Guetteur

Transcription

Guetteur
LE GUETTEUR WALLON
ARCHIVES
Société Royale
«Sambre et Meuse»
Association sans but lucratif
Le
Guetteur
Wallon
REVUE TRIMESTRIELLE
60me année
Le n° - 150 frs
1984 - N° 2
LE GUETTEUR WALLON
Organe de la Société Royale
Sambre et Meuse
(A. S. B. L.)
IN MEMORIAM
Fernand DANHAIVE
Joseph CHOT
Chanoine Evariste HAYOT
Abbé René BLOUARD
Emile DAVE
Joseph ROLAND
Félix ROUSSEAU
HAUT PATRONAGE
M. Emile LACROIX, Gouverneur de la Province de Namur.
M. Robert GRUSLIN, Gouverneur honoraire de la Province de Namur.
Monseigneur R. MATH EN, Evêque de Namur.
COMITE D'HONNEUR
Monseigneur Philippe DELHAYE, Protor.otaire apostolique, Professeur émérite à la Faculté
de Théologie de Louvain-la-Neuve, Membre de l'Académie Royale de Belgique.
MM. Ernest MONTELLIER et Georges TURC.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
Président : M. Jean BAUDHUIN, Directeur de la revue « Le Guetteur wallon »,
55, rue Melchior, 5002 Saint-Servais - Tél. 22.13.52.
Vice-Présidents : Mmc Françoise JACQUET-LADRIER et M. François JACQUES.
Secrétaire : MeUe Marie-Louise DAMOISEAU, 129, chaussée de Louvain, 5000 Namur
Tél. 22.26.13.
Secrétaire-adjoint : Mme Anne JONARD-TILMANT.
Trésorier : M. François LEMPEREUR, 60, rue de la Pépinière, 5000 Namur - Tél. 22.31.20.
Membres : M™ A. CANIVET, M»* M.-Cl. OFFERMANS, MM. J. BOVESSE, A.
DULIERE, J. FICHEFET, L. LEONARD, R.P. Daniel MISONNE, E. TONET, J.
WILLEMART.
Cotisation ordinaire : 450 frs.
Cotisation de soutien : 550 frs.
Cotisation de membre protecteur : 1000 frs.
C.C.P. 000-0505262-86 au nom de Sambre et Meuse - Le Guetteur Wallon, 5000 Namur.
SOMMAIRE
A. Monin
UN ETRANGE PROCES CRIMINEL
A ALLE-SUR-SEMOIS EN 1660
61
A. Dulière
:
RENDEZ-VOUS SECRET AVEC BLANCHE DE NAMUR
77
J. Willemart
:
CROIX D'OCCIS (suite)
80
J. Herbillon
:
NOTES DE TOPONYMIE NAMUROISE
82
J. Evariste
:
LISTE DES PHILIPPEVILLAINS
AYANT SERVI SOUS L'EMPIRE (suite)
85
COMPTE RENDU
88
ASSEMBLEE GENERALE DU 11 FEVRIER 1984
89
UN ETRANGE PROCES CRIMINEL
À ALLE-SUR-SEMOIS EN 1660
Dans son ouvrage paru en 1914 et devenu classique, L'Ardenne méri
dionale belge, le Docteur Delogne publiait les pièces du procès intenté à
Sugny, en 1657, à charge de femmes accusées de sorcellerie. Selon le rap
port de Delogne, sept malheureuses furent étranglées et leurs corps brûlés.
Il est vrai que Sugny était réputé pour les danses diaboliques et sabbats qui
se tenaient dans ses environs, soit au Soffa, soit au Château de la Roche.
Le procès qui se tint à Aile trois ans plus tard, en août 1660, n'a rien à
voir avec la sorcellerie : ni sabbats, ni rapports avec le diable, même pas de
sorts jetés contre tel ou tel, pas de tortures pendant l'instruction, les aveux
sont spontanés. Il s'agit d'un procès de mœurs assez spécial mais qui se ter
minera par une sentence aussi infamante et impitoyable qu'un procès de
sorcellerie: la strangulation et le feu.
Or de quoi s'agit-il? D'une affaire d'adultère doublé d'inceste dont
sont coupables un père et sa fille : le père, Jean Gibou, âgé de 70 ans, quitte
le lit conjugal où sa femme est malade et rejoint sa fille Marguerite âgée de
40 ans ! Le fait se répétera après la mort de la mère, un enfant naîtra.
Au cours des interrogatoires, les juges ne s'en tiendront pas à l'affaire
de mœurs mais se permettront une intrusion dans le domaine spirituel en
demandant aux accusés s'ils ont confessé leur péché; le fait que les coupa
bles aient communié sans confession leur permettra d'ajouter à l'adultère
et à l'inceste un troisième crime: celui de sacrilège!
Voilà quant au fond. Mais la procédure présente aussi un caractère
spécial et, pour comprendre le déroulement du procès, il convient de rappe
ler le statut particulier d'Aile.
1. Aile était affranchi à la Loi de Beaumont. En conséquence, les
bourgeois élisaient chaque année, à la Pentecôte, les mayeur et échevins qui
allaient, pendant un an, les administrer et constituer «la justice».
2. Par l'accord de 1235 entre Jean d'Eppes, évêque de Liège-Duc de
Bouillon, et Baudouin, seigneur d'Orchimont, le village d'Aile était devenu
indivis entre Bouillon et Orchimont et les décisions relatives à Aile devaient
être prises de commun accord par les deux seigneurs.
3. En vertu de cet accord, la haute justice d'Aile relevait collective
ment de Bouillon et d'Orchimont ; la procédure est ainsi exposée dans un
record de la Justice d'Aile du let juillet 1576:
« ...ceulx d'Aile en faict de recharge et appel ne sortent poin des limi
tes de lad. Segnorie d'Aile et n'a la justice d'Aile aucune autorité de pou
voir juger sur leurs noms mais, après que le recours et cause sont fournie et
conclue, deux des hommes jugeant de la Souveraine Court de Bouillon ou
plus se trouvent ou doibvent trouver en dit lieu d'Aile, et semblablement
ceulx d'Orchimont, et jugent et vident ensemble tous les procès, y estant
61 -
aussy les deux prévost tant de Bouillon que d'Orchimont...»
Comme on va le voir, ce sont les procureurs Blois pour Bouillon et
Saisselle pour Orchimont qui suivront et orienteront les poursuites. En
conséquence, dans les interrogatoires, les questions à poser aux accusés
seront rédigées par les représentants des seigneurs ; le rôle du sergent, pour
la justice d'Aile, se limite à poser les questions et à enregistrer les réponses.
Dans les originaux les questions occupent la partie gauche de la page, les
réponses étant consignées sur la partie droite. Dans les documents qui sui
vent, les réponses ont été reportées directement après chaque question.
Disposant de toutes les pièces du dossier (1), suivons donc le déroule
ment de ce procès en reprenant, sans commentaires inutiles, les documents
authentiques. Quelques «blancs» indiquent quelques mots illisibles.
2 AOÛT 1660
Premier interrogatoire de Jean Gibou
Du 2d d'aoust 1660, pardevant la Haulte Cour de Justice d'Aile Com
parurent les procureurs des Srs Souverains dudict Aile à scavoir Blois pour
le Sr procureur Général de Son Altais cérénissime, et le sieur Jean Saisselle
commisse du Sr prevost d'Orchimont, lesquelles sur l'arest faict de la per
sonne de Jean Gibou le jeusne a la freche coup du crime du péché d'inseste,
accusé par sa fille a son accouchemenr donct, pour parvenir a la cognoissance de la véritté du cas, ont exhibé article pour est(tre) l'aresté interogé et
examiné sur chasque article pertinement de la véritté du faict, le sermen au
preallable par luy pretté de dire véritté.
Le debvoir achevé les dicts procureurs requerent vision pour avan poursui
vre selon que la mathier le requirerat.
Exibé en Cour le 2d aoust 1660
Messieurs de la Haulte Court d'Aile
Les procureurs des seigneurs Souverains d'Aile vous requerent au deb
voir de justice de bien pertinement examiner Jean Gibou le jeusne arresté
au corps sur les ar(tic)les subséquents, le serment au préalable par luy
pretté de dire vérité, bien pertinement et exact(em)ent rédiger par escrit sur
chasque ar(tic)les ses responses avecque touttes causes de science et circons
tances d'icelles.
1. Premier serat examiné sur son eage, arte, résidence et de quoy il a vécu
pendant sa ... iusque a son mariage et depuis icelluy iusques au p(rese)nt.
R- Jean Gibou le jeusne âgé de 70 an ou environ, apprès le serment pretté
de dire véritté sur les articles a luy désigné, sur le premier déclare qu'il est
natiffe d'Aile et y réside, sur le mesme article dépose qu'il n'at aultre arte
que de manouvrier et qu'il n'at tousiour esté jusque a son mariage, cy
(1) Ce dossier se trouve au dépôt des archives communales de Alle-sur-Semois.
- 62 -
non qu'il at esté pattre espasse de quattre an audict Aile y gardant les chevalle.
2. S'il scait pourquoi il est arresté et le subject.
R- Sur la seconde deposse qu'il estre aretté pour le subiet de sa fille pour
luy avoir procréé une enfan de ses œuvres et qu'il ny a poin oeu d'aultre
que luy corne il tient.
3. Quelle foy, quelle loy il tient.
R- Sur la troiziesme dépose qu'il tient la fois de la Saincte église catholicque
appostolique et romaine et y veult vivre et mourir.
4. Combien de temps il y at qu'il est vefve.
R- Sur la quattriesme dépose qu'il at deux an ou environ qu'il est demeré
vefve.
5. Quant fois il a esté a confesse et a la Ste communion depuis le trespas de
sa feme.
R- Sur la cinquiesme dépose qu'il at esté a la confesse depuis le trespas de
sa femme touz le jours qu'il entend la pacque et le noel.
6. S'il nat heu copulation charnelle avecq jumens, vaches ou aultres bestes
femelles.
R- Sur la siesme dépose nihil.
7. S'il a heu copulation charnelle avecq sa fille soit devant la morte de sa
feme et du depuis, et encor quelque peu de jours avant son acouchement.
R- Sur la septiesme dépose qu'il oeu copulation charnelle avec sa fille auparavan le trépas de sa femme et du depuis la mort de sadict femme.
8. Par quelle usage et fasson il l'at induy et parvenu a la cognoistre char
nellement.
R- Sur la huictiesme dépose qu'il n'at induy sa fille ny forcé a aucune fason
que se soit, cinon que estant couche par ensemble il at pris sous sa mains la
partie de sa fille et ausitoz at oeu connoissance d'elle sans aucun refu, cy
non que sa fille luy disoit qu'il ce tinis quoy.
9. S'il l'at tenu par longue espace de temps, couché ensemble corne home
avecq sa feme l'aprochant charnellement a sa volonté.
R- Sur la neuffiesme dépose que depuis le trespas de sa dict femme ils ont
tousiour couché par ensemble corne l'homme et la femme la conoissant
charnellement.
10. Si lors qu'il s'at confessé il at déclare son péché d'inceste, et s'il n'at
conseillé sa fille et luy défendu de le confesser et obstant s'il n'at laisé de
recevoir son créateur.
R- Sur la dixiesme dépose qu'il n'atte poin confessé son péché estant a la
confesse, et n'atte consellé sa fille de ne le confesser et neantmoin de
n'avoir poin confessé son péché ne laissât de resevoir son créateur.
