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solutions sociales godin jean-baptiste andré les éditions du familistère Jean˜Baptiste André Godin solutions sociales Nouvelle édition de l'ouvrage publié en 1871 Ouvrage publié avec le concours du Département de l’Aisne et de la Région Picardie Texte introduit par Guy Delabre, annoté et commenté par Zoé Blumenfeld-Chiodo et Frédéric k. Panni. Édition dirigée par Hugues Fontaine et Frédéric k. Panni. isbn : 978-2-9516791-15 Dépôt légal : novembre 2010 © 2010, Les Éditions du Familistère © 2010, Hugues Fontaine (photographie de couverture) Les Éditions du Familistère Syndicat Mixte du Familistère Godin 262-263, Familistère Aile Droite f-02120 Guise www.familistere.com les éditions du familistère Jean-Baptiste André Godin. Photographie anonyme, vers 1860. © coll. archives départementales de l'Aisne (Laon), fonds Godin-Moret. 10 une introduction à solutions sociales guy delabre Pour le lecteur peu averti de l’œuvre de Godin et du Familistère de Guise, la découverte de ces Solutions socialb ne manquera pas de susciter de multiples interrogations, de déclencher la curiosité, de provoquer l’intérêt pour le titre et les thèmes qui sont traités, mais le risque est bien réel, avouons-le, que ce lecteur soit décontenancé par le caractère inclassable de l’opus, à l’image de son auteur. Le grand intérêt de cette nécessaire réédition est justement qu’elle permet, au travers de ces quelques pages d’introduction mais surtout grâce aux très nombreuses et riches annotations, de contextualiser cet essai, de lui donner la place éminente qui lui revient dans l’histoire extraordinaire de Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), d’accompagner le lecteur de compléments qui soulignent la dimension vraiment exceptionnelle et passionnante de son œuvre. Le style littéraire et la construction de l’ouvrage ne sont certes pas à la hauteur du sujet exposé. Comme le soulignait Henri Desroche dans une précédente préface 1, « le lecteur doit être prévenu. Dans le cas de Godin, en effet, on peut estimer que celui-ci était plutôt verbomoteur, homme de décision et d’action, d’invention et d’entreprise… en tout cas « homme des faits » ainsi qu’il le dit lui-même. En revanche, lorsqu’il écrit, un contraste se met à régner entre l’éclat de ses transactions et l’allure terne, un peu falote, un peu brumeuse de ses rédactions ». Cet avertissement dépourvu d’indulgence à l’endroit de notre héros ne saurait occulter l’extrême intérêt que représentent ces Solutions socialb qui sont 1. Préface de Delabre et Gautier, 1988. une introduction une excellente synthèse, quoiqu’incomplète puisque datée de 1871, du système godinien dans ses dimensions politiques, philosophiques, sociales et économiques. Le titre à lui seul est particulièrement évocateur et représentatif du caractère immodeste du personnage mais aussi du parti pris délibéré en faveur des questions sociales. De la part d’un chef d’entreprise à la notoriété très établie en cette seconde moitié du xixe siècle, on se serait attendu à ce que sa première publication relève plus du traité d’économie industrielle que de l’essai philosophique et de la profession de foi fouriériste. Il aurait été en effet bien légitime que Godin aille très au-delà des premières pages autobiographiques pour décrire son expérience de capitaine d’industrie. À elle seule cette expérience mérite d’être contée et analysée, tant il est vrai que Godin est un précurseur de l’organisation de la firme moderne, véritable pionnier de la science économique appliquée à l’entreprise. Il est effectivement d’une totale injustice historique que la science récente du management ne reconnaisse pas en Godin un de ses fondateurs, au même titre qu’un Taylor, un Ford ou plus proche de nous un Crozier, tant la réussite de son entreprise repose sur des pratiques et des méthodes proprement révolutionnaires, et toujours d’actualité. Au lieu de cela, Godin entend livrer au lecteur sa vision d’un monde nouveau qu’il appelle de ses vœux, un monde dont l’équité sociale soit la pierre angulaire, où l’homme supplante le capital, où le progrès balaie tous les conservatismes, où l’association soit le mode d’organisation politique, économique, domestique. Et malgré les méandres philosophiques nombreux dans lesquels il veut nous entraîner, maniant parfois une rhétorique ampoulée, Godin le pragmatique, l’autodidacte, entend nous proposer les leçons de l’expérience pour acheminer la société civilisée vers son salut, l’Association. Oui, l’ambition est authentiquement révolutionnaire et tourne délibérément le dos aux pratiques philanthropiques ou paternalistes, même si les apparences peuvent être très trompeuses, quand bien même les méthodes prônées sont éminemment réformistes et pacifiques, utopistes comme les socialistes autoproclamés « scientifiques » croient devoir les qualifier. Mégalomaniaque, la prétention de l’auteur à apporter la formule salvatrice ? Le style qu’il utilise comme le rôle dont il se croit investi peut le laisser croire. Sincère en tout cas est la démarche, expérimentale, novatrice, qui provoque à solutions sociales 11 l’intérêt par la richesse de la pensée qu’elle sous-tend et la hardiesse des solutions proposées. Et le titre de l’ouvrage résume bien l’intention : apporter des réponses aux maux de la société, alimenter la réflexion par l’exposé concret de dispositions testées et validées par la pratique. La sagesse de l’utilisation du pluriel dans ce titre compense opportunément l’ « utopie » de l’ambition. Solutions socialb va être l’occasion pour le lecteur de s’immerger dans cette seconde moitié du xixe siècle en Europe, si féconde en courants de pensée, en idéologies contradictoires dans les sciences humaines, sociales et politiques, si bouleversée par les mutations économiques et industrielles, et déjà marquée par les conflits sociaux et les guerres. Et dans ce foisonnement d’évènements, de repérer la place originale et éminente occupée par Godin. La publication de Solutions socialb intervient à un moment clé de la trajectoire de Godin, tant dans son parcours de militant social que dans sa carrière professionnelle ou sa vie publique. Elle est une sorte d’aboutissement très provisoire d’un cheminement qui l’a vu passer du statut d’ouvrier compagnon à celui de chef d’une très grande entreprise, du citoyen qui découvre la misère ouvrière et qui la subit au militant de la cause phalanstérienne qu’il abandonne progressivement au profit d’un système de pensée qui lui est personnel, de la victime d’un monde oppresseur au leadership d’une cause qu’il veut promouvoir sur la base de ses propres réalisations économiques et sociales. Le moment est venu de parler, d’exposer les conditions de l’avènement d’un monde nouveau, de présenter l’expérience du Familistère de Guise comme un jalon sur la voie du progrès et de la paix sociale. La maturation du système godinien a subi l’influence de multiples paramètres au premier rang desquels figure la vie des compagnonnages. C’est en effet à 18 ans, en 1835, que Godin va entreprendre son tour de France pendant deux années. Période décisive dans la formation de sa pensée sociale et dans l’orientation future de sa vie, y compris publique par l’éveil de sa conscience politique. Outre l’apprentissage professionnel du métier des métaux, Godin acquiert alors la conviction de l’absolue iniquité dans la répartition des fruits du travail telle qu’elle résulte du libéralisme caractéristique du monde civilisé. La révolution industrielle qui bat son plein fait à la classe ouvrière des conditions de travail et de vie qui choquent douloureusement Godin. Sa vision d’un prolétariat urbain en formation, l’extrême précarité du logement ouvrier, à la 12 une introduction ville comme à la campagne, le marquent très profondément, radicalisant sa critique du système libéral. La vie des compagnonnages était sans doute le moyen le plus efficace pour apprendre un métier et parfaire sa formation professionnelle, mais c’était aussi la meilleure école qui soit pour inculquer aux hommes le respect d’autrui, le culte de la fraternité, de la solidarité et du devoir, elle sera pour Godin décisive au plan philosophique avec, et ce n’est pas anecdotique, la découverte de la franc-maçonnerie. Ce tour de France qu’effectue Godin lui offre aussi l’opportunité de rencontrer les idées politiques et sociales en vogue dans les milieux populaires qu’il côtoie. Ainsi en est-il du communisme, professé par Cabet, disciple d’Owen, et de l’idéal égalitaire très vite rejeté comme contraire à la nature et inefficace comme mode d’organisation de la société : l’émancipation du travail et des travailleurs est rendue impossible en économie libérale par la dictature du capital, elle le serait tout autant sous la dictature de l’égalitarisme. En fait, la référence principale reste Fourier et le système sociétaire. La filiation qui unit Godin au fouriérisme est effectivement bien réelle, mais complexe, en tout cas partielle. Schématiquement, deux phases chronologiques caractérisent cette filiation : une adhésion enthousiaste à l’idéal sociétaire marquée par un Godin militant mais prudent, puis une pratique largement dissidente fondée sur le pragmatisme. La découverte du fouriérisme en 1842 est en effet une véritable révélation et le conduira à soutenir la cause phalanstérienne aussi bien par le discours, en France et à l’étranger, que par sa contribution au débat et son engagement personnel. Godin est sans conteste l’un des piliers du mouvement fouriériste dans la France de 1848, multipliant les dons, répondant à toutes les souscriptions, étant le principal bailleur de fonds du journal de la cause La Démocratie pacifique, s’engageant sous cette étiquette en politique. Chez Fourier, ce qui emporte l’adhésion de Godin, c’est sa critique du libéralisme, son affirmation du principe associatif comme seule voie du salut, la nécessité de l’expérimentation en réalisant à l’échelle d’un microcosme (le phalanstère) les conditions de la révolution de la fusion des classes, pour servir d’exemple. Les questions traitées par Fourier en matière de libertés individuelles, d’éducation, de démocratie, d’architecture sociale, de pacifisme, de féminisme… ne satisfont pas moins Godin. Il reste que le chef d’entreprise une histoire de solutions sociales frédéric k. panni Au début de 1862, Jean-Baptiste André Godin forme le projet de rédiger un livre de science sociale 1. Il a quarante-cinq ans et l’industriel autodidacte n’a jamais rien publié 2. L’idée peut surprendre, d’autant que le propos est très ambitieux : « Vous ne vous en douteriez guère sans doute mon cher ami, écritil à François Cantagrel en février 1862, que votre serviteur est travaillé par une idée qui le conduira à se faire auteur. Cette idée est une Théorie nouvelle des lois de Dieu ou de la vie universelle. Je partirai au départ du principe des choses, de la cause première pour déterminer la loi de la vie terrestre, de la vie sociale, de la vie humaine, enfin la tâche et le devoir moral et matériel de l’homme sur la terre. Pour un des plus fervents disciples de Fourier, cela paraîtra bien singulier. J’ai donc surtout besoin de répondre à tous les systèmes philosophiques qui se sont produits depuis que l’homme a laissé les traces de sa pensée, ou plutôt de les connaître et de les comparer avec les progrès que la sienne a fait faire dans le domaine des idées [...]. Les idées que j’ai à produire sont d’un caractère vraiment neuf dans leur forme quoique n’étant qu’une résultante des forces qui travaillent en ce moment l’humanité. Je n’ai donc guère besoin de la science du passé que pour la concilier avec l’idée nouvelle 3. » Pour nourrir ce projet, Godin fait à cette époque l’acquisition de nombreux livres de sciences, d’histoire et de philosophie. Avec l’aide de sa cousine et collaboratrice Marie Moret, il accumule des notes pour servir à la rédaction de l’ouvrage 4. 1. La science sociale, au sens où l’entendent les disciples de Charles Fourier, combine la diversité des savoirs sur l’être humain et les propositions pratiques d’amélioration de sa condition : « la Science sociale se lie à tout, touche à toutes les activités et les connaissances humaines » écrit Victor Considerant (1834-1844, t. ii, p. ii). Sur la prétention scientifique du fouriérisme, voir : Mercklé, 2001. 2. Vers 1847, il s’est essayé cependant à l’écriture d’un roman (Cnam ffgp : lettre à Delpech, 3 février 1865). 3. Cnam ffgp : lettre à François Cantagrel, 12 février 1862. 4. Cnam ffgp : lettre à Jules Favre, 3 novembre 1864. 26 une histoire Mais le fondateur du Familistère est alors accaparé par le développement de son industrie 1 et par la seconde campagne de construction du Palais social, qui comprend l’édification du pavillon central et de la crèche (1862-1866). Sans abandonner ses études de « philosophie sociale », Godin est amené à envisager une publication sur le Familistère. Il accepte – avec bien peu d’empressement cependant – de satisfaire les amis qui, comme Jules Delbruck en novembre 1862, l’incitent à donner de la publicité au Familistère : « Le travail se fait, et ce ne sera pas une brochure, mais un livre qui en fera connaître la substance quand le moment sera venu2. » Godin souhaite avant toute chose obtenir des résultats probants de l’expérience de Guise et se méfie aussi bien de l’enthousiasme des sympathisants du fouriérisme que des attaques des conser vateurs. Le procès en séparation que lui intente en 1863 sa première épouse Esther Lemaire va précipiter les événements. Godin éprouve la nécessité de défendre le Familistère contre ses détracteurs, qui se manifestent avec virulence à la faveur du procès : « je me demande si je ne dois pas livrer quelques extraits de mes manuscrits à l’impression en vue de diriger l’opinion et d’arrêter les égarements dans lesquels on cherche à la conduire au sujet de ce que j’ai commencé 3 ». Dans l’urgence, il n’entend livrer, sous la forme d’une brochure, qu’un abrégé de la pensée qui préside à l’édification du Palais du travail. Godin trouve provisoirement le moyen d’échapper au devoir d’être auteur, vraisemblablement sur le conseil de son avocat Jules Favre. Il rencontre en 1864 Alexandre Oyon, propriétaire et rédacteur de L’Observateur de l’Aisne, premier « champion » du Familistère, et lui confie le soin de la première publication sur le palais du travail4, qui paraît au début de 1865. Lorsqu’en 1866 Élie Reclus sollicite un article pour l’Annuaire de l’Association, Godin esquive à nouveau en signant le texte du pseudonyme A. Mary après qu’Alexandre Oyon ait refusé de lui prêter son nom 5. En 1867, Godin croit que le moment est venu : « Je me souviens qu’un jour, écrit-il à Jules Favre, en me parlant de ma grosse affaire, vous m’aviez dit que 1. Godin donne un nouvel élan aux fonderies et manufactures Godin-Lemaire à l’occasion de l’Exposition universelle de Londres en 1862 avec le dépôt de brevets pour l’émaillage polychrome de la fonte de fer. 2. Cnam ffgp : lettre à Jules Delbruck, 25 novembre 1862. 