Le medecin generaliste face a la consommation de

Transcription

Le medecin generaliste face a la consommation de
UNIVERSITÉ DE BREST-BRETAGNE OCCIDENTALE
FACULTÉ DE MÉDECINE
ANNÉE 2007
N°
THÈSE DE
DOCTORAT EN MEDECINE
DIPLÔME D’ETAT
Par
Jean-Philippe PAN
Né le 4 juin 1976 à Douarnenez (29)
Présentée et soutenue publiquement le 11 décembre 2007
LE MÉDECIN GÉNÉRALISTE FACE À LA
CONSOMMATION DE CANNABIS
ENQUÊTE QUALITATIVE RÉALISÉE EN 2007 AUPRÈS DE SEIZE MÉDECINS
GÉNÉRALISTES INSTALLÉS DANS LE FINISTÈRE NORD
Président
Monsieur le Professeur Arnaud CENAC
Membres du jury
Monsieur le Professeur Michel WALTER
Monsieur le Professeur Emmanuel OGER
Madame le Docteur Cécile QUEMENEUR-DISERBO
Madame le Docteur Catherine BOURILLET-LAMBERT
UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE
FACULTE DE MEDECINE ET
DES SCIENCES DE LA SANTE B R E S T
DOYENS HONORAIRES : Professeur H. H. FLOCH
Professeur G. LE MENN
Professeur B. SENECAIL
Professeur J. M. BOLES
Professeur Y. BIZAIS
DOYEN
Professeur M. DE BRAEKELEER
PROFESSEURS EMERITES
Professeur EGRETEAU Jean-Paul
Anesthésie & Réanimation Chirurgicale
Professeur KRESS Jean-Jacques
Psychiatrie adultes
Professeur MORIN Pierre-Paul
Biophysique
PROFESSEURS DES UNIVERSITES EN SURNOMBRE
Professeur GOUEROU Hervé
Gastroentérologie - Hépatologie
Professeur LAGARDE Nicole
Anatomie & Cytologie Pathologiques
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS DE 1ERE CLASSE
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Professeurs des Universités - Praticiens Hospitaliers de 2ème Classe
ABGRALL Jean-François
Hématologie - Transfusion
ARVIEUX Charles
Anesthésie & Réanimation chirurgicale
BAIL Jean-Pierre
Chirurgie Digestive
BERTHOU Christian
Hématologie - Transfusion
BESSON Gérard
Neurochirurgie
BLONDEL Marc
Biologie cellulaire
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Médecine Vasculaire
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Biochimie et Biologie moléculaire
COCHENER - LAMARD Béatrice
Ophtalmologie
DE BRAEKELEER Marc
Génétique
DEHNI Nidal
Chirurgie Générale
DELARUE Jacques
Nutrition
DEWITTE Jean-Dominique
Médecine & Santé au Travail
DUBRANA Frédéric
Chirurgie Orthopédique et Traumatologique
FENOLL Bertrand
Chirurgie Infantile
FOURNIER Georges
Urologie
GILARD Martine
Cardiologie
GIOUX Maxime
Physiologie
GOUNY Pierre
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Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ;
brûlologie
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Endocrinologie, Diabète & maladies
LE GUYADER Jacques
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Radiologie & Imagerie médicale
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Rhumatologie
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Pédiatrie
TILLY - GENTRIC Armelle
Gériatrie & Biologie du vieillissement
TIMSIT Serge
Neurologie
VALERI Antoine
Urologie
WALTER Michel
Psychiatrie d'Adultes
PROFESSEUR ASSOCIE
BAIL Philippe
Médecine Générale
MAÎTRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES
PRATICIENS HOSPITALIERS
HORS CLASSE
LE MEVEL Jean Claude
Physiologie
SEBERT Philippe
Physiologie
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1ERE CLASSE
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2EME CLASSE
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PRATICIEN HOSPITALIER UNIVERSITAIRE
CORNILY Jean Christophe
Cardiologie
DE VRIES Philine
Chirurgie infantile
LODDE Brice
Médecine et santé au travail
MAITRES DE CONFERENCES
CORCOS Catherine
EA 948
HAXAIRE Claudie
Sociologie - Démographie
HERRY Angèle
Biologie des organismes
LANCIEN Frédéric
Physiologie
LEBOUL Danièle
Biologie cellulaire
LE CORRE Rozenn
Biologie cellulaire
MONTIER Tristan
Biochimie et biologie moléculaire
MORIN Vincent
Electronique et Informatique
MURA Catherine
Biologie Cellulaire
MAITRES DE CONFERENCES ASSOCIES MI-TEMPS
BUISSON Alain
Sciences de gestion
HUMMERS-PRADIER Eva
Médecine Générale
LE RESTE Jean-Yves
Médecine Générale
AGREGES DU SECOND DEGRE
COMMAULT Gilles
Français
RIOU Morgan
Anglais
Remerciements
A Monsieur le Professeur Arnaud Cénac.
Vous avez été à l’initiative de ce travail. Vous m’avez prodigué tout au long de mes
études médicales, en enseignement de sémiologie puis dans votre service, votre science et
votre humanité. Votre savoir, vos conseils et votre disponibilité ont permis la réalisation de
cette thèse. Veuillez recevoir ici la marque de ma sincère gratitude et de mon profond respect.
A Monsieur le Professeur Michel Walter.
Vous me faites l’honneur d’évaluer ce travail. Je vous en remercie. Soyez assuré de
ma reconnaissance et de mon profond respect.
A Monsieur le Professeur Emmanuel Oger.
Vous avez été mon tuteur au cours de la dernière année de mon cursus universitaire.
Votre enseignement aura été d’une importance fondamentale dans ma formation par sa clarté
et sa rigueur. Aujourd’hui encore, je sollicite régulièrement vos conseils dans ma pratique
quotidienne. Je suis très honoré que vous ayez accepté de siéger dans le jury de cette thèse.
Recevez à nouveau l’expression de ma plus grande estime et de ma sincère amitié.
A Madame le Docteur Cécile Quéméneur-Diserbo.
Je suis heureux que tu aies accepté de participer au jury de ma thèse. Tes compétences
en médecine générale et en addictologie seront capitales dans l’évaluation de ce travail. Je
t’en remercie chaleureusement.
A Madame le Docteur Catherine Bourillet-Lambert.
Je te remercie d’avoir accepté de siéger dans le jury de cette thèse. Ta compétence et
ton expérience en médecine générale permettront d’apporter un éclairage majeur sur ce
travail. Je t’en suis très reconnaissant.
A Madame Claudie Haxaire, pour ses précieux conseils et ses encouragements.
A tous les médecins qui m’ont reçu avec chaleur et disponibilité lors de cette enquête.
A Monsieur le Professeur Philippe Bail, pour ses conseils, son dévouement et sa pédagogie.
A tous les médecins qui ont participé à ma formation et plus particulièrement au Dr Rémy
Bernard, au Dr Michel André, au Dr Nicolas Velmans, au Dr Antoine Bourhis, au Dr Philippe
Jeffredo, au Dr Philippe Lemoine, au Dr Sylviane Peudenier, au Dr Nadège Delaperrière, au
Dr Marie-Reine Munck, au Dr Lydie Abalea, au Dr Christian Bergez, au Dr Edouard Naoum,
et au Dr Xavier Nicolas.
A Marie.
Nous nous sommes rencontrés au début de nos études de médecine. L’achèvement de
ce travail, onze ans après notre rencontre, arrive au moment où notre amour et notre foyer
s’épanouissent. Nous avons partagé épreuves, joies, attentes et récompenses. Ton amour, ta
présence et ton exigence m’encouragent chaque jour. Ta patience aura été mise à rude épreuve
tout au long de cette thèse. Après toutes ces années passées à tes côtés, il me semble que je ne
suis plus simplement content, comme je l’ai répété bien souvent. Je crois aujourd’hui que je
suis heureux et c’est grâce à toi. Tel était probablement l’enjeu…
Je te dédie ce travail ainsi que toute l’énergie qu’il a exigé. Je t’aime Marie.
A Lucas.
Mon petit garçon, comme tes sourires me comblent de bonheur. Tu es si joyeux, si
pétillant, si impatient…tout comme ta maman. Tu m’apprends chaque jour à être Papa. J’ai
tellement de choses à t’apprendre à mon tour. Que ta soif de vivre et de découvrir ne s’altère
jamais. Je suis fier d’être ton Papa.
A mes parents.
Ma petite Maman, je te remercie pour ton soutien perpétuel et ton affection toujours
renouvelée. Tu m’as enseigné la persévérance et la patience. Il en aura fallu pour boucler ces
études de médecine. En souvenir de nos soirées de travail à la maison, de nos trajets vers
Saint-Blaise tous les matins quand la cloche avait déjà sonné, des retours de Brest le vendredi
soir et des déplacements du tennis en écoutant Franck Sinatra… En prévision des joies à venir
auprès de Papa, de tes enfants chéris et de tes petits enfants adorés… Il est temps de te dire
tout mon amour, toute ma tendresse et toute mon affection.
Mon cher Papa, je termine mes études de médecine. J’espère obtenir le titre de
« docteur Pan ». Mais c’est un peu comme le maillot de Zidane flanqué du numéro 10 : il va
falloir en être digne. Tu m’as toujours présenté l’activité de médecine générale avec
enthousiasme, intégrité et exigence. Tu m’as soutenu tout au long de mes études et tu as
accepté mes choix. Tu as su me guider et me comprendre. J’ai compris beaucoup de choses
sur la vie grâce à toi. Je me souviens de nos tours en bateau dans la baie de Douarnenez qui
m’ont si souvent ressourcé. Je te remercie tendrement pour m’avoir transmis cette philosophie
de la vie et pour tous tes encouragements. Je pense que tu as compris à quel point je suis fier
de mon Papa.
A mes sœurs.
Ma petite Brigitte, je te dois bien des encouragements et bien des conseils tout au long
de mes études. J’ai souvent pensé à toi lorsque, découragé dans mes révisions, je reprenais
mon stylo préféré et une page blanche pour faire le vide et persévérer. J’ai pu te confier mes
doutes et mes difficultés bien souvent et en toute confiance. Je te dois une grande partie de ma
réussite. Je t’écris ici toute ma tendresse, toute ma reconnaissance et toute mon affection.
Ma petite Karine, comme tu as été présente, disponible à chaque instant durant toute
ma scolarité. Pendant ces périodes de révisions et d’examens, quand tu me préparais à manger
le soir et quand tu m’autorisais à venir faire une sieste chez toi après l’épreuve du matin à
cause de la voisine du dessous. Que de souvenirs ! J’espère que l’avenir nous en réserve
beaucoup d’autres et j’espère pouvoir te rendre un jour tout ce que tu m’as apporté. Je
t’embrasse bien tendrement.
A ma grand-mère.
Ma petite Mémé, je pense à toi bien fort et je t’embrasse affectueusement. J’ai hâte de
te montrer Lucas à nouveau et de pouvoir te dire que je suis devenu docteur.
A ma chère Marinette.
Comme tu aurais été fière de me voir terminer mes études. Tu fus une de mes plus
fervente lectrice. Je pense à toi, j’espère que tu es heureuse, là où tu te trouves.
A mes beaux-parents, Laurence et Guy pour leurs encouragements et leur affection.
A mes beaux-frères, Edern, Nicolas, Pierre et Julien.
A ma belle sœur, Elise et au petit Sacha.
A tous mes neveux et nièces, et à mes chers filleuls, Erlé, Juliette et Hortense.
A tous mes amis pour leur soutien et leur amitié : Johann, Christophe et Sophie, Didier,
Carole et Gurvan, Karine et Fabrice, Solenn et Bertrand, Catherine et Jérôme, Mathieu et
Léna, Pierre et Armelle, Charles et Morgane, Serge et Hélène, Denis et Montaine…
A Monsieur le Docteur Le Chuiton pour sa patience, son dévouement et son enthousiasme.
A Thierry.
En souvenir de moments merveilleux passés à tes côtés au volley. Ton souvenir et ta
bonne humeur sont toujours bien présents dans ma mémoire. Je ne pense pas à ta maladie, je
pense à ton courage. Je ne pense pas au sort injuste, je pense à ta joie de vivre. Je pense
souvent à toi et cela me redonne du courage.
1.
INTRODUCTION ................................................................................................................. 1
2. REVUE DE LA LITTERATURE.........................................................................................2
2.1.
Epidémiologie .....................................................................................................................2
2.1.1.
Consommation en population adulte............................................................................3
2.1.1.1.
Evolution de la consommation en population adulte ...........................................3
2.1.1.2.
Niveaux d’usage en 2005 parmi les adultes .........................................................3
2.1.2.
Consommation à 17 ans ...............................................................................................4
2.1.2.1.
Evolutions depuis 1993 de l’expérimentation et de l’usage répété à 17 ans........4
2.1.2.2.
Niveaux de consommation à 17 ans entre 2000 et 2005 ......................................4
2.1.2.3.
Age d’expérimentation et diffusion de l’expérimentation ...................................5
2.2.
Définitions et concepts : les addictions et les comportements de consommation .........6
2.2.1.
Trouble addictif ............................................................................................................6
2.2.2.
Comportements de consommation ...............................................................................7
2.2.2.1.
L’usage .................................................................................................................7
2.2.2.2.
L’usage nocif ou abus ..........................................................................................9
2.2.2.3.
La dépendance....................................................................................................11
2.2.3.
Qualifier une consommation en pratique clinique .....................................................12
2.3.
Psychopathologie de l’adolescent fumeur de cannabis ................................................16
2.3.1.
Processus de l'adolescence .........................................................................................16
2.3.1.1.
Développement émotionnel de l'adolescent .......................................................16
2.3.1.1.1. Développement du sens de l'identité ..............................................................16
2.3.1.1.2. Gestion du stress et des émotions...................................................................17
2.3.1.2.
Rapports avec la famille .....................................................................................17
2.3.2.
Facteurs de risque par rapport à la consommation de cannabis .................................18
2.3.2.1.
Facteurs psychologiques individuels..................................................................18
2.3.2.2.
Facteurs familiaux ..............................................................................................18
2.3.2.3.
Influence de la relation avec les pairs ................................................................19
2.3.3.
Parcours de l'adolescent consommateur.....................................................................19
2.3.3.1.
Premiers usages ..................................................................................................19
2.3.3.2.
Usage auto-thérapeutique : l'entrée dans l'usage abusif ou nocif .......................20
2.3.3.3.
Processus de dépendance ...................................................................................20
2.4.
Cannabis aspect biologique du produit ......................................................................... 22
2.4.1.
Botanique .................................................................................................................. 22
2.4.2.
Différents produits..................................................................................................... 23
2.4.2.1.
Herbe de cannabis ............................................................................................. 23
2.4.2.2.
Résine de cannabis ............................................................................................ 23
2.4.2.3.
Huile de cannabis .............................................................................................. 23
2.4.3.
Mode de consommation ............................................................................................ 23
2.4.4.
Principe actif ............................................................................................................. 25
2.4.5.
Pharmacocinétique et métabolisme .......................................................................... 25
2.4.6.
Méthodes de dosage du cannabis ............................................................................. 27
2.4.6.1.
Dépistage et dosage urinaire ............................................................................. 27
2.4.6.2.
Dosage sanguin ................................................................................................. 28
2.4.6.3.
Analyse des matrices kératinisées ..................................................................... 28
2.4.6.4.
Autres matrices.................................................................................................. 29
2.4.6.5.
Conclusion......................................................................................................... 29
2.4.7.
Évolution des teneurs en THC ................................................................................. 30
2.5.
Aspects neurobiologiques de la consommation de cannabis ....................................... 32
2.5.1.
Système endocannabinoïde ....................................................................................... 32
2.5.1.1.
Récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2............................................................. 32
2.5.1.2.
Endocannabinoïdes............................................................................................ 34
2.5.1.3.
Endocannabinoïdes et voies de signalisation intracellulaire ............................. 35
2.5.1.4.
Fonctions des endocannabinoïdes dans la neurotransmission........................... 36
2.5.1.4.1. Régulation de la libération des neurotransmetteurs ...................................... 36
2.5.1.4.2. Action synaptique des endocannabinoides à contre-courant......................... 37
2.5.1.4.3. Action sur la plasticité synaptique ................................................................ 37
2.5.2.
Aspects neurobiologiques de l’addiction .................................................................. 38
2.5.2.1.
Le circuit de récompense................................................................................... 38
2.5.2.2.
Rôle particulier du nucleus accumbens (NA).................................................... 39
2.5.2.3.
La dopamine, neurotransmetteur clé du système de récompense ..................... 40
2.5.2.4.
Dérèglement du système dopaminergique de récompense................................ 40
2.5.3.
Conclusion................................................................................................................. 42
2.6.
Facteurs de risque et de vulnérabilité à l’usage nocif de cannabis ............................. 44
2.6.1.
Facteurs individuels de vulnérabilité......................................................................... 45
2.6.1.1.
Tempérament et personnalité ............................................................................ 45
2.6.1.2.
Comorbidités psychiatriques ............................................................................. 45
2.6.1.3.
Evénements de vie ............................................................................................ 46
2.6.2.
Facteurs de risque environnementaux ....................................................................... 46
2.6.2.1.
Facteurs familiaux ............................................................................................. 46
2.6.2.2.
Facteurs socio-démographiques ........................................................................ 47
2.6.2.3.
Rôle du groupe des pairs .................................................................................. 48
2.6.3.
Facteurs de risque liés au produit et à sa consommation .......................................... 49
2.6.3.1.
Modalités de consommation à risque ................................................................ 49
2.6.3.1.1. Précocité des consommations........................................................................ 49
2.6.3.1.2. Répétition des consommations...................................................................... 49
2.6.3.1.3. Consommations multiples ............................................................................. 50
2.6.3.1.4. Objectifs, fréquence et circonstances de la consommation........................... 52
2.6.3.2.
Facteurs de risques liés au produit. ................................................................... 53
2.6.3.2.1. Risque de dépendance. .................................................................................. 53
2.6.3.2.2. Risques de complications somatiques, psychologiques et sociales............... 54
2.6.3.2.3. Statut du cannabis.......................................................................................... 54
2.6.3.2.3.1. Statut social ............................................................................................. 54
2.6.3.2.3.2. Le point de vue des scientifiques ............................................................ 55
2.7.
Effets cliniques de la consommation de cannabis......................................................... 58
2.7.1.
Troubles psychiatriques induits par le cannabis et comorbidités psychiatriques...... 58
2.7.1.1.
Effets psychiques aigus ..................................................................................... 59
2.7.1.2.
Effets psychiques différés ................................................................................. 60
2.7.1.2.1. Syndrome amotivationnel ............................................................................. 60
2.7.1.2.2. Troubles cognitifs.......................................................................................... 61
2.7.1.2.3. Troubles anxieux .......................................................................................... 61
2.7.1.2.4. Troubles psychotiques induits par le cannabis .............................................. 62
2.7.1.2.4.1. Psychoses cannabiques............................................................................ 62
2.7.1.2.4.2. Autres troubles psychotiques induits par le cannabis.............................. 62
2.7.1.2.5. Etats confuso-oniriques ................................................................................ 62
2.7.1.3.
Comorbidités psychiatriques ............................................................................. 63
2.7.2.
Effets somatiques de la consommation de cannabis ................................................. 64
2.7.2.1.
Circonstances cliniques ..................................................................................... 64
2.7.2.1.1. Troubles cardiovasculaires ............................................................................ 64
2.7.2.1.1.1. Perturbations de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle ......... 64
2.7.2.1.1.2. Infarctus du myocarde ............................................................................. 64
2.7.2.1.1.3. Ischémie aigue des membres................................................................... 64
2.7.2.1.2. Troubles broncho-pulmonaires et respiratoires............................................. 65
2.7.2.1.3. Troubles du comportement alimentaire......................................................... 65
2.7.2.1.4. Accidents survenus sur la voie publique ....................................................... 66
2.7.2.1.5. Accidents du travail....................................................................................... 67
2.7.2.1.6. Autres effets décrits....................................................................................... 68
2.7.2.2.
Responsabilité du cannabis dans la survenue de pathologies diverses ............. 68
2.7.2.2.1. Effets endocriniens et sur la reproduction..................................................... 68
2.7.2.2.2. Risques cancérigènes du cannabis fumé ....................................................... 68
2.7.2.2.3. Effets immunitaires et risque de maladies infectieuses................................. 70
2.7.2.2.4. Effets sur la grossesse ................................................................................... 71
2.7.2.2.5. Risque de malformations congénitales.......................................................... 71
2.7.2.2.6. Risque de mort subite du nourrisson ............................................................. 72
2.8.
Troubles cognitifs et consommation de cannabis ......................................................... 73
2.8.1.
Altérations cognitives et consommation aigue de cannabis...................................... 73
2.8.2.
Altérations cognitives liées à une consommation chronique de cannabis................. 74
2.8.3.
Persistance de troubles cognitifs à long terme .......................................................... 75
2.9.
Cannabis et schizophrénie .............................................................................................. 76
2.9.1.
Comorbidité schizophrénie/consommation de cannabis ........................................... 76
2.9.2.
Consommation de cannabis et schizophrénie déclarée ............................................. 76
2.9.3.
Influence sur la survenue d’une schizophrénie ......................................................... 77
2.9.4.
Corrélations neurobiologiques .................................................................................. 78
2.10.
Prise en charge de l’adolescent usager de cannabis ................................................. 80
2.10.1. Construction de l’alliance thérapeutique................................................................... 80
2.10.2. Bilan de santé, des consommations, de la personnalité de l’adolescent.................... 81
2.10.3. Evaluer et augmenter la motivation, travailler sur l’ambivalence............................. 82
2.10.4. Choix de la stratégie en fonction du niveau de motivation ....................................... 84
2.10.4.1.
Techniques d’entretien ...................................................................................... 84
2.10.4.2.
Choix des stratégies d’abord ............................................................................. 85
2.10.5. Thérapies cognitivo-comportementales .................................................................... 86
2.10.5.1.
Thérapies visant à remédier au déficit en compétences de « coping » ............. 86
2.10.5.2.
Thérapies familiales multidimensionnelles ....................................................... 87
2.10.5.3.
L’approche psychodynamique dans le cadre bifocal ........................................ 87
3.
3.1.
3.2.
3.3.
METHODE DE L’ETUDE................................................................................................. 89
Type d’enquête ...................................................................................................................... 89
L’échantillon ......................................................................................................................... 90
Les entretiens......................................................................................................................... 90
4. PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS ................................................... 91
4.1.
Notre échantillon de médecins ....................................................................................... 91
4.2.
Cas cliniques ................................................................................................................... 92
4.2.1.
Age et sexe du patient ............................................................................................... 92
4.2.2.
Motif de consultation ................................................................................................ 93
4.2.3.
Motif de consommation ............................................................................................ 94
4.2.4.
Prise en charge d’un sevrage de cannabis ................................................................. 94
4.3.
Dépistage systématique tabac/cannabis ........................................................................ 97
4.4.
Dépistage de l’adolescent à risque ................................................................................. 97
4.4.1.
Personnalité ............................................................................................................... 97
4.4.2.
Evénement de vie précipitant .................................................................................... 98
4.4.3.
Contexte familial ....................................................................................................... 98
4.4.4.
Présentation – Attitude – Environnement- Sorties- Désinsertion ........................... 100
4.4.5.
Conflits familiaux, scolaires, professionnels ou judiciaires. ................................... 101
4.4.6.
Symptômes d’ordre psychologique ......................................................................... 102
4.4.7.
Syndrome amotivationnel ....................................................................................... 102
4.4.8.
Symptômes d’ordre somatique................................................................................ 102
4.5.
Usage nocif ..................................................................................................................... 103
4.5.1.
Usage acceptable ..................................................................................................... 103
4.5.1.1.
Existe-t-il un usage acceptable ? ..................................................................... 103
4.5.1.2.
L’usage « acceptable » ................................................................................... 104
4.5.2.
L’usage nocif ou problématique ............................................................................. 105
4.5.2.1.
Usage nocif en terme de fréquence ................................................................. 105
4.5.2.2.
Usage nocif en terme d’âge ............................................................................. 105
4.5.2.3.
Usage nocif en terme de circonstances de consommation .............................. 106
4.5.2.4.
Usage nocif en terme de répercussions sur la vie de tous les jours................. 106
4.5.2.5.
Usage nocif en terme de technique de consommation .................................... 107
4.5.2.6.
Usage nocif en terme de conduites à risque .................................................... 107
4.5.2.7.
Usage nocif en terme de co-intoxication......................................................... 108
4.5.2.8.
Usage nocif selon la situation clinique............................................................ 108
4.6.
Difficultés rencontrées par le médecin ....................................................................... 109
4.6.1.
Les parents............................................................................................................... 109
4.6.2.
Le temps .................................................................................................................. 109
4.6.3.
Le médecin se sent démuni par rapport à ce problème ........................................... 109
4.6.4.
Caractère intrusif du dépistage ................................................................................ 110
4.6.5.
Aspect légal ............................................................................................................. 110
4.6.6.
Difficultés en rapport avec la relation médecin-malade.......................................... 110
4.6.7.
Autres difficultés et appréhensions ......................................................................... 111
4.7.
Dangerosité du cannabis ............................................................................................... 111
4.7.1.
Le cannabis est-il une drogue douce ? .................................................................... 111
4.7.2.
Quel est l’élément principal de dangerosité de ce produit ?.................................... 112
4.7.3.
Toxicomanie-dépendance........................................................................................ 112
4.7.4.
La consommation de cannabis est-elle préoccupante ?........................................... 112
5. DISCUSSION .................................................................................................................... 113
5.1.
Résultat principal et ses implications .......................................................................... 113
5.1.1.
Manque d’informations sur les caractéristiques de l’adolescent à risque ? ............ 114
5.1.2.
Manque d’informations sur l’usage nocif ?............................................................. 115
5.1.3.
Difficultés rencontrées dans le dépistage ? ............................................................ 116
5.1.3.1.
Facteur temps .................................................................................................. 116
5.1.3.2.
Le problème des parents.................................................................................. 117
5.1.3.3.
Le médecin se sent démuni et/ou incompétent................................................ 118
5.1.3.4.
Caractère intrusif du dépistage ........................................................................ 118
5.1.3.5.
Aspect illégal du produit ................................................................................. 119
5.1.3.6.
Difficultés en rapport avec la relation médecin-malade.................................. 119
5.1.3.7.
Autres difficultés et appréhensions ................................................................. 120
5.1.4.
Consommation sans danger ? .................................................................................. 121
5.2.
Les limites de notre étude ............................................................................................. 122
5.2.1.
Effectif restreint....................................................................................................... 122
5.2.2.
Age des patients ...................................................................................................... 122
5.2.3.
Médecins récemment installés ................................................................................ 122
5.2.4.
Facteurs de risque de consommation ou critères de consommation nocive ? ......... 123
5.2.5.
Difficultés d’interprétation et de collecte des données ........................................... 123
5.2.6.
Les propos des médecins ne correspondent pas forcément à leur pratique............. 124
5.3.
Propositions pour un dépistage chez l’adolescent ..................................................... 124
5.3.1.
La rencontre de l’adolescent et du médecin ............................................................ 124
5.3.2.
La conduite de la consultation................................................................................. 125
5.3.2.1.
Les fondamentaux ........................................................................................... 125
5.3.2.2.
Les opportunités .............................................................................................. 126
5.3.2.2.1. Lors de l’exposé du motif............................................................................ 126
5.3.2.2.2. A propos de l’accompagnant....................................................................... 126
5.3.2.2.3. Lors de l’examen clinique ........................................................................... 127
5.3.2.2.4. Lors des questions d’investigations............................................................. 127
5.3.2.3.
Quand un mal être est dépisté ......................................................................... 128
6.
CONCLUSION.................................................................................................................. 130
7.
ANNEXES.......................................................................................................................... 131
8.
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ 198
Sommaire des annexes
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
26.
27.
28.
29.
30.
31.
32.
Annexe 1 : L'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) ............................ 131
Annexe 2 : Le cannabis en population adulte .............................................................................. 132
Annexe 3 : Le cannabis a 17 ans .................................................................................................. 133
Annexe 4 : Diffusion de l’expérimentation.................................................................................. 134
Annexe 5 : Usage de cannabis a 17 ans selon les caractéristiques socio-démographiques.......... 135
Annexe 6 : Contexte d’utilisation du cannabis............................................................................. 136
Annexe 7 : Expérimentation d’autres drogues, représentations du cannabis, associations.......... 137
Annexe 8 : Contexte de la dernière consommation de cannabis et d’alcool................................ 138
Annexe 9 : Consultations cannabis .............................................................................................. 139
Annexe 10 : THC et récepteur à la protéine G ............................................................................. 140
Annexe 11 : Localisation des CB1 ............................................................................................... 141
Annexe 12 : Les huit endocannabinoïdes identifiés a ce jour ...................................................... 142
Annexe 13 : Signalisation intracellulaire des endocannabinoïdes ............................................... 143
Annexe 14 : Action rétrograde des endocannabinoïdes sur l’élément pré-synaptique ................ 144
Annexe 15 : Système de récompense ........................................................................................... 145
Annexe 16 : Teneurs en THC....................................................................................................... 146
Annexe 17 : Descriptions historiques et classiques de l’ivresse cannabique ............................... 147
Annexe 18 : Un cas de trouble psychotique aigu induit par le cannabis...................................... 148
Annexe 19 : Usage thérapeutique de cannabis............................................................................. 149
Annexe 20 : Le monde du travail ................................................................................................. 150
Annexe 21 : Schizophrénie .......................................................................................................... 151
Annexe 22 : Le cycle de Prochaska : les six étapes d’un changement de comportement............ 152
Annexe 23 : Stratégies cognitivo-comportementales................................................................... 153
Annexe 24 : Surf, signes tégumentaires, rastas ............................................................................ 155
Annexe 25 : Guide d’entretien n°1............................................................................................... 156
Annexe 26 : Guide d’entretien n°2............................................................................................... 157
Annexe 27 : Cas cliniques ............................................................................................................ 158
Annexe 28 : Dépistage systématique tabac/cannabis ................................................................... 171
Annexe 29 : Adolescent à risque.................................................................................................. 172
Annexe 30 : Usage nocif .............................................................................................................. 180
Annexe 31 : Difficultés rencontrées par le médecin .................................................................... 188
Annexe 32 : Dangerosité du cannabis .......................................................................................... 192
1.
Introduction
La consommation de cannabis a considérablement augmenté en France depuis une
dizaine d’années principalement chez les jeunes. La proportion de jeunes de 17 ans ayant
expérimenté le cannabis est passée d’un sur cinq en 1993 à un sur deux en 2005. La diffusion
du cannabis est donc actuellement très forte dans notre société. L’usage régulier, c'est-à-dire
plus de dix fois par mois, concerne un jeune de 17 ans sur dix en 2005. Le caractère nocif de
la consommation de cannabis n’est pas défini par la fréquence de consommation mais il est
généralement admis qu’une consommation régulière est susceptible de correspondre à un
usage nocif.
Indépendamment des considérations idéologiques qui parasitent fréquemment le débat,
un consensus scientifique se dégage actuellement sur la dangerosité de la consommation de
cannabis.
Dans la première partie de ce travail, nous avons réalisé une revue de la littérature
concernant les données récentes sur le cannabis : les dernières données épidémiologiques,
l’aspect biologique du produit, le système endocannabinoïde et les mécanismes de l’addiction,
les risques cliniques.
Si l’expérimentation de cannabis s’est généralisée, le passage à un usage régulier reste
limité. L’engagement dans une consommation régulière s’inscrit dans des contextes
personnels et environnementaux particuliers. Quelques notions concernant la
psychopathologie de l’adolescence seront exposées pour comprendre les principaux facteurs
de risque et de vulnérabilité qui peuvent conduire à un usage nocif de cannabis. Il s’agit, pour
le médecin généraliste, de repérer les adolescents les plus fragiles, ceux qui sont susceptibles
de s’engager dans une consommation régulière et donc potentiellement nocive.
Le médecin généraliste est probablement le mieux placé pour détecter les jeunes « à
risque » du fait des caractéristiques de son activité. Il existe peu de données sur les pratiques
des médecins généralistes en matière de dépistage de l’usage de cannabis chez les
adolescents. Il s’avère que l’usage nocif de cannabis est le plus souvent repéré à l’occasion
d’une complication ou d’une co-morbidité ce qui suggère qu’un dépistage préalable n’a pas
été effectué.
Notre étude a eu pour objectif d’explorer l’attitude pratique des médecins généralistes
en matière de dépistage de la consommation de cannabis. Aborder la question du cannabis en
consultation ne va pas de soi et se heurte à plusieurs difficultés. Nous avons cherché à
comprendre pourquoi ce dépistage est rarement effectué en pratique courante de médecine
générale. Une plus grande compréhension de ce phénomène pourrait permettre de proposer
des outils adaptés pour remédier à cette situation.
1
2.
Revue de la littérature
2.1.
Epidémiologie
Nous citons dans ce travail les données épidémiologiques publiées par l’Observatoire
Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT). Une description de cet observatoire et des
enquêtes qu’il coordonne, est disponible en annexe 1.
Afin de décrire l’usage de cannabis en France, l’OFDT utilise une approche par niveaux
de consommation qui se base sur la fréquence de la consommation.
La notion d'expérimentation désigne le fait d'avoir déjà consommé du cannabis au moins
une fois au cours de sa vie.
La notion d’usage répété désignait entre 1993 et 2000, le fait d’avoir consommé du
cannabis au moins 10 fois au cours de l’année écoulée.
La notion d’usage récent remplace celle de l’usage répété dans les enquêtes de l’OFDT
depuis 2000. Elle désigne le fait d’avoir consommé du cannabis entre 1 et 10 fois au cours du
dernier mois.
La notion d’usage régulier désigne le fait d’avoir consommé plus de 10 fois au cours du
dernier mois.
La notion d’usage quotidien désigne le fait d’avoir consommé tous les jours au cours du
dernier mois.
Selon ce mode d’approche, l’usage devient implicitement excessif lorsqu’il est régulier ou
quotidien.
Une telle approche identifie des groupes de consommateurs excessifs très largement
différents de ceux repérés à l’aide des nouvelles classifications internationales. La majorité des
sujets présentant un abus ou une dépendance selon la CIM-10 ou le DSM-IV est généralement
classée dans la catégorie des consommateurs excessifs. En revanche, beaucoup de
consommateurs excessifs ne répondent pas aux critères diagnostiques d’abus ou de dépendance
selon les classifications internationales. Nous aborderons l’approche catégorielle de la
consommation établie par les classifications internationales dans le chapitre suivant.
2
2.1.1. Consommation en population adulte (1)
2.1.1.1.
Evolution de la consommation en population adulte
Les figures illustrant cette évolution de la consommation en population adulte sont
disponibles en annexe 2.
Au cours de la dernière décennie, la part de la population adulte ayant expérimenté le
cannabis n’a cessé d’augmenter : elle est passée de 18 % en 1992 à 42 % en 2005 dans la tranche
d’âge 18-44 ans.
Cette augmentation est essentiellement due à la généralisation de l’expérimentation chez
les jeunes. Toutefois, ce mouvement semble s’être récemment arrêté. L’expérimentation apparaît
même en baisse pour les hommes âgés de 18 à 25 ans entre 2002 (61 %) et 2005 (55 %) alors
qu’elle reste stable pour les femmes de cette tranche d’âge (37 % en 2002 et 39 % en 2005).
L’usage occasionnel, qui apparaissait en hausse entre 1992 et 2002 est resté stable entre
2002 et 2005 et concerne environ 8 % des 18-64 ans. Dans le détail, on observe que les 18-25 ans
sont proportionnellement moins nombreux à consommer au cours du mois que ceux de cette
tranche d’âge en 2002. L’usage récent semble également se stabiliser depuis 2000 autour de 5 %
des 18-64 ans. En revanche, la consommation régulière a connu une augmentation significative
entre 2000 et 2005 (passant de 1,7 % à 2,7 % des 18-64 ans), pour les hommes (passant de 2,6 %
à 4,2 %) comme pour les femmes (de 0,8% à 1,2 %).
Après 25 ans, les personnes déclarant avoir expérimenté le cannabis s’avèrent plus
nombreuses qu’auparavant. La diffusion du cannabis dans la population s’est donc ralentie, et les
anciens expérimentateurs, ayant précédemment contribué à la hausse des prévalences,
commencent maintenant à vieillir.
2.1.1.2.
Niveaux d’usage en 2005 parmi les adultes
En 2005, parmi les 18-75 ans, près de trois adultes sur dix (27 %) déclarent avoir déjà
expérimenté le cannabis. Cette proportion tombe à 7% pour les usages au cours de l’année
écoulée. Les niveaux de consommation des hommes sont nettement plus élevés que ceux des
femmes, même si l’écart tend à se réduire ces dernières années.
Le cannabis reste surtout consommé par les jeunes générations. Parmi les 18-25 ans, 14%
sont des usagers récents, 9% des usagers réguliers et 4% des usagers quotidiens.
Les proportions des usages au cours de l’année deviennent rapidement négligeables audelà de 50 ans. Toutefois, compte tenu notamment du vieillissement des consommateurs des
générations précédentes, il apparaît en 2005 que toutes les tranches d’âge se trouvent concernées
par l’expérimentation, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.
3
•
•
•
•
En France métropolitaine, parmi les 12-75 ans, on estime que (2) :
12,4 millions de personnes ont expérimenté le cannabis,
3,9 millions sont des usagers occasionnels,
1,2 millions sont des usagers réguliers,
550 000 sont des usagers quotidiens.
2.1.2. Consommation à 17 ans (1)
Les figures illustrant cette évolution de la consommation à 17 ans sont disponibles en
annexe 3 (2) (3).
2.1.2.1.
Evolutions depuis 1993 de l’expérimentation et de l’usage répété à 17 ans
Le niveau d’expérimentation de cannabis chez les jeunes de 17 ans a très fortement
progressé au cours de la dernière décennie. Il a en effet plus que doublé entre 1993 et 2002. Cette
tendance semble s’infléchir actuellement.
L’usage répété de cannabis a connu une hausse encore plus rapide que celle de
l’expérimentation au cours de la même période : la proportion de tels usagers a plus que triplé
entre 1993 et 2002, tant parmi les garçons que parmi les filles, même si la proportion parmi ces
dernières reste deux fois moindre (3).
Cette notion d’usage répété est utile pour constater l’évolution de la consommation depuis
1993. Cependant, depuis 2000, les études ESCAPAD font davantage référence à un usage récent
c'est-à-dire au cours du dernier mois.
2.1.2.2.
Niveaux de consommation à 17 ans entre 2000 et 2005 (4)
Après l’augmentation des niveaux de consommation de cannabis entre 1993 et 2000,
depuis 2002, la tendance générale est plutôt à la stagnation voire à la légère baisse. C’est en
examinant les différentes catégories d’usagers que s’observent certaines nuances.
En 2005, le cannabis a été expérimenté par près de la moitié des adolescents de 17 ans, les
garçons l’ayant fait plus souvent que les filles. Les niveaux d’expérimentation sont stables depuis
2002.
L’usage récent concerne un peu plus d’un jeune sur quatre, ce qui apparaît légèrement
inférieur au taux observé en 2003.
L’usage régulier concerne un peu plus d’un jeune sur dix. Après avoir légèrement diminué
entre 2002 et 2003, ce niveau est stable.
L’usage quotidien concerne un peu plus d’un jeune sur vingt. Il a nettement progressé
entre 2003 et 2005. La proportion des usagers quotidiens, parmi les expérimentateurs et non plus
en population générale, est passée de 7,8% à 10,5% entre 2003 et 2005.
4
Ainsi, si la diffusion du cannabis et les usages épisodiques semblent avoir cessé de
progresser depuis 2000, la part des usagers quotidiens s’est accrue. La structure des usages a donc
changé en quelques années, se déplaçant maintenant vers des usages plus fréquents. Il pourrait
s’agir d’un symptôme du caractère mature du marché du cannabis, le produit ayant trouvé ses
consommateurs après les précédentes années de diffusion transitoire.
L’usage est d’autant plus masculin que la fréquence de consommation considérée est
élevée. Le sexe ratio atteint 2,4 en faveur des garçons pour les usages régulier et quotidien.
Usages de cannabis à 17 ans (%) en 2005 (4)
Expérimentation (%)
Usage au cours de l’année (%)
Usage au cours du mois (%)
Usage régulier (%)
Usage quotidien (%)
Age expérimentation (année)
garçons
filles
sexe ratio
Test
Ensemble
Ensemble 2003
53.1
45.6
33.3
15.0
7.3
15.0
45.5
36.8
22.3
6.3
3.0
15.2
1.2
1.2
1.5
2.4
2.4
***
***
***
***
***
***
49.4
41.3
27.9
10.8
5.2
15.1
50.3
43.0
30.7
10.6
3.9
15.2
Evolution
(2003/2005)
ns
**
***
ns
***
***
Lecture : *, **, *** et ns : test du Chi² (pour les pourcentages) ou t-test de comparaison de moyennes (pour l’âge
moyen lors de l’expérimentation) respectivement significatif au seuil 0.05, 0.01, 0.001 et non significatif.
Sources : ESCAPAD 2003-2005, OFDT
2.1.2.3.
Age d’expérimentation et diffusion de l’expérimentation du cannabis à
l’adolescence (4)
En moyenne, les jeunes de 17 ans ont fumé leur premier joint à 15 ans et un peu plus d’un
mois (soit 15,1 ans), les garçons l’ayant fait légèrement plus tôt que les filles. Les jeunes
commencent à fumer du cannabis de plus en plus précocement au cours de leur vie depuis 5 ans :
l’âge moyen de la première consommation ne cesse en effet de baisser depuis 2000. Cependant il
ne s’agit que d’une diminution de 2 mois et demi (0,2 ans) en 5 ans, la moyenne étant passée de
15,3 ans à 15,1 ans.
La reconstruction rétrospective de la diffusion de l’expérimentation du cannabis (Annexe
4 (4)) montre que c’est entre 14 ans et 16 ans que l’expérimentation du cannabis est la plus
fréquente. En revanche, à partir de 16 ans, la courbe s’infléchit, signifiant que le processus de
diffusion de l’entrée dans la consommation est en voie d’achèvement, quel que soit le sexe.
Les garçons apparaissent légèrement plus précoces que les filles (2,8 % des garçons ont
fumé leur premier joint à l’âge de 12 ans ou moins contre 1,1 % des filles). De plus, l’écart entre
les deux courbes ne cesse de croître entre les âges (hormis entre 16 et 17 ans), ce qui signifie que
la vitesse de diffusion est plus grande chez les garçons.
5
2.2.
Définitions et concepts : les addictions et les comportements de
consommation
2.2.1. Trouble addictif (5)
Le terme addiction trouve ses origines dans le droit romain ancien et reste utilisé dans ce
même contexte juridique jusqu’au Moyen Age en Europe occidentale. L’addiction correspondait
à un arrêt du juge donnant « au plaignant le droit de disposer à son profit de la personne même
d’un débiteur défaillant ». Il s’agissait donc d’une véritable contrainte par corps. C’est dans les
pays anglo-saxons que le terme d’addiction apparaît initialement en psychiatrie, désignant les
toxicomanes.
Critères pour le diagnostic de trouble addictif d’après Goodman (6)
A : Echecs répétés de résister à l’impulsion d’entreprendre un comportement spécifique.
B : Sentiment de tension augmentant avant de débuter le comportement.
C : Sentiment de plaisir, de soulagement en entreprenant le comportement.
D : Sentiment de perte de contrôle pendant la réalisation du comportement.
E : Au moins 5 des items suivants :
1. Fréquentes préoccupations liées au comportement ou aux activités préparatoires à sa réalisation.
2. Fréquence du comportement plus importante ou sur une période de temps plus longue que celle
envisagée.
3. Efforts répétés pour réduire, contrôler ou arrêter le comportement.
4. Importante perte de temps passé à préparer le comportement, le réaliser ou récupérer de ses effets.
5. Réalisation fréquente du comportement lorsque des obligations occupationnelles, académiques,
domestiques ou sociales doivent être accomplies.
6. D’importantes activités sociales, occupationnelles ou de loisirs sont abandonnées ou réduites en raison
du comportement.
7. Poursuite du comportement malgré la connaissance de l’exacerbation des problèmes sociaux,
psychologiques ou physiques persistants ou récurrents déterminés par ce comportement.
8. Tolérance : besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence du comportement pour obtenir l’effet désiré
ou effet diminué si le comportement est poursuivi avec la même intensité.
9. Agitation ou irritabilité si le comportement ne peut être poursuivi.
F : Certains symptômes du trouble ont persisté au moins un mois ou sont survenus de façon répétée sur une période
prolongée.
L’addiction se caractérise donc par :
- l’impossibilité répétée de contrôler un comportement ;
- la poursuite d’un comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences
négatives.
Ce comportement vise à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne.
Ce qui signe l’addiction, ce n’est pas le produit en lui-même mais l’utilisation qu’en fait
l’individu.
6
Le concept de trouble addictif présente plusieurs intérêts :
-
il permet un abord commun, plus objectif et comparatif, des troubles liés à la
consommation de substances psycho-actives ;
il permet de sortir des pièges du vocabulaire commode mais stigmatisant d’alcoolisme
ou de toxicomanie ;
il permet de sortir du carcan rigide de la loi de 1970 qui globalise les différents
produits illicites et assimile les différents types de consommateurs à des délinquants.
2.2.2. Comportements de consommation (7)
La communauté scientifique internationale individualise trois grands types de
comportements dans la consommation de substances psycho-actives et ce quelle que soit la
substance concernée : l’usage, l’abus (ou usage nocif) et la dépendance.
2.2.2.1.
L’usage
L’usage est caractérisé par la consommation de substances psycho-actives n’entraînant ni
complications somatiques ni dommages : ceci signifie que l’on admet l’existence d’un
comportement, régulier ou non, de consommation de substances psycho-actives qui n’entraînerait
pas de dommages.
Une telle définition veut donc dire que l’usage ne saurait être considéré comme relevant
d’une problématique pathologique nécessitant des soins, (alors que l’abus et la dépendance sont
obligatoirement inscrits dans des problématiques de prise en charge sanitaire et sociale). Le
caractère illicite de la substance consommée ne saurait être pris en compte comme critère de
pathologie. Les seules complications de l’usage simple de substances illicites sont d’ordre pénal
ou social.
Les pratiques d’usage de substances psycho-actives référent à trois modalités de
consommation :
La non-consommation
Qu’il s’agisse de non-consommation primaire (pas d’initialisation ou d’expérimentation)
ou secondaire (arrêt après une phase de consommation), une partie plus ou moins importante de
la population ne consomme pas.
La consommation socialement réglée
Cette consommation est en lien direct avec le refus, la tolérance, ou au contraire, la
valorisation d’une substance par une société donnée, à un moment donné (citons la place du vin
et de l’alcool en France, du cannabis au Maroc). Rappelons toutefois que la place sociale d’un
produit est souvent ambiguë, compromis entre des intérêts et des prises de position multiples et
parfois contradictoires. Les « normes » de consommations varient souvent dans le temps.
7
Cet usage social peut être selon les cas, un usage occasionnel ou un usage régulier mais
modéré. Cet usage peut s’inscrire dans un contexte de convivialité et participer au lien social ; à
un degré de plus, il peut s’agir d’un usage festif dont la consommation d’un produit devient un
des éléments forts voire symbolique. C’est ici que doit se poser la question du statut de l’ivresse,
que nous serons amenés à préciser.
Les usages à risque
Dans certaines circonstances ou situations de consommation, même cette consommation
apparemment socialement réglée est susceptible d’entraîner des dommages.
Étant donné l’importance de ces modalités de consommation, nous allons les
individualiser et les détailler. Nous allons préciser les caractéristiques de ces usages à risque, car
ils font le lit de l’abus et de la dépendance. Il faut également savoir qu’on les retrouve comme
facteurs de gravité de la dépendance. On peut regrouper ces usages à risques en trois catégories :
La consommation dans certaines situations : le risque situationnel
Il s’agit notamment des tâches nécessitant une bonne maîtrise psychomotrice (conduite
automobile, conduite d’engins, mais aussi tâches professionnelles). Le risque est également
déterminé par l’organisation de la personnalité du consommateur, facilitant, par exemple, la prise
de risque ou des comportements agressifs. Les risques situationnels concernent également les
femmes enceintes. Enfin, la prise de médicaments, notamment psychotropes, peut, en association
avec d’autres substances psycho-actives entraîner des effets nocifs.
La consommation selon certaines modalités : le risque quantitatif
Il existe un consensus fort parmi les praticiens, confirmé parmi les données
épidémiologiques, pour considérer que certaines modalités de consommation sont fortement
corrélées à l’apparition de dommages, et aux risques d’abus et de dépendance :
– la consommation précoce ;
– le cumul des consommations de substances psychotropes ;
– la consommation à visée auto-thérapeutique : l’usager recherche un effet anxiolytique ou
antidépresseur ; ces consommations sont le plus souvent solitaires ;
– la consommation à visée de « défonce » : conduites d’excès dans lesquelles l’effet recherché est
celui d’une ivresse massive, d’une anesthésie ;
– la répétition de ces modalités de consommation, avec un argument de fréquence, de perte de
contrôle et en insistant particulièrement sur la consommation matinale.
8
Le problème des consommations festives et de l’ivresse
On perçoit aisément à la lecture de ce qui précède à quel point il peut être difficile de différencier une
consommation festive, hédonique, apportant du plaisir, de la sociabilité et une ivresse psychotrope nocive. C’est la
très forte valorisation de ces consommations festives qui rend difficile la définition, le repérage et le diagnostic des
ivresses psychotropes « pathologiques ». Il semble toutefois possible de s’appuyer, pour différencier une
consommation festive d’une consommation dangereuse voire nocive ou toxicomaniaque, sur les éléments énoncés
plus haut : lorsque les ivresses sont précoces, répétées, associant plusieurs produits a visée d’anesthésie ou de «
défonce » massive, il est alors légitime de considérer qu’il s’agit de consommations pathologiques, différentes de la
simple euphorie festive. On conçoit toutefois aisément qu’il va être difficile de faire diffuser cette notion, pourtant
capitale, dans le public.
La consommation au-delà de certaines quantités
Le risque devient, là, épidémiologique, statistique, sur le long terme : les données de
l’épidémiologie affirment clairement qu’au-delà de certains seuils de consommation, la morbidité
et la mortalité augmentent. Il conviendra donc de bien connaître, pour les différents produits
psycho-actifs, le risque épidémiologique et les corrélations entre la quantité consommée et
l’augmentation de la morbidité et de la mortalité.
2.2.2.2.
L’usage nocif ou abus
L’usage nocif se caractérise par la concrétisation des dommages liés à la prise de risque.
L’existence de complications somatiques ou psychiatriques et des dommages sociaux, familiaux
ou juridiques induits, justifie de parler de « troubles liés à la consommation de… » (« substances
use disorders » en anglais) et de proposer une véritable réponse sanitaire d’aide à la gestion de
ces comportements nocifs.
Nous retenons ici les définitions de l’Association Américaine de Psychiatrie reprise dans
le Manuel diagnostique et Statistique des troubles Mentaux (DSM-IV) pour l’abus de substances
et celle de l’Organisation Mondiale de la Santé reprise dans la Classification Internationale des
Maladies (CIM-10) pour l’ usage nocif .
L’intérêt de ces définitions est de faire admettre que cette modalité de comportement de
consommation doit être considérée comme une entité pathologique à part entière. Il s’agit là d’un
changement conceptuel majeur qui permet de faire basculer ces conduites de consommation
nocives du champ de la prévention à celui de la pathologie et d’instaurer ainsi une légitimité
médicale à traiter : l’acte médical s’appuie alors sur une nécessité de soins, et non plus sur de
vagues considérations préventives, toujours plus ou moins suspectes d’à priori moraux. La
reconnaissance par le corps médical de l’existence d’une consommation nocive rend plus difficile
le déni, individuel et collectif, dans la mesure où il existe des données objectives et un consensus
scientifique(5).
9
Critères diagnostiques de l’abus de substances selon le DSM-IV (8)
A. Mode d’utilisation inadéquat d’une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance
cliniquement significative, caractérisée par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une
période de douze mois :
1. utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à
l’école ou à la maison (par exemple, absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de
l’utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants
ou des taches ménagères) ;
2. utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par
exemple, lors de la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine en étant sous l’influence
d’une substance) ;
3. problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance (par exemple, arrestations pour
comportement anormal en rapport avec l’utilisation de la substance) ;
4. utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux, persistants ou récurrents, causés
ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple, disputes avec le conjoint à propos des conséquences
de l’intoxication, bagarres) ;
B. Les symptômes n’ont jamais atteint, pour cette classe de substance, les critères de dépendance à une substance.
L’usage nocif pour la santé selon le CIM-10 (9)
Mode de consommation d’une substance psycho-active qui est préjudiciable à la santé. Les complications peuvent
être physiques ou psychiques.
Le diagnostic repose sur des preuves manifestes que l’utilisation d’une ou de plusieurs substances a entraîné des
troubles psychologiques ou physiques. Ce mode de consommation donne souvent lieu à des critiques et à des
conséquences sociales négatives. La désapprobation par autrui, ou par l’environnement culturel, et les conséquences
sociales négatives ne suffisent toutefois pas pour faire le diagnostic. On ne fait pas ce diagnostic quand le sujet
présente un syndrome de dépendance. L’abus de substances psycho-actives est caractérisé par une consommation
qui donne lieu à des dommages dans les domaines somatiques, psycho-affectifs ou sociaux, mais cette définition ne
fait pas référence au caractère licite ou illicite des produits.
10
2.2.2.3.
La dépendance
De façon condensée, Fouquet définit la dépendance à l’alcool comme étant une
« impossibilité de s’abstenir de consommer ». Cette définition peut s’appliquer à toutes les
substances psycho-actives.
Critères de dépendance à une substance selon le DSM-IV (8)
Mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance,
cliniquement significative, caractérisé par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment
quelconque d'une période continue de 12 mois :
- tolérance, définie par l'un des symptômes suivants :
o besoin de quantités notamment plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l'effet
désiré,
o effet notablement diminué en cas d'utilisation continue d'une même quantité de la substance ;
- sevrage caractérisé par l'une ou l'autre des manifestations suivantes :
o syndrome de sevrage caractéristique,
o la même substance (ou une substance très proche) est prise pour soulager ou éviter les symptômes
de sevrage ;
- la substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée que prévu ;
- il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l'utilisation de la substance ;
- beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit, ou à
récupérer de ses effets ;
- les activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de
l'utilisation de la substance ;
- l'utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou
physique persistant ou récurrent susceptible d'avoir été causé ou exacerbé par la substance.
Spécifier si :
- avec dépendance physique : présence d'une tolérance ou d'un sevrage
- sans dépendance physique : absence de tolérance ou de sevrage
Le propos de ce travail n’est pas spécifiquement la dépendance. Nous verrons pourtant
qu’une réelle dépendance au cannabis est décrite. Cette notion nous sert essentiellement à faire
prendre conscience au monde médical mais également aux adolescents et à leur famille, que le
cannabis est une drogue à part entière.
11
2.2.3. Qualifier une consommation en pratique clinique
Les définitions et les concepts que nous venons d’aborder sont utiles pour appréhender les
comportements de consommation. Cependant, ils sont mal adaptés à la pratique clinique en
médecine générale. C’est pourquoi plusieurs outils ont été développés et nous nous intéresserons
à ceux qui permettent de repérer l’usage nocif de substances psycho-actives en général et de
cannabis en particulier.
Le questionnaire ADOSPA
ADOSPA est l’acronyme français proposé pour « ADOlescents et Substances PsychoActives » mais également pour « Auto, Détendre, Oublié, Seul, Problèmes, Amis ». Il s’agit d’un
équivalent du questionnaire CRAFFT, originellement élaboré et validé aux USA (10) : « Car,
Relax, Alone, Forget, Family ou Friends, Troubles ». Ce questionnaire binaire s’avère être un
excellent instrument de repérage précoce des ivresses régulières ainsi que des usages réguliers et
quotidiens de cannabis. L’étude ADOTECNO (11) a permis de recommander 3 niveaux de risque
pour cet outil :
- risque faible (score inférieur ou égal à 1) ;
- modéré (score égal à 2) repérant largement les usages nocifs d’alcool et d’autres drogues,
notamment le cannabis ;
- élevé (score supérieur ou égal à 3) repérant la gravité des consommations.
Questionnaire ADOSPA
1) Etes-vous déjà monté(e) dans un véhicule (Auto, moto, scooter) conduit par quelqu’un (vous y compris) qui avait
bu ou qui était défoncé(e) ?
2) Utilisez-vous de l’alcool ou d’autres drogues pour vous Détendre, vous sentir mieux ou tenir le coup ?
3) Avez-vous Oublié des choses que vous deviez faire (ou fait des choses que vous n’auriez pas faites) quand vous
utilisez de l’alcool ou d’autres drogues ?
4) Consommez-vous de l’alcool et d’autres drogues quand vous êtes Seul(e) ?
5) Avez-vous déjà eu des Problèmes en consommant de l’alcool ou d’autres drogues ?
6) Vos Amis ou votre famille vous ont-ils déjà dit que vous deviez réduire votre consommation de boissons
alcoolisées ou d’autres drogues ?
Deux réponses affirmatives indiquent un usage nocif de substances psycho-actives.
12
Le questionnaire DETC / CAGE-Cannabis
DETC est l’acronyme français pour « Diminuer, Entourage, Trop, Cannabis). Ce test
invite les consommateurs à réfléchir sur les conséquences éventuelles de leur consommation. Il
est validé aux Etats-Unis pour l’alcool sous l’acronyme de CAGE : « Cut down, Annoyed,
Guilty, Eye-opener » (12). Ce questionnaire est utilisé au cours des « consultations cannabis » par
l’Accueil Drogue Info (ADI) à Brest.
Questionnaire DETC / CAGE-Cannabis
1) Avez-vous déjà ressenti le besoin de Diminuer votre consommation de cannabis ?
2) Votre Entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation ?
3) Avez-vous déjà eu l’impression que vous fumiez Trop de cannabis ?
4) Avez-vous déjà eu besoin de fumer du Cannabis dès le matin pour vous sentir en forme ?
Deux réponses positives à ces questions ou plus évoquent une consommation nocive.
Le questionnaire CAST
Le questionnaire CAST (13) pour « Cannabis Abuse Screening Test », a été élaboré à
l’Office Français des Drogues et Toxicomanie (OFDT). Il permet le repérage des différents
aspects de l’usage nocif de cannabis comme les contextes d’usage non festifs (fumer seul ou
avant midi), les troubles mnésiques, l’encouragement à la réduction ou l’arrêt de l’usage, les
tentatives infructueuses d’arrêt et les problèmes liés à la consommation.
Questionnaire CAST
1) Avez-vous déjà fumé du cannabis avant midi ?
2) Avez-vous déjà fumé du cannabis lorsque vous étiez seul(e) ?
3) Avez-vous déjà eu des problèmes de mémoire à cause de votre consommation de cannabis ?
4) Des amis ou des membres de votre famille vous ont-ils déjà dit que vous devriez réduire votre consommation de
cannabis ?
5) Avez-vous déjà essayé de réduire ou d’arrêter votre consommation de cannabis sans y arriver ?
6) Avez-vous déjà eu des problèmes à cause de votre consommation de cannabis (dispute, bagarre, accident, crises
d’angoisse, mauvais résultats à l’école…) ?
Risque faible (score inférieur ou égal à 1)
Risque modéré (score égal à 2) repérant largement les usages nocifs d’alcool et d’autres drogues, notamment le
cannabis
Risque élevé (score supérieur ou égal à 3) repérant la gravité des consommations
13
Le questionnaire ALAC
Le questionnaire ALAC (14) pour « ALcohol Advisory Council », est validé en Nouvelle
Zélande. Il s’agit d’un questionnaire d’auto-évaluation de la consommation de substances
psycho-actives dont le cannabis.
Questionnaire ALAC
1) Votre entourage s'est-il plaint de votre consommation de cannabis ?
2) Avez-vous des problèmes de mémoire immédiate ?
3) Avez-vous déjà eu des épisodes délirants lors d'usage de cannabis ?
4) Considérez-vous qu'il est difficile de passer une journée sans joint ?
5) Manquez-vous d'énergie pour faire les choses que vous faisiez habituellement ?
6) Vous êtes-vous déjà senti (e) préoccupé (e) par les effets de votre usage de cannabis ?
7) Avez-vous plus de difficultés à étudier, à intégrer des informations nouvelles ?
8) Avez-vous déjà essayé sans succès de diminuer ou d'arrêter votre usage de cannabis ?
9) Aimez-vous planer, être défoncé (e), être « stoned », dès le matin ?
10) Etes-vous de plus en plus souvent défoncé (e) ?
11) Avez-vous ressenti une envie très forte de consommer, des maux de tête, de l'irritabilité ou des difficultés
de concentration quand vous diminuez ou arrêtez l'usage du cannabis ?
Trois réponses affirmatives indiquent un usage problématique de cannabis.
Le questionnaire DEP-ADO (15)
Il s’agit d’un questionnaire québécois établi par le groupe RISQ (Recherche et
Intervention sur les Substances psycho-actives au Québec). Il permet d’évaluer l’usage d’alcool
et de drogue chez les adolescents et de faire un dépistage de la consommation problématique, ou
à risque. Il peut être utilisé en mode face à face ou en mode auto-administré. Son utilisation sert
autant des objectifs de dépistage et de référence, que de recherche et de suivi épidémiologique. Il
a été conçu pour des jeunes de 11 à 18 ans. Les questions touchent : la consommation de divers
psycho-actifs au cours des 12 derniers mois et des 30 derniers jours, l’âge du début de la
consommation régulière, l’injection de substances, l’alcoolisation excessive, la consommation de
tabac et un certain nombre de méfaits associés à la consommation. Cet instrument classifie le
degré de la problématique de consommation d’un jeune en fonction de trois niveaux (vert, jaune,
rouge). Son utilisation requiert un certain entraînement. Un exemplaire du questionnaire et son
guide d’utilisation sont disponibles à l’adresse Internet suivante :
http://www.risq-cirasst.umontreal.ca/PDF/DEP-ADO-version3.2_sept07
14
Ces cinq questionnaires sont facilement utilisables en consultation de médecine générale.
Le DEP-ADO est certes moins transparent et suppose d’une part un entraînement et d’autre part
d’avoir fixé clairement au préalable l’objectif de la consultation avec l’adolescent. Chaque
questionnaire possède sa grille de cotation et permet de poser un diagnostic d’usage nocif de
cannabis. Ils permettent également d’alerter l’adolescent sur certains points de dangerosité bien
précis notamment :
- les risques de conduite en état d’ivresse ;
- les effets négatifs de leur consommation sur leur mémoire, sur leurs relations avec leur
entourage, sur leur scolarité ;
- la perte de contrôle : consommation solitaire, dès le matin, à visée anxiolytique…etc.
Cette prise de conscience n’est pas nécessairement immédiate mais elle va faire son
chemin dans l’esprit de l’adolescent notamment lorsqu’il allumera son joint du matin, lorsqu’il
montera dans une voiture conduite par quelqu’un en état d’ivresse.
Ces questionnaires n’ont pas forcément vocation à être utilisés pendant l’entretien. Ils
peuvent être simplement disponibles dans la salle d’attente.
L’utilisation de ces questionnaires permet à l’adolescent de se situer par rapport à sa
consommation. Son médecin a mis à sa disposition ce type de test ce qui veut dire qu’il est
sensibilisé au problème. L’adolescent sait dorénavant que sa consommation est nocive et comme
nous l’avons détaillé précédemment, il sait également qu’il présente un état pathologique bien
étiqueté. Il a déjà franchi les premières étapes de la prise en charge de son trouble : il a pris
conscience de son problème et il a trouvé un interlocuteur.
15
2.3.
Psychopathologie de l’adolescent fumeur de cannabis (16)
2.3.1. Processus de l'adolescence
L'adolescence est une période d'apprentissages et de bouleversements, tant sur le plan
physique que psychique. Le jeune doit abandonner le statut d'enfant pour acquérir
progressivement celui d’adulte. Cette étape de développement intéresse principalement les
sphères physique, cognitive et émotionnelle. Les signes pubertaires constituent l'un des
déclencheurs des changements de comportement à l'adolescence. Ces modifications corporelles
ont un impact sur l'image que l'adolescent perçoit de lui-même, ainsi que sur la vision que les
autres ont de lui. Ce corps, en voie de transformation, est à la fois aimable et susceptible d'aimer.
Cette transformation est génératrice d'émotions que l'adolescent doit apprendre à gérer.
Cette évolution se déroule au sein d'un environnement familial et social. Certaines failles,
restées « en latence », durant l'enfance peuvent se révéler brutalement au moment où se déroule le
processus de séparation/individualisation à l’adolescence.
Ainsi, l'adolescent doit gérer des modifications physiques avec leurs conséquences
émotionnelles en se servant de compétences cognitives nouvellement acquises et en puisant dans
les relations, familiales et environnementales, antérieures et actuelles, les bases sur lesquelles il
pourra s'appuyer pour prendre son envol.
2.3.1.1.
Développement émotionnel de l'adolescent
C'est au cours de l'adolescence que, pour la première fois, l'individu a les capacités
cognitives de prendre conscience :
de qui il est, de ce qui le rend unique d'une part ;
de la difficulté à faire face et à gérer ses émotions, d'autre part.
2.3.1.1.1. Développement du sens de l'identité
L'identité inclut deux concepts :
la conception du soi, c'est-à-dire la représentation que l'adolescent se fait de lui-même :
quels sont ses qualités ? Quel est son rôle ? Quels sont ses objectifs ? Quels sont ses
intérêts, ses valeurs, ses croyances ?
l'estime de soi qui fait appel à l'évaluation, à ce que l'adolescent pense de lui-même. Cette
estime de soi, basse ou élevée au départ, peut évoluer dans le temps en s'améliorant ou en
se détériorant. Plusieurs facteurs ont une influence sur cette estime de soi :
la capacité cognitive de faire des généralisations abstraites à partir de la
conception du soi ;
les changements physiques ;
les commentaires des parents, des proches, des pairs.
Le processus par lequel l'adolescent achève son identité passe par l'expérimentation. Il est
en quête d’une apparence physique et d’un comportement qui lui correspondent. Il explore de
16
nouvelles situations. Chaque adolescent à une approche particulière et personnelle de cette
expérimentation qui est un processus normal de l'adolescence. Malgré tout, certaines conduites
sont plus dangereuses que d'autres. Le problème vient de la pérennisation de ces conduites. La
perte de l'estime de soi provient souvent du fossé qui existe entre celui que l'adolescent voudrait
être et celui qu'il est dans la réalité. Cette baisse de l'estime de soi conduit bien souvent à des
conséquences négatives. On peut citer la dépression, les troubles du comportement alimentaire,
les conduites délictuelles ou les conduites additives.
2.3.1.1.2. Gestion du stress et des émotions
Plusieurs compétences sont nécessaires pour faire face à ses émotions.
Reconnaissance et gestion des émotions
L'adolescent doit apprendre à identifier ses émotions : anxiété, tristesse, colère... Ainsi, il
pourra découvrir de nouvelles options pour y faire face. Sans cette possibilité de prise de
conscience des émotions, sans cette capacité à nommer ce qu’il ressent, la source de ces ressentis
ne peut être définie. Par conséquent, ces derniers vont créer de l'inconfort. Par exemple, des
adolescents qui ressentent de la colère, sans pouvoir la nommer expressément, auront tendance à
l'extérioriser par un comportement agressif plutôt que d'apprendre à la reconnaître et ainsi à la
gérer de manière efficace et constructive. Le risque de gérer ses débordements émotionnels par la
prise de drogue est majeur dans ces conditions.
Développement de l'empathie
L'empathie se définit par la capacité qu'a l'être humain à reconnaître l'émotion d'autrui.
Certains adolescents ont de réelles difficultés à « lire » les émotions des autres, ce qui conduit à
des malentendus sur des attitudes qui seront jugées agressives, alors qu'elles étaient initialement
neutres.
Apprendre à résoudre des conflits de manière positive
Les conflits sont inévitables. L'adolescent doit apprendre à les définir, à reconnaître ses
émotions et celles des autres. Ainsi il pourra mettre en perspective des voies de résolution de ces
conflits. La prise de drogues est une manière de pallier à ces difficultés à gérer les conflits.
Lorsqu'il est sous l'emprise des drogues, il ne les voit plus.
2.3.1.2.
Rapports avec la famille
L'adolescence est une période de changement et de réorganisation des relations
intrafamiliales. Ce changement vient des adolescents mais également des parents. Les premiers
découvrent l'étendue de leurs capacités (physiques, intellectuelles, sexuelles) tandis que les
seconds commencent le plus souvent à se questionner sur le déclin de leur propres capacités.
D'autre part, le désir d'autonomie de l'adolescent met en péril le rôle d'éducateur du parent. Pour
toutes ces raisons, durant l'adolescence, les conflits entre parents et enfants augmentent et la
complicité entre eux diminue. Il est cependant crucial de maintenir un cadre tout en laissant une
bonne distance acceptable pour les deux parties. L'absence de ce cadre est un facteur de risque
17
majeur de consommation de substances psycho-actives.
2.3.2. Facteurs de risque par rapport à la consommation de cannabis
2.3.2.1.
Facteurs psychologiques individuels
Certains types d'adolescents sont plus à risque, plus vulnérables que d'autres. Par exemple,
les personnalités agressives, impulsives ou inattentives semblent être les plus à même de
consommer des produits (17).
Il est difficile de faire la discrimination entre les troubles psychiatriques primaires
favorisant l'addiction et les nombreux troubles psychiatriques secondaires aux effets de
l'addiction. La consommation problématique de drogue est souvent associée aux dépressions et à
l’anxiété. Il semblerait, en réalité, que l'anxiété soit l'un des principaux facteurs de risque de
consommation, la dépression n'intervenant que plus tardivement. Cette hypothèse est compatible
avec les propriétés du cannabis : anxiolytique à court terme et dépressogène sur le moyen et le
long terme. Comme nous l'avons vu, l'adolescent doit faire le deuil de son enfance, construire une
identité qui est au départ fragile, affronter le système de sélection scolaire et apprendre à faire
avec son vécu émotionnel. En quelque sorte, il doit gérer comme il peut son mal-être transitoire.
Le cannabis, par ses vertus apaisantes immédiates, se révèle comme un produit de choix.
Certaines études (18) soulignent que les adolescents qui ont une bonne estime de soi, une bonne
insertion scolaire sont moins à risque de développer une dépendance au cannabis.
À l'extrême, la recherche permanente de la défonce peut être considérée comme une lutte
contre toute pensée déplaisante qui pourrait conduire à un mal-être, voire à une dépression.
Enfin, la représentation que se font les adolescents des drogues semble aussi avoir un
impact important. C'est pourquoi, ceux qui se représentent l'usage de drogues comme non
dangereux ont plus de risque de développer un usage abusif, voire une dépendance (19).
2.3.2.2.
Facteurs familiaux
La conduite addictive de l'adolescent fait partie de ce type de troubles du comportement
qui a vu sa fréquence augmenter très sensiblement depuis une trentaine d'années : fugue,
impulsivité et violence, activités délictueuses, tentatives de suicide. Cet accroissement concerne
les pays occidentaux et ceux en voie d'occidentalisation. Il y a donc là un phénomène qui dépasse
le seul plan de la psychopathologie individuelle pour s'inscrire dans les modifications de style de
vie qui touche ces pays. L'adolescent d'aujourd'hui est surtout confronté aux incertitudes de
l'avenir et à la perte en la croyance en des idéaux politiques, religieux, voire philosophiques. Mais
ce lien n'est pas direct, car la façon dont s'articulent changements sociaux et comportements
individuels supposent une série de relais parmi lesquels la famille est sûrement la plaque
tournante essentielle.
Il est frappant de constater que les conduites addictives se mettent en place pour l'essentiel
après la puberté et le plus souvent pendant l'adolescence ou dans ses suites immédiates, c'est-àdire au moment où le sujet doit s'autonomiser et où il ne peut plus bénéficier des mêmes
protections de la part de ses parents. Cette mise en place paraît en rapport avec des facteurs
18
psychologiques antérieurs qui représenteraient une vulnérabilité à la dépendance et des facteurs
conjoncturels événementiels, familiaux et sociaux. Ces facteurs de risque antérieurs, qui peuvent
s'exprimer à l'adolescence, sont à rechercher en particulier dans l'échec des processus
d'attachement dans l'enfance décrit par Bowlby (20). Plus il y a de conflits, d'hostilité ou de
froide distance au sein de la famille, plus le risque de consommation est grand. Des parents qui ne
sont pas impliqués dans l'éducation de leurs enfants, voire qui les rejettent, auront une influence
négative quant à l'évolution vers la consommation de substances psycho-actives. La dépendance
a été mise en relation avec la problématique de l'attachement de Bowlby qui avait opposé les
deux termes, la dépendance étant alors considérée comme un échec du processus d'attachement
qui suppose une forme d'autonomie. Une hypothèse consiste à considérer la dépendance comme
le produit nécessaire de l’incapacité à élaborer l'angoisse de séparation, dimension constante à
des degrés divers dans les addictions. Ainsi, l'expérience d'un entourage disponible et prévisible
dans l'enfance procurerait à l'individu une sécurité lui permettant d'affronter séparations et
frustrations, en particulier lors de ces phases critiques de la vie, comme l'adolescence, qui
impliquent une prise de distance à l'égard d'objets et de personnes fortement investies. Au
contraire, l'expérience de relations peu satisfaisantes, avec un entourage peu disponible ou
imprévisible, risque d'entraîner chez l'enfant un retrait des affects, voir des attitudes de
dépendance relationnelle. Ces attitudes constituent sans doute, pour l'enfant, une protection
contre l'angoisse de perte et de séparation, et l'addiction à l'adolescence, où la question de
l'autonomie se repose de manière cruciale de ce point de vue, pourrait constituer un rempart
contre l'angoisse.
2.3.2.3.
Influence de la relation avec les pairs
Cette influence s'effectue de plusieurs manières : il y a l'influence directe par le biais
d'identification au groupe, puis il y a l'apprentissage social. Un environnement de fumeurs a ainsi
un effet facilitateur.
Mais on voit aussi apparaître la fonction de contrôle de la distance relationnelle au moyen
d'une prise de drogue. On remarque en clinique que ce comportement permet au sujet de
maintenir des relations apparemment satisfaisantes et une vie sociale relativement diversifiée. La
relation additive colmate ce qu'il y a de plus conflictuel mais aussi de plus investi dans le besoin
relationnel et laisse peu de disponibilité pour les échanges qui prennent de ce fait un caractère
plaqué et superficiel.