11. Si l'enfan dont sa fille s'at dernier(eme)nt acouché n'est de ses œuvres
et s'il ne l'at confessé et cogneu a la sage feme, mesme a la justice lors qu'il
a esté arresté.
R- Sur la onzième, dépose que l'enfan que sa dict fille at oeu est engendré
de ses œuvres, sur le mesme dépose qu'il l'atte confessé a la sage femme a
revenan de Rocheaux et de mesme l'atte confessé a la justice estant misse en
arest.
- 63 -
12. S'il a conseillé a sa fille de prendre des bruvaiges ou potions pour nuire
ou empêcher son fruict ou aultres choses pour le détruire.
R- Sur la douziesme depouse qu'il at donné donseille a sa dict fille de pren
dre des bruvages ne sachant neantmoins qu'il estoit enseintre d'enfan et
n'atte donné aucun conseille de detruyre ny faire malle a l'enfan, ains au
contraire luy a tousiour deffendu de s'efforcer crendre de faire tort a
l'enfan.
13. Si luy mesme en a esté querire et qui sont qui en ont faict et donné et
sou quelle prétexte.
R- Sur la tresieme depouse qu'il at esté luy mesme au ... pour avoir des brevages mais qu'il n'en a poin oeus, sur le mesme article despouse que sa dict
fille natte esté quérir elle mesme deux fois, mais la premier fois il lassa cassé
les boutelle an desandant la montaigne, quy est tout son sens.
Sa depousition a luy pertinamant releult at persisté et marqué ne
sachant lire ny écrire et y veult vivre et morir.
avec sa marque au pied d'icelle y apposé en présence de la hault Court et
Justice dudict Aile.
La marque
/y
du déposant.
3 AOUT
Premier interrogatoire de Marguerite Gibou.
Du 3e d'aoust 1660 pardevant la Haulte Court et Justice d'Aile Com
parurent les procureurs des Srs Souverains dudict Aile a scavoir Blois pour
le Sr procureur Gênerai de Son Altais Sme et le Sieur Jean Saiselle com
misse du Sr prevost d'Orchimont, lesquelle sur l'arest faict de la personne
de Margueritte Gibou pour cause du crime du péché d'insest confesse avoir
commisse avec son père estant en malle d'enfant, donct pour parvenir a la
cognoissance du cas ont exhibé article pour estre l'arestée interroger et exa
miner sur chasque article pertinement de la veritté du faict, le serment au
preallable prestée de dire veritté.
Le debvoir achevée les dicts procureurs requerent vision pour avan pour
suivre selon que la matière le requererat.
Exhibé en Cour le 3e d'aoust 1660
Messieurs de la Haulte Court d'Aile.
Les procureurs des Seigneurs Souverains d'Aile vous requerent en
faveur de justice de bien pertinement et exactement examiner Margueritte
Gibou fil de Jean Gibou le jeusne sur les articles suivants et de bien rédiger
par escrit touttes les responses qu'elle ferat sur chasqunne article avecque
touttes circonstances et causes de science de son faict, le serment de dire
vérité au préalable opéré.
1. Dirat son eage, sa résidence et si elle scait pourquoy elle est arrestée.
R- Margueritte Gibou âgée de quarante an ou environ, apprès le serment
pretter de dire veritté, sur la première dépose que il estre aresté et gardé
pour ce qu'il at oeu une enfan n'estant poin mariée.
- 64 -
2. Qui luy a procréé l'enfan qu'elle at dernièrement accouché.
R- Sur la deusieme depouse que l'enfan qu'il at oeu at esté procréé et
engendré par les œuvre de Jean Gibou le jeusne son père.
3. Avecque qui elle a oeu copulation charnelle, coument et par quelle
manière elle y a esté induitte.
R- Sur la troiziesme depouse qu'il n'at oeu copulation charnelle avec per
sonne qu'avec ledit Gibou son père, en outtre depouse sur le mesme article
que son dict père l'atte esté trouvé sur son lict a la chambre dedevan et
incontinant son arivée se getta comme un mourdreux (1) sur elle et at mis la
main sur sa party honteus et a l'instance at oeu coupulation charnelle avec
elle.
4. Depuis quelle temps elle a tombé en ce péché, si lors qu'elle y a tombé la
premier fois sa mère estoit encor vivante.
R- Sur la quattriesme depouse que la premier fois s'at esté après la mort de
sa mère et poin auparavan.
5. Si elle a persévère dans ce péché depuis la morte de sa mère iusque au
présent avecque aultant de liberté et familiarité que feme avecque son marit
R- Sur la cinquiesme depouse que s'at esté la premier fois après la mort de
sa mère, et du depuis qu'il at esté couché avec luy et at oeu connoissance
charnellement par deux fois.
6. Quelle loix et quelle fois elle tient
R- Sur la siesme depouse qu'il tient de la fois et religion de la Saincte messe
et poin d'aultre.
7. Si elle a confessé se péché lors qu'elle a esté confesser.
R- Sur la septiesme depouse qu'il at confessé son péché a Sedan a un prestre dedan la grande église, qu'il luy avoit enchergé de déclaré le père a son
accouchement et depuis sa confession n'y at plus retonbée.
8. Qui luy a empaiché ou induy a ne le poinct confesser, et quant fois elle a
receu son créateur avecque telle péché non confessé.
R- Sur la huictiesme depouse nihil.
9. Si elle a prins des bruvages, potions ou aultre chose pour empaicher ou
détruire son enfant dans ses flancs et si elle mesme en a esté quérir, a qui et
sur quelle prétexte.
R- Sur la neufieme depouse qu'il at prins un bruvage mais que s'etoit pour
les fleurs et non poin pour son fruict ne sachant poin encore pour lors qu'il
estoit ensainste et que s'atte esté elle mesme qu'il at esté quérir le brevage
par deux fois dont le premier ne luy servitte de rien dautant quil fuct cassé a
desendant la montaigne.
10. Qui luy en a servit et donné, par quelle conseil ou instruction.
R- Sur la disieme depouse qu'il ne cognois la personne qui luy at vendu le
bruvage et que personne ne l'atte induy a telle chose.
11. Si elle n'a faict des effors et tenté de tuer et faire morir son enfant dans
son ventre, par quelle fasson ou manier.
R- Sur l'onziesme depouse n'avoir tacher a faire tort a son fruict, qu'ille at
(1) De l'ancien français mordrir, murtrir (tuer, assassiner); d'où mourdreux, moudreu... litt. : meur
trier et le sens courant: violent.
- 65 -
encore déclaré que son dict père at encore oeu connoissance d'elle depuis
qu'il estoit ensaincte, qui est tous ce qu'il at a dire.
Après sa dépousition a elle releue at persisté et marqué estant en pré
sence de la Court et y veult persisté vivre et mourir que le tous cy dessus est
enthierement véritable.
La marque
<* /—'
de la depousante
Nouveaux interrogatoires
Le 3e d'aoust pardevant ladict Court
Les dicts procureurs par les prénomés qui ont vœu les responses dudict
Gibou ont requis que la court aict de nouveaux a l'interoger sur le mesme
article, luy relire ses repon, les bien recollé et scavoir s'il y persiste et s'il
n'at chose quoy que se soit a y adjouter ou diminuer et luy serat inquis de
super abondan quand fois il peult avoir cougneult sa fille charnellement
auparavant de la mort de sa femme, et en quelle lieu s'atte esté, quand fois
elle at esté couché auprè de luy et s'il l'atte cougneu depuis qu'il a soeu
qu'il estoit ensaincte et conbien de fois.
Le debvoir achevé elle est auscy requis vision pour passé plus oultre.
Ce jourdhuy 3e d'Aoust nous la Haulte Cour et Justice d'Aile, nous
aiant transporté auprès de Jean Gibou le jeusne aresté a l'instance des pro
cureurs des Srs et luy faire de nouveau prester le serment, de luy donner lectur pertinement et clerement de chascune ses réponses pour voire s'il y avoit
a adjouster ou diminuer, at dict y persister et d'abondan interogé sur le verballe des procureurs de ce jourd'huy at confessé avoir couneu charnelle
ment sadict fille une fois qui estoit la premier au paravan la mort de sadict
feme qui estoit a la chambre dedevan sur la couche de sadict fille, en oultre
déclare l'avoir couneu par plusieurs et divairses fois depuis la mort de
sadict femme ne sachant le nombre mais qu'ils ont tousiours couché par
ensemble et confesse aussy avoir oeu affaire avec elle pendant qu'elle estoit
gros mais qu'il n'at pas prins garde le nombre ne pensan poin a sella, décla
rant que le tous ce que dessus déclaré est enthierement et exactement vérita
ble et y veult persisté vivre et morir, an quoy il at marqué.
La marque
/^
du deposan
Du 3e d'Aoust 1660 pardevant la Haulte Court et Justice d'Aile
Comparurent les procureurs des Srs Souverains dudict Aile a scavoir
Blois pour le Sr procureur Gênerai de Son Altais Sme et le Sieur Jean Saisselle commisse du Sr prevost d'Orchimont, lesquelle sur l'arest faict de la
personne de Margueritte Gibou pour cause du crime du péché d'insest con
fesse avoir commisse avec son père estant en malle d'enfant donct, pour
parvenir a la cognoissance du cas, ont exhibé article pour estre l'arestée
interoger et examiner sur chasque article pertinenment de la veritté du
faict, le serment au préalable par elle prestée de dire veritté.
Le debvoir achevé les dicts procureurs requèrent vision pour avan
poursuivre selon que la matier le requererat.
- 66 -
Le mesme jour avan midy
Les dicts procureurs par leurs envoies cy devan dy aiant vœu les response
de ladict Margueritte et attendu qu'elle desimule la veritté et soy contraire
aux confessions de son père, vous requerent qu'elle soit de nouveaux interogé par mesme serment sur les article seconde iscy exhibé, de la sera faict
aultre debvoir celon que la mathier sera dispouse.
Le 3e Aoust 1660 par devant la Haulte Cour d'Aile
Comparut le Sr procureur gênerai en personne adsisté de Blois,
lequelle aiant vœu les response de Margueritte Gibou prisonier qui ne sont
touttefois conformes aux déposition de son père, at requis de
l'examiner de rechef sur ces dict article pour voire s'il auroit quelque chose
a diminuer ou adjouter.
Venant a la premier y at persisté, a la seconde de mesme, a la troiziesme de mesme.
A la quattriesme at adjousté et confessé que sa mère vivoit encor lors
que son père at oeu coupulation charnelle avec elle. La premier fois son
dict père aiant quitté sa feme au lict mallade et aller auprès de la depousante qui estoit couche dan son lict a la chambre dedevan.
A la 5e adjoust et confesse que depuis la mort de sa mère ils ont tousiour couché par ensemble et touttefois qu'il avoit besoing d'elle il en jouissoit.
Au 6e persiste.
A la 7e adjoust et confesse qu'il n'y at que deux mois ou environ qu'il
at esté a la confesse a Sedan a la Grande église ou elle at confessé son péché
et depuis qu'elle n'at plus permy a son père de l'attoucher, aian esté auparavan plusieurs fois confesser iscy et alleieurs sans déclarer qu'elle avoit
coupulation avec son père n'osant le dire et ne laissoit pas de resevoir son
créateur.
A la 8e, 9e, 10e, Ile persiste et après lecture a elle donné at persisté et
.
marqué.
