creer un blog publicitaire - Voir mes réalisations sur
Transcription
creer un blog publicitaire - Voir mes réalisations sur
0 Jean-Philippe PAGES Master 2ème année – 2005/2006 CREER UN BLOG PUBLICITAIRE Quelles stratégies discursives pour quelles applications marketing ? Mémoire professionnel Sous la direction de Stéphane OLIVESI UNIVERSITE LOUIS LUMIERE – LYON II Institut de la Communication Master Professionnel Communication des Organisations Mention Information et Communication Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 1 Remerciements J e tiens tout d’abord à remercier Cécile Soulier, manager du service Marketing Opérationnel de Euro RSCG Cie à Lyon qui m’a donné la chance d’intégrer son équipe et de suivre au plus près des dossiers variés et instructifs. Elle m’a accompagné tout au long de ces quatre mois de stage avec intérêt et enthousiasme, et a permis que mon expérience au sein de Euro RSCG Cie se passe dans les meilleures conditions possibles. Un grand merci à toute l’équipe Compagnie Active (qui porte bien son nom !) qui m’a accueilli chaleureusement et avec bonne humeur. Merci donc à Emilie Colas, Amandine Valancogne, Isabelle Viane et Claire Wanert… les « drôles de dames » d’Euro RSCG Cie ! Grâce à elles, marketing direct, marketing relationnel, fidélisation, incentive, marketing opérationnel, upselling, crosselling, production, et j’en passe n’ont (presque) plus de secrets pour moi ! Merci également à Yannick Guillon, Geneviève Ferreaux et Audrey Zucchi pour m’avoir accompagné sur plusieurs dossiers et pour leurs conseils avisés. Enfin, je tiens à remercier Stéphane Olivési pour avoir dirigé ce mémoire, ainsi que tous les professeurs et intervenants du Master Communication des Organisations qui ont fait de cette année une expérience enrichissante. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 2 Table des Matières Introduction ............................................................................................................. 4 PARTIE I. Les blogs comme reflet des évolutions du consommateur et du discours publicitaire ................................................................................................ 8 Chapitre 1 | Les nouvelles facettes du consommateur ...........................................................8 1.1.a Un consommateur moins sensible aux formes traditionnelles de la publicité.........8 1.1.b Internet, ou la redéfinition du statut du client........................................................11 1.1.c Un nouvel outil de bouche à oreille : les blogs......................................................14 Chapitre 2 | Le blog comme forme aboutie des stratégies publicitaires actuelles. ............16 1.2.a Des stratégies entre starisation du client et « real publicité » ...............................16 1.2.b L’appropriation des nouveaux médias par le marketing .......................................19 1.2.c De l’intérêt des marques pour les blogs.................................................................21 Chapitre 3 | Méthodologie d’analyse et présentation du corpus.........................................25 1.3.a Options méthodologiques d’analyse et concepts fondamentaux ...........................25 1.3.b Les spécificités de l’Internet..................................................................................28 1.3.c Présentation du corpus...........................................................................................30 PARTIE II. Les blogs publicitaires à l’épreuve de l’analyse sémiotique ........ 33 Chapitre 1 | Analyse iconique et iconographique.................................................................33 2.1.a 2.1.b 2.1.c 2.1.d 2.1.e 2.1.f 2.1.g Les bandeaux thématiques.....................................................................................34 Arrière plan et chromie générale ...........................................................................36 Logo de la marque et de la plateforme de blog .....................................................37 Illustration des articles...........................................................................................38 Autres éléments graphiques et publicités ..............................................................41 Typographie et décorations typographiques ..........................................................42 Organisation spatiale des éléments graphiques .....................................................42 Chapitre 2 | Analyse de l’hypernavigation............................................................................43 2.2.a Nom de domaine et accès au blog .........................................................................43 2.2.b Navigation interne .................................................................................................44 Chapitre 3 | Analyse des articles ............................................................................................45 2.3.a Durée d’activité d’un blog et fréquence des articles .............................................45 2.3.b Structure des articles..............................................................................................48 2.3.c Différents blogs pour différentes stratégies discursives ........................................48 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 3 Chapitre 4 | Analyse des commentaires.................................................................................56 2.4.a Les politiques de modération.................................................................................57 2.4.b Les commentaires : zones d’échanges ?................................................................58 2.4.c Autres applications des commentaires...................................................................59 III. Du buzz marketing au marketing relationnel : les applications des blogs publicitaires............................................................................................................ 62 Chapitre 1 | Intégrer les blogs dans une démarche de buzz marketing et de marketing opérationnel .............................................................................................................................62 3.1.a Les principes généraux du buzz marketing............................................................62 3.1.b Les blogs au service du buzz et du lancement de produits ....................................64 3.1.c Au cœur du buzz marketing et des blogs : les communautés et les leaders d’opinion............................................................................................................................69 Chapitre 2 | Les blogs au service du marketing relationnel ................................................73 3.2.a Un outil de veille marketing ..................................................................................75 3.2.b Blogs et relation client...........................................................................................76 3.2.c Fidélisation et sentiment d’appartenance...............................................................79 Chapitre 3 | Les autres possibilités d’utilisation des blogs par les marques......................83 3.3.a Les plateformes de blogs : du marketing relationnel au marketing opérationnel..83 3.3.b Les blogs comme support publicitaire pour un annonceur....................................85 3.3.c Les stratégies d’under-cover marketing ................................................................86 Conclusion .............................................................................................................. 89 Bibliographie.......................................................................................................... 92 Index des marques................................................................................................. 95 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 4 INTRODUCTION M yriam a seize ans. Elle a deux frères, Cyril et Xavier et elle habite en Meurthe et Moselle où elle occupe ses journées à faire du vélo, beaucoup de vélo, du foot et aussi à aller en cours de 1ère ES. Myriam adore Zazie, le jaune et le bleu, ne croit ni aux fantômes ni aux aliens ; elle se demande ce qu’on appelle l’amitié et pourquoi Christel, une fille de sa classe, a trouvé superbe la phrase « Long choix à mûrir » qu’elle a sortie lors d’une conversation. Ah, Christel ! Quelle amusante soirée Myriam a passée avec elle, Marie et Sarah le 11 février dernier avec des histoires de lasagnes et de cactus… ! Mais qui est Myriam ? Simplement une internaute parmi tant d’autres à tenir un blog1. Le Web compterait à peu près 9 millions de blogs2 français, certains, comme ceux de Myriam, étant de véritables journaux intimes virtuels où les « ados » (mais pas seulement) livrent des morceaux d’eux-mêmes et de leur vie quotidienne, d’autres étant comparables à des sites d’actualités ou encore des lieux de débats, qu’ils soient politiques, philosophiques, etc.… Le prisme d’utilisation des blogs est vaste. Quoiqu’il en soit, les blogs se sont bel et bien développés depuis un peu plus de deux ans, un phénomène que l’on peut expliquer entre autre par la facilité de la mise en ligne de contenus variés comme du texte, du son ou des vidéos (il n’est pas besoin d’avoir de compétences particulières pour créer son blog) et par le fait que chaque article peut être commenté par les visiteurs. Ce qui est sûr, c’est que les blogs n’intéressent pas que les particuliers, les internautes anonymes désireux de partager leurs passions, leur vie ou leurs opinions. Pour preuve, certaines personnalités politiques ont créé leur blog, pour, selon leurs dires, instaurer un dialogue et susciter un débat démocratique avec les citoyens. On trouve même des initiatives syndicales comme celle du MEDEF avec le blog « keskonattend3 » promouvant l’apprentissage et les cursus scolaires professionnalisants. Plus original encore, le blog d’un bébé panda4 qui, en décrivant dans un style enfantin et à la 1ère personne la vie de ce nouveau-né vise à sensibiliser 1 http://lacycliste54.skyblog.com/ http://www.journaldunet.com/diaporama/0604blogs/2.shtml 3 http://keskonattend.skyblog.com/ 4 http://blog.sina.com.cn/m/xiongmao 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 5 l'opinion publique, et plus particulièrement les enfants, à la protection de cette espèce menacée. Bref, faire son blog est dans l’air du temps. Mais les blogs semblent tellement à la mode que certains sites profitent, consciemment ou non, de l’intérêt suscité par ce terme. C’est ainsi que l’on retrouve sur le Web le blog d’Arnaud1, pour la campagne de promotion des métiers de l’artisanat. Oui mais voilà, le « blog » d’Arnaud n’en est pas un ! Pas de commentaires, pas d’articles réguliers… un site Internet tout ce qu’il y a de classique. Mieux, Nissan, le constructeur automobile, a baptisé un de ses modèles la « Nissan Micra Blog ». Quel rapport entre une voiture et un blog ? On se le demande quand on sait que la marque n’a même pas mis en place de blog publicitaire pour promouvoir ce modèle… Car en effet, au même titre que les politiques, les syndicats, ou encore les artistes, les marques ont investi peu à peu les blogs. Ceux-ci se transforment alors en outils de communication interne, de relations presse, de gestion de ressources humaines, de communication institutionnelle ou encore en dispositifs promotionnels, devenant ce que l’on appelle des blogs publicitaires. Un blog publicitaire est un blog créé spécialement par une marque pour promouvoir un produit ou une gamme de produits, généralement dans le cadre d’une campagne de lancement. C’est à cette dernière forme d’utilisation des blogs par les marques que nous allons nous consacrer en nous interrogeant sur la problématique suivante : quel potentiel marketing peuvent avoir les blogs publicitaires pour avoir conduit les marques à s’approprier des espaces d’expression à l’origine non marchands et à y adopter des stratégies discursives particulières ? Notre réflexion nécessite tout d’abord de contextualiser l’apparition des blogs publicitaires. Quelles évolutions du consommateur ont amené les marques à déployer de nouvelles stratégies publicitaires ? Comment les blogs publicitaires s’inscrivent comme un prolongement de ces stratégies ? Ensuite, dans la diversité des discours envisageables sur les blogs publicitaires, pouvons-nous dégager des stratégies discursives communes ? Par quels signes iconiques et 1 http://www.artisanat.info/leblogdarnaud/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 6 textuels se traduisent ces stratégies ? Nous appuierons notre questionnement sur une analyse d’un corpus de blogs publicitaires grâce à des outils et des méthodologies issus de la sémiotique et de l’analyse du discours. Cette étude a bien sûr pour objectif de faire remonter à la surface du sensible les mécaniques discursives des documents constitutifs de notre corpus pour tenter d’établir une typologie de blogs publicitaires, mais elle a aussi comme vocation de proposer des éléments de réflexion sur lesquelles les professionnels peuvent se baser pour concevoir un blog publicitaire. Ces éléments que nous mettrons au jour participent à la définition d’un blog, dévoilent ce qui est constitutif de cette forme particulière de sites Internet qui s’avère relativement contraignante pour une marque dans la mise en scène du message publicitaire. Dans ce contexte, comment les marques peuvent aménager, malgré ces contraintes, des espaces pour l’expression de leur identité et de l’identité de leur produit ? Enfin, au-delà même de cette question, nous pouvons nous interroger sur les applications marketing que peuvent avoir les blogs pour que les marques en acceptent leurs contraintes. Comment les stratégies discursives des blogs de notre corpus révèlent les applications marketing possibles des blogs publicitaires ? Comment intégrer ceux-ci dans une démarche de buzz marketing pour le lancement d’un produit ? Nous verrons qu’à ce potentiel publicitaire s’ajoute une dimension relationnelle forte capable d’intéresser les marques dans des objectifs de fidélisation et de relation clients… Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 7 Partie 1 | Les blogs comme reflet des évolutions du consommateur et du discours publicitaire Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 8 I. LES BLOGS COMME REFLET DES EVOLUTIONS DU CONSOMMATEUR ET DU DISCOURS PUBLICITAIRE V ichy, Célio, Nike, Adidas, Ford, Christian Dior… Alors que les marques semblent de plus en plus nombreuses à vouloir s’essayer aux blogs publicitaires, comment les consommateurs se sont progressivement retrouvés à discuter des produits et à chercher des informations sur des blogs ? Ensuite, comment expliquer que ceux-ci, espaces d’expression personnelle à l’origine, aient pu devenir des lieux de production de discours sur et par les marques ? Quelles logiques ont amené les marques à projeter leur discours sous la forme de ce qui n’est en fait qu’un « site perso » ? L’appropriation de la blogosphère par les entreprises est la traduction d’une double évolution. D’abord l’évolution du consommateur moins sensible aux formes traditionnelles de la publicité et qui entretient de nouveaux rapports avec les marques et les produits, notamment grâce au développement des nouvelles pratiques de l’Internet. Evolution des stratégies marketing et publicitaires ensuite qui, pour s’adapter à cette redéfinition des attentes et du statut des consommateurs, ont élaboré des discours sur la mise en avant de l’anonyme, plus précisément de l’identité personnelle du client ordinaire. 1.1 Les nouvelles facettes du consommateur 1.1.a Un consommateur moins sensible aux formes traditionnelles de la publicité Les Français aiment moins la publicité qu’il y a trois ans. Tel est le constat tiré d’une étude conduite par TNS Sofres / Stratégies1. Sans pour autant être particulièrement publiphobes, les Français se montrent de plus en plus sévères envers la publicité : ils sont 43 % en octobre 2005 à y être plutôt opposés ou très opposés contre 36% en 2002, soit un écart de sept points ! Cette tendance se retrouve même chez les 25-34 ans, traditionnellement tolérants envers la publicité. Alors à quoi attribuer cette méfiance grandissante des Français vis-à-vis de la publicité ? Certains avancent que parce que le moral des ménages baisse depuis 2002 et que leur 1 MAUDIEU, 2005. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 9 pouvoir d’achat ne fait que diminuer ou stagner, les consommateurs plébisciteraient davantage le hard discount et se défieraient par le même mouvement des marques et de la publicité, quelque soit le média utilisé1. Mais ces facteurs contextuels sont-ils suffisants pour expliquer les résultats de l’enquête TNS Sofres / Stratégies ? Peut-être pouvons nous soumettre des éléments de réponse issus de l’organisation même de la publicité telle qu’elle se présente aujourd’hui. Tout d’abord, les consommateurs se trouvent confrontés à des publicités de plus en plus nombreuses et ce pour deux raisons principales. Premièrement, les médias se sont fragmentés avec des titres de journaux et de magazines toujours plus nombreux, des chaînes de télévision qui se comptent désormais par dizaines voire par centaines. Une cible peut donc être sollicitée par le même message publicitaire plusieurs fois par jour et par le biais de médias différents. Deuxième facteur expliquant la surexposition du consommateur à la publicité : le développement de la société de consommation qui a amené une offre de plus en plus large et de plus en plus segmentée. Cette multiplication de l’offre est certes le fait de l’apparition de nouvelles marques, mais aussi de la diversification des marques existantes qui déploient leur offre en gammes de produits, elles-mêmes contenant plusieurs produits différents. Si auparavant l’on pouvait choisir entre deux ou trois eaux minérales, elles sont aujourd’hui plusieurs dizaines. L’offre s’élargissant, les messages publicitaires se font naturellement plus nombreux. En étant toujours plus sollicités, les consommateurs sont de plus en plus éduqués à décrypter les messages publicitaires auxquels ils sont soumis. Une des conséquences de cette éducation du consommateur est qu’il est moins sensible aux mécaniques classiques de la rhétorique publicitaire et à l’homogénéité des stratégies communicationnelles utilisées, ce que confirment les propos de Bertrand Suchet, président de DDB Paris : « Quand on utilise de grosses ficelles, les gens ont l'impression qu'on les prend pour des abrutis. Il ne faut donc pas s'étonner si certaines publicités sont sanctionnées 2». Le consommateur n’est donc pas dupe, il sait que le message publicitaire est nécessairement orienté à l’avantage du produit notamment grâce à l’usage d’artifices stylistiques. Cela se retrouve particulièrement dans l’enquête TNS Sofres / Stratégies où à la question « qu’attendez-vous en priorité d’une publicité ?» 45% des sondés répond qu’elle doit être claire et facile à comprendre, 35% qu’elle doit être drôle, 35% qu’elle apporte des informations sur les caractéristiques d’un produit…, contre 17% qui répond qu’elle doit étonner, 11% qu’elle doit être belle, et 10% qu’elle doit faire rêver. Ces chiffres 1 2 MAUDIEU, 2005 Ibid Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 10 mettent bien en évidence que le consommateur, pragmatique et rompu aux techniques classiques de la publicité, est moins sensible aux effets de styles et qu’il attend moins de superflu s’il ne lui permet pas soit d’en savoir plus sur le produit, soit de se divertir. Il n’est donc pas favorable à cette publicité « qui s’emploie à empiler les masques – masquage de son énonciateur véritable, de son but illocutoire principal, de ses significations essentielles, aussi bien que de ses mécanismes logiques ».1 Le consommateur est conscient que la publicité ne représente pas la réalité, et il s’agit là peut être d’un point pouvant expliquer que les Français sont de moins en moins favorables à la publicité : celle-ci, bien que s’attachant souvent à être vraisemblable, ne serait pas ancrée dans le réel : la façon dont la société y est représentée n’est que clichés. En effet, conséquence de la diffusion des publicités par les médias de masse, la marque ne peut s’adresser aux consommateurs qu’en représentant des personnages stéréotypés sur lesquels un maximum de personnes peut se projeter - au moins partiellement. L’utilisation des stéréotypes serait aussi une contrainte liée à la surexposition du consommateur aux publicités dont nous avons parlée : pour être facilement compréhensibles et repérés dans le flot des messages concurrents, les éléments constitutifs du message doivent être simples, percutants et participer à ce que nous pourrions appeler une « saturation sémiotique ». En effet, comme le note George Péninou2, une des caractéristiques majeures du discours publicitaire est la redondance de l’information, c’est-à-dire que les signifiants d’un même signifié sont souvent surabondants pour assurer l’intelligibilité du message. De ce fait, l’utilisation de stéréotypes sociaux permet de rendre plus rapide la compréhension du message, ce qui est un critère fondamental dans le milieu publicitaire. Mais voilà, ces figures stéréotypées ne conviennent pas au consommateur qui exige de la marque un discours personnalisé –un consommateur ne veut pas être un client parmi tant d’autres- et qui, en vertu d’un principe d’idiosyncrasie intouchable refuse d’être mis derrière les barreaux invisibles des stéréotypes. La vocation du marketing à « convaincre les masses que c’était normal d’avoir les mêmes goûts que les autres » mentionnée par Loic Le Meur3 ne satisfait pas le consommateur. Car si la pratique du stéréotype n’est pas l’apanage de la société actuelle (on retrouve dans des écrits anciens des stéréotypes que les Grecs avaient sur les Barbares), elle est bien « une des grandes obsessions des temps modernes4 ». Notons que selon le sondage TNS Sofres / Stratégies la proportion de ceux qui avouent que la publicité influence la vie quotidienne 1 ADAM et BONHOMME, 1997, p.114 PENINOU, 1972, p.276. 3 LE MEUR, 2006 4 AMOSSY, Les idées reçues : sémiologie du stéréotype ; Nathan : 1991. p.11. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 11 n'a jamais été aussi forte (91%), et que « c'est précisément parce qu'ils se sentent influencés que les Français supportent mal le décalage persistant entre la publicité et la « vraie vie1 ». De tout cela résulte une baisse de la capacité de séduction de la publicité qui a perdu près de six points depuis 20022. Les résultats de l’enquête TNS Sofres /Stratégies nous amène à conclure davantage sur l’expression d’un besoin de redéfinition des rôles de la publicité que d’un rejet de celle-ci. Ainsi, face à un consommateur souhaitant plus d’authenticité, de parler vrai, la publicité ne devrait non plus faire preuve de séduction, mais d’argumentation et d’information. C’est peut-être pour cette raison que 42% des consommateurs déclarent que la motivation des achats provient du bouche à oreille… Le consommateur tend davantage à croire les conseils d’un ami ou d’un membre de sa famille que les messages véhiculés par la publicité. Et aujourd’hui, force est de constater qu’Internet a permis au consommateur de s’exprimer et de trouver des avis sur un produit redéfinissant ainsi son statut et la relation qu’il entretient avec les marques. 1.1.b Internet, ou la redéfinition du statut du client Au fur et à mesure de son développement et de son appropriation par le consommateur, Internet est apparu et apparaît encore comme un espace privilégié pour l’expression d’expériences personnelles, de centres d’intérêt, d’opinions et critiques sur les marques et leurs produits. Ces nouveaux espaces d’expression ont permis au consommateur, comme nous allons le voir, d’acquérir un nouveau statut auprès des marques. La première reconfiguration du statut du consommateur engendrée par l’Internet réside dans sa capacité à avoir une certaine maîtrise des prix grâce à des sites Web qui permettent à l’internaute de trouver le produit ou le distributeur le moins cher parmi les critères qu’il a fixés. Ces comparateurs facilitent grandement une comparaison large et objective de l’offre et des prix et ils peuvent donc conduire les marques ou les distributeurs à réviser leur politique de prix pour s’ajuster à la concurrence. Ce nouveau statut du consommateur ayant un poids sur la définition du prix va plus loin avec les sites d’achats groupés. Leur principe est simple : au plus le nombre d’internaute commandant un produit est élevé, au plus le prix de ce 1 2 MAUDIEU, 2005. Ibid Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 12 produit baisse. On voit donc que le réseau consumériste peut devenir une véritable force de négociation avec ces sites spécialisés dans les achats groupés. La deuxième reconfiguration du statut du nouveau consommateur consiste dans son désir et sa capacité à obtenir des produits partiellement ou totalement personnalisés. Les exemples sont nombreux et leurs modalités d’application variées. Nous distinguerons cependant un premier niveau où le cyber-consommateur est sollicité pour choisir une variante d’un produit parmi plusieurs propositions. C’est le cas notamment de la marque de vêtement Célio qui invite l’internaute à participer au « Tremplin des créateurs1 » où il peut voter pour le motif de T-Shirt qu’il souhaite voir commercialisé dans les magasins Célio. Le deuxième niveau quant à lui va plus loin dans la personnalisation de l’offre, puisqu’il s’agit d’interfaces permettant au consommateur de constituer son produit de A à Z, comme il le désire. Citons par exemple le site Nike ID2 où le client peut fabriquer sa chaussure de sport Nike en fonction de ses goût : il en choisi un modèle de base puis décide de la couleur de l’intérieur et des lacets par exemple. Plus généralement, on retrouve sur le Web l’idée que l’internaute, le consommateur peut contribuer à la vie d’un produit ou d’un site. Notons comme exemples de cet internaute producteur de ce qu’il souhaite voir / consommer le site de l’encyclopédie en ligne Wikipédia3 qui peut être modifiée par n’importe quel internaute, ou encore l’exemple singulier du journal de Corée du Sud Ohmynews.com4 dont la devise est « un journaliste dans chaque citoyen » et dont une grande partie des articles est rédigée par les internautes. En somme, nous voyons bien que dorénavant le cyber-consommateur a un désir de produire de l’information et d’avoir une influence sur les produits qu’il achète. Cela nous amène à la troisième reconfiguration du statut du consommateur : celuici a investi l’espace du Web à la fois pour s’exprimer sur une marque ou un produit mais aussi dans le même mouvement pour s’informer sur cette marque ou ce produit. Cela s’explique par la défiance des consommateurs vis-à-vis des formes traditionnelles de la publicité que nous avons évoquée plus haut. Ainsi, « saturé de messages publicitaires, moins sensible aux communications de masse, le consommateur a changé de comportement. Sélectif, infidèle aux marques et aux produits, il prend le temps de réfléchir, de comparer, d’arbitrer (…) Il demande 1 http://www.celio.com http://nikeid.nike.com 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil 4 http://ohmynews.com/ 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 13 plus d’informations et exige des services associés à ses achats. Il revendique son droit à l’expression et souhaite qu’on l’entende, qu’on le comprenne, qu’on réponde rapidement à ses attentes et qu’on le considère comme un individu à part entière, un client privilégié 1». Face à la multiplication et à la spécialisation de l’offre, le consommateur ne peut être expert sur tous les produits dont il a besoin. Surviennent des difficultés en terme d’utilisation du produit (comment tirer parti des fonctions d’un modèle de téléphone portable par exemple) mais aussi et avant tout en termes de choix du produit car les critères de sélection sont nombreux : le prix, le format, les caractéristiques fonctionnelles indiquées, l’allure extérieure, l’existence d’une garantie pour un produit durable, et la marque2. De plus, « le consommateur est possédé par la peur de « se faire avoir » par la marque, le vendeur. Il ne veut pas expérimenter le trauma de l’échec, or la meilleure arme préventive reste l’autonomie 3». Il va donc acquérir cette autonomie vis-à-vis du discours publicitaire en recherchant des témoignages d’autres consommateurs, en posant des questions sur des forums dédiés, en consultant des sites personnels, etc. Il va devenir, pour reprendre une expression de Hussherr, « un expert de la société de consommation 4». Car comme le note Loïc Le Meur « Nous sommes beaucoup plus intéressés par les avis des autres consommateurs que par soit la description élogieuse d’une marque de son produit, soit la publicité qui le met évidemment toujours en valeur. Si vous voulez acheter un appareil numérique par exemple, le site de la marque sera bien entendu une information, mais ce que vous voulez vraiment savoir c’est la qualité des prises de vues, la vitesse, la facilité d’utilisation, bref l’avis des personnes qui ont réellement eu le produit en mains. Google et les autres moteurs de recherche Web mettent cette information à un clic, accessibles en quelques secondes 5». En somme, si les entreprises ont longtemps communiqué uniquement sur les aspects positifs de leurs produits, c’est oublier que depuis la démocratisation d’Internet n’importe quel internaute peut publier son avis sur ces produits. La démarche est rapide, simple, immédiate, et parfois encouragée par des sites comme Ciao.fr ou tout simplement Fnac.com où chacun peut poster un avis sur tel livre ou tel disque. Les clients n’ont plus besoin d’un 60 millions de consommateurs pour se faire entendre, d’autant plus que « le nouveau consommateur se différencie en un point fondamental par rapport à ses ancêtres : son aptitude 1 HUSSHERR 1999, p3 KAPFERER, 1989, p93 3 STAMBOULI, 2002, p31 4 HUSSHERR, 1999, p.3 5 LE MEUR, 2006. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 14 et son goût à communiquer de façon permanente1 ». En bref, Internet a doté le consommateur d’outils puissants de bouche à oreille. 1.1.c Un nouvel outil de bouche à oreille : les blogs Récemment s’est ajouté à cette palette d’outils un autre dispositif : les blogs. Ceux-ci n’ont pas d’abord pas eu comme vocation de parler de produits ou de marques. Rappelons d’abord ce que nous entendons par « blog ». Pour reprendre l’acception donnée par l’Institut Médiamétrie, un blog est un site Web personnel qui permet à son auteur de s'exprimer via une interface facilitant la mise en ligne des notes écrites et/ou des contenus audio et vidéo qu'il soumet aux autres internautes de façon publique ou restreinte, et qui peuvent être commentées par les autres internautes. Même s’il n’existe aucune mesure officielle pour compter les blogs, un article du Journal du Net2 fait état de 9 millions de blogs en France dont 2,5 millions actifs3. Cela constitue un ratio de 0,35 blogs par internaute, soit le taux le plus élevé au monde, puisqu’à titre de comparaison, ce ratio est de 0,24 pour les Etats-Unis (50 millions de blogs dont 15 millions actifs), 0,32 pour la Chine (36 millions de blogs dont 10 millions actifs) ou encore 0,17 pour le Royaume Uni (4 millions de blogs dont 1,5 millions actifs). Le nombre de blogs ne cesse d’augmenter, et la blogosphère (c’est-à-dire cette communauté de blogueurs) doublerait de volume tout les 5,5 mois4. Elle a connu un essor tout particulier depuis 2004. Mais ces blogs n’ont pas tous ni la même forme ni les mêmes objectifs. Une typologie des blogs nous est proposée par Laurent Gloaguen5 qui distingue, par ordre d’importance : 1) un pôle diariste (sorte de journaux intimes enregistrant les événements d’une vie ; ce sont les blogs des ados, les blogs littéraires, les récits de voyage, etc.), 2) un pôle thématique (ce sont des blogs dédiés à un ou plusieurs thèmes comme la cuisine, le jardinage, les jeux vidéos, etc.), 3) et enfin un pôle weblogue (ce sont des blogs formant un recueil de liens Web). La plus forte raison de créer son blog relèverait d’un désir de relation interpersonnelle pour 47% des blogueurs sondés selon le site Actu-buzz6, mais cette vision 1 STAMBOULI, 2002, p41 http://www.journaldunet.com/diaporama/0604blogs/2.shtml 3 On distingue un blog actif qui est mis à jour régulièrement d’un blog passif qui lui est laissé à l’abandon. 4 http://www.technorati.com/ 5 GLOAGUEN, 2006. 6 http://www.actu-buzz.com 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 15 sociale du blog semble mise à mal par un article du Monde, qui voit dans les blogs une forme d’exhibitionnisme, « un besoin d’affirmation de soi et de revendication des blogueurs ». 1 Le blogueur peut donc s’exprimer sur sa vie, ses centres d’intérêts, des questions de société, mais les blogs ont fini par devenir rapidement des espaces d’information et d’expression pour les consommateurs. Les blogueurs ont commencé à partager leur expérience sur un produit, mais surtout, fait plus étonnant, à suivre l’actualité d’une marque (les nouvelles sorties de produits, les publicités, etc.). Ainsi, selon une étude menée par Technorati et Edelman, 40% des blogueurs écrivent au moins une fois par semaine sur une marque ou un produit. D’autre part, selon une enquête Médiamétrie du 1er juin 2006, 27% des internautes, soit 7,3 millions d’internautes, auraient consulté au moins un blog par mois en France au premier trimestre 2006, et 4 millions auraient laissé un commentaire sur un blog, soit 15% des internautes. Les blogs constituent donc un puissant outil du bouche à oreille, nous y reviendrons plus tard, d’autant plus puissants qu’ils répondent au besoin d’authenticité et de parler vrai exprimé par le consommateur. Malthieu Paldacci, sociologue à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales explique que le blog est à la fois une vitrine et un lieu d’échanges où « l’identité de l’auteur n’est absolument pas virtuelle, c’est pour cela que les blogs marchent »2. Nous pouvons illustrer cela par le cas très connu des antivols Kryptonyte. Le 12 septembre 2004 un internaute posta un billet sur un blog dédié aux amateurs de vélos. Dans ce commentaire, il affirma que les antivols U-Shaped de la marque Kryptonite pouvaient être ouverts en quelques secondes, et ce au moyen d’un simple stylo bille ! Deux jours plus tard, le blog Engadget3, intéressé par ce commentaire, diffusa une vidéo faisant la démonstration de cette défaillance. Avertie de ces attaques, mais peu rompue aux règles de la blogosphère, la compagnie Kryptonyte répondit en affirmant que ses antivols restaient malgré tout une force de dissuasion aux vols ce qui eut pour conséquence non pas d’apaiser les internautes, mais au contraire de les rendre encore plus furieux. Les jours suivants, les blogueurs étaient de plus en plus nombreux à écrire sur cette polémique et à manifester leur mécontentement. Cinq jours après le premier billet, le New York Times fut attiré par la multiplication des articles sur le sujet. . 1 GHIRINGHELLI, 2005. Ibid 3 http://www.engadget.com/ 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 16 Le quotidien américain publia un article sur les défaillances des antivols Kryptonite et sur les réactions virulentes de la blogosphère. Ayant échoué dans la gestion de la crise, la compagnie reconnut finalement son erreur de communication et annonça le 22 septembre, soit dix jours après le premier post, qu’elle remplacerait gratuitement tous les antivols défectueux. Le magazine Fortune estime aujourd’hui que près de 1,8 millions de consommateurs ont lu les articles des blogueurs relatifs aux problèmes de ces antivols. Nous venons de voir que le consommateur est aujourd’hui moins sensible aux formes traditionnelles du discours publicitaire. Nous avons vu également que le développement des pratiques de communication sur Internet a permis une reconfiguration du statut du client. Ce dernier, parce qu’il dispose désormais d’outils facilitant son expression sur le web, ne serait plus une entité passive dans le schéma de communication – un simple récepteur-, mais un agent communicant disposant d’une légitimité parfois égale ou supérieur au discours de la marque. Ce contexte conduit les marques à développer de nouvelles stratégies et à investir de nouveaux espaces médiatiques pour tenter de séduire ce nouveau consommateur. 1.2 Le blog comme forme aboutie des stratégies publicitaires actuelles. 1.2.a Des stratégies entre starisation du client et « real publicité » Le premier élément remarquable dès lors que l’on se penche sur l’évolution du discours marketing ces trois dernières années est très certainement l’explosion des castings de consommateurs. Mais comme l’explique Guillemette Sezner, de RMG Connect. « le casting en soi n'est pas récent. Mais la nouveauté, c'est sa médiatisation poussée par le phénomène téléréalité qui en fait quelque chose de tendance1 ». Kit Kat, Coca-Cola, Reebok, Le Comptoir des Cotonniers, Brandt, Bébé Cadum, Miko, Lou et même Canard WC2 !… Autant de marques qui, dans leurs stratégies de marketing opérationnel, ont monté des opérations de castings, opérations relayées dans les médias ou dans le point de vente avec des dispositifs near-pack (un bulletin de participation disponible dans le rayon du produit) ou on-pack (une inscription sur le produit lui1 2 LEITUS, 2005. Retrouvez en annexes l’intégralité des opérations castings citées. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 17 même indiquant la nature du casting). Ces opérations ont donc un objectif de promotion des ventes en animant la vie du produit et en créant un événement, mais la portée de ces opérations ne s’arrête pas là. En effet, ces castings sont aussi une façon de créer de la connivence avec le consommateur, de l’impliquer et de nourrir le territoire de communication de la marque. Miko, avec son opération « Casting Danse » en partenariat avec NRJ et en choisissant comme président du jury le chorégraphe Kamel Ouali (un des professeurs de La Star Academy) visait à une revalorisation de l’image de la marque. Ainsi, toute l'opération « Casting Danse » avait pour but de faire de Miko « une marque qui bouge », une marque un peu plus jeune. Les modalités de réalisation de ces castings et les cibles visées sont relativement variées. Ainsi, on ne s’étonne pas aujourd’hui de lire une annonce pour l’élection du bébé qui représentera en 2006 la marque Bébé Cadum, un casting de toilettes pour Canard WC ou encore pour un casting de doudous ! Ce dernier a été organisé par Brandt : les meilleurs doudous furent utilisés pour les campagnes d’affichage publicitaires des machines à laver de la marque où l’on pouvait voir la photographie du doudou accompagnée de la mention « seulement 45 minutes de séparation ». Le Comptoir des Cotonniers, marque de vêtements féminins, cible quant à elle par ses castings aussi bien des mères que leurs filles puisque elle base son territoire de communication sur l’intergénérationnel. Toutes les cibles peuvent donc être visées par ces opérations casting mais il est vrai toutefois qu’elles sont davantage orientées pour toucher les jeunes. Coca par exemple a organisé un casting auprès des 15-25 ans qui débouchait sur un rôle dans le prochain spot cinéma de la marque. Les annonceurs n’hésitent pas non plus à mêler castings et concours comme cela a été le cas avec Kit Kat qui lança il y a deux ans « l’Akadémie Kit Kat » : pour la réalisation d’un court métrage, la marque organisa un casting d’acteurs et des concours de synopsis, de scénarii et d’affiches. Nous voyons bien là un discours qui correspond à la reconfiguration du statut du client dont nous avons parlée. Le consommateur est de plus en plus habitué à intervenir dans la création d’un produit (rappelons les exemples du Tremplin des Créateurs de Célio ou le site Nike ID), et l’extension de cela est que le consommateur doit pouvoir participer à la communication du produit. Ces opérations castings tiennent cependant un double discours qui frôle le paradoxe car elles font cohabiter star et anonyme, deux termes pouvant paraître comme antinomiques. En effet, d’un côté la marque tient un discours, en amont de la création publicitaire, basé sur la promesse de faire du client anonyme une « star », du moins une personne exposée dans un ou plusieurs médias. L’autre versant du paradoxe tient au fait que ces mêmes castings visent au final à représenter la marque par des anonymes, sous-entendant que le produit Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 18 promu est un produit qui ressemble au consommateur de tous les jours et pas à un idéal publicitaire stéréotypé ! Ces castings remettraient aussi en question l’affirmation de Jacques Séguélà pour qui « Etre une personne, c’est être personne. Nous ne fabriquons pas des personnes, nous créons des stars 1». Quoiqu’il en soit, le succès des opérations castings, tant auprès des consommateurs qu’auprès des annonceurs, s’appuie sur le désir d’une relation basée sur de la connivence entre la marque et le consommateur, et elles semblent exprimer à celui-ci le souhait des entreprises de communiquer sans personnages stéréotypés. C’est encore une illustration de la recherche d’authenticité et de parler vrai que nous avons abordée. Il s’agit de rapprocher la marque du consommateur et son quotidien, d’humaniser cette marque. De plus, ce succès des castings s’explique également par la tendance exhibitionniste amorcée il y a quelques temps par la télé réalité et accentuée par le phénomène des blogs dans lesquels l’internaute révèle à la face de visiteurs anonymes ses états d’âmes, des morceaux de sa vie, des photos de ses amis et sa famille… La campagne «I am what I am2 » est un exemple qui conclut parfaitement notre démonstration sur ce parallèle entre les castings et les tendances exhibitionnistes du consommateur. Dans cette campagne Web, l’internaute peut devenir la prochaine star de la future publicité Internet de Reebok. Pour ce faire, il envoie sa photo et écrit une courte phrase, ou plutôt un slogan qui le qualifie et le site génère automatiquement une publicité visible de tous. Ce qui est remarquable c’est d’abord que tous les candidats ont une exposition médiatique (via le site de l’opération), et c’est ensuite la teneur même de l’opération : ce qui est attendu ce n’est pas une « belle gueule », un talent particulier ; non c’est un vrai visage, une vraie personne avec surtout une vision du monde et un langage (avec ses fautes aussi ! touche de réalisme supplémentaire il faut croire !). Voici quelques slogans pris au hasard : «ce ke tu peu faire aujourdui, ne le fait pas demain ; rêve ta vie puis vis tes rêves ; moi je suis comme je suis …etc. ». Cette campagne « I Am What I Am » avec ses phrases façon « ils ont dit » et surtout avec ses photos prises par l’internaute lui-même nous conduit vers ce que nous pourrions appeler une « esthétique de l’authentique ». Ces photos ne sont pas faites par des professionnels et cela se voit : on décèle des artéfacts ou une pixellisation forte qui montrent que les photos ont été prises avec une webcam. Les photos d’appareils numériques souffrent 1 2 LENDREVIE, 2001, p.434 Comprendre « Je suis ce que je suis » ; Voir annexes et http://www.rbketoi.fr/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 19 également de défauts d’amateurs (reflet du flash, yeux rouges, ombres dures, chromie incorrecte, etc.). C’est ce que nous entendons par « esthétique de l’authentique »1. Il aurait peut être paru plus juste de parler de « non-esthétique », mais nous pensons qu’une image ne peut pas ne pas tendre vers une forme d’esthétique, qu’elle soit volontaire ou non. Cette esthétique constitue un axe de développement important des stratégies publicitaires actuelles. On pourrait appeler cette tendance la « real publicité » dans la mesure où elle s’inspire de la façon de filmer de la téléréalité, plus précisément de Loft Story. Ce mouvement s’illustre particulièrement avec les films viraux qui, pour beaucoup, semblent être des films amateurs : pas de lumières additionnelles, utilisation grossière du zoom, cadrage et prise de son aléatoire, image dure (pas de filtre) et instable (façon caméscope)... Mais souvent, pour créer de l’humour, des éléments extraordinaires ou absurdes interviennent dans la trame narrative. Citons comme exemples les films viraux de la nouvelle Renault Clio2, les films « Opérations Cuisine » d’Ikea3, ou enfin ceux pour le jeu vidéo Prince Of Persia d’Ubisoft4. Cette esthétique de l’authentique va dans le sens de discours publicitaires plus proches de la réalité, peut être pas plus réalistes mais en tout cas plus vraisemblables : avec les castings, les marques semblent vouloir se défaire des personnages stéréotypés et impliquer le consommateur dans la vie du produit, et avec l’esthétique de l’authentique, elles paraissent accorder moins d’importance à la mise en forme du message et se concentrer par le même mouvement à avoir un discours clair : avec moins d’effets de style, le message serait plus direct et plus franc, et non plus dissimulé derrière des artifices visuels. Tout cela contribuerait à diminuer la distanciation que le consommateur peut effectuer en regardant un message publicitaire. Mais ce serait oublier que cette esthétique de l’authentique n’est qu’apparence : elle permet à la marque de cacher qu’il s’agit d’un message travaillé selon une stratégie, des objectifs de communication. 1.2.b L’appropriation des nouveaux médias par le marketing Si les marques essayent de séduire le consommateur par ces techniques de starisation du client et des esthétiques de l’authentique, elles tentent également d’attirer son attention en diffusant leurs messages publicitaires dans les espaces jusque là encore vides des 1 Cf. annexes pour exemples. http://www.jaiamelioremaclio.com/ 3 http://www.operationcuisine.com 4 http://www.2december.co.uk 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 20 nouveaux médias. Ainsi voit on apparaître des SMS publicitaires sur nos téléphones portables ou encore des banderoles vantant telle marque de chaussures dans un jeu vidéo de football… En effet, le téléphone portable et ses 44,3 millions d’abonnés en France a vite intéressé les annonceurs. Ce nouveau média dispose de plusieurs atouts. Tout d’abord, comme l’indique Marc-Henri Magdélénat de Screentonic, « c’est le seul qui appartienne à l’individu et non foyer 1» qui de surcroît est souvent à portée de main. Des messages peuvent être envoyés sous forme de teasers constituant de cette manière des points de renvoi vers d’autres supports de communication. Les marques peuvent également décider de créer des mini-sites compatibles avec les contraintes de la téléphonie mobile (ce sont les technologies Wap, I-mode, etc.). Le « mobinaute » peut alors y télécharger des sonneries ou des fonds d’écran pour personnaliser son mobile, mais aussi y trouver des offres promotionnelles, ou encore, comme le propose Citroën, de trouver le point de vente ou de réparation le plus proche. C’est d’ailleurs dans cette perspective de relation client que le téléphone portable laisse entrevoir des possibilités intéressantes. Notons les exemples de Grand Optical qui informe ses clients par SMS que les lunettes qu’ils sont venus faire réparer sont prêtes, ou encore Accor Hotels qui envoie un SMS de confirmation avec les coordonnées de l’hôtel pour les internautes qui ont réservé une chambre par Internet. Continuons notre démonstration de l’expansion de la publicité dans les nouveaux médias avec l’exemple des jeux vidéo. Avec un marché en pleine expansion et une diversification du profil des joueurs, les marques ont vu dans les jeux vidéo un nouvel espace d’expression publicitaire. La marque dispose alors de deux solutions : soit elle créé son propre jeu vidéo, soit elle signe un contrat avec un éditeur pour apparaître dans un jeu. Ford a ainsi créé un jeu baptisé « Ford Racing » laissant au joueur le plaisir de conduire différents modèles du constructeur. Mais cette solution n’est pas forcément efficace car elle se révèle chère, et les jeux produits sont souvent mal réalisés et intéressent peu les joueurs. Les marques préfèrent apparaître dans un jeu vidéo qui ne leur est pas dédié. C’est la cas de Mac Donald’s ou d’Intel qui ont versé plusieurs millions de dollars pour être présents dans le jeu vidéo Les Sims. La publicité constitue alors un élément de réalisme pour certains jeux (comme les jeux de football où l’on imagine mal un terrain sans publicité). 1 Stratégies, Nouveaux médias Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 21 Si nous nous sommes attardés sur ces nouveaux médias que sont les SMS et les jeux vidéo, c’est pour illustrer l’élan naturel du marketing à infiltrer tous les interstices des médias numériques laissés béants et encore vierges de toute empreinte des marques. Il est dans la nature même du marketing de profiter de l’apparition de nouveaux médias. Cette propension du discours publicitaire à apparaître dans tous les points de contacts possibles avec le consommateur se vérifie ailleurs que dans les médias numériques. Il est en effet étonnant, peut-être inquiétant, nous laissons le lecteur en juger, de voir qu’il est désormais possible pour un annonceur de faire de la publicité sur des oeufs1 (non pas les boîtes à œufs mais les œufs eux-mêmes !), ou encore dans les toilettes2 d’un restaurant. Bref la publicité est partout ! C’est peut être d’ailleurs un facteur qui pourrait expliquer les résultats de l’enquête TNS Sofres / Stratégies dont nous avons parlée auparavant… Les marques s’adaptent donc au remodelage du paysage médiatique et des comportements des consommateurs. Ainsi, il ne faut pas s’étonner de voir les marques s’approprier la blogosphère. Les blogs connaissent un engouement certain depuis plus de deux ans et les médias attirent l’attention sur ce phénomène en multipliant les articles de presse, les reportages télévisuels ou radiophoniques. Il est donc naturel que les annonceurs envisagent ces blogs comme un lieu d’expression publicitaire et nous pouvons rappeler pour soutenir cette idée les propos de Jacques Lendrevie qui affirme que « pour la publicité, tous les médias, au fur et à mesure qu’ils apparaissent (et qu’ils lui sont accessibles) sont les bienvenus 3». 1.2.c De l’intérêt des marques pour les blogs. Si nous avons pris le temps d’analyser les facettes du nouveau consommateur et les nouvelles stratégies publicitaires, c’est pour contextualiser cet intérêt des marques pour les blogs. Nous comprenons mieux maintenant en quoi l’apparition des blogs de marques est une suite logique à l’appropriation des nouveaux espaces médiatiques par la publicité, aux stratégies de valorisation du client anonyme par les opérations castings et par l’esthétique de l’authentique, mais aussi à la reconfiguration du statut du consommateur qui dispose désormais d’outils simples lui permettant de s’exprimer sur ses expériences produits ou sur ses préférences pour ce qu’il souhaite voir commercialisé. Car comme le souligne Loïc Le Meur, « si votre entreprise ne 1 http://www.foxnews.com/story/0,2933,164919,00.html http://www.nouveaujour.fr/~blog/2004/09/la-pub-lassaut-des-toilettes-publiques.html 3 LENDREVIE, 2001, p.14 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 22 blogue pas, ce sont ses clients qui le feront pour elles 1». Rappelons l’étude de Technorati et Edelman selon laquelle 40% des blogueurs écrivent au moins une fois par semaine sur une marque ou un produit. Les entreprises ne souhaitent certainement pas connaître le même sort que Kryptonite et ses antivols... Dans ce contexte, les blogs de marques relèvent d’une tentative de réappropriation partielle du discours tenu sur elles ou leurs produits. Notons que parallèlement à ces blogs de marques, d’autres applications pour l’entreprise émergent. Le blog peut alors être utilisé comme un outil de gestion de projets en interne ; il peut aussi être au service des départements de ressources humaines comme cela est le cas pour le réseau d’agences immobilières Century 212 qui diffuse sur son blog des offres d’emplois et fait découvrir les métiers en agence ; il peut également être une interface privée de relations presse, en témoigne le blog mis en place par la SNCF et qui est réservé aux journalistes3. Le spectre d’utilisation des blogs par les entreprises semble donc très vaste. Mais revenons à son utilité dans la communication externe d’une marque. Le blog peut revêtir deux formes majeures : il peut être un blog de marque stricto sensu, c'est-à-dire servant la communication institutionnelle de la marque dans son ensemble. Ce sont des blogs généralistes portant sur l’actualité de l’entreprise et qui peuvent parfois être un lieu d’expression pour ses dirigeants. Un exemple remarquable est le blog de Michel Edouard Leclerc4 . Tout en abordant l’actualité de ses hypermarchés, Michel Edouard Leclerc exprime sa passion pour la bande dessinée, commente des faits d’actualité, etc. Le blog peut enfin être un blog publicitaire, c’est-à-dire spécialement conçu pour promouvoir un produit ou une gamme de produits de la marque. Il est intéressant de constater que cette utilisation des blogs dans la communication externe d’une entreprise n’est absolument pas réservée à une catégorie de produits ou à un milieu particulier. Quiconque surfe sur Internet pourra trouver le blog d’une chaîne de parfumeries comme Sephora5, d’une gamme de vêtements comme celle d’Adidas Clima6, d’un comparateur de prix en ligne comme Kelkoo1, et même d’un grand nom du prêt-à1 LE MEUR, 2006. http://century21.typepad.com/ Lire à ce sujet l’article « Recrutement : blog mode d’emplois » in Stratégies 1387, 27 Octobre 2005, Frédéric Saliba 3 http://tubbydev.typepad.com/entreprise_et_blog/2005/06/blog_voyagessnc.html 4 http://www.michel-edouard-leclerc.com/blog/m.e.l/index.php 5 http://piiink.blogs.com/ 6 http://adidas-clima.skyblog.com/ 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 23 porter et du luxe comme Dior et son blog Plastique de Rêve2. .Encore plus étonnants peut-être, les blogs pour des brosses à dents 3 et pour une machine à pain Panasonic 4! Mais les marques françaises ont d’abord été réticentes à s’exposer via un blog. La raison ? L’expérience douloureuse de Vichy avec son blog « Le Journal de ma peau5 ». Rédigé par une certaine Claire, ce blog devait permettre à cette consommatrice comme les autres de faire vivre aux internautes son expérience d’une crème pour la peau Vichy. Mais l'aventure a tourné court. Les internautes se rendirent compte que Claire n’existait pas, qu’il s’agissait d’un personnage fictif inventé par Vichy et son agence de communication. Mieux, les commentaires étaient filtrés et les articles avaient une allure de publi-rédactionnel. Il n’en fallu pas plus pour que les internautes fassent circuler l’information sur des forums et d’autres blogs afin de dénoncer la supercherie. Vichy publia un mea culpa. Un membre du service marketing reconnu que Claire n'existait pas, mais que toutes les remarques des internautes allaient être étudiées avant de réfléchir à la suite à donner à cette expérience. Aujourd’hui, Le Journal de Ma peau a été remodelé donnant lieu à une deuxième version. Le contre-exemple de Vichy illustre en tous cas ce qui peut motiver les marques qui jouent le jeu et les internautes qui lisent ces blogs officiels : ce serait une opportunité pour la marque de tenir un discours authentique, spontané, direct et sans artifice, et cela serait une preuve visible et concrète de la volonté de l’entreprise de valoriser le client en le laissant s’exprimer pleinement sur les produits de la marque. Si les opérations castings dont nous avons parlées sont une valorisation du client par l’image, les blogs sont quant à eux une valorisation du client par la parole. « Cela nous permet d’abord de développer de la complicité avec la clientèle, Et puis le blog remet de l’humain dans un modèle hyper-communiquant , les clients peuvent se réapproprier la marque, un peu comme les premiers abonnés de Canal Plus » indique Bertrand Jouvenot, responsable Marketing de Célio6. La nature même du blog participe à l’esthétique de l’authentique explicitée plus haut. En effet, le blog est soumis à la notion de contrat de communication comme toutes les formes de discours. Par exemple, on attend d’un journal télévisé un autre discours qu’un 1 http://www.kelkooblog.com/kk/ http://plasticity.blogs.com/ 3 http://brosseadomicile.typepad.com/ 4 http://www.panasonic-blog.fr/servlet/PB/menu/1223695_l3/index.html 5 http://www.journaldemapeau.fr/blog/index.php 6 RAULINE, 2005. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 24 programme de divertissement. On attend d’un magazine sur le jardinage des articles et des conseils pour entretenir son jardin, pas une analyse géopolitique du monde… Pour faire simple, le cadre du discours modalise les attentes du récepteur sur celui-ci. Ainsi, en consultant un blog, on s’attend à trouver un discours vrai, un discours personnel. C’est ce que nous appelons le contrat de communication. En adoptant la forme du blog, la marque s’engage implicitement dans une démarche d’authenticité et d’humanisation. Reste à savoir ce qui fait qu’un discours paraît vrai, mais cela est une autre histoire…Si la marque ne joue pas le jeu, le blog aura vite l’apparence d’un publi-rédactionnel classique, et les conséquences seront les mêmes que pour Vichy. Comme le rappelle Laurence Girard le blog est « une arme marketing à double tranchant. Face à un consommateur plus volage, plus averti aussi, pour qui la chasse à la bonne affaire sur Internet est une activité ludique et qui n'hésite pas à donner son avis sur un produit, les marques tentent de reprendre la main. Mais, en voulant profiter de la sphère d'influence d'Internet et susciter une rumeur positive, on peut se retrouver, au contraire, au centre de la polémique 1» ‘ Outre cette volonté de paraître authentique et de poursuivre dans la valorisation du client, d’autres facteurs expliquent l’intérêt des marques pour les blogs. Ainsi, parce qu’ils sont souvent riches en contenus et en liens, les blogs sont particulièrement bien référencés dans les moteurs de recherche. Ils sont également plus faciles à mettre en place qu’un site traditionnel. Mais plus largement, cet engouement des marques pour les blogs traduit la réorganisation des priorités accordée aux différents médias. Les stratégies marketing et publicitaires des marques se réorienteraient-elles vers les médias interpersonnels au détriment des médias de masse ? Cela conforterait les propos de Arthur Kannas, concepteur de blogs chez l’agence Heaven, pour qui « au-delà du blog l’avenir est aux médias interpersonnels. Aujourd’hui, 85% du contenu sur le Web sont produits par des particuliers. Les marques n’auront jamais suffisamment de puissance pour maîtriser cela. Elles doivent participer à ce mouvement, en prenant la parole sur les blogs, les forums, les sites persos 2». Nous venons d’analyser le contexte dans lequel l’émergence des blogs de marques et des blogs publicitaires a pu avoir lieu. Dans le cadre de notre étude, nous allons nous intéresser plus particulièrement à ce dernier type de blogs, au(x) discours qu’ils tiennent et à leurs applications marketing. Pour mener à bien cet objectif, nous allons soumettre un corpus de blogs publicitaires à une analyse sémiotique comparative. 1 2 GIRARD, 2005. RAULINE, 2005. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 25 1.3 Méthodologie d’analyse et présentation du corpus 1.3.a Options méthodologiques d’analyse et concepts fondamentaux Notre objectif d’analyse des stratégies discursives et des applications marketing d’un ensemble de blogs publicitaires nous amène, dans un premier temps, à définir un blog, et plus largement un site Web, comme un message scripto-iconique, c’est-à-dire un message composé, à degrés variables, d’éléments textuels (slogan, marque, texte informatif, etc.) et d’éléments iconiques (photographie, dessins, schémas, diagrammes, etc.). Néanmoins, soulignons que cette dichotomie texte/image n’est pas si évidente, et nous le verrons lors de nos analyses de blogs, puisque comme le signalent Bernard Cocula et Claude Peyroutet, « parfois, les recherches typographiques font de la lettre et du texte un message esthétique perçu plutôt comme une image 1». Quoiqu’il en soit, un site web, un blog, comme tout document de communication est un lieu de significations, un lieu où se construit du sens. En somme, il s’agit de comprendre comment la combinaison de signes particuliers suscite l’interprétation chez le récepteur. Dans Introduction aux sciences de la communication, Daniel Bougnoux reprend une phrase de Gregory Bateson : « communiquer, c’est entrer dans l’orchestre 2», et poursuit « vous ne communiquez pas si dissonez, ou si votre musique s’harmonise mal avec les partitions des autres et les codes en vigueur. Entrer dans l’orchestre, c’est jouer le jeu d’un certain code, s’inscrire dans une relation compatible avec les canaux, les médias, le réseau disponibles ». Un blog, parce qu’il s’adresse à une cible particulière, met en relation un ensemble de signes, utilise un ou des codes particuliers pour être le plus en phase possible avec les attentes de celle-ci. Un code est un ensemble de règles qui permettent de produire et de déchiffrer des signes ou des ensembles de signes. Un code est donc un système organisé de signes. Mais qu’est-ce qu’un signe ? Sur cette question, deux conceptions s’opposent (ou se complètent) : une conception dyadique du signe partagée par Ferdinand de Saussure et Roland Barthes notamment, et une conception triadique partagée entre autre par Charles Sander Pierce et Umberto Eco. 1 2 COCULA et PEYROUTET, 1986, p.123. BOUGNOUX, 1998, p.20. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 26 Pour Ferdinand de Saussure, qui s’intéresse à la nature du signe linguistique notamment, le signe est une entité psychique à deux faces indissociables : un signifiant et un signifié, le signifiant étant la matérialité du signe (le mot /chien/1) et le signifié ce à quoi renvoie cette matérialité (le concept de « chien »). Cette relation signifiant/signifié peut être conventionnelle (pour les signes linguistiques : le mot /chien/ n’a aucun rapport avec la réalité « chien »), ou motivée (pour les signes non linguistiques comme la photographie où il y a un rapport de contiguïté). Barthes s’inspire de cette vision dyadique du signe dans « Rhétorique de l’image » où, en analysant une publicité pour la marque Panzani (analyse fameuse pour le concept d’ « italianité » mis en avant par Barthes), il détermine par exemple un signifié « retour du marché » dont le signifiant serait /filet entrouvert/. Toujours dans Rhétorique de l’image, Barthes distingue : le message linguistique dans sa dénotation et sa connotation ; le message iconique non—codé, c’est-à-dire le dénoté ; et enfin le message iconique codé, c’est-à-dire ce qui relève du culturel, du symbolique, de la connotation. La dichotomie signifiant/signifié peut être alors prolongée au sein même du signifié avec une subdivision signifié de dénotation (« une plage ») et signifié de connotation (« les vacances »). De façon générale donc, le signe, dans sa nature bifaciale, serait l’union de ce que Jean-Marie Floch appelle un « plan de l’expression » (le signifiant) et « un plan du contenu » (le signifié). Mais comme le souligne Roland Barthes dans Rhétorique de l’image, le concept d’italianité n’est possible que par rapport à un savoir français, c’est-à-dire que la mise en relation signifiant/signifié ne serait possible que par une troisième face du signe. Le travail du sémioticien Charles Sander Pierce a inauguré une conception triadique du signe car il montre qu’un signe entretient une relation solidaire entre trois pôles : la face perceptible du signe qu’il nomme « representamen » (le signifiant), ce que le signe représente (l’« objet », le référent), et enfin ce que le signe signifie, l’ « interprétant » (correspond au signifié). Umberto Eco, dans la production des signes (1976), définit le signe iconique comme la mise en relation de l’objet, du signifiant qui le désigne, et une structure perceptive mentale capable de faire le lien entre les deux. Cette conception triadique du signe souligne le rôle d’une structure interprétative qui va effectuer la mise en relation signifiant/signifié. D’où l’importance du contexte de réception du message publicitaire. Nous nous opposons ainsi à l’approche de Ferdinand de Saussure et Louis Hjelmslev selon laquelle un message doit être systématiquement isolé de son contexte de production et de réception en vertu 1 Par convention, un « signifié » sera mis entre guillemets et un /signifiant/ entre deux barres obliques. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 27 du principe d’immanence. Cette abstraction ne nous apparaît pas pertinente car la publicité est une forme de communication, et toute communication prend sens dans la situation de communication particulière dans laquelle elle se réalise, c’est-à-dire le cadre physique, mental et social dans lequel se retrouvent les partenaires d’échanges déterminés par une identité psychologique, sociale et culturelle qui pèse sur l’interprétation. Il convient de rappeler brièvement que Roman Jakobson a défini six fonctions essentielles de la communication, valables autant pour les messages textuels que pour les messages iconiques : • la fonction référentielle : renvoie aux référents, situationnels et textuels. Englobe les éléments d’information objective. • La fonction expressive : axée sur les impressions, émotions, jugements provenant de l’émetteur. • La fonction conative : attire l’attention du récepteur qui doit se sentir concerné par le message. • La fonction phatique : permet d’établir, maintenir ou interrompre le contact physique et psychologique avec le récepteur. • La fonction métalinguistique : permet d’expliquer le code, le sens des signes. • La fonction poétique : liée au plaisir esthétique provoqué par la mise en valeur particulière de la face « signifiant » d’un signe. Pour finir, quelques remarques spécifiques au message textuel publicitaire. Roland Barthes indique que le message textuel peut avoir deux fonctions principales : une fonction d’ancrage (le texte est redondant, il double les informations du message iconique) ou une fonction de relais (le texte ajoute une information inédite à l’image) 1. Enfin, dans « Le message publicitaire », Roland Barthes explique que le message textuel d’une publicité est une imbrication d’un premier message « naïf », le message littéral dont on ne tient pas vraiment compte (en lisant le slogan « cuisinez d’or avec Astra », nous savons bien que l’huile Astra ne va pas transformer notre nourriture en métal « or »), et d’un message plus global « unique » car « c’est toujours le même, dans tous les messages publicitaires : c’est, en un mot, l’excellence du produit annoncé ». Le premier message serait, en quelque sorte, caché sous le second message grâce à l’usage de figures de styles. 1 BARTHES, 1964. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 28 Nous avons défini quelques concepts fondamentaux de la sémiologie. Mais l’analyse d’un corpus de blogs induit des concepts propres à l’étude des médias numériques. 1.3.b Les spécificités de l’Internet Dans leur article « Pour une poétique de l’écrit d’écran 1», Yves Jeanneret et Emmanuel Souchier développent plusieurs notions propres à l’approche sémiologique des médias interactifs qui dévoilent à nos yeux ce que les auteurs appellent « l’écrit d’écran ». Outre le fait de rappeler que l’écrit d’écran fait coexister une pluralité de signes (textuels, iconiques, sonores…) dans un nouvel espace qui est celui de l’écran, Jeanneret et Souchier soutiennent que ces médias engendrent une nouvelle économie des signes (écrit, image & son), une nouvelle rhétorique. Si cette nouvelle économie résulte en partie de l’interactivité permise par ces médias, les auteurs nuancent cette notion même d’interaction en rappelant que l’ordinateur ne peut interagir. La machine n’agit pas, elle fonctionne car l’action est « dotée de sens par un sujet dans un contexte social, historique et culturel 2». Jeanneret et Souchier distinguent trois concepts fondamentaux à la sémiologie des médias interactifs : le paratexte, les signes passeurs et l’architexte. Le paratexte se différencie du texte parce qu’il couvre un « ensemble d’éléments fonctionnels (textuels ou iconiques) qui permettent la bonne gestion du texte ». Cette zone de paratexte reçoit ce que Jeanneret et Souchier nomment des « signes passeurs » que l’on pourrait qualifier d’ « indices de textes à révéler3 », au sens sémiologique du terme indice. En effet, si l’accès au texte dans un livre réside dans un geste purement ergonomique (tourner une page), l’accès au texte de l’écran résulte lui d’un acte d’interprétation. Par exemple, sur une page web ces signes passeurs se matérialisent par des icônes (un agenda pour accéder à un choix de dates), des boutons (un encart « ok » à la fin d’un formulaire de recherche pour afficher les résultats), une image fixe ou animée (comme une bannière publicitaire), ou plus communément une portion de texte mise en valeur (un mot en gras, souligné ou d’une couleur différente du texte indique 1 Jeanneret et Souchier, 1999. Ibid 3 Ibid 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 29 qu’il est cliquable). L’on voit bien qu’une des spécificités de l’écrit d’écran est que le lecteur devient un « acteur-scripteur » projeté dans une situation à la fois de distanciation (car l’écran dématérialise l’acte de tourner une page, l’écran sépare le texte du lecteur) et d’engagement (car le lecteur, en cliquant sur des zones précises, manipule le texte et sa lecture faisant du clic « un acte de lecture-écriture 1»). Grâce au paratexte et aux signes passeurs, le texte devient dynamique, peut être changé en permanence et doit donc attirer notre attention sur la navigation proposée par un média interactif qui définit la scénarisation du texte. Dernier concept, développé dans l’article de Jeanneret et Souchier : l’ « architexte ». Les auteurs mentionnent que « le texte est placé en abîme dans une autre structure textuelle, un architexte, qui le régit et qui lui permet d’exister ». En d’autres termes, la réalisation de l’écrit d’écran nécessite une interface, un programme, un logiciel. Du simple Microsoft Word aux logiciels comme Dreamweaver pour la création de pages Web en passant par l’interface de sa boîte mail, tous modalisent l’écrit d’écran, le balisent en en définissant les possibilités et les limites. En somme, « la forme de ces écritures de l’écriture détermine les limites du scriptible2 ». Ce concept d’architexte est d’autant plus important qu’il va se manifester particulièrement dans nos analyses de blogs. En effet, un blog se caractérise surtout par l’interface qui permet à quiconque de le mettre à jour facilement, ce qui induit une mise en forme plutôt rigide, pré formatée et donc relativement identique quelque soit le blog visité. Avec les blogs, la notion d’architexte prend toute son ampleur et suscite plusieurs interrogations. Comment se caractérise l’organisation topologique et graphique de l’information dans un blog publicitaire ? Comment les marques peuvent jouer des contraintes formelles que supposent les blogs ? Quels avantages peuvent-elles en tirer ? Plus largement, quelles stratégies discursives les marques adoptent-elles avec leur blog et quels objectifs marketing leur accordent-elles ? Nous allons tenter de répondre à ces questions en analysant un corpus de quatre blogs publicitaires. 1 2 Jeanneret et Souchier, 1999. Ibid Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 30 1.3.c Présentation du corpus Avant d’expliciter notre méthodologie d’analyse, il convient d’exposer la démarche choisie pour la sélection des blogs constitutifs de notre corpus. Le premier critère est que le blog doit être un blog publicitaire dédié à un produit tel que nous l’avons défini plus haut et non un blog de marque institutionnel. Ensuite, nous avons cherché à avoir des blogs qui a priori ont des approches différentes que ce soit en termes de graphisme, de gestion des commentaires, de ligne éditoriale, etc.. Enfin, nous avons voulu des blogs sur des catégories de produits variées allant du bien culturel au produit alimentaire, en passant par une voiture et une crème cosmétique d’une marque de luxe. Bien sûr, la phase de sélection des blogs relève d’une part de subjectivité que nous ne pouvons occulter. Pour analyser les blogs de notre corpus, nous adapterons aux spécificités de notre sujet une grille d’analyse développée pour les images publicitaires par Bernard Cocula et Claude Peyroutet1 qui préconisent d’adopter dans un premier temps une approche intuitive du document publicitaire pour ensuite détacher les signifiants, puis les signifiés de dénotation et enfin les signifiés de connotation. Partant de ce principe, nous déploierons cette grille sur trois axes principaux, à savoir : une analyse iconique et iconographique des blogs, une analyse de la navigation proposée par ceux-ci ; enfin une analyse textuelle à la quelle nous soumettrons naturellement les articles du blogs mais aussi les commentaires faits sur ces articles. Notre analyse portera sur les quatre blogs publicitaires suivant : • J’suis un wouf : lancé en mars 2006, le blog J’suis un wouf s’intègre dans la campagne de buzz marketing pour le hot dog des restaurants rapides Quick qui comprend également un site dédié « I Love Hot Dog 2». Lien web : http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/ • S-Max Experience : il ne s’agit pas en fait d’un blog mais plutôt d’un ensemble de dix blogs rédigés par dix consommateurs testeurs du monospace S-Max de Ford. Ces blogs faisaient l’objet d’un double concours : dans un premier temps un tirage au sort sur le site officiel de Ford permettait de définir les dix consommateurs qui allaient 1 2 COCULA et PEYROUTET, 1986, Chapitre « Méthode d’analyse du message visuel fixe » p.109-122. http://www.ilovehotdog.com/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 31 pouvoir raconter leur expérience avec le Ford S-Max. Deuxième phase du concours, ces dix blogs étaient soumis aux votes des internautes. Le blog ayant reçu le plus de voix faisait gagner à son auteur un monospace Ford S-Max. Pour les analyses approfondies, nous nous concentrerons sur le blog du gagnant du concours, à savoir le blog de Vincent. Lien web : http://fr.cars.yahoo.com/promo/ford/smax/index.html Avril 2006. Lien blog Vincent : http://fr.360.yahoo.com/ford.smaxexperienceid10 • La Chocolaterie Wonka : ce blog accompagnait la sortie des différentes éditions DVD du film de Tim Burton : Charlie et La Chocolaterie. http://www.chocolateriewonka.com/ • Plastique de Rêve : inauguré en février 2006, le blog Plastique de Rêve est rédigé par Sophie Kune – blogueuse professionnelle1 – et il est consacré à une crème amincissante de Christian Dior : « Plasticity ». Si Sophie Kune est la rédactrice en chef de ce blog, notons que douze blogueuses interviennent comme testeuses du produit. Lien web :http://plasticity.blogs.com/ Maintenant que nous avons explicité les concepts fondamentaux sur lesquels nous nous appuierons et la méthodologie de recueil des blogs, nous pouvons soumettre les documents de notre corpus à l’analyse sémiotique comparative. 1 Sophie Kune, de l’agence JESUISUNIQUE est responsable de plusieurs blogs notamment ceux de Célio et de Vichy. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 32 Partie 2 | Les blogs publicitaires à l’épreuve de l’analyse sémiotique comparative Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 33 II. LES BLOGS PUBLICITAIRES A L’EPREUVE DE L’ANALYSE SEMIOTIQUE L ’objectif de ces analyses est double : il s’agit à la fois de dégager les stratégies discursives des quatre blogs publicitaires de notre corpus, mais aussi de construire une grille d’analyse qui peut être reprise par un annonceur ou son agence pour la création d’un blog publicitaire. En effet, en basant notre recherche sur une méthodologie détaillée, nous attirons l’attention des communicants et des concepteurs Web sur une série de points dont il faut tenir compte pour la réalisation d’un blog publicitaire, et les résultats de nos analyses peuvent servir comme des premiers éléments de réflexion. 2.1 Analyse iconique et iconographique Commençons notre analyse sémiotique par une étude iconique et iconographique des blogs de notre corpus. Nous avons abordé plus haut le cas du premier blog de Vichy, où la marque a été accusée de vouloir manipuler les internautes en cachant le caractère commercial et publicitaire du blog. Le logo des marques ou du produit apparaît-il de façon claire dans les blogs de notre corpus ? Ensuite, alors que des sites « classiques » - entendons qui ne sont pas des blogs - permettent à une marque d’imaginer toutes sortes de scénarii et de mises en scènes pour se représenter, les blogs sont des sites dont l’apparence est formatée et plus ou moins paramétrable. Les blogs posent alors des questions corollaires à l’identité graphique de la marque ou du produit : tout d’abord comment se manifeste ce formatage graphique dans les blogs ? Comment coexistent l’identité graphique du produit et celle de la plateforme1 qui héberge le blog de ce produit ? Enfin, de quelle latitude et de quels moyens la marque dispose-t-elle pour accorder l’identité graphique de son produit à cette mise en page blog et à ces contraintes formelles ? . 1 Pour rappel, les blogs sont hébergés par des plateformes comme Skyblog, TypePad, Six Apart… Nous pouvons dire que ces plateformes ont des identités graphiques propres dans le sens où les blogs de Skyblogs n’ont pas la même apparence que ceux de TypePad par exemple. Cela pose donc la question de l’équilibre entre l’identité graphique de la marque et l’identité de la plateforme hébergeant le blog. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 34 2.1.a Les bandeaux thématiques Nous appellerons « bandeaux thématiques » les images principales qui se retrouvent sur toutes les pages du blog, généralement en haut mais pas obligatoirement, et qui illustrent non pas un article particulier mais bel et bien le blog dans son intégralité, sa thématique, son univers. Ces bandeaux thématiques peuvent avoir des tailles très différentes selon les plateformes d’hébergement. Cela va du bandeau très mince pour Plastique de Rêve (environ 100 pixels de hauteur), au bandeau moyen pour Ford S-Max Experience (135 pixels environ) jusqu’au bandeau très grand pour La Chocolaterie Wonka puisqu’il fait près de 350 pixels soit presque la moitié de l’écran1 ! Notons en revanche que la présence d’un bandeau n’est pas obligatoire comme cela est le cas pour J’suis un Wouf : les skyblogs n’autorisent qu’une petite illustration sur la gauche du blog. Ici, cet espace est occupé simplement par le logo « Hot Dog ». Cependant, signalons l’ambiguïté de la bannière se trouvant en haut du blog J’suis un Wouf. Cette bannière est interprétée comme une publicité classique : elle se situe dans un espace traditionnellement réservé aux publicités sur les skyblogs, elle véhicule un message publicitaire invitant à se rendre sur le site www.ilovehotdog.com, et enfin elle est détachée visuellement du reste du blog car elle est dans une zone noire que l’internaute pourra interpréter comme une zone de paratexte distincte du contenu du blog (qui lui est sur fond gris). Pourtant, cette publicité peut être assimilée, dans une certaine mesure, à un bandeau thématique tel que nous l’avons défini car elle reprend clairement le logo « Hot Dog » et parce qu’elle met en scène les chiens dont il est question dans le blog… Quoiqu’il en soit, la façon dont sont traités les bandeaux thématiques par les différentes plateformes de blogs doit amener la marque à réfléchir sur l’importance qu’elle veut accorder à l’univers graphique de son produit. Ces bandeaux thématiques sont en effet le dispositif graphique principal pour établir l’identité du produit et l’ambiance du blog. Ainsi pour J’suis un Wouf, le simple logo en noir sur fond blanc avec sa typographie dite de classe gothique –très en vogue dans la culture hip hop - permet d’évoquer le monde de la rue, du rap, de la culture underground et subversive. Cela colle parfaitement avec l’esprit du blog qui raconte la vie d’un chien rappeur et frimeur qui s’appelle Hot Dog (littéralement « chien chaud » mais la traduction « chien sexy » est ici plus juste). 1 Pour une résolution d’écran de 1024x768 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 35 Pour Ford S-Max Experience, le bandeau thématique est une animation basée sur un montage photographique presque bichromique dont les signifiants convergent vers l’idée d’évasion, de nature et d’urbanité. On retrouve dans une même image la montagne, la mer et la ville, éléments reliés par un filet de nuages qui a également pour fonction de joindre le logo SMax experience et le logo Ford. Le ciel crépusculaire et orangé suggère quant à lui dynamisme et évasion (en étant une représentation métonymique du soleil à l’horizon, symbole d’évasion). Le bandeau suggère donc que le Ford S-Max est le monospace idéal pour les familles urbaines en quête d’évasion car il est aussi performant en ville que sur des terrains plus sauvages. Mais ce bandeau que l’on retrouve dans son intégralité dans les pages d’accueil de l’opération S-Max Experience se voit scindé à l’intérieur des blogs : la partie haute des blogs accueille le ciel du bandeau tandis que le reste de celui-ci se trouve en bas de chaque blog. Le bandeau Plastique de Rêve quant à lui se compose d’un aplat bleu/gris sur les 2/3 de l’espace, le tiers restant étant occupé par un élément photographique. Sur l’aplat bleu/gris on trouve le titre « PLASTIQUE DE RÊVE » qui par sa typographie à empattement et ses lettres en majuscules blanches et légèrement ombrées évoque la finesse et le luxe, faisant référence ainsi à la marque Dior et le caractère amincissant de son gel Plasticity. Trois occurrences d’un même symbole -une sorte de viseur carré - apparaissent également sur cet aplat bleu pouvant symboliser l’efficacité et la précision presque chirurgicale de la technologie du gel amincissant Plasticity. Mais la couleur bleu/gris du bandeau, outre le fait qu’elle fasse écho au flacon du produit, apporte une touche de douceur à cette efficacité en évoquant la douceur aquatique, mais aussi la nuit et le rêve comme le confirme le titre du blog. D’autre part, il faut savoir que le bleu est une couleur très utilisée dans le domaine de la cosmétique et de l’hygiène. En ce qui concerne l’élément photographique, s’il n’occupe qu’un tiers du bandeau, il est très riche en symboles et en connotations. Cette photographie semble représenter une femme à la silhouette fine allongée sur des draps de satin, constituant une représentation visuelle du titre « Plastique de Rêve » (« Plastique » se matérialisant par les formes parfaites de la femme et « Rêve » étant associé aux signifiés de dénotation « position allongée » et « draps », synecdoques du lit). Mais cet élément photographique tient également lieu de promesse car plusieurs signes soulignent les vertus amincissantes du gel Plasticity. En effet, il y a une vraie opposition graphique entre l’aspect fripé des draps (accentué par les jeux d’ombre et les reflets spéculaires intenses) et la peau lisse de la femme (renforcé par un éclairage diffus et des reflets spéculaires doux). Cette opposition est accentuée par un contraste de couleur (couleur chaude du corps VS couleur froide du satin), et par les plis du drap qui s’organisent en rayon autour des hanches de la femme, mettant celle-ci en Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 36 valeur. Pour finir, cette organisation en rayon peut mener l’internaute à voir dans ces draps un symbole d’une fleur (Plasticity est un gel parfumé, et il est beaucoup question de fleurs dans le blog. Les blogueuses testeuses du produit sont d’ailleurs appelées « Les fleurs de Satin » dans l’article du 13 février.) Enfin, en ce qui concerne le bandeau de La Chocolaterie Wonka, nous avons déjà évoqué sa très grande taille. Cela peut s’expliquer par le fait que le produit auquel ce blog est consacré est le DVD d’un film, c’est-à-dire un univers, des personnages, des lieux et des références visuelles. Le bandeau de La Chocolaterie Wonka est peut-être le plus complexe de notre corpus car il se compose de cinq éléments : 1/ un titre de couleur marron (évocation du chocolat) et dont la typographie rappelle celle du titre du film ; 2/ A gauche, et dans un médaillon dont le contour semble fait de sucre d’orge, la photo de Willy Wonka, le propriétaire de la Chocolaterie Wonka, tenant son chapeau comme pour saluer l’internaute ; 3/ A droite du bandeau une sorte de blason rouge avec un dessin d’une « industrie Wonka » : ce blason labellise le site comme appartenant officiellement à la Chocolaterie Wonka ; 4/ l’illustration principale mêlant un décor et des personnages en costumes rouges brillants dans plusieurs positions que l’internaute ayant vu Charlie et La Chocolaterie aura reconnus (il s’agit d’un intérieur de la Chocolaterie Wonka et des assistants de Willy Wonka, appelés les « Oompas Loompas ») ; 5/ Le dernier élément ne se retrouve pas dans les autres blogs de notre corpus puisqu’il s’agit de trois boutons, « accueil », « vos idées friandises » et « Wonka recrute » composant un menu. Le bandeau thématique peut se faire alors paratexte. En bref, le bandeau de La Chocolaterie Wonka s’appuie sur une saturation de signes pour recréer l’univers diégétique du film de Tim Burton. On le voit bien, qu’ils prennent une place importante comme sur La Chocolaterie Wonka ou qu’ils soient réduits à leur minimum comme sur J’suis un Wouf, les bandeaux thématiques sont souvent le moyen graphique principal pour instaurer l’univers de la marque et du produit. 2.1.b Arrière plan et chromie générale Pour instaurer l’identité graphique du produit malgré les contraintes formelles des blogs, les marques peuvent jouer également sur la chromie générale et l’arrière plan1. Ainsi, 1 Attention ! L’arrière plan d’un site ou d’un blog peut ne pas apparaître sur des écrans à faible résolution. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 37 Plastique de Rêve a un arrière plan blanc, couleur dominante avec le bleu et le gris. Cet accord chromatique connote la pureté, l’hygiène, la fraîcheur, la modernité et les produits cosmétiques. Dans le cas de S-Max Experience, l’arrière plan est un aplat gris translucide qui laisse apparaître le bandeau thématique et qui peut évoquer l’urbanité, la mécanique, la modernité, tandis que le orange, autre couleur dominante apporte une touche de chaleur à cet univers. L’utilisation d’un aplat uni se retrouve également dans J’suis un Wouf dont l’arrière plan est gris foncé pour le contenu du blog et noir pour les zones de paratexte. Ces deux couleurs, ou plutôt non-couleurs installent une ambiance de rue, de subversion, coïncidant avec l’esprit « Gangsta rap1 » du blog. L’exemple de La Chocolaterie Wonka quant à lui met en évidence que l’on peut opter pour un arrière plan plus élaboré. L’arrière plan de ce blog est en effet un motif rouge dans lequel on perçoit des friandises. Le rouge est d’ailleurs la couleur dominante de ce blog, avec le blanc et le vert, rappelant les couleurs du bandeau thématique. L’arrière plan peut à première vue paraître anodin, mais nous voyons qu’il peut enrichir l’expression graphique de la marque sans nuire à la lisibilité du blog. 2.1.c Logo de la marque et de la plateforme de blog La question de la cohabitation de l’identité de la marque ou du produit avec l’identité de la plateforme de blogs choisie pose le problème de l’affiche du logo de la marque et de la plateforme d’hébergement. Faut-il exposer clairement son logo ? Quel rôle peut jouer le logo de la plateforme de blogs ? En fait, les combinaisons sont multiples : le logo de la marque peut apparaître aux côtés de celui de la plateforme de blog (S-Max Experience), il peut également apparaître seul (Plastique de Rêve) ou ne pas apparaître du tout (La Chocolaterie Wonka : le titre Charlie et la Chocolaterie n’apparaît pas explicitement), ou enfin, il peut aussi n’y avoir que le logo de la plateforme (J’suis un Wouf : la marque Quick n’apparaît nulle part, il n’y a que le logo Skyblog). Le cas de Vichy développé plus haut montre néanmoins qu’il est préférable de faire apparaître clairement la marque à laquelle le blog est affilié pour ne pas être accusé de tentative de manipulation. Pour ce qui est du logo de la plateforme de blogs, il ne semble pas y 1 Gangsta Rap est un terme faisant référence à une branche du rap s’appuyant sur des origines nord américaines, particulièrement des quartiers pauvres et des gangs américains. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 38 avoir de règles. Les blogs publicitaires peuvent être en marque blanche, c’est-à-dire sans le logo de la plateforme de blogs. Soulignons cependant que le logo de la plateforme d’hébergement peut dans certains cas jouer deux rôles principaux : afficher le caractère publicitaire du blog et créer un esprit communautaire pour nourrir le territoire de communication de la marque si la plateforme rassemble un profil particulier d’internautes. Ces deux rôles s’illustrent parfaitement dans J’suis un Wouf. Effectivement, le logo « Skyblog » se voit rajouter la mention « officiel » avec un aspect coup de tampon rouge. Le terme officiel oppose ce blog aux skyblogs personnels, et indique donc le caractère commercial et publicitaire de J’suis un Wouf. Notons que dans SMax Experience, une bulle dans laquelle est inscrit « publi-rédactionnel » a cette fonction discriminante. Le deuxième rôle que peut avoir le logo de la plateforme de blogs est, nous l’avons dit, lié à la notion de communauté. Dans J’suis un Wouf, le logo Skyblog renvoie implicitement à la communauté des auditeurs de la radio Skyrock qui est dédiée au rap, au hip hop et au R’n’B.. Les skyblogs sont généralement tenus par des adolescents et/ou amateurs de rap, ce qui semble bien être la cible que vise J’suis un Wouf. 2.1.d Illustration des articles Il n’est pas question ici de faire une analyse sémiotique de toutes les illustrations des articles des blogs de notre corpus : cela serait long, voire impossible, et surtout inutile. En revanche, nous pouvons en dégager les traits principaux, les récurrences et les différences et observer comment elles participent aux stratégies discursives des blogs de notre corpus. Tout d’abord, presque l’intégralité des articles des blogs est accompagnée d’une illustration ce qui souligne l’importance de l’image dans un média que l’on pourrait croire davantage axé sur le texte. Cependant, le rôle donné à l’image n’est pas le même selon les blogs, et il nous est possible en fait de distinguer deux types de blogs principaux auxquels correspondent deux fonctions d’image. Il y a premièrement ce que nous pourrions appeler les « blogs textes » : dans ces blogs, la priorité est donnée au texte tandis que les images ont un rôle ornemental. Le texte prend en général une place plus grande que l’illustration et n’y fait pas directement référence. L’image quant à elle donne l’ambiance de l’article. Ce type de blogs se retrouve parfaitement dans Plastique de Rêve ou S-Max Experience. Par exemple, dans l’article « Gel au Raisin » de Plastique de Rêve (22 mars 2006), le texte est accompagné d’une image d’une grappe de raisin… Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 39 Dans l’article « Partagez votre énergie » de S-Max Experience, l’illustration représente le blogueur en train de courir avec à ses côtés le Ford S-Max et un SpeedSail, sorte de planche à voile à roulette. L’image a bien dans ces cas une fonction ornementale. Il y a ensuite les « blogs images » où cette fois-ci ce sont les illustrations qui constituent la matière première du blog. Le texte se fait alors légende, il a - pour faire référence aux travaux de Roland Barthes - une fonction d’ancrage et il peut multiplier les déictiques, les démonstratifs. On le voit bien dans J’suis un Wouf avec par exemple l’article « Hot Dog et sa meuf » (page 3) ou « Récompenses » (page 5). Le cas de La Chocolaterie Wonka est particulièrement intéressant car la quasi-totalité du blog est constituée de photomontages réalisés par les internautes eux-mêmes et mettant en scène des Oompas Loompas dans des situations diverses (au festival de Cannes, dans un nid de cigognes…). Le blog est alors envisagé comme une galerie photos participative : les internautes font parvenir leur photomontage et l’auteur du blog les commente lors de leur publication. Notons que les images peuvent être remplacées par des fichiers audio ou des vidéos qui, s’ils sont majoritaires, donnent lieu alors à des blogs audio ou des blogs vidéo. Cette distinction « blog textes » / « blog images » est néanmoins à nuancer car un même blog peut jouer des deux fonctions. Ainsi, si la rubrique « Wonka recrute » de La Chocolaterie Wonka est un « blog images » avec les photomontages des internautes, la catégorie «Vos idées friandises » tient plutôt du « blog textes » en donnant la priorité aux recettes de bonbons imaginaires envoyées par les internautes et où l’illustration n’a qu’un rôle ornemental. Les marques souhaitant communiquer sur un produit via un blog doivent ensuite s’interroger sur la présence de photographies de leur produit et sur l’esthétique à adopter pour les illustrations. Le produit peut ne pas apparaître du tout comme dans J’suis un Wouf où l’on ne voit jamais ni la marque ni le nouveau hot dog de Quick. On remarque tout de même la présence du visuel utilisé pour les campagnes d’affichage pour cette opération (article « J’suis un Wouf : les lyrics » page 6) qui peut amener l’internaute à associer ce blog à Quick. Toutes les autres photographies mettent en scène le chien Hot Dog, star du rap dans diverses situations (sur le tournage de son clip, avec sa copine, etc.) et des éléments supposés lui appartenir (ses disques d’or, sa voiture, sa chambre, ses amis…). Alors que ce blog est totalement fantaisiste avec ce chien star du rap, les photographies sont pleinement dans l’esthétique de l’authentique avec des sujets non cadrés, des éclairages naturels, etc. C’est ce décalage entre le réalisme du traitement Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 40 photographique et les situations improbables qui crée l’humour du blog (chiens roses, avec des lunettes de soleil ou avec des chaînes en or et conduisant une voiture…). Dans La Chocolaterie Wonka, la présence visuelle du produit est permanente : d’abord par les références explicites au film qui constituent la charte graphique du blog (Willy Wonka, bonbons, Oompas Loompas, etc.) mais aussi parce que le DVD du film Charlie et la Chocolaterie est tout le temps présent grâce à un encart publicitaire sur la droite du blog avec la mention « Le 8 février en DVD ». A cet encart s’ajoute un article du 30 janvier 2006 présentant les différentes éditions du DVD avec les prix. Les illustrations des articles sont nous l’avons dit, des photomontages réalisés par les internautes. Pour Plastique de Rêve en revanche, le produit se fait visuellement plus discret et n’apparaît que dans trois articles (« Une plastique de Rêve sans liposuccion » du 22 février ; « Ze News » du 01 mars 2006 et « J’aime ta couleur café » du 20 mars 2006). Les deux premiers articles reprennent les visuels publicitaires du produit tandis que le troisième est clairement une photo numérique avec ce que nous avons appelé l’esthétique de l’authentique (éclairage naturel, cadrage amateur, etc.). Les illustrations des autres articles sont trop différentes pour en extraire une esthétique commune. On notera simplement leur caractère professionnel, validé par la mention « crédit photo » en bas de chaque article. Dans S-Max Experience enfin, le monospace est presque omniprésent. Le blogueur Vincent montre le S-Max dans des situations de la vie quotidienne (pique-nique, sur la route, avec sa famille à l’intérieur, avec le chien). Les photographies étant prises par Vincent, elles relèvent elles aussi de l’esthétique de l’authentique. Cela donne l’impression de rentrer dans l’intimité de la vie de Vincent et d’avoir une vision réelle du monospace dans la vie de tous les jours. Pour finir, abordons brièvement la question de la photographie du blogueur. Le blogueur apparaît-il et si oui de quelle manière ? Sur les quatre blogs de notre corpus, deux ne montrent pas le blogueur (J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka), tandis que les deux autres oui. Dans S-Max Experience Vincent est presque sur toutes les photographies, tandis que pour Plastique de Rêve, Sophie Kune ne se montre qu’une seule fois, dans un article du 14 février 2006 intitulé « Sophie face au Miroir ». Que ce soit pour S-Max Experience ou pour Plastique de Rêve, la photographie du blogueur correspond toujours à l’esthétique de l’authentique : une photographie professionnelle pourrait en effet faire douter sur l’existence de ces blogueurs, du moins sur leur véritable identité. L’esthétique de l’authentique pour les photographies des blogueurs est une façon de certifier l’authenticité de ces personnes. Notons un point intriguant Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 41 pour Plastique de Rêve : il y a à gauche du blog une zone « A propos de l’auteur », mais au lieu de montrer une photographie de Sophie Kune nous avons une reprise tronquée du visuel du bandeau thématique . Peut-être est-ce pour ne pas induire le visiteur en erreur et ne pas faire de ce blog publicitaire un blog personnel. 2.1.e Autres éléments graphiques et publicités D’autres éléments graphiques, outre les bandeaux, les arrières plans et les illustrations peuvent instaurer l’identité de la marque et l’univers du produit. Cela se voit particulièrement dans deux blogs de notre corpus : J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka. En effet, La Chocolaterie Wonka multiplie les éléments graphiques ornementaux comme des séparateurs d’articles en sucre d’orge ou des Oompas Loompas sur les onglets des menus dans les colonnes de droite et de gauche. Mais ce n’est pas tout : une image d’une pancarte aux contours déchirés « Chers citoyens du monde » (qui est un élément du film) appelle les internautes à déposer sur le blog leurs idées friandises, et une animation intitulée « The Wonka Factory Needs You 1» dans la colonne de droite invite les visiteurs à capturer des Oompas Loompas (fonction conative de Jakobson). Notons que certains éléments graphiques de La Chocolaterie Wonka ne font pas partie de l’univers du film : on peut trouver dans la colonne de droite du blog le logo de la radio NRJ, apparemment partenaire de l’opération. Pour J’suis un Wouf, nous en avons déjà un peu parlé, la bannière publicitaire constitue un enrichissement graphique et sémantique du blog. L’animation met en scène le chien Hot Dog frimant avec deux chiennes dans une voiture, on y voit des symboles de dollars extrudés à la manière des typographies des années 70, mais aussi un chien montrant ses crocs et avec un une arme à feu, des buildings…Cette bannière prolonge bien l’univers de J’suis un Wouf, à savoir une ambiance de gangs des villes nord-américaines des seventies. Il y a donc beaucoup d’autres façons d’illustrer son blog outre les illustrations d’article et les bandeaux thématiques, et le cas de J’suis un Wouf nous amène à réfléchir sur la présence de publicités sur un blog publicitaire (pour un produit ou un site de la marque bien sûr : 1 On remarquera le traitement graphique qui fait inévitablement penser à la célèbre illustration de l’Oncle Sam disant « I Want You ». Cf. annexe. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 42 on n’imagine mal une publicité pour un produit concurrent !). En effet, la publicité, même fausse, peut apporter une touche de réalisme car un certain nombre de blogs personnels arborent des publicités, même si cela dépend des plateformes de blogs. Néanmoins, la publicité doit rester dans l’univers du blog et du produit, auquel cas la démarche pourrait être mal perçue par les internautes. 2.1.f Typographie et décorations typographiques Malgré les contraintes techniques du Web qui font que les blogs ne peuvent comporter que des polices universelles et classiques comme le Times ou l’Arial, les choix typographiques et les décorations de texte peuvent renforcer l’univers du produit. Par exemple, le blog Plastique de Rêve n’utilise que très rarement le gras, ce qui, avec des couleurs claires (gris et bleu), entretient la notion de minceur liée au gel Plasticity. J’suis un Wouf use et abuse de décorations typographiques : des textes multicolores en dégradé avec des couleurs vives provoquant parfois des contrastes de complémentaires, des textes surlignés… Ces effets typographiques s’accordent parfaitement avec l’humour décalé et kitsch du blog. 2.1.g Organisation spatiale des éléments graphiques On le voit, malgré les contraintes des blogs, la latitude des marques dans l’expression de leur identité graphique est relativement large. Pourtant, comment expliquer alors que l’on puisse dire que tel site ressemble à un blog ? Peut-être qu’un blog c’est avant tout une certaine organisation spatiale des informations visuelles et textuelles. En effet, de l’analyse iconique de notre corpus se dégagent des récurrences dans la topographie des éléments graphiques et des articles, de telle sorte que l’on pourrait définir un schéma d’organisation de base avec ses variantes. En règle générale, on trouve un bandeau thématique en haut du blog avec en dessous de ce bandeau les articles qui se suivent. Cela constitue la colonne principale de tout blog (pour J’suis un Wouf également même s’il n’y a pas de bandeau thématique à proprement parler). Cette colonne principale peut être accompagnée d’une colonne à droite ou à gauche (J’suis un Wouf, S-Max Experience), voire les deux (Plastique de Rêve, La Chocolaterie Wonka). Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 43 Le haut d’un blog est donc en général une zone graphique, le centre est une zone d’articles et les côtés sont des zones de paratexte, de navigation. Bien sûr il existe des variantes à ce schéma mais cela est en tous cas la manifestation de la notion d’architexte que nous avons abordée auparavant. Les blogs sont donc une certaine façon de présenter l’information, mais aussi, et par extension, une certaine manière de naviguer et d’accéder à cette information. 2.2 Analyse de l’hypernavigation 2.2.a Nom de domaine et accès au blog Avant de traiter de la navigation interne des blogs, il est intéressant de nous pencher rapidement sur les noms de domaines des blogs et les modes d’accès à ces derniers. Parmi les adresses web de nos blogs, à savoir http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/, http://fr.360.yahoo.com/ford.smaxexperienceid10, http://plasticity.blogs.com/ et http://www.chocolateriewonka.com/, nous apercevons rapidement que deux possibilités s’offrent à la marque : elle peut décider de conserver l’adresse Web proposée par défaut par la plateforme hébergeant le blog (c’est le cas de J’suis un Wouf, S-Max Experience et Plastique de Rêve) ou bien opter pour une adresse classique du type www.nom.com comme pour La Chocolaterie Wonka. L’avantage de conserver l’adresse Web par défaut est que celle-ci confère au blog une touche d’authenticité car elle définit le site comme étant un blog ou appartenant à une plateforme de blogs comme Skyblog ou Yahoo 360. Cette adresse Web permet d’accéder directement au blog et il n’y a jamais de page d’introduction comme cela peut être le cas avec les sites traditionnels. L’exception dans notre corpus est le blog de Vincent pour S-Max Exeprience, mais il s’agit d’une situation particulière car il s’intègre dans une opération de concours de blogs avec un mini site englobant les dix blogs du concours. Notons également que pour J’suis un Wouf, un encart sur la page d’accueil de la plateforme Skyblogs1 permet de mettre en avant les blogs publicitaires hébergés par Skyblogs et d’en avoir une liste complète. 1 http://www.skyblogs.com Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 44 2.2.b Navigation interne La navigation proposée dans les blogs peut avoir un ou deux niveaux maximum. La navigation avec un seul niveau, c’est celle de J’suis un Wouf et S-Max Exeprience où, pour accéder aux articles, il faut faire défiler les pages avec des liens du type « page 1-2-3… » (navigation saltatoire) ou « page suivante –précédente » (navigation linéaire). La navigation à deux niveaux, c’est celle de Plastique de Rêve et La Chocolaterie Wonka où l’internaute peut choisir de n’afficher que les articles d’un mois précis ou d’une catégorie particulière. Ainsi, dans Plastique de Rêve par exemple, l’internaute peut consulter les articles de février 2006 ou les articles de la catégorie « Me faire belle ». Mais notons que les articles d’une catégorie se retrouvent nécessairement dans les archives du blog. Les catégories ne proposent pas des articles exclusifs, il s’agit simplement de critères de tri pour l’affichage. La navigation des blogs est donc relativement sommaire ce qui se traduit par des pages Web pouvant être très longues dans certains cas (La Chocolaterie Wonka et Plastique de Rêve). Mais ce qui interpelle davantage, c’est le classement des articles : ceux-ci sont nécessairement présentés dans un ordre chronologique ou ante-chronologique, ce qui s’explique par la vocation première des blogs, c’est-à-dire être des journaux intimes ou des carnets de bords en ligne1. Ensuite, les zones de paratexte des blogs accueillent souvent le même type de rubriques comme « notes récentes », « commentaires récents », « catégories », « archives », ou encore « liens amis ». Ces liens amis peuvent être soit un dispositif pour circuler au sein d’une plateforme de blogs comme S-Max Experience (les liens amis renvoient vers les neuf autres blogs de l’opération), ou bien ils peuvent être un moyen d’enrichir implicitement le blog en mettant en lien d’autres blogs dont le centre d’intérêt ou l’univers complète celui du produit. Ainsi les liens amis de Plastique de Rêve renvoient vers les blogs des testeuses de Plasticity. Les blogs apparaissent donc comme des structures ouvertes et riches en liens externes, mais avec une navigation qui se veut simple et articulée autour d’une notion primordiale : le temps. En effet, le premier critère de classement des articles est leur récence, à l’inverse des sites de produits ou de marques traditionnels où les informations sont compartimentées dans des structures thématiques souvent plus complexes. Nous verrons plus 1 Blog est une contraction du terme weblog, signifiant journal de bord en ligne. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 45 tard comment cette navigation orientée vers la temporalité peut participer à des stratégies marketing particulières. Enfin, la navigation simple des blogs fait apparaître le discours sur le produit comme direct, accessible, et assimilable à un journal intime dont on feuilletterait les pages à loisir. 2.3 Analyse des articles 2.3.a Durée d’activité d’un blog et fréquence des articles Nous avons vu l’importance du temps dans la conception de la navigation des blogs. De ce fait, il semble nécessaire de mettre au jour quelques données qui y sont liées comme le nombre d’articles postés sur les blogs et leur période de parution. Nous allons voir que différentes politiques éditoriales peuvent être mises en place, et nous développerons dans la troisième partie de cet écrit comment celles-ci peuvent participer à des stratégies de buzz marketing. Tout d’abord, la durée d’activité d’un blog publicitaire semble s’étaler entre quelques jours et quelques mois. Nous entendons par « durée d’activité » la période pendant laquelle le blog est mis à jour avec de nouveaux articles. Ainsi, le blog de notre corpus ayant la longévité la plus grande est La Chocolaterie Wonka puisqu’il a été inauguré le 29 Janvier 2006 et qu’il s’est terminé un peu plus de cinq mois plus tard, le 02 Juin 2006. Nous avons ensuite Plastique de Rêve avec une durée de trois mois (du 12 février 2006 au 14 avril 2006) et S-Max Experience actif pendant près d’un mois (du 27 avril 2006 au 22 mai 2006). Le cas J’suis un Wouf est quant à lui nettement plus surprenant : le blog n’a eu une durée de vie que de quelques jours, plus exactement du 02 mars 2006 au 06 mars 2006 ! Pourtant, ce blog est loin d’être vide. On dénombre pas moins de 32 articles écrits en trois jours (hors samedi et dimanche), ce qui fait une moyenne de plus de dix articles par jour ! On pourrait donc qualifier ce blog de « one shot1 » tant son activité est concentrée et très réduite. En ce qui concerne la quantité d’articles des autres blogs, on voit se détacher clairement la volonté des blogueurs d’enrichir régulièrement leur 1 La traduction litérale est « un seul coup », c’est-à-dire que la marque mise tout sur une action ponctuelle. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 46 blog1 : la mise à jour du blog de Vincent pour S-Max Experience est quasi quotidienne (22 articles en 25 jours), elle l’est presque pour La Chocolaterie Wonka avec une moyenne de 4 articles par semaine si l’on ne compte pas les six semaines d’inactivité du blog entre début avril et fin mai (et 2,7 articles si l’on prend compte de ce temps mort). Pour Plastique de rêve, l’activité est moins intense avec 2,5 articles par semaine, mais elle est régulière, le blog ne compte pas de période d’inactivité à l’inverse de La Chocolaterie Wonka. Quoiqu’il en soit, il ressort de ces données une animation régulière du contenu des blogs. Dans tous les cas, des articles viennent signifier le commencement et surtout la fin du blog (avec en général un rappel sur le but initial du blog et des remerciements aux internautes), à l’exception de J’suis un Wouf, mais cela peut s’expliquer par sa durée d’activité très courte. Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, on notera que les articles d’introduction ne sont pas toujours les premiers ! Plastique de Rêve et La Chocolaterie Wonka en sont des exemples : l’article introduisant réellement La Chocolaterie Wonka (intitulé « La chocolaterie Wonka ouvre son blog ») est précédé de deux articles (les mentions légales et une brève histoire des Oompas Loompas). Plastique de Rêve suit à peu près le même schéma car le premier article est en fait la charte d’utilisation du blog avec la politique de modération des commentaires. Ce n’est qu’après cet article « La règle du Jeu » que le blog commence réellement. Quoiqu’il en soit, ces messages d’introduction permettent installer l’univers du blog, du produit et le cas de Plasticity et son article « Un dimanche d’automne » du 13 février 2006 en est un parfait exemple. L’auteur du blog, Sophie Kune, introduit très habilement la marque Dior en faisant un lien entre sa visite personnelle dans la villa de Christian Dior à Granville et sa profession actuelle de rédactrice pour le blog de la marque. Cela lui permet de constituer son article autour de la métaphore filée de la villa : le blog est un prolongement de la villa de Dior, un lieu de parfums et surtout d’intimité. En effet, Sophie Kune écrit à propos du blog que c’est « un petit salon conçu pour recevoir vos confidences, comme si j’avais voulu amener un peu de Granville avec moi. » Elle poursuit en en faisant une description très fine qui, avec la photographie illustrant l’article, permet à l’internaute de s’en faire une représentation mentale : « Ce lieu, je l’ai voulu rempli de charme et de caractère. Je l’ai rêvé très cosy, et tous ses détails ont été passés en revue (moulures, parquet, cheminée surmontée d’un trumeau, fidèle 1 Les chiffres annoncés sont des moyennes et ne tiennent pas compte des périodes d’inactivité du blog Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 47 reflet de notre image). Je l’ai décoré telle une loge d’actrice de cinéma : Rideaux de soie couleur du temps (le temps et la couleur de vos humeurs), méridienne, canapés accueillants… ». L’ambiance se veut donc chaleureuse, intime, conviviale, mais aussi luxueuse, Dior oblige… Intime, l’article d’introduction du blog de Vincent pour S-Max Experience l’est tout autant voire plus, en tout cas dans un autre registre. Vincent nous présente en effet sa fille Abigaïl via une petite anecdote : sa fille aurait rêvé d’une voiture avec laquelle on pourrait tout faire. Un S-Max peut-être ? Cela plante le décor, invite l’internaute à pénétrer dans la l’intimité de la sphère familiale, puisque Vincent explique que le Ford S-Max sera une expérience à vivre en famille… L’article d’introduction est en revanche nettement plus sobre pour La Chocolaterie Wonka qui se contente de « La chocolaterie Wonka à l'honneur de vous ouvrir les portes de son blog ! Découvrez le monde de Willy Wonka à travers ses nombreuses sucreries et ses habitants mystérieux: les Oompa Loompas ! ». Cet article est différent des précédents dans la mesure où on pourrait le qualifier de performatif 1. Si nous prenons le soin de relever les dates de début et de fin de chaque blog, c’est parce qu’il faut bien comprendre que ceux-ci prennent place dans un dispositif marketing et publicitaire global visant au lancement d’un produit. Partant, ces blogs sont intégrés au plan média et leur parution est donc nécessairement décidée en fonction de la date de mise en vente du produit. La durée d’activité d’un blog n’est donc pas anodine. On constate que les blogs de notre corpus ont été inaugurés plus ou moins longtemps avant la sortie du produit. Ainsi, J’suis un Wouf a été lancé juste quelques jours avant la commercialisation du hot dog par Quick. De même pour La Chocolaterie Wonka qui a débuté un peu plus d’une semaine avant la sortie en DVD du film Charlie et La Chocolaterie le 8 février 2006. Plastique de Rêve pour sa part a été mis en place un peu plus de deux semaines avant la commercialisation de Plasticity le 1er mars 2006 (à noter l’article de la même date intitulé « Ze News » qui mentionne cette commercialisation) Enfin, les blogs S-Max Exeprience ont commencé un mois avant la sortie du du monospace le 17 mai. 1 Emile Benveniste et John L. Austin ont appelé « verbes performatifs » les verbes qui accomplissent ce qu’ils énoncent comme « je vous remercie », ou « je vous promets », etc. Nous renvoyons le lecteur pour plus d’informations vers l’ouvrage de John L. Austin, Quand dire c’est faire, Paris, Le Seuil, 1970. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 48 2.3.b Structure des articles Si les stratégies éditoriales sont variées, la structure des articles, elle, ne l’est pas du fait même de la nature générique des blogs. Nous en avons déjà parlé, mais l’architexte, l’interface permettant la création et la mise à jour des blogs modalise et formate la structure des articles et par conséquent leur lecture. De ce fait, quelque soit le blog étudié, nous retrouvons de façon systématique, mais pas forcément à la même place, un titre, l’article proprement dit, une illustration éventuelle (mais fréquente), une zone de paratexte variable (proposant selon les cas d’ajouter un commentaire, de visionner les articles classés dans la même catégorie, etc.) et enfin la date de publication de l’article. Les articles sont en effet nécessairement datés, ce qui met bien en évidence que le blog se démarque des sites traditionnels parce qu’il est véritablement un média du temps qui se donne à lire comme un carnet de bord, un journal intime, une collection de billets d’humeur. La structure des articles est donc toujours la même, en revanche la longueur de ceux-ci ne semble pas suivre de règle particulière. Nous rappellerons juste la distinction que nous avions faite sur les rôles du texte lorsque nous avons étudié la place des illustrations dans les articles de blogs. En effet, on remarquera que les textes de ce que nous avons appelé « blog images » sont généralement assez courts se réduisant parfois à de simples légendes comme cela est le cas pour J’suis un Wouf où les articles ne font souvent que deux phrases pour une centaine de caractères. Inversement, les articles des « blogs textes » sont naturellement plus longs (voir Plastique de Rêve et S-Max Expérience) et peuvent dépasser très souvent le millier de caractères. 2.3.c Différents blogs pour différentes stratégies discursives Les différences dans les stratégies discursives des blogs publicitaires se manifestent dans un premier temps par la définition ou non d’un locuteur identifiable. Qui parle dans le blog ? Qui s’exprime dans les articles ? Le locuteur est-il clairement identifiable ou s’agit-il d’une entité abstraite et anonyme ? Cette dernière question prend d’autant plus de sens dans notre étude que les blogs sont, à l’origine, des sites personnels qui laissent donc souvent transparaître l’identité du blogueur, sa personnalité, ses goûts, des moments importants ou non de sa vie. Dans cette perspective, nous comprenons l’importance du locuteur pour un blog publicitaire : la marque doit-elle publier un blog « anonyme » où aucun énonciateur Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 49 n’apparaîtrait clairement ou bien doit-elle au contraire opter pour un blog tenu par une personne qui exposerait son d’identité au regard de l’internaute? Dans ce cas, qui choisir pour se faire ambassadeur ou porte-parole de la marque et du produit ? Le choix ne peut se faire de façon anodine car il semble important que les univers du blogueur et du produit (et par extension de la marque) soient compatibles ou, mieux, se complètent. En effet, si un locuteur apparaît clairement, ce qui constitue son individualité et sa personnalité sera projeté consciemment ou inconsciemment par l’internaute sur le produit et/ou la marque. Il est également important de choisir des personnes qui peuvent avoir une influence sur la cible que le blog publicitaire vise, autrement dit ce que l’on appelle à tort ou à raison des « leaders d’opinions », mais nous aurons l’occasion de revenir sur cette notion. Voyons comment ces différentes questions trouvent leurs réponses dans les quatre blogs de notre corpus. En observant de plus près J’suis un wouf, S-Max Experience, La Chocolaterie Wonka et Plastique de Rêve, deux stratégies distinctes se dégagent. Il y a tout d’abord les blogs qui comme Plastique de Rêve ou S-Max Experience ont des auteurs explicites : Sophie Kune pour le blog de Dior et Vincent pour le blog de Ford. Dans les articles de ces blogs, l’embrayeur1 « je » renvoie de façon claire à ces deux personnes. L’identité de ces blogueurs est connue dès le début du blog avec un article dédié en guise d’introduction et/ou au fil du temps et des articles où les blogueurs dévoilent des expériences personnelles, de leurs goûts. Dans le cas de Plastique de Rêve, Sophie Kune se présente sous la forme de questions/réponses dès le troisième article (« Sophie face au miroir », du 14 février 2006), après avoir défini les règles de modération du blog et après un article introductif visant à établir la relation avec les internautes en créant l’ambiance, l’atmosphère de son « boudoir ». Une présentation particulièrement importante pour établir la confiance entre elle et les internautes et pour définir ses relations commerciales et professionnelles avec la marque Dior. Le jeu de questions/réponses permet de mettre en avant une certaine volonté de transparence qui se retrouve par l’omniprésence d’un encart à gauche sur le blog mentionnant que le blog est à l’initiative de Dior mais qu’il est rédigé par Sophie Kune de l’agence Je Suis Unique. Sophie Kune fait part de certains moments de sa vie au fil des articles. On relève par exemple : « je me suis personnellement retrouvée confrontée à des problèmes de poids très jeune (…) et j’ai également été très précoce en matière de fabrication de cellulite, indésirable. J’aurais préféré 1 L’embrayeur est un élément lexical qui a comme spécificité d’avoir des référents très différents et variables en fonction de la situation de l’énonciation. Des mot comme « je », « aujourd’hui », « ton » sont donc des embrayeurs. Le 18 avril 1981 Lucie dit « mon fils est né aujourd’hui » et le 16 décembre 2003 Ludwig dit « mon fils est né aujourd’hui » : les mots « mon » et « aujourd’hui » ne se comprennent que par rapport à la situation d’énonciation. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 50 être précoce dans un autre domaine mais bon, c’est celui-ci qui m’a été donné » (« Sophie face au miroir »14 février 2006) ou encore « nulle à l’école et d’ailleurs très vite dispensée because forte crise d’asthme (…) puis fréquentation assidue, aux alentours de mes 30 ans, d’un club « jolie ligne mistinguette »… » etc.(« Tonic Body Award » 25 mars 2006) Pour Vincent de S-Max Exeprience, sa position est différente puisqu’il n’est pas engagé par Ford : il a gagné un concours pour pouvoir tester en avant première le monospace de Ford et il acquiert donc logiquement la confiance des internautes plus rapidement. De ce fait, sa présentation se fait moins solennelle et elle s’étale davantage sur le long terme. On remarquera tout de même que l’onglet accueil sur le blog mène vers une page présentant ses centres d’intérêt, sa profession et son profil. Mais c’est au fil des articles que l’internaute est amené à connaître des éléments de la vie quotidienne de Vincent. Il présente sa fille, sa femme, ses amis, ses voisins… Vincent fait part de sa balade romantique ou de sa journée pique nique en famille grâce au S-Max. Mieux, l’internaute apprend à la fin du blog que la femme de Vincent attend un deuxième enfant… On le voit, le degré d’intimité dévoilé dans un blog publicitaire peut tout de même aller relativement loin. De l’autre côté, nous avons les blogs J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka où le locuteur principal n’est pas identifiable. Le cas de La Chocolaterie Wonka est remarquable dans le sens où nous trouvons dans la plupart des articles des embrayeurs tels que « nous, nos, notre » mais nous ne connaissons jamais le référent de ces pronoms personnels et possessifs. S’agit-il de Willy Wonka qui parlerait au nom de son entreprise et de ses employés ? Des éléments nous permettent de remettre cette théorie en question. En effet, citons deux articles (« La Chocolaterie Wonka ouvre son blog », et « Reportage exclusif au coeur de la chocolaterie Wonka ! » tous deux du 30 janvier 2006) où les phrases «Découvrez le monde de Willy Wonka à travers ses nombreuses sucreries » et « Pilotée par l'extravagant Willy Wonka, la fabrique est devenue depuis longtemps source de plaisir » placent Willy Wonka dans une situation extérieure à l’acte d’énonciation. Willy Wonka n’est pas sujet, il est objet. Se peut-il alors que les embrayeurs que nous avons évoqués renvoient aux Oompas Loompas, la main d’œuvre de La Chocolaterie ? Cela semble peu probable également : nous avons par exemple dans l’article « Comment reconnaître un Oompa-Loompa ? » du 31 janvier 2006, le pronom personnel « ils » pour désigner les Oompas Loompas au lieu de « nous ». Pourtant, des indices conduisent à interpréter les embrayeurs « nous, nos, notre » du blog comme des références à des personnes travaillant pour La Chocolaterie Wonka. Le locuteur, à propos des recettes envoyées par les internautes, indique souvent qu’elles seront testées dans leur laboratoire (voir par exemple Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 51 l’article du 20 février 2006 « Les idées de Juliette »). Ce même locuteur lance une session de recrutement de Oompas Loompas, ce qui prouve bien qu’il fait partie de La Chocolaterie. Pourtant, à part Willy Wonka et les Oompas Loompas, il n’y a personne d’autre qu’y travaille…La stratégie définie pour le blog La Chocolaterie Wonka est donc instable et incohérente. J’suis un wouf opte pour un locuteur abstrait, qui n’intervient presque jamais dans les articles. Effectivement, sur les trente deux articles que compte ce blog, seul un comporte un embrayeur « nous » (« En exclu pour vous, Hot nous a reçu chez lui dans sa chienne de niche ! » dans l’article « Hot Dog’s Mansion » page 1). Qui est ce « nous » ? Cela est impossible à déterminer. Les autres articles sont à la troisième personne et accumulent les déictiques («là c’est toutes les récompenses du lascar », « c’est le fameux danseur de break Shabba Teckel », etc.) ce qui n’est pas étonnant vu qu’il s’agit, comme nous l’avons dit, d’un « blog images » où le texte a une fonction d’ancrage, de légende. Ce blog est donc bel et bien biographique et non pas autobiographique car il n’est pas tenu par Hot Dog. Nous le voyons, plusieurs stratégies d’énonciation s’offrent aux marques. Mais une fois le locuteur choisi, quelle(s) expérience(s) proposer aux internautes ? Quel ton est adopté et pour quelle finalité ? Quelle place tient le produit dans les articles du blog ? Ici, il n’y a pas de catégorisation possible, et la seule limite est celle de l’imagination des marques pour investir les blogs de la façon la plus cohérente avec la cible visée et/ou la plus originale. Qu’en est-il pour les blogs de notre corpus ? Commençons par le blog de Vincent pour S-Max Experience. Ce blog se veut être un véritable test en situation du monospace de Ford. Quoi de mieux pour convaincre l’internaute que de proposer les impressions sur le S-Max d’un vrai consommateur qui n’a aucune attache avec la marque ? La quasi intégralité des articles est consacrée au monospace, et ceux-ci permettent de présenter les caractéristiques du véhicule sous deux angles principaux : ils permettent à Vincent de donner des résultats de différents tests de « pros » du S-Max, mais ils lui permettent aussi et surtout de présenter le monospace en situation avec sa famille. Nous avons ainsi des articles comme « Le test des tests » (15 mai 2006 – test par les employés d’une concession Ford) ou encore « Le test qui en dit long » (12 mai 2006 – test par un ami de Vincent et consultant formateur en sécurité routière, avec une notation à la fin). Dans ce dernier, le consultant en sécurité routière utilise un « freinographe », il nous parle de « seuils de décélération », de « courbe de freinage », de « transfert de masse ». Bref, il y a une Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 52 accumulation de signifiants connotant l’expertise et la scientificité du test. Mieux, à cette rigueur scientifique vient s’ajouter une touche de sensibilité avec la phrase « pour un père de famille, la sécurité c’est une priorité absolue » qui joue comme un rail mental de persuasion chez l’internaute en mêlant le danger, la sécurité et la fragilité des enfants. De cette manière l’internaute ne peut douter des résultats du test et de la bonne foi de Vincent. De l’autre côté nous avons des articles dans ce blog qui insistent sur la mise en situation réelle du S-Max comme par exemple l’article « Circuit automobile » du 10 mai 2006 : avec son S-Max, Vincent a pu partir en pique nique avec sa femme et quatre enfants précisant que « Le S-Max est idéal pour cette configuration », et que malgré la pluie il a suffit de « deux minutes (pour) transformer le S-Max en salle à manger, puis en salle de jeu ». Le blog de Vincent pour S-Max Experience constitue donc ce que nous pourrions appeler un « blog testimonial » qui au final serait comparable aux publi-rédactionnels que nous trouvons dans les magazines. Pour Plastique de Rêve, la fonction de témoignage du blog est également présente mais dans une moindre mesure étant donné que le gel Plasticity n’est l’objet que de huit articles sur la trentaine que compte le blog. Certes Sophie Kune fait part de ses expériences avec des recettes, des régimes ou des habits mais cela ne constitue pas des témoignages sur le produit de Dior. Non, la fonction principale des articles de Plastique de Rêve n’est pas de proposer des témoignages sur le produit (nous verrons plus tard que c’est le rôle des commentaires), mais plutôt de jouer sur le plan de l’accompagnement personnel, du coaching. Ainsi, Plastique de Rêve adopte une ligne éditoriale proche de celle d’un magazine féminin. On y trouve en effet des conseils vestimentaires (pour aller à la plage dans l’article « Belle à la plage » du 06 avril 2006, ou pour choisir l’habit qui correspond le mieux à sa morphologie avec par exemple l’article « Effet trompe l’œil » du 24 mars 2006 ) des conseils régimes (article « Fashion Diet » du 13 mars 2006), des astuces bien être (article « Mes formes en chocolat » du 27 février) avec même un programme pour le week end : « Ce week end, Cléopatre je serai » du 31 mars 2006. Quoiqu’il en soit, tous ces articles s’articulent autour de la silhouette, de l’apparence et de la cellulite, bref des thèmes en parfaite corrélation avec l’univers du gel Plasticity. Cela permet d’atténuer grandement (en apparence) la dimension commerciale de ce blog où il n’y a, comme nous l’avons dit, que huit articles mentionnant le gel Plasticity. Sophie Kune donne même des astuces pour combattre la cellulite qui ne font pas forcément appel à Plasticity. De plus le fait qu’elle reconnaisse avoir « été très précoce en matière de fabrication de cellulite, indésirable » (« Sophie face au miroir », 14 février 2006) vient légitimer sa prise de parole sur le produit et le problème de la cellulite. La dimension de coaching du blog se retrouve aussi dans certains Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 53 articles dans lesquels des notions scientifiques sont abordées de façon pédagogique et avec une volonté de vulgarisation affirmée par l’utilisation de puces, de retraits de paragraphe, de phrases comme « ce que j’en retiens : » (voir « Une plastique de rêve sans liposuccion » du 24 février 2006). Mieux, Sophie Kune semble même vouloir motiver ses internautes avec des phrases comme « Allez les filles, un peu de courage et suivez-moi, la réussite est au bout du chemin » (24 février 2006) ou « D'autre part, savez vous ce qui fera qu’ensemble, nous réussirons à atteindre notre but : une plastique de rêve pour cet été ? » ( « Aujourd’hui je fonce » du 20 février). Plastique de Rêve met donc clairement l’accent sur la capacité d’un blog à accompagner le consommateur dans l’utilisation d’un produit, la satisfaction d’un désir, d’un besoin. La Chocolaterie Wonka joue sur un registre complètement différent des deux blogs précédents. Tout d’abord, le produit promu, c’est-à-dire le DVD de Charlie et La Chocolaterie de Tim Burton, n’est l’objet que d’un article présentant les différentes éditions, le reste étant consacré à la chasse aux Oompas Loompas et aux recettes de bonbons imaginées par les internautes. Il ne s’agit pas par conséquent de proposer des témoignages sur le film ou encore de donner des conseils sur le DVD. Non, il s’agit plutôt de recréer l’univers du film, ou plutôt de le prolonger grâce à l’imagination des internautes. Le rôle de ce blog est bien là : mettre en valeur l’internaute tout en proposant des éléments inédits rattachés au film de Tim Burton. En s’appuyant sur les contributions des internautes, La Chocolaterie Wonka est ce que l’on pourrait appeler un « blog participatif ». Les photos de Oompas Loompas et les recettes envoyées par les internautes constituent la matière première du blog. De ce fait, les articles mettent bien en évidence le prénom de l’internaute ayant envoyé sa photo de Oompa Loompa ou sa recette. Le prénom se détache visuellement du reste du texte (couleur différente ou utilisation du gras), et l’internaute est systématiquement remercié et tutoyé. Parfois les articles contiennent même du discours rapporté en citant les propos des internautes comme on le voit avec « Pacifique Oompa Loompa » du 21 février 2006 ou bien avec « A l’eau » du 22 février 2006. A cette notion de participation vient s’ajouter une dimension ludique évidente, une touche d’humour et de jovialité comme le démontre l’utilisation presque abusive des tournures exclamatives. Pour finir, J’suis un Wouf est le blog qui va le plus loin dans l’humour en multipliant les références décalées au rap, à la culture hip hop, au kitsch. Ce blog est en effet une sorte de biographie de Hot Dog, un chien star du gangsta-rap et dragueur. Les références aux Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 54 cultures urbaines et au hip hop sont nombreuses et c’est peut-être de leur accumulation excessive que provient en partie l’humour de J’suis Un Wouf. On notera par exemple l’utilisation du verlan ne serait-ce que dans le titre où « Wouf » fait à la fois penser au cri du chien mais aussi à « ouf » et donc « fou ». Les articles ne sont pas en reste. Citons par exemple « il organise des grosses résoi1 pour tous ses potes » (« Hot Dog’s Mansion »), ou encore « téma2 3 fans de Hot Dog » (« 3 fans de Hot Dog »). A l’utilisation du verlan s’ajoute un registre familier et des termes ou expressions connotant la culture de rue comme « lascar » (« Récompenses »), « tuerie » (« J’suis un Wouf le clip »). Les paroles de la chanson de Hot Dog sont un véritable condensé du langage utilisé dans le site (voir article « J’suis un wouf : les lyrics »). Le blog décrit des situations amusantes comme « c’est le fameux danseur de break Shabba Teckel, le seul à savoir tourner sur le museau et sans les pattes », appuyées par de photographies qui le sont tout autant et par une esthétique totalement kitsch (dégradés de couleurs vives, etc.). Tout gravite autour du terme « Hot Dog », qui renvoie généralement à un sandwich à base de saucisses mais qui dans le cas de J’suis un Wouf est pris dans sa traduction littérale : « Chien Chaud » ou plutôt « Chien Sexy ». L’humour vient du décalage dans l’axe paradigmatique, c'est-à-dire dans le choix des signes : si le personnage central du blog était un rappeur connu, il n’y aurait pas eu de décalage, et partant, pas d’humour. Les situations et les références culturelles à elles seules ne créent pas l’humour. Celui-ci vient en général d’un décalage. La fonction de ce blog est donc de s’offrir comme un objet de pur divertissement aux yeux de l’internaute et l’on ne retrouve pas d’informations sur le produit. Peut être qu’en fin de compte ce blog n’a pas pour vocation de promouvoir directement le hot dog commercialisé chez Quick, mais plutôt d’amener l’internaute à se rendre sur le site viral de l’opération : I Love Hot Dog3. Dans tous les cas, J’suis un Wouf est ce que nous appellerons un « blog fiction » c’est-à-dire un blog reposant sur des éléments qui ne sont pas issus de la réalité mais qui peuvent en avoir l’apparence. Nous avons vu par une analyse de texte que le prisme des stratégies discursives des blogs publicitaire peut se révéler assez large. Des choix doivent se faire dans l’identité du locuteur et aussi dans la fonction, le but que l’on souhaite accorder au blog. Mais une dernière variable est à prendre en compte pour mieux saisir les différences dans les stratégies discursives des blogs publicitaires : la volonté ou non d’établir un contact avec l’internaute, volonté qui se traduit par une prédominance de la fonction conative de Jakobson. 1 Comprendre “soirée” Comprendre « mate », c’est-à-dire « regarde » 3 www.ilovehotdog.com 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 55 En fait, tous les blogs de notre corpus déploient des dispositifs pour interpeller le lecteur mais cela se fait à des degrés divers et dans des buts différents. Plastique de Rêve est peut-être le blog qui fait le plus preuve d’énergie pour susciter une réaction de l’internaute (un commentaire). Sophie Kune semble en effet vouloir instaurer un véritable dialogue avec l’internaute. On dénombre effectivement de très nombreuses interrogations ouvertes en fin d’article : « Alors à lundi, prêtes pour de nouvelles aventures ? » (« Une jolie fleur », 17 février 2006), « Et vous, quelles sensations allez-vous ici partager ? » ( « Aujourd’hui je fonce », 20 février 2006), « Alors, comment vous sentez-vous après que je vous ai livré mon humeur gourmande ? » (« Mes formes en chocolat », 27 février 2006) « Enfin, l'interro du jour : que faire d'après vous en cas de jambes très longues (ce qui est rarement un problème, enfin je crois), en cas de jambes très courtes, en cas de jambes très minces? » (« Beauty gambettes », 31 Mars 2006), « Vous comptez faire quoi à Pâques au fait ? »(« Joyeuses Pâques », 10 avril 2006). Certaines tournures sont des interrogations rhétoriques mais qui sont aussi une manifestation de la prise en compte du lectorat par Sophie Kune : « Ce dont je parle ? » (« Gel au raisin », 22 mars 2006), « La définition de "Tonic body award" s’il vous plaît Miss Sophie? » (« Tonic Body Award » ,27 mars 2006) « Alors, me direz-vous, que faire de tout cela? « (« J’aime ta couleur café », 20 mars 2006). En voulant provoquer un dialogue, Sophie Kune génère de la connivence, un certain lien affectif avec les lectrices. D’ailleurs, cette connivence transparaît à plusieurs reprises dans le blog avec des phrases comme « Bravo à vous toutes pour ces belles performances sportives. Résultat : vous avez toutes gagné un "tonic award" et surtout le droit de continuer sur votre lancée » (« Tonic Body Award ») ou encore « bonne piscine ou plage aux chanceuses qui partent en vacances de Pâques et surtout profitez en bien » (« Belle à la plage, 06 avril 2006). Pour finir sur ce désir d’engager le dialogue avec les internautes, remarquons que Sophie Kune répond parfois à certains commentaires par le biais d’articles! Cela est visible par exemple avec l’article « What ? » du 12 avril 2006 : « Je me disais en lisant le commentaire de Lydia qu'il y avait sans doute des questions concernant Plasticity que vous auriez aimé me poser » Pour les autres blogs de notre corpus, les fonctions expressive et référentielle de Jakobson dominent, la prise en compte de l’internaute est moins marquée, presque inexistante dans certains cas, et surtout elle n’a pas comme Plastique de Rêve l’objectif de susciter un dialogue. Dans La Chocolaterie Wonka, quelques articles en début de blog invitent l’internaute à participer au recrutement des Oompas Loompas et au concours de recettes de friandises, mais la majorité des textes n’établit pas de contact. Cela peut sembler paradoxal pour un blog Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 56 participatif qui s’appuie sur les contributions des internautes, mais cela est en fait du à sa nature de blog image qui réduit trop souvent le texte à une fonction de légende. Dans J’suis un Wouf, les interpellations de l’internaute n’ont qu’une vocation publicitaire pour que le visiteur se rende sur le site viral I Love Hot Dog (« plus de temps à perdre, CLICK ICI ! », « Hot Dog Mansion », « Mate le site officiel de Hot Dog », « Hot Dog », page 1 ; ) ou alors n’ont qu’une fonction rhétorique ayant pour but d’attirer l’attention de l’internaute (« tu l’as reconnu ? », « Shabba Teckel », page 3). Dans S-Max Exeprience, quelques embrayeurs « vous, vos, votre » font référence à l’internaute mais il ne s’agit que d’une minorité d’articles. Notons que dans ce blog chaque article se termine par « Votez pour ma chronique Cliquez-ici » qui est en fait une zone commune à tous les blogs de l’opération S-Max Experience et qui ne manifestent pas la volonté d’établir un contact avec l’internaute. Nous le voyons, la place accordée à l’internaute peut varier selon les stratégies choisies et celui-ci peut être soit un véritable acteur de dialogue ou alors simple spectateur. Cette question nous amène naturellement à observer de plus près la place que jouent les commentaires dans les blogs de notre corpus. 2.4 Analyse des commentaires Les blogs se définissent entre autre par le fait que les internautes peuvent commenter les articles qui y sont publiés. Tout en étant des espaces d’expression pour les internautes, les commentaires s’inscrivent aussi dans la stratégie discursive du blog même s’il est évident que la marque n’a pas la même emprise sur les commentaires que sur les articles de son blog. Si la marque ne peut donc pas vraiment contrôler ce qui se dit dans les commentaires, elle peut néanmoins décider d’adopter ou non un discours incitant l’internaute à participer via les commentaires. C’est le cas de Plastique de Rêve qui, avec ses très nombreuses questions ouvertes en fin d’articles, accorde une place importante à la parole de l’internaute. Par contre, même si J’suis Un Wouf n’a aucun discours incitant les internautes à laisser leurs impressions, on ne peut que constater le nombre impressionnant de commentaires que peuvent recueillir certains articles (379 commentaires pour le premier article !). Plus étonnant, d’autres blogs comme S-Max Experience suppriment cette fonctionnalité de commentaires alors qu’elle est souvent considérée comme étant à la base de tous blogs… Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 57 Quoiqu’il en soit, cela amène plusieurs questions : y a-t-il une politique de modération clairement exprimée ? Les commentaires sont-ils envisagés comme des zones d’interaction ? Et si oui, quels types d’interactions peuvent-être observés ? 2.4.a Les politiques de modération. La modération des commentaires est un élément primordial qui doit apparaître clairement, auquel cas les internautes pourraient soupçonner la marque de supprimer certains commentaires qui ne seraient pas en faveur du produit. On se rappellera l’exemple du Journal de ma Peau de Vichy, où les commentaires étaient filtrés sans pour autant que cela soit annoncé par la marque, ce qui suscita rapidement l’indignation de la blogosphère. Dans notre corpus, les politiques de modération sont plus ou moins explicites et ne sont parfois même qu’à l’origine de la plateforme d’hébergement et non de la marque ellemême. Effectivement, dans J’suis Un Wouf, nous ne retrouvons qu’une mention qui apparaît systématiquement sur l’interface de commentaires et qui est commune à tous les Skyblogs. Cette mention indique : : « N'oublie pas que les propos injurieux, racistes, etc. sont interdits par les conditions d'utilisation de Skyblog et que tu peux être identifié(e) par ton adresse Internet si quelqu'un porte plainte. Rappel : Tu ne dois jamais communiquer tes données personnelles (nom, adresse, n° de téléphone) ! ». Mais outre cette modération qui est liée à des contraintes légales, J’suis un Wouf ne semble pas modéré car on retrouve des commentaires n’ayant pas de rapport direct avec le blog comme « slt si tu ve rire, va sur www.ministredescons.skyblog.com. merci d'avance(laisse des comms stp(si tu y va,mais ça ne coute rien d'essayer!).tcho » (article « Hot Dog : sa biographie! », commentaire du Jeudi 30 mars 2006) La Chocolaterie Wonka a également une mention qui apparaît de façon automatique lorsque l’internaute veut laisser un commentaire, mais remarquons la présence de l’article du 29 Janvier 2006, intitulé « Mentions Légales ». Cet article précise qu’ « en raison d'une forte augmentation de la demande pour les friandises Wonka, la chocolaterie s'excuse par avance pour les délais incompressibles de traitement de vos commentaires sur son blog ». Une mention trop évasive pour définir de vraies règles de modération. Cependant, ce même article renvoie vers le site de Warner Bros pour des conditions d’utilisation plus précises. Enfin, Sophie Kune de Plastique de Rêve opte pour une transparence totale avec un article conséquent en début de blog. Dans « La règle du jeu » du 12 février 2006, Sophie Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 58 Kune mentionne de façon claire que certains commentaires pourront être supprimés en fonction de plusieurs critères définis. A noter que la marque peut choisir de désactiver l’utilisation des commentaires lorsque le blog n’est plus actif comme pour Plastique de Rêve. Lorsque le blog se termine, il semble prudent de désactiver les commentaires (mais toujours permettre à l’internaute de lire ceux qui ont déjà été postés) car la modération n’est plus possible. 2.4.b Les commentaires : zones d’échanges ? Les commentaires peuvent être de deux types. Il y a tout d’abord des commentaires fermés, c’est-à-dire qui sont la simple expression d’une opinion d’un internaute sans chercher à susciter des échanges avec le blogueur ou avec les autres internautes. Ces commentaires sont les plus fréquents dans J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka, où ils semblent fermés sur eux-mêmes. Citons par exemple dans J’suis un Wouf le commentaire du Mardi 04 avril de Damien qui écrit : « tro styler le dog sa dechire. putain il demonte le blog » (nous laisserons au lecteur le soin d’apprécier le registre et l’orthographe de ce commentaire qui est loin d’être une exception). Ce type de commentaire se retrouve aussi dans La Chocolaterie Wonka, où par exemple une certaine Klaire commente l’article « La Chocolaterie Wonka ouvre son blog » du 30 Janvier 2006, en disant : « tro for votr film!surtt lé musik d Oompa lOompa sa fer tro triP !! jespere kyora une suite... allez bisou a+++++++++++!G kiffer votr film il clak a mor ». Certains commentaires fermés peuvent tout de même dépasser cette expression égocentrée d’un avis en tentant de prolonger l’univers créé par le blog. Ainsi, toujours dans le même article de La Chocolateire Wonka, nous pouvons relever le commentaire de Princessbv qui se présente en forme de lettre : « Cher M.Wonka, Je me présente, je suis Princessebv, Princesse régnante d'un pays merveilleux situé entre le pays des merveilles et le pays d'Oz (pour lesquels je suis princesse honoraire et citoyenne d'honneur". Je souhaiterais vous inviter en grandes pompes à venir nous rendre visite, dans le but de peut-être installer une de vos formidables chocolateries, mais surtout pour vous faire citoyen d'honneur de mon royaume. A très bientôt j'espère. Cordialement ». Certains commentaires fermés peuvent donc enrichir dans une certaine mesure l’univers du blog. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 59 Face à ces commentaires fermés, il y a des commentaires ouverts, c’est-à-dire des commentaires qui suscitent l’échange d’opinions, qui sont l’expression d’une interrogation, une réponse à une demande d’aide, etc. Ce type de commentaires donne lieu à deux sortes d’interactions : les interactions entre le blogueur et l’internaute, et enfin les interactions entre les internautes eux-mêmes. Ces commentaires ouverts sont particulièrement présents dans Plastique de Rêve où les internautes se lisent entre eux et se répondent. Prenons au hasard l’article « Les angoisses de la cellulite » du 04 avril 2006 avec le commentaire de Blonde Attitude qui dit : « d'accord avec toi Frogita, il faut se plaire avant tout ! Je ne connais pas ces bouquins sur la cellulite, ça existe ??? ». Les commentaires peuvent être alors considérés comme de véritables espaces d’échanges, comparables à de mini-forums dans lesquels le blogueur peut intervenir et correspondre avec les internautes pour répondre à leurs questions ou pour animer la discussion (comme le fait Sophie Kune), ou bien il peut être totalement absent, ce qui est le cas des autres blogs de notre corpus. 2.4.c Autres applications des commentaires Dans le prolongement de cette idée de zones de commentaires comparables à des forums, il faut souligner l’initiative de Plastique de Rêve qui donne une autre dimension aux commentaires en en faisant presque des articles alternatifs. En effet, on apprend avec l’article « Elles sont douze » du 15 février 2006, que douze consommatrices/blogueuses ont été choisies pour tester le gel amincissant Plasticity de Dior et pour faire part de leurs impressions et de leurs conseils sur le blog Plastique de Rêve. Oui mais voilà, ces testeuses ne s’expriment pas par le biais des articles du blog, qui sont intégralement rédigés par Sophie Kune, mais grâce aux commentaires ! Ce peut être en effet une solution pour une marque qui souhaiterait organiser un test de son produit auprès de plusieurs personnes (qui n’ont pas forcément les compétences journalistiques pour écrire des articles) sans pour autant avoir à gérer des droits d’administration multiples pour la publication des articles. Cela permet de garder le contrôle de la ligne éditoriale des articles tout en proposant des tests de façon habile et finalement indépendante de la parole du blogueur ce qui pourrait être un gage d’objectivité. Cette supposée liberté de parole semble être un élément important car dans l’article « Quinze Jours déjà » du 03 mars, Sophie Kune met au clair certains points, notamment l’indépendance des testeuses : « Les blogueuses qui postent des commentaires sont mes salariées (ou celles de Dior, selon les sources) : FAUX! Elles ne sont pas salariées et n¹ont aucun lien de subordination avec la marque Dior Parfums ni avec Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 60 l¹agence jesuisunique et sont libres de commenter ou non. ». Le fait donc de proposer les tests de ces blogueuses en commentaires permet de signifier d’une certaine façon cette indépendance. Grâce à des outils et des méthodologies issues de la sémiotique et de l’analyse du discours, nous avons pu mettre au jour les stratégies discursives des blogs constitutifs de notre corpus. Nous avons ainsi défini comment les marques pouvaient s’adapter aux contraintes formelles et navigationnelles des blogs et donner lieu ainsi à des blogs testimoniaux ou des blogs coaching/informatifs, en passant par des blogs participatifs et des blogs fictionnels. Voyons maintenant comment ces stratégies discursives s’inscrivent dans les démarches marketing et publicitaires des marques. En effet, quels peuvent être le potentiel et les applications marketing des blogs pour amener les marques à investir des espaces d’expression personnelle originellement non-marchands ? Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 61 Partie 3 | Du buzz marketing au marketing relationnel : les applications des blogs publicitaires Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 62 III. DU BUZZ MARKETING AU MARKETING RELATIONNEL : LES APPLICATIONS DES BLOGS PUBLICITAIRES L ’appropriation de la blogosphère par les marques et par le discours publicitaire aurait conduit à ce que certains appellent aujourd’hui le « blog marketing », comme si ce type particulier de sites Internet donnait naissance à un marketing d’un genre nouveau. Nous pensons que plutôt que d’engendrer une vision inédite des enjeux marketing, les blogs servent des stratégies bien établies. Si nous avons étudié dans la partie précédente comment les blogs peuvent donner lieu à différentes stratégies discursives, nous allons voir maintenant comment ils s’intègrent dans des démarches de buzz marketing et de marketing relationnel. Cette troisième partie sera également l’occasion pour nous d’expliquer comment les marques peuvent promouvoir un produit via les blogs sans avoir à créer de blog publicitaire spécifique. 3.1 Intégrer les blogs dans une démarche de buzz marketing et de marketing opérationnel Pour comprendre comment les blogs peuvent être des outils au service d’actions de buzz marketing, il convient de s’arrêter sur la notion même de buzz marketing, sur ce qui la caractérise et notamment sur les concepts de communauté et de leader d’opinion. En partant d’un point de vue général, nous verrons comment les blogs répondent à ces principes fondateurs du buzz marketing et ce qui en fait leur spécificité. 3.1.a Les principes généraux du buzz marketing Pour Stambouli et Brionès, le buzz marketing peut être défini comme « l’application de stratégies de mise en œuvre de l’ensemble des moyens qui permettent de créer, de propager ou d’augmenter partout et tout le temps le bouche-à-oreille entre consommateurs1 ». Cette définition semble alors considérer marketing viral et buzz marketing comme des synonymes, alors que des nuances sont à faire. D’un point de vue théorique, le buzz marketing vise à faire parler les consommateurs d'un produit ou d'un service, à créer une rumeur, 1 STAMBOULI et BRIONES, 2002, p100 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 63 un bruit de fond médiatique avant un événement ou la sortie du produit. Le buzz entretient le mystère, suscite les interrogations, surprend les audiences et exploite les contextes de consommation pour stimuler le comportement souhaité. Il peut être online (créer un site énigmatique) ou offline (créer un événement spectaculaire dans une rue par exemple). Le marketing viral lui utilise nécessairement des outils de communication interpersonnels (e-mail, sms…) pour faire passer le message de la marque à une large audience, rapidement et à moindre coût. Nous considèrerons donc que la distinction entre ces deux marketings tient à la notion de médiatisation, de facilitation du bouche-à-oreille par la mise en place ou non de systèmes de recommandation, de jeux, de ce que l’on appelle des goodies (fonds d’écran pour l’ordinateur), ou bien de films viraux que les internautes peuvent télécharger et se transmettent parce qu’ils les auront jugés drôles, surprenants… Comment expliquer l’intérêt des marques pour le buzz marketing ? Tout d’abord il faut noter le faible coût de transmission de l’information puisque envoyer un e-mail ou laisser un message sur un forum ne coûte rien pour l’internaute. Ce caractère négligeable du coût d'envoi d'un message ou d'une recommandation favorise les actions de l'individu, mais également la mise en place de modules spécifiques du coté de l'entreprise. Dans le prolongement de cette idée, il faut mettre en avant la facilité de transmission et de création des recommandations. En effet, les fonctions classiques des logiciels de messagerie (transmettre, carnet d'adresses,..) évitent de ressaisir l'information et réduisent d'autant l'effort nécessaire à la propagation de l'information. Le lien hypertexte joue également un rôle facilitateur mais cette fois du coté du destinataire d'une recommandation, car qu’il soit dans le corps d'un e-mail ou sur une page web, le lien hypertexte permet de se rendre sans effort et immédiatement sur la page ou le contenu faisant l'objet d'une recommandation. Autre facteur expliquant l’efficacité du buzz : les caractéristiques intrinsèques à l’Internet qui permettent une diffusion de l'information pyramidale, dans le sens où chaque personne avertie en informe à son tour plusieurs. Ces facteurs expliquent l’intérêt du buzz marketing pour les marques. Mais quelle que soit la forme du buzz choisie par une marque, le bouche-à-oreille ne peut se faire que s'il existe un facteur de motivation qui déclenche chez l’internaute l’envie de recommander un produit, un site de buzz. Cette motivation peut trouver sa source dans plusieurs éléments combinés ou utilisés seuls. Un site buzz peut d’abord proposer des récompenses financières pour motiver l’internaute, mais cette pratique est coûteuse, peu contrôlable et ramène la relation de l’internaute envers la marque à une dimension commerciale et marchande. Ce qui pour nous est le facteur de motivation le plus important réside dans la valeur même du site buzz. En effet, un Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 64 site buzz peut avoir une valeur utilitaire, une valeur ludique et/ou enfin une valeur de nouveauté qui va conduire l’internaute à communiquer sur cette opération de buzz. La valeur utilitaire d’un site c’est lorsque celui-ci apporte des conseils pratiques, des astuces pour se faciliter la vie, mieux utiliser un produit, etc. La valeur ludique quant à elle, concerne au sens strict les applications virales prenant la forme de jeux. Cependant, dans un sens plus large, elle peut concerner également toutes les applications humoristiques de type vidéos ou animations. Mais si le facteur ludique est particulièrement motivant, il est difficile de le maîtriser. La valeur de nouveauté enfin est liée à l’originalité du site, de son contenu. Plus il revêt un fort caractère novateur sur le plan de la création ou sur un plan technique, plus il a de chances de faire l’objet de bouche à oreille. Etant donné que l'effet de nouveauté est par définition temporaire, il peut être dangereux de vouloir reproduire une mécanique de buzz qui a déjà fait ses preuves. Cette valeur de nouveauté est extrêmement importante pour des campagnes de buzz marketing et joue comme un facteur de motivation majeur car il s’appuie sur ce que l’on pourrait appeler la théorie de « l’initié » ou, pour prendre un terme anglo-saxon, de « l’insider ». Nous entendons par là le phénomène psychologique par lequel un individu se valorise, consciemment ou non, d'être le premier à prendre connaissance ou à faire découvrir une nouvelle, une application, une blague. En effet, le nouveau est valorisant pour l’internaute, il lui confère un statut d’initié, de personne étant à la pointe de la tendance. Cela met au jour un paradoxe pour le moins intéressant : nous avons dit dans la première partie de ce mémoire que les consommateurs sont de moins en moins sensibles aux formes traditionnelles de la publicité. Pourtant, on voit avec le buzz marketing que la publicité peut être un facteur de lien social et de valorisation de l’individu par « l’effet de l’initié »… 3.1.b Les blogs au service du buzz et du lancement de produits Nous avons vu lors de nos analyses sémiotiques comparatives que les blogs de notre corpus débutaient plusieurs jours avant la commercialisation d’un produit. Cela démontre, si cela était nécessaire, que les blogs publicitaires sont un dispositif de buzz marketing dans une optique de lancement de produit. Ce qui attire notre attention c’est que s’ils visent à générer du buzz, ils ne mettent pourtant pas en place d’outils de marketing viral, de modules de recommandation. Effectivement, parmi les quatre blogs de notre corpus, seul J’suis un Wouf intègre un système de recommandation que l’on retrouve sur la gauche du blog avec le lien « fais Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 65 tourner ce blog ». Ce module permet d’envoyer le lien du blog J’suis un Wouf à cinq adresses mail différentes, ce qui illustre ce que nous disions auparavant sur la facilité de la transmission de l’information à un grand nombre de personnes comme facteur de succès d’une opération de buzz sur le web. Cependant, ce module de recommandation n’est pas spécifique à J’suis un wouf puisqu’il est systématiquement présent sur chaque skyblog. Il est donc étonnant de voir que les autres blogs de notre corpus ne profitent pas de ce genre de dispositif pour accroître leur visibilité et leur impact. En fait, les blogs semblent s’appuyer presque exclusivement sur leur potentiel utilitaire, ludique et/ou de nouveauté. Ces trois valeurs que nous avons développées plus haut trouvent leur correspondance dans les blogs de notre corpus. Ainsi, la valeur utilitaire d’un blog publicitaire se retrouve particulièrement dans Plastique de Rêve : une consommatrice, jugeant utiles les conseils prodigués par Sophie Kune pour affiner sa silhouette, pourra prévenir de l’existence de ce blog une amie, une personne de sa famille concernée par la question. Ensuite, un blog publicitaire peut se baser sur sa valeur ludique pour motiver l’internaute à propager le buzz. C’est le cas de La Chocolaterie Wonka qui incite les visiteurs à envoyer des recettes de bonbons imaginaires ou à réaliser un photomontage mettant en scène un Oompa Loompa. Certes il ne s’agit pas de jeux online à proprement parler, mais cela n’empêche pas le blog de projeter l’internaute dans un environnement ludique où la notion de jeu et d’amusement est très présente. Enfin, les marques peuvent se saisir de la valeur de nouveauté, d’originalité de leur blog pour espérer créer un buzz à la hauteur de leur espérance. Le blog J’suis un Wouf en est un parfait exemple. Proposer à l’internaute un blog biographique d’un chien frimeur et star de rap n’est en effet pas chose courante. L’effet de surprise est au rendez-vous. Bien entendu, ces trois valeurs sur lesquelles s’appuient les blogs publicitaires ne sont pas hermétiques et peuvent très bien cohabiter dans des proportions variables. Nous avons dégagé en soumettant notre corpus à l’analyse sémiotique quatre stratégies discursives principales. Les blogs publicitaires peuvent être participatifs, fictionnels, testimoniaux, ou de coaching/informatifs et se baser sur les trois valeurs énoncés plus haut pour motiver l’internaute à en parler. Parmi ceux-ci, les blogs les plus favorables au buzz sont les blogs fictionnels qui offrent un objet de divertissement aux internautes, et enfin les blogs participatifs parce qu’ils peuvent parfaitement s’intégrer dans une logique de marketing opérationnel en étant l’objet de concours. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 66 Commençons par les blogs fictionnels qui constituent souvent un espace où la marque peut attirer l’attention des visiteurs en se basant sur des ressorts du comique et de l’humour. Cela est bien évidement le cas de J’suis Un Wouf, qui se présente comme un site parodique. Mais les blogs fictionnels peuvent aussi jouer sur l’humour tout en se basant sur ce qui est l’essence même des blogs, c'est-à-dire la supposée authenticité qui leur est attachée (puisqu’un blog est à l’origine une forme de sites personnels). De ce fait, des marques choisissent de mêler les registres de l’humour et de réalisme. En effet, certains blogs publicitaires peuvent miser sur l’esthétique de l’authentique en mettant en scène un blogueur anonyme qui n’est en fait qu’un personnage imaginé par la marque. Hewlett Packard s’est illustrée par deux fois sur ce registre du réalisme. Une première fois avec un blog dédié à un nouveau téléviseur HP1. Ce blog était censé être rédigé par Ted, marié à Rhonda. Ted décide d’ouvrir son blog pour partager son expérience sur l’achat d’un nouveau téléviseur. Le blog fictionnel est alors un moyen habile pour exposer les caractéristiques du nouveau produit mais il s’agit là d’un choix très risqué car les internautes pourraient considérer la démarche comme une tentative de manipulation. Malgré ce réalisme, ce blog avait tout de même une dimension de divertissement lorsque Ted fait part à l’internaute de : « the persuader », un module viral qui générait une lettre après avoir répondu à quelques questions pour aider l’internaute à convaincre son épouse d’acheter une nouvelle télévision HP. Le deuxième blog de Hewlett Packard devait promouvoir les micro-ordinateurs de la marque tout en présentant les caractéristiques d’un blog personnel. Ainsi, spécialisé dans la démonstration de jongles à la manière du football mais en se servant de la main et d’une boule de papier, le blog Fingerskilz2 proposait plusieurs vidéos où l’on pouvait admirer les exploits du blogueur. Pour encourager ses visiteurs à se mettre au jonglage avec les doigts, l’auteur proposait même un petit guide pratique avec photos à l’appui pour leur apprendre à fabriquer une mini balle avec différents ustensiles (post-it, élastiques, ficelle, papier, scotch…) et des petites baskets (avec du scotch et des trombones) à mettre au bout des doigts. Le blog se voulait donc à la fois réaliste dans son esthétique et assez drôle par son contenu. Après être restée incognito pendant deux mois, la marque HP est apparue récemment sur le blog de Fingerskilz notamment en redesignant son interface. Cela nous amène à un autre type de blogs fictionnels particulièrement intéressants pour des campagnes de buzz marketing : les blogs teasing. Le teasing, c’est jouer sur le mystère, avec une première phase où le but est d’attirer l’attention du consommateur sur un élément intriguant et mystérieux, et une deuxième phase dite de « reveal » où la marque et le produit sont 1 2 http://ilovemyhptv.com http://www.fingerkilz.tv/dasblog/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 67 révélés au grand jour. En règle générale, le blog est un outil parmi un dispositif plus global (annonces presses, messages intrigants sur des forums, etc.). Nous pouvons citer comme exemple la dernière campagne de promotion pour le jeu Halo 2 sur la console Xbox, où un site troublant dédié à la ferme Margaret’s Honey 1 renvoie le visiteur vers un blog lui-même très énigmatique2. Les blogs sont particulièrement intéressants pour des stratégies de teasing au sein d’une campagne de buzz marketing et ce pour deux raisons majeures. La première, c’est l’esthétique de l’authentique inhérente aux blogs. Ceux-ci, en étant généralement des sites personnels, s’articulent sur les notions d’authenticité et de vraisemblance qui sont les piliers de toute action de teasing : un mystère est une perturbation du réel, mais il doit s’appuyer sur des éléments comme pouvant appartenir à la réalité, des éléments vraisemblables auquel cas le discours proposé sera vite interprété comme une fiction irréaliste. Le deuxième avantage des blogs comme outil de teasing réside dans leur navigation anti-chronologique et la fréquence de leur mise à jour. Les blogs ont l’apparence de journaux intimes, ils sont constitués d’un enchaînement d’articles distincts où l’on suivrait au jour le jour les événements de la vie du blogueur. Tout cela est propice à la scénarisation, à la création d’un récit avec une intrigue, des personnages, un dénouement et une chute. Chaque article est alors un épisode d’un véritable feuilleton. Un parfait exemple de cela est certainement le blog Inconnue3 qu’avait conçu Thierry Mugler pour le lancement de son parfum Alien. Ce blog narrait les péripéties et aventures d’un homme à la recherche d’une femme qu’il avait croisée dans le métro. Pour cette opération, un faux avis de recherche avait même était publié dans le journal Libération, ce qui montre l’ampleur que peuvent prendre les dispositifs de teasing par les blogs. On le voit, les blogs fictionnels, qu’ils jouent sur les registres de l’humour, du réalisme ou du mystère se prêtent particulièrement bien aux objectifs du buzz marketing, mais ce ne sont pas les seuls. En effet, les blogs participatifs sont également des outils pouvant contribuer au buzz autour d’un produit et de son lancement, notamment parce qu’ils peuvent être envisagés dans une optique proche du marketing opérationnel en faisant l’objet de concours. Dans notre corpus de blogs, La Chocolaterie Wonka se rapproche de cette idée de concours, puisqu’un encart permanent mentionne : « Chers citoyens du monde, La chocolaterie Wonka a décidé de faire appel à votre créativité pour créer des friandises originales. En outre, l'un des auteurs de ces friandises recevra un prix spécial, au-delà de votre imagination ». Les recettes de friandises 1 http://www.ilovebees.com http://ilovebees.blogspot.com/ 3 http://www.inconnue.fr : le blog n’est plus actif mais nous en proposons des extraits en annexes. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 68 semblent donc faire l’objet d’un concours, et pourtant, il n’y a nulle part d’autres mentions se référant au gain, aux critères de sélection pour déterminer le vainqueur ! De plus, nous avons vu que la phase d’activité de ce blog est aujourd’hui terminée, mais il n’ a y eu aucun article clôturant ce concours, pas de classement, pas de gagnant… L’opération Ford S-Max Experience est également une action de marketing opérationnel par l’organisation d’un concours à travers les blogs. Cette opération s’est faite en deux temps : dans un premier temps les consommateurs étaient invités à se rendre sur un site de Ford pour s’inscrire à un tirage au sort qui déterminerait dix vainqueurs ayant le privilège de tester en avant première le monospace S-Max et de faire part de leurs impressions sur un blog dédié. Le deuxième temps concernait ces mêmes blogs : les visiteurs des blogs des dix testeurs pouvaient voter chaque jour pour leur blog préféré. Le testeur dont le blog avait reçu le plus de votes se voyait offrir le monospace de Ford. Prenons un autre exemple pour illustrer l’utilité des blogs participatifs dans des actions de buzz marketing : le cas de Glowria, leader français de la location de DVD sur Internet. Pour promouvoir son site, Glowria a profité du Festival de Cannes et de l’ambiance strass et paillettes de l’événement pour créer son blog intitulé « Blog me, I’m famous 1». Le principe en était simple et plutôt attractif : l’internaute envoyait une photo de ce qui se passait sur la Croisette, et celle-ci était publiée en temps réel sur le blog de Glowria. Cela permettait de proposer un fil d’actualités aux visiteurs (les soirées, les stars présentes, les rumeurs et scoops, etc.). Les visiteurs pouvaient également envoyer des vidéos les mettant en scène et dans lesquelles ils expliquaient leur passion pour Cannes… Chaque jour, Glowria récompensait une photo en offrant un tee-shirt « Blog me I’m famous ». Nous voyons bien que les blogs participatifs, en faisant l’objet de concours, alimentent le buzz autour du produit et de la marque par l’idée du gain possible, mais aussi par la mise en valeur de la contribution de l’internaute. La publication d’une participation de l’internaute peut être considérée comme une valorisation de ce dernier et donc un facteur motivant la transmission du buzz. Pour finir, signalons que les blogs, qu’ils soient fictionnels ou participatifs, peuvent participer à deux types de buzz. Nous nous inspirons ici de la typologie définie par Stambouli et Brionès dans leur ouvrage « Buzz Marketing : les stratégies du bouche-à-oreille ». Les auteurs distinguent d’une part le buzz image, qui est « l’ensemble des discussions entre consommateurs qui ont pour sujet l’image de la marque 2», et le buzz produit qui est « le 1 2 http://cannes.glowria.fr STAMBOULI et BRIONES, 2002. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 69 témoignage du consommateur par rapport à l’usage d’un produit 1». J’suis un Wouf et La Chocolaterie Wonka rentrent dans la première catégorie tandis que Plastique de Rêve et S-Max Exeprience sont davantage orientés vers le buzz produit. Cette dernière catégorie nous amène vers ce qui fait l’intérêt du buzz tant pour les marques que pour les consommateurs : un prospect fera davantage confiance à un avis, un témoignage d’un proche, d’un ami, d’une personne référence dans la communauté dans laquelle il s’inscrit, qu’à une publicité ordinaire dont il sait que le discours est nécessairement dirigé vers un objectif de séduction plus que de conviction. Etant à la base du buzz marketing, il est utile de s’interroger brièvement sur les notions de communautés et de leaders d’opinions et de voir comment ces concepts sont appréhendés par les blogs publicitaires. 3.1.c Au cœur du buzz marketing et des blogs : les communautés et les leaders d’opinion Pour se propager, les actions du buzz marketing se basent sur l’existence d’espaces dits communautaires sur Internet, c’est-à-dire les forums, les espaces de discussions sur les sites spécialisés…. Par exemple, même si l’objet du buzz n’était pas un blog ou un site, Volvo, pour le lancement de sa S40, avait demandé à quatre personnes de son agence de communication de se faire passer pour de simples internautes et de se connecter sous une fausse identité sur des forums et des blogs dédiés à l’automobile pour lancer des rumeurs autour du chiffre 32, chiffre sur lequel était basée la campagne de buzz et de teasing2. Les espaces communautaires proposés par l’Internet comme les forums et les blogs peuvent donc constituer des relais précieux pour une campagne de buzz marketing. La marque peut poster un message directement sur un forum ou blog, mais, et c’est là toute la difficulté de la manœuvre, elle doit faire attention à ne pas heurter les membres de ces communautés par un discours excessivement commercial. Le plus prudent reste peut être de ne pas intervenir directement sur un forum, mais de laisser faire un processus naturel de « contamination » des forums par les membres existants. Cela peut être d’ailleurs plus efficace qu’une intervention directe justement parce que la marque n’est pas associée comme étant l’émetteur du message. Comme nous l’avons dit, une personne 1 Ibid Trente-deux des habitants de ce village du nord-ouest de Stockholm (Suède) ont acheté le même modèle de voiture le même jour. Que s'est-il passé ? Voir documents en annexes. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 70 sera plus sensible à une recommandation d’un proche ou d’un membre de sa communauté qu’au discours de la marque qu’il sait biaisée. Quels outils peuvent être mis en place pour favoriser la contamination d’un forum ou d’un blog ? Tout d’abord, la marque peut se servir de fichiers « d’influenceurs diffuseurs » (des internautes identifiés comme sensibles aux opérations de buzz et particulièrement actifs dans les phénomènes de propagation). L’autre moyen de contaminer les forums est en fait simplement d’envoyer un communiquer de presse. La presse et les sites web sont en effet friands de campagnes publicitaires originales, et une amplification de l’opération peut se produire avec ce que Pierre Bourdieu a appelé « la circulation circulaire de l’information1 » : les médias sont à la recherche de scoops, mais les journalistes se lisent entre eux pour savoir ce qui a été dit, ce qui va se dire, etc. ce qui explique l’homogénéité des contenus journalistiques. Si un concurrent parle d’une action de buzz originale, je me dois d’en parler aussi. Une opération de buzz traitée d’abord par un seul site pourra donc faire l’objet de différents articles sur plusieurs sites. Or, il y a de fortes chances pour qu’une personne qui participe à un forum consulte d’autres sites, d’autres sources d’informations et, trouvant un article sur une opération de buzz pouvant être intéressante pour sa communauté, elle diffusera l’information sur un forum. Ainsi, le lancement d’un blog publicitaire peut tirer avantage de ce flux informationnel présent dans les communautés virtuelles, mais les blogs ajoutent d’autres éléments à cette dimension communautaire de la circulation de l’information. Effectivement, les blogs peuvent d’abord jouer sur des symboles communautaires pour que l’objet du buzz soit plus facilement approprié par les communautés ciblées. C’est le cas de J’suis un Wouf qui accumule les symboles liés à la communauté hip hop (typographie du logo, verlan, etc.). D’ailleurs comme le fait remarquer Loïc Le Meur, la blogosphère a une langue : « les blogueurs ont tendance à se comprendre entre eux et à développer des codes communs, par exemple un vocabulaire nouveau2 ». La marque a donc tout intérêt à comprendre ces codes pour optimiser l’impact de son blog publicitaire. De plus, les plateformes de blogs tendent à se thématiser, ne serait-ce que parce que les sites Internet sont de plus en plus nombreux à proposer leur propre plateforme de blog. Publier un blog publicitaire sur un site spécialisé permet de cibler son action et d’acquérir une plus grande visibilité en profitant du trafic naturel du site hébergeur. Ainsi, on aurait pu imaginer 1 2 BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, Editions Raisons d’Agir, 1996. GHIRINGHELLI, 2005. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 71 Plastique de Rêve sur la plateforme de blogs de Auféminin.com ou de Elle.com. La Chocolaterie Wonka aurait pu être publiée sur la plateforme de blogs du site Allociné.com.. J’suis un Wouf est le seul blog de notre corpus à profiter de cette dimension communautaire des plateformes de blogs puisqu’il est publié sur Skyblog, un hébergeur lié à Skyrock, la radio française de rap, hip hop et R’n’b. Cela lui permet de toucher plus facilement les jeunes amateurs de ce genre musical et de signifier l’appartenance de la marque à cette communauté. Enfin, les blogs s’intègrent dans la dimension communautaire de la communication et du buzz marketing avec les « trackbacks ». Les trackbacks sont en quelque sorte des liens intelligents présents à chaque fin d’article. Ils permettent aux auteurs de relier des billets de blogs différents et de voir les sites qui font référence à un article de leur blog. Concrètement, un lien est donné pour chaque article d’un blog A et un blogueur, en intégrant ce lien dans un article sur un blog B, verra que son article apparaît sur le blog A. Par exemple, dans La Chocolaterie Wonka, on remarque en cliquant sur le lien « trackbacks » de l’article « Reportage exclusif au coeur de la chocolaterie Wonka ! 