L`opposition de la Chambre des Communes à Jacques

Transcription

L`opposition de la Chambre des Communes à Jacques
Université de Rennes I
Faculté de Droit et de Science Politique
Morgane LE QUÉAU
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Anonyme, « The description of Giles Mompesson late knight censured by Parliament the 17th March 1620 », Londres, 1621.
Mémoire de Master II Recherche Histoire du Droit – 2011 - 2012
Soutenance du 28 juin 2012
Membres du jury :
Directeur de Recherche : Professeur Anthony MERGEY
Suffragant : Professeur Sylvain SOLEIL
« And that the speciall priviledge of parliament is to debate freely of all things that shall
concern any of the subjects in particuler, or of the Commonwealth in general, without any
restraint or inhibition »
Thomas Wentworth, membre de la Chambre des Communes, le 22 mai 1609.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR
Dans un esprit d’authenticité, nous avons convenu avec le directeur de mémoire,
M. le Professeur Anthony MERGEY, de garder les citations en langue anglaise. L’orthographe
et la ponctuation ont donc été préservées.
Sommaire
Introduction .................................................................................................................................................. 1
Partie I
Une opposition reposant sur une union forte des parlementaires ................................... 8
Chapitre I.
Une autorité royale contestée ........................................................................................ 9
Section I.
Le pouvoir absolu du roi ................................................................................................ 9
Section II.
La remise en cause de « l’homme du roi » ................................................................. 21
Chapitre II.
Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes .................................... 30
Section I.
Le Parlement, un vivier de groupes d’hommes influents ........................................ 30
Section II.
Une immixtion des Communes dans les affaires d’État.......................................... 38
Partie II
Le Common Law, source d’inspiration dans l’opposition .................................................. 49
Chapitre I.
Des parlementaires imprégnés du Common Law........................................................ 50
Section I.
L’apport des antiquaires du droit ................................................................................ 50
Section II.
L’influence des juristes ................................................................................................. 60
Chapitre II.
Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law ...................................... 69
Section I.
La contestation des prérogatives du roi ..................................................................... 69
Section II.
La réaffirmation du pouvoir de jugement aux Communes ..................................... 76
Conclusion ................................................................................................................................................... 87
Annexes ....................................................................................................................................................... 91
Bibliographie ............................................................................................................................................... 93
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Introduction
« La Chambre des Communes est un corps sans tête. Ses membres opinent dans le plus
grand désordre. De leurs séances, on n’entend que cris et confusions. Je suis étonné que mes
prédécesseurs aient jamais permis à une telle institution de fonctionner »1. Telle est la manière
dont s’exprime le roi d’Angleterre Jacques Ier (1603-1625) en 1614, en s’adressant à l’ambassadeur
d’Espagne, le comte de Gondomar2. Onze ans après sa venue au pouvoir en Angleterre, le roi a la
plus faible estime pour cette institution qui ne débat nullement de sujets convenables à son goût.
Pourtant, le Parlement est réputé et populaire dans l’Angleterre du début du XVIIe siècle, et son
rôle institutionnel a été respecté voire amplifié par les derniers souverains anglais.
Le mot « Parlement », qui vient du français « parler » n’entre dans la langue anglaise que
dans le milieu du XIIIe siècle. Il est alors utilisé pour désigner les réunions entre le roi, ses agents
et un nombre restreint de propriétaires terriens – les tenants-in-chief3. Le but de ces réunions était
de discuter de problèmes judiciaires. En 1213, le roi Jean sans Terre (1199-1216), en difficultés
financières, décide de convoquer des shérifs et des chevaliers de tous les comtés afin de discuter
des affaires du royaume. Ce type de convocation est repris en 1254 lorsqu’Henri III (1216-1272),
qui a des ambitions de conquête en Gascogne, est obligé de solliciter une assemblée pour obtenir
des fonds, composée de tous les chevaliers de tous les comtés. Mais il n’obtient pas les sommes
escomptées. Puis en janvier 1275, au retour de croisade du roi Édouard Ier (1272-1307), les
chevaliers et les bourgeois sont convoqués au « Parlement » afin de discuter d’affaires législatives
et financières. Un grand travail est alors accompli. Mais ce n’est qu’en 1295 qu’un « Parlement
modèle » est sollicité pour la première fois en y incluant cette fois des représentants du bas
Clergé4. La composition du Parlement ne changera plus. En 1332, le Parlement se sépare en deux
Chambres distinctes5 puis en 1341, le Chancelier annonce aux parlementaires que désormais les
Lords se réuniront dans la White Chapel, tandis que les Communes se réuniront dans la Painted
Chamber. À partir de 1547, les Communes siègeront dans la Chapelle Saint Etienne, au Palais de
Westminster, et ce pendant 300 ans.
Le Parlement anglais est donc une institution ancienne composée de deux Chambres : la
Chambre des Lords, nommée par le roi, dans laquelle siègent les Pairs du royaume ainsi que le
Clergé – respectivement les Lords temporels et les Lords spirituels – ; la Chambre des Communes,
1
Cité par J. Beauté, Un grand juriste anglais : Sir Edward Coke 1552-1634, Paris, PUF, 1975, p. 44.
Diego Sarmiento de Acuña (1567-1626), comte de Gondomar, est ambassadeur espagnol en Angleterre de 1613 à
1622.
3 S. B. Chrimes, English Constitutional History, Londres, Oxford University Press, 1967, p. 76.
4 Ibid., p. 78.
5 E. Porritt, The Unreformed House of Commons Parliamentary Representation before 1832, Cambridge, Cambridge University
Press, 1909, p. 489.
2
1
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
regroupant des représentants des bourgs, des villes et des comtés. Sous le règne de Jacques Ier, la
Chambre des Communes constitue le principal obstacle à la politique royale6.
En Angleterre, les lois prennent tout d’abord la forme de pétitions adressées au roi,
émanant d’une coopération entre les chevaliers, les citoyens et les bourgeois. À partir de 1340, ces
pétitions sont discutées au conseil, et une fois enregistrées, elles deviennent des lois.
Progressivement, les Communes acquièrent l’initiative des lois de finance, et en 1465 le Parlement
acquiert l’initiative législative. Les lois anglaises – dénommées statuts – sont alors discutées par les
deux Chambres, votées et consenties par le souverain7.
À la suite des guerres civiles et de la bataille de 1485 de Bosworth field, Henri Tudor (14851509) monte sur le trône d’Angleterre. La dynastie Tudor est au pouvoir pendant plus d’un siècle
et cette période est caractérisée essentiellement par l’essor et l’émancipation du Parlement anglais.
Suite à une crise dynastique – celle de la succession d’Henri VIII (1509-1547) –, le roi décide
d’octroyer à cette institution une place décisive. C’est ce que l’on appelle le Reformation Parliament.
Il s’agit de donner une valeur statutaire aux actes édictés par le Roi-en-son-Parlement8, et ce au
sujet du Schisme religieux. Le Roi-en-son-Parlement est légalement souverain et les actes édictés
ont une valeur supérieure à tous les autres. Ce pouvoir législatif est alors illimité et absolu. Seul un
Parlement peut défaire ce qu’un autre Parlement a fait. Le roi en est une partie intégrante et
légifère en son sein. En 1542, Henri VIII exprime sa conception du Parlement devant la
Chambre des Communes. Il précise que le roi est la tête et les parlementaires sont le corps d’un
ensemble politique uni et indissociable9. Cette théorie, reprise et développée par le parlementaire
élisabéthain Sir Thomas Smith dans son ouvrage De Republica Anglorum (1583), est largement
acceptée par le peuple anglais. Smith soutient l’idée d’un régime mixte ou limité, constitué du roi,
de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes. L’autorité de cette union croît et
permet d’ancrer l’institution parlementaire dans le cœur même du système politique. Elle légifère
de plus en plus, ce qui s’explique par la volonté des souverains de s’intéresser à des domaines
économiques et sociaux mais également d’être en accord avec la nation, représentée par son
Parlement. En conséquence, on constate que sous le règne d’Élisabeth Ire (1558-1603), le
Parlement siège plus longtemps – on passe de deux/trois mois sous Henri VIII à cinq/six mois
sous Élisabeth Ire–, et qu’il a confirmé des droits et des libertés. On peut citer la liberté de parole,
de débat et l’immunité parlementaire. Les membres y sont très attachés, bien que souvent violés
par le pouvoir royal. Si les Tudors sont considérés comme des souverains autoritaires, cela ne les
empêche pas de vouloir régner en accord et avec l’aide du Parlement. En effet, même lors des
crises religieuses sous Édouard VI (1547-1553) ou sous Marie Ire (1553-1558), son rôle n’est pas
contesté. Il va pouvoir discuter de sujets privilégiés concernant l’État avec la succession
6
Le terme de Parlement sera donc utilisé principalement pour désigner la Chambre des Communes.
On distingue deux types de lois au sein du Parlement : les Private Bills/Acts, qui sont des mesures prises dans
l’intérêt d’un ou de plusieurs individus, et les Public Bills/Acts, qui émanent du roi et de son Conseil dans l’intérêt du
royaume.
8 Ou King-in-Parliament.
9 M A. R. Graves, The Tudor Parliaments, Crown, Lords and Commons, 1485-1603, Londres, Longman, 1985, p. 80.
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
dynastique d’Henri VIII, les questions religieuses avec la redéfinition de l’Église d’Angleterre et la
mise en place de l’Église anglicane, le commerce ou encore les finances du royaume. Cette
situation est confirmée avec la dernière souveraine des Tudors, qui entre certes régulièrement en
conflit avec un Parlement assez conservateur, mais qui a une haute estime de cette institution.
Cependant, ces conflits ne remettent jamais en cause la place du Parlement. Les relations sont
donc assez harmonieuses dès lors que les parlementaires sont flattés d’être convoqués par le
souverain. Mais ils n’hésitent pas à exprimer leurs désaccords sur les lois que le pouvoir royal
souhaite leur faire voter, une fois en session. Les parlementaires peuvent également proposer des
lois qui sont examinées comme les autres par les deux Chambres, puis soumises à la sanction du
veto royal. L’attribution de nouvelles matières au Parlement, et plus précisément aux Communes,
est intéressante en ce sens que la Chambre saisie en premier sur un Bill a en principe une
influence finale sur le texte. En effet, le Bill initié dans une Chambre doit être envoyé dans l’autre
Chambre afin d’y être étudié voire amendé, puis revient dans sa Chambre d’origine. Lorsque les
deux Chambres sont d’accord sur le Bill, il peut être présenté au roi. Le Parlement a un rôle à
jouer dans la création des lois, mais le roi possède toujours la sanction finale, soit en donnant son
aval pour que la loi entre en application, soit en imposant son veto afin de faire avorter le projet.
Le Parlement passe ainsi de simple Chambre d’enregistrement des lois avant Henri VII à
celui de conseiller privilégié avec son fils. Lui qui avait perdu les pouvoirs qu’il possédait aux
XIIe-XVe, il les retrouve avec les Tudors et en acquiert davantage.
Le règne de Jacques Ier correspond à la montée de la dynastie des Stuarts sur le trône
d’Angleterre. Fils de Marie Stuart queen of Scots (1542-1587) et de son second époux
Henry Stewart, Lord Darnley (1545/6-1567), Jacques VI d’Écosse devient Jacques Ier d’Angleterre
en 160310. Son père est assassiné dans la nuit du 9-10 février 1567 suite à un complot, puis
Marie Stuart est contrainte le 24 juin d’abdiquer en faveur de son fils, le faisant roi d’Écosse à
l’âge d’un an. Différents régents se succèdent jusqu’en 1584, date à laquelle il décide d’exercer
personnellement le pouvoir11. En 1589, il se marie avec Anne du Danemark (1574-1619), la
seconde fille de Frédéric II de Danemark (1559-1588). Jacques Ier est un descendant d’Henri VII
– c’est son arrière-arrière-petit-fils – ce qui lui légitime l’accès au trône d’Angleterre. En effet,
Élisabeth Ire n’a pas d’héritier mais ne souhaite en aucun cas que sa cousine Marie Stuart ne lui
succède, car elle est catholique. Après divers complots, la reine d’Angleterre la condamne à mort,
avec l’appui du Parlement. Les relations entre ce dernier et la reine sont fréquemment tendues au
sujet de sa succession, dès lors qu’elle refuse de nommer un héritier. À la mort d’Élisabeth Ire, les
conseillers privés décident d’envoyer une lettre à Jacques VI l’invitant à lui succéder. Le
Parlement, dissous par la mort de la souveraine, n’est pas consulté sur ce point. Jacques VI
accepte de régner sur l’Angleterre. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix. Premièrement, la
volonté de régner sur deux royaumes. Deuxièmement, il espère que les difficultés financières qu’il
10
Cf. Annexe 1 : Arbre généalogique de Jacques Ier.
J. Wormald, James VI and I (1566-1625), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004.
11
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
a pu rencontrer lors de son règne pourront être réglées grâce à la richesse du royaume anglais.
Des lettres échangées avec la souveraine montrent également sa détermination à gouverner les
Anglais.
Arrivé en Angleterre, Jacques VI, devenu Jacques Ier, souhaite que son règne soit celui de
paix et signe avec Philippe III d’Espagne (1598-1621) le Traité de Londres le 29 août 1604,
mettant fin à la guerre anglo-espagnole. Il souhaite également mettre en œuvre des idées de
monarchie de droit divin, qui se développent en Europe au XVIIe siècle, et qu’il a entendues
justifier dans ses ouvrages. Selon lui, le roi tient son pouvoir uniquement de Dieu. Il prétend
donc la supériorité des monarques sur les autres institutions, tel que le Parlement. Ces théories,
développées notamment par Jean Bodin dans son ouvrage Les six livres de la République (1576),
émergent en Angleterre à la fin du règne d’Élisabeth Ire. Vers la fin du XVIe siècle, le droit divin
est en effet encouragé à la cour de la souveraine12. Jacques Ier s’inscrit ainsi dans un courant
européen, qui est mis en pratique en Angleterre par son accession au trône. Celle-ci se fait sans
heurt ou violence et la population anglaise accueille bien dans l’ensemble ce roi écossais.
Le règne voulu par Jacques Ier entraîne des résistances notamment chez les Catholiques, qui
organisent en 1606 un attentat contre lui, appelé le Complot des Poudres. Cette tentative,
organisée par Guy Fawkes, visait à mettre trente-six barils de poudre à canon sous la Chambre
des Lords afin de faire périr non seulement le roi mais également ses parlementaires13. Le complot
est déjoué et le roi exige alors un serment d’allégeance de la part de ses officiers. À la suite de
cela, les Catholiques sont persécutés et les recusancy laws sont votées par le Parlement en matière
religieuse14.
Jacques Ier se rend progressivement compte que les finances anglaises ne sont pas aussi
prospères qu’il le pensait et doit trouver des moyens de financement. Il ne convoquera son
premier Parlement qu’au bout d’un an au pouvoir – Jacques Ier convoque quatre Parlements au
cours de son règne : de 1604 à 1611, en 1614, de 1621 à 1622 et de 1624 à 1625 –, ce qui a pour
conséquence de provoquer l’irritation des parlementaires qui se sentent rabaissés. Les conflits qui
l’opposent au Parlement sont en grande partie dus à cette situation d’endettement. Le roi décide
donc de mettre la pression sur les parlementaires afin d’obtenir des fonds. En effet, la Maison
royale est différente de la précédente. Élisabeth Ire était seule, sans mari, alors que Jacques Ier a
une épouse et des enfants. L’endettement du royaume va croître considérablement, d’autant plus
que le roi hérite également des £400 000 livres de dettes d’Élisabeth Ire.
Pour comprendre les relations entre les différentes institutions au début du XVIIe, il a
d’abord fallu s’intéresser au contexte historique à travers des ouvrages contemporains. Les
sources en anglais sont assez nombreuses sur cette période, mais on retrouve régulièrement des
idées communes. En analysant la bibliographie de ces auteurs contemporains, d’autres ouvrages
12 J. H. Burns (dir.), Histoire de la pensée politique moderne, Paris, PUF, 1997, p. 223. L’auteur Saravia publie l’ouvrage De
imperandi authoritate et Chritiana obdientia en 1593 pour s’opposer aux théories de la résistance face au monarque tyran.
13 W. Cobbett, Parliamentary History of England, Londres, T. Corson Hansard, 1806, vol. 1, p. 1052.
14 Ces lois concernent les Catholiques qui ne participent pas au culte de l’Église établie.
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
se sont dégagés, plus précis et spécifiques à une opposition sous Jacques Ier, tel que l’ouvrage de
W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party in the English House of Commons 1603-1629, ou encore
celui de M. A. Judson, The crisis of the Constitution. Ces auteurs ont tendance à développer assez
largement les idées politiques véhiculées au XVIIe, mais accordent moins de place ou moins
d’interprétation aux débats parlementaires en eux-mêmes et à toute la technique d’organisation de
la Chambre des Communes.
Comprendre le Journal de la Chambre des Communes, c’est comprendre son
fonctionnement et son évolution. Apparu en 1547, c'est-à-dire à la mort d’Henri VIII, il est de
création relativement récente lorsque Jacques Ier prend le pouvoir en Angleterre. Le Journal des
Lords, lui, est créé en 1509 et se distingue principalement de celui des Communes par sa précision
et par le fait qu’il est en partie rédigé en latin. Ces différences s’expliquent par la composition de
la Chambre des Lords, qui bénéficie de clercs et de juristes. Au contraire, le Journal des
Communes est caractérisé par de nombreux défauts. Tous les débats n’y sont pas retranscrits et
son contenu est beaucoup moins détaillé, notamment lorsqu’il relate la procédure législative
suivie. L’information y est souvent vague. Et au final, les lois sont inscrites dans le rôle de la
Chambre des Lords. Les débats de la Chambre des Communes ont principalement été retranscrits
par William Cobbett, dans son ouvrage The Parliamentary History of England de 1803.
Le Journal des Communes subit une véritable évolution pendant le règne du premier des
Stuarts. Elle ne peut être envisagée qu’avec la formation progressive d’une opposition et la
présence de parlementaires motivés, assidus aux séances et ayant une expérience parlementaire
antérieure. Tous ces aspects ne peuvent qu’aboutir à la mise en place d’une Chambre des
Communes influente. Grâce aux sources parlementaires du XVIIe15, on constate qu’elle connaît
une seconde évolution. Après avoir acquis des droits, des privilèges, une rationalisation de la
procédure législative et une reconnaissance politique, elle se dote une véritable force par la tenue
d’un Journal précis, ordonné, qui permet de retracer les différentes étapes du règne de Jacques Ier.
Par ailleurs, les manques notoires du Journal des Communes peuvent être comblés en
partie soit par des actes officiels soit par des documents privés. Pour les documents officiels, il est
intéressant de prendre en compte les actes du Conseil Privé d’Angleterre16, qui nous informent
sur les lettres échangées et la tenue de certaines affaires importantes. Ou encore les rôles des
papiers d’État17, qui regroupent les principaux événements, les principales procédures touchant à
la fois le Parlement et les officiers du roi. Pour les documents privés, la publication des journaux
tenus par les parlementaires est une mine d’information qui complète grandement le Journal de la
Chambre, notamment grâce à leur précision, comme ceux de Robert Bowyer ou de
Walter Yonge. Les parlementaires ont également publié des ouvrages à plusieurs reprises, ce qui
nous renseigne davantage sur leurs idées politiques, idées véhiculées au Parlement. Les lettres
15 La plus grande partie des sources du XVIIe ont été numérisé par les archives anglaises, ce qui permet d’avoir accès
à de nombreux documents, pour beaucoup imprimés.
16 Acts of the Privy Council of England : Ces documents prennent en compte la période de 1601 à 1623, pour le règne de
Jacques Ier, mais les années 1605 à 1614 sont malheureusement manquantes.
17 Calendar of State Papers.
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
échangées par les parlementaires, ou entre hommes de Cour et diplomates, nous permettent aussi
d’obtenir des détails sur certaines affaires politiques et leur impact sur la population anglaise. En
contrepartie, cette dissémination de l’information rend leur examen plus difficile.
Mais finalement, c’est grâce à l’étude de la biographie des parlementaires18 que l’on arrive à
se représenter la Chambre des Communes, à travers la profession de ses membres, leur religion,
leurs activités économiques. Tous ces aspects déterminent leur participation au sein d’une
opposition au roi. Ainsi, les articles biographiques anglais et les revues contemporaines
permettent de comprendre le contexte dans lequel les parlementaires ont décidé de jouer un rôle
déterminant. La question de l’opposition de la Chambre des Communes de Jacques Ier est assez
peu abordée dans les ouvrages français.
L’étude de cette Chambre en particulier permet de rendre compte de l’emprise d’une
Chambre qui se dit élue par la nation anglaise et qui cherche à tout prix à conserver ce statut en
s’opposant à un monarque de droit divin, consciente du rôle qu’elle doit tenir au cœur du système
politique. Car en effet, Jacques Ier revendique une légitimité divine et souhaite agir en monarque
absolu, c'est-à-dire en minimisant le rôle des autres institutions du royaume. Les membres des
Communes, n’étant pas nommés par le roi, estiment qu’en vertu de leur statut de représentants
de la nation, ils ont pour mission de conseiller le roi dans ses choix, de donner leur avis sur les
lois du royaume, ou encore d’empêcher le Prince d’étendre sa prérogative. Plus encore, Jacques Ier
doit faire face à une série de plaintes apportées par les Communes. Ces plaintes avaient été
soulevées à la fin du règne d’Élisabeth Ire, mais n’avaient pas obtenu d’écho favorable. Elles
concernaient l’utilisation des droits féodaux du souverain – tels que les monopoles –, considérés
comme un poids pour le peuple. L’aura dont bénéficie la souveraine, de par son âge et sa
condition féminine, ne peut que faire émerger une opposition parlementaire décidée à tester le
nouveau roi.
Il convient donc d’étudier l’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi
d’Angleterre (1603-1625). Face à un roi qui souhaite imposer ses choix, comment les
parlementaires de la Chambre des Communes réagissent et s’opposent à Jacques Ier ? Quels sont
les outils et les arguments utilisés dans ce conflit constitutionnel ? Existe-t-il un lien entre cette
opposition naissante et celle qui amènera l’Angleterre vers la guerre civile et la décapitation de
Charles Ier (1625-1649) ?
Les membres de la Chambre des Communes s’unissent face à des exigences royales
minorant leur rôle. Les parlementaires estiment qu’ils doivent avoir une participation effective
dans la politique du royaume. Cependant, si le roi veut agir en monarque absolu, il est limité par
la situation financière du royaume, et doit adapter son discours et sa politique aux exigences des
Communes, ce qui ne va pas sans conflit. Différentes théories sur sa prérogative émergent, et le
18
Grâce au Oxford Dictionary of National Biography [en ligne].
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
rôle du Parlement va être de contrebalancer les excès du roi. Dans cette mesure, on constate une
union forte des membres, qui permet à une opposition de s’organiser (Partie I).
Cette union est renforcée par la présence de common lawyers déterminés à défendre le
Common Law et sa supériorité sur le roi et sa prérogative. Le Parlement est alors le théâtre
d’affrontements juridiques : le roi et les Communes tentent chacun d’utiliser des procédures et
des arguments issus du Common Law pour faire pression l’un sur l’autre. Un système très structuré
permet à des membres leaders, minoritaires, de convaincre les autres et d’assoir leur prééminence.
Le Common Law constitue alors une source d’inspiration dans l’opposition entre le roi et les
Communes (Partie II).
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Partie I
Une opposition reposant sur une union forte des parlementaires
Durant son règne, Jacques Ier tente d’imposer sa conception du pouvoir qui, selon lui, a
déjà fait ses preuves en Écosse. Il estime que le Parlement doit jouer un rôle dans la valorisation
statutaire de ses décisions et non être un obstacle dans la mise en œuvre de ses projets politiques.
En janvier 1604, il convoque son premier Parlement, qui est dissous en février 1611, et qui est
composé de cinq sessions parlementaires. Le projet politique de Jacques Ier est novateur, car il
souhaite unifier juridiquement et institutionnellement les royaumes anglais et écossais. Malgré une
volonté d’encadrer cette Chambre, Jacques Ier rencontre des difficultés et doit faire face à une
contestation de son autorité par une institution qu’il considère comme inférieure (Chapitre I).
Or, le Parlement britannique est un forum national dont l’avis compte en Angleterre. Les
Communes regroupent des membres issus de catégories sociales influentes, qui ont une autorité
reconnue. Les plaintes relatives aux droits féodaux du roi donnent lieu à des controverses puisque
qu’il n’entend pas y donner un avis favorable sans une contrepartie financière. Des manœuvres et
tractations entre le pouvoir royal et les Communes se mettent en place et donnent lieu à un
conflit dans lequel aucune des deux parties ne veut céder. On comprend donc que les
parlementaires, qui ont bénéficié d’un statut important lors des règnes précédents, n’entendent
pas y renoncer et veulent ainsi garder leur rôle vis-à-vis de la politique du royaume. Mais on
constate également que leur héritage, acquis grâce aux précédents souverains, constitue les
fondements de leur renforcement à travers la constitution d’une opposition réelle (Chapitre II).
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Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Chapitre I. Une autorité royale contestée
A la suite du changement de dynastie, les Communes constituent un obstacle dans la mise
en place de la nouvelle politique royale. Le roi tente malgré tout d’imposer une conception
absolue du pouvoir (Section I), mais cette méthode rencontre très vite des difficultés. Dans le
même temps, la Chambre réussit à établir des règles d’organisation et ce de manière durable. La
cristallisation des relations entre le roi et les Communes s’exprime notamment à travers l’un des
représentants explicites du roi qu’est le Speaker. Dès lors, un bouleversement s’effectue, en ce
sens que le Speaker représente la première étape dans une procédure d’autonomie et
d’indépendance du Parlement vis-à-vis du pouvoir royal. Réputé être « l’homme du roi » au sein
de la Chambre, ce statut est remis en cause notamment lors des nombreux comités où il en sera
évincé (Section II).
Section I. Le pouvoir absolu du roi
Tout un système d’encadrement très structuré est défini par le roi et ses conseillers. Cela
peut s’expliquer par la crainte d’un Parlement qui a su profiter de certaines faveurs par le passé,
privilèges qui entrent directement en contradiction avec les convictions du roi liées au droit divin
des rois (Paragraphe I). Jacques Ier ne souhaite pas et n’aime pas que ses décisions soient remises
en cause. Il cherche ainsi à intimider les Communes afin qu’elles agissent de manière favorable à
sa politique, en exerçant une forte pression sur elles (Paragraphe II).
Paragraphe I.
La conception du droit divin des rois
Le nouveau roi d’Angleterre et d’Écosse a une idée précise de l’organisation des pouvoirs et
de la manière dont il souhaite gouverner. Son expérience en Écosse et les ouvrages qu’il a publiés
permettent de comprendre sa conception personnelle du pouvoir et les idées qu’il défend (A). Il
semble d’ailleurs que la majorité des Anglais accepte cette notion de l’origine divine du roi. Dans
le but d’adapter l’Angleterre à sa cause, le roi bénéficie de partisans dévoués et engagés, que ce
soit parmi le Clergé ou encore grâce à ses conseillers royaux (B).
A. Une idée défendue par Jacques Ier
Les deux principaux ouvrages de Jacques Ier, The Trew Law of Free Monarchies19 et Basilicon
Doron20, publiés alors qu’il est roi d’Écosse, traduisent ses idées politiques et la place qu’il accorde
au Parlement.
Le premier ouvrage, The Trew Law of Free Monarchies, publié en 1598 de manière anonyme,
est le plus important et le plus caractéristique de sa pensée politique. Afin de justifier la
19
L’adjectif « free » sous-entend que les monarchies doivent être libres, c’est-à-dire que les souverains sont libres de
leurs actes. Les œuvres de Jacques Ier ont été rassemblés dans l’ouvrage de Charles Howard McIlwain, The Political
works of James I (1918).
20 Basilicon Doron siginifie « cadeau » ou « don » royal.
9
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
supériorité du roi sur les autres institutions du royaume, et par la même, sa légitimé divine,
Jacques Ier explique l’antériorité des rois sur terre par rapport à tout autre organe ou institution :
« The kings therefore in Scotland were before any estates or ranks of men within the same, before any
Parliaments were holden, or laws made […] »21.
Cette antériorité ainsi expliquée, on comprend que selon le roi le premier type de gouvernement
sur terre était une monarchie, celle du Roi David22. Le Parlement, institution qui est le produit de
la volonté royale, est ainsi soumis au roi. La citation la plus connue de Jacques Ier dans cet
ouvrage est la suivante :
« Kings are called Gods by the propheticall King David, because they sit vpon God his Trone in the earth,
and haue the count of their administration to giue vnto him »23.
Les majuscules appliquées au terme « Dieu » sont intéressantes si l’on considère qu’il s’agit d’une
véritable délégation de Dieu à ses représentants, qui sont eux-mêmes appelés « dieux ». Les rois
sur terre ont ainsi un réel statut, juste en dessous de Dieu lui-même. De plus, Jacques Ier prône
une indépendance législative de la Couronne, ôtant le rôle que peut jouer le Parlement en la
matière :
« […] and so it followes of necessitie, that the Kings were the authors and makers of Lawes, and not the
Laws of the Kings »24.
Les rois sont au-dessus des institutions et des lois, n’ayant ainsi d’ordres à recevoir d’aucune autre
institution ou entité, si ce n’est de Dieu. Le roi en tant que législateur interprète les lois : le
Parlement ne peut légiférer sans le roi25. D’ailleurs, Jacques Ier définit le Parlement comme la
Haute Cour du Roi avec ses vassaux26. Ce terme de « vassal » est dévalorisant et ne laisse au
Parlement qu’un rôle de conseil27. Mais ce terme péjoratif ne peut que faire penser à une situation
antérieure ramenant le Parlement à son strict rôle médiéval. Cette idée d’indépendance législative
de la Couronne, mêlée à celle du droit divin, entraîne une conception particulière de la notion de
prérogative. En effet, avec Jacques Ier, on glisse de la doctrine Tudor de « royal prerogative » à la
doctrine Stuart d’« absolute power ». La notion de prérogative est essentielle en ce qu’elle caractérise
l’exercice royal du pouvoir, qui est dévolu à la Couronne par le biais de l’hérédité. Elle reflète
l’enjeu majeur du règne de Jacques Ier car une définition différente est formulée par les
Communes.
21
C. H. McIlwain, The political works of James I, Cambridge, Harvard Political Classics, 1918, p. 62. « Les Rois en
Écosse, en effet, étaient avant toute maison ou hiérarchie entre les Hommes, égaux, avant qui aucuns Parlement ne
soit tenu, ou de lois faites ».
22 Dans la Bible, le roi David est le second roi d’Israël, et a pour fils Salomon.
23 L. Laugier, Un instrument du pouvoir : le droit divin des rois en France et en Angleterre, Thèse, Droit, Université d’AixMarseille III, 2001, p. 280. « Les rois sont appelés dieux par le prophétique Roi David parce qu’ils sont assis sur le
trône de Dieu sur la terre et doivent rendre compte de leur administration ».
24 C. H. McIlwain, The political works of James I, op. cit., p. 62.
25 I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 78.
26 C. H. McIlwain, The political works of James I, op. cit., p. 62 : « Parliament (which is nothing else but the head Court of the king
and his vassals) […] ».
27 Ibid., p. 62. « For albeit the King make daily statutes and ordinances, enjoining such pains thereto as he thinks meet, without any
advice of Parliament or Estates […] ».
10
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Il convient cependant de nuancer ces propos de par la situation particulière de l’Écosse et
de l’organisation de ses institutions. Cette conception, différente de l’évolution du Parlement
anglais, s’explique par un lien très fort entre l’institution écossaise et son roi, qui peut parfois se
traduire par une soumission. Par exemple, les membres du Parlement écossais ne peuvent pas
parler sans l’accord du Chancelier, ou plus particulièrement, un Bill ne peut pas être approuvé s’il
n’a pas au préalable reçu l’accord du souverain28. La liberté d’action et de parole du Parlement
écossais est donc limitée. En revanche, en Angleterre, même si les parlementaires ne décident pas
au début du règne de Jacques Ier de l’ordre du jour organisé par le Speaker, le roi n’intervient pas
dans les propositions de lois. Mais, à son arrivée sur le trône d’Angleterre, Jacques Ier ne souhaite
qu’adapter sa conception au Parlement anglais. Or, celui-ci n’a pas subi la même évolution ni ne
possède les même droits ou les mêmes prérogatives.
Le second ouvrage, Basilicon Doron, publié en 1599, est dédié à son fils aîné Henri29, afin de
l’aider dans sa future fonction de souverain. Il rappelle la présence et l’aide de Dieu dans sa tâche
à accomplir, tout comme son origine divine :
« Remember when yee sit in judgement, that the trone ye sit on is Gods (as King David saith) »30.
Ces idées sont reprises dans le discours de Whitehall du 21 mars 1610. Il est prononcé lors de la
quatrième session du premier Parlement élu en 1604. Cela fait huit ans que Jacques Ier est roi
d’Angleterre et il semble que sa conception du pouvoir n’ait pas beaucoup changé. Il débute son
discours ainsi :
« The state of Monarchy is the supremest thing upon earth; for kings are not only God’s lieutenants upon
earth, and sit upon God’s throne, but even to God himself they are called gods »31.
Jacques Ier réitère son attachement au droit divin et l’assimilation du roi à celle de Dieu lui confère
son origine divine, ou en tout cas une mission divine. Le roi a un statut à part, placé entre Dieu et
les hommes. Il est legibus solutus32, c'est-à-dire qu’il peut légiférer dans tous les domaines que ne
régissent pas les lois fondamentales, tout en restant soumis aux lois divines et naturelles33. On
retrouve ici la conception de Jean Bodin sur la souveraineté monarchique34. Selon lui, le roi seul a
le pouvoir de faire et de casser la loi, sans que quiconque ne puisse s’y opposer.
Jacques Ier adapte cependant son discours aux spécificités anglaises et il est nécessaire de
souligner que le roi souhaite s’attirer les bonnes grâces du Parlement dans le but d’obtenir des
subventions. Ainsi, bien qu’il y ait un décalage significatif entre les idées des parlementaires, avec
28 H. Hulme, « The winning of freedom of speech by the House of Commons », The American Historical Review,
vol. 61, n° 4, juillet 1956, p. 827.
29 Henri décède en 1612.
30 Jacques Ier, Basilicon doron 1599, Menston, Scolar P., 1969, p. 42.
31 Discours du 21 mars 1610, Jacques Ier, Works, in J. P. Kenyon, The Stuart Constitution, 1603-1688: documents and
commentary, Cambridge, Cambridge University Press, 1976, p. 12. « L’état de Monarchie est la chose la plus suprême
sur terre ; car les rois sont non seulement les Lieutenants de Dieu sur terre, et sont assis sur son trône, mais même
par Dieu lui-même ils sont dénommés dieux ».
32 C’est-à-dire « non lié par les lois ».
33 J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, Paris, PUF, 1992, p. 62.
34 Il semble que Jacques Ier se soit procuré les ouvrages de Jean Bodin, quand ceux-ci ont été publiés en anglais.
11
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
la conception du Roi-en-son-Parlement35, et celles du roi, on peut trouver des concessions faites
par Jacques Ier. Tout d’abord, il fait la distinction entre la situation des rois à leur origine et la
situation présente :
« […] but now in these our time we are to distinguish between the state of kings in their first original, and
between the state of settled kings and monarchies that do at this time govern civil kingdoms […] »36.
Il atténue donc la conception qu’il avait exprimée dans The true lawe of free monarchies et évoque des
« gouvernements civils », ce qui implique la présence d’autres institutions.
Toutefois, il ne faudrait pas penser que le roi n’a aucune limite dans l’exercice de son
pouvoir. Il est borné par les lois divines et naturelles, son pouvoir n’est donc pas absolu. Dans ce
discours, il admet qu’il doit observer certains principes :
« […] and so the king became to be lex loquens, after a sort, binding himself by a double oath to the
observation of the fundamental laws of the kingdom: tacitly, as being a king, and so bound to protect as well the
people as the laws of his kingdom; and expressly, by the oath at his coronation »37.
Jacques Ier estime qu’il doit, de par sa mission en tant que roi, respecter et protéger les lois
fondamentales du royaume38, les droits de ses sujets à travers les lois ainsi que respecter son
serment de couronnement39. Les parlementaires ne vont pas hésiter à rappeler fréquemment au
roi ce serment. Mais ces limites ne constituent en rien des obligations puisqu’il ne peut être jugé
que par Dieu. Ce qui le pousse à ne pas utiliser cet argument est le fait qu’il craint d’être considéré
comme un tyran, crainte qu’il souligne dans ses discours et ses ouvrages. Cela s’explique par le
fait que George Buchanan, un des précepteurs du roi, défend l’idée selon laquelle les peuples
peuvent se rebeller contre leur souverain s’il est tyrannique. Selon lui, il faut que le roi ait
nécessairement l’approbation de la nation toute entière – représentée par le Parlement – pour
qu’il puisse promulguer ses lois et par la même les légitimer40. Cependant, des parlementaires tels
que John Selden, Sir Robert Phelips ou encore John Pym affirment l’existence d’un contrat
originel entre le roi et son peuple41. Ces idées sont reprises et davantage développées notamment
dans le Parlement de 1628 par l’opposition des Communes à Charles Ier. C’est donc un argument
qui prend forme dans les Parlements précédents. Mais cette idée est rejetée par Jacques Ier car elle
35
Cf. supra, p. 2.
