La diaspora malienne - International Organization for Migration

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La diaspora malienne - International Organization for Migration
Cette publication a été co-financée
par l’Union européenne
Migration au Mali :
Document thématique 2009
La diaspora malienne : un acteur
transnational du développement
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Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles des auteurs et
ne reflètent pas les positions de l’Organisation internationale pour les migrations
(OIM). Les appellations utilisées et la présentation des données dans le rapport
n’impliquent pas l’expression d’opinion de la part de l’OIM concernant des faits
tels que statut légal, pays, territoire, ville ou zone particulière, ou à propos de leurs
autorités, ou de leurs frontières ou confins. Toute omission et erreur reste de la
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Ce rapport est un document de travail et, par conséquent, il ne se conforme pas
nécessairement aux directives de style adoptées par l’OIM.
L’OIM croit fermement que les migrations organisées, s’effectuant dans des
conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société tout entière. En
tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires au
sein de la communauté internationale afin de résoudre les problèmes pratiques de
la migration, de mieux faire comprendre les questions de migration, d’encourager
le développement économique et social grâce à la migration, et de promouvoir le
respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.
Ce document a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne, l’Office
fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement.
Les opinions exprimées ci-après sont celles de l’auteur et ne reflètent pas
nécessairement celles de l’Union européenne, de l’Office fédéral des migrations
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75_09
La diaspora malienne :
un acteur transnational
du développement
Préparé par
Moïse Ballo et Lassana Diombana
Avant-propos
Grâce au soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement, l’OIM met en œuvre le projet « Migration en Afrique de l’Ouest et centrale : profils nationaux pour le développement de politiques stratégiques » dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal), afin de promouvoir une approche politique de la migration cohérente et dynamique, en appui à la planification des politiques stratégiques au niveau national et régional. Les profils migratoires nationaux sont un résultat fondamental de cette recherche et de ce projet de renforcement des capacités. Ils constitueront un outil politique utile pour suivre les tendances migratoires et identifier les domaines nécessitant des développements politiques subséquents. Mais, en étant principalement un outil de suivi, les profils nationaux fournissent des lignes directrices limitées au type de politiques pouvant être développées dans un domaine particulier (i.e. méthodologies et approches politiques). La série de documents thématiques traite cet aspect particulier en aidant les responsables politiques et les praticiens à définir les priorités d’action et les options politiques dans les domaines particulièrement pertinents dans le contexte politique national. Sous la direction et avec l’appui des groupes de travail techniques nationaux et interministériels (GTTN) ainsi que des sous‐groupes de travail thématiques, établis dans chaque pays cible au cours du projet, trois documents thématiques ont été rédigés par des experts locaux pour chacun des pays concernés. Le but de ces documents est d’accroître les capacités de développement de politiques, par l’identification des bonnes pratiques et en évaluant les perspectives de développement politiques sur des éléments présentant un intérêt particulier pour le gouvernement. Abye Makonnen Représentant régional Mission à fonctions régionales Dakar, Sénégal Frank Laczko Chef de la division recherche et publications Siège de l’OIM Genève, Suisse Migration au Mali : document thématique 2009 2 Table des matières
Abréviations 4
Résumé 5
Introduction 7
Partie 1 : Les traits caractéristiques de la diaspora malienne 8
1.1 Historique, zones et acteurs concernés 8
1.2 Effectifs et caractéristiques socio‐économiques 9
Partie 2 : Politiques récentes et programmes en faveur de la diaspora malienne 10
2.1 Orientation politique générale 10
2.2 Le dispositif institutionnel malien de gestion de la migration 11
2.3 Les rapports du Gouvernement du Mali avec sa diaspora 12
Partie 3 : L’apport de la diaspora au développement du Mali 14
3.1 Les actions de développement de la diaspora au Mali 14
3.2 La mobilisation d’autres partenaires au développement par la diaspora 16
3.3 Les types de flux financiers générés par la diaspora malienne 17
3.4 Les mesures visant à fournir des services aux migrants 18
3.5 Les services des migrants visant à encourager les investissements provenant des transferts de fonds 19
Partie 4 : La coopération régionale et internationale en matière de gestion de la migration au Mali 20
4.1 La libre circulation des personnes dans l’espace CEDEAO 20
4.2 Le programme TOKTEN 20
4.3 Le dispositif CIGEM 21
4.4 Le programme du co‐développement 22
4.5 La coopération avec l’Espagne 23
Partie 5 : Conclusion et recommandations 25
Bibliographie 28
Annexe 30
Migration au Mali : document thématique 2009 3 Abréviations
AFD ANAEM ANICT ANPE APD BAD BCEAO CE CEDAO CEEAC CNRS CIGEM CSRP DGME DSRP EMMU FMI FIDA FSP GTTN HCME INSEE MATCL MICOMI MMEIA OIM ONG OSC PASECA PDES PMN PNUD PTF RGPH RMUAO SEDES UDEAO UEMOA UE VIH Agence française de développement Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales Agence nationale pour la promotion de l’emploi Aide publique au développement Banque africaine de développement Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest Commission européenne Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale Centre national de la recherche scientifique Centre d’Information et de Gestion des Migrations Cadre stratégique de Réduction de la Pauvreté Délégation générale des Maliens de l’extérieur Document stratégique de réduction de la pauvreté Enquête malienne sur les migrations et l’urbanisation Fonds monétaire international Fonds international de développement agricole Fonds de solidarité prioritaire Groupe de travail technique national Haut conseil des Maliens de l’extérieur Institut national de la statistique et des études économiques Ministère de l’administration territoriale et des collectivites locales Mission interministérielle pour le co‐développement et les migrations internationales Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine Organisation internationale pour les migrations Organisation non gouvernementale Organisations de la société civile Programme d’appui au système d’épargne et de crédit autogérés Programme de Développement Economique et Social Profil migratoire national Programme des Nations Unies pour le développement Partenaire technique et financier Recensement général de la population et de l’habitat Réseau migration et urbanisation en Afrique de l’Ouest. Société d’étude de développement économique et social Union douanière et économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest Union économique monétaire ouest africaine Union européenne virus de l'immunodéficience humaine Migration au Mali : document thématique 2009 4 Résumé
