Vers des systèmes de culture économes en intrants

Transcription

Vers des systèmes de culture économes en intrants
Vers
des systèmes de culture
économes en intrants
Avec le soutien de …
L’agriculture durable
L’agriculture économe et autonome
Pour le réseau CIVAM, l’agriculture durable est une agriculture qui répond aux enjeux économiques, écologiques et sociaux. Elle assure le maintien des emplois
sur les territoires et des revenus décents pour les agriculteurs tout en créant des liens sociaux au sein des
territoires. Elle répond aux enjeux environnementaux en
se reposant sur les potentialités agronomiques naturelles et en cherchant une réduction des intrants
(engrais, pesticides…).
S’inspirant du rapport de Jacques Poly publié en
1978, les notions d’agriculture économe et autonome ont été réinterprétées par les agriculteurs
membres du réseau CIVAM.
Les CIVAM constituent un réseau d’agriculteurs et de
ruraux, inscrits dans une démarche collective pour développer l’agriculture durable. Localement, les groupes
CIVAM travaillent à l’élaboration de propositions construites collectivement pour développer des systèmes
économes et autonomes et une agriculture durable aux
prises avec les enjeux sociétaux contemporains.
L’économie correspond ainsi à la notion de sobriété en matière d’intrants (pesticides, engrais…), de moyens de production, voire de capitaux.
L’autonomie recouvre la réduction de la dépendance par rapport à ces intrants mais aussi
l’autonomie décisionnelle des agriculteurs dans
leur choix de pratiques culturales.
Rédaction : Chloé MARIE—FNCIVAM
Comité de Rédaction :
Quentin Delachapelle—FNCIVAM
Goulven LeBahers—FNCIVAM
Anne Harivel—FNCIVAM
Benoit Drouin — Réseau Agriculture Durable des CIVAM
David Falaise—Réseau Agriculture Durable des CIVAM
Alexis De Marguerye — FRCIVAM Pays de la Loire
Sébastien Lallier—ADEAS CIVAM
Emilie Denis—ADEAS-CIVAM
Crédits photos : CIVAM
Octobre 2013
Changer Pourquoi ? Comment ?
Réduire l’usage des produits phytosanitaires pour évoluer vers des systèmes économes en intrants est d’actualité. Avec l’objectif de réduire de 50% l’usage des
produits phytosanitaires d’ici à 2018 et la volonté de
relancer la production en protéines, le gouvernement
a affiché son ambition de répondre aux enjeux sanitaires et écologiques des modes de production agricoles. Plus récemment, c’est à travers le projet agroécologique pour la France et la définition de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt que les
orientations politiques soulignent cette volonté d’aller
vers des systèmes de production plus soutenables.
Pour répondre à ces enjeux, depuis 2006, des agriculteurs du Réseau Agriculture Durable (RAD) des CIVAM
développent des systèmes de culture économes en
intrants, adaptés aux exploitations à dominante
grandes cultures. L’objectif est de repenser les systèmes pour que ces derniers soient
moins sensibles aux bio agresseurs et, de ce fait, moins consommateurs d’intrants afin
d’augmenter leur autonomie et leur valeur ajoutée.
A partir de 2008, une démarche de
recherche action menée directement
par les agriculteurs a permis d’expérimenter et de tester un cahier des
charges. Les systèmes de culture économes en intrants conçus avec les
agriculteurs sur le terrain répondent aux enjeux environnementaux portés par les politiques publiques. Ces systèmes ont par ailleurs des résultats économiques satisfaisants.
La MAE SCEI représente un outil
pour accompagner le développement de la production intégrée à
l’échelle de la rotation en France.
Cela dit, leur développement nécessite l’implication des agriculteurs. Les dynamiques
de changement, pour être effectives, doivent ainsi bénéficier d’un soutien pour minimiser les risques encourus et pérenniser les démarches durables. C’est l’objectif que s’est
fixé le RAD en déclinant l’expérimentation « Grandes Cultures Economes » (GCE) en
cahier des charges en vue de développer une mesure agroenvironnementale (MAE)
« eurocompatible » dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC).
