La flottille pour Gaza
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La flottille pour Gaza
David Bouzaglo : Des anges chantaient par sa voix La flottille pour Gaza : L'autre souffrance Histoire : Enquête sur les origines de l'Etat juif Luxembourg : La conférence des rabbins N°303 - JUILLET/AOÛT 2010 - 3€ Confiance renouvelée de la communauté juive à Joël Mergui M 01907 - 303 - F: 3,00 E 3:HIKLTA=\UXUUU:?a@n@k@d@a; N°303 - JUILLET/AOÛT 2010 AU SOMMAIRE D’ ACTUALITÉ 4- Comme si se préparait une seconde Shoah par Guy Millière ISRAËL 6- L'autre souffrance par Daniel Sibony MONDE JUIF 8- Démographie : la preuve par Israël par Michel Gurfinkiel 4 12 ACTUALITÉ 11- Bernard Kouchner et la réprobation d'Israël par Paul Giniewski HISTOIRE 12- Enquête sur les origines de la fondation d'Israël par Tobie Nathan LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI 16- Elsa histoire d'une juive russe 6 BONNES FEUILLES 18- Des anges chantaient par sa voix Une biographie du rabbin David Bouzaglo 16 LA VIE DU CONSISTOIRE - 22 JUDAÏSME 18 28- La conférence des rabbins à Luxembourg par Ami Bouganim INTERROGATIONS 31- Illustres fils et petits-fils de … par V.M 22 26 JUDAÏSME 33- Election et persécution par Elie Botbol COMMUNAUTÉS 35- L'Alsace et sa mémoire juive Un entretien avec Gilles Puidlowski LIVRES 33 38- Les services secrets et la Shoah par Paul Giniewski LIVRES EN BREF - 39 28 ARTS 40- L'exposition Kleinmann à Perpignan par Alain Barchechath CINÉMA 35 41 - La censure insensée d'une romance israélienne par Elie Korchia 41 INFORMATION JUIVE 17, rue Saint-Georges 75009 Paris Rédaction : 01 48 74 34 17 Administration : 01 48 74 29 87 Fax : 01 48 74 41 97 [email protected] Fondateur : Jacques Lazarus Gérant de la SARL, directeur de la publication : Philippe Meyer Directeur : Victor Malka VERBATIM / CARNET - 42 Editorialiste : Josy Eisenberg Chroniqueur : Guy Konopnicki Edité par S.a.r.l. 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ACTUALITÉ La diabolisation d'Israël : Comme si se préparait une seconde Shoah …. PAR GUY MILLIÈRE E nvisageant d’écrire un prochain livre sur Israël, le Proche-Orient et la remontée de l’antisémitisme et de “l’antisionisme” en France et en Europe, j’ai amassé des documents tirés de divers médias. J’ai ensuite, comme je le fais toujours, pensé à la structuration du livre et, aussi, au titre que je lui donnerais. Je me suis arrêté sur celui que j’ai placé en tête de cet article : Comme si se préparait une seconde shoah. Ceux à qui j’en ai parlé m’ont dit, dans un premier temps, que c’était excessif. Puis, avec l’emballement qu’on a pu constater depuis l’épisode dit de la “flottille pour Gaza”, les propos qu’on m’a tenus se sont montrés bien plus pessimistes et porteurs d’inquiétude. Nous ne sommes pas dans un contexte où des pogroms anti-juifs vont déferler sur l’Europe, bien sûr. Mais jusqu’à se trouver citée dans les gros titres de journaux sans que des commentaires soient ajoutés. Et on peut voir aisément qu’une diabolisation d’Israël est instillée dans les esprits qui gagne du terrain, et qui ressemble à la mise en place d’une accoutumance : si Israël est irrémédiablement diabolique, une solution devra se trouver, et si certains accélèrent à leur manière le passage à cette solution, cela pourra sembler relever d’une fatalité devenue inéluctable. Les causes de cette situation terrible et infâme sont connues : un travail de propagande a été mené minutieusement, inlassablement, avec une opiniâtreté froide, par les dirigeants des divers mouvements palestiniens et par les régimes arabes et musulmans qui les soutiennent. La lutte pour la destruction d’Israël a été remplacée dans les années 1960 par une “lutte de libération nationale”. On a commencé Journalistes et intellectuels étant majoritairement de gauche, on leur a offert un " peuple opprimé" à défendre et incarnant une " lutte de libération nationale ". nous sommes d’ores et déjà dans un contexte où il est plus prudent pour les Juifs d’Europe d’être prudents, discrets, et de discerner que défendre l’Etat d’Israël expose à des dangers et à des représailles. Nous ne sommes pas dans un contexte où il est unanimement considéré que l’Etat d’Israël doit être détruit et rayé des cartes du monde. Mais nous sommes dans un contexte où le nombre de ceux qui disent ouvertement qu’Israël est un Etat qui ne devrait pas exister s’accroît et où leur parole se fait plus libre et se banalise, 4 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 alors à parler de “peuple palestinien”, de “colonisation israélienne”, de “territoires occupés”, puis, au fil du temps, de “territoires palestiniens occupés”. En face du mot shoah, on a commencé à entendre de plus en plus souvent le mot nakba, destiné à désigner la création de l’Etat d’Israël des temps modernes. Le mot nakba a, dès lors, été utilisé fréquemment pour désigner la spoliation du peuple palestinien, puis le “génocide commis par Israël envers le peuple palestinien”. L’armée israélienne a été comparée à l’armée nazie, et les camps palestiniens à des camps de concentration. Est venu ensuite le temps du “processus de paix” qui, pour la plupart des Israéliens, a été conçu effectivement comme un processus de paix, mais qui, pour les ennemis d’Israël, n’a cessé d’être un processus de guerre destiné à placer Israël dans son tort et à réclamer toujours davantage de concessions, en insistant sur le fait que l’oppresseur est Israël et l’opprimé les Palestiniens. La propagande a trouvé, en Europe, un terrain favorable dans le personnel politique et dans les milieux médiatiques et intellectuels. Chez les premiers, il y eut, en France, la “politique arabe de la France” qui consistait à nouer des rapports privilégiés avec le monde arabe, et à créer des rapprochements stratégiques en prenant ses distances avec Israël. Il y eut, ensuite, la politique musulmane de l’Europe, décrite magistralement par Bat Ye’or dans des livres tels qu’Eurabia. Chez les seconds, il y eut les effets d’un discours destiné à séduire, et qui a porté ses fruits. Journalistes et intellectuels étant majoritairement de gauche, on leur a offert un “peuple opprimé” à défendre et incarnant une “lutte de libération nationale”. On leur a présenté un héros tiers-mondiste à même d’apparaître comme un Che Guevara proche-oriental, Yasser Arafat. On leur a présenté une guerre de guérilla, voire une “résistance” contre une puissance “impérialiste”, capitaliste, et, qui plus est, alliée de la principale puissance “impérialiste” sur la planète : les Etats-Unis. On a organisé pour eux des mises en scène montrant des enfants jetant des pierres et faisant face à des chars d’assaut. Toute l’extrême- gauche, puis une large partie de la gauche, en sont venues ainsi à adhérer à la “juste cause du peuple palestinien”. L’extrêmedroite, en général praticienne du racisme envers les Arabes, mais surtout ACTUALITÉ antisémite sans pouvoir l’avouer, a trouvé dans “l’antisionisme” un nouvel antisémitisme providentiel pour elle. Toute une frange de la droite modérée étant passée de la politique arabe de la son entourage, de ses orientations, de ses discours, des positions des conseillers sur lesquels il s’appuyait. Mon analyse, hélas, se vérifie. Obama est perçu chez tous les ennemis d’Israël au Proche- Un jour, peut-être, les dirigeants politiques européens, les journalistes et les intellectuels européens, discerneront dans quelle impasse ils se sont enfermés. France à la politique musulmane de l’Europe, il ne restait, et il ne reste, plus grand monde pour défendre une autre position. Ce qui a empêché que les conséquences de tout cela soient trop lourdes jusqu’à présent a été, précisément, les Etats-Unis qui, avec des hauts et des bas, ont soutenu et défendu Israël et contrebalancé les positions européennes. Ce qui explique l’aggravation qu’on Orient comme le président qui sera prêt à “régler” le conflit dans des termes acceptables par les ennemis d’Israël. Il est perçu par tous ceux qui diabolisent Israël en Europe comme étant de leur côté et partageant plutôt leur vision du monde, ce en quoi ils ne se trompent pas. Cela signifie-t-il que la situation est désespérée ? Je ne le pense pas. Obama sait que la population américaine reste très majoritairement du côté d’Israël et Des tendances profondes sont à l'œuvre constate présentement est que les positions américaines sont, depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, très différentes. J’ai tenté d’expliquer d’emblée qu’Obama était le président le plus dangereux que les Etats-Unis aient jamais eu, et que c’était un ennemi d’Israël : le premier ennemi résolu d’Israël à occuper la position qu’il occupe. Ce que je disais sur Obama n’était pas une opinion, mais le résultat d’une analyse précise de son passé, de que les médias américains sont, sur le sujet, plus nuancés que les médias européens : il sait qu’existent aux EtatsUnis des organisations de défense d’Israël, la plus importante étant l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committe). Il ne peut aller trop loin sans risquer un violent retour de bâton. Il ne peut que tenter d’infléchir l’opinion. Ses tentatives en ce sens ont, jusqu’à présent, été vaines. L’organisation mise en place par des gens soutenant Obama aux fins de neutraliser l’AIPAC, J Street, n’a, malgré des moyens financiers importants, pas rencontré le succès escompté. L’électorat juif américain, qui vote très majoritairement démocrate, et qui a voté pour Obama à hauteur de 78% est en train de se détourner de lui et des démocrates et ceux-ci, pensant aux élections de novembre prochain, sentent la nécessité de mettre de l’eau dans le mauvais vin présidentiel. Israël, par ailleurs, est un Etat souverain, riche, doté de capacités technologiques et militaires à même de lui permettre de relever le défi, de se défendre, et d’agir. Le peuple d’Israël sait très majoritairement ce que sont les paramètres et les enjeux. Le gouvernement d’Israël, incarnant une vaste coalition, sait qu’il dispose de l’appui très large du peuple d’Israël. Ce que doit faire Israël peut, en fait, se définir en quelques points: a) gagner du temps, en attendant que la page Obama soit tournée aux EtatsUnis, b) ne pas perdre de vue le danger principal, à savoir la République islamique d’Iran, et envisager de frapper si toutes les autres options se révèlent défaillantes, c) utiliser, comme dans une partie d’échecs, les divisions chez l’ennemi : l’Arabie Saoudite n’est pas une alliée d’Israël et, malgré un traité de paix, l’Egypte non plus. Mais l’Arabie Saoudite et l’Egypte craignent davantage l’Iran qu’elles ne détestent Israël. Quand la page Obama sera tournée, ce qui devrait commencer à être le cas au soir du 2 novembre, les positions de l’essentiel du personnel politique européen vis-à-vis du Proche-Orient resteront ce qu’elles sont, je le crains. Le discours des médias et des intellectuels européens sur le Proche-Orient restera ce qu’il est, voire empirera, je le crains aussi. Des tendances profondes sont à l’œuvre. Mais le péril majeur sera passé. Ceux qui rêveront de détruire Israël continueront leurs rêves vénéneux. Ceux qui voudraient préparer une seconde shoah continueront eux-mêmes. Un jour, peut-être, les dirigeants politiques européens, les journalistes et les intellectuels européens, discerneront dans quelle impasse ils se sont enfermés. Il n’est pas nécessaire d’attendre ce jour, ou même, d’espérer qu’il vienne, pour dire ce qui doit être dit dès à présent. G.M. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 5 ISRAËL La flottille pour Gaza : L'autre souffrance PAR DANIEL SIBONY* L ors de cet événement très médiatique, on a surtout vu les condamnations, les protestations, les menaces. Mais on n’a pas évoqué, et pour cause, une souffrance silencieuse que tout un petit peuple a incarnée: ceux qui soutiennent Israël, et qui sont fort nombreux, ont vécu une blessure, une vraie souffrance, qu’il n’est pas sans intérêt d’analyser. Bien sûr, c’était le prix payé pour une action très mal pensée, l’attaque israélienne sur la flottille. C’est toujours dur lorsqu’une entité qu’on soutient est piégée alors qu’elle pouvait le prévoir. Mais cette souffrance paie aussi, chez d’être furieux et “dressés” comme on le dit; et ils ne le sont pas en permanence, comme l’est la mouvance islamiste, laquelle draine toutes sortes de courants qui s’y prêtent, qui peuvent y trouver leur compte, mais cela ne produit pas une exécration générale. Or beaucoup de Juifs l’ont ressentie ; c’est donc qu’elle leur vient en bonne partie de l’intérieur: ils se sentent tout nus devant l’événement, devant l’accusation qu’ils croient universelle. En fait, ce sont eux qui l’universalisent, comme s’ils n’avaient retenu de l’histoire juive qu’un index agressif venant des autres. Bref, ils n’ont pas très confiance dans ce qui fonde le peuple juif, à savoir une transmission Or un pays dont l'existence est chaque fois mise en question, est un pays très fort. L'apport du peuple juif semble être une mise en question incessante de l'existence, de la sienne tout d'abord. ceux qui l’éprouvent, une confusion entre l’échelle des médias et celle des valeurs. Beaucoup sont tellement sensibles aux médias, dont ils ont parfois le culte, qu’ils prennent la condamnation médiatique pour un message universel. Or il n’est pas sûr du tout que l’opinion mondiale exècre Israël, comme voudrait le faire croire tout un courant médiatique. Plus précisément: les médias français, voire européens, n’ont pas peur du judaïsme mais ils ont peur de l’islamisme; et ils lui jettent en pâture tous les vomissements qu’il réclame contre Israël, toutes les condamnations: cela ne coûte rien à ces médias (ou à ces responsables), et ils comptent ainsi amadouer une force importante qu’ils redoutent par ailleurs; dont ils sont même assez p hobiques. Mais ces rejets ne reflètent pas l’état réel de l’opinion, déjà en France et en Europe; a fortiori sur la planète. Bien des non-Juifs, qui ne sont pas pris dans ce haro, ont marqué leur étonnement devant cette action, leur compassion même, mais ils sont loin 6 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 millénaire, qui a fait renaître Israël en plein XXème siècle. Pour certains, elle se réduit à peu de chose et ils n’ont comme repère que le “on dit” des médias, la bataille des images, à qui aura la meilleure. Et aujourd’hui, la meilleure image est celle de la victime impuissante, portée par la compassion des autres; cette image est puissante pour un temps bref; mais elle est aussi fictive, car la victime elle-même ne peut pas y tenir. Que peut-on dire à ces personnes, sinon d’être plus proches de leur transmission, de l’enrichir, et peut-être d’opposer à l’échelle des médias, l’échelle de Jacob ou d’Israël (l’autre nom de l’ancêtre). Peut-être aussi de se recentrer sur la valeur de leur existence, la valeur de ce qu’ils en font ; de profiter aussi des erreurs commises, notamment de comprendre que le manque de pensée qui a marqué ce fiasco, se retrouve aussi ailleurs, dans une façon de penser et d’exister qui ne se répare qu’en revenant à l’essentiel. Les Prophètes bibliques n’ont pas dit autre chose: “Vous oubliez d’écouter la parole de l’être!” C’est leur refrain. Et cette parole n’est pas seulement celle des codes ou de la loi, c’est l’étude de l’être et du mode d’être, de l’essentiel qui est à vivre et à transmettre. J’ai écrit des choses semblables à l’occasion de l’Intifada ; car chacun peut le voir: c’est le même événement qui revient; la même tactique de l’adversaire qui est prêt à se faire tuer pour faire de vous un tueur, le tueur contre qui tout le monde se dresserait. Or là-dessus, l’opinion, sinon les médias, fait preuve d’une vraie modération et ne perd pas la tête, loin de là. ISRAËL Une peur archaïque Cette phobie devant une haine que l’on croit universelle (croyance qui est fausse) renvoie sans doute à une peur archaïque: la peur d’être visés par une haine massive; les Juifs savent où cela mène; bien qu’aujourd’hui le contexte soit tout autre. Elle renvoie aussi à une peur originelle et fondatrice: celle de la faute. La tradition veut qu’on prenne le deuil pour cela. Mais comment sortir de ce deuil, en l’occurrence imaginaire, de cette mortification que certains s’infligent et qui témoigne qu’ils sont solidaires d’Israël sur un mode instinctif? Une seule issue, penser plus loin ce lien solidaire; se mettre en mesure de répondre aux questions éventuelles ; plutôt que d’en venir, comme certains, à vouloir “vendre père et mère” pour ne pas affronter l’événement; du fait qu’il semble mettre en cause l’existence d’Israël. Or un pays dont l’existence est chaque fois mise en question, est un pays très fort. L’apport du peuple juif semble être une mise en question incessante de l’existence, de la sienne tout d’abord. Cela dit, il n’y a pas une puissance sur terre qui peut mettre une croix sur l’existence d’Israël; cela, c’est un fantasme islamiste, qui tentera toujours de passer à l’acte en ameutant la planète. Mais la planète n’est pas ameutée, elle n’est pas dans le sillage islamiste contre Israël. Revenir à l’essentiel, c’est penser chaque action de ce Conflit en fonction de ce contexte millénaire, de la rivalité entre deux transmissions dont l’une, la plus récente dépend de l’autre, de la juive, et ne le lui pardonne pas. C’est aussi, plus concrètement, ne pas s’imaginer qu’on doit raser les murs parce qu’une action de l’Etat juif a été mal pensée. C’est vrai qu’elle a mis en oeuvre une violence qui ne se réfère qu’à elle-même (sans intégrer la nature très précise de l’adversaire, et le contexte plus large qui lui aurait inspiré d’autres issues techniques moins scandaleuses). Que des gens mesurent le peuple juif et Israël à l’aune de ces actes limités, pourquoi pas? Mais cela relève d’un fantasme où ils veulent un Etat juif parfait, c’est-à-dire inexistant. Or il existe comme très imparfait, et cela réveille de la haine chez ceux qui sont déjà haineux. Si des Juifs sont très mortifiés par cette haine, c’est sans doute qu’ils réduisent leur être-juif au message qui vient des autres, quels qu’ils soient. Ou que leur fantasme à eux c’est d’être aimés par tout le monde, sans exception. Ce qui est exagéré. S’ils en sont là, à chacune de ces erreurs (qui promettent de se répéter), c’est qu’ils sont pris dans une grande eux, en ont peur, ou feignent d’avoir peur; le monde musulman modéré aussi, paraît-il, en a peur, même s’il ne semble pas pressé de la vaincre. S’envelopper de cette peur et de cette angoisse, c’est trop dépendre de l’ennemi le plus fanatique, Que des gens mesurent le peuple juif et Israël à l'aune de ces actes limités, pourquoi pas? Mais cela relève d'un fantasme où ils veulent un Etat juif parfait, c'est-à-dire inexistant. angoisse. Or l’angoisse est une perte des repères, qui peut aller jusqu’à n’avoir comme repères que ceux-là mêmes qu’impose l’ennemi. On en est alors réduit à avaler des repères empoisonnés. Pour vaincre l’angoisse, il faut retrouver ses propres repères, dans sa vie, sa transmission, son rapport au monde et aux autres. En se rappelant que le monde actuel n’est pas piloté par une bande de fanatiques, ni réduit au tourbillon qu’ils engendrent de temps à autre. Les médias, qui à son tour déteste le peuple juif parce qu’il dépend trop de lui dès l’origine. Cette angoisse signale donc un véritable tournage en rond. Or la transmission fondatrice d’Israël préfère le jet et le projet qui traverse la suite des générations. -*Psychanalyste, écrivain. Vient de publier Marrakech, le dÉpart, roman, (Odile Jacob) ; et LES SENS DU RIRE, (Odile Jacob) ODASEJ L’ Œ U V R E D ’A S S I S TA N C E S O C I A L E A L’ E N FA N C E J U I V E est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919 Pa r c e q u ’ u n e n f a n t h e u r e u x devient un adulte qui a de meilleures chances de construire son avenir et celui de la communauté L’ODASEJ a pour mission d’a ider les enfants et les adolescents défavorisés ou en difficulté sur le territoire national Leur avenir est entre vos Transmettez mains votre nom à un programme de solidarité … Perpétuez la mémoire de vos parents … … Faites un legs ou une donation à l’ODASEJ Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ en exonération des droits de succession ou de mutation Pour un rendez-vous confidentiel Appelez Tony SULTAN Tél. : 01 42 17 11 92 • Fax : 01 42 17 11 73 ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 7 MONDE JUIF Démographie : la preuve par Israël PAR MICHEL GURFINKIEL L e déclin démographique des nations de souche européenne – le “monde blanc” - est-il inexorable ? Un cas d’école : la Russie. Ce pays comptait 149 millions d’habitants en 1991, l’année où l’URSS s’est désintégrée. Il n’en compte plus que 142 millions aujourd’hui. Cela représente en moyenne une perte de 0,5 % par an, soit un peu plus de 700 000 âmes. Cette chute est due en partie à l’émigration : notamment le départ de quelque 600 000 Juifs et de plus d’un million de Russes germanophones. Mais pour la plus grande part, elle tient à des causes purement démographiques : la baisse de la natalité d’une part (tombée à moins de 1,2 enfant par femme en 1999), le tassement, voire le recul, de l’espérance de vie (une soixantaine d’années seulement pour les hommes, un peu plus de 70 ans pour les femmes, soit de quinze à douze ans de moins que dans les pays de l’Union européenne). La Russie est un pays où les générations ne sont pas remplacées et où l’on meurt plus jeune qu’ailleurs. Ce qui aggrave le phénomène, c’est que ce déclin touche essentiellement l’ethnie russe majoritaire (78 % de