L’analyse des mouvements migratoires maliens constitue un cas d’école. Ce pays est souvent cité en exemple pour le rôle de sa diaspora dans le développement interne, notamment au travers des transferts financiers vers les communautés villageoises, mais subit en même temps de plein fouet la pression occasionnée par les politiques migratoires restrictives des Etats membres de l’Union Européenne. De nos nombreuses discussions avec les partenaires maliens, il ressort que la migration n’a jamais constitué un problème mais est considérée comme un élément central de développement économique du Mali. Malgré la place centrale qu’occupe la migration dans les débats politiques entre le Mali et des pays européens, on dispose de très peu d’informations statistiques sur le phénomène. Les causes de ce manque de données statistiques fiables sont dues à l’absence d’enquêtes exhaustives sur le phénomène au Mali. A cette méconnaissance quantitative des mouvements migratoires s’ajoutent de nombreux présupposés qui nuisent à une analyse sereine du phénomène, en négligeant les dimensions historiques et socio‐économiques des migrations au profit d’une acception purement individualiste du phénomène. Les flux migratoires maliens de nos jours, sont essentiellement orientés vers les pays de la sous région et non vers l’Europe. Ainsi, sur une population malienne résidant à l’étranger de 4 millions, comme l’avancent les autorités maliennes, près de 2 millions résideraient en Côte d’Ivoire. Le nombre de maliens recensé en France, principal pays européen de destination, s’élève à 56 000 en 2005 selon INSEE France, 2005 cité par (Merabet O., Gendreau F., janvier 2007). Sur la base des opérations de régularisation de 1981 en 1996, les estimations des spécialistes situent le nombre d’immigrés maliens en France entre 80 000 et 100 000, dont entre 25 000 et 45 000 en situation irrégulière (Merabet O., Gendreau F., janvier 2007). Si l’on considère maintenant l’impact économique de la migration pour le Mali, les transferts des migrants constituent une manne financière significative. En effet, ces fonds sont en grande partie destinés à la région de Kayes où ils sont utilisés pour la réalisation des équipements sociaux et économiques (infrastructures scolaires, centre de santé, routes). Sachant qu’une partie conséquente des transferts de fonds transite par des circuits informels, il est très difficile d’évaluer leur montant réel, qui était estimé en 2004 à 180 millions d’euros (FSP co‐développement, Fédération nationale des caisses d’épargne de France, octobre 2004). L’impact économique de la migration peut être optimisé par des actions de co‐développement, il s’agit d’appuyer les initiatives du migrant afin de valoriser son apport pour le développement de son pays. Le Mali a été un laboratoire avec la mise en place en 2002 du projet co‐développement, financé par la France. L’intérêt du projet co‐développement est qu’il s’appuie sur de nombreux acteurs (élus, associations communautaires, représentants des migrants etc.) pour créer des synergies entre la zone de départ et le milieu d’accueil. En ce sens, les activités réalisées avec cofinancement sont structurantes car elles renforcent les relations entre les différents acteurs. Le programme co‐développement joue un rôle très intéressant de facilitateur. L’impact négatif de la migration concerne évidemment la fuite des cerveaux subie par le Mali. Afin de faire face à ce fléau, il faudrait retenir les migrants potentiels qualifiés en leur proposant des postes Migration au Mali : document thématique 2009 5 attractifs et s’assurer que les transferts de compétences internes des non migrants soient supérieurs aux transferts financiers et matériels qu’ils auraient effectués en migrant. A l’heure actuelle, il est très difficile de remplir ces conditions et seules des initiatives volontaristes ambitieuses pourraient inverser la tendance. Peut‐être, l’élargissement du projet TOKTEN depuis l’année 2009, pourrait contribuer à atteindre cet objectif. Ce document thématique traitera aussi la dimension politique de la migration, certes très importante, mais qui tend aujourd’hui à monopoliser toute la réflexion. Lors du « dialogue de haut niveau » qui s’est tenu au siège des Nations Unies (New York, 2006), le Ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine a réaffirmé avec force, la relation positive entre migration et développement. A cette occasion, il a présenté une esquisse de politique migratoire dont les axes principaux seraient la mise en œuvre d’une véritable politique de co‐développement, le renforcement de la coopération décentralisée, la valorisation des acquis économiques, culturels, scientifique de la diaspora pour son implication dans le développement ; l’introduction des questions migratoires dans les documents orientant les stratégies nationales de développement (DSRP, CSLP). Migration au Mali : document thématique 2009 6 Introduction
Les transferts de fonds des migrants au profit de leurs pays d’origine, ainsi que leur impact sur le développement, suscitent un intérêt croissant, comme en témoigne la multiplication des études et des colloques consacrés à ce thème au cours de ces dernières années. Ces flux financiers sont en effet bien supérieurs à l’aide publique au développement et l’on sait que certains pays émergents parviennent à tirer parti de ce transfert d’épargne en faveur de leurs investissements productifs. Au‐
delà de cet aspect financier, les diasporas qualifiées résidant dans les pays développés peuvent aussi être à l’origine de transferts de compétences, de savoir‐faire au profit des pays du Sud comme le Mali. Le transfert de fonds des immigrés en vue d’investir dans le secteur productif, au travers des projets viables de développement, doit faire l’objet d’une stratégie nationale. La diaspora malienne constitue un atout à mobiliser pour parvenir à une implication efficiente des migrants de deuxième et troisième générations au développement du pays d’origine de leurs parents. La rentabilité du transfert de fonds des émigrés et l’implication des immigrés de deuxième et troisième génération demandent l’existence d’un cadre national incitatif en termes d’investissements productifs. Au Mali, les politiques économique, fiscale, juridique doivent inciter à l’implication de la diaspora malienne dans le développement du Mali. Dans le cadre de la politique de la migration et développement, qui s’appuie sur et participe à une meilleure gestion des flux migratoires, le co‐développement est une des modalités de l’aide au développement. Il est défini comme l’aide au développement à laquelle participent les migrants. Il se trouve ainsi à la croisée des politiques de développement et des politiques migratoires, c’est‐à‐dire au cœur des grands enjeux du XXIe siècle. Le Président de la République et le gouvernement du Mali ont exprimé la volonté d’inscrire parmi les priorités dans le cadre du CSRP et du PDES, de nouvelles pratiques au moyen d’actions et de dispositifs accompagnant la participation des migrants au développement de leur pays d’origine. C’est dans cette perspective que le présent rapport s’attache à rappeler quels sont les ressources financières en jeu et les dispositifs d’aide existants, à cerner les meilleures pratiques mises en œuvre par les partenaires bi/multilatéraux de développement et à proposer des mesures susceptibles d’accroître les effets des transferts de fonds sur le développement économique des pays d’émigration. Migration au Mali : document thématique 2009 7 Partie 1 : Les traits caractéristiques de la diaspora
malienne
La diaspora malienne est considérée à la fois par le Mali et par les partenaires au développement comme un potentiel acteur de développement. Elle est importante tant en quantité qu’en qualité. En effet, elle est répartie sur les cinq continents même si la majorité réside en Afrique. Le nombre d’immigrés maliens est estimé entre 2 500 000 à 3 000 000 (Merabet O., Gendreau F., 2007). Cette diaspora dispose d’un capital social et humain significatif pour contribuer au développement du Mali. 1.1. Historique, zones et acteurs concernés
L’émigration africaine en France et en Europe, très faible durant la période coloniale, remonte aux lendemains des indépendances, dans une période d’expansion économique aux forts besoins de main d’œuvre. Pour les pays d’origine, l’émigration devient alors un exutoire naturel aux difficultés économiques. Tandis que pour les pays d’accueil, elle est une réponse simple à un déficit de main d’œuvre. Entre 1950 et 1975, la France accueille 100 000 à 200 000 étrangers par an, principalement en provenance du Maghreb (MATCL, RACE, 2001). En France, la modification de la politique migratoire à partir de 1974, n’a pas réellement conduit à la fermeture des frontières. Elle a surtout occasionné dès les années 1980, un changement de nature de l’immigration, passée d’une immigration de travail à une immigration majoritairement familiale, d’une immigration temporaire à une installation durable. Tableau 1: Répartition des Maliens de l’extérieur par grandes zones géographiques Zones géographiques Effectifs des migrants % Afrique 2 419 875 91,10 Europe 156 100 3,7 Amérique 6 000 0,2 Asie 101 260 4,4 TOTAL 2 683 235 100,00 Source : Missions diplomatiques et consulaires du Mali à l’étranger, année 2001 Tableau 2 : Répartition des migrants maliens de la zone Afrique par grandes régions Régions africaines Effectifs des migrants % Afrique de l’ouest 2 156 000 89,10 Afrique centrale 134 000 5,54 Afrique orientale 3 000 0,23 Afrique du nord 121 175 5,01 Afrique australe 5 700 0,12 TOTAL 2 419 875 100 Source : Missions diplomatiques et consulaires du Mali à l’étranger, année 2001 Migration au Mali : document thématique 2009 8 1.2 Effectifs et caractéristiques socio-économiques