Régions potentiellement concernées par la MAE SCEI, résultats de
l’enquête 2013, FNCIVAM/RAD
L’élaboration d’une MAE Systèmes de Culture Economes en Intrants (SCEI) représente en effet un outil pour accompagner le développement de la production intégrée à l’échelle de la rotation en France. Elle constitue une mesure à mi
chemin entre la MAE rotationnelle et la MAE conversion à
l’agriculture biologique. Une enquête menée auprès des
80% des agriculteurs interrogés se disent
agriculteurs montre que 80% des agriculteurs interrogés
intéressés par contractualiser la MAE SCEI.
sur sept régions se disent intéressés par contractualiser la
MAE (cf carte).
Le cahier des charges proposé
Assolement diversifié et rotations longues
Part de la culture principale dans la SAU < 70% à la signature et < 50% en année 3
Au minimum 5% de la SAU en légumineuses à la signature et au moins 10% en année 3
Au moins 4 cultures différentes à la signature et au moins 5 en année 3
Taille maximale d’une unité culturale : 15 hectares (ha)
Limitation des apports en N, P, K et des fuites d’éléments minéraux
Maximum 130 UN/ha de SAU en moyenne
Maximum 40 U de P et K minéral/ha de SAU en moyenne et maximum 70 U/ha pour chaque culture
Couverture du sol avant cultures de printemps obligatoire du 1er octobre au 15 novembre
Utilisation réduite des pesticides
Interdiction des traitements de semences insecticides et des régulateurs de croissance (raccourcisseurs)
L’IFT ne doit pas dépasser la valeur de 4 par ha de surface assolée à la signature et de 2,5 en année 3
Favoriser la biodiversité
Interdiction des OGM dans l’alimentation animale et dans les cultures
Au moins 15% d’infrastructures agroécologiques dans la SAU (méthode de calcul HVE niveau 3)
Les systèmes de culture économes en intrants 1/2
Recomposer son système
Construire des systèmes plus robustes revient à choisir une
combinaison de leviers agronomiques à activer en fonction
de ses objectifs (rotation, choix variétal, gestion de l’azote,
gestion de l’espace, associations d’espèces et de variétés..).
Après trois années d’expérimentation par les agriculteurs,
les systèmes de culture se révèlent performants au regard
d’indicateurs chiffrés répondant aux engagements pris par
l’Etat vis-à-vis de la commission européenne ou de la société civile. Les analyses menées sur ces systèmes permettent
d’établir un cahier des charges ne retenant que les facteurs
nécessaires à l’atteinte des bons résultats environnementaux, tout en tenant compte des critères économiques et de
faisabilité pour les agriculteurs.
La capacité de déploiement du cahier des charges est intéressante : le temps du projet, le nombre d’agriculteurs qui
respecte ce dernier a été multiplié par trois, à l’aide de l’accompagnement des équipes de terrain du Réseau Agriculture Durable.
LES SYSTEMES DE CULTURE
ECONOMES EN INTRANTS :

sont tous diversifiés avec une
moyenne de 8 espèces cultivées.

comprennent
tous
des
cultures de printemps et
des légumineuses.

Limitent leur recours aux
intrants (engrais, pesticides …).

ont une taille de parcelles
limitée et des zones refuges.
Une stratégie globale de réduction des intrants
La diversification des espèces cultivées constitue le principal levier agronomique à mettre en œuvre pour réduire
efficacement le recours aux intrants. Une rotation diversifiée permet de développer des systèmes plus résilients face
aux bio-agresseurs, ce qui contribue à faciliter la réduction des intrants. Cette diversification s’accompagne en
effet d’un allongement de la rotation qui permet de rompre
le cycle des ravageurs.
Le temps du projet, le nombre d’agriculteurs respectant le cahier des
charges a été multiplié par trois.
L’analyse des systèmes de culture économes montre qu’il
existe une corrélation entre diversité spécifique et utilisation des pesticides (IFT HH). Une analyse du schéma 3 cidessous montre qu’à partir de 6 espèces, 75% des systèmes
étudiés ont un IFT hors herbicides inférieur à 1.