la population) et les minorités slaves. Les minorités non-slaves, bénéficient d’une natalité plus forte : en particulier les musulmans du Caucase, où l’on compte en moyenne de 3 à 4 enfants par femme. Le régime de Vladimir Poutine, en place depuis 2000, se targue d’avoir suscité une remontée légère de la natalité globale du pays, passée à 1,56 enfant par femme en 2009. Mais ce phénomène semble dû au moins en partie au dynamisme des minoritaires. D’autre pays européens connaissent actuellement des évolutions analogues : faible natalité de la communauté majoritaire (parfois qualifiée de “communauté-souche”), dynamisme des 8 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 minorités. L’Allemagne pourrait connaître prochainement le même déclin que la Russie. Elle compte aujourd’hui 82 millions d’habitants, dont 66 % d’Allemands ethniques et 18 % d’Allemands ou de résidents d’origine étrangère, mais pourrait tomber à 70 millions d’habitants en 2040, dont 50 % seulement d’Allemands ethniques, du fait de sa faible natalité. A moins que le déficit démographique global. Sa population a cru de 50 % entre 1945 et 2000, puis de 6 % entre 2000 et 2010. Mais cette progression semble due dans une large part à l’immigration extra-européenne – qu’il s’agisse d’immigrants au sens propre, d’enfants d’immigrants ou de citoyens français originaires des départements et territoires d’outre-mer , qui représente 10 % au moins de la Selon certaines projections, Israël pourrait atteindre 9 millions d'habitants en 2030, dont 90 % de Juifs. de 12 millions ne soit comblé par l’immigration : ce qui réduirait les Allemands ethniques à la condition de minorité dans leur propre pays. Une société bi-nationale ? Certes, plus de 50 % des NéoAllemands sont actuellement d’origine est-européenne ou sud-européenne, et susceptibles, dans les deux cas de figure, de s’intégrer à la culture et à la société allemandes ethniques. Mais les autres, notamment quand ils sont originaires de pays musulmans, sont à la fois plus prolifiques et moins susceptibles de s’intégrer. En outre, leur part dans l’ensemble de l’immigration allemande devrait croître fortement au cours des deux prochaines décennies. Aux termes d’un accord d’ “immigration choisie”, l’Allemagne vient par exemple de faciliter la venue d’immigrants qualifiés originaires du Pakistan. La fertilité moyenne a été en moyenne de 1,4 enfant par femme en Allemagne depuis une vingtaine d’années. Mais elle oscille entre 2,5 et 4 enfants par femme chez les immigrants extra-européens. En 2009, on comptait 4,3 millions de musulmans en Allemagne, soit 5,4 % de la population globale. Près de 2 millions d’entre eux disposaient de la nationalité allemande. La France métropolitaine n’est pas menacée, pour l’instant, par un déclin population globale, et 20 % des classes d’âge les plus jeunes. Les femmes d’origine non-européenne avaient en moyenne deux fois plus d’enfants que les femmes européennes dans les années 1990 : 3 enfants contre 1,7. Le ratio serait de plus de deux dans les années 2000, dans un contexte de dynamisme global accru : plus de 3 enfants contre un peu plus de 1,7. Peut-on imaginer que ces tendances se modifient, et que les “communautéssouches” européennes retrouvent un certain dynamisme démographique ? Un contre-exemple existe, en effet : Israël, pays situé au Proche-Orient mais relevant de la sphère culturelle européenne. Comme la Russie, l’Allemagne et la France, l’Etat hébreu – territoires palestiniens non-compris - doit compter avec de fortes minorités ethniques, représentant près de 20 % de la population globale. Il a été longtemps confronté, lui aussi, à un différentiel de natalité en faveur des minorités. Cette situation a paru conduire, à terme, à l’instauration d’une société binationale, judéo-arabe en l’occurrence, sauf à être corrigée par une forte immigration juive. De fait, l’arrivée d’un million d’immigrants venus de l’ex-URSS (Russie et autres ex-républiques soviétiques, comme l’Ukraine et les pays d’Asie centrale) a eu un effet stabilisateur dans les années 1990. MONDE JUIF Une situation inédite Mais depuis une dizaine d’années, une situation inédite est en train de se mettre en place : la démographie de la communauté-souche – les Israéliens juifs - remonte et la démographie de la fécondité se situe aujourd’hui à moins de 3 enfants par femme. Si ces tendances démographiques se maintenaient, et si un apport démographique supplémentaire était assuré par l’immigration, la majorité juive Quelles conclusions l'Europe peut-elle tirer du contre-exemple israélien ? D'abord, que rien n'est inexorable en démographie. Ni l'essor, ni le déclin. Ensuite, que les choix familiaux et individuels sont liés à la conscience collective. minorité arabe baisse. Une étude d’un institut de recherche israélo-américain, l’America Israel Demographic Research Group (AIDRG), observe qu’en 1995, après l’arrivée de la plus grande partie des immigrants ex-soviétiques, on comptait en Israël 80 000 naissances juives par an contre près de 40 000 naissances arabes. En 2009, on est passé à 121 000 naissances juives. Tandis que les naissances arabes n’ont pas augmenté. D’un ratio de 2 à 1 en faveur des Juifs, on est donc passé à un ratio de 3 à 1. La hausse de la fécondité globale juive, qui atteint aujourd’hui 3 enfants par femme en moyenne, a d’abord été attribuée au dynamisme des milieux religieux : près de 7 enfants par femme en moyenne dans le milieu ultraorthodoxe (harédi), près de 4 enfants dans le milieux sioniste religieux. Mais on constate également une poussée démographique chez les Israéliens laïques. En particulier chez les immigrants russes. Lors de leur arrivée en Israël, ceux-ci suivaient le modèle démographique de leur pays d’origine : 1,2 enfant par femme en moyenne. Une génération plus tard, ils ont adopté un autre modèle, avec 2,3 enfant par femme. Un chiffre supérieur au taux de remplacement. 9 millions d’habitants La baisse de la natalité arabe israélienne n’est pas uniforme. Elle touche fortement la communauté arabe chrétienne, tombée à 2 enfants par femme seulement. Elle n’a pas encore touché le milieu bédouin, où le taux de 6 ou 7 enfants par femme reste prédominant. Entre les deux, le milieu musulman villageois ou urbanisé, musulman ou druze, connaît une baisse modérée mais régulière : son taux de pourrait non seulement se consolider mais aussi se renforcer. Selon certaines projections, Israël pourrait atteindre 9 millions d’habitants en 2030, dont 90 % de Juifs. Comment expliquer la “différence” israélienne ? Un enfant, c’est un pari plus ou moins conscient sur l’avenir. Soit par optimisme immédiat : les parents estiment qu’ils ont les moyens de mettre au monde des enfants et de les conduire vers un monde parfait. Soit par optimisme différé : les parents estiment qu’en mettant au monde des enfants, ils se protègent contre divers dangers ou agressions. Les sociétés européennes ou de souche européenne avaient connu une conjonction de ces deux optimismes entre 1945 et 1965, quand les “trente glorieuses” (la prospérité économique, la modernisation sociétale) se doublaient du “baby boom” (le désir d’enfants d’une génération de parents marquée à la fois par la Seconde Guerre mondiale et la crainte de la guerre nucléaire). En outre, elles disposaient alors d’idéologies religieuses ou humanistes qui leur permettaient de “lire” , de donner un sens et donc d’assumer, ce contexte quelque peu paradoxal. de nouvelles menaces génocidaires de la part de nombreux pays ou entités islamiques ; leur culture nationale leur permet de “lire” ces contradictions, et de les dépasser. Chez les Arabes israéliens, le climat est entièrement différent. Cette communauté bénéficie, comme les Juifs, de la prospérité économique et du développement sociétal. Mais elle ne peut rattacher ces avantages aux idéologies du monde arabe et islamique, dont elle a mesuré les limites. De même, elle sait très bien qu’elle n’est pas menacée dans son existence par le reste du monde, qu’il s’agisse des Israéliens ou des Occidentaux en général. Elle opte donc pour une stratégie de bonheur privé, centrée sur la famille cellulaire plutôt que la famille élargie, le clan ou la tribu. Des choix analogues ont lieu actuellement, sous réserve qu’un choix soit possible, dans la plupart des communautés et nations arabes et islamiques, du Maghreb à l’Indonésie. Quelles conclusions l’Europe peut-elle tirer du contre-exemple israélien ? D’abord, que rien n’est inexorable en démographie. Ni l’essor, ni le déclin. Ensuite, que les choix familiaux et individuels sont liés à la conscience collective. Il semble que les Juifs israéliens connaissent actuellement une conjonction analogue : la renaissance nationale en cours depuis 1948 et le développement économique et sociétal rapide qu’ils connaissent depuis les années 1990 se conjuguent à INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 9 REPÈRES Le président est déçu Voici ce que l'un des éditorialistes du quotidien Maariv, Ben Caspit écrit sous le titre "Le président est déçu" ( 18 juin 2010 ) : " Celui qui, entre temps, se consume , c'est Chimon Pérès. Le président serre les dents. L'œuvre de sa vie est menacée. Il regarde, il observe , écoute les voix et ne sait pas ce qu'il faut faire. Dans le secret, quand il n'y a pas de journalistes dans les environs, il insulte Netanyahou et prononce à son propos des mots que le papier ne pourrait pas supporter. Il a le sentiment d'avoir été trompé. Il y a quelques années encore, Pérès aurait pu provoquer des tumultes. Ces jours-ci, il évoquerait plutôt un volcan éteint " Ben Caspit ajoute : " Le salut, selon Pérès, ne peut venir que de l'arrivée immédiate dans la coalition gouvernementale de Kadima …Il sait cependant que Netanyahou n'est guère disposé à cela. Pérès pense que Le dialogue manqué Hans Kung a été, avec le futur Benoît XVI, l'un des jeunes théologiens du concile Vatican II. Il est devenu depuis un critique virulent de la papauté. Professeur d'université, il dirige depuis quelques années la fondation Pour une éthique planétaire. Dans une tribune qu'il a publiée dans les colonnes du journal Le Monde ( 19 avril 2010 ), Hans Kung reprocha au chef de la catholicité d'avoir " manqué l'accord durable Le rabbin de l'année Qui est le rabbin ayant aujourd'hui le plus d'influence aux Etats-Unis ? L'hebdomadaire Newsweek a pris l'habitude, depuis 2006, de publier sur ce sujet la liste des 50 rabbins les plus influents dans le pays. Ce qui est jugé, c'est tout à la fois l'influence que ces rabbins ont sur la communauté dont ils sont les leaders mais aussi la réputation mondiale qui éventuellement est la leur. D'autres critères -comme leur présence dans les medias du pays et leurs rapports avec les leaders politiques- sont également pris en compte. Cette année, c'est le rabbin Haïm Yehouda Karinsky qui est désigné comme " le rabbin de l'année ". Ce rabbin fut durant longtemps le secrétaire particulier du rabbi de Loubavitch. Dans la liste de l'hebdomadaire américain figure entre autres le rabbin Chmouël Boteah, connu comme ayant été " le " rabbin de Michaël Jacksons. 10 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 Tzipi Livni pourrait être ministre sans portefeuille. L'essentiel est qu'elle soit au gouvernement. Cela changera la tonalité et l'ambiance ". avec les juifs ". M.Kung écrit notamment : " Le pape a réintégré dans l'Eglise des prélats schismatiques notoirement antisémites ; il pousse à la béatification de Pie XII et traite le judaïsme en simple racine du christianisme et non comme une communauté de croyance à part entière qui suit sa propre voie vers le salut ". Hans Kung ajoute que " les juifs du monde ont récemment encore été scandalisés par les propos du prédicateur de la maison pontificale qui a comparé la critique envers le pape aux aspects les plus honteux de l'antisémitisme ". Les juifs dans le monde Selon des chiffres publiés dans un numéro spécial de l'hebdomadaire Courrier International consacré à " Israël et la diaspora juive ", cette diaspora est aujourd'hui évaluée à un peu moins de huit millions de personnes. La population juive d'Israël étant évaluée à 5.400.000 âmes, c'est donc 13 millions d'individus que compte la population juive mondiale. En voici le détail : Etats-Unis : 5.275.000 ; Canada : 374.000 ; Mexique : 39.600 ; Panama : 5.000 ; Venezuela : 14.500 ; Brésil :96.200 ; Uruguay : 17.900 ; Argentine : 184.000 ; Chili : 20.600 ; Royaume Uni :295.000 ; France : 490.000 ; Espagne : 12.000 ; Italie : 28.500 ; Afrique du Sud : 71.500 ; Turquie : 17.700 ; Suède : 15.000 ; Allemagne : 120.000 ; Lettonie : 9.700 ; Biélorussie : 17.500 ; Ukraine : 79.000 ; Ouzbékistan : 5.000 ; Azerbaïdjan : 6.800 ; Iran :10.700 ; Inde : 5.000 ; Fédération de Russie : 221.000 ; Australie : 104.000 ; Nouvelle Zélande : 7.000 ; Danemark ; 6.400 ; Pays Bas :30.000 ; Belgique : 30.500 ; Suisse : 17.700 ; Autriche :9.000 ; Hongrie :49.000 ; Roumanie :9.900 Le journal signale que ne sont pas mentionnées dans ce tableau les communautés de moins de 5.000 personnes. ACTUALITÉ Bernard Kouchner et la réprobation d'Israël L 'ampleur des protestations internationales "(après l'affaire de la flotille de Gaza)" prouve qu'Israël ne bénéficie d'aucune impunité. Combien nous aimerions que d'autres drames suscitent lamême réprobation ! " Ce souhait généreux vient presque à la fin d'un article révélateur et paradoxal sur l'assaut universel contre Israël, signé de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères et par ses homologues italien et espagnol et paraissant simultanément dans Le Figaro, le Corriere della Sera, Publica ainsi que dans l'International Herald Tribune. En quoi consiste la paradoxe ? Que révèle le souhait des diplomates occidentaux ? La phrase lumineuse conclut trois colonnes de poncifs et de pseudo axiomes que nous lisons quotidiennement un peu partout : " Le monde entier a été choqué par les conséquences tragiques de l'opération militaire israélienne( …) Le bilan humain est inacceptable. Rien ne saurait justifier l'emploi d'une telle violence ( …). La situation à Gaza n'est plus tenable( …) nous devons mieux assurer les besoins humanitaires de la population g a z a o u i e … L ' U n i o n européenne doit avancer dans la construction et la reconnaissance d'un Etat palestinien ". impunité aux terroristes palestiniens, appelant même à les récompenser par la création d'un Etat, lequel ne serait pour eux qu'un jalon nouveau vers la destruction d'Israël, tout en ignorant ce que M.Kouchner appelle "les autres drames". Il est regrettable qu'il n'ait pas énuméré ces drames. Mais nous pouvons en rappeler quelques uns qui seraient infiniment plus justiciables d'une ingérence internationale. En Afrique et en Asie, dans la plupart des pays arabes ou musulmans, notamment en Arabie Saoudite , en Iran, au Pakistan, dans l'Afghanistan des Le paradoxe c'est que la communauté internationale se préoccupe des seuls Palestiniens … Immanquablement se pose la question du pourquoi de ce privilège illogique et immoral. Immanqua-blement, on se demande comment il se fait que seuls les Palestiniens, à qui leur victime , Israël, oppose une résistance, bénéficient de cette sollicitude de la part des pays occidentaux. Ne serait-ce pas parce que les victimes sont des Juifs ? Les ennemis d'Israël en sont d'ailleurs parfaitement conscients et ils puisent Que révèle le souhait des diplomates occidentaux ? Talibans, en Egypte etc, la condition des femmes, le traitement des opposants politiques, la discrimination contre des minorités religieuses, les ambitions de subversion mondiale, les préparatifs d'agression, l'organisation du terrorisme, l'appel à la destruction d'Israël, constituent un tableau composé de drames humains, de violations constantes des droits de l'homme et de menaces contre la sécurité du globe. Mais le monde est à peu près aveugle à cette situation. cyniquement dans l'inépuisable gisement d'antisémitisme, d'anti-judaïsme et d'antisionisme qui gangrène le monde … Les ennemis d'Israël l'avouent d'ailleurs avec naturel et candeur : " Nous avons la chance que nos ennemis soient Israéliens. Imaginez que ce soient les Cinghalais ! Qui parlerait de nous ? " constate Albert Aghazarian, un porte-parole de l'université de Bir- Zeit. Paul Giniewski Et c'est là que réside le paradoxe. Cette récitation de griefs, de pseudoévidences et de fausses solutions, montre précisément pourquoi il est impossible de réaliser " le souhait généreux " des diplomates. En effet, le monde occidental exprime de manière répétitive et obsessionnelle ses mises en accusation et sa réprobation d'Israël. En même temps, il accorde une véritable INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 11 HISTOIRE Qui a tué Arlozoroff ? “Enquête sur les origines de la fondation d'Israël” UN ENTRETIEN AVEC TOBIE NATHAN Actuellement en poste à l'ambassade de France à Conakry (en Guinée), Tobie Nathan est de passage à Paris pour la promotion de son dernier roman. Vif, affable, souriant, son poignet gauche est orné d'un bracelet gravé d'un verset de psaume en hébreu : " justice et vérité se sont rencontrées, se sont embrassées … " : souvenir sans doute de ses quatre années passées à Tel Aviv comme conseiller de coopération et d'action culturelle à l'ambassade de France. Un séjour qui l'a marqué en profondeur et où il a écrit " Qui a tué Arlozoroff ", un hommage aux fondations de l'Etat d'Israël sous la forme d'un OOO I.J : Pourquoi vous être spécialement intéressé au personnage d'Arlozoroff ? Tobie Nathan : Promenez-vous en Israël et vous serez étonné par le nombre d'endroits qui portent son nom. Même des petites villes comme Givat Haïm sont nommées en mémoire de son prénom. Pourtant, on connaît mal cet homme, alors que s'il n'avait pas été assassiné dans des conditions mystérieuses sur une plage de Tel Aviv en juin 1933, il serait probablement devenu le premier président de l'Etat d'Israël, à la place de David Ben Gourion. Arlozoroff incarne donc la fondation du pays, une fondation qui repose sur un vrai mystère : personne ne sait à ce thriller historique, avec deux héros plus romanesques que nature, et pourtant bien réels : le leader sioniste de gauche Haïm Arlozoroff et la redoutable Magda Goebbels, femme du bras droit d'Hitler Joseph Goebbels, qui mourut avec lui dans son bunker à Berlin, après avoir assassiné ses enfants. Dans ce roman aux multiples rebondissements, l'auteur mêle avec virtuosité passé et présent, Europe et Israël, politique et passion amoureuse. Rencontre avec ce romancier qui est aussi un diplomate. d'ailleurs : " Et c'est aussi moi qui ai tué Arlozoroff peut-être ? On est là face à un mythe dont personne ne connaît les véritables déterminants. A travers lui et l'énigme de sa mort, j'ai essayé de prendre à bras le corps la fondation de l'Etat d'Israël. I.J : Qu'avez-vous appris de cet homme exceptionnel si mal connu du grand public ? T.N : Arlozoroff est un personnage hors du commun : brillant, charismatique, séduisant. Sa thèse sur l'économie marxiste fait encore référence aujourd'hui. Né à Odessa en Ukraine, il émigre à Berlin en 1910. Là-bas, il est militant communiste persuadé que la révolution est en route. Déçu par la persistance de l'antisémitisme, il dérive On est là face à un mythe dont personne ne connaît les véritables déterminants. A travers lui et l'énigme de sa mort, j'ai essayé de prendre à bras le corps la fondation de l'Etat d'Israël. jour qui a commandité son meurtre. Une expression populaire israélienne dit 12 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 vers le sionisme et émigre en Palestine en 1924. Là-bas, il fait partie des fondateurs des syndicats et partis de gauche, la Histadrout et le Mapaï. Il devient le directeur politique de l'Agence juive, ce qui équivaut dans le contexte de l'époque à un poste de ministre des affaires étrangères. Il fait le tour du monde pour rechercher des fonds pour la construction du futur état. Au moment de son assassinat, il n'a que trente trois ans et est déjà une véritable star : on vient le voir d'Allemagne pour discuter philosophie. On lui prête aussi de nombreuses conquêtes féminines … I.J : Une star controversée, au moins par la droite. T.N : C'est vrai. Au moment de sa mort, le yishouv est en train de basculer à droite, avec l'arrivée massive de Juifs de Pologne, moins intellectuels, plus commerçants, plus religieux aussi. Afin de renverser la tendance sociologique et aussi voyant le péril nazi grandir, il décide de se rendre en Allemagne pour négocier le départ d'une partie de ses 600 000 Juifs, véritable vivier pour la Palestine qui en compte alors un nombre bien moindre. Les Allemands acceptent car ils subissent au même moment un boycott économique sévère, déclenché HISTOIRE par les Américains. Pourtant, en mai 1933, les nazis occupent déjà tous les postes de pouvoir et ce même mois a lieu le célèbre autodafé à l'université de Berlin. Les journaux sionistes de droite ne supportent pas l'idée de cet accord, ils se déchaînent contre Arlozoroff : ce communiste, moraliste ose passer un accord avec les pires ennemis des Juifs ! Une alliance infâme, selon eux, entre Staline, Hitler et les Juifs. La virulence des propos est telle qu'on n'est pas loin de l'appel au meurtre. Le 15 juin, Arlozoroff rentre en Palestine. Le 16 juin au soir, c'est shabbat ; il est assassiné sur une plage de Tel Aviv. On accuse tout de suite le Betar d'être le commanditaire. Les Anglais qui dirigent alors la Palestine, ont intérêt à adhérer à cette version car les sionistes de droite sont les plus opposés à leur protectorat. Ils arrêtent deux