La diaspora malienne est estimée à 4 millions, la majorité de celle‐ci réside en Afrique et en particulier en Côte‐d’Ivoire (plus de 2 millions), chiffres souvent avancés. Le recensement administratif à caractère électoral (RACE), organisé, en 2001 par le Ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales, a donné le tableau ci‐dessous : Tableau 3 : Répartition des Maliens de l’extérieur par pays Pays Effectif % Pays Effectif % Côte d’Ivoire 523 231 56,8 Algérie 4 816 0,5 Soudan 100 000 10,9 Bénin 4 484 0,5 Sénégal 50 442 5,5 Togo 4 465 0,5 Niger 50 317 5,5 Libye 3 669 0,4 Ghana 29 855 3,2 Congo (RD) 2 447 0, 3 Burkina Faso 21 316 2,3 Autre Afrique 12 551 1,2 Gabon 18 335 2,0 Arabie Saoudite 26 582 2,9 Mauritanie 13 431 1,5 Autre Asie 3 610 0,4 Nigeria 7 760 0,8 France 21 964 2,4 Congo Brazza. 7 443 0,8 Autre Europe 1 317 0,1 Guinée 7 067 0,8 Amérique 3 605 0,4 Cameroun 5 990 Source : RACE, 2001 0,7 Total 920 388 100,0 Dans ces conditions, l’estimation souvent avancée en 2003, de 4 millions de Maliens vivants à l’étranger (dont 3,5 millions en Afrique et 2 à 2,5 millions en Côte d’ Ivoire) correspond à une acceptation de l’identité malienne basée sur le sentiment d’appartenance communautaire. Sous réserve d’investigations plus fouillées, une estimation plus restrictive conduirait plutôt à nous en tenir à une population de 2,5 à 3 millions de Maliens vivants à l’étranger dont 2 à 2,5 millions en Afrique et 1 à 1,2 million en Côte d’ Ivoire (Merabet O., Gendreau F., 2007). Le cas de la migration en France est singulier au Mali. En effet, si seulement 3% de la diaspora malienne y réside, plus de 100 000 personnes (MATCL, RACE, 2001), le poids et l’impact économique, organisationnel, politique et historique, en fait l’un des cas très particulier. Ceci d’autant plus que l’origine de cette migration est extrêmement localisée dans une région du Mali, celle de Kayes et plus particulièrement ses zones nord et ouest (Cercles de Yélimané, Diéma). Ici l’émigration est perçue comme une quête de reconnaissance sociale. La France a été le pays de destination des émigrés de cette région car ils ont un réseau social bien développé. Les immigrés maliens de la France ont joué un rôle de premier plan en matière d’élaboration et de concrétisation des programmes et politiques, tels que jumelage, coopération décentralisée ou FSP Co‐développement. Ces formes diverses de gestion de migration et développement sont menées sur le double espace du migrant (pays d’accueil et de départ du migrant). Migration au Mali : document thématique 2009 9 Partie 2 : Politiques récentes et programmes en
faveur de la diaspora malienne
2.1 Orientation politique générale
Le Gouvernement du Mali a entrepris au travers du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, une série d’actions pour tendre à la formulation d’une politique migratoire du Mali. Lors du « dialogue de haut niveau » qui s’est tenu au siège des Nations Unies (14‐15 septembre 2006), le Ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine a tracé les contours de la politique migratoire du Mali. Ce discours présente la vision des autorités maliennes sur la problématique migratoire, synthétisée ci‐après. La relation positive entre migration et développement est réaffirmée avec force. Les migrants constituent une richesse, non seulement pour le pays de départ mais aussi pour le pays d’accueil. L’histoire des migrations internationales récentes a montré que des pays de forte émigration pouvaient devenir rapidement des pays d’immigration. Par ailleurs, la migration a construit les nations européennes et, plus récemment, les Etats‐Unis. Elle est donc une chance pour tous qu’il ne faut pas sous estimer. Les causes profondes de la migration sont multiples, mais trouvent toutes leur fondement dans des politiques ayant conduit à accentuer la pauvreté des pays africains (politique d’ajustement structurel, subventions accordées à l’agriculture par les pays de l’OCDE, mauvaise gouvernance des Etats africains, etc.). Il faut aussi lutter contre l’exploitation frauduleuse des émigrés (filières clandestines, employeurs de travailleurs irréguliers) et contre les commissions trop élevées prélevées par les institutions financières sur les transferts des migrants. Sachant que l’essentiel des flux migratoires est dirigé vers l’Afrique, le cœur du débat n’est pas la lutte contre l’émigration irrégulière, qui représente à peine 1 % du total des flux, mais la gestion de l’immigration de travail pour faire face aux besoins de main‐d’œuvre des pays occidentaux. Autrement dit, le premier objectif d’une politique migratoire devrait être celui de la promotion de l’émigration régulière. Pour ce faire, plusieurs pistes sont à explorer : la mise en œuvre d’une véritable politique de co‐
développement, le renforcement de la coopération décentralisée, la valorisation des acquis économiques, culturels, scientifiques de la diaspora pour son implication dans le développement ; l’introduction des questions migratoires dans les documents orientant les stratégies nationales de développement (DSRP, CSLP). Il faut surtout mettre en place de grandes campagnes de sensibilisation et d’information pour expliquer le sens réel des migrations. Ces campagnes seraient dirigées vers les pays de départ mais aussi vers les pays de destination. Enfin, il faut aussi réhabiliter l’immigration de travail en instaurant une véritable coopération en matière de gestion partagée et concertée. Notons enfin l’existence d’une politique de population (1991), révisée en 2004. Ainsi, la migration devient un objectif de la stratégie nationale de population, et fait l’objet d’actions concrètes : Migration au Mali : document thématique 2009 10 -
Recensement des Maliens résidant à l’étranger et réalisation d’étude spécifiques, Elaboration et mise en place d’un programme d’assistance à la population migrante, Organisation de campagnes de sensibilisation sur la migration internationale, Facilitation de la réinsertion des migrants de retour, Création d’un fonds de garantie et d’assistance aux émigrés, Renforcement du mécanisme facilitant le transfert de fonds des émigrés vers le pays. Le « Deuxième programme prioritaire d’investissements en matière de population (PPIP) 2004‐
2008 » a confirmé cette position. Près de quinze années après la déclaration de politique de population, on constate malheureusement que très peu des actions évoquées ont été réalisées. Enfin, depuis 2007, le Ministère malien de l’économie et des finances a assuré que dans le cadre du CSLP, il avait été demandé à tous les ministères, y compris donc le Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration de rédiger formellement leur politique ministérielle. Une politique migratoire formulée devrait donc rapidement voir le jour. 2.2 Le dispositif institutionnel malien de gestion de la migration
La place de la gestion institutionnelle de la migration malienne dans les structures gouvernementales ou para gouvernementales est significative. Cette importance est toutefois à relativiser car le Secrétariat en charge des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine n’est apparu qu’en 2000 avant d’être érigé en Ministère en 2004. Le Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine Ce Ministère a comme organisme technique la Délégation générale des Maliens de l’extérieur (DGME), créée par ordonnance n°046/P‐RM du 25 septembre 2000. Cette Délégation a pour mission « d’élaborer les éléments de la politique nationale en matière d’administration, d’assistance, de protection et de promotion des Maliens de l’extérieur et d’assurer la coordination des missions diplomatiques et consulaires qui concourent à la mise en œuvre de cette politique. L’ordonnance n°611/P‐RM du 07 décembre 2000 fixe l’organisation et les modalités de fonctionnement de la DGME. Elle comprend un bureau des statistiques et prospectives, un département des affaires consulaires et un département de la promotion économique et de la réinsertion des Maliens de l’extérieur. La création du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine est un signal fort de la part des autorités maliennes et constitue un modèle pour d’autres pays voisins. Il faut néanmoins que ce département ministériel prenne un véritable envol. Cela passera par une augmentation substantielle de ses moyens. La Délégation générale des Maliens de l’extérieur, malgré le manque de moyens de tous ordres, accomplit un travail très appréciable en matière d’identification des Maliens de l’extérieur, conformément à l’article 13 des Accords de Cotonou. Il faut néanmoins que cette structure se développe tout en acquérant des moyens supplémentaires. Le Haut Conseil des Maliens de l’extérieur (HCME) Il constitue le second organe chargé spécifiquement de la gestion des Maliens résidant à l’étranger et est représenté dans la plupart des pays de forte diaspora malienne. Lors du processus de transition Migration au Mali : document thématique 2009 11 démocratique, la conférence nationale a permis la création de ce Haut Conseil en 1991. Le forum de la Diaspora d’octobre 2003 a été l’occasion d’une profonde réforme des statuts de cet organe. Ainsi, un nouveau Haut Conseil des Maliens de l’extérieur (HCME) fut créé par la Loi n° 04‐033 / AN‐