La marque
Y
de la depousant
Conclusions des Procureurs
Conclusion - Les procureurs des Seigneurs souverains d'Aile
poursuivant contre Jean Gibou le jeusne, prisonier,
Exhibé en Court le 3e Aoust avan midy 1660.
Les procureurs des Seigneurs poursuivans contre Jean Gibou prisonier
qui ont vœu les confessions des crimes perpétrés par icelluy, la persistance
en ses confessions d'avoir comis le péché et crime d'inceste avecq sa fille
tant pendant la vie de sa feme que du depuis avecq touttes libertés, idem
celluy de sacrilège par plusieurs fois. Qui faict que les Srs procureurs con
cluent que ledit prisonier deverat estre condané a la morte telle et de telle
gendre que les Nobles Juges jugeront les cas mériter et aux despens, en oultre a la confiscation de tous ses biens au profict desds Seigneurs a cause du
crime de lèse Majesté divine qu'il a comis ... selon que mieux le Noble Juge
treuverat équitable que l'on implore.
- 67 -
Ledict jour après midy
Les procureurs des Sr Souverains aiants vœu la persistance du prisonier dans ses déclaration et confession ont exhibé leurs conclusions et ont
requis que le Sergeant aict a le faire audict prisonier, s'il avoit des allige (2)
affaire qu'il l'auroit a prendre telle advoca ou procureur qu'il trouvera
appropoz, cy non qu'il en serat donné; sur quoy at esté envoie Jean le Fort
eschevain a l'apsence du sergeant, lequelle a relatté d'avoir parler audict
prisonier et luy dy ce que dessus. Lequelle at repondu de persister a ce quil
avoit déclaré de volloire vivre et morir la dessus ne desiran de faire aucune
allige ne d'avoir aucun procureur ny advoca, au contraire qu'il désire bien
de mourir et d'avoir un bon confesseur.
Ce qu'aiants les dicts procureurs requis que le procès soit mis en ordre
et les courts convoqué pour en juger dès demain cy faire ce peult.
Signé par ordonnance de la Cour
Thyry Moraux greffier
Conclusion - Les procureurs des Seigneurs Souverains d'Aile
poursuivant contre Margueritte Gibou,
fille de Jean Gibou le jeusne prisonier,
Exhibé en Court le 3e Aoust 1660 aprè midy
Les procureurs des Seigneurs tiennent pour reproduit les acts ... a leurs
diligences contre Margueritte Gibou et signament ses confessions réitéra
tions et persistances en icelles par lesquelles elle se treuve attinte et convencue des crimes et péchés tant d'inceste que sacrilèges crime de leze Majesté
Divine pour lesquelles crimes et cas mesmes celluy d'inceste pandant la vie
de sa mère, lesdts procureurs concluent qu'elle debverat estre condemnee a
la morte de telle gendre que les Nobles Juges treuveront les crimes mériter
et aux despens, en oultre ses biens confisqués et adiugés aux Srs ou le tout
selon que mieux les Nobles Juges treuveront équitable que l'on implore.
Le mesme jour après midy
Les procureurs des Srs qui ont oeu communication des persistance de
Margueritte Gibou et des addition qu'elle a faict ce jourdhuy sur le midy,
exhibe conclusion et requier le sergeant pour l'aller signifier a ladict Gibouz
et luy dire et demander cy elle veult faire quelque décharge ou allige et
prendre pour ce quelque procureur ou qu'il luy y serat donné. Sur quoy at
esté envoie Jean le Fort eschevin a l'apsance du sergeant qui a relatté
d'avoir dy ce que dessus a ladict Gibouz, laquelle a respondu persister a ses
déposition et dy qu'elle ne volloit avoir aucun procè ny procureur et que s'il
debvoit morir c'on luy donne un confesseur.
De quoy ledicts procureurs aiants vœu vision de ladict relation ont
requy que le procè soit misse en ordre et les Courts convoqués pour donner
santance dès demain cy faire ce peult, demandant accélération de justice
enscy que le cas le requier.
Signé par ordonnance de la Cour
Thyry Moraux greffier
(2) Selon Grandgagnage, l'ancien wallon alligier = alléguer.D'où ici: allégation, objection.
- 68 -
*
*
*
Contrairement au vœu des procureurs, la convocation des Cours n'eut
pas lieu le lendemain 4 août. Aucun document ne précise la raison du
retard. Y eut-il objections ou scrupules? Certains souhaitèrent-ils un com
plément d'information? Toujours est-il que c'est seulement trois semaines
plus tard, le 25 août, qu'il fut procédé à l'interrogatoire de témoins ayant
assisté à l'accouchement et qui — selon les rigueurs de l'époque — durent
exploiter les douleurs de la parturiente, ne pouvant lui venir en aide avant
qu'elle n'eût déclaré qui était le père.
Ensuite le dénouement fut rapide : les accusés furent exécutés le lende
main 26 août !
26 AOUT 1660
Témoignages
Nous, la Cour Souverainne des deux princes par indivis iugeante a
Aile, aiant veu le procès criminel intentés a l'instance des procureurs des
Sgrs dud.lieu acteurs d'une parte, contre Marg(ueri)te Gibou prisoniere
d'autre parte, le tout meurement considéré et examiné et avant de faire
droict définitivement sur les conclusions desdits procureurs, ordonne a
iceux de faire ouyr pardevant la iustice dud.Alle les femmes qui ont estes
p(résen)tes a l'accouchement de ladite Margte affin, leures dépositions
rédigés pa escrit, estre icelles iointes aux acts par après en ordonner ce qui
serat de raison, despens réservés en définitive.
Ainsy resould a Aile le 25me Aoust prononcé led.iour, p(résen)ts les
procureurs desdits Sgrs qui en ont requis copie.
L. de Sandron
par ord.ce
Messieurs de la Haulte Justice d'Aile
Les procureurs des Seigneurs Souverains d'Aile vous requerent en
faveur de justice et ensuitte du recet donné cejourd'huy en les Cour Souverainnes desdits Seigneurs qu'ayez a examiné par serment les femes sy enbas
denomées qui ont esté a l'acouchement de Margueritte Gibou prisonier sur
les articles suivantes, le serment au préalable preste de dire vérité suivant
stil.
Premier si elles sont esté apellées a telle acouchement et par qui
Par quelle voye et manier elle a confessé que l'enfant dont elle se delivroit estoit le père et diront touttes les causes circonstances et sciences de ce
faict
La Sage Dame en son particulier dirat au delà des articles sy desus qui
l'at esté apeller pour venir a telle enfantement et si le père de ladite fille qui
s'acouchoit luy a dit qu'il en estoit le père et ... le subject pourquoy il luy at
ce confessé et en quelle place
- 69 -
Generallement diront touttes telles femes ce qu'elles en serment ont
veu et entendu tant de ladite fille prisoniere que de son père
Diront aussi s'ils leur a esté faict deffence de mettre la main a icelle si
elle ne declaroit qui estoit le père, et sy en ses plus grande doleur d'enfante
ment elle y a persisté, et sy elle at vassillé ou dénoncé aultre que son père.
Noms et prénoms des femes suivent
La feme Gérard le Fort, de Rochehaut, Sage Dame
Jehenne Henri
Marie Delvaux
Marguerite Pieret
Perette Grandfils
Jehenne Henry, feme au cordogné.
Du 25e d'Aoust 1660
Pardevant la Haulte Cour de Justice d'Aile
Les procureurs des Srs Souverains dudit Aile poursuivant
contre
Margueritte Gibou prisonnier
Les dits procureurs en personnes, pour satisfaire au recès des Courts
Souveraine dudict Aile, ont exhibé interroga et prouduy les femmes desnomées au pied c'icelluy requérant le debvoir de justice a l'examaine suivant
stil de cest Court. L'audition achevée et après pour tousiour plus grande
elusidation que le maieur de cest Court et eschevins qu'il avoit assumés
auront recordé du debvoir qu'il ont faict a la deffence de n'assister la dict
prisonier en son enfantement qui estoit le père et ce qu'elle en at respondu,
ce que l'on requer d'icelluy et de ses adjuinct que le toutte soit remis ens
mains des Courts Souveraine pour en juger difinitivement requérant accélé
ration de justice cellon que la mathier le requier.
En suict de quoy nous la Justice susdict, aiant faict passé le sermain
suivan stil a les deux femes Henry, Marie Delvaux, Margueritte Pierroz et
Perette Grand fils, ont conjunctement et une animement dict et déposé sur
le contenu dudict interrogaz le suivan :
A la premier article Margueritte Piroz, Janne Henry et Perette Grand
fils ont dict sur le sermains par elles prettées qu'elles ont esté a l'achouchemain de Margueritte Gibou cy qui estant convoqué par le maieur, et Marie
Delvaux y avoir été appelle par ladict Margueritte Piroz, et Janne Henry
femme du cordonier par l'advoeu de son mari.
Ont dict de plus en nombre de trois qui sont les dicts deux Janne
Hanry et Marie Delvaux qu'ettant présente au coumessement des dolleurs
de la dict prisonier luy fuct remonstré qu'elle oeust a déclarer qui estoit le
père bounement et fidellement et qu'elle seroit adsistée et aussitoz déclara
que s'estoit son père, sur quoy luy fuct remonstré qu'elle ne vient a des
charger personne soit jeusne fils ou aultre pour en charger son dict père,
elle dict qu'elle avoit esté a confesse et que son père confesseur l'avoit
chargé de dire la veritté; qu'elle s'en deschargeoit n'estant d'aultre que son
dict père ce qu'elle confirmoit par deux fois.
Ont aussy dict et déposé scavoir la dict Margueritte Piroz, Janne
Henry et Marie Delvaux avoir esté présente lors que le maieur et quelque
homme avec luy qu'elles n'ont prins égard fict commendement a la sage
- 70 -
femme de ne mettre la main a ladict Gibou pour assistance a l'enfantement
avan que aict confessé qui estoit le père et aussy toz at déclaré que s'estoit
son dict père et poin d'aultre, en quoy elle at tousiour persévéré pendan ses
plus grande dolleur sans avoir recouneu aucune vassillation ny change
ment. Qui est touz ce qu'elle en peult déposé de la veritté, et après lecteurs a
oeus donné ont persisté et marqué leur déposition.
La marque
ÇC^
Janne Henry femme d'Ademe Martin
La marque
yO
Janne Henry femme du cordonnier
La marque
X
Peret
La marque
La marque
)(
Margueritte Piroz
- y
Marie Delvaux
Marie Gérard femme demerant a Rocheaux sermentée, aigé de soisante an ou environ, at dict sur le contenu des article de l'interroga qu'elle
at esté appelle pour l'asistance de l'acouchement de Margueritte Gibou,
par Jean Gibou le jeusne son père et que dessendan le terme de Rocheaux
pour venir a Aile ledict Gibou luy confessoy qu'il estoit le père de l'enfan
de sa fille et luy demandan s'il savoit bien qu'il n'y auroit poin d'aultre qui
oeust esté que luy, dict que non, sur quoy la depousante luy dict que tan
pirre. Depouse en oultre qu'il luy at esté faict comendement de ne mettre la
main a ladict Gibou avan qu'elle oeust confessé qui estoit le père n'aiant
cougneu les homme qui avoient faict le comendement et auscytoz elle confessoit que s'estoit son père, n'aiant depuis recounu en elle aucun changemain ny vassillation qui est son seu. Apres lectur a elle donné at persisté et
marqué.