Ibid., p. 13.
37 Ibid., p. 14.
38 J. W. Gough, L'idée de loi fondamentale dans l'histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., p. 62. Selon l’auteur, Jacques Ier
assimile son serment de couronnement à un contrat entre lui et le peuple, n’impliquant cependant aucune obligation
de sa part.
39 Tanner ESS, vol. 94, in J. R. Tanner, Constitutional documents of the reign of James I A.D. 1603-1625, Cambridge,
Cambridge University Press, 1964, p. 391 : « Archbishop. Sir, will you grant and keep and by your oath confirm to your people of
England the laws and customs to them granted by the kings of England your lawful and religious predecessors; and namely the laws,
customs and franchises granted to the clergy and to the people by the glorious king, St Edward, your predecessor, according and
conformable to the laws of God and true profession of the gospel established in this kingdom, and agreeing to the prerogatives of the kings
thereof and to the ancient customs of this realm? King. I grant and promise to keep them ».
40 J. Broch, « Le Parlement d’Angleterre dans la République de Bodin », in L’influence politique et juridique de l’Angleterre
en Europe, Aix-en-Provence, PUAM, 2012, p. 60.
41 J. Selden, Table Talk, Londres, Cassell National Library, 1887, p. 96 : « Every law is a Contract between the king and the
people, and therefore to be kept ».
36
12
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
impliquerait une responsabilité de sa part envers le peuple anglais en cas de manquement à ses
obligations.
Enfin, Jacques Ier n’a pas la même conception juridique des lois fondamentales que les
parlementaires anglais42. En effet, selon la conception romaine du droit, remontant à Jacques V
d’Écosse (1513-1542)43, Jacques Ier précise dans un discours du 31 mars 1607 de Whitehall, qu’il
entend par lois fondamentales les lois écartant le chaos, assumant la descendance de leur roi et la
succession à la monarchie héréditaire44. Or, en Angleterre, les lois fondamentales regroupent
globalement les lois du royaume, les coutumes et le Common Law.
Toutefois, malgré sa conception sévère et restrictive du Parlement, le roi ne peut pas s’en
passer et comprend l’importance des actes de cette institution. Dans Basilicon Doron, il dit à son
fils de ne pas abuser des Parlements et de les convoquer dans le but unique de faire des lois pour
le bien du Commonwealth45. Les idées de Jacques Ier sont soutenues par des partisans fidèles qui
profitent de la publication d’ouvrages en sa faveur.
B. Une idée soutenue par des partisans dévoués
Jacques Ier bénéficie du soutien de nombreux partisans, que ce soit dans son entourage à la
cour ou au sein des différentes institutions de l’État. Il s’agit des juges, des conseillers royaux, du
Clergé ou encore de la Chambre des Lords. Ces différents personnages du royaume lui sont
fidèles de par leur nomination et sont ainsi au service de l’État. On peut citer Francis Bacon46 ou
Thomas Egerton47.
Le Schisme provoqué par Henri VIII lors du Reformation Parliament de 1529 à 1536 a rendu
la monarchie anglaise indépendante de Rome. Le monarque n’est ainsi responsable devant aucune
autre autorité terrestre, ce qui ne fait que conforter les fondements des arguments des royalistes48.
Ils condamnent la résistance au souverain, même si celle-ci peut être justifiée par l’instauration
d’un tyran au pouvoir. Cela semble finalement assez paradoxal, si l’on considère que le précepteur
de Jacques Ier était George Buchanan49.
Par ailleurs, on constate une augmentation du nombre de membres de la Chambre des
Lords. Alors qu’Élisabeth Ire a fait baisser leur nombre en ne créant aucun nouveau siège pendant
les trente dernières années de son règne, les Lords passent de 55 membres en 1603 à 81 en 161550.
Grâce à leur nomination, Jacques Ier pense qu’il se crée une Chambre qui lui est totalement
42
Le terme de « fondamental » apparaît dans l’Épître dédicatoire de Francis Bacon.
Jacques V d’Écosse est le fils de Jacques IV d’Écosse et de Marguerite d’Angleterre (sœur aînée d’Henri VIII).
44 I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit., p. 91.
45 Jacques Ier, Basilicon doron 1599, op. cit., p. 33 : « Onely remember, that as Parliaments are onlie ordained for making laws, so
abuse ye not their constitution, in holding them for any means particular. For as a Parliament is the honorablest and highest judgement in
the land (as being the king’s head Court if it bee well used, which is by making of good laws in it) ».
46 Bacon fut avocat général en 1615, puis Chancelier en 1618.
47 Egerton est aussi Lord Ellesmere.
48 M. A. Judson, The crisis of the Constitution, An essai in constitutional and political thought in England 1603-1645, New York,
Octagon Books, 1971, p. 137.
49 Cf supra, p. 9.
50 F. J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes en France et en Angleterre (XVIIe-XVIIIe), Paris, L’Harmattan, 1997, p. 49. À
la veille de la guerre civile, les Pairs seront au nombre de 138.
43
13
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
favorable et donc dévouée. C’est en effet le cas pendant la plus grande partie de son règne, mais
les Lords montrent leur opposition au roi – ou en tout cas leur solidarité avec les Communes –
dans certaines affaires à la fin du règne51. Au début du XVIIe siècle, le Clergé – membre de la
Chambre des Lords – soutient grandement Jacques Ier et ses idées du droit divin. Cela s’explique
principalement par le fait qu’il a accepté le roi comme « supreme head on earth of Church »52 – dû au
Schisme. Par exemple, à la suite du serment d’allégeance exigé par le roi, Richard Mocket53 publie
en 1615 un livre intitulé God and the King, dans lequel il défend le serment d’allégeance et précise la
politique théologique de l’Église. Ce livre est dédié aux jeunes et le roi en fait un outil de
propagande. Ainsi, par une Proclamation du 8 novembre 1615, Jacques Ier ordonne que ce livre soit
lu dans les universités et par tous les ministres du culte dans les Églises54.
Les royalistes vont alors avoir des divergences d’opinions avec certains membres de la
Chambre des Communes. The Interpreter55, ouvrage de John Cowell publié en 1607, témoigne le
mieux de cette divergence. Cowell est un professeur de droit civil de l’université de Cambridge –
ce n’est pas un parlementaire. Son ouvrage, en faveur du roi, provoque l’indignation des
Communes. Il est organisé comme un dictionnaire de termes juridiques, et donne des définitions
controversées. Lors des débats parlementaires de 1609, John Hoskins56 attire l’attention des
autres membres sur l’ouvrage. Selon lui, il est désobligeant envers le Parlement et le Common Law.
Le livre est ainsi examiné en détail par le comité sur les plaintes. Hoskins estime que Cowell a
disséminé une position idéologique dangereuse. Sir Edward Coke57, Chief Justice de la Cour des
Plaids Communs58, considère qu’en publiant cet ouvrage, Cowell porte atteinte à la pierre
angulaire du Commonwealth, c'est-à-dire qu’il dévalorise la valeur de la législation du roi en son
Parlement59. Hoskins cite les définitions de quatre notions qui sont controversées : subvention60,
loi61, Parlement et prérogative62. La définition des subventions laisse entrevoir le pouvoir absolu
du roi pour lever les taxes. Celle définissant le terme de loi précise que le roi est au-dessus des lois
51 Les Lords montrent leur solidarité avec les Communes notamment lors de conférences communes relatives à la
politique étrangère du roi, ou encore sur l’Impeachment de certains officiers royaux.
52 « Chef suprême sur terre de l’Église ».
53 B. Porter, Richard Mocket (1577-1618), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. R. Mocket est écrivain sur la religion et directeur de college.
54 J. F. Larkin, P. L. Hughes, Stuart Royal Proclamations, Royal proclamations of King James I 1603-1625, Oxford, Clarendon
Press, 1973, vol. 1, p. 244 : A Proclamation touching D. Cowells booke called the Interpreter, Westminster, 25 mars 1610. Le
roi demande « the universall dispersing, and teaching of all Youth in the Saide Booke ».
55 J. Cowell, A law dictionary: or the interpreter of words and terms, used either in the Common or Statute Law of Great Britain, and
in Tenures and Jocular Customs, Londres, E. et R. Nutt et R. Gosling, 1727.
56 W. Prest, Hoskins, John (1566-1638), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University Press,
2004. Hoskins est poète, parlementaire et juge.
57 A. D. Boyer, Coke, Sir Edward (1552-1634), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Coke est juriste, rédacteur juridique puis parlementaire à la Chambre des Communes.
58 La Court of Common Pleas a été créée par Henri II d’Angleterre (1154-1189) et a pour fonction de juger les affaires
civiles entre les sujets du roi. Ce dernier n’y siège pas. C’est une cour de Common Law.
59 D. Coclough, Freedom of speech in the early Stuart England, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 151.
60 J. Cowell, A law dictionary…, op. cit., p. 421-422 : « An Aid, Tax or tribute, granted by Parliament to the King, for the urgent
occasions of the Kingdom, to be levied of every Subject, according to the Rate of his Land or Good ».
61 Ibid., p. 272 : « He is supra legem by his absolute power ».
62 Ibid., p. 356 : « Prerogativa Regis, Derived from pre, ante, and rogare, to ask, or demand; is that special Power, Pre-eminence, or
Privilege, which the King hath over and above other Persons, and above the ordinary Course of the Common Law, in the Right of his
Crown ».
14
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
grâce à son pouvoir absolu. Or, de nombreux parlementaires et de nombreux juristes estiment
que le Common Law s’applique aussi au souverain. Cette définition ne peut qu’aller à l’encontre du
concept de monarchie mixte. La notion de Parlement donnée par Cowell est également très
critiquée par les parlementaires car il estime que le roi ne peut pas être lié aux lois faites par le
Parlement. Il indique ainsi que :
« […] to bind the Prince by laws made in Parliament were repugnant to the nature and constitution of an
absolute monarchy »63.
Enfin, Cowell estime que la prérogative royale est un pouvoir, un droit attribué par la
Couronne, s’exerçant sur toute personne et étant au-dessus du fonctionnement des cours de
Common Law. La supériorité du roi sur toutes les institutions du royaume apparaît donc
essentielle, mais elle est contraire à toute participation effective du Parlement. La véhémence des
Communes face à ces définitions conduit le roi à interdire le livre. Il est intéressant de souligner
que les parlementaires n’évoquent que quelques définitions qu’ils estiment contestables mais ne
soulignent pas le fait que Cowell écrit également dans la préface de son ouvrage que le roi est
solutus a Legibus et qu’il n’est pas lié par son serment de couronnement64.
Les Communes considèrent dans un premier temps que The Interpreter est une offense
envers le Parlement65. Puis, elles demandent une punition contre Cowell. Si le roi approuve les
idées de l’ouvrage, il interdit néanmoins d’autres publications par une Proclamation face au
comportement hostile des Communes. Il va même plus loin en interdisant l’achat, la discussion
ou encore la lecture de l’ouvrage66. De plus, dans un message adressé à la Chambre, le roi admet
que « It was dangerous to submit the power of a king to a definition » 67.
Peu importe les définitions données par Cowell, le fait d’en avoir établies limite le pouvoir
du roi car elles en donnent un cadre. C’est pourquoi le roi interdit l’ouvrage. Et pour ne pas se
mettre du côté des parlementaires, il trouve un argument autre que ceux exposés. De plus, dans la
Proclamation interdisant la publication de l’ouvrage, le roi précise :
« […] by meddling in matters above his reach, he hath fallen in many things to mistake and deceive
himself »68.
Jacques Ier tolère peu que ses sujets traitent d’aspects relevant de sa compétence car il considère
qu’elle est « hors d’atteinte » par toute autre personne que lui. Cet argument est régulièrement
avancé – notamment lorsque le roi estime que les Communes empiètent sur sa prérogative royale.
63
J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 42 : « […] lier simplement le Prince à ses lois ou par ses lois
répugnerait à la nature et à la constitution d’une monarchie absolue ».
64 J. Cowell, A law dictionary…, op. cit., p. 11.
65 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1122. Le 27 février 1609, les Communes estiment que
l’ouvrage de Cowell « does contain matters of scandal and offence towards the high court of parl. and is otherways of dangerous
consequence and example ».
66 J. F. Larkin, P. L. Hughes, Stuart Royal Proclamations…, op. cit., p. 244.
67 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 6. « Il était dangereux de soumettre le pouvoir d’un roi à une
définition ».
68 J. F. Larkin, P. L. Hughes, Stuart Royal Proclamations…, op. cit., p. 244 : A Proclamation touching D. Cowells booke called
the Interpreter, Westminster, 25 mars 1610.
15
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Cependant, même si le roi n’a jamais été aussi loin dans ses discours, il n’en demeure pas
moins que cet ouvrage sert sa cause. En effet, malgré le fait que les ouvrages déjà parus soient
brulés par les Communes, The Interpreter connaît un grand retentissement parce que l’affaire a été
débattue par le Parlement.
Paragraphe II.
La tentative d’intimidation à l’égard les Communes
À son arrivée au pouvoir en Angleterre, sa méfiance envers les Communes le mène à les
encadrer (A), ce qui est mal perçu par les parlementaires. Mais il souhaite promouvoir des thèmes
qui lui tiennent particulièrement à cœur comme l’union entre l’Écosse et l’Angleterre (B). Le roi
rencontre alors de fortes résistances.
A. Une volonté affirmée d’encadrer les Communes
Lorsque Jacques Ier convoque son premier Parlement, un an s’est écoulé depuis son
couronnement. Traditionnellement, les monarques ont pour habitude de procéder à des élections
afin que les parlementaires puissent rapidement légiférer, soit pour légitimer leur accession au
trône – comme pour Élisabeth Ire par exemple – soit pour adapter une législation qui a pu
prendre fin avec la mort du souverain précédent. Tous ces impératifs rendent urgente la
convocation du Parlement. Or, Jacques Ier ne procède pas de la sorte et le délai entre sa venue au
pouvoir et l’appel de son Parlement irrite la population, qui voit dans cette manière de gouverner
le manque d’intérêt du monarque envers ses sujets, le principal moyen qu’ils possèdent pour se
faire entendre résident dans la convocation du Parlement. Quant aux parlementaires, un
sentiment d’ambigüité les anime. D’un côté ils le considèrent comme un étranger – un Écossais –,
de l’autre la venue d’un nouveau souverain suscite des espérances et des attentes qui n’ont pas été
satisfaites lors du règne précédent.
Le roi ne souhaite pourtant pas se passer du Parlement pour mettre en œuvre ses réformes
– au sujet de l’union par exemple69 – tant il comprend que l’aspect statutaire de ses lois légitime
leur valeur. Il est essentiel pour le roi d’encadrer un maximum le Parlement afin d’être sûr qu’il
votera les lois qu’il lui soumettra. Dans cet objectif, Jacques Ier opte pour des discours longs et
détaillés70. Megan Mondi, dans son article sur les discours de Jacques Ier, en a recensé trente-six
pour les quatre Parlements du roi71. Les discours d’ouverture du Parlement, faits devant les Lords
et les Communes72, sont les plus longs que le roi ait prononcés. Ils ont toujours été publiés par le
roi73, ce qui montre qu’il en était fier et souhaitait qu’ils soient accessibles au plus grand nombre.
69
Cf. infra, p. 18.
En comparaison, les discours d’Élisabeth Ire étaient beaucoup moins fréquents et surtout beaucoup moins longs. Il
est difficile de les recenser, mais on en dénombre huit principaux.
71 M. Mondi, « The Speeches and Self-Fashioning of King James VI and I to the English Parliament, 1604-1624 »,
Constructing the Past, 2007, vol. 8, p. 141. Le nombre exact de discours reste inconnu mais l’auteur pense les avoir
presque tous collectés.
72 Les discours d’ouverture des sessions parlementaires sont faits par le roi dans la Chambre des Lords. Les
Communes ne sont qu’invitées, et doivent se déplacer.
73 Dans l’ouvrage Works de 1616.
70
16
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
C’est également un moyen de diffuser la parole royale. En plus de ceux d’ouverture, Jacques Ier
réitère ses discours en milieu, puis en fin de chaque session. Outre la volonté d’encadrer les
parlementaires, il s’agit d’avantage de les « recadrer » lorsqu’ils s’écartent de la volonté royale, ou
de procéder à des remontrances. Les Communes ont alors tendance à montrer des velléités à
l’égard de cette pratique politique, ce qui ne peut que lui déplaire. Par exemple, le 4 décembre
1621, le Speaker informe les Communes, par une lettre du roi, qu’elles ont débattues
publiquement d’affaires dépassant leur compétence, au sujet de la politique étrangère. Le roi émet
des reproches aux parlementaires :
« You shall therefore acquaint that house with our pleasure, that none therein, shall presume to meddle with
anything concerning our government or mysteries of state »74.
Quant au fond des discours, ils font état de ses connaissances de l’histoire anglaise et
montrent son intérêt pour le royaume dont il est devenu roi. Ses arguments sont nombreux à être
issus de la Bible, que ce soit pour citer le roi David, Dieu, ou encore faire référence à l’origine de
la monarchie75. La publication de ses discours explique probablement sa volonté de paraître un
roi cultivé et instruit. Il convient de noter que ses discours sont très structurés : il précise les
raisons de la convocation du Parlement et les sujets à traiter ou encore le rôle des parlementaires
vis-à-vis de leur charge au Parlement76. Le roi y exprime de manière concrète ses idées politiques
et a tendance à s’étendre. Par exemple, lors de son discours d’ouverture du Parlement de 1624, le
roi cible les sujets dont pourront traiter les parlementaires : les négociations avec l’Espagne, le
mariage de Charles et le Palatinat77. On comprend bien que son but est de se faire comprendre le
mieux possible par les parlementaires, qu’il n’y ait pas d’incompréhensions entre les deux parties.
Mise à part ces discours, Jacques Ier intervient par le biais de messages envoyés aux
Communes, soit au Speaker, au Chancellor of the Exchequer, ou plus particulièrement au Secretary
Calvert, premier baron de Baltimore. Ces messages, nombreux, sont le plus souvent délivrés par
les conseillers privés78 et sont portés à la connaissance de tous les membres de la Chambre. Il
s’agit régulièrement de réponses du roi lorsqu’il a été sollicité par les Communes sur une question
particulière, à travers une pétition par exemple. Mais ces messages, qui traduisent souvent le
mécontentement du roi dans l’organisation des débats parlementaires, sont appréhendés par les
Communes comme une violation. On constate ainsi une différence dans la pratique du pouvoir
entre Élisabeth Ire et Jacques Ier. En effet, la reine avait pour principe de ne pas trop intervenir
dans les débats, et ses messages concernaient principalement les intérêts de la Couronne.
D’ailleurs, les parlementaires avaient déjà tendance à considérer ce procédé comme traduisant une
perte de légitimité du Parlement. En contrepartie du peu de messages de la reine au Parlement, il
était plus souvent souhaitable, selon elle, d’intervenir lors du vote des lois par l’usage du droit de
veto. Jacques Ier procède ainsi à l’inverse de son prédécesseur en ce qu’il utilise les messages mais
74
W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1326.
Ibid., p. 980.
76 Ibid., p. 986 : « Three principal qualities are required in you, knowledge, courage, and sincerity ».
77 D. Coclough, Freedom of speech in the early Stuart England, op. cit., p. 185.
78 W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, Londres, Humphrey Milford Amen House, British
academy, 1924, p. 34. Les conseillers privés sont aussi surnommés « those near the Chair ».
75
17
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
n’a jamais utilisé son droit de veto. Cette présence indispose les parlementaires qui n’avaient pas
été habitués à cette manière de gouverner.
Enfin, Jacques Ier exprime ses idées dans ses nombreux écrits. Il favorise, et ce comme
Élisabeth Ire, la diffusion de la parole royale79. Ainsi, outre The Trew Law of Free Monarchies et
Basilicon Doron, il a publié A counterblaste to tobacco80 (1604), An apologie for the oath of allegiance (1609)
ou encore A defence of the right of kings, against cardinall Perron (1615). Jacques Ier va alors tenter
d’appliquer ces idées au Parlement, en essayant d’encadrer les Communes.
B. L’union des deux royaumes ou la volonté d’imposer ses choix
Jacques Ier sollicite dans un premier temps les Communes pour concrétiser l’union entre le
royaume d’Angleterre et le royaume d’Écosse. Le roi regroupe sur sa tête les deux couronnes,
mais souhaite une association juridique dans le but d’aboutir à une fusion totale, c'est-à-dire
institutionnelle. Dans son premier discours devant le Parlement anglais, le 19 mars 1604, il
informe les parlementaires de son projet par le biais d’une comparaison :
« […] but the union of these two princely houses is nothing comparable to the union of two ancient and
famous kingdoms, which is the other inward peace annexed to my person »81.
Jacques Ier fait référence à l’alliance des deux maisons Lancaster et York à la suite de la Guerre
des Deux Roses – la rose rouge et la rose blanche – marquée par la Bataille de Bosworth field puis
par le mariage d’Henri VII et Élisabeth d’York. Ce parallèle montre l’importance de l’union entre
les deux couronnes, et qu’il considère qu’il s’agit maintenant d’une seconde étape. Pour arriver à
ses fins, Jacques Ier en vante les mérites – essentiellement fondés sur la concrétisation d’une
armée plus puissante. L’argumentation du roi s’organise principalement autour du vocabulaire des
deux corps du roi, à travers l’expression « to my person ». D’autres références à cette théorie sont
présentes dans ce premier discours :
« […] and here I must craye your patience for a little space, to give me leave to discourse more particularly
of the benefits that do arise of that union which is made in my blood, being a matter that belongueth most properly
to me to speak of, as the head, wherein that great body is united »82.
« I am the husband, and all the whole island is my lawful wife; I am the head, and it is my body; I am the
shepherd, and it is my flock […] »83.
« […] I desire a perfect Union of Laws and Persons, and such a Naturalizing, as may make one body of
both kingdoms, under me your king […] »84.
79
L. Laugier, Un instrument du pouvoir…, op. cit., p. 277. Élisabeth Ire avait écrit des prières qui étaient destinées à être
lues dans les Églises, afin d’exprimer ses idées à son peuple. Cette méthode de communication s’est répandue grâce
aux idées de la Renaissance et à l’essor culturel qui en découle.
80 A counterblaste to tobacco est un traité contre le tabac importé des Amériques. C’est le premier ouvrage de Jacques Ier
à destination des Anglais.
81 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 979.
82 Ibid., p. 979.
83 Ibid., p. 980.
84 Ibid., p. 1101.
18
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Ces extraits démontrent la volonté de Jacques Ier d’unir les deux royaumes autour d’une seule et
même personne : le corps naturel du roi85. Or, les Communes considèrent tout d’abord qu’il
existe deux allégeances – celle au royaume d’Écosse et celle au royaume d’Angleterre – puis
apprécient leur allégeance non pas envers la personne même de Jacques Ier mais dans le corps
politique, c'est-à-dire la Couronne d’Angleterre. Cette référence à la Couronne implique une
allégeance aux institutions anglaises. Les Communes distinguent donc le corps politique et le
corps naturel, alors que le roi souhaite unir les deux86. C’est pourquoi les parlementaires
n’adhèrent pas à la tentative de Jacques Ier de faire accepter cette union qui lui tient
particulièrement à cœur. Il semble que pour la plupart d’entre eux, l’Écosse est toujours
appréhendée comme un État hostile – ou du moins barbare. Ces crispations sont exprimées au
Parlement par Sir Edwin Sandys87. Lors de la session parlementaire de 1604, Sandys exprime son
opposition à l’union. Dans un discours du 19 avril, il remet en cause l’existence d’une « Grande
Bretagne ». Il affirme que les Communes n’auraient pas l’autorité suffisante pour faire des lois
pour toute la Grande Bretagne au motif suivant : « England sits here representatively only »88. Sandys
fait référence au fait que les membres du Parlement écossais ne sont pas présents aux
Communes, ce qui implique un défaut de représentation des électeurs des deux royaumes. Le
discours de Sandys - qui n’est en réalité qu’un prétexte pour favoriser son échec - a un impact
considérable sur les membres du Parlement, qui semblent s’être ralliés en majorité à ses
arguments. Dès lors, l’union voulue par le roi au Parlement est irréalisable, du moins pour la
session de 1604.
Mais Jacques Ier n’est pas seul à vouloir cette union. L’Évêque de Worcester,
John Thornborough, publie en mai 1604 un tract en faveur de l’union : A discourse plainly proving
the evident utilitie and urgent necessitie of the union of England and Scotland. La Chambre des Communes
s’offense et considère qu’il y a eu violation du privilège parlementaire sur le secret des débats. Il
est fait référence à cet ouvrage dans une pétition intitulée Apology du 20 juin 1604, dans laquelle
les Communes expriment leurs revendications face à Jacques Ier :
« […] some of the higher clergy to write a book againt us, ever sitting the Parliament […] »89.
Mais les plaintes des Communes restent vaines et le livre n’est pas interdit. Thornborough ne
s’arrête pas là et publie un autre ouvrage en 1605, The Joiefull and Blessed Reuniting the Two Kingdomes,
England & Scotland.
85
Face à cette thématique, un partisan du roi, Edward Forsett publie A comparative discourse of the Bodies Natural and
Politique (1606).
86 C. Braillon, « Aux origines du lien entre sujet et souverain dans les pays de common law : le report du juge Edward
Coke sur le Calvin’s case (1608) », Revue historique de droit français et étranger, vol. 88, n° 3, 2010, p. 405. Si les Anglais
estiment que le corps naturel peut être dissocié du corps politique, ce n’est pas le cas de la conception française.
87 T. K. Rabb, Sandys, Sir Edwin (1561-1629), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Sir Edwin Sandys est un leader de l’opposition parlementaire sous Jacques Ier, entrepreneur colonial et
juriste. Il est le protégé de Richard Hooker (1554-1600), auteur de l’ouvrage Of the Lawes of Ecclesiastical Politie (1593),
et plus précisément de la doctrine religieuse prônée par Élisabeth Ire.
88 A. Trush, J. P. Ferris, History of Parliament, The House of Commons, 1603-1629, Cambridge, Cambridge University
Press, 2010, vol. 6, p. 166.
89 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power, jurisdiction, rights and liberties, of the most high court of parliament, revived
and asserted, Londres, John Lourse, 1739, p. 232.
19
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Le roi n’obtenant pas d’acte législatif concret au Parlement, il décide de procéder
autrement. Par une Proclamation du 20 octobre 1604, il se déclare « Roi de Grande Bretagne, de
France et d’Irlande, Défenseur de la Foi » 90, prétention du roi validée par son conseil et non par
les parlementaires. Puis le 16 novembre, il annonce l’union des monnaies et des drapeaux. Le roi
semble être passé outre l’avis du Parlement, et utilise sa prérogative de Common Law sur les
Proclamations91 pour faire comprendre aux parlementaires que cette union n’est pas négociable.
Cette question de l’union est par conséquent réintégrée devant le Parlement lors de la session de
1606-1607. A la suite de l’envoi de commissaires en Écosse92, un rapport relatif à la consolidation
de la paix entre les deux royaumes ou encore à la qualité de sujet anglais est présenté aux
Communes93. Ces commissaires souhaitent également abolir la législation mutuelle hostile. Les
débats se concentrent sur la naturalisation des Écossais. Deux projets de lois sont proposés : le
premier vise à reconnaître la qualité de sujet anglais « naturel » aux personnes nées en Écosse
après l’accession de Jacques Ier – les post-nati – et le second à celles nées avant – les ante-nati. Ces
deux projets sont rejetés par les parlementaires.
Les Communes redoutent alors une immigration massive d’Écossais en Angleterre, et ce
sentiment hostile se manifeste lors des débats. Sandys déclare lors d’un discours devant les Lords
que les Écossais « are better aliens but not equal with natural subjects »94. Mais en réalité, la
préoccupation principale de nombreux parlementaires, dont Sandys, est la disparition de l’identité
juridique anglaise par la perte du nom « England » qu’entraînerait la fusion des deux royaumes.
Cela reviendrait à la disparition du Common Law, des coutumes ancestrales, et par conséquent des
droits, des libertés et des privilèges du peuple anglais. De plus, cela va à l’encontre du serment
prêté par Jacques Ier lors de son couronnement, où il promet de veiller sur les coutumes et les lois
du royaume.
Ainsi, comprenant que l’union voulue initialement par Jacques Ier n’est pas réalisable,
compte tenu des difficultés que cela représente et le fait que les mentalités anglaises ne sont pas
prêtes, Sandys propose une union parfaite des deux royaumes qui pour a but de provoquer
l’échec des négociations. Il soutient tout d’abord qu’il existe deux types d’unions : l’union
imparfaite, préservant les identités distinctes des deux royaumes ; l’union parfaite, c'est-à-dire une
fusion totale des deux systèmes juridiques. Faisant croire que les Communes sont favorables à
cette dernière, il invoque la mauvaise volonté des parlementaires écossais. Ces derniers
obstrueraient les négociations. En effet, l’union parfaite serait l’intégration du Common Law anglais
à l’Écosse. Or les Écossais ne sont pas prêts à renoncer à leur droit – tout comme les Anglais.
Cette stratégie fonctionne et provoque le mécontentement du roi. Il condamne cette attitude et
90
J. F. Larkin, P. L. Hughes, Stuart Royal Proclamations…, op. cit., p. 96. A Proclamation concerning the Kings Majesties Stile,
of King of Great Britain, Westminster, 20 October 1604 : « Upon all which considerations wee do, by these presents, by force of our
kingly Power and Prerogative assume to our self by the cleernes of our Right the Name and Stile of King of GREAT BRITTAIN
FRAUNCE and IRELAND DEFENSOR OF THE FAITHE, etc. ».
91 Cf. infra, p. 74.
92 An Act authorizing certain Commissioners of the Realm of England, to treat with Commissioners of Scotland, for the Weal of both
Kingdoms (I James. I, c. 2) : Première année du règne de Jacques Ier, seconde loi votée.
93 C. Braillon, « Aux origines du lien… », op. cit., p. 402.
94 A. Trush, J. P. Ferris, History of Parliament…, op. cit., p. 171.
20
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
prévient les Communes « to beware of all fanatical spirits »95. L’alliance par le biais de la Statute Law
est un échec et les parlementaires ont réussi à faire pression sur le roi. Une loi est cependant
votée en 1606, qui vise à abolir la législation hostile entre les deux pays96.
Le roi ne souhaite pas en rester là et tente en 1608 de porter l’affaire des post-nati devant les
juridictions de Common Law, à travers l’affaire Calvin. Il s’agit d’une affaire « fictive », crée par
Jacques Ier pour résoudre son conflit avec le Parlement. Robert Calvin est né en Écosse en 1605,
après l’accession au trône de Jacques Ier. Une action immobilière en Angleterre a été introduite
par les tuteurs du mineur. Or il s’est vu dépossédé de cette propriété – en réalité, Calvin en est
devenu propriétaire juste pour l’affaire et dépossédé fictivement. La question porte alors sur la
recevabilité de l’affaire. Il s’agit de savoir si un postnatus est ou non un sujet anglais. Pour cela, il
faut d’abord déterminer si l’allégeance de Calvin est liée au corps politique ou au corps naturel du
roi. Dans le premier cas, les parlementaires considèrent que comme il y a deux Couronnes bien
distinctes – anglaise et écossaise – Calvin appartient à la Couronne écossaise. Dans le second cas,
Calvin est sous la protection de Jacques Ier en tant que personne et est donc considéré au même
titre que les sujets anglais97. Cette affaire s’inscrit dans la poursuite des débats parlementaires. Le
litige est soumis aux principaux juges du royaume, dont Coke, alors Président de la Cour des
Plaids Communs. Coke donne raison au roi en concluant qu’il s’agit de l’allégeance au corps
naturel du roi98.
Section II. La remise en cause de « l’homme du roi »
Au début du XVIIe siècle, le Speaker connaît une évolution de sa fonction qui lui fait perdre
son influence et son autorité face aux parlementaires (Paragraphe I). Il a tendance à se placer du
côté du roi alors que les Communes estiment de plus en plus qu’il doit davantage les défendre et
prendre leur parti. Cette situation finalement assez paradoxale, conduit le Speaker à être écarté des
comités par les membres de la Chambre des Communes et à voir ses fonctions
redéfinies (Paragraphe II).
Paragraphe I.
L’évolution de la fonction du Speaker
Le Speaker subit progressivement au cours du règne de Jacques Ier une mutation. Au début,
il est considéré comme « l’homme du roi » au sein de la Chambre (A), et de ce fait critiqué par les
Communes. Il verra finalement ses pouvoirs diminués et deviendra même un membre de
l’opposition parlementaire, représentant les Communes auprès du roi (B).
95
Ibid., p. 172.
An Act for the utter abolition of all memory of hostility, and the dependance thereof, between England and Scotland, and for the
repressing of occasions of disorders, and disorders in time to come (4 James. I, c. 1).
97 C. Braillon, « Aux origines du lien… », op. cit., p. 406.
98 Cette affaire aura des conséquences sur la qualité des sujets des colonies anglaises qui verront leurs droits mieux
respectés.
96
21
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
A. Un Speaker favorable au roi
Cet officier royal est traditionnellement choisi puis nommé par le roi et enfin accepté par
les Communes pour présider et arbitrer les débats à la Chambre. L’élection est considérée comme
une formalité, d’autant plus qu’il est rare que le choix du souverain soit remis en cause. On
considère que cette nomination a pour but de rendre harmonieuses les relations entre les deux
parties, sachant que le Speaker a un rôle de médiateur voire de conciliateur. Par ailleurs, il a pour
mission de demander lors de son premier discours devant le Parlement la confirmation des droits
et des libertés des Communes, et ce notamment depuis 152399. En plus de s’occuper des débats,
le rôle du Speaker est de présenter au roi les pétitions faites par les Communes. Et il présente aux
Communes les réponses. Le Speaker dispose également du droit de contrôler la composition des
membres et d’autoriser les absences des parlementaires, depuis 1515. En cas d’absence non
justifiée, ces derniers sont exposés à des amendes. Le Speaker est ainsi par définition « l’homme
du roi », même s’il a pour rôle de représenter et de défendre les intérêts des Communes devant le
roi. Quatre Speakers se succèdent pendant le règne de Jacques Ier : Sir Edward Phelips (1604), Sir
Randolph Crewe (1614), Thomas Richardson (1621) et Sir Thomas Crewe (1624). Les trois
premiers sont des royalistes favorables aux politiques mises en œuvre par Jacques Ier, le dernier
est membre de l’opposition. Ils sont tous issus de familles influentes – ayant pour Phelips et
Crewe, par exemple, plusieurs membres de leur famille exerçant des fonctions politiques.
L’élection de Phelips en 1604 est contestée par les Parlementaires, alors que certains
auraient préféré que ce soit Bacon ou Sir Francis Hastings. On remarque que les Communes
tentent d’influencer l’élection du Speaker en faisant savoir vers quelles personnes se tourne leur
choix, puisqu’il s’agit finalement très souvent d’un compromis entre le roi et les Communes. On
constate malgré tout une pression plus accrue du pouvoir royal sur cette élection dès lors que les
conseillers privés élus à la Chambre ne sont que deux100. Le roi tente de nommer comme Speaker
un personnage qui lui est totalement dévoué car il a mal estimé l’importance des élections des
conseillers privés – d’où leur nombre restreint. Ces conseillers ont pour rôle de contrôler la
Chambre aux côtés du président de la Chambre, ce qui explique cette tentative.
Dans la pratique, le Speaker a tendance à être tellement soumis au roi qu’il lui communique
quotidiennement l’avancée des débats parlementaires. Cela provoque l’irritation des
parlementaires qui s’estiment espionnés et considèrent cette attitude comme un empiètement sur
leur libertés. En réaction, ils accusent le Speaker et les conseillers du roi de mal l’informer à partir
du moment où les débats ne sont pas clos. Par exemple, lors du Parlement de 1621, Sir Francis
Seymour101 affirme devant la Chambre :
« […] by malice of the members of our own house, the king is misinformed […] »102.
99
Cette pratique est constatée depuis le Speaker Sir Thomas More.
En 1604, les deux conseillers privés sont Herbert Secondary, civil lawyer, et Sir John Stanhope, juriste.
101 D. L. Smith, Seymour, Francis (1590-1664), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Sir Francis Seymour est membre du Parlement en 1621 et 1624. Il est défenseur du règne de la loi contre
les incursions de la prérogative royale.
102 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1329.