3. Cnam ffgp : lettre à Jules Favre, 6 janvier 1864. 4. Oyon, 1865. 5. Cnam ffgp : lettre à Alexandre Oyon, 6 septembre 1866 ; Godin, 1867. Cet article important, écrit entre au lecteur Lorsque j’ai écrit ce livre, rien ne présageait les événements politiques qui se sont accomplis ; en le livrant à l’impression, dès le mois de Juin 1870, je croyais donner à mon pays un préservatif des tempêtes dont je voyais l’horizon social assombri : je ne pensais pas que ce livre arriverait après un premier et si terrible orage 1. Mais l’invasion étrangère et l’investissement de Paris 2 sont venus arrêter l’impression de cet ouvrage et suspendre le travail des gravures ; la guerre civile, à son tour, en a retardé la publication, et ce n’est que quand la question sociale se pose à travers les difficultés les plus inextricables que mon livre paraît. Ce qu’il renferme n’est donc pas inspiré par les événements accomplis ; cela explique pourquoi certaines pages ne paraissent pas en complète concordance avec ces événements. Si j’avais à refaire aujourd’hui ce travail, je n’aurais rien à changer au fond, mais je pourrais en modifier la forme pour la mettre plus en harmonie avec la situation politique et sociale actuelle de la France. Malgré cela, je livre avec confiance ce volume à la méditation de mon pays, et je fais des vœux ardents pour que les Solutions Socialb 3 qu’il renferme puissent aider à dissiper ce trouble des consciences qui, depuis longtemps, fait 1. Voir ci-dessus « Une histoire de Solutions socialb ». 2. La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. En septembre, l’armée impériale est battue à Sedan, Napoléon III est fait prisonnier, la République est proclamée et Paris est assiégé. Les Prussiens entrent à Guise le 5 janvier 1871 et Godin est arrêté (Cnam ffgp : lettre à Émile Godin, 7 janvier 1871). Après la capitulation de Paris le 28 janvier 1871 et le traité de paix de Versailles du 26 février 1871, la nouvelle République doit affronter l’insurrection révolutionnaire de la Commune de Paris (18 mars - 28 mai 1871) réprimée dans le sang par le gouvernement d’Adolphe Thiers. 3. Godin est attaché au pluriel du titre de son ouvrage. Il écrit en 1872 à sa traductrice américaine Marie Howland : « Ce que je crois devoir vous faire remarquer, c’est que je n’ai pas eu la prétention d’indiquer la solution des questions sociales tout entière. C’est pourquoi mon titre porte Solutions Socialb au pluriel pour indiquer qu’il renfermait un certain nombre de solutions. Solution of social questions me semble vouloir indiquer que je les ai résolues toutes » (Cnam ffgp : lettre à Marie Howland, 25 février 1872). 36 au lecteur que la vie privée, comme la vie publique, n’est plus, pour presque tout le monde, qu’un tissu d’expédients dont on cherche la justification dans le succès. Notre société, au contraire, a besoin de s’affermir dans une voie nouvelle et sûre, pour que le succès des efforts de chacun et de tous soit véritablement profitable au Salut Commun 1 ; cette voie ne peut être que celle, universellement consentie, de la Conciliation Sociale des Intérêts 2 : c’est ce que j’espère avoir largement tracé dans ce livre, en indiquant les moyens pratiques de cette Conciliation. Puissent mes compatriotes se servir de mon ouvrage pour le salut de notre chère Patrie, afin de la préserver à jamais du retour des malheurs de la guerre civile 3 ! C’est mon vœu le plus cher, ce serait le bonheur de ma vie. chapitre premier Prologue i incubation des idées sociales 1 Versailles 4, le 8 mai 1871. 1. Le contexte de la Commune de Paris donne à cette terminologie, issue de la théologie et du droit maritime, une évidente connotation révolutionnaire. L’expression est employée dans le décret de la Commune du 5 avril 1871 sur les otages ; elle apparaît dans le texte de l’Internationale écrite par Eugène Pottier en juin 1871 : « Il n’est pas de sauveur suprême : « Ni Dieu, ni César, ni tribun. Travailleurs sauvons-nous nous-mêmes : Travaillons au Salut commun ». Godin prend la précaution de désamorcer immédiatement l’idée révolutionnaire en indiquant que seule la voie réformiste, par la collaboration des classes sociales, peut atteindre l’intérêt général. Il revient sur cette idée quelques années plus tard : « Les révolutions [...] ont bien pu parfois servir à jeter bas des obstacles qui s’opposaient à la marche du progrès, mais quand il s’agit de démontrer par des faits les moyens de faire avancer le monde, la révolution n’a rien à faire dans cette œuvre que l’étude, la paix, le travail peuvent seuls accomplir [...]. Il faut montrer par l’exemple de ce que nous réaliserons ainsi [l’Association du Familistère], que la voie du salut commun c’est l’entente entre tous, c’est la pratique de l’amour social pour le commun bonheur » (Cnam ffgp : conférence au personnel, 16 novembre 1877). 2. « Et par-dessus tout [la réforme de l’habitation] aura le mérite d’être le moyen de conciliation des intérêts opposés qui, dans notre état social, sont aujourd’hui ouvertement ou sourdement en lutte » (Godin, 1867, p. 250). 3. Partisan inconditionnel des réformes pacifiques, le nouveau député Godin réprouve la Commune révolutionnaire comme la politique répressive d’Adolphe Thiers. Il s’exprime à une occasion sur le sujet : « Depuis le mois de février dernier, je suis à l’Assemblée nationale comme représentant, mourant de dépit de la triste besogne que je suis obligé d’y voir faire et du spectacle des déplorables évènements qui se sont accomplis ; vous me demandez quelle place j’ai prise au milieu d’eux : pour un homme comme moi, il n’y avait que celle d’un spectateur profondément affligé qui pût me convenir. Nous sommes si loin des progrès que je voudrais voir réaliser » (Cnam ffgp : lettre à Cyrenus Osborn Ward, 27 août 1871). 4. Godin est élu député du département de l’Aisne le 8 février 1871 ; durant son unique mandat, qui s’achève en 1876, il séjourne à Versailles pendant les sessions de l’Assemblée nationale. Au milieu des entraves imposées à la pensée, la France se recueille. À côté du mouvement éphémère des intérêts qui s’agitent pour asservir le présent au profit de quelques-uns, le dévouement social travaille à préparer l’avenir et la marche du monde au profit de tous ! La passion des intérêts matériels, des vanités mondaines et de l’autorité, ne peut faire que la France abandonne sa mission civilisatrice ; cette passion peut obscurcir la morale publique et jeter le trouble dans les consciences, mais elle ne peut enlever du cœur de la France son amour du progrès et de la liberté. Aussi, vingt années d’oppression 2 ont rendu plus vive la haine de l’arbitraire, et ont excité les esprits au travail d’élaboration de la morale sociale, de la morale de l’humanité. Œuvre modeste, mais immense au milieu des progrès que la France doit accomplir car c’est le travail de la régénération sociale que la nation couve dans son sein. Ce livre n’est qu’un des mille symptômes précurseurs de cette Régénération. Puisse-t-il servir à l’interprétation pacifique des besoins de notre temps, en contribuant à pénétrer les esprits du sentiment de la véritable justice ! 1. Godin reprend une formule de Victor Considerant : « L’espace compris de 1830 à 1848 fut donc pour les doctrines sociales une phase d’incubation » (Considerant, 1849, p. 20). 2. Sous le Second Empire (1852-1870). 40 41 chapitre i – prologue l’idée sociale en action Ce livre n’est pas une œuvre littéraire ; écrit au milieu d’occupations industrielles de tous les jours et de tous les instants, par un homme dont l’existence s’est passée au contact de la matière, au sein du travail des champs et de la fabrique, il ne peut unir au sérieux des études cet art du langage qu’une éducation soignée prête à la forme, surtout quand l’habitude d’écrire lui vient en aide1. Mais si ce n’est pas au contact du travailleur des champs ou de l’ouvrier de la fabrique que s’acquiert l’art de bien dire, c’est au moins près d’eux que peuvent s’étudier les questions qui intéressent le sort des masses ; c’est là que gît la question sociale de notre temps ; c’est là que des vérités brûlantes sont à mettre en évidence, pour être portées à l’attention de tous les hommes dévoués au progrès social. Ce sont ces vérités que cet ouvrage a pour but d’élucider. Il doit se ressentir des intermittences qui ont été apportées dans sa rédaction ; je prie en conséquence le lecteur d’être indulgent sur la forme, et de s’attacher, avant toute chose, à l’examen des solutions que ce livre renferme, sans s’arrêter à la manière dont l’auteur a traduit sa pensée, manière, qui, sans doute, sera souvent fort éloignée d’être aussi claire qu’il le désire. choses humaines : l’hypothèse, le raisonnement, les théories spéculatives précèdent l’acte. Mais s’il en est nécessairement ainsi, il est vrai de dire aussi que les véritables théories, que les théories positives, ne se déduisent que de l’expérience et des faits ; aussi est-ce sur le terrain pratique de l’économie sociale, et de la morale sociale en action, que ce livre doit conduire le lecteur. C’est une nouvelle réponse à un reproche que m’ont adressé quelques amis. « Pourquoi, m’ont-ils dit plus d’une fois, gardez-vous le silence sur des choses que vous réalisez dans un but d’intérêt social ? « Pourquoi ne livrez-vous pas à la publicité les résultats de votre expérience, afin que le monde en profite ? « C’est un devoir pour vous de faire connaître ces résultats : vous ne vous appartenez plus à vous-même, vous appartenez à la société. » Ainsi s’expriment ceux qui n’ont qu’à observer ou à critiquer ; il paraît si simple de demander toujours davantage à ceux qui ont déjà fait : le travail accompli semble si facile ! À cela j’ai répondu qu’il ne me paraissait pas véritablement utile de rechercher la publicité, avant que les faits eussent parlé, quand il s’agit de choses à la réalisation ou à l’application desquelles nous travaillons. Ne vaut-il pas mieux réaliser le bien sur le terrain de la vie pratique, en étudiant les données de l’expérience, que d’ambitionner d’abord l’honneur de se faire connaître par des projets de réformes ou d’institutions, qui souvent se consomment en vaines paroles ou en essais infructueux ? Il m’a paru plus sage d’agir que de parler ; j’ai vu dans cette ligne de conduite l’accomplissement d’un double devoir : ne pas occuper inutilement le public d’idées que l’expérience eût pu condamner, et n’avoir à l’entretenir que de vérités sur lesquelles les faits aient permis de prononcer un jugement que la postérité pourra sanctionner 1. ii l’idée sociale en action Dans la première moitié de ce siècle, les idées de réforme sociale intimement unies à celles de la morale humanitaire, se sont circonscrites dans les traités sur la matière, et dans la discussion écrite et orale ; c’est la marche naturelle des 1. Godin, fils de serrurier, fréquente l’école de son village natal d’Esquéhéries jusqu’à l’âge de 14 ans environ. Dès son jeune âge, il participe aux travaux des champs que possède sa famille et travaille dans l’atelier paternel. Les seuls livres auxquels il a accès pendant son adolescence sont ceux qu’il achète aux colporteurs avec ses économies (voir Fam : Godin, Notb sur mon enfance, sans date). De 16 à 20 ans, il mène une vie d’ouvrier dans les ateliers de Paris et du sud de la France. Godin éprouve depuis longtemps cette difficulté d’expression, surtout au contact des intellectuels fouriéristes. Lorsqu’en 1855 ceux-ci lui font reproche de la médiocrité de son style, Godin répond : « Si je ne possède pas l’art d’écrire, je n’ai pas davantage celui de parler ; et j’aurai plus de peine à faire accepter un moyen pratique qu’un beau parleur n’en aura à faire accepter une chose vaine » (lettre de Godin aux gérants de la Société de colonisation du Texas du 3 septembre 1855, citée par Moret, 1897-1910, vol. 1, p. 529). 1. Godin se présente comme « l’homme des faits » : « J’ai traduit mes pensées en actes et leur ai donné l’organisation et la vie avant de les exposer en théorie » (conférence au personnel, 16 novembre 1877, citée par Moret, 1897-1910, vol. iii, p. 275). Selon l’heureuse formule de Guy Delabre et Jean-Marie Gautier, Godin est un théoricien a poferiori (Delabre et Gautier, 1978, vol. ii, p. 534). 42 43 chapitre i – prologue l’idée sociale en action Ceci est donc un premier point qui explique pourquoi j’ai médité et agi dans le silence, et pourquoi j’ai résisté longtemps aux sollicitations de mes amis, afin d’éviter que la presse s’occupât de moi 1. J’ai pu encore et surtout trouver dans ce silence l’avantage de ne pas surexciter les passions hostiles aux idées nouvelles, et je suis parvenu, dans un demicalme, à édifier et à développer une œuvre que ces passions auraient pu étouffer dès son origine. Aujourd’hui, ce silence n’a plus d’objet : fondateur d’une œuvre pour laquelle je désire des imitateurs 2, je dois expliquer au monde la pensée qui a présidé à cette fondation ; l’œuvre est assez forte en elle-même pour qu’il soit imprudent d’y toucher et même de ne pas la protéger, au moins en apparence ; je puis donc profiter de cette situation pour exposer les faits et les idées qui se rattachent à la fondation du Familistère, à son développement et à sa marche. Je puis et je dois aujourd’hui braver les obstacles que l’ignorance et la faiblesse humaine accumulent toujours devant les œuvres utiles, et marcher droit aux sympathies que je rencontrerai parmi les amis du progrès. Ceux-là reconnaîtront que mon entreprise n’est due ni à des circonstances fortuites, ni à un vain caprice d’homme, ni à un intérêt matériel égoïste comme tant de personnes au cœur étroit l’ont pensé 3 ; mais qu’au contraire elle puise sa source dans des convictions et des principes fortement arrêtés, qui ont pour but le salut social et le bien de l’humanité. Cet ouvrage ne suivra pas les sentiers battus ; il a pour objet de montrer une utopie d’hier réalisée aujourd’hui 1 : par conséquent, il a à retracer des faits nouveaux, non seulement par leurs conséquences, mais aussi par les principes qui les ont produits. Il ne s’agit pas de rechercher comment l’avenir pourra s’élever sur les ruines du passé ; mais bien de démontrer comment le présent peut créer le bien-être au profit de ceux qui sont privés du nécessaire, sans rien enlever à ceux qui possèdent la richesse 2. Il s’agit de démontrer ce que le travail a pu faire dans cette voie, sans autre appui que sa propre puissance et sa foi dans les principes. C’est donc en s’appuyant sur des faits, que les doctrines de ce livre se produisent ; et si l’arbre peut être jugé par ses fruits, les doctrines qu’il renferme peuvent être jugées par l’expérience. Mais comme toute œuvre nouvelle doit subir les résistances des habitudes et des préjugés qu’elle vient combattre ; comme l’histoire nous fait voir dans mais vraisemblablement aussi aux employés et ouvriers de ses usines qui semblent douter de son altruisme (Cnam ffgp : conférence au personnel, 1er mars 1862). 