1» du 30 janvier 2006 que le site Fubiz.net fait référence à cet l’article. On le voit, la diffusion des actions de buzz marketing comme les blogs publicitaires s’appuie sur l’organisation pyramidale des communautés et, nous le répétons, un internaute accepte plus facilement un avis d’un proche ou d’un membre de sa communauté que d’une publicité. Il semble donc important d’aborder cette notion d’influence, de leader d’opinion afin de comprendre comment toucher ces leaders pour qu’ils diffusent l’existence d’une action de buzz, mais aussi parce qu’une marque peut choisir de publier un blog qui serait tenu par une personne jugée comme experte par une communauté donnée. Comment définir un leader d’opinion ? Deux conceptions s’opposent : la première cherche à caractériser le leader d’opinion en brossant son portrait type (le leader serait une personne possédant des connaissances et une expertise sur un sujet particulier, il est donc une source d’informations et de conseils appropriée). La deuxième conception du leader d’opinion met davantage l’accent sur les conséquences de son comportement. Il serait alors, pour reprendre la définition donnée par Katz et Lazarsfeld « une personne qui à travers des contacts quotidiens avec son entourage influence de manière régulière l’opinion et la décision des gens dans quelques domaines particuliers 2». Cette acception nous amène à définir l’influence interpersonnelle comme le processus par lequel des contacts vont induire chez l’individu des 1 2 http://www.chocolateriewonka.com/2006/01/the_chocolate_f.html#trackback LAZARSFELD et KATZ, 1955 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 72 modifications qui ne seraient pas intervenues sans ces contacts. Cette influence peut être informationnelle ou normative. L’influence informationnelle c’est quand le consommateur accepte les recommandations qui sont faites par certains référents. Le consommateur délègue son pouvoir de vérification à une personne qu’il juge experte dans ce domaine. L’influence normative, elle, c’est la démarche d’ajustement des choix pour anticiper des jugements négatifs ou positifs de référents subis ou choisis. Les blogs de notre corpus mettent en évidence trois points en ce qui concerne cette notion d’influence. Premièrement l’importance de l’homophilie c'est-à-dire le degré de ressemblance - sociodémographique en général - entre l’influenceur et l’influencé, et son degré d’expertise. Plus une source est jugée experte, plus elle est jugée crédible, et plus l’influenceur partage le profil sociodémographique du consommateur plus l’influence sera grande. Ainsi, dans Plastique de Rêve, Sophie Kune est présentée comme experte dans le domaine de la mode notamment, et elle partage comme nous l’avons vu certaines caractéristiques de la cible supposée du blog à savoir les femmes entre trente et quarante ans préoccupées par des questions liées à l’amincissement. Pour ces raisons, les visiteurs du blog Plastique de Rêve auront tendance à accorder leur confiance dans le discours de Sophie Kune. Pour S-Max Experience, les dix blogueurs testeurs ne sont certes pas experts en automobile, mais leur statut de père de famille va permettre de toucher plus facilement les personnes ciblées par cette opération, à savoir des jeunes pères de famille. Notons que le degré d’influence n’est pas bien sûr uniquement lié à l’influenceur, mais aussi à la sensibilité du consommateur à la parole des leaders d’opinions. Ensuite, Plastique de Rêve et S-Max Experience soulignent que le degré d’influence peut être lié à la nature impliquante du produit. Le gel amincissant Plasticity et le monospace de Ford font partie de ce que l’on pourrait appeler les « produits ostentatoires 1 ». Ils sont associés à l’image que l’on donne de soi et sont à ce titre des produits impliquants. Pour cette raison, le consommateur portera une attention particulière aux opinions émises par le groupe social auquel il appartient ou s’identifie, et surtout par les prescripteurs de ces communautés qui en définissent dans une certaine mesure les normes. Le dernier point est que pour un blog publicitaire, un leader d’opinion peut ne pas s’exprimer dans les articles du blog mais dans les commentaires, comme cela est le cas dans Plastique de Rêve avec les douze consommatrices / testeuses. Comme le note à juste titre Loïc 1 LENDREVIE, 2001, p118 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 73 Le Meur « les commentaires sur les blogs les plus populaires deviennent parfois plus importants que les notes de l’auteur lui-même 1». D’où l’importance particulière que doivent porter les marques sur les commentaires de personnes jugées comme leader dans leur domaine et leur communauté. Nous venons de développer comment les blogs publicitaires des marques peuvent s’inscrire dans des actions de buzz marketing et participer au lancement d’un produit. Mais audelà de l’aspect événementiel d’un blog qui peut engendrer le bouche-à-oreille, les blogs publicitaires permettent aux marques d’établir une dimension relationnelle forte en mettant en place des outils et des stratégies de relation client et de fidélisation. 3.2 Les blogs au service du marketing relationnel Dans son ouvrage « La marque relationnelle 2», Renaud Degon explique que l’évolution des mentalités d’achat a engendré une infidélité croissante des consommateurs pour les marques et a amené ces dernières à développer en plus d’une relation financière (ce que Degon appelle le « parler prix de la marque »), une relation basée sur la connivence, l’affectif, le partage de valeurs. En effet, Degon soutient l’idée selon laquelle nous sommes passés de l’achat besoin (années 1950 à 1970), à un achat de sens3. L’achat besoin s’expliquait par l’appauvrissement de la France et les privations dues à la guerre, et résidait principalement dans l’achat de produits alimentaires et d’électroménager. A cette période où la consommation répondait à des besoins primaires et de confort, succédèrent entre 1970 et 1990 les temps de l’achat de standing (produits de marques plus prestigieux symboles d’évolution sociale) et de l’achat gadget. Aujourd’hui, avec l’inondation des marchés par des produits à bas prix manufacturés dans les pays en développement, la diversité de l’offre est telle que le consommateur cherche à déterminer si, pour un prix inférieur, il pourrait acquérir un produit identique. On serait passé d’un « comportement d’accumulation » à un « comportement d’arbitrage »4. Dans ce contexte, les marques doivent jouer sur un autre terrain que la relation transactionnelle, c’est-à-dire la relation basée sur le prix pour communiquer aux consommateurs. 1 Ghiringhelli, 2005 DEGON, 2000. 3 ibid 4 ibid 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 74 Ainsi sont apparus aux côtés des cartes de fidélité et des promotions personnalisées par le couponning, des magazines de marques, des clubs… Aujourd’hui, « la motivation d’achat se fonde sur la vitalité personnelle résultant de l’utilisation de la marque 1». Par conséquent le consommateur doit se sentir proche et en connivence avec la marque. Les marques doivent selon Degon initier avec les consommateurs des relations qui leurs sont spécifiques, elles doivent chercher à dépasser leur seul savoir-faire, relevant de l’intelligence technique, pour proposer un savoir être, car « l’absence de différentiel de relation aboutit pour la marque à guerroyer contre d’autres sur le seul plan de la qualité. Les distributeurs ont déjà vérifié que la seule qualité de service ne suffit pas2 ». Il nous semble que les blogs publicitaires peuvent répondre à ces objectifs relationnels qui s’imposent aux marques. Nous avons pu constater néanmoins lors de notre recherche de blogs pour la constitution de notre corpus que le potentiel relationnel est souvent en retrait par rapport au potentiel de buzz pur. Pourtant, buzz marketing et marketing relationnel ne sont pas, il nous semble, antinomiques, dans le sens où en étant des actions de bouche-à-oreille fondées sur l’humour, le mystère ou sur des dispositifs participatifs ludiques, les blogs publicitaires créent de la relation entre les consommateurs qui se transmettent entre eux l’objet du buzz, mais ils favorisent aussi la connivence entre la marque et les consommateurs. Outre l’aspect relationnel du buzz, les blogs peuvent adopter des stratégies qui sont davantage en cohérence avec la définition du marketing relationnel comme « technique visant à établir une relation continue et enrichie avec le consommateur par l’établissement d’un dialogue entre la marque et le consommateur3 ». Avec les blogs, l'entreprise s'engage avec le lecteur, le consommateur. Celui-ci lit le blog par choix, ce qui implique qu'il veut entendre plus de l'entreprise. Jérémy Wright définit trois axes sur lesquels peuvent s’étendre la relation4. Le premier axe est celui de l’information : l’entreprise dit aux consommateurs ce qu’elle fait et comment pour comprendre ce que ces derniers en pense. Le deuxième axe est celui du témoignage, c’est-à-dire construire une base solide d’expériences positives avec les clients qui les transformeraient en évangélistes pour la marque. Le dernier axe est celui du management de la connaissance car un blog permet, nous allons le voir, de constituer une base de données assez complète sur les attentes des clients. Pour Jérémy Wright, le potentiel relationnel des blogs est 1 DEGON, 2000, p16 ibid p78 3 Http://www.abc-netmarketing.com 4 WRIGHT, 2005. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 75 vaste1 : conditionner des consommateurs « évangélistes », optimiser le feed-back, générer de la confiance dans un espace communautaire, devenir un leader à l’écoute du marché, partager et créer de la connaissance, découvrir de nouveaux marchés et nouvelles opportunités, etc. Plastique de Rêve est un exemple parfait de cette mise en place de stratégies de dialogue et d’échange au sein d’un blog produit. C’est cet aspect du potentiel relationnel des blogs que nous allons aborder maintenant. 3.2.a Un outil de veille marketing Les possibilités des blogs en terme de veille marketing sont facilement compréhensibles. Les commentaires, en jouant le rôle d’espace d’expression pour les visiteurs du blog et donc, logiquement, des prospects susceptibles d’acheter le produit, offrent aux marques une occasion intéressante pour connaître les attentes des clients et les freins à l’achat. Partant, si une politique d’animation des commentaires est mise en place et que les réactions sont suffisamment nombreuses et convergentes, les blogs peuvent amener les marques à ajuster leur message publicitaire, le prix du produit, etc. Nous pouvons prendre l’exemple de Plastique de Rêve, avec un commentaire du 20 février 2006 d’Hélène sur l’article « Aujourd’hui, je fonce ;-) ». Hélène écrit : « Alors bon, donc. Je suis a priori férocement opposée à toute forme d'effort pour maigrir, quel qu'il soit. Même mettre des crèmes, ça me saoûle. En plus ça marche jamais, je sais, j'ai essayé quand j'étais jeune et bête. Mais celle-ci, je dois dire qu'elle me titille. J'ai vu la pub, je me dis qu'on ne peut pas promettre des résultats pareils sans être sûr de son coup. Je sens que je vais finir par craquer et l'acheter ;-) Ce qui me retient pour le moment c'est son prix, mais l'idée d'avoir la cuisse plus leste me fait assez envie... ». Le service marketing de Dior peut dégager des freins à l’achat de Plasticity comme le prix, le caractère fastidieux de l’application du gel, le fait que ce type de produit est souvent perçu comme inefficace, mais aussi des points forts comme la stratégie argumentaire sur la promesse de résultats notables. En ayant connaissance de ces éléments, la marque peut alors tenter de communiquer sur ces points pour lever les obstacles. Autre exemple, Ubisoft, la société française de jeux vidéo qui a créé un blog2 pour son futur jeu 1 2 Ibid http://blogs.ign.com/Red-Steel/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 76 Red Steel, à paraître pour le lancement de la dernière console de Nintendo, la Wii. Ce blog présente l’équipe de développement, et si les auteurs du blog ne sollicitent pas directement les réactions des visiteurs, les articles récoltent tout de même des commentaires qui peuvent donner un aperçu de ce que pensent certains joueurs sur le futur titre d’Ubisoft. Même si les commentaires ne concernent pas directement le produit, ils donnent la possibilité à la marque d’observer quelles sont les préoccupations générales c’est-à-dire ce que l’on appelle les « drivers », les valeurs de leur clientèle. Ces informations permettront aux marques d’ajuster leur discours pour améliorer leur relation avec leurs clients. Bien sûr, les marques ne sont pas obligées de créer un blog pour cerner les attentes des clients. Elles peuvent très bien observer les blogs déjà existants dédiés à l’univers de leur produit. Cela est tout à fait comparable à la veille que font certaines marques sur les forums de sites spécialisés. Dans ce cas, pour être pertinente et opérationnelle, la surveillance des blogs nécessite de se concentrer sur ceux bénéficiant des plus fortes audiences et du plus fort crédit en terme de fiabilité de l’information. Mais ce type de données est difficilement disponible. 3.2.b Blogs et relation client Dans le prolongement de cette idée de veille passive des commentaires, les blogs peuvent être clairement axés sur la participation des internautes dans le processus d’élaboration du produit. Les blogs sont alors plus que des outils de veille : ils sont de véritables dispositifs de relation client car l’entreprise montre explicitement sa volonté de transparence, son engagement à prendre en considération autant que faire se peut les remarques de leurs clients dans la réalisation du produit. Si au chapitre précédent nous traitions de la veille passive, ici la veille est active, c’est-à-dire sollicitée par la marque qui interroge les visiteurs sur des points précis du produit. La marque expose sur un blog ce que serait le prochain produit qu’elle compte commercialiser, et elle incite les internautes à laisser leurs avis pour améliorer les caractéristiques du produit en question. Il est vrai que ce type de discours est davantage présent sur un blog de marque que sur les blogs publicitaires, mais on peut très bien imaginer que pour un produit important et attendu, la marque crée un blog spécifique en charge de recueillir les remarques et suggestions des internautes. Par exemple, les développeurs, testeurs et managers de Microsoft utilisent les blogs pour parler directement avec les consommateurs, et avant d’apporter des changements à leurs applications, les développeurs travaillent à obtenir du feedback auprès Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 77 des consommateurs afin d’avoir la certitude que les changements conviendront. De même pour le site de vente en ligne de T-Shirt La fraise.com1 où le dirigeant n’hésite pas à exposer les projets futurs de la société et les dernières créations de t-shirt en demandant aux visiteurs ce qu’ils en pensent. Cela permet en outre d’améliorer le produit ou le service, mais le fait de prendre en compte par des modifications des remarques effectuées sur un blog est aussi un moyen d’exprimer la volonté d’écoute, de dialogue, de créer une relation de confiance et de valoriser la parole du consommateur. Ensuite, un blog permet de créer une communication transparente entre la marque et les consommateurs. C’est le contrat de communication dont nous avons parlé plus haut. Le blog peut ainsi désamorcer une crise en répondant directement aux récriminations d’internautes envers une marque ou un produit. En effet, un blog publicitaire, comme un blog de marque, humanise la relation et renforce la proximité ressentie. C’est un moyen d’afficher une certaine transparence car les lecteurs peuvent contribuer et réagir via des commentaires. Mais la question de la modération peut alors se poser : faut-il laisser des messages critiques envers un produit ? De la politique de modération des messages dépendra le degré de transparence perçu par les internautes. Laisser des messages critiques envers un produit a néanmoins certains avantages : tout d’abord la marque peut apporter une réponse argumentée pour démontrer que la critique est infondée. Cela donne l’image d’une entreprise qui a confiance en son produit et l’argumentaire, s’il est bien construit et solide, peut mettre au jour des caractéristiques du produit dont le consommateur n’avait pas forcément connaissance. Ensuite, certains consommateurs - attachés à la marque ou au produit (s’il est suffisamment impliquant) - pourront se faire eux-mêmes défenseurs de la marque ce qui, en plus de renforcer la fidélisation de ces clients, montrera le soutien et la satisfaction des clients pour le produit et la marque. En fin de compte, laisser les commentaires critiques et y répondre, c’est l’occasion pour la marque de prouver sa volonté de transparence et de dialogue. C’est bien ce qui fait l’intérêt d’un blog pour un consommateur : voir une marque plus humaine qui ne se cache pas derrière les discours formatés des publicités mais qui est prête à engager une véritable discussion. On remarquera à ce sujet l’article du 03 mars 2006 de Sophie Kune dans Plastique de Rêve et intitulé « Quinze jours déjà ». Sophie Kune, par une stratégie de questions/réponses réaffirme la nature commerciale et les objectifs du blog face aux propos des détracteurs de l’opération. 1 http://www.lafraise.com Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 78 Par extension, on peut imaginer qu’un blog peut être un dispositif pour répondre aux consommateurs lorsque des signes de défaillance technique du produit apparaissent. Les stratégies de marketing relationnel des marques peuvent s’emparer des blogs pour y diffuser des contenus qui sont en lien avec l’univers du produit promu. Par exemple, un blog sur une gamme de planche de surf pourra suivre l’actualité d’un championnat de surf. Ces stratégies se développent particulièrement aujourd’hui comme le souligne un article de Stratégies dans lequel on peut lire : « on a également beaucoup parlé, ces derniers mois, de Leroy Merlin, qui avec son programme court Du Côté de chez vous sur TF1 et son magazine du même nom vendu en kiosques, joue à fond la carte du contenu, sans communiquer directement sur ses produits. Encore plus détourné : Beautylive, chaîne de L'Oréal diffusée via MSN, donne des conseils de beauté, tout comme un site féminin. […] L'enjeu réside dans la qualité éditoriale, l'idée étant de rivaliser avec des sites journalistiques et spécialisés.1 » Ce type de contenu peut faire alors penser aux « consumer mag » tels qu’on les connaît dans leur version papier. Un blog peut distiller des conseils et astuces pour une meilleure utilisation d’un produit, pour, au final, déboucher sur une meilleure satisfaction de l’utilisateur. Cette stratégie est particulièrement présente comme nous l’avons dit dans Plastique de Rêve qui se positionne comme un blog coaching/informatif, un blog d’accompagnement personnel pour aider les consommatrices à affiner leur silhouette, notamment grâce au gel Plasticity de Dior. Pour les gammes féminines de ses jeans, la marque Levi’s a également mis en place un blog2 où plusieurs idées créatives et astuces sont données pour permettre de « customiser » son jean, c’est-à-dire le personnaliser en y incrustant des rivets, des bijoux, des morceaux de tissus rapiécés, en le teintant, etc. Le blog Jeandefille.fr a ainsi l’apparence d’un vrai manuel avec un ton didactique et des photographies pour chaque étape détaillant la procédure. Le but est bien sûr de répondre aux préoccupations des jeunes filles qui veulent avoir un jean à la mode mais qui ne ressemble à aucun autre. Plusieurs sites Web et blogs proposent même aux internautes de s’abonner gratuitement pour recevoir des fichiers audio ou vidéo leur donnant diverses astuces sur le produit. Cette pratique de diffusion de fichiers audio ou vidéo est appelée podcasting et est basée sur les flux RSS que nous aborderons plus tard. Prenons l’exemple de Gemey3 : la marque de cosmétique propose sur son site Internet des podcasts audio et vidéo donnant des conseils maquillage de professionnels. Mais cela est aussi possible sur un blog car un blog peut être basé sur tous types de contenus. 1 LE GOFF, 2004 Http://www.jeandefilles.fr 3 http://www.gemey-maybelline.com/news/l190l603.htm (podcast audio) http://www.gemeymaybelline.com/news/l190l606.htm (podcast vidéo) 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 79 Enfin, les blogs peuvent parfois être des éléments d’actions du marketing relationnel transactionnel, très souvent pour favoriser le buzz autour d’un produit. Prenons l’exemple d’Adronel, une marque de chaussette, qui propose un service pour le moins original puisqu’il s’agit d’un abonnement à des chaussettes ! Pour rendre son offre visible, la société a envoyé un mail à une quinzaine de blogueurs identifiés comme les plus influents du Web français. Ces leaders d'opinion ont commencé à répandre la nouvelle. Un buzz à moindre frais et, derrière cela, une vraie politique de relation clients puisque les lecteurs des blogs ayant relayé l'information se voyaient offrir des réductions sur leurs commandes. L’inconvénient de cette approche est qu’elle renvoie la relation entre la marque et le consommateur à une nature marchande basée sur le prix et les avantages financiers. Or les blogs possèdent de nombreux avantages pour permettre à la marque de développer une relation basée sur la connivence, l’affectif avec les consommateurs, au point même parfois de créer ou de renforcer des communautés autour du produit et de la marque. Les blogs ont alors un vrai potentiel de fidélisation des clients. 3.2.c Fidélisation et sentiment d’appartenance Comme nous l’avons dit, la fidélisation des clients est devenue un enjeu majeur pour les entreprises face aux tendances de « zapping » du comportement d’achat des consommateurs. Les politiques de fidélisation sont particulièrement importantes car outre le fait qu’il est moins cher de fidéliser un client que de le conquérir, les clients fidèles sont parfois plus rentables que les clients occasionnels et ils sont aussi un gage de stabilité pour l’entreprise. D’autre part, les clients fidèles sont la source d’un bouche à oreille positif : « les clients fidèles se font spontanément et bénévolement les agents actifs de promotion de cette marque auprès de leur entourage et deviennent ainsi pour elle, par la voie du bouche à oreille, des recruteurs très efficaces parce que désintéressés et crédibles 1». Un point d’autant plus, que selon une étude d'Euro RSCG WorldWide datant de 2001, 34 % des acheteurs obtient le plus d’informations sur un produit grâce au bouche à oreille, loin devant les sites Web (20%) et la publicité (13%). Un blog peut alors contribuer à fidéliser certains clients en créant une relation quasi quotidienne avec le consommateur. Nous l’avons démontré lors de nos analyses, les blogs sont des sites Internet dont une des spécificités est d’être très régulièrement mis à jour, en 1 LENDREVIE, 2003, p.925 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 80 général au moins une fois par semaine. Cela conduit à une forme de fidélisation puisque pour amener l’internaute à visiter un blog le plus souvent possible, la marque peut déployer différentes stratégies tant sur le plan du contenu que sur le plan technique. Sur le plan du contenu d’abord, car si le blog propose des informations pertinentes et utiles pour le consommateur, ce dernier le consultera régulièrement. De même, les blogs ayant d’abord des objectifs de buzz marketing peuvent tout à fait amener à une forme de fidélisation s’ils s’appuient sur des stratégies de teasing, de feuilleton, d’intrigue comme le blog Inconnue.fr pour le parfum Alien de Thierry Mugler que nous avons cité précédemment. Ensuite, sur le plan technique, les marques peuvent tirer profit des flux RSS (Really Simple Syndication) que proposent les blogs. Le fonctionnement d’un flux RSS est assez simple à comprendre : en cliquant sur un lien du type « fil RSS » (que nous pouvons remarquer sur Plastique de Rêve, La Chocolaterie Wonka et SMax Experience), l’internaute « s’abonne » (gratuitement bien sûr et sans avoir à se qualifier, à communiquer des informations personnelles) pour recevoir l’actualité du site ou du blog. L’internaute reçoit ainsi automatiquement des messages signalant les mises à jour faites sur un site, les derniers articles publiés sur un blog, les derniers fichiers audio et vidéo (podcast) mis en ligne… L’inconvénient de cet outil est que pour lire ces flux d’information, l’internaute doit disposer d’un agrégateur de fil RSS, une sorte de logiciel à partir duquel l’internaute peut consulter en un seul endroit les dernières actualités de dizaines de sites web, sans avoir à les visiter. Or, tout le monde ne dispose pas d’un lecteur RSS, et pour cause, selon une étude publiée par Yahoo US1, seuls 12% des internautes savent ce qu'est le RSS. Pour les marques qui souhaitent fidéliser les visiteurs de leurs blogs, la simple mise à disposition du fil RSS ne suffit pas pour toucher une cible large, mais cela peut être compensé par l’usage des e-mails : une marque peut proposer sur son blog un flux RSS et en parallèle des alertes mails pour informer l’internaute des mises à jours. Là où est les blogs sont des dispositifs de fidélisation intéressants, c’est dans leur capacité à renforcer des communautés autour d’un produit ou d’une marque au même titre qu’un forum, et ce, que les blogs soient envisagés dans des stratégies de marketing relationnel bien sûr, mais aussi dans des campagnes de buzz marketing. En effet, l’essence du buzz marketing est à la fois de se reposer sur les communautés existantes pour se diffuser mais aussi de participer à leur renforcement en créant du lien entre les acteurs de ces communautés. Les marques et les produits sont devenus créateurs de communautés qui leur sont dévouées. Les exemples de telles 1 http://publisher.yahoo.com/rss/RSS_whitePaper1004.pdf Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 81 communautés sont nombreux et l’on pourrait citer entre autre les communautés dédiées à Apple (Ipod, Mac…), à la DS de Citroën, au jeu de rôle Magic The Gathering, aux marques de vêtements de sport Nike et Adidas, aux consoles de jeux vidéo Nintendo, etc. Mais comment expliquer que les marques et les produits soient devenus des objets de communautés ? Lendrevie, en expliquant que la publicité peut être vue sous l’angle de la signification sociale des objets, cite Jean Baudrillard qui écrit dans son ouvrage La société de consommation, ses mythes et ses structures : « on ne consomme jamais l’objet en soi (dans sa valeur d’usage), on manipule toujours les objets (au sens le plus large) comme signes qui vous distinguent soit en vous affiliant à votre groupe pris comme référence sociale, soit en vous démarquant de votre groupe par référence à un groupe de statut supérieur 1». L’achat de certains produits peut être alors pour un individu une façon d’exprimer une image qu’il a de soi car des représentations symboliques auront été attribuées au produit ou à la marque. Ainsi, « les marques de sport telles que Nike et Adidas affirment des valeurs dans lesquelles se projettent bon nombre d’acheteurs2 ». C’est ce que Jean-Noël Kapferer appelle « la fonction d’identification » de la marque3, c’est-à-dire sa capacité à aider un acheteur de se situer par rapport à son environnement social et à se mentaliser, à se définir à ses propres yeux. Les blogs permettent aux marques d’entretenir les communautés virtuelles existantes sur le Web dédiées à leurs produits notamment parce que la fonctionnalité des commentaires agit comme un mini-forum dans lequel les passionnés de la marque ou du produit discutent entre eux, s’échangent des conseils, des points de vue… La marque peut aussi intervenir directement dans ces forums via un porte parole qui aura pour but d’animer les conversations et de renforcer l’impression de proximité et de connivence entre la marque et les membres de la communauté. Mieux, une marque a la possibilité de diffuser au sein de son blog des contenus propres à assouvir le désir de ces consommateurs passionnés de tout avoir et tout savoir sur leur marque ou produit fétiche ; ces contenus peuvent être des informations exclusives, des objets à collectionner (fonds d’écran, icônes, thèmes de bureau, etc.), des films viraux… Les concours sont aussi une façon de stimuler une communauté. Dans notre corpus de blogs, La Chocolaterie Wonka pourrait être vue comme une sorte de bonus pour les fans du film de Tim Burton en prolongeant l’univers du film en dehors du DVD. 1 LENDREVIE, 2001, p 117 LENDREVIE, 2003, p113 - Voir à titre d’exemple le blog pour la gamme Clima d’Adidas (http://adidasclima.skyblog.com/) 3 KAPFERRER, 1989 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 82 L’opération The daily sneaker de Nike peut être citée pour illustrer la capacité des blogs à animer les communautés de marques/produits. Le blog « The daily sneaker 1» ciblait les collectionneurs, les passionnés du vintage, des modèles des chaussures de sport Nike datant des années 80. Il s'agit pour Nike de devenir éditeur d'une plate-forme de discussion ouverte et, en l'espèce, de laisser des collectionneurs parler des produits de la marque. Dans le même esprit, le blog du site de vente en ligne de t-shirt Lafraise.com permet aux clients de poster des photos où ils posent habillés des t-shirts achetés sur le site. C’est un moyen de développer le sentiment d’appartenance et de valoriser les clients. Or, développer ce sentiment d’appartenance c’est renforcer la relation, les liens entre la marque et ses consommateurs, et cela débouche à terme à une fidélisation de la clientèle. En développant le potentiel de veille, de relation client et de fidélisation par le sentiment d’appartenance des blogs nous avons étudié comment ceux-ci peuvent s’inscrire dans des objectifs de marketing relationnel. Les blogs ont ainsi toutes les caractéristiques nécessaires pour établir et maintenir de bonnes relations avec les clients telles qu’elles sont exposées par Lendrevie, à savoir connaître ses clients, leur parler, les écouter, les récompenser pour leur fidélité et les associer à la vie de l’entreprise ou de la marque2. En effet, nous avons vu que les blogs permettent de connaître les clients et de les écouter grâce aux commentaires (outil de veille), de leur parler avec des articles, de les récompenser pour leur fidélité (voir le cas d’Adronel cité plus haut ou simplement le fait que les blogs peuvent apporter des astuces aux clients), et enfin les associer à la vie de l’entreprise en les impliquant dans la phase de réalisation d’un produit, tout cela en profitant de l’humanité et de la proximité caractéristiques des blogs. Mais au-delà de ces applications dans le domaine du marketing relationnel et du buzz marketing, les blogs possèdent d’autres formes d’utilisation pour les marques souhaitant promouvoir un produit ou une gamme de produits sans devoir passer par les blogs publicitaires. 1 2 http://www.thedailysnkr.com/ LENDREVIE, 2003, p.904 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 83 3.3 Les autres possibilités d’utilisation des blogs par les marques Si auparavant nous avons mis au jour des applications possibles de blogs édités par les marques, nous allons voir maintenant comment celles-ci peuvent tirer partie de blogs qui ne sont pas de leur initiative pour promouvoir leurs produits. Evidemment, ces actions peuvent être entreprises en parallèle avec le lancement d’un blog publicitaire pour le compléter ou pour renforcer sa visibilité et son impact. 