100
22
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Les membres des Communes accusent le Président de la Chambre de privilégier certains
débats voulus par le roi – il a en effet la pression du roi sur ses épaules –, ou de défavoriser
certaines personnes qui souhaiteraient parler à l’encontre d’un projet royal. Il est vrai que puisque
le Speaker a le droit de choisir de donner la parole aux membres, il est libre de décider non
seulement des sujets débattus, mais aussi des personnes qui pourront s’exprimer – ces personnes
devant s’inscrire auprès de lui. Son influence s’exerce également lors des votes des Bills. Par
exemple, le Calendar of State Papers précise que le 17 mars 1606, le Speaker Phelips refuse de
s’attacher au Bill sur les purveyors103 au motif que celui-ci n’a pas été correctement rédigé, malgré
les pressions de la Chambre104. De plus, le Speaker utilise des subterfuges pour décider des projets
votés ou non. Ainsi en 1604, lors des débats sur les purveyances, il réussit à différer le passage d’un
Bill au lendemain puis arrive en retard à la séance afin de reporter de nouveau le Bill105. Il utilise
également la possibilité de faire voter les Bills tôt le matin, avant que l’ensemble des
parlementaires ne soient arrivés, afin que notamment ceux qui sont contre le projet ne puissent
participer.
Ces méthodes conduisent à des avertissements des membres contre le Speaker, et leur
hostilité se manifeste de plus en plus. Ainsi dans la séance du 9 mars 1621, le Speaker Richardson
est interpellé trois fois par les membres, notamment par Coke, parce qu’il est accusé de repousser
les sujets à traiter106. Le rôle ambigu qu’il doit tenir entre le roi et le Parlement – sans s’attirer les
foudres de l’un ou de l’autre – est difficilement conciliable. D’autant plus que l’opposition
grandissante de la Chambre des Communes ne fait qu’empirer la situation du Président de la
Chambre. Cette attitude inconfortable ainsi se retourne progressivement contre le Speaker et
conduit à une redéfinition de ses pouvoirs qui sont réduits et encadrés par la Chambre ellemême107.
B. Un Speaker contrôlé par les Communes
L’influence et le pouvoir du Speaker sur les Communes déclinent depuis la période
élisabéthaine108. Face au favoritisme exercé par le Speaker sur les débats, et sa politique
d’obstruction pour ceux exprimant une opposition au roi, des règles émergent dès 1606 afin de
limiter ses incursions.
Ainsi, le Speaker n’a plus le droit de voter et les communications qu’il veut faire à la
Chambre doivent être nécessaires : il ne doit pas chercher à convaincre les membres par une
103
Purveyance : achat obligatoire de nourriture par la Couronne à des prix fixes, dans le but de nourrir l’armée royale et
la maison du roi.
104 Calendar of State Papers, Domestic Series of the reign of James I, 1603-1610, Burlington, TannerRitchie Publishing, 2005,
vol. 19, p. 301 : « […] was pressed to put the Bill of Purveyors to the question, but put it off, as not being wholly ingrossed. Begs a
discretionary power in circumstances “not varying from matter prescribed”[…] ».
105 C. Russell, The Crisis of Parliaments 1509-1660, Oxford, Oxford University Press, 1971, p. 266.
106 Common Journal, vol. I, in J. Beauté, Un grand juriste anglais..., op. cit., p. 151. Coke affirme : « M. Speaker n’est que le
serviteur de la Chambre, il n’est pas le maître ni le représentant du maître ».
107 W. S. Holdsworth, A History of English Law, Londres, Methuen & co. LTD, 1924, vol. 6, p. 90.
108 W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, op. cit., p. 21.
23
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
argumentation abondante109. Il ne peut plus refuser de lire un Bill, ou faire connaître son existence
à une personne extérieure à la Chambre – et plus particulièrement au roi – tant que celle-ci n’a
pas eu l’occasion d’en débattre auparavant110. Des heures fixes sont également établies pour que
les Communes siègent, et cela de sept ou huit heures du matin à midi. Passé cette heure, le
Speaker ne peut plus apporter de nouveaux projets111. L’interdiction de procéder au vote d’un Bill
avant neuf heures du matin est instaurée. Cette dernière mesure s’explique par l’absence régulière
de certains membres – en raison de leurs contraintes en tant qu’avocats ou juges par exemple – et
permet d’éviter les votes hâtifs sur des Bills dont le résultat est controversé. Par ailleurs, le choix
de l’ajournement ou la fin d’une séance sont décidés par la Chambre et non plus par le Speaker et
plus symboliquement, les portes de la Chambre sont fermées à clefs – clefs qui sont posées sur
une table –, lors des débats112. On remarque ainsi un basculement des pouvoirs du Président des
Communes vers les Communes elles-mêmes qui assoient progressivement leur indépendance face
au roi.
Toutes ces mesures conduisent finalement à la nomination d’un Speaker membre de
l’opposition parlementaire lors du dernier Parlement de Jacques Ier, en 1624. Sir Thomas Crewe113
incarne l’évolution concrète qu’a subie la fonction du Speaker depuis 1604. Crewe est un membre
actif des Communes puisqu’il a siégé dans tous les Parlements de Jacques Ier, a été présent dans
plus d’une centaine de comités. Sa contribution aux Bills est également significative. Il a participé
à la rédaction de la législation contre la collecte d’impôts par le roi et est réputé être un grand
défenseur de la loi114. C’est un juriste qui a le soutien des Puritains de la Chambre. En 1614, les
notes qu’il a prises lors du Parlement sont brulées par le roi, au motif qu’il a outrepassé sa parole
dans les débats sur les impôts. Dans une lettre de John Chamberlain115 à Dudley Carleton116, du 9
juin 1614, ces événements sont relatés ainsi par les personnes concernées :
« Presently, upon the dissolution, pursuivants were ready to warn divers to be the next day at the council
table, from whence Christopher Neville, Sir Walter Chute, Hoskyns, and Wentworth, were yesterday sent to the
Tower; Sir John Saville confined to this town for a time; Sir Samuel and Edwyn Sandys, Sir Dudley Digges, Sir
Roger Owen, Thomas Crew, Hackwell, and some others, (I remember not) that had parts appointed them by the
House, in the matter of impositions, were enjoined to bring in their notes and papers, to be burnt »117.
Cette lettre traduit l’attitude du roi face aux parlementaires qui ont discuté, lors du Parlement de
1614, de sa prérogative royale. Ce Parlement est dissous deux mois après que les parlementaires
109
J. Redlich, The procedure of the House of Commons, Londres, Archibald Constable, 1908, vol. 1, p. 48.
W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party in the English House of Commons 1603-1629, New York, Columbia
University Press, 1957, pp. 32-33.
111 J. Redlich, The procedure of the House of Commons, vol. 1, op. cit., p. 47.
112 W. S. Holdsworth, A History of English Law, op. cit., p. 90.
113 Il est nommé à ce poste par un serviteur royal, Sir Thomas Edmondes, trésorier de la famille royale.
114 M. Jansson, Crewe, Sir Thomas (1566-1634), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. L’auteur définie Crewe comme « a great lover of the laws of the land and the liberties of the People ».
115 P. J. Finkelpearl, Chamberlain, John (1553-1628), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford
University Press, 2004. Il est épistolier.
116 L. J. Reeve, Carleton, Dudley (1574-1632), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Il est vicomte de Dorchester, diplomate et épistolier. Les lettres que lui et John Chamberlain se sont
échangées pendant près de trente ans figurent parmi les Public Record Office.
117 W. R. Folkestone, The court and times of James the First, Londres, Henry Colburn, 1848, vol. 1, p. 322.
110
24
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
se sont rencontrés. On constate que tous les membres cités par l’auteur sont des membres actifs
de l’opposition au roi, et que leurs noms réapparaissent lors des débats du prochain Parlement,
six ans plus tard.
Paragraphe II.
Les comités ou l’éviction du Speaker
Les comités de la Chambre des Communes ont connu un fort développement sous le règne
de Jacques Ier. Surtout, ils ont été utilisés à des fins pratiques dans le but de servir l’opposition
parlementaire : comme les Bills y sont rédigés, il est essentiel d’y assister. Ces comités ont comme
particularité d’exclure le Speaker des débats et permettent ainsi aux parlementaires de s’exprimer
plus librement. On assiste alors à une première étape d’indépendance (A). En effet, les membres
peuvent prendre la parole autant de fois qu’ils le souhaitent, contrairement aux sessions
parlementaires où le Speaker arbitre les débats – les parlementaires ne peuvent pas parler plus
d’une fois sur chaque Bill. La concrétisation de cette indépendance se manifeste lorsque les
Communes se réunissent au grand complet, avec les comités de la Chambre entière (B).
A. Les prémisses de l’indépendance des Communes : les comités
Au début du règne de Jacques Ier, l’opposition profite du développement et de la
rationalisation de la procédure parlementaire et du système des comités pour s’assurer une
représentation solide et influente sur les autres membres. Si sous le règne d’Élisabeth Ire les
comités étaient dirigés par les conseillés privés – qui reportaient à la Chambre118 –, ce n’est plus le
cas sous Jacques Ier119. Il n’a pas perçu l’enjeu de l’influence sur le résultat des élections, ce qui
affaiblit la position des conseillers privés aux Communes.
Lorsqu’il était Speaker de la Chambre des Communes en 1593, Coke a eu l’occasion de
développer la pratique des comités – comités sur les plaintes, les privilèges, la religion ou sur les
Bills les plus importants nécessitant des approfondissements. Coke considère ainsi que « a
committee is a jury »120, c'est-à-dire que le fait de traiter de questions particulières en comité restreint
conduit à l’apparenter à un jury. Le comité est donc valorisé et son influence sur le reste de la
Chambre est essentielle dès lors qu’il existe un pouvoir de décision en son sein. Cette pratique
s’est ensuite accélérée en 1604. Ces comités siègent le matin, en parallèle des sessions de la
Chambre entière. Le Speaker ne peut ainsi y assister.
La présence des membres de l’opposition dans les comités est vitale pour exercer une
influence significative sur la rédaction des Bills121. Tout se joue lors des débats de la seconde
118
W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, op. cit., p. 22.
W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 89. En 1604 les Communes comptent deux conseillers
privés. Ils seront quatre en 1614 puis huit en 1621.
120 Discours de Coke du 7 Février 1621 devant la Chambre des Communes, in W. Notestein, Commons Debates, 1621,
New Haven, Oxford University Press, 1935, vol. 2, p. 35 : « A committee is a jury. The committee may examine for matter of
fact and what they had done for the fact the House would not alter, but for matter in law or right the parliament might, after the
committee, alter it ».
121 W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 33. Un quorum de huit membres était suffisant pour un
comité.
119
25
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
lecture : les parlementaires sont invités à s’inscrire auprès du Speaker afin de pouvoir prendre la
parole à la Chambre. Ceux qui auront parlé lors de ces débats seront choisis en priorité pour faire
partie du comité122. Une fois la sélection effectuée, les membres se distinguent par les discours
réalisés. Au contraire des règles régissant la Chambre, les membres des comités peuvent prendre
la parole autant de fois qu’ils le souhaitent, sans être interrompus par le Speaker. Il est possible de
reconnaître les leaders en regardant uniquement le nombre de discours prononcés. On constate
ainsi qu’en 1614, les membres de l’opposition qui ont pris la parole le plus souvent sont
Nicholas Fuller123 (53 discours), Edward Alford (40 discours), Roger Owen (30 discours) ou
encore Sandys (25 discours). Face à eux, les deux principaux parlementaires royalistes sont
George Moore (33 discours) et Henry Montague (20 discours)124. Les royalistes sont non
seulement moins nombreux, mais font également moins de discours que les membres de
l’opposition. Par exemple, Sandys est le leader de l’opposition de 1604 à 1614. Il se distingue dans
les débats sur les impôts, sur l’union ou encore sur les plaintes de la Chambre.
L’activité des opposants parlementaires est alors grandissante. Ainsi, en 1603-1604, sur un
total de 155 rapports, 59 étaient faits par des membres hostiles à la politique de Jacques Ier – soit
38 %. Dès lors, on constate une sérieuse augmentation année après année : en 1605-1606, sur 150
rapports, 68 étaient faits par des opposants – soit 45 % –, en 1609-1610, 115 des 154 rapports –
soit 75 %125. Enfin, au Parlement de 1614, sur 34 rapports 22 étaient effectués par des membres
de l’opposition. De grandes figures apparaissent. Ainsi Sandys fit huit rapports à la Chambre,
Fuller en fit sept et Owen en fit quatre126. De plus, en 1614, sur un total de 966 discours, 171
peuvent être considérés comme étant soit pour soit contre le gouvernement – les autres discours
n’étant pas assez parti pris pour pouvoir les classer dans l’une ou l’autre catégorie. Sur ces 171
discours, 109 sont faits à l’encontre de la politique royale et 62 le sont en faveur127.
Par ailleurs, les rapporteurs des comités sont en grande majorité leurs présidents – appelés
chairmen. Ainsi en 1624, Sandys rapporte du comité sur le commerce, William Noye128 du comité
statuant sur l’abrogation des lois, Coke du comité des plaintes, John Carville du comité sur les
réformes de la Cour de la Chancellerie129, et John Glanville du comité sur les privilèges130. La
même année, on constate que les rapporteurs les plus fréquents sont Coke, Sandys, Glanville,
Health, Noye et Robert Phelips. Si les présidents des comités sont des membres de l’opposition,
on comprend bien l’impact qu’ils peuvent exercer sur les autres membres et sur la rédaction des
122
W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, op. cit., p. 23.
S. Wright, Fuller, Nicholas (1543-1620), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Fuller est un membre actif des Communes, ayant participé à de nombreux comités, prenant souvent la
parole, et est un Puritain convaincu.
124 W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 74.
125 Ibid., p. 45.
126 Ibid., p. 73.
127 Ibid., p. 74.
128 J. S. Hart, Noye, William (1577-1634), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Noye est un juriste ayant siégé dans tous les Parlements de Jacques Ier.
129 La Court of Chancery est un tribunal chargé de juger selon les principes de l’Equity, et non selon le Common Law. Elle
est dirigée par le Chancelier.
130 Ibid., p. 98.
123
26
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
Bills. Leur activité en comité ne serait pas aussi importante si cela n’avait pas une influence sur le
vote final. Les conseillers privés ont ainsi été implicitement évincés des comités, qui sont passés
progressivement sous la direction des membres de l’opposition.
L’opposition n’a pas toujours eu les mêmes meneurs d’un Parlement à un autre. En effet, le
roi tente dès 1614 d’influencer le résultat des élections. Il obtient un renouvellement considérable
de la Chambre, mais malgré cela, l’opposition persiste, soit avec des membres ayant déjà été dans
les Parlements précédents, soit avec de nouvelles personnalités131.
B. La concrétisation de l’indépendance : les Committees of the whole House
Les Committees of the whole House, ou comités de la Chambre entière, se détachent
progressivement de la pratique des Grand Committees – ou Grands comités – créés sous
Élisabeth Ire132. Il existait alors quatre Grands comités : plaintes, religion, cours de justice et
commerce133. Il paraît essentiel de traiter de certaines affaires – et en premier lieu celles relatives
aux subventions – avec des comités si larges que les membres doivent se retrouver dans la
Chambre elle-même.
Le premier Committee of the whole House de Jacques Ier se réunit le 7 mai 1607 pour l’union
entre l’Angleterre et l’Écosse134. Les grandes questions sont ainsi débattues en présence de tous
les membres des Communes, ce qui donne davantage de légitimité aux décisions prises – et non
pas uniquement avec un nombre restreint de membres en comité. Le Speaker est écarté des débats
– même s’il peut être présent – ce qui laisse aux parlementaires plus de place à leur liberté de
parole. Cependant, les débats restent arbitrés par un membre désigné par la Chambre elle-même.
Lors du comité de la Chambre entière sur l’union, Sandys est désigné comme président. Il l’est
également pour le comité sur les privilèges en 1614, tout comme Coke en 1621. Il est clair que
cette pratique parlementaire conduit à évincer le Speaker des grands débats et à le remplacer par
un autre membre. Le Journal de la Chambre des Communes du 28 novembre 1621 est très
explicite à ce sujet :
« […] at a committee: the Speaker going out of the chair, and sir Edw. Coke being put into it »135.
Le choix des présidents se porte également sur des membres qui ne sont pas des conseillers
privés. Cela s’explique par les critiques proférées par les Communes contre les hommes du roi,
accusés de déformer leurs propos. En désignant des membres actifs de l’opposition, les
parlementaires semblent favorables pour leur grande majorité aux idées défendues par ces
131
Le Parlement de 1614 contient 65% de nouveaux membres – soit environ trois cent –, contre 40% en 1604.
Malgré tout, dans l’ensemble, les meneurs de l’opposition sont les mêmes en 1604 et en 1614.
132 S. H. Zebel, « The Committee of the World in the Reign of James I », The American Political Science Review, vol. 35,
n° 5, octobre 1941, p. 942. Le premier Grand comité se réunit le 7 mars 1592.
133 S. Lambert, « Procedure in the House of Commons in the early Stuart period », English Historical Review, vol 95,
n° 377, 1980, p. 759.
134 A. Trush, J. P. Ferris, History of Parliament…, op. cit., p. 171. Le Grand comité sur l’union créé le 6 mars 1606 se
transforme en comité de la Chambre entière. Cf. supra, p. 18 pour plus de détails sur l’union.
135 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1313.
27
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
présidents. Trois membres des Communes président la grande majorité de ces comités pléniers :
Sandys, Coke et Sir Robert Phelips.
Les parlementaires redoutent tellement la mauvaise information du roi que dès qu’une
question semble vouloir être discutée, un parlementaire intervient pour l’envoyer en comité.
Ainsi, certains membres des Communes, comme Thomas Wentworth136, proposent de se réunir
en comité pour la plupart des discussions. Concernant les débats sur les privilèges des
Communes, le 5 décembre 1621, il prend la parole :
« Sir Tho. Wentworth would have the Speaker go out of the chair, that we might debate this business at as
a committee »137.
La question des privilèges des Communes étant jugée délicate, Sir Francis Seymour insiste et
réitère l’idée que le roi est mal informé et qu’il souhaite lui aussi que :
« We should sit as a committee of the whole house, for debate of this business » 138.
Ce comité de la Chambre entière est ainsi très prisé par les parlementaires. Lorsque le Speaker
revient siéger, les Communes lui font état des débats et de la décision qu’elles ont prise.
Si les premiers Parlements n’ont que quelques comités de la Chambre entière, celui de 1621
en comporte quatre139. Ils sont chargés de rédiger des pétitions pour les adresser au roi : il y a
donc un glissement de l’activité des comités et des sous-comités vers ceux en Chambre entière.
En 1624, les comités de la Chambre entière se réunissent à dates fixes. Le comité sur les plaintes
siège tous les vendredis et les lundis après-midi, celui sur les cours de justice tous les mercredis et
celui sur le commerce tous les jeudis après-midi140. Ces sessions ne seront pas toujours respectées,
mais la volonté de vouloir en faire des comités permanents montre leur importance.
L’augmentation du nombre de comités en Chambre entière coïncide avec l’accroissement
des difficultés entre le roi et les Communes, d’où la volonté de se passer du Speaker et de
diminuer le plus possible l’emprise des conseillers privés sur la Chambre. Ces comités sont la
concrétisation des critiques contre les représentants du roi, c’est la raison pour laquelle les
pétitions sont rédigées dans les comités de la Chambre entière.
En arrivant sur le trône d’Angleterre, Jacques Ier a déjà une conception autoritaire et
arbitraire du pouvoir. Et il n’hésite pas à l’appliquer sur la Chambre de Communes : il essaie de
l’encadrer, voire de la recadrer, lorsqu’elle s’écarte de la mission qu’il lui a confiée. Mais cela ne
suffit pas et les parlementaires, n’obtenant pas satisfaction de leurs revendications, décident de
porter atteinte aux atouts du roi dans la Chambre, à savoir le Speaker et les conseillers privés. Une
nouvelle structure de la Chambre se met en place, dans le but de favoriser son autonomie et son
indépendance face au roi. On voit alors l’émergence des comités, réunions privilégiées entre
136
M. Jansson, Wentworth, Thomas (1567/8-1628), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford
University Press, 2004. Il est le fils de Peter Wentworth, qui s’était distingué dans la Chambre des Communes
élisabéthaine avec ses discours sur la liberté de parole. C’est un Puritain.
137 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1329.
138 Ibid., p. 1329.
139 W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, op. cit., p. 47.
140 S. H. Zebel, « The Committee of the World in the Reign of James I », op. cit., pp. 950-951.
28
Partie I Chapitre I. Une autorité royale contestée
parlementaires où les grandes questions du royaume sont discutées. Les Communes vont alors en
profiter pour affirmer leurs droits, libertés et revendications qui proviennent des règnes
précédents.
29
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
Chapitre II.
Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
L’opposition parlementaire s’organise principalement grâce à un réseau de relations efficace
et influent, en fonction des convictions religieuses, ou des statuts sociaux. Ces relations sont
stables, ce qui permet à ces hommes d’être confortés dans le bien-fondé de leur action. On se
rend compte qu’au long du règne de Jacques Ier, ces personnes arrivent à persister et à rester unies
malgré les tentatives royales de mettre fin à ce mouvement. Les membres de l’opposition vont
ainsi miser sur des groupes d’hommes (Section I) pour arriver à faire évoluer leur carrière et faire
entendre leurs revendications. Les parlementaires viennent exprimer au Parlement des
revendications qu’ils estiment anciennes. Ces doléances sont notamment financières, ce qui
s’explique par l’archaïsme du système financier anglais issu du Moyen-Âge. Cela conduit les
Communes à vouloir parler de politique étrangère. On assiste alors à une réelle immixtion dans
les affaires d’État (Section II).
Section I.
Le Parlement, un vivier de groupes d’hommes influents
Des liens forts se tissent entre les membres des Communes, mais également avec des
hommes de cour influents, ce qui entraîne une imbrication de réseaux sociaux puissants et
importants lors des débats à la Chambre. Car en effet, les relations qu’entretiennent les membres
du Parlement, soit entre eux, soit avec des courtisans, déterminent l’issue de certains projets de
lois. Dans le cadre d’une opposition à la politique du roi, il est important pour les parlementaires
d’être solidaires (Paragraphe I). Cette union s’explique aussi par des revendications mais
également par un renforcement des Puritains à la Chambre qui, malgré leur nombre relativement
faible, influencent considérablement les débats (Paragraphe II).
Paragraphe I.
Les Communes, un réseau social fort et solidaire
L’ouverture culturelle, liée à la catégorie sociale des membres, détermine les affinités qui
peuvent se créer, que ce soit à la Chambre ou en dehors. Cette caractéristique sociale est
essentielle pour comprendre l’union qui va naître entre les membres de l’opposition (A), et qui va
être consolidée en fonction des sujets traités à la Chambre. Les relations entre membres de
l’opposition ne sont pas indépendantes de celles qu’ils entretiennent avec les hommes de Cour, et
qui déterminent leur carrière (B).
A. La catégorie sociale des membres, ciment de l’opposition
La catégorie sociale des parlementaires est essentielle pour tenter de comprendre les
relations que peuvent entretenir les membres entre eux. Les membres des Communes sont
traditionnellement des chevaliers, des citoyens, des bourgeois, et donc des gentilshommes.
Lorsque Jacques Ier entreprend son voyage de l’Écosse vers l'Angleterre pour prendre ses
30
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
fonctions, il fait chevalier de nombreuses personnalités141, leur permettant ainsi d’accéder à la
Chambre des Communes – par le biais de l’élection. D’ailleurs, il est intéressant de remarquer que
sur vingt-six leaders de l’opposition parlementaire de 1603 à 1625, dix ont été fait chevaliers au
cours du règne de Jacques Ier. On constate donc que le roi donne accès aux Communes à des
personnes qui, malgré l’attention que leur a portée Jacques Ier, n’hésitent pas à se retourner contre
lui. Le roi espérait satisfaire la gentry – la Haute bourgeoisie – qui demandait une reconnaissance
de son statut social, mais il a commis une erreur en permettant aux courtisans de vendre leur
titre142. Cela a entraîné un discrédit de la chevalerie – tout le monde peut obtenir le titre, pour peu
d’en avoir les moyens. L’effet escompté par le roi n’est donc pas réalisé. Il est alors contraint de
créer un nouveau rang héréditaire, les baronnets143. En 1611, Jacques Ier crée ce titre avec pour
objectif de s’attirer les bonnes grâces des membres du Parlement et d’obtenir des revenus pour la
Couronne. Le rang de baronnet fut vendu à quiconque pouvant dépenser £1 095, ce qui fut
bénéfique pour le trésor royal. Il concernait environ 200 membres. Or, le roi avait promis que
seraient concernées en priorité les familles anciennes et respectables, mais dans les faits ce ne fut
pas le cas. De vives critiques ont été émises. La dignité de baronnet – tout comme celle de
chevalier – impliquait des dépenses régulières d’entretien des membres : les rentes.
Avec Élisabeth Ire, l’Angleterre – tout comme une grande partie de l'Europe – a fait l’objet
d’un épanouissement intellectuel sans précédent. Le développement de la littérature, engagé grâce
à la Renaissance, ou encore l’ouverture de l’île sur le monde, grâce aux colonies et au
développement du commerce, a favorisé les sociétés intellectuelles. Une nouvelle classe
d’hommes politiques, baignés dans les connaissances historiques et culturelles, a fait son
apparition. Le développement social qui a connu son essor sous la période élisabéthaine se traduit
directement au Parlement. On constate ainsi que les membres des Communes sont issus de
catégories sociales importantes et influentes. Ce sont des propriétaires terriens ou des marchands.
Dans l’opposition parlementaire, les membres se connaissent bien, que ce soit grâce à leurs
études – dans les Inns of Court144 du royaume – ou grâce à leurs relations familiales – mariages
entre grandes familles bourgeoises. Au sein du Parlement, les membres ont des intérêts communs
à défendre. En dehors du Parlement, ces mêmes personnes se retrouvent et discutent des mêmes
problématiques qui les préoccupent. Différents regroupements voient le jour. Des repas privés
sont organisés autour de certains débats politiques, mais en comités restreints. Cette situation est
relatée par Sir Dudley Carleton145 dans une lettre du 13 juillet 1610 adressée à Sir Thomas
Edmondes146 :
141
C. Russell, The crisis of parliaments…, op. cit., p. 259. L’auteur estime : « James, on his way to London, created 46 knights
before breakfast ». Cette pratique rappelle celle des offices en France qui sont une source de revenus pour la monarchie.
142 B. Coward, The Stuart Age 1603-1714, Londres, Longman, 2003, p. 144.
143 F. J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes…, op. cit., p. 51. Le rang de baronnet se situe entre celui de chevalier et de
baron. Il est héréditaire, alors que celui de chevalier ne l’est pas.
144 Ce sont les écoles de droit en Angleterre. Cf. infra, p. 61.
145 L. J. Reeve, Carleton, Dudley (1574-1632), op. cit.
146 M. Greengrass, Sir Thomas, Edmondes, Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Edmondes est un diplomate et ambassadeur.
31
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
« My lord, farther147 to justify his courses, had a private meeting that same night, with a select number of
the Lower House, in Hyde Park, which were Sir Henry Neville, Sir Maurice Berkeley, Sir Edwyn Sandys, Sir
Hor. Crofts, Sir John Scot, Sir Francis Goodwin, and Mr. Alford, […]: yet, when knowledge was had of it in
the House, they were all suspected as plotters of some new designs »148.
Sur les sept personnes citées par Carleton, six sont des membres de la Chambre des
Communes149. L’objet des discussions est relatif aux impôts et tout particulièrement à la
proposition de Grand Contrat150 faite par le roi au Parlement, dans le but de trouver un accord
avec les parlementaires au sujet des revenus de la Couronne. Sur les six membres des Communes
présents lors de cette réunion, quatre sont des leaders de l’opposition. Pour les autres, leurs
convictions sont moins connues. Cette rencontre est très mal perçue par le roi qui considère que
de telles réunions sont susceptibles de lui être préjudiciables. Jacques Ier interdit alors aux
parlementaires de parler en dehors du Parlement des sujets qui y sont débattus, sous peine
d’emprisonnement.
D’autres types de réunions sont populaires dans la classe sociale des gentlemen, tout
particulièrement entre 1597 et 1611. C’est notamment le cas de la Mermaid Tarvern151. Il s’agit d’un
lieu de rencontre d’écrivains et de personnalités culturelles, intellectuelles mais également
politiques. Ces réunions se tiennent tous les premiers jeudi de chaque mois, et ont comme
caractéristique de fournir un environnement convivial favorisant les alliances et renforçant les
relations sociales de leurs membres152. Ce club aurait été créé par Sir Walter Raleigh153, favori
d’Élisabeth Ire et aventurier. Des parlementaires s’y retrouvent comme Selden,
Sir Robert Bruce Cotton pour les antiquaires154, mais également des juristes155 tels que
Christopher Brooke, John Hoskins ou Richard Martin. Dans l’ensemble, ces personnalités
entretiennent toutes des liens de patronage avec des hommes de Cour.
B. L’influence des hommes de Cour sur les membres des Communes
Le patronage, qui correspond à la protection qu’assure une personnalité envers une autre
de rang social inférieur, est courant depuis le XVIe siècle, et connaît une croissance considérable
depuis le règne d’Élisabeth Ire. Il s’agit pour des hommes influents au sein du pouvoir royal
d’assurer la protection et l’ascension sociale de leur protégé. Le patronage s’exerce en principe par
des courtisans ou des Lords envers des membres des Communes. De nombreux parlementaires
ont acquis de hautes fonctions ou responsabilités grâce à leurs relations sociales et familiales. Au
147
Il s’agit d’Anthony Carleton of Brightwell Baldwin du comté d’Oxford.
W. R. Folkestone, The court and times of James the First, op. cit., p. 123.
149 Sir Henry Neville, Sir John Scot, Sir Edwyn Sandys, Sir Herbert Crofts, Sir Francis Goodwin et Edward Alford.
150 Cf. infra, p. 38.
151 Dénommée également « Fraternitie of Sireniacal gentlemen ». Le terme « Sireniacal » faisant référence au français
« sirène ».
152 M. O'Callaghan, Patrons of the Mermaid tavern, Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford
University Press, 2004.
153 Sir Walter Raleigh est l’auteur d’un ouvrage intitulé The Prerogative of Parliaments (1628).
154 Cf. infra, p. 53.
155 Beaucoup de ces juristes ont fait leurs études à Middle Temple ou Lincoln's Inn.
148
32
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
cours du règne de Jacques Ier, les « patrons » sont principalement Sir Francis Bacon156, Robert
Cecil157 ou encore George Villiers158. Ils exercent une influence considérable sur l’ascension de
nombreuses personnalités, meneurs de la Chambre des Communes :
–
Eu égard aux compétences dont ils ont pu faire preuve lors de l’exercice de leurs
fonctions, par exemple en tant que parlementaires. Concernant Bacon, de nombreux
membres de l’opposition parlementaire font l’objet de promotions sociales grâce à lui. Par
exemple, Sir James Whitelocke est sous son patronage ainsi que sous celui de Sir
Julius Caesar159 et de Sir Lionel Cranfield. Cette situation lui a permis d’évoluer comme
juge au sein des cours de Common Law et de l’Équité. En 1617, Sir Thomas Hetley est
nommé official law reporter of decisions made by the judges in the royal courts par Bacon. En 1614,
William Noy est remarqué et nommé official recorder for the courts of Common Law.
Concernant Robert Cecil – comte de Salisbury –, son patronage s’exerce notamment sur
Alford160. En 1610, Cecil lui permet de participer à des réunions privées sur la levée
d’impôts dans le cadre de la prérogative royale.
– Eu égard aux relations familiales. On constate l’importance des relations entre les grandes
familles anglaises. Le mariage est le principal moyen pour agrandir son cercle de relations.
Le parlementaire traduisant le mieux cette situation est Sandys161. En juillet 1621, il entre
dans le cercle de relations du duc de Buckingham après que son neveu – Richard Bulkeley
– s’est marié avec la cousine de Buckingham – Dorothy Hill162.
Les relations entre les individus sont donc majeures dans la conduite des différentes politiques du
royaume et les relations entre les institutions. Par exemple, lorsqu’en 1624 un pacte relatif aux
subventions accordées par le Parlement en échange de la possibilité de débattre de politique
étrangère aux Communes163, est conclu entre l’opposition parlementaire et le pouvoir royal, il
s’agit en réalité d’un pacte entre deux grands hommes – un « patron » et son protégé – le duc de
Buckingham et Sandys164. C’est une situation assez paradoxale car les patrons les plus importants
sont en faveur du roi, alors que leurs protégés sont les membres de l’opposition les plus actifs.
W. M. Mitchell, auteur d’un ouvrage sur la création d’un groupe d’opposition au sein des
Communes entre 1603 et 1629, estime qu’environ 142 membres avaient des relations avec le
156 M. Peltonen, Bacon, Francis (1561-1626), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Bacon est fait chevalier par Jacques Ier en 1603, baron de Verulam en 1618 – ce qui lui donne accès à la
Chambre des Lords –, puis vicomte St Albans en 1621.
157 Robert Cecil devient comte de Salisbury en 1605.
158 George Villiers devient duc de Buckingham en 1623.
159 A. Wijffels, Sir Julius, Ceasar (1558-1636), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Ceasar est un juge de droit civil.
160 R. Zaller, Alford, Edward (1565/6-1631/2), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004. Cecil est le fils du « patron » de Roger Alford, père d’Edward.
161 Sandys a également étudié à Oxford avec Richard Hooker – auteur de l’ouvrage Of the Laws of Ecclesiastical
Polity (1590) – et s’est lié d’amitié avec George Cranmer, le petit neveu de l’Archevêque Thomas Cranmer.
162 A. Trush, J. P. Ferris, History of Parliament…, op. cit., p. 187.
163 Cf. infra, p. 46.
164 T. K. Rabb, Sandys, Sir Edwin (1561-1629), op. cit. Sandys est également un chef d’entreprise reconnu et impliqué. Il
participe à la création de l’East India Company en 1600 et à la Virginia Company en 1606 – il est nommé à son Conseil
en 1607. Il a donc des intérêts financiers à défendre, ce qui justifie sans doute son implication au sein des
Communes.
33
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
gouvernement165. Selon lui, presque tous les membres de ce groupe étaient passifs lors des débats,
à l’exception de cinq d’entre eux, appréhendés comme les leaders de la « court faction » :
Sir Francis Bacon, Sir Julius Caesar, Sir Thomas Lake, Sir Ralf Winwood et Sir Thomas Parry. Il
dénombre également cinq membres faisant partis de l’opposition parlementaire et ayant des liens
avec le gouvernement : Sir Dudley Digges, Edward Duncombe, William Hakewill166,
Sir Robert Phelips, Sir Edwin Sandys167.
Concernant les partisans du roi au sein des Communes, il semble qu’ils aient également
souhaité profiter des liens de patronage, mais ils ne suffirent pas à construire un « parti »
semblable à celui que pouvait représenter l’opposition.
Paragraphe II.
Les Puritains ou l’éthique de l’opposition
Les Puritains sont des hommes très influents aux Communes, malgré une situation difficile
au début du règne de Jacques Ier (A). Leurs convictions et leur détermination en font des
membres actifs, leaders de l’opposition parlementaire, et se distinguent particulièrement lors du
Parlement de 1604 (B).
A. La difficile situation des Puritains au début du règne de Jacques Ier
Les Puritains sont des Protestants de l’Angleterre du XVIe et XVIIe siècles très attachés à la
Bible et aux Saintes Écritures, qui sont le socle et le guide de la foi168. G. E. Aylmer estime qu’ils
peuvent être considérés comme étant l’aile la plus extrême du mouvement protestant en
Angleterre169. Ce mouvement est né suite à l’établissement de l’Église anglicane par Élisabeth Ire.
Les Puritains estiment que la reine n’est pas allée assez loin dans le détachement de la religion
catholique et qu’elle n’a pas assez réformé l’Église. On distingue deux courants puritains
principaux : les Presbytériens, qui souhaitent réformer l’Église anglicane conformément aux
principes énoncés par Martin Luther ; les Séparatistes, qui souhaitent l’abandon de l’Église
nationale pour opter pour des congrégations. Au début du XVIIe siècle, les Presbytériens sont les
plus nombreux170. En effet, les Anglais restent, dans l’ensemble, très attachés à l’Église instituée
après le Schisme d’Henri VIII puis établie par Élisabeth Ire. Mais leurs revendications, exprimées
lors des Parlements précédents, sont restées dans l’ensemble lettre morte, malgré des tentatives.
C’est notamment le cas au Parlement de 1574 lorsqu’ils essayent de substituer le Puritan Book au
Book of Common Prayer171.
165
W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 70.
S. Doyle, Hakewill, William (1574-1655), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004.
167 Ibid., p. 71.
168 E. W. Ives, The English revolution 1600-1660, Londres, E. Arnold, 1968, p. 88.
169 G. E. Aylmer, The Struggle for the Constitution 1603-1689, Londres, Blandford, 1968, pp. 45-46.
170 E. Prall, The Puritan revolution: a documentary history, Londres, Routledge and K. Paul, 1968. L’auteur estime même
que les Puritains sous Élisabeth Ire et Jacques Ier sont tous Presbytériens.
171 J. Guy, Tudor England, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 307.
166
34
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
Dès lors, la venue d’un roi Écossais – où l’Église presbytérienne a une influence
considérable sur le pouvoir royal – laisse espérer aux Puritains une amélioration de leur situation.