1. En 1862, Godin est effectivement encouragé à publier les premiers résultats de son expérimentation par les fouriéristes François Cantragrel et Jules Delbruck ou par le journaliste républicain Calixte Souplet. Ils comptent parmi ces amis à qui Godin impose alors le silence sur le Familistère : « Je ne désire rien tant que le silence sur ce qui me concerne et sur ce que je fais, ce motif seul m’empêcherait de livrer mon nom à la publicité d’aucune entreprise. J’insiste auprès des personnes qui ont eu et qui pourraient avoir l’intention de saisir la publicité de mes travaux de n’en rien faire et cela a eu lieu jusqu’ici. Ne craignez pas pour cela que le monde en soit toujours privé. Le travail se fait et ce ne sera pas une brochure mais un livre qui en fera connaître la substance quand le moment sera venu, mais à tort ou à raison je désire bien vivement que jusque là les journalistes ne s’occupent pas de moi » (Cnam ffgp : lettre à Jules Delbruck, 25 novembre 1862). Le procès en séparation de Godin avec son épouse Esther Lemaire, entamé en novembre 1863, donne l’occasion à ses adversaires de calomnier son action. Godin doit défendre publiquement le Familistère et à la fin de 1864, il autorise une première publication sur son œuvre (Oyon, 1865). 2. C’est un objectif que se fixe Godin depuis la fin de 1864 : « Je travaille pour avoir des imitateurs, je travaille pour donner carrière aux études que les privations des masses réclament. C’est en saisissant le public de ces questions qu’elles feront leur chemin. Mais c’est à mes yeux un bien grand devoir de le bien faire ; c’est pourquoi pour ce qui me concerne je ne me presse pas » (Cnam ffgp : lettre à Alexandre Oyon, 28 novembre 1864). Cette entreprise de propagande motive la publication de Solutions socialb : « Je n’aurai d’imitateurs que parmi les hommes qui pèseront le fond de la doctrine » (Cnam ffgp : lettre à Georges Coulon, 16 juillet 1871). Godin n’accordera toutefois son soutien à aucun des projets qui lui sont soumis en France ou à l’étranger parce qu’il les juge partiels ou aventureux. Le Familistère est resté sans réplique. 3. Godin pense sans doute à son épouse Esther Lemaire et à certains publicistes conservateurs ou socialistes, 1. Il existe deux autres occurrences du mot utopie dans Solutions socialb pour commenter l’usage qu’en font les adversaires du progrès social : l’une à propos de l’Icarie communiste d’Étienne Cabet (p. 92), l’autre au sujet de l’œuvre de Fourier (p. 101). Godin mentionne aussi à une reprise le terme utopiste que les conservateurs utilisent comme un synonyme dépréciatif de socialiste (p. 73). À l’époque de la rédaction de Solutions socialb, Godin, on le voit, ne rejette pas absolument le terme utopie appliqué à sa fondation. Il ne proteste pas lorsque le journaliste Charles Sauvestre, qui semble lui avoir inspiré la formule, titre son premier article sur le Familistère « Une utopie réalisée. Le Familistère de Guise » (L’Opinion nationale, 18 octobre 1865). Accompagné d’un tel adjectif, le mot ne l’effarouche pas. Godin sera ensuite beaucoup plus réticent : « Il n’est donc pas possible de dire que je suis resté dans le domaine des utopies » (conférence au personnel, 16 novembre 1877, citée par Moret, 1897-1910, vol. iii, p. 275). L’utopie et la méthode expérimentale s’opposent : « le nom d'Utopie [inventé par Thomas More] passa dans le langage pour désigner les rêveries impossibles auxquelles chacun peut se livrer mais qui ne reposent sur aucun fait d'expérience » (Cnam ffgp : conférence au personnel, 9 novembre 1877). S’il n’envisage ici le mot que dans son acceptation commune, Godin connaît aussi l’usage rhétorique et polémique qu’en fait Fourier à l’encontre de Saint-Simon, Owen ou Cabet pour condamner leur doctrine au nom de sa science sociale. À leur tour, Marx et Engels qualifient d’utopique le socialisme de Fourier pour affirmer leur prééminence scientifique (voir : Mercklé, 2001, chap. v « La construction de la tradition utopique »). 2. C’est le programme commun des socialistes non révolutionnaires du milieu du xixe siècle, comme Pierre Leroux dans sa Revue sociale : « En un mot, il ne s’agira plus, par violence ou par sympathie, par Babouvisme ou par Enfantinisme, d’enlever quoi que ce soit à la classe supérieure ; et cependant il faudra donner aux classes inférieures. Donner aux classes qui ne possèdent pas, sans rien ôter à ceux qui possèdent ; voilà le grand et délicat engagement que vous venez de prendre » (no 2, novembre 1845, p. 23). 44 45 chapitre i – prologue l’idée sociale en action tous les temps l’idée nouvelle persécutée, l’expérience dont il est question s’est aussi faite au milieu des plus tristes obstacles, et ce ne doit pas être là le moindre signe de sa force 1. Malgré ces obstacles, j’ai pu élever le premier palais au travail, – le Palais Social 2, – et préparer les dispositions nécessaires à l’association intégrale parmi les hommes 3. J’ai pu rassembler les éléments qui doivent concourir à la répartition équitable des fruits de la production entre le travail, la capacité et le capital. C’est là l’œuvre pratique que j’ai à exposer au lecteur, œuvre commencée et réalisée par le travail seul, œuvre dont les ressources s’élèvent aujourd’hui à plusieurs millions qui ne doivent rien au vieux monde, mais sur lesquels la justice des tribunaux a ouvert aux gens d’affaires la porte de la curée, pour seconder les forces ennemies du progrès qui me font obstacle, et viennent demander le partage des fruits d’un travail qui n’est pas le leur 4. Mais tel est le sort de l’idée nouvelle, et le rôle de la justice sociale dans le présent ! L’Association Intégrale est préparée, son organisation est faite, les cadres en sont ouverts, les fonctions établies ; le bien-être de neuf cents personnes en ressent depuis longtemps déjà les heureux effets ; et dès que l’ignorance et la méchanceté humaines ne me susciteront plus d’obstacles, l’association du travail, du capital et du talent sera un fait accompli 1. 0 1. « Les débuts de toute idée nouvelle sont difficiles et ils le sont d’autant plus, lorsqu’il s’agit d’organiser une réforme sociale, que ce n’est pas seulement la matière passive, mais que ce sont des hommes, c’est-à-dire la vie intelligente qu’il faut mettre en mouvement et en action. Le novateur industriel en face de la matière peut, à loisir, modifier ses conceptions et réparer ses erreurs : les puissances matérielles passives ne lui opposent pas de résistance. Mais le novateur social se trouve en face d’hommes dont la puissance active est à conquérir, afin d’éviter les obstacles que par amour de leurs habitudes ils sont prédisposés à opposer à toute réforme » (Godin, 1883, p. 457-458). 2. Le terme « Palais social » apparaît pour la première fois dans Solutions socialb ; auparavant, Godin emploie l’expression « palais du travail » pour qualifier le « Familistère », néologisme qu’il forme vers 1860 sur le modèle de « phalanstère » (voir lettre à Émile Godin, 3 avril 1860, dans Godin et Fontaine, 2008, p. 19). 3. L’idée que le système domestique du Familistère n’est pas une fin en soi mais la préparation de l’organisation sociale fouriériste est fréquemment répétée par Godin qui redoute que le Palais social soit perçu comme une œuvre philanthropique parmi d’autres. Cette affirmation placée en début de volume vaut avertissement. « Le Familistère, soyez-en convaincu, n’a pas d’autre but que de constituer le plus tôt qu’il sera possible le plus vaste champ d’association coopérative qui aura été inauguré dans le monde. Il n’est qu’un ensemble de dispositions matérielles prises pour atteindre ce résultat en y préparant les esprits et les faits » (Cnam ffgp : lettre à Édouard Raoux, 16 mars 1866). 4. Le Familistère et ses usines de Guise et de Bruxelles sont estimés à sept millions de francs en 1874 (Cnam ffgp : Tribunal civil de Vervins, Liquidation de la communauté db époux Godin-Lemaire. Rapport d’experts. Novembre 1874). Le procès en séparation avec son épouse et la liquidation de la communauté Godin-Lemaire (18631877) peuvent alors faire craindre à Godin que la propriété du Familistère lui échappe. 1. La population du Familistère passe de 350 habitants en 1863 à 800 en 1866 après l’achèvement du pavillon central du Palais social. En 1876, 865 personnes habitent au Familistère (Cnam ffgp : Population du Familctère et proportion db ouvriers travaillant à l’dine). Sur l’association intégrale, voir ci-dessous chap. viii « Fourier et l’association », en particulier p. 99, note 1. 46 mon enfance chapitre deuxième Pressentiments i mon enfance 1 Un profond souvenir m’a toujours suivi en traçant dans ma carrière le même sillon ; je crois devoir le présenter, sinon comme cause de la mise en pratique des idées renfermées dans cet ouvrage, du moins comme sujet d’étude psychologique. Lorsqu’à l’âge de huit à dix ans, j’étais assis sur les bancs d’une école de village 2, où cent quarante enfants venaient s’entasser les uns sur les autres dans un air méphitique, et passer le temps à jouer, ou à recevoir la férule du maître, au lieu d’un enseignement profitable et régulier, il m’arrivait souvent de réfléchir sur l’insuffisance et l’imperfection des méthodes d’enseignement qu’on nous appliquait. Souvent je me disais : Si j’étais professeur, j’enseignerais mieux les élèves qu’on ne le fait ici, et je me demandais si je devais me livrer à l’enseignement 3. Mais aussitôt un sentiment intime me poussait à cette autre pensée : Non, je dois me livrer à l’apprentissage des arts manuels, car, par eux, j’ai un grand exemple à donner au monde dans la sphère où j’agirai. 47 Cette idée persistante, dans un âge aussi peu avancé, est au moins un fait singulier, surtout si l’on tient compte de l’excessive timidité qui me suivait alors dans tous mes actes, et des pénibles difficultés qu’offraient à mon tempérament, frêle et délicat, les travaux qui s’exécutaient sous mes yeux. Malgré cela, c’est sous l’empire de l’idée que la pratique des arts manuels devait me conduire à un rôle pressenti, qu’à onze ans et demi je commençai à travailler le fer dans l’atelier de mon père, et à prendre une part au-dessus de mes forces, dans les travaux de la campagne, à côté de mes parents 1. Pourquoi un pareil objectif dans un jeune esprit devant lequel nulle perspective n’était ouverte, et pour lequel tout semblait renfermé dans le cercle d’une vie de travail et de pauvreté ? Si je m’autorise à poser cette question à mon lecteur, c’est que je me la suis bien souvent posée à moi-même ; c’est que ce fait me paraît renfermer une question de psychologie intéressante, qui s’est renouvelée dans toutes les phases de ma vie. Aujourd’hui encore, je pressens des événements que je me garderai d’indiquer, non que je croie à la fatalité, je suis fort éloigné de cela : je crois au contraire les événements subordonnés en tout et partout à l’action de l’intelligence, mais ce n’est pas ici la place pour expliquer ce phénomène d’intuition, et je n’en parle que parce qu’il tient aux causes de la fondation que j’ai faite ; l’explication en viendra plus tard 2. 2. À Esquéhéries, dans l’Aisne, village natal de Godin situé à 15 km au nord-est de Guise. 1. Jean-Baptiste Godin (1795-1869) se marie en 1816 à Marie Joseph Florentine Degon (1794-1867). Ils ont trois enfants : Jean-Baptiste André, Virginie (1822-1886) et Barthélémy (né en 1827). Jean-Baptiste Godin est artisan serrurier dans le village d’Esquéhéries ; la famille tire également des revenus des quelques vaches et des champs qu’elle possède (voir Fam : Godin, Notb sur mon enfance, sans date). 3. L’élève Godin est ambitieux et enthousisaste : il souhaite devenir instituteur et a caressé un moment le rêve d’entrer à l’École polytechnique (Fam : Godin, Notb sur mon enfance, sans date). 2. Godin fait plus loin (p. 291) une nouvelle allusion au don de prédiction. Nous n’avons trouvé, dans les archives ou la littérature, aucune autre mention de ces pressentiments ou intuitions. 1. C’est le titre du premier chapitre des célèbres Mémoirb d’un compagnon d’Agricol Perdiguier dont Le Livre du compagnonnage (1840) figurait dans la bibliothèque de Godin. 