RM du 5 avril 2004 qui dispose que « Le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur est un organe consultatif à caractère associatif, apolitique, laïc, non discriminatoire et à but non lucratif [.. ],il est composé d’Associations, d’Amicales, de Regroupements d’Associations ou d’Amicales, existant dans les pays de résidence et déclarés auprès des missions diplomatiques et consulaires du Mali ». Le HCME se fixe comme objectifs principaux de promouvoir l’image du pays en appui aux missions consulaires, de porter assistance aux Maliens résidant à l’étranger, d’inciter les migrants à orienter leurs envois financiers vers des investissements, promouvoir les actions culturelles et sportives, développer des programmes d’information pour les candidats à l’émigration, favoriser la coopération décentralisée. Le HCME est bien structuré. Son siège est situé à Bamako et il est présent dans 62 pays. Dans chacun de ces pays, le Conseil des Maliens de l’extérieur, dispose d’un bureau composé de 17 membres, soit plus de 1 000 membres actifs de par le monde. Le HCME est incontestablement un enjeu de pouvoir important. En plus du nombre important de ses membres actifs, il représente les Maliens vivants à l’étranger et à ce titre son influence est considérable. Sachant que le nombre de Maliens émigrés souvent avancé est de 4 millions, il est tout à fait possible que les comportements électoraux des membres de leurs familles restés au pays soient proches des leurs. Au poids électoral, s’ajoute la puissance financière de la diaspora. A titre d’exemple, le HCME de Côte d’Ivoire a réussi à collecter en quelques jours 120 millions de FCFA pour le rapatriement des ressortissants maliens lors de la crise identitaire et politique de 2002 dans ce pays. Le HCME est une initiative intéressante car il exprime la volonté de la société civile de positiver l’émigration. Ainsi se compose le dispositif institutionnel et administratif pour une meilleure implication de la diaspora au développement du Mali. 2.3 Les rapports du Gouvernement du Mali avec sa diaspora
Le Gouvernement du Mali, à travers le Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, s’emploie à maintenir des liens forts avec sa diaspora afin de l’impliquer au mieux au développement du Mali. Cela se fait à travers le dispositif institutionnel (MMEIA, HCME) mais aussi d’actions concrètes se traduisant au travers de : - Congrès et/ou manifestations de la Diaspora (Forum de la Diaspora en Octobre 2003) ; - Informations/ site web du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration - africaine ; - Relation avec les Associations de migrants/la Diaspora (hautement qualifié, migrants et familles, étudiants, jeunes issus de l’immigration et Conseils des Maliens de l’extérieur). C’est la région de Kayes, zone d’émigration emblématique malienne, qui a servi de région pilote pour le renforcement des liens entre le Mali et sa diaspora. En effet, la Table Ronde pour le Développement Durable de la région de Kayes, rencontre multipartite qui s’est tenue en 1997 s’inscrivit dans cette optique. Elle visait à inscrire un cadre d’action pour les partenaires au Migration au Mali : document thématique 2009 12 développement de la région et en particulier pour le rôle des migrants dans le développement du Mali. Il s’ensuivra en 2000, la signature d’un accord cadre sur le co‐développement entre la France et le Mali qui de manière opérationnelle débouchera sur des dispositifs franco‐maliens d’appui aux actions de la diaspora malienne avec les FSP (Fonds de solidarité prioritaire) co‐développement 2003‐2005 et 2006‐2009. Le dispositif de co‐développement a bénéficié d’un cofinancement de plus 5 millions d’euros entre 2003 et 2009. Les actions du co‐développement ont la particularité de s’inscrire dans un contexte de décentralisation forte au Mali depuis 1999, où les collectivités territoriales ont fait leur apparition tant et si bien que les migrants interviennent dans près d’1/3 des projets communaux, ce qui représente 31% des projets qu’ils ont soutenu sur la période 2000 – 2004 (FSP co‐développement, fédérations des caisses d’épargne de France, Bamako, 2004). A Kayes, dans deux communes sur trois, les migrants ont participé au moins une fois au financement de projets réalisés sous maîtrise d’ouvrage communale, et dans 30% des communes rencontrées, les émigrés sont intervenus pour apporter la quote‐part des bénéficiaires de l’ANICT (Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales). La nécessité de devoir intervenir à cette échelle a encouragé l’apparition d’associations communales de ressortissants. Ces fédérations regroupent les associations villageoises d’une même commune ; elles reposent sur le besoin de donner aux élus un interlocuteur unique capable de parler au nom de tous les ressortissants de la commune installés en France. Ces structures se multiplient à l’heure actuelle : dans 13 des 21 communes enquêtées au Mali (62 % des cas), une association communale de ressortissants a été créée en France. Les immigrés maliens, ambassadeurs et acteurs de développement du Mali, s’impliquent davantage au travers des plans communaux de décentralisation (1999), pour un réel développement locale d’autant plus que les nouvelles municipalités sont en cours de fonds conséquents. Migration au Mali : document thématique 2009 13 Partie 3 : L’apport de la diaspora au
développement du Mali
Les ONG de la diaspora malienne occupent une place de premier plan dans le dispositif de gestion de la migration. A début des années 60, leur mode d’organisation était calqué sur celui de la société traditionnelle malienne, permettant ainsi de maintenir une cohésion forte entre les migrants et les populations du milieu d’origine. Progressivement, le processus d’intégration au mode de vie français, notamment la forte participation aux mouvements syndicaux, va conduire à une émancipation des jeunes de la tutelle traditionnelle. Aujourd’hui, la participation de nombre de Maliens aux mouvements des sans‐papiers organisés par l’ONG CIMADE France et certains collectifs de sans papiers en France, 2007‐2008, ne manquera certainement pas de renforcer une culture syndicale générant quelques frictions avec les aînés. Néanmoins, ce changement dans les rapports sociaux ne doit pas être compris comme un abandon progressif des relations avec les communautés villageoises. On constate d’ailleurs que les actions de développement réalisées par ces associations ne faiblissent pas avec le temps. Il existe aujourd’hui environ 400 associations de migrants à l’échelle villageoise. Elles se concentrent maintenant sur des actions de développement en direction de leur région d’origine, principalement dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’hydraulique. 3.1 Les actions de développement de la diaspora au Mali
Une étude (FSP‐co‐développement, 2004) réalisée dans le cadre du dispositif du co‐développement a pu mieux cerner les actions des migrants au niveau collectif. Les volumes financiers investis dans les projets sont colossaux (annuellement environ 3,6 milliards de FCFA, soit 5,4 millions d’€ sur l’ensemble de la région de Kayes). L’étude a concerné 42 associations en France regroupant 11 000 adhérents et sur 31 villages et 22 communes au Mali, soit près de 135 000 habitants et près de 250 réalisations recensées. Depuis 10 ans, on peut évaluer la contribution moyenne annuelle des 400 associations de migrants recensées en France pour la mise en place de projets collectifs à environ 3,6 milliards de FCFA pour la région de Kayes. Migration au Mali : document thématique 2009 14 nbre de projets
en nombre de projets
m illions FCFA
Graphique 1 : Evolution des investissements des migrants entre 1970 et 2004 2,000
80
1,600
M ontant
investi par
1,200
le s
40
migrants
800
N ombre de
projets
400
0
0
70 75 80 85 90 95 00
- - - - - - 74 79 84 89 94 99 04
