Promouvoir les bonnes pratiques en agriculture
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Promouvoir les bonnes pratiques en agriculture
© Brockmann Promouvoir les bonnes pratiques en agriculture Exemples au Burkina Faso, en Éthiopie, en Inde et en Europe Mentions légales Editeur: Deutsche Welthungerhilfe e.V. Friedrich-Ebert-Straße 1 53173 Bonn Tel. +49 (0)228 2288-0 Fax +49 (0)228 2288-333 [email protected] www.welthungerhilfe.de Auteurs: Anke Klitzing, Anshuman Das, Dr. Moussa Bonzi, Dr. Albert Barro, Ursula Langkamp, Kassa Getu Dereje, Dr. Siébou Pale, Dr. Sashmi Nayak, Ashish Gupta Montage: Mike Gardner, Bonn mediamondi, Berlin Production: Carsten Blum Status: Bonn, Février 2015 L’agrément officiel de l’Institut central allemand pour les affaires sociales (DZI) certifie l’utilisation efficiente et responsable des fonds qui sont confiés à la Welthungerhilfe. Cette dernière bénéficie depuis 1992 de l’agrément officiel en signe de confiance. 2 La Welthungerhilfe a été récompensée plusieurs fois pour la transparence de ses rapports d’activités et sa remarquable diffusion d’informations. Table des matières Introduction ..............................................................................................................4 1. Allemagne / Bosnie-Herzégovine : promouvoir l’agriculture de petits exploitants avec les projets de presidia de Slow Food .............................................................6 2. Inde : les systèmes d’agriculture intégrée – relever les défis actuels avec un système traditionnel ...........................................11 3. Burkina Faso : améliorer la résilience au changement climatique grâce au zaï par traction animale ........................................................................16 4. Éthiopie : produire du fourrage dans les montagnes éthiopiennes grâce au système d’alimentation à l’auge (cut and carry) ......................................19 5. Éthiopie : résister à la sécheresse en produisant du fourrage dans les plaines – le système du kallo ..........................................................................................23 6. Éthiopie : améliorer les plants pour obtenir une meilleure production de pommes de terre .........................................................................................27 7. Éthiopie : concentrer les efforts grâce au principe de la chaîne de valeur .................31 8. Burkina Faso : recourir au warrantage pour garantir la sécurité alimentaire et améliorer les revenus .....................................................................................35 9. Inde : développer le système d’entreprise communautaire – le problème de la « taille » .................................................................................40 10.Inde : les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) – permettre aux petits agriculteurs d’accéder à la certification ..................................45 11.Burkina Faso : l’assainissement écologique en faveur de la santé publique et d’une agriculture durable ...............................................................................49 Conclusion et mesures recommandées ...............................................................................54 Références ....................................................................................................................56 3 Introduction Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 12,5 % de la population mondiale était en situation d’insécurité alimentaire en 2013. La communauté internationale investit trop peu dans l’agriculture et les sommets du G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada et Russie) accordent de moins en moins d’attention aux questions de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté. La FAO estime que plus de 85 % des agriculteurs dans le monde sont de petits exploitants. Elle a déclaré 2014 l’Année internationale de l’agriculture familiale. Toutefois, il existe un d écalage notable entre le rôle vital des petites exploitations et l’importance qui leur est attachée à l’échelle internationale. Par exemple, l’essentiel des financements de la recherche soutient l’innovation agricole basée sur les technologies, malgré les conséquences négatives de la r évolution verte sur le plan social et humain. La perte des pratiques agricoles durables, reposant en grande partie sur des connaissances traditionnelles, a généré une baisse de la productivité et développé la souffrance. Pour que ce sujet soit davantage abordé, Welthungerhilfe a lancé le projet POWA, Building Public and Political Will for Agriculture ODA in Germany (en français : création d’une v olonté publique