2.3.3. Parcours de l'adolescent consommateur
2.3.3.1.
Premiers usages
Les premières bouffées de cannabis se prennent souvent en groupe en faisant « tourner de
joint ». L'adolescent découvre alors les premiers effets : fous rires, levée des inhibitions et
amélioration de la convivialité entre copains. Les fumeurs décrivent souvent une exacerbation des
perceptions sensorielles et une impression de ressentir le monde qui les entoure avec une acuité
plus grande. Beaucoup d'adolescents décrivent la nécessité de fumer pour pouvoir être dans le
film, dans la musique. En fait, il semble qu'ils la ressentent de façon plus différente, plus intense.
Cette consommation pose le problème de la définition de l'usage simple caractérisé par la
consommation de substances n'entraînant ni complications ni dommages. Cette définition sous19
entend qu'il peut exister une consommation sans risque, socialement réglée, dont la place est liée
à l'acceptation, voire à la valorisation d'une substance par une société donnée, à un moment
donné, pour un plaisir personnel ou un usage convivial.
2.3.3.2.
Usage auto-thérapeutique : l'entrée dans l'usage abusif ou nocif
Pour certains, l'usage du cannabis reste festif et associé à la convivialité. Pour d'autres,
généralement les plus fragiles, les effets relaxants, hypnotiques et surtout d'analgésie
émotionnelle ressentis lors des premières prises, seront mis à profit pour traiter les troubles du
sommeil et d'autres tensions de la vie quotidienne. Il s'agit pour l'adolescent de gérer dans
l'immédiat une anxiété, un débordement émotionnel. Sous l'effet du cannabis, toute expérience
difficile, voire traumatique, est vécue avec moins d'émotion, plus de distance. Le cannabis
procure aussi un sentiment de plaisir de par son action directe sur le cerveau via le système de
récompense. Cela a des conséquences dramatiques pour le développement de l'adolescent. Toute
recherche de plaisirs via les sens sera enrichissante, car elle nécessite un apprentissage (musique,
arts, gastronomie ou oenologie), toute recherche par action directe sur le cerveau (drogue) est
aliénante. Enfin, il y a la « défonce » qui efface d'un coup toute pensée douloureuse.
Généralement, cela nécessite des prises importantes sous forme de bang ou pipes à eau. Le
cannabis peut alors avoir pour but de mettre à distance les problèmes psychologiques sousjacents. Arrêter la consommation devient alors synonyme de retour au réel souvent insupportable.
On entre alors dans un processus d'usage abusif et/ou nocif.
2.3.3.3.
Processus de dépendance
Le cannabis devient surtout indispensable pour les bénéfices qu'il apporte. Cependant, il
n'est pas rare d'observer à ce stade des signes de sevrage pendant les périodes d'abstinence. Ceuxci se manifestent sous forme d'une anxiété avec irritabilité, de perturbations du sommeil et de
l'appétit et surtout d'une envie presque irrésistible de prendre des produits. Plus que du produit,
c'est d'une expérience que certains sujets deviennent dépendants.
La consommation régulière de cannabis peut être considérée comme une conduite
addictive. Il existe en effet un syndrome réel de dépendance avec perte de contrôle de la
consommation. La fréquence des prises est un bon facteur prédictif de l'évolution vers une
conduite addictive. De plus, à quantité égale consommée, les adolescents développent plus
volontiers une dépendance aux cannabis que les adultes.
Conclusion
Les approches conceptuelles actuelles conçoivent la notion d'addiction non plus seulement
comme un comportement déviant mais comme un processus de régulation de l'équilibre du sujet
et un moyen d'échapper à un inconfort résultant de conflits externes avec son entourage familial
ou bien dû à des processus plus internes de développement. En d'autres termes, il s'agit d'un
moyen d'assurer un certain équilibre de l'appareil psychique qui ne peut être obtenu par des
moyens habituels, c'est-à-dire soit par la régulation des émotions grâce aux ressources internes du
sujet, soit par l'étayage de l'entourage familial, social ou culturel. Le choix du cannabis plutôt que
d'une autre drogue ou d'un autre comportement addictif semble dépendre de plusieurs facteurs :
massivité de l'offre et coût relativement modéré, ambiance socioculturelle, vulnérabilité bio
20
psychologique à la dépendance, nature particulière des effets des produits (relaxation,anesthésie
émotionnelle).
La compréhension, la conceptualisation et la prise en charge d'une conduite addictive à
l'adolescence doivent être multidimensionnelles, associant l'adolescent, son entourage familial et
environnemental. C'est sur l'ensemble de ces facteurs que la thérapie devra se focaliser pour
permettre à l'adolescent de mener sa vie sans avoir besoin de la « drogue béquille » qui est pour
le moins coûteuse.
21
2.4.
Cannabis aspect biologique du produit
2.4.1. Botanique (21) (22)
Le cannabis est l’appellation scientifique du chanvre. Il appartient à l’ordre des
urticales et à la famille des cannabinacées. Il est représenté par plusieurs chimiotypes, dont les
deux principaux sont : Cannabis sativa sativa (chanvre textile ou « type fibre ») et Cannabis
sativa indica (chanvre indien ou « type drogue »).
Cannabis sativa sativa est cultivé pour ses fibres (servant à la fabrication de tissus,
cordages) et pour ses graines oléagineuses ou chènevis. Les plants peuvent atteindre deux ou
trois mètres, et même jusqu’à six, dans des conditions de culture idéale.
Dans les pays chauds ou dans des conditions de culture appropriées, le chanvre est
plus petit, plus trapu, et ne produit que très peu de fibres. En revanche, afin de se protéger de
la sécheresse, il produit une « résine » qui est présente en abondance dans les feuilles et les
sommités florales. Il s’agit alors de Cannabis sativa indica.
C’est une plante dioïque, c'est-à-dire qu’il existe des pieds mâles et des pieds femelles.
Quand la fleur mâle, par son pollen, féconde la fleur femelle, celle-ci produit des
graines/semences, le chènevis. Ce dernier peut servir à l’alimentation des oiseaux en cage et
sert souvent d’alibi pour la culture illicite de cette plante. Alors que la fleur femelle est riche
en principe actif, le ∆9-tétrahydrocannabinol (THC), la graine est pauvre. Le fait de couper
(de castrer en quelque sorte) la fleur mâle prévient cette fécondation et la fleur femelle
continue sa maturation sans former de semence (littéralement « sin semilla ») en constituant
alors des taux importants de THC : c’est la fameuse « sinsemilla ». D’autres procédés
permettent d’accroître le taux de THC : sélections ou manipulations génétiques, cultures
hydroponiques (sans sol) sur matrice de graines de polystyrène imbibées de solution ad hoc,
choix du spectre de la lumière, régulation de l’hygrométrie et de la température, modification
du cycle jour-nuit…etc.
Au mois d’octobre 2007, à Nîmes, les policiers ont découvert 600 pieds de cannabis
cultivés à l'abri, dans un hangar d'une bâtisse agricole. C'est à ce jour la plus importante
pépinière clandestine de plants de cannabis découverte sur le territoire français. Elle se
présente comme une véritable exploitation à l'échelle industrielle, dotée de dispositifs
techniques ingénieux entièrement automatisés : lampes, capteurs de température, ventilateurs,
arrosage et espaces dédiés au séchage et au conditionnement de l'herbe ... Au moins une
récolte aurait déjà été effectuée. (Midi Libre, 11 octobre 2007)
L’achat de graines de culture est très facile pour n’importe qui via Internet. Un nombre
très important de variétés de graines est disponible. Des conseils très précis de culture sont
également dispensés. Les graines sont acheminées par courrier et les accessoires (pipes
simples, pipe à eau) sont expédiés par colis. Une simple recherche sur un moteur de recherche
comme Google avec les mots clés « graines » et « cannabis » permet d’accéder aux sites de
vente par correspondance.
22
2.4.2. Différents produits
Les dénominations diffèrent selon le lieu de production et le mode de préparation.
2.4.2.1.
Herbe de cannabis
L’herbe, encore appelée « foin » ou « chiendent », est un mélange de sommités
fleuries et de feuilles séchées et réduites en poudre. C’est le « kif » du Maroc, la « marijuana »
du Québec, le « dagga » d’Afrique du Sud, le « grifa » du Mexique ou le « takrouri » de
Tunisie. La « sinsemilla », comme nous l’avons vu, est une préparation de sommités femelles
d’une variété privée de graines. Le « ganja » de l’Inde est composé uniquement de sommités
fleuries fécondées et se présente soit sous forme aplatie par foulage aux pieds (« flat ganja »
ou « bombay ganja ») soit roulée en magdaléons (« round ganja » ou « bengal ganja »).
2.4.2.2.
Résine de cannabis
Le haschich, encore appelé « hasch » ou « shit », est une poudre brunâtre ou jaunâtre
obtenue par battage et tamisage des feuilles et des sommités florales sèches, puis compressée
sous forme de « barrettes ». Il est le plus souvent mélangé à divers excipients comme le henné
au Maroc et au Liban ou le curry au Pakistan. Il peut également s’agir de cirage, de poudre de
pneu … La combustion de ces excipients ajoutera des substances toxiques à celles émanant de
la combustion de la résine, en particulier des hydrocarbures générateurs de cancer bronchopulmonaires, de la sphère buccale et ORL.
Il faut généralement 45 à 70 kg d’« herbe » pour faire un kg de haschich.
2.4.2.3.
Huile de cannabis
L’huile de cannabis est un liquide visqueux, brun-vert à noirâtre, d’odeur vireuse. Elle
résulte de l’extraction de la résine par de l’alcool à 90° suivie d’une exposition au soleil pour
évaporer l’alcool. Le liquide ainsi obtenu est solidifié par chauffage afin de rendre le produit
commercialisable. L’huile contient environ 60 % de THC. Lorsqu’elle est consommée telle
quelle, elle possède des effets hallucinogènes.
2.4.3. Mode de consommation (22) (21)
L’herbe et la résine sont destinées à être fumées, pures (pipes à kif) ou mélangées à du
tabac dans du papier à cigarette (« pétard »).
Le fumeur d’un joint, quand il a aspiré quelques dizaines de millilitres d’air au travers
de la combustion du tabac et de la résine, doit s’arrêter d’aspirer, car la fumée lui brûle la
bouche. Il dilue alors cette fumée dans 400 ml d’air « pur » pour emplir ses poumons. Le
THC présent dans les alvéoles pulmonaires peut franchir la paroi alvéolo-capillaire pour
passer dans le courant sanguin.
Certains consommateurs fument en utilisant des narguilés, pipes orientales à long
tuyau communiquant avec un flacon d’eau aromatisée que la fumée traverse avant d’être
inhalée. Le terme utilisé par les consommateurs est « se coller des douilles ». Ce mode de
consommation chez les jeunes s’est largement développé ces dernières années. Il s’agit de
culots métalliques où est placé le cannabis pour être fumé grâce à une pipe à eau, sorte de
23
narguilé de fortune. Synchronisant l’allumage du mélange résine - tabac, avec une inhalation
maximale succédant à une expiration forcée, le fumeur inspire d’un seul trait un volume égal
à sa capacité vitale, soit près de cinq litres. Cela lui est possible car les fumées sont refroidies
par leur barbotage dans l’eau fraîche. Durant ce barbotage, les substances hydrosolubles de la
fumée sont captées par l’eau alors que le THC, très peu soluble dans l’eau, est retrouvé en
quasi-totalité dans les fumées inspirées. Parmi les substances dissoutes dans l’eau figurent des
substances irritantes pour les voies aéro-digestives supérieures. Leur éviction permet au
fumeur de réaliser une apnée, en inspiration forcée, durant plus d’une minute, non
interrompue par une toux d’irritation. Pendant cette apnée, le THC franchit en grande quantité
la paroi alvéolo-capillaire. L’anoxie qu’installe cette apnée accroît le rythme cardiaque ainsi
que l’apport sanguin au cerveau. Sur la base de son poids, le cerveau, sur un mode égalitaire,
ne devrait recevoir qu’un quarantième du débit cardiaque. Or, en relation avec sa fonction
primordiale, il en reçoit près d’un quart. Franchissant aisément la barrière hématoencéphalique du fait de sa grande lipophilie, le THC arrive ainsi rapidement et intensément
dans le cerveau. Cela constitue l’équivalent d’un « shoot », ayant quelques analogies avec
celui opéré avec d’autres drogues injectées par voie intraveineuse. L’insolubilité dans l’eau du
THC ne permet pas au toxicomane de se l’injecter par voie intraveineuse, mais la pipe à eau
pallie dans une certaine mesure cette restriction. Ainsi « coller des douilles » devient un mode
d’usage en plein développement et qui doit être repéré, car il a des risques supérieurs aux
modes traditionnels et traduit souvent une plus grande recherche d’effets psychotropes
puissants à type de « défonce » traduisant une problématique personnelle plus lourde de
l’usager.
Le « bangh » indien ou antillais est un mélange de tiges mâles et femelles. Il est utilisé
sous la forme d’une boisson qui est le résultat d’un décocté de cannabis dans de l’eau ou de
l’alcool.
Lorsque le cannabis est cuit avec une matière grasse, la très grande solubilité du THC
dans les lipides lui permet de se concentrer dans ces graisses ou huiles qui pourront ensuite
être incorporées dans des pâtisseries comme les « space cakes ». Ce mode de consommation
s’inspire du « dawamesk », préparation à base de cannabis et de confiture verte, qui faisait
florès dans certains cercles d’intellectuels et d’artistes du XIXème siècle.
Les décoctions (tisanes) sont peu utilisées du fait de leur faible teneur en THC. De
plus la voie orale ralentit la cession du THC à l’organisme car, après la résorption, une part
significative du THC est transformée en métabolites, pour les uns actifs, mais de façon moins
durable que le THC, et pour d’autres inactifs.
24
2.4.4. Principe actif
La résine de cannabis est d’une composition très complexe. À côté des constituants
classiques de très nombreuses plantes (flavonoïdes, terpènes), plus de 60 cannabinoïdes ont
été recensés à ce jour, dont principalement :
•
•
•
•
•
•
le ∆9-tétrahydrocannabinol (∆9-THC ou THC dans la suite de cet exposé), qui
constitue le principal produit psycho-actif chez l’homme ;
le ∆8-transtétrahydrocannabinol, moins psycho-actif que le précédent ;
le cannabidiol ;
le cannabinol : non psycho-actif, il aurait une activité anti-inflammatoire ;
les acides ∆8 et ∆9-tétrahydrocannabinoliques : ce dernier, inactif, est transformé en
THC lors de sa combustion ;
le cannabigérol, le cannabichromène, le cannabicyclol, et leurs acides.
2.4.5. Pharmacocinétique et métabolisme (21)
Après inhalation et selon la manière de fumer, 15 % à 50 % du THC présent dans la
fumée sont absorbés et passent dans le flux sanguin. Cette absorption est très rapide : les
concentrations sanguines maximales sont obtenues 7 à 10 minutes après le début de
l’inhalation. Les concentrations sanguines maximales sont dose-dépendantes (50 à 300 ng/ml
en 9 minutes). Après sa résorption, le THC est véhiculé par les lipoprotéines.
Très lipophile, le THC se distribue rapidement dans tous les tissus riches en lipides,
dont le cerveau. Des cannabinoïdes ont été détectés dans des biopsies de tissus adipeux quatre
semaines après la dernière consommation de cannabis. Le volume de distribution du THC
dans l’organisme est important, de 4 à 14 l/kg. Ce paramètre mesure le degré de fixation du
THC dans les tissus. Cette fixation tissulaire importante est responsable d’une diminution
rapide des concentrations sanguines. Une heure après le début de l’inhalation d’un « joint »
contenant 1,75 % de THC, les concentrations sanguines sont inférieures à 10 ng/ml.
Cette forte lipophilie, l’existence d’un cycle entéro-hépatique et d’une réabsorption
rénale se traduisent par des effets psychoactifs prolongés, pouvant persister dans le cas d’une
consommation isolée 45 à 150 minutes après arrêt de la consommation. Harder et Rietbrock
(23) [HAR 1997] ont comparé l’évolution dans le temps des concentrations sanguines de THC
et les effets psychiques ressentis par les sujets après consommation de « joints » contenant 9
mg de THC (joint « standard » tel qu’il est défini aux États-Unis par le National institute of
drug abuse ou NIDA).
Concentrations en THC (cercles ouverts) et effets physiques et psychiques « ressentis » par le sujet (carrés
pleins) en fonction du temps, après consommation d’un « joint » contenant 9 mg de THC
25
Les résultats montrent que les effets psychiques obtenus après consommation isolée
d’un joint contenant 9 mg de THC persistent pendant une durée d’environ 2 heures, tandis que
la concentration en THC dans le sang est rapidement très faible, de l’ordre du ng/ml au bout
de 2 heures. Les mêmes auteurs ont montré que l’amplitude des effets était dépendante de la
dose et de la concentration sanguine maximale observée.
Le THC subit, au niveau des microsomes hépatiques, un métabolisme oxydatif.
L’activité enzymatique hépatique étant saturable, il y a compétition en cas de consommation
associée d’alcool et/ou de médicaments catabolisés au niveau du foie.
La dégradation du THC conduit aux composés suivants :
•
•
•
•
le 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol (11-OH ∆9-THC). Il s’agit d’un métabolite
psychoactif ;
le 8 β-hydroxy-∆9-tétrahydrocannabinol, qui est potentiellement psychoactif ;
le
8-β,11-dihydroxy-∆9-tétrahydrocannabinol
et
le
8-α-hydroxy-∆9tétrahydrocannabinol, deux composés hydroxylés dérivant des précédents et qui
seraient non psychoactifs ;
le 11-nor-9-carboxy-∆9-tétrahydrocannabinol (métabolite acide, ∆9-THC-COOH).
Obtenu par oxydation du 11-OH ∆9-THC, il ne possède aucune activité
pharmacologique. Cet acide commence à apparaître dans le sang dans les minutes qui
suivent l’inhalation. Au cours des étapes successives de distribution et de métabolisme
du THC, les concentrations en ∆9-THC-COOH dans le sang augmentent tandis que
celles de THC décroissent.
Lorsque le cannabis est consommé par ingestion, la quasi-totalité du THC est
hydroxylée (principalement en 11-OH ∆9-THC) au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui
se traduit dans le compartiment sanguin par une concentration en 11-OH ∆9-THC supérieure
à celle du THC, contrairement à ce qui est observé lorsque le cannabis est inhalé.
L’élimination des cannabinoïdes s’effectue par différentes voies, digestive, rénale et
sudorale. Le THC sanguin est éliminé :
- par voie urinaire sous forme de ∆9-THC-COOH (15% à 30%) ;
- par les selles sous forme de 11-OH-∆9-THC et de ∆9-THC-COOH (30%à 65%).
En raison de sa forte fixation tissulaire, le THC est éliminé lentement dans les urines.
Chez de gros consommateurs réguliers, des traces de ∆9-THC-COOH peuvent être encore
présentes dans les urines 27 jours après arrêt de la consommation.
Du fait de sa forte lipophilie, le THC franchit, chez la femme enceinte, la barrière
foeto-placentaire et est présent dans la circulation sanguine du foetus. Les concentrations
observées dans le sang foetal sont égales, voire supérieures, à celles observées chez la mère.
La vitesse d’élimination des cannabinoïdes est très variable d’un sujet à l’autre : elle
dépend de nombreux paramètres, dont principalement la dose et la fréquence (régulière ou
non) de consommation. Les fumeurs réguliers seraient capables de métaboliser le THC plus
rapidement que les sujets n’ayant jamais consommé auparavant.
26
2.4.6. Méthodes de dosage du cannabis (21) (24)
2.4.6.1.
Dépistage et dosage urinaire
Les urines sont le milieu de choix pour un dépistage d’une consommation de cannabis.
Les techniques de dépistage reposent sur la recherche du ∆9-THC-COOH, présent en grande
quantité dans les urines. La durée de détectabilité peut varier de quelques jours pour un petit
consommateur, jusqu’à 2 ou 3 mois pour un gros fumeur.
Le dépistage est réalisé à l’aide de méthodes immunochimiques : tests unitaires
rapides en une étape (immunochromatographie) ou bien immunodosages automatisés. Le seuil
de positivité pour le dépistage urinaire a été fixé à 50 ng/ml de ∆9-THC-COOH.
Ces méthodes sont rapides et peu coûteuses mais ont l’inconvénient de manquer de
spécificité. Plusieurs circonstances peuvent entraîner des résultats erronés : prise d’antiinflammatoires non stéroïdiens (Nifluril®), mauvaises conditions de conservation de
l’échantillon. Il existe par ailleurs des procédés permettant de fausser les tests de dépistages
urinaires :
- adultération des urines interférant sur la réaction immunochimique (sels, savons,
oxydants, détergents…etc.) ;
- dilution des urines (diurétiques, absorption de liquide) ;
- substitution par une urine saine.
Protocole strict de recueil :
- local de prélèvement sans source d’eau ;
- pas de désinfection préalable ;
- recueil des urines dans 2 flacons type ECBU (usage unique, pas de conservateur) ;
- mesure du pH, de la densité, de la couleur et de la température des échantillons
(>30°C) aussitôt après l’émission, existence de tests de dépistage des adultérations ;
- conservation à 4° C ;
- analyse dans les 48 heures, sinon congélation nécessaire ;
- congélation du second flacon dans l’éventualité d’une demande de confirmation.
Il est parfois nécessaire de confirmer le résultat du dépistage urinaire par la
chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS). Le seuil de
positivité par cette méthode a été fixé à 15 ng/ml de ∆9-THC-COOH.
Le dépistage urinaire ne renseigne pas de façon fiable sur le moment de la dernière
exposition au cannabis.
27
2.4.6.2.
Dosage sanguin
Le sang est le milieu biologique le plus souvent utilisé. Le prélèvement est réalisé sur
du sang veineux dans des tubes en verre avec un anticoagulant. Les échantillons doivent être
conservés au frais s’ils ne sont pas analysés rapidement.
La méthode de référence dans le sang est la chromatographie en phase gazeuse avec
détection par spectrométrie de masse (GC-MS). Le sang analysé par GC-MS permet de
différencier les principes actifs des métabolites inactifs et d’effectuer parallèlement une
analyse quantitative. Elle permet une identification formelle avec une excellente sensibilité
puisque la limite de détection est de 0,4 ng/ml pour le THC et de 0,2 ng/ml pour le ∆9-THCCOOH. Cette méthode est recommandée et validée par la Société française de toxicologie
analytique dans le cadre de la sécurité routière. C’est la seule méthodologie acceptable dans
tout contexte médico-légal incluant les accidents de la voie publique.
En France, pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel, le seuil de
positivité du THC a été fixé à 1 ng/ml.
L’analyse du sang par GC-MS permet également d’estimer le temps écoulé entre le
moment de la dernière consommation et celui de la prise de sang. En effet, Huestis et coll.
(25) ont déterminé un modèle mathématique prenant en compte les concentrations sanguines
de THC et de ∆9-THC-COOH et permettant de préciser s’il s’agit d’un usage récent ou non,
avec un intervalle de confiance de 92 %.
Il s’agit malgré tout d’une méthode très longue réservée à des laboratoires spécialisés.
2.4.6.3.
Analyse des matrices kératinisées
Le THC peut également être détecté dans le cheveu. L’analyse des cheveux met en
évidence une consommation chronique. Elle peut dépister une consommation de cannabis,
alors que ses principaux métabolites ont disparu du sang et de l’urine. Quelques mèches de
cheveux sont prélevées près de la racine au niveau du vertex postérieur (une mèche représente
une centaine de cheveux). La conservation se fait dans un tube sec.
Chaque centimètre de cheveu représente grossièrement la pousse d’un mois. En
réalisant des analyses de segments de la racine vers la pointe, il est donc possible de
caractériser le profil de consommation et d’établir un calendrier d’exposition.
Les concentrations en THC sont de l’ordre de quelques ng/mg de cheveux, ce qui
impose l’utilisation de techniques chromatographiques très performantes (GC-MS). Le seuil
de positivité est de 0,1 ng/mg.
L’analyse des cannabinoïdes dans les cheveux, réalisée par GC-MS, permet d’établir
la chronicité et le niveau (faible, moyen, important) de consommation, ce qui n’est pas
possible par l’analyse urinaire. L’abstinence est mieux définie par cette approche que par un
suivi dans les urines.
L’analyse des cheveux présente donc de nombreux avantages en médecine légale, en
médecine du travail en cas de litiges concernant les résultats des analyses urinaires, en
médecine du trafic routier pour démontrer l’abstinence d’un sujet et dans la lutte contre le
28
dopage. En France, les cheveux figurent désormais parmi les milieux biologiques pouvant être
prélevés dans le cadre de la lutte antidopage (Journal Officiel, 2001). Il est également possible
de rechercher les cannabinoïdes dans les cheveux des nouveau-nés de mères consommatrices.
Les résultats doivent cependant être interprétés avec beaucoup de précautions :
l’incorporation du cannabis dans les cheveux est variable selon les individus (groupe
ethnique, pigmentation) et certains cosmétiques (colorant, décolorant), de même que des
shampoings adultérants, par un effet masquant, diminuent la concentration dans les cheveux.
Les cheveux peuvent également être contaminés par une exposition passive à la fumée de
cannabis.
En cas d’absence de cheveux, deux types de matrices kératinisées sont utilisés en
toxicologie analytique : les poils et les phanères.
2.4.6.4.
Autres matrices
La salive et la sueur pourraient dans l’avenir constituer des matrices de dépistage
intéressantes notamment pour un dépistage de masse, facile, rapide, non invasif adapté
notamment à la sécurité routière. Le THC reste présent pendant seulement douze heures dans
la salive ce qui pourrait permettre un dépistage de l’usage récent. Mais les tests rapides
(Drugwipes®) ont pour l’instant donné des résultats décevants pour la salive comme pour la
sueur. La technique de GC-MS reste la technique de référence pour ces matrices mais ne se
prête pas à un dépistage de masse.
2.4.6.5.
Conclusion
En pratique, notamment dans un contexte de sécurité routière, un dépistage urinaire
positif à l’aide de méthodes immunologiques (>50 ng/ml de ∆9-THC-COOH) nécessite un
confirmation par prélèvement sanguin et analyse à l’aide de méthodes chromatographiques en
GC-MS (positif si >1 ng/ml de THC).
29
2.4.7. Évolution des teneurs en THC (26) (27)
Aucune description des évolutions des taux de THC sur une période antérieure aux
années 90 n’est disponible pour la France. L’ensemble des données existantes couvre la
période 1993-2005. Nous disposons de deux sources de données : les taux estimés à partir des
saisies répressives de cannabis (douanes, polices) et les taux estimés à partir d’échantillons de
cannabis recueillis auprès d’usagers lors d’enquêtes d’observation coordonnées par l’OFDT.
Depuis les années 1990, diverses évolutions ont pu être constatées (annexe 16).
Depuis 1996, sont apparus des échantillons très fortement concentrés en THC. En
1993, sur les échantillons saisis par la police, la teneur maximale en THC atteint 10,6% pour
les résines et 5,5% pour les herbes. En 2005, sur les échantillons recueillis par l’OFDT, la
teneur maximale en THC atteint 54% pour les résines et 25% pour les herbes (28). De tels
échantillons sont exceptionnellement observés. Environ 2% seulement des échantillons
d’herbe et de résine saisis par la police dépassent 20% de teneur en THC entre 2003 et 2004.
Ils représentaient cependant 5,5% des échantillons de résines saisies entre 1999 et 2000.
Concernant l’herbe, les échantillons saisis dépassant 20% de teneur en THC représentaient
0,5% entre 1999 et 2000 contre 2,4% entre 2003 et 2004 ;
L’évolution la plus caractéristique a concerné les échantillons de résine contenant
entre 10 et 15% de THC. Cette catégorie n’a cessé d’augmenter depuis 1993, passant de 1%
des échantillons à 32% en 2004. Cette évolution s’est faite au détriment des autres catégories,
en particulier la catégorie des échantillons contenant moins de 5% de THC qui est passée de
48% en 1993 à 15% en 2004 ;
La teneur moyenne observée parmi les échantillons de résines saisis entre 2001 et
2004 est de 8,84% alors qu’elle était de 4,36% entre 1993 et 1995. Cette teneur moyenne pour
les résines a donc doublé en 10 ans. Elle est cependant stable depuis les années 2000.
Produits d’adultération (28)
De nombreux produits d’adultération des résines de cannabis sont couramment cités
dans les ouvrages d’information et par les usagers. Cependant, aucune de ces sources ne fait
état de la confirmation de la présence de tels produits, soit par analyse, soit par observation
directe de pratiques de coupage. Les produits évoqués vont des substances inactives aux
substances toxiques : henné, cires, paraffine, colles, huile de vidange, déjections animales,
hydrocarbures aromatiques, principes actifs médicamenteux et substances psycho-actives
illicites (hors cannabinoïdes). La majorité des substances citées n’étant pas mises en évidence
à partir des techniques de chromatographie couramment utilisées par les laboratoires
effectuant les analyses sur les stupéfiants, les données objectives confirmant leur présence ou
non sont peu nombreuses.
Il est toutefois notable que :
•
aucun produit d’adultération n’a été mis en évidence dans une enquête spécifique sur
les produits de coupe du cannabis réalisée par Médecins du monde entre 2001 et 2003
hormis une graisse retrouvée dans deux échantillons de résine présentant un aspect
douteux facilement identifiable par les usagers. La conclusion apportée à cette étude
est que, malgré une méthodologie originale qui favorisait volontairement le recueil de
30
produits « inhabituels » aux yeux de consommateurs avertis, les rumeurs ou anecdotes
d’adultérations fréquentes, variées – et notamment l’ajout de psychotropes – n’ont pas
été confirmées dans les échantillons analysés ;
•
aucune substance psychotrope (hors cannabinoïdes) ou principe actif médicamenteux
n’a été identifié en France dans des produits cannabiques alors que ces substances sont
détectées par les techniques de laboratoire utilisées pour l’analyse des stupéfiants.
Cette constatation concerne aussi bien les produits de saisies que les deux études
réalisées sur des produits de consommation ;
•
deux produits d’adultération ont été détectés de façon certaine dans des herbes de
cannabis recueillies auprès d’usagers. En effet, de l’herbe de cannabis contenant des
microbilles de verres et/ou un composé proche du sable circule depuis 2006 dans le
nord de la France, en Angleterre, en Hollande et en Belgique. À la fin de premier
semestre 2007, l’impact de la consommation de ces produits sur la santé des usagers
n’avait pu être précisément évalué ;
•
un produit d’adultération a été identifié fortuitement en Italie sur une saisie isolée de
résine, à partir des techniques d’identification classiques. Il s’agissait de colophane,
une résine naturelle extraite de certaines variétés de pins, irritante pour les voies
respiratoires sans que les mécanismes d’action soient encore bien compris.
31
2.5.
Aspects neurobiologiques de la consommation de cannabis
2.5.1. Système endocannabinoïde (29)
Les connaissances sur la neurobiologie du cannabis sont récentes. La progression des
recherches sur les cannabinoïdes puis sur les endocannabinoïdes fut émaillée de
rebondissements et de remise en cause des concepts établis.
En recherchant le principe actif de la plante Cannabis sativa, les chimistes ont depuis
le milieu du XIXème siècle suivi la piste d’un alcaloïde par analogie avec d’autres
phytocomposés psycho-actifs identifiés (morphine et cocaïne). Il faudra attendre plus de 100
ans pour identifier finalement un terpènoïde : le ∆9-tétrahydrocannabinol (∆9-THC ou THC
dans la suite de l’exposé) (30).
Compte tenu de sa nature chimique, le THC devait théoriquement agir de manière
indépendante de tout récepteur à la manière des lipides bioactifs (solvants, anesthésiques).
Certaines études (31) ont cependant montré que le moindre changement de la structure
chimique du THC entraînait des perturbations dans sa liaison aux membranes cellulaires
cérébrales. Ce phénomène attribué à l’interaction avec un récepteur sélectif a relancé les
recherches. Le premier récepteur des cannabinoïdes (CB1) fut cloné dans le système nerveux
central en 1990 soit près de 30 ans après l’identification du THC (32).
S’il existait un récepteur pour un composé exogène d’origine végétale (THC), il devait
exister des ligands endogènes. Or aucun des neurotransmetteurs, hormones ou diverses
substances biologiquement actives ne se lièrent au CB1. Une fois encore, c’est la nature
chimique du ligand endogène qui constitua un frein à son identification : il s’agissait d’un
acide gras, l’arachidonoyléthanolamide (AEA) surnommée anandamide (33).
Rapidement, un second récepteur des cannabinoïdes (CB2) fut cloné et des ligands
endogènes sont encore découverts aujourd’hui. Ainsi depuis moins de vingt ans, un véritable
système endocannabinoïde livre peu à peu ses secrets.
2.5.1.1.
Récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2
Deux récepteurs membranaires au cannabis ont été identifiés : les récepteurs
cannabinoïdes de type 1 (CB1) et 2 (CB2). Leur distinction est basée sur la différence des
mécanismes de transduction, de leur distribution et de leur sensibilité aux différents agonistes
et antagonistes naturels ou synthétiques.
Le CB1 est le seul récepteur au cannabis mis en évidence aujourd’hui au niveau du
système nerveux central (SNC). Il serait à l’origine des propriétés psycho-actives du cannabis.
Il existe quelques CB1 au niveau périphérique notamment au niveau des cellules immunitaires
et des muscles lisses notamment, comme l’utérus.
Le CB2 est présent au niveau périphérique principalement au niveau du système
immunitaires : ganglions lymphatiques, rate, thymus, lymphocytes, cellules hématopoïétiques.
Ce profil de distribution serait associé aux effets immunomodulateurs des cannabinoïdes.
32
Des recherches sont entreprises dans l'espoir de développer des composés médicaux se
liant sélectivement aux CB2. Ils pourraient de ce fait exercer des fonctions thérapeutiques
sans les effets psychotropes indésirables.
Certaines études suggèrent l’existence de récepteurs cannabinoïdes non CB1 et non
CB2. Des souris génétiquement modifiées, ne possédant plus le gène codant pour le récepteur
CB1 ou CB2 c’est à dire des souris « Knock Out » pour le CB1 (CB1 -/-) et le CB2 (CB2 -/-)
ont été obtenues. Les études pharmacologiques réalisées avec ces souris laissent présager
l’existence d’un troisième type de récepteur cannabinoïde, qui serait sensible aux
endocannabinoides et à certains ligands synthétiques mais pas au THC (34).
Structure et fonctionnement des récepteurs CB1 (35)
Les récepteurs CB1 sont des récepteurs transmembranaires classiques à 7 domaines
transmembranaires couplés aux protéines G (annexe 10) (36) (37). Les protéines G sont
constituées de 3 sous-unités alpha α, bêta β et gamma γ. Elles sont associées de manière
réversible au récepteur. Lors de la stimulation du récepteur CB1, c’est la sous unité α qui,
dissociée à la fois du récepteur et des autres sous unités, va stimuler (action αs) ou inhiber
(action αi) l’activité d’une enzyme intracellulaire et provoquer l’augmentation ou la
diminution du second messager de la transmission neuronale. Pour le récepteur CB1,
l’enzyme en question est l’adénylate cyclase dont l’activité créatrice d’AMP cyclique est
réduite car la sous unité α associée au CB1 est de type αi. Les récepteurs CB1 sont donc
couplés de manière négative à l’adénylate cyclase.
Les récepteurs CB1 sont présents sur presque tous les types de neurones au niveau des
axones de terminaisons. Ils sont le plus souvent pré-synaptiques ce qui explique l’action
neuromodulatrices des endocannabinoïdes.
Répartition anatomique des récepteurs CB1 (38)
Les CB1 sont parmi les récepteurs neuronaux les plus abondants du système nerveux
central (annexe 11) (38) (31). Ils sont exprimés de manière hétérogène dans le cerveau et leur
distribution est bien corrélée aux effets comportementaux des cannabinoïdes sur la mémoire,
la perception sensorielle et le contrôle des mouvements.
Au niveau des noyaux de la base et la couche moléculaire du cervelet, l’intense
expression des CB1 explique les effets inhibiteurs des cannabinoïdes sur les performances
psychomotrices et la coordination motrice.
L’expression des CB1 dans le cortex cérébral et dans l’hippocampe où ils modulent
des formes élémentaires d’apprentissage synaptique (potentialisation à long terme, par
exemple) peut expliquer les effets des cannabinoïdes sur la mémoire à court terme et les
fonctions cognitives.
La quasi-absence de marquage CB1 au niveau du tronc cérébral qui contient les
centres médullaires des contrôles cardiovasculaire et respiratoire explique l’absence de
toxicité aiguë ou de dose létale des dérivés du cannabis (pas d’overdose).
33
Les actions des cannabinoïdes sur les CB1 exprimés dans le système thalamo-cortical
participent aux perturbations sensorielles et à certaines des propriétés analgésiques du
cannabis.
Les CB1 sont également exprimés au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire,
expliquant leurs effets sur le système endocrinien et notamment sur l’appétit.
Concernant les structures méso-limbiques impliquées dans le système de la
récompense et de la motivation, un marquage intermédiaire a été observé au niveau du noyau
accumbens. L’absence de marquage des cellules dopaminergiques de l’aire tegmentale
ventrale (ATV), et la forte expression dans le cortex préfrontal et dans les autres structures
projetant vers la substance noire, suggèrent la présence de CB1 sur les fibres afférentes se
terminant dans les noyaux dopaminergiques méso-limbiques. Ainsi, l’élévation de dopamine
observée dans le noyau accumbens en réponse aux principes actifs du cannabis ne peut être
expliquée que par des effets de circuit (inhibition des afférences inhibitrices de l’ATV, cf.
plus loin)
La stimulation par les agonistes des CB1 présents dans les structures contrôlant la
transmission nociceptive ascendante (aire périaqueducale grise, corne dorsale de la moelle
épinière) et au niveau des terminaisons périphériques elles-mêmes, participe à leurs forts
pouvoirs antinociceptifs, suggérant un important potentiel thérapeutique antidouleur des
composés cannabinoïdes.
2.5.1.2.
Endocannabinoïdes (36) (29)
Les endocannabinoïdes sont les agonistes endogènes ou ligands endogènes des
récepteurs cannabinoïdes. Les études concernent principalement l’anandamide à savoir
l’arachidonoyl éthanolamide (AEA) et le 2-arachidonoyl glycérol (2-AG). Les autres
endocannabinoïdes sont de découverte plus récente et beaucoup moins étudiés (annexe 12)
(39) (40).
Les endocannabinoïdes possèdent toutes les caractéristiques qui en font des
neurotransmetteurs à part entière. Il existe cependant une différence notable avec les
neurotransmetteurs «classiques» :
- Ces derniers sont synthétisés dans le cytoplasme des neurones, puis stockés dans des
vésicules synaptiques à partir desquelles ils sont libérés par exocytose dans la fente
synaptique.
- Les endocannabinoïdes sont synthétisés «à la demande», après stimulation de
différents récepteurs conduisant à l’hydrolyse de précurseurs lipidiques membranaires.
De par leur nature lipidique, ils ne sont donc pas stockés dans des vésicules
synaptiques, et diffusent librement après leur production.
L’anandamide et le 2-AG sont rapidement recaptés par les neurones après leur
libération et dégradés par des systèmes enzymatiques dont la « fatty acid amide hydrolase »
(FAAH) et la mono acyl glycérol lipase.
L'anandamide a été découvert par l’équipe de W. Devane en 1992. « Ananda » en
sanskrit signifie béatitude ou félicité. C’est l’endocannabinoïde le plus étudié à ce jour. Il
s’agit d’un amide d’acide gras, synthétisé à partir des bicouches membranaires internes à la
34
cellule par l'action de deux enzymes du métabolisme des phospholipides (la N-acyltransférase
et la phospholipase D).
Les niveaux d’anandamide dans le cerveau sont comparables à d’autres
neurotransmetteurs tels que la dopamine ou la sérotonine. Les plus hauts niveaux
correspondent aux zones de forte expression du récepteur CB1, c’est-à-dire l’hippocampe, le
striatum, le cervelet ou le cortex. L’affinité de l’anandamide est quatre fois supérieure pour
les CB1 par rapport aux CB2.
Si l’anandamide reproduit globalement les effets du THC, il possède aussi ses effets
propres. De plus, deux effets de l’anandamide ne sont pas inhibés par des traitements
pharmacologiques agissant sur ceux induits par le THC : il s’agit de l’effet antinociceptif et
d’un effet « presseur » cardiovasculaire.
Le 2-AG est le deuxième endocannabinoïde à avoir été isolé par Mechoulam et coll. en
1995. Il s’agit d’un ester d’acide gras.
Le 2-AG se lie aux CB1 et aux CB2. Dans le cerveau, les concentrations de 2-AG sont
170 fois supérieures à celle de l’anandamide. Contrairement à l’anandamide, le 2-AG est un
agoniste entier du récepteur CB2. D’après des expériences de structure-activité, le CB2 serait
originellement le « récepteur 2-AG». En fait, le 2-AG serait le «vrai» agoniste des récepteurs
CB1 et CB2.
Le 2-AG, tout comme l’anandamide, reproduit tous les effets comportementaux du
THC. Les actions du 2-AG sont cependant moins puissantes que celles du THC ou de
l’anandamide.
2.5.1.3.
Endocannabinoïdes et voies de signalisation intracellulaire (41)
Les endocannabinoides agissent principalement sur trois voies de signalisation
intracellulaire (annexe 13) (29): modulation de l’activité de l’adénylate cyclase, modulation
de la perméabilité des certains canaux ioniques et activation de la voie des MAP kinases.
Inhibition de l’activité de l’adénylate cyclase via l’activation du CB1
L’adénylate cyclase est l’enzyme responsable de la production d’adénosine
monophosphate cyclique (AMPc), l’un des principaux seconds messagers intracellulaires. La
baisse d’AMPc dans la cellule entraîne une inhibition de la protéine kinase A (PKA) ce qui a
un effet sur les canaux potassique de type A.
Action sur la perméabilité des canaux ioniques
Les actions sont ici extrêmement complexes. On peut retenir que les
endocannabinoïdes agissent directement ou indirectement (via le CB1 mais indépendamment
de l’adénylate cyclase), sur la perméabilité de canaux calciques et potassiques. Les effets sur
la transmission synaptique entraînent une mise sous silence de la synapse : l’inhibition des
canaux calciques au niveau présynaptique entraîne une diminution importante de la libération
de neurotransmetteurs, et les effets sur les courants potassiques tendent à réduire la durée du
potentiel d’action.
35
Activation de la voie des MAP kinases
Les MAP kinases (« Mitogen Activated Protein kinases ») sont des sérine/thréonine
kinases. Elles jouent un rôle clef dans les processus de différenciation morphologique et de
survie neuronale. Plusieurs membres de la famille des MAP kinases sont abondamment
présents dans le cerveau et sont activés lors d’événements physiologiques ou pathologiques
(ischémie, épilepsie). Les endocannabinoïdes sont capable d’activer les MAP kinases :
- de type ERK1/2 (« Extracellular signal-Related protein Kinase »), impliquées dans la
régulation de l’expression de gènes et de la synthèse protéique. Le couplage des
récepteurs cannabinoïdes à cette voie de signalisation « mitogénique» pourrait être une
étape dans l’activation des gènes à expression immédiate-précoce (tel krox-24, C-Fos
ou ∆-Fos-B). Les protéines codées par ces gènes induisent des réponses à long terme
en modifiant au niveau nucléaire l’expression de gènes à expression tardive. Il peut
s’agir de gènes codant pour des récepteurs aux neurotransmetteurs, pour des enzymes
de synthèse de la dopamine. Cette action des cannabinoïdes est un élément pouvant
expliquer l’influence des drogues sur la plasticité neuronale ;
- de type JNK (« c-jun-N-terminal kinase ») dont l’activation conduit à une apoptose
cellulaire ;
- de type p38-MAPK entraine des effets neuro-protecteurs ainsi qu’anti-profilératifs au
niveau de cellules tumorales.
L’action des endocannabinoïdes sur la voie des MAP kinases constitue un champ de
recherche extrêmement prometteur au niveau thérapeutique. Elle explique aussi comment les
endocannabinoïdes et par extension les phytocannabinoïdes comme le THC sont capables
d’induire des modifications cellulaires à long terme en agissant sur l’expression de certains
gènes.
2.5.1.4.
Fonctions des endocannabinoïdes dans la neurotransmission (29)
2.5.1.4.1. Action synaptique par régulation de la libération des neurotransmetteurs
Comme nous l’avons vu, les endocannabinoïdes entraînent une réduction de la
libération de neurotransmetteurs, de la durée du potentiel d’action et de la fréquence de
décharge neuronale à l’origine d’une mise sous silence transitoire des neurones exprimant le
CB1.
Les récepteurs CB1 sont localisés au niveau des axones de terminaisons de nombreux
interneurones. Les endocannabinoïdes sont ainsi capables de réguler la libération des
principaux neurotransmetteurs que sont le glutamate (transmission synaptique excitatrice), le
GABA (transmission synaptique inhibitrice), l’acétylcholine, les catécholamines (dopamine,
noradrénaline, adrénaline).
Les cannabinoïdes ne sont donc pas « inhibiteurs » des fonctions cérébrales. En
inhibant des voies inhibitrices (GABA), les endocannabinoïdes peuvent finalement, par effet
de circuit, provoquer l’excitation de populations neuronales ou de noyaux cérébraux.
36
2.5.1.4.2. Action synaptique des endocannabinoides à contre-courant
Les endocannabinoides possèdent également une procédure de transmission
synaptique inédite parce que rétrograde c'est-à-dire depuis le neurone post-synaptique vers le
neurone pré-synaptique. Ce mécanisme de modulation rétrograde par les endocannabinoïdes a
été mis en évidence au niveau des synapses glutaminergiques (annexe 14) (29).
Compte tenu de l’activité excitatrice exercée par le glutamate sur la transmission
synaptique, on parle de phénomène de suppression de l’excitation induite par la dépolarisation
(DSE pour Depolarisation-induce Suppression of Excitation).
Si l’inter-neurone produit du GABA, la dépolarisation membranaire induite par le
GABA au niveau du neurone post-synaptique entraîne de la même manière la production
d’endocannabinoïdes par le neurone post-synaptique. Ces derniers viennent provoquer la
diminution en pré-synaptique de la libération de GABA. Compte tenu de l’activité inhibitrice
exercée par le GABA sur la transmission synaptique, on parle de phénomène de suppression
de l’inhibition induite par la dépolarisation (DSI pour Depolarisation-induce Suppression of
Inhibition).
2.5.1.4.3. Action sur la plasticité synaptique
La plasticité synaptique repose sur le principe que lorsque deux neurones sont
connectés par une synapse, l'efficacité de la transmission synaptique peut s’adapter en
fonction de sa propre activité. Il s’agit de formes élémentaires d’apprentissage qui sont
impliquées dans les processus de mémorisation.
Il existe deux grandes formes de plasticité synaptique découvertes toutes deux dans les
diverses structures cérébrales de la mémoire. Il s'agit de la LTP (potentialisation à long terme)
et la LTD (dépression à long terme).
Fonctionnellement, la stimulation répétitive à haute fréquence (autour de 100 Hz)
induit une potentialisation durable de la transmission synaptique : à intensité de stimulation
pré-synaptique égale, la réponse post-synaptique sera plus grande. On assiste donc à un
renforcement durable de l’efficacité de la transmission synaptique. C’est le phénomène de
potentialisation à long terme (LTP pour « Long Term Potentialisation »).
Inversement, la dépression à long terme (LTD pour « Long Term Depression ») se
développe lorsqu’un neurone pré-synaptique est actif à basse fréquence (1-5 Hz) sans que le
neurone post-synaptique ne subisse une forte dépolarisation. Il s’en suit une réduction
persistante de l’efficacité de la transmission synaptique. Son utilité dans les processus de
mémorisation fait encore l’objet de recherche. Dans l’hippocampe, on pense que la LTD
permet de ramener les synapses potentialisées par la LTP à un niveau normal pour les rendre
disponibles au stockage de nouvelles informations. Dans le cervelet, la LTD jouerait un autre
rôle plus actif. Elle participerait à corriger le mouvement à exécuter en fonction des
informations externes et internes qui parviennent au cervelet. Les signaux d’erreur causés par
une action inadéquate conduisent à la dépression à long terme, qui modifie alors le circuit
neuronal de manière à diminuer les erreurs. La LTD participerait donc à tirer les
conséquences des échecs ayant lieu au cours de l’apprentissage (42).
37
Ces deux formes archétypiques ont été observées au niveau de très nombreuses
synapses excitatrices du SNC. En réalité il existe plusieurs formes de LTD et de LTP. Il a été
démontré que les endocannabinoïdes étaient responsables d’une forme particulière de LTD.
Cette LTD médiée par les endocannabinoïdes (eLTD) fait intervenir la voie de signalisation
rétrograde des endocannabinoïdes et les phénomènes de DSE et DSI. Ainsi, les
endocannabinoïdes, en tant que messagers diffusibles, seraient capables de régler l’efficacité
synaptique de terminaisons neuronales voisines des synapses, lieux de leur production.
Cette eLTD est altérée de manière réversible par une seule exposition au THC (43).
C'est à la façon « d'un éléphant dans un magasin de porcelaine » qu'opère l'introduction du
THC dans ce dispositif subtil de régulation de différentes transmissions. En effet, le THC
partout en même temps, avec une forte intensité et sur une très longue durée ( n'étant pas
détruit in situ et étant de surcroît stocké dans la proximité de ses lieux d'action ), agit sans
discrimination sur les récepteurs CB1 qui sont au service de ces régulations.
Néanmoins, après des expositions répétées au THC, il semblerait que cette eLTD soit
supplée par une autre forme de LTD médiée par le mGluR2/3 (« metabotropic glutamate
receptor 2/3 ») afin de rétablir la plasticité synaptique (44). Ces mécanismes de compensation
sont actuellement à l’étude.
2.5.2. Aspects neurobiologiques de l’addiction (5) (45)
L’addiction est un processus complexe par lequel un comportement, qui peut
fonctionner à la fois pour produire du plaisir et pour soulager un malaise intérieur, se
caractérise par l’échec répété dans le contrôle de ce comportement et la persistance de ce
comportement en dépit de conséquences négatives significatives.
Des données plus récentes définissent l’addiction comme un trouble caractérisé par un
processus récurrent, comprenant l’intoxication répétée puis l’installation progressive d’une
dépendance s’accompagnant d’une tolérance et d’un besoin compulsif de consommer.
Les altérations neurobiologiques qui sous-tendent les comportements addictifs se
situent principalement sur le système dopaminergique méso-cortico-limbique. C’est en
agissant sur les voies neuronales de ce système, et en forçant directement ou indirectement les
neurones dopaminergiques que les différentes drogues peuvent rendre l’homme dépendant.
2.5.2.1.
Le circuit de récompense
Le circuit méso-cortico-limbique est un circuit hautement interactif et assez centralisé
dans l’encéphale se situant presque exclusivement au niveau sous-cortical (annexe 15) (46). Il
est appelé circuit de récompense ou de renforcement car il associe à un comportement, une
sensation de plaisir ou d’aversion afin de motiver ou d’empêcher la reproduction de ce
comportement selon la nature bénéfique ou néfaste de ce dernier.
38
L’aire tegmentale ventrale (ATV) est un noyau du mésencéphale qui contient les corps
cellulaires d’un ensemble de neurones dopaminergiques (neurone A10). Les axones de ces
neurones forment deux principaux circuits de projections :
-
le circuit méso-limbique qui projette vers le noyau accumbens (NA), l’amygdale et
l’hippocampe. L’amygdale est impliquée dans le décodage des émotions, elle colore
affectivement les perceptions de façon agréable ou désagréable. Elle médie
l’acquisition d’associations entre les stimuli et leur valeur émotionnelle, c'est-à-dire ce
que l’on appelle le conditionnement émotionnel. L’hippocampe permet la mise en
mémoire de ce conditionnement. Ce circuit est ainsi impliqué dans les effets de
renforcement, la mémoire et les réponses conditionnées liées aux conséquences
qu’auront sur la motivation et les émotions, le manque et le besoin d’affection, de
relation mais aussi de drogues.
-
Le circuit méso-cortical qui projette vers le cortex préfrontal qui comporte
principalement le cortex orbito-frontal (COF) et le cortex cingulaire antérieur. Ce
circuit est largement impliqué dans la perception de l’expérience émotionnelle ou dans
celle de la sensation provoquée par la prise de drogue. Le rôle du COF consiste,
comme l’amygdale avec laquelle il entretient une relation particulière, à coder la
valeur renforçante des divers stimuli que l’organisme rencontre au cours de son
existence. Le conditionnement émotionnel réalisé par le COF est plus évolué et plus
souple que celui de son homologue limbique. Ainsi le COF analyse la saillance perçue
c'est-à-dire la valeur donnée à une perception, en particulier par rapport aux autres
désirs, besoins et perception. Il participerait à la recherche compulsive de ces drogues
au détriment des autres intérêts et désirs. De même, il concourt à la prédiction de
récompenses car il est activé pendant la phase d’attente entre le stimulus conditionné
et le renforcement.
Ces circuits dopaminergiques interagissent avec d’autres circuits. Notamment le NA
contient des neurones GABAergiques (inhibiteurs) qui projettent vers l’ATV et exercent une
inhibition tonique sur les neurones dopaminergiques.
2.5.2.2.
Rôle particulier du nucleus accumbens (NA)
De par la multiplicité des influx qui convergent vers lui, le NA constitue le substrat
cérébral pour les interactions entre les associations stimulus-récompense et le contrôle
inhibiteur cortical. Son activation par les stimuli découlerait surtout des informations
provenant de l’amygdale, du cortex préfrontal (dont le COF) et de l’hippocampe. Il servirait
ainsi de relais pour que les stimuli conditionnés, appris au niveau de l’amygdale et du COF,
puissent moduler le comportement, en fonction du contexte (hippocampe).
Schématiquement, un stimulus hautement émotionnel (ex : menaçant) verrait
l’amygdale prendre le pas sur les autres systèmes. Par contre, face à des stimulations moins
extrêmes, le contexte fourni par l’hippocampe pourrait tempérer l’influence amygdalienne et
permettre à l’information corticale de diriger le comportement. Le NA serait ainsi le lieu de
réunion du triumvirat cérébral, là où un consensus comportemental est établi et envoyé vers
les aires responsables de son application.
39
C’est la fonction de relais ou d’interface du NA qui expliquerait en bonne partie divers
phénomènes de la dépendance à la drogue, et plus particulièrement le fait que les stimuli
associés à la drogue puissent parfois diriger les conduites compulsives du toxicomane. Ce
noyau est en effet le site d’action privilégié des abus de drogues. Celles-ci pourraient alors
perturber son fonctionnement en modifiant le rapport de force qui existe entre les diverses
informations, corticales et sous-corticales. Les stimuli conditionnés seraient alors susceptibles
de surpasser des informations plus réfléchies et ainsi initier les réponses conditionnées
associées, de manière automatique.
2.5.2.3.
La dopamine, neurotransmetteur clé du système de récompense
Les récompenses naturelles - aliments, boissons, activité sexuelle- et la majorité des
drogues addictives modifient la transmission dopaminergique.
La littérature souligne la notion de seuil dopaminergique variant en fonction de la
récompense :
- il augmente dans l’anticipation, l’attente de la récompense ;
- il augmente encore lors de la récompense ;
- le taux de dopamine ne retourne à son état basal qu’après l’obtention de celle-ci ;
- son absence malgré le signal annoncé fait que l’activité dopaminergique sera en
dessous de ce seuil, ce qui entraînera sur le plan clinique une sensation de mal-être,
d’anxiété, d’irritabilité.
Dans le cas des récompenses naturelles, l’activité neuronale dopaminergique ne dure
que quelques instants, mais dans le cas de l’administration d’une drogue, la libération de
dopamine est beaucoup plus longue.
2.5.2.4.
Dérèglement du système dopaminergique de récompense
Les cannabinoïdes, via les récepteurs CB1 situés sur les interneurones GABA, vont
inhiber l’activité de ces interneurones qui contrôle la sécrétion de dopamine par l’ATV dans
le NA. On assiste donc à une augmentation de la sécrétion de dopamine dans le NA. Toutes
les substances psycho-actives susceptibles d’entraîner une dépendance augmentent la
sécrétion de dopamine dans le NA. L’augmentation des taux de dopamine dans le NA est un
élément clé dans la médiation des effets de récompense ou du renforcement positif dû à la
drogue.
De façon physiologique, la sécrétion dopaminergique est modulée par plusieurs
systèmes :
- le système opioïde sur lequel agissent les opiacés ;
- par les interneurones GABA sur lesquels agit notamment l’alcool par le biais des
récepteurs GABA et NMDA, mais également les cannabinoïdes par le biais des
récepteurs CB1 ;
- par les récepteurs à l’acétylcholine sur lesquels agit la nicotine.
Ce système dopaminergique méso-cortico-limbique est donc modulé en permanence
par les neuromédiateurs endogènes agissant sur des récepteurs spécifiques. Cette
neuromodulation permet d’adapter finement la sécrétion dopaminergique aux différentes
40
situations susceptibles de stimuler le circuit de la récompense. Les réponses naturelles
modulées par nos neuromédiateurs naturels ont une amplitude et une durée limitées de l’ordre
de quelques millisecondes. Cette neuromodulation naturelle est donc beaucoup plus fine et
souple que l’action massive, brutale et prolongée qu’entraînent les substances psycho-actives
dont le cannabis. Lors d’une consommation de drogue, le pic d’augmentation du taux de
dopamine est extrêmement important et brutal. Il survient en quelques minutes et dure entre
40 et 60 minutes.
Cette sur-stimulation anormale et répétée entraînera des processus d’adaptation
complexes afin d’essayer de réduire les effets de cette sur-stimulation (47).
Schématiquement, l'augmentation de la quantité de dopamine dans le noyau
accumbens active la protéine CREB qui est un facteur de transcription et se lie à l'ADN pour
activer des gènes spécifiques. Ces gènes codent notamment pour une protéine appelée
dynorphine. La dynorphine freine la libération de dopamine au niveau des zones de relations
synaptiques entre l'ATV et le NA. Elle atténue progressivement la « récompense » procurée
par la consommation de drogues. C'est pourquoi on constate le phénomène de tolérance, le
consommateur a besoin d'augmenter les doses pour ressentir le même effet que lors de la prise
précédente.
Par ailleurs cette augmentation de concentration de la dopamine dans le NA entraîne la
synthèse des protéines Fos (cFos et ∆FosB notamment) dans le NA. Cette production de
facteur de transcription est transitoire puisque, en l’espace de 12 heures, les protéines Fos ont
disparu (comme dans les cellules au repos) à l’exception de ∆FosB qui reste présente en faible
quantité dans la cellule. Le facteur de transcription ∆FosB est très stable puisque sa ½ vie
cellulaire est de l’ordre de quelques semaines. Il apparaît que l’accumulation de ∆FosB
conduit à la synthèse dans un 2ème temps de protéines amplifiant l’impact de drogues sur le
circuit de renforcement, d’où une motivation plus forte pour la consommation de drogue.
Cette hypersensibilité favorise la rechute dans la toxicomanie après une période d'arrêt du fait
de la longue ½ vie de la protéine ∆FosB. Cette protéine régulerait également l’expression de
différents gènes sous-jacents à un comportement compulsif.
Nous n’avons décrits ici que quelques uns des mécanismes à l’origine des
modifications du fonctionnement du système de récompense sous l’impact des substances
psycho-actives. La dépendance toxicomaniaque est inscrite à long terme (plusieurs années
après sevrage) dans le circuit de renforcement à cause de modifications structurales et
moléculaires qui font fonctionner les contacts synaptiques dans un mode anormal.
Les travaux de Nora Volkow en 2003 (48) ont proposé un schéma synthétique de
fonctionnement du cerveau « addict ». En situation normale, quatre circuits interagissent
ensemble :
-
le circuit de la récompense : donne la valeur et la saillance d’un besoin ;
le circuit de la motivation et du sens ;
les voies de la mémoire qui mettent en jeu les associations apprises ;
le contrôle cortical et intellectuel, circuit de contrôle qui permet de résoudre les
conflits.
41
Dans l’addiction, on assiste à un renforcement de la valeur du produit :
-
-
Le besoin du produit est sur-valorisé par rapport aux autres désirs, besoins et
perceptions : on parle de saillance. L’émotion liée à la prise du produit est attendue,
désirée.
En réponse à cette perception du besoin, la motivation à se procurer le produit devient
prépondérante.
Les circuits de la mémoire sont envahis.
Le circuit de contrôle inhibiteur exercé au niveau du cortex préfrontal par les
associations corticales est partiellement déconnecté.
Représentation schématique selon les travaux de Nora Volkow
Cette synthèse permet de mieux comprendre les attitudes psycho-comportementales du
sujet « addict » : le cerveau devient hypersensibilisé à la drogue, et aux stimuli
environnementaux qui lui sont associés. Il accorde beaucoup moins d’importance aux autres
intérêts, objectifs et motivations devenus secondaires par rapport au besoin obsédant du
produit. A l’extrême, on parle de « craving » qui est la recherche compulsive du produit,
traduction du besoin de celui-ci.
2.5.3. Conclusion
Nous avons décrit le système endocannabinoïde central, ses récepteurs et les
molécules endocannabinoïdes. De part leur mécanisme d’action, les endocannabinoïdes
participent à la régulation fine de nombreuses populations neuronales, que ces dernières
expriment ou non les récepteurs cannabinoïdes (effets de circuits). Les cannabinoïdes
exogènes ou phytocannabinoïdes, comme le THC du cannabis, agissent de façon brutale et
prolongée. Cette dérégulation va s’inscrire de façon durable dans le fonctionnement cérébral
par des processus moléculaires complexes. Sur le plan neurobiologique, le cannabis possède
toutes les caractéristiques d’une drogue car il induit un dérèglement du système
dopaminergique de récompense.
Les drogues agissent comme un leurre pharmacologique, et si elles agissent si bien,
c’est parce qu’elles touchent à des mécanismes fondamentaux de gestion du plaisir et de la
42
souffrance, du bien-être et du mal-être, de l’approche et de l’évitement. L’intuition clinique
qui consiste à dire que, dans l’addiction, les sensations remplacent les émotions, se trouve
confirmé par la neurobiologie : l’effet brutal du produit remplace la modulation subtile des
émotions.
Actuellement, il est bien établi que le cerveau « addict » ne fonctionne pas selon la
norme. Il ne s’agit pas là d’une simple question de volonté, mais bien d’une altération des
mécanismes cérébraux qui explique que les personnes concernées rencontrent des difficultés à
contrôler leur comportement de consommation.
43
2.6.
Facteurs de risque et de vulnérabilité à l’usage nocif de cannabis
Selon l’expertise collective de l’INSERM (49), moins de 20% des sujets
consommateurs de cannabis développent un usage nocif ou une dépendance. Tous les
consommateurs ne développent donc pas un usage nocif. Certains semblent plus fragiles que
d’autres.
En médecine générale, pour mener une stratégie de dépistage de l’usage nocif de
cannabis chez l’adolescent, il convient de repérer les sujets les plus vulnérables. Il est difficile
de distinguer les facteurs qui vont faciliter l’expérimentation de cannabis, de ceux qui vont
faciliter le passage à l’usage nocif. En pratique, l’intérêt de cette distinction est relativement
faible. Repérer un adolescent qui consomme permet de qualifier sa consommation et de
déterminer si elle est nocive.
Pour évaluer le risque d’une consommation nocive de cannabis chez un adolescent, il
convient de prendre en compte les interactions qui existent entre le produit à savoir le
cannabis, l’individu à savoir l’adolescent et son environnement. Nous aborderons
successivement :
- les facteurs individuels de vulnérabilité ;
- les facteurs de risque environnementaux ;
- les facteurs de risque liés au produit.
Nous avons déjà évoqué les facteurs individuels de vulnérabilité et les facteurs de
risque environnementaux d’un point de vue psychopathologique. Nous abordons ici de
manière plus exhaustive ces mêmes facteurs appliqués à la pratique clinique.
D’un point de vue théorique, il est nécessaire d’apporter une précision concernant les
données de la littérature. La plupart des facteurs de risque et de vulnérabilité ont été établis
pour l’ensemble des substances psycho-actives. En réalité, il s’agit de facteurs de risque de
présenter un usage nocif d’une substance psycho-active quelle qu’elle soit. Il est très difficile
de distinguer des facteurs de risque propres à la consommation de cannabis. D’un point de
vue pratique, cette nuance nous semble peu problématique. Il s’agit de dépister un adolescent
« à risque ». Notre travail concerne le cannabis mais repérer un adolescent à risque peut
mener à la découverte de l’usage nocif d’une autre substance psycho-active. Ce repérage
s’inscrit dans une démarche de prévention plus générale qui fait partie intégrante de l’activité
de médecine générale.
44
2.6.1. Facteurs individuels de vulnérabilité
2.6.1.1.
Tempérament et personnalité (49)
Le tempérament peut se définir comme un ensemble d’attitudes, de conduites et de
comportements, stables dans le temps, sous-tendus par des facteurs biologiques, et en grande
partie génétiquement déterminé. Plusieurs modèles de tempérament sont actuellement
développés. Ceux qui se sont révélés plus particulièrement prédictifs de la survenue, à
l’adolescence, d’un trouble lié à l’utilisation des substances psycho-actives sont :
• niveau élevé de recherche de sensations, en particulier dans ses dimensions recherche
d’expériences, désinhibition et susceptibilité à l’ennui (modèle de Zuckerman) ;
• niveau élevé de recherche de nouveautés et faible évitement du danger (modèle de
Cloninger) ;
• niveau élevé d’activité comportementale, faible capacité intentionnelle, niveau élevé
de réactivité émotionnelle, retour lent à l’équilibre après un stress, faible niveau de
sociabilité (modèle de Tarter et Mezzich).
Les traits « désinhibition » et « recherche de sensations » sont considérés comme des
facteurs de risque spécifiques de consommation de cannabis (50) (51).
Schématiquement, la personnalité peut être définie comme la manière d’être au
monde, originale et personnelle, d’un sujet, résultant des interactions entre le sujet et ses
environnements (49). Les différents traits de personnalité pouvant être des facteurs de risque
individuels d’installation d’une conduite addictive sont (52) la faible estime de soi, la timidité,
l’autodépréciation, les réactions émotionnelles inadaptées (excessives ou l’inverse), les
difficultés à réagir ou non face à certains événements, les difficultés à avoir des relations
stables et à résoudre les problèmes interpersonnels. Nous aborderons plus tard les troubles de
la personnalité qui relèvent du domaine psychiatrique.
2.6.1.2.
Comorbidités psychiatriques
Selon l’expertise de l’INSERM en 2001, toutes les études (49) soulignent la fréquence
des troubles mentaux retrouvés chez les enfants et les adolescents présentant un abus ou une
dépendance aux substances psycho-actives en général :
-
hyperactivité avec déficit de l’attention ;
troubles des conduites ;
troubles du comportement alimentaire ;
troubles de l’humeur : dépression majeure, troubles bipolaires, dysthymie ;
troubles anxieux : angoisse de la séparation, troubles paniques, agoraphobie, phobie
sociale, anxiété généralisée, état de stress post-traumatique ;
tentatives de suicide (53) ;
troubles psychotiques (53) ;
Dans leur étude, Crowley et ses collaborateurs (54) ont montré que des adolescents
ayant des troubles des conduites (entraînant en général des problèmes avec la police, la justice
ou les services sociaux) présentent, pour 80 % d’entre eux, une dépendance au cannabis.
Le trouble des conduites, caractérisé par des comportements antisociaux et une
tendance à l’hétéro-aggressivité, est associé à un risque élevé de consommation de toxiques,
45
surtout s’il débute avant 10 ans. Le trouble déficit attentionnel/hyperactivité (TDAH) est
également un facteur de risque d’abus de substance. La cœxistence d’un TDAH et d’un
trouble des conduites est particulièrement à risque de consommation précoce et régulière.
L’existence d’un TDAH raccourcit le délai entre la première consommation et l’installation
d’un usage abusif (55).
Ainsi, la recherche de consommation de substances psycho-actives, dont le cannabis,
devrait être systématique chez tous les patients présentant des troubles mentaux (49).
Les troubles de la personnalité à type de personnalité antisociale ou borderline sont
également souvent associés aux conduites addictives (52).
La nature des relations unissant ces troubles aux troubles liés à l’utilisation des
substances psycho-actives est complexe (causes, conséquences, coexistences) et varie
probablement d’un sujet à l’autre (56). Sur le plan chronologique, cependant, ces troubles
psychiques précèdent l’apparition de l’abus de substances psycho-actives dans 70% des cas
environ. Les études ont montré que la survenue précoce d’un trouble mental pouvait
multiplier par deux le risque de développer un abus ou une dépendance (52).
2.6.1.3.
Evénements de vie (52)
Les événements de vie jouent un rôle important dans la vulnérabilité individuelle à
consommer des substances psycho-actives de façon nocive. Il peut s’agir de deuil, de
maltraitance, d’abus sexuels, de traumatismes physiques ou psychologiques, de maladie
grave, de rupture familiale ou sentimentale, de déménagement.
2.6.2. Facteurs de risque environnementaux
2.6.2.1.
Facteurs familiaux (49)
Habitudes de consommation familiales
L’attitude des parents à l’égard de l’alcool et des substances psycho-actives en général
peut jouer un rôle incitateur et favoriser la survenue d’un abus ou d’une dépendance. Le
risque est alors corrélé :
- au degré de disponibilité des substances psycho-actives au sein du milieu familial ;
- à l’importance des conduites d’usage chez les parents et dans la fratrie ;
- à la tolérance familiale pour l’usage de produits ;
- à la précocité de l’exposition de l’enfant à ces conduites d’usage de substances.
Les antécédents familiaux d’alcoolo-dépendance et de toxicomanie sont également à
prendre en compte. Il a été mis en évidence que les garçons dont les pères avaient un trouble
lié à l’usage de substances psycho-actives avaient un risque de consommer précocement du
cannabis nettement plus important que ceux dont le père n’avait pas de problème de
consommation de substances (57). Les enfants issus de parents « toxicomanes » présentent
davantage de problèmes (troubles cognitifs, difficultés de socialisation, troubles affectifs et du
comportement) et ils ont jusqu’à dix fois plus de risque que les autres de développer un abus
ou une dépendance à l’adolescence.
46
Fonctionnement familial
L’ambiance familiale et les relations parents - enfants jouent également un rôle
important. Un faible niveau d’encadrement, d’autorité et d’implication parentale, une attitude
coercitive, injuste et incohérente de la part des parents, la perception par l’enfant d’un manque
de proximité avec ses parents sont autant de facteurs de risque pour la survenue d’un abus que
d’une dépendance.
Selon les résultats de l’étude ESCAPAD 2005 (4), la situation familiale apparaît
comme un facteur associé à la consommation de cannabis (annexe 5) (4). Les jeunes, dont les
deux parents vivent ensemble, apparaissent beaucoup moins souvent expérimentateurs ou
usagers réguliers de cannabis que les autres. De même, un jeune qui vit hors du foyer familial
est plus fréquemment consommateur. Ces résultats soulignent que les opportunités de
consommer sont fortement liées au niveau d’encadrement par les parents ou les adultes chez
les jeunes de 17 ans.
Antécédents familiaux de type psychiatrique
Les troubles psychiques sont particulièrement fréquents chez les parents des enfants et
des adolescents présentant un abus ou une dépendance aux substances psycho-actives :
- troubles liés à l’utilisation de substances psycho-actives et personnalité antisociale, en
particulier chez les pères ;
- troubles anxieux et dépressifs, en particulier chez les mères.
2.6.2.2.
Facteurs socio-démographiques
Niveau socio-économique
La perte des repères sociaux peut constituer un facteur de risque d’abus notamment
dans les milieux précaires ou dans les situations de chômage. Cependant, le milieu
socioculturel d’origine se révèle sans relation nette avec l’apparition d’un abus ou d’une
dépendance (49).
Selon les résultats de l’étude ESCAPAD 2005 (4), plus le niveau social est élevé, plus
l’expérimentation est importante (annexe 5) (4). Concernant les usages plus fréquents,
notamment l’usage régulier, les différences sont plus nuancées. Cependant, en contrôlant les
autres facteurs socio-démographiques, il apparaît qu’une élévation du milieu social est
associée à une augmentation du niveau de consommation régulière de cannabis. Les
ressources financières et sociales de la famille conditionnent sans doute en partie la
consommation de cannabis, qui représente un budget non négligeable pour un jeune de 17 ans
qui consomme régulièrement du cannabis (environ 80 euros par mois).
Ces résultats contredisent l’idée répandue que le cannabis, en tant que drogue illicite,
serait plus consommé dans les milieux populaires ou défavorisés. Ils confirment que, dès
l’adolescence, il est répandu dans tous les milieux.
Il existe cependant certains quartiers défavorisés où les substances psycho-actives
circulent largement allant même jusqu’à faire partie de la vie quotidienne. Cet environnement
immédiat favorise indéniablement l’initiation et la consommation de substances psychoactives chez l’enfant et l’adolescent. Au niveau individuel, ce facteur ne peut cependant pas
47
résumer à lui seul toute l’étiologie de l’abus ou de la dépendance, même s’il joue un rôle
renforçateur incontestable.
Parcours scolaire
Les adolescents en situation d’instabilité et de rupture scolaire sont particulièrement à
risque du fait de leur situation de désoeuvrement et du risque d’accentuation de leur
identification à des groupes déviants (49).
Selon l’étude ESCAPAD 2005 (4), la consommation de cannabis apparaît fortement
associée au parcours scolaire (annexe 5) (4). Les usages sont plus répandus parmi les jeunes
qui se sont orientés vers une filière scolaire courte ou professionnelle, et davantage encore
parmi les jeunes sortis du système scolaire. Les jeunes qui ont redoublé au cours de leur
scolarité sont également plus consommateurs.
2.6.2.3.
Rôle du groupe des pairs (49) (52)
Le groupe des pairs joue un rôle important dans l’initiation et la consommation de
substances psycho-actives. A l’adolescence, les comportements sont largement dominés par le
groupe au détriment de l’influence parentale et des repères du monde adulte en général. Cette
consommation peut se voir non seulement tolérée mais également valorisée par le groupe. La
dimension de transgression des règles prend ici toute sa valeur.