48 49 chapitre ii – pressentiments ma vie d’ouvrier ii que la pauvreté ! Elles sembleraient presque dénoter un caractère sujet à une vaine ambition : pourtant j’ai toujours professé le plus grand éloignement pour les glorioles personnelles. J’étais alors aussi très préoccupé de l’anarchie du salaire, et je ne voyais aucune règle d’équité dans la répartition des fruits du travail. L’offre et la demande étaient la règle économique 1, sans entrailles et sans cœur qui, parfois, quand j’avais accompli un travail procurant des bénéfices exagérés au maître, ne m’accordait à moi qu’un salaire insuffisant pour subvenir à mes besoins ; et qui, d’autres fois, au contraire, pour des travaux peu favorables à l’entrepreneur, me donnait un salaire plus élevé. Je croyais à la justice, mais nulle part je n’en voyais l’application. L’humanité était-elle donc condamnée à entrevoir le juste et le bien sans pouvoir jamais en faire un usage rationnel ? C’est après plusieurs années de cette existence et de réflexions semblables, que j’acquis assez de confiance en moi-même pour débuter en industrie, seul et sans aide 2. Je ne m’étendrai pas davantage sur mes pressentiments. J’ai dit le motif qui m’a engagé à les indiquer ici, cela suffit pour montrer la chaîne qui relie mon entrée dans la vie au travail de progrès social auquel mon existence est et restera consacrée. ma vie d’ouvrier Lorsque je quittai l’atelier de mon père, simple artisan de village, pour aller chercher au sein des villes le moyen d’un apprentissage industriel plus avancé 1, je pensais que là tout allait s’offrir devant moi sous les formes de la science ; que chaque ouvrier s’y était formé au contact de théories régulières, et que le travail s’y exécutait autant d’après les données de l’étude, que d’après celles de la pratique. C’est avec de semblables idées que je me mêlai à la masse ouvrière des villes et du compagnonnage, et que je croyais voir partout des supériorités en savoir et en capacité dans les ouvriers qui m’entouraient. Il fallut un certain temps pour dissiper ces illusions. Tous les jours se renouvelait pour moi le dur labeur d’un travail qui me tenait à l’atelier depuis cinq heures du matin jusqu’à huit heures du soir. Je voyais à nu les misères de l’ouvrier et ses besoins, et c’est au milieu de l’accablement que j’en éprouvais que, malgré mon peu de confiance en ma propre capacité, je me disais encore : Si un jour je m’élève au-dessus de la condition de l’ouvrier, je chercherai les moyens de lui rendre la vie plus supportable et plus douce, et de relever le travail de son abaissement 2. Ces aspirations ne sont certainement pas moins singulières que celles éprouvées par moi sur le banc de l’école, puisque je n’avais d’autre perspective 1. Godin quitte Esquéhéries en 1834 pour se rendre à Crécy-en-Brie (Seine-et-Marne) chez son oncle Nicolas Moret, maître serrurier. Avec son cousin Jacques-Nicolas Moret (1809-1868), il va travailler à Meaux puis à Paris. En 1835, Godin rejoint à Bordeaux son cousin, compagnon serrurier qui accomplit son tour de France. D’octobre 1835 à septembre 1837, ils parcourent le midi : à Toulouse, Saint-Gaudens, Montréjeau, Montpellier, Nîmes, Marseille, Toulon, Avignon et enfin Lyon, ils trouvent de l’emploi dans de petits ateliers ou des boutiques de serruriers. Godin rentre ensuite à Esquéhéries (Moret, 1897-1910, vol. 1, p. 5-8). 2. « Je me souviens que quand j’étais moi-même ouvrier, je travaillais douze heures et aurais bien voulu voir la journée réduite à dix seulement, tout en gagnant même salaire, afin de pouvoir utiliser les 2 heures restantes à mon instruction, dont à mon grand regret je ne pouvais m’occuper assez, condamné que j’étais à un travail qui absorbait toutes les heures de mes journées. Or, dans ce temps, je me disais que si plus tard je devenais chef d’industrie, je n’oublierais pas combien les trop longues journées de travail sont dures et nuisibles à l’ouvrier [...]. Je me suis vu parfois presque sans les moyens de me procurer de la nourriture, et vivant au jour le jour comme c’est le sort commun des ouvriers » (Cnam ffgp : conférence au personnel, 5 avril 1878). 0 1. Sous la monarchie de Juillet, la rémunération du travail est soumise à la libre concurrence entre ouvriers et entre maîtres d’atelier. L’anglais Richard Cobden, souvent cité par les économistes français du xixe siècle, donne une image célèbre de la règle de l’offre et de la demande qui, en économie libérale, détermine le prix du travail : « Quand deux maîtres courent après un ouvrier, le salaire hausse ; quand deux ouvriers courent après un maître, le salaire baisse » (cité par Moureau, 1866, p. 22). 2. Godin rentre à Esquéhéries en septembre 1837. Un bon tirage au sort le dispense de service militaire. En 1838 et 1839, il travaille dans l’atelier de son père où la construction de poêles en tôle de fer constitue une activité accessoire. Godin pense s’établir à son compte pour développer cette branche de la production. En février 1840, il se marie avec Esther Lemaire et installe à Esquéhéries son propre atelier grâce à la somme de quatre mille francs donnée par son père (Moret, 1897-1910, vol. 1, p. 14-16). 50 chapitre troisième État de l’atelier i le salariat J’avais vainement cherché dans les faits, pendant ma vie d’ouvrier, la règle du droit, du devoir et de la justice, et je ne l’avais pas trouvée davantage dans mes lectures1 : elles ne m’avaient rien montré au-delà de ce que je puisais dans mes propres sentiments. Je commençai la fondation d’une industrie nouvelle ; je travaillai à remplacer les appareils de chauffage en tôle par des appareils de chauffage en fonte de fer. D’ouvrier, je devenais chef d’industrie. Bientôt, je dus appeler près de moi quelques ouvriers dont le nombre s’accrut graduellement, suivant les développements de mon entreprise2. En me créant un intérieur, une existence propre, je trouvai les moyens de me livrer à l’étude des questions sociales qui étaient alors sérieusement agitées, et je m’initiai au mouvement des idées que la vie d’ouvrier m’avait jusque-là rendu peu accessible. 1. L’adolescent avait lu Rousseau, Voltaire et Diderot : « Il racontait, que dès sa 15e année, il s’était senti très préoccupé de l’origine des choses et des divers systèmes sociaux : voyant les auteurs se contredire mutuellement, il avait conclu que rien n’était autrement certain ; et il était entré dans une phase de scepticisme actif, c’est-à-dire qu’il était à la recherche du vrai et ne devait plus avoir de repos tant que l’observation et l’étude ne l’auraient conduit à des conclusions qui le satisfassent » (Moret, 1897-1910, vol. 1, p. 5). 2. Le 15 juillet 1840, Godin dépose un brevet de dix ans pour la fabrication d’un poêle à charbon en fonte de fer. Il fait à l’origine mouler les pièces de ses appareils de chauffage dans les hauts-fourneaux de Trélon (Nord). En 1842, il aménage sa propre fonderie dans des hangars de son village natal. À l’automne 1846, Godin transfère ses ateliers à Guise avec une vingtaine d’ouvriers (Cnam ffgp : lettre à Victor Grouselle, 9 novembre 1869 ; Godin, 1880, p. 77 ; Moret, 1897-1910, vol. 1, p. 16-17). 93 chapitre huitième Fourier 1 & l’association i vue générale Nous avons vu Saint-Simon signalant le travail comme devant occuper le premier rang dans la société moderne, demandant sa glorification à toutes les puissances du jour, et réclamant justice et attention pour lui. Ce sont là les plus beaux titres de Saint-Simon à la reconnaissance de la postérité. Dans le même temps, Robert Owen 2 préconisait et expérimentait en Amérique l’idée communiste que Cabet, un peu plus tard, présentait en France 1. Fils unique d'un marchand prospère, Charles Fourier (Besançon, 1772 – Paris, 1837) mène à partir de 1791 une carrière de négociant à Lyon, Marseille et Paris. Sensible et curieux, Fourier est heurté par le désordre économique créé par le libre-échange, le désordre architectural des grands centres urbains et le désordre des relations sociales qu’il attribue à la répression des passions humaines. Ruiné par la Révolution, Fourier travaille à Lyon et Paris comme commis de maisons de commerce. Avec la publication en 1808 de la Théorie db Quatre mouvements et des destinées généralb, il a l’ambition de fonder une nouvelle science qui serait pour le monde des hommes l’équivalent de la science de Newton pour l’univers physique. Le Traité de l’Association domestiqueagricole de 1822 puis Le Nouveau Monde indufriel et sociétaire de 1829 décrivent les lois naturelles qui gouvernent les sociétés humaines. L’organisation sociale harmonieuse imaginée par Fourier repose sur la libération et l’éducation des passions des individus, la généralisation du travail attrayant, l’association du capital, du travail et du talent, l’édification de communes ou palais sociétaires nommés phalanstères. Fourier n’obtint pas le succès public escompté ; il ne rencontra jamais le mécène attendu pour réaliser un phalanstère d’essai conforme à son rêve. L’activité du groupe de ses disciples assura par contre à l’œuvre de Fourier une postérité extraordinairement féconde en expériences, du Brésil à la Russie (voir : Beecher, 1993). 2. Né au pays de Galles dans un milieu modeste, Robert Owen (Newtown, 1771 – Newtown, 1858) devient en 1 800 propriétaire d’une filature importante à New Lanark (Écosse). C’est dans ce village manufacturier qu’il procède à ses premières expériences pratiques de réforme. Ses innovations dans l’organisation du travail ou dans le domaine de l’éducation attirent l’attention. Owen forme le projet de créer des « villages de coopération » pour 500 à 2 000 travailleurs, dotés de nombreux équipements publics. Ces nouvelles communes 94 95 chapitre viii – fourier et l’association vue générale comme remède à la distribution abusive des richesses 1. Nous avons rapidement signalé l’insuffisance de ces doctrines pour la solution des problèmes sociaux qu’elles mettent en évidence. C’est à la même époque que Charles Fourier élaborait de son côté le plus vaste système qui soit jamais sorti du cerveau d’un homme. Nous ne saurions nous défendre d’une certaine appréhension au moment d’aborder l’examen de ce système ; nous savons combien il est de bon ton aujourd’hui, pour un grand nombre d’esprits, de se montrer sceptiques sur tout ce qui n’est pas du domaine courant des idées reçues. Le mot d’Association, que le nom de Fourier rappelle pour tout lecteur, est bien aujourd’hui dans toutes les bouches ; mais les hommes qui possèdent la notion d’association du capital et du travail, sont rares, même parmi ceux qui se donnent la mission de diriger le mouvement socialiste 2. Le problème social est plus complexe que beaucoup d’hommes ne le pensent ; et ceux-là qui se jettent dans la mêlée des idées avec la prétention d’y apporter des solutions improvisées, sont loin, bien loin, de savoir tout ce qu’exigent les réformes sérieuses et véritables. Une idée les domine, et souvent cette idée n’est qu’un point des mille côtés du problème dont vous ne pouvez leur montrer l’ensemble, sans que la confusion se fasse dans leur esprit, et le doute leur paraît alors plus simple à mettre en pratique qu’une étude sérieuse par laquelle la vérité se dévoilerait à eux. C’est l’effet que je crains de produire sur l’esprit du lecteur, même en n’examinant que le côté pratique qui ressort de la théorie de Fourier. Beaucoup d’hommes sont désireux de voir améliorer l’état de la société présente ; mais, sans foi dans aucun principe, ils vont à l’aventure, espérant que l’ordre sortira du chaos, sans que l’intelligence en ait cherché, préparé et déterminé les moyens. Erreur. L’ordre est un fait du travail de l’esprit ; la société ne se réformera que par la science acquise des lois véritables du progrès social. Il faut que la Synthèse Sociale 1 se fasse pour que les idées utiles reçoivent leur application. Ce n’est donc pas parce que le système de Fourier se présente large en promesses, qu’il faudrait en repousser l’examen ; mieux vaut au contraire puiser à une mine abondante que de s’arrêter à de maigres filons : en jetant un riche minerai au creuset de l’expérience, le métal pur sort plus facilement des épreuves. L’aperçu que nous allons faire ne sera pas un exposé des doctrines que nous examinerons : nous ne ferons que rechercher les principes et les données qui se dégagent de ces doctrines, comme point d’appui à celles que nous voulons produire ensuite. Nous réservons même complètement notre jugement sur le système passionnel de Fourier, et nous différons avec lui sur les moyens d’application du principe d’association. Mais, malgré cela, nous n’en reconnaissons pas moins que ses vues sont généralement dignes d’études et de méditations, et qu’elles sont l’œuvre d’un puissant génie 2. fondées sur l’égalité et l’autonomie des individus sont une alternative à la société capitaliste contemporaine. Mais sa critique sociale radicale et sa dénonciation des religions effraient les soutiens politiques et les mécènes de Robert Owen. Il part aux États-Unis en 1824 pour fonder la colonie de New Harmony (Indiana) dans laquelle il engloutit sa fortune. L’expérience s’achève dès 1827. De retour en Angleterre, il tente d’organiser un réseau de coopératives, un système de bourses du travail ou encore une union syndicale. Il présente sa doctrine dans le Book of the New Moral World (1834-1845) et participe à l’émergence du socialisme à travers le mouvement de l’ « Association de toutes les classes de la Nation ». Les idées de Robert Owen rencontrent une audience considérable chez les ouvriers et les artisans. Elles inspirent de nombreuses expériences en Grande-Bretagne et aux États-Unis. 1. Voir ci-dessus p. 85, note 1. « Le Communisme icarien de M. Cabet n’est que l’Owénisme importé par celui-ci chez nous, à son retour d’Angleterre, et habillé à la française, c’est-à-dire plus passionné, plus critique, demandant plus à la politique démocratique, au principe de la loi, à l’idée de la centralisation du Pouvoir et de l’État, naturellement absents dans une conception coopérative éclose en Angleterre, pays de l’initiative individuelle par excellence » (Considerant, 1849, p. 33). 2. Voir ci-dessous chap. x-i « Les associations ouvrières ». La critique des mauvaises interprétations de l’idée d’association est un lieu commun de la littérature fouriériste. Charles Fourier écrit déjà en 1831 : « Depuis quelques années, le public est dupe d’un nouveau charlatanisme philosophique, roulant sur les mots association et progrès. Personne n’a songé à définir le vrai sens de ces mots ; chaque sophiste peut s’en emparer et donner ses utopies, ses intrigues politiques, pour voies d’association et de progrès. Le mot association est tellement prostitué aujourd’hui qu’il est vide de sens » (Fourier, 1831, p. 1). Godin vise-t-il Louis Blanc, promoteur des associations ouvrières et créateur des ateliers nationaux en 1848 ? 1. Cette expression est utilisée à plusieurs reprises par Victor Considerant pour distinguer le fouriérisme des autres formes de socialisme : « Tout en croyant fermement, en voyant clairement que la vérité théorique et pratique, que la grande synthèse sociale est chez nous, je reconnais l'utilité providentielle et la légitimité historique des autres formes du Socialisme, même des moins douces, des plus étroites et des plus fausses » (La Démocratie pacifique, 14 février 1849). 