Schéma 3 : Relations entre diversité spécifique et IFT hors herbicides
Les systèmes de culture économes en intrants 2/2
Vers des systèmes plus économes en azote
Dans le cadre d’une recherche d’autonomie en azote,
l’introduction de légumineuses est déterminante. Les légumineuses sont en effet capables de capter l’azote atmosphérique pour enrichir le sol en azote. Ainsi, parmi les systèmes
de culture les plus performants, tous intègrent des cultures
de type légumineuses (ex : pois, féverole, luzerne…) ; ce qui
facilite la réduction de la fertilisation azotée (schéma 4).
Le temps du projet, les surfaces en cultures annuelles ont
ainsi été triplées et les surfaces en mélanges céréales –
protéines multipliées par 2,3.
Enfin, l’essentiel des pertes d’azote a lieu en hiver. Plusieurs
pratiques contribuent à limiter les risques de pertes : l’introduction d’un couvert pendant la période d’inter-culture en
hiver et l’ordre des cultures, en prenant en compte la capacité des cultures à absorber l’azote. Ces couverts peuvent intégrer des légumineuses. La couverture du sol recompose
l’azote minéral sous sa forme organique, le soustrayant aux
lessivages pour le rendre réutilisable par les cultures suivantes. D’autre part, positionner un colza ou un maïs après
une culture de type légumineuse ou luzerne permet d’une
part de capter l’azote largué par la légumineuse et de baisser l’apport d’azote au colza ou au maïs.
« Notre principale motivation est de développer
l’autonomie du système. Nous voulons dépendre le
moins possible de l’agrochimie et du pétrole. Nous
voulons aussi minimiser notre impact sur
l’environnement. La conduite économe sur les
céréales permet de fortement limiter l’émission de
pesticides dans l’air et dans l’eau tout en
maintenant un bon rendement ».
Xavier Uzu, Agriculteur dans la Sarthe
CARABES
Blé
Colza
Maïs/Tournesol
Légumineuses
Abondance (individu/piège)
34.29
124.10
16.84
16.58
Relation Abondance / %IAE (R2)
0.19
0.97
0.67
0.42
Relation Diversité / %IAE (R )
0.02
0.83
0.95
0.03
Relation Abondance / Taille (R )
0.00
0.27
0.14
0.97
2
2
Tableau 1 : Abondance et diversité des carabes en fonction des cultures
Le coefficient de détermination (R²) mesure l’adéquation entre le modèle et les données observées. Les valeurs sont comprises en 0 et 1.
Travailler avec la biodiversité
La biodiversité intervient comme un auxiliaire pour la mise
en place des systèmes à bas niveaux d’intrants, et inversement. Dans le cadre du projet GCE, les carabes et les isopodes terrestres (cloportes) ont été utilisés comme bioindicateurs pour évaluer les relations entre biodiversité et
pratiques agricoles des agrosystèmes.
Schéma 4 : Corrélation entre légumineuse et fertilisation azotée
Les premiers résultats montrent que dans le colza, le maïs et
le tournesol, le nombre de carabes dépend directement de la
quantité des milieux refuges à proximité (Tableau 1). Les
isopodes terrestres sont quant à eux uniquement présents
dans les blés peu perturbés et les infrastructures agroécologiques.
L’étude menée dans le cadre du projet Grandes Cultures
Economes met ainsi en évidence la pertinence des infrastructures agro-écologiques (haies, bandes enherbées…).
D’autre part, l’importance de la taille des parcelles a été
démontrée pour le maintien de la biodiversité.
Résultats 1/2
Des systèmes qui respectent l’ensemble des engagements réglementaires d’ici à 2020...
L’analyse des résultats moyens des 40 systèmes de
culture analysés dans le cadre du programme GCE
(Groupe GCE), montre que l’ensemble des systèmes
atteint d’ores et déjà de bons résultats environnementaux, notamment en terme de réduction des IFT,
d’émission de GES ou encore de conservation de la
biodiversité. Seuls les résultats en termes de perte
d’azote par lessivage et de concentration en nitrates
sont supérieurs aux seuils retenus pour l’expérimentation. Le Groupe respectant le cahier des charges
simplifié (Groupe CdC), constitué de 8 systèmes, simplifié atteint quant à lui de bons résultats sur l’ensemble des indicateurs retenus (Tableau 2).
