la cohorte ESOPAD (Etude sur la Santé orale des
Personnes Agées Dépendantes en Rhône-Alpes). La présente étude vise à évaluer l’impact du PSO sur l’hygiène
bucco-dentaire des participants.
cohorte ESOPAD. Le PSO comprenait la sensibilisation
des résidants et/ou leurs familles à l’hygiène orale, la
formation du personnel soignant sur les techniques
d’hygiène orale chez les PAD, la mise en place d’un protocole d’hygiène orale personnalisé avec le matériel
d’hygiène orale fourni (utilisation du système méridol ®
comprenant une brosse à dents extra souple, un dentifrice et un bain de bouche contenant l’association
fluorure d’étain/fluorure d’amines), l’accès à des soins
spécifiques par l’intermédiaire du Réseau Santé BuccoDentaire & Handicap Rhône-Alpes (Réseau SBDH-RA) et
le recueil de la satisfaction des résidents. L’impact du
PSO a été évalué après vingt quatre mois de suivi (1er janvier 2009 – 31 décembre 2010).
A l’inclusion, l’étude a collecté les caractéristiques
socio-démographiques (âge, sexe, score de dépendance
AGGIR, autonomie à l’hygiène orale, fréquence du brossage des dents ou du nettoyage des prothèses dentaires)
et les antécédents pathologiques.
Matériels et méthode
Il s’agit d’une étude de cohorte fixe et expérimentale
portant sur 263 résidants institutionnalisés (fig. 1) de la
Inclusion
455
Caractéristique
Age
Moyenne ± SD (Années)
82,7 ± 9,2
Extrêmes (années)
[52,8–92,9]
AGGIR* moyen ± SD
24*
1er BSO
431
1ère Période de traitement (T1)
1er BFS
2
ème
BSO
Sexe féminin
2,7 ± 1,3
203 (77,2 %)
Antécédent médical
113*
1ère Période de suivi (P1)
Valeur
318
Psychiatrique
162 (61,6 %)
Cardiologique
156 (59,3 %)
Neurologique
106 (40,3 %)
Rhumatologique
104 (39,5 %)
Diabétique
36 (13,7 %)
Hygiène orale
2 ème Période de traitement (T2)
2 ème BFS
55*
2ème Période de suivi (P2)
Non autonome
185 (70,3 %)
Brossage 1 fois/jour ou plus
185 (70,3 %)
Tableau: Caractéristiques démographiques et pathologiques
des résidents à l’inclusion
*AGGIR: score de dépendance
3ème BSO
263
* Décès, Changement
d’établissement,
refus d’examen
Fig. 1: Inclusion et étapes de suivi des PAD dans la cohorte
BSO: bilan de santé orale · BFS: bilan de fin de soins
22
Numéro 2012
Le suivi dans la cohorte (présentée sur la figure 1)
comprenait trois Bilans de Santé Orale (BSO), deux
périodes de soins (T1 et T2), deux Bilans de Fin de Soins
(BFS1 et BFS2) et deux périodes de suivi (P1 et P2). Les
données permettant d’évaluer l’impact du PSO ont été
PROPHYLAXIEInfos
Santé bucco-dentaire
collectées au cours de chaque BSO; il s’agissait de l’OHI-S,
du GI et de la prévalence de la plaque/tartre sur la prothèse amovible. Les indices ont été relevés sur les dents
16, 11, 26, 31, 36 et 46; à défaut, sur les dents suivantes.
(GI: Gingival Index · OHI-S: Oral Health Index Simplified)
Analyse statistique
Le logiciel STATA11 (College Station, Texas, USA) a
été utilisé et tous les tests ont été réalisés au seuil de 5 %.
Le test de Wilcoxon apparié a été utilisé pour comparer
la valeur d’indice (OHI-S ou GI) entre les BSO. La comparaison de la prévalence de la plaque/tartre sur la prothèse amovible a été faite par un test du Khi-2 de Mac
Nemar.
Résultats
Discussion
Bien qu’elle présente les mêmes caractéristiques que
la plupart des cohortes de personnes âgées institutionnalisées, la cohorte ESOPAD reste particulière par la pertinence du dispositif d’accès aux soins bucco-dentaires
proposé aux résidents à travers le PSO (formation des
professionnels, dépistages, soins, suivi …).
Le mauvais état d’hygiène bucco-dentaire constaté
à l’inclusion des patients rappelle les constats de Ribeiro.