Par la suite, il peut jouer un rôle renforçateur, dans la mesure où l’adolescent
consommateur abusif de substances psycho-actives a tendance à choisir des groupes au sein
desquels circulent ces substances. La désocialisation, la marginalisation voire la délinquance
entretiennent ensuite l’abus de substances.
Selon l’étude ESCAPAD 2005 (4), la sociabilité apparaît comme un élément majeur
pour comprendre les motifs de consommation. La proportion de fumeurs est en effet très
nettement corrélée à la fréquence des sorties dans les bars, ou à celle des soirées entre amis.
La figure en annexe 6 (4) distingue les sorties entre amis dans les lieux extérieurs au domicile
et les moments passés entre amis à l’intérieur des domiciles. Elle illustre de façon très
partielle les relations qui existent entre les indicateurs d’une certaine sociabilité (le temps
passé entre amis) et la consommation de cannabis. Plus la fréquence des moments passés avec
ses amis est importante, plus les niveaux d’expérimentation et d’usage régulier sont élevés.
Les deux courbes représentant le niveau d’expérimentation selon le lieu de réunion sont assez
proches. En revanche, une différence apparaît sur les courbes décrivant l’usage régulier. Les
jeunes passant très fréquemment des soirées entre amis, chez eux ou à l’intérieur du domicile
d’un leurs amis, sont plus nombreux à être consommateurs réguliers que ceux qui sortent très
souvent dans les bars. On peut supposer que ces derniers consomment alors de préférence des
substances psycho-actives légales telles que le tabac ou l’alcool.
48
2.6.3. Facteurs de risque liés au produit et à sa consommation
2.6.3.1.
Modalités de consommation à risque
Certaines modalités de consommation sont des indicateurs de risque de passage à un usage
nocif. Elles doivent tout particulièrement attirer l’attention du médecin.
2.6.3.1.1. Précocité des consommations
Plus une consommation de cannabis démarre précocement dans la vie, plus le risque
d'apparition d'abus et/ou d'un syndrome de dépendance est important (58). Ce risque semble
particulièrement avéré si l’âge de début est inférieur à 15 ans (53). Ce constat renvoie à
plusieurs systèmes de causalité d’ordre :
- toxicologique : plus l’âge de début est précoce, plus longue est la durée d’exposition
au toxique au cours de la vie et plus le risque de survenue de complications augmente ;
- physiologique : l'effet psychotrope est d'une façon générale plus nocive chez des sujets
en développement, dans la mesure où il intervient sur un système neurobiologique plus
fragile ;
- psychologique : un adolescent débutant a plus de mal à « gérer » un usage qu’un
adulte. Il structure rapidement des modalités durables d’interaction avec d’autres
consommateurs, les groupes de pairs, les copains. L’effet psychotrope du cannabis
provoque ainsi des distorsions dans le rapport de l’adolescent avec son environnement
et son entourage (59).
Selon l’étude ESCAPAD 2005 (4), en moyenne, les jeunes de 17 ans ont fumé leur
premier joint à 15 ans. Cependant, 31% des garçons de 17 ans ont déjà consommé avant 15
ans et 16% avant 14 ans. C’est entre 14 est 16 ans que l’expérimentation de cannabis est la
plus fréquente.
2.6.3.1.2. Répétition des consommations
Le passage à un usage régulier est d’emblée inquiétant. Trois critères précis peuvent
être proposés (52) (60):
-
l’impossibilité de ne pas consommer dans certaines conditions comme les fêtes, les
concerts, les contacts sociaux, la sexualité…etc. ;
le besoin de consommer quotidiennement ;
sortir des conditions habituelles de consommation, c'est-à-dire consommer en dehors
des soirées, des fêtes, des moments de convivialité.
La répétition des consommations traduit alors l’installation de la pathologie addictive
et la consommation peut atteindre plusieurs joints par jour.
Selon Jean Michel Delile (53), il ne faut pas hésiter à aborder la question de la
répétition des consommations de manière très concrète en consultation, notamment sous
l'angle des quantités achetées et de leur coût hebdomadaire. Au-delà de la simple évaluation,
la prise de conscience, par l'usager, des sommes ainsi dépensées peut être en soi un motif
d'arrêt. Par ailleurs, cette prise de conscience attire l'attention de l'usager sur sa « perte de
contrôle », qui est un critère d'abus ou de dépendance. Selon lui, l'expérience montre que cet
intérêt concret pour ses consommations, loin de bloquer la discussion, peut au contraire créer
49
un pont avec l'usager et crédibiliser le médecin dans ses compétences sur la question. Ainsi, le
dialogue sur une consommation peut naturellement évoluer vers une discussion sur les effets
nocifs qui restent sinon trop souvent niés par l'usager.
2.6.3.1.3. Consommations multiples (61)
Polyexpérimentation, usage concomitant, polyconsommation
Les polyconsommations doivent être recherchées systématiquement. On distingue :
- la polyexpérimentation : expérimentation de plusieurs substances psycho-actives (2 au
minimum) ;
- l’usage concomitant : plusieurs substances psycho-actives sont consommées en même
temps ;
- la polyconsommation ou polyintoxication : consommation de plusieurs substances
psycho-actives avec une certaine fréquence.
La polyexpérimentation concerne près de 80 % des adolescents. En 2005 à 17 ans,
92% des adolescents a expérimenté l’alcool, 72% le tabac et 49,5% le cannabis (4). La
consommation de tabac est quasiment obligatoire pour fumer du cannabis compte tenu du
mode de confection du pétard en France. Compte tenu de la fréquence très élevée
d’expérimentation de l’alcool, il n’est pas étonnant que les expérimentateurs de cannabis aient
également expérimenté l’alcool.
Le groupe de polyexpérimentation le plus important est celui qui associe
tabac+alcool+cannabis. L’adolescent expérimente ainsi les substances psycho-actives dites
licites et le cannabis qui a toujours le statut de drogue douce. En pratique clinique, beaucoup
de consommateurs déclarent refuser de consommer d’autres substances psycho-actives que le
cannabis au motif qu’elles sont considérées comme dures.
Les usagers réguliers de cannabis expérimentent plus fréquemment d’autres drogues
illicites : les prévalences d’expérimentation sont, selon les produits, entre 5 à 8 fois plus fortes
chez eux qu’en population générale du même âge (annexe 7) (62). Cette réalité peut être liée
aux contextes d’usage du cannabis offrant des opportunités d’expérimenter d’autres produits
(62).
Cette polyexpérimentation s’inscrit dans la recherche de sensations propre à la période
de l’adolescence mais également dans une quête d’identité. L’adolescent rechercherait, plus
que les effets de produit, l’image qu’il renvoie de lui en consommant. L’utilisation de telle ou
telle substance psycho-active est alors fortement influencée par le groupe de pairs, par la
disponibilité du produit au sein de ce groupe mais aussi par les représentations que
l’adolescent se fait du produit (annexe 7) (61).
L’usage concomitant traduit une recherche de sensations plus complexe et plus
dangereuse, dans un contexte festif le plus souvent. L’objectif étant alors la « défonce » ou la
modification des sensations avec une recherche d’hallucination. Il associe plusieurs
substances psycho-actives pour en tirer un maximum de bénéfice. L’alcool est notamment
connu pour potentialiser les effets d’ivresse du cannabis et accentuer les risques de perte de
contrôle de soi et des troubles psycho comportementaux (63). Nous rapportons en annexe 7,
les propos d’usagers qui décrivent eux-mêmes les différentes combinaisons (64).
50
La polyconsommation chez les jeunes concerne essentiellement la consommation
répétée d’alcool, de tabac et de cannabis. Deux phénomènes différents s’observent :
- une consommation régulière, quotidienne, à visée anxiolytique et apaisante ;
- une prise de substances psycho-actives en fin de semaine pour faire la fête, « se
défoncer », ressentir des sensations et parfois oublier ses problèmes.
Cas particulier du tabac
Nous avons choisi dans ce paragraphe d’aborder la question de la consommation de
tabac pour plusieurs raisons :
- la très forte diffusion du tabac parmi les adolescents ;
- la précocité de l’expérimentation du tabac ;
- le dépistage quasi systématique de la consommation de tabac chez les jeunes par le
généraliste lors des visites de certificats ;
En 2005 (4), 72% des adolescents de 17 ans ont déjà expérimenté le tabac. L’âge
moyen de la première expérimentation est de 13 ans et demi. La moitié des adolescents de 17
ans a fumé sa première cigarette avant 14 ans et plus d’un tiers avant 13 ans. Un tiers des
adolescents de 17 ans fume du tabac quotidiennement et un dixième fume plus de 10
cigarettes par jour.
Dans la littérature, le risque de la consommation associée de tabac et de cannabis est
triple (65) :
- potentialisation des complications somatiques liées à chacun de ces produits ;
- maintien de la consommation de l’un des produits du fait de la dépendance à l’autre ;
- voire potentialisation de la dépendance de l’un par l’autre.
Une étude (66) a souligné la difficulté d’arrêter le tabac pour des sujets qui fument du
cannabis par rapport à ceux qui n’en fument pas ou plus.
Aux Etats-Unis, on trouve des fumeurs de marijuana ne fumant pas de tabac ce qui
permet de distinguer les effets propres de chaque substance. Sur le plan psychiatrique, deux
études aboutissent à des résultats surprenants quant aux effets psychotropes du tabac.
Une étude (67) a comparé chez des adolescents, l’incidence sur les troubles
psychiatriques de l’alcool, du tabac et du cannabis. Il s’avère que l’association cannabis+tabac
est plus à risque de dépression que l’alcool seul mais également que l’association
cannabis+alcool. Dans cette étude, parmi les trois substances consommées isolément, seul le
tabac est lié aux troubles psychiatriques de façon significative.
Une étude (68) montre qu’environ 50% des individus présentant une dépendance à la
marijuana fument également du tabac. Parmi ces sujets dépendants à la marijuana, les fumeurs
réguliers de tabac présentent des caractéristiques particulières par rapport à ceux qui ne
fument pas ou plus de tabac. Ils ont plus de problèmes psychologiques, juridiques et sociaux.
Ils ont un âge de début plus précoce et présentent plus d’abus de substance notamment
d’alcool. Ils répondent moins bien au traitement de leur dépendance à la marijuana que les
non fumeurs et les ex-fumeurs de tabac.
Dépister la consommation de tabac en médecine générale est donc primordial, pour les
risques somatiques mais également pour les risques psychiques. De plus, le dépistage de la
51
consommation de tabac va bien souvent ouvrir vers celui de la consommation de cannabis,
nous y reviendrons.
2.6.3.1.4. Objectifs, fréquence et circonstances de la consommation (60)
Il est important de connaître les moments de consommation de cannabis dans la
journée ou dans la semaine, de rechercher si l’usage a lieu en groupe ou de manière
strictement solitaire et de percevoir les objectifs de la consommation (annexe 8) (4).
L’usage peut avoir lieu dans la soirée pour se détendre, oublier les soucis de la journée
et s’endormir. L’usage peut être au contraire matinal pour affronter la journée qui s’annonce,
traduisant une logique de fuite ou d’évitement. Enfin, il peut s’agir d’un usage de lutte contre
l’ennui, régulier et continu, souvent massif et à l’origine de troubles du comportement. Ces
usages sont plutôt solitaires, de type auto-thérapeutique. Ils traduisent le plus souvent une
augmentation de la consommation qui devient de plus en plus fréquente. Le cannabis est alors
utilisé à visée anxiolytique, sédative ou antidépressive et révèle des troubles psychopathologiques sous-jacents. C’est pourquoi un usage solitaire et auto-thérapeutique doit attirer
plus particulièrement l’attention du médecin.
A l’inverse, l’usage de cannabis peut être festif, en groupe, à l’occasion de sorties ou
de fêtes. Il traduit principalement une recherche de plaisir partagé, de convivialité du fait des
propriétés hilarantes et euphorisantes du cannabis. Si la consommation reste occasionnelle
dans ces conditions, elle peut alors ne pas présenter les critères de l’usage nocif. L’usage
simple peut parfois n’entraîner pendant un certain temps ni complication ni dommages
repérables. Cette consommation apparaît socialement réglée, dans le cadre d’un usage
convivial. Néanmoins, il faut rappeler ici qu’elle sera toujours à risque (49) voire
immédiatement nocive dans certaines conditions et situations :
-
consommation avant 15 ans ;
grossesse et allaitement ;
troubles mentaux associés ;
conduite de véhicule ;
au travail ;
intoxications multiples.
La recherche d’excès, d’ivresses intenses, de « défonce », d’anesthésie par une
consommation massive et brutale (bang) est un indicateur de consommation qui devient
problématique (69).
Rappelons que l’usage des « douilles » chez les jeunes s’est largement développé ces
dernières années. « Coller des douilles » devient un mode d’usage fréquent qui doit être
repéré, car il présente des risques supérieurs aux modes traditionnels (53).
52
2.6.3.2.
Facteurs de risques liés au produit.
Les caractéristiques intrinsèques du produit cannabis peuvent également influer sur le
comportement de consommation et induire un risque de passage à l’usage nocif.
2.6.3.2.1. Risque de dépendance (70).
Nous avons indiqué dans la première partie de ce travail les critères diagnostiques de
la dépendance. Schématiquement, la dépendance se traduit par une perturbation importante et
prolongée du fonctionnement neurobiologique et psychologique de l’individu. C’est la phase
ultime des consommations pathologiques. Elle se définit par :
- l’apparition d’une tolérance ;
- des signes de sevrage à l’arrêt du produit ;
- un comportement de consommation compulsif ;
- des dommages somatiques ou psychosociaux graves.
La dépendance au cannabis concernerait 5% des expérimentateurs à 10% des usagers
réguliers. Un syndrome de sevrage a été décrit chez des volontaires. Il débute après 24 heures
d’abstinence, atteint son pic maximal après deux à quatre jours, et diminue après sept jours.
Les symptômes sont une agitation, une perte d’appétit, des nausées, une perturbation du
sommeil, une irritabilité ou une hyperactivité, parfois une augmentation de la température du
corps.
Sur le plan expérimental, l’administration d’un antagoniste (le SR 141716) des
récepteurs cannabinoïdes de type CB1, peut déclencher un syndrome de sevrage physique
brutal chez des animaux ayant reçu un traitement chronique avec des doses élevées de THC.
L’absence de syndrome de sevrage brutal en clinique s’explique par la forte lipophilie du
THC et sa lente élimination dans l’organisme (22).
Dans le cadre des consultations cannabis en 2005 (71), 20% des consultants âgés de 10
à 16 ans et environ 1/3 des consultants âgés de 17 à 19 ans font l’objet d’un diagnostic de
dépendance (annexe 9) (71).
Cette notion de dépendance au cannabis est capitale. En effet, selon le Pr. Reynaud,
dans la représentation sociale et politique, c’est la dépendance qui fait la « drogue ». Nous
considérons que c’est un message important à transmettre aux adolescents et à leur famille. La
réalité de la dépendance permet d’alerter et sa fréquence relativement faible parmi les
consommateurs non réguliers permet de dédramatiser. C’est autour de cet équilibre,
finalement bien symbolisé par la réalité de la dépendance au cannabis, entre vigilance et
dédramatisation que nous souhaitons travailler.
53
2.6.3.2.2. Risques de complications somatiques, psychologiques et sociales
Nous aborderons cet aspect dans les chapitres suivants.
2.6.3.2.3. Statut du cannabis
2.6.3.2.3.1. Statut social
Selon l’enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes
(EROPP) réalisée en 2002 (72), le problème de la drogue arrive en sixième position (24,2%)
dans la liste des motifs de préoccupation des Français concernant la société française derrière
l’insécurité (49,6%), la pauvreté (33,6%), le chômage (32,2%), le sida (29.8%) et la pollution
(29.2%). Ce problème n’est cité que par moins d’un quart des personnes interrogées. En
revanche parmi les jeunes de 15 à 17 ans, 35% des enquêtés citent la drogue parmi leurs deux
premiers motifs de préoccupation.
Parmi les produits spontanément cités en tant que drogues, le cannabis est le plus
souvent cité (82%). Par rapport à l’alcool ou au tabac, le cannabis est plus souvent jugé
dangereux dès la première consommation : 50,8 % des enquêtés pensent qu’il est dangereux
dès qu’on l’essaye, contre 4,8 % pour l’alcool et 24,9 % pour le tabac. Un tiers des personnes
juge que le cannabis est dangereux dès qu’on en fume tous les jours, tandis qu’une personne
sur huit situe le seuil à l’item « fumer de temps en temps ». Une minorité (2,8 %) juge que le
cannabis n’est jamais dangereux pour la santé, alors que personne n’a formulé cette opinion
dans le cas de l’alcool ou du tabac. La perception de la dangerosité du cannabis varie
beaucoup avec l’âge : seulement 30 % des 15-17 ans pensent que le cannabis est dangereux
dès l’expérimentation, cette proportion s’élevant ensuite avec l’âge pour atteindre 65 % chez
les 65-75 ans.
Une large majorité des personnes enquêtées (69,8 %) est d’accord pour estimer que la
consommation de cannabis conduit à consommer, par la suite, des produits plus dangereux :
c’est la thèse de l’escalade. Le partage de cette opinion vient sérieusement nuancer l’image du
cannabis que renvoie globalement la population. L’adhésion à cette opinion sous-entend que
la consommation de cannabis porte en germe celle de substances plus dangereuses. Celles-ci
sont clairement perçues comme dangereuses dès l’expérimentation par une large majorité des
individus (près des quatre cinquièmes dans les cas de l’héroïne, de la cocaïne et de l’ecstasy).
Or, le cannabis n’est jugé dangereux à ce stade que par une moitié des personnes interrogées
(50,8 %), tandis qu’il paraît à une très large majorité (près de 70 %) moins addictif que le
tabac et l’alcool. Ainsi, la dangerosité perçue du cannabis semble se fonder soit sur sa toxicité
propre soit sur le risque induit par la tentation d’expérimenter d’autres substances dont l’usage
est plus dommageable.
54
2.6.3.2.3.2. Le point de vue des scientifiques
Dans la littérature, concernant la dangerosité du cannabis, nous pouvons retenir la
classification du Pr. Roques sur la dangerosité des drogues, le point de vue de l’expertise de
l’INSERM concernant le risque d’escalade vers des drogues plus fortes et le point de vue du
Pr. Reynaud concernant l’usage actuel du cannabis par les jeunes. Les autres aspects de la
dangerosité du cannabis sont développés tout au long de ce travail notamment en ce qui
concerne les risques d’accidents, les risques somatiques et psycho-sociaux, l’élévation des
teneurs en THC et la réalité sur la présence de produits psycho-actifs associés au cannabis.
Facteurs de dangerosité des drogues selon le Pr. Roques (73)
Le rapport du Pr. Roques a été réalisé à la demande du secrétaire d’Etat à la santé, M.
Kouchner, en 1998. Il distingue trois classes de substances psycho-actives en fonction de leur
dangerosité selon un ensemble de critères. La première classe regroupe l’héroïne, la cocaïne et
l’alcool. La deuxième classe regroupe les psycho-stimulants, les hallucinogènes, le tabac et
les benzodiazépines (BZD). Le cannabis est dans une classe à part. Ce rapport n’en déduit pas
que le cannabis est un produit banal, mais insiste sur la nécessité de développer des
programmes de recherche en neurobiologie sur les mécanismes d’action des cannabinoïdes.
Facteurs de dangerosité des drogues selon le Pr. Roques
Héroïne
(opioïdes)
Alcool
Tabac
Cocaïne
BZD
Cannabinoïdes
très forte
très forte
forte
faible
moyenne
faible
très forte
très forte
très forte
forte
(intermittente)
forte
faible
faible
forte
0
forte
0
0
Toxicité
générale
forte
forte
très forte
forte
très faible
très faible
Dangerosité
sociale
très forte
forte
0
très forte
Dépendance
physique
Dépendance
psychique
Neurotoxicité
Faible
(sauf conduite
automobile)
faible
La théorie de l’escalade (74)
Il est important de distinguer la théorie de l’escalade (« stepping stone ») et la théorie
de la porte d’entrée (« gateway »). Selon la théorie de l’escalade, la consommation d’un
produit psychotrope entraînerait une consommation de produits de plus en plus nocifs suivant
la séquence : tabac-alcool-cannabis-cocaïne-héroïne. Selon la théorie de la porte d’entrée,
consommer des drogues interdites pousse l’usager à fréquenter des milieux marginaux avec
un risque accru d’expérimenter d’autres substances.
Récemment plusieurs publications ont mis en évidence les relations qui existent entre
les systèmes endocannabinoïde et endorphinique (système des opiacés), et le phénomène de
sensibilisation croisée. Pour certains, ces données pourraient être la base mécanistique du
constat que la plupart des héroïnomanes ont préalablement abusé du cannabis et que le
passage du cannabis à l’héroïne n’est pas fortuit. C’est la théorie de l’escalade.
55
Relations entre systèmes endocannabinoïde et endorphinique (système des opiacés) et
phénomène de sensibilisation croisée chez l’animal.
Une administration chronique et préalable de cannabinoïdes est capable d’induire une
sensibilisation aux effets des opioïdes (héroïne) sur l’activité locomotrice. Cependant, les
effets de ces drogues sur la locomotion ne sont pas reliés à leurs effets renforçants et il n’est
pas possible de faire le lien avec la théorie de l’escalade.
Une exposition préalable au THC diminue la sévérité du syndrome de sevrage
morphinique et ne modifie pas de manière significative les effets renforçants de la morphine :
une tendance à diminuer les effets renforçants de la morphine a même été observée.
L’administration de cannabinoïdes est capable d’induire une rechute à un
comportement d’auto-administration de psycho-stimulants, d’opioïdes et d’éthanol. Ces
résultats suggèrent que, même si les cannabinoïdes ne semblent pas capables de faciliter la
première consommation d’une autre drogue (les effets renforçants ne sont pas modifiés chez
des animaux non dépendants), l’utilisation d’un cannabinoïde peut faciliter la rechute de la
consommation d’une drogue chez des sujets qui ont déjà été dépendants.
Extrapolation des études à l’homme
Les études animales qui vont dans le sens d’une sensibilisation (et non sensibilité)
croisée entre cannabis et opioïdes ne permettent pas de conclure que cela se produit chez
l’homme. En effet, les modèles animaux utilisés pour ces études ne rendent pas compte de la
variété des facteurs psychologiques, sociaux et culturels qui interviennent dans le
comportement humain. Seules des études prospectives épidémiologiques ou cliniques chez
l’homme pourront étudier la chronologie d’apparition des dépendances selon la séquence
tabac-alcool-cannabis-cocaïne/opioïdes.
Différents polymorphismes génétiques ont été identifiés. Ils favorisent l’utilisation de
ces substances d’une façon spécifique, en association à une prédisposition personnelle à la
dépendance. Même les espèces animales ne répondent pas de manière identique, et parmi les
individus d’une même espèce la dépendance varie selon des facteurs connus (génétiques), ou
encore inconnus.
Données épidémiologiques
Une augmentation importante de la consommation de cannabis chez les jeunes
Français ressort des derniers résultats des diverses enquêtes nationales notamment celles
coordonnées par l’OFDT dont nous avons exposé les résultats. Cette augmentation s’observe
depuis plus de dix ans. Or, à ce jour, en France, aucune donnée disponible ne montre
d’augmentation de la consommation d’héroïne malgré le recul qui existe quant à
l’augmentation de la consommation de cannabis.
En conclusion, il n’existe pas actuellement de preuve robuste quant à un effet sensibilisateur
du cannabis pour d’autres substances d’abus et de dépendance (y compris opiacés). En
revanche, chez l’animal, le cannabis peut entraîner la rechute d’un comportement de
dépendance à l’alcool et à l’héroïne.
56
Les dangers de l’usage actuel de cannabis chez les jeunes selon le Pr. Reynaud (75)
Interrogé par le journaliste Michel Cymés sur les différences entre les consommations
de cannabis des années 70 et celles d’aujourd’hui, le Pr. Reynaud, chef du service psychiatrie
à l'hôpital Paul Brousse, psychiatre et spécialiste de l'addiction, explique les changements
fondamentaux qui se sont opérés. Dans années 70, il estime que les consommateurs avaient 20
à 25 ans et donc un cerveau et un psychisme formés. Le cannabis était moins dosé en THC
qu’aujourd’hui. Par ailleurs, les consommateurs n’en fumaient que de temps en temps pour
des raisons d’approvisionnement notamment. Aujourd’hui, des adolescents de 12 à 15 ans
l’obtiennent très facilement par l’intermédiaire de leur groupe de copains ou par téléphone
portable interposé. La fréquentation de milieux dangereux ou marginaux n’est absolument pas
nécessaire pour obtenir du cannabis. L’accès est très facile donc potentiellement très fréquent,
pour des adolescents de plus en plus jeunes. Par ailleurs les produits, actuels ont une teneur en
THC plus élevée.
57
2.7.
Effets cliniques de la consommation de cannabis
2.7.1. Troubles psychiatriques induits par le cannabis et comorbidités psychiatriques
La description des effets cliniques du cannabis se heurte à plusieurs écueils d’ordre
méthodologique. :
• le cannabis est une drogue illicite et la sélection puis l’observation des sujets
consommateurs posent un problème d’ordre éthique voire légal ;
• les études expérimentales menées chez les animaux sont difficilement transposables à
l’homme ;
• la plupart des consommateurs de cannabis absorbent également du tabac, de l’alcool
voire d’autres drogues et il devient rapidement difficile d’en dissocier spécifiquement
les conséquences.
C’est pourquoi, une grande prudence est nécessaire dans la description de ces effets et
dans leur généralisation. Trois descriptions classiques et historiques de l’intoxication au
cannabis apportent un éclairage intéressant (annexe 17). Les travaux de Moreau de Tours
(76), médecin aliéniste à l’hôpital Bicêtre au XIXéme siècle, font figure de premières
références pour la médecine moderne. Il se base sur sa propre expérience du produit.
Certaines manifestations spectaculaires notamment les hallucinations s’expliquent par
l’expérimentation de produits hautement dosés (jusqu’à 60% de THC). Les descriptions plus
récentes basées sur des consommations plus « raisonnables » n’ont pas conduit à conserver le
cannabis parmi les drogues hallucinogènes. La description de Bromberger de 1934, précisée
par Nahas en 1984 (77) est restée classique dans la littérature médicale bien qu’exagérée
selon de nombreux spécialistes d’aujourd’hui. Enfin, le rapport La Guardia (78) reste un
document des plus approfondis sur la question de l’intoxication cannabique. Les auteurs y
récapitulent leurs découvertes sur un groupe expérimental de la population new-yorkaise.
Selon le DSM-IV (8), les critères diagnostiques (somatiques et psychiques) de
l’intoxication au cannabis sont les suivants :
A.
Prise récente de cannabis.
B. Modifications comportementales ou psychologiques inadaptées, cliniquement
significatives, (par exemple: altération de la coordination motrice, euphorie, anxiété, méfiance
ou idéation persécutoire, sensation de ralentissement du temps, altération du jugement, retrait
social) qui se sont développées pendant ou peu après l’utilisation du cannabis.
C. Au moins deux des symptômes physiques suivants apparus dans les deux heures qui
suivent la prise de cannabis:
(1) conjonctives injectées,
(2) stimulation de l'appétit,
(3) sécheresse buccale,
(4) tachycardie.
D. Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux
expliqués par un autre trouble mental.
58
2.7.1.1.
Effets psychiques aigus (79)
Les effets psychiques de l’intoxication au cannabis sont variables d’un sujet à l’autre,
et parfois d’une prise à l’autre chez un même individu. Ils sont directement liés à la
personnalité du sujet, au contexte, au mode de consommation, à la quantité absorbée et à la
qualité du produit (excipients, teneur en THC).
Les manifestations n’apparaissent pas selon un mode déterminé. Les différentes
phases s’entremêlent, et certaines manifestations prédominent en fonction de multiples
facteurs individuels et environnementaux.
Globalement l’appréhension du monde est modifiée. Le sujet n’existe plus que dans
l’expérience immédiate. Le mécanisme des associations se libère. Le sujet peut perdre le fil de
son raisonnement d’une manière comparable à celle des troubles du cours de la pensée
psychotique.
Les effets suivants peuvent être observés :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
euphorie, sensation de bien-être, satisfaction, rires faciles, loquacité voire logorrhée. Cette
modification de l’humeur s’accompagne d’un sentiment d’insouciance, de stimulation
intellectuelle, d’une impression de calme et de relaxation ;
distorsion de l’image de soi, avec augmentation de la confiance en soi ;
perception temporelle altérée, avec sentiment d’intemporalité, d’allongement du temps
présent ;
perceptions sensorielles – surtout auditives mais aussi visuelles et tactiles – intensifiée ;
altération de la mémoire à court terme (mémoire de travail) et de l’attention. Les sujets
éprouvent des difficultés à se souvenir des mots, des images, des histoires ou des sons qui
leur ont été présentés sous l’emprise du produit ;
baisse des capacités de coordination motrice et allongement du temps de réaction avec
diminution des réflexes ;
réduction de l’habileté à accomplir certaines tâches complexes, comme la conduite d’un
engin par exemple ;
visions hypnagogiques transitoires (visions du demi-sommeil ou issues d’un rêve qui
survient au moment de l’endormissement) pouvant aller jusqu’à l’onirisme. Les
hallucinations sont plus rares en cas d’inhalation, et sont essentiellement acousticoverbales ;
des attaques de panique et des angoisses de dépersonnalisation ont également été
observées, mais ces phénomènes sont rares.
59
2.7.1.2.
Effets psychiques différés liés à une consommation répétée et régulière
(80)
2.7.1.2.1. Syndrome amotivationnel
Le syndrome amotivationnel a été réactualisé par Deniker en 1973 (81). Il s'agit d'une
manière de désinvestissement existentiel, avec constant déficit mnésique, émoussement
affectif et intellectuel. Ce syndrome concerne essentiellement l'adolescent, que l'on verra
constamment replié sur lui-même et sur son songe intérieur, d'humeur changeante, morose,
souvent marginalisé, et en pleine débâcle psychologique (77). L’intensité de ce syndrome peut
passer pour une forme déficitaire de schizophrénie (82). Mais il n’existe pas de troubles du
cours de la pensée (pensée qui demeure cohérente), ni de discordance. Le consommateur a
parfaitement conscience de l’état de passivité et du refus d’investissement qu’il présente. Ce
trouble régresse après quelques semaines ou mois d’abstinence.
On peut décrire ce syndrome et ses conséquences de la manière suivante :
Description
Conséquences
- déficits des activités professionnelles
- apragmatisme, apathie ;
ou scolaires ;
- perte de la capacité de projection dans
- désinsertion sociale
l’avenir (perte de l’élan vital)
- consommation auto-thérapeutique de
- désintérêt, émoussement des affects,
cannabis
indifférence
affective,
manque
d’ambition ;
- réduction du champ relationnel et des
capacités de communication ;
- diminution
de
l’efficience
intellectuelle avec pauvreté idéatoire,
difficultés
attentionnelles
et
mnésiques.
L’usage régulier et prolongé de cannabis retentit sur les performances
comportementales, sociales, scolaires et professionnelles et pourrait induire ce syndrome
amotivationnel. Ce dernier pourrait être la traduction clinique des altérations cognitives liées
au cannabis.
Les possibilités d’accomplissement scolaire à long terme semblent réduites chez
l’adolescent consommateur régulier de cannabis du fait de l’atteinte des fonctions
d’apprentissage de données nouvelles.
Bien que cette population adolescente soit plus susceptible d’abandonner ses études
qu’une population de non-usagers, il semblerait que ces adolescents sont souvent en situation
d’échec avant même que l’initiation de la consommation ait lieu. Par ailleurs ils présenteraient
divers troubles psychiques et/ou comportementaux.
Macleod et coll. en 2004 (83), dans leur revue bibliographique portant sur plus de 200
publications sur le devenir psychosocial des usagers de cannabis âgés de moins de 25 ans,
remettent en cause l’existence d’un syndrome amotivationnel autonome induit par le
cannabis. Selon les auteurs, des explications concernant le comportement amotivationnel
doivent davantage être recherchées dans le contexte social dans lequel le cannabis est
consommé. Les adolescents consommateurs de cannabis adoptent plus rapidement un style de
60
vie non conventionnel, appartiennent le plus souvent à des groupes contestataires ou
délinquants de consommateurs comme eux (groupes de pairs), adoptent plus précocement des
comportements adultes et quittent aussi plus tôt l’école et la maison familiale. Ainsi l’examen
systématique très complet des études longitudinales réalisées dans la population générale sur
la relation entre la consommation de cannabis par des personnes jeunes et les dommages
psychosociaux conclut à l’absence de preuve en faveur d’une relation causale «robuste» entre
la consommation de cannabis et des conséquences psychosociales. L’état des données parle
plutôt d’une causalité inverse. Les problèmes psychosociaux seraient par conséquent plus
fréquemment à l’origine de la consommation de cannabis que l’inverse.
2.7.1.2.2. Troubles cognitifs
Les troubles cognitifs sont développés dans le chapitre suivant
2.7.1.2.3. Troubles anxieux (84)
Les manifestations anxieuses sont les troubles les plus fréquents. Elles sont souvent à
l’origine de l’arrêt de l’intoxication. Elles réapparaissent lors de nouvelles prises. On
distingue des manifestations de courte durée et des manifestations plus prolongées.
L’attaque de panique, le classique «bad trip», est de survenue brutale. Elle peut se
manifester par une dépersonnalisation ou sentiment d’être détaché de soi-même, une
déréalisation ou sentiment d’être en dehors de la réalité, une peur de perdre le contrôle de soi
ou de devenir fou. Elle régresse spontanément en quelques heures ou sous traitement
anxiolytique. Cette expérience est habituellement liée à l’anxiété du sujet lors de la prise, à un
contexte insécurisant ou à l’importance de la quantité consommée.
Des syndromes plus prolongés de dépersonnalisation ont été décrits. Ils surviennent au
cours ou au décours immédiat d’une prise de cannabis. Ils peuvent durer plusieurs semaines
voire plusieurs mois. A cette angoisse chronique de dépersonnalisation s’associe alors une
asthénie, une insomnie, des sentiments d’étrangeté, de déjà-vu, une humeur dépressive, des
perturbations cognitives. Ce trouble peut parfois évoquer une décompensation
schizophrénique. Toutefois il n’y a pas d’éléments délirants, hallucinatoires ou dissociatifs.
Ces manifestations peuvent survenir dans les trois mois après la prise du produit (85). Elles
sont peu sensibles aux psychotropes, se résolvent spontanément mais peuvent réapparaître
lors des réintoxications.
61
2.7.1.2.4. Troubles psychotiques induits par le cannabis (84)
Les rapports entre cannabis et schizophrénie sont traités dans un chapitre individuel.
2.7.1.2.4.1. Psychoses cannabiques
Les « psychoses cannabiques » ou troubles psychotiques induits par le cannabis
existent de manière incontestable dans la littérature médicale. Les consommateurs réguliers
sont plus exposés que les consommateurs occasionnels.
Sur le plan sémiologique les psychoses cannabiques sont des bouffées délirantes
aigues survenant brutalement, en 2 ou 3 jours, avec ou sans augmentation récente des prises
de toxique, avec parfois un facteur précipitant psychologique ou somatique. Des prises
récentes plus fortement dosées sont parfois évoquées. Elles sont concomitantes de
l’intoxication, ou apparaissent dans le mois qui suit. Les sujets n’ont pas de troubles
antérieurs. Certains symptômes sont plus spécifiques comme :
- les hallucinations visuelles plutôt qu’auditives ;
- les thèmes polymorphes ;
- les troubles du comportement en particulier une auto et une hétéroagressivité ;
- une discrète note confusionnelle avec médiocre orientation temporo-spatiale.
Ce trouble dure quelques jours, voire quelques semaines. La résolution sous traitement
neuroleptique est rapide avec critique de l’épisode délirant et risque de rechute lors des
réintoxications. L’hospitalisation est souvent nécessaire parfois sans consentement. Quelques
idées fixes post-oniriques peuvent parfois persister.
-
Ce trouble est à distinguer :
d’une ivresse simple par son intensité, sa durée et l’adhésion délirante aux
manifestations hallucinatoires ;
des troubles schizophréniques par l’absence de personnalité prémorbide, la bonne
récupération avec critique du délire.
Cependant, il pose la question de l’entrée dans une schizophrénie chez des sujets
vulnérables. La description d’un cas clinique très typique figure en annexe 18 (86).
2.7.1.2.4.2. Autres troubles psychotiques induits par le cannabis.
Il peut exister des sentiments persécutifs diffus classiquement appelés « effets
parano » pendant les quelques heures de l’effet du cannabis. Ils sont de régression spontanée.
Le cannabis peut également entraîner des rémanences spontanées, les fameux « flash
back » classiquement décrits avec les hallucinogènes. Cette réviviscence de l’expérience
cannabique quelques jours ou quelques semaines après la dernière prise peut s’accompagner
de comportements auto ou hétéroagressifs. Le traitement est également neuroleptique.
2.7.1.2.5. Etats confuso-oniriques (84)
Ils sont exceptionnels. La désorientation temporo-spatiale est au premier plan. Les
causes retrouvées sont le niveau de l’intoxication et les produits associés. Comme pour tout
état confusionnel, il convient d’être particulièrement prudent avant d’attribuer cet état au
cannabis, notamment en éliminant des causes infectieuses, métaboliques, traumatiques ou
neurologiques…
62
2.7.1.3.
Comorbidités psychiatriques
Les comorbidités sont des associations nosographiques sans lien de causalité affirmé.
Une association trop fréquente pose des questions étiopathogéniques spécifiques.
La responsabilité d’une consommation régulière de cannabis dans la survenue de
troubles psychotiques chroniques semble actuellement bien établie. Cependant0 pour un
certain nombre de patients schizophrènes, il ne pourrait s’agir que d’une comorbidité. Cet
aspect sera développé dans le chapitre consacré à la schizophrénie.
Concernant les troubles anxio-dépressifs, la littérature est partagée. Selon les
différentes études, entre 13,4% et 64% des consommateurs de cannabis présenterait un trouble
de l’humeur (84). Une étude prospective sur 15 ans en population générale (1 920 adultes)
aux États-Unis montre que le cannabis augmente le risque de dépression d’un facteur 4, en
particulier des idéations suicidaires et de l’anhédonie (87). Ces résultats sont confirmés par
une étude réalisée en Australie sur une cohorte de lycéens adolescents (14-15 ans à l’entrée)
montrant un effet dose entre l’usage de cannabis et l’anxiété ou la dépression en fonction du
niveau de consommation (88). À l’encontre de l’idée d’un usage auto-thérapeutique, la
dépression à l’entrée de l’étude ne prédit l’usage de cannabis ultérieur dans aucune de ces
études.
Cependant, dans deux revues récentes de la littérature (83) (89), les auteurs concluent
à une association faible entre consommation de cannabis et troubles anxio-dépressifs, une fois
les facteurs de confusion écartés notamment les facteurs prédisposants à la fois à l’usage de
cannabis et aux troubles anxio-dépressifs : dysfonctionnements familiaux, antécédents
psychiatriques familiaux…Ils indiquent qu’une relation causale est peu probable mais
demeure possible.
L’hypothèse de l’automédication semble également rejetée en ce qui concerne la
dépression (89). Il semble toutefois que si le cannabis n’améliore pas l’humeur, il est
susceptible d’améliorer l’anxiété sur le court terme (84) et un usage auto-thérapeutique n’est
pas à exclure concernant les troubles anxieux.
Le Dr Lukasiewicz (89) apporte cependant quelques nuances concernant notamment
les liens éventuels entre consommation de cannabis et troubles dépressifs en pointant certains
biais et insuffisances qui peuvent être reprochés aux études disponibles : quantités de
consommations évaluées souvent faibles, durée d’exposition trop courte pour établir un lien
de causalité, âge d’initiation insuffisamment pris en compte… Il conclut en mettant l’accent
sur le fait qu’un lien de causalité modeste devient un enjeu de santé publique réel lorsque
l’exposition de la population est importante, comme pour le cannabis.
63
2.7.2. Effets somatiques de la consommation de cannabis (90)
Les effets somatiques du cannabis sont difficiles à individualiser des effets du tabac
auquel il fréquemment associé. Il nous a paru intéressant dans une perspective pratique de
médecine générale de lister les circonstances cliniques pour lesquelles une consommation de
cannabis peut être recherchée. Dans un second temps nous aborderons le sujet, très
contreversé, de la responsabilité de la consommation de cannabis dans diverses pathologies.
2.7.2.1.
Circonstances cliniques
2.7.2.1.1. Troubles cardiovasculaires
2.7.2.1.1.1. Perturbations de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle
Dix minutes après la prise de cannabis, la fréquence ainsi que le débit cardiaque
augmentent. La tachycardie peut être responsable de palpitations. Elle peut également
entraîner une réduction de la tolérance à l’effort chez les patients coronariens. Elle peut
parfois contribuer à majorer des crises d’angoisses (79).
Le cannabis peut être associé à la survenue de troubles du rythme cardiaque pouvant
conduire au décès (91).
La pression artérielle peut être légèrement augmentée en position allongée. En
revanche, il existe une vasodilatation périphérique pouvant être responsable d’hypotension
orthostatique, d’hypersudation ou de céphalées. Il a été observé de réelles syncopes posturales
après l’administration de marijuana seule (92).
Une prise prolongée de quantités importantes de THC peut entraîner une bradycardie
et une hypotension artérielle.
2.7.2.1.1.2. Infarctus du myocarde
Le risque d’infarctus du myocarde serait 4,8 fois plus élevé durant l’heure suivant
l’usage du cannabis (93).
2.7.2.1.1.3. Ischémie aigue des membres
Des cas d’ischémie aigue des membres inférieurs et supérieurs liées à des lésions
artérielles distales avec nécrose des orteils ou des doigts ont été décrits (94) chez des jeunes
patients (âge moyen : 23,7 ans) fumeurs modérés de tabac et réguliers de cannabis sans autre
facteur de risque cardiovasculaire classique. Le tableau ressemble à celui d’une
thromboangéite oblitérante juvénile de Buerger. Environ 50 cas similaires (95) ont été
rapportés depuis la première description chez des fumeurs de Kif du Maghreb en 1960.
Il apparaît ainsi que le cannabis est un cofacteur du tabac en tant que facteur de risque
pour certaines complications cardiovasculaires classiques. A ce titre, la consommation de
cannabis mérite d’être recherchée.
64
2.7.2.1.2. Troubles broncho-pulmonaires et respiratoires
Les effets broncho-pulmonaires aigus de la consommation inhalée de cannabis, malgré
une bronchodilatation immédiate et transitoire, sont proches de ceux du tabac. Il provoque
une inflammation et une hyper réactivité bronchique qui se traduisent par une toux. Cet effet
est lié à une action directe du THC mais aussi au potentiel irritant des autres produits de
combustion. Le cannabis fumé peut être également responsable d’une laryngite chronique se
traduisant par une dysphonie.
L’exposition chronique au cannabis est associée à une authentique bronchite chronique
dont certains symptômes (expectoration, sibilants) seraient même significativement plus
fréquents chez les fumeurs de cannabis que chez les fumeurs de tabac (96).
L’altération éventuelle de la fonction respiratoire par le cannabis fumé est
actuellement contreversée.
Compte tenu de la grande fréquence des symptômes d’ordre broncho-pulmonaire en
médecine générale, il parait logique de dépister une consommation de cannabis présente ou
passée.
2.7.2.1.3. Troubles du comportement alimentaire
Le cannabis augmente l’appétit et peut diminuer les nausées. L’association fréquente
au tabac, qui lui, diminue l’appétit, peut masquer en partie cet effet du cannabis. Devant une
prise de poids non souhaitée, un patient peut arrêter sa consommation de cannabis. Si la
surcharge pondérale persiste malgré tout, le risque d’augmenter la consommation de tabac à
des fins anorexigènes est à redouter.
Ces propriétés sont utilisées à des fins thérapeutiques dans plusieurs pays notamment
aux Etats-Unis (97). Une des molécules utilisées est le dronabinol, produit de synthèse imitant
le THC. Le nom commercial du produit est le Marinol® (Laboratoire Roxane). L’effet
orexigène est utilisé pour stimuler l’appétit et lutter contre la perte de poids chez des patients
sidéens cachectiques. L’effet antiémétique est utilisé pour traiter les nausées provoquées par
les chimiothérapies chez des patients cancéreux.
En France, un antagoniste des récepteurs CB1, le rimonanbant, est commercialisé sous
le nom d’Acomplia® par le laboratoire Sanofy Aventis. Il est utilisé pour ces effets
anorexigènes chez les patients présentant une surcharge pondérale avec des facteurs de risque
associés tel que le diabète de type 2 (98). Notons que le principal effet secondaire de ce
médicament est la survenue d’un syndrome dépressif, ce qui n’a rien de surprenant du fait du
mode d’action des cannabinoïdes sur le circuit de récompense.
Compte tenu de l’augmentation des cas d’obésité chez les jeunes, il parait important de
s’intéresser à leur consommation de tabac et de cannabis. Une information synthétique
concernant les usages thérapeutiques du cannabis et les molécules disponibles figure en
annexe 19 (99).
65
2.7.2.1.4. Accidents survenus sur la voie publique (100)
Les signes d’ivresse cannabique doivent être recherchés chez tout patient victime ou
responsable d’un accident de la voie publique.
Concernant les compétences requises dans l’activité normale de la conduite, les tests
de laboratoire ont montré une altération de la coordination motrice, du temps de réaction, de
l’activité de poursuite et de l’attention.
Les études menées en activité de conduite sur route ou en simulateur, contrôlent les
paramètres suivants : contrôle de la position latérale sur une voie (écart à la bordure de la
voie), contrôle de la position longitudinale (vitesse et distance avec le véhicule qui précède),
prise de décision en situation d’urgence, style de conduite et prise de risque. Il existe une nette
dégradation de la plupart de ces capacités sous l’influence du cannabis : capacité de contrôle
de trajectoire amoindrie (augmentation des fluctuations du contrôle latéral), temps de décision
allongé, mécanismes d’attention en déficit, réponses en situation d’urgence détériorées ou
inappropriées.
Il semble que les conducteurs sous l’influence du cannabis soient conscients d’une
diminution de leurs capacités et modifient leur comportement en conséquence : ils
allongeraient les interdistances sur autoroute, seraient moins enclins à dépasser et rouleraient
à des vitesses moindres. Il est cependant des situations où l’influence du cannabis peut être
très dangereuse : les situations d’urgence, la conduite prolongée monotone et le mélange avec
d’autres drogues particulièrement l’alcool.
L’étude française SAM (101) (Stupéfiants et Accidents Mortels de la circulation
routière) a été réalisée d’octobre 2001 à fin septembre 2003. L’étude a porté sur 9772
conducteurs impliqués dans 6482 accidents mortels. Parmi ces 9772 conducteurs, 2096
(21,4%) étaient positifs pour l’alcool et 833 (8,5%) pour les « stupéfiants ». 681 conducteurs
(7%) étaient au dessus du seuil admis pour le cannabis, c'est-à-dire avec un taux sanguin de
THC supérieur à 1 ng/ml.
Indépendamment du taux de THC sanguin (inférieur ou supérieur au seuil légal) et
après ajustement sur les autres facteurs (alcoolémie, âge, type de véhicule, moment de
l’accident), les conducteurs sous cannabis ont été 1,78 fois plus souvent responsables
d’accidents mortels que les autres conducteurs. Les auteurs estiment qu’environ 2,5% des
décès dus à des accidents de la route étaient directement imputables au cannabis.
A titre de comparaison, indépendamment de leur taux d’alcoolémie et après
ajustement, les conducteurs alcoolisés ont été 8,5 fois plus souvent responsables d’accidents
mortels. 28,6% des accidents mortels semblent attribuables à l’alcool, quel que soit le taux
d’alcoolémie.
Ces risques augmentent avec l’élévation des taux sanguins pour le cannabis comme
pour l’alcool.
Notons que pour un taux d’alcoolémie positif mais inférieur au taux légal de 0,5 g/l, le
risque d’être responsable d’un accident mortel est 2,7 fois plus élevé que pour un taux
d’alcoolémie négatif. 3,4% des accidents mortels sont attribuables à l’alcool avec un taux
inférieur au seuil légal. Il y a donc actuellement plus de morts attribuables à l’alcool avec des
taux inférieurs au seuil légal que de morts attribuables au cannabis quel que soit le taux
sanguin de THC.
66
En pratique de médecine générale, il est fréquent d’intervenir dans les suites non
immédiates d’un accident de la voie publique, la prise en charge initiale étant fréquemment
assurée par les services d’urgence. Qu’il s’agisse de traiter une douleur persistante, de
contrôler l’évolution d’une plaie ou de prolonger un arrêt de travail, les occasions sont
fréquentes, pour le généraliste, d’aborder les conditions de l’accident et de dépister une
éventuelle intoxication.
2.7.2.1.5. Accidents du travail
Le monde du travail n’est pas épargné par l’augmentation constatée partout de la
consommation de substances psycho-actives (annexe 20) (102) (103). Le cannabis est devenu
la drogue illicite la plus répandue en entreprise (104). Nous disposons des résultas de trois
études en milieu du travail.
La première (105) a eu lieu à Lille en 1995 dans treize services de médecine du travail.
Elle comportait un dépistage anonyme de substances psycho-actives dans les urines. Parmi les
1978 échantillons analysés, 23,6%, soit près d’un quart, étaient positifs pour au moins l’un
des métabolites urinaires recherchés. Les traces de consommation de cannabis étaient
présentes dans 4,81% des échantillons. Au sein de cette étude, les salariés qui occupaient des
postes de sécurité étaient deux fois plus nombreux à consommer des substances psychoactives que les autres (40,4%). La prévalence de la consommation de cannabis chez les
personnes affectées à des postes de sécurité atteignait 10,2%.
En 2001, parmi 313 candidats à un poste de chauffeur poids lourds dans une entreprise
de transports routiers, 10% des candidats se sont désistés entre l’entretien d’embauche et la
visite médicale d’embauche. Les candidats étaient informés au cours de l’entretien
d’embauche initial que, compte tenu de la dangerosité de leur activité, un dépistage
systématique de substances psycho-actives serait réalisé. Parmi les postulants finalement
présents à la visite médicale, 11% avaient un dépistage positif pour le cannabis (106).
Une enquête nationale concernant l’usage de substances psycho-actives dans le milieu
de l’anesthésie a été réalisée en 2001 sur l’initiative du Collège français des anesthésitesréanimateurs (107). Un questionnaire a été adressé à tous les médecins anesthésitesréanimateurs inscrits au conseil de l’ordre des médecin en 2001 Le taux de participation a été
de 38,5%. Les résultats en terme de prévalence sont les suivants :
- 24% des médecins déclarent faire usage de tabac ;
- 91% déclarent être consommateurs d’alcool ;
- 22% déclarent être consommateurs d’au moins une substance psycho-active (autres
que le tabac ou l’alcool) au cours des 12 derniers mois et se répartissent ainsi :
Tranquillisants
et hypnotiques
83,3%
Cannabis
Cocaïne
Opiacés
Amphétamines
18,1%
1,2%
6,4%
1,3%
67
2.7.2.1.6. Autres effets décrits
Relativement fréquents
Rares ou exceptionnels
Sécheresse buccale par diminution de la Vomissements et diarrhée lors de prises
massives.
sécrétion salivaire.
Troubles digestifs par réduction de la Rétention urinaire.
Réaction anaphylactoïde.
motricité intestinale.
Eruption cutanée.
Troubles
de
la
thermorégulation
(hypothermie chez l’enfant lors d’ingestion
accidentelle)
2.7.2.2.
Responsabilité du cannabis dans la survenue de pathologies diverses
2.7.2.2.1. Effets endocriniens et sur la reproduction (90)
Les effets endocriniens du cannabis sont encore discutés. Des cas de gynécomastie
chez des grands fumeurs de cannabis ont été décrits en 1972. Ils ont justifiés de nombreuses
études parfois contradictoires dans leurs résultats. La consommation de cannabis chez
l’homme pourrait, selon certains, perturber les taux sériques de l’hormone folliculo-stimulante
(FSH), de l’hormone lutéinisante (LH) et de la testostérone. Ces modifications, confirmées
chez l’animal, restent le plus souvent à la limite de la normale chez l’homme et les
conséquences cliniques sont limitées.
En revanche, une consommation chronique importante de cannabis chez l’homme est
associée à une diminution du nombre de spermatozoïdes (108). Récemment, plusieurs études
montrent que l’usage de cannabis pourrait induire une hypofertilité. Le THC affecte des
fonctions essentielles des spermatozoïdes in vitro (109) : il réduit leur motilité et inhibe les
réactions de l’acrosome (sac au niveau de la tête du spermatozoïde contenant les enzymes
nécessaires à la pénétration dans l’ovocyte). Ainsi le cannabis pourrait affecter la fertilité des
hommes et particulièrement celle de ceux qui sont déjà à la limite de l’infertilité. Une étude
prospective (110) concernant la réussite des fécondations in vitro et des inséminations
artificielles montre que la consommation de cannabis chez la femme réduit le nombre
d’ovocytes ainsi que le nombre d’embryons transférés. Chez l’homme, la consommation de
cannabis a un impact négatif sur le transfert d’embryons.
2.7.2.2.2. Risques cancérigènes du cannabis fumé
Le cannabis fumé est depuis longtemps suspecté d’être cancérigène. Sur le plan
physiopathologique, plusieurs éléments vont dans ce sens.
Le THC et les autres cannabinoïdes ne semblent pas cancérigènes par eux mêmes
d’après des tests de mutagénicité in vitro (111) ou d’après des tests cutanés chez la souris
(112).
La fumée de cannabis présente en revanche des effets cancérigènes. Elle contient des
agents cancérigènes identiques à ceux de la fumée de tabac notamment les chlorures de vinyl,
les phénols, les nitrosamines, les formes réactives de l’oxygène (ROS pour « reactive oxygen
species » dont les ions oxygène, les radicaux libres et les peroxydes), divers hydrocarbures
polycycliques aromatiques (PAHs pour « polycyclic aromatic hydrocarbons »), et les
aldéhydes réactifs (113).
68
Le benzopyrène, un PAH initiateur de la cancérogenèse, est présent dans les goudrons
issus de la combustion de cannabis à des taux plus élevés que dans ceux de la combustion du
tabac (2,9 contre 1,7µ g/100 cigarettes) (114).
Par rapport au tabac, fumer du cannabis entraîne l’inhalation de 3 fois plus de
goudrons (115). Le pourcentage moyen de goudrons déposés dans les poumons après avoir
été inhalés est plus élevé après inhalation de cannabis (>80%) qu’après inhalation de tabac
(64%) (116).
Fumer 3 à 4 cigarettes de cannabis par jour a les mêmes effets histopathologiques sur
l’épithélium trachéo-bronchique que ceux observés chez des fumeurs de plus de 20 cigarettes
de tabac par jour (117).
L’augmentation de l’expression dans l’épithélium bronchique de divers marqueurs
associés à un risque élevé de cancer bronchique est rapportée chez les sujets exposés à la
fumée de cannabis. L’expression accentuée du récepteur à l’EGF (« epidermal groth factor
receptor ») et du Ki-67 (marqueur de la prolifération cellulaire), dans l’épithélium bronchique
de ces sujets, est associée à une majoration du risque de cancer. La prévalence de ces
marqueurs est supérieure chez les fumeurs exclusifs de cannabis par rapport aux fumeurs de
tabac et aux non-fumeurs. Chez 11% des fumeurs de tabac et de cannabis, le gène p53, gène
suppresseur codant pour la protéine p53, est muté et s’exprime anormalement. Il perd ainsi
son rôle protecteur contre la prolifération cellulaire maligne. Dans cette étude (118), la
protéine p53 anormale n’est retrouvée chez aucun fumeur exclusif de tabac ou de cannabis.
Sur le plan épidémiologique, les données sont moins claires. Nous disposons de deux
études rétrospectives de cohorte et de plusieurs études cas-témoins.
Dans la première étude de cohorte (119), l’usage de cannabis, après ajustement sur
d’autres facteurs de confusion (âge, groupe ethnique, éducation, usage d’alcool, tabagisme),
n’est pas associé à une augmentation du risque général de cancer, ni à une augmentation du
risque de cancers tabaco-dépendants (voies aérodigestives supérieures, poumon, pancréas,
rein, vessie), ni à une augmentation du risque des autres cancers étudiés. Parmi les fumeurs de
cannabis non consommateurs de tabac, le risque de développer un cancer de la prostate est
multiplié par 3,1 et celui de développer un cancer du col utérin par 1,4. Dans ce groupe, aucun
cancer du poumon n’a été diagnostiqué et trois hommes ont développé un cancer tabacodépendant. Cette cohorte n’a peut être pas inclus des sujets présentant une consommation
suffisamment chronique et importante de cannabis pour que le risque de cancer soit augmenté.
Dans la seconde étude de cohorte (120), l’usage de cannabis est associé à une
augmentation de 1,9 du risque de gliome malin de l’adulte après ajustement sur d’autres
facteurs de confusion (sexe, âge, tabagisme, éducation, consommation d’alcool et de café).
Les études cas-témoins réalisées au Maghreb (121) (122) montrent que l’usage de
cannabis multiplie environ par 3 les risques de cancer du poumon après contrôle pour la
consommation de tabac, les expositions professionnelles et les autres facteurs de confusion.
Une étude récente (123) montre à l’inverse un risque diminué.
Concernant les cancers des voies aérodigestives supérieures, les études cas-témoins
sont contradictoires. Notamment, deux études épidémiologiques menées par la même équipe à
quelques années d’intervalle apportent des résultats différents. La première (124) indique un
risque multiplié par 3 avec un effet de la dose quotidienne et de la durée d’utilisation plus
marqué chez les sujets les plus jeunes. La seconde (123) montre au contraire une diminution
du risque.
69
Une étude cas-témoins récente (125) a démontré un risque de cancer de la vessie
multiplié par 3,3 chez des usagers exclusifs de cannabis (sans tabac).
Deux études montrent un risque équivalent (126), voire diminué (127) de développer
un lymphome non hodgkinien.
Enfin, plusieurs études cas-témoins ont été réalisées afin d’estimer le risque de cancer
chez les enfants dont la mère aurait consommé du cannabis durant la grossesse. Plusieurs
critiques peuvent être adressées à ces études : résultats très instables d’une étude à l’autre ;
pas de données croisées entre les études concernant le même type de cancer ; facteurs de
confusion potentiels mal maîtrisés notamment pour l’usage d’autres drogues. Cependant les
résultats nous paraissent suffisants pour mettre en garde les femmes enceintes :
-
risque multiplié par 11 de leucémie aigue non lymphoblastique chez l’enfant (128).
Résultats non confirmés par une étude récente (129) ;
risque multiplié par 2,8 d’astrocytome (130) ;
risque multiplié par 3 de rhabdomyosarcome et par 2 en cas d’utilisation par le père
(131) ;
risque multiplié par 4,75 de neuroblastome en cas d’usage de cannabis pendant le
premier trimestre de la grossesse (132) ;
risque multiplié par 2 pour la leucémie aigue lymphoblastique en cas d’utilisation de
substance psycho-active (estimée être à 79% du cannabis) (133).
2.7.2.2.3. Effets immunitaires et risque de maladies infectieuses
L’identification de récepteurs cannabinoïdes CB2, essentiellement sur les lymphocytes
B et les cellules NK (« natural killer »), suggère que le THC pourrait moduler la réponse
immunitaire.
Le risque de maladies infectieuses est particulièrement difficile à évaluer car il
concerne avant tout les maladies sexuellement transmissibles, c’est-à-dire un domaine dans
lequel il est extrêmement difficile de séparer le cannabis :
- en tant que marqueur de pratiques sexuelles à risque ;
- en tant qu’initiateur de ces pratiques par levée de craintes ;
- en tant qu’acteur propre de la réponse de l’organisme à l’agent infectieux en
particulier chez le sujet immunodéprimé.
La valeur des risques associés à l’utilisation de cannabis est tout de même importante,
de l’ordre de 3 à 5 pour le virus du papillome humain, lui-même agent du cancer du col utérin,
pour le Neisseria gonorrhae ou chlamydia, et pour les candidoses (134).
Une étude récente (135), n’a pas montré d’effets biologiques ni cliniques en faveur
d’une majoration du risque infectieux chez des patients sidéens usagers de cannabis ou de
THC.
En revanche, la consommation quotidienne de cannabis serait un facteur prédictif
indépendant de fibrose hépatique sévère et de vitesse rapide de progression de la fibrose
hépatique chez les patients infectés par l’hépatite C (136). Le récepteur CB1 aurait un rôle
pro-fibrosant tandis que le CB2 serait anti-fibrosant. Un traitement combiné associant un
antagoniste du CB1 (rimonabant) et un agoniste du CB2 pourrait à l’avenir offrir une
approche thérapeutique optimale (137). Les auteurs suggèrent que les patients infectés par
l’hépatite C soient informés du rôle délétère du cannabis sur l’évolution de leur maladie.
70
Par ailleurs, certaines conditions d’utilisation du cannabis peuvent être à risque. Des
cas d’aspergillose (infection mycosique du poumon) ont été décrits chez des usagés
immunodéprimés ou affaiblis (138), avec une issue potentiellement fatale (139). Ils sont liés à
la contamination de la plante. Cependant une étude plus récente (140) ne retient pas l’usage
du cannabis comme facteur de risque de développer une aspergillose chez des patients
sidéens. Par ailleurs, l’utilisation d’un dispositif commun de pipe à eau a entraîné des cas de
tuberculose (141).
2.7.2.2.4. Effets sur la grossesse
Selon Ferguson et coll. (142), certains profils de patientes doivent faire évoquer la
possibilité d’une consommation de cannabis pendant la grossesse :
- jeune âge ;
- primiparité ;
- haut niveau d'éducation ;
- consommation tabagique ;
- consommation régulière alcoolique ;
- consommation régulière de thé et café ;
- utilisation de drogues illicites ;
- poids maternel plus faible avant la grossesse.
Le THC passe librement la barrière hémato-placentaire. Sa concentration dans le sang
fœtal est au moins égal à celle de la mère. Par ailleurs, l’utilisation chronique de cannabis
pourrait entraîner une diminution de la perfusion utéro-placentaire dont le corollaire serait un
infléchissement de la courbe de croissance fœtale. Le retard de croissance observé serait dû à
un état d’hypoxie fœtale chronique (143).
Les études épidémiologiques sont contreversées concernant les répercussions d’une
consommation de cannabis durant la grossesse. Les risques évoqués sont les suivants (134) :
- diminution du poids, de la taille et de la durée de gestation de l’enfant ;
- retard de croissance intra utérin ;
- accouchements plus problématiques avec un travail plus long et plus difficile,
présence fréquente de méconium teinté.
Des études complémentaires sont cependant nécessaires afin de pouvoir statuer sur le
sujet. En attendant, la surveillance attentive de la croissance et de la perfusion fœtale chez les
patientes consommatrices semble faire consensus parmi les gynécologues (144).
2.7.2.2.5. Risque de malformations congénitales
Des études cas-témoins ont été réalisées pour évaluer l’impact d’une exposition
maternelle ou paternelle au cannabis avant la grossesse sur la survenue de malformations chez
l’enfant. Les principaux résultats sont les suivants :
- risque multiplié par 2,2 de ventricule unique en cas d’utilisation de cannabis par le
père (145) ;
- risque multiplié par 2 de communication interventriculaire en cas de consommation
par le père ou la mère (146) ;
- risque multiplié par 2,2 de gastroschisis (défaut de fermeture de la paroi abdominale)
en cas de consommation maternelle et par 3 en cas de consommation maternelle et
paternelle de drogues (147).
71
2.7.2.2.6. Risque de mort subite du nourrisson
Alors que le tabac est un facteur de risque établi de mort subite du nourrisson, les
études sont plus partagées concernant l’usage de cannabis. Le risque de mort subite serait
multiplié par 2,23 en cas de consommation maternelle en période post-natale (148). La
consommation paternelle multiplierai ce risque par 2,2 en période péri-conceptionnelle, par 2
durant la grossesse et par 2,8 en période post-natale (149). Ces résultats nécessitent d’être
confirmés.
Conclusion
Les effets psychiques de la consommation aigue de cannabis sont actuellement bien
établis notamment concernant les risques d’attaque de panique et le risque de décompensation
psychotique aigue. Les liens de causalité entre consommation régulière et syndrome
amotivationnel ou dépression sont plus discutés.
Les conséquences de l’ivresse cannabique peuvent être catastrophiques notamment au
volant, tout en relativisant les choses par rapport à la consommation d’alcool.
Sur le plan somatique, la littérature reste très partagée notamment concernant le risque
cancéreux. Le rôle des cannabinoïdes sur l’évolution de la fibrose hépatique chez des patients
atteints de l’hépatite C semble bien établi. Cette information doit être délivrée aux patients
concernés. Les études récentes montrent également une aggravation des problèmes de fertilité
chez l’homme.
72
2.8.
Troubles cognitifs et consommation de cannabis
Le professeur Costentin (22) rassemble sous le terme de cognition, l'ensemble des
opérations mentales qui consistent, dans une situation définie, à se concentrer sur certains
éléments de celle-ci, d'en sélectionner les paramètres pertinents, de les analyser, de les stocker
dans une mémoire à court terme et, par un traitement conscient ou non de l'information, de
l'installer dans un contingent de mémoire à long terme, pour le faire ré émerger en temps
opportun. Les principales étapes et les prérequis nécessaires pour constituer une trace
mnésique seraient :
-
éveil ;
attention ;
focalisation de l’attention ;
traitement/élagage de l’information ;
inscription d’une trace labile hippocampique ;
transcription en une trace persistante ;
restitution en cas de besoin.
Nous décrirons successivement les altérations cognitives au cours de l’intoxication
aigue puis lors de consommations chroniques. Enfin, nous évoquerons la possibilité d’une
persistance à long terme de ces altérations.
2.8.1. Altérations cognitives et consommation aigue de cannabis (150)
Compte tenu des effets psycho-actifs du cannabis, les prérequis d’éveil, d’attention, de
focalisation de celle-ci et de traitement de l’information sont considérablement perturbés au
cours de l’intoxication aigue.
Lors de tests neuropsychologiques où des doses contrôlées de cannabis sont
administrées à des volontaires consommateurs habituels ou non, on constate :
• des altérations des performances cognitives touchant le rappel libre, la mémoire à
court terme, les tâches intentionnelles, les tâches d'apprentissage et arithmétiques
simples ;
• des altérations des performances psychomotrices lors de l'accomplissement de tâches
simples et/ou complexes ;
• une altération de la vitesse de perception et de l'exactitude dans les tâches
psychomotrices ;
• un déficit significatif de l'attention et de la capacité à réagir soudainement face à un
événement imprévu.
Des études récentes, faisant appel à des techniques de neuro-imagerie, nous apportent
des éléments pour comprendre ces altérations cognitives. Des variations du flux sanguin
cérébral ont été observées dans différentes régions du cerveau après inhalation de cannabis
(151) :
- une augmentation du flux sanguin a été constatée dans les régions cérébrales
antérieures impliquées dans la régulation de l’humeur, et dans le cervelet ;
- une diminution du flux sanguin a été mise en évidence dans les régions cérébrales
impliquées dans le « réseau neuronal attentionnel », dans les régions sensorielles ainsi
que dans les régions impliquées dans la modulation attentionnelle des processus
sensoriels.
73
D’un point de vue neurobiologique, il semblerait que le THC altère la transmission
cholinergique (acétylcholine=ACH) notamment au niveau de l’hippocampe. Des expériences
sur des rats ont été réalisées dans un labyrinthe radial (152). Ce labyrinthe est constitué de
huit allées convergentes avec à l'extrémité de chacune d'elles une réserve de nourriture.
L'animal affamé, qui veut consommer les huit réserves dans le temps limité de l'épreuve, ne
doit pas repasser deux fois de suite dans la même allée. Il doit donc mémoriser à partir de
repères spatiaux chacune des allées déjà explorées. Sur cette épreuve, le THC détériore les
performances, alors que nous savons qu’il stimule l'appétit. Cette détérioration des
performances est améliorée par des agents inhibiteurs de l'activité cholinestérase (153), tels
ceux qui sont utilisés dans la maladie d' Alzheimer (physostigmine, tacrine). En microdialyse
intracérébrale, la libération d’ACH diminue de 80% dans le cortex frontal, ainsi que dans les
parties dorsale et ventrale de l'hippocampe.
2.8.2. Altérations cognitives liées à une consommation chronique de cannabis (150)
La plupart des études évaluant les altérations cognitives liées à une consommation
chronique de cannabis sont effectuées après une période d’abstinence allant de douze heures à
trente jours.
Les principales altérations cognitives constatées lors de tests neuro-psychologiques
seraient :
- des dysfonctionnements attentionnels et mnésiques, des persévérations ;
- des anomalies de la poursuite oculaire, de la phase d’alerte, du temps de réaction ;
- des déficits dans l’estimation du temps ;
- des anomalies du raisonnement abstrait, de la fluence verbale, de l’apprentissage des
mots ;
- une altération de la prise de décision qui contribuerait à des comportements continus
de prises de drogues.
Cliniquement, l’exposition chronique au cannabis se traduit par un ensemble de
répercussions scolaires, professionnelles et sociales correspondant à la description du
syndrome amotivationnel. Les possibilités d’accomplissement scolaire à long terme seraient
réduites chez les adolescents consommateurs chroniques (154). Il s’agit essentiellement de
difficultés dans l’apprentissage de données nouvelles.
Deux études (155) (156) concluent que les altérations cognitives sont d’autant plus
importantes que l’âge de début de consommation est précoce. Avant 16 ou 17 ans, la
consommation de cannabis interférerait avec la maturation cérébrale et serait plus délétère.
En 2004, une revue de plus de 200 publications (83) sur le devenir psychosocial des
consommateurs de cannabis de moins de 25 ans a montré que la consommation de cannabis
est significativement associée à une réduction de la durée des études. Cependant le lien de
cause à effet n’est pas clairement établi.
74
2.8.3. Persistance de troubles cognitifs à long terme
Dans les années soixante-dix, certaines études (157) suggéraient que le cannabis
pouvait être à l'origine d'une neurotoxicité lésionnelle. Cette hypothèse a été réfutée depuis.
La majorité des études actuelles est en faveur d’une réversibilité globale des effets
cognitifs à long terme avec cependant la persistance d’altérations subtiles avec les années
d’usages cumulées.
Grant et al. (158) montrent que l’usage chronique de cannabis induit de façon
résiduelle des troubles mnésiques, de l’apprentissage et du rappel de nouvelles données sans
altérer d’autres domaines cognitifs. L’auteur estime que ces effets sont suffisamment minimes
pour autoriser un usage thérapeutique du cannabis avec une marge de sécurité acceptable.
Fried et coll. (159), dans leur étude prospective longitudinale, montrent que les
altérations mnésiques et attentionnelles en lien avec un usage chronique de cannabis ne sont
plus retrouvées après 3 mois d’abstinence.
Une notion nouvelle ressort de la littérature ces dernières années grâce aux techniques
de neuroimagerie. L’étude d’Eldreth en 2004 (160) a utilisé le test neuropsychologique de
Stroop pour comparer les performances de fumeurs chroniques de cannabis après 25 jours
d’abstinence à celles d’un groupe témoin. Ce test explore les capacités d’attention sélective.
L'attention sélective peut être définie comme la capacité à maintenir l'attention sur une cible
quand des distracteurs sont présents, ou encore à tenir compte d'une des dimensions d'un
stimulus tout en ignorant les autres. Malgré des résultats sensiblement identiques au test de
Stroop, le PET-Scan a révélé des différences d’activité dans certaines zones cérébrales entre
les 2 groupes. Il existerait des altérations de certaines voies cérébrales sous-tendant les
fonctions exécutives chez les consommateurs chroniques. Ces derniers recruteraient des
réseaux neuronaux alternatifs comme mécanismes compensatoires permettant d’accomplir
avec succès le test neuropsychologique.
Conclusion
Nous retiendrons les points suivants sur les altérations cognitives liées à la
consommation de cannabis :
- les altérations cognitives, au cours de l’intoxication aigue ou chronique, sont
suffisamment importantes et durables pour mettre en péril l’apprentissage scolaire ou
professionnel chez les adolescents. Les risques d’accident de la route sont également
très importants.
- Ces altérations sont d’autant plus importantes que l’âge de début de consommation est
précoce.
- Exposé à une intoxication chronique, le cerveau est capable de pallier aux déficiences
de certains circuits neuronaux en mobilisant d’autres populations cérébrales.
75
2.9.
Cannabis et schizophrénie
2.9.1. Comorbidité schizophrénie/consommation de cannabis
Les études épidémiologiques menées depuis le début des années 1990 montrent que la
prévalence à vie pour un patient schizophrène de présenter un trouble de consommation (abus
ou dépendance) d’une substance psycho-active est d’environ 50% (161). En dehors de la
consommation de tabac, les patients schizophrènes consomment, dans l’ordre décroissant, de
l’alcool, du cannabis puis d’autres substances psycho-actives (162).
Une revue de la littérature (163) montre que la prévalence de l’abus ou de la
dépendance au cannabis dans les services de psychiatrie est particulièrement élevée chez les
patients schizophrènes : entre 13 et 42% sur la vie entière et de 5 à 22% dans les 6 mois
précédant l’étude.
Selon Karam et coll. (164), la probabilité de développer un trouble de consommation
de cannabis est environ six fois plus élevée chez le patient schizophrène que dans la
population générale.
Nous exposerons les données actuelles de la littérature concernant les liens entre
schizophrénie et cannabis selon le plan suivant :
- influence de la consommation de cannabis sur l’évolution d’une schizophrénie
déclarée ;
- influence éventuelle de la consommation de cannabis sur la survenue d’une
schizophrénie ;
- corrélations neurobiologiques.
2.9.2. Consommation de cannabis et schizophrénie déclarée
Nous avons choisi de ne retenir que les résultats des études prospectives (165)
analysant spécifiquement la relation entre cannabis et évolution de la schizophrénie.
Linszen et ses collaborateurs (166) constatent des rechutes psychotiques et
hospitalisations plus fréquentes chez les patients schizophrènes consommateurs par rapport
aux abstinents. Une relation dose effet a été mise en évidence. La dimension
« désorganisation psychique » avait également tendance à s’aggraver.
Martinez-Arivalo et ses collaborateurs (167) concluent que chez un patient
schizophrène, le facteur de rechute le plus significatif est la poursuite de l’intoxication
cannabique.