K
La marque
Y
de la déposant
Le mesme Jean Collignon maieur d'Aile avec Jean Ledinan le jeusne
et Jean le Fort ont recordé et attesté en suict de la réquisitions leurs faict au
verballe cy dessus que c'est veritté qu'en suict de leurs charge estant adverty
que Margueritte Gibou estoit prette de son accouchement at esté faire
comandemen a la sage famme de ne mettre la main a icelle pour assistance
sy elle ne confessoit auparavan qui estoit le père et aussy toz ladict Margue
ritte Gibou confessoit a leurs présence que s'estoit son père, ce qu'elle réité
rât par deux fois. Et en témoins de verittés avont la présente soub signé et
marqué ce 25e aoust 1660.
La marque
^\ 7
de ^ean Collignon maieur
Jean le Diant
La marque
/T\.
Jean
Du 25e Aoust 1660 pardevant la Haulte Cour de Justice d'Aile
Comparurent les procureurs des Srs lesquelles ont requis laffermeture
des acts et qu'elle soit produit aux deux Courts assemblé a ce jourdhuy
- 71
-
pour resouldre persistan a leur conclusion et prian d'avoir esgarde a l'inormitté des troy crime commisse par le prisonier scavoir qui sont l'inscest
l'adultaire et le cacrilège dont il n'y at pas un qui ne meritte seul la mort,
mettant en considération que par sa response au 12e article il confesse
d'avoir consellée a sa fille a prendre des brevages et corne se sont crime qui
ne se sont jamais commisse en ce pais cy il est nécessaire pour exemple que
le chatiman soit extra ordinaire par la corde et après le foeu ou telle aultre
que vous jugerés a proposer.
Du 25e d'Aoust 1660 par devant la Haulte Cour de Justice d'Aile
Comparurent les procureurs des Srs lesquelles ont requi que le procè
soit fermé et produit aux courts a ce jourdhuy assemblée pour résoudre
persistan dan leur conclusion et supplian d'avoir esgard a l'innormitté des
troy crime comis par la prisoniere qui sont l'insest l'adultaire et le cacrilège,
l'homissid y trouvan encore quelque plasse accause de la mort de l'enfan et
des brevage qui ont esté pris, dont il ny at pas un seulle quy ne meritte la
mort, et corne il sont toutte extra ordinaire et inoy en ce pays iscy il est
nécessaire que la punission soit extra ordinaire qui sera la corde et puy le
foeu ensy que son d'avis plusieurs jurisperitte consulté la dessus, laissan
neantmoins le vostre a juger le gendre de mort.
26 AOUT
Sentence
rendue au lieu d'Aile et prononcé le 26me d'Aoust 1660
Nous la Cour Souveraine des deux princes par indivis iugeante a Aile,
Veu le procès criminel intentez a l'instance des procureurs des Sgrs
dud.lieu acteurs d'une parte, contre Margte Gibou prisoniere d'autre
parte, de suitte les charges luy posées, ensemble ses responses de sa propre
bouche et organne, tesmoignages et conclusions desdits procureurs, le tout
meurement considéré et examiné faisant droict hors des acts, avons dict et
iugé, disons et iugeons ladite Margte suffisanment attainte et convaincue
d'avoir commis diverses fois le crime d'inceste avec Jean Gibou son père
tant pendant le vivant de sa mère que continuez après la morte d'icelle dont
de ses œuvres elle auroit produit un enfant et d'autres faicts aggravants
Et partant pour repara(ti)on de tels énormes crimes l'avons condamné
a comparestre pardevant nous et en genoux fléchis prier Dieu, les Sgrs, Jus
tice et parties offensés mercy, pour ce faict estre mise entre les mains du
Mre des haultes œuvres pour, avec la corde au col, estre mennée au lieu
ordinair du signe patibulaire et illecq estre son corps attaché a un poteau
pour y estre estranglé et iceluy réduit en cendres, a quoy la condamnons
ensembles ses biens confisqués les frais de justice au preallable pris dehors
d'iceux.
Ainsy resould a Aile le 25me d'Aoust 1660. - Prononcé le 26me dudit
mois p(rése)nts les officiers adsistés de leurs procureurs qui ont requis
l'ex(écu)tion, ce qui at esté faict.
par ordonn
L. de Sandron
Roy Gille
par ord.ce
- 72 -
f
- 73 -
/
-
l
- 74 -
Nous la Cour Souveraine des deux princes par indivis iugeante a Aile,
Veu le procès criminel intenté a l'instance des procureurs des Sgrs
dudit lieu acteurs d'une parte, contre Jean Gibou le jeusne prisonier
d'autre parte, de suitte les charges luy posées ensemble ses responses de sa
propre bouche et organne, conclusions desdits procureurs, le tout meurement considéré et examiné, avons dict et iugé, disons et iugeons ledit Gibou
suffisanment attaint et convaincu d'avoir commis plusieurs fois le crime
d'inceste avec Margte Gibou sa fille tant pendant le vivant de sa femme,
mère a ladite sa fille, que continué après la morte d'icelle, dont de ses
œuvres il luy auroit procréé un enfant et autres faicts aggravants, et partant
pour repara(ti)on de tels énormes crimes l'avons condamné a estre et comparestre pardevant nous a teste nue et en genoux fléchis prier Dieu, les
Sgrs, iustice et parties offensées mercy, pour ce faict estre mis et délivré
entre les mains du Maistre des haultes œuvres pour avec la corde au col
estre menné au lieu ordinaire du signe patibulaire et illecq estre son corps
attaché a un poteau pour estre estranglé et iceluy réduit en cendre, a quoy le
condamnons ensemble ses biens confisqués, les fraix de iustice au preallable pris dehors d'iceux.
Ainsy resould a Aile le 25me d'Aoust 1660
Prononcé le 26me dudit mois p(rese)nts les officiers adsistés de leurs
procureurs qui ont requis l'exécution, ce qui at esté faict.
par ordonn
Roy Gille
L. de Sandron
par ord.ce
*
*
Semblable affaire ne demande pas de conclusion, mais du moins peuton émettre quelques réflexions.
Bien sûr les faits se passent en 1660: la croyance à la sorcellerie, la
superstition sous toutes ses formes imprègnent tous les esprits — en haut
comme en bas ! Comment la conscience de gens du peuple, ignorants et
conditionnés, pourrait-elle se révolter?
Il faut dire aussi que la procédure elle-même est pratiquement respon
sable de tels jugements. Les élus locaux savent rarement écrire puisque,
dans le cas présent, ils sont même incapables de signer. Sans doute, cela
n'empêche pas un jugement sain mais comment ces gens pourraient-ils
s'opposer aux instances seigneuriales ? Ils en sont réduits à transcrire fidèle
ment les conclusions proposées.
De plus les crimes ici condamnés sont à la fois civils et religieux.
L'infanticide est loin d'être démontré mais, même s'il n'est pas retenu, une
allusion fait quand même planer le doute. On peut s'étonner de la rigueur
de la peine, mais les sentences insistent sur le fait qu'il s'agit de crimes
extraordinaires qui ne se sont jamais commis dans ce pays et que, pour
l'exemple, le châtiment doit aussi être extraordinaire. N'est-ce pas le meil
leur argument pour des esprits faibles ?
Pour l'exemple? En 1660, la France de Louis XIV brille de tout son
éclat dans tous les arts : littérature, architecture, peinture, philosophie vont
faire de ce règne un des grands moments de l'histoire. Mais la Cour elle-
- 75 -
même est en même temps le modèle de tous les vices : les Montespan sont
légion ; les bâtards royaux, loin de mener au poteau, sont un titre de gloire ;
poison, intrigue, abus de pouvoir sont monnaie courante.
Mais il s'agit là de jeux réservés aux gens «bien nés» et que le menu
peuple ne peut se permettre ! Outre sa sujétion, sa misère, ses privations, il
est encore condamné à leur donner... le bon exemple!
Il est vrai qu'à la même époque, La Fontaine terminait sa fable des
Animaux malades de la peste par cette amère constatation :
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de Cour vous feront blanc - ou noir !
Albert MONIN
Si vous êtes amateur
de livres anciens,
visitez la librairie
« AU VIEUX QUARTIER »
NAMUR
11, rue des Fripiers
- 76 -
A l'Ateneum de Helsinki
RENDEZ-VOUS SECRET
AVEC BLANCHE DE NAMUR (i)
L'Ateneum de Helsinki n'est pas un vaste musée et il n'a guère de pré
tention internationale, puisqu'il abrite principalement des œuvres finlan
daises. Ayant vu naguère les reproductions des meilleures toiles conservées
ici, j'ai un peu l'impression d'entrer dans une maison connue, alors que j'y
mets les pieds pour la toute première fois. Les rares tableaux de YAteneum
qui sont célèbres en France ne le sont, en général, que parce que les sujets
sont... français. C'est le cas de Pasteur dans son laboratoire et du Jardin
du Luxembourg d'Albert Edelfelt.
Pour une raison un peu analogue, un autre tableau de ce même peintre
est très connu en Wallonie et spécialement à Namur. Il s'agit de la Reine
Blanche, fille du comte Jean Ier de Namur. Blanche devint, au XIVe siècle,
l'épouse de Magnus Eriksson, roi de Suède et, par le fait même, de Fin
lande. L'oubli recouvrit plus ou moins cette reine durant un demimillénaire, jusqu'au jour où, pour des raisons que nous avons tenté d'éluci
der ailleurs (2), elle inspira, tour à tour, le conteur Topelius (1871), le pein
tre Edelfelt (1877), le poète Hallback (± 1880) et le compositeur Ekenberg
(1893).
En ce dimanche de juin 1983, j'avais donc un rendez-vous clandestin
avec Blanche de Namur. Elle était bien là, fidèle au poste depuis plus d'un
siècle et continuant de faire danser sur ses genoux le futur roi Haakon
Magnusson âgé de quelque deux ans. Si cette toile (haute d'environ un
mètre et large de 80 centimètres) a souvent été reproduite dans les revues et
les journaux de ma ville natale, la photo fut malheureusement toujours
imprimée en noir et blanc. Aujourd'hui, je découvre enfin les coloris. Si la
longue robe de la reine est blanche comme son prénom, les bras sont entou
rés d'une étoffe grenat. On songe au vers de Villon dans la Ballade des
dames du temps jadis :
La Reine Blanche comme lys.
(1) Ces pages sont extraites du livre Adorable Finlande dans lequel notre collaborateur André
DULIÈRE contera l'histoire politique, militaire, littéraire et artistique de ce pays septentrional si
mal connu en Occident, alors que selon l'expression du président KEKKONEN, la Finlande est
une rêfe de pont entre l'Est et l'Ouest. Ce même livre contiendra le récit de deux voyages en Fin
lande (1977 et 1983). La page que nous donnons ici en primeur est extraite de la relation du
second voyage.
(2) Blanche de Namur, reine de Suède et de Norvège, in les Nouveaux Fantômes des rues de
Namur, Namur, Les Presses de l'Avenir, 1983, pp. 95-104. Rappelons que c'est par un article de
Félix ROUSSEAU paru dans Le Guetteur wallon du 25 février 1925 (pp. 8-9) que Blanche de Namur
commença d'être mieux connue dans sa ville natale.
- 77 -
- 78 -
Sur le tableau d'Edelfelt, les cheveux de la reine sont blond foncé. Les
traits du visage sont d'une élégante pureté et semblent imprégnés d'une cer
taine mélancolie à peine tempérée par l'esquisse d'un sourire (on serait
presque tenté de dire: l'amorce d'une esquisse) que va sans doute déclen
cher le petit prince qui tend, vers sa mère, des bras confiants.