D’autres études menées en France ont montré des résultats similaires. La présence d’une hygiène passable
(OHI-S compris entre 1,3 et 3) et d’une gingivite modérée montrent une insuffisance de prise en charge de
l’hygiène pour plus des deux tiers des résidents.
A l’inclusion, les indices OHI-S et GI étaient médiocres: hygiène orale jugée faible (OHI-S = 2,5) et indice
gingival (GI = 1,4) témoignant de nombreuses gingivites
légères à modérées. Le nombre moyen de dents
absentes était de 19,6. 47,5 % des personnes avaient une
prothèse amovible, la prévalence de la plaque/tartre sur
la prothèse était de 65,6 %.
Le matériel d‘hygiène
dont vous avez disposé est:
0,79 %
16,54 %
4,72 %
14,96 %
Entre l’inclusion et la fin de suivi (fig. 2), les indices
ont significativement baissé de 32,0 % pour OHI-S et de
21,4 % pour l’indice gingival (GI).
62,99 %
La prévalence de la plaque / tartre sur la prothèse est
passée à 52,3 % au 3ème BSO soit une baisse totale de
20,2 % entre BSO-1 et BSO-3 (p = 0,02).
Concernant la satisfaction des PAD et/ou des familles,
recueillie à l’aide d’un questionnaire, 53 % des résidents
ont trouvé que le protocole d’hygiène orale mis en
œuvre dans le cadre du PSO était adapté à leurs besoins.
77 % ont trouvé le matériel d’hygiène orale satisfaisant ou
très satisfaisant (fig. 3) et que l’utilisation combinée de la
brosse à dents, du dentifrice et/ou du bain de bouche
méridol ® était efficace.
Pas du tout satisfaisant
Peu satisfaisant
Satisfaisant
Très satisfaisant
Non répondu
Fig. 3: Satisfaction des résidents recueillie par questionnaire
sur le matériel d’hygiène mis à disposition
A: Score OHI-S moyen
B: Score GI moyen
1,6
2,5
1,4
1,4
1,2
1,7
1,1
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
BSO -1
BSO -1
BSO - 3
p = 0,001
• Réduction statistiquement
significative de 32 % de l’OHI-S moyen
BSO - 3
p = 0,001
• Réduction statistiquement
significative de 21% du GI moyen
Fig. 2: Evolution de la valeur moyenne de l’OHI-S (A) et de la valeur moyenne de l’Indice Gingival (B) entre le bilan initial et
le troisième bilan
PROPHYLAXIE Infos
Numéro 2012
23
Santé bucco-dentaire
ESOPAD a permis la mise en place d’un protocole
d’hygiène orale personnalisé permettant ainsi un suivi
quotidien et à long terme de l’état d’hygiène des PAD en
institution. Son impact sur l’hygiène est positif: il montre
une nette amélioration des indicateurs d’hygiène orale.
*Auteurs: G NDIAYE 2, 3, A KOIVOGUI 1, 2, A MICHELET 1, 2, 3,
F HOUACHINE 3, B MBEYE 3, R TRA 3, S MIRANDA 1, 2,
EN BORY 1, 2 , 3
1
Réseau Santé Bucco-Dentaire & Handicap Rhône-Alpes
(Réseau SBDH-RA)
2
Santé Orale, Handicap, Dépendance Et Vulnérabilité
(SOHDEV)
3
Conclusion
Le programme de
santé orale développé
au sein d’une cohorte de
personnes âgées dépendantes a montré qu’il
était possible d’améliorer significativement leur
hygiène bucco-dentaire.
Service d’Odontologie, Centre Hospitalier le Vinatier
Dr Gnagna Ndiaye
Service d’Odontologie
Centre Hospitalier le Vinatier
Bâtiment 505 bis · 95 boulevard Pinel
69677 Bron cedex
e-mail: [email protected]
Demandes de tirés à part et bibliographie:
Docteur Eric Nicolas Bory
e-mail: [email protected]
Remerciements
Groupe ACPPA – Groupe APICIL – Réseau SBDH-RA –
Centre Hospitalier le Vinatier – Laboratoires GABA –
Conseil Général du Rhône – ARS Rhône-Alpes – CRAM
Rhône-Alpes – Groupe APRI – Groupe D&O – Groupe
MORNAY – IRSACM – PREMALIANCE – REUNICA –
VAUBAN HUMANIS
Les produits d’hygiène bucco-dentaire ont été fourmis
gracieusement aux résidents par les laboratoires
GABA.
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Numéro 2012
PROPHYLAXIEInfos