Or, Jacques Ier est de mère catholique – Marie Stuart – et a combattu pendant son règne en
Écosse l’Église presbytérienne. D’ailleurs, lors de son discours d’ouverture de la session
parlementaire du 19 mars 1604, Jacques Ier déclare :
« I found but one religion […] the first is the true religion, which by me is professed, and by law is
established; the second is, the falsely and called Catholics, but truly Papists; the third, which I call a sect rather
than a religion, is the Puritans »172.
Le roi montre son amertume pour les autres confessions religieuses, et il estime que le
mouvement des Puritains ne doit pas persister « in a well-governed commonwealth »173.
Cette conception religieuse explique l’échec que vont subir les Puritains, et ce dès janvier
1604. Le 14 janvier, le roi convoque les principaux ministres Puritains – dits modérés174 – afin de
les rencontrer au Palais d’Hampton Court en présence des principaux évêques anglicans175. Les
Puritains rédigent alors un texte dénommé The Millenary Petition176 en faveur de réformes
ecclésiastiques. Mais Jacques Ier reste sourd à leurs propositions de réforme, et affirme son
attachement à l’Église anglicane ainsi qu’à sa hiérarchie – aspect que les Puritains auraient tout
particulièrement aimé voir modifié en raison de la ressemblance avec l’Église catholique177. Il
résulte de cette conférence que les Puritains se sentent lésés et dominés par les évêques
anglicans178. Une version du Livre de Prière, dite « Bible du roi Jacques »179, est proclamée en
langue vernaculaire conformément à la volonté de Jacques Ier. De cette conférence, on retiendra
la formule suivante, prononcée par le roi, ôtant toute espérance de réforme aux Puritains : « No
Bishops, no king »180. Il y a donc une volonté de lier fortement la monarchie et l’Église. Mais ce lien
est surtout unilatéral : pour Jacques Ier, les membres du Clergé qui refusent d’adopter le
formalisme prescrit par la politique royale doivent rester muets et ne pas exprimer leur
désaccord181.
Le 19 mars 1604, suite à la Conférence d’Hampton Court, le roi décide de solliciter en
parallèle le Parlement et la Convocation de Canterbury – ou Convocation of the Church of England.
172
W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 982.
Ibid., p. 982.
174 Menés par John Reynolds, président du Corpus Christi College, d’ Oxford.
175 S. R. Gardiner, The First two Stuarts and the Puritan Revolution 1603-1660, Londres, Longmans, 1920, p. 13. Est
notamment présent l’Évêque de Londres, Richard Bancroft.
176 The humble petition of the ministers of the Church of England, desiring reformation of certain ceremonies and abuses of the Church, in
J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., pp. 132-134.
177 Beaucoup de Puritains – et également des royalistes – sont des Érastiens, c’est-à-dire qu’ils se rattachent aux idées
du théologien suisse Thomas Erastus. Il affirme que le magistrat civil détient toute la souveraineté, et qu’ainsi l’Église
ne possèderait aucun pouvoir coercitif, tout comme le fait que l’excommunication ne pourrait être exercée. Ces idées
s’inscrivent dans la lignée de l’ouvrage Defensor Pacis (1324) de Marsile de Padoue.
178 Voir à ce sujet H. H. Howorth, « The origin and authority of the Biblical canon in the anglican church », The
journal of the theological studies, octobre 1906, pp. 1-40. Néanmoins, certaines concessions sont faites aux Puritains, ce
qui explique en partie la réédition du Livre de Prière, mais elles sont minimes.
179 B. Cottret, Histoire d'Angleterre, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, PUF, 2003, p. 92.
180 M. P. Winship, « Freeborn (Puritan) Englishmen and Slavish Subjection: Popish Tyranny and Puritan
Constitutionalism, c. 1570-1606 », English Historical Review, vol. 124, n° 510, 2009, p. 1064.
181 S. R. Gardiner, The First two Stuarts…, op. cit., p. 14.
173
35
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
Cette dernière a en général pour mission de discuter des problèmes affectant la santé de l’Église.
Jacques Ier utilise cette institution principalement pour définir la politique religieuse de son règne.
Cette procédure est coutumière et ne suscite pas de contestation. Cependant, le roi décide
d’autoriser cette Convocation à établir de nouveaux canons. Les Puritains sont de nouveau très
peu représentés. Les canons sont établis en septembre 1604182, et certains sont en leur défaveur.
Par exemple, les canons III à IX déterminent les cas susceptibles d’excommunications. Plus
précisément, le canon III précise que sera excommunié quiconque affirmera que l’Église
d’Angleterre « is not a true and apostolical Church »183. En définitive, beaucoup d’hommes d’Église
Puritains sont condamnés à l’émigration suite à cette situation. S. R. Gardiner en dénombre
environ 300 en exil184. Les Puritains vont alors tenter d’exprimer leurs protestations au Parlement.
B. L’influence puritaine dans le Parlement de 1604
Par anticipation à l’établissement des canons, les Puritains tentent d’agir politiquement au
Parlement. Cette attitude s’explique certes par le fait qu’ils n’ont pas obtenu satisfaction lors de la
conférence d’Hampton Court, mais également par le fait qu’ils remettent en cause la hiérarchie au
sein de l’Église anglicane, dont le roi est à la tête. Ainsi, M. A. Judson estime que comme ils sont
« elect by God, Puritans feared no man, even a king »185. On comprend donc que l’absence de crainte les
conduit à s’exprimer davantage au Parlement et à influencer les autres membres. Ils réussissent à
faire en sorte que la Chambre des Communes soit favorable à leur cause. En effet, le Parlement
de 1604 est dénommé « le Parlement Puritain ». Non que la majorité des membres soient
Puritains, mais beaucoup de parlementaires se sont ralliés à eux. Il s’agit de la première grande
alliance entre les Puritains et les Communes.
Les Puritains gagnent ainsi le support des gentlemen. En février 1605, menés par le Puritain
Hastings, ceux-ci vont élaborer une pétition pour protester contre l’éviction des ministres
protestants du comté de Northampton. Quarante-cinq gentlemen locaux signent cette pétition186 et
l’apportent au roi qui la considère comme une tentative de rébellion, et les somme de venir
devant le Conseil Privé187. Suite à cette affaire, Hastings doit se retirer pour un moment. Le roi
exerce ainsi une pression significative sur les parlementaires rebelles, mais qui n’empêche pas la
solidarité des membres de la Chambre avec les Puritains.
Des stratégies se mettent en place, dans lesquelles les juristes puritains prennent une place
importante, notamment pour la rédaction de Bills ou de pétitions. Des tracts pour inviter les
182
J. R. Tanner, English constitutional conflicts of the century 1603-1689, Cambridge, Cambridge University Press, 1928,
p. 34. L’établissement de ces canons est également un moyen pour le Clergé de retrouver un pouvoir législatif, qu’il
avait perdu lors du Reformation Parliament. Certes, le Clergé légifère au sein de la Chambre des Lords, mais ce pouvoir
est encadré par les autres membres, par les Communes, ce qui montre le manque d’indépendance du Clergé.
183 Cardwell, Synodalia, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 232.
184 S. R. Gardiner, The First two Stuarts…, op. cit., p. 16.
185 M. A. Judson, The crisis of the constitution…, op. cit., p. 222.
186 C. Cross, Hastings, Sir Francis (1546-1610), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004.
187 Calendar of State Papers, Domestic Series of the reign of James I, 1603-1610, op. cit., p. 194 : « Examination of sir Fras
Hastings before the Council, respecting the petition, that had drawn up for the Northamtonshire gentlemen; which is held to be factious
and seditious. He is ordered to retire to his country house, and to refrain from meddling in public affairs ».
36
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
autres membres à rejoindre leur cause sont publiés, et afin que les parlementaires cessent de
parler de purveyance pour se concentrer davantage sur l’Église188. Certains prétendent que le
Parlement est le « représentant de l’Église »189 – et non la Convocation –, dès lors que tous les
états du royaume s’y retrouvent, et pas uniquement le Clergé190. Suite à ces tracts et à la prise de
position des parlementaires, il semble que l’objectif recherché soit le suivant : soumettre le
pouvoir législatif de la Convocation au Common Law et à la Statute Law. Les plus extrêmes
souhaitent enlever au synode tout pouvoir de faire des lois ecclésiastiques et permettre au
Parlement de confirmer les canons faits par la Convocation. Il s’agirait ainsi d’étendre la
compétence des Communes en matière ecclésiastique. Or, les souverains ont tendance à limiter
voire dénier la possibilité des Communes de discuter de religion au motif que seul le roi est
compétent dans ce domaine191. Pour les juristes, le débat n’est pas uniquement relatif à la situation
des Puritains au sens strict, mais va au-delà de leurs intérêts : la supériorité du Common Law est en
jeu. Les parlementaires trouvent donc pour beaucoup un motif d’opposition au roi dans la
situation des Puritains car Jacques Ier doit approuver les canons de la Convocation pour qu’ils
puissent entrer en vigueur. En remettant en cause leur valeur, les parlementaires remettent en
cause la prérogative royale. Ces revendications sont également exprimées lors de la rédaction de
l’Apology du 20 juin 1604 :
« […] that your Majesty should be misinformed if any man should deliver that the Kings of England have
any absolute power in themselves either to alter Religion […] or to make any laws concerning the same otherwise
that as in any temporal causes, by consent of Parliament »192.
Dans ce texte, les Communes expriment leurs préoccupations au sujet de la Constitution anglaise
et insistent tout particulièrement sur la mauvaise information du roi193, très souvent prétexte de
conflits entre les deux parties. Il est important de remarquer que certains auteurs194 pensent que
Nicholas Fuller, Puritain extrêmement actif lors des débats et dont le rôle au sein de l’opposition
est important, aurait rédigé la section de l’Apology relative à la religion. Le roi coupe court au
conflit en 1610, lorsqu’il appose son sceau sur les canons pour qu’ils entrent en vigueur, contre
l’avis des parlementaires.
188
Exemple de tract : Anonyme, Certaine arguments to perswade and Provoke the most Honourable and High Court of Parliament
(1606).
189 M. P. Winship, « Freeborn (Puritan) Englishmen… », op. cit., p. 1066. Ou « church representative ».
190 Ibid., p. 1066.
191 Les souverains Tudors donnent la possibilité aux Communes de débattre de politique religieuse en introduisant
des lois d’Uniformité, dans le but d’obtenir une valeur statutaire de leurs actes. Mais une fois les grandes lois du
début du règne élisabéthain votées, le consentement de la reine est nécessaire pour pouvoir débattre de religion, tout
comme de politique étrangère. La loi la plus importante toujours en vigueur au cours du règne de Jacques Ier est la
suivante : An Act for the uniformity of common prayer and divine service in the Church, and the administration of the sacraments
(I Elizabeth I, c. 2).
192 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 238.
193 Ce terme est utilisé onze fois dans cette pétition.
194 M. P. Winship, « Freeborn (Puritan) Englishmen… », op. cit., p. 1066. Conrad Russel et l’auteur de cet article en
font partie.
37
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
Section II. Une immixtion des Communes dans les affaires d’État
Les Communes imposent au roi de devoir d’abord statuer sur leurs plaintes, comme la
coutume le veut, avant de lui allouer des subventions. Les plaintes des Communes sont relatives
aux droits féodaux du roi, qu’elles estiment dépassés (Paragraphe I), ou encore à la politique
étrangère du roi qui est très mal perçue par les Communes (Paragraphe II).
Paragraphe I.
Des droits financiers dépassés
Le roi utilise ses droits féodaux comme source de revenus pour faire face à une situation
financière difficile et à des dettes importantes. Les droits de tutelle et de purveyance sont tout
particulièrement visés par les parlementaires, jusqu’à faire l’objet d’un Grand Contrat (A). Mais ce
qui passionne la Chambre est la réintroduction de la procédure d’Impeachment, par
Sir Edward Coke, contre les détenteurs de monopoles, autre droit ancien que les parlementaires
estiment désuet (B).
A. Des droits féodaux menant au Grand Contrat
Si en principe, en temps de paix, le roi doit vivre de ses propres ressources, ce n’est plus le
cas depuis les Tudors. On distingue ainsi les revenus ordinaires et les revenus extraordinaires. Les
revenus ordinaires regroupent ceux du Domaine de la Couronne, les revenus féodaux, les
coutumes ainsi que des revenus provenant de l’Église. Les revenus extraordinaires sont collectés
par le Parlement, dans des conditions occasionnelles, principalement lorsque le royaume est en
guerre. Il est donc naturel que le roi ne fasse pas appel au Parlement pour ses finances. Cette
prérogative est issue de la Magna Carta de 1215, et plus précisément de son article 14195. L’objectif
est d’encadrer les pouvoirs d’imposition du souverain en assurant le consentement obligatoire des
Grands du royaume à l’impôt. Pour les parlementaires, cette Charte est un principe fondamental,
dont ils s’estiment les garants. D’ailleurs, ils invoquent souvent l’idée qu’ils représentent le peuple
anglais en vertu du common counsel, instauré lors de cette Charte au sujet des impôts. Il est
également coutumier pour le Parlement de voter des fonds au roi, lors de son accession au trône
à travers les droits de Tonnage et Poundage196.
Cette fonction est essentielle, notamment parce que le roi doit recourir au Parlement pour
vivre. Il devient en effet de plus en plus difficile pour les souverains – principalement depuis le
règne d’Élisabeth Ire – de concilier leurs revenus avec le train de vie somptueux de leur cour et les
multiples dépenses qu’ils occasionnent197, au point de devoir demander fréquemment au
Parlement de lever des fonds. Soulignons que Jacques Ier a eu huit enfants et que trois ont atteint
195
W. S. Mckechnie, Magna Carta, a commentary on the Great Charter of King John with an Historical, Glasgow, James
Maclehose and sons, 1914, p. 248 : « And for obtaining the common counsel of the kingdom anent the assessing of an aid (except in
the three cases aforesaid) or of a scutage, we will cause to be summoned the archbishops, bishops, abbots, earls, and greater barons,
severally by our letters ».
196 Le Tonnage est une subvention fixe relative à chaque volume de vin importé en Angleterre tandis que le Poundage
est une taxe proportionnelle relative à tous les biens, qu’ils soient importés ou exportés.
197 G. E. Aylmer, The Struggle for the Constitution 1603-1689, op. cit., p. 52.
38
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
l’âge adulte, tandis qu’Élisabeth Ire était seule et sans enfant, ce qui implique que les dépenses de
la souveraine étaient nettement inférieures à celles de son successeur. Lors des débats du 19
février 1610, Wentworth recommande que :
« The king disminish his charge, and live of his own, without exacting of his poor subjects, especially at this
time when we have no wars »198.
Mais ce n’est pas la seule raison. Jacques Ier hérite d’une situation financière difficile. La dette
d’Élisabeth Ire s’élève à environ £300 000199 – il doit également payer pour les funérailles de son
prédécesseur, et son propre couronnement200. En 1606, elle passe à £735 000201, due en partie aux
guerres anglo-espagnoles – et particulièrement par la bataille de Gravelines de 1588 contre la
flotte espagnole, connue sous le nom d’Invincible Armada –, aux guerres en Irlande, à l’inflation
et à l’apparition d’un État moderne avec des considérations économiques et sociales plus
importantes. Les difficultés financières se font très vite ressentir, ce qui implique que le roi doit
recourir à toutes les ressources dont il peut disposer.
Il convoque le Parlement en 1604. Mais les parlementaires estiment que les cotisations
féodales – essentiellement les droits de wardship et purveyance – pèsent considérablement dans leurs
provinces et font état de nombreux abus. Ces plaintes étaient déjà présentes sous Élisabeth Ire,
mais les parlementaires espèrent que la venue d’un nouveau roi permettra de réformer un système
estimé trop ancien. On entend par wardship le droit de tutelle du roi sur les biens des mineurs
nobles, mais également la possibilité de marier les héritières202. La purveyance est la possibilité pour
le roi de fournir ou de faire approvisionner la famille royale, ainsi que l’armée, à des prix
inférieurs à ceux du marché. Ce droit concerne principalement la nourriture et est géré par des
personnes chargées de faire baisser les prix pour le compte du roi – les purveyors. Contrairement
aux abus dénoncés par les propriétaires terriens, sur lesquels le droit de tutelle pèse directement,
les plaintes contre le droit de purveyance concernent toutes les classes sociales. Elles sont
dénoncées dans l’Apology lorsque les parlementaires affirment :
« But a general, extreme, unjust and crying oppression is in cart-takers and purveyors, who have rummaged
and ransacked since your Majesty’s coming-in far more than under any of your royal progenitors there hath been no
prince since Henry III except Queen Elizabeth who hath not made some one law or other to repress or limit
them »203.
De plus, aspect assez novateur, les parlementaires souhaitent supprimer les mariages arrangés en
vertu du droit de tutelle204. Cette session de 1604 se terminera alors sans demande de subvention
par le roi qui utilisera les sommes allouées en 1601 – qui continuent d’être collectées. En 1606
198
A. Trush, J. P. Ferris, History of Parliament…, op. cit., p. 197.
C. Russell, The crisis of parliaments…, op. cit., p. 272.
200 Le coût de ce couronnement est estimé à £20 000.
201 C. Russell, The crisis of parliaments…, op. cit., pp. 271-273.
202 J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 163.
203 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 240.
204 J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., pp. 53-54.
199
39
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
cependant, avec l’accroissement de la dette, le Parlement vote trois subventions et dons qui
atteignent £453,000 sur quatre ans205.
Les soucis économiques n’étant pas résolus, le roi propose aux Communes en 1610 un
compromis connu sous le nom de Great Contract. Lors de la quatrième session du premier
Parlement, au printemps 1610, le comte de Salisbury propose aux Communes le pacte suivant :
en échange du vote d’une subvention annuelle, le roi abandonnerait certains de ses revenus
impopulaires, dont les droits de tutelle et de purveyance206. La proposition semble avantageuse pour
les deux parties. Cependant, Sandys est chargé de négocier pour les Communes auprès du roi207.
Une véritable enchère se met en place. Les Communes proposent de donner au roi £180 000,
mais celui-ci demande £220 000. Les Communes acceptent alors d’augmenter à £200 000, mais le
roi refuse208. Par ailleurs, Fuller ne souhaite accorder au roi de tels fonds que s’il accepte de faire
des concessions pour les Puritains. Ce qu’il refuse également209. Le 6 décembre, après discussion
avec le roi, le pacte est abandonné210. Jean Beauté, auteur d’un ouvrage sur Coke, estime que de
toute manière Jacques Ier n’était pas prêt à renoncer à ses droits féodaux, et que les sommes
proposées n’auraient en aucun cas permis de combler suffisamment ses dettes. Le roi a alors dû
avoir recours à un prêt forcé en 1611 qui s’exerce sur tous les sujets, puis à des dons forcés – ou
benevolences – du Clergé en 1614, 1620 puis 1622211. L’objectif est de ne pas recourir au Parlement.
Mais ces pratiques ne seront pas suffisantes.
B. La réintroduction de l’Impeachment contre les monopoles
Un autre droit féodal fait l’objet de vives critiques de la part des parlementaires : les
monopoles relatifs aux licences délivrées par le roi. Dès 1616, le duc de Buckingham, qui cherche
des fonds pour le pouvoir royal, décide de favoriser la vente de licences concernant les industries
et le commerce212. Ces licences sont vendues très cher et permettent à certaines personnes de
vendre ou d’importer certains biens à titre exclusif213. Elles rapportent beaucoup d’argent à la
205
C. Russell, The crisis of parliaments…, op. cit., p. 273.
Ibid., p. 277.
207 S. Healy, « Debates in the House of Commons 1604-1607 », Camden Fifth Series, n° 17, 2001, p. 111. Sandys a été
particulièrement actif et concerné par les problèmes financiers de la Couronne. Il propose par ailleurs un Bill pour
l’assèchement des marais de l’Ile d’Ely, dans le comté de Cambridge. Le drainage sur sept ans, permettrait au roi de
bénéficier de l’argent issu de la vente de ces terres. Beaucoup de parlementaires sont favorables à ce projet, ce qui
s’explique par le fait qu’ils n’aient pas à donner eux-mêmes de fonds au roi. Mais le projet semble compromis, parce
que le besoin d’argent du roi est urgent et la durée du drainage semble trop longue. Selon les parlementaires, cette
ressource aurait permis au roi de ne plus avoir recours au droit de purveyance.
208 A. Trush, J. P. Ferris, History of Parliament…, op. cit., p. 175.
209 C. Russell, The crisis of parliaments…, op. cit., p. 278.
210 D. Salles, La liste civile en France (1804-1870) : droit, institution et administration, Paris, Mare et Martin, 2011, pp. 48-49.
Ce n’est qu’en 1660 que la liste civile prend naissance en Angleterre, lorsque les Communes décident d’allouer à
Charles II des revenus héréditaires. Ces revenus sont accordés à vie, et le monarque peut les dépenser comme il
l’entend. Il faut attendre 1688 pour que le terme de liste civile apparaisse officiellement.
211 L. Laugier, Un instrument du pouvoir…, op. cit., p. 300.
212 Ces monopoles concernent les auberges, les tavernes à bière, les manufactures de verre, de fils d’or et d’argent et
la création de testaments.
213 J. E. Tournachon de Montvéran, De la jurisprudence anglaise sur les crimes politiques, Paris, C. Gosselin, 1829, vol. 2,
p. 42.
206
40
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
Couronne et en 1616, Sir Giles Mompesson214, est chargé par le roi de la délivrance des patentes
sur les tavernes à bières et les hôtelleries, en tant que commissaire. Une commission dirigée par
Mompesson est alors créée. Cette initiative partait d’un bon sentiment dès lors que des désordres
caractérisaient la tenue des hôtelleries. Mais très vite, l’absence de surveillance des officiers royaux
conduit à une importante corruption de la part des commissaires215. Ils pratiquent des prix
exorbitants et gardent les sommes obtenues pour eux au lieu de les remettre à la Cour de
l’Échiquier216. La Chambre des Communes se saisit de l’affaire en 1621 et décide dans un premier
temps d’exclure Mompesson. Elle estime que les abus sur les monopoles pèsent trop sur le
commerce et les échanges et qu’il faut mettre fin à ces pratiques et ces malversations217. La
libéralisation des échanges entre en opposition avec la pratique des monopoles et les
parlementaires sont les premiers à vouloir bénéficier des avantages du développement du
commerce. Leurs intérêts personnels sont donc très fortement concernés – les parlementaires
sont composés de nombreux marchands –, ce qui explique leur implication dans les débats et les
procédures mises en œuvre – tout comme la sévérité des sanctions appliquées. Cependant, le roi
n’apprécie guère que les Communes débattent des monopoles, parce que cela revient à discuter
de sa prérogative royale.
Il est alors décidé d’utiliser une procédure tombée en désuétude, l’Impeachment218. Cette
pratique avait été remplacée par l’Act of Attainder, qui consistait en des actes législatifs déclarant
une personne coupable de trahison et punie sans le bénéfice d’un procès. Puisqu’il s’agit d’une loi,
elle est soumise à l’approbation du roi en dernier lieu. Ainsi, le roi peut décider de protéger son
officier et apposer son veto. Dans le cas de l’Impeachment, le roi n’intervient pas, ce qui laisse un
pouvoir considérable au Parlement. Par ailleurs, la personne ayant fait l’objet d’un Act of Attainder
pouvait être pardonnée par le roi grâce à un Act of restitution in Blood, engagé par la Chambre des
Lords.
Le Parlement s’intéresse au cas de Mompesson et souhaite le juger. Mais il doit faire face à
deux principaux soucis. Premièrement, une justification de sa compétence doit être faite. En
effet, une autre cour plus compétente aurait pu se saisir de l’affaire au vu des actes de corruption
commis – et notamment la Cour de l’Échiquier. L’argumentation est apportée par Coke, qui
affirme que le Parlement est une Court of Record219 et qu’il pouvait donc requérir des amendes et
des peines contre les monopolistes en question. Deuxièmement, les Lords n’ont pas utilisé
l’Impeachment depuis plus de 150 ans220. Ils n’ont donc plus l’habitude de juger les procès. Cela
214
S. Lee, Mompesson, Giles, (1583/4-1651x63), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford
University Press, 2004. Après être allé à Lincoln’s Inn, Mompesson devient marchand. Mais c’est surtout le mariage de
la sœur de sa femme avec le demi-frère de George Villiers qui le fait entrer dans le cercle du duc de Buckingham.
Mompesson tire profit de cette relation pour entrer au service de la Couronne.
215 Sir Francis Mitchell, également détenteur de licences, va se joindre à Mompesson.
216 La Court of the Exchequer est la cour chargée de collecter les revenus du royaume au nom du souverain et de juger
les procès relatifs à cette procédure de recouvrement.
217 S. J. G. Sortais, La philosophie moderne depuis Bacon jusqu’à Leibniz, Paris, F. Paillart, 1920, vol. 1, p 197.
218 Les Communes accusent et les Lords jugent la personne incriminée.
219 J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 200.
220 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 321. La dernière affaire d’Impeachment remonte au procès de Lord
Stanley en 1459.
41
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
explique la facilité avec laquelle Coke, désigné par les Communes pour discuter avec les Lords,
réussit à les convaincre de juger l’affaire. Les Communes pensent que ressusciter la procédure
d’Impeachment permettrait de mettre fin aux abus et aux plaintes défendus par les parlementaires.
Les Communes ont ainsi mis en place un comité, spécialisé dans la recherche de précédents.
Coke en est le président et lors de son rapport à la Chambre, le 28 février 1621, il invoque deux
précédents221 prouvant que dans cette affaire les Communes peuvent s’adresser aux Lords pour
faire une conférence qui examinera les infractions commises par Mompesson. La première loi222
date de 1424 et est relative à une affaire concernant Sir John Mortimer. Suspecté de trahison, il
est enfermé à la Tour de Londres, mais s’enfuit, ce qui lui vaut d’être à nouveau appréhendé puis
jugé par le Parlement. Il est condamné à être pendu et écartelé. La seconde loi223 date de 1454 et
est relative à une affaire concernant Thomas Thorpe. Baron de l’Échiquier, il fut Speaker en 14531454, et est accusé d’avoir tenu Henri VI dans l’ignorance de lettres du duc d’York, ayant
précipité la première bataille de la guerre des Deux-Roses. Il est arrêté à la demande du roi et jugé
par le Parlement.
Les parlementaires souhaitent juger rapidement Mompesson et, lors des débats du 2 mars,
le juriste William Hakewill fait le compte rendu du comité sur les plaintes à la Chambre :
« […] the committee of Grievances is of opinion, that a mesage should be sent to acquaint the Lords, that
we have discovered matters of offences thending to the wrong of his maj. In his justice, honour and estate, to the
disinheritance of his maj.’s subjects, and the corruption of the commonwealth, and by a man of quality »224.
Dès lors, le 3 mars, un message est envoyé par les Communes aux Lords. La Chambre Haute
accepte cette conférence. Mompesson s’étant enfui, les parlementaires souhaitent d’abord le
retrouver afin qu’il soit jugé. Le roi est contraint d’édicter une Proclamation pour l’appréhender lors
de son retour sur le territoire anglais225. Le 6 mars, les Communes informent les Lords qu’elles
sont en possession de documents prouvant la culpabilité de Mompesson226. Le 12 mars, le Journal
de la Chambre des Lords fait état des délibérations :
« The effect of which conference was […] that the authority granted by the King was much abused in the
execution thereof, to the intolerable grievance of the subject, and much imposture was used in the trade »227.
Pour la première fois du siècle, les Lords décident de ne pas se rallier au roi et de s’unir aux
Communes en acceptant de ressusciter la procédure d’Impeachment, c’est-à-dire de juger
Mompesson et ses complices devant la Chambre des Lords par le biais d’un procès criminel. Le
roi n’a plus le choix et accepte – ou autorise – la mise en œuvre de cette procédure. Il préfère que
ce soit les Lords qui débattent de sa prérogative plutôt que les Communes.
En conséquence, Mompesson est accusé d’extorsion dans la délivrance des licences228. Le
26 mars 1621, les Lords prononcent la sentence contre lui. Il est dégradé, perd son titre de
221
J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 99.
« Persons indicted of high treason, escaping out of prison, shall be adjudged traitors (2 Henry VI, c. 17) ».
223 « Against rioters disobeying privy seals and the king’s proclamation (31 Hen. VI, c. 2) ».
224 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1198.
225 A proclamation for finding and apprehending of Sir Giles Mompesson Knight, Westminster, 3 mars 1621.
226 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1201.
227 J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 99.
222
42
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
chevalier, est considéré hors-la-loi et condamné à la prison à vie229. Le roi ajoute à ces
condamnations le bannissement perpétuel – la peine de mort lui est évitée, sans doute une
manière de protéger son commissaire dès lors que celui-ci s’est enfui en France. L’absence de
Mompesson lors de son procès fait que finalement aucun « procès » n’est réalisé au sein de la
Chambre des Lords. La conférence réunissant les Lords et les Communes fut suffisante pour que
les Lords le condamnent. Le sort de l’accusé est déjà scellé. Le roi émet une Proclamation le 30 mars
1621 dans laquelle il approuve, a posteriori, la procédure entreprise par les Communes et le
jugement des Lords :
« […] the Kings most Excellent Majestie approving in all things the just proceedings and sentence of the
same high Court of Parliament »230.
C’est une manière pour le roi de garder la tête haute et de dire qu’il a approuvé la procédure
depuis son commencement même si ce n’est pas le cas. La procédure d’Impeachment est ainsi
pleinement justifiée et remise en pratique après autant d’absence. Celle-ci s’explique par des
souverains forts sous les Tudors et par un Parlement trop faible pour pouvoir mettre en cause les
officiers du roi231. Au début du XVIIe, il semble que le Parlement ait retrouvé suffisamment de
pouvoir et d’autorité pour réutiliser cette technique.
En permettant le jugement de l’un des officiers du roi par une Chambre du Parlement, le
roi confirme sa faiblesse face aux parlementaires. Mompesson n’est que le premier officier royal à
être jugé, cinq de ses complices le seront ensuite232 ainsi que le principal ministre du roi, Bacon233.
Certes, il peut sembler étrange que les Communes décident de permettre aux Lords de retrouver
leur compétence juridictionnelle en matière d’Impeachment, mais en réalité les Communes jouent
un rôle considérable dans cette procédure. Dans tous les cas, la façon dont est entreprise cette
procédure bénéficie au Parlement dans son ensemble. Même si l’accord du roi est donné aux
Lords, il est donné a posteriori, c'est-à-dire une fois qu’ils ont décidé conjointement avec les
Communes d’intervenir. La pression exercée par le Parlement est donc plus importante.
Désormais, les agents du roi pourront de nouveau être remis en cause. Comme ils peuvent
maintenant être incriminés par le Parlement, ils ne sont plus uniquement responsables devant le
roi mais également devant le Commonwealth.
Il s’agit également de la première grande invasion de la Statute Law dans le domaine de la
prérogative du roi. En effet, mis à part les débats, une loi est votée en 1624 sur les monopoles234 –
elle n’a pas été votée en 1621 à cause de la dissolution sanction du roi. Elle précise l’abandon de
228
J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 48.
Cf. Annexe 2 : Une satyre est publiée suite à cette affaire en 1621. Il s’agit de la plus ancienne impression anglaise
concernant la question politique au Parlement. Elle s’appuie sur une affaire analysée par les Lords lors du procès de
Mompesson. « Mo-Empsons » fait référence à Sir Richard Empson (1450-1510), ministre d’Henri VII, accusé – avec
un autre ministre, Edmund Dudley – de trahison et de corruption, et est l’anagramme de Mompesson.
230 L. F. Larkin, Stuart Royal Proclamations…, op. cit., p. 502 : A proclamation for the Banishing of Giles Mompesson,
Westminster, 30 mars 1621.
231 Cette procédure a failli être exercée contre le principal ministre d’Henri VIII, Sir Thomas Wolsey, mais elle a
échoué et un Act of Attainder a été introduit.
232 T. G. Barnes, Law and authority in early modern England, Cranbury, Rosemont Publishing, 2007, p. 77.
233 Cf. infra, p. 83.
234 An Act concerning Monopolies and Dispensations with penall Lawes and the Forfeyture thereof (21 James I, c. 3).
229
43
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
l’octroi de patentes du roi pour les particuliers – mais non pour les grandes compagnies. Tous les
monopoles ou les subventions sont déclarés comme nuls. Cette loi est approuvée par le roi, mais
non par les Lords qui considèrent qu’elle met en péril les patronages et la prérogative royale.
Paragraphe II.
Une politique étrangère impopulaire
Le roi souhaite un règne de paix, et va jusqu’à favoriser des alliances avec des royaumes
considérés comme ennemis par les Communes, telle que l’Espagne. Or, les parlementaires ont
acquis un certain nombre de libertés et de compétences lors des règnes précédents. En particulier,
ils ont eu la possibilité de discuter de politique étrangère, mais uniquement avec le consentement
des souverains. Ils estiment qu’ils ont acquis ce droit parce que le commerce concerne le
Commonwealth et surtout leurs intérêts. Ils remettent donc en cause cette prérogative royale au
sujet des affaires d’État (A). Malgré une interdiction du roi de débattre de matters of state au
Parlement, il revient sur sa décision pour demander de l’aide. Un pacte est alors conclu entre les
deux parties, le Subsidy Act (B).
A. Le besoin de ressources, une brèche dans les affaires d’État
Lorsque le roi convoque le Parlement en 1621, le royaume est en effervescence. Le roi a
ouvert des négociations avec l’Espagne pour marier son fils Charles avec l’Infante Maria. Or, minovembre 1620, paraît un tract de Thomas Scott235 intitulé Vox Populi or Newes from Spayne contre
le mariage espagnol et les relations du roi avec l’ambassadeur espagnol Gondomar. À la suite de
ce tract, le roi émet une Proclamation le 24 décembre 1620 afin d’interdire les publications contre
sa politique étrangère236.
De plus, bien qu’il ait réussi à vivre en se passant du Parlement depuis 1614 –
principalement grâce à des dons, des prêts forcés et une situation économique favorable depuis
1618 environ –, la récession touche désormais l’économie du royaume. Dans son discours
d’ouverture du 30 janvier 1621, le roi fait longuement référence au Parlement de 1614 et à la
manière brutale dont il y a mis fin. En effet, ce Parlement, dénommé « le Parlement confus »237, a
fait l’objet de vives manipulations électorales – par des personnes dénommées péjorativement
undertakers – de la part du roi afin qu’il ait un Parlement en sa faveur, et surtout afin de le
soustraire d’éventuels membres de l’opposition. Malgré ces précautions, c’est un échec. Le
Parlement est presque entièrement renouvelé – aux deux tiers – mais cela n’empêche pas les
parlementaires de vouloir discuter des impôts. On se rend donc compte que l’éthique de
l’opposition n’est pas propre à certains membres. Irrité, le roi le dissout après que ses membres
ont siégé presque deux mois et demi et qu’aucune loi n’a pu être votée.
Ainsi, après avoir donné les raisons de la convocation du Parlement - donner au roi des
subventions pour ses urgentes nécessités et donner une aide pour le Palatinat qu’il envisage
235
Thomas Scott est un protestant polémiste qui meurt en 1626.
A Proclamation against the Lavish and Licentious Speech of Matters of State, Whitehall, 24 décembre 1620, in L. F. Larkin,
Stuart Royal Proclamations…, op. cit., pp. 495-496.
237 Parlement confus ou Addled Parliament.
236
44
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
d’envahir pour secourir son gendre Frederik V du Palatinat, marié à Élisabeth - Jacques Ier
précise :
« I would not have you to meddle with complaints against the king, the Church or state matters, nor with
prince’s prerogatives. The Parliament was never called for that purpose. And if among you there be any such body,
he is a spirit of Satan that means to overthrow the good errand in hand »238.
La menace de dissolution est alors réutilisée par le roi. Mais les Communes n’entendent pas être
une Chambre d’enregistrement des volontés du souverain. Si le roi veut obtenir des fonds, les
parlementaires devront d’abord en débattre. Les Communes statuent dans un premier temps sur
les monopoles et la réintroduction de la procédure d’Impeachment239, puis dans un second temps, le
21 novembre 1621, se penchent sur les subventions devant être accordées et sur la politique
étrangère. Il convient de souligner qu’une grande partie des parlementaires soit ont des
compagnies marchandes, soit ont des intérêts ou des investissements dans des entreprises
tournées vers l’étranger et les colonies. Le Parlement étant le forum du royaume, il est naturel
pour les parlementaires de devoir parler de ces questions. Cependant, le roi ne souhaite pas qu’ils
débattent de politique étrangère.