2. La présentation de la pensée de Fourier est pour Godin une manière de dessiner les contours de son fouriérisme, qu’il expose pour la première fois publiquement. Tout le chapitre balance entre l’expression de son admiration du génie de Fourier et celle de ses préventions à l’égard de la doctrine. Alors qu’il apparaît comme un fervent phalanstérien en 1848, Godin entreprend de douter du bien-fondé de certains points de la théorie de Fourier au début des années 1850 : son expérience de chef d’industrie et l’essai de colonisation au Texas (voir ci-dessous chap. ix-ii) lui permettent de prendre conscience des difficultés d’application pratique de la doctrine sociétaire. Au cours des années 1860, la réalisation du Familistère conforte sa position critique à l’égard du fouriérisme : « Admirateur de Fourier, je m’en sépare dans la pratique » confie-t-il au 325 chapitre dix-huitième État social & habitation i emploi de la richesse Nous avons recherché les Lois du Travail et de la Production, nous avons vu leurs raisons d’être dans le besoin que l’homme a de la Richesse pour satisfaire les facultés et les besoins par lesquels il participe à la Vie. Nous avons vu que, la Nature et le Travail créant la Richesse nécessaire à l’homme, la Répartition de la Richesse fait nécessairement partie des Lois de la Vie Sociale. Mais il ne suffit pas de travailler, de produire et de créer la Richesse ; il ne suffit pas d’accomplir des merveilles d’Industrie et de Travail, ni d’user inconsidérément des objets qu’ils enfantent ; il ne suffit même pas que les hommes se répartissent entre eux la Richesse créée par le Travail ; tout cela est insuffisant pour assurer le véritable progrès de la vie dans l’humanité. Le Progrès de la Vie étant le but de l’espèce humaine, il faut, quand l’homme a abordé sérieusement l’Organisation de la Production, qu’il résolve, non seulement le problème de la Répartition, mais aussi celui de la Consommation. Quand l’Industrie en est arrivée à posséder les moyens de produire en abondance ce qui est nécessaire à la vie, il importe que tous les membres de la société soient mis en état de consommer avec aisance, de la façon la plus profitable au bien-être, et la plus digne du rang que l’espèce humaine occupe sur la terre. De l’abondance de la Production à l’abondance de la Consommation, il reste un travail social considérable à faire. Produire, et mal consommer, c’est encore la voie inintelligente de la Vie. Produire la Richesse et en faire un bon et juste emploi, telle est la loi de notre destinée. 326 327 chapitre xviii – état social et habitation emploi de la richesse Consommer pour consommer, c’est accomplir le simple rôle des êtres inférieurs de la création ; Consommer avec Intelligence, c’est s’élever au niveau que Dieu assigne à l’homme sur la Terre, c’est s’élever au niveau que la Vie peut atteindre, c’est s’élever au niveau de l’amour et de la fraternité, car la Consommation Intelligente ne pourra se faire que sous l’égide de l’Amour du Prochain. Qu’est-ce donc que la Consommation, si ce n’est la Vie, l’aisance, le bienêtre des masses par la possibilité pour elles de jouir des choses nécessaires à l’existence ? Et si, jusqu’ici, la Consommation a ses moments de ralentissement, de suspension, n’est-ce pas surtout parce qu’elle manque de toute Organisation, parce que le moyen qui doit la régulariser n’est pas encore créé ? Nous avons vu 1 que la Production ne se perfectionne que par la réforme des méthodes, qu’elle ne devient sérieuse que quand l’homme s’élève en intelligence, et qu’il peut atteindre par un moyen quelconque à réunir et à concentrer ses forces et son travail, et le travail et les forces de ses semblables. Le progrès de la Production Agricole exige des fermes intelligemment édifiées et organisées, des cultures savamment combinées ; la Production Industrielle exige les conceptions de la mécanique et la réforme architecturale de l’atelier, par l’édification de l’Usine et de la Manufacture ; ces conditions sont indispensables au véritable progrès du Travail. C’est par l’invention des voies ferrées que les échanges et les relations sont devenus faciles ; et c’est par une bonne organisation comptable des droits de chacun que l’Équité de Répartition s’établira. Le bon emploi et le bon usage de la Richesse sont de même astreints à des conditions qui leur sont propres, conditions sans lesquelles la puissance de la Production et de la Répartition, même fondée sur les principes de la justice, ne peut réaliser le véritable progrès de la vie humaine. L’usage et l’emploi de la Richesse n’atteignent un but conforme aux Lois de la Vie qu’en créant le milieu dans lequel ils peuvent réellement produire le bien-être au profit de tous, et concourir au progrès de la vie humaine, par le complet développement des facultés de chacun. Mais ce milieu, quel est-il ? La Production a le sien, c’est l’Atelier ; ses moyens de progrès sont ceux de l’Industrie : la construction et l’agencement des usines, des fermes et des manufactures, etc. ; mais, dira-t-on : « la Consommation, l’usage et l’emploi de la Richesse ne relèvent que de l’action individuelle, et ne peuvent donner lieu à une organisation spéciale. » C’est là qu’est l’erreur. La Consommation, comme la Production, pour produire de bons résultats, exige des combinaisons savantes et bien ordonnées. Jusqu’ici, au contraire, la Consommation domestique n’a été l’objet d’aucune étude, elle est restée dans le cercle étroit des intérêts de la famille, opérant par des moyens restreints, comme le faisait naguère le petit atelier, par rapport à la Production. C’est à la bonne Organisation de l’Atelier qu’est dû le progrès de la Production et du Travail ; C’est à la bonne Organisation de l’Habitation que sera due la réalisation du bien-être, par la Consommation bien comprise des Produits du Travail 1. La Production est incomplète et imparfaite, tant que l’atelier reste dans l’obscurité et l’isolement ; les produits en sont rares et de médiocre mérite. La Consommation est abusive, mal répartie et mal faite, tant que l’Habitation est le résultat du caprice et de l’ignorance de chacun : la misère et la pauvreté tiennent la place du bien-être que la Consommation pourrait produire par une Organisation savante des Combinaisons de l’Habitation. Il faut donc que la science réalise les moyens économiques du bon emploi des fruits du travail, il faut qu’elle mette les jouissances de la Richesse à la portée de tous ; il faut qu’elle réalise la Réforme Architecturale de l’Habitation, comme elle a réalisé celle de l’Usine, de la Manufacture, de la Fabrique, des moyens de Culture et des Chemins de fer. Le progrès social est solidaire de ces progrès dans le Travail, et la Réforme Architecturale de l’Habitation doit en être le couronnement par l’édification du Palais Social 2. L’état de la société se peint dans l’habitation. On peut reconnaître par le degré de perfection qu’elle atteint, le degré de bien-être des peuples et celui de 1. Voir ci-dessous : le logement doit être « l’atelier du bien-être et du bonheur humain » (p. 372). 1. Ci-dessus chap. xv-i. 2. Godin a fait plus haut l’éloge de Fourier pour avoir le premier imaginé la réforme architecturale comme le préalable de la réforme économique et sociale (ci-dessus chap. viii-iv). 328 329 chapitre xviii – état social et habitation huttes et cavernes leur avancement dans la vie 1. C’est ce que nous allons chercher à déterminer dans la fin de ce chapitre, pour arriver à cette démonstration que l’habitation véritablement progressive, c’est le Palais Social. L’homme primitif n’a point de demeure, mais des abris que le terrier de l’animal et le nid de l’oiseau égalent en intelligence. Pendant cette période de l’humanité, l’homme subit toutes les intempéries ; vivant en hordes réunies contre les dangers extérieurs, il ne construit d’abri que pour se garantir des surprises et des bêtes féroces, pendant ses heures de repos. Les cavernes ou les huttes, dans lesquelles un certain nombre d’individus peuvent se tenir réunis, correspondent au degré des premiers besoins des hommes et de leur ignorance d’un mieux possible ; ce sont là les lieux de refuge, les abris des peuples primitifs, vivant presque nus, et se nourrissant des produits naturels : fruits, racines, gibier et poissons 1. Une étroite ouverture forme l’entrée de ces antres, et l’intérieur va en s’élargissant à une certaine profondeur sous le sol, de manière à servir de lieu de repos et d’asile à la horde chasseresse. ii huttes et cavernes Dans toutes les phases de l’humanité, les travaux d’architecture élevés à la surface de la terre marquent les tendances des âges ; ils sont la plus sûre mesure de l’état du progrès social, et le premier signe du degré d’avancement et de bien-être dont les peuples jouissent 2. 1. En juin 1867, à l’occasion de la fête du Travail au Familistère, Godin fit exécuter en peinture un tableau historique des sociétés humaines considérées du point de vue de leur habitat, d’inspiration fouriériste. Dans la cour du pavillon central, avait été installé un trophée figurant les transformations de l’humanité : « À la base, la création du monde, le soleil brillant du plus vif éclat au-dessus d’épais nuages, la terre couverte des plantes primitives et un serpent enroulé à un arbre. Plus haut, une forêt de liane et des huttes de branchages caractérisées encore par des haches de pierre, des massues, des arcs, des flèches et des filets de pêche. L’époque du patriarcat et des pasteurs était symbolisée par des tentes, un puits, une cruche et des houlettes. Arrivait ensuite l’époque de la féodalité que l’artiste avait représentée par la construction d’un château-fort au bas duquel se trouvaient groupées quelques misérables chaumières de vassaux. Une potence, un pilori et des chaînes rappelaient la justice sommaire féodale. La décoration était complétée par de grossiers instruments aratoires et des armes de toutes espèces. Venait plus haut l’époque de la civilisation représentée par quelques attributs du Commerce, des Arts et de l’Industrie. Enfin, ce splendide trophée se trouvait couronné par un dessin du Familistère au-dessus duquel on distinguait deux mains entrelacées supportant un triangle au milieu duquel flamboyait l’œil de Dieu. Cette dernière partie représentait l’époque harmonique, la terre promise, le bonheur » (Cnam ffgp : Le Nouvellife de Vervins, 5 juin 1868). 2. Le panorama de l’habitation humaine que brosse Godin dans les pages qui suivent trouve sa justification dans l’idée fouriériste énoncée par Victor Considerant : « L’architecture écrit l’histoire ». « Les dispositions architectoniques varient avec la nature et la forme des sociétés dont elles sont l’image. Elles traduisent, à chaque époque, la constitution intime de l’état social, elles en sont le relief exact et la caractérisent merveilleusement » (Considerant, 1848, p. 36 et p. 39). Alors que Considerant et les fouriéristes se limitent à l’énoncé du principe, Godin souhaite faire une présentation circonstanciée du parallèle entre l’évolution de la typologie de l’habitation et celle de la civilisation. Pour décrire l’humanité primitive, Charles Fourier s’inspire des commentaires populaires sur les récits des voyages de Cook et Bougainville à Tahiti (Beecher, 1993, p. 343). Godin admet également que les données anthropologiques contemporaines ont une portée historique. Il emprunte à plusieurs auteurs les descriptions des formes primitives de l’habitation, notamment à un célèbre recueil de récits de voyages, publié en 1854-1857 par l’ancien saint-simonien Édouard Charton, rédacteur en chef du populaire périodique Le Magain pigoresque : Voyageurs anciens et modernb ou choix des relations de voyagb les plus intéressantb et les pld instrueivb depuis le cinquième siècle avant Jésd-Chrif jusqu’au dix-neuvième siècle avec biographib, notb et indications iconographiqub (Charton, 1854-1857). Godin se procure l’ouvrage en 1862 (Cnam ffgp : lettre à François Cantagrel, février 1862). Il en utilise les illustrations, parfois avec une certaine liberté, pour composer les vignettes des premières sections de ce chapitre de Solutions socialb. Il fait établir des dessins d’après les illustrations publiées par Charton, en isolant l’habitation de son paysage ou en la dépaysant, en retranchant certaines figures et en ajoutant d’autres, comme des chiens qui sont selon lui le signe du dénuement. Godin confie la réalisation de ces images à Jules Gaildrau, l’un des dessinateurs de l’Illufration ou de l’Exposition universelle de 1867 illustrée : « Quand aux petites gravures dont je vous ai en premier lieu envoyé les dessins, ce sont comme vous le remarquerez des habitations primitives auxquelles il faut donner plutôt une apparence de pauvreté que de richesse. Les familles sont abandonnées à leurs seules ressources. Le plus souvent, le chien est le principal protecteur et le gardien des petits enfants. C’est là un caractère qu’il vous faut accuser [?] et respecter dans vos gravures » (Cnam ffgp : lettre à Jules Gaildrau, 2 mai 1870). Le plan suivi par Godin pour décrire l’évolution des habitations humaines est peut-être inspiré par le géographe Conrad Malte-Brun dont Godin possédait le Précis de géographie universelle : « Les habitations ordinaires d’un peuple indiquent presque infailliblement le degré de civilisation auquel il est parvenu. On pourrait partager le genre humain en quatre classes, d’après les quatre genres d’habitations que voici : 1o cavernes dans les rochers et sous terre [...] ; 2o cabanes de terre, de branches d’arbres, de pierre ou de quelque autre matière brute ou grossièrement travaillée ; 3o tentes : ces mobiles demeures paraissent préférables à nos palais, aux yeux des peuples nomades ou pasteurs ; 4o maisons, qu’on pourrait définir cabanes perfectionnées [...] » (Malte-Brun, 1845-1847, t. i, p. 586). 1. Dans l’orthodoxie fouriériste, la première période de l’humanité ou Édénisme, se caractérise au contraire par l’abondance et l’absence de dangers naturels. La période décrite par Godin correspond à la seconde période de l’humanité selon Fourier, ou Sauvagerie, qui apparaît avec l’invasion par les bêtes féroces des zones tempérées où vivaient les premiers hommes et l’invention de la chasse (Considerant, 1834-1844, t. i, p. 146 et p. 153). 