Source : Rapport, FSP‐co‐développement, 2004 Jusqu’au milieu des années 90, les actions menées par les migrants croissent à un rythme exponentiel. Ce mouvement s’accompagne d’un « boom » associatif. A partir de 1995, les montants investis par les migrants stagnent, tandis que le nombre de projets continue d’augmenter. Le décalage croissant, ces dix dernières années, entre nombre de projets réalisés et volume des montants investis s’explique par la conjugaison de deux facteurs : d’une part, la diminution du coût moyen des projets du fait de l’évolution des secteurs d’intervention des migrants, d’autre part l’augmentation du nombre de projets réalisés en cofinancement avec des partenaires extérieurs. Graphique 2 : Evolution des secteurs d’intervention 35
30
25
agriculture
éducation
20
hydraulique
15
santé
mosquées
10
5
0
avant 1975 1975-84
1985-94 1995-2004
Source : Rapport, FSP‐co‐développement, 2004 En nombre de projets réalisés, le secteur de l’éducation, est actuellement le premier secteur d’intervention. Cette forte croissance de construction de salles de classe, témoigne de la volonté des migrants de rompre avec le système de « migration analphabète » mais aussi de la forte demande émanant du terrain (les écoles constituent le second investissement des communes après les mairies). Ceci est un des facteurs de la diminution du coût moyen des projets ces dix dernières années. Migration au Mali : document thématique 2009 15 Graphique 3 : Evolution des volumes investis par secteur en millions de FCFA 2004
1200
1000
800
agriculture
éducation
600
hydraulique
400
mosquée
200
santé
0
avant 75 1975-84 1985-94 19952004
Source : Rapport, FSP‐co‐développement, 2004 En montant, l’augmentation importante des investissements dans le domaine de l’approvisionnement en eau potable (AEP), alors que le nombre de réalisations est en baisse, est lié à l’émergence de projets d’adduction d’eau très coûteux, venant progressivement remplacer les puits et les forages, et à l’augmentation des cofinancements pour des programmes nationaux ou autres Co‐financeurs. 3.2 La mobilisation d’autres partenaires au développement par la diaspora
Graphique 4 : Evolution de la part des projets cofinancés 100%
80%
60%
50%
77%
49%
financement migrants à 100%
70%
88%
19%
40%
25%
part des projets en cofinancement
minoritaires
13%
20%
0%
13%
6%
6%
10%
avant 80
80 - 89
25%
32%
95 - 99
00 - 04
18%
90 - 94
part des projets en cofinancement
majoritaires
Source : Rapport, FSP‐co‐développement, 2004 Ces dix dernières années, les migrants ont mobilisé des partenaires extérieurs (ONG, coopérations décentralisées, programmes bi et multilatéraux…) dans près de la moitié de leur projet. Dans le même temps, la part des projets auxquels ils apportent un cofinancement minoritaire augmente régulièrement pour atteindre 32 % ces cinq dernières années. Migration au Mali : document thématique 2009 16 Actuellement, un village sur deux entretient un partenariat de long terme avec une structure du nord, que ce soit avec un jumelage (1/4 des associations enquêtées), une ONG professionnelle (1/3 des partenariats) ou une association. L’initiative des projets est progressivement transférée localement. En effet, depuis les années 90, plus de 50 % des projets sont initiés depuis le Mali, soit par les responsables associatifs ou villageois, soit, à partir de 1999, par les élus, qui jouent un rôle fort en tant qu’initiateurs de projets (27 % des cas). On assiste ainsi à une véritable inversion de la dynamique engagée par les migrants en France dans les années 1970, la plus grande partie du pouvoir décisionnel sur la réalisation et la gestion des projets étant transférée aux acteurs locaux. De plus en plus, les migrants s’orientent vers de nouveaux rôles : celui d’un acteur relais vers des partenaires du nord, et donc capables d’apporter des contributions financières pour faire face aux besoins des communautés. 3.3 Les types de flux financiers générés par la diaspora malienne
L’apport financier estimé de la diaspora (Rapport BAD, 2007) est globalement de 456 millions d’euros, dont 65 % du transfert des fonds de France vers le Mali (295 millions d’euros et 84 millions d’euros des pays africains vers le Mali, soit 11 % du PIB malien (4,08 millions d’euros) et près de 80 % de l’Aide publique au développement (APD). A ceci, il convient de prendre également en compte les apports sociaux, culturels et de compétences. La région de Kayes, principale zone de migration – plus de 80 % des migrants maliens en France – est aussi la principale destination du transfert des fonds et de la réalisation des projets de ses acteurs. Les remises de fonds des migrants sont de deux types d’utilisation : individuelle et collective. La remise moyenne par migrant est de 160 €/ mois et plus de 75 % de ces fonds sont destinés à la consommation familiale. Parmi les types de flux enregistrés, on compte les flux officiels par le biais des banques et des transferts informels, bien que le montant exact soit inconnu. Les données sont enregistrées en tant que partie de la balance des paiements sous la dénomination « transferts du travailleur », qui se conforment aux directives de la 5ème édition du Manuel de la balance des paiements pour le FMI (MBP5). Les transferts bancaires, les chèques de voyage et les devises étrangères sont inclus dans le compte (la méthodologie et les définitions utilisées sont tirées du MBP5). Les données enregistrées concernent essentiellement le transfert de fonds de la France vers le Mali, ce qui représente sans nul doute le type de transfert le plus facile à évaluer en raison de la bonne organisation de la communauté malienne en France. Migration au Mali : document thématique 2009 17 Tableau 4 : Types de transferts de fonds de migrants, 2004 Pays / Région Type de flux de fonds Millions de dollars France Officiels 110 Etats‐Unis Informels 130 Afrique Centrale / Asie
Total estimé Formel / informel 240 Source : OIM, 2006 Tableau 5: Commission prélevée par les institutions financières les plus couramment utilisées Banque malienne Western Union Commission prélevée sur un 8 – 10 euros montant de 300 euros Source : OIM, 2006 Service postal Opération informelle 4 ‐18 % 15 ‐ 20 % 3 – 10 % Les services informels fournis par des commerçants sont les plus répandus, mais de nombreux problèmes de sécurité se posent lors de la distribution dans les zones rurales. En conséquence, la distribution est essentiellement concentrée dans les zones urbaines et les services de distribution des fonds transférés dans les zones situés en dehors des centres urbains sont essentiellement effectués à travers les familles (réseaux sociaux). 3.4 Les mesures visant à fournir des services aux migrants
L’assistance est fournie par les consulats et leurs services sociaux en plus du Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine. De même, le Ministère des Finances, en partenariat avec le Ministère des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine, intervient à travers diverses actions dans la valorisation des fonds des migrants, notamment au travers d’un programme, certes modeste, mais dont l’efficacité est aujourd’hui connu et reconnu par tous, le FSP Co‐développement Mali dont la 2ème phase vient de prendre fin le 15 mars 2009, tandis que la 1ère phase s’est déroulée de 2003 à 2005. Le concept est non seulement repris ailleurs mais aussi appuyé par d’autre partenaire comme l’UE dans le cadre du CIGEM. Cette valorisation passe par les études notamment celle de 2005 « Transfert des fonds des migrants » avec la Caisse d’Epargne française, la pratique en articulant avec les politiques de développement local du pays, à ce titre le FSP Co‐développement Mali est exemplaire par son appropriation par les maires dans le cadre de la décentralisation, et enfin par des actions connexes visant à promouvoir le transfert de fonds des migrants dans la micro finance, par exemple avec l’institution PASECA sur Kayes et la tenue d’un évènement majeur à Kayes, le Forum Economique de Kayes qui vise à attirer les financements notamment des migrants sur des activités permettant de structurer les filières. Migration au Mali : document thématique 2009 18 3.5 Les services des migrants visant à encourager les investissements provenant
des transferts de fonds
Dans le cadre du Co‐développement, un fonds d'investissement pour le développement local est opérationnel depuis 2003. Avec les subventions de ce fonds, l’acteur de la migration (migrant, association) apporte sa quotte part qui représente de 30 % du montant global et les 70 % restants sont accordés par le fonds d’investissement pour le développement local. Pour ce faire, les services suivants peuvent être mobilisés, afin que les migrants soient encouragés pour utiliser une partie de leurs fonds, aux fins d'investissements, à savoir :