Une seule étude (168) a été menée dans le but d’explorer chez ces patients une
éventuelle résistance au traitement neuroleptique. Dix patients schizophrènes, sous traitement
neuroleptique retard (observance garantie), ont présenté une aggravation importante de leur
symptomatologie après la prise de cannabis.
Concernant l’impact de la consommation de cannabis sur les symptômes positifs ou
négatifs de la schizophrénie (annexe 21) (169) (170) (171), la littérature actuelle est
extrêmement partagée. Cette réflexion concerne par extension la possibilité d’un usage autothérapeutique de cannabis chez des patients schizophrènes. Si certaines études ont suggéré
76
que le cannabis réduisait les symptômes négatifs, la plupart des études récentes ont retrouvé
une aggravation des signes positifs et n’ont pas retrouvé de corrélation entre symptômes
négatifs et consommation de cannabis (172). Cependant, une méta-analyse récente (173),
reprenant les conclusions de 32 études, a signalé que parmi les patients schizophrènes, les
usagers de cannabis présentaient de meilleures performances cognitives par rapport aux
usagers d’autres substances (l’alcool notamment) mais également par rapport aux patients
abstinents.
2.9.3. Influence de la consommation de cannabis sur la survenue d’une schizophrénie
Zammit, (174) en 2002, a démontré que la consommation de cannabis augmente le
risque de survenue ultérieure d’une schizophrénie. Le risque est dose-dépendant. Ainsi les
sujets ayant consommé plus de 50 fois du cannabis ont un risque 6,7 fois supérieur de
développer une schizophrénie par rapport aux non consommateurs. Cette étude évacue un
certain nombre de biais qui ont été reprochés à l’étude initiale d’Andreasson.
Une méta-analyse récente (175), dirigée par T. Moore à partir de 35 études
longitudinales réalisées en population générale, conclut que le risque de développer une
psychose augmente de près de 40% chez les sujets ayant consommé du cannabis. Plus la
consommation est fréquente, plus le risque augmente. Les auteurs considèrent qu’il y a
dorénavant suffisamment de preuves pour informer les jeunes gens qui consomment du
cannabis qu’ils augmentent leur risque de développer une psychose.
Arseneault (176) a par ailleurs mis en lumière l’importance de l’âge de la première
consommation. Le risque de développer une schizophrénie est nettement plus important si la
consommation commence avant 16 ans plutôt qu’après 18 ans.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le cannabis représente un facteur
de risque indépendant ou s’il n’est qu’un facteur déclenchant parmi d’autres (177). On parle
de vulnérabilité induite si la consommation de cannabis contribue en elle-même au
développement de la schizophrénie. Sans le cannabis, il n’y aurait jamais eu de schizophrénie.
Le cannabis constituerait alors un facteur de risque indépendant. On parle de vulnérabilité
préexistante si la consommation de cannabis précipite l’émergence de la maladie chez un sujet
qui est porteur au préalable d’une vulnérabilité à la schizophrénie.
Les résultats de l’étude de Hambrecht et Hafner (178), portant sur une cohorte de 232
premiers épisodes psychotiques, tiennent compte de cet angle d’approche particulier. Dans
cette étude, l’analyse rétrospective de la séquence temporelle intoxication / apparition des
premiers signes de psychose chez des patients schizophrènes consommateurs est la suivante :
- 27,5 % des patients ont une prise régulière de cannabis plus d’un an avant tout signe
précurseur (souvent plus de 5 ans);
- 34,6 % débutent l’utilisation de cannabis et un épisode psychotique dans le même
mois ;
- Dans 37,9 % des cas, les symptômes de la schizophrénie apparaissent avant la prise de
cannabis.
Ainsi le premier groupe présenterait une vulnérabilité induite ou aggravée par le
cannabis, alors que dans le deuxième groupe, l’action du cannabis serait plus un effet
précipitant sur une vulnérabilité déjà présente. Pour le troisième groupe, il serait possible
77
d’envisager une simple comorbidité du fait de facteurs environnementaux ou biologiques
(effets du cannabis sur les effets du traitement).
2.9.4. Corrélations neurobiologiques entre la schizophrénie et les cannabinoïdes (179)
Le rôle de la balance dopaminergique dans des régions spécifiques du cerveau a été
démontré dans le développement de psychoses. Ce rôle justifie en partie l’utilisation
d’antagonistes dopaminergiques comme les neuroleptiques dans la schizophrénie.
Nous avons déjà décrit le rôle des endocannabinoïdes sur le système dopaminergique.
Par des effets de circuit, les endocannabinoïdes peuvent moduler la libération de dopamine
bien que les neurones dopaminergiques du système de récompense n’expriment pas les
récepteurs cannabinoïdes. Dans ce contexte, il est possible que des anomalies du système
endocannabinoïde puissent prendre part dans la genèse de la schizophrénie. Diverses
constatations vont dans ce sens.
La rémission clinique dans un groupe de patients schizophrènes s’est accompagnée
d’une réduction significative des niveaux d’anandamide dans le sang indiquant que le système
endocannabinoïde pourrait être altéré durant la phase aigue de la schizophrénie non seulement
au niveau du système nerveux central mais également dans le sang.
L’accroissement des risques, en relation avec la précocité des premiers usages,
comporte des corrélations expérimentales à valeur physiopathologique. Une hypothèse déjà
très documentée stipule que la vulnérabilité à la schizophrénie pourrait procéder d’un trouble
neuro-développemental qui se constituerait durant la période intra-utérine, en relation
éventuelle avec une infection virale maternelle. Cela pourrait concerner 15% de la population
et affecter un groupe de neurone dopaminergiques projetant sur le cortex préfrontal (système
dopaminergique méso-cortical). Ce phénomène demeurerait latent, imperceptible, jusqu’à
l’adolescence qui, par les processus de maturation anatomiques et fonctionnels du cerveau,
pourrait alors, en relation avec différents événements de la vie, le rendre apparent, et souvent
de façon très bruyante. Ces événements seraient les traumatismes physiques et/ou psychiques,
les « bleus à l’âme » ou l’abus de toxique comme le cannabis (22). Cette hypothèse a été
modélisée chez le rat par Schneider et al. (180) (181), en recourant à une épreuve perturbée
chez le patient schizophrène mais aussi chez le rat soumis à l’action d’agents inducteurs de
troubles psychotiques : l’épreuve de la « prepulse inhibition » (ppi). Elle soumet le rat ou
l’homme à un son intense et violent qui le fait sursauter. Si le son qui fait sursauter est
précédé par un son moins intense (prepulse), qui lui ne fait pas sursauter, cela a pour effet de
ne plus faire sursauter en réponse au son violent. Dans ces conditions, les patients
schizophrènes sursautent quand même. Ils expriment ainsi leur incapacité à filtrer et à
organiser les informations qu’ils perçoivent. Les rats ont un comportement perturbé,
sursautant malgré le prepulse dans plusieurs circonstances :
- quand on effectue chez eux, à la période périnatale, des lésions des neurones
dopaminergiques méso-corticaux ;
- quand on leur administre des drogues ayant pour effet d’intensifier les transmissions
dopaminergiques méso-limbiques et méso-corticales (cocaine) ;
- quand on leur administre, à la période de l’adolescence, du THC.
Ces expériences modélisent l’hypothèse qu’une vulnérabilité qui étaient latente et
aurait pu le rester, va être révélée, décompensée, par le cannabis surtout à la période de
78
l’adolescence. Ces anomalies de comportement disparaissent après administration d’un
antagoniste dopaminergique comme l’halopéridol.
Une association existerait entre schizophrénie et polymorphisme ATT du gène CNR1
codant pour les récepteurs cannabinoïdes de type 1 (CB1).
Chez le rongeurs, le rimonabant (SR 141716A), molécule antagoniste du CB1, a des
effets comparables aux anti-psychotiques atypiques comme la rispéridone.
L’influence de l’usage de cannabis à l’adolescence sur la survenue d’une psychose à
l’âge adulte serait modulée par un polymorphisme fonctionnel du gène COMT (catéchol-Ométhyl transférase) (182). Ce gène est un candidat logique pour l’étude du risque psychotique
pour trois raisons :
- le gène COMT est situé sur le chromosome 22q11, locus de susceptibilité à la
schizophrénie ;
- une microdélétion située en position 22q11 est associée avec le syndrome vélo-cardiofacial (ou syndrome de DiGeorges ou de Shprintzen) lui-même associé avec un taux
élevé de troubles psychotiques ;
- le gène COMT code pour l’enzyme catéchol-O-méthyl transférase qui métabolise la
dopamine.
Il a été constaté que chez les patients qui possédaient :
-
2 copies de la version normale du COMT, l’usage du cannabis exerce un effet faible
sur leur état mental ;
Une copie normale et une autre altérée, le produit augmente légèrement le risque de
développer un trouble psychotique ;
2 copies de la version altérée, la consommation de cannabis à l’adolescence multiplie
par 10 le risque de développer un trouble psychotique
Ces différentes observations suggèrent que l’interaction génétique liée à la
consommation de cannabis pourrait être limitée à une période sensible du développement du
cerveau à l’adolescence. De plus, l’exposition répétée au cannabis peut induire initialement
une augmentation de la dopamine au niveau synaptique. Cet excès de dopamine pourrait
conduire à des modifications durables dans le système endocannabinoïde. Ces altérations
pourraient être très importantes après une exposition au cannabis durant l’adolescence et chez
des sujets présentant une vulnérabilité préexistante à une dysrégulation du système
endocannabinoïde et des systèmes de transmission qui lui sont reliés.
Conclusion
Compte tenu de toutes ces informations, et malgré les reproches de Macleod envers
l’étude de Moore (183), il semble capital d’informer les adolescents d’une probable
augmentation du risque de développer une schizophrénie liée à la consommation de cannabis.
79
2.10. Prise en charge de l’adolescent usager de cannabis
-
Nous nous somme inspirés de deux modèles de prise en charge :
la prise en charge effectuée au centre Emergence, unité d’addictologie de l’adolescent
et de l’adulte jeune de l’Institut mutualiste Montsouris (184) ;
l’intervention type (thérapie motivationnelle/thérapie cognitive et comportementale en
cinq séances) validée au cours de l’étude « Cannabis Youth Traitement » concernant
également des adolescents (185) ;
Dans ces deux modèles, les étapes de la prise en charge sont similaires. Nous
décrivons dans ce travail une synthèse résumée de ces modèles dont le médecin généraliste
pourrait s’inspirer.
2.10.1. Première étape : construction de l’alliance thérapeutique
L’alliance thérapeutique s’appuie sur l’empathie (186). Une relation directe,
chaleureuse, ferme et sereine est à mettre en place entre le soignant et l’adolescent. Il s’agit de
créer un climat de collaboration avec le patient et d’accepter de passer du temps à clarifier la
relation thérapeutique :
• définir les rôles du patient et du thérapeute ;
• explorer les attentes du patient concernant le traitement. Il est utile d’interroger le
patient sur ses expériences thérapeutiques passées ;
• d’expliquer la procédure thérapeutique envisagée par le thérapeute (durée du
traitement, contenu des séances, clarifier la question de la confidentialité) ;
• obtenir du patient un engagement dans le programme : ponctualité, sobriété au
moment des séances, travail des exercices entre les séances ;
• empathie pour le vécu du patient ;
• encourager autant que possible, montrer systématiquement que les progrès sont
possibles, et chercher à augmenter le sentiment d’efficacité personnelle.
Un discours fondé sur la seule logique et le bon sens – assimilé plus ou moins au
discours parental – pouvant être rejeté, l’objectif va être de faire en sorte que l’adolescent
perçoive le thérapeute comme une aide et non comme une menace pour son indépendance
(184).
Les parents peuvent, dans un premier temps, être les seuls porteurs de la demande
d’aide. Cette demande s’alimente des difficultés rencontrées dans la famille, difficultés
scolaires, crise familiale… etc. Ils viennent solliciter une aide, souvent en urgence, face à une
situation qui s’est brusquement dégradée ou à la suite d’un événement qui a rendu « visible »
la consommation (abus durant le week-end, découverte du produit dans la chambre,
interpellation scolaire ou familiale). Ils sont dépités du refus de consulter qu’a pu exprimer
l’adolescent. À ce stade, il est important de construire avec l’adulte ce qui constituera la base
de l’alliance thérapeutique. Si l’adolescent peut vivre son usage comme une « solution », les
parents le ressentent comme une crise majeure. Ils ont besoin d’être soutenus pour reprendre
leur rôle éducatif que la crise actuelle vient de déstabiliser. L’entretien aura pour objectif de
clarifier la notion de « cannabis-béquille, cannabis-solution ». Les parents seront aidés à
évaluer l’impact de la consommation. Des informations seront échangées sur le produit
cannabis, sa dangerosité et ses effets possibles. Ce qui est aussi interrogé, c’est le regard que
portent les parents sur leur enfant, les relations entre eux, les mesures qui ont été prises par les
parents pour faire face au problème. L’important est de ne pas alimenter leur culpabilité, qui
80
est souvent très grande. Les parents doivent, le plus souvent possible, devenir des cothérapeutes et contribuer en tant que tels à la réussite de la prise en charge (184).
2.10.2. Deuxième étape : bilan de santé, bilan des consommations, évaluation de la
personnalité de l’adolescent, des comorbidités et des conséquences négatives
de l’usage (184)
L’évaluation d’une consommation de cannabis chez l’adolescent doit être globale et
toucher toutes les sphères de son existence. Nous reparlerons du diagnostic situationnel
minimal. Le trouble addictif est, comme nous l’avons déjà indiqué, la résultante d’interactions
entre un produit, un individu, et son environnement. Cette évaluation concerne :
- les quantités consommées, le type de produit utilisé et son mode de consommation, les
circonstances de consommation, les effets recherchés et les effets obtenus, le budget
financier consacré à cette consommation ;
- la personnalité de l’adolescent, ses difficultés psychologiques, intellectuelles ou
physiques, éventuellement des pathologies psychiatriques ou somatiques associées ;
- les difficultés relationnelles, scolaires ou professionnelles, familiales, les problèmes
sociaux, judiciaires ou financiers.
Le médecin va chercher à cerner les différents facteurs qui déclenchent le
comportement de consommation ou qui concourent à le maintenir. Ces facteurs déclenchants
peuvent être des situations interpersonnelles, des états émotionnels, ou encore des
environnements particuliers. Il va également chercher en quoi la consommation de cannabis
gêne le patient. C’est un élément primordial. Le médecin ne soigne pas l’adolescent parce que
ce qu’il fait est mal. Il soigne parce que l’adolescent se sent mal et qu’il trouve des solutions à
son mal-être. L’objectif est de lever le voile et de l’amener à se rendre compte, par lui-même,
que sa solution n’est pas la bonne et qu’au contraire, elle lui maintient la tête sous l’eau.
Réveiller son sens critique, mobiliser ses propres ressources, tel est l’objectif thérapeutique.
Qu’est ce que le cannabis apporte ? Qu’est ce qu’il empêche de faire ?
Il est intéressant d’introduire assez rapidement dans cette évaluation
des
questionnaires d’auto-évaluation. Leur utilisation présente l’avantage d’éviter chez les jeunes
consommateurs le sentiment d’être accusés par des questions ciblées sur le produit. De plus,
elle permet à certains adolescents qui prétendent contrôler leur consommation d’évaluer la
réalité de cette position.
La prise en charge d’un problème addictif ne doit pas faire perdre de vue au médecin
généraliste sa compétence clinique habituelle. Ainsi, au fil des premiers entretiens, le point
sera fait sur :
- les éventuels problèmes somatiques nécessitant des prise en charges spécifiques :
problèmes respiratoires, problèmes de poids, problèmes dentaires, problèmes
infectieux, problèmes sexuels…
- les ressources sociales : le travailleur social est un relais privilégié notamment pour
vérifier la couverture sociale, obtenir des allocations…
- les éventuels troubles psychiatriques : dépression, anxiété, troubles psychotiques
nécessitant éventuellement un traitement ou une consultation spécialisée.
81
L’examen clinique reste fondamental. Le corps souffrant, rejeté, ignoré, exposé
occupe une place primordiale dans la genèse, le vécu et l’expression de l’histoire du patient.
L’examen clinique peut être un moteur dans la prise en charge de l’état de santé du patient :
ce qui ne va pas peut être pris en charge, et relever ce qui va bien permet de tempérer le
diagnostic situationnel et d’encourager le patient au changement (187).
2.10.3. Troisième étape : évaluer et augmenter la motivation au changement, travailler
sur l’ambivalence (186) (184)
Chez une personne qui envisage de modifier son comportement de consommation
coexistent à la fois le désir et la peur de changer. En effet, d’un côté, la consommation
actuelle pose ou risque de poser des problèmes. Le patient est donc conscient qu’il serait
préférable de la modifier. D’un autre côté, cette consommation lui apporte quelque chose dont
la disparition l’inquiète, d’autant que la stabilité est rassurante. Le médecin peut travailler sur
cette ambivalence. Pour ce faire, il est nécessaire d’utiliser des techniques d’entretien visant à
accroître et à renforcer la motivation du patient à changer de comportement.
Prochaska et DiClemente (188) ont mis en évidence, le fait qu’un changement de
comportement dans le domaine de la santé n’est pas un événement ponctuel, mais un
processus long qui respecte toujours plusieurs étapes. Ils ont défini six étapes de changement :
la pré-intention, l’intention, la préparation, l’action de changement, le maintien et la
résolution. Une synthèse est disponible en annexe 22.
Pour accompagner une personne dans son désir de changement, il faudra tenir compte
du stade où elle se trouve. À chaque étape correspondent des modes d’intervention adaptés.
Tout passage d’une étape à la suivante doit être considéré comme une réussite, aussi bien par
le médecin que par le patient. Ce processus n’est pas linéaire : il peut y avoir des retours à un
stade précédent. Une étape peut durer plus ou moins longtemps. C’est un des intérêts de ce
schéma que de prendre en compte la possibilité de retour en arrière comme partie intégrante
du processus de changement. L’expérience montre d’ailleurs qu’avec ce type de méthode, en
cas de rechute, la personne revient très rarement au stade de la pré-intention. Elle envisage
très vite une nouvelle tentative de changement et ses chances de succès en sont d’autant plus
importantes.
Une technique particulière d’entretien, l’entretien motivationnel, a été développée par
Miller et Rollnick (189). Quatre principes régissent l’entretien motivationnel : être
empathique, soutenir l’efficacité personnelle, composer avec la résistance et développer les
discordances (190). Il s’agit davantage d’un style d’entretien que d’une procédure figée. La
discussion est menée par le médecin mais il amène le patient à parler de sa vision du
problème, à demander de l’information ou à prendre les décisions qui lui conviennent. Le
médecin aide ainsi progressivement le patient à explorer et à résoudre son ambivalence par
rapport à sa consommation de substances psycho-actives.
82
Le principe de l’intervention brève, étudié dans le domaine de l’alcoolisme (191), sans
être à proprement parler un entretien motivationnel, utilise des leviers identiques. Les
ingrédients fondamentaux de l’intervention brève sont résumés par l’acronyme anglo-saxon «
FRAMES », traduit par « CADRES » en français par Michel Reynaud (192).
C Conseil : Pour donner un Conseil, un avis adapté, pour
proposer une aide, il faut d’abord…
A Alliance : …établir une Alliance thérapeutique, basée sur
l’empathie, la compréhension.
D Définir : Il faut ensuite Définir ensemble :
– les conséquences de la consommation ;
– les modalités de la consommation ;
– les liens entre les modalités de consommation et les
conséquences ;
– ainsi que les objectifs à atteindre ;
R Responsabilité : …en rappelant au patient que sa consommation
relève de sa Responsabilité. La décision de consommer,
comme de modifier cette consommation relève de son propre
choix.
E Encourager : Il convient d’Encourager le patient, de le
renforcer dans ses capacités à changer son comportement et à
atteindre ses objectifs, de le valoriser, de développer le
sentiment de sa propre efficacité.
S Stratégies : Enfin, il faut lui proposer un éventail de Stratégies
thérapeutiques, dans laquelle il peut choisir celles qui lui
convient en fonction de ses propres objectifs.
Advice
Empathy
Feed-back
Responsability
Self-efficacity
Menu
Ainsi, le thérapeute utilise tous ces éléments : il donne son feedback, indique que le
patient garde son libre arbitre, émet un avis ou un conseil, offre un menu d’options, et insiste
sur l’empathie pour créer un climat de confiance et éviter toute confrontation.
Le cannabis est en effet généralement un sujet de polémiques entre adultes et
adolescents avec souvent, pour seul résultat, un sentiment d’incompréhension de part et
d’autre. L’attitude qui consiste à bien connaître les produits tout en adoptant une position
d’écoute (position dite « basse ») semble être la plus adéquate pour créer une alliance
thérapeutique permettant, toute confrontation étant écartée, de pointer les contradictions entre
les bénéfices ressentis sous l’influence des produits et les conséquences inéluctables sur sa vie
personnelle, relationnelle, scolaire, familiale...
L’objectif n’est pas de convaincre, mais de restituer un bilan le plus fidèle possible de
la situation afin de provoquer une prise de conscience. Enfin, le thérapeute insiste sur le
sentiment d’efficacité personnelle. Souvent, la consommation est vécue comme inéluctable et
sans aucune possibilité d’influence : c’est la remise en cause de cette croyance qui fera
évoluer le patient.
Certaines caractéristiques de l’intervention brève à visée motivationnelle doivent être
adaptées à l’adolescent. En effet ce dernier est plus concerné par ses parents que par son
conjoint, par l’école plus que par un travail, par la pression des pairs plus que par l’ambition
d’un avancement professionnel. Par ailleurs, cette période est caractérisée par un manque de
capacité d’abstraction et par un intérêt plus grand pour un résultat concret. L’adolescent sera
83
plus motivé à réduire sa consommation en considérant l’impact négatif immédiat de celle-ci
plutôt qu’en imaginant une amélioration de sa qualité de vie dans le futur. Cette perspective le
laisse en général indifférent (193).
2.10.4. Quatrième étape : choix de la stratégie en fonction du niveau de motivation (186)
À partir des 2 notions d’ambivalence et de niveau de motivation, Rollnick a décrit 8
modalités d’intervention du médecin, chacune nécessitant 5 à 15 minutes d’entretien. Le
choix d’une stratégie par rapport à une autre dépend essentiellement du niveau de motivation
du patient.
2.10.4.1.
Techniques d’entretien
Quelle que soit la stratégie choisie, l’entretien a les mêmes caractéristiques de base :
–
–
–
–
Questions ouvertes.
Ecoute active : il s’agit ni de laisser le patient parler seul avec le risque qu’il ne dise
rien ou qu’il s’égare dans des considérations peu utiles, ni de laisser le médecin
s’exprimer seul et prodiguer ses conseils et recommandations, souvent en décalage
avec les souhaits du patient. Il s’agit d’un entretien semi-structuré laissant un espace
de parole suffisant au patient, mais au cours duquel le médecin est amené à recentrer
la discussion et à recueillir les informations nécessaires au diagnostic et aux
propositions thérapeutiques.
Reformulation : il s’agit de reformuler les propos du patient pour vérifier que le
médecin a bien compris la pensée du patient et pour l’aider à la préciser et à la
clarifier.
Synthèse des propos.
Toutes ces stratégies poursuivent le même but : aider le patient à prendre la décision
de modifier sa consommation. La démarche d’ensemble repose sur la mise à jour progressive
et l’analyse de l’ambivalence, jusqu’à ce que le patient perçoive plus d’avantages que
d’inconvénients au fait de changer de comportement.
Enfin, il faut insister sur l’importance de comprendre le rôle de la consommation de
produit dans la vie des personnes concernées : quelle est la fonction du produit ? Dans quelles
circonstances consomment-elles ? Cette bonne compréhension du problème doit permettre de
travailler sur ces situations à risques et d’aider les personnes à acquérir les moyens de mettre
en place des stratégies alternatives efficaces pour qu’elles puissent les gérer sans produit.
84
2.10.4.2.
Choix des stratégies d’abord
Dans le tableau suivant, des stratégies sont proposées en fonction du degré de
motivation du patient. De haut en bas, le patient est de plus en plus motivé.
Stratégie
Objectifs
Exemples de questions
Aborder le sujet du cannabis à Comprendre le contexte de « Quelle place occupe votre
l’occasion d’un entretien sur le consommation
consommation de cannabis
mode de vie
dans votre vie quotidienne ? »
Aborder le sujet du cannabis à Comprendre comment le
l’occasion d’un entretien sur
patient fait le lien entre sa
l’état de santé
consommation de cannabis et
ses problèmes de santé
Faire décrire une journée (ou un
épisode)
typique
de
consommation
Faire décrire les bonnes et les
moins bonnes choses associées
à la consommation
Apporter des informations
Comparer l’avenir et le présent
« Selon vous, quelles sont les
conséquences
de
votre
consommation de cannabis sur
votre santé ? » ou « pensezvous que votre consommation
de cannabis puisse avoir un rôle
sur votre état de santé ? »
« Pouvons-nous consacrer 5 ou
Aider le patient à parler de
ses
habitudes
de 10 minutes à passer en revue
toute votre journée ? Que s’estconsommation en dehors de
toute considération médicale il passé ? Qu’avez-vous
consommé ? »
Découvrir ce que le patient
« Qu’est-ce qui est agréable
ressent en consommant du dans le fait de fumer du
cannabis sans introduire ses
cannabis ? »
propres hypothèses
« Qu’est-ce qui est moins
agréable? »
« Etes-vous intéressé par en
Apporter, avec tact, et
seulement si le patient est
savoir plus sur la façon dont le
d’accord, des informations
cannabis agit sur l’organisme ?
sur les effets du cannabis
»
Aider le patient à mettre à
« En quoi souhaiteriez-vous
jour ses contradictions pour
que
les
choses
soient
en faire un instrument de
différentes à l’avenir ? »
motivation
« Qu’est-ce qui vous empêche
actuellement de faire ce que
vous
avez envie de faire ? »
Examiner
les
inquiétudes Aider le patient à exprimer
associées à la consommation
en quoi sa consommation
de cannabis le préoccupe
« Qu’est-ce qui vous inquiète
dans votre consommation de
cannabis ? »
Aider à la prise de décision
« Où en êtes-vous maintenant ?
»
Accompagner le patient dans
sa prise de décision en
respectant son rythme
85
2.10.5. Cinquième étape : thérapies cognitivo-comportementales
2.10.5.1.
Thérapies visant à remédier au déficit en compétences de « coping » (193)
(185)
La thérapie motivationnelle/thérapie cognitive et comportementale (en cinq séances)
réalisée au cours de l’étude « Cannabis Youth Traitement » concerne spécifiquement les
adolescents. La thérapie motivationnelle est réalisée au cours de deux entretiens individuels.
Par la suite, au cours des trois sessions de groupe, les compétences à acquérir sont les
suivantes :
- apprendre des compétences de base pour refuser des offres de cannabis ;
- élaborer un programme d’activités plaisantes ;
- se créer un réseau social qui soutiendra le rétablissement et le retour à un état sans
cannabis ;
- faire face aux situations à haut risque ;
- récupérer d’une éventuelle rechute.
Elle est conçue pour remédier aux déficits en compétences de « coping » (capacités de
faire face à des situations, émotions, pensées…) qui sont considérés comme points centraux
dans le processus de rechute. Le but de cette thérapie est de fournir, dans les champs
interpersonnels et intrapersonnels, quelques compétences basiques alternatives pour faire face
aux situations critiques qui pourraient mener à la consommation de cannabis. Les patients
apprennent à identifier les signes annonciateurs de situation à haut risque. Ils effectuent
certains apprentissages concernant les habilités sociales, les situations d’urgence et la gestion
des émotions.
Par ailleurs, les techniques cognitives assistent le patient à changer certains processus
de pensées qui sous-tendent l’usage. Elles permettent à l’adolescent d’améliorer sa résistance
face à l’utilisation de cannabis. Il apprend à contrôler les pensées intrusives et irrationnelles
qui déclenchent les émotions négatives et provoquent l’usage. L’objectif est finalement de
corriger les pensées et raisonnements dysfonctionnels vis-à-vis du cannabis (effets,
attentes…etc.) et les diverses interprétations qui y sont rattachées.
Les techniques comportementales impliquent généralement l’utilisation d’autosurveillance (auto monitoring) de la consommation et des états de « craving » (besoins
compulsifs de consommer).
86
2.10.5.2.
Thérapies familiales multidimensionnelles (184)
Cette technique a également été validée au cours de l’étude « Cannabis Youth
Traitement ». Ce sont des thérapies individuelles, mais avec une approche incluant la famille
et l’entourage.
Cette approche est fondée principalement sur l’hypothèse selon laquelle la prise de
drogue chez l’adolescent est un phénomène multidimensionnel. Elle va se centrer sur quatre
composantes :
–
–
–
–
les caractéristiques personnelles de l’adolescent, et notamment son positionnement par
rapport au produit (perception de la dangerosité, vécu émotionnel, comportement vis-à-vis
des prises) ;
les parents (représentation des drogues, mesure prise à l’encontre de la consommation) ;
les interactions familiales ;
les autres sources d’influence comme le milieu scolaire, éventuellement le système
judiciaire.
L’objectif est d’essayer de rétablir un processus normal de développement. L’action
thérapeutique se fait à différents niveaux : personnel, familial et extrafamilial. L’adolescent
doit acquérir un certain nombre de compétences comme repérer, voire éviter, tout ce qui
conduit à la consommation, ainsi que développer des activités en dehors du contexte d’usage
et essayer de gérer ses émotions.
Vis-à-vis des parents, l’objectif est de les soutenir face aux démarches qu’ils auront à
faire pour soutenir leur enfant. Il s’agit aussi d’obtenir une alliance thérapeutique avec les
parents. Des informations concernant le cannabis, d’autres drogues et sur l’adolescence en
général peuvent être données pour faire en sorte que l’adolescent en thérapie puisse cohabiter
avec des parents informés. Ces derniers seront ainsi capables de discuter, de communiquer et
donc ne seront pas dépassés par les événements. Une famille informée et déculpabilisée
pourra mieux s’impliquer dans le processus thérapeutique.
Au niveau des relations intrafamiliales, la prise en charge consiste à repérer les
attitudes dysfonctionnelles pour pouvoir les aborder et éventuellement les traiter.
2.10.5.3.
L’approche psychodynamique dans le cadre bifocal (184)
La thérapie bifocale fait intervenir deux thérapeutes, chacun dans un temps et un lieu
différent.
Le consultant psychiatre prend plus particulièrement en compte « la réalité externe »
(médicale, scolaire, sociale) du patient sur laquelle il peut s’autoriser à intervenir activement.
Une fois amélioré l’état dépressif symptomatique ou la dysphorie souvent sous-jacente à
l’addiction, une fois corrigés d’éventuels désordres somatiques et aménagés certains conflits
familiaux, le psychiatre accompagne l’adolescent dans la construction de ses projets scolaires,
professionnels et de loisirs. Sources de satisfaction et de renforcement de l’image de soi, ils
aident l’adolescent à déplacer ses investissements à l’extérieur de la vie familiale et à
retrouver un plaisir de fonctionnement.
87
L’autre intervenant, le psychothérapeute, prend en compte la « réalité interne » du
patient. Il peut s’agir d’une psychothérapie d’inspiration analytique en face à face, mais aussi
d’une analyse, voire d’un traitement par le psychodrame.
Conclusion
Dans le cadre d’une consultation de médecine générale, la plupart des étapes de cette
prise en charge sont réalisables.
La création d’une alliance thérapeutique, basée sur l’empathie, fait partie du quotidien
de chaque médecin généraliste : asthme, diabète, hypercholestérolémie, suivi du
nourrisson…etc.
Le bilan de santé, tout comme le certificat de non contre-indication au sport, est
habituel pour le médecin généraliste. Il est également à même d’évaluer les conséquences
nocives de l’intoxication dans chaque compartiment de la vie de l’adolescent. Les
questionnaires d’évaluation de l’usage nocif sont faciles à mettre en œuvre. Par ailleurs le
médecin généraliste est bien placé pour s’inscrire en chef d’orchestre d’une démarche de
reprise en main de la santé de l’adolescent via le recours aux spécialistes ou aux travailleurs
sociaux.
La technique des interventions brèves, basées sur l’entretien motivationnel, est
élaborée pour les médecins généralistes. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais si le
médecin généraliste est réputé pour ne pas avoir le temps en consultation, il a pour lui la
durée.
Les thérapies cognitivo-comportementales que nous avons citées, sont élaborées pour
des séances de groupe ou pour des médecins psychiatres. Pourtant, le médecin généraliste
peut utiliser un certain nombre de ces méthodes pour renforcer les compétences et les
habiletés de l’adolescent. Des exemples simples (186) sont cités en annexe 23.
Dans tous les cas, le médecin généraliste dispose d’informations précieuses sur
l’adolescent, son parcours familial ou scolaire, ses antécédents somatiques ou psychiatriques.
Il pourra toujours transmettre ces informations si la prise en charge devient trop difficile en
médecine ambulatoire. Le recours à des intervenants spécialisés sera systématiquement
envisagé dans les situations suivantes (194) :
•
•
•
•
•
•
Polyconsommation ;
troubles de l’humeur ou de la personnalité ;
troubles de l’adaptation ;
recours systématique à une substance chimique, lors de la survenue de tensions
internes (frustrations, conflits existentiels…) ;
difficultés familiales majeures ;
intégration à un milieu fortement marginalisé.
88
3.
Méthode de l’étude
3.1.
Type d’enquête
Nous avons réalisé une enquête qualitative exploratoire sur l’attitude pratique du
médecin généraliste concernant le dépistage et la prise en charge de la consommation de
cannabis. Nous avons utilisé la méthode de l’entretien semi directif.
Pour cela, nous avons élaboré un guide d’entretien en deux exemplaires. Un
exemplaire n°1 a été établi pour le médecin généraliste interviewé contenant les cinq
principales questions. Un exemplaire n°2, élaboré à partir du précédent mais plus détaillé,
nous a permis d’affiner notre exploration en guidant la discussion sur certains thèmes plus
spécifiques.
Nous avons effectué, au fil des entretiens, une analyse en continu avec modulation
progressive du guide d’entretien. Certains thèmes pertinents évoqués par les médecins lors des
premiers entretiens, ont été insérés dans le guide d’entretien pour les interviews suivantes. Ces
nouveaux thèmes pouvaient être distillés au cours de la discussion ou introduits en fin
d’entretien dans la phase de récapitulation.
Le guide d’entretien a été élaboré selon plusieurs impératifs.
Il s’agissait d’abord d’intégrer l’entretien dans la pratique courante du médecin pour
éviter une simple conversation informelle sur le sujet du cannabis. La décision a été prise de
démarrer l’entretien en demandant au médecin d’exposer un cas clinique, issu de son
expérience, concernant un problème lié à une consommation de cannabis. Partant de son
expérience pratique, nous avons cherché à savoir ce qui l’avait amené à considérer que le
cannabis occupait une place importante dans le cas clinique évoqué. Enfin, les questions décontextualisées ont pu être introduites en incitant toujours le médecin à raisonner par rapport à
sa pratique.
Il s’agissait ensuite de respecter l’intervalle de temps imparti et de ne pas abuser de la
disponibilité du médecin. Les trois thèmes principaux étaient donc introduits de la manière la
plus claire possible :
- les critères d’un usage acceptable, les critères d’un usage inquiétant ;
- la description de l’adolescent à risque ;
- les considérations du médecin sur le produit cannabis.
Les exemplaires n°1 et 2 du guide d’entretien figurent en annexes 25 et 26.
89
3.2.
L’échantillon
Nous avons choisi d’interviewer des médecins généralistes de formation récente, ayant
obtenu leur diplôme de thèse à la faculté de médecine de Brest et étant installés dans le
Finistère Nord.
La liste des médecins ayant obtenu leur diplôme de thèse à Brest depuis 1999 nous a
été aimablement fournie par Mme Josyane Kerhoas du service du secrétariat des thèses de la
faculté de médecine de Brest.
Nous n’avons pas pu obtenir la liste des médecins installés dans le Nord Finistère
depuis 1999 auprès du Conseil de l’Ordre des médecins. Compte tenu de cette difficulté, nous
avons restreint la liste initiale aux médecins ayant obtenu leur thèse depuis 2001 et nous avons
effectué une recherche dans les Pages Jaunes de l’annuaire. En recoupant la liste fournie par
Mme Kerhoas et la liste obtenue dans l’annuaire, nous avons dressé une liste de 25 médecins
installés dans le Nord Finistère. Parmi ces médecins figuraient 12 femmes et 13 hommes.
Nous avons pris contact par téléphone avec les médecins de manière aléatoire en
tentant de respecter deux impératifs de diversité :
- la parité hommes/femmes ;
- des lieux d’activités hétérogènes, les plus représentatifs possibles.
Pour définir la taille finale de l’échantillon, nous avons appliqué le principe de
saturation théorique. Lorsque les entretiens successifs n’apportaient plus de nouveaux
éléments, nous avons mis fin à notre enquête.
3.3.
Les entretiens
Pour réaliser l’entretien, nous avons pris rendez-vous avec chaque médecin généraliste
par téléphone. Les entretiens étaient individuels. Un créneau horaire d’environ trente minutes
a été réservé. Les entretiens ont été programmés de préférence juste avant ou juste après une
période de consultation pour éviter de bousculer l’emploi du temps du médecin.
Un exemplaire n°1 du guide d’entretien a été remis à chaque médecin en début
d’interview.
Toutes les interviews ont été enregistrées avec l’accord explicite du médecin. Les
enregistrements ont été réalisés sur des cassettes audio phoniques à l’aide d’un dictaphone
SONY® de type TCM-S66V relié à un microphone AIWA® de type CM-Z3.
Chaque entretien a été intégralement retranscrit par écrit pour être analysé. Nous nous
sommes engagés, auprès de chaque médecin, à respecter la confidentialité des informations
fournies. C’est pourquoi la transcription intégrale des entretiens ne figure pas dans ce travail.
Seuls les éléments pertinents ont été rapportés.
-
A la fin de chaque entretien, nous avons remis au médecin un exemplaire :
de trois tests de dépistage de la consommation nocive de cannabis : l’ADOSPA, le
DETC et le CAST ;
et le TSTS-CAFARD (test de dépistage des idées suicidaires qui sera abordé dans la
discussion).
90
4.
Présentation et analyse des résultats
4.1.
Notre échantillon de médecins
Notre échantillon se composait de 8 hommes et 8 femmes ayant obtenus leur thèse à la
faculté de médecine de Brest depuis 2001 et étant installés dans le Nord Finistère.
Selon la date d’obtention de thèse, l’échantillon se répartissait ainsi :
2001
3 médecins
2 hommes
1 femme
2002
4 médecins
3 hommes
1 femme
2003
5 médecins
3 hommes
2 femmes
2004
4 médecins
4 femmes
Selon la situation géographique, l’échantillon se répartissait ainsi :
Centre ville de Brest
Quartiers de Brest
Communes de la BMO
2 médecins
2 hommes
4 médecins
2 femmes
2 hommes
2 médecins
2 hommes
Communes du Nord
Finistère
8 médecins
2 hommes
6 femmes
Nous dénommons centre ville de Brest les quartiers Siam et Saint Martin. Les autres
quartiers de Brest représentés sont : La Cavale Blanche et Lambezellec. Les communes de la
Brest Métropole Océane (BMO) représentées sont : le Relecq Kerhuon et Gouesnou. Les
autres communes représentées sont : Saint Renan, Landivisiau, Morlaix, Le Conquet,
Landerneau, Crozon, Lannilis, Saint Pol de Léon.
Chaque médecin s’est vu attribué un numéro de façon aléatoire mais fixe tout au long
de l’analyse. Dans l’analyse, les numéros identifiant les médecins qui correspondent au thème
évoqué, sont indiqués entre parenthèses. Ces numéros renvoient à la citation du médecin
concerné. Les citations, classées par thèmes, sont disponibles dans les annexes 27 à 32.
Certains médecins ont rapporté plusieurs situations. Lorsque deux situations cliniques
sont comptabilisées pour un seul médecin, son numéro est suivi du signe (*).
91
4.2.
Cas cliniques (annexe 27)
4.2.1. Age et sexe du patient
Sexe des patients
Sur vingt deux situations cliniques rapportées :
- cinq personnes (1, 3, 6, 10, 16) étaient des femmes ;
- dix sept personnes (2*, 3, 4, 5, 7, 8, 9*, 11, 12*, 13*, 14, 15, 16) étaient des hommes.
Concernant la situation rapportée par le médecin 9 à propos de deux frères jumeaux, une
seule situation clinique a été comptabilisée car le médecin ne distinguait pas les prises en
charge ou les symptômes.
Ainsi, près de huit patients sur 10 étaient des hommes
Age des patients
-
Sur les vingt deux situations rapportées :
quatorze patients (1, 2*, 5, 7, 8, 9*, 10, 11, 12, 13, 14, 15) avaient moins de 20 ans,
dont huit (2, 5, 7, 8, 9*, 13, 14) moins de 18 ans ;
huit patients (3*, 4, 6, 12, 13, 16*) avaient plus de 20 ans, dont six (3*, 4, 6, 12, 16)
moins de 26 ans et deux (13, 16) plus de quarante ans.
Concernant les situations rapportées par le médecin 2, compte tenu de la tranche d’âge
qu’il a précisée, nous avons considéré que les deux patients avaient moins de 20 ans et qu’au
moins un des deux patients était âgé de moins de 18 ans. Le médecin en question ne se
souvenait plus du nom des patients et ne pouvait donc pas préciser leur âge en consultant leur
dossier.
Ainsi, environ un tiers des patients avaient moins de 18 ans, près des deux tiers des
patients moins de 20 ans et neuf patients sur dix moins de 26 ans. Dans notre étude, le patient
le plus jeune avait 15 ans (14) au moment de sa prise en charge.
Corrélation entre l’âge et le sexe
Tous les patients âgés de moins de 18 ans étaient des garçons.
Parmi les cinq femmes, une femme (16) avait plus de 40 ans et une femme (6)
s’inquiétait pour une consommation très occasionnelle de cannabis au tout début de sa
grossesse, avant de connaître son diagnostic. Les trois autres femmes présentaient plus
spécifiquement un problème lié au cannabis et avaient respectivement 23 ans (3), 19 ans (1)
et 18 ans (10).
92
4.2.2. Motif de consultation
Dans l’exposition de leurs cas cliniques, les médecins que nous avons interrogés ont
décrit le ou les motifs qui ont entraîné la consultation. Il ne s’agissait pas des éléments qui
pouvaient inciter les médecins à pratiquer un dépistage ou à qualifier un usage. Il s’agissait
des éléments et symptômes qui avaient effectivement amené le patient à consulter, de luimême ou sous l’impulsion d’un parent. Ces éléments formaient un ensemble pour chaque
patient, c’est pourquoi chaque cas clinique peut être cité dans plusieurs catégories. D’autres
part, certains médecins nous ont rapporté plusieurs situations. Nous avons regroupé ces motifs
par ordre de fréquence :
-
Troubles anxieux pour onze médecins (1, 2, 3, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15) ;
Difficultés relationnelles intra ou extra familiales pour neuf médecins (3, 5, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 15) ;
Troubles dépressifs pour huit médecins (3, 5, 9, 10, 11, 12, 13, 16) ;
Difficultés scolaires ou professionnelles pour sept médecins (5, 8, 9, 11, 12, 14, 15) ;
Co-intoxication pour sept médecins (4, 9, 10, 11, 12, 13, 16) ;
Problèmes d’agressivité, d’irritabilité, de violence ou de traumatisme pour sept
médecins (3, 5, 7, 9, 11, 12, 15) ;
Mal être, fragilité psychologique ou immaturité pour cinq médecins (3, 4, 8, 11, 14) ;
Fatigue pour quatre médecins (2, 8, 13, 14) ;
Baisses de motivation pour trois médecins (5, 12, 14) ;
Ivresse cannabique manifeste en consultation pour deux médecins (11, 16) ;
Troubles du sommeil pour deux médecins (3, 15) ;
Palpitations pour un médecin (3) ;
Troubles de la concentration pour un médecin (11) ;
Idées suicidaires pour un médecin (10) ;
Début de grossesse pour un médecin (6).
Les six motifs les plus fréquents étaient donc les troubles anxieux, les difficultés
relationnelles, les troubles dépressifs, les difficultés scolaires ou professionnelles, les
problèmes de co-intoxication et les problèmes d’agressivité, d’irritabilité, de violence ou de
traumatisme.
Initiative du recours
Nous avons distingué, dans l’analyse des différentes situations, qui était à l’initiative
du recours à la consultation. Le recours pouvait être spontané ou sous l’impulsion d’une tierce
personne ou d’une autorité comme la justice ou l’école. Six médecins (2, 3, 9, 12, 13, 16) ont
exposé plusieurs cas cliniques. Nous avons retenu, dans la comptabilisation, les situations
décrites et non les médecins. Vingt deux situations nous ont été présentées. Dans une situation
(7), le patient s’était présenté à la demande de sa mère mais en réalité, il y avait un problème
judiciaire sous-jacent. Cette situation apparaît donc dans deux catégories.
-
-
Recours spontané à la consultation dans quatorze situations (1, 2*, 3*, 4, 6, 9, 10, 12,
13, 14, 16*). Les médecins suivis d’une marque (*) ont rapporté deux situations de
recours spontané.
Recours à la demande de la mère dans sept situations (5, 7, 8, 9, 11, 12, 15).
Recours à la demande d’une autorité dans deux situations : l’école (13) ou la justice
(7).
93
4.2.3. Motif de consommation
Le motif de la consommation, à savoir l’objectif recherché par le consommateur, a été
abordé dans douze entretiens (1, 2, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16).
Onze médecins (1, 2, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16) ont rapporté que l’objectif était
clairement anxiolytique.
Deux médecins (2, 3) ont parlé d’usage festif.
Un médecin (3) a évoqué un usage à visée sédative.
Un médecin (9) a parlé de désir d’intégration ou d’une consommation dans le but
d’obtenir un certain équilibre chez un patient souffrant d’un trouble bipolaire.
Deux médecins (2, 15) ont évoqué une consommation à visée quasi anesthésique, « de
défonce » ou pour « se mettre dans sa bulle ».
4.2.4. Prise en charge d’un sevrage de cannabis
Parmi les seize médecins interviewés, treize médecins (tous sauf 4, 6, 13) ont décrit
leur prise en charge spécifique concernant le problème de consommation de cannabis auquel
ils ont été confrontés.
Parmi ces treize médecins, six médecins (1, 7, 8, 9, 12, 16) ont rapporté une prise en
charge limitée pour plusieurs raisons :
Le médecin 1 considérait qu’une fois que le problème était soulevé, les patients
s’affranchissaient rapidement d’une consommation nocive. Il donnait des conseils et une
information et laissait la porte ouverte à des consultations ultérieures si besoin. Il ne
reconvoquait les patients qu’en cas de détresse manifeste. Il voyait par ailleurs un patient tous
les mois dans le cadre d’une surveillance apparemment judiciaire mais ne donnait pas de
détails particuliers.
Le médecin 7 avait adressé rapidement son patient à un confrère psychiatre.
Le médecin 8 avait débuté une prise en charge un mois auparavant, sous forme
d’intervention brève avec informations et conseils concernant le cannabis, et n’avait pas
encore revu son patient.
Le médecin 9, pour le cas des jumeaux, ne considérait pas que le cannabis était le
problème principal. Pour son second cas, il avait commencé à évaluer la motivation de son
patient concernant un changement dans ses habitudes de consommation mais considérait qu’in
fine, la prise en charge serait mieux assurée par un psychiatre compte tenu de son trouble
bipolaire.
Le médecin 12 avait rapidement adressé son premier patient à l’ADI (Acceuil Drogue
Info, consultations cannabis à Brest) pour une prise en charge spécifique et ne souhaitait pas
94
prendre en charge des troubles addictifs. Concernant le second patient, elle l’avait informé sur
les dangers du cannabis et ne l’avait pas revu.
Le médecin 16 a rapidement fait hospitaliser sa patiente.
Les 7 autres médecins (2, 3, 5, 10, 11, 14, 15) ont rapporté une prise en charge plus
détaillée. Dans leur stratégie de prise en charge, ces médecins ont globalement reproduit les
étapes que nous avons décrites en première partie.
Mise en place de l’alliance thérapeutique
Cinq médecins (3, 5, 11, 14, 15) ont décrit qu’au début de leur prise en charge, ils ont
évité d’aborder directement le sujet du cannabis pour ne pas rompre la relation. Le médecin 3,
dans son premier cas, a pris soin de ne pas braquer le patient en essayant prématurément de le
faire « décrocher » du cannabis. Il a préféré se centrer sur les symptômes pour préserver
l’alliance thérapeutique. Pour son patient, le médecin 5 a essayé de « gagner sa confiance » en
évitant d’évoquer frontalement la consommation de cannabis. L’alliance thérapeutique a été
difficile à mettre en place et l’aide de la mère du patient a été précieuse. Le médecin 11 n’a
abordé la consommation de cannabis qu’une fois que le patient s’est présenté à sa consultation
manifestement en état d’ivresse cannabique. Le médecin 14 a attendu la deuxième
consultation pour dépister une consommation de cannabis. Le médecin 15 a évoqué un
premier contact difficile nécessitant de manœuvrer en souplesse pour préserver l’alliance
thérapeutique. Il s’est renseigné sur le quotidien de son patient pour rentrer en contact avec
lui.
Trois médecins (2, 3, 10) ont décrit une alliance thérapeutique plus simple à mettre en
place. Le médecin 2 a signalé que ses deux patients « voulaient qu’on arrête ensemble ». Il se
tenait également à leur disposition par téléphone. Le médecin 3, dans son second cas, et le
médecin 10 n’ont pas été confrontés à des difficultés pour mettre en place l’alliance
thérapeutique puisqu’il y avait une demande de soins importante de la part de leurs patientes.
Le médecin 10 a construit son alliance thérapeutique sur un consensus implicite : sa patiente
venait pour des problèmes anodins, tout en sachant qu’il aborderait sa consommation de
toxiques.
Bilan général, bilan des consommations, des conséquences négatives de l’usage et des comorbidités
Trois médecins (2, 3, 14) ont décrit un bilan somatique initial.
Les sept médecins ont évalué les conséquences négatives de l’usage.
Concernant les co-morbidités, trois médecins (3, 5, 10) ont fait état de troubles
dépressifs (3 et 5) ou de tendances suicidaires (10). Parmi ces trois patients, tous ont été vu
par un psychiatre et deux d’entre eux (5, 10) ont été hospitalisés au cours de la prise en
charge.
95
Traitement des symptômes
Six médecins (2, 3, 5, 11, 14, 15) ont prescrit un traitement dans le cadre de leur prise
en charge. Le médecin 10 n’a pas rapporté de traitement particulier mais, compte tenu de sa
description de la situation, il semble probable que sa patiente a été traitée.
Cinq médecins (2, 3, 11, 14 et 15) ont prescrit un anxiolytique (benzodiazépines).
Deux médecins ont prescrit des anti-dépresseurs (3 et 5). Un médecin a prescrit un β-bloquant
non cardio-sélectif, le propanolol (Avlocardyl®).
Le médecin 11 a également utilisé l’acupuncture dans sa prise en charge.
Travail de motivation
Cinq médecins (2, 3, 11, 14, 15) ont travaillé sur la notion de motivation/ambivalence
avec leur patient.
- le médecin 2 a signalé que les patients étaient déjà motivés pour stopper leur
consommation ;
- le médecin 3 a souligné l’ambivalence de la relation de sa patiente avec le cannabis en
parlant notamment de ses relations amicales uniquement centrées sur le produit ; son
premier patient était motivé par ses performances sportives ;
- le médecin 11 a rapporté que son patient était motivé du fait de ses ennuis judiciaires ;
- le médecin 14 a utilisé la motivation de son patient à se débarrasser de sa fatigue ;
- le médecin 15 a fait part de la motivation de son patient à décrocher un emploi et à
préserver son couple.
Suivi
Trois médecins (2, 3, 14) ont rapporté des prises en charge courtes en 2 ou 3
consultations réparties sur quelques semaines ou mois.
Le médecin 11 n’a pas précisé la fréquence de ses entretiens.
Quatre médecins (3, 5, 10, 15) ont réalisé des prises en charge plus prolongées. Dans
certains cas, les consultations étaient hebdomadaires (3, 15) puis plus espacées. Les médecins
5 et 10 revoyaient leurs patients 1 à 2 fois par mois.
Six médecins (2, 3, 5, 11, 14, 15) ont reconvoqué leur patient d’une manière ou d’une
autre : les médecins 3 et 14, sous 15 jours en cas de non amélioration ; le médecin 5 en se
servant des renouvellements de traitement. Le médecin 11 n’a pas précisé explicitement qu’il
avait reconvoqué son patient mais compte tenu de la description de ses premiers entretiens, il
semble probable qu’il avait fixé un calendrier.
Le médecin 10 laissait la porte ouverte et assurait de sa disponibilité sans pour autant
fixer de rendez-vous.
Relai
Trois médecins (3, 5, 10) ont eu recours à un avis spécialisé psychiatrique. Le médecin
3 a sollicité cet avis dans la continuité de sa prise en charge. Le médecin 5 a fait hospitaliser
96
son patient en situation de crise. La patiente du médecin 10 a été hospitalisée après une
tentative de suicide.
Rappelons que ces 3 patients présentaient soit des troubles dépressifs (3, 5), soit des
tendances suicidaires (10). Notons enfin que le médecin 15 a tenté de convaincre son patient
de consulter un psychiatre mais sans résultat.
Parmi ces sept médecins (2, 3, 5, 10, 11, 14, 15), aucun n’a eu recours à un travailleur
social. Seul le médecin 15 a été initialement en contact avec une conseillère d’éducation.
4.3.
Dépistage systématique tabac/cannabis (annexe 28)
Aucun médecin n’a rapporté qu’il abordait systématiquement la question du cannabis
lors des certificats ou de manière général chez l’adolescent.
Seuls trois médecins (1, 2, 3) abordaient facilement ou fréquemment la question du
cannabis lors d’un certificat d’aptitude. Deux autres médecins l’abordaient assez
régulièrement (5) ou de temps en temps (10).
Quatorze médecins ont rapporté qu’ils abordaient presque systématiquement la
consommation de tabac chez l’adolescent au moment des certificats d’aptitude ou de façon
générale (tous sauf 6 et 14). Le médecin 6 a évoqué des questions sur l’hygiène de vie mais
sans préciser s’il recherchait spécifiquement la consommation le tabac. Le médecin 14 n’a pas
abordé le sujet spécifique du tabac.
Treize médecins (1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15) ont estimé que s’ils
abordaient la question du cannabis, ils l’aborderaient par le biais du tabac. Le médecin 6 a
estimé qu’il aborderait cette question pour une toux ou un asthmatique.
Trois médecins (3, 8, 10) ont rapporté avoir souvent obtenu en réponse à la question
« est-ce que vous fumez ?» :
- « non pas du tabac » (3)
- « quoi ? Qu'est-ce que je fume ? » (8 et10)
4.4.
Dépistage de l’adolescent à risque (annexe 29)
4.4.1. Personnalité
Onze médecins (1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 12, 13, 14, 16) ont considéré que certains traits de
personnalité pouvaient constituer des indices quand il s’agissait de déclencher un dépistage.
Les médecins 4, 7, 12 et 16 ont parlé de personnalité ou de terrain fragile, de fragilité
psychologique ou psychiatrique. Le médecin 8 a évoqué une adolescente « en pleine
recherche d’identité » et a parlé du « mal être de l’adolescence ». Le médecin 14 a évoqué une
immaturité. Le médecin 12 a fait référence à des adolescents « en recherche d’expériences ».
Six médecins (4, 7, 8, 12, 14, 16) ont donc évoqué des personnalités ou des terrains
fragiles, immatures, des adolescents en recherche d’identité ou en recherche d’expériences.
97
Nous avons interprété ces caractéristiques comme étant des traits de personnalité ou de
tempérament.
Les médecins 1 et 5 ont évoqué des personnalités borderline, le médecin 6 a parlé de
personnalité schizoïde et le médecin 12 de personnalité psychotique. Le médecin 4 a cité une
personnalité « un peu bizarre » et le médecin 13 « des gens un peu particuliers ». Le médecin
3 a évoqué des bizarreries, des ambivalences. Il a précisé également qu’il fallait une
personnalité, un environnement et la présence du produit.
Sept médecins (1, 3, 4, 5, 6, 12, 13) ont donc fait référence à des troubles de la
personnalité : personnalités borderline, schizoïde, psychotique. D’autre termes ont été
employés : bizarre ou bizarrerie, ambivalence ou particulier.
4.4.2. Evénement de vie précipitant
Cinq médecins (1, 8, 11, 12, 15) ont fait référence à un événement traumatique ou
précipitant dans la vie de l’adolescent. Il pouvait s’agir :
- du décès d’un ami proche (1), du décès des parents (12) ;
- d’un déménagement (8) ;
- d’une rupture affective ou d’un échec sentimental (8, 11) ;
- de la découverte du corps d’un parent décédé (11)
- de la découverte d’un cancer chez la mère (15) avec bouleversement de la vie
familiale.
4.4.3. Contexte familial
Situation des parents :
Quatre médecins (5, 7, 11, 12) ont décrit dans leur cas une situation parentale
perturbée. Trois médecins (5, 7, 11) ont parlé de couples divorcés ou séparés. Le médecin 12
a évoqué successivement un adolescent orphelin, un couple reconstitué et un adolescent dont
la mère s’est suicidée deux mois après sa naissance. A chaque fois dans la suite de l’entretien,
ils ont retenu cet élément comme un facteur de vulnérabilité.
Cinq médecins (3, 8, 9, 10, 15) ont fait état d’une situation parentale stable dans les
cas qu’ils décrivaient mais trois d’entre eux (8, 9, 10) ont cité une situation perturbée des
parents comme un facteur de vulnérabilité.
Le médecin 4 n’a pas fait référence à cet élément dans son cas clinique mais l’a retenu
comme facteur de vulnérabilité.
Au total huit médecins (4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12) ont cité cet élément comme un facteur
de vulnérabilité.
Six médecins (1, 2, 6, 13, 14, 16) n’ont pas évoqué du tout la situation des parents : ni
dans le cas décrit, ni comme facteur de vulnérabilité.
Quatre médecins (5, 7, 9, 11) ont fait spécifiquement référence au rôle du père : il
pouvait être absent (7), avoir refait sa vie ailleurs (5, 11) ou être en prison (9).
98
Antécédents familiaux, attitudes des parents face au produit
Sept médecins (3, 5, 8, 10, 11, 12, 14) ont évoqué des antécédents familiaux de type
psychiatriques ou addictifs constituant des facteurs de vulnérabilité pour l’adolescent. Les
antécédents familiaux cités ont été : tentative de suicide (10), suicide (12), toxicomanie (3, 8),
alcoolisme (14), syndrome anxio-dépressif (5), fragilité psychologique (11).
Deux médecins (5, 15) ont évoqué des pathologies somatiques maternelles : dorsalgies
chroniques (5) et cancer du sein (15). Le décès d’une grand-mère a été rapporté par le
médecin 11.
Deux médecins (3, 11) ont parlé de permissivité parentale vis-à-vis du cannabis voire
même de parents consommateurs et cultivateurs. Le médecin 10 a signalé qu’il recherchait
toujours un tabagisme à la maison. Le médecin 11 a signalé la présence de médicaments
anxiolytiques au domicile.
Neuf médecins (1, 2, 4, 6, 7, 9, 13, 14, 16) n’ont évoqué aucun antécédent familial
pouvant constituer un facteur de vulnérabilité.
Niveau socio-économique
Deux médecins (4, 6) n’ont pas du tout abordé les conditions socio-économiques.
Cinq médecins (3, 5, 7, 11, 16) ont précisé que le milieu socio-économique n’était pas
très favorable pour leur patient. Deux (5, 7) d’entre eux ont repris cet élément comme facteur
de vulnérabilité. Le médecin 16 n’a pas retenu ce facteur bien que son patient vivait dans des
conditions précaires. Les deux autres médecins (3, 11) n’ont pas repris cet élément lors de la
question spécifique.
Six médecins (2, 8, 9, 10, 12, 15) ont précisé que le milieu socio-économique était
correct pour leur patient. Quatre d’entre eux (2, 9, 12, 15) n’ont pas repris cet élément dans la
question spécifique. Le médecin 8 inclinait à penser qu’il s’agissait quand même d’un facteur
de vulnérabilité. Le médecin 10 a considéré que tous les milieux pouvaient être concernés.
Trois médecins (1, 13, 14) n’ont pas précisé le milieu de leur patient mais ont abordé
le sujet lors de la question spécifique.
Au total huit médecins (1, 5, 7, 8, 10, 13, 14, 16) ont parlé des conditions socioéconomiques en réponse à la question spécifique : quatre (1, 10, 13, 16) d’entre eux
estimaient que tous les milieux étaient concernés, quatre autres (5, 7, 8, 14) considéraient que
les milieux défavorisés étaient plus à risque.
Le médecin 13 a toutefois apporté une nuance : concernant les adolescents, tout milieu
social pouvait être concerné. Par contre, elle a considéré qu’un milieu social défavorisé
pouvait être un facteur de vulnérabilité chez une jeune femme enceinte notamment. Le
médecin 16 a estimé que même si tous les milieux pouvaient être concernés, un milieu
défavorisé était tout de même un élément attirant sa vigilance.
99
4.4.4. Catégorie d’âge – Présentation – Attitude – Environnement- SortiesDésinsertion
Age
Quatre médecins (1-2-3-16) ont évoqué l’âge du patient comme élément déclenchant
le dépistage. Les collégiens, les lycéens et les 18-25 ans étaient concernés. Ces médecins ont
estimé que la consommation de cannabis était extrêmement banalisée dans cette catégorie
d’âge.
Présentation - Attitude
Plusieurs éléments de présentation ont régulièrement été cités par les médecins
lorsqu’il s’agissait de décrire un adolescent suspecté de consommer du cannabis : la coiffure
(dreadlocks), le style de vêtement (surfeur, branché, des cités, gothique), un aspect négligé ou
très relâché, des tatouages ou des piercings, une attitude cool, apathique.
Douze médecins (2, 3, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16) ont considéré que des
éléments de présentation caractéristiques pouvaient leur faire suspecter une consommation de
cannabis. Le médecin 7 en disant que « ni dans sa présentation, ni dans sa manière de
s'exprimer, rien ne laissait suspecter quoi que ce soit », a montré implicitement qu’il était
attentif à ces éléments.
Le médecin 1 a considéré que ces éléments n’étaient pas spécifiques.
Le médecin 4 était partagé en raison notamment de son lieu d’exercice où, il avait à
faire à beaucoup de surfeurs. Il était plus sensible à une présentation provocatrice plutôt qu’à
un style vestimentaire particulier.
Le médecin 9 n’a pas abordé cette caractéristique.
Environnement- Groupe de Pairs – Sorties
Dix médecins (1, 3, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15) s’appuyaient sur l’environnement du
patient quand il s’agissait de déclencher un dépistage.
-
-
Il pouvait s’agir :
de sorties nocturnes de plus en plus fréquentes (8, 9, 10, 11, 12, 15) ;
d’une influence du groupe de pairs auquel le patient appartenait avec un côté
« mimétisme » : l’école d’assistante sociale (3), le milieu gothique (10) ou surfeur (3),
les bandes de copains (1, 3, 8, 10, 11, 12, 14, 15), les groupes de musique (13) ;
un besoin d’intégration (8, 9) ;
du compagnon ou de la compagne du patient qui était consommateur voire dealer (3,
9).
Le médecin 4 a estimé que le milieu du surf n’était pas spécialement à risque. Le
médecin 10 a rapporté qu’il connaissait l’environnement amical de sa patiente et qu’il
« pouvait facilement imaginer une consommation de cannabis » dans ce groupe.
100
Isolement social
Dix médecins (1, 4, 5, 6, 9, 10, 12, 13, 14, 15) étaient attentifs à une désinsertion sociale.
Au total tous les médecins ont été attentifs à ces caractéristiques d’âge, de
présentation, d’environnement ou d’isolement social lorsqu’il s’agissait de déclencher
un dépistage.
.
4.4.5. Conflits familiaux, problèmes de couple, problèmes scolaires, disciplinaires,
professionnels ou judiciaires.
Conflits familiaux
Treize (1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15) médecins étaient attentifs aux relations
qui existaient entre leur patient et sa famille. Ils décrivaient une situation familiale tendue
dans le cas clinique qu’ils développaient et ont fait de cet élément un critère essentiel pour
déclencher un dépistage.
Une relation tendue voire violente avec le père a été citée par trois médecins (9,10,
15).
Au total, six médecins (5, 7, 9, 10, 11, 15) ont évoqué spécifiquement une carence ou
un problème paternel.
Problèmes scolaires ou professionnels d’ordre disciplinaire ou par baisse des résultats
Tous les médecins, à l’exception du médecin 10, ont fait référence à ce type de
problèmes. C’était l’élément le plus cité par les médecins comme étant suspect d’une
consommation de cannabis.
Le médecin 10 n’y a pas fait directement allusion mais dans la description de son cas
clinique, il semblait clair que sa patiente, qui présentait des idées suicidaires et des
hospitalisations prolongées, rencontrait des problèmes scolaires ou professionnels mais ceuxci passaient au second plan compte tenu de la gravité de la situation sur le plan psychologique.
Problèmes judiciaires
Cinq médecins (1, 7, 9, 11, 14) ont cité des difficultés avec la justice comme élément
suspect.
Problèmes de couple
Trois médecins ont évoqué des difficultés relationnelles entre leur patient et leur
compagne (12, 15) ou des problèmes sentimentaux (5).
101
4.4.6. Symptômes d’ordre psychologique :
Parmi les symptômes d’ordres psychologiques ou psychiatriques qui pouvaient inciter
le médecin à déclencher un dépistage figuraient :
- Les troubles du sommeil pour huit médecins (3, 7, 8, 11, 13, 14, 15, 16) ;
- Les angoisses pour quatorze médecins (tous sauf 6 et 13) ;
- L’irritabilité, les violences pour dix médecins (2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 15) ;
- Les signes dépressifs pour douze médecins (tous sauf 2, 7, 15) ;
- Les signes psychotiques pour huit médecins (1, 5, 7, 8, 10, 12, 13, 16) ;
- Les accès maniaques ou les troubles bipolaires pour deux médecins (5, 9) ;
- Les tendances suicidaires ou les tentatives de suicides pour deux médecins (10, 12) ;
- Les troubles de la concentration (4, 11), troubles de la mémoire (4, 13) et des
difficultés à travailler (14).
Tous les médecins estimaient donc nécessaire de poser la question d’une
consommation de cannabis devant certains troubles psychologiques, les plus représentés
étant les signes anxieux et les signes dépressifs.
4.4.7. Syndrome amotivationnel
Neuf médecins (1, 2, 5, 8, 9, 10, 12, 13, 14) ont fait référence au classique syndrome
de démotivation.
4.4.8. Symptômes d’ordre somatique
Parmi les symptômes d’ordre somatique qui pouvaient inciter le médecin à poser la
question d’une consommation de cannabis :
- quatre médecins (2, 8, 14, 15) ont cité la fatigue ;
- quatre médecins (2, 6, 12, 13) ont parlé de signes bronchiques ;
- trois médecins (3, 4, 6) ont fait référence à des palpitations ou à la tachycardie voire
même à des douleurs thoraciques ;
- deux médecins (4, 12) ont cité la variation du poids ;
- deux médecins (4, 9) ont évoqué des cicatrices ou des séquelles d’accident (scooter) ;
- deux médecins (10, 11) ont parlé d’un air « hébété » ou « hilare » ;
- deux médecins (11, 16) ont fait référence à une hyperhémie conjonctivale.
Au total, douze médecins (2, 3, 4, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16) étaient sensibles à
certains indices somatiques lorsqu’il s’agissait de dépister un usage de cannabis.
102
4.5.
Usage nocif (annexe 30)
4.5.1. Usage acceptable
4.5.1.1.
Existe-t-il un usage acceptable ?
Sept médecins (1, 2, 7, 8, 9, 11, 16) ont estimé qu’il n’y avait pas d’usage acceptable
de cannabis :
- les médecins 2, 7 et 16 ont été catégoriques. Les médecins 2 et 7 considéraient que
d’une part sur le plan légal, le produit était interdit et que d’autre part sur le plan
médical, les répercussions étaient trop graves. La consommation de cannabis ne
pouvait donc pas être acceptée. Le médecin 16 considérait que, dans la tranche d’âge
15-25 ans, aucune consommation n’était acceptable compte tenu de la fragilité
psychologique de l’adolescent et émettait des doutes, comme le médecin 7, sur la
capacité d’un consommateur à contrôler sa consommation.
- Les médecins 1, 8, 9 et 11 ont été moins catégoriques. Le médecin 1 estimait qu’il n’y
avait pas de relation entre la dose consommée et l’effet attendu. Ainsi même la
consommation d’un seul joint de manière isolée pouvait avoir des conséquences
graves. Il prônait donc une « tolérance zéro ». Cependant il tolérait un usage
expérimental puis ponctuel. Les médecins 9 et 11 estimaient que l’idéal serait de ne
pas consommer du tout mais admettaient que dans certaines conditions, ils ne
s’alerteraient pas. Le médecin 8 a fait référence à l’âge du consommateur.
Neufs médecins (3, 4, 5, 6, 10, 12, 13, 14, 15) se sont employés à définir les limites
d’un usage acceptable.
- Sept médecins (3, 4, 5, 6, 12, 13, 15) ont associé l’usage tolérable à la notion de
soirée, de WE ou de fêtes.
- Le médecin 10 a parlé de consommation hebdomadaire.
- Le médecin 14 était le plus tolérant et tolérait une consommation quotidienne sous
certaines conditions.
- Il faut noter que le médecin 5 a fait également allusion à une consommation d’un joint
par jour qui ne le choquerait pas non plus sous certaines conditions.
Nous avons relevé les expressions, plutôt sur le registre de la dénégation, qu’ont
employées ces médecins pour qualifier l’usage acceptable ou tolérable :
- « je sais pas si c’est si pathologique que ça » (3) ;
- « ne me parait pas nocive » (4) ;
- « ça ne pose pas un problème pathologique particulier » ou « ne me choquerait pas »
(5) ;
- « ne me choque pas » (10) ;
- « ça me parait déjà moins problématique » (13) ;
- « je ne pense pas que ce soit obligatoirement grave ou problématique » (15).
Les médecins 6 et 12 ont employé une expression positive pour décrire cet usage
mais :
- le médecin 6 a repris notre expression «une consommation comme tu
dis socialement réglée»- et a parlé d’un consommateur qui n’était plus un adolescent ;
- le médecin 12 a parlé d’une « consommation acceptable » mais en désignant
l’expérimentation et s’est montré simplement réaliste en estimant que chaque
103
adolescent serait confronté au produit et en ferait usage au moins une fois pour
l’expérimenter.
Au final un seul médecin (14), a fait allusion à des adolescents qui avaient une
consommation socialement réglée et non abusive selon lui mais sous certaines conditions
notamment d’insertion sociale.
4.5.1.2.
L’usage « acceptable » en terme de fréquence et de circonstances de
consommation
Huit médecins (1, 3, 4, 8, 9, 11, 13, 15) ont fait référence à un usage festif, entre amis,
le WE ou « de temps en temps ». Le médecin 9 a précisé « une fois par mois ».
Deux médecins (5 et 6) ont parlé d’un usage de fin de semaine ou de WE, « une fois le
temps » sans préciser explicitement si l’usage était festif ou entre amis.
Le médecin 10 a parlé d’une prise hebdomadaire.
Le médecin 14 et à un moindre degré le médecin 5 ont parlé de consommations
quotidiennes.
Les médecins 5, 10 et 14 ont considéré que la consommation solitaire est
problématique.
Les médecins 1, 8, 9 et 11 ne définissait pas d’usage acceptable dans la catégorie
d’analyse précédente. Ici, ils ont estimé que cette consommation serait « moins inquiétante »
(8, 9) ou ont employé l’expression « bon » (1) ou « bon voilà » (11) en signe de résignation.
Au final, douze médecins (1, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15) ont estimé pouvoir,
sous conditions, tolérer, ne pas s’inquiéter ou se résigner à un usage festif, entre amis ou
tout au moins non solitaire, le WE ou de temps en temps.
Le médecin 12 n’a pas été cité ici car il avait un regard très critique sur cette
consommation festive, entre amis. En effet les médecins 12 et 13 ont trouvé problématique le
caractère systématique de la consommation en soirée. Le médecin 12 a estimé « qu’à ce
moment là, la socialisation ne se fait plus de manière naturelle, elle se fait sous condition ».
Le médecin 13 a déploré que lors des soirées entre amis « la seule chose qui compte, c’est de
fumer du cannabis » et a regretté le fait qu’ « on ne peut plus faire une soirée sans le
produit ».
Le médecin 12 a insisté également, au même titre que les médecins 1 et 11, sur la
notion d’expérimentation. Cette expérimentation leur paraissait quasiment inéluctable dans
notre société.
Finalement seuls les trois médecins les plus catégoriques dans la catégorie d’analyse
précédente (2, 7 et 16) n’ont donné aucune précision concernant une fréquence de
consommation qu’ils jugeraient moins inquiétante ou à laquelle ils pourraient se résigner
malgré eux.
104
4.5.2. L’usage nocif ou problématique en terme de fréquence ou de circonstances de
consommation
4.5.2.1.
Usage nocif en terme de fréquence
Dix médecins (3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 12, 13, 15) ont estimé qu’un usage quotidien était
problématique. Le médecin 6 a parlé de rechercher le produit « un certain nombre de jours
dans la semaine » ce qui semblait équivalent. Le médecin 9 a parlé d’utilisation quotidienne
ou pluriquotidienne.
Il faut à nouveau rappeler que trois médecins (2, 7, 16) ont été catégoriques sur le fait
que tout usage de cannabis était problématique.
-
Il reste donc trois médecins (1, 11, 14) :
le médecin 1 a fait référence à la notion de toxicomanie, « le fait de mettre le produit
au dessus de tout » ;
le médecin 11 a parlé de consommation régulière et indispensable sans autre
précision ;
le médecin 14 a renvoyé à la notion de dépendance et de consommation systématique,
« est-ce qu’on est capable de s’en passer ? » Il a fait également référence à
l’augmentation de la fréquence en passant d’un consommation occasionnelle à une
consommation quotidienne.