et politique pour l’aide publique au développement dans le secteur agricole en Allemagne). POWA se fonde sur un plaidoyer intercontinental et entend faire pression sur les nations du G7 pour qu’elles intensifient leurs efforts afin de vaincre la faim dans le monde. La situation des petits exploitants et le rôle de l’agriculture durable dans la quête de la sécurité alimentaire doivent jouer un rôle essentiel l’année prochaine au sommet du G7. Les acteurs clés de POWA sont des experts de la société civile, du milieu scientifique et du secteur privé venant du Burkina Faso, d’Éthiopie, d’Allemagne et d’Inde. Ils élaborent des recommandations politiques d’actions en vue du sommet du G7. Adapter l’agriculture durable au niveau local est essentiel pour atteindre la sécurité alimentaire dans le monde. Les exemples de bonnes pratiques présentés dans cette étude et utilisés au Burkina Faso, dans les Balkans, en Éthiopie, en Allemagne et en Inde témoignent des résultats qu’elle permet d’obtenir. Parmi les différents points décrits figurent les contextes respectifs, les approches utilisées, leur mise en œuvre, les résultats et la diffusion. L’accent est mis sur les aspects qui tireraient le plus profit d’un soutien ciblé ou supplémentaire des donateurs. Les exemples englobent des sujets allant des pratiques en matière de gestion agricole à la b iodiversité en passant par l’accès aux crédits et aux marchés ou encore la certification. Cette étude souligne aussi les impacts qu’ont ces mesures sur les sources de revenus des femmes. Dans plusieurs cas, il existe une interaction en les sujets tels que l’organisation et la commercialisation ou bien l’assainissement et l’épandage d’engrais. De nombreux projets se basent sur des méthodes et pratiques traditionnelles et montrent des façons de les améliorer. 4 Outre l’approvisionnement en aliments divers et variés qu’ils assurent, les petits exploitants agricoles contribuent de manière considérable à la préservation de la campagne. L’organisation Slow Food encourage les réseaux de soutien aux petits exploitants à travers le monde. L’exemple donné ici présente la production de fruits et légumes issus de variétés locales en Allemagne et dans les Balkans. En Inde, les variétés locales sont menacées depuis la seconde moitié du siècle dernier suite aux changements de pratiques agricoles. L’approche du système d ’agriculture intégrée puise elle-même dans la nature pour promouvoir la diversification et inclure le recyclage en agriculture. Au Burkina Faso, la méthode de labourage traditionnelle appelée zaï est améliorée grâce à la mécanisation qui permet également de faire face à de nouvelles contraintes suite au changement climatique. En Éthiopie aussi, les méthodes traditionnelles occupent une place centrale dans les efforts déployés pour accroître la production de fourrage. Là encore, des tentatives sont faites pour améliorer la production de plants de pommes de terre et introduire le principe de la chaîne de valeur dans la culture légumière afin d’aider les communautés pauvres. Au Burkina Faso, un système de warrantage permet de lutter contre diverses contraintes freinant la production et la commercialisation ; les agriculteurs bénéficient d’un plus grand pouvoir d’achat et d’un meilleur accès aux moyens de production agricoles. En Inde, les systèmes d’entreprises communautaires surmontent les obstacles auxquels font face les agriculteurs en s’articulant autour du rôle central des communautés en agriculture. Par ailleurs, une approche participative est utilisée pour mettre en place des systèmes de certification abordables pour les agriculteurs biologiques. Enfin, le Burkina Faso présente également un exemple d’association de deux aspects du développement rural dans un programme qui améliore les normes de santé publiques tout en contribuant à la sécurité alimentaire. Dans le projet EcoSan, l’urine et les fèces humaines sont collectées dans les latrines, puis transformées en engrais liquides et solides pouvant considérablement accroître la productivité et améliorer la qualité de vie. 5 Chapitre Allemagne et Bosnie-Herzégovine : promouvoir l’agriculture de petits exploitants avec les projets de presidia de Slow Food Anke Klitzing (Slow Food Deutschland e.V.) Dans le monde entier, les petits exploitants agricoles nous fournissent une grande diversité d’aliments d’excellente qualité. Ils prennent soin de la campagne, notamment dans les régions marginales, telles que les alpages et les forêts tropicales, et font vivre les c ommunautés du littoral et des montagnes. Ils connaissent leur région ainsi que sa faune et sa flore de manière approfondie. L’agriculture de petits exploitants constitue donc un élément clé de l’agriculture durable adaptée au niveau local. Au cours des premières années de ce millénaire, Slow Food a initié le projet de presidia pour développer des réseaux de soutien à l’agriculture de petits exploitants et à la production d’aliments artisanaux. 