suspects qui sont condamnés puis graciés faute de preuves. Telle une victime sacrificielle, le corps d'Arlozoroff scelle le destin de gauche du yishouv. Jusqu'en 1978 et à l'arrivée de Begin au pouvoir - qui ouvre d'ailleurs une enquête sur la mort d'Arlozoroff quarante cinq ans après sa mort- Israël sera en effet dirigé par la gauche. I.J : Peut-on comparer ces tensions droite/gauche israéliennes avec celles d'aujourd'hui ? T.N : Plus personne ne pense sérieusement aujourd'hui à faire d'Israël un pays communiste. Néanmoins, on peut voir dans la mort d'Arlozoroff la préfiguration de la mort d'Itzhak Rabin. Une grande partie de la gauche israélienne continue de penser que la droite est responsable de sa mort. La seule chose dont on soit sûr à ce jour, c'est que les suspects incarcérés à l'époque n'étaient pas les assassins. I.J : Dans votre roman il y a aussi la terrifiante Magda Goebbels, qui aurait eu une relation avec Arlozoroff dans sa jeunesse. On vous sent littéralement fasciné par elle. T.N : C'est vrai que les femmes de pouvoir m'ont toujours fasciné: j'en avais déjà dépeint une dans mon roman, " Serial Eater ", l'histoire d'une juge qui court après un tueur en série. Magda est une séductrice diabolique telle la Milady des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas. Il y a cinq ans, de nombreuses biographies sont sorties sur une émigrée, fille naturelle et adultérine d'un ingénieur et de sa bonne. L'ingénieur ne reconnaît ni la fille ni la mère qui finit par épouser un M. Friedlander, un juif allemand. Née chrétienne, Magda est élevée par son beau-père juif à qui elle demandera Arlozoroff est un personnage hors du commun : brillant, charismatique, séduisant. les femmes de pouvoir sous le troisième Reich, correspondant sans doute à l'ouverture récente d'archives et à une nouvelle génération d'historiens. Comme Haïm Arlosoroff Eva Braun ou Lenny Rifensthal, ces femmes se mêlent de politique et sont à leur manière, à l'avant-garde de la future place de la femme dans nos sociétés modernes. I.J : Comment deux personnages si différents, l'intellectuel russe sioniste et la femme de pouvoir allemande nazie, ont-ils pu être amants ? C'est une histoire de fous ! T.N : Comme Arlozoroff, Magda est d'être adoptée ! Le couple émigre en Belgique pour travailler. Magda est placée au pensionnat de Vilvoorde où elle apprend le français. En 1914, elle rentre précipitamment à Berlin, à cause de la première guerre mondiale. C'est là qu'elle rencontre Arlozoroff qui habite le même quartier populaire et dont la sœur Lisa est une camarade de classe de Magda. Elle a quinze ans, lui 17 et chacun aurait été le premier grand amour de l'autre. En 1924, Arlozoroff quitte définitivement l'Allemagne pour la Palestine. Une journaliste en vogue à l'époque se moque du volteface de Magda, dès 1925 : elle qui apprenait l'hébreu et se targuait d'immigrer en Palestine, la voici maintenant pavanant dans la haute aristocratie allemande chrétienne ! I.J : Dans le roman, vous évoquez le rôle de l'empire industriel Quandt au service des nazis, qui ne fut jamais " dénazéifié " après la guerre. Là aussi, vous extrapolez par rapport à la réalité historique ? T.N : Malheureusement, là je n'invente rien, en dehors du complot policier dont ils sont responsables dans mon livre. BMW a bâti sa réputation sur la construction de motos pour la Wehrmacht pendant la guerre. Une fortune qui reposait aussi sur l'utilisation des déportés, ouvriers esclaves qui mouraient à la tâche comme des mouches. Le patron de BMW est emprisonné quelques années au lendemain de la guerre, laissant la gestion de son empire à son fils -celui qu'il a eu avec Magdaprisonnier des Anglais pendant la guerre. Une fois sorti de prison, il revient aux affaires sans être inquiété, INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 13 HISTOIRE sans aucune remise en question ni dommage et intérêts pour ses milliers de victimes. I.J : Dans cette intrigue à rebondissements, il est aussi question d'une montre, au pouvoir mystérieux. Un hommage aux fétiches africains, dont la culture vous est si chère ! T.N : Pas tout à fait. On sait que l'assassin d'Arlozoroff a pris la peine de lui demander l'heure, dans un très familiales. Je suis né au Caire d'une famille juive égyptienne qui a fui en 1956, au moment de la crise du Canal de Suez. Mes parents sont venus en France, même si la majorité de ma famille s'est installée en Israël, pays voisin. Certains de mes ancêtres étaient également rabbins et ont vécu en Palestine : l'un d'eux au XIXe siècle, le rav Sherizli, a même donné son nom à une rue de Jérusalem. Mon séjour en Israël fut donc un choc, une Mon séjour en Israël fut donc un choc, une illumination, une redécouverte de mes origines. mauvais hébreu, juste après lui avoir demandé son nom et juste avant de l'abattre. J'ai brodé autour de cette étrangeté et de cette montre maléfique qui donne la mort à tous ceux qui la possèdent, une métaphore terrifiante du temps qui passe. On pourrait en effet déceler l'influence de la culture africaine dans l'interprétation que je donne du meurtre d'Arlozoroff, un meurtre originel. Dans les différents pays d'Afrique où je suis allé, à l'Est comme à l'Ouest, on trouve souvent une dalle recouverte de sable, au centre du village : c'est le noyau, là où a eu lieu, selon le mythe de fondation, un sacrifice initial, animal ou humain, sur lequel on a bâti le village. Le sacrifice originel sur lequel se fonde Israël, bien avant le contrat social, est ici incarné par le meurtre de Haïm Arlozoroff. I.J : Votre livre témoigne d'une réelle passion pour Israël. T.N : C'est avant tout une passion historique, car ce pays, avec ses problèmes et j'espère ses solutions ne ressemble à aucun autre. J'ai voulu rencontrer ce pays moderne, actuel, dans un moment de mutation fabuleuse, qui a tout pour devenir un pays ultramoderne mais qui peut aussi disparaître de la surface de la terre : son cas est unique. Avant d'être nommé en poste à l'ambassade de Tel Aviv, je n'y étais allé qu'une seule fois. Et pourtant je me sens de là-bas, de par mes origines 14 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 illumination, une redécouverte de mes origines. I.J : Comment passe-t-on d'ethnopsychiatre, clinicien et professeur d'université au métier de diplomate ? T.N : Il m'a toujours semblé indispensable d'aller voir ce qui se passe ailleurs, pour se renouveler, continuer d'alimenter une réflexion : que ce soit en allant à l'étranger (j'ai vécu au Burundi au moment de la guerre en 2003) ou en changeant de métier. Il existe une tradition ancienne de passerelles entre le monde universitaire et la diplomatie ; comme le firent Lévi-Strauss et Foucault en leur temps, j'ai donc postulé à un poste de conseiller de coopération à Tel Aviv. Les candidats ne se bousculaient pas au portillon car c'était en pleine vague I.J : Que pensez-vous de la récente polémique autour du dernier livre de Michel Onfray sur Sigmund Freud ? T.N : Il y a sans doute de la provocation dans l'attaque en règle de Freud par Onfray, mais pas seulement. Onfray e aux rites et aux clergés de toutes les religions. Il estime, pas totalement à tort, si l'on en juge la violence de certaines réactions, que le freudisme en est une. Par ailleurs, il interprète l'œuvre de Freud en en faisant une lecture autobiographique. Pourquoi pas ? Les remarques d'Onfray sur la vie de Freud, Jung les avaient déjà faites dans son autobiographie, parue dans les années 1960, et aux Etats-Unis, on relativise la psychanalyse depuis les années 1970. Il n'y a qu'en France et en Argentine peut-être, que le freudisme est à ce point sacralisé. J'ai moi-même été formé à l'institut de psychanalyse et ai raconté la vie privée de Freud dans mon livre " Mon patient Sigmund Freud ". Sans tout rejeter, cela ne m'a pas empêché de prendre une certaine distance avec cette science développée voilà plus d'un siècle. Freud a créé un domaine, il a soulevé des questions, mais une science qui n'évolue pas n'est pas une science. Il n'y a rien de sacrilège à affirmer que la psychanalyse ne guérit aucune maladie psychique. En revanche, elle peut soulager et avoir donc un effet bénéfique pour certains, Ma mission a consisté à refonder l'Institut français de Tel Aviv, à acheter et à équiper un bâtiment : cette expérience passionnante m'a marqué en profondeur, même si je n'ai jamais autant travaillé de ma vie ! d'attentats, à la fin de la deuxième intifada. La politique de la France était très critique à l'égard d'Israël mais c'était aussi une phase de renouveau de coopération culturelle entre nos deux pays. Ma mission a consisté à refonder l'Institut français de Tel Aviv, à acheter et à équiper un bâtiment : cette expérience passionnante m'a marqué en profondeur, même si je n'ai jamais autant travaillé de ma vie ! mais à quel prix ?! La psychanalyse devrait être gratuite. J'ai soigné des centaines de patients immigrés gratuitement sans que cela nuise à l'efficacité de la thérapie. Nabokov disait : " un jour, tout le monde saura que Freud est un auteur comique ! ". Je suis partiellement d'accord avec lui ! Propos recueillis par Hélène Hadas-Lebel REPÈRES Investir dans les High Tech en Israël La défensive L Connaissez-vous l'étude publiée en octobre 2009 par Daniel Greenfield " Pourquoi Israël perd les guerres militaires et médiatiques ". Greenfield analyse ainsi le problème stratégique et politique qui se pose à Israël dans les multiples guerres qu'il doit mener pour défendre son droit à l'existence : "A intervalles réguliers, des hommes politiques désorientés et d'autres responsables dépassés organisent des conférences afin d'essayer de comprendre …pourquoi Israël ne parvient pas à faire entendre son point de vue. Comme toujours on leur suggère de recourir davantage aux e 14 juin 2010 à Paris, l'association Connec'Sion, qui regroupe les professionnels high tech de la communauté juive, a organisé une conférence-débat ouverte à tous les spécialistes intéressés par la high tech israélienne et ses dimensions financières, technologiques et internationales. Une centaine de personnes ont pu apprécier les discours d'Édouard Cukierman et de Daniel Rouach. Ils sont parmi les grands connaisseurs mondiaux de la high tech israélienne, dans leurs métiers respectifs de chef d'entreprise et de professeur de MBA. Ils communiquent régulièrement et très concrètement sur cette " success story ". Ces deux experts reconnus ont présenté un état de l'art sur l'économie et la high tech israélienne ainsi que les raisons d'investir aujourd'hui sur ce marché particulièrement porteur. Un cocktail très convivial a eu lieu immédiatement après, comme le veut la tradition de Connec'Sion, avec la participation active d'Edouard Cukierman et de Daniel Rouach qui ont très gentiment discuté avec les participants. Avis aux amateurs …La prochaine soirée "Connec'Sion Networking Event" aura lieu en octobre 2010 et la prochaine conférence - en novembre 2010- autour du thème "CleanTech et GreenTech israéliennes". Pour être informés en temps réel des dates, lieux et thèmes des prochaines activités de Connec'Sion : Rendez-vous régulièrement sur le site internet www.connec-sion.com Abonnez-vous à la newsletter Rejoignez le groupe " Connec'Sion" sur Facebook, Viadeo, LinkedIn Devenez "follower" du compte ConnecSion sur Twitter Jessica Toledano E=MC2 94 ans après que le plus célèbre des physiciens de tous les temps ait mis au point dans son domicile de Berlin la théorie de la relativité, son manuscrit a été exposé au mois de mars dernier à Tel Aviv dans les locaux de l'Académie israélienne des sciences. Einstein a exposé pour la première fois sa théorie de la relativité au cours de trois séances de l'Académie des sciences en Prusse en 1915. Dix années plus tard, à l'occasion de la fondation de l'université hébraïque de Jérusalem, Einstein a fait don de Le manuscrit d’Einstein son manuscrit à cette université dont il a été un des fondateurs. Le manuscrit n'avait jamais été, jusque là, exposé au grand public. L'exposition a eu lieu à l'occasion du 13Ième anniversaire du savant juif. cabinets de conseils en relations publiques, de trouver des manières innovantes de faire passer leur message, d'utiliser l'Internet de façon plus astucieuse, et bien sûr, cette éternelle tarte à la crème, présenter une nouvelle image d'Israël. Naturellement, ils suivent ce conseil mais avec pour seul résultat, d'organiser une nouvelle conférence un an plus tard, afin d'essayer de comprendre pourquoi rien n'a changé ….Dans les relations publiques comme sur le champ de bataille, cela fait maintenant plusieurs décennies que les Israéliens sont sur la défensive. Résumé en une seule phrase, le message d'Israël donne ceci : " Nous n'avons rien fait de ce dont on nous accuse ".( …) Pour résumer le problème en termes simples, plus Israël se met sur la défensive, plus il s'affaiblit, non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur le plan politique … Plus Israël a été sur la défensive, plus le terrorisme et la diabolisation d'Israël sont devenus terribles ". INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 15 LA CHRONIQUE Elsa, histoire d'une juive russe L es vrais livres de révélations n’ont pas l’impact médiatique de ceux qui nous révèlent les secrets d’alcôve d’un homme politique ou la vie privée d’une star de vingt ans, propulsée quelques jours plus tôt, par une émission de télévision usurpant le terme réalité. L’écrasement médiatique de la littérature et des idées devient toujours plus insupportable. Et nous y contribuons tous, nous, journalistes, écrivains, même lorsque nous essayons de dégonfler les baudruches qui envahissent les librairies. Ou quand nous ne disons rien, tant la thèse nous semble absurde. Ainsi, je n’avais pas accordé d’importance à la thèse de Shlomo Sand quant au caractère artificiel de “l’invention du peuple juif”. J’ai fini par me pencher sur cet ouvrage, en réalisant que cette théorie était devenue une véritable doxa. Le principe est simple : le peuple juif fonde son identité sur un récit inventé de toutes pièces, pour les palestinien existe, quand le peuple juif est une création imaginaire … En admettant qu’une partie des thèses des nouveaux historiens puissent avoir le début d’un fondement, que le monothéisme juif soit une création légèrement antérieure à la conquête d’Alexandre, il resterait tout de même une antériorité. Mais, surtout, ce que l’on dénie au peuple juif, c’est l’existence même d’un sentiment national, bien antérieur à l’État d’Israël et même à la fondation du mouvement par Théodore Herzl. Car enfin, il semble difficile d’expliquer par quel miracle des descendants de Khazars, d’Espagnols de Berbères et que sais-je encore se trouvaient rassemblés par une même histoire imaginaire, pratiquaient une même religion, en se référant à un même peuple, répondant au nom d’Israël et en se tournant vers une même ville : Jérusalem. D’autres nations, non des moindres se fondent sur une histoire, à bien des égards imaginaires. Les Américains réellement concernés par Ce que l'on dénie au peuple juif, c'est l'existence même d'un sentiment national, bien antérieur à l'État d'Israël et même à la fondation du mouvement par Théodore Herzl. besoins d’un souverain tardif, régnant sur une colline de Judée. Moïse et le roi David étant des personnages fictifs, le peuple juif est une création artificielle. On comprend, dans ces conditions que l’État d’Israël ne saurait revendiquer une légitimité historique ! En revanche, nous avons pu lire, un peu partout, lors des polémiques sur les fouilles archéologiques à Jérusalem, que les chercheurs israéliens s’en prenaient à un cimetière où reposent les ancêtres des Palestiniens, certaines familles remontant aux guerriers de Saladin. Autrement dit, le peuple palestinien, qui a commencé à se définir sous ce nom vers la fin du mandat britannique, un demi-siècle après l’arrivée des premiers sionistes, le peuple 16 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 l’aventure de la Mayflower forment une toute petite minorité, les descendants des Insurgés de 1783 sont légèrement plus nombreux mais ils sont également minoritaires. Or le débarquement des Puritains et la guerre d’Indépendance sont des éléments constitutifs de la nation américaine, dont nul ne met en cause l’existence. Les Français ne récitent plus que leurs ancêtres sont les Gaulois, ce qui n’est pas l’exacte vérité, mais ils ne s’en sont pas moins identifiés à un héros gaulois, inventé par un Italien, Uderzzo, et un fils de juif polonais, Gosciny. L’imaginaire est une force, pour toute nation et celle-ci se délite quand il n’est plus partagé. Or, fort étrangement, en France, où l’on redoute tout débat sur l’identité nationale, les thèses niant l’identité du peuple juif forment désormais une idéologie dominante. Puisque cette idéologie fait le bonheur d’une extrême gauche acharnée à démontrer le caractère artificiel d’Israël, on ne saurait résister à lui renvoyer la boutade d’Engels sur la preuve en histoire. “La preuve du pudding, c’est qu’on le mange”. Dans cet esprit, la preuve du peuple juif, fut, pendant vingt siècles, d’avoir assez de réalité pour susciter les frayeurs et les haines. Sa preuve fut d’être persécuté. La gigantesque machine conçue par les nazis pour détruire le peuple juif est évidemment la preuve suprême de son existence. L’autre preuve, qu’une partie du monde arabe a bien fini par admettre, c’est l’élan national qui ramené les juifs sur la terre d’Israël et qui leur a permis de triompher de toutes les armées, dans des conditions qui ont un seul précédent historique, la victoire des Volontaires français sur tous les souverains d’Europe, coalisés contre la Révolution. E n revanche, les diplomates français, et avec eux, nombre d’intellectuels, de penseurs politiques considèrent l’existence de la nation palestinienne, comme une donnée de fait. En vérité, les Palestiniens ne sont réunis en conseil national que pour refuser le partage envisagé par les Nations Unies en 1947 et pour confier le territoire qui leur revenait au roi de Jordanie. La nation palestinienne s’est affirmée lentement, au long des soixante années d’existence de l’État d’Israël. Elle s’est affirmée parce que toutes les Ligues Arabes, les Républiques arabes unies, et tous les prétendus rassembleurs d’une grande nation fondée sur l’Islam ont été défaites lorsqu’elles tentaient de détruire l’État et le peuple d’Israël. Les Palestiniens se sont trouvés seuls, abandonnés, souvent massacrés, par les puissances arabes dont ils étaient les otages. En tant que peuple, en tant qu’État, les Palestiniens ne peuvent exister que par la reconnaissance d’Israël. Parce que je milite, depuis plus DE GUY KONOPNICKI de trente- cinq ans, pour cette reconnaissance, j’en ai vraiment pardessus la tête de ces prétendus amis des Palestiniens, qui se fichent comme d’une guigne de la vie des habitants de Naplouse ou de Gaza et qui cherchent obsessionnellement à démontrer que la plus vieille nation du monde n’existe pas. Mais il me faut remercier les détracteurs d’Israël ! Grâce à eux, je ne cherche plus un endroit reposant, pour occuper mes congés, après les quelques jours que je dois passer à Tel-Aviv pour assister à un mariage. Je vais passer la totalité de mes vacances en Israël, voir mes amis, ma famille, rencontrer des artistes, des écrivains, des cinéastes que des salopards et des crétins veulent boycotter. J’ai beau être le plus profondément français des juifs, la haine et la bêtise me rendent sioniste! P ar chance, il nous reste quelques bonheurs de lecture. Pierre Daix dessine, au travers de ses souvenirs, un superbe portrait d’Elsa Triolet, qui ne fut pas seulement l’inspiratrice des vers d’Aragon, mais un écrivain à l’écriture fine et sensible. Et Pierre Daix révèle les blessures de cette juive russe, qui vécut dans la proximité des dirigeants communistes, sans jamais suivre totalement Louis Aragon qui avait adhéré au parti et participait à sa direction. Elsa, constamment préoccupée du sort de sa sœur, Lily Brilk, qui, à Moscou, se trouva plusieurs fois menacée par la terreur stalinienne. Les silences d’Elsa, ceux d’Aragon, permettaient de protéger Lily Brilk, de garder le contact avec elle, quand les disparitions se multipliaient dans son entourage. Pierre Daix révèle, qu’au moment de la Guerre des Six-Jours, Elsa Triolet refusait de s’associer à la condamnation d’Israël. L’histoire tragique du stalinisme avait réveillé en elle une conscience juive, un profond sentiment de solidarité. Le fait est que Les Lettres françaises, journal dirigé par Aragon et dont Pierre Daix était le rédacteur en chef, ne suivirent pas L’Humanité qui se déchaîna avec une violence inédite contre “l’agression sioniste”. Elsa, selon le témoignage de Pierre Daix, ressentait la victoire d’Israël comme un soulagement. P ierre Daix n’est pas le premier ancien communiste à livrer des souvenirs, à raconter la lente désillusion, la profonde blessure laissée, en chacun de nous, par cette immonde machine née des idéaux généreux auquel nous avions voulu croire. Résistant de la première heure, déporté à Mauthausen, Pierre Daix a évolué, à mesure de l’histoire dans laquelle il était immergé. Jusqu’à l’écrasement du dernier espoir d’un socialisme à visage humain, à Prague, en 1968. Ayant aujourd’hui dépassé l’âge qui était celui de Pierre, héros considérable. En fait le Mahmoud Darwish que j’ai connu n’était pas encore tout à fait palestinien, mais citoyen israélien. Il avait étudié dans une université d’Israël, où il avait découvert la poésie. Il écrivit ses premiers poèmes en hébreu, avant de passer à l’arabe. Ce souvenir me revient, en lisant ce que Pierre Daix écrit, à propos de la méfiance Il n'est pas impossible de penser que la mémoire d'Elsa interdisait à Aragon de soutenir l'expression poétique de la violence antisioniste. lorsque je l’ai connu, dans une cellule du parti communiste, près de la porte de Vincennes, je mesure le temps que l’on perd à ne pas écouter ses aînés. Mais je n’écoutais pas non plus mon père, le camarade Voisin, qui fréquentait la même cellule que Daix et pensait comme lui, avec une expérience similaire, celle de ces hommes entrés au PC pour combattre l’occupant nazi et qui le quittèrent, par d’Elsa et d’Aragon devant l’antisionisme. Pour lancer en France le premier recueil du poète palestinien, le même responsable du PC qui m’avait confié son interview exclusive, avait demandé une préface à Aragon. Après avoir lu les textes, dont je mesure la médiocrité en les relisant, Aragon avait refusé de les préfacer. Officiellement parce qu’il portait le deuil d’Elsa, qui pourtant ne l’empêcha Louis Aragon et Elsa Triolet fidélité à leur combat. Je devais faire ma propre expérience, et, si elle fut rapide, je le dois, aussi, à Pierre Daix, aux auteurs essentiels qu’il me fit découvrir, dans les Lettres Françaises, à commencer par Soljenitsyne. Entré dans la presse communiste au moment où Pierre Daix la quittait, le hasard fit de moi le premier journaliste français à interviewer le poète palestinien Mahmoud Darwish, considéré à titre posthume comme un pas de publier Théâtre Roman et d’écrire les textes accompagnant la publication de son œuvre poétique. Il n’est pas impossible de penser que la mémoire d’Elsa interdisait à Aragon de soutenir l’expression poétique de la violence antisioniste. En tout état de cause, la nation palestinienne mérite de trouver un jour un véritable poète, Darwish n’étant qu’un propagandiste rimailleur. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 17 BONNES FEUILLES Une biographie du poète, rabbin et chantre David Bouzaglo : “Des anges chantaient par sa voix” En 1975 décédait en Israël le poète, rabbin et chantre David Bouzaglo. Il avait été au Maroc où il est né et où il a passé une grande partie de sa vie, le maître incontesté de la tradition des " bakkachot". Au cours de cette cérémonie, les juifs du Maroc se réveillaient avant l'aube, pour chanter dans leurs synagogues des textes et des poèmes religieux sur des airs de musique andalouse. David Bouzaglo a donné à ces " bakkachot " (supplications) ses lettres de noblesse. Notre collaborateur Victor Malka vient de consacrer à ce rabbin et poète une biographie sous le titre " Les veilleurs de l'aube " ( Editions du Cerf. 18 E ). I l serait plutôt grand comparé aux hommes de son pays et de sa communauté. Les juifs des anciennes générations, ici, ne se sont jamais fait remarquer par leur taille : ils sont généralement plutôt de petite corpulence (moyenne dans le meilleur des cas ) et relativement fragiles ou chétifs. Mauvaise hygiène de vie ? Diététique insuffisante ? Nutrition non équilibrée ? Manque total d’activités sportives ou simplement physiques? Sans doute y a-t-il surtout une simple question d’héritage génétique. On est ainsi de père en fils. Et d’ailleurs, les juifs, ici ou ailleurs, n’ont jamais été des hommes grands de taille. Samson, à supposer qu’il ait été, comme on le dit, fort comme un gladiateur, est à n’en pas douter une relative exception dans le panorama du peuple juif. Albert Cohen a raison : ce n’est pas à leur taille qu’on juge les hommes, pardi ! Et nul parmi ces juifs n’a jamais pensé qu’il pouvait, un jour, à cet égard, en aller autrement. David Bouzaglo naît dans une des lointaines banlieues de Marrakech, dans le village nommé Zaouiya, au tournant du siècle : trois ans à peine 18 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 L'auteur a rencontré au Maroc et en Israël ceux qui ont été les amis ou les disciples du rabbin. C'est essentiellement à eux qu'il donne la parole dans ce récit. Dans la préface qu'il a donnée à ce livre, Naïm Kattan écrit entre autres : " Ces bakkachot appartiennent maintenant à tous les juifs, tous les nouveaux veilleurs de l'aube, quels que soient leurs lieux de naissance et les villes qu'ils habitent " que l’on a quitté le dix-neuvième pour passer au vingtième. Le Maroc ne deviendra protectorat français que dans neuf ans et, pour l’heure, les juifs sont encore considérés, du nord au sud du pays, comme des dhimmis (des protégés ). Ils sont soumis à un statut spécial plus ou moins supportable ; dégradant et humiliant selon les événements, les volontés et les humeurs successives des monarques ou des dictateurs régionaux en place. Un statut juridique en tout cas relativement libéral en comparaison milliers d’Européens et des dizaines de milliers de juifs venus des quatre coins du pays pour trouver du travail – inexistant ailleurs - et d’abord pour échapper à la misère. Sans doute aussi pour se sentir appartenir à une collectivité et en être à l’occasion – on ne sait jamais - protégé. La famille de David Bouzaglo fait partie de ces immigrés de l’intérieur. David va au Talmud Torah, l’école traditionnelle, la seule à l’époque à accueillir les enfants de la Il sait (ce qui, dans l'étude du Talmud, est indispensable) interroger, poser de vraies questions. Il est vif. Tranchant. avec la condition des juifs en Europe. Ici, on ne parle pas encore des juifs comme de véritables citoyens. Casablanca n’est pas encore un grand port industriel. C’est une ville comme une autre. Mais elle va vite le devenir à la veille de la première guerre mondiale. La cité considérée depuis lors comme la capitale économique attire peu à peu des communauté juive. Les études sont celles que suivent alors tous les enfants juifs : d’abord la Bible avec éventuellement – quand les enfants sont capables et en âge de suivre – les commentaires et les interprétations de Rachi. Puis il arrive qu’on aborde les traités les plus simples du Talmud, celui de Brakhot ( les Bénédictions ) en particulier. On dit de David – c’est en tout cas l’impression générale de BONNES FEUILLES ses différents maîtres - qu’il est doué pour la dialectique. Il sait ( ce qui, dans l’étude du Talmud, est indispensable ) interroger, poser de vraies questions. Il est vif. Tranchant. L’esprit constamment en éveil. Il sait analyser un texte. Il aime tourner et retourner des raisonnements. Contester des interprétations. Chercher par-delà les mots la signification profonde des versets. Il se prend d’amour manifestement pour les charmes et la musicalité de la langue hébraïque. Que fort peu de gens ici – même les plus lettrés d’entre eux parlent alors couramment. Comme dans toutes les diasporas, l’hébreu est réservé uniquement à la prière, au rituel sacré et à l’étude. C’est l’arabe, ou plutôt le judéo-arabe, qui est la langue de tous les jours, celle de la rue, du jeu, du commerce et des relations familiales. David lit notamment le grand poète national juif Haïm Nahman Byalik ainsi que les œuvres d’Ahad Haam. Des témoins le décrivent comme passionné par les œuvres du philosophe Maïmonide. “J’avais dix ans – dit Haïm Louk, un de ses disciples – quand je venais lui rendre visite, parce que j’habitais au 10 de la rue Lusitania à Casablanca alors que son domicile se trouvait au numéro 8. Il était souvent occupé à réfléchir à des lectures de Maïmonide qu’on venait de lui faire. Inutile d’ajouter qu’il avait également tout lu des œuvres des poètes de l’âge d’or espagnol”. Un grand rabbin témoigne qu’à la fin de sa vie, David demande à un de ses amis de lui faire lecture du Guide des Egarés de Maïmonide. “Il a pu répéter mot pour mot le passage en question, tant sa mémoire était phénoménale” (1) A la différence de ses condisciples qui, tous, ne songent au mieux qu’à devenir rabbins ou, plus encore, juges rabbiniques et, au pire, qu’à des carrières plus ou moins voisines du rabbinat (scribe religieux, sacrificateur ou abatteur de bétail, ministre officiant, etc ), David affiche d’emblée une indéniable préférence pour l’enseignement. Il veut à son tour enseigner à des enfants du Mellah ce qu’il a reçu de ses différents maîtres. Sa vocation, il en est convaincu, c’est déjà d’être un passeur. Raconter à ses enfants et à ceux de ses fidèles, ainsi que le texte biblique en fait injonction aux hommes de son peuple : Tu diras à ton fils … Maintenir. Eventuellement enrichir et transmettre les mille et une traditions ancestrales. A l’âge de vingt ans, il est engagé comme enseignant dans une institution éducative qui vient d’être créée dans la ville et qui a pour nom – le hasard ou le destin faisant bien les choses – Maguen David ( le Bouclier de David ). Plus tard, il occupera un poste identique dans une autre institution qui, elle aussi, vient de voir le jour au Maroc et qui jouera plus tard un rôle considérable dans l’éducation traditionnelle des jeunes juifs du pays : Otzar Hatorah. Mais en vérité, pour David, au-delà ses trésors. Des années durant, il prend des cours auprès des grands maîtres de l’heure qui le forment à la tradition musicale dite de Marrakech. C’est que la musique venue du sud de l’Espagne s’est divisée entre diverses traditions locales, les deux plus célèbres étant celles de Marrakech d’un côté, celles de Mogador de l’autre. David est formé par le meilleur expert de l’heure, reconnu par tous, juifs comme musulmans : le rabbin Haïm Attar, luimême chantre mais aussi poète à ses heures. C’est auprès de ce maître que David Bouzaglo apprend tout ce qu’il y a à savoir sur les différents modes de la musique andalouse, utilisés depuis des Le rabbin et poète David Bouzaglo des paysages et des mots, il y a les sons. Sa réelle vocation, celle qu’il a, de l’avis de tous, reçue dès le berceau, c’est la musique. Pas n’importe laquelle, quel que soit le sens artistique et musical dont il fasse toujours preuve. Il ne s’intéresse, en même temps qu’il poursuit ses études, qu’à la musique andalouse et à lustres par la synagogue marocaine. Les airs sont arabes mais les poèmes qui les accompagnent sont hébraïques. Ils ont été écrits par des générations successives de rabbins- poètes. Mieux que cela, ces textes sont intégrés au rituel lui-même et aux prières du shabbat et des jours de fête. Ils sont peu à peu devenus partie INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 19 BONNES FEUILLES du patrimoine communautés. culturel de ces David Bouzaglo crée à son tour une chorale au sein d’une institution nommée Em Habanim ( La mère des enfants ). Il y enseigne à des jeunes – amateurs de cette musique – les airs synagogaux. La plupart de ceux qui deviendront plus tard ses collaborateurs et ses disciples – l’un d’entre eux est Haïm Louk – font partie de cette chorale. Un jour, le malheur vient frapper David dans ce que tout homme a de plus cher et de plus irremplaçable : les yeux. Suite à un trachome peu ou plutôt mal soigné, il perd progressivement la vue. Il faut dire que cela est plutôt courant à l’époque dans un pays où il arrive que des bébés meurent des suites d’un banal coup de froid ou d’une grippe ordinaire. Voici donc David à 46 ans aveugle, à la tête d’une famille et ne pouvant plus, pour subvenir aux besoins des siens, poursuivre le métier d’enseignant qu’il a choisi. Que faire ? Il décide alors, le comme l’ont toujours fait, dans le pays, tous les rabbins et tous les hommes lettrés de sa communauté. Quand ce ne serait, dans son cas, que pour dire ce qui Bouzaglo était d'abord un homme d'une foi profonde. déchire son cœur et lui ôte tout sommeil. Raconter le côté désormais tragique de son existence. Il compose des textes hébraïques à des musiques populaires marocaines et parfois égyptiennes. Mais il ne donne jamais à ses poèmes – quoi que lui en disent ceux qui, shabbat après shabbat, viennent l’écouter – une importance quelconque. Il ne les signe pas même de son nom complet, se contentant d’avoir recours à telle ou telle forme d’acrostiche. C’est désormais pour lui essentiellement un gagne-pain, voilà tout ! Il ne se considère pas comme un véritable poète. C’est pourquoi il refusera toujours avec humilité mais résolument les différents projets qu’on lui apporte - Le rabbin H. Louk avec un orchestre andalou cœur dévasté et l’âme en lambeaux, de renoncer à l’enseignement et de se consacrer à la seule chose qui donne sens à sa vie. Il fait du chant religieux ( le piyout) l’essentiel de son activité. Durant des années, il animera avec ses disciples David Elmkiès et Arzouane la partie musicale de l’émission hébraïque diffusée à l’époque par la radio marocaine. Il écrit lui-même ( il dicte plus précisément notamment à sa fille ), 20 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 fait-il observer calmement à ses amis et à ses élèves, pour oser se comparer à de telles sommités ? Le signataire de ces lignes se souvient de l’avoir entendu dire clefs en mains, comme on dit - consistant à réunir ses poèmes dans un recueil. Il a une grande admiration pour des poètes comme David Elkaïm ou David Hassine ou encore Raphaël Moshé Elbaz qu’il chante avec jubilation et délectation. Mais aussi avec une admiration enthousiaste qu’il exprime publiquement ( par des onomatopées du folklore local comme “Allah, allah ! pour dire “que c’est beau !” ) au moment même où il les chante. Mais qui est-il, un jour : “Face à ces géants, je ne suis que poussière”. Et reprenant un vers célèbre du poète de l’Age d’or espagnol Abraham Ibn Ezra, il ajoute : “Ne sont-ils pas des lions quand je ne suis qu’un vermisseau ?”. David aurait par ailleurs écrit une lettre dans laquelle il évoque le rapport qu’il a à ses poèmes. Il dit n’avoir jamais considéré “ces chuchotements de (son) cœur” ou ses méditations comme des textes pouvant tenir le coup face à la critique . “J’accepte, ajoutait-il, que, demain, l’oubli les frappe et en balaie jusqu’au souvenir. Je ne m’en soucie pas”. (2) (...) L’étonnant avec un tel personnage et ce qui frappait en premier en lui, c’est qu’avant d’être un musicien accompli et un fin poète, Bouzaglo était d’abord un homme d’une foi profonde. Il l’exprimait dans les larmes qui, durant les veillées du shabbat, perlaient de temps à autre à ses yeux éteints. Il la disait avec grâce et puissance le jour de Kippour alors qu’il dirigeait les offices à la synagogue et que des centaines de fidèles venaient l’écouter. La solennité de Kippour prenait avec lui une dimension particulière. Métaphysique et solaire. “ C’était quelque chose de très impressionnant” dit Haïm Louk. “Il m’arrivait de déserter ma synagogue pour aller ce jour-là l’écouter” dit de son côté le rabbin Méir Attias. Il faut avoir vécu cela, ne fût-ce qu’une fois, pour comprendre le concept juif de repentance et de techouva (retour). Les fidèles l’écoutaient comme s’il se fut agi du grand prêtre, officiant avec majesté au Temple de Jérusalem. Ils suivaient tous dans un rituel. Lui connaissait tout, par la force de sa disgrâce, par cœur. Il lui arrivait même de corriger de la voix le texte écrit dans les livres. Et nul parmi les fidèles ne se serait autorisé à faire la moindre observation. Tous savaient qu’il avait sûrement raison contre le livre qu’ils tenaient à la main. BONNES FEUILLES On pouvait alors reprendre à son propos ce que le grand écrivain du monde ashkénaze Cholem Aleikhem disait du chantre Yossele : “Jamais fidèle parmi ceux qui priaient n’entendit une telle prière …Sa voix était tendre comme s’il voulait réveiller le cœur du public et lui rappeler qu’il y a dans le monde des pauvres infortunés et que le devoir de chacun était de voler à leur secours et de les aider afin qu’ils ne meurent pas de faim. Et le public était fasciné comme s’il se trouvait dans un autre monde”. Du chantre Yossele Rosenblatt le grand rabbin d’Israël, Abraham Kook, dit en son temps : “Des anges chantaient par sa voix” La foi de ses pères, David Bouzaglo la chantait dans le moindre de ses poèmes, dans le plus banal ou le plus ordinaire de ses chants. Elle était sérénité, acceptation de son sort parce qu’on ne discute évidemment pas les décrets du ciel. Elle était aussi interrogation. Mais elle était surtout humilité. Nulle trace d’agressivité. Rien d’un homme présomptueux ou d’un donneur de leçons. Cette foi était supplication et dialogue avec le ciel. Un homme prie en pleurant et en levant ses yeux morts vers le maître des univers et des destinées humaines et les fidèles, jeunes ou vieux, lettrés ou pas, en ont les tripes remuées. David Bouzaglo n’a laissé ni mémoires ni correspondances. Quoi d’étonnant alors à ce que des zones d’ombre subsistent dans son parcours marocain puis israélien. Cependant, dans un des rares textes autobiographiques qu’il ait laissés (3) ( sans doute ne les a-t-il pas écrits de sa main mais plus simplement dictés à l’un de ses nombreux disciples de l’époque ), il pointe du doigt le paradoxe dans lequel il se débat depuis que ses yeux ont perdu toute lumière et toute raison d’être. D’un côté, il a pour fonction de dispenser du plaisir et de la joie à ceux qui interrompent leur sommeil, quittent leur lit douillet et viennent bien avant l’aube pour l’écouter ; de l’autre, lui-même ne cesse de souffrir mille douleurs diverses. Et il s’interroge : comment réjouir les autres quand désormais la disgrâce vous a frappé et que la joie la plus élémentaire se dérobe à vous ? Comment observer le commandement religieux ancestral du Oneg Shabbat ( les réjouissances du Shabbat) quand vous est à jamais refusé le simple plaisir de voir ses enfants grandir, jouer ou sourire ? Ou de voir, à l’aube justement, le soleil se lever ? -(1) Voir Nitfé Hamayim ( en hébreu) du grand rabbin Moshé Malka, tome 3, page 315 (2) Un expert de l’œuvre de David Bouzaglo, Méir Attias nous a confirmé cette confidence du poète, au cours d’une rencontre dans son domicile à Jérusalem, le 29 janvier 2009. (3) Voir le livre, en hébreu, Chira Oupiyyut béyahdout Maroco de Yossef Chétrit .Mossad Bialik. 1999, page 321) -(Copyright Editions du Cerf) Il arrivait aussi que cette foi s’exprime concrètement dans la vie pratique (“La foi qui n’agit point, est-ce une foi sincère ?” disait un autre poète, français celui-là ). Ainsi cet homme qui, comme tous ceux qui, avant lui, avaient choisi le même type d’activité, avait bien du mal à joindre les deux bouts, réservait-il la moitié de ses gains à une institution appelée tsédaka basséter . Il s’agissait de donner à des pauvres sans se faire connaître. Anonymement. Un homme donne à un autre qui donne au nécessiteux, celui-ci ignorant du coup la réelle identité de son bienfaiteur . La chose étant secrète, comment la sait-on alors ? Les disciples du maître, témoins de la chose, s’en vont répéter cela dans la ville. David venait en aide également à des chantres synagogaux vieillissants, en espérant, malgré sa cécité, ne jamais se trouver lui-même dans leur situation et leur désespoir, abandonnés un jour par leurs cordes vocales puis par leurs fidèles. Et, plus grave encore, par leurs mécènes. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 21 LA VIE DU CONSISTOIRE Confiance renouvelée de la communauté juive à Joël Mergui P etit retour en arrière. A la suite de la démission de son prédécesseur, qui avait alors décidé d’achever brutalement un très court mandat, et face à la nécessité de rétablir la confiance et l’unité du Consistoire, Joël Mergui alors Président du Consistoire Central et fort d’une expérience incontestable de l’institution consistoriale, a été élu Président de l’ACIP au début du mois de juin par une très large majorité du Conseil d’Administration du Consistoire de Paris. Le nouveau Président a immédiatement exprimé le souhait de travailler avec le Bureau existant, envoyant ainsi un signal fort de Chalom communautaire et de respect mutuel. A peine élu, les premières semaines de son mandat n’ont pas épargné le Président Mergui d’échéances majeures. Parmi elles, on notera bien sûr, à une semaine d’intervalle, les Assemblées Générales ordinaires du Consistoire Central et du Consistoire de Paris, associées toutes les deux à des Assemblées Générales extraordinaires destinées à examiner dans les deux l’adoption de nouveaux statuts. Ces deux rendez-vous majeurs de la communauté juive ont constitué de véritables tests de confiance envers celui qui préside les deux institutions et envers le projet qui est le sien au service du judaïsme français. L'Assemblée Générale ordinaire du Consistoire Central s'est réunie le dimanche 20 juin 2010 à Paris, sous la présidence de Joël Mergui, et en présence du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, des Présidents des Consistoires régionaux, de Présidents et dirigeants des communautés juives venus de toute la France et de Grands Rabbins Régionaux. Dans ses propos introductifs, le Président Joël Mergui a insisté sur l'importance de la solidarité entre les communautés comme axe prioritaire de la mission de l'institution consistoriale, et a rappelé les efforts récemment 22 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 déployés par le Consistoire Central pour l'obtention de nouvelles ressources financières indispensables pour mener à bien les nombreux chantiers et projets lancés au service du judaïsme français. Le Président du Consistoire est sorti renforcé des Assemblées Générales du Central et de l'ACIP Après l'adoption, à l'unanimité moins deux abstentions, du rapport moral et du rapport financier de l'Institution, présentés respectivement par le Secrétaire-Rapporteur et le Trésorier, trois motions ont été votées à l'unanimité par l'Assemblée présente. La première motion a remercié au Président de la République et les autorités françaises pour les efforts difficile qu'il traverse actuellement, et a rappelé son indéfectible solidarité avec la capitale une et indivisible de l'Etat juif, Jérusalem. Enfin, le Consistoire Central a appelé toutes les communautés juive de France a manifesté leur soutien sans faille dans le combat pour la libération immédiate du jeune franco-israélien Guilad Shalit et a demandé aux autorités françaises de rester plus mobilisées que jamais pour ne pas oublier le sort de Guilad. L'Assemblée Générale ordinaire a été suivie par la tenue de l'Assemblée Générale extraordinaire qui était convoquée afin de procéder à un changement des statuts du Consistoire Central ayant pour but de les adapter et de les moderniser à différentes évolutions intervenues ces dernières décennies tant au sein de la société française que de la communauté juive de France. De nombreux experts juridiques ont travaillé pendant plus d’un an avec le Bureau du Consistoire pour proposer le texte le plus abouti possible. On notera notamment l'obligation d'être juif pour être membre du Consistoire, l'obligation pour les Consistoires régionaux de respecter la Halacha dans leurs décisions, la limitation des mandats pour le Grand Rabbin de France et le Président du Consistoire Central comme il s'y étaient engagés (respectivement à deux mandats de sept ans et à trois mandats Le changement des statuts du Consistoire Central a été voté à la quasi-unanimité déployés par la France pour défendre le dossier de l'abattage rituel auprès des instances européennes, et a demandé au Président de la République d'intervenir à nouveau auprès des dirigeants européens pour lutter contre la stigmatisation des viandes abattues rituellement. Dans sa seconde motion, le Consistoire Central a réaffirmé avec force son soutien et sa fidélité à Israël dans la période de quatre ans) ou encore la limitation des frais de campagne électorale. La modification des statuts a été votée à l'unanimité moins trois abstentions. La séance des questions et des réponses avec la salle s’est déroulée dans un climat serein, transparent et constructif et a été l’occasion d’échanger sur de nombreux sujets relatifs aux missions, aux projets et aux défis du consistoire. Parmi eux, la LA VIE DU CONSISTOIRE question du supposé « cumul » des mandats à la présidence du consistoire central et de Paris a été abordée. Le Président Mergui a rappelé à cette occasion qu’il ne s’agissait en rien d’un cumul de salaires, d’un cumul d’intérêts de rappeler l'action des deux institutions juives au service du judaïsme français. Une semaine plus tard, ce fut au tour du Consistoire de Paris de tenir son Assemblée Générale sous la présidence L'Assemblée Générale du Consistoire Central a renouvelé avec force sa confiance au Président Mergui divergents ou d’un cumul de fonctions incompatibles, mais d’une mise en commun d’énergies et de volontés au service d’un Consistoire plus uni et plus fort à travers la recherche de complémentarités et de synergies nouvelles. Et pour conclure de proposer aux membres présents de l’Assemblée générale de dire s’ils étaient opposés à cette double présidence, et dans ce cas il démissionnerait immédiatement. Après sa récente élection à la Présidence du Consistoire de Paris, il s’agissait ainsi clairement pour le Président Mergui de demander un vote de confiance à l'Assemblée Générale du Consistoire central, qui l'avait élu deux ans auparavant à la présidence du Consistoire Central, pour la poursuite de sa mission à la tête de l'institution consistoriale. En réponse à cette demande forte, l’Assemblée Générale a renouveler à l’unanimité moins une voix sa confiance au Président. Rappelons ici que selon les statuts, c'est le Conseil du Consistoire de Paris qui élit le Président du Consistoire de Paris et l'Assemblée Générale du Consistoire Central qui élit le Président du Consistoire Central. A quelques jours d'intervalle, ces deux instances ont renouvelé leur confiance au Président Mergui. L'Assemblée Générale s'est achevée par l'allocution de clôture du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim qui a notamment rappelé l'action menée depuis plusieurs mois pour la modernisation de l'Ecole Rabbinique de France et a mis l'accent sur l'importance pour les dirigeants communautaires présents de défendre au quotidien l'esprit et l'existence même du judaïsme consistorial français, religieux et ouvert sur la société, afin de pérenniser. A l'issue de cette matinée de travail, une rencontre avec le Président du CRIF, Richard Prasquier, répondant à l'invitation de Joël Mergui, qui a permis également de Joël Mergui, en présence du Grand Rabbin de Paris David Messas, des Administrateurs de l’ACIP et de nombreux présidents de communautés et adhérents. La mobilisation était particulièrement marquée. Après la bénédiction du Grand Rabbin de Paris, le Président Mergui a insisté sur l’action indispensable du Consistoire en faveur de la jeunesse, du développement de la solidarité entre les communautés juives et de la synergie entre le Consistoire Central et le Consistoire de Paris. Me Botbol Lalou, Secrétaire rapporteur, a présenté le Rapport moral, avant que le Trésorier, David Revcolevschi, n’expose le rapport financier et les comptes 2009, soit la dernière année de la mandature précédente déjà présidée par Joël Mergui, et qui présentent une légère amélioration par rapport à l'année précédente, notamment en provenance des dons, et ce malgré la crise Me Botbol Lalou, a présenté une synthèse de la proposition de réforme avant que le texte en question ne fasse l’objet d’un long débat avec la salle. De nombreuses intervenants présent dans la salle, qu’ils soient adhérents de l’ACIP ou Présidents de communautés, ont exprimé leurs réserves et leurs désaccords avec le projet de réforme proposé, tant sur le fond que sur la forme. A l’issue des discussions, le passage au vote a abouti à un résultat sans contestations possibles, exprimant un rejet massif des statuts proposés, avec 139 voix contre, 8 voix pour et 5 abstentions. Le président Mergui a proposé d'engager une réflexion pour l'élaboration d'un nouveau projet de réforme des statuts visant à fédérer cette fois le soutien du plus grand nombre. Au total, ces deux grands débats dignes et constructifs ont eu lieu au sein même des représentations nationale et parisienne de l’institution consistoriale, et ont envoyé un message clair et fort d’une confiance renouvelée à Joël Mergui. Il s’est agi là de votes de confiance légitimes, incontestables et représentatifs traduisant la volonté et l’état d’esprit des représentants de la communauté juive. A l’issue de ces débats et de ces décisions, l’action du Consistoire au service des juifs de France a Des votes légitimes, incontestables et représentatifs du soutien à l'action menée au service d'un Consistoire plus uni et plus fort économique. Une marque de confiance de la Communauté dans l'institution. Le commissaire aux comptes a certifié les comptes de l’ACIP pour 2009. Ces comptes ont été approuvés par 151 voix pour et 3 voix contre. L‘AGO s’est achevée, après une séance de discussions ouvertes avec la salle, et a fait place à l’Assemblée Générale Extraordinaire, qui avait été convoquée pour l’examen de la réforme des statuts par l’ancien président Dov Zerah, avant sa démission, pour l’examen de la réforme des statuts qu'il proposait. immédiatement repris avec à la fois la gestion quotidienne de la vie juive dans l’ensemble des communautés, les grandes missions consistoriales de la cacherout à l’éducation juive, en passant par l’école rabbinique et la jeunesse - la défense d’Israël de chaque instant, et la préparation des prochaines grandes échéances comme les fêtes de Tichri, la rentrée du Talmud Torah, les désormais traditionnels “10 jours du Consistoire” ou le grand projet d’Assises du Judaïsme dont nous aurons l’occasion de reparler. En un mot, place au travail. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 23 LA VIE DU CONSISTOIRE Rencontre avec la communauté juive d'Arcachon I.J : Quelles sont les grandes dates OOO En tant que Présidente, et les grands événements qui ont présentez-nous en quelques mots la marqué votre Communauté ? Communauté de d'Arcachon. J.H : Tout d'abord dans les Judith Hassoun : Lorsque Daniel années 1950/1960 il y a eu Iffla Osiris, mécène bordelais l'installation progressive de d'origine marocaine a fait construire familles, après le départ d'Afrique la synagogue d'Arcachon en 1877, du Nord. Puis en 1992, la création la ville avait à peine 20 ans ! Les de l'ACCIBA = Association frères Péreire, banquiers parisiens, Cultuelle et Culturelle Israélite du firent le train jusque dans cette Bassin d'Arcachon dont je suis nouvelle ville, station thermale..De Présidente depuis décembre 2005. nombreux coreligionnaires y sont Et c'est en 2010 que les travaux de alors venus pour leur plaisir, puis y Judith Hassoun, Présidente de la Communauté d'Arcachon restauration de la synagogue ont ont acquis des maisons. M. Osiris débuté. Fin de la 1ère tranche sur le bâtiment refait à en fit construire de somptueuses qui existent encore ce l'identique de 1877 prévue fin 2010. Puis 2éme phase jour. Puis à cause des guerres successives, la communauté extérieure. juive a disparu, jusque dans les années 60 où l'Afrique du Nord quittée par les Juifs apporta ici quelques juifs, I.J : Parlons de l'actualité de la Communauté d'Arcachon. comme mes parents, et leurs enfants alors en bas âge. Des J.H : Les travaux de restauration sont l'actualité de notre Juifs bordelais venaient pour les vacances uniquement. communauté. De nombreuses manifestations pour récolter Puis petit à petit, la station s'est vue enrichir de juifs qui des fonds sont organisées. Les 11 juillet et 8 août s'y sont installés à leur retraite tant le cadre de vie sur le prochains, 2 barbecues, comme tous les ans, sont organisés Bassin d'Arcachon est agréable. Aujourd'hui, le Bassin dans le jardin de la synagogue et ouverts à tous. Ils sont d'Arcachon compte une soixantaine de famille y vivant à ouverts à tous ! Le 13 juin dernier, à Arcachon, une journée l'année. consacrée à ce beau projet a été organisée par l'ACCIBA et l'ACIG Consistoire de Bordeaux (propriétaire testamentaire de M. Osiris de la synagogue). Nous avons eu le grand honneur d'accueillir Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France, et Joël Mergui, Président du Consistoire Central de France et de nombreuses personnalités et collectivités territoriales qui nous ont attribué des subventions, comme la Ville d'Arcachon, le Conseil régional d'Aquitaine, le conseil Général de la Gironde, la Drac, l'ACCIBA et l'ACIG et de nombreux donateurs qui peuvent bénéficier d'un abattement fiscal par le biais de la Fondation du Patrimoine Aquitaine. I.J : Quels sont vos souhaits et vos projets pour la Communauté d'Arcachon ? J.H : Terminer cette restauration qui fera de la synagogue d'Arcachon (seule synagogue entre le nord de la Gironde et Bayonne, à part Bordeaux !) un vrai bijou de Patrimoine Juif et pour la ville d'Arcachon. Terminer cette restauration, après que l'ACCIBA ait fait restaurer à ses frais en 2009, 21 sépultures frappées de déshérence dans le cimetière communal, parcelle léguée par M. Osiris, nous n'avons pas trouvé les descendants, certaines datant des années 1870. Synagogue d'Arcachon 24 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 Propos recueillis par Jessica Toledano LA VIE DU CONSISTOIRE Colloque “judaïsmes du Maghreb” D imanche 27 juin, la synagogue de la Roquette et son Président Serge Benaïm ont eu l'honneur d'accueillir des invités de marque pour une soirée exceptionnelle d'hommage à Rabbi Chalom Messas. En présence de son fils, le Grand Rabbin de Paris David Messas, et de ses frères et sœurs, de nombreuses interventions dont celle de Joël Mergui, ont rappelé la mémoire de ce grand Maître du judaïsme marocain qui a marqué toute une génération. Non seulement au Maroc, mais aussi en Israël, où il devint Grand rabbin de Jérusalem à l'âge de soixante dix ans et durant vingt cinq ans. Cette soirée fut également le lancement du colloque "Judaïsmes du Maghreb ", co-organisé par les Universités de Bar Ilan et de Paris La Sorbonne, avec le Consistoire Central, durant trois jours à la Sorbonne. Un beau symbole de coopération réussie visible par le nombre et la qualité des professeurs présents. Cette rencontre a été une grande réussite scientifique et culturelle qui a permis des échanges aussi fructueux qu'enrichissants entre les participants des diverses disciplines. En opposition au boycott tant souhaité par certains, ce fut une merveilleuse occasion de faire rayonner la science israélienne, en effet une trentaine de chercheurs provenant de toutes les universités d'Israël ont pris la parole. Le Consistoire était partenaire de ce colloque et le président Mergui s'est notamment exprimé sur BarIlan et le concept de cette université qui allie la science aux études juives. Chabbat alsacien à Neuilly U n Chabbat plein alsacien a été organisé par la communauté de la rue Ancelle à Neuilly-sur-Seine avec la venue, spécialement pour l'occasion, du Grand Rabbin du Bas-Rhin, René Gutman, du président du Consistoire du Bas-Rhin, Francis Lévy et Claude Hoenel, qui assure chaque année l'office ashkenaze de Kippour à Neuilly. Le Président du Consistoire de Paris, Joël Mergui, a participé à ce Chabbat plein au cours duquel il a chaleureusement accueilli, avec le Rabbin de Neuilly, Mickaël Azoulay et le Président Philippe Besnainou, la délégation alsacienne. Il a également exprimé toute l'importance qu'il accorde à la solidarité entre les communautés. L'office assuré par M. Hoenel fut suivi d'un repas communautaire, en présence notamment du Grand Rabbin Alexis Blum et de nombreux administrateurs de la Communauté de Neuilly et du Consistoire de Paris. A l'occasion de ce Chabbat passé à Neuilly, le Président Mergui en a profité pour féliciter Messieurs Joseph Haddad et Laurent Philippe pour leur entrée quelques jours plus tôt au Conseil du Consistoire Central. Réception du nouveau Préfet du 93 C 'est en l'honneur de Christian LAMBERT, nouveau préfet la Seine-Saint-Denis, que le CCJ 93, présidé par Sammy GHOZLAN, a organisé un dîner en collaboration avec Joël MERGUI, Président du Consistoire. La réunion s'est déroulée à Blanc-Mesnil le 30 juin dernier, en présence du président SEKNAJI et du Rabbin MECHALI de la Communauté de Blanc-Mesnil, de Mr MIGNOT, Maire de la Ville, ainsi que de Mr BARTOLONE, Président du Conseil Général, de Gilles BERNHEIM, Grand Rabbin de France, de David MESSAS, Grand Rabbin de Paris, de Richard PRASQUIER, Président du CRIF, et de MM. ALLOUCHE, MYARA et KORCHIA, présidents des CCJ 91, 94, et 92. Ont honoré de leur présence également Mgr DELANOY, évêque de Saint Denis, et de nombreux responsables musulmans : MM HENICHE et FRSADOU, dirigeants de l'UAM 93, l'imam CHALGHOUMI, accompagné de nombreux imams de Paris, du Val d'Oise, de la Courneuve. Tous les dirigeants, présidents, administrateurs, et rabbins des communautés, de même que les directeurs des 10 écoles juives du département, étaient présents. Ils étaient entourés des élus de leurs villes. Sammy GHOZLAN a salué le nouveau Préfet pour toutes les mesures prises en faveur de la sécurité de la communauté. Il a souligné que c'est dans ce département, autrefois le plus marqué par les actes antijuifs, que l'on relève le moins de faits de cette nature. Il a toutefois attiré l'attention des auditeurs, surtout des politiques, sur l'exode des juifs vers d'autres lieux plus sûrs. Joël MERGUI a réclamé aux élus un sens plus aigu des responsabilités face à la propagande, il a souligné l'écoute et le dévouement du Préfet LAMBERT déjà lorsqu'il était en fonction à la Préfecture de Police. Le Préfet LAMBERT a assuré la communauté juive de tout son soutien, de toute son attention, à tout moment. Commémoration de la rafle du Vel d'Hiv L a cérémonie officielle a eu lieu le 18 juillet au monument commémoratif situé quai de Grenelle à Paris. Elle a été présidée par Hubert Falco, Secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, et s'est déroulée en présence notamment de Richard Prasquier, Président du CRIF, Simone Veil, Présidente d’honneur de l’Union des Déportés d’Auschwitz, David de Rothschild, Président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Joël Mergui, Président du Consistoire Central, et de membres du gouvernement et d’autres personnalités. Des cérémonies ont eu lieu au même moment partout en France en présence des autorités civiles et militaires et des résponsables des communanutés juives. On notera la cérémonie organisée dans le Parc de Sceaux, par le CCJ 92 présidé par Elie Korchia, le Consistoire de Paris, la préfecture et le Conseil général, en présence de Monsieur le Préfet des Hauts-de- Seine Patrick Strzoda, du Président du Conseil Général et Ministre Patrick Devedjian, du Président du Consistoire Joël Mergui, du Président du Crif Richard Prasquier et de Joseph Weismann, dont l’histoire a été portée cette année au cinéma dans le film La Rafle. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 25 LA VIE DU CONSISTOIRE Deplacement à la Grande Motte A l'invitation de Gaby Atlan, Président de la Communauté, avec le Consistoire Régional du Languedoc-Roussilon auquel le Président du Consistoire Joël Mergui est venu découvrir ont participé le Rabbin Kassabi et tous les Présidents des la magnifique synagogue de la cité balnéaire de la Grande communautés environnantes (Montpellier, Castelnau le Lez, Motte. Dès son arrivée, Joël Mergui, accompagné de Gaby Atlan Nîmes, Béziers, Lunel et la Grande Motte). A la suite de différents et de Alain Zylberman, viceéchanges et des réponses apportées, président du Consistoire Régional plusieurs décisions ont été prises par du Languedoc, a rencontré le Maire le Président du Consistoire Central, de la Ville, Stéphan Rossignol. Joël en accord avec les Présidents de Mergui, lors de ce déplacement, communauté et les Rabbins. était accompagné des jeunes de la Joël Mergui a rendu hommage 'Hazac, venus des quatre coins de appuyé à l'action exemplaire du la France, qui ont ainsi participé à Président Gaby Atlan, ainsi qu'à la neuvième étape du Tour de celle de son frère Sylvain Atlan, qui, France des Communautés. Un l'un comme l'autre ont toujours chabbat plein qui a, comme oeuvré pour la communauté et ont toujours, permis de resserer les liens construit cette magnifique entre les jeunes et de créer une synagogue notamment grâce à leurs nouvelle antenne dans la région. propres deniers. Le lendemain, une réunion a eu lieu Le maire, M. Atlan et M. Mergui Entretien avec Gaby Atlan, Président de la communauté OOO Information Juive : En tant que Président, présentez-nous en quelques mots la Communauté de la Grande Motte ? Gaby Atlan : La Grande Motte, située en bord de mer, est devenu le nouveau lieu de prédilection pour les membres de la communauté désireux de passer des vacances religieuses ensoleillées. La communauté de la Grande Motte dispose maintenant d'un véritable joyau, une belle synagogue confortable et somptueuse, ouverte à tous, dans laquelle les offices se déroulent dans la joie et l'harmonie. L'association Cultuelle Israélite de La Grande Motte (ACIGM), à l'initiative de son Président Gaby ATLAN et de son précieux fondateur Sylvain ATLAN ont été, dés 2001, à l’origine de la création de cette magnifique Synagogue BETH YAACOV et d’un Centre Culturel LES TIBBONIDES qui ont ouvert le 26 juin 2009. L'évolution de La Grande Motte et l'affluence de population, en période estivale, nous ont motivé à marquer la présence juive par la création d'un lieu de prière, d'accueil et de rencontre pour toutes les familles juives résidant en bordure du littoral, avec un rayonnement du département du Gard au Pyrénées Orientales. Après huit années, il a fallu beaucoup de motivation et de détermination pour maintenir le cap, rassembler les fidèles, maintenir les offices avec les moyens du bord. La communauté juive de la Grande Motte dispose aujourd'hui d'un merveilleux centre cultuel et culturel, dans lequel le KAHAL, le public des fidèles, se retrouve 26 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 avec plaisir. L'honorable mission que nous nous sommes assignés est en bonne voie mais loin d'être menée à son terme et réclame donc le concours de toutes les bonnes volontés. Notre espoir et notre volonté est de voir de plus en plus de fidèles célébrer ensemble tous les offices du rituel juif et faire de ce lieu un véritable Centre Communautaire vivant et actif, une source de lumière pour nos fidèles croyants et pour ceux moins croyants de la région voulant renouer avec la religion. Président du consistoire central et du consistoire de Paris, a pu se libérer de ses nombreuses responsabilités pour partager avec nous tous les offices et les repas durant ce chabbat. Nous avons pu apprécier le programme préparé par la HAZAC sans oublier la gentillesse, le sérieux et la joie de ces jeunes qui ont illuminé et fait vibrer notre synagogue. Nous espérons les revoir très prochainement individuellement ou collectivement. I.J : Quand et comment la Communauté de la Grande Motte a-t-elle vu le jour ? G.A : La communauté de la grande Motte s’est réunie, pour la première fois en 1975, dans différents locaux prêtés par la Ville de la Grande Motte et depuis le 26 juin 2009, tous les offices se déroulent dans notre synagogue. I.J : Le chabbat 3 juillet, vous avez reçu Mr Joël Mergui avec l’équipe de la ‘Hazac, quel a été le déroulement de cette rencontre entre le Président