Indépendamment de la notion de consommation quotidienne, d’autres qualificatifs ont
été employés pour caractériser l’usage nocif :
- usage régulier ou fréquent (3, 5, 11, 12, 13)
- usage systématique ou indispensable renvoyant à la notion de toxicomanie ou de
dépendance (1, 3, 4, 11, 12, 13, 14)
-
Quant aux médecins les plus catégoriques :
le médecin 2 a fait référence à une augmentation rapide de la consommation de
pétards ;
le médecin 7 a renvoyé à la notion de dépendance ;
le médecin 16 a renvoyé à la notion d’engrenage, ou de « cannabis en chronique »
Au total, tous les médecins ont caractérisé un usage nocif parce qu’il était
quotidien, régulier, fréquent ou chronique, systématique ou indispensable, ou enfin en
augmentation.
4.5.2.2.
Usage nocif en terme d’âge
Neuf médecins (2, 3, 5, 8, 10, 11, 13, 15, 16) ont fait référence à l’âge du
consommateur. Quatre médecins (3, 8, 11, 15) considéraient qu’avant 18 ans, l’usage était
problématique. Deux médecins (5 et 13) portaient cet âge seuil à 15-16 ans. Le médecin 10
était attentif à l’âge de début mais n’a pas donné d’âge seuil. Le médecin 16 considérait
qu’avant 20-25 ans, l’usage était problématique.
105
Notons que le médecin 8 a mis en avant un problème de maturation neurologique
avant 16 ans. Le médecin 2 a simplement signalé que l’adolescence était un moment où
l’adolescent devait se développer.
Globalement, pour ces huit médecins, l’usage chez un collégien (<15 ans) était
toujours problématique. L’usage n’était pas forcément problématique au lycée (15 à 18
ans) pour deux d’entre eux (5 et 13), après le lycée (>18 ans) pour six d’entre eux (3, 8,
11, 15, 5 et 13)
4.5.2.3.
Usage nocif en terme de circonstances de consommation
Onze médecins (1, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15) ont exprimé cette notion de
consommation solitaire ou en groupe. Parmi eux, huit médecins (1, 5, 8, 10, 11, 13, 14, 15)
ont précisé expressément qu’une consommation solitaire était problématique.
Le médecin 2, qui n’envisageait pas d’usage acceptable, a également précisé qu’un
usage solitaire était nocif.
Au total, douze médecins ont distingué une consommation en groupe d’une
consommation solitaire quant il s’agissait de qualifier un usage.
Trois médecins (2, 3, 11) ont fait référence à une consommation matinale comme
critère d’usage nocif.
Trois médecins (3, 12, 14) ont parlé de rituels ou de protocole de consommation
comme critère inquiétant.
4.5.2.4.
Usage nocif en terme de répercussions sur la vie de tous les jours :
psychologiques, familiales, scolaires, professionnelles ou sociales
Douze médecins (1, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 12, 13, 14, 15, 16) ont évoqué ce type de
répercussions dans la vie quotidienne en réponse à cette question. C’était un élément
primordial d’évaluation de la consommation de cannabis pour ces médecins.
Il faut rappeler que tous les médecins ont évoqué des problèmes familiaux, scolaires,
professionnels ou sociaux quand il s’agissait de déclencher un dépistage.
Les médecins 2 et 16 n’envisageaient pas d’usage acceptable essentiellement en raison
de ce type de répercussions.
Parmi les neuf médecins (3, 4, 5, 6, 10, 12, 13, 14, 15) qui s’employaient à définir les
limites d’un usage acceptable, huit médecins (3, 4, 5, 6, 12, 13, 14, 15) ont considéré que
l’absence de ce type de répercussions était une condition sine qua non. Le médecin 10 aurait
pu implicitement faire partie de ceux qui étaient vigilants sur ce type de répercussions : « si
j’estime que c’est quelque chose d’isolé chez le jeune ».
-
Les expressions les plus caractéristiques étaient :
« qui a un boulot, qui a une copine, qui est inséré, qui est bien dans sa vie, qui est bien
dans sa peau » (3)
106
-
-
« que la personne soit bien dans sa tête, dans sa peau. Qu'elle soit bien dans sa famille,
dans son travail. Que tous les critères de la vie soient bien réglés. Dans la mesure où il
n'y a pas de retentissement sur la vie sociale et personnelle, » (5)
« mais voilà, qui continuent à travailler, euh voilà, qui ont la joie de vivre, qui rigolent,
qui sont bien dans leur peau » (14)
Dix médecins (1, 2, 4, 6, 9, 12, 13, 14, 15, 16) ont insisté sur la notion de rupture,
de changement de comportement ou d’isolement. Le médecin 9 et le médecin 14 ont été
particulièrement précis sur ce point :
- « rupture avec la société », « s’ils le sentent différent de d’habitude » (9)
- « c’est vraiment la rupture […] : y’a un avant et un après […], il s’est passé quelque
chose entre les deux » (14)
Huit médecins (1, 2, 4, 7, 8, 9, 13, 15) ont précisé des états psychologiques qui sont
synonymes d’usage nocif :
- démotivation (1, 2, 12) et un ralentissement psychomoteur (8);
- dépression (4, 9, 15) ;
- troubles du sommeil (13) ;
- troubles de mémoire, de concentration (2, 7, 13, 14) ;
- problèmes d’agressivité (7).
4.5.2.5.
Usage nocif en terme de technique de consommation
La technique de consommation par pipe à eau, ou bang, ou douilles, particulièrement à
risque, a été abordée dans douze entretiens (1, 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 16).
Cinq médecins (1, 2, 7, 10, 12) ont évoqué spontanément cette technique de
consommation. Seulement quatre d’entre eux (1, 2, 10, 12) semblaient bien connaître cette
technique et ses implications. Ils la recherchaient pour caractériser un usage. Ils considéraient
qu’il s’agissait d’un critère d’usage nocif du cannabis. Le médecin 7 a abordé spontanément
cette notion mais ne la recherchait pas et ne la connaissait pas bien.
Dans les sept autres entretiens (4, 5, 8, 11, 13, 15, 16), la question spécifique a été
posée mais aucun de ces médecins ne recherchait cette technique de consommation dans son
évaluation de l’usage. Cinq médecins (4, 7, 8, 11, 13) ne connaissaient pas ou connaissaient
mal cette technique. Le médecin 7, bien qu’ayant abordé spontanément le sujet, a avoué ne
pas connaître suffisamment cette technique. Deux médecins (5, 16) ont précisé simplement
qu’ils ne la recherchaient pas, sans toutefois préciser s’ils la connaissaient ou non. Le médecin
15 connaissait cette technique grâce aux explications du patient qu’il avait pris en charge pour
ce problème.
Parmi ces douze médecins, le médecin 10 a fait allusion au mode de confection du
pétard (nombre de feuille) et le médecin 10 a fait allusion au « spacecake » (pâtisserie à base
de cannabis). Le médecin 9 a fait allusion au nombre de bouffées consommées.
4.5.2.6.
Usage nocif en terme de conduites à risque
Cinq médecins (1, 7, 10, 11, 12) ont fait référence à la conduite automobile en état
d’ivresse cannabique. Le médecin 4 a fait allusion à une perte de contrôle, ce qui pouvait être
interprété comme une dangerosité au volant.
107
4.5.2.7.
Usage nocif en terme de co-intoxication
Huit médecins (1, 2, 4, 9, 10, 11, 12, 14) étaient attentifs à la prise d’autres toxiques
psychotropes. C’était le plus souvent l’alcool qui est cité (2, 4, 9, 12).
Le médecin 10 se renseignait également sur le fournisseur de l’usager. Il lui paraissait
inquiétant que l’usager puisse se fournir chez plusieurs revendeurs, qu’il puisse « être prêt à
tout » pour trouver du cannabis.
Le médecin 2, titulaire de la capacité d’addictologie et exerçant dans un centre de
désintoxication alcoolique, a confié que lors d’un sevrage d’alcool chez un patient
consommant également du cannabis, la prise en charge était plus difficile. Il estimait que le
sevrage de cannabis perturbait le sevrage éthylique de façon difficilement maîtrisable par les
techniques habituelles.
Le médecin 1 a fait également référence à des situations de co-intoxication où il était
nécessaire de prendre en charge chaque addiction. Selon les situations, il traitait d’abord l’une
des addictions avant de traiter l’autre.
4.5.2.8.
Usage nocif selon la situation clinique
Grossesse :
Le dépistage au moment de la grossesse a été abordé dans quinze entretiens (tous sauf
14).
Six médecins (1, 6, 8, 9, 12, 13) ont estimé qu’ils pouvaient aborder la consommation
de cannabis au cours de la grossesse.
Trois médecins (1, 6, 9) l’abordaient régulièrement. Le médecin 1 a estimé que sur la
durée de la grossesse, il aurait l’occasion de faire le point notamment sur la consommation de
cannabis. Le cas clinique du médecin 6 était en rapport avec l’inquiétude d’une jeune femme
en début de grossesse ayant consommé du cannabis de façon très occasionnelle. Nous avons
supposé qu’à l’avenir, du fait de cette expérience, elle aborderait le sujet lors des suivis de
grossesses. Le médecin 9 a estimé qu’il abordait tous les sujets avec une femme enceinte.
Trois autres médecins (8, 12, 13) réalisaient un dépistage dans certaines conditions. Ils
pouvaient dépister la consommation de cannabis selon le profil de leur patiente.
Neuf médecins (2, 3, 4, 5, 7, 10, 11, 15,16) n’abordaient pas ou abordaient plus
rarement le sujet. Cinq médecins (2, 4, 5, 7, 16) dépistaient moins cette consommation, pas
forcément ou pas systématiquement. Quatre médecins (3, 10, 11, 15) ne la dépistaient pas du
tout.
Dix médecins (1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 13, 16) ont déclaré aborder le tabac au moment de
la grossesse. Les cinq autres médecins (3, 5, 10, 12, 15) n’ont pas précisé leur attitude.
108
Travaux à risque
Le dépistage de la consommation parmi des patients exerçant des métiers à risque a été
abordé dans treize entretiens (tous sauf 6, 9, 14).
Onze médecins (1, 2, 3, 4, 5, 8, 11, 12, 13, 15, 16) ne pratiquaient pas de dépistage
dans ces conditions. Le médecin 4 a précisé avoir été obligé de prendre en compte un risque
éventuel de somnolence chez un patient travaillant en hauteur. Le médecin 12 a précisé que le
patient qu’elle avait pris en charge pour un problème de consommation de cannabis exerçait
un travail pour lequel l’altération de la vigilance était problématique.
Un seul médecin (10) avait tendance à dépister la consommation de cannabis du fait de
son activité à la commission médicale du permis de conduire. Le médecin 7 semblait
également sensibilisé au problème et envisageait de poser la question à cette occasion.
4.6.
Difficultés rencontrées par le médecin (annexe 31)
4.6.1. Les parents
Tous les médecins à l’exception du médecin 14 ont rapporté que la présence des
parents en consultation rendait le dépistage difficile. Deux médecins (8, 11) employaient
des méthodes originales pour discuter en tête à tête avec l’adolescent. Le médecin 8
demandait tout de suite aux parents de rester dans la salle d’attente, pour éventuellement les
faire rentrer par la suite. Le médecin 11 se servait de sa compétence en acupuncture pour
s’isoler avec l’adolescent. Le médecin 14 n’a pas abordé cette composante.
4.6.2. Le temps
Le facteur temps en consultation était un problème pour huit médecins (3, 4, 5, 6, 8,
12, 13, 16). Deux médecins (7 et 10) ont estimé qu’ils prendraient le temps nécessaire quitte à
prendre du retard dans leur emploi du temps. Le médecin 9 donnerait des « amorces » pour
reconvoquer le patient secondairement. Le médecin 12 a estimé également qu’il était possible
de reconvoquer le patient mais il craignait de ne pas le revoir. Le problème du temps n’a pas
été abordé dans cinq entretiens (1, 2, 11, 14, 15).
En définitive, le facteur temps était un obstacle pour les onze médecins qui ont été
interrogés à ce sujet même si certains toléraient un retard ou contournaient l’obstacle
d’une manière ou d’une autre.
4.6.3. Le médecin se sent démuni par rapport à ce problème
Le médecin 3 a été le premier médecin à employer le terme « démuni ». Par la suite,
la question a été systématiquement posée lors des entretiens. Au cours des entretiens 9 et 14,
le sujet n’a pas été abordé car ces entretiens précédaient l’entretien 3.
Dans les quatorze entretiens où la question a été abordée, treize médecins ont avoué se
sentir démunis. Seul le médecin 1 a estimé qu’il n’avait « pas l’impression d'avoir été désarmé
par rapport au cannabis ». Il a émis d’emblée une réserve en évoquant la possibilité que les
patients qu’il avait pu dépister ne s’étaient peut-être pas représentés à sa consultation.
109
Huit médecins (2, 3, 5, 6, 10, 11, 12, 15) ont estimé qu’ils n’avaient pas eu de
formation spécifique à la faculté.
Trois médecins (4, 7, 8) ont considéré qu’ils manquaient de connaissances sur le sujet
sans préciser s’il s’agissait d’un manque de formation universitaire.
Trois médecins (4, 6, 13) ont estimé qu’ils manquait d’expérience concernant le sujet
du cannabis.
Quatre médecins (2, 10, 11, 15) se sont appuyés sur leur propre expérience pour gérer
leur prise en charge :
- le médecin 2 a réalisé une prise en charge « au feeling » en s’appuyant sur sa
compétence en alcoologie, quant au médecin 15, il a fonctionné à l’ « intuition » ;
- le médecin 10 s’est appuyé sur son « abord » et sur son « habitude à parler avec les
gens » ;
- le médecin 11 a fait référence à ses propres souvenirs de soirées universitaires.
Indépendamment du manque de formation, de connaissance ou d’expérience, trois
médecins (3, 12, 13) ont éprouvé des difficultés d’orientation pour leur patient. Le réseau
d’addictologie n’était pas connu (3) ou les avis spécialisés étaient difficiles à obtenir (3, 12).
4.6.4. Caractère intrusif du dépistage
Sept médecins (2, 4, 5, 6, 7, 8, 13) ont estimé qu’il était difficile d’aborder le sujet en
consultation surtout si le motif de consultation n’avait rien à voir. Eventuellement, au cours
d’une consultation de prévention, le sujet était plus facilement abordé.
4.6.5. Aspect légal
Cinq médecins (2, 5, 7, 11, 13) ont considéré que le caractère illégal de la
consommation est un problème pour aborder le sujet en consultation.
4.6.6. Difficultés en rapport avec la relation médecin-malade, la coopération,
l’observance ou la réceptivité
Quatre médecins (1, 3, 8, 11) craignaient le côté moralisateur de leur discours sur le
cannabis.
Six médecins (1, 5, 8, 11, 12, 13) redoutaient de ne pas revoir le patient en
consultation.
Neuf médecins (2, 5, 6, 9, 11, 12, 13, 15, 16) craignaient d’être confrontés à des
problèmes de coopération ou d’observance.
Deux médecins (4 et 14) cherchaient à ménager leur patient, pour ne pas le choquer (4)
ou pour ne pas précipiter les choses (14).
110
4.6.7. Autres difficultés et appréhensions
Le médecin 2 a confié qu’il craignait de décompenser une pathologie psychiatrique
sous jacente en aidant le patient à réaliser un sevrage. Au sujet des prospectus d’information
mis à disposition dans la salle d’attente, il a pointé le fait qu’il fallait s’approvisionner
régulièrement et s’est plaint de l’accumulation de petites démarches.
Le médecin 3 a estimé qu’il était difficile d’adresser en consultation à l’ADI, un
adolescent qui présentait un usage occasionnel de cannabis. Les consultants à l’ADI étaient,
selon lui, dans des situations de toxicomanies plus sévères et il estimait que cette consultation
était peu adaptée pour recevoir un adolescent qui n’était pas dans une situation dramatique.
Le médecin 8 a constaté qu’il était difficile de percevoir une modification inquiétante
du comportement d’un adolescent à une période où il évoluait très rapidement et où il
consultait rarement son médecin.
Le médecin 12 a déclaré qu’il ne souhaitait pas s’impliquer dans le suivi de patients
toxicomanes.
Le médecin 16 a estimé qu’il était difficile de convaincre un jeune de stopper son
intoxication si celui-ci se sentait bien dans sa situation et ne voyait pas les dangers de son
intoxication. Le médecin 13 s’est interrogé sur la manière de convaincre un consommateur de
s’arrêter.
4.7.
Dangerosité du cannabis (annexe 32)
4.7.1. Le cannabis est-il une drogue douce ?
Dix médecins (tous sauf 5, 10, 11, 13, 14, 15) ont estimé que la qualification de
drogue douce n’avait pas de sens. Ils considéraient cette classification obsolète. Le médecin 2
a apporté une précision intéressante en distinguant les usages mous des usages durs plutôt que
de distinguer drogues douces et drogues dures.
-
-
Six médecins (5, 10, 11, 13, 14, 15) ont considéré qu’il s’agissait d’une drogue douce,
Mais que sa dangerosité dépendait de la personne qui en faisait usage (10, 14), du
motif de consommation et des effets recherchés (5, 14), de la fréquence de la
consommation et d’une éventuelle dépendance (5, 11) ;
Par rapport à d’autres drogues plus dures (13, 14) ;
Mais qu’elle était quand même dangereuse (15).
Au total, tous les médecins se sont accordés à dire que le cannabis possédait les
attributs d’une drogue à part entière et que ses effets pouvaient être très dangereux.
111
4.7.2. Quel est l’élément principal de dangerosité de ce produit ?
En réponse à cette question, les médecins ont cité :
-
Les conséquences psychiatriques pour douze d’entre eux (1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13, 15) ;
-
Les répercussions sociales, scolaires, professionnelles et le syndrome amotivationnel
pour neuf d’entre eux (2, 3, 4, 7, 8, 9, 13, 15, 16) ;
-
L’escalade vers d’autres drogues pour neuf d’entre eux (3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12) ;
-
La dépendance au produit pour sept d’entre eux (3, 4, 7, 8, 9, 11, 15) ;
-
Les conséquences physiques ou le risque d’accident pour six d’entre eux (1, 3, 4, 7,
11, 16) : hémorragie pulmonaire (1), hypofertilité (4, 16), accidents de la route (1, 4, 7,
11), conséquences physiques sans précision (3). Les médecins 10 et 12 avaient abordé
les risques d’accidents de la route dans les critères d’usage nocif mais n’ont pas repris
cet élément dans la question de la dangerosité principale.
-
Taux de THC, excipients, bang pour deux d’entre eux (1, 2).
4.7.3. Toxicomanie-dépendance
Les termes de toxicomanie ou de dépendance n’ont été employés dans aucunes
questions durant les entretiens. Pourtant, le terme dépendance a été employé spontanément
par treize médecins (tous sauf 15, 16, 5) et le terme toxicomanie ou addiction par six
médecins (1, 5, 6, 8, 9, 14).
Ce vocabulaire a donc été employé spontanément par quatorze médecins au total
lorsqu’ils ont fait allusion au cannabis.
4.7.4. La consommation de cannabis est-elle préoccupante ?
Douze médecins étaient préoccupés par la consommation de cannabis dans la jeunesse
actuelle. Les éléments cités étaient :
-
Banalisation et taux de pénétration parmi les jeunes pour douze médecins (1, 2, 3, 4, 7,
8, 9, 10, 12, 13, 15, 16) ;
Absence de relation effet-dose pour un médecin (1) ;
Précocité de la consommation pour deux médecins (2, 10, 13).
Il faut signaler que ce point n’a pas été abordé dans les entretiens 5, 6, 11.
112
5.
Discussion
5.1.
Résultat principal et ses implications
Nous avons établi, dans la première partie de ce travail, les dangers de la
consommation de cannabis. Il nous semble donc important de promouvoir le dépistage de la
consommation de cannabis dès l’âge de 14 ans en médecine générale.
Nous avions émis l’hypothèse que le dépistage de la consommation de cannabis n’est
pas réalisé en pratique courante de médecine générale. Il survient généralement au moment
d’un problème psychiatrique, social, scolaire ou professionnel.
De manière générale, les médecins généralistes ont bien intégré leur rôle d’intervenant
en prévention primaire mais à un moindre degré pour ce qui concerne notamment les
addictions. Les données concernant l’usage abusif de cannabis étant plus rares que celles
concernant celui de l’alcool ou du tabac, les données présentées ici ne concernent pas
spécifiquement le cannabis mais elles semblent être un bon témoin des pratiques de ville. En
effet si 18% des consultants en médecine générale présentent un risque ou une pathologie
associée à une alcoolisation, à peine la moitié serait identifiée en tant que telle par le
généraliste. Une étude a montré que devant un patient en bonne santé, c’est moins de la moitié
des généralistes qui disent poser systématiquement une question d’investigation concernant
l’alcool ou le tabac. Mais cette proportion augmente entre 60 et 90% si le patient présente une
symptomatologie, un état physiologique ou une pathologie en rapport possible avec
l’addiction : asthme, diabète, grossesse, maladie cardio-vasculaire…etc. (195)
Au total, les généralistes envisagent surtout les consommations abusives lors de dépendances
installées. Il dépistent les abuseurs non symptomatiques seulement lors d’une comorbidité et
restent réticents pour le dépistage systématique
Selon les résultats de notre étude, les médecins n’abordaient jamais systématiquement
la consommation de cannabis notamment lors des certificats. Notons que la consommation de
tabac était dépistée par quatorze médecins soit presque systématiquement.
Les médecins que nous avons interrogés recherchaient la consommation de cannabis à
l’occasion d’une complication. Dans leur pratique, les principaux éléments qui les incitaient à
pratiquer un dépistage étaient, par ordre de fréquence :
- des troubles anxieux pour 14 médecins ;
- des conflits familiaux pour 13 médecins ;
- des troubles dépressifs pour 12 médecins ;
- des éléments de présentation pour 12 médecins ;
- les traits de personnalité pour 11 médecins ;
- l’environnement, l’appartenance à un groupe de pairs, les sorties pour 10 médecins ;
- un isolement social pour 10 médecins ;
- des difficultés scolaires ou professionnelles pour 10 médecins ;
- des troubles à type d’irritabilité ou de violence pour 10 médecins ;
- un syndrome amotivationnel pour 9 médecins ;
- des troubles psychotiques aigus pour 8 médecins ;
- des troubles du sommeil pour 8 médecins ;
- la situation conjugale des parents pour 8 médecins.
113
Nous nous sommes donc interrogés sur les raisons pour lesquelles ce dépistage n’est
pas réalisé de façon plus systématique. Nous avons émis les hypothèses suivantes :
- le médecin manque-t-il d’informations sur les caractéristiques d’un adolescent à
risque ?
- le médecin manque-t-il d’informations sur l’usage nocif de cannabis ?
- le médecin rencontre-t-il des difficultés dans son dépistage ?
- le médecin estime-t-il que le cannabis ne représente pas un danger ?
5.1.1. Manque d’informations sur les caractéristiques de l’adolescent à risque ?
Après analyse de l’ensemble des entretiens, nous avons constaté qu’il était possible de
dresser une liste exhaustive de l’ensemble des facteurs de vulnérabilité et des facteurs de
risque d’une consommation de cannabis tels qu’ils sont définis dans la littérature. Chaque
médecin n’a certes pas fait référence à l’ensemble des facteurs de risque, mais nous estimons
que chacun d’entre eux, en connaît suffisamment pour réaliser un dépistage.
En effet le médecin généraliste connaît en général la situation conjugale des parents,
les antécédents parentaux psychiatriques ou addictifs. Il est également rapidement informé de
l’ambiance familiale notamment lorsqu’un adolescent consulte en présence d’un de ses
parents.
Le médecin réalise tous les ans à la rentrée bon nombre de certificats de santé pour
l’école ou les loisirs. Il sait ainsi quelles sont les activités de son patient. A l’inverse, s’il se
rend compte, au moment d’une consultation pour une pathologie saisonnière, qu’il n’a pas vu
son patient pour la délivrance d’un tel certificat, il peut légitimement se poser la question soit
d’un certain isolement, soit de la cessation récente d’une activité de loisir pratiquée les années
précédentes. Il est également facile pour lui de se renseigner sur le niveau scolaire d’un
adolescent et de détecter un éventuel retard scolaire. L’adolescent passe en général l’essentiel
de son temps à l’école et que le médecin s’intéresse à son quotidien ne le formalisera pas.
Par ailleurs le médecin généraliste cerne rapidement la personnalité ou l’état d’esprit
d’un adolescent en se basant sur son attitude en consultation, sa présentation, sa tenue
vestimentaire, sa coiffure ou la présence éventuelle de marques tégumentaires (tatouages,
piercing). Il peut également se faire une idée sur l’appartenance à tel ou tel groupe de pairs.
Le milieu du surf a souvent été cité dans nos entretiens. Le terme dreadlocks est également
souvent mentionné quand il s’agit de dresser un portrait type du fumeur de cannabis. Quant
aux marques tégumentaires, il est instructif de s’intéresser à leurs significations. Nous
apportons en annexe 24 quelques éléments d’explication. La description du ressenti d’un
surfeur lorsqu’il pratique son sport nous semble très proche des sensations que recherche un
certain nombre de consommateurs de cannabis. Une explication du terme dreadlocks est
également fournie avec une courte description du mouvement rastafari. Nous citons, dans
cette annexe, Catherine Grognard, dermatologue, pour comprendre la symbolique du « signe
tégumentaire » (196).
Enfin, le médecin généraliste est le recours le plus fréquent en cas de problèmes divers
au moment de l’adolescence : problème de poids, troubles du sommeil, troubles anxieux,
problèmes dermatologiques, troubles hormonaux…etc. Il s’avère parfois, et le médecin 10
nous l’a signalé, que le patient consulte pour des motifs ne justifiant pas forcément un avis
médical. En prenant conscience de ces consultations apparemment anodines et souvent
114
brèves, le médecin peut en profiter pour creuser la question d’un mal-être, d’une anxiété, de
troubles du sommeil ou d’une consommation de toxiques. Nous y reviendrons.
Ainsi, nous avons constaté que les facteurs de risque et de vulnérabilité étaient connus
par la plupart des médecins. Nous venons de voir que la plupart de ces paramètres sont
facilement accessibles pour le généraliste et qu’au contraire, l’adolescent apprécie que le
médecin s’intéresse à lui. Nous pouvons donc en conclure que l’absence de dépistage
généralisé n’est pas liée à un manque d’informations sur l’adolescent à risque, ni à une
accessibilité difficile de ces informations.
5.1.2. Manque d’informations sur l’usage nocif ?
-
L’usage nocif de cannabis se caractérise principalement :
par la survenue de dommages psycho-sociaux liés à la consommation;
par l’augmentation de la consommation ;
par certaines circonstances d’usage (seul, le matin, au volant) ;
par certains modes d’usage (« défonce »).
Les médecins distinguaient pour la plupart l’usage festif, qui pouvait être toléré sous
certaines conditions, de l’usage nocif. Les éléments les plus cités étaient la fréquence de la
consommation, la notion d’usage en groupe ou solitaire, en soirée ou le matin et les
répercussions dans la vie de tous les jours avec la notion de rupture. Les intoxications
associées sont également souvent recherchées par les médecins.
Concernant les situations à risque (grossesse, conduite automobile, travaux nécessitant
une vigilance importante), les médecins que nous avons interrogés sont globalement moins
vigilants.
Malgré tout, il ressort de notre étude, que les médecins sont capables de caractériser un
usage nocif de cannabis, principalement en se basant sur les dommages psycho-sociaux. Nous
pouvons donc conclure que l’absence de dépistage de l’usage de cannabis n’est pas liée à un
manque de connaissances sur les caractéristiques principales de l’usage nocif.
115
5.1.3. Difficultés rencontrées dans son dépistage ?
5.1.3.1.
Facteur temps
Les médecins de notre étude ont soulevé le problème du temps en médecine générale.
Aborder la question de la consommation de cannabis en consultation prend du temps.
L’activité de médecine générale est caractérisée justement par le manque de temps. Il s’avère
également que la plupart des médecins ne craignent pas seulement de passer du temps et de
prendre du retard mais surtout de perdre leur temps inutilement. Certains ont le mauvais
souvenir de situations difficiles ayant nécessité beaucoup d’investissement en temps et en
énergie mais n’ayant pas abouti. Ils gardent un ressenti d’ingratitude ou d’inefficacité dans ce
domaine. Nous reviendrons sur la motivation du médecin à prendre en charge un problème
lié aux addictions.
Le nombre de médecins prêts à prendre du temps pour modifier un comportement de
consommation d’alcool ou de tabac diminue considérablement avec le temps de consultation
effectué. Selon Pouchain et coll. (197), 75 à 81% des généralistes sont disposés à prendre 5 à
10 minutes, mais seulement 22 à 32% peuvent envisager de prendre 11 à 30 minutes. Ainsi
trois fois moins de médecins sont prêts à prendre trois fois plus de temps.
D’après le Pôle de Ressource National (198), si le médecin généraliste n’a pas le
temps, il dispose en revanche de la durée. Le médecin généraliste bénéficie en effet de la
répétition des contacts avec son patient. Il peut mettre à profit cette répétition pour reprendre
une discussion ébauchée. Il peut même, dans une certaine mesure, provoquer la répétition
(ordonnance pour une période courte, prescription d’examens complémentaires…) (199).
Il nous semble capital d’évoquer la question du cannabis chez les adolescents même en
fin de consultation pour un autre motif, quand le temps imparti pour celle-ci est terminé. Il
sera toujours temps, par exemple, de fournir un fascicule d’information. Si le dépistage
s’avère positif au détour d’une question anodine, la remise d’un questionnaire
d’autoévaluation peut être une solution. Il s’agit alors de convaincre le patient de revenir en
consultation pour parler spécifiquement du problème. Environ un tiers des médecins de notre
étude craignent que le patient ne revienne pas en consultation. Or, selon Philippe Binder
(200), l’expérience montre qu’une proposition de rendez vous ultérieur est pratiquement
toujours acceptée par l’adolescent, particulièrement s’il va mal. Le médecin, en revanche,
peut redouter un forçage intrusif ou craindre le début de la consultation suivante où les
positions habituelles seront inversées : « Je vous écoute docteur… ».
Dans tous les cas, il nous paraît important de ne pas faire du temps un facteur limitant.
Par ailleurs, au cours de notre étude, trois des sept médecins, ont assuré une prise en charge
du problème lié à la consommation de cannabis sur seulement 2 à 3 consultations. Un des
médecins considère même qu’il suffit en général de pointer le problème pour que la situation
s’améliore.
116
5.1.3.2.
Le problème des parents
La présence des parents a été fréquemment évoquée au cours de notre étude. Elle
rendait difficile le dépistage de la consommation de cannabis.
L’adolescent en consultation de médecine générale est souvent accompagné par un
parent. A 18 ans, les deux tiers des rendez vous chez le généraliste sont sollicités par les
parents. D’ailleurs, 51% des filles et 61% des garçons viennent accompagnés par un parent en
consultation (200). La présence d’un parent permet une information sur l’histoire de
l’adolescent, sur la situation familiale présente et passée, sur la place de l’adolescent au sein
de la famille. Elle peut aussi rendre difficile l’abord de certains sujets sensibles comme la
consommation de tabac ou de cannabis, les relations sexuelles, la souffrance
psychologique…etc.
Le Dr Cécile Peyrebrune (201) apporte un éclairage intéressant concernant la gestion
du tiers (le parent) en consultation. L’objectif final est de favoriser l’autonomie de
l’adolescent tout en respectant et en valorisant le rôle parental. Le médecin généraliste doit
notamment :
- poser un cadre de consultation ;
- donner une place à l’adolescent et respecter ses plaintes ;
- désangoisser le tiers ;
- se positionner en protecteur de l’adolescent et de sa famille ;
- faire office de repère pour l’adolescent ;
- informer l’adolescent sur son champ d’intervention ;
- rappeler sa neutralité et la confidentialité de la consultation.
Selon elle, l’examen clinique est un moment important de la consultation. Il permet de
concrétiser la place donnée à chacun. C’est un moment de confidentialité pour l’adolescent. Il
est important que le médecin explique l’intimité de l’examen. Dans l’idéal, cet examen sera
réalisé sans la présence du parent. Un compromis est ensuite établi avec l’adolescent
concernant les informations qu’il accepte que le médecin divulgue au parent.
Cette conception nous semble intéressante car elle permet, entre autres choses, de
s’isoler avec l’adolescent. Cette habileté du médecin sera développée dans la durée, au fil des
consultations pour des motifs divers. Finalement, l’adolescent se présentera seul en
consultation et l’un des principaux écueils au dépistage pourra être levé.
En attendant cet aboutissement, il est difficile de faire sortir le tiers du bureau de
consultation pour réaliser l’examen clinique d’une infection ORL par exemple. Dans tous les
cas, il nous semble possible d’aborder la question du tabac ou du cannabis devant le moindre
signe suspect voire même de façon systématique. C’est le médecin qui endosse la
responsabilité d’un tel dépistage. L’adolescent a toujours la possibilité de mentir
temporairement s’il est surpris ou gêné d’aborder le sujet avec le médecin ou devant le parent.
Encore une fois, la remise d’un fascicule d’information n’engage l’adolescent à rien. En
revanche, l’information est passée : le jeune sent que le « docteur » se préoccupe de sa santé
et surtout, il a repéré un interlocuteur potentiel, un recours. Le parent accompagnant sait
également qu’il pourra recourir au médecin en cas de problème.
117
5.1.3.3.
Le médecin se sent démuni et/ou incompétent
Au cours de notre étude, les médecins s’estimaient démunis pour dépister ou prendre
en charge une consommation de cannabis. Il s’agissait d’un manque de compétences, de
formation universitaire, d’expérience mais également de difficultés d’orientation.
Le sentiment d’incompétence à propos des addictions en général et du cannabis en
particulier est largement répandu chez les médecins généralistes. 43% des médecins
généralistes se sentent opérationnels pour prendre en charge un problème lié au tabac, 30%
pour un problème d’alcool et 18% pour un problème de drogue. Le désir de formation,
fréquemment évoqué, est malheureusement peu suivi d’effet (195).
Par ailleurs, dans notre étude, sept médecins nous ont décrit une prise en charge
détaillée concernant un problème de cannabis. Il s’avère qu’ils ont respecté les étapes d’une
prise en charge recommandée :
- cinq médecins ont manœuvré pour obtenir une alliance thérapeutique tandis que les
autres ont bénéficié d’une alliance plus spontanée ;
- les sept médecins ont évalué les conséquences négatives de l’usage ;
- ils ont presque tous prescrit un traitement adapté aux symptômes de façon transitoire ;
- cinq médecins ont employé des techniques d’interventions brèves notamment en
travaillant sur les notions de motivation et d’ambivalence ;
- six médecins sont parvenus à reconvoquer leur patient ;
- en l’absence de comorbidités, les prises en charge ont été courtes la plupart du temps ;
- en présence de comorbidités, des consultations spécialisées ou des hospitalisations ont
été envisagées.
Les cinq autres médecins amenés à gérer ce type de situations ont été amenés à réaliser
des prises en charge plus limitées mais ont toujours apporté une réponse sous forme
d’information/conseil, orientation vers un psychiatre ou un addictologue.
Il est curieux de constater que, dans les prises en charge décrites, les éléments qui sont
le moins cités sont ceux qui relèvent le plus de la compétence de médecine générale. Parmi
ces sept médecins, seuls trois décrivent un examen somatique et aucun d’entre eux n’a fait
appel à un travailleur social.
Ainsi, notre étude nous a permis de constater que les éléments du dépistage et la
caractérisation de l’usage étaient connus par les médecins. Nous venons également de
constater que les prises en charge ont été conduites de manière adéquate.
5.1.3.4.
Caractère intrusif du dépistage
Nous avons déjà évoqué la difficulté d’aborder le sujet de la consommation de
cannabis notamment en présence d’un tiers. Le fait qu’un dépistage de cannabis puisse être
perçu comme intrusif a été rapporté dans notre étude.
A la lumière de ce travail et partant du principe que le dépistage de la consommation
de cannabis est fortement souhaitable parmi les adolescents, il nous semble que, sans aborder
frontalement et systématiquement le sujet du cannabis, le médecin est parfaitement légitime
lorsqu’il explore les différents compartiments de la vie d’un adolescent et cela, quel que soit
le motif initial de consultation. L’usage nocif de cannabis s’accompagne par définition de
118
certains dysfonctionnements dans la vie de l’adolescent. Il nous semble alors plus naturel de
partir de ces dysfonctionnements pour aborder la question du cannabis. Par ailleurs, il semble
qu’un excès de préoccupation du médecin envers un adolescent qui va bien ne porte pas à
conséquence (200).
Une thèse de médecine générale (202) a montré que, parmi des adolescents qualifiés
« à risque de problèmes psycho-sociaux» selon les critères de l’étude, les jeunes trouvent que
leur médecin traitant n’est pas assez curieux à leur égard et trop silencieux pendant la
consultation. Les adolescents « à risque » sont deux fois plus nombreux que les adolescents
« non à risque » à exprimer cette opinion. Par ailleurs, il apparaît, dans cette même étude, que
les adolescents préfèrent que le médecin ait l’initiative de l’information. Plusieurs médecins
de notre étude ont d’ailleurs rapporté qu’à la question « est ce que vous fumez ? », ils
s’entendaient souvent répondre « non, enfin pas du tabac ».
Les données épidémiologiques sur la consommation de cannabis justifient largement
un dépistage en médecine générale dès 14 ans. Nous estimons que le caractère intrusif du
dépistage ne devrait pas être un frein à sa réalisation.
5.1.3.5.
Aspect illégal du produit
Le cannabis est un produit illicite en France. Nous avons déjà mentionné, les opinions
des médecins et de la population en général sur le cannabis.
Dans notre étude, certains médecins se sont montrés réticents à pratiquer le dépistage
d’une consommation illégale. Ils craignent d’offenser leur patient en le soupçonnant de
pratiques illégales.
Deux réflexions sont possibles devant cette réticence. D’une part, compte tenu de la
diffusion et de la banalisation du cannabis, chez les jeunes notamment, il ne nous semble pas
inopportun d’aborder le sujet en consultation de médecine générale. D’autre part, le médecin
généraliste intervient dans le domaine sanitaire et non judiciaire ou moral. La notion d’interdit
légal ne nous semble pas avoir sa place sur le plan médical surtout lorsqu’il s’agit d’un
comportement de consommation. Ainsi, nous considérons que les médecins qui le souhaitent,
peuvent clarifier leur rôle de soignant auprès de leurs patients. Il apparaît d’ailleurs, compte
tenu de l’analyse des entretiens des médecins présentant cette réticence, qu’il ne s’agit là que
d’une réticence minime. Cette notion nous semble cependant importante puisqu’elle est
probablement un frein plus conséquent du coté des patients et notamment des adolescents
lorsqu’ il s’agit d’avouer une telle consommation. Ainsi, il est certainement très utile de
rappeler et de préciser à ces jeunes patients, la spécificité du rôle du médecin et les impératifs
de confidentialité qui lui incombent.
5.1.3.6.
Difficultés en rapport avec la relation médecin-malade
Nous avons déjà évoqué l’importance de l’alliance thérapeutique dans une prise en
charge addictive.
Dans notre étude, certains médecins craignaient le côté moralisateur de leur discours.
Ils redoutaient également de ne pas revoir leur patient en consultation ou d’être confrontés à
des problèmes d’observance ou de coopération.
119
Ainsi, la construction de la relation médecin-jeune patient au moment du dépistage
puis celle de l’alliance thérapeutique lorsqu’un dépistage s’avère positif, sont des étapes à ne
pas négliger. Nous détaillerons dans la dernière partie de cette discussion quelques pistes pour
optimiser cette étape clé.
5.1.3.7.
Autres difficultés et appréhensions
Un des médecins soulève la difficulté d’approvisionnement en prospectus
d’information. Nous n’avons pas cherché à contacter les organismes éditeurs de ces fascicules
mais en revanche, ces prospectus sont disponibles gratuitement sur Internet notamment sur le
site du Pôle de Ressource National (198) ou sur celui de l’Institut National de Prévention et
d’Education pour la Santé (203).
Nous avons déjà évoqué les réticences d’un des médecins à adresser son patient dans
un centre pour toxicomane.
Un médecin estime que les changements de comportement sont très rapides au
moment de l’adolescence et qu’il est difficile de les percevoir d’autant plus que les
adolescents consultent rarement. Pourtant les rencontres entre le médecin et l’adolescent ne
sont pas si rares. Selon une étude, les garçons consultent en moyenne 2,1 fois par an leur
médecin et les filles 2,5 fois (204). Selon l’étude LYCOLL (195), portant sur des adolescents
scolarisés en classes de troisième et de seconde (toutes orientations confondues), les fumeurs
de tabac exclusif, les adolescents fréquemment ivres ou les consommateurs de cannabis,
consultent en moyenne 4 fois par an leur médecin alors que les adolescents abstinents ne
consultent que 3,3 fois par an. De plus, 86,5% des adolescents consommateurs de drogues
illicites au moins chaque semaine, ont consulté au moins une fois un médecin généraliste dans
l’année.
Un médecin trouvait difficile de convaincre un adolescent de modifier son
comportement de consommation si ce dernier n’en soupçonne pas les inconvénients. Les
techniques d’interventions brèves à visée motivationnelle nous semble une bonne solution
pour remédier à ce problème.
Un médecin nous a déclaré qu’il ne souhaitait pas s’impliquer dans le suivi de
problèmes d’addictologie. Plusieurs études permettent d’estimer le degré d’engagement des
médecins généralistes dans ce domaine (195) :
- 1 à 3% des médecins sont des militants prêts à d’organiser ;
- 7 à 15% sont motivés et prêts à participer régulièrement à un réseau formalisé ;
- 20 à 30% sont intéressés et prêts à participer à des actions ou des formations
ponctuelles ;
- 40 à 55% sont indifférents mais réceptifs à une sensibilisation ;
- 10 à 20% sont irréductibles et s’opposent à toutes formes de changement dans ce
domaine.
Compte tenu des différents commentaires que nous avons déjà réalisés à propos des
raisons pour lesquelles le dépistage de la consommation de cannabis n’était pas réalisé, il nous
semble que la question de la motivation du médecin à pratiquer ce dépistage pourrait être un
facteur important. Les dernières difficultés que nous avons évoquées nous semblent participer
d’un manque de motivation de la part du médecin. Cette hypothèse n’a pas été explorée au
cours de notre étude. Ainsi des travaux plus spécifiques pourraient être informatifs dans
120
l’avenir. Prendre en charge l’addiction semble en effet soulever un certain nombre de
réticences spécifiques : crainte d’une altération de l’image de sa patientèle par une trop grande
fréquence de toxicomanes dans la salle d’attente, engagement du médecin à réaliser des
changements de comportement chez leur patients qui semble grevé soit d’hésitations soit de
déceptions.
5.1.4. Consommation sans danger ?
Selon notre étude, les médecins généralistes étaient préoccupés par la banalisation de
la consommation de cannabis dans la jeunesse actuelle. Pour eux, le cannabis possède les
attributs d’une drogue à part entière. La qualification de drogue douce, si elle était encore
valable pour certains, ne s’entendait que sous condition. Les conséquences psycho-sociales
étaient largement citées comme étant les plus préoccupantes. La thèse de l’escalade était
également citée par sept médecins. Un seul médecin estimait que la dangerosité du cannabis
n’était pas dose-dépendante. Il rejoignait ainsi les 50,8% des personnes interrogées dans
l’étude EROPP qui estimaient que le cannabis est dangereux dès la première consommation.
Ainsi, les médecins interrogés considéraient que la consommation de cannabis
représentait un danger réel pour l’adolescent. L’hypothèse d’une sous estimation du danger
par le médecin généraliste n’est donc pas vérifiée.
Conclusion
Nous avons successivement abordé les différentes hypothèses susceptibles d’expliquer
la carence de dépistage de la consommation de cannabis. Notre étude nous a permis de
constater que la plupart de ces hypothèses ne se vérifiaient pas. Par ailleurs, les principales
difficultés avancées par les généralistes ne semblent pas insurmontables. La question de la
motivation réelle du médecin à pratiquer un tel dépistage, compte tenu de ses implications,
reste une hypothèse à éclaircir.
121
5.2.
Les limites de notre étude
5.2.1. Effectif restreint
Nous avons réalisé une enquête auprès de 16 médecins généralistes. Il est difficile
d’extrapoler les résultats à l’ensemble de la population médicale à partir d’un échantillon si
réduit. Nous avons appliqué le principe de saturation théorique quand, après les trois derniers
entretiens, plus aucune donnée nouvelle n’apparaissait. Pour des raisons de temps
principalement, nous n’avons pas réalisé un nombre plus grand d’entretiens pour vérifier la
saturation de notre modèle. La retranscription des entretiens et leur analyse auraient demandé
trop de temps.
5.2.2. Age des patients
Dans notre étude, neuf patients sur dix avaient moins de 26 ans. Cependant seulement
un tiers d’entre eux étaient âgés de moins de 18 ans et pouvaient être considérés comme des
adolescents à part entière. Cependant, nous estimons que la période de l’adolescence se
prolonge actuellement dans notre société notamment du fait de la prolongation des études et
de l’entrée plus tardive dans la vie active. D’autre part, si l’émergence à l’adolescence des
problèmes d’addiction semble en partie liée à des problèmes développementaux non résolus
dans l’enfance, il se pourrait que la pérennisation de ces comportements chez les jeunes
adultes procède de conflits non résolus au moment de l’adolescence.
5.2.3. Médecins récemment installés
Nous avons sélectionné des médecins ayant obtenu leur thèse depuis 2001 et s’étant
récemment installés. Nous avons pris cette décision pour plusieurs raisons.
D’une part, nous avions la certitude que ces médecins avaient eu accès à une formation
universitaire spécifique concernant l’addictologie en général sous forme de séminaire, où la
consommation de cannabis, à défaut d’être développée, était au moins évoquée.
D’autre part, nous étions convaincus que les médecins de cette génération avaient été
confrontés à titre personnel à l’augmentation de la consommation de cannabis dans leur
entourage et durant leurs études. Nous étions convaincus d’éviter ainsi les amalgames avec
d’autres drogues et les clichés du drogué ou du toxicomane. En effet, ces médecins avaient
probablement déjà eu des amis consommateurs, quand ils n’avaient pas déjà expérimenté euxmêmes le cannabis. Nous estimions donc que de jeunes médecins seraient plus familiarisés
avec le produit ce qui pouvait leur permettre d’émettre un jugement objectif.
Pourtant, nous estimions que cette génération avait été spécifiquement sensibilisée aux
dangers du cannabis durant sa jeunesse. Nous voulions éviter d’être confrontés à des
médecins plus âgés, formés dans les années soixante dix et qui auraient pu, pour certains tout
au moins, faire preuve d’une plus grande tolérance vis-à-vis de ce produit en se référant au
cannabis qui circulait au moment de leur jeunesse et de leur formation. A l’inverse, certains
médecins plus âgés auraient pu se montrer plus arbitraires et moins souples en considérant les
drogues dans leur ensemble.
122
Nous avons bien conscience que ce critère nous a privé de l’expérience de médecins plus
âgés. Des médecins plus expérimentés nous auraient certainement apporté :
- un nombre plus important de situations cliniques ;
- des descriptions familiales plus complètes ;
- des trajectoires plus précises d’adolescents suivis depuis l’enfance ;
- des prises en charge plus prolongées avec plus de recul dans le temps ;
- une compétence plus affirmée en addictologie basée sur leur expérience en matière de
suivi de patients alcooliques par exemple ;
- une vision plus fidèle de la notion de médecin de famille ;
- une meilleure connaissance de leur quartier.
Cependant, nous avons eu l’occasion de constater que la majorité des jeunes médecins
avaient été confrontés à au moins un problème lié au cannabis. D’autres part, dans un certain
nombre de situations, les patients consultant pour un problème lié au cannabis voyait le
médecin pour la première fois. La situation devait être rapidement cernée pour pouvoir
accéder à un maximum d’informations. Certains médecins se sont même montrés plus à l’aise
pour aborder le sujet au moment d’une première consultation avec un patient qu’ils ne
connaissaient pas.
5.2.4. Facteurs de risque de consommation ou critères de consommation nocive ?
-
Il nous a paru difficile tout au long de ce travail de distinguer :
les facteurs de risque et de vulnérabilité induisant un risque plus grand pour
l’adolescent de consommer de façon nocive du cannabis,
des éléments cliniques témoignant d’une consommation avérée de cannabis.
Le médecin généraliste va déclencher un dépistage devant ces deux catégories
d’éléments. Par ailleurs, les médecins ont évoqués, dans leur cas clinique, des facteurs de
vulnérabilité ou de risque. Parfois, ces éléments n’ont pas été repris dans la question « Quel
est l’adolescent à risque ». A l’inverse, dans la question spécifique, des facteurs non
mentionnés dans leur cas clinique ont été cités.
C’est pourquoi, pour l’analyse de la question - « Quels événements ou antécédents
vous incitent à pratiquer un dépistage chez un adolescent ? Quel est l’adolescent à risque ? » -,
nous avons répertorié les facteurs de risque et les marqueurs de consommation rapportés dans
les cas cliniques ainsi que les réponses spécifiques à cette question.
5.2.5. Difficultés d’interprétation et de collecte des données
Nous avons été amenés à définir des thèmes pour la réalisation de notre analyse. Il
était parfois difficile d’intégrer l’opinion de tel ou tel médecin dans chacun de ces thèmes.
Nous avons donc été obligés d’interpréter les propos des médecins de la façon la plus fidèle
possible. Les citations en rapport avec les thèmes abordés dans l’analyse sont disponibles
dans les annexes 27 à 32 pour rendre compte des propos réellement tenus par les médecins. Le
lecteur pourra ainsi, en toute transparence, juger de l’interprétation qui a été faite.
123
De manière générale, les médecins avaient beaucoup de choses à dire sur le sujet du
cannabis. Cela a été essentiel pour obtenir un maximum d’informations, mais cela nous a
également posé des problèmes pour recueillir ces informations. Il était fréquent qu’un
médecin aborde un sujet sans rapport avec la question en cours. Les informations étaient donc
disséminées dans l’entretien. Il est possible que certaines d’entre elles nous aient échappé.
5.2.6. Les propos des médecins ne correspondent pas forcément à leur pratique
Nous avons incité les médecins, tout au long des entretiens, à raisonner par rapport à
leurs pratiques. Pourtant, nous devons admettre que les médecins n’ont pas forcément détaillé
leurs pratiques. Nous nous étonnions, par exemple, de voir que peu de médecins pratiquaient
un examen somatique au cours de leur prise en charge. Sans question spécifique sur l’examen
clinique, il n’est pas possible de conclure sur ce point.
5.3.
Propositions pour un dépistage de la consommation de cannabis chez
l’adolescent (200) (205)
Nous avons exposé tout au long de ce travail, les facteurs de vulnérabilité, les facteurs
de risque, les facteurs de gravité ainsi les risques sanitaires et psycho-sociaux d’une
consommation de cannabis chez l’adolescent. La question d’un dépistage d’une
consommation de cannabis en consultation de médecine générale pose en réalité la question
d’un dépistage du mal-être de l’adolescent et des dysfonctionnements dans sa vie quotidienne.
Le produit cannabis est un leurre pour l’adolescent comme pour sa famille. Le médecin doit
détecter les tenants et les aboutissants de sa conduite de consommation.
L’adolescence est une période de transformations physiques et psychiques constantes.
Le rapport à autrui y est bouleversé avec une influence de l’environnement d’autant plus
grande que l’étayage interne a été fragilisé. La relation avec le médecin généraliste n’y
échappe pas. La consultation de l’adolescent est donc une rencontre spécifique. Elle nécessite
un effort relationnel. Par ailleurs, dans cette période de bouleversements, l’enjeu dépasse bien
souvent le motif initial de la consultation. L’adolescent doit avoir l’occasion de s’exprimer
par lui-même et pour lui-même. C’est le moment où l’enfant qu’il était, peut découvrir en
sécurité l’expérience d’être sujet parlant de soi dans une expression confiée à un adulte hors
du champ familial. Pour le médecin, la consultation permet de mettre en scène le théâtre de la
famille et de mettre à jour son système relationnel. C’est enfin un temps d’explications où
peuvent s’introduire des éléments de prévention et de dépistage de pathologies somatiques ou
psychiques.
5.3.1. La rencontre de l’adolescent et du médecin
Il se peut que l’adolescent soit suivi de longue date par son médecin. Si l’enfant est
connu, le médecin doit reprendre contact avec l’adolescent. Faire des remarques sur son passé
peut le contrarier. L’adolescent aime se démarquer de l’enfant. Reconnaître cette
transformation peut se faire indirectement par un passage au vouvoiement ou un
questionnement sur son actualité.
Le médecin doit rappeler sa position, son rôle, ses possibilités et ses obligations. Il se
place en position d’expert et de professionnel médical. Si 92% des adolescents pensent que le
médecin généraliste peut les aider sur le plan de la santé physique, ils ne sont que 55% à
124
penser qu’il peut les aider pour un problème sexuel et seulement 32% pour une éventuelle
dépression. Le médecin généraliste doit s’inscrire en pivot : si un problème dépasse son
champ de compétence, il reste le référent principal pour proposer un recours à un spécialiste
ou à un partenaire social. Il doit donc redéfinir ses aptitudes à l’adolescent. La réaffirmation
du secret médical est une priorité. 10% des adolescents pensent que le médecin a le droit de
divulguer la teneur de la consultation (202). La loi précise qu’un mineur peut s’opposer à ce
que le médecin informe le ou les titulaires de l’autorité parentale sur son état de santé. Le
médecin doit cependant tout mettre en œuvre pour s’efforcer d’obtenir son consentement.
Mais en cas d’opposition persistante, la décision du mineur doit être respectée et la prise en
charge thérapeutique peut débuter. Dans cette circonstance, le mineur doit se faire
accompagner d’un adulte de son choix.
Nous reparlerons de la gestion du tiers en consultation.
Les quelques préalables que nous avons décrits permettent d’établir l’alliance
thérapeutique. Chacun est dans son rôle et la consultation, à proprement parler, peut
commencer.
5.3.2. La conduite de la consultation
5.3.2.1.
Les fondamentaux
Tout au long de la consultation, le médecin peut se fixer quatre objectifs
fondamentaux :
Favoriser l’expression en aménageant plus de liberté de parole et d’action
Il s’agit d’être attentif aux différents codes, attitudes, tenues et langage, sans pour
autant chercher à les imiter. Face à une incompréhension du médecin, sa demande
d’explication valorise en général l’adolescent.
Etablir une relation de soin où l’adolescent trouve plus d’autonomie, de confort et de
sécurité
Le médecin doit imposer une distance relationnelle. La relation médicale met une
distance entre l’adolescent qui n’est pas celle d’un parent, d’un copain, d’un policier ou d’un
inconnu. C’est en tant que professionnel de santé que le médecin veut constituer un repère
pour l’adolescent. A ce titre, il doit éviter trop de familiarité ou de jugement. La question du
vouvoiement peut se poser à nouveau.
Améliorer la représentation du corps et de l’estime de soi
Il s’agit de favoriser chez l’adolescent l’approbation et l’appropriation de son corps,
puis l’intérêt d’en prendre soin. Le médecin peut rassurer sur la « normalité » du corps de
l’adolescent notamment au cours de l’examen clinique.
Susciter une diversité de solutions possibles à la mesure de ses capacités
Il ne s’agit pas d’agir à sa place, mais de le guider, de l’informer. Aider un adolescent
dans l’impasse, c’est essentiellement augmenter ses choix possibles.
125
5.3.2.2.
Les opportunités
Il s’agit de saisir les opportunités d’élargir le contenu de la consultation à l’occasion
de quatre moments clés.
5.3.2.2.1. Lors de l’exposé du motif
L’adolescent peut consulter à l’occasion d’une visite de sport, d’une vaccination, de
pathologies saisonnières ou de maladies chroniques comme l’asthme, les allergies ou le
diabète. Il s’agit de proposer une ouverture par une allusion du type : « à part ça ? » ou « oui,
mais encore ? ». Cette simple évocation multiplie par quatre la fréquence d’abord
psychologique au cours de toute consultation. C’est l’occasion d’établir un diagnostic
situationnel minimal. L’adolescent se sent en bonne santé quand il est bien avec ce qui
l’entoure. L’expression consacrée est « ça baigne ».
Le diagnostic situationnel minimal permet au médecin d’explorer les différentes
sphères de la vie de l’adolescent. Dans quelle classe est-il ? A-t-il déjà redoublé ? Vers quel
métier s’oriente-t-il ? Quels loisirs pratique-t-il ? A-t-il interrompu récemment une activité ?
A-t-il un(e) petit(e) ami(e) ? Dans quel secteur développe-t-il ses ressources amicales ? A
l’école, en club de sport, dans les bars ? Quelle est la situation familiale ? A-t-il des frères ou
des sœurs ? Quelle activité exerce ses parents ? Quelles sont les ressources du foyer ? Pour
certaines questions, le médecin connaît déjà les réponses s’il connaît la famille et le quartier.
Les points importants à repérer sont les ruptures, l’isolement, la perte de la réalité (le
« RIP »), le mécontentement refoulé ou non, la perte de la fluidité, l’absence d’ouverture,
l’absence d’idée d’avenir, la surprotection, la précarité, la disqualification de l’autorité
parentale.
5.3.2.2.2. A propos de l’accompagnant
L’objectif est d’intégrer le sens de sa présence ou de son absence et de se positionner
avec 2 questions : « qui demande quoi et pour qui ? », puis : « que dire à qui, comment et
pourquoi ? ». Il s’agit de clarifier la place de l’adolescent par rapport à l’accompagnant par
une valorisation de sa parole. Le médecin doit faire sentir à ses interlocuteurs que la
consultation est orientée vers l’adolescent, qu’il s’agit de son symptôme et de son corps. Le
médecin est l’expert médical. Les questions qu’il pose, et notamment sur le dépistage d’un
mal-être ou de consommations nocives, s’appuient sur des données épidémiologiques qu’il
parait parfois utile de mentionner pour justifier un questionnement. Rappelons qu’à 17 ans, un
adolescent sur deux a déjà expérimenté le cannabis. L’expérimentation est la plus forte entre
14 et 16 ans. L’accompagnant ne doit pas être écarté mais au contraire, il doit se sentir rassuré
et valorisé dans son rôle de parent. Il n’est pas inutile de rappeler au parent qu’il a pris une
bonne initiative en accompagnant l’adolescent, que le symptôme justifie une consultation, que
le carnet de santé est à jour. Toutes les techniques que le médecin met en œuvre pour rassurer,
sécuriser et responsabiliser l’adolescent n’échappent pas au parent. Aucune question ne sera
indiscrète si le contexte reste apaisant, respectueux, distancié et professionnel.
126
5.3.2.2.3. Lors de l’examen clinique
Il s’agit d’un moment clé de la consultation quel que soit son motif. Cet examen
commence par l’inspection. Quelle est l’attitude ? Le look ? Le style vestimentaire ?
Même pour une rhinopharyngite, il est justifié de demander au patient de se mettre
torse nu pour l’examen pulmonaire ou celui des zones ganglionnaires. La mesure tensionnelle
est également un bon prétexte. Pour une prescription médicamenteuse, le poids est important
et l’adolescent doit se déchausser. Ce déshabillage partiel donne beaucoup d’informations sur
le rapport du patient à son corps, sur les soins, ne serait ce que d’hygiène, qu’il lui apporte.
Des cicatrices sont repérées, des naevi évalués, des mycoses unguéales ou diverses
pathologies cutanées sont diagnostiquées. Les tatouages, les piercings sont visualisés. Autant
d’occasions d’élargir le champ de la consultation.
L’examen clinique est commenté : localisation des organes et explication de leur rôle
physiologique. Ce commentaire permet de rassurer l’adolescent qui ne sent pas comme les
autres, c'est-à-dire qui ne se sent pas « normal ». Il est utile de rappeler qu’une souffrance, un
mal être ou une consommation nocive, peuvent avoir des répercussions physiques. Le poids,
l’état général et l’état dentaire sont de bons marqueurs de laisser aller.
5.3.2.2.4. Lors des questions d’investigations
Il nous parait indispensable de faire systématiquement un test rapide d’exploration du
mal être. Les quatre questions du test sont idéalement distillées tout au long de la consultation
pour éviter de susciter la méfiance. Il s’agit du test TSTS acronyme pour Traumatologie,
Sommeil, Tabac, Stress. Ce test est validé en médecine générale pour estimer le risque
suicidaire. Les quatre questions d’ouverture sont les suivantes :
-
Traumatologie : « Avez-vous déjà eu des blessures ou un accident (même très
anodin) cette année ? »
Sommeil : « Avez-vous des difficultés à vous endormir le soir ? »
Tabac : « Avez-vous déjà fumé (même si vous avez arrêté)? Si oui, qu’avez-vous
fumé ? »
Stress : « Etes-vous stressé ou tendu par le travail scolaire, par la vie de famille, ou
par les deux ? »
A chaque réponse positive obtenue, il est alors proposé une question complémentaire
introduisant un niveau de gravité à partir de cinq mots clés qui forment l’acronyme
CAFARD :
-
Sommeil => Cauchemars : « Faites vous souvent des cauchemars ? »
Traumatologie => Agression : « Avez-vous été victime d’une agression physique ? »
Tabac => Fumeur quotidien : « Fumez vous tous les jours ? »
Stress scolaire => Absentéisme : « Etes-vous souvent absent ou en retard à l’école ? »
Stress familial => Ressenti Désagréable : « Diriez-vous que votre vie de famille est
désagréable ? »
127
L’évaluation de ce test a permis de constater que 50% des filles et 30% des garçons,
ayant 2 réponses positives à TSTS ou à CAFARD ou 1 réponse positive à TSTS et 1 réponse
positive à CAFARD, avaient des idées suicidaires ou avaient déjà fait une tentative de suicide.
Parmi ceux qui avaient 3 réponses positives à l’un ou l’autre des tests, un jeune sur deux avait
déjà fait une tentative de suicide et trois sur quatre avaient déjà eu des idées suicidaires.
Signalons que la validation du test a montré que le risque n’existait qu’à partir de cinq
cigarettes par jour (206).
Dès lors qu’une conduite addictive est suspectée, notamment si l’adolescent fume plus
de cinq cigarettes par jour, le test ADOSPA par exemple, peut être utilisé pour détecter une
consommation nocive de substances psycho-actives.
5.3.2.3.
Quand un mal être est dépisté
Quand un problème de mal être ou de consommation nocive est dépisté, l’objectif pour
le médecin comme pour l’adolescent est de passer un cap.
Nous avons exposé les difficultés pour le médecin de réaliser un tel dépistage.
Indépendamment des stratégies mises en place pour parvenir à faire admettre à un adolescent
qu’il ne va pas bien et de ce que ces stratégies sous entendent en terme d’investissement et
d’énergie, en habiletés de relation et en temps pour le médecin, le problème est maintenant
pointé.
L’adolescent doit passer un cap dans une période de vulnérabilité maximale. Mais le
médecin doit également passer le cap de la responsabilité qu’il vient d’endosser et des
contraintes de temps qui sont les siennes en pratique courante de médecine générale. La
légitimité de la relation qui s’est installée entre le médecin et l’adolescent prend ici toute son
importance. L’adolescent est en confiance mais il est également responsabilisé.
Trois minutes de consultation ne suffiront pas à régler un problème qui a mis si
longtemps à émerger. Nous estimons que de consacrer une heure au problème ne serait sans
doute pas la bonne solution non plus. L’adolescent doit réfléchir sur ce qu’il vient d’admettre
au médecin et se baser sur le repère que constitue ce dernier. Le temps est donc venu
d’accorder un temps de réflexion au patient. Ce temps de réflexion ne doit pas être trop long.
Il est souhaitable de fixer un rendez vous dans les 48 à 72 heures pour entamer une prise en
charge. L’adolescent ne doit se sentir ni abandonné ni bousculé. Comme nous l’avons vu,
l’expérience montre que cette proposition est quasiment toujours acceptée sans problème.
Pour consolider les termes du contrat implicite qui vient de voir le jour, il est
nécessaire que le médecin généraliste donne son point de vue sur la situation. Chez un
adolescent incertain de sa personne et pauvre en expression, entendre le « docteur » verbaliser
son propre ressenti, s’intéresser à son malaise et faire preuve d’une sollicitude à son égard
peut retenir toute son attention. Cette démarche est utile, même si le mal être est nié ou si le
suivi ne se concrétise pas. L’adolescent aura repéré inévitablement un interlocuteur potentiel,
un recours stable et authentique.
Dans la suite de la prise en charge, il est possible de s’appuyer sur les
recommandations de la première partie de ce travail : approfondissement du diagnostic
situationnel, évaluation de la motivation, interventions brèves à visée motivationnelle,
128
thérapie cognitivo-comportementale. Pour plus de fluidité, le médecin peut reprendre les
champs ouverts du TSTS-CAFARD pour entériner la prise en charge.
La prise en charge spécialisée est parfois nécessaire : complément diagnostique, retrait
urgent du milieu ambiant. Le médecin dispose d’une mine d’informations et sera un
interlocuteur indispensable du spécialiste. Le suivi entamé par le généraliste doit être
maintenu en parallèle de la prise en charge spécialisée, chacun intervenant avec ses ressources
et ses compétences. Ce maintien du suivi est important pour éviter que l’adolescent ne se
sente trahi ou abandonné.
129
6.
Conclusion
Nous avons montré dans la première partie de ce travail que l’usage nocif de cannabis,
et plus largement les troubles addictifs, constituent, non pas des comportements déviants,
mais des pathologies à part entière. D’autre part, la dangerosité de la consommation de
cannabis justifie un dépistage précoce.
L’objectif de ce travail était de comprendre pourquoi le dépistage de la consommation
de cannabis n’était pas effectué en médecine générale, notamment chez les adolescents. Notre
étude nous a permis de confirmer l’hypothèse que le dépistage n’était jamais réalisé de façon
systématique et de confronter nos hypothèses à la réalité clinique. Les médecins que nous
avons interrogé connaissaient les facteurs de risque et de vulnérabilité, pouvaient accéder à
ces informations en consultation et savaient qualifier une consommation nocive. Ils ont
également décrit des prises en charge en adéquation avec les recommandations. Enfin, ils
étaient pour la plupart inquiets de la progression de la consommation de cannabis dans la
jeunesse actuelle. Les difficultés qu’ils décrivaient pour mettre en place ce dépistage ne
semblaient pas insurmontables. Il s’agirait donc de conforter les médecins dans leur savoir et
dans leurs compétences sur le sujet. L’hypothèse d’un manque de motivation du médecin à
prendre en charge un problème lié à l’addiction a été évoquée à l’issue de la discussion. Cette
hypothèse n’a pas été explorée au cours de cette étude et nécessitera des enquêtes spécifiques.
Nous avons mis en évidence que la recherche d’une consommation nocive de cannabis
se base en réalité sur le dépistage du mal-être de l’adolescent. L’objectif d’un tel dépistage
dépasse donc largement le champ des addictions et des problèmes de drogues. Nous avons
exposé en dernière partie de la discussion quelques recommandations issues des rares études
concernant la consultation de l’adolescent en médecine générale, ses attentes, ses doutes et
son besoin de repère. La perspective de constituer un repère médical fiable, pour un
adolescent à la dérive dans l’océan de tempêtes que constitue l’adolescence, pourrait
encourager davantage le médecin généraliste à s’impliquer dans ce dépistage.
130
7.
Annexes
1.
Annexe 1 : l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
Créé en 1993, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) est un groupement d'intérêt public.
Il produit des informations provenant de sources différentes et scientifiquement validées sur les substances licites comme
illicites. Il renseigne et documente de multiples questions dans le domaine des substances psychoactives et des dépendances.
Le Conseil d'administration de l'OFDT, présidé par Frédéric Rouillon, regroupe des représentants de l'État, c'est-àdire des différents ministères concernés par la lutte contre les drogues et les toxicomanies et la Mission interministérielle de
lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), ainsi que des personnes morales de droit public et privé.
Son financement est assuré par des crédits interministériels en provenance de la MILDT et par des crédits
européens. L'Observatoire appuie son action sur un Collège scientifique, présidé par Sylvain Dally, composé de
représentants des principaux organismes producteurs de données ainsi que de personnalités nommées à titre personnel. Ces
personnalités ont des compétences reconnues dans les domaines entrant dans les missions de l'OFDT. L'Observatoire
rassemble des spécialistes et des chercheurs issus de différentes disciplines : démographie, économie, médecine,
épidémiologie, sociologie, statistique…
L'OFDT est l'un des vingt-neuf relais nationaux (États membres, Norvège et Commission européenne) de
l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), agence de l'Union européenne basée à Lisbonne, qui a
pour mission de fournir des informations objectives fiables et comparables au niveau européen sur le phénomène des
drogues et des toxicomanies et leurs conséquences (http://www.emcdda.eu.int/).
Les travaux d'études et de recherches de l'OFDT sont valorisés par des publications et des mises en ligne sur
Internet. Il s'agit notamment de ses grandes enquêtes menées auprès de la population française (EROPP, ESCAPAD) et de
son état annuel des évolutions constatées parmi les populations d'usagers, sur la base d'un dispositif national de surveillance
(TREND). L'OFDT édite également très régulièrement Tendances, une lettre mettant à la disposition des décideurs,
chercheurs et professionnels les connaissances les plus récentes dans le domaine des drogues et des toxicomanies. Ces
publications et l'ensemble des travaux de l'OFDT sont disponibles sur son site Internet (www.ofdt.fr et sur le portail public
www.drogues.gouv.fr)
ESCAPAD : Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation a la défense.
L’enquête ESCAPAD, conduite chaque année par l’OFDT en partenariat avec la Direction du service national
(DSN), se déroule lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (la JAPD), qui remplace le service national en
France. Une fois par an, dans tout le pays, les jeunes qui participent à cette journée répondent à un questionnaire autoadministré anonyme centré sur leurs consommations de substances psycho-actives licites ou illicites et qui aborde également
leur santé et leur mode de vie.
En 2005, 37 512 adolescents ont été interrogés, dont 32 057 en métropole. Ils sont majoritairement âgés de 17 ans,
sont de nationalité française et sont pour une grande part encore scolarisés dans l’enseignement secondaire, bien que
certains d’entre eux soient actifs, en apprentissage ou en études supérieures.
Après contrôle de la qualité des données, on dénombre 33 515 questionnaires exploitables. L’échantillon a été
redressé afin de donner à tous les départements leur vrai poids démographique. Cette enquête a été auparavant réalisée en
2000, 2001, 2002 et 2003 sur la base d’un questionnaire fixe, pour permettre des comparaisons fiables dans le temps (pas
d’enquête en
2004).
131
2.
Annexe 2 : le cannabis en population adulte (1)
Expérimentation de cannabis parmi les 18-44 ans, évolution entre 1992 et 2005 (en %)
Sources : sondage 1992, SOFRES ; Baromètre 1992, 1995, 1996, 2000, CFES ; sondage 1997, IFOP ; sondage 1997,
Publimétrie Grande Écoute ; EROPP 1999, 2002, OFDT ; Baromètre santé 2005, INPES.
Proportions de consommateurs de cannabis au cours de la vie et de l’année, suivant l’âge et le sexe en 2005
Erreur ! Liaison incorrecte.
Source : Baromètre santé 2005, INPES, exploit. OFDT
132
3.
Annexe 3 : le cannabis a 17 ans
Expérimentation de cannabis par sexe, à 17 ans entre 1993 et 2005 (en %) (2)
60
54,6
53,3
53,1
50,1
50
47,3
47,2
45,7
45,5
40
40
40,9
38,1
garçons
filles
(%) 30
24,7
28
20
17,1
10
0
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Sources : Adolescents, enquête nationale 1993 ; Enquête sur la scolarité et les loisirs des lycéens 1997, CADIS ; ESPAD
1999 Inserm/OFDT/MENRT ; ESCAPAD 2000, 2002, 2003, 2005, OFDT.
Evolution de l’usage répété de cannabis par sexe, à 17 ans entre 1993 et 2002 (en %) (3)
30
28
25
23,8
20
(%) 15
14,4
12,6
10
9,7
garçons
filles
5
4,2
0
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
Sources: INSERM 1993; ESPAD 1999 INSERM-OFDT-MENRT; ESCAPAD 2000, OFDT; ESCAPAD 2002, OFDT.
133
4.
Annexe 4 : Diffusion de l’expérimentation du cannabis par âge pour la génération âgée de 17 ans en 2005
(%) (4)
60
53,1
48,3
50
45,5
40
40,8
(%)
31,6
garçons
filles
30
25,9
20
16,3
10
7,2
11,4
13 ans
14 ans
2,8
0,9
0
0,3
7-11 ans
4,4
1,1
12 ans
15 ans
16 ans
17 ans
134
5.
Annexe 5 : usage de cannabis a 17 ans selon les caractéristiques socio-démographiques (%) (4)
Sexe
filles (48,9 %)
garçons (51,1 %)
expérimentation usage récent
45,5
53,1
Situation
élèves ou étudiants (84,2 %)
en apprentissage (11,4 %)
autres (insertion, emploi, chômage) (4,4 %)
47,9
57,1
60,1
Redoublement
jamais (49,9 %)
1 fois (41,4 %)
2 fois (8,7 %)
46
52,9
53,1
Milieu social (*)
très favorisé (10,6 %)
favorisé (27,8 %)
moyen (13,0 %)
modeste (41,7 %)
défavorisé (7,0 %)
56,2
53,5
49,5
46,3
43,1
Parents vivent
ensemble
Vit au foyer familial
usage régulier
6,3
15
26
37,2
41,5
9
18,1
27
6,9
14,3
16,3
31,3
29,6
28
26,2
26,1
11,1
10,5
11
10,5
10,4
oui (71,3 %)
45,7
8,9
non (28,7 %)
58,5
15,5
oui (88,7 %)
non (11,3 %)
48
60
10
16,4
(*) Le milieu social est évalué par la Profession et catégorie sociale (PCS) la plus élevée du couple des parents, parmi 11
choix assortis d’exemples de professions, selon la répartition suivante :
• « Défavorisé » indique que les deux parents sont déclarés inoccupés par l’enfant ;
• « Modeste » qu’ils sont ouvrier ou employé ;
• « Moyen » qu’ils sont profession intermédiaire ;
• « Favorisé » que l’un seulement des parents est cadre, chef d’entreprise, artisan ou commerçant ;
• « Très favorisé » que les deux le sont.