330 chapitre xviii – état social et habitation huttes et cavernes Fig. 3 331 Fig. 4 Wigwam fuégien, Patagonie (Amérique méridionale) 1. 1 Cavernes des Boschismens (Afrique méridionale) . Le nu du rocher, ou la terre étayée de bâtons, forme les murs et la voûte de ces sombres asiles. L’entrée en est défendue, pendant la nuit, contre les surprises des bêtes féroces, par quelques pierres ou par des bâtons entrelacés. Chercher un rideau, un pli de terrain, le flanc d’un coteau, pour y creuser une caverne, un terrier, est le premier mouvement instinctif de l’industrie primitive : une anfractuosité de rocher dont l’homme ferme l’entrée de débris, de pierres, constitue pour lui un abri dont il est fier. Les grottes naturelles dans le roc étaient une bonne fortune pour nos premiers pères : c’était pour eux le suprême confortable. Aussi est-ce là que leur industrie a fait ses premiers progrès. Trouvant dans ses antres une sécurité plus grande, l’homme s’exerça près de ces lieux, avec un intérêt plus soutenu, au progrès du Travail. Les caractères des abris primitifs, que l’homme commence à construire, sont l’imitation artificielle de la caverne. Une enceinte circulaire dans laquelle plusieurs personnes peuvent se réunir ; une ouverture, la plus étroite et la plus basse possible, permettant d’y entrer en rampant ; quelquefois, à la partie supérieure du toit, un autre trou pour servir à la ventilation, ou pour laisser échapper la fumée du feu fait au milieu de la hutte, quand la rigueur du temps l’exige ; tels sont les types misérables de l’habitation humaine que nos tendances instinctives révèlent, et qu’on retrouve chez les peuples les plus malheureux de la terre. Quant à la manière de construire ces huttes, elle varie suivant la nature des matériaux dont l’homme dispose. Du temps d’Hérodote, les peuples de la Libye habitant l’Atlas, construisaient ces huttes avec des blocs de sel, parce que le sel était en roches abondantes dans ces lieux à la surface du sol, et que c’était sans doute un moyen pour les naturels de trouver de la fraîcheur dans leurs réduits, sous le soleil brûlant de ce climat. Ils trouvaient aussi l’avantage de cimenter facilement ces matériaux, puisqu’un peu d’eau séchant au soleil suffisait à les faire adhérer les uns aux autres 2. Les Libyens nomades, au contraire, construisaient leurs huttes portatives 1. D’après Charton, 1854-1857, t. iv, p. 93 : « Wigwam fuégien. (Surveying voyages of the Adventure and the Beagle.) », illustration du voyage de Francis Drake en Patagonie en 1578. 1. La source de cette illustration n’a pu être identifiée avec certitude. Conrad Malte-Brun décrit les Boschismens ou Bosjesmans comme un peuple apparenté aux Hottentots du Cap (Malte-Brun, 1845-1847, t. v, p. 692 ; voir ci-dessus p. 212). 2. « De dix journées en dix journées, on y trouve des mines de sel et des habitants. Les maisons de tous ces peuples sont bâties de quartiers de sel : il ne pleut en effet jamais dans cette partie de la Libye ; autrement les murailles des maisons, étant de sel, tomberaient bientôt en ruine » (voyage d’Hérodote en Afrique du Nord au ve siècle avant J.-C., dans Charton, 1854-1857, t. i, p. 64). 393 chapitre vingtième Le Palac social 1 i caractère de l’habitation sociale En décrivant les plans du premier Palais Social aujourd’hui édifié, je n’entends pas présenter ses dispositions comme préférables à toutes autres que l’étude et l’expérience peuvent révéler. Ce n’est pas un modèle que je veux offrir à l’imitation des hommes, c’est plutôt un exposé des règles à observer dans l’édification de l’habitation sociale ; règles en concordance avec les besoins et les convenances de la nature humaine, et par conséquent avec les Lois de la Vie. La doctrine précédemment établie, nous met en présence des Trois Lois Primordiales de la Vie Humaine qui doivent nous guider dans tous nos actes, et auxquelles l’édification du Palais Social doit être subordonnée 2. En conséquence, le Palais Social doit créer, pour tous, les moyens de la vie facile, économique et progressive ; il doit donner au logement et à toutes ses institutions un caractère propre à l’accomplissement des Lois Primordiales : De Conservation et d’Entretien de la Vie Humaine ; 1. Pour rédiger ce chapitre, Godin a repris, en le développant et en y ajoutant des considérations philosophiques, l’important article écrit en 1866 pour l’Annuaire de l’Association (Godin, 1867, p. 204-250). Alors que l’article de l’Annuaire décrit le Familistère dans son état d’inachèvement de 1866, ce chapitre de Solutions socialb présente le Palais social tel que Godin avait prévu de l’achever. La lithographie qui précède le chapitre est une vue-projet du Familistère. Elle représente de façon réaliste la manufacture de 1871, bien que de petites constructions anciennes encombrant la cour principale aient été effacées, mais anticipe une partie des constructions formant le palais. Cette vue cavalière peut être confrontée à un plan contemporain dressé pour un rapport d’expertise judiciaire (Cnam ffgp : Tribunal civil de Vervins, Liquidation de la communauté des époux GodinLemaire. Rapport d’experts. Novembre 1874). Nous distinguons ci-dessous (chap. xx-iii) les constructions existantes en 1871 de celles qui étaient encore projetées à cette date. Ce chapitre de Solutions socialb reste néanmoins jusqu’à ce jour la description la plus précise des dispositions matérielles du Familistère. 2. Voir ci-dessus chap. xii-vi. 394 395 chapitre xx – le palais social caractère de l’habitation sociale De Développement et de Progrès de la Vie Humaine ; D’Équilibre et d’Harmonie de la Vie Humaine ; Afin d’ouvrir, à tous, les voies : Du Droit, Du Devoir, Et de la Justice. C’est à ces caractères que nous reconnaîtrons l’utilité, et en même temps la supériorité de l’habitation de l’avenir, comparativement à l’habitation du passé. Pour obéir à la Loi Primordiale de Conservation et d’Entretien de la Vie : base du Droit, le Palais Social doit rendre faciles à tous : La Nourriture, Le Logement, Le Vêtement, La Lumière, L’Espace libre, L’Air pur, La Santé, L’Activité, Le Repos, La Propreté, La Salubrité, L’Hygiène 1. Pour obéir ensuite à la Loi Primordiale de Développement et de Progrès de la Vie : base du Devoir, le Palais Social doit correspondre aux besoins affectifs, moraux et intellectuels : De la Famille et de son principe ; De l’Amitié, de l’Union et de la Fraternité entre les hommes ; De l’Éducation de l’enfance et de la Protection des faibles ; De l’Instruction scientifique et professionnelle pour tous ; De l’Habitude et de l’Attachement à tout ce qui nous entoure ; De la Production et du Travail ; De la Consommation et de la Propriété ; De la Répartition et de l’Échange des choses matérielles ; De la Sécurité, de la Solidarité et de l’Association entre les hommes ; De la Sociabilité, du Charme, de l’Agrément, des Délassements et des Plaisirs 1. Pour obéir enfin à la Loi Primordiale d’Équilibre et d’Harmonie de la Vie : base de la Justice, le Palais Social doit répondre aux désirs et aux besoins des connaissances physiques et morales, et des aspirations supérieures de la créature humaine ; désirs et besoins : D’être souverain et libre ; De se rendre utile suivant ses aptitudes ; De se distinguer suivant sa capacité ; De se dévouer au bien social dans la mesure de son intelligence et de ses forces ; De faire, en tout et partout, appel à l’Équité et à l’Intelligence ; Et de chercher en tout pour modèle : Le Vrai, Le Bon, Le Bien, Le Beau, Le Juste 2. Les systèmes d’habitation qui ne favorisent pas tous ces essors légitimes de la nature humaine, ne renferment pas la donnée architecturale de l’habitation conforme à la destinée de l’Homme et à la Loi de Vie. C’est la réalisation de l’habitation organisée pour la solution de ce problème que j’ai poursuivie ; nous allons voir comment le FAMILISTÈRE en remplit les conditions. 1. Godin reprend avec quelques variantes la liste des « besoins sensitifs et vitalistes » qu’il a dressée au terme de son analyse des facultés humaines (ci-dessus chap. xii-xxiii). 2. Godin reprend avec des variantes une partie des « désirs et besoins religieux et moraux » présentés au chapitre xii-xxvii. 1. Voir ci-dessus chap. xii-xxiv « Les intérêts sociaux », chap. xii-xxv « Besoins affectifs » et chap. xiixxvi « Besoins intellectuels ». Godin reprend, dans un ordre différent et avec des intitulés modifiés, les droits et les besoins inventoriés dans sa doctrine de la vie. 396 397 chapitre xx – le palais social vue et plan d’ensemble ii aujourd’hui un nouveau quartier de la ville, au moyen de la nouvelle rue que j’ai ouverte, et du pont que j’ai jeté sur l’Oise 1. Le front du Palais fait face à la ville sur une étendue de 180 mètres ; l’aile gauche a vue sur les jardins et sur les bâtiments de la manufacture ; l’aile droite, sur les jardins et les coteaux boisés qui bornent la vallée. La vue, derrière le Palais, s’étend sur ses promenades, sur les prairies de la vallée de l’Oise et les grands arbres dont les méandres de la rivière sont plantés, et sur les coteaux qui limitent l’horizon. La planche no 34 représente la vue générale du Familifère, de ses dépendances et de sa manufacture. Le tout est bâti sur une propriété d’environ 18 hectares. Le Palais est situé au milieu de 6 hectares environ de jardins que l’Oise traverse et contourne sur les deux tiers de leur étendue : une partie de cette propriété est convertie en promenades, squares et jardins d’agrément ; une autre partie est consacrée à la culture des légumes et aux vergers. emplacement Dès que l’idée du Palais Social aura suffisamment fait son chemin dans le monde, toutes les données économiques de la science sociale seront mises en présence pour choisir le lieu le plus convenable à l’édification de chaque Palais. Leur emplacement sera subordonné à la nature des ressources des divers pays, aux convenances agricoles de la contrée, combinées avec celles de l’industrie manufacturière ; de façon à faire concourir la position topographique du Palais Social à la plus grande somme de ressources possibles : l’Association de l’Agriculture et de l’Industrie rendra cette mesure nécessaire 1. L’emplacement du Familistère était marqué par les besoins de la population nouvelle, attirée à Guise par le développement régulier de l’industrie que j’y avais créée. Cette industrie, augmentant chaque jour le nombre de la population ouvrière 2, rendait nécessaire la construction de nouvelles maisons ; je dus donc songer à édifier le Familistère à proximité de l’usine 3. Le sol des prairies de la vallée de l’Oise, touchant aux propriétés bâties de la ville, fut choisi comme emplacement ; de manière que le Familistère compose iii vue et plan d’ensemble 1. « Le Phalanstère s’élève au centre des cultures » (Considerant, 1834-1844, t. i, p. 482) : à la différence des fouriéristes, Godin est naturellement attentif aux ressources industrielles du site du palais. Si le Familistère est bien peu agricole, l’idée qu’il se fait de l’environnement favorable à la fondation d’une habitation unitaire n’est pas exclusivement industrielle. Lorsqu’en 1875 il prospecte dans la Nièvre des terres à acquérir en vue de la création d’un nouveau Familistère à proximité de gisements de minerais, il écrit au notaire de Clamecy : « L’établissement que je songe à fonder dans votre contrée a la fonte de fer pour base. Il me faut donc les minerais de fer et la houille. C’est à la condition de pouvoir faire arriver avec économie ces matières premières indispensables qu’est pour moi subordonné l’achat d’une propriété. Je voudrais installer une colonie industrielle d’une certaine importance, et créer pour les ouvriers habitations, jardins, potagers et vergers ; il faudra donc environ 50 hectares convenables pour cette installation et pour l’emplacement de l’établissement ; le reste pourrait être en bois, terres et prairies, pour la nourriture des chevaux et surtout des vaches » (Cnam ffgp : lettre à E. Rolland, 27 février 1875). 2. Lorsque Godin transfère ses ateliers d’Esquéhéries à Guise en 1846, il emploie une vingtaine de personnes. Dix ans plus tard, en 1856, la manufacture occupe 200 ouvriers (Cnam ffgp : lettre à Alfred Boureau, 4 mai 1856). Au début de 1861, 600 ouvriers travaillent dans les ateliers (Cnam ffgp : lettre au procureur impérial, 11 janvier 1861). 3. En 1857-1858, Godin fait l’acquisition pour un montant de 40 000 francs du « clos Dauphin », propriété située dans le faubourg nord de la ville de Guise, au creux d’un méandre de l’Oise qui la sépare de l’usine (Moret, 1897-1910, vol. 1, p. 13). légende du plan général, fig. 35 A a Cours intérieures du Palais 2. Entrées, sorties et passages au rez-de-chaussée. 1. En 1859, Godin fait construire un pont en bois sur l’Oise pour relier la manufacture, qui s’étend sur la rive droite de la rivière, et les premières constructions du Palais social édifié sur la rive gauche. Pour être agréable à la municipalité de Guise et faciliter l’obtention des autorisations de travaux, Godin ouvre le pont et la voie privée traversant le Familistère à la circulation publique dans le cas où le pont de la ville, situé en amont, serait impraticable (Cnam ffgp : lettre au maire de Guise, 13 juin 1859). Le pont du Familistère fut reconstruit en 1880 en briques, béton et fer (Cnam ffgp : lettre au préfet de l’Aisne, 7 août 1880), et en 1920 après sa destruction pendant la Grande Guerre. Il est encore aujourd’hui l’un des deux seuls ponts permettant de traverser l’Oise à Guise. 2. Des trois pavillons d’habitation devant former le palais, seuls sont construits en 1871 : l’aile gauche Fig. 38 Vue extérieure de la Nourricerie et du Pouponnat. 