Cette discrète langueur qu'Edelfelt a projetée sur le visage royal,
s'explique peut-être pour deux raisons : 1) le peintre, qui avait alors 22 ans,
était tout imbibé de romantisme et — à son insu, peut-être — prêtait son
âme à son modèle qui incarnait son idéal de beauté féminine ; 2) Edelfelt
présumait sans doute que Blanche n'était pas très heureuse avec son volage
mari surnommé le Smek — adjectif que Marguerite Yourcenar traduit par
baiseur; Carlo Bronne, par câlin, efféminé; et le dictionnaire de poche sué
dois par caressant.
Au mur de YAteneum, la reine Blanche est placée à droite de Pasteur
dans son laboratoire, dont le regard donne l'impression d'une extrême con
centration. Mais, alors que les couleurs sont très lisses sur le portrait de la
Reine Blanche, les coups de pinceau sont nettement plus marqués sur le
portrait du célèbre savant (3).
D'autres tableaux, également peints par Edelfelt dans la capitale fran
çaise, sont moins connus, tel ce Paris sous la neige: la ville est toute blan
che, mais quelques tristes cheminées d'usine donnent au décor une note un
peu cafardeuse.
J'admire en Edelfelt, ce mélange — ou plutôt cette alternance — de
tendresse et de rudesse. La tendresse apparaît dans le visage de la Reine
Blanche; la rudesse dans les traits des pêcheurs du lac (qu'on pourrait pren
dre pour les apôtres).
La remarque vaut également pour Cawèn qui peint, tour à tour, une
délicieuse Jeune fille à la fenêtre et les costauds Flotteurs de bois qui
devaient illustrer le plus âpre chapitre du Chant de la fleur rouge de Johannes Linnankoski.
Mais ce mélange n'est-il pas, en fin de compte, bien représentatif du
peuple finlandais à la fois si tendre et si viril ?
André DULIÈRE
(3) II semble qu'Edelfelt ait réalisé au moins trois portraits (qui se ressemblent) de Pasteur dans
son laboratoire, puisqu'on en signale un second à l'Institut Pasteur de Paris (dans l'ancienne
salle à manger du chimiste) et un troisième au musée de Versailles. L'artiste était un grand ami
du fils du savant.
- 79
CROIX D'OCCIS
(suite)
Voici déjà quatre ans que fut interrompue notre modeste recension des
croix d'occis du pays de Namur (1). Nous espérons que les lecteurs du
G.W. voudront bien excuser cette longue absence justifiée, il est vrai, par
certains problèmes de reprographie. En effet, l'évocation simplement abs
traite de la forme même de ces modestes monuments pouvait paraître
gênante et incomplète. Puisque la reproduction de dessins et de photogra
phies est devenue plus aisée grâce aux techniques utilisées par le nouvel
imprimeur de notre revue, il nous a semblé intéressant de renouer avec cette
chronique des «in memoriam » de pierre taillée jalonnant les vieux chemins
de nos régions. Profitant de ce nouveau départ, nous tenons à remercier
M. André Oudovitsky, géomètre aux services communaux, pour l'aide pré
cieuse qu'il accepte de nous apporter. Ses talents de dessinateur nous ont
déjà beaucoup aidé lors du dossier consacré aux anciennes briqueteries
namuroises (2). Enfin, dans la numérotation et la succession des notices, le
lecteur ne pourra déceler aucun ordre logique si ce n'est celui dû au hasard
de nos pérégrinations.
J. WILLEM ART
Lesve (Les Fosses) cf. G.W., 1979, n° 2, p. 75.
Bois-de-Villers (rue Ferme de la Vallée)
idem pp.
(1) G.W. 1978, n° 1, pp. 34-35 et n° 3, p. 107
1979, n° 2, pp. 74-75.
(2) G.W. 1981, n° 2, pp. 37-55.
- 80 -
74-75.
Vedrin (route des Comognes) cf. G.W. 1978, n° 1, pp. 34-35.
Jambes (Montagne Ste-Barbe) cf. G.W. 1979, n° 2, p. 74.
- 81
-
NOTES DE TOPONYMIE NAMUROISE
CLXXXVI. — Emines
Emines [Na 47], w. émène (avec, à l'initiale, é fermé long) a pour for
mes anciennes :
peu après 1064 (cop. 15e s.) «Esmines»: MGH, Script., XV, pars 2,
p. 963 (Fundatio ecclesiae S. Albani Namucensis).
1209 «Hesminnes», 1211 «Esminis»: M. GYSSELING, Topon. Woordenboek, p. 316.
1230 «Emines»: Abb. Val-St-Georges, charte n° 16.
1235 «Emmines»: Cartul. commune Namur, I, p. 26.
1265 «Emmines», 1294 «En Emines»: Dd. BROUWERS, Cens Rentes
Namur, I, p. 43, 228.
Le H- de 1209 paraît parasite et est considéré comme tel par les glossateurs.
Pour Aug. Vincent, Les noms de lieux de la Belg., p. 85 : dérivé en ma de l'anthropon. Emmo [sur ce nom germ. très fréquent, cfr. Foerstemann, I, col. 949].
Pour Alb. Carnoy, Origines, p. 188: *imn-Tna «lieu aux prairies»,
cfr. dans Emblem, p. 187: *imna- > néerl. even, ail. eben «uni, égal».
Pour E. Gamillscheg, Germanische Siedlung, p. 99: correspond à
Emmen (prov. de Drenthe), 1313 «Emne» < *Amina [cette glose corres
pond à celle d'Alb. Carnoy, cfr. H.J. Moerman, Nederlandse Plaatsna-
men, p. 63, pour Emmen, 1139 «de curte nostra Emne», de *emn - «uni,
égal», anc. sax. eban].
Pour M. Bologne, Petit guide étymologique, 2e éd., p. 48: *eximinas
«les terres d'Eximius».
Le elong initial écarte l'anthropon. Emmo ; dans un dérivé d'Eximius,
la première syllabe serait es- (où -s- se maintiendrait en wallon).
CLXXXVII. — Gazelle, à Mettet
Gazelle, à Mettet [Na 131], w. àgazèle, a pour formes anciennes:
1265 «Goinzeles», 1289 «Goingniselles», 1294 « Goingsieles » : Dd.
BROUWERS, Cens Rentes Namur, I, p. 144; II, p. 373; I, p. 273.
«à la gazelle» cadastre.
1832 «Gazelle» : Van der Maelen, Dictionn. prov. Namur, p. 110.
Ce toponyme est un dimin. en lat. -ella de Gougnies [Ch 71] ; donc:
«Goingniselles» (1289), avec nasalisation > «Goinzeles» (1265), avec
82 -
chute de la syllabe médiane > *Goizeles avec dénasalisation ; enfin, attrac
tion de fr. gazelle, cfr. AUG. Vincent, dans Mélanges C. de Borman,
1919, p. 558.
Gougnies [Ch 71], w. gougnèye, a pour formes anciennes:
1265 «Guignies», 1289 «Goingnies», 1294 «Gougnies, Goingnies,
Goignies»: Dd. Brouwers, Cens Rentes Namur, I, p. 154; II, p. 373; I,
p. 273 et 275.
Pour l'étymologie, on suivra M. Gysseling, Topon. Woordenboek,
p. 411, pour Goegnies, à Gommegnies (départ. Nord): germ. rom. Gaujiniacas «appartenant à Gaujo».
CLXXXVIII. — Moignelée et la Molignée
Moignelée [Na 86], w. mougn'léye, a pour formes anciennes :
1192 «Molenies», 1213 «Moligneis», 1215 «Molignies » : M. Gysse
ling, Topon. Woordenboek, p. 702;
avant 1204 «Moligniez» : Actes H. de Pierrepont, p. p. Ed. Poncelet, p. 31 ;
1265 «Molingnees», 1294 «En Molignees»: Dd. BROUWERS, Cens et
Rentes Namur, I, p. 20, 201.
Comme le glose Alb. Carnoy, Origines, p. 469, Moignelée représente
lat. *moliniacae <terrae> «terres de moulin», avec métathèse consonantique.
La Molignée est une rivière qui se jette dans la Meuse à Moulins,
dépend, de Warnant [D 19] ; nous n'avons pas relevé de formes anciennes ;
E. FOERSTEMANN, Altdeutsches Namenbuch, II, 2e p., col. 340, cite bien
(d'après MiRAEUS, IV, 23): 1157 «Mulingia», mais il s'agit de Moelingen
(fr. Mouland): M. Gysseling, op. cit., p. 701.
Molignée représente lat. moliniaca, adjectif dérivé de lat. molinum
«moulin» et c'est normalement un nom de lieu. Ce moulin peut être celui
qui a donné son nom à Moulins, dépend, de Warnant, mais on ignore
quand le nom a été créé et pourquoi on a fait un hydronyme de ce qui était
normalement un nom d'établissement en -iaca.
P. Marchot dans Leuvensche Bijdragen, 25, 1933, p. 42 (suivi par
Alb. Carnoy, Origines, p. 626) écrit que l'ancien nom de la Molignée était
Sara; en fait, ce nom n'est pas attesté comme tel, mais induit du détermi
nant de Serville, situé sur le Flavion, affluent de la Molignée.
CLXXXIX. — Serville
Serville [Ph 27], w. sèrvèye, a pour formes anciennes:
920 « Villa » : Roland, Pagi.
965 (cop. 12e s.) «Serevilla»: Ann. Soc. arch. Namur, t. 33.
1138 «curtem de Serevilla»: Miraeus-Foppens, t. IV.
- 83 -
Pour Aug. Vincent, Les noms de lieu de la Belg., p. 99 : déterminant
Serius, Serus, noms romains.
Pour P. Marchot, dans Leuvensche Bijdragen, 25, 1933, p. 42, le
déterminant est Sara, anc. nom de la Molignée; il est suivi par Alb. CARnoy, Origines, p. 626: Serville est situé sur le Flavion, affluent de la Moli
gnée; Sara est issu de la racine indo-européenne ser «couler», d'où la
Sarre, en Lorraine, etc.
Pour M. Bologne, Petit guide étymol., 2e éd., p. 101 : *Serenevilla
«le domaine de Seron», comme Serville (départ. Eure-et-Loir), 1151 «Servilla».
La glose par un hydronyme est plausible, mais ne s'impose pas; en
effet : 1°) Serville n'est pas sur la Molignée (cfr. plus haut, la Note sur la
Molignée) mais sur un affluent de celle-ci ; 2°) ser- peut être un thème anthroponymique, cfr. le cognomen Serus, attesté dans une inscription de
Gaule Transalpine: CIL, XIII, n° 7582, et l'anthrop. germ. Sarus (et
Sario): E. Foerstemann, Altdeutsches Namenbuch, I, col. 1299.
CLXL. — Velaine
a) Velaine-sur-Sambre [Na 67], w. vélainne, a pour formes anciennes :
peu après 1064 (cop. 15e s.) «in Veslomiis [lire: Veslaniis (avec
Roland), plutôt que: Vellaniis (avec Marchot)]: MGH, Sciptores, 15/11,
p. 963 (Fundation Ecclesiae S. Albani Namurcensis).
1265 «Velaynes», 1294 «Vellaines»: Dd. Brouwers, Cens et Rentes
Namur, I, p. 21, 220.
b) Velaine, dépend, de Jambes [Na 76], w. vélainne; 1265 « Velaines»
Dd. Brouwers, op. cit., p. 87.