Les systèmes de culture économes en intrants ont
également été comparés avec deux systèmes de référence succession Colza - Blé - Maïs (réf. CBO) ou Mais Blé (réf. MB) (données issue du Réseau Mixte Technologique—Systèmes de Culture Innovants).
Les résultats montrent qu’en moyenne les systèmes
qui respectent le cahier des charges ont de meilleures
performances que tous les autres groupes pour l’ensemble des 7 indicateurs.
Enfin, sur la globalité de l’expérience, en trois ans, le
programme a conduit à des économies d’intrants
importantes sur l’ensemble des 56 exploitations concernées, soit sur un total de 5 500 hectares :
3 373 unités d’engrais azoté, soit 16% en moins,
293 539 d’équivalent litres fuel, soit 15% d’économies
3 707 doses de pesticides, soit 31% en moins
1 176 tonnes d’équivalent CO2 , soit12% en moins
Seuil
Groupe
CdC
Groupe
GCE
Réf.
CBO
Réf. MB
IFT/Réf. régionale
< 50%
26
45
119
78
Perte N par lessivage
< 40KgN
31
42
52
26
Concentration nitrates
< 50 mg NO3 /l
48
55
72
55
Conso. énergétique
< 327 EQF/ha
224
297
475
497
GES
< 1.76 teq CO2/ha
1.42
1.72
2.58
3.19
Gaspillage de phosphore
< 30 kg P2O5/ha
9
16
0
75
3.37
3
1
3
Conservation biodiversité 3 ou 4
Tableau 2 : Résultats moyens du Groupe CdC par rapport à deux systèmes de référence (CBO et MB)
Les résultats 2/2
...Avec des résultats économiques performants
sur le long terme
La démarche vers l’autonomie en grandes cultures est
parfois complexe, ces systèmes étant dépendants des
intrants pour produire plus à l’hectare. Cependant les
systèmes de cultures économes sont robustes et ont des
marges brutes satisfaisantes sur les années 2007 et 2009.
Les systèmes remarquables du projet Grandes Cultures
économes ont ainsi tous une efficience économique supérieure à 65%.
hérentes à l’Association de Gestion et de Comptabilité
Accéa +, le groupe Grandes Cultures Economes composé
de 15 exploitations obtient de meilleurs résultats en
termes de résultats courants par Unité de Main d’œuvre
(Tableau 3).
Ces résultats s’expliquent par le fait que les coûts des
pesticides et engrais minéraux sont élevés. Ils représentent pour l’ensemble des systèmes étudiés près de 52%
des charges opérationnelles. Les systèmes économes qui
arrivent à réduire ces coûts obtiennent donc des marges
brutes peu différentes
par rapport aux systèmes
conventionnels tout en
Les modes de conduite économes et autonomes
affichant une baisse du
obtiennent de meilleurs résultats économiques
recours aux intrants.
en termes de valeur ajoutée et de résultats par
Ainsi, même dans un
contexte comme 2007
avec une hausse des prix
des céréales sur le marché, les systèmes écoD’une manière générale,
unité de main d’œuvre et ce malgré une baisse de
nomes obtiennent des
les systèmes économes
productivité.
résultats économiques
gagnent en autonomie,
satisfaisants, et ce malce qui leur permet de
gré des rendements légèréduire
les
coûts
de
production.
rement inférieurs par rapport aux systèmes productifs. A
l’inverse, dans des contextes de prix de vente bas et
Cependant, dans des contextes de fluctuations impord’augmentation du prix des intrants, les modes de contantes du prix des céréales sur le marché, les analyses
duite économes et autonomes obtiennent de meilleurs
économiques gagneraient à être complétées.
résultats économiques.