1 Les presidia sont des réseaux de soutien organisés autour d’un produit traditionnel menacé de disparition, visant à protéger et à promouvoir ce produit – pouvant être une espèce traditionnelle ou une plante comestible issue du patrimoine mais aussi un aliment, tel que le fromage, les conserves, les pâtisseries et bien d’autres produits – ainsi que l’économie locale et la communauté d’où il tire ses racines. Le projet rassemble des communautés de producteurs qui souhaitent travailler ensemble et établir conjointement des règles de production, des normes de qualité et des manières de promouvoir leur p roduit. Les presidia ont pour o bjectif de servir d’outil ajoutant de la valeur et une c ertaine dignité culturelle au travail des p roducteurs d’aliments artisanaux afin de créer une production alimentaire durable et viable au niveau environnemental, mais aussi économique et socioculturel. Les réseaux de presidia s’étendent aussi aux autres membres de la c ommunauté comme par exemple les négociants, les chefs cuisiniers, les universitaires et, en particulier, les consommateurs Slow Food ne considère pas la nourriture hors de son contexte socio-économique. La sauvegarde des aliments traditionnels implique donc naturellement la sauvegarde des connaissances qui les entourent ainsi que de leurs structures de production, distribution et consommation. Ces aliments et leur contexte socio-économique représentent une vaste ressource pour le bien-être présent et futur de l’humanité et de la planète. Les protéger signifie protéger leur diversité, c’est-à-dire la diversité biologique, celle des écosystèmes, de la culture et des connaissances, et surtout celle du goût. D’autre part, la diversité et l’adaptation locale sont synonymes de résilience, un atout extrêmement important face aux pressions du changement climatique, par exemple. Les presidia aident également à préserver les paysages cultivés dans les régions marginales et offrent des perspectives aux petits producteurs partout dans le monde. Ils sauvegardent ainsi des centaines d’espèces animales et donnent aux générations futures une planète propre à la biodiversité riche. 6 1 Chapitre Source : Slow Food Deutschland e.V. Avoir une économie locale solide et une agriculture durable respectueuse de l’environnement, de l’identité culturelle de la communauté et du bien-être animal est essentiel pour soutenir la souveraineté alimentaire – le droit de toute communauté à décider elle même de ce qu’elle cultive, produit et mange. Autant de points particulièrement importants dans le monde du Sud où la nourriture n’est souvent pas simplement liée à l’amélioration de la qualité de vie mais concerne plutôt la survie des personnes, des communautés et des cultures. Il existe actuellement 400 projets presidia de par le monde, qui impliquent plus de 10 000 producteurs – des petits agriculteurs, gardiens de troupeaux, pêcheurs et artisans. Les presidia sont soutenus et coordonnés par la fondation Slow Food for Biodiversity et à travers le réseau international de Slow Food. Slow Food assiste les producteurs (en organisant des formations et échanges) ; elle fait connaître les produits en communiquant leur histoire (l’histoire des producteurs, de leur savoir, des régions locales et des méthodes de production) et peut se servir du réseau d’associations pour mettre les producteurs en relation avec les consommateurs (à travers des événements, la participation de chefs cuisiniers et un soutien sous forme de vente directe avec les marchés de producteurs et les groupes d’achat). Une communication multi- canal assure la promotion des projets (en ligne, support papier, support audiovisuel, campagnes de communication). Voici deux exemples de projets presidia en Europe. Allemagne : les lentilles du Jura souabe Le Jura souabe, une région de moyenne montagne du Sud-Ouest de l’Allemagne, p résente un terrain difficile, un sol pauvre, une faible pluviométrie et un climat relativement rigoureux. Traditionnellement, les lentilles étaient ici l’une des cultures les plus communes et représentaient une source de protéines majeure dans l’alimentation locale. De nombreuses recettes traditionnelles mélangent les lentilles avec des aliments à base de céréales comme par exemple les lentilles aux spätzle (pâtes fraîches locales), le plat le mieux représentatif de la région. Non rentable et associée à un modèle alimentaire dépassé, la