Le toponyme est fréquent, tant en Wallonie (ainsi Velaine, à Landenne [H 35], w. à vélainne et Velaines (-lez-Tournai) [To 35], w. à vlainne)
qu'en France, une quinzaine de Velaine(s), Velennes, Velosnes, Viélaine,
Vieulaine, Villaine(s), Vilennes, Violaine(s), Vulaines: Aug. Vincent,
Topon. de la France, p. 294, et Alb. Dauzat, Dictionn. des noms de lieux
de la France, p. 703. Velaine représente le bas-latin villana «petite exploita
tion rurale; tenure de paysan», dérivé de lat. villa.
Pour P. Marchot, dans Revue belge Philol. Histoire, 8, 1929, p. 14,
Vellana était chez lesfGaulois un nom de petit cours d'eau ou plutôt de
source, dont la signification devait être: «qui est de nature meilleure», de
vellos (aussi vélos) «meilleur» avec un suffixe.
Cette glose est douteuse, comme celle de J. Devleeschouwer par un
dérivé de lat. vitulus «veau», ce qui étonne déjà au point de vue sémanti
que.
Comme il arrive souvent, des graphies (analogiques ou inverses) sont
inattendues, ainsi -io- (dans Violaine), ainsi -t (dans «Vitlena» en 837 et
868). Dans «Veslanus» du 11e siècle, -s- peut noter la longueur de la
voyelle précédente; en wallon, Hong est l'aboutissement de la diphtongue
germ. eo, ainsi dans l'anthroponyme germ. leod-behrt, fr. Libert, w. Lîbiè.
Jules HERBILLON
- 84 -
LISTE DES PHILIPPEVILLAINS
AYANT SERVI SOUS L'EMPIRE
(suite)
LEJEUNE Pierre, né le 2-8-1782, frère de LEJEUNE François-Joseph (1).
Entré au 17e Rég. de ligne le 17 floréal an XI, passé à la lre Cie de la Garde
Impériale comme chasseur le 27-12-1809, matricule 1855, reporté sur le
matricule 433 en 1813, taille lm70, visage ovale, front étroit, yeux bleus,
cheveux et sourcils châtains, marqué de la petite vérole. Campagnes des
années XI, XII, XIII et XIV, 1806, 1807, 1808 et 1809, blessé d'un coup de
boulet à la figure le 11 frimaire an XIV à la bataille d'Austerlitz, blessé au
bras droit au passage du Bug le 24-12-1806, blessé au côté droit le 8-2-1807.
LEVEL Mathieu-Félix, canonnier à la 5e Cie en garnison à Nieuport lors de
la vente d'une partie de ses biens à Philippeville devant le notaire Decouvez
le 31-2-1812.
LINOIR Jacques, habitant Philippeville mais n'y étant pas né, fils de Jac
ques et de Marie MINET. Capitaine aux armées absent le 30 prairial an
XII, au 106e Rég. de ligne le 13-4-1808.
LOIGEROT Antoine, officier retiré, résidant à Philippeville le 29 thermi
dor an IX; son frère, Jean-Antoine, cité comme commandant d'armée à la
même époque.
MAGDELUNG Jean-Joseph, né le 23-7-1780, fils de François et de MarieAntoinette BREDAN; fusilier à la lre Cie 2e Bon du 14e Rég. d'infanterie
de ligne, matricule 1121. Décédé le 24-12-1811 à Lérida, Catalogne, des sui
tes de fièvre.
MAGARA Jean-Baptiste, né le 11-10-1779, fils de Lambert et de Marie-Fr.
CLAUSIN; remplaçant de Joseph BAYOT de Jamagne, fils de Louis,
tombé au sort le 14 mai, pour la somme de 600 F monnaie de France, par
acte du notaire Damade à Philippeville le 23 floréal an VII. Décédé à Phi
lippeville le 13-7-1822, époux de Marie-Jh. STEVEN, née à Neuville le
18-11-1778, fille de François et d'Albine GOBILLON.
MAILLOT Nicolas, né à Langres le 24-12-1782, fils de Claude-Jh. et de
Louise FEVRIER, sous-lieutenant au 33e Rég. d'infanterie de ligne, placé
en demi-solde et habitant Philippeville lors de son mariage le 25-11-1815
avec Marie-Jh. THIRIAUX, née le 2-3-1785, fille d'Antoine et de
Marie-Jh. JAMBON. Décédé à Philippeville le 2-6-1821, cabaretier.
MALPET Jean-Jh. né le 21-7-1793, fils de Germain et Marie-Jh.
PATRON. Conscrit de 1813 ayant tiré le n° 15, arrivé au 9e Rég. d'infante
rie légère le 22-11-1812, 3e Bon 6e Cie, matricule 9437, passé au nouveau
Rég. sous le n° 877.
(1) Voir Le Guetteur wallon, 59e année, 1983, p. 139.
- 85
MARCHAND Jean-Baptiste, habitant Philippeville mais n'y étant pas né,
fils de François-Jh. et de Marguerite DASSET. Hussard au 10e Rég. de
Hussards le 2 thermidor an V et y étant toujours le 11 nivôse an VI.
MARCHAND Pierre-Joseph, né le 11-11-1779, frère du précédent, caporal
à la lre Cie de la lre Division d'artillerie à pied de la Garde Impériale; cité
comme se trouvant à Witebsk, Pologne russienne, le 10-8-1812, dans un
acte du notaire Decouvez à Philippeville daté du 5-5-1814.
MASSON Louis, né le 19-2-1776, fils de Louis et de Marguerite MARGUISE. Sergent-major au 1er Bon de la Charente Inférieure lors de son
mariage à Versailles le 27 fructidor an IV avec Marie-Louise BOUR
GEOIS, 17 ans, de Versailles.
MATAIGNE Alexis, né en 1763, fils de Léonard et d'Antoinette CHATEL, membre de la Légion d'Honneur, capitaine de grenadiers au 82e Rég.
d'infanterie de ligne. En garnison à Corno lors de son mariage à Gratz, le
3-10-1810 avec Anne de MOSMILLER, 28 ans, fille de feu Joseph, conseil
ler du gouvernement de Gratz et d'Anne de CATHARIN.
MATHIEU Jean-Baptiste, né en 1783, fils de Jean-Baptiste et de Marie-Jh.
LEDAIN, taille Im652, cheveux et sourcils châtains, yeux bleus, nez petit,
bouche petite, menton droit, visage rond, une cicatrice au coin de l'œil
droit. S'engage à servir de suppléant à Ernest DASSET, fusilier à la 8e DB
de ligne ; ce remplacement sera refusé par le commandant de Dasset ; JeanBaptiste servira dans une autre arme.
MATHIEUX Jean-François, habitant Philippeville mais n'y étant pas né,
fils de Pierre-Marie et de Marie-Jeanne GERARD. Chasseur au 1 Ie Rég. de
chasseurs à cheval, le 27 ventôse an X.
MINET Jacques-Augustin, né le 1-11-1792, fils de Jacques-Jh. et de MarieBarbe MOREAU. Remplaçant de Jean-Bte GRADE, conscrit de 1813,
arrivé au 9e Rég. d'infanterie de ligne le 22-11-1812, 3e Bon 6e Cie, blessé
sur l'Elbe, prisonnier de guerre le 20-2-1813, rayé des contrôles ; cité par le
capitaine Cardron dans ses lettres.
OUDART René, de Philippeville. Cité comme militaire décédé en Espagne,
lors du partage de ses biens à Philippeville entre ses neveux, le 16-11-1806,
devant le notaire Decouvez.
PARISET Jean-Pierre, né à Matougue, Marne, le 17-2-1753, fils de Phi
lippe et de Marie-Anne CHARLIER. Officier retiré demeurant à Philippeville, veuf de Catherine ATTOUT lors de son mariage à Philippeville, le
27-!-1806, avec Marie-Antoinette NICAISE, née à Anseremme le
16-9-1771, fille de Jean-Louis et de Marie-Jh. MARTIN. Leur fils, JeanLouis, né à Philippeville en 1813, fourrier à la Cie d'artillerie à Philippeville, se distingua en 1830. Décoré de la Croix de Fer 1830, nommé souslieutenant dans la nouvelle armée belge, puis capitaine au 2e Bon d'artille
rie, il fut tué en duel par le capitaine Eenens en 1834.
PASCHALE, fils de Benoît et de Jeanne DETAILLE. Fait partie de la
Division Infernale (grenadiers et voltigeurs réunis) du 9e Rég. d'infanterie
sous le commandement du général Lasalle lors de la campagne d'Allema
gne. Cité par le capitaine Cardron dans ses lettres.
- 86 -
PESTIAUX Armand-Augustin, né le 2-6-1773, fils de Jean-Fr., avocat au
Parlement et de Marie-Catherine JACQUES-DUTRAIGNEAUX. Servit
dans l'administration des hôpitaux du 15-6-1793 au 25-9-1798. Passe au 1 Ie
Rég. de chasseurs à cheval le 15 novembre, campagnes de 1799, 1800 et
1801 à l'armée du Rhin. Entre dans la 112 DB le 12-3-1804 comme souslieutenant. Guerre contre les Anglais à Cherbourg, puis à Bordeaux ; lieute
nant en 1807; puis à Turin et Florence, rattaché à l'armée d'Italie au 7e
Corps de Catalogne, campagne de 1808; blessé grièvement le 2-12-1808 à
l'affaire d'Espina-Vesa d'une balle dans le ventre. Retraité pour blessures
le 24-3-1809. Décédé à Philippeville le 24-6-1833. Son frère Joachim,
ancien officier du régiment de Ligne au service impérial d'Autriche, cheva
lier de l'ordre de Marie-Thérèse pour sa belle conduite au fort de Vabarde
(Tyrol) en 1799 contre les Français, fut commandant de la place de Charleroi de 1814 à 1828, puis de celle de Liège. Il meurt à Marchienne-au-Pont
en 1853, lieutenant-colonel pensionné.
PETIT François, fils de Jean et de Françoise CATHARINAUX. Cité
comme militaire pensionné le 15 pluviôse an X, officier retiré en l'an XI et
capitaine retraité. Décédé à Philippeville le 1-6-1813, en sa maison, rue de
France.
PETIT Narcisse, conscrit. Rentré dans ses foyers à Philippeville le
8-6-1814. Cité par le capitaine Cardron dans ses lettres.
(à suivre)
Jean EVARISTE
- 87 -
Compte rendu
Arnold NIEDERER, Le folklore manipulé, dans Archives suisses des traditions populaires,
t. 79, pp. 175-186, Basel 1983.
Voici un article nécessaire mais dont l'extrême densité autorise une relecture approfon
die. L'auteur y étudie de façon exhaustive et concrète les multiples interventions dont le folk
lore a été l'objet tant hier qu'aujourd'hui. Tout en voulant adopter un système rigoureux
d'analyse, A. Niederer paraît conscient de la fragilité de son point de départ, à savoir la défini
tion même du folklore et les différents domaines que cette appellation peut recouvrir. En rap
pelant le contenu du «folk-lore» primitif anglais, il s'attache à montrer en quoi cette ancienne
conception du savoir populaire lié à un groupe précis dans un endroit déterminé a inévitable
ment évolué pour finir par englober la totalité de la culture populaire qu'elle soit d'essence spi
rituelle ou d'ordre matériel. Le niveau cognitif prenant peu à peu le pas sur le niveau stricte
ment émotionnel, l'écart se creusera entre l'ancien et le «nouveau» folklore pour aboutir à
cette culture de masse dont les interéactions avec la culture populaire sont multiples, domaine
nouveau où les mass médias joueront en quelque sorte un rôle catalyseur.