- Fonds de contrepartie pour les projets de développement locaux ; - Fonds de contrepartie pour le logement ; - Partenariats avec des agences de développement locales/ nationales/ internationales ; - Incitations au crédit ; - Primes d’expansion commerciale. Migration au Mali : document thématique 2009 19 Partie 4 : La coopération régionale et
internationale en matière de gestion de la
migration au Mali 4.1 La libre circulation des personnes dans l’espace CEDEAO
Le processus d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest est timidement engagé depuis le début des années 1970. La Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO) est créée en 1972 pour remplacer l’Union douanière et économique de l’Afrique de l’Ouest (UDEAO). Le traité créant la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été signé à Lagos le 28 mai 1975. La CEDEAO peut être décomposée en deux groupes de pays : les huit pays membres de l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) formant une union économique et douanière et les sept pays non membres de l’UEMOA. Lors des journées de consultation, le Mali a montré, à de multiples reprises, sa volonté d’être un acteur important de l’UEMOA et de la CEDEAO. Qu’en est‐il dans les faits ? Nous avons vu que le Mali connaît une forte émigration en partie orientée vers les pays de la sous‐région (Côte d’Ivoire, Sénégal, Niger, Ghana, Burkina Faso, Mauritanie), il serait donc logique que cette implication soit réelle. Les ressortissants maliens résidant dans la sous‐région ont néanmoins connu plusieurs épisodes douloureux avec les ressortissants des pays d’accueil. Le HCME a signalé de nombreux cas de violation du principe de la libre circulation, surtout à l’occasion des conflits avec le Burkina Faso en 1974 et 1985 qui ont entraîné la fermeture des frontières, le conflit entre le nord et le sud de la Côte d’Ivoire a rendu difficile la libre circulation des personnes et des biens entre les deux pays (des pêcheurs maliens ont été renvoyés des eaux de pêche de Ayamé et de Kossou en 1998,etc.). Malgré cela, on observe une application effective de la plupart des textes de la CEDEAO aussi bien à l’aéroport que dans les gares avec la mise en place d’un guichet spécial pour les citoyens de la communauté avec une dispense complète de visa d’entrée (la seule obligation est la détention d’une carte nationale d’identité). Entre autres actions prises pour se conformer aux textes de la CEDEAO, on peut citer également la carte de résident qui remplace la carte de séjour de 5 ans. Notons aussi que la loi 04‐058/AN/RM du 25 novembre 2004 relative aux conditions d’entrée, de séjour et d’établissement des étrangers au Mali, a permis de combler les vides juridiques sur la gestion des migrants (aussi bien de la CEDEAO que des étrangers qui ne sont pas ressortissant de l’espace CEDEAO). 4.2 Le programme TOKTEN
Le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), à travers le TOKTEN, œuvre sur la stratégie à définir pour que le Mali tire bénéfice de la fuite des cerveaux. Ce programme de transfert des compétences de la diaspora malienne en vue du développement du pays, a débuté en octobre 1998 au Mali, avec sa mise en œuvre par le rectorat du Mali dans sa phase initiale.
En effet, venant d’être créée (1996), l’Université du Mali avait des besoins pressants d’enseignants pouvant assurer la formation de milliers d’étudiants accueillis par cette jeune université. Ainsi, grâce Migration au Mali : document thématique 2009 20 au programme TOKTEN, plus de 444 missions d’enseignement ont été effectuées par les expatriés maliens (chercheurs enseignants) sur la base du répertoire établi par le programme TOKTEN du Mali, (rapport du comité de pilotage du programme TOKTEN, juillet 2009). Ce programme est financé par le PNUD, la France, avec une contre partie financière de l’Etat du Mali aussi. Dans ses phases initiales (1999‐2003 ; 2004‐2007), le TOKTEN mit l’accent, à juste titre, sur le renforcement du niveau de l’enseignement supérieur au Mali et des capacités des collectivités locales décentralisées et des administrations déconcentrées. La France et le PNUD ont signé en avril 2004 une convention en vue de faire du TOKTEN un programme commun de coopération pour le développement du Mali. Et cela, d’autant plus que la France intervient aussi dans ce sens à travers le dispositif du co‐développement. Ce programme initié en 1998 par la France avec le Mali appuie dans les actions de développement des migrants et de l’Etat malien à Kayes. Du coup, les activités du programme s’étendent à d’autres volets de développement au Mali. Dans cette perspective, le 12 février 2009, le représentant résident du PNUD, le chef de la Délégation de la Commission de l’Union européenne et le Ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine ont signé une convention tripartite visant à élargir les domaines d’intervention du programme TOKTEN au Mali. A travers cette signature de convention tripartite, le TOKTEN couvrira en plus du volet de l’éducation, les domaines de la santé, de l’agriculture et du secteur des PME/PMI. 4.3 Le dispositif CIGEM
Le Centre d’information et de gestion des migrations (CIGEM), à travers son service d’appuis opérationnels, vise à entreprendre aussi des actions de valorisation du capital humain, technique et financier de la diaspora. Pour ce faire, le CIGEM œuvre à : - Elargir les actions de Co‐développement déjà existant aux principales zones d’émigration, avec une priorité apportée aux actions d’investissements productifs générateurs d’emplois ; - Renforcer le programme TOKTEN actuel qui intervient dans le secteur de l’’enseignement supérieur, en permettant d’augmenter le nombre de missions d’experts et de l’ouvrir à toutes les diasporas en Europe ; - Créer et accueillir en son sein une nouvelle composante de type TOKTEN valorisant d’autres compétences de la diaspora (ingénieurs, médecins, chefs d’entreprise, etc.) ; - Appuyer le gouvernement du Mali et les pays d’accueil, au sujet des transferts de fonds, par des activités de recherche et de formulation de recommandations, et de renforcer ainsi la capacité institutionnelle en la matière. En effet, les activités prévues consisteront dans le monitoring des transferts de fonds entre les pays d’accueil et le Mali, et dans l’analyse de mesures pour réduire les coûts de transaction et pour augmenter l’impact de ces transferts sur le développement du Mali, y compris la création d’instruments financiers appropriés. Dans la même perspective, le CIGEM assure le renforcement des organismes de tutelle tels le MMEIA, la DGME, ANPE, HCME, organismes œuvrant pour l’implication de la diaspora dans le développement du Mali. Par ailleurs, concernant la mise en œuvre du projet de co‐développement du CIGEM, il est prévu un certain nombre d’activités, à savoir : l’information et la mobilisation des associations de la diaspora en Europe, sur les outils et les procédures de l’UE, pour le cofinancement des projets de développement local dans les zones d’émigration et des projets de jeunes issus de l’immigration en Migration au Mali : document thématique 2009 21 Europe. La mise en place d’une cellule relais en Espagne qui sera chargée de l’accueil, de l’information, du conseil et de l’orientation des associations de la diaspora en Europe vers des partenaires, aux fins de développement. 4.4 Le programme du co-développement
Le programme du co‐développement vient en appui aux actions de développement social amorcées depuis les années 60 par les associations de migrants, les ONG (GRDR) et les collectivités françaises (Montreuil) au profit des zones (Kayes) d’origine des immigrés maliens de France. Ce programme vise à favoriser le développement local comme alternative à l’émigration. Ce dispositif prend une dimension inter étatique, de coopération bilatérale entre le Mali et la France à partir de 1997, notamment avec l’organisation par l’Etat malien de la Table Ronde de Kayes en 1997, qui invite de nombreux leaders associatifs migrants à participer, permettant la définition des grands axes de développement de la première région d’émigration internationale du Mali : la région de Kayes. Puis en 1998, la mission interministérielle pour le Co‐développement et les Migrations Internationales (MICOMI) créée par le gouvernement français retient le Mali comme l’un des trois pays test de la politique publique française de Co‐développement. En mai 1998, est créé, le Comité franco‐malien sur les migrations. Il comporte trois comités techniques : -