514 515 chapitre xx – le palais social nourricerie et pouponnat xxxiv La porte d’entrée de ce bâtiment ouvre sur un petit vestibule, à droite duquel se trouve la cuisine d’abord, puis une autre pièce séparée de la cuisine ; cette seconde pièce sert de lieu de réserve pour le linge sale et divers ustensiles : balais, brosses, seaux de propreté, bassins, baignoires, etc., elle sert également de cabinet pour les petits sièges d’aisances des enfants. À gauche du vestibule se trouve une salle destinée aux poupons, ou petits bambins de vingt-huit mois à quatre ans, qui, à de certains moments du jour, viennent, après les exercices bruyants des marches chantantes et des exercices de gymnastique, prendre un peu de repos sur les bancs de cette salle. Pendant ces moments de tranquillité, quelque historiette instructive leur est racontée ou quelque chanson apprise, etc. C’est là enfin qu’ils reçoivent les premières leçons propres au jeune âge. L’extrémité du vestibule d’entrée donne accès dans la salle du promenoir, des jeux, et des exercices corporels ; la figure no 39 en représente l’intérieur. Cette salle a 15 mètres de long sur 6 mètres de large ; elle traverse l’édifice dans toute sa largeur et communique, à chaque extrémité, avec les balcons extérieurs contournant l’édifice et aboutissant aux pelouses des jardins du Palais. Sur le côté opposé au vestibule d’entrée, se trouvent les salles aux berceaux, entièrement ouvertes sur la grande salle du promenoir et des jeux, dont elles ne sont séparées que par une cloison en bois de 68 centimètres de hauteur. Chacune de ces salles peut contenir 14 à 16 berceaux, placés de chaque côté perpendiculairement aux murs ; un couloir reste au milieu pour la circulation des personnes attachées au service des enfants. En réservant la place pour les lits des bonnes, c’est environ 50 berceaux que les salles peuvent contenir. Ces dispositions permettent d’embrasser d’un seul coup d’œil, les enfants de la grande salle du promenoir et ceux couchés dans leurs berceaux. Les salles de cet édifice sont parfaitement éclairées et ventilées ; une température convenable y est maintenue jour et nuit ; une distribution d’eau alimente le service, et l’éclairage au gaz est toute la nuit à la disposition des directrices et des bonnes. nourricerie et pouponnat Les deux premières divisions de la basse enfance sont réunies dans un édifice spécial placé derrière le Palais, dans la direction de son entrée centrale. Le sol de cet édifice est élevé au niveau du rez-de-chaussée du Palais, avec lequel il est en communication par un passage de plain-pied. La figure no 38 en représente la vue extérieure, avec ses balcons ou galeries servant, pour les enfants, de lieu de promenade à l’abri de la pluie, et de communication, en cas de beau temps, avec les pelouses et les ombrages qui entourent l’édifice1. 1. La description qui suit est un réemploi de l’article de l’Annuaire de l’Association pour 1867 (Godin, 1867, p. 213-215). Les services de la petite enfance sont, à l’origine du Familistère, installés dans des appartements de l’aile gauche du palais. Un premier essai, infructueux, a lieu en 1861-1862. Godin rouvre la crèche au début de 1865 dans des salles du premier étage du pavillon central, avant de construire l’édifice de la nourricerie et du pouponnat, qu’il achève en août 1866 (Cnam ffgp : conférence au conseil du Familistère, 4 juillet 1861 ; conférence au personnel, 1er novembre 1862. Lettres à Jules Delbruck, 21 décembre 1864, et à Henry Roberts, 11 août 1866, dans Godin et Fontaine, 2008, p. 51-54 et p. 82 ; Godin, 1867, p. 212). À la fin de 1865, Godin sollicite les conseils d’un ami fouriériste, le pédagogue Jules Delbruck, auteur de la Visite à la crèche modèle, et rapport général adressé à M. Marbeau sur les crèchb de Paris (Delbruck, 1846) : « Nous allons rouvrir [la crèche] dans les premiers jours de janvier, cette fois je l’espère d’une façon définitive comme institution car l’installation n’en sera faite que dans un local provisoire, l’édifice devant réunir les salles destinées à servir aux soins de l’enfance et à l’éducation de l’enfance devant être construit seulement l’été prochain. Vous voyez, si la crèche modèle est encore à construire, je vais vous donner l’occasion de l’édifier et je serais certainement heureux que les concours de quelques intelligences dévouées [...] me vinssent en aide en cette circonstance » (lettre à Jules Delbruck, 21 décembre 1864, dans Godin et Fontaine, 2008, p. 51-54). Il ne semble pas que Delbruck ait donné suite à la sollicitation de Godin. Fidèle à sa méthode, l’industriel puise des éléments dans la littérature contemporaine sur le sujet ou s’informe auprès de spécialistes pour mettre au point de façon originale le programme et les dispositions particulières de la nourricerie et du pouponnat. En janvier 1865, Godin semble privilégier la solution de regrouper l’ensemble des services d’éducation dans un même édifice en face du pavillon central du Palais social : « [...] dès le printemps prochain un édifice spécialement affecté aux soins et à l’éducation de tous les âges de l’enfance doit être construit à côté des bâtiments déjà affectés aux services généraux en face de la partie principale et centrale suivant le plan définitif, et, de l’autre côté de la chaussée de manière à former une place publique entourée de tous les bâtiments » (Cnam ffgp : lettre à M. Petit, 4 janvier 1865). Il choisit finalement de construire un bâtiment dédié uniquement aux plus jeunes enfants. Il installe la crèche contre le palais d’habitation, comme un prolongement des logements, mais elle est exposée aux vents dominants et la masse des immeubles constitue un obstacle de taille aux rayons du soleil. L’édifice est détruit pendant la première guerre mondiale et n’est pas reconstruit après 1918. Il est possible que l’implantation de la crèche au nord du palais ait alors été jugée trop défavorable. La Visite à la crèche modèle de Delbruck (Delbruck, 1846) a probablement servi à Godin pour concevoir l’organisation de la nourricerie-pouponnat du Familistère. La salle des poupons (convertie en salle d’éducation et dépourvue des lits de repos de la crèche modèle), la grande salle de jeux et du promenoir ouverte sur l’extérieur ou les salles aux berceaux bien éclairées par de larges fenêtres ont leur équivalent dans les gravures illustrant l’ouvrage de Delbruck. Le vestibule abrité des courants d’air, la lingerie, la cuisine sont mentionnés parmi les équipements obligatoires de la crèche par Firmin Marbeau (Marbeau, 1845, p. 72-74). Godin ajoute un éclairage zénithal et la galerie couverte extérieure, et il ouvre les salles des berceaux sur la grande salle centrale pour faciliter la surveillance générale (toujours le regard !) par les bonnes. Sur la figure 39, Godin omet de représenter le grand poêle placé dans la salle de jeux. 516 chapitre xx – le palais social La salle du promenoir est divisée en deux parties par une balustrade de 76 centimètres de hauteur : la partie de droite, en entrant par le vestibule, sert aux nourrissons ; la partie de gauche sert aux exercices des poupons, ou petits bambins. La première contient un plancher en ellipse, de 3 mètres de long sur 2 mètres 50 centimètres de large, monté sur roulettes, afin de permettre de le déplacer pour faire la propreté à la place qu’il occupe ; ce plancher est entouré de deux petites balustrades de 38 centimètres de hauteur, distantes l’une de l’autre de 62 centimètres. Les enfants les plus jeunes sont mis en liberté sur ce plancher, et c’est dans l’espace compris entre les balustrades qu’ils s’exercent à faire leurs premiers pas, en se servant des mains courantes comme appui. La balustrade intérieure laisse libre un espace de 36 centimètres, pour permettre aux enfants de gagner à volonté le centre de ce meuble. Ce plancher mobile ou roulant, que toutes les bonnes se sont accordé à nommer la promenade, sert donc aux enfants pour s’asseoir et se réunir en compagnie d’autres petits promeneurs comme eux, et auprès des enfants plus jeunes, ou plus faibles, qui les admirent et s’efforcent de les imiter1. Les nourrissons les plus forts quittent, à leur gré, la promenade pour exercer leur agilité, et vont, jouant ensemble, par la salle et les balcons où ils trouvent de petits fauteuils, réunis trois à trois, dans lesquels ils peuvent s’asseoir en compagnie : ces petits fauteuils servent également à grouper les enfants, autour des bonnes, au moment des repas. La Nourricerie du Familistère fait usage, pour les berceaux des enfants, d’un genre de matelas qui mérite d’être tout particulièrement signalé ; il a été décrit déjà dans l’Annuaire de l’Association 2 ; mais les recherches qu’il a fallu 1. Le promenoir de la nourricerie du Familistère est visible sur la partie droite de la figure 39. Ce meuble est une adaptation de la « pouponnière » dessinée par Jules Delbruck, « réalisation ingénieuse et utile d’une idée dont la simplicité n’exclut pas le mérite », dont l’invention est récompensée par une médaille de bronze à l’Exposition des produits de l’agriculture et de l’industrie à Paris en 1849, et qui est à nouveau exposée dans la crèche modèle de l’Exposition universelle de 1867. Il consiste en une galerie elliptique à deux rampes parallèles, auxquelles l’enfant se tient pour faire seul ses premiers pas, fermée des deux côtés par un filet tendu, qui permet au nourrisson de s’accrocher pour se mettre debout. La pouponnière permet de délivrer l’enfant des prothèses d’apprentissage de la marche, panier roulant, lisière ou chariot dont Rousseau avait déjà libéré son Émile. La galerie de promenade forme un petit parc de jeu et une salle-à-manger, où Delbruck place les banquettes sur lesquelles les enfants prennent la becquée (Delbruck, 1849 ; Rapport du jury central…, 1850, t. iii, p. 861-862 ; Chevalier, 1868, t. xiii, p. 72). Godin améliore le dispositif en plaçant la pouponnière sur roulettes. 2. Godin, 1867, p. 214. Fig. 39 Vue intérieure du Pouponnat et de la Nourricerie. Réception de Solutions socialb Jean-Baptiste André Godin et le Familistère de Guise. Une chronologie : 1817-2010 Photographies du temps de Solutions socialb Sources et bibliographie Index jean-baptiste andré godin et le familistère de guise une chronologie : 1817-2010 frédéric k. panni 1817 Le 26 janvier, naît à Esquéhéries (Aisne) Jean-Baptiste André, fils de Jean-Baptiste Godin, serrurier, et de Marie-Josèphe Florentine Degon. Godin sera l’aîné d’un frère et d’une sœur. 1831 Révolte des canuts de Lyon en novembre. 1832 Épidémie de choléra à Paris de mars à novembre. Première expérimentation fouriériste à Condé-sur-Vesgre ( Yvelines). 1834 Pour perfectionner son métier, Godin séjourne à Paris, puis voyage dans le midi de la France (octobre 1835 - septembre 1837) en compagnie de son cousin germain Jacques-Nicolas Moret, compagnon serrurier et forgeron. 1837 En septembre, Godin est de retour à Esquéhéries dans l’atelier de serrurerie-fumisterie en tôle de son père. Mort de Charles Fourier le 10 octobre à Paris. 1840 Le 19 février, Godin épouse Esther Lemaire. Le 20 février, Godin crée un atelier de serrurerie à Esquéhéries avec la somme de 4 000 f que reçoivent les jeunes mariés. Le 15 juillet, il dépose un brevet pour la construction d’un poêle en fonte de fer. Le 21 novembre, naît Émile, fils des époux Godin-Lemaire. Le 27 avril, à Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne), naît Marie-Adèle Moret, fille de Jacques-Nicolas Moret et de Marie-Jeanne Philippe. 1842 Godin découvre le fouriérisme dans un article du journal Le Guegeur de Saint-Quentin (Aisne). 611 photographies du temps de solutions sociales hugues fontaine & frédéric k. panni Depuis le début des années 1860 au moins, Godin utilise la photographie pour des besoins industriels. Il fait photographier les modèles des appareils créés par la manufacture pour les reproduire en gravure ou en lithographie dans les albums commerciaux. Il commande aussi au photographe de Guise des photographies du Familistère et de son usine qui lui servent à diffuser son œuvre auprès de ses connaissances et de la presse ainsi qu’à faire exécuter certaines illustrations de Solutions socialb. Godin en 1865 et en 1870. La rédaction de Solutions socialb se situe entre ces deux clichés. Photographie anonyme, 1865 / photographie Frank à Paris, 1870. © coll. Familistère de Guise, dépôt du Département de l’Aisne. la réception de solutions sociales zoé blumenfeld-chiodo Dès sa parution, en août 1871, Solutions socialb devient l’ouvrage de référence auquel puisent journalistes et essayistes pour évoquer Jean-Baptiste André Godin et le Familistère de Guise. Ils en citent des extraits, en reproduisent les planches illustrées, en empruntent les descriptions du Palais social lorsqu’ils ne l’ont pas visité par eux-mêmes. Pourtant, les critiques consacrées au premier livre de Jean-Baptiste André Godin sont rares. Durant la première moitié des années 1870, une douzaine d’articles rend compte de la publication de Solutions socialb auprès des lecteurs français. À ces articles s’ajoutent quelques critiques publiées dans des ouvrages et des brochures. Les commentateurs soulignent avec plus ou moins d’ironie le style de l’auteur ou la « métaphysique » des chapitres de la deuxième partie du livre et prêtent davantage d’intérêt à la description du Familistère. Suite à la publication en mai 1887 de la traduction de Solutions socialb par l’éditeur new-yorkais John W. Lovell & Cie, une vingtaine d’articles anglais et américains paraît mais il s’agit principalement de brèves. Il faut ajouter à ce corpus des textes parus après 1968, au moment de la redécouverte de l’œuvre de Godin. Le 16 août 1871, L’Avenir national est le premier journal à rendre compte de la publication de Solutions socialb. Le fondateur de ce quotidien républicain, Alphonse Peyrat (1812-1891), influence probablement la parution de cet article anonyme : élu député de la Seine le 8 février précédent, il siégeait dans le groupe de l’Union républicaine à l’Assemblée nationale aux côtés de Godin. [Les] contrastes du praticien et du penseur, donnent par avance un singulier intérêt aux questions très nombreuses de philosophie et d’économie sociale que ce livre renferme. Peu d’ouvrages abordent autant de questions et de problèmes ; sources et bibliographie sources Cnam ffgp : Paris, bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers, fonds Fourier Godin Prudhommeaux. Fam : Guise, archives du Familistère de Guise. bibliographie des ouvrages cités Aguet (Jean-Pierre), Contribution à l’étude du mouvement ouvrier français. Les grèves sous la monarchie de Juillet (1830-1847), Genève, E. Droz, 1954. Ameline (Henri), Des institutions ouvrières au dix-neuvième siècle, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1866. Annales d’hygiène publique et de médecine légale, t. lxviii, Paris, J.-B. Baillière, juillet 1852, p. 443-476. Annales du Sénat et du Corps législatif suivies d’une table alphabétique et analytique, t. vii : du 1er au 11 juin 1866, Paris, À l’administration du Moniteur universel, 1866. Annales du Sénat et du Corps législatif suivies d’une table alphabétique et analytique, t. ix : du 7 au 18 mai 1868, Paris, À l’administration du Moniteur universel, 1868. Annales du Congrès de Genève (9-12 septembre 1867). Préliminaires. Les quatre séances. Appendice, 1868, Genève, Chez Vérésoff & Garrigues, 1868. Armand (Félix), « P.