À la différence de 1614, le roi ne peut plus se passer des subventions du Parlement. C’est
pourquoi, le 22 novembre 1621, il autorise les parlementaires à parler du Palatinat, qui relève des
« affaires d’État » comme le rappelle le Secretary Calvert240. Les Communes vont dès lors s’exprimer
sur ce sujet tout en dérivant sur celui de l’Espagne. Car il semble clair que les parlementaires
estiment que la politique du roi n’est pas assez hostile face à ce pays. Rappelons que la guerre
contre l’Espagne n’est pas si éloignée et que l’idée de l’ennemi catholique espagnol est toujours
présente dans les esprits. Mais, dans sa volonté de règne de paix, Jacques Ier préfère s’allier à cette
grande puissance européenne et soutenir son gendre. Dès lors, les débats se concentrent sur une
intervention armée en Espagne – et non au Palatinat –, surtout que des discours anti-espagnols
font surface. Le plus célèbre est celui prononcé par Coke le 27 novembre 1621. Faisant référence
à la prise de Troie par les Grecs, il affirme :
« The papists, our enemies, are here in our bosom, so as we are not in safety at home »241.
Les parlementaires souhaitent une modification de la politique étrangère dans un sens plus
favorable au protestantisme. Après une pétition relative aux droits et aux libertés des Communes,
du 6 décembre 1621, intitulée Apologetic Petition242, elles en viennent progressivement à débattre de
leurs privilèges et de leur droit de pouvoir traiter de certains sujets. Ainsi dans un second temps,
lors de la deuxième session du Parlement de 1621, une protestation est rédigée le 18 décembre et
précise :
238
Discours du 30 janvier 1621 devant la Chambre des Communes, in W. Notestein, Commons Debates, 1621, vol. 2,
op. cit., p. 12.
239 Cf. supra, p. 40.
240 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1301 : « And yet here his maj. hath commanded us to speak and
debate only of the business of the Palatinate, which is state business ».
241 Ibid., p. 1311.
242 Ibid., p. 1334. Les Communes précisent « that your maj. must either abandon your own children, or engage yourself in a war ».
45
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
« […] that the arduous and urgent affairs concerning the king, state and defence of the realm, and the
Church of England, and the maintenance and making of laws […] are proper subjects and matters of counsel and
debate in Parliament »243.
Les Communes estiment pouvoir débattre naturellement de politique étrangère sans avoir à
demander préalablement l’accord du roi. Cette prétention provoque sa colère. Il décide de se
rendre personnellement au Parlement et de déchirer la page du Journal des Communes où y
figure cette protestation. Cet acte est très symbolique – le roi ne souhaite pas que de tels propos
soient inscrits dans le Journal des Communes – et le Parlement est dissous. En conséquence, le
Parlement de 1621 n’accorde au roi que deux subventions, et ce par la Chambre des Lords – des
Publics Acts244. Cependant, la situation se renverse en 1624, en raison d’un pacte conclu entre
Charles, Buckingham et l’opposition parlementaire.
B. Le Subsidy act, un pacte avec l’opposition
Le dernier Parlement de Jacques Ier, celui de 1624, est de loin le plus avantageux et le plus
intéressant pour le roi. Mais il l’est également pour les Communes. Non seulement sont votées les
plus importantes subventions de son règne, mais c’est un Parlement assez docile, avec des
discours modérés245 qui est convoqué. W. M. Mitchell estime que l’opposition parlementaire est
au plus bas, dès lors que le roi est plus habile246 dans la manipulation des élections247. Au total, 73
lois sont votées pour un Parlement qui siège un peu plus d’un an – 35 Publics Acts et 38 Private
Acts – soit le Parlement le plus productif – celui de 1604 fait voter 72 lois mais sur six ans248.
Le Parlement est convoqué pour des motifs traditionnels comme donner des fonds au roi
et le conseiller. Ces deux aspects concernent toujours la guerre qu’il souhaite mener au Palatinat.
Les négociations entre l’Angleterre et l’Espagne relatives au mariage de Charles avec l’Infante se
sont soldées par un échec. En effet, en février 1623, Charles et Buckingham entreprennent un
voyage secret jusqu’en Espagne afin de prendre en main directement les négociations. Cependant,
les pressions exercées par le Comte d’Olivares249, qui souhaite que Charles se convertisse au
catholicisme, ne favorisent pas l’avancement des négociations. Il semble que les Espagnols n’aient
jamais vraiment envisagé sérieusement ce mariage. À leur retour, Charles et Buckingham se
sentent humiliés et sont favorables à la guerre contre l’Espagne. Les élections de 1624 sont
marquées par une volonté de contrôler le Parlement, au vu de l’échec de celui de 1621. De plus,
lors de son discours d’ouverture du Parlement, le roi autorise implicitement les Communes à
243
Rushworth, Historical Collections, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 289.
An Act for three entire subsidies granted by the spiritualty (18 James I, c. 1), et For two entire subsidies granted by the Temporalty
(18 James I, c. 2).
245 W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 93.
246 Ibid., p. 94. Par exemple, Digges perd les élections dans le Kent parce qu’il est suspecté d’avoir des sympathies
royalistes. Ce qui montre la popularité des membres de l’opposition parlementaire dans l’électorat anglais.
247 Ibid., p. xv.
248 Site des Archives Nationales anglaises [en ligne].
249 Gaspar de Guzmán y Pimentel, comte d'Olivares, est le principal ministre de Philippe IV d’Espagne.
244
46
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
parler de politique étrangère250, et plus particulièrement des négociations avec l’Espagne, du
mariage de Charles, et du Palatinat251.
En réalité, un pacte est conclu avant que le Parlement ne siège. Charles et Buckingham,
forts de nombreux liens de patronages252, en profitent pour manipuler les élections et tout
particulièrement les membres de l’opposition parlementaire253. Conscients des privilèges que ces
derniers revendiquent, notamment celui de la liberté de parole, Charles et Buckingham, voulant
faire la guerre à tout prix, leur proposent un pacte. En échange de la possibilité de discuter de
politique étrangère, les Communes voteront des subventions conséquentes au roi. Certes, le pacte
est intéressant pour les Communes, mais, après les discours anti-espagnols de 1621, – qui seront
d’ailleurs réitérés en 1624 –, il était presque certain que les Communes accepteraient une guerre
contre l’Espagne. Il en résulte le vote d’une loi, le Subsidy Act254 qui précise en détail la raison pour
laquelle les Communes votent les subventions au roi :
« […] to assist you therein, for the maintenance of that war that may hereupon issue, and more particularly
the defense of this your realm of England, the securing of your kingdom of Ireland, the assistance of your neighbours
States of the United Provinces and other your Majesty’s friends and allies, and for the setting forth of your Royal
Navy »255.
Le Parlement de 1624 se rencontre sous les auspices d’une guerre, sujet présent dans toutes les
discussions, et qui marque en définitive l’échec du roi dans les négociations qu’il avait entreprises.
Il espère cependant éviter cette éventualité, mais il se retrouve pris entre le Parlement et les deux
instigateurs du pacte. La position de force du Parlement se traduit lorsque celui-ci rappelle au roi
que la subvention qu’il lui octroie est « the greatest aid which was ever granted in Parliament, to be levied in
a short time »256. Cette aide est certes exceptionnelle, mais elle est spécifique au contexte de guerre
avec l’Espagne. Il ne s’agit en aucun cas de donner de l’argent au roi pour ses dépenses
ordinaires. On retrouve donc le rôle de convocation traditionnel du Parlement. Les Communes
sortent donc vainqueurs parce qu’elles acceptent un pacte qui leur permet d’acquérir un droit,
sans contrepartie particulière car en temps de guerre elles ne peuvent qu’accepter de voter des
subventions au roi. Ce pacte est essentiel notamment parce que la liberté de discuter de politique
étrangère sans l’accord du roi ne sera plus remise en question par la suite et parce qu’il montre
que le roi ne peut pas se passer financièrement du Parlement.
Un autre aspect intéressant peut être relevé dans cette loi. Il semble que la corruption,
soulevée lors de l’affaire des monopoles en 1621 avec Mompesson puis celle de Bacon257, suivie
250
D. Coclough, Freedom of speech in the early Stuart England, op. cit., p. 185.
Cf. supra, p. 32.
252 Sans oublier que Buckingham est le « patron » de Sandys et de Sir Robert Phelips. Ces deux personnages seront
très peu actifs au Parlement de 1624.
253 Ibid., pp. 185-186.
254 An Act for the payment of Three Subsidies and Three Fifteenths by the Temporality (21 James I, c. 33).
255 J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 76.
256 Ibid., pp. 76-77.
257 Cf. infra, p. 83. Bacon est accusé d’avoir reçu des biens par les parties qu’il jugeait au procès.
251
47
Partie I Chapitre II. Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes
par l’Impeachment contre Lionel Cranfield, comte de Middlesex258, accusé d’avoir mal usé du cachet
de la cour de tutelle et d’avoir accepté des pots-de-vin, ait entraîné une mise en garde instinctive
dans les actes du Parlement. Dès lors, la loi précise comment les fonds seront prélevés, et les
personnes qui les recevront :
« […] to be paid in manner and form following: that is to say, the whole entire payment of the first of the
said whole fifteenth and tenths […] to be paid into the hands of Sir Thomas Middleton knight and alderman of
London, Sir Edward Barkham knight and alderman of London »259.
Il semble ainsi essentiel pour le Parlement que toute corruption soit évitée, et pour cela le fait de
désigner nommément les collecteurs – de bonne foi ou non susceptibles d’être corrompus – est
significatif. Dans le même esprit, ces sommes doivent être payées à un organe dédié, le Conseil de
guerre260.
Les conditions pour une opposition des Communes sont donc réunies tant que le roi reste
sourd aux plaintes des représentants du peuple. Malgré les tentatives du roi d’y mettre fin, cette
opposition se développe inéluctablement, ce qui fait de Jacques Ier un roi affaibli. Il convient de
souligner que si les Communes gagnent des droits et du pouvoir, ce n’est que par le biais de
moyens détournés. En effet, si le Speaker est écarté lors des comités ou si les ministres du roi sont
désormais responsables devant les Communes, il n’empêche que lors de conflits directs, tels que
les revendications des Puritains ou le Great Contract, le roi ne cède pas. Cependant, outre les
conflits entre le roi et les Communes, d’autres critères entrent en jeu, essentiellement dus à
l’influence du Common Law, que ce soit dans le renforcement de l’opposition, ou dans les outils
mis à la disposition du roi.
258
M. J. Braddick, Cranfield, Lionel (1575-1645), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford
University Press, 2004. Cranfield est un marchand, un financier et est membre du gouvernement du roi.
259 Subsidy Act, in J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 77.
260 J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 80.
48
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Partie II
Le Common Law, source d’inspiration dans l’opposition
La haute société anglaise s’intéresse beaucoup à la vie du Parlement. L’effervescence
intellectuelle et culturelle se traduit par une volonté de l’élite anglaise de prendre part activement à
la politique du pays. En 1614, un courtisan précise : « Parliament business is the greatest entertainment
that we have »261. Cela est aussi confirmé par la publication d’une lettre d’information sur les débats
parlementaires à la fin du règne d’Élisabeth Ire. Certains considèrent même qu’il s’agit d’un outil
de propagande de la part de l’opposition. Ces lettres d’information sont une manière pour les
Communes de justifier à la société anglaise son conflit face au roi. La notoriété de la Chambre
augmente. Mais cet attrait pour le Parlement est également favorable au roi, qui est considéré
comme celui qui écoute les revendications de son peuple. Il lui revient alors de conserver ce point
positif autant que possible. C’est sans compter sur les relations houleuses qu’il va entretenir avec
ses parlementaires, dont la manifestation la plus frappante est la manière brutale avec laquelle il
met fin à ses Parlements.
La composition des Communes est fondamentale parce qu’elle influence la pratique
parlementaire et la procédure législative. Le droit joue un rôle essentiel dans la vie de la Chambre.
L’ascenseur social lié aux études de droit est alors attractif pour qui veut entrer au Parlement, très
demandeur en professionnels du droit. Certes, tous les membres n’ont pas fait d’études
juridiques, mais il n’empêche que la Chambre représente pour cette élite une manière de pouvoir
exprimer leur avis sur la politique du roi. On comprend ainsi que la présence des juristes est vitale
pour les Communes, notamment lorsqu’il s’agit de praticiens issus des cours de Common Law. Ils
apportent avec eux leur savoir-faire et leur technique juridique (Chapitre I). D’ailleurs, c’est
principalement au sujet du Common Law que le conflit entre la Couronne et les parlementaires
s’organise. Il semble que dès le début du règne de Jacques Ier, une confrontation entre les
pouvoirs de la Chambre et la prérogative royale se dégage (Chapitre II).
261
W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, op. cit., p. 63.
49
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
Chapitre I.
Des parlementaires imprégnés du Common Law
Jacques Ier tente d’influencer la composition de la Chambre des Communes, mais lors de
son premier Parlement, il ne peut pas prédire la tendance qui va sortir des élections. Nouveau
dans ce royaume, il n’a sans doute aucune idée qu’une opposition va naître. D’ailleurs, les
parlementaires ne s’en doutent peut-être pas eux-mêmes. Tout dépendra de l’attitude du roi face
aux revendications que les Communes émettront. De plus, si le roi peut favoriser certaines
candidatures aux élections, il ne peut pas toujours favoriser certaines classes sociales. Ainsi, on
constate une augmentation des juristes aux Communes, une tendance se détache depuis le XVIe
siècle. Mais rien ne prouve encore qu’ils s’opposeront au roi. Pourtant, le développement culturel
du règne d’Élisabeth Ire le présageait. Les juristes représentaient des orateurs influents sur les
autres membres. Les premiers Parlements de Jacques Ier s’inscrivent dans la continuité du règne
précédent, en raison de la présence de parlementaires élisabéthains. Ils faisaient partie – pour
certains d’entre eux – d’un mouvement historique, celui des antiquaires du droit. Leurs
techniques d’approche des sources archivées rencontrent un écho positif dans la société cultivée
anglaise, et donc dans le Parlement. Ce mouvement profite aux parlementaires réticents à la
politique royale (Section I). Les antiquaires sont souvent des spécialistes du droit et vont faire
des émules parmi les juristes. Ces derniers n’auront de cesse d’affirmer la supériorité du Common
Law et leur présence aux Communes est un atout indéniable (Section II).
Section I.
L’apport des antiquaires du droit
À la fin du XVIe siècle, l’Angleterre puise dans l’essor culturel, caractéristique du règne
d’Élisabeth Ire, pour faire émerger un mouvement mettant en valeur l’histoire de l’Angleterre.
D’éminents historiens se distinguent : Sir Robert Cotton, Sir Henri Spelman ou encore William
Camden. Ils sont déterminés à apporter un souffle nouveau sur la redécouverte et l’analyse des
archives anglaises, quel que soit les textes qu’ils ont à leur disposition. Ils exercent ainsi une
influence sur les membres des Communes, qui trouvent dans leur mouvement une argumentation
efficace. Les antiquaires donnent, malgré eux, une utilisation efficiente du passé au service des
Communes (Paragraphe I). Puis, leurs techniques s’intensifient lors des débats, laissant paraître
un paradoxe : les meneurs sont déterminés à utiliser les techniques des antiquaires à leur profit,
mais certains exemples peuvent être contestés (Paragraphe II).
Paragraphe I.
Une utilisation efficiente du passé au service des Communes
Les antiquaires font preuve d’une nouveauté indéniable, avec comme méthode la recherche
dans les archives. On se rend compte que les archives constituent un appui dans les
démonstrations qu’ils entendent produire. Pour cela, il convient de revenir sur les raisons de la
création de ce mouvement (A). Les parlementaires vont très vite se rendre compte qu’il constitue
un soutien. Certains antiquaires sont au service du Parlement et font profiter les autres membres
50
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
de leurs recherches. Les principaux défenseurs de ce mouvement ont certes des vues différentes
mais dans l’ensemble, ils agissent dans un but commun : rappeler au roi l’antériorité du Parlement
sur les autres institutions du royaume (B).
A. L’origine du mouvement historique
Les XVIe et XVIIe siècles apparaissent en Europe comme la traduction du conflit entre
l’émancipation du pouvoir des rois et la volonté d’exacerber les droits et privilèges des nations.
L’Angleterre ne fait pas exception et le début du XVIIe siècle voit l’affirmation par le juriste Coke
de l’ancienneté du Parlement et du Common Law262. Ses idées s’inscrivent dans un mouvement plus
large qui s’articule autour de celui des antiquaires. Ils ont pour intérêt de se plonger dans l’histoire
de l’Angleterre et d’y étudier les archives. Cette redécouverte de l’histoire est principalement
caractérisée par la création en 1586 du Elizabethan College of Antiquaries. Ses membres ont bénéficié
d’une éducation poussée et sont issus des hautes classes privilégiées de la société anglaise. Cette
organisation comporte environ quarante gentlemen, chevaliers ou nobles. Une trentaine d’entre eux
ont suivi des cours dans les Inns of Court et ont donc une formation juridique, et plus
particulièrement douze d’entre eux sont membres du Parlement263. Le lien entre ces deux entités
est donc certain et explique l’impact sur la Chambre des Communes. Lorsque les antiquaires se
réunissent, ils examinent la transcription des archives faite par les autres membres et les
étudient264. L’objectif est d’appréhender les documents anciens qui constituent une preuve
indiscutable du passé anglais. Ils s’attachent donc à l’étude des lois et des coutumes anglaises, et
traitent de sujets concernant autant le roi que les parlementaires, l’ancienneté du Parlement ou la
religion Chrétienne en Angleterre. Les antiquaires se font particulièrement remarquer en 1600
quand sous l’impulsion de Cotton265, de Sir John Doddridge et de James Lee, ils proposent, par
une pétition à la reine, la création d’une académie donnant la liberté d’accès à certains documents
étant en la possession du public266. Le premier de ces antiquaires est tout particulièrement
concerné : sa propre bibliothèque regroupe de nombreux documents anciens et précieux pour les
membres de ce mouvement. En dépit de l’échec du projet267, le mouvement s’accentue et la quête
des antiquaires se focalise sur la découverte d’une antique Constitution originelle268. Il s’agit donc
de faire des recherches dans les textes anciens en s’appuyant principalement sur la Grande Charte
de 1215.
262
J. G. A. Pocock, L’ancienne constitution et le droit féodal, Paris, PUF, 2000, pp. 33-34.
F. S. Fussner, The Historical Revolution: English Historical Writing and Thought, 1580-1640, Londres, Routledge, 2010,
p. 67.
264 Ibid., pp. 68-69.
265 S. Handley, Cotton, Sir Robert Bruce, first baronet, (1571-1631), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne],
Oxford University Press, 2004. Cotton est membre des Communes pour le Parlement de 1604. C’est un antiquaire
royaliste aux Communes, agissant ainsi dans l’intérêt du roi. Il est contre l’idée d’Ancienne Constitution.
266 F. S. Fussner, The Historical Revolution…, op. cit., p. 70. La pétition précise les objectifs de cette académie : « […] for
this Society [i.e. Academy] tendeth to the preservance of history and antiquity, of which the universities, long busied in the arts, take little
care or regard […] ».
267 La dernière réunion de la Société des antiquaires date de 1607.
268 E. Tillet, La Constitution anglaise, un modèle politique et institutionnel dans la France des Lumières, Aix-en-Provence,
PUAM, 2001, p. 155.
263
51
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
La Chambre des Lords possède ses propres dossiers ou archives, parce que les lois sont
conservées en son sein. Celle des Communes possède également ses propres archives au Palais de
Westminster. Chacune d’entre elles conserve son Journal et ses débats parlementaires. Les
parlementaires recherchent également dans les archives de la Tour de Londres, où sont
conservées les archives de la Cour de la Chancellerie et de la Cour de l’Échiquier, ainsi que des
documents officiels. Leur étude est favorisée par les officiers membres de la Chambre. En effet,
les clercs du Parlement – c'est-à-dire de la Chambre des Lords – et les Under Clerk – clercs de la
Chambre des Communes269 – ont pour mission de conserver les Journaux et de veiller au
classement des archives. On comprend leur importance dans l’accès aux sources anciennes. Les
relations entre les membres sont encore une fois déterminantes. Par exemple, le gentleman Robert
Bowyer, membre de la Chambre des Communes de 1605 à 1610270, est nommé gardien des
archives de la Tour en 1604, puis renonce à son siège parlementaire en 1610 pour se dévouer au
classement des archives du Palais de Westminster271. Bowyer est un antiquaire, et aide les
parlementaires dans la recherche de précédents dans les archives de la Chambre des Communes.
Mais, en tant que clerc pour les Lords, il leur donne également accès aux lois anciennes, votées à la
Chambre des Lords. Lorsque les Communes créent des comités afin d’étudier les archives,
Bowyer est chargé de la fourniture de ces archives. En 1621, quand les membres de l’opposition
sont arrêtés après la session parlementaire, Bowyer l’est également et ses notes sont confisquées.
De plus, sur les trente membres de la Société des antiquaires, six occupent, ou ont occupé, un
office d’archivage ou de tenue des registres – que l’on appelle record keeper272. Leur présence aux
Communes est donc un atout majeur.
Les parlementaires bénéficient ainsi de ce mouvement pour rechercher des textes
permettant de retracer un passé glorieux de l’institution parlementaire. Et finalement, ils
s’attachent à l’étude des anciennes lois conservées pour affirmer leurs prétentions contre le roi.
Ces lois sont utilisées comme exemples ou « précédents », c'est-à-dire que les parlementaires se
servent de l’autorité des lois votées par les souverains précédents pour affirmer des principes ou
des théories légitimant leurs intérêts. Ce procédé est beaucoup utilisé par les parlementaires273.
L’argument principal des antiquaires réside dans l’idée d’Ancienne Constitution, qui
s’oppose à la conception selon laquelle le pouvoir du roi proviendrait de la conquête de
l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Il s’agit donc pour les antiquaires de
démontrer que le roi tient ses prérogatives du Common Law et qu’il en fait partie. Il ne peut donc
pas les utiliser contre les droits des sujets, eux-mêmes issus du Common Law274. Ils ont ainsi voulu
269 Les clercs de la Chambre des Communes sont les suivants pendant le règne de Jacques Ier : Ralph Ewens en 1603,
William Pinches en 1611 et John Wright de 1612 à 1639.
270 Cf. supra, p. 6. Bowyer est essentiellement connu pour avoir tenu un journal parlementaire privé, dénommé
« Bowyer’s Dairy ».
271 A. Davidson, Bowyer, Robert (1560-1621), Oxford Dictionary of National Biography [en ligne], Oxford University
Press, 2004.
272 Le Record keeper veille uniquement à la conservation des documents et n’exerce pas d’autres fonctions au
Parlement.
273 Cf. infra, p. 58.
274 I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit., p. 107.
52
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
démontrer l’absence de rupture entre la période antérieure et la période postérieure à la conquête.
Forts de ce principe, ils soutiennent qu’il y a une continuité des libertés anglaises et des droits du
Parlement depuis la période d’Édouard le Confesseur, considérée comme l’apogée des droits et
des libertés anglaises. Après la conquête de Guillaume le Conquérant, ses successeurs cherchent à
rétablir les lois de son prédécesseur : Henri Ier (1100-1135) avec une Charte et des lois,
Édouard Ier avec la Confirmation des Chartes, puis Édouard II (1307-1327) avec les serments du
Couronnement.
L’influence des antiquaires se reflète également sur les conseillers privés aux Communes,
qui ne cherchent pas à entrer dans le débat où les précédents sont mis en avant et s’absentent
lorsque les antiquaires s’expriment.
Grâce à la redécouverte des textes anciens, les antiquaires, par le biais d’une exégèse,
montrent le caractère immémorial du Common Law. Cette conception de « l’immémorial » montre
l’aspect mythique d’une législation et d’un droit antérieurs à tout pouvoir politique et donc royal.
Démontrer la supériorité du Parlement sur le pouvoir royal et vice-versa revient à démontrer
l’antériorité d’une des deux parties sur l’autre. Dans ce conflit, les précédents jouent un rôle
essentiel car ils tiennent lieu d’arguments.
B. Le critère de l’ancienneté, argument au cœur des revendications
Les antiquaires pensent que les libertés leur ont toujours appartenu, et par conséquent,
personne n’a le pouvoir de les bafouer275. On comprend alors la volonté des parlementaires de les
faire reconnaître au roi à tout prix, mais cette fois-ci au Parlement. Coke prône la thèse du « joug
normand », qui rattache les libertés anglaises aux coutumes saxonnes, et présente l'histoire de
l'Angleterre comme la lente reconquête de droits perdus depuis 1066 du fait de la mainmise de
l'étranger sur le pays. Il est également intéressant de constater que les libertés des parlementaires
sont considérées comme des coutumes – on retrouve par exemple le fait que le Speaker doit
demander au roi de lui confirmer les droits et les privilèges des parlementaires, à chaque début de
Parlement. Cela explique la nécessité pour les parlementaires de rappeler régulièrement leurs
libertés, à la différence de la prérogative royale qui est protégée par le principe nullum tempus occurit
regis276. En se référant à des lois anciennes, même citées en exemples, les parlementaires cherchent
à en faire des précédents comparables à ceux de Common Law, avec une valeur juridique
supérieure. Trois principaux textes rédigés par les Communes veulent faire en sorte que ces droits
et libertés deviennent ancestraux. Elles entrent ainsi dans la mise en œuvre de la théorie de
l’Ancienne Constitution. Les coutumes seraient immémoriales et les lois immuables.
Il s’agit dans un premier temps de l’Apology de 1604, rédigée suite aux conflits entre le roi et
les Communes. Les parlementaires décident d’exprimer leurs revendications au sujet de leurs
privilèges, qu’ils estiment bafoués par le roi. Cette pétition, longue de seize pages277, traduit
275
J. G. A. Pocock, L’ancienne constitution et le droit féodal, op. cit., p. 34.
I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit., p. 112. « Le temps n’intervient pas dans le cas du
roi ».
277 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., pp. 227-243.
276
53
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
expressément le mécontentement des Communes, et les termes qu’ils utilisent sont
caractéristiques. Ainsi, les parlementaires estiment qu’ils étaient obligés d’agir à travers la
rédaction d’une pétition278, dans le but de défendre leurs libertés – il s’agit des libertés de débat,
de parole et l’immunité parlementaire. Ils mettent en valeur leur rôle au sein du royaume comme
un élément essentiel de garantie des droits des sujets. Pour cela, les rédacteurs font référence aux
droits anciens qu’ils possèdent « according to the ancient use and liberty of Parliaments »279 ou encore « the
ancient Rights of the Subjects of this Realm, chiefly consisting in the Privileges of this House of Parliament »280. Il
est donc essentiel pour les Communes de faire prévaloir l’origine ancienne des droits, libertés et
privilèges du Parlement face au roi. On retrouve cette idée de libertés si anciennes qu’elles n’ont
pas pu être accordées par les rois, parce qu’elles leur sont antérieures :
« […] very fundamental Privileges of our House, and therein of the Rights and Liberties of the whole
Commons of your Realm of England, which they and their Ancestors from Time immemorable have undoubtedly
enjoyed under your Majesty’s noble Progenitors […] »281.
L’apport de la pensée des antiquaires est indéniable, et les adjectifs « immémorable » et
« immémorial » ancrent les libertés des parlementaires dans un passé très ancien et flou. Par
exemple, certains termes reviennent fréquemment dans la pétition, comme « ancien »,
« fondamental », ou encore « privilèges » et « droits ». Plus encore, les parlementaires estiment
que :
« […] the Liberties and Stability of the whole Kingdom, have been more universally and dangerously
impugned than ever, (as we suppose) since the Beginnings of Parliaments […] »282.
Les droits des sujets anglais seraient bafoués comme jamais et le royaume serait dans une
situation sans précédent. Les Communes n’hésitent pas à insister sur les qualificatifs car c’est
finalement la manière de gouverner de Jacques Ier qu’ils entendent critiquer.
Les parlementaires estiment que cette pétition est importante, d’autant plus que c’est la
première pétition au sujet de leurs libertés au début du règne de Jacques Ier mais également, de
manière symbolique, au début du XVIIe siècle, et souhaitent donc qu’elle reste « inoubliable » :
« […] and desire: that this our protestation may be recorded to all posterity. »283.
Or, cette pétition n’est pas enregistrée dans le Journal de la Chambre et certains historiens se
demandent même si le roi en a eu connaissance. En effet, les termes employés et la véhémence
des arguments284 font que le clerc chargé de la retranscription de la pétition n’a jamais terminé
son travail.
278
Ibid., p. 228 : « […] we have been constrained as well in Duty to your Royal Majesty, whom with faithful Hearts we serve, as to our
dear native Country, for which we serve in this Parliament, to break our silence […] ».
279 Ibid., p. 229.
280 Ibid., p. 229.
281 Ibid., p. 230.
282 Ibid., p. 231.
283 Ibid., p. 230.
284 Idid., p. 230. Les parlementaires estiment par exemple : « We are not a Court of Record, nor yet a Court that can command
view of records […] ».
54
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
Le second texte qu’il convient de citer est l’Apologetic Petition, rédigée le 6 décembre 1621.
Cette pétition est davantage axée sur la politique étrangère du roi et son intervention au Palatinat,
mais elle a comme particularité de s’intéresser aussi aux libertés des parlementaires. Elle précise
ainsi :
« […] and whereas your maj. Doth seem to abridge us the ancient liberty of parl. For freedom of speech,
jurisdiction, and just censure of the house […] a liberty which, we assure ourselves, so wise and so just a king will
not infringe, the same being our ancient and undoubted right, and inheritance received from our ancestors; without
which we cannot freely debate »285.
Cette pétition, rédigée par un comité composé de douze membres, montre le comportement
agressif des Communes face à leurs privilèges et préfigure la pétition du 18 décembre. La réponse
du roi, le 14 décembre, ne fait que conforter les parlementaires dans la rédaction d’une autre
pétition. En effet, le roi déclare :
« […] we wish you to remember, that we are an old and experienced king, needing no such
lessons […] »286.
Puis précise :
« […] and although we cannot allow of the stile, calling it, your ancient and undoubted right and
inheritance; but could rather have wished, that ye had said, that your privileges were derived from the grace and
permission of our ancestors and us […] yet we are pleased to give you our royal assurance, that as long as you
contain yourselves within the limits of your duty, we will be as careful to maintain and preserve your lawful liberties
and privileges […] »287.
Le roi exprime son mépris face aux arguments des Communes et ne reconnaît pas leur origine
ancienne. Pour Jacques Ier, les Communes tiennent leurs pouvoirs de la Couronne. Il les rappelle
dans leur stricte fonction de parlementaires, en posant une condition : s’ils font leur travail, c'està-dire votent les projets du roi, leurs libertés et leurs privilèges seront conservés.
Le troisième texte important est rédigé le 18 décembre 1621, par le comité sur les
Privilèges. Cette protestation est beaucoup moins longue que celle de 1604 et ne fait à peine
qu’une page. La défense des libertés en est le but premier et on retrouve des éléments relatifs à
l’idée d’Ancienne Constitution :
« […] that the Liberties, Franchises, Privileges, and Jurisdictions of Parliament, are the ancient and
undoubted Birth-right and Inheritance of the Subjects of England »288.
Nous retrouvons ainsi cette notion d’héritage ancien et certain. Les parlementaires assimilent la
défense de leurs droits au Parlement à la défense des droits des sujets dans leur ensemble. Ils
estiment qu’en tant que représentants du peuple, s’ils ne jouissent pas de certains droits et
libertés, le peuple ne pourra également pas en jouir. Ces aspects tendent ainsi à rappeler au roi le
respect des droits et libertés de ses sujets, qu’il a prêté lors du serment de son couronnement.
Suite à cette pétition, le Parlement est dissous.
285
W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1335.
Ibid., p. 1343.
287 Ibid., p. 1344.
288 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 314.
286
55
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
Paragraphe II.
Un mouvement fort et fragile
Le mouvement des antiquaires est très influent et trouve un intérêt parmi les
parlementaires. Leur attitude face aux archives et l’intérêt qu’ils peuvent en tirer rend ce
mouvement d’autant plus attractif. On comprend d’ailleurs que les parlementaires souhaitent
enrichir leurs arguments de nouvelles techniques historiques, et bénéficient en ce sens du soutien
de fortes personnalités (A). L’utilité des lois trouvées leur permet d’opposer des arguments que le
roi et ses partisans ne pourront pas remettre en cause, principalement en raison de leur accès
limité aux mêmes sources. Les parlementaires recourent alors vivement aux précédents (B),
notamment dès 1610, sur les débats relatifs aux impôts. Cependant, on note la faiblesse de leur
usage dès lors que les parlementaires ne citent que ceux qui les intéressent et qui défendent leur
cause.
A. Le précieux soutien de fortes personnalités parlementaires
Le mouvement des antiquaires est composé de figures parlementaires déterminées et
convaincues dans l’opposition au roi. De 1603 à 1625, William Noye, William Hakewill, James
Whitelocke, John Selden, et Sir Edward Coke sont les cinq antiquaires les plus connus, sur les
vingt-six leaders de l’opposition parlementaire. Par exemple, le 1er mai 1610, Whitelocke289 est
invité, avec neuf autres membres, à chercher dans les archives de la Tour tout document au sujet
des impôts290. Puis, le 8 avril 1614, il est nommé au comité chargé d’examiner les précédents
relatifs au droit du procureur général291 de siéger en tant que membre des Communes292. Mais
nous ne pouvons pas parler du mouvement des antiquaires sous Jacques Ier sans s’attacher aux
deux personnalités les plus marquantes que sont Coke et Selden.
Concernant Coke, après avoir travaillé depuis 1606 au service de la Couronne dans les
cours de Common Law, il est remercié en 1616 suite à un différend avec le roi dans l’affaire
Commendam293. Il décide alors de se présenter aux élections de la Chambre des Communes et est
élu pour le bourg de Liskeard en Cornouailles. Défenseur du Common Law, il prétend que le
monarque tient ses prérogatives du Common Law et doit ainsi le respecter. Face à cette conception
du pouvoir, se développe l’idée d’Ancienne Constitution. En cherchant dans les archives et en
s’intéressant à l’histoire de l’Angleterre, les antiquaires estiment que les fondements de la
Constitution anglaise – du XVIIe siècle – sont anciens294, et que les droits et coutumes dont
bénéficiaient les saxons sont restés inchangés jusqu’à lors. Ce serait également le cas des droits et
des libertés du Parlement. Le caractère ancien du droit est donc essentiel pour démontrer
l’antériorité du Common Law et l’Ancienne Constitution vient limiter les pouvoirs du roi.
289
Whitelocke est lié d’amitié avec Cotton, aussi antiquaire, qu’il considère comme « much honoured and worthy friend ».
Whitelocke participe aux Parlements de 1609, 1614 et 1621.
290 A. Davidson, « James Whitelocke », in A. Trush, J. P. Ferris (dir.), History of Parliament…, op. cit., p. 755.
291 Ou Attorney general.
292 Ibid., p. 756.
293 Cf. infra, p. 63.
294 I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit., p. 109.
56
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
Cependant, Coke ne date pas l’Ancienne Constitution et préfère soutenir qu’elle est immémoriale,
ce qui implique que les premières lois faites seraient antérieures à la royauté295. Par ailleurs, il
identifie l’Ancienne Constitution au Common Law en tant que droit coutumier ancien, déclaré par
les juges. Il estime que le rôle des juges est primordial car c’est à eux que revient la mise en
évidence de coutumes immémoriales296. Mais pour que leurs actions restent efficaces, il est
nécessaire que le pouvoir judiciaire soit indépendant du pouvoir royal. Coke fait davantage
référence à un corpus de lois fondamentales, qui regroupe non pas l’ensemble du Common Law
mais les grands textes importants de l’histoire de l’Angleterre297, aux racines médiévales. Ces
références se retrouvent dans ses discours devant les Communes.
Ainsi il cite régulièrement la Magna Carta – ou Great Charter298. Selon lui, ce texte aurait été
confirmé par trente-deux Parlements299. Il justifie, outre la possibilité pour les Communes de
donner son consentement en matière d’impôts, la garantie des droits et des libertés du
Parlement300. Coke cite également le Modus Tenendi Parliamentum. Ce document retrace très
précisément le mode de convocation du Parlement ainsi que la qualité des membres. Il paraissait
faire la preuve qu’au XIe siècle, sous le règne d’Édouard le Confesseur, un Parlement doté d’une
Chambre des Communes d’une composition identique à celle existant sous Jacques Ier ait existé.
Coke considère que ce Parlement avait perduré de façon continue jusqu’à Henri II (1154-1189)301.
L’arrivée de Guillaume le Conquérant en 1066 n’aurait donc pas entraîné de rupture dans la
composition du Parlement, ni dans les droits et les libertés des anglais. Le Modus est très favorable
aux Communes et précise par exemple que le roi ne peut pas dissoudre le Parlement sans avoir au
préalable répondu aux pétitions qui lui avaient été soumises. Mais plus particulièrement, ce
document justifie pour Coke que depuis le XIe siècle, les comtés, les bourgs et les villes ont
toujours eu le droit d’envoyer au Parlement deux de leurs représentants302 – or cette situation ne
date que du XIIe siècle. Ce texte, exhumé par l’antiquaire William Lambarde dans son ouvrage
l’Archeion (1635) – mais celui-ci a été achevé en 1591 – est diffusé dans les milieux parlementaires
où il connaît un franc succès. Coke reprend alors l’idée de Lambarde sur le caractère immémorial
de la Chambre des Communes elle-même303. Cependant, la valeur originale du Modus et plus
particulièrement sa date sont fortement critiquées304, et ce principalement par Selden305, lui-aussi
antiquaire. Dans son ouvrage Titles of Honour (1614), il démontre que le Modus date du XIVe
295
J. G. A. Pocock, L’ancienne constitution et le droit féodal, op. cit., p. 82.
E. Tillet, La Constitution anglaise, un modèle politique…, op. cit., p. 155.
297 J. W. Gough, L’idée de loi fondamentale dans l’histoire constitutionnelle anglaise, op. cit., p. 50.
298 British history online, University of London and History of Parliament [en ligne]. Discours de Coke aux Communes
le 5 mai 1621 : « The Statute of Magna Charta […] never hath it been so infringed as of late years. Corporations have gotten by
Lawes according to Law, and to imprison for breach, but that is against all Law ».