Le Comité technique sur la circulation des personnes, basé à Bamako ; Le Comité technique sur l’intégration, basé à Paris ; Le Comité technique sur le co‐développement, basé à Bamako. Le Comité franco‐malien sur les migrations se réunit annuellement. Ses activités ont abouti à l’élaboration puis à la signature d’une convention de co‐développement entre la France et le Mali, le 21 décembre 2000. La phase opérationnelle de cette nouvelle politique débute en février 2002, avec la signature de la Convention de Financement du Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) Co‐développement Mali (2003‐
2005), pour un montant de 2.6 millions € (1,7 milliards FCFA), puis, en mars 2006, avec la signature d’une deuxième Convention de Financement du FSP Co‐développement Mali (2006‐2009), pour un montant de 2,5 millions € (1.64 milliards de FCFA). Ce dispositif (FSP) a pour objectifs : -
D’appuyer les dynamiques associatives en date de la fin des années 60, et qui ont connu leur essor au début des années 80 avec la formalisation des associations de migrants en France (on compte aujourd’hui environ 400 associations de ressortissants maliens en France qui investissent souvent plusieurs milliards de FCFA dans les infrastructures villageoises) ; -
De faciliter la mobilisation des transferts financiers des migrants vers le système productif ; De renforcer le lien entre les jeunes issus de l’immigration et leur pays d’origine. Le fonds de solidarité prioritaire s’articule autour de trois composantes : Migration au Mali : document thématique 2009 22 -
Développement local : hydraulique villageoise, santé, éducation, aménagement de surface pour l’agriculture ; -
Entreprise : migrants de retour volontaire porteurs de projets ; migrants réinstallés voulant bénéficier d’une formation, migrants souhaitant appuyer la création d’une entreprise au Mali ; -
Appui à la réinsertion par l’économique piloté par l’Agence nationale de l’accueil des émigrés et des migrations (ANAEM). La mobilisation des acteurs de l’entre deux se fait plus en plus réelle pour faire de diaspora malienne un véritable acteur de développement du pays. Certains pays occidentaux, tels la France et le royaume d’Espagne, réalisent des programmes et politiques concrètes avec le Mali pour son développement, à travers sa diaspora. Des initiatives et actions en cours, d’importants enseignements peuvent faire l’objet d’attention particulière. 4.5 La coopération avec l’Espagne
Le Royaume d’Espagne initie avec le Mali, en matière de gestion de la migration, la politique de migration circulaire dont les premiers jalons sont en train d’être mis en place. Il s’agit d’établir une gestion concertée de la migration La République du Mali et le Royaume d’Espagne ont conclu le 23 avril 2007, un accord cadre de gestion sur l’immigration. En effet, pour la République du Mali et le Royaume d’Espagne, les flux migratoires constituent l’un des principaux défis auxquels sont confrontés les deux pays à l’amorce du XXI siècle. C’est ainsi que les deux Etats prônent les migrations ordonnées qui représentent un facteur puissant d’enrichissement mutuel et de rapprochement des sociétés espagnoles et maliennes. Ainsi, les deux Etats sont déterminés à faire face à la migration irrégulière, sous toutes ses formes, dans le respect strict des droits de l’homme et de la dignité personnelle des émigrants. Cet accord cadre de coopération sur l’immigration entre la République du Mali et le Royaume d’Espagne, détermine les conditions de l’admission des travailleurs, du retour volontaire des personnes, de la lutte contre l’immigration irrégulière, du suivi et application dudit accord. En ce qui concerne l’admission des travailleurs, il faut savoir qu’elle s’inscrit dans la politique de la migration circulaire initiée par l’Espagne avec le Mali. En effet, le pays d’accueil contractant encourage l’emploi légal et facilite la mise en liaison entre les entrepreneurs, l’emploi des immigrés selon les besoins du marché national. Les employeurs, employés et entreprises sont orientés vers les structures adéquates en vue de la promotion de la migration circulaire. Toutefois, l’emploi légal dans chacun des deux pays contractants, doit se faire suivant les procédures et législation en vigueur dans le pays d’accueil. L’Espagne peut recourir à nombre de Maliens pour le travail légal en fonction du contingent annuel de travailleurs étrangers demandés en Espagne. Il convient aussi de noter que les deux pays facilitent la migration de dirigeants, d’artistes, d’étudiants, de chercheurs, d’intellectuels, d’hommes d’affaire, et cela pour dynamiser les relations socio‐économiques entre les deux pays contractants. Migration au Mali : document thématique 2009 23 Pour ce qui concerne le retour volontaire, les deux pays mettent en valeur les programmes d’aide au retour volontaire ou assisté. Ce dispositif est axé sur les éléments suivants : -
Elaboration des plans de formation spécifiques dans les domaines jugés appropriés et d’intérêt économique pour le migrant de retour ; -
Assistance sanitaire aux ressortissants de retour volontaire ; -
Communication sur les programmes d’aide au retour volontaire et assistance aux organisations tiers qui s’occupent de la mise en œuvre de ce dispositif. Mise en œuvre des projets de développement économique et social pour le migrant de retour volontaire ; Sur le plan politique, l’Espagne soutient la mise en œuvre de politiques publiques migratoires coordonnées pour une gestion ordonnée et coopérative des flux migratoires. Les axes majeurs de cette assistance portent sur : -
La gestion intégrale de la migration (politique, administrative, juridique) ; Les services d’information et d’orientation sur les voies légales de la migration ; Les centres d’études sur les questions migratoires ; La facilitation du transfert de fonds de la diaspora, orientés vers le secteur productif ; La mise en relation entre la diaspora malienne d’Espagne avec les siens restés au pays d’origine ; Faire des immigrés de véritables acteurs de développement du pays d’origine. Pour ce qui est de la lutte contre l’immigration irrégulière et le trafic des personnes, les deux Etats, suivant leurs possibilités, s’engagent à se porter assistance mutuelle sur : -
L’échange mutuel d’informations entre les autorités compétentes sur la traite des personnes, les réseaux de trafic de personnes ; -
La coopération pour le renforcement des contrôles aux frontières ; Le soutien technique mutuel visant à garantir la sécurité de leurs documents nationaux d’identité ; -
La réalisation de campagnes de sensibilisation sur les risques de l’immigration irrégulière et le trafic des personnes -
Le retour de toute personne en situation d’irrégularité dans le pays d’accueil, suivant les conditions prévues par l’article 11 du comité bilatéral. Pour suivre la mise en œuvre de cet accord cadre entre le Mali et l’Espagne, un comité bilatéral a été initié et se réunit une fois par an, dans l’un ou l’autre pays. Migration au Mali : document thématique 2009 24 Partie 5 : Conclusion et recommandations
Le Mali, avec près d’un tiers de sa population à l’étranger, dispose sans doute d’un autre partenaire au développement. En effet, vu le nombre significatif des Maliens de l’extérieur, leur savoir faire et la capacité de mobilisation de fonds vers le pays dont ils font preuve, il est plus que jamais important d’intensifier des actions pour une plus grande implication de la diaspora au développement du Mali. Bien que nombres de cadres, de programmes, projets existent en faveur de cette diaspora, les mesures incitatives quant à l’allègement des coûts de transfert de fonds des migrants dans les pays d’accueil, demeurent dérisoires. S’agissant du pays d’accueil, l’investissement des migrants dans le secteur productif demeure le nouveau paradigme. Le Mali enregistre par an plus de 120 milliards FCFA de transferts de fonds des migrants. Cette somme plus importante que l’aide publique au développement n’est hélas pas orientée, vers les secteurs productifs, créateurs de richesses et d’emplois. La diaspora malienne est bien un acteur transnational pour le développement du Mali. Toutefois, il est urgent que les acteurs nationaux et internationaux s’investissent davantage pour faire émerger les potentialités de cette diaspora (matérielle, immatérielle) en vue du développement harmonieux du Mali, seul gage pour contenir les formes irrégulières de la migration contemporaine. Recommandations