Ces catégories recoupent celles de l’Insee mais ne sont pas identiques. Il s’agit de la profession des parents
déclarée par les adolescents ce qui peut entraîner des variations par rapport à la réalité (méconnaissance du métier
réellement exercé ou du poste occupé, difficulté à classer correctement le métier, etc.)
Exemple de lecture : parmi les adolescents de 17 ans qui déclarent un milieu social classé « défavorisé » selon la PCS,
43,1% disent avoir expérimenté le cannabis.
135
6.
Annexe 6 : contexte d’utilisation du cannabis
Usages de cannabis à 17 ans selon quelques indicateurs de sorties et de loisirs (%) (4)
80
(%)
70
avoir passé du temps
avec ses amis dans un
bar/café/pub
70
66,1
64,3
avoir passé du temps
avec ses amis en soirée
chez soi ou chez eux
60
70,4
55,5
50
47,7
expérimentation
39,6
40
31,3
27,5
30
30,2
16,8
20
18,3
19,1
usage régulier
10,4
10
15,7
6,4
6,6
4,9
2,4
2,4
0
jamais
moins d'1 fois par mois
1 à 2 fois par mois
au moins 1 fois par semaine
chaque jour ou presque
Source : ESCAPAD 2005, OFDT.
Lecture : Parmi l’ensemble des adolescents qui déclarent avoir passé du temps avec leurs amis dans un bar (un café ou un
pub) chaque jour ou presque au cours des douze derniers mois, 70,0 % ont expérimenté le cannabis ; ils ne sont que 27,5 %
parmi ceux qui disent ne jamais s’être rendus dans un café avec leurs amis.
Contexte de la dernière consommation de cannabis et d’alcool chez les usagers récents de 17 ans en 2005 (4)
4,6
dans un bar, pub, restaurant
35,4
5,5
dans un autre lieu
0,5
8,8
chez les parents, leurs amis
30,3
lieu de consommation
13,7
en discothèque, concert
31,8
18,4
à l'école, l'université, au travail
3,6
56,6
chez soi, chez des amis
49,5
cannabis récent
alcool récent
51,3
dehors
14,9
1,1
avec les parents
30,8
avec qui ?
17,5
seul
2,3
92,1
avec des amis, frères et sœur
85,4
27,9
un jour particulier
48,3
quand ?
54,6
le week end
61,2
49,4
un jour de la semaine
16,9
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
136
7.
Annexe 7 : l’expérimentation d’autres drogues, les représentations du cannabis, les associations
Expérimentation d’autres drogues illicites parmi les usagers réguliers de cannabis âgés de 15-34 ans et pour l’ensemble de
la population du même âge en 2005 (en %) (62)
%
0
5
25
30
26
5,6
24
Cocaïne
3,3
24
Ectasy
3,7
14
LSD
1,6
usagers réguliers
population générale
11
Produits à inhaler
Crack
20
3,7
Poppers
Héroïne
15
26
Champignons hallucinogènes
Amphétamines
10
2,2
8,7
1,3
7,6
0,9
3,2
0,5
Source : Baromètre santé 2005, INPES, exploitation OFDT.
Les représentations que l’adolescent se fait du produit (61)
L’image du « junkie » décharné, déboussolé et famélique est certainement en partie responsable de la désaffection
des jeunes pour l’héroïne. De la même façon, la vision du clochard buvant le gros rouge dans un sac plastique sur les bancs
de nos villes a probablement détourné un certain nombre de jeunes du vin. A l’inverse les représentations du cow-boy viril
ou de la femme fatale associées au tabac sont plus attirantes. Les publicitaires ont également largement exploité l’image
glamour véhiculée par les jet-setteurs* en discothèque à Ibiza consommant des prémix (cocktails prépréparés).
Propos d’usagers (64)
« Le shit** et l'héroïne : c'est pour casser plus.
Le shit et la cocaïne : c'est pour descendre un peu.
Le shit et l'alcool : c'est pour casser et perdre son contrôle.
Le shit et les médicaments : pour mieux dormir peut être
Le shit et l’ecstasy : pour mieux préparer sa descente du taz***. »
NB: * les jet-setteurs sont les membres de la jet-set c'est-à-dire de la haute société très fortunée et frivole. **shit=cannabis.
*** taz=ecstasy.
137
8.
Annexe 8 : contexte de la dernière consommation de cannabis et d’alcool chez les usagers récents de 17 ans
en 2005 (4)
4,6
dans un bar, pub, restaurant
35,4
5,5
dans un autre lieu
0,5
8,8
chez les parents, leurs amis
30,3
lieu de consommation
13,7
en discothèque, concert
31,8
18,4
à l'école, l'université, au travail
3,6
56,6
chez soi, chez des amis
49,5
cannabis récent
alcool récent
51,3
dehors
14,9
1,1
avec les parents
30,8
avec qui ?
17,5
seul
2,3
92,1
avec des amis, frères et sœur
85,4
27,9
un jour particulier
48,3
quand ?
54,6
le week end
61,2
49,4
un jour de la semaine
16,9
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
138
9.
Annexe 9 : consultations cannabis (71)
De mars 2005 à février 2006, environ 15 200 consommateurs ont été vus (une fois ou plus) et 12 400 personnes de
l’entourage d’un consommateur ont été accueillies dans le cadre des consultations cannabis.
Parmi les consommateurs reçus un mois donné, les garçons sont nettement majoritaires (80 %). Parmi les 28 % de
consultants issus de l’entourage d’un consommateur en revanche (en majorité des parents), 68 % sont des femmes et 32 %
des hommes.
L’âge moyen des consommateurs vus en « consultation cannabis » est de 21 ans et 2 mois. Les consommateurs
reçus ont, en général, entre 14 et 25 ans (à 90 %) ; quelle que soit la tranche d’âge, les garçons représentent trois quarts au
moins des usagers accueillis. Un quart des consommateurs sont des mineurs (dont une quinzaine de consultants âgés de 10 à
13 ans, soit moins de 1 % de l’ensemble) venus, pour la plupart, accompagnés d’un parent. Les « consultations cannabis »
ont également attiré un public de consommateurs plus âgés : 13 % ont plus de 25 ans (le plus âgé de l’échantillon a 59 ans).
Dans tous les cas, le motif de consultation est la consommation de cannabis : 92 % des consultants accueillis (hors
entourage) déclarent à titre principal un usage de cannabis au moins occasionnel ou répété. Les 8 % restants sont, sauf
exception, des non-réponses à la question des fréquences de consommation par produit.
Les niveaux de consommation de cannabis déclarés sont élevés : 45 % des consommateurs sont des usagers
quotidiens, 20 % font état d’une consommation régulière mais pas quotidienne et 35 % sont des usagers occasionnels.
Quelle que soit la tranche d’âge, plus du tiers des consommateurs fait l’objet d’un diagnostic de dépendance ; cette
proportion croît avec l’âge. Les usagers « dépendants » sont les plus nombreux à partir de 17 ans : leur part culmine entre 29
et 34 ans (environ 80 %).
Autre fait saillant, la part des usages « nocifs » est relativement stable aux différents âges de la vie (autour de 20 %
de chaque tranche d’âge), tandis que la part des usages occasionnels sans nocivité avérée décroît fortement avec l’âge. En
outre, la fréquence et l’intensité de l’usage sont étroitement corrélées : parmi les consultants, 53 % des usagers quotidiens de
cannabis disent fumer au moins 5 joints un jour de consommation, contre « seulement » 28 % des usagers réguliers.
La précocité des expérimentations est très liée aux usages actuels de cannabis. Plus le cannabis a été expérimenté
jeune, plus la fréquence d’usage actuelle est régulière. Les usagers de cannabis venus en consultation se distinguent par une
expérimentation du produit plus précoce que celle des adolescents observés dans l’enquête ESCAPAD : en moyenne, à 18
ans, les garçons déclarent avoir expérimenté le cannabis à 14,5 ans (contre 15,2 ans), les filles à 14,7 ans (contre 15,3 ans).
À 17- 18 ans, l’âge moyen d’une première consommation de cannabis est de 14,7 ans parmi les consultants déclarant une
consommation « à risque », de 14,4 ans chez les consommateurs faisant état d’un usage « nocif » ; il s’abaisse à 13,9 ans
chez les usagers dépendants. Parmi les usagers quotidiens à 18 ans, 36 % ont essayé le cannabis avant 14 ans (10 % «
seulement » parmi les usagers occasionnels, c’est-à-dire ni réguliers ni quotidiens).
La majorité des « consultations cannabis » utilisent un seul outil de repérage des consommations (58 %). Près de
20 % en utilisent deux, 12 % en utilisent 3 ou plus et 13 % n’en utilisent aucun. Parmi les outils diagnostiques reconnus, le
CAST arrive en tête : il est utilisé par un tiers des consultations. Le DETC-CAGE fait partie de la pratique d’une
consultation sur cinq, devant le DEP-ADO (14 %), l’ALAC (14 %) et l’ADOSPA (12 %). Près de 40 % des « consultations
cannabis » utilisent des grilles d’évaluation internes.
139
10.
Annexe 10 : THC et récepteur à la protéine G
Structure du ∆9-Tétrahydrocannabinol (∆9-THC ou THC dans la suite de l’exposé) (36)
Structure schématique d’un récepteur couplé à la protéines G (37), reproduit avec l’aimable autorisation de JM Botto.
L'activation d'un récepteur couplé aux protéines G, par son ligand, entraîne un remaniement de la structure du
récepteur, qui devient capable d'activer des protéines G intracellulaires. Ces protéines G activent à leur tour toute une série
d'effecteurs intracellulaires (enzymes, canaux ioniques, transporteurs...), membranaires (comme représenté) ou bien
cytosoliques. Ces effecteurs permettent la plupart du temps, la modulation de la concentration intracellulaires de messagers
secondaires (second messagers) tels l'AMPc.
140
11.
Annexe 11 : localisation des CB1
Localisation des CB1 dans le système nerveux central et effets pharmacologiques corrélés (38)
Structures
Cerveau antérieur
Amygdale
Systèmes olfactifs
Cortex cérébral
Noyaux de la base
Hippocampe
Thalamus/hypothalamus
Marquage
+
+
++
++
++
+
Cerveau médian
Noyau gris
Collicules
Noyaux optiques
Substances noire/aire
tegmentale ventrale
Cerveau postérieur
Aire périacqueducale grise
+
Locus coerellus
Raphé
Noyau ponté
Tronc cérébral
-
Cervelet
Conséquences physiologiques
Effets cognitifs
Effets locomoteurs
Effets cognitifs (inhibition
mémoire à court terme) et
action antiépileptique
Effets endocriniens et antinociceptifs
-
++
Effets antinociceptifs
Pas de dose létale, pas de
mortalité aiguë
Effets moteurs (équilibre)
Légende : marquage abondant (++) ; marquage intermédiaire (+) ; marquage faible ou nul (-).
Structures cérébrales concernées par la localisation de CB1 (31)
141
12.
Annexe 12 : les huit endocannabinoïdes identifiés a ce jour (39) (40)
Famille lipidique
Acyl
éthanolamides
Nom
Structure chimique
Arachidonoyl éthanolamide (AEA)= Anandamide
Docasatertraenoyl éthanolamide
Dihomo-γ-linolenoyl éthanolamide
Acyl glycérols
2-arachidonoyl glycérol (2-AG)
2-arachidonoyl glycérol éther (2-AGE) = Noladin éther
Acyl dopamine
N-arachidonoyl dopamine (NADA ou AA-DA)
Acyl amide
Oléamide
?
O-arachidonoyl éthanolamine = Virodhamine
Les molécules citées ici sont celles qui ont une affinité pour les récepteurs cannabinoïdes CB1 et/ou CB2. Il existe
d’autres lipides apparentés en structure, mais dépourvus d’affinité pour les récepteurs cannabinoïdes. Ces composés de type
acyl amide, comme l’anandamide, peuvent tout de même avoir des effets similaires à celle-ci. Des recherches sont en cours
pour éclaircir cet aspect. Nous citerons simplement :
- le stéaroyl éthanolamide
- le palmitoyl éthanolamide (PEA)
- l’oléoyl éthanolamide (OEA)
142
13.
Annexe 13 : signalisation intracellulaire des endocannabinoïdes (29)
L’activation des récepteurs CB1 par les endocannabinoïdes (endoCB sur le schéma) (1) conduit à une inhibition de
l’activité cyclasique via l’intervention d’une protéine G (2). Cet effet est inhibé par un traitement par la toxine pertussique.
L’activation du récepteur CB1 provoque également une inhibition indirecte, par le biais d’une protéine G mais
indépendante de l’activité cyclasique, des canaux Ca2+ sensibles au potentiel de type N, L et Q/P (3), et une inhibition
directe des canaux de type T (4). C’est le blocage des canaux calciques de type N qui entraîne une diminution du relargage
des neurotransmetteurs.
Les endocannabinoïdes augmentent par ailleurs l’activité des canaux potassiques de la rectification entrante (KIR)
(5), par le biais d’une protéine G, mais indépendamment de l’inhibition de l’adénylate cyclase.
L’activation des récepteurs CB1 diminue la sensibilité au potentiel de membrane des canaux potassiques de type A
(KA) (6), via une protéine G et de façon dépendante de l’inhibition de la voie adénylate cyclase/protéine kinase A (PKA).
De plus, les endocannabinoïdes inhibent deux autres types de canaux potassiques : des canaux de fuite sensibles
aux protons (TASK-1) et les canaux de type M (KM) (7).
L’anandamide a un double effet, inhibiteur et stimulateur, sur les récepteurs du glutamate de type NMDA (Mméthyl-D-aspartate). L’inhibition est une conséquence indirecte de l’inhibition des conductances Ca2+ de type P/Q après
activation du CB1 (8), tandis que l’activation résulte d’un effet direct des endocannabinoïdes sur le récepteur NMDA (9),
conduisant à une augmentation de l’influx calcique à travers le canal.
Par ailleurs, les endocannabinoïdes, après activation du récepteur CB1 et activation subséquente de la
phospholipase Cβ (PLCβ), stimulent la mobilisation du Ca2+ intracellulaire stocké dans le réticulum endoplasmique des
neurones et des astrocytes (10).
L’activation par les endocannabinoïdes de la voie des MAP kinases (« mitogen-activated protein kinases ») (11)
déclenche une cascade aboutissant in fine à l’activation de facteurs de transcription multiples.
Seule l’anandamide, parmi les endoCB, active le récepteur vanilloïde de type 1 (VR1) (12), un canal cationique
non sélectif de la famille des canaux TRP (« transient receptor potential ») impliqués dans les phénomènes de détection de
stimuli nocicepteurs et dans la transduction de l’hyperalgésie inflammatoire et thermique. Un agoniste de VR1, l’olvanil,
agit comme un agoniste partiel du CB1, ce qui suggère l’existence d’un recouvrement partiel, dans la reconnaissance des
ligands, entre les récepteurs VR1 et CB1.
143
14.
Annexe 14 : action rétrograde des endocannabinoïdes sur l’élément pré-synaptique (29)
-
-
-
Le glutamate se fixe sur le récepteur post-synaptique de type m Glu 5.
L’activation du récepteur (via la protéine G) et/ou l’élévation de calcium intracellulaire suite à la dépolarisation
post-synaptique (par ouverture d’un canal calcique voltage dépendant) entraîne l’activation des enzymes
impliquées dans la synthèse des endocannabinoïdes à partir des précurseurs lipidiques.
L’endocannabinoïde ainsi synthétisé dans le neurone post-synaptique peut alors traverser la membrane et être
libéré dans l’espace synaptique pour aller se fixer sur les récepteurs CB1 présents au niveau pré-synaptique sur les
terminaisons axonales de l’inter-neurone glutamatergique.
la libération de glutamate par ce dernier est ainsi inhibée.
144
15.
Annexe 15 : système de récompense (45)
145
16.
Annexe 16 : teneurs en THC (26) (27)
Evolution des teneurs en THC dans les échantillons de résine entre 1993 et 2004
Echantillons (%)
60
57
51
50
48
47
46
93-95
96-98
99-2000
2000-2001
2003-2004
45
40
32
30
26
24
24
21
20
15
15
12
9
10
7
6
6
5,5
1
1
2
0
0-5
5-10
10-15
THC % de matière séche
15-20
>20
Evolution des teneurs en THC dans les échantillons d’ « herbe » entre 1993 et 2004
80
Echantillons (%)
75
71
70
66
93-95
96-98
99-2000
2001-2004
60
54
50
40
34
34
30
20
17
10,4
10
8
9
9
7,2
2
2,4
0,5
0
0-5
5-10
10-15
15-20
>20
THC % de matière sèche
146
17.
Annexe 17 : descriptions historiques et classiques de l’ivresse cannabique
« Ivresse cannabique »
selon Moreau de Tours (76)
(Doses de THC supérieures à 200 mg/kg)
•
•
•
•
•
•
•
Sentiment de bonheur.
Bien-être.
Excitation.
Dissociation idéique.
Erreur d’appréciation du temps.
Erreur d’appréciation de l’espace.
Perceptions sensorielles accrues (modifications auditives, synesthésiques, expériences hallucinatoires
riches).
« Intoxication aiguë au cannabis »
selon Bromberger (1934), précisée par Nahas (1984) (77)
•
•
•
Troubles du cours de la pensée, avec désorientation temporelle, troubles mnésiques, perturbations de la
libido.
Troubles sensoriels (vision, ouïe, odorat, goût, schéma corporel), troubles de l'équilibre et de la
coordination motrice.
Troubles thymiques et dissociatifs, avec euphorie, dysphorie, anxiété, agressivité, dépersonnalisation,
hallucinations, délire.
Rapport de la Commission La Guardia (1944) (78)
•
•
•
•
•
•
Sous l’influence de la marijuana, la structure de base de l’individu ne se modifie pas tandis que des
aspects superficiels de son comportement subissent un changement.
Grâce à la marijuana, l’individu éprouve un sentiment accru de détente, de désinhibition et de
confiance en soi.
Le sentiment de confiance en soi, induit par la drogue, se traduit avant tout par une activité mentale
plutôt que physique.
La désinhibition produite par la marihuana libère chez l’individu des pensées et des émotions latentes
mais elle ne suscite pas des réactions qu’il considérerait, en son état normal, comme tout à fait
étrangères.
La marihuana ne provoque pas seulement des réactions agréables mais libère aussi des sentiments
d’anxiété.
Les individus dont la capacité d’expression est limitée au point d’avoir du mal à établir des contacts
sociaux sont disposés, plus que ceux qui sont à même d’avoir des réponses directes, à avoir recours à la
marihuana
147
18.
Annexe 18 : un cas de trouble psychotique aigu induit par le cannabis
L’observation rapportée par Bartolucci et coll. (86) est typique d’un trouble psychotique aigu induit par le
cannabis.
Il s’agissait d’un homme de 30 ans, artiste peintre, marié à une institutrice, au caractère habituellement sociable et
ouvert. Il a été hospitalisé pour apparition brutale en deux ou trois jours de bizarreries du comportement, préoccupations
religieuses, idées suicidaires et hallucinations visuelles. Durant les quatre mois précédant l’hospitalisation, pour favoriser sa
créativité et sa sensibilité artistique, il avait consommé du cannabis une fois, puis plusieurs fois par jour. Un nouveau
produit lui a été proposé quelques jours avant l’hospitalisation.
À l’admission, le tableau clinique était caractérisé par une subexcitation, une agitation psychomotrice, une angoisse
majeure, des hallucinations visuelles et des idées délirantes : il disait être le Christ et devoir mourir pour sauver le monde,
ses mains meurtries témoignant du signe de sa mission et des phénomènes persécutifs auxquels il était soumis. La vigilance
était fluctuante. Son discours était émaillé de néologismes et d’abstractions pathologiques. Les troubles ont persisté les jours
suivants : angoisses, notamment celle d’être transformé en pierre, terreurs nocturnes, labilité de l’humeur et réactions
affectives contradictoires vis-à-vis des infirmières. Les troubles du comportement étaient marqués par des hurlements et par
le fait de se déshabiller.
Traité par neuroleptique (chlorpromazine), cet état a régressé en huit jours avec critique par le patient de l’épisode
délirant, sans amnésie postpsychotique. L’âge de début, l’absence de personnalité prémorbide, la proximité du contexte
toxique, la résolution rapide sous traitement neuroleptique permettent d’éliminer une décompensation schizophrénique ou
un état maniaque délirant.
148
19.
Annexe 19 : usage thérapeutique de cannabis (99)
Les indications validées, notamment aux Etats-Unis, concernant les usages thérapeutiques du cannabis sont les
suivantes :
• les nausées et les vomissements chez des sujets recevant une chimiothérapie anticancéreuse ou atteints du Sida ;
• l’anorexie chez des patients en fin de vie ou atteints du Sida et présentant un amaigrissement important ;
• les affections spastiques associées à des douleurs dans le cadre de la sclérose en plaques ou d’atteintes de la moelle
épinière.
D’autres indications pour lesquelles le cannabis serait efficace restent plus hypothétiques et fondées le plus souvent sur
des observations anecdotiques :
•
•
•
l’épilepsie (où le cannabidiol serait efficace en traitement adjuvant pour réduire la fréquence des crises chez des
patients répondant mal aux antiépileptiques standards) ;
le glaucome chronique à angle ouvert (où le cannabis permettrait de diminuer la pression intraoculaire) ;
certaines douleurs cancéreuses ou postopératoires pourraient également être soulagées par ce produit.
Les principales molécules disponibles sont les suivantes :
•
•
•
le Marinol® (dronabinol) aux Etats-Unis ;
le Cesamet® (nabilone) au Royaume Uni ;
le Sativex® en spray à inhaler (THC et cannabidiol) au Royaume Uni.
En France, l’usage de cannabis en thérapeutique reste illicite, mais l’Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé (AFSSAPS) autorise depuis 1999, en vue d’une meilleure prise en charge de la douleur ou des nausées
résistantes aux thérapeutiques disponibles, le recours à une prescription de dronabinol ou de nabilone dans des indications
très limitées et dans le cadre d’Autorisations temporaires d’utilisation (ATU) nominatives.
149
20.
Annexe 20 : le monde du travail
Le monde du travail est une entité particulière au sein de notre société. Fonctionnant comme un microcosme social,
il produit ses propres lois, ses propres valeurs et ses propres contraintes. Mais le monde du travail n’est pas un vase clos. Il
est lui même sous l'influence du fonctionnement social au sens large du terme, des repères évolutifs qui structurent notre
société et des modes, des valeurs, des images et des courants qui agitent celle-ci. Il ne faut donc pas s'étonner de retrouver
en son sein des particularités du fonctionnement général. Le monde du travail n’échappe donc pas à l’augmentation
constatée partout de la consommation de substances psycho-actives.
Miroir déformant de notre société, le monde du travail s’est transformé au cours des deux ou trois dernières
décennies. Pour comprendre cette transformation, Michel Hautefeuille (102) met en lumière, deux grands changements qui
ont bouleversé notre société.
La notion de performance : il faut être le meilleur, il faut « assurer » à l’image d’un Zidane impérial dans les
grandes occasions. Il ne faut pas se laisser aller, savoir vieillir tout en restant jeune. Il ne faut pas tomber malade et encore
moins être triste ou déprimé. Il faut être performant dans toutes les facettes de sa vie, jusque dans ses loisirs avec une
obligation, qui en serait la résultante, celle du bonheur. Mais là aussi, il faut être efficace : non seulement, il faut être
heureux mais il faut savoir le montrer. L'hyperconsommation sera un des moyens de la démonstration et de l'affichage de ce
bonheur. Un expert en informatique avouait, lors d’une consultation de médecine du travail : « Tous les jours, j’étais en
finale de la coupe du monde ».
La désacralisation du médicament et la perte de son statut magique : tout au long du XXème siècle, le médicament
fut inventé, commercialisé et prescrit pour traiter une affection dûment étiquettée par le médecin. Le médicament étant le
maillon final d’une chaîne de raisonnement logique et médical, il n’était pas question de prendre des médicaments sans
prescription ou sans être malade. Au cours des années 80, sont apparues des spécialités médicamenteuses sortant de cette
optique de soin au sens strict du terme. Il s’agit des médicaments entrant dans la classe assez floue des médicaments de
confort. Il s’agit d’éradiquer les petits tracas du quotidien qui sont de plus en plus vécus comme insupportables. La publicité
notamment a participé à ce phénomène en répétant inlassablement qu’à chaque tracas du quotidien existe une réponse
chimique. L’industrie pharmaceutique, prompte à identifier de nouveaux besoins voire à en créer, va ainsi développer une
nouvelle discipline, celle que Kramer (103) appelle la psychopharmacologie cosmétique. C’est la pharmacologie de
l’adaptation, du paraître et de la normalisation pour répondre à ces nouvelles exigences en terme de fonctionnement social
global et de performances professionnelles.
Tous les éléments sont alors en place pour voir se développer les pratiques de dopage. D'un côté une demande
insistante du corps social d'amélioration de la performance et d'hyper-adaptation, de l'autre, les produits permettant d'arriver
à ces fins et, en définitive, des sujets mis en situation de (devoir) les utiliser.
En 2000, pour la première fois, la grande famille des antidépresseurs, des anxiolytiques et des hypnotiques
dépassait le milliard d'euros de chiffre d'affaires dans les officines françaises. Il n'y a que les anti-douleurs qui se
consomment plus, signant ainsi de façon très claire le développement d'une espèce d'anesthésie collective.
150
21.
Annexe 21 : schizophrénie
Principaux symptômes associés à la schizophrénie (169)
Symptômes positifs
Symptômes négatifs
Déficits cognitifs
Délires (ex.: paranoïa)
Désorganisation
conceptuelle
Dissociation
Hallucinations
Emoussement affectif
Anhédonie
Apathie
Avolition*
Retrait émotionnel
Fluence verbale
Fonctions exécutives
Mémoire verbale
Vigilance
Vitesse psychomotrice
Perturbations de
l’humeur
Agressivité
Anxiété
Culpabilité
Dépression
Dysfonctions
motrices
Agitation / retards
psychomoteurs
Symptômes
extrapyramidaux**
* Avolition : perte ou diminution de la volonté d'agir ou difficulté à se maintenir à une activité. Le sujet peut rester des
heures sans rien faire et sans avoir de demandes.
** Les symptômes extrapyramidaux sont essentiellement secondaires à l’action des antipsychotiques.
Caractéristiques des patients schizophrènes toxicomanes par rapport aux abstinents toutes substances psycho-actives
confondues. (170) (171)
•
•
•
•
•
•
•
•
ils sont en moyenne moins âgés ;
ils sont plus fréquemment de sexe masculin ;
ils prennent moins régulièrement leur médication ;
ils font davantage de rechutes psychotiques et sont plus fréquemment hospitalisés ;
ils ont plus de problèmes de logement et d’emploi ;
ils sont plus impulsifs et violents ;
ils sont plus dépressifs et suicidaires ;
ils ont plus de problèmes de santé.
151
22.
Annexe 22 : le cycle de Prochaska : les six étapes d’un changement de comportement (188)
Stade de motivation
La pré-intention
L’intention
La préparation
L’action de
changement
Le maintien
La résolution
Description
La personne n’envisage pas de
changer son comportement dans les
six prochains mois. Les raisons en
sont variées : manque d’information,
manque de confiance en soi, échecs
antérieurs, peur des conséquences,
choix d’autres priorités…
Elle envisage de modifier ses
habitudes dans un avenir relativement
proche. Elle pèse le pour et le contre.
La décision est prise et la personne se
prépare au changement. Elle demande
conseil, recherche des informations ...
C’est une période d’environ six mois
au cours de laquelle la personne
modifie ses habitudes. Cela lui
demande beaucoup d’attention et
d’énergie au quotidien.
Il s’agit alors d’éviter les rechutes.
L’effort à fournir est moins intense, la
personne a davantage confiance en ses
capacités.
C’est le moment où la personne n’a
plus jamais la tentation de revenir à
un comportement antérieur, même
quand elle est stressée, anxieuse,
déprimée ou en colère. De plus, elle
est tout à fait convaincue qu’elle ne
rechutera pas. Cette étape est rarement
atteinte dans la réalité.
Réalité du patient
Je consomme des produits, et je n’ai pas
l’intention d’arrêter dans les six prochains
mois.
Je consomme des produits mais j’ai
sérieusement l’intention d’arrêter (ou de
changer) dans les six prochains mois.
Je consomme mais j’ai décidé d’arrêter ou de
modifier sérieusement ma consommation dans
le mois qui vient.
J’ai modifié (ou arrêté) ma consommation
depuis moins de six mois.
J’ai modifié (ou arrêté) ma consommation
depuis plus de six mois.
152
23.
(186)
annexe 23 : stratégies cognitivo-comportementales visant à développer certaines habiletés et compétences
1- Gérer ses envies de consommer
Les envies de consommer sont un phénomène normal, en général plus fréquentes au début du traitement, et
s’estompant incomplètement par la suite. Elles sont le plus souvent liées à des situations déclenchantes.
Les symptômes dépendent de la substance en cause, mais sont le plus souvent à la fois physiques (oppression
thoracique, sensation particulière dans la bouche…) et psychologiques (nervosité, agitation…). Le point essentiel est que
ces envies vont en général par vagues, les sensations augmentant rapidement jusqu’à une acmé, pour ensuite diminuer et
disparaître. Le plus souvent, ces envies de consommer sont brèves, de l’ordre de quelques minutes.
a-
Contrôle du stimulus
Une première façon de gérer les envies de consommer est de contrôler les stimulus : évitement (par exemple, éviter
les autres consommateurs), substitution (dans le cas du tabac, cela pourrait être remplacer un apéritif alcoolisé par un
apéritif non alcoolisé) et changement (modifier sans supprimer la situation déclenchante).
b- Stratégies cognitives d’opposition
Un certain nombre d’opérations cognitives permet de contrôler, de réduire l’intensité et la durée des envies de
consommer :
– Se souvenir que les envies vont par vagues et sont brèves, et que par conséquent cela ne va pas durer.
– Dédramatiser.
– Occuper le terrain cognitif par des slogans.
– Se répéter la liste de ses motivations.
– Penser à autre chose de plaisant.
– Auto-encouragement.
c-
Stratégie cognitive d’accompagnement
Plutôt que de s’opposer à l’envie de consommer, une autre stratégie consiste à accompagner l’envie : surfer sur la
vague. Cette opération nécessite de s’installer confortablement et de se concentrer sur l’ensemble des sensations physiques
et psychologiques qui caractérisent l’envie. L’attitude mentale est celle d’un explorateur curieux. Le sujet va contrôler
toutes les manifestations (physiques et psychologiques) en faisant l’inventaire, en mesurant l’intensité, en observant
l’augmentation progressive, la stabilisation au point d’acmé et enfin la diminution et la disparition des symptômes. Cette
stratégie d’accompagnement des symptômes permet un sentiment de contrôle de la situation.
d- Stratégies comportementales
–
–
–
–
Changer de contexte.
S’engager dans une activité brève.
Faire des exercices de relaxation respiratoire.
Parler de ses difficultés à une personne soutenante.
2- Faire attention aux décisions apparemment anodines
–
–
–
–
–
–
Faut-il conserver la substance (cannabis) à la maison ?
Faut-il annoncer à son entourage que l’on a arrêté de consommer ?
Faut-il continuer à fréquenter les lieux à risque (bistrots, espaces
fumeurs, lieux de deal…) ?
Faut-il se rendre à une soirée où les gens consomment ?
Est-il important de planifier son temps libre ?
153
3- Avoir son plan d’urgence pour la gestion d’un faux pas
–
–
–
–
–
Ne pas dramatiser.
Se débarrasser de la substance.
Lutter contre les sentiments de culpabilité ou de dévalorisation.
Demander de l’aide à une personne soutenante.
Prendre un rendez-vous avec son thérapeute.
4- Savoir refuser une consommation
–
–
–
–
–
–
–
–
Choisir d’avance sa consommation non alcoolisée.
Ne pas se sentir coupable.
Annoncer immédiatement le refus de boire ou de fumer.
Suggérer une alternative.
Eviter les réponses vagues ou les excuses.
Eventuellement changer de sujet de conversation.
Eventuellement ne plus se faire offrir à boire ou à fumer.
S’exprimer avec une voix claire, ferme, et sans hésitation et en regardant dans les yeux.
154
24.
Annexe 24 : surf, signes tégumentaires, rastas
Citation d’Yves Bessas, surfeur, créateur des « Nuits de la Glisse »
« Sensation de la glisse... Il y a de l'harmonie, ça c'est sûr, quand les conditions sont parfaites. Autrement c'est une
recherche de vitesse, des sensations fortes, très fortes quand c'est gros, et puis aussi le besoin de trouver une forme
d'équilibre dans l'instant, qui fait que tu oublies... […] Je crois que quand tu rentres dans un tube*, tu oublies tout... C'est
comme si tu te projetais dans le futur, dans le trou qui est au bout, par lequel tout ton corps, tout ton esprit va tendre. […]
Un jour, j'étais en Polynésie sur une vague que j'aime beaucoup à Moorea, à Apiti, et ce jour là, je me demandais si je rêvais
ou si je vivais. C'est vraiment sentir la plénitude, comme si on était proche de la perfection ; pas que l'on soit parfait, mais
que tout autour de soi est devenu parfait. »
* tube : forme cylindrique constituée par la vague en déferlant.
Citation de Joël de Rosnay, biologiste, directeur des relations internationales à la Cité des Sciences de La Villette
« Je crois que tous les sports de glisse sont des sports qui vous mettent en harmonie avec la nature et en harmonie
avec vous-même. C'est à dire que, plutôt que de se battre contre quelqu'un, ou une équipe contre l'autre, on essaye, non pas
de se battre avec les éléments, mais d'être complice avec les éléments. Toutes ces relations intimes avec la nature, avec la
force de l'océan, avec la force de la montagne, avec la force des vents, vous conduisent à une certaine complicité, je dirais à
une sorte de partenariat avec la nature. On se sent beaucoup plus près, on se sent plus unifié, beaucoup plus "un", et tous ces
mouvements sont considérés comme des rythmes naturels qui sont très inspirants. »
Le monde des Rastas (source wikipedia)
Le terme « dreadlocks » signifie littéralement les boucles de l’épouvante. A l’origine, il désigne la coiffure des
Rastafariens ou Rastas, qui appartiennent au mouvement spirituel rastafari d’origine éthiopienne puis jamaïcaine. Les rastas
sont censés respecter un certain mode de vie et notamment : ne pas se couper les cheveux (d’où l’apparition des dreadlocks),
ne pas manger de viande et ne pas consommer de produit de la vigne. En revanche, la consommation de cannabis est
autorisée. Bob Marley notamment et la musique reggae de manière générale, font référence à la culture rasta.
Selon Catherine Grognard, dermatologue (196), le signe tégumentaire :
« Le signe tégumentaire est, chez l’adolescent en mal de reconnaissance (il ne sait pas où se situer : ni plus tout à
fait enfant, ni encore tout à fait adulte), une manière d’écrire dans la chair les moments clés de l’existence, le corps se
faisant archive de soi et décoration. Parfois prothèse identitaire, surface protectrice contre l’incertitude du monde, il est
aussi accroissement de la jouissance d’exister et démonstration d’un cycle de présence… La marque corporelle est une
prise d’autonomie, une manière symbolique de prendre possession de soi, une manière de rompre le cordon ombilical (le
piercing du nombril n’est sans doute pas anodin !). L’adolescent, à défaut d’exercer un contrôle sur son existence, voit son
corps comme un objet à portée de main sur laquelle la volonté personnelle est presque sans entrave… Le corps légué par les
parents est à modifier. Tatouages, piercings, scarifications, […] et inclusions d’objets sous la peau sont autant de talismans
protecteurs… sortes de vaccinations magiques… cuirasses qui aident à s’affirmer… Ces modifications corporelles sont le
témoin d’une transformation. Elles font partie de rites de passage de l’enfance à l’âge adulte, des rites d’appartenance à un
groupe d’initiés. »
155
25.
Annexe 25 : guide d’entretien n°1
Avez-vous parmi vos patients, un ou plusieurs adolescents que vous suivez dans le cadre d’un problème de santé où vous
avez été amené à parler de la consommation de cannabis ?
Dans cette situation clinique, comment avez-vous été amené à considérer la consommation de cannabis comme un élément
important et préoccupant du problème ?
Dans votre pratique, quelles sont les limites d’un usage contrôlé de cannabis ? A partir de quand considérez vous que la
consommation devient inquiétante pour un adolescent ?
Quels événements ou antécédents vous incitent à pratiquer un dépistage chez un adolescent ? Quel adolescent est « à
risque »?
De manière générale, considérez vous le cannabis comme une substance dangereuse ?
Est-ce que vous avez des éléments à rajouter sur le problème du cannabis ?
156
26.
Annexe 26 : guide d’entretien n°2
Avez-vous parmi vos patients, un ou plusieurs adolescents que vous suivez dans le cadre d’un problème de santé où
vous avez été amené à parler de la consommation de cannabis ?
-
-
Le problème cannabis peut ne pas être le motif principal : il peut s’agir de troubles du comportement, de problèmes
scolaires ou judiciaires, de pathologies psychiatriques, de tentatives de suicide, d’accidents de la route. Tout
événement où la consommation de cannabis fait partie du tableau clinique.
Pouvez vous me décrire votre prise en charge ?
• Dans quelles circonstances avez-vous été amené à prendre en charge ce patient ? Famille, proche, école,
incident, justice, décompensation psychiatrique…
• Combien de fois avez-vous rencontré ce patient dans le cadre de cette prise en charge ?
• Comment avez-vous abordé la consommation de cannabis ?
• Quels sont les éléments qui ont rendu votre dépistage et votre prise en charge difficile ? La famille, le
manque de temps, de compétence, d’intérêt, la crainte…
• Qui sont vos correspondants ? Quand passez vous la main ?
Dans cette situation clinique, comment avez-vous été amené à considérer la consommation de cannabis comme un
élément important et préoccupant du problème ?
Dans votre pratique, quelles sont les limites d’un usage contrôlé de cannabis ? A partir de quand considérez vous
que la consommation devient inquiétante pour un adolescent ?
-
Trop c’est combien ? Fréquence des prises, nombre de joints par prise…
Trop c’est quand ? Dans quelle situation particulière ? le matin avant l’école, le soir pour dormir, pour se calmer,
pour faire la fête, pendant la grossesse, avant de conduire, travaux à risque…
Trop c’est comment ? Quel mode d’usage à risque ? seul, douilles, défonce…
Pour vous, quelle est la norme socialement acceptable d’une consommation de cannabis chez l’adolescent ?
Quels événements ou antécédents vous incitent à pratiquer un dépistage chez un adolescent ? Quel adolescent est « à
risque »?
-
Sous quelle forme réalisez vous ce dépistage ? Quels outils vous sont utiles ?
Quels éléments rendent ce dépistage difficile à réaliser ?
Pensez vous disposer de tous les outils professionnels pour réaliser ce dépistage ?
Pensez vous que ce dépistage doit être systématique chez l’adolescent ?
De manière générale, considérez vous le cannabis comme une substance dangereuse ?
-
Considérez vous qu’il s’agit d’une drogue ? D’une drogue dite « douce » ?
Quel est l’élément de dangerosité principale du cannabis pour vous ?
Est-ce que vous avez des éléments à rajouter sur le problème du cannabis ?
157
27.
Annexe 27 : cas cliniques
Age et sexe des patients
Médecin 1
Médecin 2
Médecin 3
Médecin 4
Médecin 5
Médecin 6
Médecin 7
Médecin 8
Médecin 9
Médecin 10
Médecin 11
Médecin 12
Médecin 13
Médecin 14
Médecin 15
Médecin 16
1 patiente de 19 ans
2 patients de 15 à 20 ans
1 patient de 22 ans et 1 patiente de 23 ans
1 patient de 22 ans
1 patient de 16 ans
1 patiente de 25-26 ans
1 patient de 17 ans
1 patient de 16 ans
2 jumeaux de 17 ans et un patient adolescent
1 patiente de 18 ans
1 patient de 18 ans
1 patient de 25 ans et 1 patient de 19 ans
1 patient de 17 ans et un patient de 40 ans
1 patient de 15 ans
1 patient de 19 ans
1 patient de 20 ans et 1 patiente de 40 ans
Motif de la consultation
1
2
3
4
5
« elle me consultait pour des angoisses. Donc le motif de consultation est tout simplement des angoisses... »
« Pour des syndromes anxieux, avec carrément des attaques de panique et puis quand on reprend l'interrogatoire,
on se rend compte qu'il y a une consommation de cannabis derrière. »
« Une demande spontanée. « j’en ai marre de fumer, je voudrais essayer d’arrêter ». […] C’était plus parce que ils
se rendaient compte qu’ils… que c’était le caractère régulier et surtout la fatigue quand même. »
« c’était plutôt le caractère récurrent parce qu’ils se rendaient compte…c’est plutôt la notion de dépendance. Ils
voyaient qu’ils fumaient tout le temps. Ça faisait 3, 4 ans et puis ils en avaient marre. Ils se sentaient fatigués,
c’était plutôt ça. »
« il y en avait un qui avait essayé déjà et il avait plutôt peur, c’est par rapport à l’anxiété. Il se sentait anxieux un
peu. Il demandait si je pouvais l’aider par rapport à ça. »
« elle est venue un jour dans un état d’agitation, d’anxiété et de parano et tout de suite c’est parti sur sa
consommation de cannabis qu’elle m’a amenée d’elle-même. »
« elle débarque ici en crise en larmes, complètement stressée, complètement angoissée à me parler de ses études.
Comme quoi elle remettait tout en cause que ça allait pas. Et puis là, très vite, d’elle-même, elle me dit « et puis en
plus je consomme du cannabis, j’en consomme comme c’est pas possible, j’ai vraiment fortement accru ma
consommation de cannabis ». »
« J’avais parlé d’antidépresseurs assez tôt avec elle parce qu’elle avait quand même des symptômes assez
dépressifs : elle avait tendance à se renfermer un peu dans sa bulle, elle voyait plus grand monde et au deuxième
mois, je l’ai mise sous anti-dépresseur, elle a été mise sous anti-dépresseur. Elle remettait tout en cause, des
angoisses majeures très, très importantes. »
« il est venu pour des symptômes aussi … tachycardie…des symptômes un petit peu oppressants et il y avait une
consommation de cannabis importante. »
« des petits soucis à la maison aussi…des tendances à être un petit peu euh, tonique, agressif avec sa mère. » « le
soucis relationnel à la maison puisque j’avais eu des échos avec sa mère, enfin avec mon associé, qui disait qu’il y
avait de gros soucis à la maison, qu’il était très, très virulent vis-à-vis de ses parents, très agressif »
« il venait surtout pour des palpitations, tachycardie, troubles du sommeil »
« la sphère professionnelle, familiale, sentimentale, voir un petit peu comment il vit, s’il se sent bien dans sa vie ou
pas. Et lui, il était pas bien… »
« il a pris conscience que ça aller l’entraver dans sa vie professionnelle »
« C'est un patient de 22 ans qui est venu au début pour un certificat médical pour un stage, mettre à jour ses
vaccinations et puis en fait, au décours de l'interrogatoire, j'ai compris qu'il était fragile apparemment, et qu'il
consommait de l'alcool de manière compulsive. Donc, en interrogeant j'ai essayé de savoir s'il y avait autre chose
que l'alcool. Et effectivement il reconnaissait fumer du cannabis. »
« Le jeune auquel je pense, très jeune, qui a eu des soucis par rapport à ses parents, par rapport au milieu scolaire,
ça ne marchait pas. En fait, la consommation franche et problématique a été mise en évidence parce qu'à un
158
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moment donné, on l'a hospitalisé pour tous ces problèmes de comportement. »
« Il a été amené par sa mère. Il ne serait pas venu spontanément »
« C'était des soucis... Comment dire ? De révolte, d'agressivité, de non coopération, de désocialisation tant sur le
plan familial que scolaire. […] il venait par rapport au fait qu'il n'était pas bien, il ne se sentait pas bien. Il était
dépressif essentiellement »
« la maman me disait qu'il y avait des signes dans sa chambre, un comportement de laisser-aller scolaire, au niveau
de ses activités, de sa motivation. »
« Et lui, le symptôme qu'il évoquait, indépendamment de sa mère, c'était sa tristesse, sa colère »
« il y avait eu un clash à l'école voilà. C'était au niveau de l'école, ça c'était très mal passé avec un professeur. Un
conflit ouvert, verbal au niveau de l'école donc, la maman a été convoquée. Ça devenait vraiment explosif. »
« une jeune femme […] qui est venue pour faire un bilan de début de grossesse et puis là m’a parlé…ben on a
parlé du tabac et on a parlé du cannabis. Donc elle m’a dit « j’ai effectivement consommé un peu, j’en consomme
de temps en temps avant de savoir que j’étais enceinte. » »
« un jeune homme de 17 ans. Il est venu d'abord pour une gastro-entérite simple. Il m'a demandé à la fin de la
consultation si ça ne pouvait pas être lié au stress. Je lui ai répondu que c'était possible mais que c'était
probablement viral. Cette personne m'a dit qu'en fait, elle avait des problèmes avec la justice, qu'elle devait passer
au tribunal dans le cadre de violences liées à une consommation excessive de cannabis. »
« Elle me disait : « il faut que vous voyez mon fils, il est violent, il a déjà été hospitalisé deux fois en hôpital
psychiatrique à ma demande, parce qu'il est violent envers moi. Il doit passer au tribunal. Il consomme beaucoup
de cannabis. Il faut que vous le voyez, il faut qu'il se soigne. » »
« « oui, je suis d'accord de me faire soigner, de toute façon sinon je vais en prison donc, il faut qu'il y ait quelque
chose de fait. » »
« Mauvaise entente familiale. »
« J'avais vu sa mère en consultation trois jours avant en me disant qu'il venait pour un certificat de sport et qu'elle
était très inquiète par rapport à sa consommation de cannabis. Donc c'est la mère qui m'avait prévenu. Alors, on a
fait le certificat. C'est vrai qu'on a commencé à parler un peu de ses habitudes. Je lui ai demandé s'il fumait par
rapport au sport et puis petit à petit, j'ai amené la discussion sur le reste. Il avait en fait des résultats scolaires qui
avaient un petit peu chuté donc la maman était surtout inquiète par rapport à ça. Du coup, on a discuté parce qu'il y
avait un redoublement envisagé. On a commencé à discuter de sa façon de vivre, de ses sorties, de ses amis et puis
on a envisagé un petit peu le cannabis. Lui m'a dit effectivement, tout en minimisant complètement sa
consommation à mon avis, qu'il faisait comme les copains quoi. Il redoublait sa seconde. »
« ça le rendait peut-être un peu plus fatigué »
« qu'il trouvait plus dur au niveau du lycée, qu'il trouvait un peu plus difficile d'avoir des copains, tu vois. Il se
sentait un peu isolé d'une certaine façon et le fait de fumer comme les copains l'aidait aussi à rentrer dans ce
groupe. »
« Les relations avec sa mère étaient un peu tendues »
« est-ce que c'est la conséquence justement du mal-être ou de la baisse de résultat... Je ne sais pas quelle est la part
de l'un ou de l'autre »
« C’est les parents qui m’ont, c’est la mère qui m’a appelé pour eux. Et ils avaient un rythme de vie complètement
inversé, donc ils vivaient la nuit, et le jour ils n’allaient pas à l’école, au lycée. Ils ont été renvoyés plusieurs fois
de différents lycées.»
«qu’ils refusaient toute scolarisation quoi…et qu’ils sortaient tous les WE voilà…et que la mère était inquiète, elle
plutôt sur la consommation d’alcool »
« chute de scooter »
« c’était dans le cadre d’une déprime et d’une anxiété importante pour se sentir mieux dans sa peau et mieux
s’intégrer. »
Au sujet d’un autre patient
« qui est lui dans un contexte de PMD et qui fume régulièrement du cannabis oui. C’est quasiment tous les jours.
[…]Parce que… il suit pas tout à fait son traitement et que ça lui permettait d’obtenir un certain équilibre. »
« elle avait dû arriver en me disant qu'elle avait pété les plombs, qu'elle s'était engueulée avec son père. Donc à ce
moment-là, on a commencé à parler de sa situation à la maison. On a commencé à parler de tabac : je lui ai
demandé si elle fumait. Elle m'a demandé :" quoi ?". Donc à partir de là, la porte était grande ouverte. »
« Le souci majeur était plus par rapport aux risques suicidaires. »
« Mais c'est vrai qu'elle savait très bien qu'en revenant ici, j'allais aborder ses problèmes familiaux, sa
consommation d'alcool, sa consommation tabagique et cannabique »
« L'escalade de sa consommation était un peu le reflet de son malaise »
« je suivais déjà la maman et elle m'a demandé si je pouvais voir son fils de 18 ans. Elle m'a mis au courant. Moi
je l'ai vu deux fois et ça s'est bien passé. La troisième fois, ça c'est aussi bien passé mais là, il y avait des signes
évidents d'intoxication. Les yeux très rouges enfin, éclatés comme on dit. Et puis, vous savez, un peu hilare; là, ça
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flottait. C'était très clair. J'ai rien dit sur le moment. Et puis je l'ai revu une quatrième fois et là, je lui ai dit « vous
aviez fumé la dernière fois ? ». Il a rigolé et il m'a dit oui tout de suite. Il a dit qu'il avait l'intention d'arrêter. »
« parce qu'il était nerveux, irritable. Pour un problème voilà, d'instabilité psychomotrice. »
« en fait, il se dit « ben voilà, je suis comme ça, je suis nerveux. S’il y a un prof qui m'énerve, je vais tout de suite
me mettre en colère, je n'arrive pas à me raisonner. Bon, je suis comme ça et puis c'est tout ». Bon, il a aussi eu des
problèmes, il a fait des bêtises de vol donc il est en attente de jugement. Il y a tout ce contexte-là qui fait que ça
l'angoisse donc il essaye de se réinsérer. »
« Il dit qu'en fumant, il a plus de mal à se concentrer à l'école. C'est plus à ce niveau-là. Il n'est pas dans un état
pour apprendre. »
« Est-ce qu'il y a des éléments par exemple dépressifs […] dans son comportement ? Oui, je pense. »
« comme il a déjà une fragilité psychologique, à mon avis, ça ne fait que l'aggraver. »
« sûrement une consommation alcoolique également »
« il m'a évoqué ses problèmes parce que il y avait un problème relationnel avec son amie qui ne supportait plus ses
problèmes de drogue. Ça a amené à la rupture. Il avait une présentation dépressive également. Actuellement il est
en cours de sevrage parce que ça commence à être pénalisant pour le boulot déjà, parce que ça coûte cher et puis
parce qu'au boulot il est moins fiable. Ça se voit. Entre ses drogues plus le cannabis... »
« Son amie ne supportait plus que chaque soirée se termine mal parce que lui, il avait la drogue mauvaise d'autant
plus qu'il y avait une consommation d'alcool associée. »
« il y avait un fond anxieux »
Au sujet d’un autre patient
« ce sont les parents qui se sont inquiétés dans le sens que... Ils avaient l'impression que leur garçon avait un peu
lâché des études, avait tendance à sortir beaucoup plus avec les copains, avait un comportement qui s'était un peu
modifié : plus irritable, plus colérique, une façon de s'emporter, d'être un peu intransigeant, une crise d'adolescence
très marquée. Donc les parents s'inquiétaient de savoir s’il n'y avait pas une consommation de drogue en plus de
l'alcool sur les soirées. »
« « en fait, ça va les études ? ». Et comme en l'occurrence il décrochait un peu, il n'était pas très emballé : « ouais
bof... Je suis pas très motivé » »
« c'est un patient qui est venu me voir pour me demander un dosage de THC, demandé par son lycée. Parce qu'il
avait été pris à consommer du cannabis à l'école. »
Au sujet d’un autre patient
« des problèmes d'alcool et de cannabis »
« c'était surtout le problème d'alcool qui était vraiment prédominant »
« il y avait aussi un syndrome dépressif. »
« il était venu me voir pour asthénie, il était fatigué, tout le temps, voilà bon, j’avais mis une petite cure de
magnésium et puis euh il me dit : « ouais j’arrive plus à faire le sport, j’arrive plus à travailler comme je veux » et
donc je me suis dit : « est ce qu’il n’y a pas un problème de consommation de cannabis ? »»
« immaturité »
« baisse de la motivation […], « j’ai plus envie de travailler »»
« C'est un jeune que j'ai vu après avoir rencontré sa mère qui était un peu paniquée parce que la consommation de
hasch par son garçon était devenue vraiment très importante. Problèmes scolaires, problèmes relationnels,
problèmes même je crois qu'on peut dire sociaux dans tout son environnement, son cercle d'amis. Donc, le gars, il
commençait vraiment à se désinsérer progressivement. Conflit à la maison : énorme. Et donc, le garçon ne savait
vraiment pas trop où il allait, je pense. Ejecté de son lycée. Vraiment, une situation problématique. »
« Ce garçon-là, ça faisait plusieurs années que ça allait super mal à la maison : verbalement et physiquement, avec
des échanges de coups. Lui, il échangeait des coups avec le mur et parfois avec son père. Très conflictuel avec sa
mère »
« Oublier le reste. Clairement, c'était ça. Se mettre dans sa bulle »
« des difficultés à gérer. […], je l'ai perçu vraiment très anxieux vis-à-vis de plein de choses entre guillemets
« qu'est-ce que je peux faire, chez moi ça déconne, on me fout dehors, ma copine elle veut se barrer » ; vraiment,
tu le sentais vraiment anxieux et le fait de s'allumer son truc ça apaisait. »
« gros troubles du sommeil, et puis vraiment un garçon sur les dents, sur les nerfs, très, très électrique »
« Je pense à une personne en particulier, plus âgée que la moyenne c'est-à-dire plus de 40 ans. C'est une dépressive
chronique, une dépression très ancienne avec une addiction à l'alcool et aux médicaments ainsi qu'au cannabis. Et
à la limite, c'est le cannabis où elle a le plus de mal à arrêter. Je l'ai hospitalisée récemment en clinique parce
qu'elle avait replongé dans le cannabis avec le syndrome dépressif. »
« Surtout pour calmer son anxiété. A visée anxiolytique »
Au sujet d’un autre patient
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« Celui qui a une vingtaine d'années, je ne le suis pas depuis très longtemps, il doit prendre du Subutex depuis 2-3
mois. Il m'a l'air de le faire assez sérieusement, sachant que je l'ai mis à l'épreuve, je l'ai fait revenir tous les jours à
la pharmacie pour tester sa motivation. Je sais que l'autre jour, alors que le sujet n'était pas forcément venu
spontanément, je lui trouvais les yeux irrités et il m'a dit : « c'est parce que j'ai fumé avant de venir ». »
Motif de la consommation
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« pour gérer le stress, elle a été trouvé un anxiolytique, qu'elle connaissait très bien, qui était le cannabis »
« il avait plutôt peur, c’est par rapport à l’anxiété. Il se sentait anxieux un peu. Il demandait si je pouvais l’aider
par rapport à ça »
« Parce qu’ils avaient besoin de fonctionner comme ça »
« Plutôt de défonce ouais. Et là plus, c’est avec les copains, en groupes. Plutôt festif. »
« c’était plutôt le soir, lui c’était plutôt festif et soirées. C’était plutôt en fin de journée […], c’était peut être un
peu pour le sommeil qu’il prenait ça aussi. »
Au sujet d’un autre patient
« « je serais capable de remuer ciel et terre pour euh, pour trouver une barrette et ça, c’est pas au bout d’une
semaine d’abstinence, c’est vraiment du jour au lendemain, il faut absolument qu’il y ait une consommation, y’a
vraiment une dépendance, ouais physique qui s’est installée. »
Non évoqué
« Souvent, le cannabis apparaît pour eux comme un dérivatif, me semble-t-il, un espèce de traitement déjà pour
calmer les choses, les angoisses. Finalement le cannabis est vécu pour eux comme quelque chose de bénéfique. »
Non évoqué
« Pour se détendre, pour essayer d'être moins agressif envers sa mère, d'être plus calme »
« il m'a dit que lui ça lui faisait du bien, que ça le rendait zen, que voilà... Qu'il avait besoin parce qu'il se sentait
un peu angoissé. »
« c’était dans le cadre d’une déprime et d’une anxiété importante pour se sentir mieux dans sa peau et mieux
s’intégrer. »
Au sujet d’un autre patient
« il suit pas tout à fait son traitement et que ça lui permettait d’obtenir un certain équilibre »
« Elle commençait à critiquer sa consommation en disant qu'elle le faisait à visée anxiolytique. Et qu'elle en était
dépendante parce que très angoissée. »
« Il m'a dit que ça le calmait, ça calmait sa nervosité. C'était la seule chose qui le calmait. Quand il est trop énervé,
il va fumer. »
Non évoqué
Non évoqué
« après le boulot ça le détendait »
« Oubliez le reste. Clairement, c'était ça. Se mettre dans sa bulle […] tu le sentais vraiment anxieux et le fait de
s'allumer son truc ça apaisait. »
« Surtout pour calmer son anxiété. A visée anxiolytique »
Suivi d’un sevrage de cannabis
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« La prise en charge ? Alors, je suis assez surpris, parce que quand on met le doigt sur le problème, très vite, les
patients nous disent : « oui, je sentais bien que... Que ça ne me faisait pas du bien, je sentais bien que ça me créait
des angoisses ». Et on dit : « mais vous aviez bien remarqué que c'était le cannabis ? ». Là, ils nous disent oui, un
petit peu comme si c'était une révélation. Et, je pense, que dans 90 % des cas, ils arrêtent de consommer. […] Il
suffit juste de mettre le doigt sur le problème et ça ressort. »
« C'est pas reconvoqué, […] c'est : « si vous voulez on en reparle. »
Tu ne proposes pas, dans le cadre de ton protocole, tu ne dis pas : « […] dans ce cas là ça serait intéressant qu'on
se revoit dans cinq jours. »
Non sauf s’il y a une détresse. Mais ça, c'est plus la manifestation d'anxiété qui me dit on va en reparler demain,
après-demain, dans cinq jours, dans une semaine. Mais, quand le problème est bien pointé, je préfère laisser ouvert
et dire « bon ben voilà, si vous voulez on en reparle. » Et puis après, ils viennent quand ils veulent, je pense que si
on force, on obtient de moins bons résultats.
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Et dans le cadre de ce suivi là, dans les cas que tu as rencontrés, ils sont revenus ? À quelle distance d'intervalle ?
Il y en a un qui revient tous les mois depuis trois ans, donc c'est celui dont je te parlais qui avait une consommation
associée avec les benzodiazépines. Donc, le cannabis est sevré depuis deux ans, en plus il avait eu des ennuis
judiciaires. Donc, on avait dû le surveiller. Les benzodiazépines sont quasiment réglées aussi mais bon... Il y a
toujours une petite trace de benzodiazépines, donc on continue. Il y en a, c'est ponctuellement, on va les voir tous
les 15 jours pendant deux mois puis pendant les 3 ou 4 mois qui viennent. Mais j'ai l'impression que c'est six mois
quand il y a un pépin au cannabis, c'est six mois. Ça dure six mois et puis au bout de six mois ça lâche. »
« Une demande spontanée. « j’en ai marre de fumer, je voudrais essayer d’arrêter ».
Et pour quelle raison ?
C’était plus parce que ils se rendaient compte qu’ils… que c’était le caractère régulier et surtout la fatigue quand
même. Ils étaient quand même bien au courant, ils s’étaient sûrement documentés avant de venir. Ça c’est
important à voir. Le travail avait été fait avant quoi, ils voulaient qu’on arrête ensemble. La motivation était là
déjà. Y’avait pas du tout à travailler la motivation.
Vous les avez vu souvent ?
Je l’ai ai vu 2 ou 3 fois. Après je les ai perdus de vue.
Des consultations rapprochées ?
Euh oui j’essayais un peu comme dans le cadre de l’alcool. J’essayais de les revoir au bout d’une semaine. Et puis
éventuellement être joignable au téléphone si il y avait des soucis quoi. »
« Je les ai interrogés, bon ben l’examen clinique normal, l’interrogatoire. Savoir s’ils avaient des problèmes psy,
s’ils avaient des traitements, s’ils étaient suivis ? euh, et puis j’ai essayé d’analyser un petit peu…parce que je
crois qu’il y en avait un qui avait essayé déjà et il avait plutôt peur, c’est par rapport à l’anxiété. Il se sentait
anxieux un peu. Il demandait si je pouvais l’aider par rapport à ça. Donc j’ai mis une BZD avec la limite dans le
temps, en essayant de faire des décroissances dans le temps. Bon je me suis un peu servi de l’alcoologie parce que
moi je fais pas mal de sevrage d’alcool. Mais bon je me sentais un peu démuni par rapport au cannabis, c’est vrai
que…
Pour quelles raisons ?
Par rapport à la prise en charge, bon je l’ai faite un peu au feeling en m’inspirant de ce que j’avais l’habitude de
faire avec l’alcool. J’ai traité les symptômes surtout quoi, voyez, l’anxiété. »
« Alors lui, on a parlé de sa consommation, je l’ai engagé à réfléchir un peu à sa manière de consommer, aux
conséquences sur son quotidien…parce que lui, il venait surtout pour des palpitations, tachycardie, troubles du
sommeil. Là vraiment, du jour où on a abordé ça, je pense qu’il a pris une certaine…il a pris conscience de ça. Ça
a correspondu avec son départ de son entreprise donc il a quitté un peu le milieu. Il voulait se remettre à fond dans
le sport, il voulait être moniteur de surf. Et donc je pense qu’il a changé un peu son mode de vie. Donc ça a amené
aussi moins de consommations récurrentes. Je l’ai vu 2, 3 fois pour ça.
Spécifiquement ?
Spécifiquement oui. Ben pour parler de ses symptômes déjà et puis pour reparler du cannabis. Bon là, aux
dernières nouvelles, je l’ai vu y’a peu de temps pour un certificat de sport parce qu’il va faire le brevet de
moniteur-sauveteur…il avait besoin d’un certificat et on a reparlé du cannabis et clairement sa consommation de
cannabis, c’est zéro actuellement.
Donc dans ta prise en charge, tu as abordé certaines étapes pour le faire prendre conscience…de quels outils tu t’es
servi ?
Euh, quels outils… ben déjà, j’avais un point fort, c’était ses symptômes. […] Pouvoir lui mettre en évidence que
la grande majorité de ses symptômes sont dus à sa consommation importante de cannabis, c’est clair que c’était un
élément pour l’amener à prendre conscience de ça. Après ben, je sais pas comment font les autres pour l’approche
du cannabis, mais moi c’est assez empirique ma manière de faire mais euh…ben t’essayes d’aborder un petit peu
toutes les sphères personnelles : la sphère professionnelle, familiale, sentimentale voir un petit peu comment il vit,
s’il se sent bien dans sa vie ou pas. Et lui, il était pas bien…
Donc plutôt rechercher les causes
Les causes ouais c’est ça et puis ce qui fait qu’il a tendance à consommer tant que ça. Lui a pris rapidement
conscience que le produit, en soi, lui était néfaste, lui était toxique donc comme c’est un jeune qui est assez
cortiqué bon, il s’est dit « vaut peut être mieux que j’essaye sans » et donc je pense qu’il s’en est sorti assez… […]
Et à partir du moment où il a pris conscience que ça aller l’entraver dans sa vie professionnelle, bon tout de suite il
a…
Ouais, moi je pense ouais. Et puis on a abordé aussi le soucis relationnel à la maison puisque j’avais eu des échos
avec sa mère, enfin avec mon associé qui disait qu’il y avait de gros soucis à la maison, qu’il était très, très virulent
vis-à-vis de ses parents, très agressif, donc on a pu abordé ça. Il a pris conscience de certaines choses.
Et il a diminué de lui-même ?
Ouais. Y’a pas eu de thérapeutiques…
Sans besoin de lui donner des pistes…
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Alors des pistes, ben si justement, la piste de ses symptômes, la piste de son équilibre personnel. Après j’ai pas fait
le forcing sur les conséquences à long terme, je suis pas rentré dans le fait de lui faire peur. Je suis pas sûr que ce
soit la meilleure chose donc euh… Donc voilà, à partir du moment où il avait conscience que le produit lui était
néfaste, que ça avait des répercussions sur son quotidien, que peut être en changeant un peu son cadre de vie, son
mode de vie, il avait moyen de modifier un peu sa consommation, je crois de lui-même.
D’accord, sa motivation est venue très rapidement…
Ouais assez vite.
Et lui sa consommation tu te souviens…en quantité ?
Il consommait…à l’époque où il consommait beaucoup c’était 5 à 10 pétards.
Par jour ?
Ouais par jour quand même.
Et combien de temps il a mis à décrocher. Ça s’est étalé sur quoi, sur un mois ?
Oh non, non. Alors là, quand je l’ai vu la dernière fois, ça faisait presque 8 mois que je l’avais pas vu donc il y
avait un bon recul. Je dirais en 6 mois, il a changé quelque chose.
Les 2, 3 consultations se sont étalées sur 6 mois ?
Ouais
Et à la fin de la consultation, tu le reconvoquais en quelque sorte ? tu lui disais bon dans un mois on se revoit…
Ouais enfin c’était assez ouvert, je lui disais que ça serait pas mal qu’on se revoit pour discuter, pour faire le point.
Bon au début j’ai dû lui faire une prise de sang, bon pour la tachycardie j’ai dû faire une TSH, tu vois, un petit
bilan initial, histoire de se rassurer totalement sur une cause organique. Et puis donc ouais, j’ai dû le voir 3 ou 4
fois. Y’a eu ma remplaçante aussi qui l’a vu à un moment et qui a remis une couche aussi dans ce sens là. Et je
trouve que… voilà le fait d’en avoir, qu’il ait discuter avec elle, je crois, ça a conforter son idée. On avait tous les
deux à peu près le même discours donc ça a bien aidé aussi.
Donc un bilan somatique de sécurité et après tu m’as dit pas de thérapeutique ?
Pour lui j’avais pas de nécessité, j’aurais réévalué si vraiment ça s’ancrait un peu ça mais…Alors lui ça s’est pas
fait non plus dans le sens « ok t’as un problème avec le cannabis, on va se voir régulièrement et je vais te faire
décrocher » d’accord, ça s’est pas fait comme ça. Ça s’est fait « bon, t’as des symptômes bon, on va voir, moi je
pense que c’est le cannabis qui est en cause, on fait un bilan, on se revoit….ça va comment au niveau des
symptômes ? ». Donc il a peut être eu un peu de propanolol au début, je sais plus, faudrait que je reprenne.
Donc plus à visée somatique…
Ouais, je l’ai pas mis sous anti dépresseurs, anxiolytiques ou quoi que ce soit. »
Au sujet d’un autre patient
« Et donc ta prise en charge pour elle : tu l’as vu tout les combien de temps ?
Alors elle, dès le départ je lui ai dit « il y a un problème avec le cannabis, y’a d’autres problèmes aussi, faut
vraiment qu’on se voit, faut vraiment qu’on fasse le point et je te propose un suivi régulier pour essayer de voir un
peu ce qu’on peut faire par rapport à ça » […] J’ai dû la revoir écoute, je l’ai vu 4 jours après tu vois, j’ai mis : état
d’angoisse important, consommation accrue de cannabis. Le 12, tu vois et je l’ai revue le 16 : plus détendue,
j’avais dû d’emblée lui donner des anxiolytiques, elle était sous alprazolam d’emblée. Euh comme on en avait
discuté un peu quelques jours après c’était un peu plus modéré mais elle était toujours conditionnée par ses rituels,
c’est ce que j’avais noté. Et puis je l’ai revue quasiment une fois par semaine pendant 2, 3 mois hein. Avec au
début simplement des anxiolytiques pour essayer de baisser un peu le niveau d’angoisse, pour qu’elle puisse un
peu se sentir plus à l’aise et réfléchir un peu à sa consommation et essayer de prendre un peu de distance par
rapport au produit. J’avais parlé d’antidépresseur assez tôt avec elle parce qu’elle avait quand même des
symptômes assez dépressifs : elle avait tendance à se renfermer un peu dans sa bulle, elle voyait plus grand monde
et au deuxième mois, je l’ai mise sous anti-dépresseur, elle a été mise sous anti-dépresseur. Elle remettait tout en
cause, des angoisses majeures très, très importantes.
Et donc là, régulièrement, tous les 15 jours, 3 semaines…
Même pas, au début toutes les semaines et puis après tous les quinze jours et maintenant une fois par mois à peu
près.
Et donc tu dis qu’elle est toujours, là actuellement, ça pose toujours problème ?
Oui, ça pose toujours problème. Y’a eu vraiment une phase de mieux, où vraiment elle s’est prise en main, elle
faisait vraiment l’effort, elle voulait obtenir un sevrage complet, qu’elle n’arrivait pas mais elle a fait une assez
longue période, donc 2, 3 mois à fumer un joint le soir. Alors son ami n’est pas là pendant la semaine, il est absent
du lundi au vendredi. Elle a même réussi à faire 2, 3 semaines à ne plus fumer du tout quand il était pas là. Et par
contre quand il revenait, alors ils avaient une enveloppe là avec de l’herbe. Alors lui partait la semaine avec
l’enveloppe et il la laissait sans et donc quand il revenait le WE, bon ben ils s’autorisaient 2, 3 pétards enfin, c’est
ce qu’elle me rapportait. Donc bon, elle était assez contente d’elle, c’était énorme déjà, elle trouvait que c’était
énorme déjà pour elle. Et puis voilà, et il a fallu qu’arrivent des examens […]. Grosse remise en question de ses
études, elle voulait tout arrêter. Tu vois, pas bien dans sa peau quoi. Et elle a recommencé à consommer de
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manière très régulière et très importante et je l’ai vue là, il y a peu de temps, je l’ai vue il y a 10 jours et euh…
parce que se posait la question d’arrêter… elle voulait, elle envisageait d’arrêter les antidépresseurs. Et moi je lui
ai conseillé de continuer encore un petit peu si il y avait des exams qui venaient, elle était pas dans de mauvaises
conditions et j’ai ré…parce que les 2, 3 dernières fois qu’elle était venue, on avait plus parlé du coté moral,
d’accord, je l’avais laissé un peu…et j’avais mis un peu de coté le cannabis et là, j’en ai reparlé il y a 10 jours et
c’est impressionnant, c’est reparti comme en 14 quoi. […]
Et chez elle qu’est ce qui te pose problème alors avec elle […]
je pense qu’elle a actuellement un mode de vie qui lui permet pas de prendre du recul par rapport au cannabis. Son
ami qui fume, euh ses relations amicales, toutes les relations amicales, l’autre jour, j’en ai vraiment parlé avec elle,
toutes les relations amicales qu’elle a ici sont essentiellement basées sur le cannabis et elle culpabilise énormément
de ça. « Y’a des gens avec qui j’accroche pas spécialement mais que je ne vois que pour le cannabis ». Là, elle est
un peu dans une sphère, elle me dit euh….son ami part parfois avec le produit, avec la barrette et si y’en avait pas
à la maison comment elle ferait et « je serais capable de remuer ciel et terre pour euh, pour trouver une barrette et
ça, c’est pas au bout d’une semaine d’abstinence, c’est vraiment du jour au lendemain, il faut absolument qu’il y
ait une consommation, y’a vraiment une dépendance ouais physique qui s’est installée.
A un moment donné tu envisages de …d’utiliser d’autres outils de…
Elle est suivie par un psychiatre, […]. C’est moi qui l’ai branchée, je l’ai incitée à aller voir un psychiatre parce
que je pense qu’elle a besoin de faire un peu le point sur son vécu aussi. […]
Et tu l’as branchée tout de suite sur le psychiatre ou c’est en voyant vraiment le problème ?
Ouais et puis de toutes façons, elle aurait pas accepté que d’emblée je la mette sur une voie de…
Sur plusieurs consultations tu t’es rendu compte…
Ouais j’avais déjà démarré l’antidépresseur et puis après j’ai réalisé que y’avait pas que le côté chimique,
médicamenteux qui pouvait la sortir d’affaire, je crois qu’elle a vraiment besoin de faire un analyse, comprendre
un peu comment elle fonctionne par rapport au cannabis mais aussi par rapport à son mode de vie, par rapport à
ses angoisses, par rapport à sa manière d’être ; là elle remet tout en cause, tout est…rien n’est bon. Elle a vraiment
besoin de faire un travail sur elle-même. Pas uniquement vis-à-vis du produit. Je pense que si ça va mieux dans
son existence, ça ira mieux aussi par rapport au produit. »
Pas de prise en charge spécifique
« Il a été amené par sa mère. Il ne serait pas venu spontanément. Et même amené par sa mère, c'était difficile.
Alors lui, en fait, il venait par rapport au fait qu'il n'était pas bien, il ne se sentait pas bien. Il était dépressif
essentiellement, on peut dire ça comme ça. Donc, par ce biais-là, appuyé par sa mère, il avait ainsi accepté pendant
un moment de prendre un traitement antidépresseur. Mais bon, la consommation de cannabis qui était pour lui
satellite : très difficile de l'intégrer dans la consultation, dans la prise en charge. Et après quand il a été hospitalisé,
les choses ont été vues de façon plus précise, là est apparu clairement un lien de cause à effet entre sa
consommation et son comportement.
Au cours de vos consultations, vous avez abordé le problème de ses difficultés comportementales, de sa déprime ;
vous n'avez pas abordé tout de suite une éventuelle consommation de cannabis ; vous êtes resté sur les symptômes
?
Tout à fait.
Donc, à partir de là, vous avez diagnostiqué un état dépressif. Vous avez donc prescrit un traitement antidépresseur
; rapidement ?
Non, pas tout de suite, on s'est donné un petit peu de temps. Il a été vu une première fois en secteur hospitalier, par
un psychiatre en parallèle de ma prise en charge au départ. C'était moi qui l'avais adressé mais ensuite c'est moi qui
ai assuré la prise en charge parce que justement, on était confronté au problème de la coopération du patient.
Vous arriviez à le faire revenir ?
Oui quand même. À cause du traitement, du renouvellement de traitement.
Donc, c'est que le traitement lui apportait un mieux ?
Il y avait également une pression de la maman. Pour qu'il le prenne tous les jours, elle était derrière son dos pour
qu'il le prenne. Et c'est un petit peu ce que je trouve, c'est-à-dire au niveau des jeunes c'est un peu ça : on est obligé
de les forcer à un moment donné.
Est-ce qu'au cours des consultations, à un moment donné, la consommation de cannabis est arrivée ou pas du tout,
il a fallu attendre l'hospitalisation ?
Il a fallu attendre l'hospitalisation.
Est-ce que vous y pensiez ?