du Consistoire, les jeunes de la ‘Hazac et les membres de votre Communauté ? G.A : Les 2 ,3 et 4 juillet 2010, ils étaient attendus ces jeunes étudiants de la HAZAC, dans le cadre de la tournée des communautés juives de France. Garçons et filles, au cursus impressionnant, se sont consacrés, pendant quelques jours, à l’étude, à la fête et à la vie communautaire. Pour couronner ce merveilleux week-end chabbatique, Monsieur Joël MERGUI, La synagogue de La grande Motte I.J : Quels sont vos projets pour la Communauté de la Grande Motte ? G.A : S’agissant de nos projets futurs, nous travaillons au développement d’une vie associative cultuelle et culturelle pour répondre à toutes les sollicitations d’événements toute au long de l’année, Mariages, brith milot, bar Mitzvot, Talmud torah, hazkarot et dernier devoir (Hevra kadicha) conférences, repas chabbatiques pour accompagnernos fidèles, dans la joie comme dans les moments de tristesse. Propos recueillis par Jessica Toledano LA VIE DU CONSISTOIRE Comme d'habitude, seul Israël résiste L 'arraisonnement du Mavi Marmara par les forces israéliennes a donné l'occasion aux ennemis d'Israël de surenchérir dans l'outrance et avec une présentation de l'événement qui ne fait aucune part à la réalité. Quant à ceux qui se disent les amis d'Israël, ils n'ont pu s'empêcher de parler vite et, sans se donner le temps de la réflexion, devant une situation qui dès le départ était évidemment tout sauf ce qu'elle semblait être, ils se sont empressés de surenchérir dans l'émotionel. Si l'enchaînement des événements est banal, avec la condamnation immédiate et systématique d'Israël, il y a eu cette fois-ci un élément supplémentaire qui doit nous faire réfléchir, car loin de ne concerner qu'Israël, il vise, en fait, plus particulièrement l'Europe, et il s'agit peut être bien du dernier avertissement avant son effondrement. La Turquie, qui a encouragé l'initiative, la préparation et les meneurs de cette flottille n'est pas un état neutre dans la région, elle est officiellement un allié stratégique d'Israël. Il semble que personne ne se soit interrogé sur le rôle d'un allié qui s'ingére dans la politique d'un pays "ami". Si le blocus de Gaza semblait injuste aux yeux des Turcs, il y avait mille façons de demander, par la voie diplomatique, l'autorisation aux autorités israéliennes d'acheminer des marchandises collectées dans un strict but humanitaire. Le choix de forcer délibérément l'embargo assuré par la marine israélienne est un acte sinon de guerre, pour le moins inamical. Ce n'est certes pas l'habitude entre nations alliées. Mais, le gouvernement islamiste turc, que certains osent qualifier de modéré, n'en est pas à son coup d'essai, et depuis deux ans il multiplie les déclarations de moins en moins ambigües et de plus en plus hostiles à l'encontre d'Israël, répétitions verbales avant de passer aux actes. Cette lente progression destinée, qui peut en douter, à couper les liens avec Israël, s'accompagne d'un nouveau choix stratégique de la Turquie. Contrariée dans ses ambitions européennes, elle regarde désormais vers le monde arabomusulman. Ce pays non arabe s'est remis à rêver de sa grandeur d'antan, et faute d'Europe elle lorgne vers l'est et le sud. Dans une relation complexe avec son concurrent direct, l'autre pays non arabe en position de leader, l'Iran, elle s'est lancée dans la conquête de la célèbre "rue arabe". Et c'est là que se pose la vraie question, celle qu'aucun commentateur n'ose poser, ni même suggérer: pourquoi la route du leadership du monde arabo-musulman passe t'il obligatoirement par la destruction d'Israël? Ne nous trompons pas, en se faisant l'allié du Hamas, la Turquie n'est même plus dans l'hypothèse de deux pays pour deux peuples. Pourquoi la route du leadership du monde arabo-musulman ne passe t'il pas à quelques milliers de kilomètres carrés face à son incroyable apathie devant les innombrables injustices qu'il commet quotidiennement au nom de l'islam, du Darfour à l'Irak, du statut des femmes aux manifestations sanglantes d'Iran? En juillet 1944, un mois après le débarquement, alors qu'il se sait perdu, Hitler continue sa traque des juifs. Ces juifs, qui l'obsédaient au point qu'il avait fait mettre leur nombre sur chaque pays du globe terrestre qui ornait son bureau, étaient le seul l'obstacle entre lui et la conquête du monde! En 1967, Nasser rêve de devenir le leader du monde arabe, sa route passe par la destruction d'Israël. Dans une interview indigne de la télévision française, ce 7 juin 2010, Ahmadimedjad, autre prétendant au titre de leader du monde arabo musulman, fidèle à une rhétorique des années soixante, ne prononce jamais le nom par le progrès social, le progrès économique, le progrès médical, l'innovation technologique, le rayonnement artistique, intellectuel? Comment comprendre qu'Israël soit un tel point de fixation pour ce monde, qu'il en fasse sa priorité des priorités, et que son champion sera celui qui l'en débarrassera. Le monde arabo-musulman n'a t'il pas d'autres problèmes à régler? Des Philippines à la Mauritanie, peut-il dire qu'il a établi des pays où il fait bon vivre, ou chacun voit sa dignité préservée et sa liberté de penser garantie? Si on regarde ce monde avec objectivité, la surface qu'il occupe sur Terre et sa population, comment ne pas être frappé par l'importance qu'il accorde d'Israël et suggère que les Juifs n'ont qu'à retourner en Europe. Aujourd'hui, Erdogan a rejoint la liste de ces sinistres prédécesseurs, il a décidé qu'Israël était le passage obligatoire pour diriger le monde islamiste. Comme son concurrent direct iranien, son ambition dépasse largement le Moyen orient. Faire comme si nous n'étions pas concernés en Europe est une forme d'aveuglement coupable. Un leadership qui se bâtit sur le dos des Juifs, ou d'Israël a toujours des objectifs bien plus étendus. Comme d'habitude, seul Israël résiste! Moïse Cohen et Denis Elkoubi, Co-Présidents de la Commission Shoah de l'ACIP INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 27 JUDAÏSME A Luxembourg : La conférence des rabbins PAR AMI BOUGANIM L e Grand-Duché se porte bien. Il est propre et clinquant. Il n'a ni pétrole ni matière grise. Il a tant d'argent qu'on se croirait au paradis. Dans tous les sens du terme. Fiscal bien sûr. Social aussi. Quand on est malade, on est mieux soigné que partout ailleurs ; quand on est pauvre, on est mieux secouru que partout ailleurs. Un minimum revenu fixé à 1230 euros environ, un salaire minimum à 1700 euros. Bien sûr sous certaines conditions. De quoi être tenté de paresser pour la vie et de traîner du côté de la gare, une bière à la main et une insulte à la bouche à l'encontre de quiconque porte une kippa : "Palestine !" Les dizaines, voire les centaines de milliers de "frontaliers" qui investissent quotidiennement le Grand-Duché, auraient plutôt tendance à trouver ce paradis ennuyeux. Le Luxembourg est enclavé entre la France, la Belgique et l'Allemagne. C'est le sabot de l'Europe. Sans lui, l'Europe ne serait plus qu'une vague tentative de s'élever au rang de la première puissance mondiale. Cela ne convainc bien sûr Le Grand-Duché est si sûr de lui, malgré les crises successives qui secouent le monde ou grâce à elles, qu'il peut se contenter d'un grand et beau village en guise de capitale. Au-dessus, la ville haute située sur le roc ; au-dessous, la ville basse s'étendant sur deux vallées qui se croisent. La Pétrusse est une rigole qui se prend pour une rivière ; l'Alzette une rivière qui se prend pour un fleuve. On ne peut leur en vouloir ; elles ont mérité la promotion. Dans un duché où tout est miniaturisé - la banque mise à part - on pardonne tout aux cours d'eau qui charrient plus de tendresse que de passion et suscitent davantage la curiosité que le désir. C'est Luxembourg qui a accueilli dernièrement une première rencontre de jeunes rabbins européens sous l'impulsion de la Fondation Matanel et l'égide de la Conférence des Rabbins européens (CER). Ils venaient de l'Union européenne et de l'Europe limitrophe. De Russie et d'Ukraine autant que de France, d'Allemagne, de Suède et même … de la Grande-Bretagne. Une vingtaine de rabbins. De tous les calibres - du rabbin Les jeunes rabbins sont conscients des mutations intervenues dans les conditions socioculturelles dans le contexte desquelles ils s'acquittent de leur mission. personne. Ni la France qui ne saurait pas plus comment considérer le Grand Duc que le Prince de Monaco, ni l'Allemagne qui ne saurait comment s'accommoder de la concurrence que lui livre le GrandDuché en matière de … bière. La Belgique est tellement prise, elle, par son interminable querelle linguistique que je soupçonne le roi de souhaiter que l'Europe déménage pour le … Luxembourg et libère Bruxelles des convoitises qui grèvent son avenir. Cela lui épargnerait d'être le roi des Wallons, des Flamands et de Personne. 28 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 de Lvov, originaire de Brooklyn, qui se sent un devoir de restaurer une communauté décimée et qui a l'allure, avec sa bedaine et ses bretelles, d'un Tuvia le Laitier qui aurait accédé aux charges rabbiniques au rabbin de La Victoire qui, temple oblige, en impose par son allure, son costume et ses connaissances. De l'élégant rabbin de Modène qui plaidait en faveur des petites communautés au rutilant rabbin de Hamburg qui introduisait une note bratslavienne aux débats. Des rabbins orthodoxes pour une première rencontre qui se proposait de débattre des mesures à prendre pour promouvoir des relations entre rabbins au niveau européen et donner une nouvelle jeunesse au CER sous la présidence exécutive du grand rabbin de Moscou, Pinchas Goldsmidt et la direction du rabbin Aba Dunner. Ce dernier est un vieux routier de l'Europe, alliant l'autorité d'un sage à la rigueur dans la conviction religieuse. De l'autre côté de La Manche : " Ma génération a vécu sur les ossements de la Shoa. " Il ne condamne rien, il n'exclut personne. Ce sera le maître de cette rencontre parce qu'il a acquis cette rare maîtrise de soi au gré des résistances et des traits d'humour. Il ne s'incline que pour mieux redresser l'échine. Il commence par s'excuser auprès des jeunes rabbins négligés jusque-là par le CER et les invite à servir de maillons. Des maillons entre les rabbins ; des maillons entre les générations ; des maillons entre les traditions. En anglais un think-tank. En hébreu - langue dans laquelle se sont tenus les débats - Hulya. Cette rencontre tombait à pic. Un amendement déposé au Parlement européen réclame d'étiqueter la viande casher pour avertir les consommateurs : " Viande provenant d'animaux abattus sans étourdissement. " Or la moitié des bêtes abattues rituellement, interdite à la consommation halakhique, se retrouve sur les étals des bouchers ou des supermarchés. L'adoption de l'amendement risque de doubler le prix de la viande casher. On devine les répercussions. Sur les ménages, les institutions, le marché de l'emploi du shabbat. Du coup, l'Europe n'était plus une entité virtuelle sans portée réelle sur les communautés juives tant nationales que locales, elle réclamait une coordination au niveau européen. Le CER ne pouvait dormir sur ses lauriers ; il devait mobiliser de jeunes rabbins pour tenter de se donner les moyens à la mesure de ses ambitions : " Les rabbins continueront, pour le meilleur et pour le JUDAÏSME pire, de représenter les juifs et d'être leur soutien aux instants les plus critiques de leur vie et de celle de leurs proches. On se tournera vers eux pour demander un éclaircissement, un secours, une prière. Chaque communauté présente les traits de son rabbin. " La casherout n'a pas été le seul thème des échanges. On a débattu de presque tout ce dont on ne débat pas entre notables rabbiniques. On a même beaucoup parlé d'audace et de courage que devaient montrer les autorités rabbiniques pour composer avec les besoins de l'heure et retenir sinon attirer des Juifs de plus en plus cultivés et exigeants : " On ne peut se contenter de prêcher l'accomplissement des commandements, on doit pouvoir fournir des arguments convaincants. " Les jeunes rabbins sont conscients des mutations intervenues dans les conditions socioculturelles dans le contexte desquelles ils s'acquittent de leur mission. Ils auraient tant aimé attirer de nouveaux membres dans leurs communautés ; ils sauraient comment le faire ; ils ne le peuvent pas. Ils se heurtent à une haie halakhique qu'ils souhaiteraient réaménager sans basculer pour autant ni dans le judaïsme conservative ni dans le judaïsme libéral. Ils ne demandent pas une révolution, ils demandent des réponses. Un rabbin anglais a poussé l'audace jusqu'à déplorer - sans se départir du respect de rigueur à l'égard des autorités halakhiques - la timidité des tribunaux rabbiniques : " Je n'arrête pas de poser des questions, je ne reçois jamais de réponses. " Il a donné nombre d'exemples dont celui, de plus en plus courant, de la volonté de marquer ne serait-ce qu'un jour de deuil après la mort d'un proche pour lequel on a choisi de procéder à une crémation : " D'un côté, établie et reconnue. On devra investir des ressources d'ingéniosité pour contourner l'encroûtement dogmatique et assouplir les mailles de la Loi en les resserrant partout où la liberté que garantit son respect menace de tourner à l'incarcération. Le véritable malaise des rabbins réside néanmoins dans une certaine dévalorisation de leur statut. Malgré le respect ; malgré les honneurs. Les plus jeunes sont sous-payés, contraints d'accomplir plusieurs tâches à la fois pour Le véritable malaise des rabbins réside néanmoins dans une certaine dévalorisation de leur statut. ma participation à une cérémonie privée risquait d'être interprétée comme un aval de la crémation ; de l'autre, je ne pouvais me permettre de priver des membres de ma communauté de mon assistance, voire de mes prières, à un moment particulièrement douloureux. " Les grands rabbins représentant le CER se seraient montrés sensibles à leurs attentes pour que Aba Dunner propose de créer un groupe de travail - " Rapprochement et Halakha " - réunissant des jeunes rabbins et un juge rabbinique dont l'autorité serait subvenir à leurs besoins et ceux des leur famille. Ils assistent les malades ; ils courent les enterrements ; ils sont saisis par les pauvres. Souvent, ils sont si pris qu'ils ne trouvent pas le temps d'étudier, le code civil encore moins que le Talmud, pour répondre aux questions qui leur sont posées. Ils ne demanderaient pas mieux que de suivre des formations pour assurer le soutien psychologique qu'on attend d'eux, mieux articuler leurs homélies et les nourrir de connaissances, proposer des activités aux plus jeunes et aux plus Une vue de la rencontre INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 29 JUDAÏSME âgés - ils ne trouvent pas le temps. Sans parler de la collecte de fonds, ne seraitce que ceux requis par la charité, dont ils soumettre un mémorandum sur la formation continue des jeunes rabbins. Il traitera également, à n'en pas douter, du Préparer des propositions sur la création d'une cellule de réponse halakhique, l'établissement d'un plan de formation continue, l'articulation d'une réflexion autour de la casherout et l'élaboration d'un programme de communication. ont besoin ; des rencontres avec les représentants des autres cultes ; des interventions réclamant un tant soit peu de préparation devant des publics de plus en plus exigeants. Des mesures urgentes doivent être prises tant aux niveaux européen et national qu'au niveau local si l'on ne veut pas assister à une dévalorisation excessive de la fonction rabbinique. Je me plais à croire qu'il est dans chaque communauté un généreux donateur pour parrainer à lui seul le rabbin. Sans se poser pour autant en son patron ou en son censeur. Un second groupe de travail sous la direction du rabbin de Saratov s'est chargé de 30 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 plan de carrière des jeunes rabbins. Les jeunes rabbins français ont intérêt à parfaire leur hébreu et à se mettre à l'anglais, ne serait-ce que pour mieux valoriser leur savoir et leurs compétences. A l'issue des trois jours d'échanges, quatre groupes de travail se sont mis en place. Ils ont pour tâche de préparer des propositions sur la création d'une cellule de réponse halakhique, l'établissement d'un plan de formation continue, l'articulation d'une nouvelle réflexion autour de la casherout et l'élaboration d'un programme de communication entre les rabbins et entre le rabbin et les membres de sa communauté. Le succès de cette première rencontre dépendra de la volonté politique du CER de se renouveler et de se poser en véritable instance juive européenne. Peut-être un nouvel CER est-il né avec Hulya à Luxembourg. On en discutera à la prochaine conférence des rabbins européens qui se tiendra en novembre à Munich. INTERROGATIONS Illustres fils et petits-fils de … Journalisme de troisième type OOO Imaginez la scène suivante : David Pujadas décide un jour de se présenter aux élections législatives et déclare ici et là que son projet est, en vérité, de devenir premier ministre, à la place de M.Fillon. Mais il continue en même temps à présenter soir après soir, avec le sérieux qui le caractérise, son excellent journal aux téléspectateurs. Interrogés sur ce mélange des genres - ô combien inadmissible dans une réelle démocratie - les responsables de France Télévision se refusent à tout commentaire. Quant à l'intéressé luimême, il déclare qu'il n'a rigoureusement rien à dire. C'est ce qui vient d'arriver en Israël où il n'est question dans le théâtre politique que de l'arrivée prochaine " aux affaires " de Yaïr Lapid, le populaire présentateur à la télévision de l'émission Oulpane Chichi (Le studio du vendredi). Yaïr est aussi le fils de celui qui fut un temps ministre de la justice de Sharon en même temps que la bête noire des milieux religieux dans le pays parce que, comme le petit père Combes en son temps, il bouffait à pleines dents et avec quelle jubilation, du rabbin matin et soir. Des journalistes interrogent les responsables de la chaîne qui répondent brièvement par un "no comment", comme le fait un peu plus tard le journaliste mis en cause : "J'ai le droit de garder le silence ". Et voilà où le bat blesse car c'est peut-être là une réponse que l'on peut éventuellement admettre quand il s'agit d'un membre de la mafia à la veille d'être traduit en justice. Pas d'un journaliste dont le rôle est justement de parler, d'expliquer et, le cas échéant, de se justifier. Imaginez encore Pujadas recevant à son journal le lundi Besancenot, le mardi Eva Joly, le mercredi Dieudonné, le jeudi Mélenchon et le vendredi Mme Le Pen et qui, interrogé sur ces choix, répondrait : "Cela ne regarde que moi !" OOO Pères et fils Et puisqu'on s'occupe ici des " fils de … ", évoquons le cas, lui aussi pour le moins étonnant, du petit-fils de celui qui fut tout à la fois un grand philosophe, professeur de biologie à l'université hébraïque de Jérusalem et l'enfant terrible, excessif, irritant et prophète de malheur à sa façon : Yeschahyahou Leibo- witz. Il avait certes, le premier, aux lendemains de la guerre des Six jours, vu les maux et les mille et un blocages dont la société israélienne aurait du mal à se remettre. Sa dénonciation obsessionnelle était cependant faite dans de tels termes - confinant parfois à l'injure et au scandale - que, même dans la synagogue à Jérusalem où ce juif orthodoxe priait tous les matins, on refusa de s'asseoir à ses côtés. Et même de le saluer. Son petit-fils Shammaï (un nom prédestiné ?), avocat, a décidé de quitter Israël et il s'est installé aux Etats-Unis où il vient d'être arrêté et condamné à de la prison. Il est accusé d'avoir divulgué dans un Blog des dossiers appartenant au FBI et auxquels il avait eu accès. Mettant ses pas dans ceux de son illustre grand-père, Shammaï parle notamment de Marwane Barghouti (emprisonné en Israël et qui a sur les mains le sang de nombreux citoyens ) comme d'un "combattant de la liberté". Il le compare à rien moins qu'au prophète Moïse. Excusez du peu ! Ce n'est pas pour rien que nos Sages ont dit jadis : "maassé avot, simane labbanim" (Les actes des pères sont un repère pour leurs fils). OOO Yaïr Lapid Cherchez la femme ! Selon notre confrère de Tel Aviv, Maariv ( 25 juin 2010), le Premier ministre Netanyahou se trouve, face à toutes les épreuves auxquelles il est confronté depuis quelques semaines, dans un état de profonde dépression. Des membres de la Commission des Affaires étrangères de la Knesset l'ont récemment comINFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 31 INTERROGATIONS paré à un boxeur qui aurait été mis KO. Chimon Pérès, le président de l'Etat, l'a invité à sa table deux soirs de suite dans l'espoir de lui faire entendre raison afin qu'il accepte de constituer un gouvernement de coalition dans lequel figureraient Tzipi Livni et sa formation Kadima., Or, à chacun des deux dîners, s'est trouvée présente Mme Netanyahou. C'est que Pérès n'ignore pas, paraîtil, que c'est elle qu'il s'agit de convaincre en tout premier lieu. Car même quand le Premier ministre est disposé à accepter les suggestions du président de l'Etat, sa femme s'y oppose de toutes ses forces, tant la haine qu'elle professe depuis des années à l'égard de Mme Livni est profonde. Cela pousse certains éditorialistes - et non des moindres - à considérer que le véritable chef du gouvernement n'est pas, comme on le croit, Binyamine mais Sarah. Et cela nous rappelle cette histoire qui fait partie du patrimoine de l'humour juif, dans laquelle l'employé timide d'une entreprise, encouragé par son épouse, demande à son chef une augmentation : - Ma femme voudrait que vous acceptiez d'augmenter mon salaire. Et le chef de l'entreprise de répondre : - Très bien, je vais demander à ma femme ce qu'elle en pense ! OOO Le salon où l'on complote La lecture du dossier que l'hebdomadaire Le Point consacre ( 1er juillet 2010 ) aux " enregistrements secrets de l'affaire Bettencourt " donne des envies de vomir. On a affaire là à une bande de requins et d'aigrefins, à un homme d'affaires véreux et à un notaire étrange. Les uns et les autres, cupides, ne songent qu'à tirer au maximum profit d'une fortune considérable qui paraît être à leur portée. 