En effet, si avec la flambée du prix des céréales, les sysL’analyse menée par le réseau InPACT (Initiatives Pour
tèmes économes peuvent paraître moins efficients que
une Agriculture Citoyenne et Territoriale) Poitou Chales systèmes conventionnels, il conviendrait d’évaluer
rentes dans les Deux-Sèvres et la Vienne en 2009 le décette efficience sur la base d’une analyse pluriannuelle.
montre :
De même, avec les fluctuations climatiques, les itinéraires proposés pour les systèmes économes pourraient
Comparé à un groupe de référence constitué de 25 exse révéler moins risqués ; l’assolement diversifié étant un
ploitations céréalières spécialisées (OTEX Grandes Culgage de sécurité contre les aléas en permettant une astures supérieures à 80% du Chiffre d’Affaire Global), adsurance en répartissant les risques de pertes.
Groupe GCE
Témoin Accéa +
Production / Unité de Main d’œuvre (UMO)
68 477 €
99 507 €
Primes / UMO
38 234 €
39 975 €
Produit / UMO
106 712 €
139 483 €
Valeur ajoutée / UMO
7 475 €
8 895 €
Résultat courant / UMO
9 110 €
2 858 €
Tableau 3 : Indicateurs d’efficacité économique en valeurs brutes sur la campagne 2009, source
InPACT Poitou-Charentes
Des résultats encourageants à 3 ans
L’exploitation en bref
 SAU : 117 hectares (ha)
 Main d’œuvre : 1,5 UTH =
agriculteur + salarié
 Parcellaire : 7 îlots, divisés en 12
parcelles regroupées dans un
rayon de 2 km
 Assolement : 25 ha colza, 25 ha
blé tendre, 14 ha blé dur, 16 ha
orge hiver, 4 ha orge printemps,
16 ha pois printemps, 16 ha
tournesol
« Globalement, les résultats sont au rendez-vous : j’ai
diminué de 58% ma consommation de pesticides, de 40%
ma fertilisation et de 42% ma facture d’intrants à
l’hectare. Je fais un peu moins de rendement mais ma
marge est maintenue. »
Sébastien Lallier, Agriculteur en Eure-et-Loir
Sébastien a repris l’exploitation familiale en 2008. D’un
mode de conduite conventionnel basé sur des méthodes
chimiques et des traitements systématiques, il a souhaité
réaliser une reconception globale de son système afin de
diminuer les achats d’intrants tout en préservant ses
marges. D’une rotation initiale colza / blé / blé /orge hiver,
il a choisi de recomposer le système en introduisant des
cultures de printemps (tournesol, pois, orge..) pour déspécialiser la flore adventice. Pour réduire la fertilisation azotée, il a ensuite intégré une légumineuse, le pois, devant le
colza. Cette stratégie lui a permis de réduire de 50 unités
ses apports azotés sur le colza. L’introduction de couverts,
la moutarde associée à l’avoine diploïde, permet de piéger
l’azote en hiver et d’extraire des éléments du sol et de les
restituer, tout en maîtrisant les adventices. Deux autres
leviers ont été mobilisés : il a décalé les dates de semis et
diminué la taille des parcelles pour maîtriser les ravageurs
et optimiser les auxiliaires.
Consommation d’intrants
Coûts de production
Efficacité du système
Résultats environnementaux
Après trois ans, Sébastien obtient de bons résultats :
« Globalement, les résultats sont au rendez-vous : j’ai diminué
de 58% ma consommation de pesticides, de 40% la fertilisation et de 42% ma facture d’intrants à l’hectare. Je sais que je
fais un peu moins de rendement mais ma marge est maintenue. En analysant les marges brutes des deux systèmes à
l’échelle de la rotation, je constate que le système recomposé
me permet de les augmenter de 1 à 7% suivant les hypothèses de prix. D’une manière générale, je juge ma marge
brute équivalente à court terme ; et sur le moyen ou long
terme elle sera meilleure car j'évite des impasses techniques
et je donne plus de robustesse à mon système. » (Tableau 4).
Dans le temps, et dans des contextes de prix différents, les
marges sont maintenues. Lors de la campagne 2012, caractérisée par une forte augmentation des prix sur le marché,
la marge brute de Sébastien reste ainsi satisfaisante.