La maman m'en avait parlé. Elle avait trouvé des choses dans sa chambre, des choses qu'il fumait. Donc j'ai été au
courant.
Mais vous n'arriviez pas à en parler ?
Euh non, pas avec lui directement parce que, déjà c'était extrêmement difficile déjà d'aborder l'aspect des troubles
du comportement, de la dépression. C'était déjà extrêmement difficile qu'il soit là. Donc il fallait ménager... Et pas
le faire fuir tout de suite. […]
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Est-ce que vous l'avez vu souvent ce patient là?
Oui quand même, à plusieurs reprises. Je le voyais tous les mois.
Quelle stratégie avez-vous adopté avec lui ?
Eh bien la première stratégie, comme c'était la première fois que je le voyais, c'était de gagner sa confiance. Donc
on a été tout doux pour ne pas... Je voulais en fait gagner sa confiance pour l'amener à se sentir autorisé à parler en
confiance et à me dire ce qui se passait. Très vite, dans le contexte, les mois passant, je me suis aperçu qu'il avait
énormément de mal à adhérer, à prendre son traitement. Les résultats scolaires et le comportement à la maison se
dégradant, il a été décidé une hospitalisation plus ou moins d'office. C'est-à-dire qu'à un moment ses parents l'ont
forcé à venir ici, on a fait un courrier et il est allé à l'hôpital. Le facteur déclenchant, c'était que tout ce qui se
passait dans le comportement scolaire, tout cela, était arrivé à un stade extrême. Si je me souviens bien, il y avait
eu un clash à l'école voilà. C'était au niveau de l'école, ça c'était très mal passé avec un professeur. Un conflit
ouvert, verbal au niveau de l'école donc la maman a été convoquée. Ça devenait vraiment explosif.
Et quand vous, vous l'avez vu dans quel état était-il ?
Non, en fait quand je l'ai vu, comme à chaque fois, il était plutôt hyper éteint, très réservé.
Ce qui a rendu votre prise en charge difficile pour ce patient là, c'était le contexte dépressif, ce qu'il y avait à côté.
Le cannabis c'était un petit peu un moyen de se traiter, de se soulager pour lui. Après l'hospitalisation, quel a été le
diagnostic des psychiatres ?
C'était ça, syndrome dépressif avec consommation de cannabis.
Est-ce qu'ils faisaient un lien entre les deux ?
Oui quand même. C'est-à-dire que le cannabis alimentait en fait la problématique, mais qui existait de toute façon
et qui a continué à exister même quand le cannabis a été mis en stand-by. Il y avait toujours cette problématique de
dépression […].
Est-ce que vous l'avez revu après ?
Oui, je l'ai revu après et effectivement c'était mieux. Il était plus calme, la maman disait qu'il était beaucoup plus...
Moins instable au niveau de ses comportements à la maison. »
Pas de prise en charge spécifique
« Donc, au discours d'une consultation pour autre chose, cette personne a abordé son anxiété et sa consommation
de cannabis?
Oui, c'est cela. On en est resté là au départ. Trois jours plus tard, j'ai eu sa maman au téléphone. Je ne savais pas
qu'elle me parlait de cette personne-là. Elle me disait : « il faut que vous voyez mon fils, il est violent, il a déjà été
hospitalisé deux fois en hôpital psychiatrique à ma demande parce qu'il est violent envers moi. Il doit passer au
tribunal. Il consomme beaucoup de cannabis. Il faut que vous le voyez, il faut qu'il se soigne. » Donc, là, je l'ai
revu et on en a discuté. On a pris une heure pour en discuter et je l'ai orienté vers un médecin psychiatre. […]
Pour la deuxième consultation, il est revenu de lui-même ?
Non, à la demande de sa mère. J'ai eu sa mère au téléphone et je lui ai dit que j'acceptais de le voir : « vous trouvez
un prétexte, un certificat... ». Donc il est revenu pour prolonger l'arrêt que je lui avais fait pour la gastro-entérite,
enfin le certificat pour l'école. Et là, je lui en ai reparlé et il m'a dit : « oui, je suis d'accord de me faire soigner, de
toute façon sinon je vais en prison donc, il faut qu'il y ait quelque chose de fait ». »
« Le dernier auquel je pense actuellement... J'avais vu sa mère en consultation trois jours avant en me disant qu'il
venait pour un certificat de sport et qu'elle était très inquiète par rapport à sa consommation de cannabis. Donc
c'est la mère qui m'avait prévenu. Alors, on a fait le certificat. C'est vrai qu'on a commencé à parler un peu de ses
habitudes. Je lui ai demandé s'il fumait par rapport au sport et puis, petit à petit, j'ai amené la discussion sur le
reste. Il avait en fait des résultats scolaires qui avaient un petit peu chuté donc la maman était surtout inquiète par
rapport à ça. Du coup, on a discuté parce qu'il y avait un redoublement envisagé. On a commencé à discuter de sa
façon de vivre, de ses sorties, de ses amis et puis on a envisagé un petit peu le cannabis. Lui m'a dit effectivement,
tout en minimisant complètement sa consommation à mon avis, qu'il faisait comme les copains quoi. Il redoublait
sa seconde.
Quand tu dis qu'il minimisait sa consommation...
Sa mère l'avait surpris à fumer dans sa chambre et lui me disait qu'il ne fumait qu'avec ses copains. Donc une
différence entre ce que lui me disait et ce que sa mère m'avait signalé.
Et donc c'était quelle fréquence ?
Lors des fêtes, genre le mercredi et puis quand il sortait avec ses copains le week-end.
Tu as demandé à le revoir ?
Oui je l'ai reconvoqué mais il n'est pas revenu. Et je n'ai pas revu la mère depuis non plus. Mais bon, c'était il y a
un mois.
Qu'est-ce que tu lui as apporté comme message ?
J'ai essayé de lui demander surtout si il se sentait bien dans sa peau, s'il n'avait pas de souci effectivement
relationnel avec les autres. Si lui se sentait bien, s'il n'avait pas de signes de dépression. J'ai essayé de lui montrer
quels pouvaient être les méfaits du cannabis pour ce que j'en sais parce que je n'ai pas l'impression d'en savoir
énormément. Je lui ai dit que le relâchement scolaire pouvait... J'ai pas dit que c'était lié au cannabis loin de là,
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mais que c'était peut-être lié à la modification de son mode de vie, à des pratiques nouvelles. Peut-être au fait qu'il
sortait un peu plus. Que le cannabis rentrait un peu plus dans sa vie. Que ça le rendait peut-être un peu plus fatigué
en essayant de... C'était surtout sur ce mode là, le ralentissement, la fatigue sans... Alors, il m'a dit que lui, ça lui
faisait du bien, que ça le rendait zen, que voilà... Qu'il avait besoin parce qu'il se sentait un peu angoissé. C'est
quand même ça qui ressortait par moments. En fait il prenait ça un peu comme un anxiolytique. »
« ce sont des jumeaux très intelligents sans soucis particulier à priori, donc contexte social plutôt favorable, euh…,
un frère aîné qui suit ses études et qui pose pas de problème et un quatrième frère plus petit qui lui aussi ne pose
pas de problème. Et là, on était dans un conflit avec des jumeaux qui se mettaient en marge de la société. Donc à
ce moment là, ben j’ai essayé de comprendre un petit peu pourquoi. Et donc j’ai essayé de voir un petit peu quels
étaient les différents facteurs. Alors un des facteurs que j’ai pu retrouver, c’est effectivement leur haut potentiel,
donc qu’ils étaient un peu au dessus de la norme donc euh…ils essayaient… […] C’était un moyen pour eux
d’essayer de rentrer dans le moule par rapport aux autres élèves de leur classe. Parce qu’on les traitait d’intello
avec leurs lunettes tous les deux et donc je crois effectivement qu’ils n’ont pas apprécié enfin ils n’ont pas accepté
ce statut là. Le fait que je les ai vus alcoolisés avec des fêtes très abondantes enfin oui, je dirais des fêtes très
alcoolisées….effectivement j’étais amené à poser la question si, par hasard, il n’y avait pas en plus un problème de
cannabis là dessus. Donc voilà comment j’ai été amené à évoquer le problème.
Mais tu dis bien qu’en réalité, bon c’était un élément du tableau mais que c’était pas forcément l’élément le plus
préoccupant dans ce tableau là.
Non, oui pour ceux-ci, oui, c’était pas l’élément le plus préoccupant.
Tu es pas tellement inquiet, ils ont un haut potentiel, mais ils ont utilisé le cannabis pour se mettre à niveau entre
guillemet
Oui, c’était utilisé que les WE quand ils sortent, dans la semaine, ils n’en fument pas du tout, donc c’est vraiment,
oui, c’est ponctuel même si c’est les WE. Mais c’est pas de façon quotidienne quoi.
Au sujet d’un autre patient
« Qui est lui dans un contexte de PMD et qui fume régulièrement du cannabis oui. C’est quasiment tous les jours.
[…]
Et là tu as été amené à le prendre en charge un peu plus spécifiquement par rapport au cannabis ? […]
Je me suis référé un petit peu aux prises en charge d’alcool et tabac, un petit peu dans le suivi, mais c’est vrai que
j’avais pas de, enfin de protocole bien particulier. Je me suis posé la question d’abord du pourquoi, comment il
était rentré dans le phénomène de fumer quotidiennement… […] Qu’est ce qui l’avait amené. S’il souhaitait s’en
sortir aussi ou pas et s’il souhaitait arrêter.
Donc évaluer sa motivation ?
Donc oui, évaluer sa motivation et déjà comprendre comment il était arrivé à en fumer de façon quotidienne.
D’accord. Est-ce que sa pathologie psychiatrique a rendu difficile la prise en charge ?
Oui, oui indéniable. Ça c’était clair. […] Parce qu’il suit pas tout à fait son traitement et que ça lui permettait
d’obtenir un certain équilibre et puisqu’il travaille un petit peu quand même, et ben effectivement ça permettait
d’avoir un équilibre
Donc il l’utilisait un peu comme une thérapeutique ?
Ouais donc c’est là plutôt le problème quoi, et il refuse l’hospitalisation en psychiatrie pour essayer de régler le
problème que ce soit à Bohars ou que ce soit en clinique où il a eu deux suivis différents. Donc là effectivement,
mon but c’est d’essayer de le ramener sur une structure de consultation psychiatrique mais pas forcément
d’hospitalisation, mais au moins déjà, reprendre contact avec un psychiatre. […]
Donc tu essayes de travailler un peu en parallèle avec les correspondants psychiatres ?
Oui, oui et éventuellement essayer de leur…à eux d’essayer de … enfin…de régler le problème puisqu’ils ont plus
d’expérience que nous. Moi c’est déjà essayer de bien déterminer quelles sont les origines, quels sont les
problèmes et puis à ce moment là effectivement essayer de réorienter si c’est nécessaire quoi. »
« Tu l'as vu souvent dans cette prise en charge une fois que le problème était pointé?
Dans le cadre de sa prise en charge, oui. Avant son hospitalisation on n'en a pas trop parlé parce que ça n'était pas
le souci majeur. Le souci majeur était plus par rapport aux risques suicidaires.
Que tu as détectés au même moment que la consommation de cannabis ?
À deux mois prêts, ça a été une évolution crescendo mais elle fumait depuis un an ou deux déjà du cannabis. C'est
après son hospitalisation et quand elle a été mieux sur le plan psychiatrique que j'ai ré abordé le sujet pour savoir
où est-ce qu'elle en était de sa consommation quotidienne et hebdomadaire de cannabis.
Et donc là, comment ça se passait, tu en parlais au cours de la consultation, tu la reconvoquais ? Ou bien est-ce que
tu laissais simplement la porte ouverte?
Elle venait facilement pour de la petite bobologie qui ne nécessitait pas forcément une consultation sur le plan
somatique. Mais c'est vrai qu'elle savait très bien qu'en revenant ici, j'allais aborder ses problèmes familiaux, sa
consommation d'alcool, sa consommation tabagique et cannabique. Je me suis toujours dit qu'elle venait en
consultation plus pour arriver à parler de ça, en fin de consultation. Je lui laissais la porte ouverte: « je suis là, tu
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sais que je suis là, je sais que tu viens donc on sait très bien qu’on en reparlera. » Ça pouvait même aller à des
consultations deux fois par mois.
Tu suivais un protocole particulier pour cette prise en charge par rapport au cannabis?
Non. Par rapport à sa consommation, je ne suivais pas de protocole particulier. J'ai essayé de voir un petit peu
qu'elle était sa consommation réelle. C'est vrai qu'en sortant de l'hôpital, il y a eu une forte diminution dans les
mois qui ont suivi parce qu'elle était mieux sur le plan psychique. J'essayais de rester vigilant par rapport à ça et
d'en parler régulièrement.
Est-ce qu'il y a eu des éléments qui ont rendu ta prise en charge difficile?
Elle en parle ouvertement donc ça a toujours été facile d'en parler. Elle a commencé à avoir un regard critique par
rapport à tout cela un an après son hospitalisation. Elle commençait à critiquer sa consommation en disant qu'elle
le faisait à visée anxiolytique. Et qu'elle en était dépendante parce que très angoissée. Maintenant, elle consomme
un ou deux joints le week-end entre amis. Et cette diminution de consommation est corrélée à son mieux être
psychologique. Donc c'était vraiment une consommation anxiolytique. […]
Dans quelle proportion tu penses que le cannabis était préoccupant dans ce problème?
Quand j'ai su qu'elle consommait de façon régulière dans sa chambre et qu'il y avait des risques suicidaires. Donc
c'est en évaluant le risque suicidaire qu'on a été amené à parler de sa consommation personnelle et seule. C'est là
où je me suis inquiété pour elle. À partir de là, on a essayé de travailler un peu sur ça dans les 15 jours qui ont
suivi. C'est là qu'est survenue la tentative de suicide, passage par les urgences, hospitalisation à Angela Duval… »
« Moi je l'ai vu deux fois et ça s'est bien passé. La troisième fois, ça c'est aussi bien passé mais là, il y avait des
signes évidents d'intoxication. Les yeux très rouges enfin, éclatés comme on dit. Et puis, vous savez, un peu hilare;
là, ça flottait. C'était très clair. J'ai rien dit sur le moment. Et puis je l'ai revu une quatrième fois et là, je lui ai dit «
vous aviez fumé la dernière fois ? ». Il a rigolé et il m'a dit oui tout de suite. Il a dit qu'il avait l'intention d'arrêter.
Donc, je dois le revoir, je lui en ai parlé. Je lui ai expliqué que ça n'était pas anodin. Bon, maintenant, c'est vrai que
c'est très difficile chez des adolescents ou des jeunes adultes, de faire passer le message que ça peut être
dangereux, qu'il peut y avoir éventuellement des bouffées délirantes aiguës. Donc, bon, voilà le suivi il est ....
Donc, c'était la maman qui vous en avez parlé d'abord.
Oui, c'est la maman qui m'en a parlé et moi j'ai constaté. »
« Et donc là, c'est lui qui est venu vous voir pour ce problème de nervosité ?
Amené quand même par sa mère, mais il était OK pour venir quand même pour ce problème-là, de nervosité. Et
pendant les premières consultations, je n'ai pas parlé du problème de cannabis parce que ça peut être pris comme
un reproche ou une agression donc comme l'approche de l'adolescent et du jeune adulte est sensible, je n’allais pas
tout de suite me mettre à parler comme si j'étais sa mère et à le sermonner parce que là, la communication risquait
d'être coupée. Donc je le mets plutôt à la même hauteur que moi, je lui fais sentir que je le considère comme un
adulte, une personne à part entière et puis j'instaure un dialogue en confiance comme ça. Et en fait, ça a été assez
facile puisqu'à la troisième consultation, il avait fumé, c'était clair. Je n'ai rien dit. C'est après que je lui dis « bon
maintenant il ne faut pas non plus me prendre pour...hein, donc j'ai vu que vous aviez fumé et voilà, on va en
parler ».
Et, lors des deux premières consultations, avant qu'il ne se présente avec des signes d'imprégnation manifeste,
vous parliez uniquement de son problème de nervosité, d'angoisse.
Oui, oui.
À quoi est-ce qu'il attribuait tout cela lui ?
en fait, il se dit « ben voilà, je suis comme ça, je suis nerveux. S’il y a un prof qui m'énerve, je vais tout de suite
me mettre en colère, je n'arrive pas à me raisonner. Bon, je suis comme ça et puis c'est tout ». Bon, il a aussi eu des
problèmes, il a fait des bêtises de vol donc il est en attente de jugement. Il y a tout ce contexte-là qui fait que ça
l'angoisse donc il essaye de se réinsérer. Il a trouvé...Je crois qu'il fait un BEP de peinture. Il a trouvé une
entreprise pour le former et après un CDI. Donc il est quand même dans une démarche, il essaye de s'en sortir.
Donc il souhaite aussi pour s'en sortir, il dit « moi si j'insulte le prof et que je quitte la classe en claquant la porte,
ça ne va pas le faire devant le juge ». »
« Est-ce qu'il y a des éléments dans votre prise en charge qui ont été difficiles. Par exemple difficultés à aborder le
sujet, difficultés du fait de la relation que vous aviez avec sa maman, son attitude à lui peut-être à ne pas vouloir en
parler et puis tout d'un coup quand même à vous provoquer en venant imprégné.
Non pas de difficultés de prise en charge de cet ordre-là. Parce qu'il y a une confiance qui s'est instaurée dès la
première consultation. Donc je n'ai pas posé la question et il ne m'a pas dit « non je ne fume pas ». Il n'y a pas eu
de... Comment expliquer ? J'ai pas posé la question, je l'ai laissé tranquille et c'est après qu'on en a parlé donc il n'y
a pas eu de difficulté. Il n'a pas essayé de nier. Il n'a pas été agressif du tout. Je pense qu'en se présentant imprégné
il voulait me dire « ben voilà, je fume et j'ai peut-être besoin d'aide ». Maintenant, je ne l'ai pas revu depuis donc
peut-être que la difficulté va être dans le sevrage ou dans la prise en charge pour l'aider à s'en sortir. Est-ce qu'il va
prendre ça suffisamment au sérieux pour vraiment se sevrer, demander de l'aide et exprimer que ça n'est pas
forcément facile. Ou est-ce qu'il va prendre ça à la légère, je ne sais pas. […]
Quelle a été votre objectif principal pour lui faire prendre conscience de sa consommation ? Quels leviers vous
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avez utilisés pour lui faire comprendre que le cannabis était peut-être responsable d'une partie de ses problèmes ?
Eh bien, le contexte avec la justice. En lui disant que ça n'allait pas aller dans le bon sens. Et puis le fait qu'il y a
vraiment des risques... Comme il a déjà... Ça, je ne lui ai pas dit, mais comme il a déjà une fragilité psychologique,
à mon avis ça ne fait que l'aggraver. Et le fait que c'est un leurre, voilà surtout ça, c'est un leurre. Vous avez
l'impression que ça vous aide mais en fait ça ne fait qu'aggraver les choses. C'est là dessus que je joue. Et sur le
fait qu'il ne peut pas se permettre de rater sa scolarité. Parce qu'il risque quand même la prison.
Dans votre sevrage, en admettant qu'il revienne, quels vont être vos objectifs ?
L'objectif, c'est un sevrage total. Donc abstinence. De l'aider au sevrage psychologique aussi, voyez cette
dépendance là, à se dire qu'il n'y a que ça qui peut l'aider. Donc, trouver d'autres moyens, d'autres dérivatifs au
stress et à sa nervosité. Et puis j'aimerais bien garder ce climat de confiance de façon à ce qu'il puisse, si ça ne va
pas bien, venir ici dire que ça ne va pas plutôt que de retourner fumer. Donc je le fais en acupuncture. Bon, il a
déjà eu des anxiolytiques à sa demande. Bon, je les ai donnés, parce que c'est déjà une façon de se raccrocher à
autre chose. Même si je pense que ça n'est pas tout à fait la solution. Je lui ai donné d'abord du Lysanxia 10 et « ça
me fait rien, j'en prends deux, j'ai été obligé d'en prendre trois l'autre jour ». Donc, je n'ai pas envie de passer à du
Lysanxia 40, donc j'ai dû passer au Lexomil. Je ne sais pas ce que ça a donné. Il avait déjà essayé du Xanax 0.5, ça
ne faisait rien.
Comment avait-il eu ce Xanax 0,5 ?
Sa maman. »
« Initialement il t'a parlé de ce problème-là parce qu'il avait des problèmes dans son couple. Qui est-ce qui a pointé
le problème du cannabis ?
C'est lui. Il m'a dit directement que la cause de ses difficultés était le cannabis. Son amie ne supportait plus que
chaque soirée se termine mal parce que lui, il avait la drogue mauvaise d'autant plus qu'il y avait une
consommation d'alcool associée. Ça devenait préjudiciable parce que ça devenait conflictuel dans le couple. Donc
le problème de drogue a été central... C'était une consommation quotidienne. Je pense que c'était sous forme de
pétards. Je ne crois pas qu'il ait utilisé d'autres modes de consommation comme les pipes à eau.
Donc, tu l'as revu plusieurs fois par rapport à ce problème-là?
Non, parce que moi je ne donne pas de drogues de substitution. Je sais que c'est un patient qui a été à un moment
donné avec le médecin auquel j'ai succédé. Il a été suivi déjà pour des problèmes d'anxiété et il y avait une
dépendance aux médicaments également. Donc je n'ai pas osé entrer dans ce jeu-là et c'est vrai que j'ai préféré
l'envoyer vers l'ADI de Brest pour mettre en place un suivi parce qu'il utilisait aussi des drogues dures. Je me
méfie un petit peu de ces cocos là. C'est vrai que malgré tout, ils aiment bien arranger leur monde et puis ça n'est
pas ma spécialité, je n'ai pas envie de m'impliquer là-dedans. »
Concernant un autre patient :
« Je lui ai conseillé de se méfier et de ne pas se retrouver dans cette escalade de drogue. Dans le sens où, à un
moment donné, la consommation risque d'être plus importante, les effets attendus seront de moins en moins
importants avec le risque de passer éventuellement à autre chose. Ou alors effectivement l'effet de désocialisation
qu'apporte la drogue. Surtout avec le cannabis... Un côté nonchalant, apathique où on glande que dalle et puis on
s'enfonce. Donc je pense que je lui ai parlé de ces éléments-là mais je pense que lui, il était plutôt cool. Pour lui, ça
n'était pas un problème. Donc sur une consultation, je l’ai mis un petit peu en garde.
Tu ne l'as pas reconvoqué par la suite ? Tu n'as pas eu de nouvelles particulières ?
Non. C'était assez ponctuel. Je n'ai pas eu de patients pour lesquels j'ai réellement fait un suivi pour le cannabis. »
Pas de prise en charge spécifique
« Est-ce qu’il y a des éléments qui ont rendu ta prise en charge difficile, est-ce que tu t’es heurté à des difficultés
de communication avec lui, pour aborder le problème ? Est-ce que tu t’es senti un petit peu en difficulté par
rapport à sa consommation, aux termes qu’il employait par rapport…
Non, non, non franchement non parce qu’il venait pour un problème et bon, une fois qu’on avait éliminé le
problème physique etc., bon c’était quelqu’un qui était pas non plus dépressif. La consommation de cannabis a été
le moyen de rebondir enfin, c’est une question sur laquelle il a très bien compris quand je lui ai expliqué les effets
et que c’était probablement ça qui le fatiguait.
Et en définitive il a diminué sa consommation ?
Il en prend plus là….depuis un an, il a stoppé. Voilà ça fait un an qu’il a stoppé et puis après les deux
consultations, je l’ai mis sous traitement anxiolytique, voilà.
Lequel ?
Xanax, xanax 0.25, 1 le soir pendant un mois et puis un demi pendant un mois et puis arrêt. Et depuis, ça va.
Et donc ce patient là, il était venu te voir pour asthénie, donc t’avais fait le bilan d’asthénie
Ouais et puis baisse de la motivation, baisse des capacités sportives. A un moment c’était vraiment fatigue,
« j’arrive plus à faire mon sport, j’ai baissé mes capacités, j’ai plus envie de travailler »
Et donc la deuxième consultation était déjà ciblée cannabis ?
Alors oui, en fait, la première consultation c’était fatigue donc j’ai pas posé la question cannabis, je lui ai dit
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« prends le magnésium, si ça continue, fais ton bilan et après reviens me voir avec le bilan si ça va pas mieux. »
Donc c’est ce qu’il a fait, il est revenu me voir avec la prise de sang. Y’avait rien à la prise de sang. Il me dit « le
magnésium ça marche pas » et c’est là que j’ai essayé de creuser un peu.
Et donc rapidement au cours de la deuxième consultation, le motif et arrivé et tu as pu débuter ta prise en charge ?
Voilà.
Et donc tu considérais que, dans cette situation là, le cannabis était vraiment préoccupant ?
Ah ouais, ouais, clairement. Bon, l’histoire sur un an, de passer d’une consommation occasionnelle à une
consommation quotidienne et… montrait bien la dépendance et puis les conséquences, parce qu’une fois qu’on a
éliminé ça effectivement, j’étais pas persuadé que le cannabis était responsable de ses symptômes mais je savais
que ça pouvait entraîner ça quoi.
Et lui se sent mieux maintenant ?
Ah oui, oui. »
« Il s'est trouvé que j'avais vu en consultation à plusieurs reprises au cours d'un remplacement sur la côte dans les
années précédentes, une dame qui était la conseillère d'éducation dans le lycée. Le courant était très bien passé. Du
coup, elle, elle était bien avec ce garçon là. Relation de confiance on va dire. Elle a réussi à le convaincre de venir
me voir. »
« Disons, que je me suis plus basé, on va dire presque sur de l'intuition, sur sa propre personnalité en fait, plus que
sur ce que j'avais pu acquérir, pour essayer de gérer au mieux cette situation là. En fait, pour aller directement à la
conclusion, ça s'est plutôt bien passé. Ce qui veut dire que, en un an, on a réussi à faire passer la consommation qui
était entre 10 et 20 pétards par jour à cinq pétards par semaine, on va dire. Donc, j'étais assez content. Je n'ai pas
revu ce garçon depuis un bon moment. Je ne l'ai pas revu depuis six mois. Je crois qu'aux dernières nouvelles, sa
consommation était vraiment limitée. Sur le plan social, il s'est bien réinséré. Il a suivi une filière de formation
professionnelle. Il a eu un emploi. »
« Donc, tu l'as vu, une dizaine de fois en un an. Comment est-ce que ça se passait ? Tu le reconvoquais ?
Au tout début, oui, je lui ai proposé au terme de la première consultation, où encore une fois j'ai essayé d'être le
moins... Comment dire... Vraiment ne pas porter de jugement. En étant vraiment le plus simple possible. Je lui ai
simplement dit que s’il voulait, on pouvait se revoir à plusieurs reprises afin de voir comment on pouvait essayer
d'aménager une diminution de la consommation. Éventuellement avec une aide aussi, pourquoi pas
médicamenteuse, ce qui a été le cas au début. Donc, les toutes premières fois, il a accepté le principe. Pendant un
mois, on s'est vu une fois par semaine. Une prise en charge resserrée au départ. J'ai dû lui donner une petite benzo
à visée anxiolytique.
Comment est-ce que tu as abordé avec lui sa consommation de cannabis ? Est-ce que c'est venu tout de suite, il
savait pourquoi il venait en consultation ? Ou bien est-ce que lui, il est venu un petit peu...
Ben, à reculons. Je crois que c'est venu assez vite en fait parce que sa mère lui avait dit qu'elle était venue me voir.
Qu’elle avait parlé de lui. Donc c'est venu très, très vite dans la consultation, dans la discussion. Par contre, c'est
vrai, premier contact, premier abord, un petit peu difficile, on le sentait vraiment beaucoup sur la défensive.
Beaucoup, beaucoup. Et puis, je pense qu'on a détendu assez vite l'atmosphère. Déjà, on a essayé de faire
connaissance, de savoir un petit peu comment il vivait, les frères et soeurs, les amis, les loisirs. Ce qu'il a envie de
faire plus tard ? A quoi il pensait ? Comment ça se passait avec ses parents? Vraiment, on a essayé d'aborder pleins
de sujets. Ça a été très dense pendant les deux premières consultations. »
« Et donc, tu as abordé la consommation de cannabis, sous l'angle de ses problèmes ? Tu n'as pas parlé directement
de cannabis. Tu es plus parti des problèmes qu'il pouvait rencontrer pour essayer de l’amener à dire que peut-être
le cannabis était responsable.
Oui. Je pense qu'au début, il se rendait compte... Il a accepté de bonne grâce qu'il y avait très probablement un lien
entre sa consommation qui était importante de cannabis et tous les problèmes qu'il pouvait avoir autour de lui.
Et sa motivation à stopper sa consommation, il a fallu la façonner ou ...?
Lui, il avait 2 choses qui lui tenaient beaucoup à coeur et qui, je crois, lui tiennent toujours à cœur. C'était un :
trouver un boulot dans la branche qui lui plait beaucoup qui est l'ébénisterie. Donc ça, ça lui plait beaucoup. Et
puis, on va dire améliorer ses relations avec sa copine. Parce que là aussi, ça n'allait pas vraiment pour les mêmes
raisons, parce que c'est un gars qui fumait beaucoup. »
« Est-ce que tu as pris des contacts pour ce patient-là ? Avec un psychiatre, une assistante sociale ?
Alors, lui, il y a eu un refus quasi constant d'aller vers un psy sinon, j'aurais très volontiers accédé... Je vérifie ce
que je te dis, mais à priori, il a toujours refusé. Je crois qu'on avait commencé à envisager peut-être, de voir une
psychologue mais ça n'a jamais abouti. Tu vois, je n'ai aucun courrier pour l'adresser nulle part. Donc c'est qu'il a
toujours refusé. J'ai dû avoir une fois par téléphone sa conseillère d'éducation mais au tout début. J'ai vu, pour tout
autre chose, deux ou trois fois sa mère en consultation pour un renouvellement ou parce que son médecin traitant
n'était pas là. Mais c'est tout, ça s'est limité à ça. J'ai surtout eu des contacts avec ce garçon là. J'ai pris conseil un
petit peu... J'ai parlé de son dossier, de son cas avec une copine qui est psy mais qui malheureusement n'est pas
dans le coin sinon, j'aurais vraiment fait des pieds et des mains pour essayer de le convaincre d'accepter...
Probablement peut-être plus que ce que je n'ai fait. Oui, je lui en ai parlé. Mais alors te dire maintenant quels
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étaient les éléments qu'elle a pu me fournir, je ne m'en rappelle plus.
Dans ta prise en charge, d'abord très rapprochée, puis un peu plus éloignée, tu as d'abord pris contact. Après tu as
évalué un peu sa motivation... Tu as avancé quels éléments pour qu'il diminue sa consommation ?
Essentiellement, je pense qu'il a compris avec ou sans moi, qu'en diminuant sa consommation, il ne pourrait
qu'améliorer sa relation avec l'extérieur ; donc le boulot, la copine, les parents. Ce faisant, c'est comme ça qu'il a
accepté assez vite et assez facilement, plus facilement que ce que j'aurais pensé, une aide à son sevrage progressif
et jamais quantitatif de ma part. C'est-à-dire que je ne lui ai jamais dit : « tu vas virer deux ou trois pétards tous les
jours ». Je lui ai dit : « voilà, moi je te prescris ça, tu peux le prendre de telle manière, quand tu as une bouffée
d'angoisse, quand il y a un clash à la maison, au lieu de grimper dans ta chambre, dans ta grotte et de t'allumer ton
truc, eh bien, tu prends un demi ou un comprimé d'alprazolam. On a commencé ça à un dosage quasiment
homéopathique pour ne pas le mettre dans les choux et pour qu'il adhère le mieux possible aux traitements. Et
puis, enfin, les premières semaines, il en a pris plusieurs fois par jour par coup de demi alprazolam 0.25...
En substitution ?
En substitution. Et puis il a fini par... Ce n'est pas qu'il a fini... Il s'est rapidement rendu compte que d'abord, c'était
une aide. Que oui, il fumait un peu moins avec ça, il se sentait un peu mieux. Et vraiment très progressivement, ça
n'a pas été brutal du tout, il est parvenu à diminuer de manière importante sa consommation. Et il s'est rendu
compte dans le même temps que, parce qu'il faisait des efforts et parce que ça allait mieux, les relations avec ses
parents s'amélioraient et que, dans la même période, je crois qu'il a terminé son année et il a été pris en stage dans
une boîte. […]
D'accord, donc une prise en charge prolongée, qui a abouti à un résultat.
Oui, honnêtement oui. Je pense qu'il n'est pas du tout à zéro, je ne crois pas. Il fume toujours. »
Pas de prise en charge spécifique
170
28.
Annexe 28 : dépistage systématique tabac/cannabis
1
« C'est souvent associé : « est-ce que vous fumez? », « oui ou non? » ; « cannabis? » (avec un hochement de tête
entendu). Point d'interrogation, phrase traînante. Mais je vais pas aller gratter. Je ne vais pas aller dire « vous êtes
sûr, vraiment ? ». S’ils disent non c'est non, s’ils disent oui, c'est une porte ouverte : soit on en parle à cette
consultation là, soit on le met dans un coin de notre mémoire et on n'en reparle une autre fois. »
« l’examen sport ? je crois que je pose assez facilement. […]Avec le tabac, ouais, d’abord tabac, après cannabis. »
« Je vois beaucoup de jeunes aussi et d’adultes jeunes donc ouais là ça vient très facilement. Et puis j’aime bien
de temps en temps effectivement, les 18-25 ans, les étudiants en études supérieures, j’aime bien aborder ça »
« question standart du dossier « tu fumes ? ». Un coup sur deux ils te répondent « non » mais bien souvent ils te
disent « non pas du tabac ». Y’en a beaucoup qui te répondent ça, qui font un non, un petit non. Alors là, la
question elle coule de source, ils ont ouvert la porte quoi hein. « des joints ? », « ben ouais, ouais ça m’arrive,
comme tout le monde » »
« Parce qu'en fait j'essaie, je dirais pas systématiquement mais le plus souvent possible, quand j'ai un nouveau
patient, de savoir en lui posant des questions sur son mode de vie, sa consommation de tabac et éventuellement la
consommation d'alcool, le sport... »
« Je pose la question tabac et quand même assez régulièrement cannabis oui. Mais pas systématiquement. »
« Alors je pose la question, le tabac, « est-ce que vous fumez autre chose ? » A ce moment-là ils l'évoquent »
« assez peu en réalité. Donc, je pense que là, je ne creuse pas assez là-dessus. Peut-être quand on parle de
l’hygiène de vie effectivement à l’occasion, mais je ne vais pas spécialement poser les questions. »
« sûrement un adolescent qui tousse ou qui est asthmatique, avec lequel on parle de tabac, je pense que c'est assez
facile d'en parler : « tu fumes et qu'est-ce que tu fumes? ». »
« On demande s'ils fument et qu'est-ce qu'ils fument » « Je pense pas qu’ils commencent directement par le
cannabis de toutes façons. Tous les adolescents, on essaie de leur demander s’ils fument lors des certificats. Donc
après, s’il y a consommation de tabac, c’est de voir au niveau du cannabis »
« quand on leur pose la question du tabac : « est-ce que vous fumez ? » parfois ils répondent « quoi ? Qu'est-ce
que je fume ? ». « Ben tout, dites-moi ». Et souvent, effectivement, il y a le tabac mais il y a aussi le cannabis le
week-end. »
« je pose la question déjà s’il fume donc euh voilà et s’il fume, il me dit oui et je lui demande effectivement s’il a
fumé une fois ou deux du cannabis quoi »
« On a commencé à parler de tabac : je lui ai demandé si elle fumait. Elle m'a demandé : « quoi ? » Donc à partir
de là, la porte était grande ouverte. » « Et puis je demande toujours s’il fume à la maison du tabac, avec les
parents » « je ne le fais pas de façon systématique. […]Sur les aptitudes de sport, je le demande de temps en
temps. Je demande la consommation de tabac quoi qu'il arrive »
«Et puis le fait qu'il sentait déjà le tabac, donc il fume » « Je ne suis pas systématique comme l'alcool ou le
tabac. »
« Pareil, ça sera plus ciblé éventuellement. Par exemple pour le certificat de sport je demande pour le tabac mais
pas pour le cannabis. »
« Soit parce qu'il y a eu un problème d'alcool donc effectivement tu peux poser la question s’il y a une
consommation éventuellement en plus. Soit parce que tu poses la question du tabac chez un asthmatique par
exemple »
« Bon, quelqu'un qui vient pour une visite médicale, je ne vais pas forcément poser la question, à part s’il y a des
petites choses, comme le tabac » « Déjà j'essaye de poser la question s’ils fument du tabac »
seulement si « des signes d’alerte »
« rarement s'il n'y a pas de point d'appel. Ou alors, tu sais en ce moment, il y a la campagne, les fameux bilans de
santé... Là, ce sont des consultations un peu plus longues aussi où je procède un petit peu comme une première
consultation. C'est beaucoup plus détaillé. C'est une consultation de prévention donc là, on aborde les choses »
« C'est une question que je pose assez facilement quand je vois pour la première fois ou une des premières fois un
patient […] Là, en général c'est une consultation relativement longue, une demi-heure ou trois quarts d'heure où je
fais un interrogatoire qui est assez long sur les antécédents, l'habitus et tout ça. Et c'est une question que je case
là-dedans. »
« C'est une question qui peut venir au moment d'une consultation ou du sevrage ; consultation qui a trait à une
consommation qui est plus importante de tabac ou d'alcool. Là : « est-ce que vous fumez, est-ce que vous picolez,
est-ce que vous fumez autre chose ? ». Ce sont des questions qui viennent facilement. Mais dans une autre
situation, non, j'avoue que […] ça ne me vient pas facilement comme ça. »
« Déjà le tabac, l'alcool, ça fait déjà beaucoup de choses à aborder et puis c'est pas facile d'avoir le temps
d'aborder chaque domaine »
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29.
Annexe 29 : adolescent à risque
Personnalité
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« Sur la personnalité, parce qu'on peut aussi sonder certaines personnalités : on peut se dire celui-là, il a un profil.
Alors là, on va retomber sur les profils borderline, sur les profils des toxicomanes. C'est vrai que sur certaines
personnalités, on va peut-être aller mettre un petit coup de sonde plus facilement »
« y’avait aucune bizarrerie, aucune ambivalence, aucune…rien du tout »
« je l’ai incitée à aller voir un psychiatre parce que je pense qu’elle a besoin de faire un peu le point sur son vécu
aussi. Je pense que derrière y’a pas mal d’autres choses »
« il faut une personnalité […], un environnement et […] la présence du produit »
« Seulement si je me pose des questions par rapport au jeune, si je le trouve un peu bizarre » « il y a des adolescents
qui sont fragiles »
« borderline »
« qu’un certain type de personnalité ou de patients seraient plutôt amenés à glisser doucement avec ce genre de
produit »
« personnalité schizoïde, à la limite de la schizophrénie »
« fragilité psychiatrique sous jacente »
« mal être de l’adolescence » « s’il se sentait bien dans sa peau, s’il n’avait pas de soucis relationnels avec les
autres » « sa fille était en pleine recherche d’identité et elle pensait qu’elle était lesbienne »
« fragilité psychologique » « recherche d’expériences » « personnalité psychotique »
«des gens un peu particuliers »
« immaturité » « il a pas su dire non »
« un terrain trop fragilisé »
Evénement de vie précipitant
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Deuil d’un ami proche
« déménagement » « rupture affective »
Découverte du corps de sa grand-mère, deuil, ruptures, séparations, échec sentimental
Décès de ces parents, suicide de la mère
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Contexte Familial
Situation des parents :
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Cas clinique
Non évoquée
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Situation familiale stable
Non évoqué
« Ses parents étaient divorcés essentiellement
[…] Son père avait refait sa vie avec une autre
personne qu’il ne supportait pas. »
Non évoquée
Père absent, inconnu. Manque d’autorité
paternelle
Situation parentale stable
Situation parentale stable
Situation parentale stable
Famille monoparentale. « Il a une soeur mais
qui est partie vivre avec le père. »
« Il a une histoire personnelle un peu
particulière. Il a perdu ses parents, il a été élevé
par ses grands-parents. » Concernant un 2ème
cas : « Il s'agissait d'un couple reconstitué
malgré tout donc séparé, et remarié »
Concernant un 3ème cas : « Un adolescent qui a
perdu sa mère deux mois après sa naissance et
qui a été élevé uniquement par son père et ses
grands-parents. Sa mère s'est suicidée »
Non évoquée
Non évoquée
Situation parentale stable
Non évoquée
Question spécifique
Non évoquée
Non évoquée
Non évoquée
Contexte familial, séparation
Couples divorcés
Non évoquée
Manque de repères. « les enfants un peu seuls, les ados un peu
livrés à eux-mêmes. »
Rupture familiale récente
« le père qui peut être en prison, les parents sont décédés »
Conflits familiaux
Deuil, ruptures, séparation.
Mais là aussi c'était une histoire compliquée
Non évoquée
Non évoquée
Non évoquée
Non évoquée
Antécédents familiaux, attitudes des parents face au produit
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Non évoqués
Non évoqués
« pour ce que j’ai pu creuser dans la famille y’a quand même eu une notion de consommation de cannabis chez ses
parents aussi. Des amis des parents qui ont la cinquantaine et qui continuent à consommer du cannabis et qui s’en
vantent et qui cultivent un petit aussi le…Bon, elle a pas baigné dans la toxicomanie mais y’avait quand même une
certaine culture un peu soixantuitarde »
« Elle a une sœur qui est ancienne toxico, mais toxico héroïne »
Non évoqués
La mère avait « des problèmes de dépression également avec des soucis de dorsalgies chroniques, très stressée »
Non évoqués
Non évoqués
« il y a quelques toxicos qu'on suit et qui ont des enfants qui vont être en âge adolescent donc, on pose la question
et on trouve d'ailleurs »
Non évoqués
« une soeur qui avait eu un antécédent de passage à l'acte »
« je demande toujours si il fume à la maison du tabac, avec les parents. »
« La mère avait une fragilité psychologique. Elle était très proche de sa propre mère, elle avait besoin de sa mère
pour aller bien. Elle a perdu sa mère il y a un an et demi […] Donc, elle s'est retrouvée sans son soutien, elle avait
quand même besoin de sa mère pour être bien. Donc il y avait quand même une fragilité de ce côté-là »
« des anxiolytiques […] il y en a la maison. »
« Les parents qui ne voient pas cela d'un mauvais oeil, chez qui ça paraît un peu normal de fumer, un peu
permissifs »
« Un adolescent qui a perdu sa mère deux mois après sa naissance et qui a été élevé uniquement par son père et ses
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grands-parents. Sa mère s'est suicidée »
Non évoqués
« « je fume parce que mon père est alcoolique etc. », c’est plutôt « je fume parce que je suis angoissé,
déprimé parce que mon père est un alcoolique »C’est plutôt un effet qu’on recherche pour se protéger de son
histoire personnelle. »
« La maman était malade, la maman avait fait un cancer du sein. Il y a une grande soeur qui a, peu ou prou, essayé
de, quelque part d'avoir, peut-être quelque part de prendre la place de la mère […]cette maladie de la mère qui a dû
perturber un petit peu l'équilibre familial. Parce que ça faisait déjà deux ou trois ans qu'on parlait de cette affaire-là
chez la mère. Donc il avait 16 ans au moment de la déclaration de la maladie. »
Non évoqués
Niveau socio-économique
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Cas clinique
Non évoqué, cas clinique développé mais sujet non
abordé
Niveau correct
« c’était un travail un peu précaire…il est encore un
peu dans le flou actuellement »
Non évoqué
Un milieu (social) plutôt modeste.
Non évoqué, pas de cas clinique précis
« Le milieu social semblait correct, difficile car
c'est une mère célibataire qui élève seul son
enfant... »
Niveau correct
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Niveau correct
Niveau correct.
« le milieu de vie, le contexte de vie, le milieu
social qui n'est pas élevé. »
Niveau correct
Non précisé
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Non précisé
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Niveau correct
Niveau précaire
Question spécifique
« C'est pas une question de milieu social » « pas de milieu
socioprofessionnel, là il y a trop de surprises »
Non évoqué
Non évoqué
Non évoqué
Des gens sans emploi, le RMI
Non évoqué
« On dit que ça touche toutes les populations mais bon, c’est
surtout les ados et les milieux socio-économiques plus
faibles »
« On a quand même une population ici ; enfin bon, c'est pas
un quartier non plus défavorisé »
Non évoqué
« le milieu social : non, il y en a partout. »
Non évoqué
Non évoqué
« ... Pour la grossesse en tout cas parce que je me dis que
toute mère de famille ne va pas fumer du cannabis. Des
conditions sociales un peu défavorisées peut-être. »
«Pour les adolescents en tout cas […] Je pense que tout
niveau social peut être concerné. »
« C’est le milieu social, clairement. » « souvent des milieux
défavorisés »
Non évoqué
« Je vois par exemple des personnes qui ont la quarantaine et
qui n'ont pas du tout la tête à ça et ils le font quand même.
Mais ça fait partie des éléments d'orientation. »
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Catégorie d’âge – Présentation – Attitude – Environnement- Sorties- Désinsertion
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« je pose la question […] chez les jeunes. »
« Il n'y a pas de profil type, si on voit un T-shirt Bob Marley et des dreadlocks, c'est pas forcément un
consommateur de cannabis et s’il est en costard cravate, c'est peut-être un consommateur de cannabis. »
« une petite désinsertion sociale » « la vie de relation, ça peut être l'isolement ou la mise dans une bulle. »
« « je ne parle pas à grand monde, j'ai envie d'arrêter ». Rechercher des signes de démotivation. « Vous sortez le
soir, vous avez des amis ?» « Non, je préfère rester chez moi, je suis pénard, je fume deux, trois joints en regardant
la télé, en écoutant la musique » »
« parce que tous les copains le font »
« Eventuellement je le fais plutôt chez les ados même si on sait que les plus vieux consomment aussi parfois.
« Quelqu’un qui vient me voir complètement amorphe, mou, voilà… et puis il y a des signes suspects […], les Tshirt où on voit les trucs, les bangs, les machins. C’est des signes quand même, bon ça veut pas dire non plus qu’il
fume, mais il y a des signes un peu extérieurs parfois de… »
« Je questionne assez souvent collégiens, lycéens sur leur consommation. » « les 18-25 ans, les étudiants en études
supérieures, j’aime bien aborder ça. Parce que quand même c’est hyper fréquent » « de nos jours, 15-25 ans,
d’entendre dire « ouais je fume un joint », c’est pas exceptionnel. […] c’est quand même assez impressionnant.
Enfin, depuis que je suis installé je suis assez épaté. Plus je demande, plus je le vois. »
« Un jeune de 22 ans qui traîne dans les milieux surf, qui est habillé Kanabeach enfin je veux pas ramener le délit
de sale gueule mais quand même, qui est habillé Kanabeach, qui a une présentation cool, euh, extrêmement cool. »
« Elle présente…ben pareil aussi une présentation assez cool. Quand elle est revenue d’Afrique, elle avait des
dreadlocks mais bon »
« Elle est étudiante en… dans une école d’assistante sociale. […] 50% des gens de sa promo qui consomme
régulièrement du cannabis. »
« Une jeune fille […] qui est un peu déracinée puisque ses parents habitent dans le nord de la France, qui est venue
faire ses études ici avec son copain qui consomme aussi du cannabis, qui a eu des déboires avec la justice. »
« Son ami qui fume, […] toutes les relations amicales qu’elle a ici sont essentiellement basées sur le cannabis […]
« Y’a des gens avec qui j’accroche pas spécialement mais que je ne vois que pour le cannabis ». Là elle est un peu
dans une sphère »
« tout un tas de symptômes qui me font penser qu’il commence à se désocialiser »
« Les surfeurs ne sont pas, sont rarement des gens qui consomment des toxiques de manière importante »
« Alors moi, je ne juge pas cela sur la présentation. Éventuellement quand une présentation est provocatrice »
« C'est à dire qu'ici, moi je vois beaucoup de gens qui sont dreadlocks, grandes chemises, tee-shirts, piercing... »
« un enfant qui devient mystérieux, renfermé sur lui-même »
« désocialisation »
« Non celui-ci n'avait pas de signes particuliers »
« Le look des gens […], des gens un petits peu marginaux dans leur présentation que ce soit verbal ou physique.
[…]Le look surfeur ou bien un peu cool entre guillemets, qui ont un comportement presque inadapté en
consultation. »
« quand socialement cela devient difficile » « une espèce de désocialisation […] un repli »
«il y a sûrement un comportement, des attitudes »
« Il était très poli, très prévenant. […] Ni dans sa présentation, ni dans sa manière de s'exprimer, rien ne laissait
suspecter quoi que ce soit. »
« Le look un peu cool, un air un peu ralenti quelque part. Dans sa façon de s'habiller, il y avait un gros changement
par rapport à l'année dernière. L'année dernière c'était plutôt petit garçon, habillé par maman et puis là, on prend un
peu son indépendance même au niveau vestimentaire. Pantalon assez large, tu vois, le caleçon qui dépasse du
pantalon. Pantalon large, le T-shirt aussi. C'était pas Cyrillus quoi! »
« On parlait tout à l'heure de la présentation, ça joue aussi un petit peu ?
Oui, ben oui. Je suis plein d'a priori ! »
« Je l’ai vu dans un état d'incurie totale »
« Lors des fêtes, genre le mercredi et puis quand il sortait avec ses copains le week-end »
« il trouvait un peu plus difficile d'avoir des copains, tu vois. Il se sentait un peu isolé d'une certaine façon et le fait
de fumer comme les copains l'aidait aussi à rentrer dans ce groupe » « il a utilisé le cannabis pour rentrer un peu
plus dans le monde de ses copains. »
« il faisait comme les copains quoi »
« Peut-être en fait qu'il sortait un peu plus »
« des sorties systématiques tous les WE »
« elle s’est trouvée avec un copain mais qui lui était dealer, donc elle se mettait à fumer régulièrement »
« C’était un moyen pour eux d’essayer de rentrer dans le moule par rapport aux autres élèves de leur classe. Parce
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qu’on les traiter d’intello avec leurs lunettes tous les deux et donc je crois effectivement qu’ils n’ont pas apprécié
enfin ils n’ont pas accepté ce statut là »
« rupture avec la société »
« Elle est devenue gothique » « Elle commençait à sortir beaucoup »
« Dans sa présentation, dans sa manière de parler, dans ses relations aussi puisque je connais plusieurs de ses amis
et c'était un groupe dans lequel on pouvait facilement imaginer une consommation de cannabis. »
« Je vais parler aussi du délit de faciès, la tenue vestimentaire, celui qui arrive toujours très propre avec les affaires
préparées par papa et maman le soir : je vais pas m'inquiéter. Sur la tenue vestimentaire, je vais avoir plus de doute
pour certaines personnes. C'est peut-être faux mais en même temps je pense qu'on se trompe rarement. »
« repli sur soi »
« Et puis son attitude comme ça, très cool […]. Sur le plan vestimentaire... Au niveau propreté, on sent qu'il n'y a
pas forcément la douche tous les jours. Et puis le fait qu'il sentait déjà le tabac, donc il fume. Il aime faire la fête.
[…]Et puis cette attitude très détendue, le pantalon large... Pas négligé forcément mais il fait attention […]. C'est un
peu l'adolescent des cités, un peu branché. »
« Le fait d'être en bande, en groupe. L'adolescent festif, qui a le droit de sortir... Les sorties systématiques. »
« les fréquentations […] si les membres du groupe ont tous l’habitude de fumer »
« Ce sont des jeunes effectivement qui ont une présentation au niveau de l'habillement ou de la coiffure, les
dreadlocks ou des choses comme ça. C'est quand même un peu particulier en général. » « On est obligé malgré tout
d'avoir des a priori vestimentaires »
« (il) avait tendance à sortir beaucoup plus avec les copains » « celui qui sort beaucoup »
« Mais il y a beaucoup d'inertie avec les copains, un côté mimétisme qui joue beaucoup »
« Quant à la tenue vestimentaire : on est obligé malgré tout d'avoir des a priori vestimentaires »
« insertion sociale »
Aucun élément de présentation dans le cas clinique. « Non, aucune raison de lui demander si il fumait du cannabis.
Pas plus lui que... »
« Ça se fera un peu au profil. […], un peu en fonction de la relation que j'ai avec elle, la façon dont je vais la voir,
un peu à l'aspect entre guillemets »
« En voyant un jeune avec une tenue vestimentaire un peu cool, se poser peut-être un peu plus la question. […]
C'est de sentir un petit peu l'adolescent, la façon dont il parle, la façon dont il s’exprime […] Est-ce que faire partie
d'un groupe de musiques par exemple ? Ça c'est vraiment des a priori ! »
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«un isolement »
Aucun élément de présentation dans le cas clinique.
« L’incurie, ça me… Quand je vois des dreadlocks, je me dis oh là… Il y a des dread alors il doit y avoir un peu de
…»
« Les tatouages, les piercings, ça montre des adolescents déjà en … c’est des signes d’affirmation de soi quoi. Ça
me paraît suspect »
« je pense qu’il a commencé comme ça par un collègue »
« désocialisation »
« Il était dans un petit cercle de gars que lui-même disait ne pas être de bonne fréquentation et que, à deux ou trois,
ils s'entraînaient à fumer mutuellement. »
« Dans sa présentation, on va dire, vaguement débraillé. Un peu ... Oui, débraillé. »
« il sortait beaucoup »
« il commençait vraiment à se désinsérer progressivement»
« Je pense qu'actuellement les écoliers et les étudiants, […], c'est quasiment généralisé. J'ai l'impression que c'est
très, très fréquent » « entre 15 et 25 ans, à mon avis c’est un terrain à risque »
« un air un petit peu apathique, une façon de parler un peu trop cool […] une façon de parler très caractéristique, un
peu au ralenti. »
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Conflits familiaux, problèmes de couple, problèmes scolaires, disciplinaires, professionnels ou judiciaires.
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« Ça peut commencer par la vie scolaire parce qu'on parle de jeunes, ou leur vie professionnelle. Ça peut être la vie
familiale »
« en plus il avait eu des ennuis judiciaires »
« dans le cadre de problèmes scolaires »
« aussi le soucis relationnel à la maison puisque j’avais eu des échos avec sa mère, enfin avec mon associé qui
disait qu’il y avait de gros soucis à la maison, qu’il était très, très virulent vis-à-vis de ses parents, très agressif »
« Un peu de difficultés, un peu de remise en cause par rapport à ses études »
« Grosse remise en question de ses études, elle voulait tout arrêter. »
« pour un problème à l’école […] ou même des problèmes à la maison »
« Une déscolarisation. Un jeune que je sens en révolte contre le monde adulte, ses parents, la société »
« Souvent ce sont des problèmes familiaux, relationnels avec les parents […]. Des problèmes par rapport aux
études ou bien sentimentaux. »
« C'était des soucis [….] de révolte, d'agressivité, de non coopération, de désocialisation tant sur le plan familial
que scolaire. »
« un comportement de laisser-aller scolaire » « il y avait eu un clash à l'école voilà. C'était au niveau de l'école, ça
c'était très mal passé avec un professeur. Un conflit ouvert, verbal au niveau de l'école donc la maman a été
convoquée. »
« quand il décroche de l’école, qu’il décroche des cours »
« des jeunes qui paraissent en difficultés, soit en rupture scolaire…soit, voilà, quelqu’un qui est, un jeune qui est un
petit peu à côté de ce qu’on attend »
« des absences scolaires répétées »
« en rupture familiale, en rupture scolaire »
« elle avait des problèmes avec la justice, qu'elle devait passer au tribunal » « violence envers sa mère » « mauvaise
entente familiale […] conflits d’adolescence avec sa mère qui, selon lui, ne le comprenait pas » « il ne pouvait plus
rester avec sa mère. Il y avait trop de violence, y compris physiques et verbales. C'était des pulsions d'agressivité, il
cassait tout dans la maison. Il y a eu les gendarmes et les pompiers plusieurs fois... Dès qu'il y avait un échange un
peu difficile avec sa mère, il partait dans une violence et il cassait tout. »
« Quand il y a un problème relationnel, […] ou un conflit familial. Quand il y a retard scolaire »
« Il avait en fait des résultats scolaires qui avaient un petit peu chuté » « Il redoublait sa seconde » « La mère était
inquiète parce que c'était un gamin qui marchait super bien à l'école jusqu'à présent et qu'elle voyait depuis l'arrivée
en seconde un fléchissement » « échec scolaire »
« Les relations avec sa mère étaient un peu tendues. […] Je dirais que c'était un gamin qui était en crise
d'adolescence. Avec des relations parents enfants qui ne sont pas toujours simples à ce moment-là. »
« Il ne s'était pas présenté au travail depuis une semaine. »
« c’était un problème […] relationnel avec le père […] et ils se déscolarisaient. » « ils n’allaient pas à l’école au
lycée. Ils ont été renvoyés plusieurs fois de différents lycées » « ils refusaient toute scolarisation »
« un contrôle judiciaire qui a été mis en place à la demande des parents et des structures sociales qui sont
intervenues dans la famille »
« les ado qui sont en limite de déscolarisation […] qui sont en conflit important avec les parents »
« elle doit passer au tribunal dans quelques jours pour consommation et possession d’une quantité de cannabis sur
elle non négligeable. Une adolescente également et qui, elle, s’est retrouvée complètement déscolarisée avec de
gros soucis. »
« elle s'était engueulée avec son père » « ce conflit familial a duré 2 ans puisqu'elle n'a pas parlé pendant deux ans à
son père » « Les conflits familiaux, une crise d'adolescence excessive »
« il a aussi eu des problèmes, il a fait des bêtises de vol donc il est en attente de jugement » « il risque quand même
la prison » « Les relations avec la mère ne sont pas simples » « un échec scolaire ou professionnel » « le fait d'être
en conflit de générations un peu voyez, le rejet tout ça. Les parents qui n'arrivent plus à avoir de l'autorité. Pour moi
tout ça sont des facteurs de risque. »
« un problème relationnel avec son amie qui ne supportait plus qu'il ait ces problèmes de drogue. Cela a ramené à
la rupture » « au boulot il est moins fiable » « Ils avaient l'impression que leur garçon avait un peu lâché les
études » « une crise d'adolescence très marquée »
« c'est un patient qui est venu me voir pour me demander un dosage de THC, demandé par son lycée. Parce qu'il
avait été pris à consommer du cannabis à l'école. » « des difficultés scolaires, ou s’il y a une chute des résultats
scolaires alors qu'avant que ça allait plutôt bien » « Un problème relationnel avec ses parents »
« j’arrive plus à faire le sport, j’arrive plus à travailler comme je veux »
« le jeune qui a déjà eu des ennuis avec la justice. »
« Problèmes scolaires, problèmes relationnels, problèmes même je crois qu'on peut dire sociaux dans tout son
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environnement, son cercle d'amis » « Conflit à la maison : énorme » « Ejecté de son lycée. » « Il avait déjà été viré
de un ou deux établissements. Je crois que là, il venait d'avoir un renvoi temporaire ». Notion de problème de
couple.
« ça faisait plusieurs années que ça allait super mal à la maison : verbalement et physiquement, avec des échanges
de coups. Lui il échangeait des coups avec le mur et parfois avec son père. Très conflictuel avec sa mère »
« problèmes scolaires qui n'existaient pas avant »
« répercussions sur la vie scolaire » « difficultés à aller à l'école, des choses comme ça. Ou alors des problèmes de
comportement à l'école, des chutes dans les résultats scolaires »
Symptômes d’ordre psychologique
sommeil
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angoisses
irritabilité, nervosité,
agitation, violence
Signes
dépressifs
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x
Signes
psychotiques
Schizophrénie
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Troubles
du
comportement
Comportement
bizarre,
mystérieux
Psychoses, délires
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BDA
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BDA
BDA
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x
x
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Troubles
concentration et
mémoire
Accès maniaque
de
de
« doute sur une
schizophrénie »
BDA*
x
x
Autres
Troubles bipolaires
Tendances suicidaires
Troubles
de
concentration
Tentatives de suicide
Troubles de mémoire
Difficultés à travailler
BDA,
schizophrénie
* BDA : Bouffée délirante aigue
Syndrome amotivationnel
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« une baisse de la motivation, on va être un peu ramolo » «le classique démotivation, hein. Perte de l'envie, perte de
l'élan vital. »
« manque de motivation, il est toujours fatigué, pas envie de faire grand-chose, il est un peu mou. » « c’est plutôt le
côté amorphe. En discutant un peu …bon pas trop d’envie, ben le syndrome amotivationnel »
« un comportement de laisser-aller scolaire, au niveau de ses activités, de sa motivation. »
« « on ne peut plus rentrer dans l'appartement de notre fils. C'est une vraie poubelle. Il y a des détritus partout ». Il
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ne se prenait absolument plus en charge, le courrier n'avait pas été relevé depuis des mois. » « état de léthargie »
« un espèce de ralentissement psychomoteur »
« qu’il suit ses activités »
« baisses des activités »
« il n’était pas très emballé : « ouais bof…je suis pas très motivé » »
« un coté nonchalant, apathique ou on glande que dalle et puis on s’enfonce »
« ralentissement psychomoteur »
« j’arrive plus à faire le sport, j’arrive plus à travailler comme je veux » « baisse de la motivation » « j’ai plus envie
de travailler »
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Symptômes d’ordre somatique
Fatigue
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x
Signes bronchiques
autres
Sibilants
Tachycardie, palpitations
Palpitations, douleurs thoraciques, cicatrices, variations de poids,
psoriasis
Toux, asthme
Palpitations
x
Asthme
Problème pulmonaire
x
x
« chute de scooter »
« air hébété »
« un peu dans le vague, un peu shooté en rentrant »
Yeux rouges, air hilare
amaigrissement
Baisse appétit
Yeux irrités
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30.
1
Annexe 30 : usage nocif
« je suis à la tolérance zéro pour le cannabis. Je leur dis toujours un peu façon provoc : « le reste je m'en fiche mais
arrêtez le cannabis. Vous consommez tous les autres toxiques, c'est pas grave, mais le cannabis c'est trop de dégâts
et c'est trop banalisé. » »
« le mode de consommation par les pipes à eau »
« S’il a fumé une fois en expérience et qu'il ne va pas le refaire. Il ne m'inquiète pas. Si je sais que potentiellement,
il peut reprendre un joint dans une semaine, un mois ou deux mois, j'ai quand même bien envie de l'informer en lui
disant attention c'est dangereux. »
« S’il est festif, parce que tous les copains le font, parce que bon... Je pense que si on informe en disant : « attention,
dangereux pour telle raison », bon, il va comprendre et puis peut-être il reprendra ponctuellement mais bon, je pense
que le message va bien passer. »
« je pense qu’il n’y a pas d’effet dose »
« le cannabis n'a pas cette règle linéaire entre la quantité consommée et sa dangerosité. Il peut être banal a priori sur
une consommation régulière mais il peut être très dangereux sur une consommation occasionnelle. Donc je n'ai pas
cette notion de dose. C'est fume ou fume pas. »
« S’il est toxicomane, c'est-à-dire s’il est accroché au produit »
« Le fait de mettre le produit au-dessus de tout, et de tout sacrifier au produit. Pour moi ça, ça devient toxicomanie »
« un joint c'est déjà dangereux. Un joint, une fois, c'est déjà dangereux. Et paradoxalement, 10 joints tous les jours,
bon j’exagère peut-être 10 joints, mettons par semaine ça peut ne pas l'être. Donc il n'y a pas cette notion de 1 c'est
pas dangereux, 2 c'est un peu dangereux... »
« Quelqu'un qui va consommer 5 ou 6 joints dans sa soirée va pas être beaucoup plus dangereux que les autres au
volant parce qu'il va rouler à 30 km/h. C'est pas très dangereux. Mais il est capable de faire demi-tour sur
l'autoroute. »
« Ça peut commencer par la vie scolaire parce qu'on parle de jeunes, ou leur vie professionnelle. Ça peut être la vie
familiale, la vie de relation, ça peut être l'isolement ou la mise dans une bulle. »
« Avec des questions simples, savoir un peu comment ça se passe. À l'école ça va, au boulot ça se passe bien. Ou
bien alors « je ne parle pas à grand monde, j'ai envie d'arrêter ». Rechercher des signes de démotivation : « je
préfère rester chez moi, je suis pénard, je fume deux, trois joints en regardant la télé, en écoutant la musique ». Là,
ce sont des petits signes de décrochage selon moi. »
« le classique démotivation, hein. Perte de l'envie, perte de l'élan vital. »
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« ça peut être lié aussi, à d'autres toxicomanies. Alors, plusieurs associations : cannabis et toxicomanie aux jeux
vidéos, ça c'était rigolo. Et, pour le faire décrocher du cannabis, on a dû le faire décrocher de l'autre toxicomanie.
J'ai un autre, mais alors lui il a 45 ans, alors là, c'est un suivi... Ça fait quatre ans qu'on le suit. Donc lui c'est une
addiction benzodiazépines et cannabis. Et pour le faire décrocher des benzodiazépines, j'ai d'abord dû le faire
décrocher du cannabis. Donc, c'est marrant, quand on a une toxicomanie... On peut pas prendre le cannabis comme
seule toxicomanie, parce que parfois ça s'associe à d'autres. Et lui, se shootait aux BZD, pour calmer les angoisses
liées au cannabis. Donc il était un cercle vicieux. »
« des usages durs ou des usages mous »
« Le problème là, c’est la pénalisation. On n’a pas le droit de fumer donc dès le départ, c’est difficile de dire qu’il y
a une consommation acceptable, vis-à-vis de la loi. Donc on est déjà bloqué par rapport à ça. Si on suit la loi, il n’y
a pas de consommation acceptable de cannabis »
« je sais pas s’il y a une consommation acceptable de cannabis, c’est pas à moi de dire ça, je peux pas dire c’est
acceptable, non c’est pas acceptable, sur le plan médical… »
« c’est par rapport aux répercussions, c’est pas forcément non plus le nombre de pétards ou des choses comme ça,
moi c’est plus par rapport aux répercussions. Parce que dès le départ on sait qu’un pétard c’est trop »
« ce serait plutôt les problèmes scolaires si on s’adresse à des ados qui sont scolarisés »
« retard scolaire, euh fatigue, perte de motivation aussi, bon il fait moins de trucs à l’école, bon ce qui va avec le
retard scolaire, manque de motivation, il est toujours fatigué, pas envie de faire grand-chose, il est un peu mou »
« des répercussions familiales »
« une consommation dès le matin, ce serait l’augmentation peut être rapide de la consommation de pétards, le mode
d’administration, le bang pour moi c’est différent d’un pétard quoi, dans la logique, c’est plus version défonce.
Comment il consomme ? Tout seul ou pas. Et l’association éventuellement avec d’autres produits. Parce qu’il y a
l’alcool souvent avec. Souvent c’est alcool-petards. »
«C’est vrai qu’on commence à avoir de plus en plus de soucis maintenant, bon je reparle du centre de cure, avec la
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consommation de cannabis quand même. Hein, souvent ils se considèrent pas dépendants mais on voit que parfois,
ben on a l’impression qu’on s’occupe pas bien de ce cannabis. Le volet alcool, on sait faire et le volet cannabis on a
du mal. Parce qu’on a des jeunes souvent qui sont nerveux. Alors on a des questionnements par rapport à ça. Si y’a
pas un manque de cannabis aussi qui fait qu’ils sont souvent très, très nerveux.
C’est à dire que pendant le sevrage d’alcool, vous vous rendez compte que malgré…
Y’a un truc, ouais
… les médicaments que vous leur donnez, y’a quelque chose que vous contrôlez pas.
Voilà, exactement. Tout à fait. Ça, c’est ça. Ça, c’est plus chez les jeunes quoi, 15-30 ans. On sent qu’il y a un truc
qu’on fait pas bien, enfin on a l’impression qu’il y a un truc qu’on fait pas bien. Enfin, ou qu’on sait pas faire. »
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« Ça les met un peu trop à l’écart et c’est des moments où justement ils devraient se développer. »
« Un étudiant 18-25 ans, 18-30 ans qui fume le WE, après je sais pas, je sais pas si c’est si pathologique que ça »
« Un mec de 25 ans qui a un boulot, qui a une copine, qui est inséré, qui est bien dans sa vie, qui est bien dans sa
peau et qui fume un pétard le WE ou 2 pétards en soirée parce que ses potes le font et que c’est des soirées un peu
arrosées et que voilà. Je suis pas sûr qu’il faille s’acharner de lui dire que le produit est mauvais euh, peut être plutôt
lui poser la question de savoir pourquoi il le fait, si y’a pas autre chose derrière. »
« Un collégien, un lycéen qui fume quotidiennement, je pense que c’est problématique. »
« Un collégien, un lycéen qui fume le samedi soir, un pétard, je crois que c’est un signe d’alerte »
« le cannabis est un problème si vraiment la consommation est fréquente et indispensable »
« dès le matin au réveil »
« elle avait ses rituels par rapport à ça »
BANG : non abordé
« un joint de temps en temps, justement lors d’une soirée avec des amis, à partir du moment où ça n'est pas associé
avec d'autres drogues ou à une alcoolisation. Ce que j'essaye de savoir, c'est s’il perd le contrôle. Ce qui me paraît
dangereux c'est la perte de contrôle. »
« Parce qu’au fond de moi, je pense qu’une consommation contrôlée et modérée ne me parait pas nocive »
« trop quand c’est quotidien »
« La déprime, l'anhédonie, la perte de l'estime de soi, tout un tas de symptômes qui me font penser qu'il commence
à se désocialiser, à perdre confiance en lui, à être négatif, désabusé... »
«un adolescent qui, tous les jours a besoin de son joint » (=indispensable)
BANG : « Pour moi, il y a une utilisation standard c'est le pétard. J'ai connaissance de la pipe à eau mais je n'en
mesure pas la gravité parce que je ne la connais pas bien. »
« moi je fixe souvent la limite de l'utilisateur occasionnel et de l'utilisateur régulier. Occasionnel c'est-à-dire celui
qui me dit qu'il fume de temps en temps, on va dire le week-end, une fois le temps comme ça. Je considère que c'est
occasionnel et que ça ne pose pas un problème pathologique particulier. »
« Par contre quelqu'un qui a une consommation quotidienne, là par contre, je creuse et à ce moment-là on entame un
dialogue pour avertir des risques, pour sensibiliser les personnes. Je pense qu'à partir du moment où ça devient
quotidien, il y a danger. »
« en dessous de 16 ans... »
« la consommation à risque serait quotidienne, tout seul, chez soi, dans son coin. »
« Une consommation, on va dire modérée, de week-end ou éventuellement, je ne sais pas moi, un joint par jour euh,
ça ne me choquerait pas. »
« que la personne soit bien dans sa tête, dans sa peau. Qu'elle soit bien dans sa famille, dans son travail. Que tous les
critères de la vie soient bien réglés. Dans la mesure où il n'y a pas de retentissement sur la vie sociale et
personnelle, »
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BANG : « Ils l'évoquent souvent assez facilement mais non je ne le recherche pas. »
« un monsieur jeune, mais c’est pas un adolescent je pense, plutôt un trentenaire… qui lui a une consommation
comme tu dis socialement réglée, […] je pense une consommation de fin de semaine, week end »
« En recherche du produit un certain nombre de jours dans la semaine » (= fréquent)
« quand socialement cela devient difficile, quand il décroche de l’école, qu’il décroche des cours… […]Pour un
adolescent ce serait ça les signes inquiétants, une espèce de désocialisation, j’imagine… donc les cours, au niveau
de la famille, voilà ce serait ça mes signes d’alerte… les changements de comportement sûrement aussi, un repli
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…»
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BANG : non abordé
« toute consommation de cannabis doit faire se poser des questions »
« Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui arrivent à consommer juste ponctuellement. Parce que toute drogue,
on devient vite dépendant. »
« Pour moi, c'est une consommation illicite donc... Elle n'a pas lieu d'être.»
« des accidents liés à la consommation »
« des troubles de mémoire, de concentration »
« problèmes d’agressivité »
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BANG : « Il n'y avait pas que du tabac, il utilisait des bouteilles... »
« Je ne connais pas assez. Déjà, je pense que si on arrive à dépister tous les usagers, ça sera pas mal. »
« Là, ce qui m'embêtait c'est quand sa mère m'a dit qu'il fumait dans sa chambre tout seul. Ça me paraissait un peu
plus inquiétant effectivement que le fait de fumer, entre copains, un pétard le week-end. »
« Une consommation à mon avis quotidienne devient plus inquiétante qu'une consommation uniquement lors des
fêtes. »
« Il y a ce fameux mal-être de l'adolescence qui me paraît important à prendre en compte. Là, il était en plein dedans
à l'âge de 15 ou 16 ans. Après 18 ans, ils sont en général un peu plus responsables, un peu mieux dans leurs baskets.
Et leur consommation, il la gère un petit peu mieux. Quand ils sont très jeunes, ils sont très influençables et ça me
paraît plus préoccupant. De 15 à 18 ans, ils sont un peu plus modulables, on peut intervenir sur de mauvaises
habitudes. Après 18 ans ça me paraît un peu tard parce que la consommation est déjà installée depuis longtemps. »
« en dessous de 17 à 18 ans, c'est gênant. Et puis, je pense qu'il y a aussi une histoire de maturation neurologique.