32 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 Et le plus curieux c'est que l'homme d'affaires en question qui ne songe qu'à obtenir comme "cadeau" de Mme Bettencourt l'argent qui lui est nécessaire pour acheter le bateau "de ses rêves", se permette lorsque le nom de John Elkann, l'héritier des Agnelli en Italie, surgit dans la conversation , de dire des juifs "qu'ils vont toujours là où il y a de l'argent". L'hôpital qui se moquerait de la charité ! J'ajoute qu'être ainsi injurié par un personnage aussi douteux ( et aussi médiocre malgré sa légion d'honneur ) constituerait plutôt un plaisir de fin gourmet. Un autre personnage de la sphère médiatique, Jean-Luc Godard, avait, il n'y a guère, prononcé à propos des juifs une formule identique. Décidément, les antisémites d'avant-hier, d'hier et ceux d'aujourd'hui, ne se renouvellent pas. Non seulement ils ont tout oublié mais ils n'ont rigoureusement rien appris. De plus, mis à part son crétinisme et son imbécillité, le personnage en question, a peu de mémoire et guère de culture. Il oublie les pages peu glorieuses du passé de L'Oréal : la connivence du fondateur avec l'extrême droite cagoularde, ses écrits antisémites ainsi que le boycott d'Israël. C'est que voyez-vous, Monsieur, chez ces gens-là, on ne pense pas ! On se contente de comploter. Izraël OOO Pourquoi reprocher aux journalistes de la presse parlée et télévisée de faire la faute alors que tant de rabbins français eux-mêmes n'hésitent pas souvent à prononcer Izraël plutôt qu' Israël ? On a parfois envie de leur dire : ça zuffit comme ça ! Combat de boxe OOO Beaucoup d'entre nous se souviennent sans doute qu'un éminent journaliste de la télévision avait naguère imaginé, au journal de 20 heures, de mettre face à face deux hommes politiques qui devaient débattre d'un problème d'actualité. Il avait, pour ce faire, eu recours à une sorte de symbole et avait préparé des gants de boxe ordinaires qu'il comptait bien remettre à chacun des deux débatteurs. L'initiative, comme on sait, ne plut que très modérément aux patrons de notre confrère . Lequel, sauf erreur, paya lourdement sa curieuse idée : quelques années de placard, comme on dit. Le journalisme consistant souvent à se répéter et à se copier par-delà les frontières et les langues, l'idée a été reprise ces jours-ci par le rédacteur en chef du quotidien Maariv qui plaça sur la couverture de son magazine des dessins représentant deux responsables israéliens du parti religieux Chass (M.Elie Yishaï et M.Arié Déry) s'apprêtant à un combat de boxe. Quand les journalistes se conduisent comme des enfants ! V.M La manchette de Maariv JUDAÏSME Election et persécution PAR ELIE BOTBOL Les persécutions infligées au peuple juif tout au long de l'histoire ont pu remettre en cause, d'une manière ou d'une autre, l'idée de son élection. C'était, d'ailleurs, l'objectif plus ou moins avoué de certains de ses adversaires. A usage interne ou pour répondre aux regards accusateurs de ses détracteurs, la tradition juive a dû se pencher sur ce problème religieux et politique. Les périodes historiques durant lesquelles cette question s'est L ’épreuve de la persécution du peuple juif a été abordée par le Talmud alors même que les plaies n’étaient pas encore cicatrisées. Nous avons choisi deux textes pour illustrer la manière avec laquelle le judaïsme a su y faire face sans sombrer dans le désespoir total, sans perdre la foi en son Dieu et sans devoir se résoudre, comme d’autres l’ont fait, à la tentation messianique. Car, comme l’affirme Maïmonide dans son Epître sur l’apostasie rédigée à l’intention de ses coreligionnaires du Maroc contraints par les Almohades d’embrasser l’islam (les premiers marranes de l’histoire), en 1162, il n’y a pas lieu de se résigner et à fonder son espoir en la venue du Messie. Ces deux textes expriment le sentiment d’abandon ressenti après la chute du premier puis du second Temple de Jérusalem et son intégration dans la conscience juive de l’époque sans le renier, y compris chez ceux-là mêmes qui furent directement traumatisés par ces épreuves. posée avec acuité ont été nombreuses. Mais les maîtres du judaïsme s'en ont emparé très tôt : dés la destruction du premier Temple de Jérusalem qui a eu lieu en 586 avant l'ère chrétienne. Cette catastrophe avait créé, en son temps, un électrochoc spirituel et politique de grande ampleur. Il fallait donc réagir dans l'urgence. Aussi, en l'abordant, le Talmud y met en œuvre toute sa sensibilité et toute son ingéniosité. sans cette crainte qu’Il inspire, comment un peuple aurait-il pu résister à tous les idolâtres ? (Yoma 69b) Ainsi, après la destruction du Temple, ni Jérémie ni Daniel n’ont repris dans leur prière l’ensemble des trois attributs divins cités pourtant par Moïse dans le Pentateuque. Le Talmud comprend qu’il ne s’agissait pas là d’un oubli, mais d’une volonté consciente d’affirmer l’impossibilité subjective de présenter le Dieu d’Israël avec tous ses attributs de gloire, alors que la réalité démentait toutes ces qualifications. Pour Jérémie, la destruction du Temple signait, certes, le retrait de Dieu car avant même sa destruction, ce lieu avait été profané spirituellement par le peuple. Comme le déclare le Talmud, “on a détruit un sanctuaire déjà détruit », c’est-à-dire qu’il a été vidé de son essence. Néanmoins, ce lieu gardait encore la mémoire de la Présence divine et les vestiges de l’édifice Jérémie vint et dit : Des idolâtres paradent dans son Sanctuaire, où sont donc Ses manifestations redoutables ? Et il ne dit pas ‘redoutable’ dans sa prière (mais seulement ‘le Dieu grand et puissant’ (Jérémie 32, 18). Vint Daniel et dit : Des idolâtres asservissent Ses enfants, où sont donc Ses prodiges ? Et il ne qualifia pas Dieu de ‘puissant’ dans sa prière (Daniel 9, 4). Vinrent, enfin, les hommes de la Grande Assemblée et déclarèrent : Au contraire! C’est là une manifestation de Sa puissance, du fait même qu’Il maîtrise Sa colère et Ses représailles vis-à-vis des mécréants. Car INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 33 JUDAÏSME qu’offraient la vision du Temple détruit et le drame humain des Judéens réduits à l’esclavage, le silence divin pouvait être interprété, non plus comme l’aveu d’une faiblesse, mais comme une maîtrise inégalable de Sa colère à l’encontre des tortionnaires de Son peuple. Sa mutité constitue donc, aux yeux de la Grande Assemblée, une facette de Sa puissance. Une représentation du Temple de Jérusalem renvoyaient à la trace de sa sainteté d’antan. Jérémie ne pouvait donc pas associer à Dieu la qualité de ‘redoutable’ devant le spectacle de sa profanation par les idolâtres qui y paradaient, sans se sentir démenti et décalé par rapport aux faits. De même, Daniel a fait partie des premiers captifs de l’élite judéenne que Nabuchodonosor a déportée en Babylonie. Il a pu assister, impuissant, au sort des déportés judéens qui y affluaient. Leur asservissement et leur nouveau statut d’esclaves devaient l’affliger. Ces juifs, même rejetés et abandonnés à leur sort Deux siècles après la destruction du premier Temple, les hommes de la Grande Assemblée ne pouvaient laisser les choses en l’état. La situation n’était plus la même. Sous l’empire perse, les juifs étaient, en effet, mieux traités. Mais aussi, le temps écoulé après la tragédie humaine et religieuse avait favorisé la cicatrisation des plaies. La Grande Assemblée reprend l’initiative et restitue l’intégralité de la formule mosaïque, notamment au début du rituel de la prière centrale de la ‘Amida. La première raison invoquée tient au fait même qu’Il maîtrise Sa colère et ses représailles vis-à-vis des mécréants. La L'humanisme, la tolérance, la vigilance aussi. L'apprentissage des sources de la religion et la volonté de demeure juif, obstinément, en diaspora, quel que soit le contexte de mon activité … par leur propre Dieu, incarnaient encore, aux yeux des nations, le peuple élu par le Dieu d’Israël. Leur incapacité à s’en sortir était interprétée comme l’impuissance de leur Dieu à les extraire de cette impasse. Aussi, Daniel se garda d’associer à Dieu l’attribut de ‘puissant’ qui tranchait trop avec la déchéance du peuple d’Israël. Pourtant, il siégeait aux premières loges du pouvoir babylonien en tant que conseiller dans la cour royale, mais il ne pouvait, en cette circonstance, manifester sa solidarité avec son peuple. 34 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 puissance de Dieu n’est pas perceptible uniquement dans les manifestations miraculeuses. Elle peut l’être également dans sa réserve volontaire. Aussi, comme l’interprète le Talmud, le verset qui glorifie Dieu pour ses miracles en Egypte en proclamant “Qui est donc comme Toi parmi les puissants, ô Yhvh ?” (Exode 15, 11) peut signifier, à la faveur d’une autre vocalisation du terme hébraïque élim (“puissants”), Qui est donc comme Toi parmi les muets (ilémim), ô Yhvh ? (Guitine 56b). Aussi, malgré la désolation De plus, à la différence de Daniel qui perçoit dans l’avilissement du peuple d’Israël en Babylonie un signe apparent d’impuissance divine, la Grande Assemblée déclare que sans cette crainte qu’Il inspire, comment un peuple aurait-il pu résister à tous les idolâtres ? La maltraitance qu’a subie Israël doit être relativisée et rapportée au destin qu’il aurait dû connaître sans la permanente bienveillance divine à son égard. En effet, alors que lui, le petit poucet de l’histoire, aurait dû disparaître, ce sont ses puissants bourreaux qui ont disparu et lui résiste et survit encore. Eux ont été emportés avec leurs empires respectifs et lui est resté porteur d’une âme et d’une culture toujours vivantes. D’ailleurs, ne nous y trompons pas, Jérémie lui-même avait pleine conscience de la dimension d’éternité d’Israël puisqu’il clame à qui veut bien l’entendre : “Et toi, n’aie pas peur mon serviteur Jacob, dit Yhvh, car Je suis avec toi, car J’exterminerai les peuples parmi lesquels je t’ai exilé et toi, Je ne t’exterminerai pas ; Je t’éduquerai par le jugement mais acquitter, Je ne t’acquitterai point” (Jérémie 46, 28). Aussi, Jérémie sait que le peuple d’Israël est assuré, contrairement à ses adversaires, de perdurer dans l’histoire. Cela ne l’a pas empêché d’être tétanisé par le drame de la destruction du Temple au point de ne pouvoir conférer à Dieu la qualité de ‘redoutable’ au faîte de la catastrophe. Ainsi, la Grande Assemblée a trouvé en elle une grandeur d’âme et suffisamment de ressources psychiques, non pas pour accepter l’abandon provisoire d’Israël par Dieu comme une fatalité méritée, mais pour y voir la preuve de son élection. Il n’y a pas de doute : Dieu est toujours de son côté comme le stipule le verset des Psaumes “Je suis avec lui dans le malheur” (91, 15), mais Il maîtrise Sa colère pour ne pas interférer avec l’histoire. La preuve, s’il en fallait une, plus concrète et plus convaincante : Israël est toujours là. Sa pérennité durant plus de trois millénaires constitue le signe de son élection. COMMUNAUTÉS L'Alsace et sa mémoire juive UN ENTRETIEN AVEC GILLES PUDLOWSKI Le critique littéraire Gilles Pudlowski publie aux éditions Plon, dans la désormais célèbre collection " Le dictionnaire amoureux … " celui qu'il consacre à l'Alsace. OOO I.J : Dans ce livre, vous rappelez que les premiers juifs sont arrivés en Alsace avec les Romains. Comment le sait-on ? Gilles Pudlowski : Ce sont d'abord des suppositions, des données de l'histoire. Jean Daltroff, dans sa "route du judaïsme en Alsace" (Images et Découvertes), explique que si " les Juifs arrivèrent dans la vallée du Rhin en même temps que les légions romaines", "les premiers témoignages de leur présence ne remontent qu'au IVe siècle, quand en 321, Constantin imposa aux juifs de Cologne de participer à l'administration de la ville ". On fait dater la constitution de communautés en Alsace, qui est alors terre germanique, aux allures de l'an mille. Mais on date d'avant leur présence avec, par exemple, les Dans ce livre de 750 pages, de nombreuses " entrées " sont réservées à l'histoire passée et présente du judaïsme alsacien. Nous avons rencontré Gilles Pudlowski. caractères hébraïques retrouvés sur les remparts gallo-romains de Neuwiller-les-Saverne, dans le Nord de l'Alsace, entre pays de Hanau et Vosges du Nord. On note, en tout cas, qu'une première synagogue est construite à Rouffach en 1290, qu'un une accusation de crime rituel. C'est qu'ils participent à la première expansion de la ville … I.J : On peut dire que leur passé n'a pas toujours été heureux. G.P : Je rappelle que, rendus L'humanisme, la tolérance, la vigilance aussi. L'apprentissage des sources de la religion et la volonté de demeure juif, obstinément, en diaspora, quel que soit le contexte de mon activité. cimetière leur est accordé près des remparts de Neuwiller-les-Saverne - où l'on a récemment retrouvé des caractères hébraïques - en 1260. A Haguenau, dès 1233, ils payent d'une forte amende (" seulement ") Gilles Pudlowski responsables de la grande peste, accusés d'avoir empoisonné les puits, les juifs de Strasbourg sont massacrés le 14 février 1359 et ceux qui en réchappent sont voués au bûcher. Ils connaissent le même sort à Colmar, Benfeld, Sélestat, Mulhouse, Lauterbourg ou Bergheim. Obtiennent un brin de clémence à Haguenau, Molsheim, Obernai, Soultz, où ils sont juste expulsés, après qu'on eut confisqué tous leurs biens. Ceux qui restent tentent un retour. Ainsi, Strasbourg rouvre ses portes aux juifs en 1362, avant les expulser à nouveau en 1388. Ils obtiennent le droit de venir en ville, faire leurs affaires, mais repartir en fin de journée. Chaque soir, le "Grüselhorn" - la trompe d'effroi -, sonnée depuis le haut de la cathédrale, leur enjoint de quitter la grande cité. A Riquewihr, le 6 juillet 1416, les juifs de la ville sont massacrés par les habitants qui trouvent cette solution pratique pour ne pas rembourser ses dettes. Ils en seront expulsés en 1420. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 35 COMMUNAUTÉS I.J : Et cependant chaque village tenait à "ses" juifs. G.P : Oui, protégés par les seigneurs de Hanau-Lichtenberg, les juifs affirment leur présence entre Bouxwiller et Ingwiller (où la synagogue trône toujours en centreville avec son dôme bleu). Ils ne peuvent posséder des terres, mais occupent des rôles de service. Ils sont marchands de meubles ou de bestiaux, bouchers, charcutiers, colporteurs. Pratiquent l'usure, rendent service aux paysans. Mais sont ainsi sujets de leur haine, jouant, pour les enfants, le rôle de croque-mitaine. citoyenneté française à la Révolution, bénéficient du Concordat, qui fait obligation à la à Colmar, de Bergheim à SaintLouis. Je relève encore que la grande synagogue de Strasbourg du Je n'oublie pas mes racines, mon passé, mon histoire. C'est le souvenir d'enfance que je poursuis depuis " Le Devoir de Français " puissance publique de rémunérer les prêtres (pasteurs, curés, rabbins). Le décret l'instituant datant de 1831 sous Louis-Philippe. Ce privilège demeure avec l'annexion de l'Alsace quai Kléber, détruite par les Nazis, avait des allures de cathédrale. Elle date de 1898. Signe que l'Empire allemand n'était pas hostile au développement du judaïsme, loin de " Si tu n'es pas sage, le juif viendra t'emmener ", disent souvent les parents pour tenir tranquille leur progéniture. Ou encore : " si tu n'es pas sage, les Juifs t'enfermeront dans leur shule et tu ne reverras plus jamais ton papa et ta maman ". Rapportant ces anecdotes et ces légendes, Gilbert Weil, qui veille en père protecteur sur la synagogue de Bouxwiller transformée en vivant musée du judaïsme d'Alsace, n'oublie pas de dire que ses parents étaient bien aimés dans leur bourg et que chaque village tenait à " ses juifs ". D'où cette historiette exemplaire, qu'il conte avec drôlerie et émotion et que je reprends volontiers : " Je devais avoir sept ans. J'allais à la shule avec mon père, lorsqu'un solide gaillard, éméché - voire plus nous barre la route. Il pointe un doigt accusateur sur mon père : " Ehr hann unsere Hergott umgebrocht ! " (C'est vous qui avez tué notre Seigneur Dieu !). Mon père le regarde droit dans les yeux et lui répond aussi sec: " Nous, certainement pas ! Peut-être ceux d'Ingwiller ! " Le soûlard fut pris d'un doute - et nous laissa passer. Ainsi unseri Jodde, " nos Juifs " sont la bonne conscience des Chrétiens : " Nous les aimons bien ; voyez comme nous avons l'esprit large " (Regards sur la Culture JudéoAlsacienne, des identités en partage, la Nuée Bleue, 2001). I.J : Qu'est-ce qui explique que le 19ème siècle ait été "l'âge d'or pour la construction de synagogues en Alsace" ? G.P : Les Juifs, qui ont reçu la 36 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 La grande synagogue de la Paix à Strasbourg par la Prusse, après la guerre de 1870/71. En 1808, les décrets napoléoniens mettent en place un système centralisé, avec les Consistoires. Ce qui permet au culte de ses développer et de hâter le développement de la plupart des synagogues, notamment tous ces édifices ruraux qui constituent un patrimoine immense. J'en cite beaucoup tout au long de mon livre, d'Ingwiller à Saverne, de Westhoffen là. De nombreux juifs allemands sont d'ailleurs venus s'installer en Alsace, alors que d'autres (comme la famille d'André Maurois qui avait transplanté sa filature de Bischwiller à Elboeuf ou celle du futur capitaine Dreyfus à Mulhouse) avaient rejoint la France " de l'intérieur " après l'annexion de 1871. On note aussi que sous l'influence de la bourgeoisie juive de Strasbourg se créent des écoles de travail israélite (depuis l'ORT) à COMMUNAUTÉS Strasbourg et Mulhouse, sans oublier la clinique Adassa en 1886. I.J : Dans ce voyage en Alsace, vous évoquez Westhoffen dont vous dites qu'à sa manière sensible c'était "une petite Jérusalem". G.P : Ce gros bourg de 1600 habitants, sur la route des vins, côté Nord, possède une synagogue de 1867 et un cimetière juif, au bout du village, non loin de la rue Léon Blum et celle des rabbins Gugenheim. Ce dernier abrite les tombes des juifs du judaïsme alsacien et un grand fournisseur de rabbins dans toute la France (Simon Debré, le fut à Neuilly-sur-Seine et à Sedan, Jules Bauer sera directeur de l'école rabbinique à Paris). I.J : Vous rappelez avoir eu comme professeurs à Strasbourg Benno Gross, Armand Abécassis et André Neher. Qu'avez-vous retenu aujourd'hui de leur enseignement ? G.P : L'humanisme, la tolérance, la vigilance aussi. L'apprentissage des Avec ce " Dictionnaire Amoureux de l'Alsace ", où j'évoque aussi les figures d'Alfred Dreyfus, Alphonse Lévy et Albert Kahn, je continue de payer tribut aux origines. d'ici, comme la famille de Léon Blum, et celle des Debré, dont Simon, père de Robert, fondateur de la pédiatrie moderne, grand-père de Michel, premier ministre du Général de Gaulle et rédacteur de la constitution de la Ve République), avec leurs voisins de Balbronn, ou de Traenheim, comme celle du vénéré rabbin Feissel Kahn, révéré à l'égal d'un saint mystique à la fin du XIXe siècle, jusqu'au début des années 20. Westhoffen fut le berceau sources de la religion et la volonté de demeure juif, obstinément, en diaspora, quel que soit le contexte de mon activité. I.J : Parmi les écrivains auxquels vous rendez hommage, il y a Claude Vigée, de son vrai nom Claude Strauss parce que, dites-vous, " nul mieux que lui n'a chanté avec autant de grâce et de force le judaïsme alsacien ". G.P : Son "Panier de houblon" est une sorte de "Cheval d'Orgueil" judéoalsacien. Claude Vigée (né Strauss à Bischwiller) conte ses racines paysannes, son grand-père négociant en houblon à Seebach dresse le portrait d'une Alsace d'autrefois dont le souvenir le fait toujours vivre, même au long de ses exils aux USA ou en Israël. Il rappelle que l'Alsace fut aussi une terre promise, le pays où coule le lait et le miel. Et il le raconte avec humour et, bien sûr, poésie. I.J : Vous écrivez "Je suis celui qui n'oublie pas !". Qu'est-ce que vous n'oubliez pas ? G.P : Je n'oublie pas mes racines, mon passé, mon histoire. C'est le souvenir d'enfance que je poursuis depuis "Le Devoir de Français" (Flammarion, 1984). J'y racontais alors comment un jeune juif de l'Est de la France peut devenir un Français exemplaire, puis avec "l'Amour du Pays" (Flammarion, 1986) et "les Chemins de la Douce France" (Plon 1996), celui qui juge la cuisine des goys, l'andouillette et la tête de veau, le homard et la quenelle ! Mais je reste toujours ce "petit juif de Metz" dont la grand-mère, née à Lemberg au temps de l'Empire austrohongrois, s'étonnait qu'il ne parle pas yiddish à Paris. Avec ce "Dictionnaire Amoureux de l'Alsace", où j'évoque aussi les figures d'Alfred Dreyfus, Alphonse Lévy et Albert Kahn, je continue de payer tribut aux origines. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 37 LIVRES Les services secrets et la Shoah Q ui a su quoi et quand de la shoah en train d'être commise à l'Est de L'Europe ? Et qui a fait quoi pour tenter d'enrayer le génocide ? Et avec quels résultats ? A juste titre, ces questions n'ont cessé de mobiliser les curiosités et les tentatives d'y répondre ont produit d'innombrables travaux d'historiens et d'essayistes. On sait aujourd'hui que tous savaient tout et que ce savoir n'a produit qu'un minimum de réactions. La problématique en question a reçu un nouvel éclairage grâce aux travaux d'un colloque récent de l'Université de New York, paraissant en France sous le titre Les services secrets et la shoah (1). La question du " qui-quoi-quand ", en réalité, ne se posait pas du tout, et dès le commencement. Les Alliés avaient réussi à intercepter et décoder la quasi-totalité des communications secrètes de l'armée et de la police allemandes. Encodés sur les machines " Enigma ", les chiffres exacts des Juifs assassinés, la moindre péripétie de l'acheminement des "trains de la mort" parvenaient dans les bureaux des services secrets anglais en même temps qu'à Berlin. Un " détail " de l'histoire Le plus accablant pour les démocraties, c'est que leur parfaite connaissance des faits est restée délibérément inexploitée. Un haut fonctionnaire de Département d'Etat des Etats-Unis a ainsi exprimé cette surdité volontaire : " Que le nombre de morts s'élève à des dizaines de milliers ou à des millions ne constitue pas le problème principal. Notre objectif principal est de gagner la guerre et les autres considérations doivent y être subordonnées". Ainsi, la shoah n'était pas l'une des priorités principales des services de renseignement. Elle occupait une place tout à fait secondaire dans la priorité des cibles des écoutes et décodages, principalement axés sur les problèmes militaires. La connaissance des faits n'incita nullement les Alliés à modifier leur 38 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 PAR PAUL GINIEWSKI politique d'immigration en faveur des rares rescapés des camps. Le livre introduit dans les coulisses du travail de cueillette, de tri et de l'exploitation des renseignements. Et nous fournit des données peu connues ou inédites sur certains points. Notamment sur la coopération des services secrets du yichouv -les juifs de Palestine avant l'indépendance d'Israëlavec les Alliés et sur leurs opérations conjointes en Allemagne et dans les territoires occupés. " Des milliers d'immigrants juifs en Palestine étaient originaires d'Asie, du Moyen-Orient et de pays européens ? Ils parlaient couramment les langues et connaissaient parfaitement les coutumes locales et le terrain, les villes et les villages de leur pays d'origine. Le yichouv pouvait également fournir aux Alliés tout un réseau de cellules locales (notamment) les branches de mouvements de jeunesse juifs et leurs principales activistes ". Nous apprenons quelques détails sur la rencontre de novembre 1941 entre Hitler et le mufti de Jérusalem. Ce fut l'occasion presque unique d'une formulation explicite par le Führer de son objectif principal : la Vernichtung, la destruction de tous les Juifs du monde, un terme qu'il n'avait utilisé que lors de sa fameuse prophétie du 30 janvier 1939 : " Si les Juifs parvenaient à nouveau à précipiter l'Europe dans la guerre, alors le résultat ne serait pas la destruction du peuple allemand mais l'annihilation de la race juive ". Le peuple des exterminateurs. Grâce aux décodages précoces des Alliés, ce peuple allemand, qui a tant argué qu'il " ne savait pas ", apparaît comme pleinement complice du crime nazi. " la plupart ne remettaient pas en question les arguments invoqués par les nazis, à savoir que les Juifs d'Europe étaient responsables des maux du continent depuis 1789, qu'ils complotaient depuis toujours avec les Juifs d'Amérique, que l'Europe devait être débarrassée des Juifs pour le bien de l'humanité ". Pragmatiquement, les Allemands pensaient " qu'il était stupide de tuer les Juifs trop tôt, avant que la victoire ne soit assurée. On aurait dû faire travailler (les Juifs) avec du matériel de guerre dangereux. Alors la plupart d'entre eux auraient été tués au travail, et ceux qui auraient survécu auraient pu être assassinés après la victoire ". Certes, l'Allemagne n'a pas gagné la guerre. Et les autorités allemandes ont à peu près fait ce que l'homme du peuple préconisait. Mais l'hitlérisme a presque gagné sa guerre contre les Juifs. Et elle se continue aujourd'hui. L'idée et la pratique de l'extermination des Juifs sont reprises par de nouveaux exterminateurs : les djihadistes. La victoire des nazis hier et des nouveaux nazis islamistes apparaît aussi évidente en 2010 qu'elle est apparue en 1945. (1) Les services secrets et la shoah , sous la direction de David Bankier, Nouveau monde éditions, 24 rue des Grands Augustins, 75006 Paris, 2007, 478 p, 26 E. LIVRES EN BREF Ah ! Si j'étais goy par Catherine Fuhg Ce qu'il y a de meilleur dans ce roman c'est son titre. C'est en vérité à cause de lui qu'on se procure le livre. Parce qu'une fois que vous en commencez la lecture, bof ! Les dialogues s'étirent sur plus de deux cents pages. Bavardage inutile ! Jactance sans intérêt ! Une fois que vous arrivez au bout, vous vous dites comme si vous veniez d'assister à un match de feue l'équipe de Domenech au Mondial : heureusement, c'est la fin ! Parce que cela aurait pu durer six ou sept cents pages. L'éditeur affirme péremptoirement, dans la quatrième de couverture, qu'il s'agit là d'une comédie de moeurs " qui évoque avec drôlerie les problèmes d'identité et de retour aux sources ". La drôlerie, on vous le jure, a dû rester dans les tiroirs de l'auteur. Quant aux problèmes d'identité, on parie que Mme Fuhg n'a jamais été confrontée, de près ou de loin, aux vrais problèmes qui se posent dans une famille quand des enfants décident, contre la volonté de leur mère, de faire retour à la tradition de leur peuple. (Editions Plon 18,50 ) Cahiers d'études lévinasiennes Le numéro 9 de ces cahiers - fondés en 2000 à Jérusalem par Alain Finkielkraut, Benny Lévy et BernardHenri Lévy ) vient de paraître ( 460 pages 28 euros ). Il est consacré au thème " Philosopher ? ". Dans le texte de présentation qu'ils ont donné à cette livraison, Gilles Hanus et Carine Brenner se demandent notamment s'il faut traduire, conformément au souhait de Levinas, le sensé biblique dans le langage de la philosophie. On trouvera dans ce numéro des Cahiers un texte écrit en 1935 sur " l'actualité de Maïmonide ", et dans lequel Emmanuel Levinas parle du philosophe de Cordoue comme "d'un hardi ouvrier de la réconciliation d'Aristote et de la Bible ".Il dit entre autres que Maïmonide " apporte à l'examen des textes sacrés plus de prudence que d'extase, plus de logique que d'enthousiasme, plus de grammaire que de mystique ". On trouve également dans cette livraison de la revue un texte de Yehuda Rück sur " la rationalité en question, selon le Maharal de Prague" et un autre d'Eli Schonfeld sur "Philosophie et Savoir juif ". Nice la juive par Jacques Durin Proviseur et docteur ès lettres, l'auteur avait publié en 1982, pour ses élèves lepremier album photographique relatant l'histoire du camp de Drancy. Dans ce livre c'est " une ville française sous l'occupation " qui nous est contée. Bouleversée par ce à quoi elle assiste et qu'elle considère comme " un crime ", Louise prend l'initiative d'adresser une lettre à Philippe Pétain, Maréchal de France, chef de l'Etat français. Natif lui aussi de Nice, Julien retrouve dans les archives du Commissariat général aux questions juives cette lettre expédiée à Vichy le 1er septembre 1942, " l'année du crime ". Julien fait ici le récit historique de la course à la mort des juifs à Nice " saisis ici et là comme du gibier que l'on traque, que l'on s'achète et que l'on revend". (Editions de l'Harmattan 14 E 50) Nazisme et Shoah par Jean-Gérard Bursztein Psychanalyste, l'auteur " confronté aux philosophes qui banalisent le nazisme et son expression comme Shoah en posant la thèse fausse qu'il n'existerait que des degrés dans le mal", veut réaffirmer ici, dit-il la thèse de l'existence d'un absolu pervers dans le mal. Un Mal qui, selon M.Bursztein " génère ce que la Bible hébraïque appelle la haine gratuite, sinat hinam, haine portée de génération en génération à l'encontre du Nom du Père ". En même temps que ce livre, l'auteur qui est également chargé de conférences à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, sort chez le même éditeur un ouvrage intitulé "Expérience hébraïque antique du salut et psychanalyse. Sur Yonah/Jonas " ( Editions Hermann. Respectivement 23 euros et 17 euros) M.M Précision En rendant compte, dans la dernière livraison du journal, de l'excellent ouvrage de Mme Catherine David, " Les violons sur le moi " (Editions Denoël), nous avons commis une regrettable erreur en publiant, pour illustrer cet article, une photo qui n'est pas celle de l'auteur mais d'une homonyme. Nous publions ci-dessous, en présentant toutes nos plates excuses à l'auteur, la photographie de Mme Catherine David. Rappelons ce qu'écrivait en substance l'un de nos collaborateurs à propos de cet ouvrage : " Un petit livre délicieux dont on devrait recommander la lecture, toute affaire cessante, à tous ceux qui, autour de nous, ont pour eux-mêmes un amour immodéré, ont envie de briller et ont le souci d'épater la galerie ". INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 39 ARTS L'exposition Alain Kleinmann à Perpignan PAR MAURICE ARAMA H yacinthe Rigaud (1659-1743) accueille à Perpignan, dans le musée que sa bonne ville consacre à sa gloire, Alain Kleinmann. L'immense peintre qui, à Versailles, a fait escorte au roi Soleil va, cet été, cheminer aux côtés des ombres dont Kleinmann cultive la mémoire. Un univers composite qui aime les cartons ondulés, les pâtes brunes, les coulées généreuses de sépias, des tonalités qui rencontrent parfois un rouge incertain appelé à réveiller le sombre de l'illustration. Sous ce climat, sourd "le silence de Dieu" autour duquel se réunissent des témoins signifiés par des objets ordinaires. Un magma de vestiges estompés où des visages inertes et des silhouettes décharnées accrochent les déchirures de leur vie aux boursouflures de la matière peinte. Kleinmann préside à ce destin funèbre des choses qui subissent sous sa brosse des mutations subtiles. Sa palette aime les tons calcinés, et leurs épousailles s'enfoncent dans des lieux sans âmes, grimpent des marches incertaines, piétinent devant des portails, des escaliers, errent dans des parcs déserts, des enfilades de couloirs devant des boîtes à lettres cédées à la rouille. La poussière règne. Elle recouvre les sols, les meubles, les livres et, dans de vieux encadrements, les sourires fauchés par la horde impie. Kleinmann rattrape "cet instant encore " par le bout de son suaire. Il y coule des strates et des matières "qui donnent la légitimité et le relief de l'Histoire ", comme l'écrit Marie Costa, directrice de la Culture de la ville de Perpignan dans la préface du catalogue de cette exposition. Carrioles bringuebalant dans la brume grise et ocre, shtettls lointains, cimetières que nul ne visitera plus. Ce trop de 40 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 mémoire remis sans cesse en lumière agace l'Histoire - la grande - désireuse d'oublier jusqu'à sa géographie et cette Mitteleuropa aimée qui brutalement a vomi ses enfants. L'image sollicite chez Kleinmann la troisième dimension. Dans une matière fortement maçonnée s'installent alors comme elle le fait toute mémoire, la vérité navigue entre son "passé décomposé" et son "présent d'intimité". L'archéologie intime de Kleinmann est façonnée par son histoire et son monde, terre de nostalgie. L'artiste maraude et collecte la chair de son œuvre, des photographies d'enfants, de L'artiste maraude et collecte la chair de son œuvre, des photographies d'enfants, de parents, de rabbins. porteurs de stigmates et qui brûlent toujours. des labyrinthes de vie, des signes énigmatiques, des écritures suspendues tracées avec gourmandise et des graphies aux couleurs de "sang séché" qui courent sur la toile. L'alchimie se sustente encore de vieux grimoires, de papiers lacérés, mâchés, de photos chinées aux quatre coins du monde. Des pièces auxquelles Kleinmann impose une nouvelle identité afin que, et parents, de rabbins … porteurs de stigmates et qui brûlent toujours. Ce chemin croise d'autres objets abandonnés. Retirés de décharges, les vieilles machines à écrire ou à coudre, les landaus, les souliers, les clés sans serrures et les valises sans propriétaires. prolongent les récits que Kleinmann raconte. Ces objets rencontrés dans sa marche seront ses témoins à la barre du tribunal graphique qui, au nom des peuples abandonnés, interrogent les secrets desseins de Dieu. Prodigieux pouvoir que celui de l'artiste qui relie les méandres du destin et les mondes en perdition et qui donne voix aux messages perdus dans des cieux oubliés. Il faut maintenir à flot les vérités du monde, et la poésie intime de Kleinmann les chante avec des petits riens. A Versailles aussi, Hyacinthe Rigaud faisait de même sous le roi soleil. Mais lui devait privilégier dans ses décors, la soie, les brocarts, les ors et l'hermine. -(Exposition Alain Kleinmann, du 29 juin au 3 octobre 2010. Musée des Beaux-Arts, Hyacinthe Rigaud Perpignan) CINÉMA La censure insensée d'une romance israélienne P ersonne n’attendait d’AnneMarie Faucon, la cofondatrice du réseau de distribution Utopia qu’elle agisse en vrai censeur et décide de déprogrammer à quelques jours de sa sortie, le premier film du jeune réalisateur israélien Leonid Prudovsky, A 5 heures de Paris, pourtant présenté par Utopia comme une “jolie comédie douce-amère” ! Et pourtant, c’est au moment du bouclage de l’édition de juin de la gazette d’Utopia, et juste après que la flotille turque qualifiée d’humanitaire ait subi un assaut de l’armée israélienne au large des côtes de Gaza, que le plus important réseau d’art et essai français a fait savoir qu’il prenait la décision de ne pas projeter ledit opus en jugeant déplacé «pour des raisons morales”, et en tant que “citoyen”, d’écrire dans ce contexte “des choses douces et légères sur un film qui donne une si paisible image d’Israël”. PAR ELIE KORCHIA décision en affirmant haut et fort qu’il était “à la fois absurde, injuste et contreproductif de s’en prendre à des créateurs pour vouloir condamner l’action d’un gouvernement”. Quelques jours plus tard, et suite au tollé provoqué par son initiative, Utopia reconnaissait du bout des lèvres avoir agi maladroitement, en essayant de se retrancher derrière “l’urgence” de la situation, continuant toutefois à faire part de son “incertitude” quant au bien fondé de son action mais promettant de reprogrammer le film “ultérieurement”. Ainsi, après que le Ministre de la Culture ait pu faire part “de son incompréhension et de sa désapprobation à l’égard de cette décision ( …) d’autant plus navrante et incompréhensible que le nouveau cinéma israélien a toujours posé un regard lucide et critique sur le conflit israélo-palestinien”, le Maire de Paris a officiellement demandé au programmateur de revenir sur sa Il n’en demeure pas moins que ce premier film à la fois sensible, drôle et mélancolique, revêt un côté universel qui est particulièrement touchant et ne saurait déplaire à tout amateur de cinéma français, tant la construction du scénario et la finesse de son interprétation apporte un vent de nouveauté dans ce que l’on connaît habituellement du cinéma israélien, bien plus habitué à des thèmes sociaux ou politiques. En effet, en enchaînant des petites séquences à la fois délicates et subtiles, emplies d’émotion et de pudeur dans la description des sentiments, Prudovsky réussit à faire d’un chauffeur de taxi loser et d’une bouleversante concertiste ratée un couple comme nous n’en avions jamais vu dans le cinéma israélien, et qui n’est pas sans nous faire rappeler (sans bien sûr la même beauté visuelle) le magique Lost in Translation de Sofia Coppola, avec Bill Murray et Scarlett Johansson Comme si par ce “geste symbolique”, revendiqué par Utopia, il devenait légitime de déprogrammer un film parce qu’israélien et comme si condamner Israël par un tel boycott revenait désormais à accomplir un devoir citoyen ! Bien évidemment, et fort heureusement, les critiques ont afflué de toutes parts suite à cette insensée censure et les condamnations n’ont point tardé, chacun comprenant bien qu’une ligne jaune venait d’être dangereusement franchie. d’Utopia, nous n’aurions pas forcément chroniqué cette jolie fable romantique, qui ne marquera pas nécessairement de son empreinte l’année 2010, à l’inverse du nouveau film de l’inégalable Mathieu Amalric, Tournée, ou de celui très attendu de Christopher Nolan, Inception, avec Leonardo DiCaprio dans le rôle principal. Autant dire que pour son premier long métrage, finalement sorti dans 80 salles en France, Leonid Prudovsky, jeune cinéaste de 32 ans, aura bénéficié d’un battage médiatique assez incroyable et d’un coup de publicité aussi inattendu qu’inespéré, bien loin de ce que l’on pouvait imaginer pour une comédie dramatique qui dépeint en toute intimité la relation amoureuse et contrariée entre Yigal, un chauffeur de taxi divorcé et Lina, la séduisante professeur de chorale de son fils. Reconnaissons d’ailleurs que si ce film n’avait pas fait l’objet du boycott On ne vous en dira donc pas davantage sur ce dilemme amoureux et cornélien, où la passion des protagonistes le dispute au renoncement affectif et social, subtilement mis en exergue, et l’on conclura sur les belles performances de la comédienne Héléna Yaralova (précédemment vue dans Kedma, d’Amos Gitai) et de Dror Keren, vedette comique en Israël, qui donne au personnage de Yigal une profondeur dramatique et mélancolique rare, trois ans après avoir été remarqué dans Les méduses d’Etgar Keret et Shira Geffen. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010 41 VERBATIM ALAIN FINKIELKRAUT. ALEXANDRE ADLER. " Je crois que le moment où Auschwitz sera boycotté comme un produit israélien peut arriver " Historien : Philosophe : JEAN-FRANÇOIS KAHN. Journaliste : " Aujourd'hui comme au seizième siècle avec la Pléiade, ou comme au 17ème avec Malherbe, il faut faire une révolution du langage. La presse doit inventer une nouvelle langue correspondant à la sensibilité d'une jeunesse elle-même façonnée par les nouvelles technologies " ODON VALLET. Spécialiste des religions : " La violence dans l'islam est portée par une minorité et liée à l'exploitation religieuse de la pauvreté et de l'ignorance " ABDELKADER BELKHADEM. Secrétaire général du FLN : " L'Algérie n'est pas concernée par " J'ai une très bonne mémoire des noms et des lieux et d'une manière générale pour tout ce qui concerne l'histoire et la géographie … Je m'aperçois aujourd'hui que mon intérêt pour ces matières vient de ce que j'essayais désespérément de comprendre mes origines " l'Union pour la Méditerranée ( UPM) si l'objectif de ses initiateurs est d'en faire un tremplin pour normaliser les relations avec Israël " YVAN RIOUFOL. Chroniqueur : " La cause palestinienne mérite mieux que ces religieux fanatiques, ces humanitaires violents, ces antisémites à peine dissimulés. . La gauche laïque et républicaine se déshonore Quand CARNET Distinction OOO Le Ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a remis, lundi 12 Juillet, les insignes de Chevalier dans l'Ordre de la Légion d'Honneur à M. Sammy Gozlan, vice-Président du Consistoire de Paris et Président du BNVCA. La cérémonie s'est déroulée Place Bauveau en présence notamment du Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, du Grand Rabbin de Paris, David Messas, du Président du Consistoire, Joël Mergui, du Président du CRIF, Richard Prasquier, et de nombreuses personnalités politiques et communautaires. Nous adressons nos chaleureuses félicitations au récipiendaire. elle se mêle à ceux qui méprisent ses valeurs " DALIL BOUBAKEUR. Recteur de la Grande Mosquée de Paris : " Le risque de dérapage avec des imams autoproclamés est grand. Ils peuvent tenir des discours démagogues. Indépendamment des permis de séjour, il faudrait donc instaurer un permis d'exercer " OOO M. Michel Le Goc, grand officier de l'Ordre national du Mérite, a remis, le 28 juin dernier, à notre amie Mme Mireille Hadas Lebel, professeur à la Sorbonne, les insignes d'officier de l'ordre du mérite. Nous lui présentons toutes nos félicitations. Mariage OOO M. David Lévy, le petit-fils de nos amis Mme et M. David Franco a convolé en justes noces avec Mlle Laetitia Rebboah. La bénédiction nuptiale a été donnée au jeune couple le dimanche 29 juin en la synagogue des Tournelles. Nous présentons aux jeunes époux et à leurs familles un très sincère mazal tov. Nécrologie OOO Nous avons appris avec tristesse le décès de Mme Hélène Danan, la fille de notre ami le grand rabbin René-Samuél Sirat. Ses obsèques se sont déroulées le lundi 28 juin au cimetière de Thiais. Nous présentons à sa famille nos très sincères condoléances. OOO Nous avons appris avec peine le décès, survenu à Paris le 3 juillet de Mme Maryse Seroussi. Elle était âgée de 43 ans. Elle était la fille de nos amis Colette et David Serfaty, ancien directeur de l'Ecole normale israélite orientale. Ses obsèques ont eu lieu le mercredi 7 juillet au cimetière Montparnasse. A ses parents, à son mari Frédéric et à ses enfants Livia, Elise et Vincent, Information juive présente ses sincères condoléances. 42 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2010
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