Reconnaître les associations de migrants comme de véritables acteurs de développement : Le Co‐développement s’appuie sur les transferts sociaux, culturels et financiers des migrants. Les transferts financiers sont évalués à 40 milliards de FCFA pour la région de Kayes, essentiellement à destination des familles pour des produits de première nécessité, mais également pour des projets de développement. Les 400 associations de ressortissants maliens en France ont réalisé plusieurs centaines de projets dans les domaines sociaux et économiques, avec des investissements de plusieurs milliards de FCFA, pour les adductions d’eau potable par exemple. Les associations de migrants interviennent à divers niveaux : l’identification, la mise en œuvre, la gestion et enfin le renouvellement des installations. Le FSP Co‐développement Mali en s’attachant à mieux connaître et à mieux diffuser ces initiatives devrait faciliter une meilleure reconnaissance des migrants comme acteurs de développement. Pour cela, un plan de communication devrait être mis en place, dont les objectifs seront : - Informer sur les missions et les outils du FSP Co‐développement Mali ; - Promouvoir les actions en partenariat avec les migrants ; - Valoriser l’image de la diaspora malienne en France. Le plan de communication en France et au Mali, devrait être basé sur des exemples de bonnes pratiques au Mali et s’appuyant sur les organisations issues de l’immigration en France. Ce plan décrirait les outils du FSP Co‐développement Mali et les structures impliquées en France et au Mali. Il pourrait comprendre divers outils : plaquette, livret d’information, site Internet, participation des médias au Mali et en France : presse, radios, télévision. Migration au Mali : document thématique 2009 25 Des outils pour mieux articuler les initiatives des migrants avec les missions des nouvelles communes : A travers leurs associations, les migrants sont des acteurs incontournables du développement des zones d’origine, en particulier la région de Kayes. Ils initient, financent, entretiennent des infrastructures sociales (écoles, centres de santé, adductions d’eau). La pérennité et l’efficacité de ces actions nécessitent une clarification de la place des migrants dans le nouveau cadre de développement imprimé par les communes et la décentralisation. Les migrants sont des acteurs spécifiques. Ils sont à la fois « loin du village », mais ils « appartiennent au village ». Ils sont à la fois « bailleurs de fonds » et « bénéficiaires » à travers leur famille. Le FSP Co‐développement Mali devrait apporter un cadre méthodologique à l’intervention des migrants dans le développement local. Ce cadre définirait leur rôle au côté des associations locales, des communes, et des autres partenaires du développement et proposera des méthodes et des outils allant de la faisabilité technique jusqu’à la valorisation de leurs projets en France. Ce serait un résultat fondamental du programme, car ces outils pourraient être utilisés au delà du FSP Co‐
développement Mali. Dans le cadre du FSP Co‐développement Mali, des modèles de protocoles serraient t élaborés pour les différentes thématiques d’intervention (hydraulique, santé, éducation…) Ces protocoles d’accord entre les différents acteurs (Association de migrants, association locale, Commune, services techniques, autres partenaires) définiraient le rôle de chacun dans la mise en œuvre des projets et/ou la gestion des infrastructures. Sur des aspects plus techniques, des outils de méthodologie de projet et de vulgarisation technique serraient mis à disposition des associations de migrants et de leurs partenaires, dans les différents domaines d’intervention. A la lumière des projets financés dans le cadre du FSP Co‐développement Mali, ces outils chercheront à mettre en évidence les spécificités de l’action en partenariat avec les migrants que ce soit pour ses atouts que pour ses dangers. La capitalisation au service d’une ambition nationale : Le programme de Co‐développement est un programme pilote qui comporte un grand nombre d’outils facilitant une meilleure implication des migrants dans le développement de leur pays d’origine. Au terme des trois années de mise en œuvre du dispositif, il serait nécessaire d’évaluer les outils les mieux adaptés et les pistes de travail les plus concluantes. Dans le même sens, un travail de capitalisation sur les projets antérieurs au FSP Co‐développement Mali, type Programme Développement Local Migration, pourrait compléter de manière exhaustive cet état des lieux. Même si les financements mis en œuvre pour chaque outil sont modestes, ils devraient permettre de faire la preuve de l’efficacité de l’option choisie par les deux Etats, et déboucher à l’avenir sur des dispositifs de plus grande ampleur. Seul ce véritable travail de capitalisation permettrait de définir clairement ce concept, afin qu’il ne soit plus manipulé à des fins politiques. Ce travail engagé au Mali devrait permettre de donner au Co‐développement une vraie ambition nationale et de placer cette stratégie aux niveaux des enjeux nationaux de développement. Migration au Mali : document thématique 2009 26 L’extension du dispositif de co‐développement à d’autres pays d’immigration malienne Le Co‐développement est considéré comme une démarche franco‐malienne. Cependant, les Maliens émigrent dans de nombreux pays, en Afrique et sur les 4 autres continents. Ainsi, l’une des perspectives majeure du programme de Co‐développement serait d’associer l’ensemble de la diaspora malienne. Cet élargissement stratégique devrait être accompagné d’une implication progressive des Etats abritant une importante communauté malienne et des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux concernés. Cette implication pourrait se concrétiser dans un premier temps par la diffusion de l’expérience malienne dans le domaine du co‐développement. Dans ce sens, le Forum de la diaspora malienne ayant eu lieu à Bamako du 13 au 17 octobre 2003 a permis de mobiliser largement les partenaires internationaux. On pourrait citer par exemple l’Union Européenne qui a lancé en 2003 un premier appel à proposition sur le thème « Coopération avec les pays tiers dans le domaine de la migration » et financé le Centre d’Information et de Gestion des Migrations (CIGEM) au Mali, en 2007 et pour lesquels le Mali et sa diaspora en France constituent un cas exemplaire. Migration au Mali : document thématique 2009 27 Bibliographie
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2007. Organisation internationale pour les migrations (OIM) 2006 a Manuel de formation de cours : Eléments essentiels de gestion des migrations. 2006 b Recueil des politiques et pratiques des pays les moins avancés dans le domaine des transferts de fonds. Quiminal, C. 1991 Gens d’ici, gens d’ailleurs, Paris : Bourgois Christian, 222 p. de Sardan, JP. 2001 Anthropologie et développement : Essai en socio anthropologie du changement social, Paris : Karthala, 221 p. Zeller, B. 1999 Les migrants du bassin du fleuve Sénégal, des acteurs du développement et de l’intégration à l’atelier régional d’Alsace, préparatoire aux rencontres nationales de la coopération décentralisée. Montreuil : GRDR, 7p. Migration au Mali : document thématique 2009 29 ANNEXE
Définition des concepts Pour la définition des concepts liés à migration et développement, nous avons utilisé le Glossaire de la migration, Droit international des migrations, 2006. Diaspora : « Etat de dispersion d’un peuple ou d’un groupe ethnique à travers le monde. La notion de la diaspora est fréquemment utilisée dans le but de revendiquer une identité commune malgré la dispersion du groupe ». Migration : « le mouvement d’une ou de plusieurs personnes d’un endroit vers un autre et le franchissement des frontières administratives et politiques dans l’intention de s’installer temporairement ou définitivement, dans un endroit différent de leur lieu d’origine. De ce mouvement, on distingue le pays de départ, d’arrivée et même de transit ». Migrant : « ce terme s’applique donc aux personnes se déplaçant vers un autre pays ou une autre région aux fins d’améliorer leurs conditions matérielles et sociales, leurs perspectives d’avenir ou celles de leur famille ». Développement : « l’ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs ». Migration au Mali : document thématique 2009 30 Cette publication a été co-financée
par l’Union européenne
Migration au Mali :
Document thématique 2009
La diaspora malienne : un acteur
transnational du développement
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