299 J. G. A. Pocock, L’ancienne constitution et le droit féodal, op. cit., p. 67.
300 C. H. McIlwain, « The House of Commons in 1621 », The Journal of Modern History, vol. 9, n° 2, juin 1937, p. 208.
Par exemple, dans un discours du 15 décembre 1621, Coke affirme : « The libertie of everie Court is the Lawe of the Court.
Magna Charta is called Charta libertatis quia liberosfacit. I will not dispute with my Maister for his words, but when the kinge sayes he
can not allowe our liberties of right, this strikes at the roote. Wee serve here for thousands and tenn thousands ».
301 J. H. Burns (dir.), Histoire de la pensée politique moderne, op. cit., p. 356.
302 Anonyme, Modus Tenendi Parliamentum, Londres, George et William Spottiswoode, 1846, pp. 10-12.
303 J. H. Burns (dir.), Histoire de la pensée politique moderne, op. cit., p. 358.
304 Ibid., pp. 355-356. L’auteur estime que le Modus aurait été rédigé vers 1550.
305 Selden est membre de la Chambre des Communes en 1624.
296
57
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
siècle306 et qu’il ne peut pas être assimilé à un guide des assemblées anglo-saxonnes comme le
soutient Coke307. Quelques années plus tard, le juriste William Prynne, estimera également qu’en
vertu de l’utilisation même du terme « Parliamentum » – 148 fois – dans le Modus, celui-ci ne
pouvait pas avoir été écrit au XIe siècle, car le mot utilisé aurait davantage été celui de « concilium »
ou de « commune concilium ». Il semble donc que des parlementaires comme Coke souhaitent à tout
prix justifier leurs théories en se référant à des textes anciens même si leur valeur semble
contestable.
De plus, Selden, un des plus grands défenseurs de l’Ancienne Constitution, estime
contrairement à Coke que le Common Law n’est pas demeuré inchangé depuis des temps
immémoriaux308. Dans son ouvrage Jani Anglorum facies altera (1610), il estime que l’Ancienne
Constitution est appréhendée comme une monarchie mixte dans laquelle les rois, le Clergé, les
nobles et les hommes libres se partagent la souveraineté depuis le tout début. L’Ancienne
Constitution émerge comme une structure politique dans laquelle la souveraineté n’est pas
uniquement entre les mains du monarque, mais réside dans les assemblées où l’on discute des
affaires publiques – issues des assemblées saxonnes, les witans. Selden soutient que les coutumes
saxonnes ont pris progressivement la forme d’une Constitution régie par les trois états : le roi, les
propriétaires terriens et les Communes. Cet ensemble formait ainsi la réalité d’une monarchie
mixte.
Même s’il semblerait que Coke et Selden divergent sur plusieurs points, ils restent
néanmoins soudés dans leur opposition au droit divin et à l’absolutisme monarchique. Toutes
leurs théories mettent le Parlement au centre des institutions. On comprend dès lors le danger
que représente la théorie du droit divin pour l’Ancienne Constitution parce qu’elle permet à la
Couronne d’agir hors des limites normales du droit309. Afin de contrer cette théorie, les
parlementaires vont enrichir leurs débats de précédents.
B. L’utilisation judicieuse et intensive des précédents
À l’image des précédents de Common Law, des « précédents historiques constitutionnels »
sont utilisés. Il s’agit de citer la référence de la loi votée par un souverain pour argumenter son
propos. Très souvent, les parlementaires ne font que citer la référence sans citer la règle énoncée
dans la loi. Il s’agit donc principalement d’exemples, même si les discours sont très techniques, et
la multiplicité des références rend difficile leur compréhension.
Les impôts sont l’un des principaux sujets dans lequel la technique apportée par les
antiquaires est significative. Avant de pouvoir débattre, les parlementaires cherchent des
306
J. Selden, Titles of Honour, Londres, E. Tyler and R. Hold, 1672, pp. 508-509. Selden le précise ainsi : « […] But for
that of Barones in the common treatise of Modus tenendi Parliamentum, which is in the England title refer’d to the times of Edward the
Confessor; it requires no such interpretation doubtlfs. The Treatise was written long after the beginning of the Norman Monarchie, and
whereof more anon, where we speak of the times that succeed the coming of the Normans ».
307 P. Hunneyball, « John Selden », in A. Trush, J. P. Ferris (dir.), History of Parliament…, op. cit., p. 264.
308 J. Selden, The Table-Talk, op. cit., p. 121.
309 P. Hunneyball, « John Selden », in A. Trush, J. P. Ferris (dir.), History of Parliament…, op. cit., p. 265.
58
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
archives310. Forts des documents qu’ils ont à leur disposition, les membres des Communes les
utilisent pour affirmer la supériorité du Common Law sur la prérogative royale. Ils citent donc des
lois anciennes, c'est-à-dire qu’ils se réfèrent aux lois d’Édouard le Confesseur – l’avant dernier roi
anglo-saxon – parce qu’ils considèrent qu’il s’agit d’une période « d’Âge d’or »311 des droits et des
libertés anglaises. Ils citent également des lois plus récentes en justifiant le fait qu’il n’y a pas eu de
rupture induite par la conquête de 1066. Par exemple, Hakewill fait référence aux statuts datant
d’Édouard Ier dans son discours prononcé aux Communes en juin 1610312.
Ainsi, Fuller justifie chacun de ses arguments par des précédents, les citant très souvent
avant d’exposer le principe déduit. Il estime que le fait que le roi ne puisse pas imposer sans le
consentement du Parlement vient des lois d’Angleterre. De même que le roi ne puisse pas
prendre à ses sujets leurs biens et leur commerce313. Il soutient également que la force de
l’Angleterre réside dans ses marchands et il s’appuie pour cela sur une loi d’Édouard III, « Stat. 14
E. 3, cap. 2 », rappelant, selon lui, la Magna Carta314. Son objectif est de prouver que depuis des
temps immémoriaux, les marchands constituent un atout pour le royaume et que les rois
précédents ont légiféré avec l’aide du Parlement pour le développement du commerce. Il termine
son discours en précisant qu’il espère obtenir une réponse favorable de la part du roi sur ces
questions d’impôts, mais également que :
« […] the King might governe, and wee obay, according to the lawe; and with this sweet harmony the
common wealth must needs flourish »315.
Le roi doit ainsi se plier aux lois faites par le Parlement, et ce principalement par ceque les
souverains précédents ont fait de même.
Cependant, il faut relativiser l’utilisation des précédents par les parlementaires. Ils sont en
effet assez sommaires en ce sens qu’ils ne citent que l’année du règne et le roi – par exemple, « 25
E. 3 ». Il est ainsi assez difficile de retrouver ces lois car beaucoup peuvent avoir été votées cette
année là – par exemple, quarante-cinq lois ont été votées la 25e année du règne d’Édouard III. De
plus, très souvent, nous n’avons pas accès à la totalité de la loi, mais uniquement à son titre – sauf
pour les lois importantes. Les débats sur les impôts, tout particulièrement, fourmillent de
précédents, souvent insérés dans leurs discours sans trop d’explication. On constate chez certains
parlementaires une frénésie de précédents, cités comme exemples, afin d’appuyer grandement
leurs discours. Par exemple, lors d’un discours sur les impôts du 16 juin 1610, Fuller démontre
que le roi ne peut pas imposer sur les marchandises sans l’accord du Parlement. Pour cela, il cite
vingt-cinq précédents. Il cite une loi de Richard III mais il extrapole son contenu :
310 S. R. Gardiner, Parliamentary debates in 1610, Westminster, Camden Society, 1862, p. 58 : « The records from the
Exchequer and the Tower having been brought in and read, the debate to set Impositions was opened on Saturday, June 23, and
continued during several days ».
311 I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit., p. 110.
312 En 1297, Édouard Ier fait voter deux lois qui confirment la Magna Carta : « Confirmation of Charters (25 Ed. I, c. 6) »,
puis « Magna Carta act (25 Ed. I, c. 9) ».
313 S. R. Gardiner, Parliamentary debates in 1610, op. cit., p. 59. Par exemple, deux précédents d’Henri IV sont cités
(entre autres) : « 13 H. 4 » et « 11 H. 4 ».
314 Ibid., p. 60.
315 Ibid., p. 79. Hakewill cite comme précédent « 25 E. 1 ».
59
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
« […] 1 R. 3. The like Act of Parliament : that the subject shall not be charged [on] his goods without
Parliament […] »316.
Or, selon l’ouvrage Parliamentary debates in 1610, la loi citée – « The subjects of this Realm shall not be
charged with benevolences » (1 Rich. III, c. 2)317 – n’interdit que les prêts forcés. On se rend donc
compte qu’il est facile de faire des déductions erronées de certaines lois tant il est difficile de
vérifier l’exactitude de chaque précédent. Il est aussi intéressant de souligner que la citation des
précédents n’est pas homogène. Ainsi, Fuller cite parfois le code en détail, comme par exemple
« Act 14 E. 3, stat. 2, cap. 1 », puis explique le principe énoncé dans cette loi. Par conséquent, il est
parfois difficile de suivre la pensée de l’auteur. De même, quand Coke s’adresse aux Communes
en 1621, il ne cite que l’année et le roi comme code alors que lorsqu’il relate l’affaire Bate de 1606
sur les impôts dans ses Reports, chaque précédent est cité en détail – mais la multitude de lois
auxquelles il fait référence à tendance à perdre le lecteur. Enfin, si l’ensemble des précédents cités
par Fuller semblent exacts – malgré la difficulté de retrouver certaines lois – au moins deux
d’entre eux sont erronés : « 21 E. 3, num 11 » et « 22 E. 3, Rot. 31 » 318. En effet, aucune loi n’a été
votée les 21e et 22e années du règne d’Édouard III.
Les membres de l’opposition ne sont pas les seuls à utiliser les précédents. Dans les débats
sur les impôts, le favori du roi, Bacon, les utilise également, mais avec parcimonie. D’autres
personnalités défendant les intérêts du roi, telles que Montague ou Thomas Yelverton font appel
aux précédents dans leur argumentation.
L’influence des antiquaires est significative parce que l’usage des précédents est de plus en
plus fréquent dans les débats parlementaires. Ils sont ainsi grandement enrichis par la
redécouverte des lois antérieures, censées être bonnes et montrant la pratique des souverains
précédents, qu’il faut alors conserver. Cependant, il convient de noter que les parlementaires
déterminés à exprimer leur opposition à la politique royale sélectionnent leurs justifications
législatives. Ils ont tendance à ne citer que les lois anciennes qui les intéressent, et laissent de côté
celles qui pourraient éventuellement remettre en cause leur argumentation.
Section II. L’influence des juristes
Si le Parlement a pu être considéré comme l’accomplissement et la finalité d’une carrière
dans la vie d’un juriste ou d’une personnalité souhaitant désormais se consacrer à la vie politique
du royaume, ce n’est plus le cas. Les common lawyers qui se font élire aux Communes sont jeunes et
n’ont pour certains exercé des fonctions judiciaires que quelques années dans les cours de
Common Law. Cet attrait du Parlement vient de la pression royale exercée sur les juges. Ils sont
ainsi motivés et déterminés à faire prévaloir le Common Law sur la prérogative royale. Pour faire
face aux intimidations du pouvoir, ils se regroupent en corporations. L’aspect social est ainsi
essentiel pour comprendre leur influence sur les membres de la Chambre (Paragraphe I). Cela se
316
Ibid., p. 59.
Ibid., p. 59.
318 « 22 E. 3, Rot. 31 » : « Rot. » signifie « Rotuli Parliamentorum » ou « Rolls of parliament ».
317
60
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
traduit surtout par une évolution et une rationalisation de la procédure législative au service de
l’opposition (Paragraphe II).
Paragraphe I.
Une catégorie sociale en mutation
Les common lawyers représentent l’élite juridique d’Angleterre, principalement lorsqu’ils ont
fait leurs études dans l’une des écoles de droit les plus prestigieuses. Ces écoles leur donne les
clefs de leur avenir. Les common lawyers y développent un esprit corporatif propre aux fonctions
qu’ils vont exercer à la fin de leurs études, ce qui les invite à rester en contact (A). Les liens de
patronage et d’entre-aide sont vitaux pour qu’ils bénéficient de l’ascenseur social. La percée
culturelle élisabéthaine leur a permis d’exprimer leurs opinions, et notamment de défendre la
supériorité du Common Law – dans un esprit corporatif et professionnel. L’alliance avec le
Parlement en est alors renforcée (B).
A. Les Inns of Court, liens entre les juristes
Les avocats et les juristes constituent en Angleterre une force indubitable qui se reflète au
Parlement. Ils constituent la classe professionnelle la plus importante au début du XVIIe siècle,
mise à part le Clergé319. Leur particularité réside dans la formation qu’ils reçoivent, en ce sens que
la grande majorité d’entre eux ont fait leurs études dans l’une des quatre Inns of Court320, ou dans
les Chancery Inns321 de Londres, plus petites. Ces écoles de droit étaient considérées comme la
dernière étape avant de pouvoir exercer dans les cours de justice du royaume. Elles permettaient
également aux membres de la gentry de valoriser leur condition sociale par une formation en droit.
À la fin de leurs études, les juristes peuvent exercer différentes fonctions : juge, assistant dans les
cours ou avocat322. Mais ils peuvent également exercer au Parlement. Coke estime que ces écoles
sont « the most famous Universitie for profession of law only, or of any one human Science that is in the
world »323. La renommée de ces écoles est certaine et explique leur attrait auprès de la bourgeoisie
qui souhaite une évolution sociale. Les Inns of Court forgent le caractère politique anglais des gens
de robe, juges et avocats, étroitement mêlés aux affaires d’État.
Les juristes sont donc de plus en plus nombreux, tout particulièrement au Parlement où ils
exercent un rôle essentiel, dans la rédaction des projets de loi par exemple. En raison du faible
nombre d’Inns of Court, on comprend qu’une fois les études terminées, ce sont les mêmes
personnes qui se retrouvent dans les cours de justice et au Parlement. Un réseau social est
organisé pour ces personnes, qui très souvent conservent des liens forts avec l’école dans laquelle
ils ont étudié. Ce lien est préservé à l’occasion de repas, d’associations, qui assurent le rôle de
patronage universitaire. Les membres se connaissent et s’appuient en dehors de l’école. Il en va
319
G. E. Aylmer, The Struggle for the Constitution 1603-1689, op. cit., p. 35.
Les quatre Inns of Court d’Angleterre sont les suivantes : Middle Temple, Gray’s Inn, Lincoln’s Inn et Inner Temple.
321 Ces écoles étaient très souvent rattachées aux Inns of Court. Il s’agit par exemple de Stapple Inn, rattachée à Gray’s
Inn.
322 On distingue les solliciters et les barristers. Les solliciters préparent les dossiers et conseillent les parties, les barristers
plaident leurs dossiers devant les cours.
323 W. S. Holdsworth, « Sir Edward Coke », The Cambridge Law Journal, 1935, vol. 5, p. 332.
320
61
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
de même au Parlement, où les membres se rassemblent, formant un groupe à part entière dont le
but est de défendre le Common Law. On constate que sur vingt-six leaders, vingt-deux ont fait leurs
études dans l’une des quatre Inn of Court324. Ainsi, Coke est allé à Lincoln’s Inn, tout comme
Edward Alford, William Noye, Roger Owen, William Hakewill et Thomas Wentworth,
Christopher Brooke, tous leaders de l’opposition parlementaire.
L’existence de personnes influentes et connues parmi la population anglaise – et
principalement Coke, grâce à son rôle dans les cours de Common Law et à son opposition au roi –
ont fait exploser les entrées dans les Inns of Court. Ainsi, les registres d’admission des Inns sont
passés d’environ cent personnes par an dans les années 1550 à plus de deux cent cinquante au
XVIIe siècle. Le nombre d’avocats plaidant devant les cours de justice a décuplé en cent ans,
atteignant le nombre de cinq cent personnes en 1625325. Le facteur de mobilité sociale est
omniprésent et les études juridiques constituent une opportunité non négligeable pour la gentry.
On comprend ainsi que Coke soit favorable à la présence de juristes aux Communes. Dans
le quatrième volume des Institutes of the Laws of England, relative à la Haute Cour du Parlement, il
cite une affaire justifiant l’importance des juristes. Il explique que lors de la sixième année du
règne d’Henri IV, le Parlement fut convoqué à Coventry. Le writ326 de convocation contenait une
clause précisant que des avocats ne pouvaient être choisis comme citoyen, chevalier ou bourgeois.
Selon Coke, ce Parlement fût dénommé « indoctum parliamentum, or lack-learning parliament »327. Il en
résultat que le Parlement fût stérile et qu’aucune loi importante ne fût votée. D’ailleurs, Coke
estime que le writ délivré était illégal, à cause de cette clause spécifique. Il estime que depuis
Henri IV, les avocats sont éligibles aux Communes, et ce pour le grand et le bon service du
Commonwealth328.
Par ailleurs, concernant la Société des antiquaires, sur environ quarante membres, trente
ont étudié dans les Inns of Court329, ce qui explique l’importance de la diffusion des idées des
antiquaires au sein des juristes, et donc au sein du Parlement. La technique des antiquaires – et
leurs arguments relatifs à l’Ancienne Constitution – attire les common lawyers car elle leur permet de
démontrer la supériorité du Common Law sur la prérogative royale.
B. Une alliance avec le Parlement renforcée
Les places au Parlement sont très convoitées, surtout pour toute personne qui souhaite
exprimer son opposition au pouvoir royal. C’est l’une des seules cours du royaume où les Anglais
peuvent débattre de sujets concernant l’ensemble de leurs concitoyens. Les Communes
constituent un moyen privilégié pour s’opposer à un roi cherchant à exacerber sa prérogative. Cet
324
Parmi les principaux leaders de l’opposition, sept ont été à Lincoln’s Inn, six à Gray’s Inn, six à Middle Temple, et trois à
Inner Temple.
325 A. Cromartie, « The Constitutionalist Revolution: The transformation of political culture in early Stuart England »,
Past and Present, n° 163, 1999, p. 85.
326 Il s’agit d’une assignation encore dénommée « bref ».
327 E. Coke, The Fourth Part of the Institutes of the Laws of England: Concerning the Jurisdiction of Courts, New Jersey, The
Lawbook Exchange, 2002, p. 47.
328 Ibid., p. 47.
329 F. S. Fussner, The Historical Revolution…, op. cit., p. 67.
62
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
attrait s’explique par le fait que les common lawyers souhaitent devenir plus indépendants, les juges
étant nommés par le roi. L’opposition dans les cours de Common Law est presque inexistante, et
entre 1606 et 1616 Coke est pratiquement le seul à lutter dans ces cours contre le roi330. Si Coke
pouvait avoir un appui du Parlement pendant cette période, ce n’est plus le cas entre 1614 et
1621, car le Parlement n’est plus convoqué et ce jusqu’en 1621. On peut donc considérer que
Coke se retrouve seul à s’opposer au roi. Selon Jean Beauté, Coke pense que les juges de Common
Law sont dociles voire bienveillants envers le pouvoir royal, ce qui le pousse définitivement vers
le Parlement.
Deux affaires illustrent cette situation. La première est l’affaire Peacham de 1615, dans
laquelle Coke s’élève contre la volonté du roi de consulter séparément les juges. Dans cette
affaire, le ministre Peacham était accusé de haute trahison après que l’on ait trouvé dans son
cabinet du Somersetshire un sermon critiquant le gouvernement de Jacques Ier. Sur les quatre
juges de la Cour du Banc du roi, seul Coke s’oppose à la décision de condamnation du ministre.
Les trois autres juges soumettent Peacham à la torture331. Ce dernier n’avoue pas. Il soutient en
effet, tout comme Coke, que le sermon n’a pas été écrit pour être prêché. Malgré l’opposition du
juriste, Peacham est mis en jugement et condamné332.
La seconde affaire est celle de Commendam de 1616 qui va conduire Coke à être écarté des
cours de justice. Le roi avait utilisé son privilège de commende333 en faveur de l’Évêque de
Linchfield. Deux propriétaires terriens, Colt et Glover, portent l’affaire devant la Cour de
l’Échiquier. Le roi estime que sa prérogative est remise en cause et décide d’écrire aux juges en
charge de l’affaire. Il leur précise alors qu’elle concerne son pouvoir de gouverner l’Église. Il leur
demande d’ajourner le procès jusqu’à ce qu’il décide si une consultation entre les juges et les
ecclésiastiques est nécessaire. Cette demande est confirmée par un writ délivré par Bacon,
autorisant le roi à intervenir dans les affaires touchant ses intérêts. Les juges répondent
unanimement, par l’intermédiaire d’une lettre probablement rédigée par Coke334, que la décision
du roi était contraire au droit et au serment qu’ils ont prêté pour exercer leurs fonctions. Sur ce, le
6 juin 1616, Jacques Ier convoque l’ensemble des juges – douze juges – devant le Conseil Privé et
déchire leur réponse. Il exige qu’ils obéissent à un ordre royal. Tous acquiescèrent, sauf Coke, qui
répondit :
« […] when that case should be, he would do that should be fit for a judge to do. »335.
Coke est à nouveau convoqué devant le Conseil le 30 juin 1616, pour être suspendu de ses
fonctions de juge. Le rapport du Conseil Privé précise :
330
J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 41.
G. R. Scott, History of torture throughout the ages, Whitefish, Kessinger Publishing, 2003, p. 136. La torture est abolie
en Angleterre en 1640, sauf pour la peine forte et dure qui l’est en 1772.
332 A. R. Borghers, Précis de l'histoire de la Constitution d'Angleterre : depuis Henri VII jusqu'à Georges II, Paris, Ponthieu et
Cie, 1827, p. 104.
333 En l’espèce, le privilège in commendam recouvrait la possibilité pour le roi d’augmenter temporairement les revenus
du presbytère.
334 A. D. Boyer, Coke, Sir Edward (1552-1634), op. cit.
335 Ibid.
331
63
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
« Sir Edward Coke, knight, Chiefe Justice of King’s Bench, presentinge himself this day at thes Boarde,
upon his knees, […] where hee was charged by his Majesty’s Sollicitor with certaine thinges, wherein his Majesty
was much insatisfyed […] »336.
Le roi tient compte de ses anciens services envers la Couronne et estime ne pas procéder
durement à son encontre. Coke fait l’objet de trois chefs d’accusation, dont l’un fait référence aux
propos ambigus dans les ouvrages qu’il a publiés. Cette affaire démontre la soumission totale des
juges envers le roi, aspect que Coke refuse de concilier avec sa pratique du Common Law. On
comprend alors combien Coke est favorable à l’indépendance des juges, et plus largement du
pouvoir judiciaire. Il soutient cette position parce qu’il considère que les juges sont les gardiens
des lois du royaume : les libertés et les droits ne peuvent être protégés que par un pouvoir
judiciaire indépendant337. Ces idées étaient déjà formulées avant l’entrée de Coke au Parlement. Il
affirmera aussi dans ses ouvrages la suprématie du Parlement sur les autres institutions338. Cela
explique que les common lawyers se tournent vers le Parlement pour pouvoir s’opposer au pouvoir
royal.
Les common lawyers profitent des Communes pour prendre part davantage à la politique du
royaume. Cependant, il est nécessaire de relativiser leur nombre au Parlement. En effet, si les
membres de l’opposition ont eu dans leur grande majorité une formation juridique, les
Communes n’ont au total qu’environ quarante-huit juristes professionnels sur 475 membres en
1614339. Leur force réside dans leurs discours et leur rôle au sein des comités. Il est donc
intéressant de constater que malgré leur nombre minoritaire, ils arrivent à convaincre presque la
totalité des autres membres d’agir contre le roi.
Leur principale motivation réside dans la volonté de faire triompher la supériorité du
Common Law, et le Parlement en est l’outil privilégié. Les juristes apportent aux Communes leurs
compétences juridiques et leur énergie. D’ailleurs, cette alliance entre les common lawyers et le
Parlement n’est pas nouvelle. W. S. Holdsworth estime que le Parlement anglais a depuis le
Moyen-Âge presque toujours agi de concert avec les common lawyers340. L’auteur estime néanmoins
que cette alliance entre les leaders de l’opposition et les common lawyers n’a jamais été aussi forte qu’à
partir du règne de Jacques Ier.
Paragraphe II.
Une procédure législative rationnalisée
Les juristes vont permettre à la Chambre de renouveler son organisation législative et sa
manière de procéder à l’étude des Bills. Ils vont apporter de l’ordre et de l’organisation au sein des
Communes, tant au sujet des débats que dans la rigueur pour la rédaction des textes de loi (A). La
Chambre va apparaître beaucoup plus structurée qu’elle ne l’était auparavant. L’inscription au fur
et à mesure de la procédure utilisée dans son Journal va lui permettre de se référer constamment
336
Acts of the Privy Council of England 1615-1616, Burlington, TannerRitchie Publishing, 2010, pp. 648-649.
J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 84.
338 Ibid., p. 131.
339 J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 24.
340 W. S. Holdsworth, A History of English Law, op. cit., p. 87.
337
64
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
à celle qu’elle a suivie juste avant. Il se met en place une coutume parlementaire définie et
organisée dans les mains des Communes. Il convient ainsi d’envisager un « code de procédure »
au sein même du Journal des Communes (B).
A. Une organisation législative structurée grâce aux common lawyers
Les avocats entrent au Parlement pour exprimer leurs revendications au pouvoir royal et ils
mettent leurs techniques et leur rigueur à disposition des autres membres. Ils ont alors tendance à
appliquer les méthodes des cours de Common Law dans l’organisation et la rédaction des Bills.
Coke le précise ainsi :
« […] as every court of justice hath laws and customs for its direction, some the civil and canon, some the
common law, others their own peculiar law called the lex et consuetudo Parliamenti »341.
Il fait un parallèle entre la loi appliquée dans les cours de Common Law et celle appliquée au sein
du Parlement. L’auteur J. Redlich compare l’attitude du Speaker face au droit coutumier
parlementaire à la relation d’un juge face au Common Law et aux règles de sa cour342. Le Parlement
agit pour être considéré comme une cour comme les autres. On peut notamment citer
l’affirmation continue des privilèges parlementaires343. Par exemple, un privilège en particulier
avait fait l’objet d’une telle analogie en 1593, reportée dans le journal d’Ewes :
« This court for its dignity and highness hath privilege, as all other courts; and as it is above all other courts,
so it hath privilege and jurisdiction too, so hath it also coercion and compulsion »344.
L’analyse de chaque loi par les juristes des Communes est appréhendée comme celle d’une
affaire de Common Law. Ils considèrent qu’il faut en garder une trace afin qu’elles puissent être
comprises et réutilisées comme des précédents. Pour cela, il est nécessaire que leur analyse soit
très détaillée. Au début du XVIIe siècle, on note davantage de précision dans le Journal des
Communes. On passe de simples coutumes à l’affirmation d’un droit coutumier parlementaire.
On comprend l’influence des common lawyers lorsque l’on s’attache aux comités qui leurs
sont dédiés. En effet, certains comités spécifient la qualité des membres devant y assister. Par
exemple, certains précisent « all lawyers » dans leur composition345. Cette particularité s’explique
parce qu’il s’agit de rédiger des Bills nécessitant des qualifications spécifiques au métier de juriste.
Ces qualifications figurent sur les listes de présence aux comités. Par exemple, l’analyse d’une loi
intitulée « An Act to reverse a Decree, made in the Court of Whitehall, commonly called the Court of Requests,
between Edwards the Elder and Edwards the Younger, 1624 » du 16 avril 1624, précise que tous les
juristes de la Chambre doivent être présents346.
341
Ibid., p. 433.
J. Redlich, The procedure of the House of Commons, Londres, Archibald Constable & co. LTD, 1908, vol. 2, pp. 144145.
343 W. S. Holdsworth, A History of English Law, op. cit., p. 433.
344 British history online, University of London and History of Parliament [en ligne].
345 C. R. Kyle, « It will be a scandal to show what we have done with such a number: House of Commons committee
attendance lists, 1606-1628 », Camden Fifth Series, n° 17, 2001, p. 181. On retrouve également d’autres groupes
génériques : « knights and burgesses of clothing counties ».
346 Ibid., p. 204.
342
65
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
De plus, l’apport des juristes est significatif dès lors qu’ils sont régulièrement, voire
constamment, invités à rédiger les Bills. La structure des pétitions, telles que l’Apology, en est le
reflet. En effet, chaque point est appréhendé successivement par l’expression : « First, […]
Secondly, […] Thirdly, […] ». Par exemple, au début de la pétition, les Communes précisent que la
mauvaise information qui a pu être fournie au roi touche trois aspects :
« First, Touching the Cause of the joyful receiving of your Majesty into this your kingdom. Secondly,
Concerning the Rights and Liberties of your Subjects of England, and the privileges of this House. Thirdly,
Touching the several Actions and Speeches passed in the House, it has been told us to our Faces by some of no
small Place (and the same spoken also in the presence of your Majesty) that on the 24th of March was a
Twelvemonth, we stood in so great Fear that we would have given half we were worth for the Security wherein we
now stand »347.
Sur les seize pages de l’Apology, on retrouve six fois cette expression. Les parlementaires
souhaitent être précis, ordonnés et structurés pour que leurs propos soient bien compris par le
roi. Cependant, cette structure peut sembler excessive dans la pétition.
Enfin, les présidents de comités sont souvent des juristes. Les six principaux rapporteurs
ont tous été dans une Inn of Court : Coke, Sandys, Glanville, Sir Robert Heath, Noye et Sir Robert
Phelips348.
C’est donc l’implication de certains membres de l’opposition et leur motivation qui
conduisent à l’établissement d’un véritable « code de procédure ».
B. Une indépendance procédurale confirmée
Entre 1604 et 1621 un code de procédure est établi au profit de la Chambre, ce qui lui
permet d’être mieux organisée. Les règles transcrites sont ainsi rigides et détaillées. Dans cet
objectif, les Communes essayent de définir les procédures suivies, quand le Speaker quitte son
siège par exemple349. Cela permet de fixer par écrit ce droit processuel et de lui faire acquérir une
certaine force obligatoire. Rappelons que les règles procédurales étaient des coutumes. Cette
pratique permet à une opposition connaissant parfaitement les règles établies – si l’on considère
que ce sont des juristes – de s’approprier ce système. On dénombre environ vingt-trois nouvelles
règles gouvernant la procédure et entrant définitivement dans le Journal des Communes. Sur ces
vingt-trois règles, dix-huit ont été établies en 1604, ce qui montre la détermination des
parlementaires dès le début du règne de Jacques Ier. Par exemple, un Bill doit avoir été lu au
minimum trois fois avant d’être envoyé en comité, ou encore les débats arbitraires sont désormais
interdits à la Chambre. W. S. Holdsworth estime que l’établissement d’un nouveau code de
procédure, de nouvelles règles, est appréhendé par les parlementaires comme une loi spéciale
gouvernant le Parlement.
347
W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 228.
W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 98.
349 J. Redlich, The procedure of the House of Commons, vol. 1, op. cit., p. 44. L’auteur évoque l’établissement d’une « whole
parliamentary law ».
348
66
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
Avec l’établissement d’une mainmise de l’opposition sur la Chambre, les Communes
acquièrent réellement l’initiative en matière de législation. Les conseillers privés glissent en second
plan, bien qu’ils conservent le rôle d’introduction des Bills sur les subventions à l’ouverture de la
session. On constate également en 1621 que certains membres, comme Coke, Sandys, Phelips,
Noye, Hakewill, Fleetwood, Glanvile ou Walters350, organisent l’ordre des débats et mettent en
avant des Bills sur lesquels la Chambre doit réfléchir. W. Notestein estime que le contrôle des
Communes sur la législation et la politique s’explique principalement par la faiblesse et les erreurs
commises par Jacques Ier, mais également par la croissance extrêmement rapide de nouvelles
règles de procédure, qui ont eu pour but de structurer la Chambre. L’initiative législative réelle est
une étape essentielle dans l’affirmation et l’indépendance des Communes. W. Notestein souligne
que l’ordre des affaires est réarrangé avec davantage de rapidité. Les private Bills sont étudiés
rapidement, tôt le matin, puis les membres se séparent en comité le reste de la matinée. L’aprèsmidi, les membres se rejoignent au complet dans la Chambre. Le temps consacré aux débats dans
la Chambre est réduit au profit des rapports effectués par les présidents de comités. Les
parlementaires décident de déterminer une plage horaire durant laquelle les parlementaires
doivent être présents : entre sept et huit heures et jusqu’à midi. Par ailleurs, les conférences avec
la Chambre des Lords se développent et des règles strictes sont établies sur le nombre de délégués
parlementaires à envoyer. Ils doivent être le double des Lords désignés pour cette conférence. De
plus, les débats doivent êtres encadrés et ne doivent pas être arbitraires au sujet de l’ordre des
affaires pour la journée. Cependant, l’intérêt de ces conférences est à nuancer parce qu’elles se
soldent très souvent par un échec de compromis.
Progressivement, la coutume de la procédure législative devient un programme fixe que la
Chambre doit tenir. Une certaine sévérité est constatée en matière d’absentéisme. Si depuis le
règne d’Élisabeth Ire les parlementaires absents sans l’accord du Speaker doivent payer
systématiquement une amende – sanction imposée par la reine –, ce n’est plus le cas sous Jacques
Ier. Les parlementaires décident désormais eux-mêmes de l’amende infligée aux membres, même
pour ceux n’assistant qu’à une partie la journée. Il est difficile de savoir précisément quand ces
règles ont été établies, cependant, un Bill supporté par Wentworth est proposé en première
lecture le 4 mars 1607 – A bill for the better attendance of the Lower House –, puis lu une seconde fois
et envoyé en comité le 18 avril 1610. Lors des deux séances, on dénombre respectivement neuf et
douze absents sur la cinquantaine de membres devant être présents – ce qui est curieux dès lors
que les parlementaires sont volontaires pour assister aux comités et que le Bill vise justement à
réduire l’absentéisme. Ce Bill est très discuté par les Communes mais est finalement voté le 26
juin par 126 voix contre 106. Cependant, il est rejeté par les Lords351. On constate une progression
de l’assiduité des membres : en 1614, on dénombre 175 présents sur 475 membres, puis en 1621,
entre 357 et 380352 et enfin en 1624, 304 membres sur 489353.
350
W. Notestein, The winning of the initiative by the House of Commons, op. cit., p. 35.
C. R. Kyle, « It will be a scandal … », op. cit., p. 184.
352 W. M. Mitchell, The rise of the revolutionary party…, op. cit., p. 81.
353 Ibid., p. 94.
351
67
Partie II Chapitre I. Des parlementaires imprégnés du Common Law
Il convient également de souligner que les parlementaires siègent plus longtemps par
rapport aux Parlements des précédents souverains, ce qui montre un intérêt plus prononcé pour
les affaires traitées, en ce sens que les parlementaires essaient de conserver une mainmise sur les
affaires de l’État débattues au Parlement. Ainsi, le Parlement de 1604 a siégé 137 jours sur six ans,
tandis que le plus long Parlement d’Élisabeth Ire a siégé 119 jours sur dix ans354.
Les parlementaires ont bénéficié du mouvement des antiquaires pour innover dans leur
attitude face aux lois. D’éminents juristes, tels que Coke et Selden, ont profité de ce courant
d’idées nouvelles pour enrichir les débats à la Chambre. Leurs revendications ont ainsi acquis une
valeur certaine et un intérêt de la part des Anglais. Mais cette influence des antiquaires sur les
parlementaires est indissociable des motivations des common lawyers. En effet, les juristes de la
Chambre, séduits par ces méthodes historiques, ont vu en elles le moyen de rénover la Chambre
des Communes qui devient plus structurée et plus rationnelle. Ainsi, à la fin du règne de
Jacques Ier, il n’est pas sûr que la Chambre soit aussi désordonnée que le laissait présager le roi en
1614.
354
Ibid., p. 28.
68
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
Chapitre II.
Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
Les Communes revendiquent plus de libertés dans leur gestion de la procédure législative,
mais également vis-à-vis de toutes les affaires qui la concerne. Cette attitude s’inscrit dans un
mouvement de contestation générale qui fait émerger l’idée d’indépendance et d’autonomie. Cette
approche entraîne des conflits avec le roi, et ce indirectement. Les confrontations se font par le
biais de messages de la part des représentants du roi, ou de pétitions transmises par les
Communes, le roi ne prenant jamais la parole devant elles. Cette communication interposée est
mal perçue par les deux parties, qui voient dans chaque intervention un empiètement de l’autre
partie. Dans ce contexte, l’autonomie envisagée par les Communes est appréhendée par le roi
comme une rébellion, et les messages du roi invitant les Communes à débattre uniquement de
sujets déterminés sont appréhendés comme une ingérence du roi dans les affaires de la Chambre.