2008
2010
Différence
Consommation de fuel
85.40
80.00
- 6%
Charges opérationnelles
393 €
226 €
- 42%
Fertilisation azotée
178
107.5
- 40%
Coût d’une tonne de blé / intrants
50€
32€
- 36%
Coût d’une tonne de colza / intrants
91€
63€
- 31%
Efficacité énergétique
7.69
8.95
+ 16%
Marges brute 2006 (Base Ecophyto)
553 €
561 €
+ 1%
Marges brute 2010 (prix agriculteur)
774 €
829 €
+ 7%
Marge brute 2012 (prix agriculteur)
1320
1269
- 4%
INO3 (lessivage de NO3 )
5.43
6.01
+ 11%
Emission de GES (Teq CO2 )
2.26
1.67
- 26%
Traitements de semences (TS)
1.00
0.33
- 67%
IFT total (sans TS)
5.58
2.44
- 56%
Tableau 4 : Evolution du système de culture de Sébastien Lallier, agriculteur en Eure et Loir, source RAD
Perspectives : Développer les systèmes économes
Issu d’une démarche de terrain, porté par des agriculteurs et testé par une cinquantaine de paysans-chercheurs, le cahier des charges amendé dans le cadre du projet
GCE a pu montrer ses atouts en termes agro-environnementaux.
Cependant, si ces démarches ne trouvent pas encore écho auprès d’une majorité
d’agriculteurs, c’est à la fois parce qu’elles ne font pas l’objet d’outils incitatifs et de
vrai soutien politique mais aussi parce que la démarche de changement de système
est complexe et représente un parcours difficile à mettre en œuvre.
Par des politiques publiques encore trop centrées sur les systèmes de production
conventionnels, au détriment du développement rural et des démarches agroenvironnementales, les systèmes durables manquent encore souvent d’un réel appui politique et économique qui permettrait de répondre au risque intrinsèque à la
démarche de changement de système. C’est d’autant plus vrai dans le cas des systèmes de cultures, qui font face à des fluctuations du prix des céréales très importantes.
C’est pourquoi, à l’issue du projet, le RAD s’est fixé comme objectif de décliner l’expérimentation en mesure agro-environnementale « Systèmes de Culture Economes
en Intrants » (SCEI), à l’image de ce qui avait été proposé pour les élevages de ruminants en créant la MAE Systèmes Fourragers Economes en Intrants (SFEI). Dans le
cas des systèmes de culture, le passage à des systèmes économes implique des
changements importants et a des répercussions sur les choix d’investissement.
Ainsi, ce type d’incitations et d’appui économique est nécessaire pour permettre
aux agriculteurs de
stabiliser le système
Le Réseau Agriculture Durable des CIVAM
et soutenir leur démarche de changeconstitue un réseau de compétences pour acment.
compagner les agriculteurs vers une modifica-
« S’engager dans les systèmes
économes implique d’aller à
l’encontre de nos repères
habituels . Il est indispensable
de pouvoir s’appuyer sur une
dynamique de groupe qui
partage ce choix pour
atteindre ces objectifs. »
tion de leurs façons de produire.
Cela dit, au-delà de
l’aspect économique,
changer de système implique
une redéfinition globale des itinéraires techniques et par là du métier d’agriculteur. Il comporte un enjeu, certes économique, mais aussi social et symbolique. Ainsi, s’engager dans
un tel cahier des charges n’est pas anodin. Les systèmes économes sont par ailleurs perçus
comme des systèmes exigeants en termes de travail et de techniques, et peuvent paraître
inaccessibles pour certains agriculteurs.
Si le projet GCE a pu montrer la faisabilité de ces nouveaux modes de conduite, éprouvés
directement par les agriculteurs sur le terrain, la démarche d’expérimentation de systèmes
est un chemin à parcourir individuellement, d’autant qu’elle implique de repenser la cohérence globale du système. Pour répondre à ces questionnements, et à la volonté d’une implication large des agriculteurs dans des démarches de changement de systèmes, le projet
GCE a, dès son commencement, souhaité travailler sur les questions liées à l’accompagnement des agriculteurs dans le changement. Dans ce cadre, les méthodes d’accompagnement doivent s’adapter à chaque acteur. L’alternance entre échanges collectifs de pratiques et temps individuels permet ainsi de répondre à la nécessité de trouver, pour
chaque agriculteur, chaque exploitation et chaque contexte, les techniques adaptées à son
système et aux objectifs poursuivis.