En dessous de 16 ans, on n'a pas encore une maturation complète et je pense que le cannabis peut jouer un rôle sur
cette maturation. »
« Je pense qu'on ne peut pas dire que c'est acceptable. Je pense qu'il faut les mettre face au danger du cannabis. Il
faut leur expliquer les choses en leur disant à quoi ils s'exposent. Mais il ne faut pas banaliser non plus une
consommation occasionnelle parce qu'on est peut-être au début de l'escalade. Pas forcément vers des drogues dures
mais, en tout cas, l'escalade vers consommation qui va devenir de plus en plus fréquente. »
« Des troubles psychiatriques » « un espèce de ralentissement psychomoteur »
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BANG : « J'avoue que je ne connais absolument pas cela. Je suis très naïf, je pense qu'il ne fume que des pétards. »
« Y’a des limites je dirais un petit peu, euh…médicales classiques donc liées à la consommation donc de tabac
notamment donc avec les effets nocifs du tabac ; donc le cannabis rentre là dedans aussi. Et puis il y a effectivement
s’ils se retrouvent ou pas en rupture avec la société. Voilà ça, c’est l’autre point. Et l’autre risque aussi c’est avec le
cannabis, c’est …ce sont des formes aussi parfois pour rentrer dans les formes de schizophrénie. Et donc là
effectivement…ou dans les bouffées délirantes aigués, est ce que c’était pas effectivement… l’origine n’est pas le
cannabis. Donc là, effectivement, ça c’était un problème aussi qui est inquiétant. Donc voir le côté psychiatrique de
l’enfant. Voilà ça c’est important […], une réponse médicale et psychiatrique, voilà ça c’est la première chose. Et
puis après il y a les conséquences effectivement sur sa vie et effectivement sur le relationnel, le coté social…euh…
les résultats scolaires. Voilà. »
« Théoriquement il ne faudrait pas fumer pour moi. »
« je vais déjà poser les questions aux parents pour savoir si le caractère de l’enfant n’a pas changé. Si effectivement
ils le trouvent plus terne, plus excité, bon voilà, si y’a pas déjà, voilà s’ils le sentent différent de d’habitude ou pas
ou si c’est une découverte fortuite et qu’ils n’ont jamais vu de changement dans son, dans son état. Euh, là
effectivement, ça c’est la grande différence pour moi. C’est effectivement s’ils viennent parce qu’ils ont découvert
par hasard ou s’ils viennent parce qu’ils se doutaient parce qu’il était plus agressif à la maison, il répondait de façon
plus importante, il travaillait moins bien. Voilà donc c’est surtout là dessus que je suis alerté. Et même si, dans les
deux cas, il fume qu’une fois un….une bouffée par semaine… enfin par WE éventuellement enfin par semaine, les
conséquences ne sont peut être déjà pas les mêmes donc à ce moment là, je serais peut être plus int…je serais plus
vigilant sur celui qui effectivement est déjà dans une phase avec euh….un état psychologique différent de
d’habitude. »
MODE « combien de bouffées ils ont pris, effectivement est ce que c’est une, deux, trois ou quatre dans une soirée,
est ce qu’effectivement ils étaient complètement défoncés »
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« par la quantité, parce que si ça devient pluriquotidien, quand même c’est qu’il y a un souci. Si c’est qu’une fois de
temps en temps, avec des copains, une fois par mois, là c’est moins inquiétant. Si en plus par ailleurs, il est bien
psychologiquement, y’a pas de soucis, il est bien intégré, qu’il suit ses activités, donc de ce côté là ça ne me dérange
pas. Mais si on est dans une consommation quotidienne ou que s’il ne fume que de temps en temps mais dans un
contexte effectivement peut être de déprime puisqu’il y a aussi des déprimes chez les adolescents, dans un contexte
familial particulier »
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« m’a dit effectivement qu’ils buvaient régulièrement le WE »
« Les prises quotidiennes ou seules, ça je suis assez vigilant sur la prise solitaire. Pour moi, c'est un critère alarmant.
La prise quotidienne aussi. Une prise hebdomadaire ne me choque pas, je le note dans un coin de ma tête mais ça
n'est pas un facteur alarmant en soi si j'estime que c'est quelque chose d'isolé pour le jeune. Le critère de la prise
solitaire est un critère alarmant. L'âge de début aussi. Je recherche s’il y a d'autres stupéfiants qui ont été pris, c'est
une question que je me pose tout de suite. »
« Le mode de confection du pétard aussi. Savoir si c'est uniquement 3 feuilles, si on essaye d'autre chose. La pipe à
eau aussi. Je demande aussi s’ils s'approvisionnent toujours chez la même personne ou bien si c'est un peu du
nomadisme. Ça me rassure peut-être un petit peu si c'est toujours la même personne qui est le fournisseur. J'essaye
de savoir si c'est un gros fournisseur, si c'est toujours la même personne et qui en consomme régulièrement, évaluer
un peu la consommation de cette personne. Je m'inquiète plus si je sais que la personne est capable de faire
plusieurs endroits indifféremment pour trouver au moins quelque chose. J'estime que c'est un facteur de risque. Je
me dis qu'un jour, on lui proposera peut-être pas que ça, et peut-être qu'il y aura une escalade. Un petit peu le fait
d'être prêt à tout. »
« tu évoques avec les jeunes le risque par rapport à la conduite routière ?
Oui, je précise que les tests sur la route vont être de plus en plus fréquents. »
« Ma limite elle est floue, c'est pas clair. Je ne peux pas donner un chiffre. Je pense que ça dépend de la personne
même. Je ne pense pas qu'il y ait un chiffre global qu'on puisse appliquer à tout le monde. Je pense que la personne
qui va être plus stable psychologiquement et puis dans un autre contexte de vie, bon voilà, elle va fumer comme ça.
Elle va essayer d'en fumer un ou deux. Enfin je ne sais pas. Moi je pense que ça devient dangereux à partir du
moment où c'est régulier et où on en a besoin. Donc, le mieux, c'est l'abstinence totale pour ne pas risquer de s'y
habituer. Moi, je raisonne comme ça. Maintenant, si la personne en fume un de temps en temps, je ne pense pas que
ça fasse de mal, enfin... C'est pas comme l'ecstasy où là, on peut avoir des … Je ne peux pas dire : voilà, un joint par
semaine ça va et deux ça ne va pas... Non je ne peux pas. »
« Avant 18 ans, ça me paraît vraiment problématique. C'est un facteur de gravité. C'est qu'il y a vraiment quelque
chose qui... Il y a un défaut de surveillance des parents. À 14 ans, on ne sort pas normalement, du moins à mon sens.
À 18 ans ou à l'entrée en faculté ou dans la vie active, on est vraiment plus indépendant. Mais à 14 ans, il fume où le
gamin ? A l'école ? Je ne pense pas. Chez les parents? Normalement non, ou si c'est oui, c'est un facteur aggravant.
Si c'est chez les copains ou dehors, le soir en groupe, ça ne va pas non plus. »
« Les fréquentations, c'est-à-dire si les membres du groupe ont tous l'habitude de fumer du cannabis ou de prendre
d'autres substances... D'autres drogues, oui, parce que le cannabis ça paraît rien du tout à côté, donc on peut en
fumer plus et puis essayer autre chose. Sinon, l'étudiant qui fume le samedi soir, une fois de temps en temps, bon
d'accord. Celui qui va se mettre à fumer le matin, tout seul. Fumer pendant une fête, le soir en groupe, de temps en
temps, bon voilà. Maintenant si on se met à fumer tout seul le matin parce qu'on n'en a besoin, à mon avis c'est... »
« Je sais qu'il y a différentes forces entre la résine, les feuilles et tout mais je ne suis pas très branchée. Il me semble
que la résine c'est plus fort. […] »
« Bon après, au niveau physique, c'est sûr, il ne faut pas prendre la voiture. »
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BANG : « Non, pas du tout, parce que je ne connais pas. J'ai un défaut de connaissances là-dessus »
« Trop, c'est quand ça devient régulier. À la limite, quelle que soit la fréquence, c'est-à-dire quand il y a un besoin
systématique. J'ai envie de dire, c'est un petit peu comme l'alcool. Il y a le côté festif auquel il est associé. Mais c'est
vrai que, quand une fête ne peut plus se faire ou sans alcool ou sans cannabis, pour moi, c'est qu'il y a un problème.
C'est-à-dire qu'à ce moment-là, la socialisation ne se fait plus de manière naturelle, elle se fait sous condition. Donc
là, ça devient un problème, même si c'est une fête tous les mois et qu'elle doit forcément être accompagnée de
cannabis, pour moi c'est pas normal. Après, à fortiori, si ça devient quotidien, c'est qu'au niveau de la personnalité,
il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut savoir ce que recherche la personne avec le cannabis. Est-ce qu'il
recherche le côté détente, est-ce que c'est parce qu'il est trop énervé, parce qu'il est anxieux ? Rechercher à ce
moment-là le pourquoi de la consommation. Donc, ce qui est dangereux pour moi, c'est le côté systématique et bien
évidemment quand la consommation devient importante, régulière voire quotidienne. »
« S’il est associé à d'autres toxiques. L'alcool notamment. D'autres drogues éventuellement. Si effectivement ça
amène à des conduites à risque : si on prend la voiture notamment. S’il y a une désocialisation qui se fait, une
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déscolarisation : on arrive plus à se lever le lundi pour aller à l'école, et puis petit à petit, on n'y va plus. Ou alors
des absences répétées au boulot. Là effectivement, ça commence à devenir dangereux même sur le plan financier
parce qu'effectivement s'il faut des sous, il faut bien les trouver donc savoir qu'est-ce qu'il faut faire pour aller
chercher la drogue. »
« Eh bien par exemple avec les pipes à eau, j'ai l'impression qu'ils s'installent dans une vraie consommation. Là, tu
es chez toi, pénard, tu ne peux pas la prendre avec toi. Donc là, c'est déjà un consommateur vraiment averti, pour
lequel c'est devenu une nécessité. Parce que là, tu t'installes, tu sais que tu es parti pour un moment et que tu restes
chez toi. C'est une sorte de protocole avec une mise en place bien étudiée. Après je ne sais pas si c'est plus toxique.
Je ne sais pas si le passage du cannabis est plus important, plus concentré sous cette forme-là. »
« Je serais tenté de dire qu'il y a une consommation acceptable dans le sens où les adolescents vont toujours
rechercher une expérience. Ça me paraît invraisemblable de dire aux parents : « ne vous inquiétez pas, votre fils ne
fera jamais de soirée avec de l'alcool... ». Aujourd'hui, tu as l'impression que ça n'est même pas possible, une soirée
est forcément alcoolisée. Le cannabis, j'ai l'impression, devient quasiment une association systématique dans les
soirées avec l'alcool. Donc quelque part oui, il fera son expérience donc à un moment ou à un autre
vraisemblablement l'adolescent sera confronté sur une soirée à tester la drogue. Après la vigilance elle va se faire
sur la fréquence et sur les répercussions que cela aura sur le comportement de l'adolescent.
Par exemple, un étudiant de 20 ans qui te dit qu'il fume un joint par semaine avec les copains en soirée. Comment
procèdes tu ? c'est pour rigoler, se sentir bien entre copains...
Je pense que je continuerai quand même à le mettre en garde. Sinon, s’il a une enveloppe autour, avec une
consommation bien définie et un cursus d'études qui continue bien, une insertion sociale qui est bonne : ouais. Mais
malgré tout, je le mettrai en garde contre une augmentation un peu pernicieuse de sa consommation. »
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« Un côté nonchalant, apathique où on glande que dalle »
« L'âge déjà je pense. Je dirais qu'il y a une différence entre le collège et le lycée. En dessous de 15 ans, ça me
paraît problématique. Après, peut être le retentissement sur la vie de tous les jours : troubles de mémoire, problèmes
de sommeil ; que ça retentisse sur sa vie... Un ralentissement psychomoteur... Après, en quantité, le problème c'est
si on devient dépendant. Parce que forcément, là, ça devient pathologique.
Est-ce qu'il y a une quantité pour toi qui est corrélée à un usage nocif ou à une dépendance ?
J'ai du mal à évaluer. Déjà je pense que tous les jours, c'est problématique. Après peut-être que quand c'est en
soirée, de temps en temps, avec les copains, bon à ce moment-là... Bon alors après, ça peut amener sur autre chose,
je ne dis pas le contraire, mais ça me paraît déjà moins problématique.
Quand tu dis que ça peut amener sur quelque chose...
Ben peut-être sur une consommation plus régulière. Dès qu'ils ont un petit souci, qu'ils se reportent assez vite sur le
cannabis pour essayer d'avoir l'effet... C'est peut-être aussi quand on recherche un effet particulier, c'est peut-être
aussi plus nocif. C'est-à-dire de rechercher l'effet, peut être, euphorisant... »
« Mais maintenant si c'est tous les samedis, on se retrouve et puis on fume, c'est comme l'alcool. Si on ne peut plus
faire une soirée sans le produit, déjà ça me paraît plus problématique. Si c'est une fois de temps en temps... Là je dis
pas, mais si c’est tous les samedis, on se retrouve entre copains et que la seule chose qui compte c'est de fumer du
cannabis. Oui, non, ça, ça n'est pas… ça devient pour moi plus problématique. »
MODE « je ne connais pas assez, je ne peux pas trop... Peut-être que je ne poserais pas forcément la question de
savoir comment ils fument. »
« « j’arrive plus à faire le sport, j’arrive plus à travailler comme je veux » »
« lui demander en gros : est-ce qu’il fume seul ? Est ce que c’est ritualisé ? C’est à dire que c’est systématiquement,
il rentre, il s’installe et hop. Est-ce qu’il en a parlé à ses parents ? Est ce que c’est caché ? »
« l’histoire sur un an de passer d’une consommation occasionnelle à une consommation quotidienne et… montrait
bien la dépendance »
« Moi en fait, ce qui me préoccupe c’est pas tant la consommation mais c’est plutôt la désocialisation, c’est
vraiment la rupture, c’est vraiment : y’a avant, y’a après quoi. Y’a … il s’est passé quelque chose entre les deux
quoi, y’a une modification du comportement. Mais après, moi, il y a des gens que je vois, ils en fument euh tous les
jours, mais ça se passe très bien parce qu’ils sont socialisés ; ouais, c’est vraiment un dérivatif bien, bien, voilà bien
intégré dans leur vie, y’a pas de dépendance enfin de… voilà quoi… »
« Ouais mais voilà, qui continuent à travailler, euh voilà qui ont la joie de vivre, qui rigolent, qui sont bien dans leur
peau et puis c’est pas quelque chose qui, je sais pas comment expliquer ça, mais c’est pas mmmh, y’a pas, ils ne
recherchent pas un effet de… je suppose que c’est plus pour le plaisir que, enfin voilà quoi. Que c’est en groupe,
c’est pas forcément tout seul, enfin je sais pas, même si c’est régulier, c’est pas... Je trouve que c’est vraiment cette
notion de… ben avant/après quoi, c’est où il se passe quelque chose quoi, il y a des effets… »
« Ouais, bon sauf celui qui consomme effectivement enfin tout… enfin c’est la dépendance quoi, c’est vraiment
aussi bon, est ce qu’on est capable de s’en passer pendant trois jours. C’est un peu comme l’alcool euh… sans signe
de manque quoi. Y’a ça aussi, y’a… c’est ça, ça m’inquiète la personne qui me dit « ben je peux pas, dès que je
m’arrête je suis pas bien, je suis angoissé ». Là je vais te dire fiou, ouais, on va peut être essayer de … d’ailleurs
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souvent je dis « ben, de temps en temps, essayez d’arrêter une semaine pour voir si ça va, si vous êtes capable de
vous en passer » parce que ça montrera bien que s’ils sont pas capables, il sera peut être temps de faire quelque
chose. »
« Ben en fait, qu’est ce qui m’inquiète c’est la polytoxicomanie quoi. Bon déjà le mec qui prends autre chose que du
cannabis, c’est une question que je vais poser très vite quoi, c’est à dire est-ce qu’il y a l’ecxta, un peu de coc, un
peu d’héro, voilà et puis… »
« et puis est ce que c’est caché ou pas »
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MODE : abordé mais non répondu
« Le message que j'ai essayé de faire passer, c'est que le risque majeur, à ma connaissance, de ce genre de drogue,
c'est d'abord de déraper, quantitativement et qualitativement, vers d'autres types de drogues et ensuite […], c'est
vrai qu'avec un certain type de consommation... En fait ce n'est même pas une question de quantité... Je ne pense
pas que ce soit transposable d'un individu à un autre. Mais à partir du moment où il y a un impact, une relation de
cause à effet entre la consommation et le cercle social, professionnel, amical tout ça, je pense qu'il est là le danger
effectivement. À partir de là, on peut parler du danger. Je ne pense pas que ce soit obligatoirement grave ou
problématique de fumer, de manière festive, une fois de temps en temps, parce qu'on est avec des amis. Par
contre de fumer tous les jours parce que ça ne va pas, parce qu'on est seul et de fumer un peu plus et puis de
s'enfermer là-dedans ; je pense que c'est là qu'est le danger.
Donc, c'est un peu en fonction des répercussions sociales et de la raison pour laquelle le produit est utilisé ?
Plus que l'utilisation intrinsèque du produit. »
« Je serais forcément plus interpellé c'est un gamin de 13 ans ou si c'est un presque adulte de 17 ans.
Probablement. Mais pareil, c'est difficile à transposer de l'un à l'autre. Disons, plutôt la fac ou l'université. C'est
peut-être un petit peu moins dangereux dans la mesure où on est peut-être un peu plus averti des risques... »
MODE « Je ne le recherchais pas jusqu'à ce que je rencontre ce garçon dont on parlait tout à l'heure. Qui lui,
c'était une pipe à eau. C'est lui qui m'a expliqué un peu le principe. Parce que lui, il utilisait ce mode là. Mais
sinon, non »
« Quand ça arrive chez des jeunes comme ça, je ne suis pas sûr qu'il y ait un usage contrôlé. Je trouve que ça a
très rapidement des répercussions sur la vie scolaire ou sur la vie sociale. Alors moi, chez un jeune adolescent... »
« Enfin, je pense que ça a vraiment très vite des répercussions. Chez un jeune, je suis pas sûr que ça puisse être
bien contrôlé. Chez un adolescent... »
« Je crois que je le mettrais très rapidement en garde. Dès le départ, même 1 le week-end, à cet âge-là en tout cas.
Je pense que les adultes […], je pense que, chez quelqu'un de 30 ou 40 ans, ça peut être un peu mieux contrôlé.
Un adolescent est tellement fragile... Entre 15 et 20 ou 25 ans, je pense que... Au-delà de 25 ans, je pense qu'il
peut y avoir un contrôle, là je serais peut-être un petit peu plus... Mais enfin, je ne suis pas sûr qu'ils arrivent à
bien se contrôler. Entre 15 et 25 ans, à mon avis c'est un terrain à risque. Au départ, effectivement, ça va être très
ponctuel, mais à mon avis, vu les angoisses et les déséquilibres psychologiques qu'il y a à cet âge-là, il risque d’y
avoir un engrenage. Je ne le dis pas forcément vers la drogue dure mais en tout cas sur du cannabis en
chronique. »
« Je trouve que c'est un terrain trop fragilisé et un terrain miné à cause de tous les trucs psychologiques peuvent
avoir. »
MODE « ça n'est pas des choses que je recherche. »
Grossesse , travaux à risque
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« oui, cannabis et grossesse, c'est une bonne question. Ça peut venir par le biais tabac-grossesse. […]
Donc tu penses pendant la grossesse à dépister ?
Donc la grossesse c'est un moment un peu privilégié parce qu'on voit des gens pas malades, qu'on doit revoir tous
les mois. C'est-à-dire que tous les mois, on va revoir quelqu'un, on va pouvoir faire le point sur l'alcool, sur le
tabac, et éventuellement sur le cannabis et les autres drogues.
Autres situations à risque : professions à risque : travail à la chaîne, conducteurs d'engins, conducteur de bus ? Estce que tu vas, connaissant sa catégorie socio professionnelle, poser la question ?
Dans le même esprit qu'un épileptique, est-ce que ça pourrait lui contre-indiquer le travail ?
Pas contre-indiquer mais simplement le mettre en garde. On sait que dans certaines professions, les jeunes
travailleurs, quand ils nettoient les cuves par exemple, sont imprégnés par le cannabis.
Alors, c'est interdit de faire du dépistage dans le cadre de la médecine du travail. Même les militaires ne le font pas,
sauf les gendarmes. Quelle est la dangerosité de quelqu'un qui a fumé du cannabis au travail? Je crois qu'on revient
toujours sur cette question-là. Quelle est la dangerosité pour quelqu'un qui est en train de sabler une cuve? pas
grand-chose. Ils vont plutôt être ralentis. Je relativise : est-ce qu'il est plus dangereux d'être imprégné par le
cannabis ou d'être imprégné par l'alcool ? Honnêtement, la profession ne rentre pas en compte dans mon
dépistage. »
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« le dépistage au moment de la grossesse ?
Ben l’alcool, oui, le tabac oui, le cannabis moins. C’est plus par oubli je pense. Parce que c’est vrai pour moi
cannabis, ça fait plus un peu ado quoi 15-25, on a l’impression qu’après 30 ans ils fument plus mais bon […]
Mais par exemple on voit parfois des jeunes femmes dans cette tranche d’age…
Ouais mais j’en fais peu c’est pour ça des déclarations…
Et deuxième situation qui est revenue par rapport au travail ? usines, conduites d’engins ? est ce que vous avez le
réflexe ?
Non ça vient pas automatiquement. »
« Par exemple la grossesse, […] est ce que tu poses la question ?
Jamais. Ça me vient pas du tout à l’idée. Enfin ça me venait pas à l’idée, mais là le fait que tu m’en parles oui ça
serait logique, ouais y’aurait une logique.
Par rapport au travail, est ce que… les usines, les grandes boites, un peu la manutention, les choses comme ça…
t’as le réflexe de poser la question ?
Non
Les conducteurs d’engin…
Non alors absolument pas. Ça sincèrement j’ai pas ce réflexe là. Ça fait pas partie de mon questionnaire
systématique, maintenant…[…] j’habite pas à coté d’une usine, j’ai pas souvent ça […]mais bon je pense que
y’aurait une place, y’aurait moyen de poser cette question là ouais d’aller chercher dans…c’est vrai par rapport au
risque professionnel, d’accident… »
« Par exemple pour une grossesse […] chez une jeune femme?
C'est vrai que je pose la question du tabac et de l'alcool pas forcément du cannabis.
Autre situation à risque : les certificats pour le travail ? Le jeune dont tu me parlais tout à l'heure c'étais pour quel
travail ?
Pour un travail de soudeur.
Pour ce genre de travail ou la vigilance doit être conservée, est-ce que tu poses la question ? Ou alors pour des
chauffeurs routiers, parce que je pense que tu poses la question alcool ?
Je ne vois pas beaucoup de gens qui ont des métiers de ce genre. Je sais que spontanément il y en a un que je vois
depuis peu pour un problème d'alcool. Je ne lui ai jamais posé la question par rapport aux cannabis. Par contre
quand je lui ai proposé un sevrage ambulatoire, que je lui ai expliqué le principe, les anxiolytiques etc. il m'a dit
d'emblée : "moi je suis sur des échafaudages, faut pas que je sois somnolent". Et là, je me suis rendu compte que
c'est lui qui me disait :" attention il ne faut pas m'assommer parce que je bosse et je ne peux pas me permettre de
m'arrêter". Et là je me suis dit que je n'avais pas pensé à ça. »
« Je pense notamment à certains travaux qui nécessitent de la vigilance ou bien au moment d'une déclaration de
grossesse, est-ce que c'est quelque chose que vous intégrez dans votre dépistage?
non, pas systématiquement. »
« une jeune femme que je connaissais déjà […] qui est venue pour faire un bilan de début de grossesse et puis là
m’a parlé…ben on a parlé du tabac et on a parlé du cannabis. Donc elle m’a dit « j’ai effectivement consommé un
peu, j’en consomme de temps en temps avant de savoir que j’étais enceinte. » »
Métiers à risque non abordés
« Est-ce qu'il y a certaines situations où vous vous attachez plus à dépister justement le cannabis ? je pense à
[…]des situations un peu conjoncturelles où la consommation de cannabis peut être problématique : pendant la
grossesse, les travaux nécessitant une vigilance importante... Est-ce que c'est quelque chose qui vous vient à l'esprit
?
Oui, oui. Toutes les situations, les métiers à risque... Il y a beaucoup d'ouvriers ici. Mais bon, je ne suis installé que
depuis six mois […]. J'ai dans l'esprit d'essayer d'aborder le sujet mais déjà, on aborde le tabac, après le cannabis
c'est un autre problème. Ça reste encore caché. Pour la grossesse, le tabac oui. Maintenant, si elle consomme du
cannabis, elle sait très bien que si le tabac est nocif le cannabis le sera aussi. Mais ce n'est pas une question que je
pose systématiquement. »
Est-ce qu'il y a des situations particulières que tu juges à risque. Je pense plus aux adultes jeunes. Je pense
notamment à la grossesse, aux travaux nécessitant une certaine vigilance. Est-ce que c'est un dépistage que tu
effectues dans ces situations bien précises ?
Pour la grossesse, c'est quelque chose qui peut venir. Je juge. C'est vrai qu'il y a des femmes que tu suis et tu
n'imagines pas qu'elles puissent prendre du cannabis. Il y aura des femmes auxquelles je pose la question au même
titre que l'alcool, que le tabac. À ce moment-là, on glisse un petit mot sur les autres drogues, on essaye d'orienter.
C'est vrai que je n'y pense pas pour les certificats... C'est vrai que pour le travail c’est rare, c'est plus la médecine
agréée, les certificats d'aptitude. C'est vrai que je n'y pense pas réellement à ce moment-là. Par contre la grossesse,
c'est au cas par cas. »
« Non, enfin ça vient comme ça mais j’ai pas une grille bien établie non. Bon la femme enceinte ou autre j’aborde
tous les sujets, que ce soit alcool, tabac, voilà…euh…alimentation, enfin j’aborde tous les sujets avec une femme
enceinte. »
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Métiers à risque non abordés
« Je fais partie de la commission médicale des permis de conduire. On voit les chauffeurs routiers ou les
professionnels de la route tous les cinq ans. Là, c'est systématique. Beaucoup n'ont pas l'honnêteté de dire qu'ils en
consomment mais quelque part, ils ont raison parce qu'ils n'auront pas forcément l'autorisation. Mais par ce biais là,
j'ai plus tendance à demander la consommation de cannabis.
Donc là on se place dans une situation à risque qui est celle des chauffeurs routiers. Est-ce que tu as d'autres
catégories de situations où tu seras plus vigilant? la grossesse par exemple ?
Non. Ça devrait. »
« Est-ce qu'il y a des situations à risque dans lesquelles vous estimez que la consommation, même si elle n'est pas
nocive, elle devient quand même à risque? Je veux parler par exemple de la grossesse. Est-ce que c'est une question
que vous posez au moment d'une déclaration de grossesse ?
Non, je ne demande pas si il y a une consommation de cannabis. De tabac oui. D'alcool, traitement psychotrope,
anxiolytiques. Cannabis non, je ne pose pas la question.
Sinon, d'autres situations comme les métiers exigeant une grande vigilance...
Pas systématiquement. »
« Il travaille avec des outils dangereux donc avec une perte de vigilance liée aux drogues, ça peut devenir
embêtant. »
« Au moment d'une déclaration de grossesse chez une jeune femme, est-ce que ce sont des questions que tu poses
systématiquement ?
Non. Pareil, ça sera plus ciblé éventuellement. […] Pour la grossesse je n'ai pas forcément le réflexe.
Est-ce que pour certaines professions, travail en hauteur, conducteur d'engins, maniement d'engins dangereux ; ce
sont des situations qui te poussent à pratiquer un dépistage même si tu n'as pas d'éléments suspects ? Par exemple si
tu vois quelqu'un au moment d'un accident de travail avec une blessure au doigt, est-ce que tu vas rapidement
suspecter un usage de cannabis sur son lieu de travail ? Etant donné la dangerosité de son travail tu vas quand
même t'assurer qu'il n'y a pas d'alcool ou de cannabis. D'autant plus que c'est quelqu'un que tu reverras au moment
du certificat final.
Non je n'ai pas cette pratique. »
« Est-ce qu'il y a des situations particulières où tu dépistes parce que tu sens que ça va être problématique dans
cette situation bien particulière. Je pense à la grossesse par exemple ou chez des conducteurs d'engins...
Ça se fera un peu au profil. Je ne pose pas la question systématiquement à une femme enceinte « est-ce que vous
fumez du cannabis? ». Ça se fera un peu en fonction de la relation que j'ai avec elle, la façon dont je vais la voir, un
peu à l'aspect entre guillemets
Et qu'est-ce qui pourra t'amener justement à lui poser cette question-là ?
Eh bien quelqu'un qui fume déjà du tabac peut être. Quelqu'un peut être assez jeune, plus qu’une mère de famille.
Une consommation peut-être d'alcool. Peut-être aussi après le niveau peut être social, de voir un petit peu. Je ne
sais pas, des fois c'est aussi, on le sent un petit peu. Quelqu'un qui a un peu un niveau social peut être un petit peu...
Pour la grossesse en tout cas parce que je me dis que toute mère de famille ne va pas fumer du cannabis. Des
conditions sociales un peu défavorisées peut-être. Par ce que je sais qu'une mère de famille, déjà on va arrêter de
fumer quand on est enceinte, donc je pense qu'elle va se dire quand même, pour fumer du cannabis... Par contre je
pense que certains, des conducteurs d'engins, doivent fumer du cannabis et ne pas du tout se rendre compte de la
dangerosité.
Je parle des conducteurs d'engins, mais de manière plus générale des travaux qui nécessitent de l'attention. En tout
cas dans certaines professions où on sait que la consommation est importante.
Je ne fais pas forcément attention. Bon quelqu'un qui vient pour une visite médicale, je ne vais pas forcément poser
la question, à part s’il y a des petites choses, comme le tabac. De ressentir des gens un peu particuliers. C'est assez
dur de dire qu'est-ce qui fera... Je pense aussi que certains peuvent mal prendre. Ils peuvent se dire : « de quoi elle
me cause? ». »
Non abordé
« Est-ce qu'il y a des situations particulières ou l'usage devient à risque ? Je pense par exemple à la grossesse ; estce que au moment d'une déclaration tu poses la question ?
Malheureusement non. […]
Sinon je pense à des métiers à risque…
[…] non, j'avoue que même dans des métiers particuliers, non ça ne me vient pas facilement comme ça. »
« Est-ce qu'il y a des situations à risque que vous recherchez ? Je pense par exemple à la grossesse, aux travaux
nécessitant une vigilance importante. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez tendance à rechercher ?
Alors c'est vrai, je ne pense pas à poser forcément la question. Je ne le fais pas de manière systématique. Pour la
grossesse, je suis peut-être un peu naïve, je pars du principe qu'elles font attention. La plupart quand même, parce
que je vois pas mal de jeunes femmes enceintes, elles me paraissent très sérieuses. Mais c'est vrai que je ne le
recherche pas systématiquement. Je vais chercher plus l'alcool et le tabac mais c'est vrai... »
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31.
Annexe 31 : difficultés rencontrées par le médecin
Les parents et le temps en consultation
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Parents
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Oui
Oui
Oui
Oui
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Oui
Oui « je laisse les mamans dans la
salle d’attente »
Oui
Oui
Oui, acupuncture
Oui
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Oui
Non abordé
Oui
Oui
Temps
Non abordé
Non abordé
Oui
Oui
Oui
Oui
Non, « on prend le temps qu’il faut »
oui
Non, « Je vais donner certaines amorces »
Non, « La salle d'attente derrière, je m'en fiche »
Non abordé
Oui, « Par rapport au temps on peut toujours les reconvoquer même s'ils ne
reviennent pas toujours. »
« Ce jour-là, O.K. il veut bien en parler parce que c'est un problème. Le
lendemain ils ont peut-être oublié parce qu'il y a autre chose et puis tu ne les
revois pas pendant plusieurs mois »
Oui
Non abordé
Non abordé
Oui
Impression de se sentir démuni
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« J'ai pas l'impression d'être démuni. Dans mon expérience, qui est courte, je n'ai pas l'impression d'avoir été désarmé
par rapport au cannabis. Mais peut-être qu'ils sont partis. Peut-être que ceux à qui j'ai ouvert la porte ne l'ont pas saisie
et restent avec leurs problèmes. Mon impression est que non.»
« je me sentais un peu démuni par rapport au cannabis »
« Par rapport à la prise en charge, bon, je l’ai faite un peu au feeling en m’inspirant de ce que j’avais l’habitude de
faire avec l’alcool. J’ai traité les symptômes surtout quoi, voyez, l’anxiété. »
« on n’a pas l’impression d’avoir appris ça à la fac »
« je me sens parfois un peu démuni »
« pas de produit de substitution. Donc bon, on peut gérer les symptômes, on peut gérer les conséquences…les
symptômes physiques c’est déjà pas mal mais à ma connaissance, y’a pas de produits de substitution existants donc
l’approche, elle est plus comportementale et dans le soutien. Alors après aussi, y’a les histoires de la famille, les
parents qui t’appellent inquiets »
« démuni aussi parce que je connais pas de réseau »
« j’ai l’impression qu’ils sont pas facilement accessibles » (les spécialistes)
« Après, dans la pratique courante, ce dont tu as besoin, c’est plus l’approche psychologique et vraiment des petits
tuyaux, tu vois, des éléments qui mettent un cadre. Et ça, j’ai pas l’impression que ce soit fait à la fac »
« je n'ai pas beaucoup d'expérience en définitive, je m'en rend compte. »
«je manque de connaissances sur les utilisations à risque »
« j'aimerais bien, du fait d'en parler, avoir plus d'informations. »
« Simplement déjà, nous, dans nos études, moi je suis sorti en 2001, on n'a rien eu sur le cannabis. On a eu aucune
info là-dessus »
« j’ai pas tellement d’expérience en fait dans ce domaine là »
« Est-ce que c’est un manque de formation peut-être aussi ? On a pas été … »
« Que le cannabis, on connaît pas encore, on nous informe pas des moyens, des prises de sang, des analyses qu’on
pourrait faire pour avoir une preuve un peu plus précise de la consommation et de l’importance de la consommation
surtout… »
« je n’ai pas l’impression d’en savoir énormément »
non abordé
« Sur la formation médicale, je me sens un peu démuni. C'est plus par mon abord et par mon habitude à parler avec
les gens. Je me suis fait ma petite idée »
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« Je suis très démuni. »
« la faculté, franchement il n'y avait rien. Non, je pense plutôt aux soirées de médecine. À ma propre expérience, à ce
que j'ai pu voir. Moi quand j'ai vu cet adolescent arriver, j'ai su qu'il avait fumé parce que j'ai vu les copains dans cet
état-là. Mais ça n'est pas parce que j'ai appris, à la fac, les symptômes d'une imprégnation par le cannabis »
« La formation qu'on a pu avoir, elle était plus liée au Subutex. Je me souviens qu'on avait eu une formation sur les
drogues dures. Sur le cannabis de manière spécifique : non »
« avoir effectivement un avis spécialisé sur le sujet. »
« Comment les aider à arrêter, les convaincre d'arrêter. J'ai pas eu d'expérience véritablement mais je me dis que si j'en
avais, comment les gérer, comment les orienter. Si nous on peut faire tout seul. »
Non abordé
« on n'a pas été extrêmement bien, à mon avis, formé, précisément, pratiquement, pragmatiquement pendant nos
études, à gérer ce genre de situation. J'ai trouvé. Alors, c'est peut-être que je ne suis pas passé dans les bons cours ou
que je n'ai pas choisi les meilleurs stages. En tout cas moi, je me suis retrouvé un petit peu démuni. Disons, que je me
suis plus basé, on va dire presque sur de l'intuition, sur sa propre personnalité en fait, plus que sur ce que j'avais pu
acquérir, pour essayer de gérer au mieux cette situation là »
« je me sens un peu démunie »
Pas de référence explicite au manque de connaissance
Caractère intrusif et illégal
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Caractère intrusif
Caractère illégal
« si y’ a pas de demande ouais, j’aurais du mal à en parler.
« le problème c’est au niveau légal quoi, c’est toujours
pareil. On est un peu plus embêté c’est avec ça. On sait
que normalement on a pas le droit de le faire. »
« Je ne veux pas risquer de les blesser ou de les choquer
ou de devenir inquisiteur »
« c'est qu’ils n'évoquent pas spontanément ce problème et
on est obligé d'aller chercher l'information. Quand on
recherche l’information, ils sont très pudiques et ils n'ont
pas trop envie qu'on s'intéresse à cela. »
« c'est pas facile de... chez... le tout venant, quelqu'un qui
vient pour un problème bien précis ou un certificat
d'aptitude je ne sais pas quoi au judo ....euh d'embrayer sur
ce genre de question : avez-vous ressenti le besoin de
diminuer votre consommation de cannabis ? »
« C'est un petit peu difficile en consultation normale. Pour
les certificats on fait de la prévention donc c'est différent.
Autrement ils n'aiment pas trop qu'on les embête. »
« C'est à dire qu'ils ne viennent pas forcément pour parler
de ça. On rentre un peu dans leur intimité. C'est parfois un
peu difficile d'aller... C'est un peu intrusif s’il n'y a pas de
demande. Je pense qu'on peut nous considérer comme trop
intrusif. »
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« quand on leur pose la question, c'est assez délicat : on
induit à ce moment-là qu'on les suspecte en fait d'être un
peu hors-la-loi. Ça peut être mal vu." Mais comment
Docteur ? Vous pensez ça de moi ? Comment pouvezvous penser ça?" »
« Ça met une petite barrière quand même. On sent qu'il
y a une réserve de leur part. »
« Si, il y a quand même une barrière avec le patient
puisque comme c'est illégal, ah, il y a toujours un
moment de réflexion avant de répondre." Est-ce que
vous fumez du cannabis ?"-" ben oui, j'en prends de
temps en temps". Non ça va être... Il y a un point d'arrêt,
où on sent qu'on est... Voilà," mince j'ai pas le droit de
fumer, je vais, je dis, je ne dis pas?" voilà, si, ça peut
être problématique. Ça n'est pas une question anodine. »
« En même temps, s’il vient pour un problème
« les adolescents, je me demande si ça ne les gêne pas
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pulmonaire, on peut facilement poser la question du tabac
et puis dévier un petit peu sur le cannabis. C'est pas
quelque chose qui serait si compliqué que ça. Maintenant
si on vient pour un traumatisme, je ne me vois pas trop...
Un traumatisme ça ne me paraît pas. Aborder le sujet est là
dessus, c'est pas forcément facile. »
un peu, le fait que ce soit illégal, pour nous en parler.
Est-ce qu'ils n'ont pas peur de nous en parler à cause de
ça. »
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Relations avec le patient, coopération, observance, réceptivité
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« père la morale »
« Parce que c'est vrai, quand on ramène à la porte et qu’on dit :" revenez quand vous voulez". S’ils ne reviennent pas,
on n'a peut-être pas fait notre job. »
« je voudrais bien l’amener quoi parce que ça, je sais l’amener avec l’alcool, avec le cannabis un peu moins. Il faut
savoir l’amener quoi, je veux dire pour que ce soit efficace »
«il faut pas être trop moralisateur non plus »
« Je ne veux pas l'embêter avec ça. Je ne veux pas risquer de les blesser ou de les choquer ou de devenir inquisiteur
mais par contre, pour moi, d'avoir un petit peu une idée globale »
« on était confronté au problème de la coopération du patient. »
« on profite d'un symptôme lié pour pouvoir faire une connexion. Bien souvent la connexion ne se fait pas trop en fait
surtout chez le jeune. »
« C'est surtout, on sent que l'adolescent quand il vient ici, il ne vient pas nous parler de ça. Donc à partir du moment
où on a l'impression qu'on enfreint sa limite qu'il s'est mise et qu'on commence à lui parler de choses comme ça, on
sent que, si on continue, on ne le reverra plus. Or, si on veut commencer un travail et si on veut surtout gagner sa
confiance : on est un petit peu en porte-à-faux avec ça. »
« au niveau des jeunes c'est un peu ça : on est obligé de les forcer à un moment donné. »(à prendre le traitement)
« en rupture thérapeutique aussi ; car en fait, il arrêtait tous les traitements qui lui étaient proposés et tous les suivis
donc ça tient pas la route très longtemps. »
« J'ai pas voulu non plus lui faire la morale. Je lui ai montré un petit peu les effets du cannabis. Je lui ai dit de faire
gaffe. Je ne lui ai pas dit non plus d'arrêter tout de suite, parce que je pense que sinon, je le perdais complètement. »
« C’est par rapport à sa prise des médicaments qui était un petit peu irrégulière…heu…ça c’est la première chose. »
« il refuse l’hospitalisation en psychiatrie pour essayer de régler le problème que ce soit à Bohars ou que ce soit en
clinique où il a eu deux suivis différents. Donc là effectivement, mon but c’est d’essayer de le ramener sur une
structure de consultation psychiatrique mais pas forcement d’hospitalisation mais au moins déjà reprendre contact
avec un psychiatre. »
« Et pendant les premières consultations, je n'ai pas parlé du problème de cannabis parce que ça peut être pris comme
un reproche ou une agression donc, comme l'approche de l'adolescent et du jeune adulte est sensible, je n’allais pas
tout de suite me mettre à parler comme si j'étais sa mère et à le sermonner parce que là, la communication risquait
d'être coupée. »
« Maintenant, je ne l'ai pas revu depuis, donc peut-être que la difficulté va être dans le sevrage ou dans la prise en
charge pour l'aider à s'en sortir. Est-ce qu'il va prendre ça suffisamment au sérieux pour vraiment se sevrer, demander
de l'aide et exprimer que ça n'est pas forcément facile ? Ou est-ce qu'il va prendre ça à la légère ? Je ne sais pas. »
« ça dépend un petit peu de la relation que j'ai pu avoir avec le patient déjà. Si je le connais déjà. Et puis la façon
aussi, dont lui renvoie ça en quelque sorte. Est-ce qu'il a envie d'en parler ou pas ? Est-ce qu'il y a une réceptivité
derrière ou pas ? Tu vas plus ou moins loin dans le sujet en fonction de la personne que tu as en face de toi. »
« justement le sevrage : c'est super difficile à mettre en place. Parce que ça nécessite de les revoir régulièrement et
qu'on sent que ce sont quand même un peu des électrons libres. Ce jour-là, O.K. il veut bien en parler parce que c'est
un problème. Le lendemain, ils ont peut-être oublié parce qu'il y a autre chose et puis tu ne les revois pas pendant
plusieurs mois. Et puis, ils vont peut-être revenir à nouveau parce que ça devient un problème dans leur vie. C'est la
difficulté un petit peu de les canaliser »
« une fois qu'on a abordé le sujet : les convaincre de revenir pour ne parler que de ce problème-là. Des jeunes de 17
ou 18 ans, je ne suis pas sûr qu'ils reviennent. […] On aimerait bien les faire revenir et je ne suis pas sûr qu'ils vont
adhérer. C'est la prise en charge après qui posera un peu problème »
« Alors oui, en fait la première consultation, c’était fatigue donc j’ai pas posé la question cannabis, je lui ai dit :
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« prend le magnésium, si ça continue fait ton bilan et après reviens me voir avec le bilan si ça va pas mieux ». Donc
c’est ce qu’il a fait, il est revenu me voir avec la prise de sang. Y’avait rien à la prise de sang. Il me dit « le
magnésium ça marche pas » et c’est là que j’ai essayé de creuser un peu. »
« Par contre, c'est vrai, premier contact, premier abord, un petit peu difficile, on le sentait vraiment beaucoup sur la
défensive »
« les premières consultations, il fallait vraiment y aller sur des oeufs. »
« il y a eu un refus quasi constant d'aller vers un psy »
« je préfère y aller graduellement et ne pas être trop draconien sinon à mon avis, la prise en charge serait vouée à
l'échec. »
« C'est pas facile parce qu'ils se sentent bien avec, ils ne voient pas de danger immédiat et puis ça n'est pas facile de
les convaincre. »
Autres difficultés et appréhension
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« moi ce qui me fait toujours peur c’est ça, c’est les comorbidités. On a peur euh… on va pas savoir faire, si y’a des
soucis psy sous-jacents, on a toujours peur de décompenser quelque chose »
« mais bon après là le problème c’est l’approvisionnement (en prospectus) aussi, parce que là faut les commander,
faut les demander…ça plus ça, ça fait que… »
« maintenant après l’ADI, c’est particulier. Moi je me vois mal envoyer un jeune de 16 ans, fumeur de cannabis
occasionnel euh qui…je me vois mal l’envoyer à l’ADI, je sais pas… […] c’est quand même une population
particulière qui va à l’ADI donc j’ai pas envie non plus de coller une étiquette « toxicomanie » »
« C'est pareil, c'était une gamine en pleine évolution et on n'a pas...pfff.... Je trouve que... C'est pareil, tu la vois deux
fois par an. Tu ne vois pas trop l'évolution. »
« Je me méfie un petit peu de ces cocos là. C'est vrai que malgré tout, ils aiment bien arranger leur monde et puis ça
n'est pas ma spécialité, je n'ai pas envie de m'impliquer là-dedans. »
« C'est pas facile parce qu'ils se sentent bien avec, ils ne voient pas de danger immédiat et puis ça n'est pas facile de
les convaincre. »
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32.
Annexe 32 : dangerosité du cannabis
Drogue douce / dangerosité
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3
« Pas de notion. Elle n'a pas vraiment de sens. Il y a une drogue ou il n'y en a pas. C'est-à-dire que le tabac n'est
pas une drogue douce, c'est une vraie drogue. L'alcool, c'est très dur. L'héroïne, c'est dur. La cocaïne,
paradoxalement, on arrive quasiment plus à les faire arrêter. Le cannabis ne donne pas de dépendance physique
énorme, c'est vrai qu’une fois qu'ils sont informés, ils arrivent à décrocher rapidement du produit. Mais alors les
conséquences peuvent être dramatiques. En termes de troubles engendrés, de symptômes engendrés, ça peut être
très dur. En termes de toxico et de dépendance et de facilité à décrocher du produit, c'est vrai que c'est pas si
difficile que ça. C'est plus facile de faire arrêter le cannabis que l'héroïne ou le tabac.
Est-ce que tu trouves préoccupant actuellement cette consommation ?
Oui. Clairement oui. Mais quand on autopsie un gamin de 19 ans, dont on sait a posteriori, que le décès est
totalement imputable au cannabis, qu'on explique, enfin, ce sont les enquêteurs qui l'ont fait, aux parents qui ont
environ 40 ans, que leur gamin est décédé du cannabis. Ils répondent que ce n'est pas possible, que c'est une
drogue douce. Ça fait ... Oui moi je trouve cela préoccupant. Et je trouve préoccupant aussi ce qu'on retrouve dans
les substances. On a une explosion du taux de THC, on a une explosion des produits qu'on retrouve dedans. Quand
ils mettent des morphiniques pour fidéliser la clientèle... C'est un peu inquiétant quand même. Les doses ne sont
pas du tout, du tout les mêmes. Donc la dangerosité du produit est aussi en train de monter.
Tu as autre chose à dire sur le cannabis, des idées personnelles?
Non, je pense que, en résumé, moi ce que je trouve important, c'est la banalisation du cannabis. Le deuxième
point, c'est la dissociation entre l'effet et la dose. Je pense qu'on est sur une mauvaise piste si on reste sur l'effet
dose. En revanche, une fois qu'on a bien pointé les choses, ça me semble pas si difficile de les faire décrocher. Et
puis troisièmement, les conséquences qu'ont les intoxications cannabiques notamment psychiatriques. C'est un
drame. »
« Ah oui, c’est une… c’est un produit dangereux, oui bien évidemment, oui. […]Pour moi, ouais c’est une drogue
bien évidemment, oui.
Par rapport à l’appellation de drogue dures ou drogues douces.
Non, moi je parle plutôt d’usages durs et d’usages doux.
Est-ce que vous êtes préoccupé par le problème du cannabis dans la jeunesse actuelle ?
Ah oui, oui, oui, je suis au courant, bien évidemment.
Y’a des éléments qui vous inquiètent ?
Ben c’est le caractère … la nature du produit, le mode d’administration, le bang c’est …je veux dire on a
l’impression qu’ils sont tous au bang parfois. C’est vrai c’est fou. Et puis bon, la nature du produit, le taux de
THC. Ouais, de penser qu’il y a des produits de plus en plus dosés en THC. Mais c’est toujours pareil, c’est par
rapport aux répercussions scolaires des choses comme ça
Et sur le taux de pénétration dans la population ?
Ah oui je pense qu’il y en a beaucoup, oui, je suis persuadé que ça augmente. Je pourrais pas donner un
pourcentage, j’ai pas vu les études, pas ESCAPAD, là, le taux d’utilisation de produits c’est fou, hein.
Donc l’élément de dangerosité principal, si vous deviez… on a beaucoup parler de problèmes scolaires, de
syndrome amotivationnel
Voilà, euh c’est plutôt psychologique. Moi c’est plutôt ça le syndrome amotiv….on sent que ça les met entre
parenthèses quoi et puis ça les anesthésie par rapport aux événements. Ils ont pas de prise trop sur la réalité. Ça les
met un peu trop à l’écart et c’est des moments où justement ils devraient se développer. On voit qu’ils prennent du
retard et puis ça va vite maintenant.
Y a t il autre chose par rapport au cannabis qu’on a pas abordé que vous voudriez dire ? Des considérations
personnelles, une inquiétude particulière ?
Alors y’a une écoute cannabis dans ma ville, peut être la développer plus…c’est vrai mais bon, il y a peu de
demandes spontanées et c’est surtout les parents qui viennent nous voir. Et puis quand il y a des choses dans les
médias, ça déclenche pas mal de trucs, c’est bien d’ailleurs. Quand il y a eu un truc sur le cannabis, on voit les
répercussions dans les semaines qui suivent, c’est intéressant. Mais dans l’ensemble, quand je réfléchis
maintenant, j’ai assez peu de questionnement. Alors je sais pas si ça vient des patients ou du médecin… »
« A oui, ouais.
Le produit en lui-même ou les effets du produits et les conséquences que ça peut avoir ?
Les deux enfin, le produit en lui-même a des conséquences physiques, organiques, c’est clair, mais des
conséquences aussi psychiques avec des risques de décompensations psychopathologiques, des décompensations
psychotiques, des BDA sous cannabis. Moi j’en ai jamais vues, enfin j’ai pas le souvenir, je crois pas. Mais enfin
on sait hein, j’avais fait un topo avec Papetta il y a peu de temps. Papetta disait qu’il y a 100% de leurs jeunes
hospitalisés pour euh, BDA et schizophrénie avaient fumé déjà, 100% hein, il était clair là-dessus, c’était 100%
avaient déjà…
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Donc sur le produit lui-même ?
Le produit lui-même, donc risque de décompensation effectivement psychotique et puis après les conséquences
sociales, relationnelles, professionnelles. Surtout sociales, je veux dire, c’est quand même, c’est dingue quand tu
creuse parfois avec certains jeunes, la recherche du produit. Enfin cette fille là dont je te parle, c’est
impressionnant de voir qu’elle est capable de remuer ciel et terre pour aller retrouver le produit, c’est comme
l’alcolo qui est capable de courir euh…
Et par exemple par rapport à la classification de drogue douce ? Tu te places comment dans cette nébuleuse là ?
Je pense pas qu’il faille le classer dans les drogues douces parce que … enfin de toutes façons, qu’est ce que c’est
qu’une drogue douce ? C’est surtout les conséquences. Même l’alcool peut être considéré comme une drogue dure
à partir du moment où il pose problème à quelqu’un.
Et donc, ce qui en découle un peu, c’est : est ce que tu penses qu’en tant que drogue douce elle peut amener après
à des drogues dites plus dures ? Est ce que c’est un facteur de risque particulier ?
J’ai quand même l’idée que le produit n’accroche pas sur tout le monde. Et pareil, l’escalade ne prend pas sur tout
le monde. Je pense encore une fois qu’il faut un contexte. Il faut une personnalité. Il faut un environnement et il
faut la présence du produit pour faciliter, enfin entraîner la dépendance et puis après l’escalade.
C’est pas ta préoccupation principale. Tu te dis pas « tiens je vais aborder le problème avec ce jeune là parce que
j’ai peur qu’après, ça… », si y’a pas d’autres éléments ?
Je… ben si justement, faut que le nom me revienne, j’aimerais bien retrouver le nom du jeune, du gars là parce que
lui justement, je lui avais demandé s’il avait déjà consommé autre chose et il m’avait dit qu’effectivement, il avait
consommé de l’ecsta. Mais ponctuellement en soirée. Et je me demande s’il avait pas touché une fois à la coc.
Mais ça, c’était vraiment très anecdotique et c’était pas le reflet d’une escalade, c’était plutôt voilà,
ponctuellement, je teste le produit et après le reste, y’a pas d’accrochage à ces produits là. »
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« Euh moi je suis effaré de voir la consommation, là vraiment, je suis effaré, je, je pensais pas. Moi c’est pareil
avec l’alcool depuis que je suis installé, vraiment, j’étais à cent mille lieues d’imaginer qu’il y avait autant de
soucis avec l’alcool en particulier, de dépendance….on en voit plus hein, je pense qu’on en voit plus des
dépendances alcool. Mais je suis effaré de voir la consommation. C’est d’une banalité quoi entre 15 et 25 ans,
c’est vraiment d’une ba-na-li-té.
Tu parles d’ivresses ?
Non là je reviens sur le cannabis. Mais vraiment 15-25 ans sur le cannabis, j’ai vraiment l’impression, c’est
affolant. »
« une drogue oui, c'est sûr. Euh, ouais dangereuse à partir du moment où cela n'est plus contrôlé. Reste à savoir où
est la limite. En tout cas dangereuse oui, parce qu'il y a des adolescents qui sont fragiles et chez qui ça va
déclencher dans le pire des cas un état schizophrénique ou chez d'autres, une dépendance, une perte de contrôle,
une désocialisation, une déscolarisation. Donc je pense que c'est dangereux.
Est-ce que l'escalade vers des drogues dures te préoccupe ?
Je pense que je n'en ai pas réellement conscience. Je n'ai pas été confrontée. Mais certainement que c'est une porte
d'entrée vers...
Est-ce que c'est un problème qui te préoccupe dans la population jeune actuellement ?
Pas pendant l'année, pendant l'été c'est plus chaud mais on n'a pas le temps d'aborder la question. Ici l'été, ça
n'arrête pas: entorse, suture, piqûres de vive, chutes. Enfin c'est... ça n'a pas, c'est de la bobologie... À ce momentlà, la salle d'attente est pleine, ça tourne et je n'ai pas forcément le temps à ce moment-là d'aller chercher
l'information. Et pourtant je pense qu'il doit y en avoir. »
« je peux les informer sur la toxicité du cannabis notamment par rapport à la fertilité, je pense que c'est un
élément très important qui n'est pas souvent évoqué. Outre l'aspect dépendance, ils le savent ; l'action psychotrope,
l'action sur les neurones, sur la mémoire et la concentration »
« Euh... En fait, le cannabis je le placerais dans les drogues douces, non dangereuses à partir du moment où la
consommation n'est pas excessive. Parce qu'avec le peu d'expérience que j'ai avec des patients qui en
consommaient beaucoup, ils sont complètement disjonctés. Ce n'est plus sous cet aspect là. Donc je considère que
le produit n'est pas dangereux en lui-même. C'est plutôt l'utilisation qui en est faite.
Avez-vous eu l'impression qu'il trouvait plus naturel de se calmer avec le cannabis plutôt qu'avec des médicaments
?
Oui, tout à fait […]. C'est beaucoup mieux de faire comme ça que de prendre des cachetons.
Par rapport à la thèse de l'escalade ? Qu'est-ce que vous en pensez?
C’est clairement une porte ouverte. »
« Non, je ne pense pas, pas dangereux. Après c’est sûrement une question de quantité. J’imagine que la limite est
quand même floue entre la dépendance et la consommation réglée, c’est un peu flou.
Par rapport à la qualification de drogue douce, drogue dure, est-ce que tu penses que le cannabis rentre dans ce
genre de qualification ?
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C’est délicat… Je pense que l’on dit effectivement drogue douce… Je pense à mon avis qu’un certain type de
personnalité ou de patients seraient plutôt amenés à glisser doucement avec ce genre de produit, hein, je pense…
Donc c’est une classification qui te semble un peu obsolète ?
Ouais, je pense… »
« Ben, c’est une drogue hein pour moi. Douce…dangereuse…oui, c’est les trois…
Vous considérez que c’est une substance dangereuse ?
Oui, ben il y a des accidents liés à la consommation…des accidents de la route avec la consommation d’alcool, des
problèmes d’agressivité aussi…des troubles de mémoire, de concentration tout ça.
Ce sont des choses dont vous parlez à l’adolescent quand vous l’informez ?
Non pas forcément. Non mais s’il y a un retard scolaire, oui, s’il y a un problème. Autrement, si tout se passe bien
non.
Par rapport à la qualification de drogue douce ?
Non je ne suis pas très d’accord, parce qu’une drogue c’est pas…c’est une drogue, c’est pas doux. Ça a des effets
nocifs donc…
La thèse de l’escalade après vers d’autres substances plus « dures », c’est quelque chose à laquelle vous adhérez ?
Que vous donnez comme information aussi ? Est ce que c’est une thèse qui se vérifie selon vous ?
Si, si, si. Pour moi c’est vérifié, oui. Je pense que c’est comme toutes les drogues, le tabac simple, l’alcool, plus il
y a des effets, plus ils montent en quantité et plus ils recherchent un effet plus fort.
Si vous deviez donner un élément de dangerosité principale du cannabis ?
La dépendance, le risque d’accident…oui.
Est-ce que le jeune dont on a parlé tout à l’heure vous a dit, à un moment donné dans votre évaluation, que lui, il
préférait à la rigueur fumer un joint plutôt que d’avaler des médicaments pour se calmer ?
Non, là, il était très demandeur parce qu’il avait un peu le couteau sous la gorge.
Est-ce que c’est quelque chose qui vous préoccupe, la consommation de cannabis à l’adolescence ou pas
vraiment ?
Ben si, si. Il faudrait généraliser un peu le dépistage.
Qu’est ce qui pourrait vous aider ?
Si on avait des questions un peu, des signes vraiment avant coureurs, un questionnaire un peu type sur les
situations à risque qui pourrait nous aider à dépister. »
« Non, je crois qu'il ne faut pas utiliser le terme de drogue douce. Surtout pas devant les patients. Il faut considérer
ça comme une drogue tout court avec une accoutumance physique et psychologique. C'est quelque chose de nocif.
Est-ce que tu trouves la consommation préoccupante actuellement chez les jeunes?
Oui, parce que le consommation est de plus en plus banalisée en fait.
Dans la pratique ?
ah oui, oui, oui. Souvent d'ailleurs, c'est marrant parce que quand on leur pose la question du tabac :" est-ce que
vous fumez ?" parfois ils répondent" quoi ? Qu'est-ce que je fume ?"- "ben tout, dites-moi". Et souvent,
effectivement il y a le tabac mais il y a aussi le cannabis le week-end. Je trouve cette banalisation inquiétante. Au
même titre que le tabac, ça devient normal de fumer son joint. »
« Si tu avais un élément de dangerosité principal à donner par rapport à la consommation de cannabis?
La fréquence peut être.
De dangerosité, je veux dire les effets que ça peut... Par exemple des éléments que tu cites en consultation pour ...
Pour leur faire peur ?
Non, non, simplement ce qui toi, te fait le plus peur?
Des troubles psychiatriques. Le ralentissement, je pense que c'est l'élément principal que les parents peuvent
détecter. Un espèce de ralentissement psychomoteur. C'est peut-être plus pour leur faire peur, mais moi je parle
quand même du fait que le cannabis ne suffira peut-être pas au long terme et qu'ils auront peut-être tendance à
passer à autre chose qu'au cannabis.
Donc, l'escalade?
Oui, l'escalade vers d'autres drogues. »
« Alors de ce que je pense en savoir actuellement ou autre, je dirais oui. Alors on va dire un oui mais. Oui parce
qu’effectivement on a quand même ces problèmes de schizophrénie et de BDA qui est un problème de santé
important. Et effectivement, si on ne connaît pas toutes les causes, c’est dangereux pour ce type de population.
Alors, on a pas encore, je pense pas, les pourcentages par rapport aux gens qui fument, combien ça représente mais
c’est plutôt là dessus que ça me parait être dangereux. C’est sur ce coté là, je dirais du point de vue médical. Après
le deuxième danger, c’est plus lorsqu’on rentre dans le phénomène de dépendance où on augmente les doses et
qu’on passe…on se désocialise et que au lieu de rester au cannabis on passe à l’héroïne. Donc là, passer à des
drogues plus dures encore. Donc ça, c’est le deuxième point dangereux. Ça c’est pour les points oui. Non elle n’est
pas dangereuse, si la personne est bien qu’elle fume de temps en temps, que ça l’empêche pas de travailler qu’elle
est bien dans sa peau et que elle fume qu’une fois de temps en temps dans le cadre d’une fête pour se sentir bien de
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temps en temps. A ce moment là, je crois pas que le cannabis soit dangereux.
Quant à la qualification de drogue douce ?
(rires) je pense qu’on peut pas associer les 2 mots, je pense qu’une drogue, c’est une drogue et on ne peut pas
être…oui… ça peut pas être doux et dur en même temps. C’est une drogue ou ça n’en n’est pas une mais qu’elle
soit douce ou dure c’est une drogue donc…à ce moment là il faut la traiter comme telle mais pas… Parce qu’on
met en opposition deux mots qui n’ont pas du tout le même…pour moi ce sont deux mots qui se mettent en
opposition. »
« je pense que tous les adolescents à un moment donné vont finir par fumer une fois ou deux, un peu comme la
cigarette classique »
« C'est difficile. La dangerosité est pour moi liée à la fréquence de consommation. Une consommation
hebdomadaire ou mensuelle ne me fait pas bondir, c'est illégal, on est d'accord. Mais je suis assez tolérant.
Par rapport à la classification populaire de drogue dures et de drogue douces?
Oui et non. C'est compliqué parce que... À mon avis c'est personne dépendant. Savoir qui va décompenser avec le
cannabis et qui ne décompensera pas... Si on pense que quelqu'un est capable de décompenser c'est une drogue
dure.
Quand tu dis décompenser ?
Passer sur un mode psychotique. Je n'ai pas eu de cas dans ma pratique professionnelle mais dans mon vécu
personnel proche ou environnemental : oui. Des pathologies décompensées ou révélées par une consommation de
cannabis. Avec émergence d'une psychose chronique.
La théorie de l'escalade : qu'est-ce que tu en penses?
Elle est possible. Beaucoup ont commencé par le cannabis. Je n'en parle pas aux parents pour ne pas les inquiéter
mais le jeune, je lui en parle de façon systématique de cette possibilité. Mais sinon je ne suis pas persuadé que
cette escalade soit fréquente.
Est-ce que tu es préoccupé par la consommation de cannabis par les jeunes?
Je pense que je la sous-estime même parmi mes patients. C'est surtout la précocité qui me préoccupe. Quand même
je pense que ça augmente et qu'il y aura plus d'escalade proportionnellement. »
« Je pense que c'est... Tout dépend de la fréquence de consommation. Ça peut être dangereux dans le sens où on
devient dépendant des effets que ça donne et que ça peut amener à quelque chose de plus dur.
L'escalade ?
Oui. Je pense que c'est une première marche. C'est ça qui m'inquiète le plus. La première marche. En fait, on peut
très bien fumer un joint et puis on ne fume plus parce qu'on accroche pas, parce qu'il n'y a pas de mal-être. Mais à
partir du moment où on se sent dépendant de cet effet, de ce qu'on recherche, d'être mieux, de lâcher, " je pense
plus à rien". Il y a quand même un mal-être je pense. Je suis pas sûr qu'on soit forcément dans l'escalade mais c'est
un risque. Et après les fréquentations, si ça se fait en groupe ou en bande, voilà, on va proposer autre chose. Je le
vois comme ça mais je ne sais pas si c'est tout à fait ça. Bon après, au niveau physique, c'est sûr, il ne faut pas
prendre la voiture.
Est-ce que quand je vous parle de complications psychiatriques, ce sont des éléments que vous intégrez dans vos
mises en garde ? Est-ce que vous en parlez ?
Oui j'en parle. J'aggrave un peu les choses. Enfin j'aggrave... Je parle de bouffées délirantes aiguës pour mettre un
mot qui fait un peu peur. Je m'en sers comme ça. Parce que souvent le problème c'est que la consommation de
cannabis est associée à la consommation d'alcool. Donc c'est un peu difficile de faire la part des choses. Je ne peux
pas vous dire... Je sais que quand on consomme du cannabis, on va se sentir mieux … etc. Maintenant comme il y
a souvent une consommation d'alcool, je vais avoir du mal à dire lequel est responsable de quoi. Moi je l'ai vu sur
le patient parce que physiquement j'ai reconnu les symptômes. Il n'était pas alcoolisé ça c'est sûr mais bon il y
avait ça. J'ai du mal à classifier clairement les choses. »
« Je m'en suis rendu compte parce que l'alcool c'est dangereux et le cannabis ce n'est pas dangereux dans la tête
des gens. J'ai eu par exemple des patients qui voulaient se sevrer du tabac mais qui continuaient à fumer du
cannabis. Il considérait que le tabac était dangereux et pas le cannabis.
Est-ce que vous avez déjà eu des patients qui préféraient consommer du cannabis pour calmer l'anxiété plutôt que
de prendre des médicaments ?
Concernant le cas que j'ai décrit, je pense que la première réponse qu'il a trouvée, c'est le cannabis et que là, vu le
contexte, il cherche une autre solution. Maintenant est-ce qu'il s'est dit « tiens, je vais fumer plutôt que de prendre
des médicaments ? » Je ne pense pas. Mais la réponse la plus facile c'était le cannabis. La plus accessible. Et puis,
voilà, « je fume mais je ne prends pas de médicaments dont je ne suis pas malade ». C'est plus naturel de prendre
du cannabis plutôt que de prendre des médicaments. »
« Oui je trouve le cannabis dangereux. Je dirais même que c'est une drogue pernicieuse. Pour moi, c'est un faux
ami. C'est-à-dire qu'il y a un côté un peu ludique, un peu rigolo, un peu festif et derrière ça, effectivement, c'est un
peu l'arbre qui cache la forêt. Le côté un petit peu, on commence par ça et puis effectivement pour des personnes
avec une certaine fragilité psychologique, une recherche d'expériences un petit peu plus fortes et, derrière ça, le
risque d'une consommation plus dure derrière. Je pense qu'elle n'est pas à banaliser tout comme l'alcool d'ailleurs.
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Moi je considère que ça n'est pas normal qu'on retrouve des adolescents en coma éthylique dans les soirées. C'est
pareil, l'alcool est illégal pour les mineurs et pour autant c'est banalisé. Quant à la qualification de drogue douce je
pense qu'elle n'est pas valide. Le cannabis est une drogue.
Est-ce que c'est un élément dont tu parles quand tu mets les adolescents en garde ?
J'évoque les problèmes aigus qui peuvent leur arriver mais pas les problèmes chroniques.
Est-ce que tu trouves préoccupant ce problème dans la jeunesse actuelle ?
De la consommation ? Oui. Comme l'alcool. Pareil, j'associe les deux. Je trouve que c'est quand même un peu
préoccupant. C'est la recherche d'ivresse qui me gêne le plus. »
« Pour moi, c'est une drogue au même titre que... Enfin peut-être pas aussi dure que certaines... Mais en tout cas
que le tabac, que l'alcool. C'est aussi dangereux. Donc, essayer de ne pas commencer, c'est leur expliquer. C'est
vrai que nous dire qu'ils fument un de temps en temps: on peut être tolérant sur certaines façons d'être, mais si ça
devient quotidien, même très régulier, je sais pas. Leur expliquer que ça peut être dangereux.
Et par rapport aux conséquences, tu parlais un petit peu de désinsertion, de choses comme ça ; est-ce qu'il y a
d'autres pathologies qui t'effrayent un petit peu; on a parlé des traumatismes et les accidents ; des pathologies
psychiatriques ou des choses comme ça. Si un adolescent te demande : « mais le cannabis c’est dangereux
pourquoi ? » Est-ce que tu vas lui donner des pistes ? Est-ce que tu vas lui parler de certaines pathologies
associées?
Moins, j'irais plus sur les effets disons immédiats, après au long terme, moins, j'ai moins d'éléments à donner.
Est-ce que la consommation de cannabis chez les jeunes est préoccupante pour toi ?
Eh bien dans ma pratique je ne m'en rends pas bien compte. Mais c'est vrai que ce qu'on lit dans les journaux, c'est
préoccupant. Maintenant dans ma pratique quotidienne, j'ai pas tellement été confrontée... Ou je n'ai pas été assez
attentive... Pour l'instant au niveau professionnel, j'en ai pas beaucoup. Mais c'est vrai que quand on entend autour
de nous, c'est inquiétant de voir la consommation chez les jeunes et surtout de plus en plus tôt. C'est la précocité de
l'expérimentation qui m'effraye le plus. Qu'est-ce que ça va donner dans le temps après ? »
« je pense que c’est pas dangereux, euh tout dépend euh… Enfin c’est dangereux et c’est pas dangereux. Pour moi
c’est les deux. Tout dépend la personne qui consomme quoi et après tout dépend de ce qu’on recherche…de
l’utilisation qu’on fait du produit quoi. Est-ce qu’on recherche ça parce qu’on est déprimé, anxieux ? Donc il y a le
terrain, la personne qui consomme et après l’effet ou pas…l’effet, le pour quoi en deux mots. C’est pas le pourquoi
en un mot cas c’est pas « je fume parce que mon père est alcoolique etc. », c’est plutôt « je fume parce que je suis
angoissé, déprimé parce que mon père est un alcoolique ». C’est plutôt un effet qu’on recherche pour se protéger
de son histoire personnelle.
D’accord. Par rapport à la qualification du cannabis en tant que drogue douce ?
Ben je suis d’accord, ouais.Ouais. Oui parce que ça n’entraîne pas forcément…enfin je veux dire si les gens sont
bien équilibrés dans leur tête et s’il ont une vie qui est bien et qu’ils fument pour le plaisir, il n’y a pas de
désocialisation. Avec l’héro, c’est une catastrophe quoi…avec l’héro, tous les héroïnomanes que j’ai, c’est une
catastrophe. »
« j'ai tendance à le placer dans la catégorie des drogues douces avec les dangers que j'évoquais tout à l'heure. Ces
dangers sont de glisser vers un autre type de consommation de manière quantitative ou qualitative. Avec le risque
dont on parlait tout à l'heure.
Quel élément de dangerosité du cannabis t'effraye le plus ?
C'est beaucoup les répercussions sociales. Surtout ça. Par ailleurs, j'ai vu, lu et parlé avec cette amie psychiatre qui
me disait qu’effectivement, une consommation importante de cannabis représentait un sur risque relatif de faire un
gros souci du genre de bouffée délirante aiguë et ça, ça m'a chagriné quand même. Même si ça reste rare, je pense,
c'est quand même suffisamment grave pour avoir ça dans un coin de la tête.
Tu en parles, quand un adolescent vient te demander des informations ? tu parles de schizophrénie ?
oui, ça m'est arrivé.
Est-ce que tu te sens préoccupé par la consommation chez les jeunes ?
Oui, parce qu'on n'en parle pas assez, je pense. Enfin, en tout cas, nous ici. C'est sûrement beaucoup plus présent
que ce que moi je pense. »
« Moi je trouve que ça a des répercussions trop importantes socialement. Je sais que ça a l'appellation de drogue
douce. Mais je trouve que ça a trop de répercussions. Enfin je vois autour de moi, je trouve que ça a vraiment des
répercussions pas douces. Même si ça calme l'angoisse, ça n'est que temporaire, ça revient de plus belle après. Je
sais que c'est utilisé médicalement dans certains domaines, pourquoi pas ? chez quelqu'un qui est anorexique, qui
est en fin de vie. À part ça, je pense que c'est vraiment dangereux.
Dangereux, vous pensez à certaines pathologies ?
Moi je trouve que c'est socialement.
Et est-ce que vous craignez, par exemple quand vous donnez des conseils ou des mises en garde, est-ce que vous
lui indiquez des pathologies qui peuvent décompenser, qu'elles soient somatiques ou psychologiques ?
Oui, en général j'essaye de... Bah, de toutes manières, si on parle pas de ça, c'est quasiment impossible de les faire
arrêter. Je parle des décompensations psychiatriques, de l'hypofertilité parce que ça, on en voit de plus en plus. La
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répercussion sur le plan professionnel ou scolaire, ça c'est clair.
Quand vous parlez de décompensations psychiatriques, vous pensez à quoi ?
À l'apparition de crises de schizophrénie, de bouffées délirantes aiguës... Enfin je ne rentre pas dans les détails à ce
point-là.
Dans le contexte des drogues, est-ce que vous craignez l'escalade ?
Je crois qu'ils n'ont pas fait trop preuve que ça faisait partir sur les drogues dures, je ne crois pas. Enfin bon, ça
m'arrive de le dire mais vu ce que j'avais lu sur le sujet, je n'insiste pas. Je dis que ça peut être la porte ouverte
mais... Ça fait pas partie des... »
« je crois que c'est tellement banalisé. »
Toxicomanie, dépendance
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Toxicomanie
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accoutumance
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Bibliographie
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PAN (Jean-Philippe) – Le médecin généraliste face à la consommation de cannabis. Enquête
qualitative réalisée en 2007 auprès de seize médecins généralistes installés dans le Finistère
Nord. – 208 f., 32 annexes, ill., tabl., schémas.
Th. : Méd. : Brest 2007
RESUME :
L’augmentation de la consommation de cannabis parmi les adolescents ainsi que les dangers,
scientifiquement prouvés, d’une telle consommation incitent l’auteur de ce travail à
promouvoir un dépistage systématique de l’usage de cannabis dès l’âge de 14 ans en
médecine générale. Partant de l’hypothèse qu’un tel dépistage n’est pas réalisé à l’heure
actuelle, l’auteur s’interroge sur les raisons de cet état de fait.
Une étude qualitative exploratoire a été réalisée auprès de 16 médecins généralistes
récemment installés dans le Nord Finistère au moyen d’entretiens individuels semi directifs.
Les hypothèses initiales de manque de connaissances spécifiques sur le sujet, de manque de
moyens d’action ou d’une dangerosité sous-estimée par le médecin n’ont pas été confirmées
par l’étude de terrain. L’hypothèse d’un manque de motivation de la part des médecins
généralistes a été évoquée et nécessiterait des enquêtes spécifiques.
Les principaux biais de l’étude sont un échantillon réduit, des médecins interrogés peu
expérimentés et des difficultés d’analyse et d’interprétation inhérentes à la méthode de
l’étude.
L’auteur conclut que le dépistage de la consommation de cannabis s’inscrit dans le registre
plus large de l’évaluation du bien-être de l’adolescent. A ce titre, quelques pistes pratiques
sont proposées pour optimiser le rendement de la consultation spécifique de l’adolescent.
MOTS-CLES :
MEDECINE GENERALE
CANNABIS
ADOLESCENT
MAL-ETRE
DEPISTAGE
USAGE NOCIF
JURY :
Président : A.CENAC
Membres :
M.WALTER
E .OGER
C.DISERBO-QUEMENEUR
C.BOURILLET-LAMBERT
DATE DE SOUTENANCE
11 décembre 2007
ADRESSE DE L’AUTEUR
16 rue du Docteur Charcot
29490 GUIPAVAS

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