-J. Proudhon et le fouriérisme », dans Revue d’histoire économique et sociale, 1929, 17 (3-4). Audiganne (Armand), Les populations ouvrières et les industries de la France dans le mouvement social du xixe siècle, Paris, Capelle, 1854, 2 vol. Audiganne (Armand), Les ouvriers d’à-présent et la nouvelle économie du travail, Paris, Eugène Lacroix, 1865. index frédéric k. panni Index des noms communs et des notions, des noms propres de personnes et d’événements (en capitales) et des noms de lieux ou de peuples (en italiques) contenus dans le texte de Solutions socialb. Les mots suivis d’un astérisque présentent de très nombreuses occurrences dans le texte de Godin : « travail » (697), « loi » (408), « droit » (373), « besoins » (289), « habitation » (283), « industrie » et « industriel » (265), « progrès » (257), « palais » (236), « association » (231), « individu » et « individuel » (223), « ouvrier » (215), etc. Dans leur cas, seules les occurrences les plus significatives ont été référencées. Abondance : 74, 101, 110, 136, 269, 272, 278, 284, 325, 341, 457. Abondant : 95, 331, 335, 378, 421, 427, 432, 450, 458. Voir : parcimonie, nécessaire (le). Abri [construction] : 329, 330, 333, 338, 340, 356, 371, 375, 379, 422, 463. Voir : cabane ; habitation ; hutte. Actionnaire : 104, 106, 174, 360, 473, 543. Propriété actionnaire : 104, 106, 469, 477. Afrique : 330, 332. Agriculture : 66, 103, 109, 110, 111, 117, 123, 124, 125, 126, 133, 138, 145, 260, 298, 299, 326, 345, 356, 368, 375, 396, 576, 585. Allemagne : 580. Allemands : 195. Alsace : 580. Altaï : 340. Amélioration : 55, 71, 74, 76, 110, 119, 138, 264, 282, 324, 337, 360, 362, 376, 432, 455, 475, 490, 552, 559, 560, 579, 582. du sort de la classe ouvrière : 80, 167, 170, 174, 177, 181, 188, 290, 364, 369, 381, 469, 476, 477, 550, 579. du logement ouvrier : 168, 170, 176, 385, 439, 551. Voir : progrès ; réforme. Amérique : 93, 113, 157, 158, 159, 165, 344. Américains : 113, 158. Amérique du Nord : 332. Amérique du Sud : 331, 332, 340, 341, 342. Anarchie : 49, 68, 75, 321. Angleterre : 172, 173, 300, 305, 365, 370. Anglais : 165, 195. table des matières Une introduction à Solutions socialb Une histoire de Solutions socialb U U 9 25 (7 au lecteur U 35 première partie chapitre premier Prologue I. Incubation des idées sociales U 39 II. L’idée sociale en action U 40 chapitre deuxième Pressentiments I. Mon enfance U 46 II. Ma vie d’ouvrier U 48 chapitre troisième État de l’atelier I. Le salariat U 50 II. Travail à la journée U 52 III. Travail à l’heure et travail à forfait U 54 IV. Paiement des salaires U 57 V. Caisses de secours U 59 chapitre quatrième Le principe démocratique I. Démocratie politique U 64 II. Démocratie sociale U 67 III. Aristocratie industrielle U 69 IV. Réveil du droit et de la liberté U 70 chapitre cinquième Socialcme & politique I. Égarement de l’opinion U 73 II. Rôle pacificateur du socialisme U 75 III. But commun des systèmes U 76 XV. Répartition U 135 XVI. Organisation politique et administrative XVII. Les lois et les mœurs U 141 XVIII. La morale U 147 XIX. Propagande sociétaire U 150 chapitre neuvième 1848 & après I. Proscription des socialistes II. Le Texas U 157 U 154 chapitre sixième Le saint-simoncme I. Tendances politiques et sociales chapitre dixième U 78 chapitre septième Le communcme I. Principes et conséquences U 85 Épavb db idéb socialb I. Les associations ouvrières U 163 II. Les cités ouvrières U 167 III. Maisons ouvrières U 172 IV. Les cités de Mulhouse U 180 chapitre huitième Fourier & l’association I. Vue générale U 93 II. Les bases sociétaires U 102 III. Propriété et capital U 104 IV. Habitation U 107 V. Fermes et cultures U 109 VI. Édifices industriels et ateliers U 111 VII. Service domestique U 112 VIII. Travail U 115 IX. Production et richesse U 120 X. Échange ou commerce U 123 XI. Crédit et intérêt U 125 XII. Liberté et initiative individuelles U 127 XIII. Éducation et instruction U 130 XIV. Charité et fraternité sociales U 133 deuxième partie chapitre onzième La morale publique I. Le génie du mal U 193 II. La guerre U 197 III. Nécessité d’un principe U 202 chapitre douzième Esquisse d’une doerine I. L’humanité et sa loi U 205 II. L’infini U 208 III. Le principe des choses U 209 U 137 IV. La vie, loi suprême U 210 V. Critère du bien et du mal U 215 VI. Lois primordiales U 218 VII. Droit, devoir et justice U 220 VIII. But de l’organisme U 223 IX. Nos besoins et leurs lois U 225 X. Divisions du cerveau U 228 XI. Facultés sensitives ou organiques U 231 XII. Facultés vitalistes ou impulsives U 232 XIII. Facultés rectrices ou volitives U 233 XIV. Facultés affectives ou sympathiques U 234 XV. Facultés intellectives ou scientifiques U 235 XVI. Influence des facultés U 236 XVII. Superposition des organes U 237 XVIII. Besoins de conservation U 239 XIX. Besoins de développement U 241 XX. Besoins d’équilibre et d’harmonie U 244 XXI. Principes des lois humaines U 248 XXII. Pouvoir et magistrature U 252 XXIII. Droit de vivre U 254 XXIV. Les intérêts sociaux U 255 XXV. Besoins affectifs U 257 XXVI. Besoins intellectuels U 260 XXVII. Désirs et besoins religieux et moraux U 261 XXVIII. Application des principes U 262 II. Phases des individus et des sociétés U chapitre quatorzième Éléments de la produeion I. Action de la nature et de l’homme U 275 II. Richesses naturelles U 277 III. Richesses du travail U 280 chapitre quinzième La grande indufrie I. Progrès du travail U 282 II. Progrès de l’architecture U 285 chapitre seizième Répartition I. Le taux des salaires U 288 II. Le paupérisme U 299 III. Nécessité du partage des bénéfices U 303 chapitre dix-septième Association du travail & du capital I. Éléments de la répartition U 306 II. Urgence de la répartition équitable U 308 III. Principes de répartition U 311 IV. Exemples de répartition U 313 V. Élasticité du principe d’association U 317 VI. Garanties nécessaires U 320 troisième partie chapitre dix-huitième chapitre treizième État social & habitation I. Emploi de la richesse U 325 II. Huttes et cavernes U 328 III. Tentes et huttes portatives U 339 IV. Cases et maisons U 342 Loi db évolutions socialb I. But divin du travail U 267 269 V. Maisons des serfs U 348 VI. Le château féodal U 351 VII. La ville au moyen âge U 353 VIII. Villes et villages affranchis U 355 IX. Progrès de l’habitation U 358 X. Maisons d’ouvriers U 362 chapitre dix-neuvième Architeeure sociale I. Influence des dispositions matérielles U 373 II. Conditions du bien-être U 377 III. Les équivalents de la richesse U 380 quatrième partie chapitre vingtième Le Palac social I. Caractère de l’habitation sociale U 393 II. Emplacement U 396 III. Vue et plan d’ensemble U 397 IV. Détails de construction U 405 V. Propriétés de l’unité architecturale U 422 VI. Facilité des relations U 423 VII. Économie domestique U 425 VIII. Généralisation du bien-être U 427 IX. L’air : ventilation et salubrité générales U 436 X. L’air : aération des appartements U 440 XI. L’air : température et chauffage U 443 XII. L’air : absence d’insectes U 445 XIII. L’eau : sources, fontaines et consommation U 448 XIV. L’eau : réservoirs et arrosages U 450 XV. L’eau : lavoirs et buanderies U 451 XVI. L’eau : bains, douches et piscine U 454 XVII. La lumière : symbole du progrès U 455 XVIII. La lumière : éclairage de jour U 457 XIX. La lumière : éclairage de nuit U 459 XX. Ordre et tranquillité U 462 XXI. Sécurité des personnes U 463 XXII. Remarques U 465 XXIII. Objections U 467 XXIV. Opposition et obstacles U 470 XXV. L’association empêchée U 472 XXVI. Voie de libre émancipation U 474 XXVII. Le capital de l’ouvrier U 476 XXVIII. Marche financière U 478 XXIX. Location et revenus U 480 XXX. Ressources sociales intérieures U 484 XXXI. Les principes en action U 488 XXXII. Service médical U 492 XXIII. Éducation intégrale U 494 XXXIV. Nourricerie et pouponnat U 514 XXXV. Bambinat U 525 XXXVI. Écoles U 531 XXXVII. Principes d’organisation U 537 XXXVIII. Services de propreté générale U 539 XXXIX. Convenances du logement U 541 XL. Agréments, fêtes et plaisirs U 544 XLI. Règlement et liberté U 549 XLII. Police ou ordre intérieur U 552 XLIII. Système administratif U 556 XLIV. Le pouvoir souverain U 561 chapitre vingt-et-unième Épilogue U 577 gravures parues in texte dans l’édition originale Fig. 1 Divisions du crâne correspondant aux organes de nos facultés et de nos besoins U 230 Fig. 2 Ordre du développement naturel des facultés et des organes U 238 Fig. 3 Cavernes des Boschismens (Afrique méridionale) U 330 Fig. 4 Wigwam fuégien, Patagonie (Amérique méridionale) U 331 Fig. 5 Huttes de neige des Esquimaux (Amérique septentrionale) U 332 Fig. 6 Hutte des îles Canaries (Océan atlantique) U 334 Fig. 7 Hutte en pierre, île de Pâques (Océanie) U 334 Fig. 8 Huttes des Tahitiens (Océanie) U 335 Fig. 9 Hutte des Tahitiens (Océanie) U 336 Fig. 10 Hutte de l’île de Tanna (Australie) U 336 Fig. 11 Hutte de la Louisiade (Grand océan équinoxial) U 337 Fig. 12 Ourassa des Iakouts nomades (Sibérie) U 339 Fig. 13 Tente tartare (Asie) U 340 Fig. 14 Tente de l’Altaï oriental (Asie centrale) U 340 Fig. 15 Tente des indiens Charruas (Amérique du Sud ) U 341 Fig. 16 Tente des Patagons (Amérique méridionale) U 341 Fig. 17 Habitation du Chili (Amérique méridionale) U 342 Fig. 18 Habitation des Germains U 343 Fig. 19 Case de la Nouvelle-Calédonie (Océan Pacifique) U 343 Fig. 20 Maison des indiens à Saint-Domingue (Antilles) U 344 Fig. 21 Case de la Nouvelle-Calédonie (Océan Pacifique) U 344 Fig. 22 Habitation de Tahiti (Océanie) U 345 Fig. 23 Habitation de Vanikoro (Océanie) U 346 Fig. 24 Habitation des îles Mariannes (Océanie) U 346 Fig. 25 Château féodal U 352 Fig. 26 Cabanes des serfs au moyen âge U 356 Fig. 27 Maisons de village U 357 Fig. 28 Maisons de ville U 360 Fig. 29 Maisons ouvrières du Grand-Hornu et corons du Nord U 364 Fig. 30 Maisons ouvrières de la Compagnie d’Anzin U 365 Fig. 31 Maisons de Mulhouse U 366 Fig. 32 Maisons d’Anvers, pour ouvriers agricoles, Exposition universelle de 1867 U 368 Fig. 33 Maison danoise, Exposition universelle de 1867 U 368 planches tirées hors texte dans l’édition originale Fig. 34 Vue du Familifère, de ses dépendancb et de sa manufaeure U 389 Fig. 35 Plan général du Familifère U 399 Fig. 36 Coupe en élévation de la partie centrale U 409 Fig. 37 Coupe en plan U 413 Fig. 38 Vue extérieure de la nourricerie et du pouponnat U 513 Fig. 39 Vue intérieure de la nourricerie et du pouponnat U 517 Fig. 40 Vue des écoles et du théâtre, prise depuis l'entrée centrale du Familifère U 526 Fig. 41 Fête du travail. Proclamation des lauréats dans la cour centrale du Familifère U 547 (7 Réception de Solutions socialb U 589 Jean-Baptiste André Godin et le Familistère de Guise. Une chronologie : 1817-2010 U 599 Photographies du temps de Solutions socialb Sources et bibliographie Index U 645 U 623 U 611 chez le même éditeur Déjà paru Lettres du Familifère Jean-Baptiste André Godin ˜ photographies de Hugues Fontaine 2008, 160 pages, 66 photographies en couleur, 23 x 17 cm, relié. Publié avec le concours du Département de l’Aisne et de la Région Picardie. Remerciements Pour le dire comme Godin, ce livre a été élaboré au milieu d’occupations de tous les jours. Le travail des auteurs de la réédition de Solutions socialb, projetée en 2007, a été intermittent. Il est possible que l’ouvrage s’en ressente. Que les lecteurs veuillent bien se montrer indulgents. Les Éditions du Familistère n’existeraient pas sans la volonté de Jean-Pierre Balligand, de Jean-Loup Pivin, de Bruno Airaud et de Hugues Fontaine. Ce livre n’aurait pas abouti sans la complicité et le savoir-faire de ce dernier, sans le soutien de Guy Delabre et sans l’engagement infaillible de Zoé BlumenfeldChiodo. Mireille Le Van Ho, directrice de la bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers, a généreusement ouvert l'essentiel fonds FourierGodin-Prudhommeaux à nos recherches et Aude Rœlly, directrice des archives départementales de l'Aisne, a obligeamment autorisé la reproduction de rares photographies du fonds Godin-Moret. La confiance du comité syndical du Syndicat mixte du Familistère Godin et de son président Jean-Pierre Balligand, du Département de l’Aisne et de son président Yves Daudigny, de la Région Picardie et de son président Claude Gewerc a permis que ces Solutions socialb soient à nouveau mises à disposition du public. Ceux qui partagent nos occupations quotidiennes ont donc un droit à notre reconnaissance : les équipes du Familistère de Guise, Alessandro Chiodo, Séverine Dessajan, Lila et Timeo Fontaine, Céline Scemama et Parween. Les auteurs de la réédition Zoé Blumenfeld-Chiodo. Attachée de conservation du patrimoine, Zoé Blumenfeld-Chiodo a participé de 2006 à 2008 aux aménagements muséographiques du Familistère de Guise. Guy Delabre. Docteur ès sciences économiques, maître de conférences à l’université de Reims Champagne-Ardenne, Guy Delabre est à l’origine en 1989 de l’Association pour la fondation Godin. Avec Jean-Marie Gautier, il soutient sa thèse de doctorat en 1978 : La régénération de l’utopie socialiste : Godin et le Familifère de Guise. Il a dirigé depuis plusieurs publications sur Godin et le Familistère de Guise. Hugues Fontaine. Réalisateur, photographe, Hugues Fontaine a mené deux campagnes photographiques sur le Familistère de Guise, en 2001-2003 et 2010. Il collabore régulièrement aux Éditions du Familistère. Frédéric k. Panni. Conservateur du patrimoine, chargé depuis 2000 par le Syndicat mixte du Familistère Godin du programme de valorisation du Familistère de Guise, Frédéric k. Panni a édité avec Hugues Fontaine en 2008 les Lettrb du Familifère. le texte de solutions sociales a été mis en page par hugues fontaine, qui a créé la couverture. frédéric k. panni, auteur avec zoe blumenfeldchiodo des notes et commentaires, a également contribué à la conception graphique du livre. reproduit sur munken premium cream, l’ouvrage a été achevé d’imprimer à vérone le douze novembre deux mille dix sur les presses de l’imprimerie graphicom p o u r l e c o m p t e d e s é d i t i o n s d u familistère à guise, au palais social.