Le règne de Jacques Ier se caractérise ainsi par la contestation de prérogatives royales de Common
Law par les Communes (Section I), qui estiment que le roi cherche à diminuer leur rôle dans des
domaines touchant l’ensemble du royaume. Les conflits ont tendance à prendre rapidement une
grande ampleur, à cause de ce système de navette. Les parlementaires vont profiter des tensions
avec le pouvoir royal pour tenter de réaffirmer leur pouvoir de jugement (Section II).
Section I.
La contestation des prérogatives du roi
L’attitude rigide de Jacques Ier face aux Communes ne les empêche pas d’exprimer leurs
désaccords sur les différentes décisions royales. Pourtant, il cherche à justifier ses actions
juridiquement, à l’appui d’un raisonnement sérieux et rationnel – censé enlever le caractère
arbitraire de ses décisions. C’est principalement le cas de l’affaire Bate, au sujet de l’imposition du
commerce (Paragraphe I). L’objectif principal du roi est de trouver des techniques pour
augmenter les ressources du trésor public. Cependant, les Communes ne sont pas conviées à
intervenir dans l’établissement de ces argumentations et le roi use des Proclamations pour ne pas les
convoquer (Paragraphe II).
Paragraphe I.
La remise en cause de l’imposition du commerce
Le roi réitère une pratique utilisée par ses prédécesseurs qui consiste à profiter des impôts
comme source de revenus pour la royauté. Jacques Ier est confronté à des dettes colossales et doit
trouver des moyens pour y faire face. L’augmentation des impôts est une des solutions
appliquées. Mais, il va surtout chercher à profiter d’une affaire portée devant les juges de Common
Law – qui lui sont entièrement dévoués – pour assoir juridiquement sa prérogative en matière de
commerce (A). C’est sans compter sur les Communes qui refusent de reconnaître le jugement
rendu, parce qu’il implique la soumission du Common Law à la prérogative royale (B). Les common
lawyers décident alors de présenter leur propre conception de la prérogative du roi. Cela permet à
la Chambre de prendre le pas sur celle défendue par le roi et ses partisans.
69
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
A. L’affaire Bate contre une pratique royale largement éprouvée
Les impôts levés par les ports sur certains biens sont considérés en Angleterre comme une
douane supplémentaire. L’objectif premier est de réguler le commerce, il s’agit donc d’un impôt
occasionnel qui n’a pas pour but de donner des fonds pour l’État. Quant aux douanes ordinaires,
elles sont appréhendées comme le fruit de négociations entre le roi et le Parlement355. La taxation
des étrangers, elle, a toujours été une prérogative royale. Jacques Ier reprend la politique instaurée
par la loi de 1535 d’Henri VIII356, puis reprise par Marie Ire et Élisabeth Ire, qui consiste à
posséder entièrement la régulation du commerce dans leurs mains. Les deux souveraines ne
procèdent pas par le vote de lois, mais par Proclamation pour réguler les impôts sur les
marchandises, dans le but de protéger le commerce anglais. Jacques Ier n’a ainsi aucune raison de
penser qu’il ne possède pas le pouvoir de lever ces impôts. Mais il va au-delà de la pratique de ses
prédécesseurs, en décidant de les augmenter pour renflouer les ressources de la Couronne. En
1606, un nouveau droit de douane de cinq shillings est appliqué sur l’importation de raisins,
s’ajoutant à une autre taxe de deux shillings. John Bate, un marchand de la Compagnie du Levant,
refuse de payer cette taxe en affirmant que le roi n’a pas le droit de l’imposer. La Cour de
l’Échiquier est alors saisie et doit s’interroger sur la légalité de cette taxe. Est-elle illégale dès lors
qu’elle n’a pas été approuvée par le Parlement357 ? Jacques Ier décide d’en profiter pour affirmer sa
prérogative en la matière. Le roi demande l’avis du Chief Baron Fleming, auquel les juges de la
Cour de L’Échiquier se rallient. Coke et trois autres juges confirment ce jugement. La décision
rendue est en faveur du roi. Le juge Fleming précise :
« No exportation or importation can be but at the King’s ports, they are the gates of the King, and he hath
absolute power by them to include or exclude whom he shall please »358.
L’argument royal consiste dans le fait que les ports du royaume appartiennent au roi et qu’il a
ainsi la possibilité de réguler le commerce. L’imposition des marchandises relève donc de la
prérogative royale. Plus encore, la décision fait la distinction entre les deux prérogatives du roi.
D’un côté, il existe la prérogative ordinaire qui s’exerce au profit des sujets, dans les cours de
justice par exemple. Cette prérogative est dénommée jus privatum et en encadrée par le Common
Law. Les lois en émanant ne peuvent être modifiées qu’avec le consentement du Parlement. D’un
autre côté, il existe la prérogative absolue, qui ne peut pas être exercée dans l’intérêt privé de
sujets, mais uniquement dans l’intérêt général. Elle n’est en aucun cas soumise au Common Law et
relève uniquement de la discrétion du Prince. Cette prérogative s’exerce ainsi dans le cadre des
affaires d’État, auxquelles le juge Fleming assimile le commerce et les affaires avec l’étranger,
tributaires de la paix et de la guerre.
En réalité, Fleming ne se rallie qu’à la théorie de Bacon sur la prérogative royale, affirmée
quelques années auparavant :
355
J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 243.
A Provision for the Merchants of the Stylyard (26 Henry VIII, c. 10).
357 I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit., p. 83.
358 Statutes of the Realm; in J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 63.
356
70
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
« […] in the King’s prerogative there is a double power. One which is delegate to his ordinary judges in
Chancery or Common Law; another which is inherent in his own person, whereby he is the supreme judge both in
Parliament and all other Courts »359.
Bacon conçoit la prérogative royale comme une délégation de pouvoir accordée par le roi luimême. Cette théorie est donc appliquée aux impôts. L’argumentation semble solide, dès lors que
Jacques Ier estime agir dans l’intérêt du commerce anglais. Cette affaire lui permet d’étendre
juridiquement sa prérogative en matière d’impôts. Il publie ainsi un Livre des Taxes en 1608360,
qui augmente considérablement les taxes sur de nombreux produits importés, ce qui permet au
trésor public de bénéficier d’environ 70 000£ supplémentaires cette année-là361. Car en effet, la
raison principale de ces taxes est de vouloir augmenter les fonds publics. Le roi est fier de
l’affirmation de sa nouvelle prérogative et n’hésite pas à le faire savoir. Lors de la commission du
28 juillet 1608, autorisant la levée d’impôts, il affirme :
« […] this special power and prerogative hath both by men of understanding in all ages and by the laws of
all nations been yielded and acknowledged to be proper and inherent in the persons of princes, that they may
according to their several occasions raise to themselves such fit and competent means by levying of customs and
impositions upon merchandises transported out or their kingdoms »362.
Le roi estime ainsi que cette prérogative lui est dévolue, d’autant plus que ses prédécesseurs l’ont
utilisée sans qu’il n’y ait de contestations. D’ailleurs, Coke approuve la décision de Fleming, parce
que selon lui cette prérogative est soumise à une condition de progrès du commerce et doit agir
dans son intérêt363.
Malheureusement, nous l’avons vu, l’objectif principal du roi n’était pas la régulation du
commerce mais l’enrichissement des fonds publics, à travers des revenus réguliers. Le
mécontentement des marchands augmente et mène les Communes à décider de débattre des
impôts lors de la session de 1610364.
B. Le rejet du jugement par les Communes
Alors que le roi doit faire face à des difficultés financières, le Parlement est chargé de
statuer sur les nécessités royales. Malgré l’augmentation des impôts, le déficit du trésor reste élevé
– 300 000£ – et les Communes ne reconnaissent pas la décision de l’affaire Bate. Mais le roi, par
un message envoyé au Speaker le 11 mai 1610, demande à la Chambre de ne pas discuter la
prérogative royale d’imposer les marchandises importées ou exportées365. De violentes
contestations s’expriment alors aux Communes qui décident d’écrire une pétition le 23 mai 1610.
Ils y revendiquent leur ancien droit de débattre librement d’affaires concernant les sujets anglais
359
J. Spedding, The work of Francis Bacon, Londres, Longmans, 1868, vol. 10, p. 373.
Ou encore Book of Rates.
361 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 244.
362 G. W. Prothero, Select statutes and other constitutional documents illustrative of the reigns of Elizabeth and James I, Oxford, At
the Clarendon Press, 1913, p. 354.
363 J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 166.
364 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 244.
365 G. W. Prothero, Select statutes and other constitutional documents…, op. cit., p. 296.
360
71
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
et leurs droits366. Face à ces contestations, le roi cède. Un grand débat sur les impôts s’ouvre aux
Communes. L’intervention la plus significative est celle de Whitelocke, le 29 juin, dans laquelle il
reprend la distinction faite par les juges de Commom Law. Il affirme :
« The sovereign power is agreed to be in the King: but in the King is a twofold power – the one in
Parliament, as he is assisted with the consent of the whole State; the other out of Parliament, as he is sole and
singular, guided merely by his own will. And of these two powers of the King, one is greater than the other and can
direct and control the other, that is suprema potestas, the sovereign power, and the other is subordinata. It will be
easily proved that the power of the King in Parliament is greater than his power out of Parliament »367.
La théorie décrite par Whitelocke, lui-même juge, s’inscrit dans une volonté de replacer le
Parlement au cœur des institutions du royaume. La référence aux idées de Sir Thomas Smith368
est indubitable et vise essentiellement à relativiser la décision rendue avec l’affaire Bate. Un
élément caractéristique est à souligner : mise à part la distinction entre les deux prérogatives, l’une
est supérieure à l’autre et la contrôle, ce qui n’est évidemment pas le cas dans le jugement rendu
par Fleming. L’objectif des Communes est de limiter la prérogative royale, en faisant en sorte que
le roi leur soit tributaire, mais aussi de retrouver un statut légitime au sein des institutions.
Jacques Ier ne reconnaît en aucun cas cette théorie et s’en tient à la décision de Fleming. Sa
conception de la prérogative reste principalement celle de la prérogative absolue.
Par ailleurs, Whitelocke précise que le roi ne peut pas altérer la loi par une éventuelle
intervention, ce qui implique une indépendance de la Statute Law, mais également du Common Law.
Ainsi, il soutient que lorsque le roi impose seul, par sa prérogative, il affecte les lois du royaume et
porte atteinte aux droits de ses sujets en ne consultant pas le Parlement. Le débat a donc basculé
progressivement vers les libertés des sujets, représentés aux Communes. De plus, il est réitéré que
le roi doit vivre de ses propres ressources et doit venir devant le Parlement pour avoir plus de
fonds si les impôts ne sont pas suffisants. Les parlementaires estiment qu’il n’y a que deux
manières de lever des taxes : par le Common Law et par la Statute Law. Une autre pétition est
rédigée, le 7 juillet 1610, dans laquelle les Communes font une requête :
« […] that all Impositions set without the Assent of Parliament may be quite abolished and taken away:
And that your Majesty, in imitation likewise of your noble Progenitors, will be pleased, That a Law may be made
during this Session of Parliament, to declare, That all Impositions set or to be set upon your People, their Goods or
Merchandises, save only by common Assent in Parliament, are and shall be void […] »369.
Les Communes tentent d’interdire au roi la possibilité d’imposer arbitrairement. Après des
tractations entre les deux parties, elles conviennent d’un compromis. Jacques Ier s’engage à
remettre la part la plus pesante des impôts et les Communes acceptent de lui accorder le reste à la
condition qu’il déclare illégales les futures levées d’impôts sans le consentement du Parlement,
par le biais d’une loi370. Le pacte est très intéressant pour les Communes, qui vont avoir une
366
Common’s Journals, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 246.
Statutes of the realm, in J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., p. 70.
368 Cf. supra, p. 2.
369 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 323.
370 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 245.
367
72
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
justification légale de leur prérogative en matière d’impôts, mais également pour le roi qui se voit
malgré tout accorder les sommes pour remplir les caisses de l’État. Malheureusement, d’autres
conflits émergent entre le roi et les Communes, ce qui le conduit à dissoudre le Parlement le 9
février 1611, avant que la loi ne soit votée371. La question des impôts est à nouveau soulevée lors
du Parlement de 1614, avec Sandys. Il affirme le 21 mai :
« […] that the King of France and the rest of the imposing princes do also make laws that will in a short
time bring all to a tyrannical course where confusion both to prince and people, death of the last great imposing
prince […] »372.
Les propos sont violents et ne manquent pas de faire emprisonner Sandys dès la fin de la session.
La comparaison montre les tensions qui peuvent exister à la Chambre, d’autant plus que d’autres
parlementaires tels que Thomas Roe ou Digges ont également des propos similaires373. Un Bill est
rédigé pour mettre fin aux impôts mais il est refusé par les Lords.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’avis de Coke sur l’affaire Bate a changé, et ce
après son adhésion à l’opposition parlementaire. Il estime que le roi n’a pas le droit d’utiliser sa
prérogative pour réguler le commerce en Angleterre. Dans le second volume de ses Institutes,
rédigé en 1628, il affirme :
« A judgement was given in the exchequer, for an imposition set upon currants, but the common opinion
was, that the judgement was against law, and divers expresse acts of Parliament. »374.
Suite à cette affaire, et à la rédaction du Livre des taxes, Coke dénie au roi toute faculté d’imposer
sans le consentement des Communes375. D’autres auteurs sont du même avis, notamment
Sir Walter Raleigh. En 1615, il publie un ouvrage intitulé The Prerogative of Parliaments. Il s’agit
d’une discussion entre un conseiller d’État et un juge de paix. Il affirme que lorsque les impôts
sont levés par le Parlement, ils le sont par une autorité de droit et que toutes contestations
éventuelles s’arrêtent376. Cependant, le roi persiste à augmenter les impôts – malgré les
convocations du Parlement pour qu’il lui octroie des fonds. Le roi doit donc chercher d’autres
moyens pour augmenter ses finances.
Paragraphe II.
L’utilisation excessive des Proclamations
Face à un Parlement peu docile, Jacques Ier utilise les prérogatives coutumières de Common
Law pour faire entrer des fonds dans les caisses du royaume. Les Proclamations en font parties et
sont dévolues au roi par la Couronne d’Angleterre377. Ce sont des actes – édits ou ordonnances –
émis par le roi seul ou en Conseil, mais surtout sans consulter le Parlement. Certes, il s’agit de
371
Ibid., p. 245.
M. Jansson, Proceedings in Parliament 1614 (House of Commons), Philadelphia, American Philosophical Society, 1988,
p. 312.
373 Ibid., p. 312.
374 E. Coke, The Second Part of the Institutes of the Laws of England, Londres, Bell-Yard, 1777, p. 63.
375 J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 167.
376 W. Raleigh, The Prerogative of Parliaments in England: proued in a dialogue (pro & contra) between a councellour of state and a
iustice of peace, Midelburge, Early English Books Online Editions, 1628, p. 58.
377 R. H. Fritze (dir.), Historical dictionary of Stuart England, 1603 1689, Londres, Greenwood Press, 1996, p. 430.
372
73
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
mesures pouvant pallier l’absence de Parlement, mais la pratique des Tudors ne visait en aucun
cas à légiférer dans des matières où les parlementaires n’avaient pas donné leur accord en
session (A). Les Communes considèrent donc que le roi leur enlève une partie de leur fonction
législative. Cette pratique provoque inévitablement un mécontentement. Dès lors, il semble utile
de clarifier le statut des Proclamations, et une affaire éclatant en Common Law en 1610 permet de
répondre aux attentes des parlementaires (B).
A. Un moyen affiché de contourner les Communes
Jacques Ier se fonde sur des pratiques antérieures pour justifier son recours aux
Proclamations. Henri VIII leur avait donné une valeur statutaire par une loi de 1539378, abrogée en
1547. Privés de cette valeur, cela n’a cependant pas empêché les souverains suivants de continuer
à utiliser cette prérogative dans de nombreux domaines, que ce soit pour réguler le commerce,
convoquer et dissoudre le Parlement ou encore faire arrêter une personne. Cette pratique était
acceptée, tant qu’il ne s’agissait pas d’un moyen pour contourner le Parlement. De plus, les
souverains Tudors ont eu pour habitude d’introduire en contrepartie les grandes réformes et les
projets importants au Parlement, ce qui pouvait être accepté comme un compromis tant que cette
prérogative était utilisée de manière avisée379. La pratique des Proclamations, coutume – ou bon
sens – ainsi établie sous les Tudors, avait laissé entendre que le Parlement devait les confirmer
afin qu’elles entrent en vigueur, mais surtout afin qu’elles n’entrent pas en contradictions avec les
lois du royaume. Jacques Ier ne fait que la reprendre, mais a tendance à augmenter leur nombre
sans pour autant en référer au Parlement. D’autant plus que les Proclamations, pour entrer en
vigueur, doivent être soumises au contrôle de la Star Chamber – c'est-à-dire une Prerogative Court.
L’utilisation accrue de ce type d’actes s’explique en raison du conflit qui oppose le roi et les
Communes et l’impossibilité pour Jacques Ier de légiférer comme il le souhaite au Parlement.
Ainsi, l’ouvrage de J. F. Larkin et P. L. Hughes Stuart Proclamations, recense 271 Proclamations de
1603 à 1625380. En comparaison, Élisabeth Ire a émis 254 Proclamations de 1558 à 1601. Leur
nombre est ainsi nettement supérieur si l’on se rapporte au nombre d’années au pouvoir. Face à
cette situation, les Communes décident, entre autres revendications, d’envoyer une pétition le 7
juillet 1610. Elles y affirment :
« […] nevertheless, it is apparent, both that Proclamations have been of late Years much more frequent
than heretofore, and that they extended, not only to the Liberty, but also to the Goods, Inheritances, and
Livelihood of Men; some of them tending to alter some Points of the Law, and make them new […] »381.
Le roi essaie de se passer des Communes, et intervient par Proclamations dans de nombreux
domaines qui les concernent. Elles y voient donc une menace, raison pour laquelle elles décident
d’en référer au roi. Pour elles, toute Proclamation qui affecte les libertés et la propriété des sujets
378
An Act that Proclamations made by the King's Highness, with the Advice of His Honourable Council, shall be obeyed and kept as
though they were made by Act of Parliament (31 Henry VIII, c. 8).
379 W. S. Holdsworth, A History of English Law, op. cit., p. 31.
380 J. F. Larkin, P. L. Hughes, Stuart Royal Proclamations…, op. cit.
381 W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 327.
74
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
est néfaste. La Chambre critique la création de nouveaux délits pénaux inconnus en Common Law
et en Statute Law. Encore une fois, les Communes ont peur que ces actes acquièrent autant de
force que la législation. Les common lawyers estiment qu’il appartient au Parlement de faire des lois
et au roi de les exécuter. La pétition liste sept cas382 selon lesquels un usage abusif aurait été noté
par Jacques Ier, argumentés par des exemples.
On constate ainsi que les Proclamations jugées contraires à la loi sont celles faites juste après
le Parlement, sur des sujets rejetés en session – par exemple : « I March, 2 Jac. fol. 112. A
Proclamation for building with Brick, after a Bill to that end rejected » – ou encore celles accompagnées de
pénalités alors que les Communes sont tenues de légiférer en matière pénale – par exemple : « 18
January, 2 Jac. fol. 72. Ten days Imprisonment, and standing in the Pillory ». Elles souhaitent surtout
savoir si la façon dont le roi utilise sa prérogative est légale, conforme au Common Law. Ces débats
reflètent la peur des parlementaires de voir l’Angleterre changer et devenir une tyrannie383.
B. La clarification du statut des Proclamations par le Common Law
Avant de répondre aux Communes, le roi entreprend de consulter les juges. Une affaire,
dénommée l’affaire des Proclamations, est introduite à ce propos. La commission, composée de
trois juges, doit statuer sur le fait de savoir s’il peut interdire la construction de nouveaux
bâtiments dans Londres par une Proclamation, et s’il peut également interdire la fabrication
d’amidon de blé. Leur décision, rendue le 26 octobre 1610, et retranscrite dans le douzième
volume des Reports, se rallie à l’opinion de Coke. Ils estiment ainsi :
« […] the King cannot change any part of the Common Law, nor create any Offence by his Proclamation,
which was not an Offence before, without Parliament. »384.
Cette décision émet donc des limitations quant à l’exercice de la prérogative royale. Elle ne doit
pas porter atteinte au Common Law, à la Statute Law ni aux coutumes du royaume. Il est également
décidé que seuls une amende ou un emprisonnement peuvent être appliqués pour quiconque
enfreindrait une Proclamation – il n’y a ainsi pas de peine corporelle. La Proclamation ne peut pas
non plus être utilisée pour confisquer les propriétés des sujets385. Il est également affirmé :
« […] that the King hath no prerogative but that which the law of the land allows him […] »386.
Il est ainsi confirmé que la prérogative du roi s’exerce conformément au droit établi par le roi, ses
prédécesseurs, les cours du royaume et le Parlement.
382 Ibid., pp. 328-329. Cette liste porte le titre suivant : « A catalogue of Some of the Proclamations complained of ». Les sept
cas sont les suivants : Proclamation importing Alteration of some Points of the Law and making new ; A Proclamation made shortly
after Parliament, for Matter directly rejected the precedent session ; Proclamation touching the Freehold Livelthood of Men ;
Proclamations, referring Punishment to be done by Justices of the Peace, Mayors, Bailiffs, Constables, and other Officers, or seizure by
Persons who have no authority to enquire, hear and determine of those offences ; Proclamation penned with Penalties, in form and Penal
Statutes ; Punishment of Offenders in Courts of Arbitrary Discretion, as Star Chamber ; Former Proclamations become Precedents, and
vouched in latter Proclamations.
383 S. R. Gardiner, Parliamentary debates in 1610, op. cit., p. 139. Hakewill affirme le 21 novembre 1610 : « […] But wee
live in a happier state; but that commonwealth is best which is framed for all tymes […] ».
384 E. Coke, Reports, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 38.
385 R. H. Fritze (dir.), Historical dictionary of Stuart England, 1603 1689, op. cit., p. 430.
386 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 187.
75
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
S’il semble que cette résolution a eu peu d’impacts en 1610, elle est néanmoins acceptée par
beaucoup de personnes. Cette décision, qui s’inscrit dans la conception de la Constitution
anglaise au début du XVIIe siècle, permet d’affirmer une suprématie législative qui est confirmée
par des juges de Common Law. Cela lui donne une valeur indéniable. Mais le roi ne reconnaît pas
les limites faites à sa prérogative387. Quelques mois auparavant, lors d’un discours le 23 juillet
1610, il déclare :
« Although we know well that, by the Constitution of the frame and policy of this kingdom proclamations
are not of equal force and in like degree as laws; yet nevertheless, we think it a duty appertaining to us and
inseparably annexed to our Crown and regal authority to restrain and prevent such mischiefs and inconveniences as
we see growing in the Common weal […] » 388.
Jacques Ier estime en conséquence que les Proclamations font partie de son autorité régalienne et
qu’elles n’ont pas à être discutées. Ce sujet sensible est réintroduit devant les Communes en 1614
par Sandys. En 1621, les parlementaires cherchent des précédents pour empêcher l’altération du
droit par le roi – Coke affirme alors sa préférence : « to rather live under severe laws than under any
man’s discretion »389. La Chambre procède également à des débats en 1624. Cela se solde à chaque
fois par un échec.
Finalement, le roi use davantage de Proclamations en raison des Parlements infructueux en
matière législative. Les résultats sont donc décevants parce qu’ils n’ont rien établi durablement –
la décision rendue par les juges n’étant qu’un avis, donc à titre informatif – mais il s’agit d’une
étape significative vers l’affirmation des droits et des libertés en Angleterre.
Section II. La réaffirmation du pouvoir de jugement aux Communes
Les Communes ont une attitude à la fois conservatrice et à la fois offensive face au roi. Il
s’agit de pouvoir conserver ses compétences et ses droits qui ont été confirmés par les règnes
précédents, mais en même temps, elles aspirent à davantage d’autonomie. Finalement, le caractère
autoritaire du règne de Jacques Ier mène la Chambre à ne plus vouloir que le roi s’immisce dans sa
façon de régler les conflits. Cette conception s’exprime dans la volonté de s’arroger des
contentieux impliquant directement ses membres (Paragraphe I), mais va au-delà. L’Impeachment
contre le principal ministre du roi donne la preuve de cette émancipation (Paragraphe II), qui
dépasse le simple aspect protecteur de ses droits. Les Communes s’estiment concernées par
toutes les affaires du royaume, dont les affaires de corruption contre les agents de l’État.
Paragraphe I.
La volonté de s’arroger des contentieux
L’exercice du pouvoir par Jacques Ier peut être qualifié d’autoritaire, surtout si on s’intéresse
aux séjours des parlementaires à la Tour de Londres. Des contentieux ont lieu par exemple au
387
W. S. Holdsworth, A History of English Law, op. cit., p. 31.
E. S. Cope, « Sir Edward Coke and Proclamations, 1610 », The American Journal of Legal History, vol. 15, 1971,
p. 219.
389 W. Notestein, Commons Debates, 1621, New Haven, Oxford University Press, 1935, vol. 1, p. 257.
388
76
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
sujet des élections. Malgré les tentatives du roi de réglementer la présence de membres
« honorables » aux Communes, ces dernières s’indignent de la manière dont les contestations des
résultats sont traitées par la Chancellerie. Elles estiment qu’elles sont les premières concernées et
qu’il leur revient de juger seules ces contentieux (A). Les élections ne sont pas le seul domaine de
discorde entre le roi et les parlementaires. Jacques Ier ne comprend pas qu’ils s’obstinent malgré
ses directives en matière de débats, ce qui le pousse à faire enfermer les parlementaires les plus
vindicatifs. Encore une fois, la Chambre voudrait gérer seule les atteintes aux libertés
« physiques » de ses membres (B).
A. Les contentieux électoraux : une victoire progressive
Jacques Ier convoque le Parlement en 1604, et dans ce but, émet une Proclamation le 11
janvier 1604390 pour réglementer la sélection des candidats à l’élection des Communes, mais
également pour régir les éventuelles contestations qui peuvent avoir lieu ensuite. Ce document
précise ainsi que les personnes corrompues, en faillite ou hors-la-loi ne peuvent être élues. De
plus, il y est inscrit que les certificats des chevaliers, citoyens et bourgeois, doivent être enregistrés
auprès de la Chancellerie391, de même que les résultats des élections. Le roi détermine ainsi la
qualité des membres devant être élus à la Chambre. Cependant, une affaire éclate lors de
l’élection du Parlement de 1604. Sir John Fortescue, conseiller privé, est battu par Sir Francis
Goodwin, chevalier. Mais l’élection de Goodwin est annulée par la Cour de la Chancellerie qui
déclare la nomination du candidat illégale en raison de dettes impayées392. Fortescue prend sa
place aux Communes. Étant en désaccord avec cette décision, les parlementaires décident d’en
débattre dès le 22 mars 1604. Plusieurs aspects sont en jeu : la compétence de la Chambre en
matière de contentieux électoraux, la possibilité de déterminer quelles sont les personnes pouvant
être élues, ou encore l’enregistrement des certificats devant les Communes et non devant la
Chancellerie.
L’argumentation se fonde sur une affaire de 1593, qui avait admis que le comité sur les
élections examine les résultats électoraux393. Le 23 mars 1604, le Speaker demande aux Communes
si Goodwin doit être légitimement réintégré et retourner siéger en tant que membre pour le
Buckinghamshire. Elles répondent par l’affirmative et décident que Goodwin a été élu de droit. Il
retourne donc siéger après avoir pris le serment de suprématie. Cependant, en agissant de la sorte,
les Communes tombent dans l’illégalité, car elles vont à l’encontre de la Proclamation royale. En
réponse, le roi leur envoie le 29 mars un message, qui précise :
390
Proclamation concerning the choice of knights and burgesses for the parliament, in J. R. Tanner, Constitutional documents…,
op. cit., pp. 280-281.
391 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 281.
392 E. N. Lindquist, « The case of Sir Francis Goodwin », English Historical Review, Washington, Longman, n° 104,
juillet 1989, p. 672. L’auteur estime que Goodwin avait payé ses dettes bien avant les élections, qui ne peuvent donc
pas être contestées.
393 J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., pp. 151-152.
77
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
« […] that he had no purpose to impeach their privileges, but since they derived all matters of privilege from
him and by his grant, he expected they should not be turned against him »394.
Le roi réitère sa conception d’une Chambre des Communes qui lui est soumise et considère cette
réaction comme une tentative d’opposition à son autorité. Il affirme également que la Chambre
n’a pas à connaître de retours sur la contestation des élections et que c’est à la Chancellerie de
siéger. Pour justifier son argumentation, le roi cite un précédent, « 35 H. 6 », qui justifie
l’exclusion d’un membre de la Chambre si celui-ci est « outlawry ». Or, aucune loi n’a été votée la
trente-cinquième année du règne d’Henri VI, ce qui rend cette argumentation très discutable.
Jacques Ier souhaite également que les Communes se réunissent avec les juges pour débattre de
cette affaire. La Chambre se réunit alors le 3 avril, dans le but de donner une réponse au roi.
Plusieurs objections sont faites, dont le pouvoir d’examiner les retours sur les élections des
bourgeois et des chevaliers. Les prérogatives de la Cour de la Chancellerie sont très contestées au
Parlement395. Coke, alors procureur général de sa Majesté, commente cette affaire dans ses
Institutes en déclarant :
« All the justices of England and barons of the exchequer are assistants to the lords to inform them of the
common law, and there unto are called severally by a writ. Neither doth it belong to them […] to judge of any law,
customes, or privileges of the parliament »396.
Les compétences des différentes institutions sont ainsi remises en cause et la Chancellerie est la
première visée. Pour justifier leurs dires, les Communes citent à plusieurs reprises un précédent,
« 7 Hen. IV »397, qui précise que tous les writs étaient retournés à la Chambre jusqu’en 1406, date à
laquelle le contentieux est transmis à la Chancellerie. Selon les parlementaires, cette loi aurait
également été confirmée par de nombreux statuts. Les Communes ont donc déjà été juges de
leurs élections dans le passé et comptent bien retrouver cette compétence. Ce précédent est
également repris par le roi pour montrer que le contentieux a été retiré des Communes. Ces
dernières affirment que si les retours sur les élections sont analysés par la Chancellerie, et donc
par le Chancelier lui-même, il y a un risque que les membres soient finalement choisis
conformément aux préférences ou exigences du pouvoir royal. La relative autonomie des
Communes se verrait encore plus mise à mal398. Par ailleurs, la Chambre souligne que depuis le
règne d’Élisabeth Ire, un comité spécial ayant pour objet d’examiner les résultats des élections est
nommé au début de chaque Parlement.
Suite à ces débats, le roi transmet un message au Speaker le 5 avril, dans lequel il est précisé :
« Therefore, for his further satisfaction, he desired and commanded, as an absolute king, that there might be
a conference between the House and the Judges »399.
394
Commons’ Journals, vol. 1, in G. W. Prothero, Select statutes and other constitutional…, op. cit., p. 326.
La bataille des cours de Common Law et du Parlement contre cette cour peut être assimilée à la bataille de Coke
contre Lord Ellesmere.
396 E. Coke, The Fourth Part of the Institutes…, op. cit., pp. 49-50.
397 The manner of the election of knights of shires for the parl (7 Henry IV, c. 15).
398 C. Russell, The crisis of parliaments…, op. cit., p. 267.
399 Commons’ Journals, vol. 1, in G. W. Prothero, Select statutes and other constitutional documents…, op. cit., p. 330.
395
78
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
Le roi est excédé par l’attitude des Communes, et sa réponse provoque la stupéfaction des
membres qui la comparent à la « foudre » ou encore au « rugissement d’un lion »400. Les
parlementaires sont confus et acceptent finalement de désigner des délégués pour siéger à la
conférence avec les juges. Persistant dans leurs revendications, les Communes font état de ces
dysfonctionnements électoraux dans l’Apology de 1604. Ils affirment :
« We avouch that the House of Commons is the sole proper Judge of Return of all such Writs and of the
Election of all such Members as belong to it, without which the Freedom of Election were not entire […] »401.
La Chambre estime qu’il existe une « liberté d’élection » au Parlement et que cette liberté n’est pas
totalement satisfaite si elle ne demeure pas le seul juge des élections de ses membres. Les
Communes, fiers d’être issues du choix de la nation, revendiquent ce statut et n’hésitent pas à
critiquer sévèrement tout rôle que pourrait tenir la Chancellerie en matière de contestations
d’élections402.
Le 11 avril, Bacon reporte à la Chambre que le roi ne souhaite pas remettre en question ses
privilèges, et considère que ni Fortescue ni Goodwin n’y ont leur place. Un compromis est alors
trouvé pour que de nouveaux writs soient délivrés et que l’on procède à une nouvelle élection
dans le Buckinghamshire. En matière constitutionnelle, ce compromis est intéressant car, en
échange d’une nouvelle élection, le roi reconnaît la revendication des Communes d’être une Court
of record et d’être un juge pour toutes les affaires relatives aux résultats de ses élections. Malgré
cette avancée, Coke va plus loin en estimant que les élections doivent se faire au suffrage
universel des hommes libres403.
Cette affaire permet à la Chambre de s’affirmer en tant que juridiction sur ses propres
membres, et cela au détriment de la Cour de Chancellerie, qui se voit retirer une de ses
compétences. L’impact constitutionnel est significatif. Cependant, cette décision n’entre pas dans
les mœurs facilement. En effet, lors du Parlement suivant, en 1614, Sir Robert Phelips – le
candidat malheureux du Somerset – demande à la Chancellerie d’empêcher ses opposants de
retourner au Parlement au lieu de s’adresser à la Chambre des Communes 404. Face aux pressions
de son père, actuel Speaker, il abandonne sa requête405. Ce n’est qu’en 1621 que cette décision est
définitivement ancrée. Dans le Journal des Communes de 1621, est annexé un Book of Orders406
avec les décisions des Communes en matière de contestations de résultats électoraux. Les
candidats aux élections se tournent désormais systématiquement vers les Communes pour régler
leurs contentieux, et c’est plus précisément le comité des privilèges qui s’en occupe – et non la
400Ibid.,
p. 330.
W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 231.
402 Ibid., p. 231. Les Communes critiquent la Chancellerie : « […] And that the Chancery, though a standing Court under your
Majesty, be to send out those Writs, and receive the Returns, and to preserve them, yet the same is done only for the Use of the
Parliament: Over which neither the Chancery, nor any other Court, ever had, or ought to have, any manner of jurisdiction ».
403 J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 145.
404 D. Hirst, « Elections and the privileges of the House of Commons in the early seventeenth century: confrontation
or compromise ? », The Historical Journal, vol. 18, 1975, p. 854.
405 Cette défaite est due aux manœuvres de son adversaire John Poulett. Cependant, si Sir Robert Phelips perd
l’élection du comté de Somerset, il accède malgré tout à la Chambre des Communes en se faisant élire pour le bourg
de Saltash.
406 W. Notestein, Commons Debates, 1621, New Haven, Oxford University Press, 1935, vol. 6, pp. 341-482.
401
79
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
Chancellerie407. Mais d’autres contentieux préoccupent les Communes, notamment ceux relatifs
aux libertés de ses membres.
B. Les contentieux relatifs aux libertés : des privilèges malmenés
Trois libertés majeures sont attribuées aux parlementaires et reconnues par le pouvoir
royal : la liberté de parole, la liberté de débat et l’immunité contre l’emprisonnement des
membres. Sous Jacques Ier, la mise en place d’un gouvernement absolu se manifeste lorsque les
parlementaires excèdent leur liberté de parole au Parlement et se font par conséquent
emprisonnés à la Tour, comme par exemple en 1614 et en 1621, – avec pour motif d’avoir voulu
traiter de sujets sensibles que le roi n’avait pas acceptés. En effet, suite à la Proclamation interdisant
aux membres de débattre de politique étrangère, plusieurs membres de l’opposition sont
emprisonnés, dont Coke et Phelips408. La liberté de parole est ainsi très encadrée, et le roi s’estime
être la seule personne compétente pour faire emprisonner les parlementaires rebelles. En
réponse, la Protestation fait état de la volonté pour les Communes de juger elle-même ses
parlementaires :
« […] every Member of the said House hath like freedom from all impeachment, imprisonment and
molestation […] for or concerning any speaking, reasoning or declaring of any matter or matters touching the
Parliament or Parliament business; and that if any of the said members be complained of and questioned for
anything done in Parliament, the same is to be showed to the King by the advice and assent of all the Commons
assembled in Parliament before the King give credence to any private information »409.