Il n’existe pas de recette unique, le changement vers des systèmes de culture économes
nécessite ainsi une démarche de co-construction et d’expérimentations progressives.
Dans ce cadre, le Réseau Agriculture Durable des CIVAM constitue un réseau de compétences pour accompagner les agriculteurs vers une modification de leurs façons de produire.
Quentin Delachapelle,
Agriculteur dans la Marne
Un réseau pour s’engager dans la démarche
Contacter le groupe CIVAM le plus proche de chez vous
LE RESEAU CIVAM
50 ans d’expériences
4 pôles thématiques (Systèmes de Production
Economes et Autonomes, Accueil et Echanges en
Milieu Rural, Systèmes Agricoles et Alimentaires Territorialisés, Transmission Installation et Création
d’Activités)
135 groupes ou fédérations
12 000 personnes membres dont 10 000 agriculteurs
12 Fédérations Régionales
17 régions couvertes par le réseau CIVAM
1 réseau Agriculture Durable
Une fédération nationale à laquelle adhère l’ensemble des groupes et fédération du réseau.
En savoir + sur www.civam.org
Le Réseau Agriculture Durable
Créé en 1994, le Réseau Agriculture Durable des
CIVAM réunit 32 groupes d’agriculteurs situés dans 17
départements.
Depuis maintenant près de 20 ans, le RAD accompagne les agriculteurs vers la conception de systèmes
économes et autonomes. Il bénéficie d’une expertise
dans la conception de systèmes innovants et l’accompagnement des agriculteurs.
En savoir + sur www.agriculture-durable.org
Pour aller plus loin...
Cahier technique n° 9. Construire et conduire des systèmes de culture économes. Réseau Agriculture Durable, Mars 2012.
Accompagner des groupes d’agriculteurs vers des systèmes de culture économes. Mémento à l’usage des
animateurs et conseillers. Réseau Agriculture Durable, Mai 2012.
Actes du Colloque Grandes Cultures Economes : http://www.agriculture-durable.org/lagriculture-durable/
colloque-grandes-cultures-economes/
de Marguerye A, Denis E, Mialon A, Deschamps D. Vers une MAE Systèmes de culture économes en intrants.
Innovations Agronomiques (à paraître).
Dossier de presse « Grandes Cultures Economes ».
Stratégies Autonomes et Economes en Grandes cultures. Intérêts et limites socio-économiques. InPACT
Poitou-Charentes, 2011.
Noémie Schaller. Vers une mesure agro-environnementale « systèmes de culture économes en intrants.
Centre d’Etudes et Prospective, Analyse n°53, décembre 2012.
Glossaire
CO2 : Dioxyde de carbone
EQF : Equivalent litre de Fioul
GCE : Grandes Cultures Economes
GES : Gaz à Effet de Serre
HVE : Haute Valeur Environnementale
IAE : Infrastructure Agroécologique
IFT : L’Indice de Fréquence de Traitement
IFT HH : IFT Hors Herbicides
K : Potasse
N : Azote (UN : unité d’azote)
NO3 : Nitrates
OTEX : Orientation technico-Economique
des exploitations agricoles
P : Phosphore
PAC : Politique Agricole Commune
UMO : Unité de Main d’œuvre
UTH : Unité de Travail Homme
SAU : Surface Agricole Utile
SCEI : Systèmes de Culture Economes
en Intrants
TEQ : Equivalents Toxiques
TS : Traitement de Semences
FNCIVAM
Réseau Agriculture Durable
7, bis rue Riquet
17, rue du bas Village
75019 Paris
CS 37725
Tel : 01 44 88 98 58
35577 Cesson-Sévigné Cedex
www.civam.org
Tel : 02 99 77 39 25
[email protected]
http://www.agriculture-durable.org
[email protected]
Avec le soutien de …