3.3.a Les plateformes de blogs : du marketing relationnel au marketing opérationnel Une marque peut mettre en place sur son site Internet ou sur un site dédié une plateforme de blogs comparable à celle de Skyblog, Six Part, etc. L’objectif bien sûr n’est pas que les internautes se saisissent de ces plateformes pour y exposer des éléments de leur vie qui n’auraient pas de lien avec la marque, mais de les amener à rédiger des articles sur un ou plusieurs produits de la marque, ou en tout cas en phase avec l’univers associé au produit. Intégrée sur le site de la marque, la plateforme de blogs permet d’accroître le trafic du site et par conséquent d’augmenter la visibilité des offres qui peuvent y être faites. Pour ce faire, le site de la marque doit être lui-même déjà très actif et proposer un contenu régulièrement mis à jour, auquel cas il vaut mieux préférer peut-être délocaliser la plateforme de blogs vers un site dédié. L’objectif principal de telles plateformes de blogs est simple : fédérer une communauté de consommateurs pour les fidéliser. Nous ne reviendrons pas sur l’importance de la fidélisation des clients pour une entreprise ni sur le fait que le sentiment d’appartenance, en créant une relation forte basée sur l’affectif, la connivence et le partage de valeurs, participe au processus de fidélisation, en tout cas pour certaines catégories de produits. Pour illustrer cette utilisation des plateformes de blogs par les marques, nous incitons le lecteur à se rendre sur la plateforme « Blogstation 1» qui est à l’initiative de la société Sony pour ses consoles de jeux vidéos Playstation. Sur cette plateforme, les joueurs se rassemblent pour exposer leur passion pour les jeux vidéo et les consoles Sony bien sûr, mais aussi sur des thèmes gravitant autour de l’univers des jeux vidéo et de Sony comme les mangas, les films, etc. 1 http://www.blogstation.fr/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 84 Une plateforme peut être aussi un moyen habile de développer des actions de trade marketing et de partenariats commerciaux. Nous pourrions imaginer dans le cas de Sony que des éditeurs de jeux vidéos ou des fabricants d’accessoires (manettes, étuis, etc.) puissent créer des blogs publicitaires sur Blogstation.fr. Quoiqu’il en soit, une plateforme de blogs permet la qualification de ses clients, c’est-à-dire de récolter des adresses e-mails ou physiques pour constituer une base de données qui peut être réutilisée en vue d’opérations de marketing direct. Ces plateformes peuvent donner lieu à des stratégies relationnelles plus poussées avec pourquoi pas un système pour gagner des points à chaque fois que l’internaute se connecte à la plateforme de blog, écrit un article, ou à l’occasion de votes. Ces points récoltés permettraient au blogueur d’avoir des avantages, des bons de réduction… Outre ces objectifs de marketing relationnel de fidélisation par le sentiment d’appartenance, les plateformes de blogs hébergées sur un site de marque ou sur un site dédié peuvent contribuer à des actions de marketing opérationnel. En effet, une marque qui proposerait une plateforme de blogs dédiée peut envisager l’organisation de concours qui permettrait non seulement de stimuler et d’animer sa plateforme de blog mais également de recruter de nouveaux blogueurs attirés par la perspective du gain. Nous pouvons citer le cas du site du voyagiste en ligne Expedia qui a organisé en 2005 et cette année un concours de blogs de voyages1, avec à la clé, pour les meilleurs blogs, des chèques voyages d’une valeur de 1500 euros. Sur la plateforme Blogastion.fr que nous avons évoquée, des concours de blogs sont également mis en place pour gagner des jeux, des consoles, des goodies… Les plateformes de blogs ont un vrai potentiel pour des opérations de marketing opérationnel. Nous pouvons imaginer des concours de blogs littéraires, de blogs photo, audio ou vidéo… les limites en la matière sont celles de l’imagination des services marketing. Enfin, d’un point de vue technique, une plateforme de blog peut améliorer le référencement d’une marque sur les moteurs de recherche avec un meilleur Pagerank pour le trafic. Cependant, la création de telles plateformes restent limitée à des marques et des catégories de produits capables de fédérer un grand nombre de consommateurs en communauté. Si une marque juge qu’elle ne répond pas à ce critère, elle peut, comme l’a fait la marque de 1 http://www.blogs-de-voyage.fr/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 85 stylos Reynolds1, envisager un blog participatif où les internautes deviendraient en quelque sorte des co-auteurs d’un même blog. Comme nous pouvons le constater avec l’exemple de Reynolds, ce genre d’initiative permet l’organisation de concours. Dans tous les cas, une plateforme de blogs doit être abordée avec précaution car cet outil pose plusieurs questions en terme de modération des blogs. 3.3.b Les blogs comme support publicitaire pour un annonceur Cette utilisation des blogs est très simple à comprendre puisqu’il s’agit de se servir d’eux comme des espaces traditionnels publicitaires. La marque apparaît sur les blogs d’anonymes sous la forme de bannières, skyscrapers, etc. qui sont vendus par l’hébergeur de blogs ou bien par des réseaux spécialisés regroupant plusieurs milliers de blogs indépendants. Ces espaces publicitaires apparaissent alors aussi bien sur les pages du blog, que sur les interfaces de gestion utilisés par les blogueurs. Les messages publicitaires peuvent même parfois être intégrés dans les flux RSS de blogs auxquels se sont abonnés les internautes. L’avantage des blogs comme support publicitaire est qu’ils sont souvent classés par thèmes et qu’ils peuvent donc, en théorie, permettre un ciblage relativement fin pour les marques. Pourtant, dans les faits, les espaces publicitaires des blogs sont généralement vendus en rotation générale sur l’ensemble des blogs d’un hébergeur car les catégories ne correspondent que rarement à des ciblages recherchés spécifiquement par les annonceurs et le nombre de blogs par catégories est souvent modeste. Peut-être la situation va-t-elle changer avec le développement des plateformes de blogs sur les sites spécialisés. Effectivement, des sites comme Le Monde.fr, Au féminin.com, Allociné, Jeux-France etc. mettent à la disposition des internautes un espace de blogs. Les annonceurs peuvent alors profiter du ciblage permis par la spécialisation de ces sites. Mais l’utilisation des blogs comme support publicitaire n’est pas nécessairement efficace car les bannières, de par leur emplacement sur les blogs, ne sont pas d’une grande qualité en terme d’attention accordée par l’internaute. D’autre part, comme n’importe qui a la possibilité de créer son blog, les messages publicitaires de l’annonceur peuvent être affichés sur 1 http://www.matribureynolds.com/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 86 des blogs de mauvaise qualité, parfois au contenu douteux, ce qui peut poser un problème d’image pour la marque. 3.3.c Les stratégies d’under-cover marketing La dernière forme d’utilisation des blogs non publiés par une marque correspond à ce que l’on appelle les stratégies d’« under-cover marketing », appelées en français « marketing furtif ». L’on entend par marketing furtif ou under-cover marketing « des actions marketing dans le cadre desquelles la marque ou son agence ne souhaite pas être identifiée comme étant à l'initiative d'un phénomène de communication 1». En somme, une marque fait de la publicité pour un produit ou une action de buzz marketing sans apparaître au grand jour. Les actions d’under-cover marketing appliquées aux blogs peuvent se déployer sur trois axes : tout d’abord la marque peut participer de façon anonyme sur un blog via les commentaires ; ensuite la marque peut proposer des cadeaux aux auteurs dont les blogs sont appréciés, reconnus et générant un fort trafic ; enfin, la marque peut créer un faux blog de toute pièce. Commençons par les interventions masquées des marques dans les commentaires de blogs. La marque se fait passer pour un internaute lambda est envoie des commentaires sur les blogs très visités. Les commentaires peuvent être alors de deux ordres : la marque met en avant son produit en valorisant des caractéristiques ou, au contraire, elle tente de nuire à l’image d’un concurrent en se plaignant de ses produits. Dans tous les cas, ce genre de pratique nécessite de préparer le terrain en participant aux autres articles du blog, en écrivant des commentaires bien avant ceux qui auront des objectifs d’under-cover marketing pour être perçu comme un visiteur plutôt régulier. De plus, la marque doit être prudente dans la rédaction de ses commentaires en mesurant ses propos, en n’étant pas trop élogieuse pour ne pas avoir un discours qui pourrait paraître publicitaire, et surtout adopter les codes des blogueurs (si la marque souhaite intervenir sur un blog dédié aux adolescents, l’utilisation du langage sms est de rigueur pour se fondre dans le paysage du blog…). Pour illustrer cette pratique basée sur de fausses contributions personnelles, rappelons l’exemple de Volvo pour le lancement de sa S40 que nous avons abordé plus haut … 1 http://www.abc-netmarketing.com Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 87 Les auteurs de blogs reconnus générant un fort trafic peuvent être considérés comme des leaders d’opinion. Pour cette raison, il est tentant pour une marque de vouloir approcher ces blogueurs et de les influencer pour qu’ils rédigent des articles sur un de leurs produits ou sur une de leurs actions de buzz. Le moyen le plus simple pour les inciter à parler de leur produit étant de leur envoyer des échantillons gratuits ou d’autres cadeaux. Les marques envoyant ces échantillons ou cadeaux ne demandent pas nécessairement de contrepartie aux blogueurs, et il est d’ailleurs peut-être plus efficace de ne pas contraindre ces derniers, de leur laisser le sentiment d’être libres de parler ou non du produit. Par exemple, en 2003, la marque de téléphones mobiles Nokia avait envoyé à une dizaine d’auteurs utilisant régulièrement des photos dans leurs blogs leur dernier modèle de téléphone portable avec une fonction appareil photo intégrée. Nokia ne demandait pas de contrepartie directe, elle n’exigeait pas un nombre d’articles sur son produit. Les résultats de cette campagne ont semble-t-il été jugés satisfaisants par la marque. A l’inverse, ce type de pratique peut se solder par un échec, par un buzz négatif. C’est le cas la campagne « Raging Cow » de la marque de boissons gazeuses Dr Pepper / Seven Up. La société avait fait parvenir 300 dollars en chèques cadeaux et des canettes de soda à six blogueurs américains pour que ces derniers fassent la promotion de « Raging Cow », une boisson à base de lait. Ces six blogueurs, âgés de 17 à 24 ans, ont consacré un article par semaine et pendant un mois entier à la boisson de Dr Pepper / Seven Up. La société fut accusée d’avoir formé les blogueurs au produit et de leur avoir donné pour instruction de multiplier les allusions à la nouvelle boisson sans signaler leurs liens avec la marque Les marques souhaitant avoir ce type d’approche doivent faire face à deux limites principales : il est tout d’abord difficile d’identifier les blogs influents, et ensuite les blogueurs approchés par les marques peuvent avoir des réactions négatives se traduisant par un buzz négatif pour le produit. Pour finir, les marques peuvent créer des faux blogs personnels dont le but serait bien sûr de promouvoir de façon masquée un produit. La marque invente alors un personnage imaginaire avec ses passions, sa vie quotidienne, son caractère, etc. Au milieu d’articles personnels, l’internaute trouverait des articles sur un produit que ce blogueur imaginaire aurait testé et apprécié. Dans un sens, le blog de Ted pour un modèle de téléviseur Hewlett Packard que nous avons cité plus haut entrerait dans cette catégorie de faux blog s’il n’y avait pas eu à la fin une phase de révélation de la marque. Cette pratique pose deux problèmes majeurs. Premièrement, parce qu’ils sont nouveaux, ces blogs auront une faible audience et auront donc Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 88 une portée limitée. Enfin et surtout, cela soulève des questions éthiques, car les méthodes de l’under-cover marketing peuvent être perçues comme des tentatives de manipulation si les internautes découvrent le pot aux roses. Le contre exemple de la première version du blog Le Journal de Ma Peau de Vichy illustre parfaitement les effets négatifs de telles pratiques si elles sont mises au jour. Vichy s’est attiré les foudres des internautes qui ont qualifié ce blog de manipulation : Claire, la blogueuse/testeuse n’existait pas, le caractère publicitaire de l’opération n’apparaissait nulle part. Dans tous les cas, l’appropriation des blogs par le marketing furtif met en évidence les limites éthiques et les dangers de ce dispositif qui peut être un outil de manipulation dont l’efficacité aléatoire ne justifie pas nécessairement les prises de risques qu’il suppose … Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 89 CONCLUSION D éfinir les stratégies discursives des blogs publicitaires nous a permis de mettre au jour les nombreuses applications marketing possibles de ces derniers. Nous aurions pu limiter notre réflexion à l’utilisation des blogs dans des démarches de buzz marketing ou dans des dispositifs de marketing relationnel, mais avec notre parti pris d’une approche assez large, nous avons pu démontrer l’étendue de cet outil et conclure que plutôt que de parler de « blog marketing », il était peut-être préférable d’apprécier comment les blogs peuvent s’inscrire dans des branches existantes du marketing. En tous cas, qu’ils soient envisagés dans des objectifs de buzz ou de marketing relationnel, les blogs sont la manifestation d’une évolution dans la posture des marques vis-à-vis du consommateur. Nous serions passés - ou en train de passer - d’un marketing de conquête à un marketing de relation comme semble l’indiquer un article de Stratégies selon lequel « le marketing de conquête militaire vers les cibles est devenu un marketing de relation où il faut être « aux côtés » du client, en interactivité avec lui, et non en face d’une cible, comme pour la tuer 1»… Cette tendance serait à l’origine des blogs qui illustrent les évolutions du statut du consommateur dont nous avons parlées. Nous avons vu qu’un blog est une façon de parler, de présenter l’information, et aussi une façon de considérer l’internaute. Mais par-dessus tout, puisque nous pouvons retrouver ces éléments sur les sites de certaines marques, un blog est un contrat de communication particulier qui sous-tend les idées de proximité, de relation, de connivence, d’humanité. Cela est valable aussi pour des blogs créés pour faire du buzz car ils sont toujours tenus par des personn(ag)es, qu’elles soient fictives ou réelles, nous invitant souvent à suivre une part d’un quotidien imaginaire, et ce même dans le blog J’suis un Wouf de notre corpus où par des procédés animistes un chien devient humain. La marque souhaite bien sûr établir une relation avec le consommateur, et ce désir est réciproque car à l’inverse des publicités télévisuelles ou radiophoniques, qui illustrent l’interruption marketing2, les blogs sont des dispositifs impliquants : visiter un blog publicitaire est une démarche volontaire de la part de l’internaute. 1 2 DELCAYRE, 2006. Ces publicités ont pour principale fonction d’interrompre l’activité de l’individu pour détourner son attention. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 90 Mais ce qu’il y a d’intéressant avec les blogs, c’est que dans le prolongement des opérations castings que nous avons abordées, l’humanisation de la marque se fait grâce à des personnes « ordinaires », loin des stars et personnalités du show-business que l’on peut retrouver dans certaines publicités parce que le consommateur le vaut bien… La marque n’est plus une star, elle devient comme tout le monde ce qui n’est évidemment pas sans mettre à mal la « star stratégie » chère à J. Séguéla pour qui, rappelons-le, « être une personne, c’est être personne1». Néanmoins, comme la star stratégie, certains blogs publicitaires définissent le physique, le caractère et le style de la marque à travers les caractéristiques de leur auteur… Mais les blogs sont-ils vraiment des outils efficaces ? Il est difficile de répondre à cette question, non seulement parce que les marques ayant tenté l’expérience des blogs ne récoltent pas tous les mêmes résultats, mais aussi parce qu’il est difficile de déterminer des critères d’efficacité. Faut-il considérer le nombre de visites comme un critère pertinent ? Faut-il plutôt analyser les retombées presse de l’opération ou le nombre de commentaires laissés sur le blog ? En fait, le risque principal d’un blog publicitaire est un risque d’audience : il doit être suffisamment promu pour générer un trafic permettant un retour sur investissement, car si le bouche à oreille peut augmenter le nombre de visites, il est toutefois dangereux de tout miser sur ce facteur. L’audience d’un blog peut aller de quelques centaines de visites par jour (250 pour Le Journal de ma peau de Vichy, 350 pour l’Inconnue de Thierry Mugler) à plusieurs milliers (2000 visites pour le Dayly Sneaker de Nike cité plus haut). Ensuite, le blog peut apparaître comme un support simple à mettre en place et peu coûteux, car le ticket d’entrée est bas, mais il entraîne parfois des coûts cachés liés aux investissements effectués pour apporter un contenu de qualité. Si le blog est bon pour l’image, son efficacité en terme de ventes semble plus discutée comme le confirme Patrick Amiel, de l'agence de marketing MRM Worldwide, qui affirme que « si certaines marques pensent faire grimper leurs ventes en créant un blog, elles se fourrent le doigt dans l'œil!2 ». De plus, que va-t-il se passer lorsque l’effet de nouveauté se sera dilué dans l’utilisation abusive des blogs par les marques ? Pour citer un article de l’Université de Wharton de Pennsylvanie3, « le problème avec le buzz marketing c’est que, aussi porteur de réussite soit- 1 LENDREVIE, 2001, p434. PEYREL, 2006. 3 WHARTON, 2005. 2 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 91 il à l’heure actuelle, son efficacité va inévitablement s’évaporer à cause de son utilisation excessive, et, disons le, de trop de buzz !1 ». Il se peut même que l’engouement actuel des marques pour les blogs publicitaires serait un phénomène de buzz. Après tout, peut-être que les gens, les communicants, les services marketing, en présentant les blogs comme une (r)évolution dans la relation vis-à-vis du client font du buzz autour du buzz 2!... 1 WHARTON, 2005 : “the fear for buzz marketing is that, however successful it may currently be, the effectiveness of the approach will inevitably be diluted trough overuse abd, dare we say it : too much buzz” 2 Ibid. “people are buzzing about buzzing”. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 92 BIBLIOGRAPHIE I. • Ouvrages ADAM Jean-Michel et BONHOMME Marc, L’argumentation publicitaire : rhétorique de l’éloge et de la persuasion ; Nathan : 1997. • B. STAMNOULI Karim et BRIONES Eric, Buzz marketing : les stratégies du bouche-àoreille ; Editions d’Organisations : 2002. • BOUGNOUX Daniel, Introduction aux sciences de la communication ; La Découverte : 1998. • COCULA Bernard et PEYROUTET Claude, Sémantique de l’image : pour une approche méthodique des messages visuels ; Delagrave : 1986. • DEGON Renaud, La marque relationnelle ; Vuibert : 2000. • FLOCH Jean-Marie, Sémiotique, marketing, communication : sous les signes, les stratégies ; Presses Universitaires de France : 1990. • HUSSHERR François Xavier (dir.), La publicité sur Internet ; Dunod : 1999. • KAPFERER Jean-Noël et THOENIG Jean-Claude (dir.), La marque ; Mc Graw-Hill : 1989. • LAZARSFELD Paul Felix et KATZ Elihu, Personal influence : the Part Played by People in the Flow of Mass Communication, Glencoe IL, Free Press : 1955. • LE MEUR Loïc et BEAUVAIS Laurence, Blogs pour les pros : communautés, fonctions avancées, publications ; Dunod : 2005. • LENDREVIE Jacques et BROCHAND Bernard, Publicitor ; Dalloz : 2001. • LENDREVIE Jacques, LEVY Julien et LINDON Denis, Mercator ; Dunod : 2003. • PENINOU Georges, L’intelligence de la publicité : analyse sémiotique ; Robert Laffont : 1972. • PERRET Michèle, L’énonciation en grammaire de texte ; Editions Nathan : 1994. • WRIGHT Jérémy, Blog Marketing: the revolutionary new way to increase sales, build your brand, and get exceptional results ; McGraw-Hill Companies : 2005. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 93 II. • Articles et revues BARTHES Roland, « Le message publicitaire » in Les Cahiers de la Publicité, juilletseptembre 1963. • BARTHES Roland, « Rhétorique de l’image » in Communications, novembre 1964. • DELCAYRE Alain, « Du marketing de conquête au marketing de la relation », in Stratégies n°1412, 4 mai 2006 • GHIRINGHELLI Anne et JALET Benoît, « L’univers des blogs, ses habitants, ses rites, son langage », in Le Monde, 21 mai 2005. • JEANNERET Yves et SOUCHIER Emmanuel, « Pour une poétique de « l’écrit d’écran » », in Xoana 6, 1999. • LEGOFF Delphine, « Sous le contenu, la pub », in Stratégies n° 1324, 29 avril 2004 • LEITUS Cathy, « A la recherche du client star », in Stratégies n°1325, 6 mai 2004 • LEITUS Cathy, « La ruée vers l’e-pub », in Stratégies n°1381, 15 septembre 2005. • MAILLET Thierry, « Du marketing de projection au marketing d’adhésion », in Marketing Magazine n°54, Novembre 2000. • MAUDIEU Marie, « Les Français aiment moins la publicité », in Stratégies n°1390, 17 novembre 2005. III. • Sites et pages Internet. BOUSCARAT Elodie, (21 avril 2006). Marques : attention au pouvoir des créateurs de contenus. Page consultée le 01 juin 2006. http://www.journaldunet.com/0604/060421-jupitersearch.shtml • GIRARD Laurence, (05 Mai 2005). Les grandes marques tentent, avec plus ou moins de succès, de pénétrer le monde des blogueurs. Page consultée le 25 mai 2006. http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-652529,0.html • PEYREL Benjamin, (05 juin 2006). Blogs de marque ou publicité clandestine ? Page consultée le 07 juin 2006. http://www.01net.com/article/299552.html • RAULINE Nicolas, (05 Octobre 2005). Blogs de marque : les pionniers témoignent. Page consultée le 01 juin 2006. http://www.journaldunet.com/0510/051006blogsmarques.shtml Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 94 • LOIC LEMEUR : blog de l’auteur « Blogs pour les pros » et PDG de la filiale européenne de la plateforme de blog Six Apart http://www.loiclemeur.com/france/ • GLOAGUEN Laurent, (05 mars 2004), Typologie de la blogosphère. Page consultée le 03 mars 2006. http://embruns.net/etude-du-blogue/typologie_de_la_blogosphere.html • TREDAN Olivier, (22 mars 2004), Peut-on parler de blogosphère ? Page consultée le 23 avril 2006. http://expert.infini.fr/Peut-on-parler-de-blogosphere • UNIVERSITE DE WHARTON, PENNSYLVANIE, (12 Janvier 2005). What’s the buzz about buzz marketing ?. Page consultée le 18 avril 2006. http://knowledge.wharton.upenn.edu/article.cfm?articleid=1105 • BUZZ MARKETING.FR : site français dédié au buzz marketing et au marketing viral. http://www.buzz-marketing.fr/ • BUZZ MARKETING WITH BLOGS : Blog du livre “Buzz marketing with blogs for dummies” de Susannah Gardner. http://www.buzzmarketingwithblogs.com/ • ELENBI : site dédié au marketing et proposant des conférences filmées dont la conférence du 03 mai 2006 intitulée « Les blogs et au-delà : comment les marques peuvent elles communiquer autrement avec leurs clients ? » avec notamment les interventions de Bertrand Jouvenot, Responsable Marketing chez CELIO, Séverine Cornuau, Responsable Marketing au service CRM de la SNCF ou encore Natacha Pontonnier, Chef de produit Marketing Grand Public chez Orange http://www.elenbi.com/videos/ • STRATEGIES : site de l’hebdomadaire français consacré à l’actualité marketing et publicitaire. - (20 Octobre 2005), Nouveaux Médias, Page consultée le 25 mai 2006. http://www.strategies.fr/archives/1386/Page_25590/ - CAUSSAT Pascale, (11 juillet 2003), Attention, vous êtes peut-être un leader d’opinion. Page consultée le 25 mai 2006. http://www.strategies.fr/archives/1289/128904601/ - DEBOUTE Alexandre, (29 janvier 2004), Attention, vous êtes peut-être un leader d’opinion. Page consultée le 25 mai 2006. http://www.strategies.fr/archives/1311/131105101/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 95 INDEX DES MARQUES -AAccor Hotels, 20 Adidas, 8, 22, 81 Adronel, 79, 82 Apple, 81 -BBébé Cadum, 16, 17 Brandt, 16, 17 -CCanard WC, 16, 17 Célio, 8, 12, 17, 23, 31 Century 21, 22 Citroën, 20, 81 Clio, 19 Coca-Cola, 16 Comptoir des Cotonniers, 16, 17 -EExpedia, 84 -GGemey, 78 Glowria, 68 Grand Optical, 20 -MMac Donald’s, 20 Microsoft, 29, 76 Miko, 16 -NNike, 8, 12, 17, 81, 82 Nintendo, 76, 81 Nokia, 87 -PPanasonic, 23 -RReebok, 16, 18 Reynolds, 85 -SSephora, 22 Seven Up, 87 Skyrock, 38, 71 SNCF, 22, 94 Sony, 83, 84 -TThierry Mugler, 67, 80 -HHewlett Packard, 66, 87 -UUbisoft, 19, 75 -IIkea, 19 Intel, 20 -VVichy, 23, 24, 31, 33, 37, 57, 88 Volvo, 69, 86 -KKelkoo, 22 Kit Kat, 16, 17 Kryptonite, 15, 22 - W,X,Y Wikipédia, 12 Xbox, 67 Yahoo, 43, 80 -LLa fraise.com, 77, 82 Leclerc, 22 Leroy Merlin, 78 Levi’s, 78 L'Oréal, 78 Lou, 16 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 96 Annexes Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 97 Annexes - Annexe n°1 : « Blog », un mot à la mode - Annexe n°2 : Quelques opérations casting - Annexe n°3 : L’esthétique de l’authentique - Annexe n°4 : Corpus d’analyse : (ATTENTION ! Le lecteur pourra consulter les articles et commentaires des blogs soit sur le cd-rom accompagnant ce dossier, soit en visitant directement les blogs concernés). - 1 | J’suis un Wouf - Quick - 2 | La Chocolaterie Wonka – Warner Bros - 3 | S-Max Experience : blog de Vincent - Ford - 4 | Plastique de Rêve - Dior - Annexe n°5 : Inconnue.fr – Thierry Mugler - Annexe n°6 : Campagne de teasing Volvo - Annexe n°7 : Exemple d’une plateforme de blog produit : Blogstation.fr - Annexe n°8 : Quelques blogs publicitaires NB : Retrouvez l’intégralité de ces annexes sur le cd-rom joint à ce mémoire, avec en plus les pages Web du corpus, des films viraux illustrant l’esthétique de l’authentique. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 98 ANNEXE 1 | « BLOG » : UN MOT A LA MODE Des blogs qui n’en sont pas… Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 99 ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 100 ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 101 ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 102 ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 103 ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 104 ANNEXE 2 | QUELQUES OPERATIONS CASTING Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 105 ANNEXE 3 | L’ESTHETIQUE DU QUOTIDIEN > capture d’écran d’un film de Opération Cuisine d’Ikéa. Voir cd-rom ci-joint pour films viraux Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 106 ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS J’suis un Wouf - Quick > Lien web : http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 107 ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS La Chocolaterie Wonka – Warner Bros > Lien web : http://www.chocolateriewonka.com/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 108 ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS S-Max Experience – Ford Blog de Vincent > Lien web : http://fr.360.yahoo.com/ford.smaxexperienceid10 Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 109 ANNEXE 4 | PRESENTATION DU CORPUS Plastique de Rêve - Dior > Lien web : http://plasticity.blogs.com/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 110 ANNEXE 5 | INCONNUE.FR > Retrouvez les pages web du blog sur le cd-rom joint. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 111 ANNEXE 6 | CAMPAGNE DE TEASING POUR VOLVO > Voir le film de teasing sur le cd-rom joint. Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 112 ANNEXE 7 | EXEMPLE D’UNE PLATEFORME DE BLOG PRODUIT : BLOGSTATION.FR Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006 113 ANNEXE 8 | QUELQUES BLOGS PUBLICITAIRES ADIDAS – Clima : http://adidas-clima.skyblog.com/ BROSSE A DOMICILE.COM : http://brosseadomicile.typepad.com/ CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE : http://www.chocolateriewonka.com/ DIOR : Plasticity : http://plasticity.blogs.com/ FIDO DIDO : http://fidodidofficiel.skyblog.com/ FIFA STREET 2 : http://fifa-street2.skyblog.com/ FORD – S Max : http://fr.cars.yahoo.com/promo/ford/smax/index.html Avril 2006 GLOWRIA : http://cannes.glowria.fr HALO 2 : http://ilovebees.blogspot.com/ HP : http://ilovemyhptv.com et http://www.fingerkilz.tv/dasblog/ IPOD : http://ipodstory.skyblog.com/ KELKOO : http://www.kelkooblog.com/kk/ LA FRAISE.COM : http://www.lafraise.com/blog/ LEVI’S : http://www.jeandefilles.fr/ NIKE : http://www.thedailysnkr.com/ NOKIA 3250 : http://nokia3250.typepad.com/ ONEY-SHOPPING : http://www.oney-shopping.com/ PANASONIC : http://www.panasonic-blog.fr/servlet/PB/menu/1223695_l3/index.html PILOT - stylo frixion : http://pilot-frixion.skyblog.com/ PRO EVOLUTION SOCCER : http://pes5konami.skyblog.com/ QUICK - Hot Dog : http://jsuis-un-wouf.skyblog.com/ REEBOK : http://rbketmoi.skyblog.com/ et http://rbketvous.skyblog.com/index.html REYNOLD’S : http://www.matribureynolds.com/ SCARY MOVIE 4 : http://scary-movie4.skyblog.com/ SEGA : http://www.beta-7.com/blog/ SEPHORA - Piiink : http://piiink.blogs.com/ SIEMENS SK 65 : http://siemens.typepad.com/siemens_sk65/ THIERRY MUGLER - Alien : http://www.inconnue.fr VICHY – Micropeel Abrasion : http://www.journaldemapeau.fr/blog/index.php NEUTROGENA VISIBLY CLEAR : http://visibly-pretty.skyblog.com/ Jean-Philippe PAGES – Mémoire professionnel Master 2 Communication des Organisations Université Lyon II – Institut de la Communication – 2005/2006