culture de légumineuses a été ici progressivement abandonnée dans les années soixante. Les semences de variétés de lentilles traditionnelles ont alors été perdues. Dans la région, la culture des lentilles a seulement r edémarré dans les années quatre-vingt-dix et en 2001, un consortium de producteurs a été fondé pour coordonner le séchage, le nettoyage, l’emballage et la commercialisation des Alb-Leisa (les lentilles du Jura, en dialecte souabe). De plus en plus d’agriculteurs se sont ainsi lancés dans la culture de lentilles bio même s’il n’était toutefois pas possible d’utiliser des s emences de variétés locales. Puis, en 2006, deux chercheurs ont trouvé des semences d ’Albleisa 1 et d’Albleisa 2, des variétés originaires de la région du Jura, dans la banque de semences de l’institut Vaviloc à Saint-Pétersbourg, en Russie. 7 1 Chapitre Source : Slow Food Deutschland e.V. L’année suivante, Lutz Mammel, un agriculteur local dont la famille fut la première à réintroduire la culture de lentilles dans la région, s’est rendu à Saint-Pétersbourg avec plusieurs membres de Slow Food Allemagne. Ils y ont récupéré des semences d’origine, les ont rapportées en Allemagne et réintroduites avec l’aide d’un projet de recherche de l’Université de sciences appliquées de Nürtlingen-Geislingen. Grâce à la combinaison favorable du sol, du climat et des connaissances locales, les lentilles sont d’excellente qualité mais nécessitent un long processus de séchage et de nettoyage. Ces deux variétés traditionnelles de la région ont des formes et des utilisations différentes. L’une possède une graine plus grosse est convient pour les purées et les soupes tandis que l’autre est plus petite et s’utilise en accompagnement. Toutes deux dévoilent un goût de noisette marqué. Grâce au projet, environ 60 familles de la région ont commencé à cultiver les lentilles et à les vendre au niveau local. Outre les normes de production biologiques strictes, un protocole de presidium présente en détail les bonnes pratiques en matière production pour veiller à maintenir une excellente qualité. Le presidium encourage la culture et la consommation de ces deux variétés de lentilles dans la région en ciblant les restaurants locaux, les épiceries fines spécialisées et un magasin de vente à la ferme dédié à celles-ci ainsi qu’en participant à des événements régionaux et nationaux sur le thème de l’alimentation, tels que le salon du Slow Food à Stuttgart, en Allemagne. Il est actuellement question de demander l’appellation d’origine protégée. Bosnie-Herzégovine : le slatko de prunes Pozegaca La vallée de la Drina et l’enclave de Goražde font partie des régions les plus dévastées par la guerre civile de Yougoslavie qui a éclaté au début des années quatre-vingt-dix. Ce conflit a eu un effet néfaste irréparable sur les traditions rurales et des cultures entières ; il a détruit la quasi- totalité des emplois locaux. En 1998, 80 % de la population active était au chômage. Avant l’avènement de l’État communiste yougoslave, cette région, entourée d’une chaîne de montagnes de basse altitude qui la séparait de la Serbie et du Monténégro, était célèbre pour la qualité de ses fruits. Ces circonstances ont offert une belle opportunité à la région, à savoir la création d’activités qui pourraient générer un revenu tout en sauvegardant les traditions et connaissances issues de l’ancienne culture rurale. 8 1 Chapitre Source : Slow Food Deutschland e.V. Slatko signifie « sucré » mais, dans les Balkans, il s’agit aussi d’une prune conservée dans du sirop. Elle se prépare encore dans différentes régions de Bosnie, Serbie et Croatie mais n’est pas aussi répandue qu’avant. En amont, dans la vallée de la Drina, près de la ville de Goražde, en Bosnie-Herzégovine, la méthode de production est particulièrement exigeante – l’ensemble du procédé se fait manuellement, du pelage des fruits au conditionnement. Le slatko de prunes Pozegaca est actuellement produit par un groupe de femmes. Avec l’aide des anciens, elles ont défini la recette traditionnelle. Leur slatko se prépare sur un feu de bois dans le village de Filipovici (Ustikolina/ Goražde), à partir de prunes qui ont mûri sur les rives de la Drina. Le projet de presidium a été lancé en 2004. À cette époque, le slatko était uniquement p réparé à la maison, par les femmes les plus âgées, et la tradition était en train de d isparaître, de même que la variété de prunes locale Pozegaca. À l’issue d’une visite o rganisée par Slow Food sur des projets similaires en Italie en 2005, cinq productrices ont enregistré juridiquement un consortium de producteurs (EMINA). Avec l’aide de Slow Food, elles ont c ommencé à orienter leurs efforts