Une parenthèse malheureusement trop brève souligne le nouveau folklore des minorités.
Les chants occitans de protestation et le mouvement autonomiste du Sud-Tyrol apportent la
preuve que la culture populaire peut également s'actualiser et cesser d'être «passéiste».
La manipulation ne date certes pas d'hier puisque déjà, au début de notre ère, le christia
nisme avait maintenu dans de nombreux cas les coutumes païennes mais en y modifiant subti
lement le sens initial. Les sommets de l'exploitation furent sans doute atteints sous le régime
nazi quand les politiciens hitlériens exigèrent de l'ethnologie nationale des données concrètes
permettant une rééducation efficace du peuple germanique. Bon nombre de symboles de la vie
populaire furent dès lors réinterprétés de façon à exalter sans ambiguité possible la race
aryenne, glorieuse, héritière des vieux mythes germains. L'utilisation politique du folklore par
le pouvoir soviétique représente également un exemple majeur du 20e siècle. Aujourd'hui les
créateurs de chants et de légendes populaires sont chaudement encouragés par le régime dans
la mesure où ils exaltent la vie dans les kolkhozes et les exploits des cosmonautes. Quant aux
groupes de danses populaires dont les meilleurs représentants sont soigneusement sélection
nés, ils contribuent directement à la propagande culturelle du régime en U.R.S.S. et à l'étran
ger.
Après les politiciens, l'industrie du tourisme et des loisirs tire à son tour un large profit
des manipulations folkloriques. Considéré aujourd'hui de manière consciente comme des tra
ditions, les manifestations folkloriques ne représentent plus de nos jours aux yeux de la criti
que germanophone qu'une culture populaire de seconde main, une espèce de matière première
servant à élaborer des spectacles suivant des préoccupations esthétiques plus ou moins vala
bles et suivant les nécessités du «faire-voir» inhérentes à tout «show» commercial.
Enfin l'auteur se montre surpris de ne pas trouver dans les pays latins cette réaction criti
que vis-à-vis du folklore organisé et stylisé qui se manifeste depuis plusieurs décennies dans les
pays de langue allemande. Quand il affirme que les méridionaux privilégient les grandes fêtes
spectaculaires telles la course du Palio à Sienne ou les processions andalouses de la semaine
sainte au détriment d'un folklore rural et naïf qui serait volontairement laissé pour compte,
nous pensons qu'il néglige à tort les enquêtes scientifiques et systématiques menées depuis le
début du siècle par de dynamiques associations ethnographiques (comme l'équipe du Musée
Pitre en Sicile ou le Musée du peuple espagnol à Madrid sans parler des études de notre propre
Musée de la Vie Wallonne). Et d'autre part, ne serait-il pas compréhensible que les classes
éduquées allemandes, conscientes du poids de leur passé, aient voulu radicaliser leur attitude
en faveur d'un folklore intact de toute manipulation?
En conclusion, A. Niederer nous livre ici avec érudition et compétence des réflexions uti
les qui posent de façon dynamique le problème de l'évolution des traditions populaires.
Jacques WILLEMART
Assemblée générale statutaire
Le samedi 11 février 1984, l'A.S.B.L. Société royale «Sambre et Meuse - Le Guetteur
wallon» a tenu son assemblée générale statutaire annuelle dans un auditoire des Facultés
Notre-Dame de la Paix à Namur sous la présidence de Monsieur Jean Baudhuin.
Personnalités excusées :
M. le Gouverneur Lacroix, Mgr Mathen, M. le Bourgmestre Close, M. L'Echevin
Laloux.
Membres présents :
Mmes Baudhuin, Beckman, Blanpain, Canivet, Hermand, Houziaux, Jacquet (viceprésidente), Laurent, Liesse, Maréchal, Offermans, Roland.
MM. Baudhuin (président), Beckman, Billat, André, Bodson, Barbason, Colignon,
Culot, Detiège L., Dulière, Dury, Enckels, Houziaux, Jacques (vice-président), Jacquet,
Larosse, Lempereur (trésorier), Léonard, Lessire, Magotte, Maniet, Mathot, Moret, Noël,
Oger, Petit, Prouveur, Reumont, Ringlet, Tombal, Van Pethegem, Winant et Zweffer.
Membres excusés :
Mlle Damoiseau (secrétaire)
R.P. Misonne, M. Willemart.
Membres ayant donné procuration :
Mmes Poncelet, Goffin, Liébaux, Witry
MM. Balthazart, de Barsy, Delporte, Detiège Ed., R.P. Misonne, Noël, Pinon, Vande
Roy.
La secrétaire, Mademoiselle Damoiseau, absente pour des raisons indépendantes de sa
volonté, a communiqué son rapport au trésorier, Monsieur Lempereur qui en donne lecture à
l'assemblée:
«Le rapport 1983 marque la 59e année de la fondation de notre société. Ceux et celles qui
ont pris connaissance de la revue et du Bulletin de liaison savent, à peu de chose près, ce que
furent les activités de Sambre et Meuse. Cependant, pour les nouveaux membres et les sympa
thisants que nous saluons très chaleureusement, nous allons brièvement passer en revue le
déroulement de l'année écoulée.
Notre société se maintient dans un juste équilibre, tant par sa situation financière que par
le nombre de ses membres, ses publications, la diversité des sujets traités et des activités réali
sées.
«Le Guetteur wallon» a publié 160 pages dont un numéro spécial (1/83) consacré à
l'étude réalisée par F. Danhaive sur les «Coteliers de la banlieue de Namur-Nord». Ce
numéro a connu un très vif succès. Nous avons, d'autre part, parcouru l'histoire, du Ier
Empire à la guerre de 1940, grâce aux articles de Jean Bovesse, André Dulière, Jean Evariste
et Martine George. Histoire, humour, curiosité, précisions scientifiques, rien n'a manqué.
L'année Vauban fut marquée, dès 1982, par la visite de la remarquable exposition sur
l'Arsenal de Namur, due à M. Philippe Jacquet, assisté de son épouse, notre vice-présidente.
Le portrait de l'humaniste que fut Vauban, souvent présenté uniquement comme militaire, a
trouvé un complément d'informations dans un article de M. Jacquet paru dans le troisième
numéro du «Guetteur».
Au cours de ces pages, notons l'évocation de trois figures namuroises: un militaire, un
poète et un peintre.
Un militaire «pas comme les autres»: Léopold Bernard, par André Dulière qui nous en
trace un vivant portrait, aussi habile que sensible. Un poète «sans clivage et à l'inspiration
multidimensionnelle» : Louise-Marie Danhaive, dont Josée Spinoza brosse un portrait nuancé
et admiratif. Un peintre dinantais: Antoine Wiertz dont la figure et l'œuvre furent présentées
- 89 -
magistralement par Madame Pacco à l'issue de notre dernière assemblée statutaire et que les
recherches de Louis Larosse viennent enrichir par un article paru dans le numéro 4 de 83.
Enfin, les notes de toponymie de M. Herbillon, une série de comptes rendus de livres et de
revues et la « Bibliographie historique de la province de Namur pour 1982» de Jean Bovesse.
Au cours de l'année, nous avons réalisé cinq activités culturelles. Le 7 mai, à Gembloux,
nous avons parcouru les bâtiments de l'ancienne abbaye, occupés actuellement par les Facul
tés agronomiques de l'Etat. Reçus par nos amis du «Cercle Art et Histoire de Gembloux et
environs», nous avons, de plus, visité la splendide Maison du Bailli. Le 4 juin, nous étions en
Hainaut, parcourant les vestiges de l'ancien château de Herchies, restauré et conservé avec de
nombreuses pièces artistiques. Ces témoins d'un riche passé nous furent présentés par une
octogénaire aussi merveilleuse qu'étonnante qui réalise dans ce site une animation de haute
qualité. Le mois de septembre nous vit au Musée diocésain de Namur : Monsieur le chanoine
Lanotte, en guide attentif et érudit, nous a montré un aperçu des richesses insoupçonnées qui
donnent à ce musée une dimension dépassant largement le domaine de la province et même du
pays. Au cours de ce même mois de septembre, le «Guetteur» fut présent à une Foire aux
livres et revues régionales organisées par M. Schoofs, à l'Athénée Royal François Bovesse,
dans le cadre des Fêtes de Wallonie. Pour terminer l'année, nous avons enfin suivi Françoise
Lempereur à travers trois régions de l'ancienne Russie, grâce à ses dias et à ses commentaires
aussi clairs qu'enthousiastes.
En terminant ce rapport, nous tenons à souligner l'importance prise par le Bulletin de
liaison qui, s'il n'existait pas, devrait être inventé. Il a créé entre les membres un véritable cou
rant, un échange de services et une source précieuse d'informations. Merci encore à notre tré
sorier pour cette excellente réalisation.
Nous adressons également tous nos remerciements à celles et ceux qui, d'une manière ou
d'une autre, nous ont aidés au cours de cette année, ainsi qu'à la presse qui nous a ouvert ses
colonnes et aux institutions qui ont bien voulu nous apporter leur soutien.
Plusieurs parmi nos membres ont bien mérité durant cette année. Parmi eux, notre prési
dent que je voudrais congratuler au nom de tous. Une vie professionnelle riche et active
s'achève pour faire place à la retraite. Nous la lui souhaitons heureuse et enrichissante, toute
donnée aux choses qu'il aime. Un peu au «Guetteur wallon», ce dont nous ne doutons pas,
mais nous lui conseillons de préserver une bonne part de son temps contre les sollicitations
extérieures souvent nombreuses et qui risquent de restreindre ce précieux loisir. »
Le trésorier, Monsieur François Lempereur présente ensuite à l'assemblée le rapport
financier pour l'année écoulée et souligne, ajuste titre, le caractère très satisfaisant de la situa
tion dans ce domaine et ce, malgré la suppression de la plupart des crédits dont nous pouvions
bénéficier auparavant, l'accroissement des frais d'impression de la revue — ils sont passés de
150.000 F en 1982 à 183.000 Fen 1983 —, l'édition de 5 numéros du «Guetteur-Information»
et le maintien du montant de la cotisation au niveau de 1981.
Monsieur Lempereur évoque ensuite le redressement spectaculaire qui a été opéré depuis
1971, date à laquelle il a accepté les fonctions de trésorier : à ce moment, la société accusait un
déficit de 11.313 F et ne comptait que 161 membres. Depuis lors, la situation financière a été
complètement inversée et nous dépassons actuellement largement les 300 membres. «Cette
heureuse situation, rappelle Monsieur Lempereur, nous la devons, Mesdames et Messieurs, à
votre assiduité, à l'intérêt que vous portez à nos activités : déjà, à ce jour, les deux tiers des
membres ont renouvelé leur cotisation pour 1984 et parmi ceux-ci, une cinquantaine ont payé
la cotisation de membre de soutien et 5, la cotisation de membre protecteur, soit 1.000 F.
Pour sa part, l'impact du « Guetteur-Information » a été remarquable, puisque plus de 30
nouveaux membres sont venus nous rejoindre en 1983 et il y a déjà 5 nouveaux inscrits pour
1984.
Tout ceci constitue un sérieux encouragement pour les responsables de la société et, en
leur nom, je vous en remercie.»
Le rapport rédigé par les deux commissaires aux comptes, Mademoiselle Offermans et
Monsieur Tombal, est alors présenté et approuvé.