Il en résulte que chaque parlementaire a une immunité contre tout emprisonnement, s’il est
accusé d’avoir excéder sa parole. Les Communes décident elles-mêmes de le présenter ou non au
roi. Elles ont donc un rôle essentiel dans la punition des membres et le roi ne doit pas agir sans
consultation préalable. Elles considèrent que le comité sur les privilèges doit décider de cet
emprisonnement. En effet, elles possèdent déjà la possibilité de faire emprisonner un de ses
membres si celui-ci a des propos ou un comportement outrageant envers un autre membre. Cette
requête s’inscrit dans une perspective d’indépendance de la Chambre. Bien sûr, si l’impact de la
pétition est conséquent, il ne s’agit pas d’un document agréé par Jacques Ier. Par ailleurs, le 23
novembre 1622, lors des débats aux Communes, Alford prend la parole sur les libertés en
estimant que toute personne qui intervient aux Communes conformément à sa conscience ne
devrait pas risquer un emprisonnement de la part du roi410.
Si les libertés de parole et de débat peuvent être regroupées en une seule et font l’objet de
conflits entre le roi et les Communes tout au long du règne de Jacques Ier, l’immunité contre
l’emprisonnement des membres est définitivement fixée en 1604. Elle avait déjà été confirmée
407
J. Redlich, The procedure of the House of Commons, vol. 1, op. cit., p. 48.
A Proclamation against the Lavish and Licentious Speech of Matters of State, Whitehall, 24 décembre 1620, in L. F. Larkin,
Stuart Royal Proclamations…, op. cit., pp. 495-496.
409 Rushworth, in J. P. Kenyon, The Stuart Constitution…, op. cit., pp. 47-48.
410 W. Notestein, Commons Debates, 1621, vol. 2, op. cit., p. 441 : « […] Nor that any for speaking his mind freely here for his
country’s good should have the Tower gape for him ».
408
80
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
par Élisabeth Ire, en ce sens qu’il appartenait aux Communes de faire libérer leurs membres au
moyen de leurs propres officiers et ce, sans interférence du pouvoir royal ni des cours de droit.
Mais, lors du premier Parlement de Jacques Ier, cette liberté est violée dans une affaire touchant
Sir Thomas Shirley. Ce chevalier est emprisonné, avant la session parlementaire, pour une dette
impayée après son élection aux Communes. Or en principe, les parlementaires bénéficient d’une
immunité lorsqu’ils sont au Parlement. Certes, Shirley a été arrêté avant que le Parlement ne se
réunisse, toutefois l’élection fait courir le délai de cette immunité. Suite à cet emprisonnement, les
Communes convoquent William Watkins, le Warden of the Fleet – gardien de la prison – pour qu’il
libère le parlementaire. Cette demande est rejetée par le gardien lui-même, qui a peur d’être
redevable de la dette due par le débiteur. Les Communes émettent plusieurs demandes, sans
succès. Le créancier, Giles Simpson, est emprisonné par la Chambre ainsi que l’huissier qui a
procédé à cette arrestation illégale. Watkins demande alors une garantie aux Communes pour
qu’il ne soit pas inquiété en cas de libération de Shirley. Il est introduit un Bill spécial, destiné à
protéger le Warden of the Fleet de toute responsabilité envers les débiteurs libérés. Watkins souhaite
faire sortir Shirley uniquement après le vote du Bill, et ce refus lui vaut d’être également
emprisonné. En conséquence, après accord des Lords, les Communes font promulguer deux lois,
un Public et un Private Act. La première loi411 fait état de l’immunité des parlementaires eux même.
Elle affirme :
« […] no sheriff, bailiff, or other officer from whose arrest or custody any such person so arrested in
execution shall be delivered by any such privilege shall be charged or chargeable with or by any action whatsoever for
delivering out of execution any such privileged person so as is aforesaid by such privilege of Parliament set a
liberty »412.
La seconde loi413 reconnaît que les agents ne puissent pas être incriminés lors de la libération d’un
membre :
« […] ever used to enjoy the freedom in coming to and returning from the Parliament and sitting there
without restraint or molestation, and it concerneth your Commons greatly to have this freedom and privilege
inviolably observed, […] it was provided that those persons who had had Shirley in their custody should be
protected against the legal consequences of having liberated him; and as soon as the time of privilege expired,
Shirley’s creditors might sue out and execute a new judgment for his debt »414.
L’immunité dont les membres de la Chambre sont censés bénéficier est également réaffirmée.
Cette affaire est donc déterminante pour le statut et la stabilité des membres élus aux Communes.
Elle s’intéresse certes à Shirley en tant que membre mais surtout à l’indépendance des Communes
et à la sureté de ses agents. Malgré tout, Shirley est resté deux mois en prison, les parlementaires
ayant été finalement davantage préoccupés par l’affaire des élections du Buckinghamshire415. Cela
411
An Act for new executions to be sued against any which shall hereafter be delivered out of execution by Privilege of Parliament, and
for discharge of them out of whose custody such persons shall be delivered (I&2 James I, c. 13).
412 Statutes of the Realm, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 317.
413 An Act to secure the debt of Simpson and others, and save harmless the warden of the Fleetin Sir Thomas Shirley’s case
(I James I, Private Acts, c. 10).
414 J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 302.
415 Cf. supra, p. 77.
81
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
n’empêche pas cette affaire de figurer dans les revendications des Communes dans l’Apology de
1604. Les Communes revendiquent le droit pour leurs membres de ne pas être arrêtés quarante
jours avant et après la session parlementaire416. Il est intéressant de noter que dans cette pétition,
les Communes reprochent au roi son inaction dans la protection du Warden of the Fleet417.
L’immunité parlementaire se distingue des autres libertés remises en cause par la promulgation
d’une loi et donc par sa reconnaissance définitive.
La pression exercée sur les parlementaires est telle qu’une méfiance accrue s’installe.
L’exemple le plus caractéristique est celui de l’absence de Sandys lors de la session parlementaire
de novembre/décembre 1621. Alors que ce dernier est maintenu en dehors des affaires de la
Chambre, les parlementaires s’interrogent sur ce confinement ordonné par le roi. Le 21
novembre 1621, le motif de son absence est donné par Sandys lui-même, expliquant qu’il est très
malade. Les parlementaires sont suspicieux et demandent à obtenir davantage de précisions,
pensant que son confinement est lié à une affaire d’État418, ou lié à ses activités parlementaires.
Certains parlementaires, comme l’avocat William Mallory, décident d’obstruer les débats tant
qu’ils n’auront pas connaissance des raisons de cette absence. Le 26 décembre, Mallory affirme
qu’il souhaite que la Chambre fasse part au roi de leur plainte pour le non-respect de leur liberté.
Son discours est assez radical puisqu’il ajoute que si les parlementaires ne défendent pas leurs
privilèges, ils devraient être pendus419. Le 11 décembre, deux parlementaires, Sir Peter Hayman et
Sir James Mallory, sont désignés par la Chambre pour se rendre dans le Kent et vérifier l’état de
santé de Sandys420. Malgré le fait que l’on certifie aux Communes qu’il n’y a pas de relation entre
le confinement de Sandys et une éventuelle affaire d’État, notamment par une lettre du roi luimême, les membres continuent de s’interroger. La Chambre est ajournée le 19 décembre, mettant
fin à cette affaire, et au confinement de Sandys. Il semble qu’il ait été uniquement assigné à
domicile pour avoir favorisé les débats sur la politique du roi, comme les parlementaires le
pressentaient421.
Les parlementaires assimilent leur revendication sur leurs libertés à celles des Anglais. Cela
les rend d’autant plus légitimes qu’elles sont faites par les représentants de la nation. Les
Communes obtiennent des garanties pour ses agents et ses membres, qui ne seront plus remises
en causes par la suite. Il s’agit donc d’une étape essentielle dans l’affirmation des libertés du
Parlement.
416
G. Lamoine, Histoire constitutionnelle anglaise, Paris, PUF, 1995, p. 36.
W. Petyt, Jus Parliamentarium: or, the ancient power…, op. cit., p. 237 : « We had to do with a man, the Warden of the Fleet, so
intractable and of so resolved obstinacy as that nothing we could do, no, not your majesty’s royal word for confirmation thereof, could
satisfy him for his own security ».
418 W. Cobbett, Parliamentary History of England, op. cit., p. 1302. Sir Thomas Wentworth, s’exprimant devant les
Communes le 22 novembre 1621, affirme : « He saith, he thinketh sir Edwin was questioned for matter of state ».
419 T. K. Rabb, Jacobean Gentleman, Sir Edwin Sandys 1561 1629, Princeton, Princeton University Press, 1998, p. 267.
420 A. Brown, English politics in early Virginia history, Houghton, Mifflin, 1901 p. 38.
421 C. Thompson, « The reaction of the House of Commons in November and December 1621 to the confinement
of Sir Edwin Sandys », The Historical Journal, n° 40, 1997, p. 784.
417
82
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
Paragraphe II.
L’Impeachment comme atteinte indirecte au roi
Coke réintroduit la procédure d’Impeachment parce qu’il souhaite que le Parlement se saisisse
de l’affaire Bacon, et non une cour de Common Law. Il veut la gérer personnellement et faire
tomber le principal ministre du roi, Bacon. Il ne s’agit donc pas d’un simple agent royal mais du
plus proche conseiller de Jacques Ier. Bacon a derrière lui une brillante carrière, politique et
juridique, au sein des plus grandes institutions du royaume, ce qui rend son Impeachment d’autant
plus important. Les Communes réussissent alors à rallier les Lords dans la chute du
Chancelier (A). Différentes raisons peuvent expliquer cette chute (B).
A. Le ralliement des Lords aux Communes dans l’affaire Bacon
En 1621, les Communes focalisent leur attention sur les débordements constatés dans
l’attribution de patentes et la corruption notoire exercée essentiellement par Sir Giles
Mompesson. Les parlementaires essaient de comprendre comment de tels abus ont pu se
produire et plus précisément, qui a réussi à tromper le roi à ce sujet422. Mompesson et
Buckingham sont en relation du fait d’un mariage dans leurs familles respectives. Ils estiment que
les Communes attaquent Mompesson pour atteindre Buckingham – favori du roi et bénéficiaire
de nombreux patronages. Au vu de la procédure engagée contre le monopoliste, ils demandent au
roi de dissoudre le Parlement, ce qu’il refuse. Suite à la condamnation de Mompesson, et aux
investigations menées par les Communes, il est révélé que Bacon a exercé un rôle clé en tant
qu’arbitre légal ayant certifié les patentes originales423. Puis, il est avancé aux Communes, devant
le comité des plaintes, que Bacon aurait fait l’objet de corruption en acceptant des pots de vin
lors de procès en attente pour qu’il intervienne en faveur de ces parties424. Il est ainsi intéressant
de noter que les procès en question concernaient la Chancellerie, alors qu’elle a déjà fait l’objet de
vives critiques de la part des common lawyers du Parlement. Cette procédure est ainsi un moyen de
discréditer à nouveau la Chancellerie. D’autant plus que lors de cette session parlementaire,
plusieurs Bills sont introduits pour réformer les procédures et la juridiction de cette cour.
Cependant, il semble qu’un seul Bill soit passé dans les deux Chambres425 – sachant que la session
est interrompue par le roi et qu’aucune loi n’est votée.
Afin de protéger son Lord Chancellor, le roi intervient en demandant aux Communes de
participer à l’élaboration d’une commission sous l’autorité du Great Seal of England. Cette
commission, composée de six membres des Lords et douze des Communes, a pour charge de
faire des investigations plus approfondies sur le cas de Bacon. Bien sûr, son intérêt est l’influence
notable du pouvoir royal sur les juges dirigeant les débats. Or, les Communes refusent le
compromis, par l’intermédiaire de Coke, qui s’est autant engagé dans cette procédure que dans
422
M. Peltonen, Bacon, Sir Francis (1561–1626), op. cit.
Ibid.
424 Les deux principaux plaignants sont Christopher Aubrey et Edward Egerton.
425 J. Stoddart Flemion, « Slow Process, Due Process, and the High Court of Parliament: A Reinterpretation of the
Revival of Judicature in the House of Lords in 1621 », The Historical Journal, n° 17, 1974, pp. 5-6.
423
83
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
celle de Mompesson426. Il estime que comme les plaideurs ont porté leur affaire devant les
Communes, il en est de leur ressort et non pas de celui de la Couronne, surtout si un Impeachment
doit être engagé427. Le 20 mars 1621, les Communes précisent l’acte d’accusation contre le Lord
Chancellor :
« […] that the Lord Chancellor is accused of great bribery and corruption committed by him in this
eminent place, whereof two cases were alleged »428.
Si Bacon n’a jamais nié avoir reçu des cadeaux des parties dans les procès en attente, il
soutient néanmoins que cela n’a jamais eu d’impact sur l’issue du procès, en arguant notamment
que certaines décisions étaient en leur défaveur429. Malgré les trois lettres envoyées par Bacon aux
Lords demandant leur clémence et justifiant ses agissements, ils ne s’affirment pas satisfaits. Ils
décident de poursuivre le procès et les investigations entamées. Plus le procès avance et plus les
plaignants arrivent pour témoigner. Les Lords, aidés des Communes, font état de vingt-huit
affaires dans lesquelles Bacon aurait reçu des pots de vin. Il décide alors d’abandonner, d’autant
plus qu’il est malade, et reconnaît presque tous les actes d’accusation et précise aux Lords dans
une lettre du 30 avril 1621 :
« […] for I do again confess that in the points charged upon me, although they should be taken as myself
have declared them, there is a great deal of corruption and neglect; for which I am heartily and penitently sorry, and
I submit myself to the judgment, grace, and mercy of the Court »430.
Cette affirmation a ainsi donné au document qui la contient le titre de : « The confession and humble
Submission of me, the Lord Chancellor »431. Bacon est alors livré aux Lords et reconnaît le 24 avril 1621
le statut de cour de justice de cette Chambre – aspect redécouvert en 1621 –, dans sa seconde
lettre adressée aux Lords :
« Your Lordships are not simple judges but parliamentary judges; you have further extent of arbitrary
power than other Courts »432.
Grâce à la Chambre des Communes, les Lords retrouvent leur statut de cour de justice
supérieure et cette reconnaissance par le Lord Chancellor en est la preuve. La Chambre des Lords
est la plus haute cour du royaume et sa particularité parlementaire lui confère des pouvoirs que
les autres cours ne possèdent pas. L’autorité de son jugement, renforcé par l’intervention initiale
des Communes, lui donne un caractère souverain.
Malgré les tentatives de défense de Bacon, qui affirme notamment qu’il n’a jamais eu la
réputation d’un homme avare ou que son principal souci était de rembourser ses dettes433, les
Lords le condamnent. Le 3 mai, ils demandent au Speaker de venir au barreau pour écouter la
sentence. Les Lords revêtent leur robe symboliquement et pour l’occasion se nomment « High
426
Cf. supra, p. 40.
J. Beauté, Un grand juriste anglais…, op. cit., p. 202.
428 Lord’s Journals, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 326.
429 M. Peltonen, Bacon, Sir Francis (1561–1626), op. cit.
430 Lord’s Journals, in J. R. Tanner, Constitutional documents…, op. cit., p. 332.
431 Ibid., p. 332.
432 Ibid., p. 330.
433 Ibid., pp. 332-333.
427
84
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
Court ». Ils déclarent Bacon coupable de crimes et de corruption et exigent un acquittement de
40 000£, un emprisonnement à la Tour pendant une durée déterminée par le roi et l’impossibilité
d’exercer un emploi officiel dans le Commonwealth, ni au Parlement434. La sentence est exemplaire,
néanmoins, plusieurs aspects peuvent être soulevés. Tout d’abord, l’amende n’a jamais été perçue.
De plus, Bacon n’a passé que trois jours en prison, principalement en raison de sa santé fragile.
Enfin, en 1624, le roi lui accorde le pardon complet. Bacon meurt deux ans plus tard. Ainsi, les
conséquences de l’affaire Bacon vont au-delà d’un Impeachment comme celui de Mompesson, dès
lors qu’il implique désormais la responsabilité des ministres devant les Communes.
B. Les raisons de la chute du Chancelier
La portée de cette affaire est intéressante sur plusieurs aspects. Premièrement, elle marque
la responsabilité politique des ministres devant le Parlement et plus uniquement devant le roi –
comme la pratique des souverains Tudors l’avait instauré. L’impact politique est indéniable : les
ministres sont responsables devant la loi faite par les représentants de la nation. Cette nouvelle
donne confère au Parlement un statut qu’il avait perdu et va même plus loin. On ne considère
plus le gouvernement comme la sphère privée du roi, comme cela était le cas notamment au sujet
de la politique étrangère, mais davantage comme une affaire d’administration publique435. Les
Communes sont impliquées dans la gestion des affaires de l’État, le roi et son Conseil ne sont
plus les seuls à décider. Il concerne donc le Commonwealth au sens large et les parlementaires
estiment qu’ils doivent donner leurs avis dans de nombreux domaines. Cette situation ne peut
être comprise que comme une conséquence du processus engagé par le Reformation Parliament
d’Henri VIII – ou du moins une nouvelle étape. En effet, convoqué pour statuer sur la question
dynastique, puis sur des questions religieuses, le Parlement a régulièrement été convié à donner
son avis. Avec Élisabeth Ire, il s’est senti obligé d’intervenir pour qu’elle se marrie, même si cela a
été vain. Sous Jacques Ier, le roi s’est montré intransigeant sur certains points, mais dans le cas de
l’affaire Bacon, il n’a pas prévu les conséquences de son inaction.
Deuxièmement, la procédure engagée par les Communes est dirigée par Coke, le grand
adversaire de Bacon436. Aussi, pourrait-on se demander s’il ne s’agissait pas uniquement pour
Coke d’un moyen pour porter définitivement atteinte à son rival437. En effet, nous pouvons
rappeler la tentative des parlementaires d’atteindre Buckingham à travers Bacon. Ce dernier
apparaît comme le bouc émissaire idéal : il est accusé de corruption, alors que ce procédé est très
répandu au début du XVIIe siècle, et que le Chancelier n’est peut-être pas la personne qui en use
434
Ibid., p. 334.
M. Loughlin, Foudations of Public Law, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 256.
436 A. D. Boyer, Coke, Sir Edward (1552-1634), op. cit. À l’origine de la querelle entre les deux hommes, on trouve une
querelle entre deux familles : la famille Cecil – à travers Lord Burghley – soutenant Coke, et la famille Devereux – à
travers le comte d’Essex – soutenant Bacon. Même si les candidatures professionnelles des deux hommes sont
souvent en concurrence, c’est principalement le mariage de Coke avec Lady Hatton, une riche veuve de vingt-six ans
plus jeune que lui, qui envenime la situation car elle est aussi courtisée par Bacon.
437 Anonyme, « The Historic case of Coke v. Bacon », The Boston Book Company, 1897, vol. 9, p. 519. L’auteur estime
que Coke convoitait la Chancellerie. Malgré l’Impeachment contre Bacon, il n’obtient pas ce poste, ce qui l’invite plus
encore à s’opposer à la Couronne.
435
85
Partie II Chapitre II. Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law
le plus. Les parlementaires, encerclés par leurs liens de patronages et par leurs activités
économiques et marchandes, sont surement plus concernés. Jacques Ier lui-même le reconnaît
dans une conversation avec l’ambassadeur vénitien :
« If I were to intimate the conduct of your republic and to begin to punish those who take bribes, I should
soon not have a single subject left […] »438.
Le roi en est conscient, c’est peut-être la raison pour laquelle il pense que la procédure engagée
contre son principal ministre n’aboutira pas.
Finalement, l’Impeachment, engagé dans une querelle politique, permet aux Communes de
faire tomber le principal ministre du roi, et donc d’atteindre Jacques Ier. Ce dernier a donné en
pâture son ministre pour ne pas avoir à s’impliquer, et surtout pour éviter tout débat sur sa
prérogative. Plus encore, certains auteurs estiment qu’il n’était pas inquiet par l’Impeachment contre
son principal ministre parce qu’il sentit que :
« The inalienable prerogative of the Crown could never, in the last analysis, be endangered by the pretentions
of Parliament, which derived its authority from the king as the moon derived its light from the sun »439.
Jacques Ier a surement été étonné de voir la Chambre des Lords, pour la seconde fois, agir du côté
des Communes. En effet, c’est une grande prérogative qui est redonnée aux Lords, qui ne peut
être que contente de jouer un rôle important au sein des institutions.
Ainsi, plusieurs affaires montrent qu’il existe bel et bien une confrontation des pouvoirs
pendant le règne de Jacques Ier. Cependant, les issues de cette confrontation sont à relativiser car
mitigées. En effet, dans certains cas, on aboutit à un compromis entre les Communes et le roi,
comme en 1604 pour les contentieux électoraux. Dans d’autres cas, le roi arrive à contenir la
Chambre et ne cède pas aux revendications. Nous retrouvons ce constat essentiellement lorsque
les parlementaires débattent de sujets que le roi considère comme étant de sa prérogative. L’arme
absolue utilisée est alors la dissolution du Parlement. Enfin, dans d’autres cas, les Communes ont
l’avantage. Cela vient surtout du fait que le roi reste malgré tout tributaire des Communes par
rapport à ses finances, même s’il n’hésite pas à utiliser des moyens de substitution à la
convocation du Parlement. Mais la plus grande victoire des Communes réside dans la brèche faite
à la responsabilité des ministres du roi. Ainsi, ces derniers ne sont plus uniquement à son service
mais sont responsables de leurs actes devant le Commonwealth. Les Communes attaquent ici de
manière très forte, en visant le principal ministre et ami très proche du roi. Elles n’auraient
cependant pas pu le faire sans l’aide de la Chambre des Lords. Cela montre qu’elles ont su être
influentes et convaincantes. Le fait que cette affaire arrive vers la fin du règne de Jacques Ier n’est
pas vraiment un hasard : les Communes se sont grandement organisées et structurées depuis le
début du règne et ont gagné en assurance et en influence, et cela grâce à la composition de ces
membres.
438
Marioni to the Doge, in S. R. Gardiner, History of England from the accession of James I to the outbreak of the civil war 16031642, New York, Cambridge University Press, 2011, vol. 3, p. 75.
439 R. Zaller, The Parliament of 1621, Berkeley, University of California Press, 1971, pp. 83-84.
86
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Conclusion
Jacques Ier souhaitait que le souvenir de son règne soit celui de la paix de son royaume,
raison pour laquelle il tente de limiter le plus possible les interventions armées. Si cela est
effectivement le cas à l’extérieur du royaume, la paix entre le roi et ses sujets est loin d’être
caractérisée, notamment avec les membres de la Chambre des Communes. Plusieurs aspects
tendent à prouver que les conditions d’une opposition étaient réunies.
Les convictions du roi et sa conception des relations entre les institutions du royaume ne
pouvaient qu’aller dans ce sens. Jacques Ier considère le Parlement comme une institution
médiévale, définie dans son strict rôle de conseil auprès du souverain. Il se doit de suivre les
instructions du Prince, lui voter des subventions, mais ne doit en aucun cas remettre en cause sa
manière de gouverner. Cette conception contrebalance le fait que Jacques Ier ne souhaite pas être
considéré comme un tyran, ce qui serait une dérive néfaste de son pouvoir et de son image. On
constate également que le changement de dynastie entre les Tudors et les Stuarts provoque un
changement de style politique. Le premier des Stuarts est très différent de son prédécesseur, que
ce soit dans l’usage du droit de veto, des discours plus longs, des lettres plus nombreuses, etc.
Jacques Ier mettra aussi un an à convoquer son premier Parlement alors qu’en principe, les
souverains ont tendance à le faire dès leur accession au trône. La pratique du pouvoir, autoritaire
et beaucoup moins subtile que celle d’Élisabeth Ire, au sujet de la communication entre les
institutions, déstabilise les parlementaires. Cette communication, exercée par moyens interposés –
Jacques Ier ne faisant pas de discours dans la Chambre des Communes – amène une atmosphère
pesante, comme le montre l’affaire Sandys en 1621. Chaque lettre du roi ou pétition des
Communes est considérée comme une agression. Jacques Ier a également pensé qu’il pouvait se
passer du Parlement, voire ignorer son avis, malgré l’état catastrophique de ses finances. Cela a
inévitablement provoqué une incompréhension et une radicalisation de l’opposition naissante.
Mais d’autres critères plus généraux entrent en jeu, notamment le développement culturel qui a
pris racine avec la Renaissance élisabéthaine. Il a permis une émancipation de la haute société, qui
s’est traduit par une certaine volonté de liberté au Parlement, qui souhaite davantage
d’indépendance.
Les conditions d’une opposition sont donc réunies, reste à savoir quels en ont été les
bénéfices pour les Communes. Elle leur a permis de poser les fondements essentiels en matière
de structure et de règles. Elles ont ainsi mis en place une organisation efficiente permettant de
traiter efficacement les Bills sur lesquels elles se penchent, mais également gérer de manière
autonome les affaires impliquant ses membres. De plus, la Chambre a enrichi son argumentation
face au roi grâce à l’apport des antiquaires et des juristes, avec leur technique des précédents
législatifs. Coke restera sans conteste la figure emblématique de ce rapprochement entre
parlementaires, antiquaires et juristes, et même de l’opposition en général. Il semble ainsi que la
Chambre décrite par Jacques Ier comme désordonnée et bruyante ait réussi à dépasser ces
87
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
qualificatifs pour encadrer elle-même les débats, tout en réussissant à écarter « l’homme du roi »
des sujets sensibles. Cette nouvelle organisation, ancrée durablement, permettra à l’opposition
ressurgissant sous Charles Ier de disposer d’une structure fiable. Les motivations des Communes
sous Jacques Ier sont doubles. D’un côté, les membres ont souhaité conserver les droits et libertés
qu’ils avaient acquis, en élaborant des pétitions, moyen traditionnel d’accès au roi par les
Communes – le rôle du Speaker étant mis en doute. Cependant, si ces pétitions ont eu peu
d’impact sur Jacques Ier – voire un effet négatif pour les Communes puissent qu’elles aboutissent
très souvent à la dissolution de la Chambre – elles constituent néanmoins le socle de la Pétition
des Droits de 1628 sous Charles Ier. Cette pétition sera rédigée par les Communes, sous l’autorité
de Coke, et a pour principale caractéristique de rappeler au roi qu’il a porté atteinte aux libertés
des Anglais, principalement en levant des impôts sans le consentement du Parlement. D’un autre
côté, les parlementaires ont cherché à étendre les compétences de la Chambre, parfois avec
succès. La possibilité de parler de politique étrangère ne sera plus remise en cause à partir du
Subsidy Act de 1624 – mais au prix d’une importante contrepartie.
On remarque ainsi qu’il existe une évolution dans les conflits qui ont opposé le roi et les
Communes. Pour cela il convient de revenir sur les différents litiges du règne. Entre 1604 et
1610, le roi sort majoritairement vainqueur. Il s’affirme dans l’affaire Calvin et l’affaire Bate,
empêche les Puritains de prendre part aux débats religieux et interdit les parlementaires de
discuter des affaires de gouvernement en dehors des séances officielles. Cependant, il rencontre
un échec cuisant avec l’absence de fusion juridique complète entre l’Angleterre et l’Écosse, ou
encore avec le Grand Contrat. Les Communes sortent également vainqueur dans l’affaire Shirley,
au sujet de l’obtention de la reconnaissance de l’immunité parlementaire et des garanties pour
leurs agents. Elles excluent aussi progressivement le Speaker des comités, l’agent du roi aux
Communes, jusqu’à lui donner des ordres. Pour le Parlement de 1614, malgré que les membres
des Communes soient renouvelés aux deux tiers, l’opposition persiste au sujet des impôts,
provoquant la dissolution prématurée du Parlement après seulement deux mois de débats. Il
semble ainsi que l’opposition parlementaire, certes encadrée et dirigée par quelques membres
obstinés, trouve toujours une relève. La contestation de la politique de Jacques Ier n’est donc pas
propre à quelques individus voulant servir leurs intérêts privés mais reflète un mouvement plus
large appuyé par la société anglaise. Quant aux sessions de 1614 et 1621, elles reflètent toutes
deux le caractère arbitraire du roi. De nombreux emprisonnements à la Tour de Londres se
succèderont pour les membres qui ont excédé leur parole. Enfin, entre 1621 et 1624, l’évolution
en faveur des Communes est plus significative. Elles ressortent la procédure de l’Impeachment,
oubliée depuis plus d’un siècle. Elles en viennent ainsi à mettre en cause le favori du roi, son
principal ministre, à la fin du règne. Les ministres sont désormais responsables politiquement
devant le Commonwealth : l’implication des Communes dans la politique du royaume semble
consacrée. De plus, les Communes ont bénéficié de l’appui des Lords pour mettre en cause les
agents royaux. Les common lawyers d’un côté, les Lords de l’autre, démontrent une union des
organes de l’État face à un roi qui semble isolé. L’année 1624 permet de constater que les
Communes ont agi dans un cadre très particulier, qui est celui de l’affirmation de leurs droits et
88
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
leurs libertés. En effet, lorsqu’elles obtiennent la reconnaissance de certaines de leurs
revendications, dont la possibilité de discuter de politique étrangère ou encore de faire voter la loi
sur les monopoles, les tensions entre les deux parties retombent. La loi sur les subventions de
1624 attribue au roi des fonds considérables et marquent un certain retour à une situation
« normale » : les fonds sont votés dans le cadre des finances extraordinaires, pour lever une
armée. On passe de la destruction de la Protestation des Communes de 1621 par le roi en personne,
à l’attribution extraordinaire de fonds par les Communes en 1624. L’aspect financier a été le nerf
de la guerre sous Jacques Ier. Ses besoins personnels furent sa faiblesse tout au long de son règne :
le Parlement doit être convoqué pour obtenir de l’argent, mais comme il refuse, le roi n’hésite pas
à utiliser des moyens de contournements, ce qui exaspère les parlementaires. L’arme du roi a
donc été la dissolution de la Chambre, incitée par les Communes par ses menaces persistantes, et
sa faiblesse son manque cruel de fonds, en partie hérité des souverains précédents. Quant aux
Communes, elles disposent désormais de l’Impeachment comme arme efficace contre le roi et ses
agents.
Le règne de Jacques Ier va alors laisser une empreinte significative sur celui de son fils. La
procédure d’Impeachment, remise au goût du jour, rencontre un franc succès et la personnalité à en
faire l’objet n’est autre que le duc de Buckingham lui-même, en 1626, devenu principal ministre
de Charles Ier. On peut également noter d’autres similitudes. La défense des droits et des libertés
du Parlement reste au cœur des revendications des parlementaires et le rôle de Coke, ou encore
de Pym, dans les argumentations ultérieures montre que l’opposition sous Jacques Ier n’était que
les prémisses d’une opposition bien plus forte, face à l’absolutisme royal de Charles Ier et
l’absence de considération des droits du Parlement. La Pétition des Droits de 1628 en est un
exemple frappant. Charles Ier souhaite se passer du Parlement et ne le convoque pas pendant
onze ans. Mais en raison de l’état de ses finances, il est contraint de le rappeler. La pression fiscale
exercée par l’État sur les sujets anglais et l’autoritarisme religieux du roi conduisent le royaume
dans les guerres civiles. Le peuple se solidarise derrière son Parlement pour chasser le roi de
Londres en 1642. L’ordre s’est ainsi renversé et le roi est désormais réellement en position de
faiblesse. On assiste alors à la suprématie des Communes : après avoir aboli la Chambre des
Lords, ce seront elles qui jugeront et condamneront en 1649 Charles Ier à la décapitation.
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
« It is the duty of every subject to obey the king’s command; and it is the duty of every
member here to maintain the privileges of this house »
Thomas Crewe (1566-1634), avocat, membre de la Chambre des Communes de 1604 à
1624, le 6 décembre 1621.
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Annexes
Annexe 1 – Arbre généalogique de Jacques Ier d’Angleterre (1604-1625)
Gravure délivrée par le Bristish Museum. A. M. Hind, Engraving in England in the Sixteenth and
Seventeenth Centuries, Cambridge, Cambridge University Press, 3 vol., 1952.
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L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Annexe 2 – Satyre publiée à la suite de l’Impeachment de Mompesson, en 1621
Gravure délivrée par le British Museum. A. M. Hind, Engraving in England in the Sixteenth and
Seventeenth Centuries, Cambridge, Cambridge University Press, 3 vol., 1952.
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103
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Table des matières
Introduction .................................................................................................................................................. 1
Partie I
Une opposition reposant sur une union forte des parlementaires ................................... 8
Chapitre I.
Une autorité royale contestée ........................................................................................ 9
Section I.
Le pouvoir absolu du roi ................................................................................................ 9
Paragraphe I. La conception du droit divin des rois...................................................................... 9
A.
Une idée défendue par Jacques Ier ......................................................................................... 9
B.
Une idée soutenue par des partisans dévoués ................................................................... 13
Paragraphe II. La tentative d’intimidation sur les Communes ................................................... 16
A.
Une volonté affirmée d’encadrer les Communes ............................................................. 16
B.
L’union des deux royaumes ou la volonté d’imposer ses choix ..................................... 18
Section II.
La remise en cause de « l’homme du roi » ................................................................. 21
Paragraphe I. L’évolution de la fonction du Speaker .................................................................... 21
A.
Un Speaker favorable au roi .................................................................................................. 22
B.
Un Speaker contrôlé par les Communes ............................................................................. 23
Paragraphe II. Les comités ou l’éviction du Speaker .................................................................... 25
A.
Les prémisses de l’indépendance des Communes : les comités...................................... 25
B.
La concrétisation de l’indépendance : les Committees of the whole House ........................... 27
Chapitre II.
Une opposition reflet d’un héritage ancré aux Communes .................................... 30
Section I.
Le Parlement, un vivier de groupes d’hommes influents ........................................ 30
Paragraphe I. Les Communes, un réseau social fort et solidaire ............................................... 30
A.
La catégorie sociale des membres, ciment de l’opposition .............................................. 30
B.
L’influence des hommes de Cour sur les membres des Communes ............................. 32
Paragraphe II. Les Puritains ou l’éthique de l’opposition ...........................................................34
A.
La difficile situation des Puritains au début du règne de Jacques Ier .............................. 34
B.
L’influence puritaine dans le Parlement de 1604 .............................................................. 36
Section II.
Une immixtion des Communes dans les affaires d’État.......................................... 38
Paragraphe I. Des droits financiers dépassés ................................................................................ 38
A.
Des droits féodaux menant au Grand Contrat ................................................................. 38
B.
La réintroduction de l’Impeachment contre les monopoles ................................................ 40
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Paragraphe II. Une politique étrangère impopulaire ................................................................... 44
A.
Le besoin de ressources, une brèche dans les affaires d’État .......................................... 44
B.
Le Subsidy act, un pacte avec l’opposition ........................................................................... 46
Partie II
Le Common Law, source d’inspiration dans l’opposition .................................................. 49
Chapitre I.
Des parlementaires imprégnés du Common Law........................................................ 50
Section I.
L’apport des antiquaires du droit ................................................................................ 50
Paragraphe I. Une utilisation efficiente du passé au service des Communes........................... 50
A.
L’origine du mouvement historique.................................................................................... 51
B.
Le critère de l’ancienneté, argument au cœur des revendications .................................. 53
Paragraphe II. Un mouvement fort et fragile ............................................................................... 56
A.
Le précieux soutien de fortes personnalités parlementaires ............................................ 56
B.
L’utilisation judicieuse et intensive des précédents........................................................... 58
Section II.
L’influence des juristes ................................................................................................. 60
Paragraphe I. Une catégorie sociale en mutation ......................................................................... 61
A.
Les Inns of Court, liens entre les juristes ............................................................................... 61
B.
Une alliance avec le Parlement renforcée........................................................................... 62
Paragraphe II. Une procédure législative rationnalisée ............................................................... 64
A.
Une organisation législative structurée grâce aux common lawyers .................................... 65
B.
Une indépendance procédurale confirmée ........................................................................ 66
Chapitre II.
Une confrontation des pouvoirs au sujet du Common Law ...................................... 69
Section I.
La contestation des prérogatives du roi ..................................................................... 69
Paragraphe I. La remise en cause de l’imposition du commerce ............................................... 69
A.
L’affaire Bate contre une pratique royale largement éprouvée ....................................... 70
B.
Le rejet du jugement par les Communes............................................................................ 71
Paragraphe II. L’utilisation excessive des Proclamations................................................................ 73
A.
Un moyen affiché de contourner les Communes ............................................................. 74
B.
La clarification du statut des Proclamations par le Common Law ........................................ 75
Section II.
La réaffirmation du pouvoir de jugement aux Communes ..................................... 76
Paragraphe I. La volonté de s’arroger des contentieux ............................................................... 76
A.
Les contentieux électoraux : une victoire progressive...................................................... 77
B.
Les contentieux relatifs aux libertés : des privilèges malmenés ...................................... 80
L’opposition de la Chambre des Communes à Jacques Ier roi d’Angleterre (1603-1625)
Paragraphe II. L’Impeachment comme atteinte indirecte au roi .................................................... 83
A.
Le ralliement des Lords aux Communes dans l’affaire Bacon ......................................... 83
B.
Les raisons de la chute du Chancelier................................................................................. 85
Conclusion ................................................................................................................................................... 87
Annexes ....................................................................................................................................................... 91
Bibliographie ............................................................................................................................................... 93