- 90 -
Vient ensuite l'allocution du président:
« Parmi les membres de notre société malheureusement décédés au cours de l'année 1983,
nous devons spécialement déplorer la disparition de Josy Muller. Docteur en Philosophie et
Lettres, il était devenu, après avoir commencé sa carrière au Musée de Mariemont, chargé du
cours d'histoire diplomatique aux Facultés de Mons et chef de département aux Musées
Royaux d'Art et d'Histoire à Bruxelles. Historien de formation et de profession, il était sou
cieux d'assurer une large diffusion de la connaissance du pays wallon et c'est dans ce but qu'il
avait fondé la collection «Wallonie. Art et Histoire» dont les petits volumes, accessibles aux
détenteurs de revenus modestes, ont révélé au grand public bien des aspects d'une histoire trop
souvent ignorée ou méconnue. Chercheur infatigable et pourfendeur impitoyable des clichés
éculés et des théories simplistes, Josy Muller a pris une part active à la vie de notre société dont
il était membre depuis de nombreuses années. Il fut, en effet, membre du conseil d'adminis
tration de la revue et publia dans «Le Guetteur wallon», de 1952 à 1959, divers articles parti
culièrement intéressants. Tout récemment encore, il avait offert ses services pour l'organisa
tion d'une excursion dans la région de Mirwart qui lui tenait particulièrement à cœur. Son
décès, survenu inopinément le 9 mars dernier, ne lui a pas permis de mettre ce projet à exécu
tion. Tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître et d'apprécier sa rigueur intellectuelle, sa
franchise directe et son culte de la vérité ne peuvent que regretter la perte de cet historien parti
culièrement érudit.
Au souvenir de Josy Muller, nous nous devons d'associer celui des autres membres qui
nous ont, eux aussi, malheureusement quittés: Mademoiselle Honincks, Monsieur l'abbé
Léon Burniaux ainsi que Messieurs Léopold Poncelet, Edmond Gaillard et Joseph Delrot. Je
vous invite à bien vouloir observer quelques instants de recueillement en hommage à la
mémoire de ces amis trop tôt disparus.
Dans son rapport, notre secrétaire, Mademoiselle Damoiseau, a eu l'extrême gentillesse
de me congratuler pour mon entrée dans la grande confrérie des retraités. Je l'en remercie très
vivement et je vous avouerai très simplement que, la réalité de l'âge dit «certain » mise à part,
ce nouvel état n'est nullement désagréable, bien au contraire ! C'est la raison pour laquelle je
m'empresse d'étendre les félicitations qui m'ont été adressées aux deux membres du Conseil
d'administration qui m'ont précédé dans cette voie nouvelle : à Monsieur François Lempereur
tout d'abord, notre dévoué trésorier, conseiller à la Régie des postes qui, à l'occasion de sa
mise à la retraite, a eu l'honneur d'être promu à la dignité de Commandeur de l'Ordre de Léo
pold II ; à Monsieur Jean Bovesse ensuite qui, déjà retraité des Archives de l'Etat, a également
quitté sa fonction d'expert en écritures auprès des tribunaux. A tous les deux, en votre nom à
tous, je leur adresse nos meilleurs vœux de longue, heureuse et féconde retraite.
D'autres événements heureux ont également marqué l'existence de certains des nôtres.
Deux couples, Monsieur et Madame Léonard d'une part, le Docteur et Madame Ringlet
d'autre part, ont célébré leurs noces d'or cependant que trois prêtres, Messieurs les abbés Ger
main Hauchart, de Sosoye, Eugène Herbecq, de Dinant, et Jacques Woitrin, de Marche-lesDames, fêtaient leurs cinquante années de prêtrise. Cet ensemble de noces d'or et de jubilés
sacerdotaux témoigne, dans chaque cas, de beaucoup d'amour et de fidélité et n'en est, dès
lors, que plus émouvant. Toutes nos félicitations et nos vœux les plus chaleureux à ces heu
reux jubilaires.
Enfin, et croyez-moi, ce n'est pas le moins important, il nous plaît de saluer, dans le cadre
de cette assemblée générale, l'un des membres du Comité d'Honneur de notre revue, à savoir
Monsieur Ernest Montellier qui, dans quelques jours, va célébrer son nonantième anniver
saire. Samedi prochain, une séance d'hommage lui sera officiellement dédiée en présence des
autorités de la Province et de la Ville, mais dès aujourd'hui, en quelque sorte en avantpremière, nous tenons à congratuler celui que le bon peuple de Namur appelle familièrement,
mais surtout amicalement le «Nesse». Dirigeant de Moncrabeau et Rèli de longue date, il est
aussi l'un de ceux qui, voici soixante ans, ont fondé «Le Guetteur wallon». Et c'est dans les
pages de cette revue qu'il a publié la musique destinée à accompagner des textes poétiques wal
lons de Joseph Calozet, de Victor Binot, de Léon Evrard, d'Emile Robin, du Père Guillaume,
de Joseph Laubain et d'Edouard Thirionet. Cette triple appartenance fait sans doute d'Ernest
Montellier le Namurois le plus complet et le plus typique et pour s'en convaincre, il suffit de le
voir faire chanter le « Bia Bouquet » par la foule rassemblée autour du célèbre char des Qua
rante Molons lors des Fêtes de Wallonie. Merci à toi, Ernest, pour tout ce que tu as apporté à
ta ville et puisses-tu nous faire encore chanter le «chant national» namurois pendant de nom
breuses années.
Le rapport de notre trésorier et les vérifications effectuées par les deux commissaires aux
comptes ont, une fois de plus, souligné la situation financière saine qui, jusqu'à présent,
- 91 -
caractérise notre société et nous permet, cette année encore, de ne pas majorer le montant des
cotisations. La chose est d'autant plus heureuse que nous sommes contraints, au même titre
que toutes les autres associations semblables à la nôtre, de vivre quasi uniquement par nos
propres moyens. En effet, l'actuelle politique d'austérité budgétaire pratiquée par les pouvoirs
publics aboutit à une très forte diminution des subsides qui, dans les époques antérieures,
n'étaient déjà pas très élevés. Faut-il dès lors s'étonner des difficultés rencontrées par certaines
revues semblables à la nôtre ? Le cas de « La Vie wallonne » de Liège est à cet égard exemplatif.
André Dulière s'est fait récemment l'écho du danger qui menace l'existence de cette revue
de renommée pourtant internationale ! On peut dès lors se demander si les restrictions impo
sées au secteur culturel ne sont pas quelque peu exagérées. Pourquoi le frapper de plein fouet
comme s'il était un luxe inutile ! Nos revues sont, depuis longtemps, gérées avec soin et contri
buent à nous faire découvrir ces racines sans lesquelles nous ne sommes rien. Elles méritent
donc de trouver auprès des pouvoirs publics un soutien réel et efficace.
L'année 1984 va être marquée, spécialement dans la province de Namur, par la célébra
tion du cinquantième anniversaire de la mort accidentelle du roi Albert survenue le 17 février
1934 à Marche-les-Dames. Comme je l'ai déjà signalé dans «Le Guetteur. Informations» de
septembre/octobre 1983, il nous appartient, en tant que Société Royale de participer à cette
commémoration. C'est dans cette perspective que «Le Guetteur wallon» a pris la décision
d'engager trois C.S.T. en vue de faciliter l'organisation d'une exposition qui se tiendra, sous
l'égide du Crédit Communal de Belgique, durant les mois de septembre-octobre à la Maison
de la Culture de Namur et qui évoquera la vie quotidienne dans l'agglomération namuroise
sous le règne d'Albert Ier. D'autre part, il serait intéressant que notre revue puisse consacrer
un de ses numéros — le troisième, par exemple — à la publication de documents, de témoigna
ges et d'études concernant l'histoire et la vie populaire de la province au cours de cette période
«albertine» qui s'est étalée de 1909 à 1934. Certains membres ont déjà promis d'apporter leur
contribution à ce projet mais il serait souhaitable de pouvoir trouver d'autres collaborateurs.
Quant au premier numéro de 1984, il sera consacré essentiellement à la publication de
l'histoire de Bouge qui a été réalisée avec énormément de soin et de compétence par Monsieur
Louis Larosse. Comme nous l'avons fait avec le travail de Fernand Danhaive sur les coteliers
de la banlieue de Namur-Nord, nous comptons tirer 400 exemplaires de ce numéro 1 et 200
tirés à part destinés à être mis en vente.
En ce qui concerne nos activités culturelles, je peux dès maintenant vous annoncer une
conférence et une excursion pour les prochaines semaines. Au début du mois d'avril, André
Dulière nous parlera d'un pays qui lui tient particulièrement à cœur puisqu'il l'appelle ['«ado
rable Finlande». Il est possible que cette conférence puisse d'ailleurs être suivie de la projec
tion d'un film sur le même sujet. Au début du mois de mai, d'autre part, le dimanche 6 mai
après-midi pour être précis, je vous propose de nous rendre dans la région de Gembloux pour
y découvrir ou y redécouvrir, ce que fut la bataille qui opposa en mai 1940 les armées françai
ses et allemandes dans cette zone. Il s'agira au cours d'un circuit réalisé à pied ou en voiture
d'assister, sur le terrain, à des exposés étayés par des cartes et des documents photographi
ques. Comme d'habitude, la presse locale et «Le Guetteur. Informations» vous donneront
toutes les précisions utiles.
Il me reste, chers amis, à vous remercier pour votre présence sympathique et à souhaiter
que cette année 1984 soit féconde pour «Le Guetteur wallon». Comment pourrait-il d'ailleurs
en être autrement puisqu'il entre dans sa soixantième année et que celle-ci est toujours le signe
d'une nouvelle jeunesse ! »
A l'issue de la séance, Monsieur René Mathot a présenté à l'assemblée une étude extrême
ment fouillée sur la présence de Hitler en Belgique, et spécialement dans la région de Brûly de
Pesche au cours de l'été 1940. Cet exposé minutieux illustré par de nombreuses diapositives
inédites fut un témoignage éloquent, non seulement sur cette période tragique de notre histoire
mais aussi sur la patience de l'historien attaché à la tâche ardue de la recherche.
La soirée s'est terminée par un souper amical dans le cadre prestigieux de l'ancien Arsenal
de Namur.
- 92 -
Bons d'épargne,
CGERH
ça rapporte t
CAISSE GENERALE D'EPARGNE ET DE RETRAITE
AGENCES A VOTRE SERVICE :
Tel: 081/22.16.92
NAMUR-CENTRE :
2, rue de l'Ange
JAMBES :
5, rue Tillieux
30.49.75
SAINT-SERVAIS :
67, chaussée de Waterloo
22.43.23
NAMUR-GARE :
5-7, rue des Croisiers
22.00.40
SALZINNES :
74, rue Patenier
41.31.38
22.45.45
PROFONDEVILLE :
34, chaussée de Dinant
JAMBES-AMEE :
385, rue de Dave
30.49.40
FLOREFFE :
5, rue C. Hastir
44.08.73
BOUGE :
247, chaussée de Louvain
21.26.34
EGHEZEE :
14, rue de la Gare
SPY :
10, rue Haute
81.19.71
071/78.83.94
l'épargne pension
Offrez-vous
le plus beau
complément
de pension
Crédit Communal
15 agences à NAMUR
63 agences dans la Province
Editeur responsable : M. Jean BAUDHUIN, 55, rue Melchior, 5002 Saint-Servais.