promotionnels vers des détaillants et restaurants à Sarajevo. Le procédé de production a été enregistré pour pouvoir être transmis et c onserver ainsi les connaissances traditionnelles et artisanales tout en proposant une qualité uniforme et constante sur le produit final. Les productrices ont participé à des é vénements internationaux autour de l’alimentation en Italie, en Bulgarie et en France pour promouvoir leurs produits, échanger des informations et tisser des liens avec d’autres petits producteurs. En 2009, l’association EMINA a organisé, en partenariat avec les autorités locales d’Ustikolina, son propre événement gastronomique afin de promouvoir les produits locaux. Depuis 2005, les ventes de slatko ont augmenté de manière constante (à l’exception de 2011 et 2012, période de récession économique en Bosnie). L’association EMINA a commencé à vendre ses produits à Sarajevo, dans deux chaînes de supermarché, ainsi qu’au marché de Noël annuel. Par ailleurs, elle est parvenue à s’introduire sur des marchés d’exportations en France et en Italie. D’autres producteurs de slatko, mais aussi des producteurs de fruits, ont rejoint le presidium, faisant passer leur nombre respectif à 14 et à 10 en 2014. Source : Slow Food Deutschland e.V. 9 1 Chapitre 10 En 2012, la fondation Slow Food for Biodiversity a mené une étude pour évaluer les résultats socioculturels, agri-environnementaux et économiques des projets de presidia de Slow Food en Europe au cours des douze dernières années. Les résultats se sont avérés positifs dans les trois domaines. Tous les presidia ont enregistré une hausse considérable de la durabilité socioculturelle et, dans la quasi-totalité des cas étudiés, cela est dû au développement important des relations internes avec les groupes de producteurs et à leurs relations externes ainsi qu’à la meilleure conscience de la valeur de leur travail et de leur produit par les consommateurs (à travers leur participation aux événements et aux efforts de communication). Dans certains cas, cela a été encore davantage renforcé par la création d’une association de p roducteurs qui a a mélioré la capacité d’organisation et le pouvoir de négociation. Les résultats économiques o btenus par tous les presidia sont également encourageants. Parmi les résultats positifs en matière de durabilité agri-environnementale figurent la réduction générale de l’utilisation de produits chimiques de synthèse (remplacés par des produits à base de plantes) et l’amélioration de la qualité de l’alimentation animale, avec une réduction de l’élimination de l’ensilage et, dans plusieurs cas, des aliments contenant des OMG. Il existe des points faibles, notamment concernant le volet é nergétique ; le recours aux énergies et emballages alternatifs – qui nécessiteraient des matériaux p résentant un impact environnemental moindre – reste limité. L’étude a noté un aspect très intéressant, à savoir la nature particulière des relations créées dans le cadre des projets de presidia, qui se veulent circulaires et jamais à sens unique. L’effet de réseau de ces projets, qui créent des liens entre les producteurs, négociants, universitaires, consommateurs et bien d’autres acteurs ainsi qu’avec l’environnement naturel et socioculturel, joue un rôle important dans l’amélioration de la situation de chaque personne concernée. 2 Chapitre Inde : les systèmes d’agriculture intégrée – relever les défis actuels avec un système traditionnel Dans les années soixante, l’Inde a traversé de graves crises alimentaires qui l’ont incitée à moderniser son agriculture en ayant recours aux technologies modernes. Ce choix a entraîné la perte d’une grande diversité de cultures et s’est donc avéré être un échec à long terme. Les variétés qui ont survécu sont maintenant menacées par les cultures OGM ; l’utilisation incontrôlée des engrais chimiques a dégradé la fertilité des sols et les nappes phréatiques se vident rapidement. La notion de systèmes d’agriculture intégrée pourrait ici représenter une voie de sortie. Anshuman Das (Welthungerhilfe) Les petits et très petits agriculteurs ont été les plus vulnérables face au processus de modernisation qu’a connu l’agriculture indienne au cours des dix dernières années. Leurs terres ancestrales s’étendent généralement sur une surface inférieure à un hectare et incluent leurs champs, leurs bâtiments ainsi que quelques têtes de bétail et un petit fossé d’irrigation ou un étang avec des poissons. Ils n’ont pas plus de 250 dollars à investir (en empruntant) par acre (0,5 ha) et ne peuvent pas dégager de profits significatifs. S’ils ont conservé certains points forts du passé, tels qu’un système de production plus respectueux de l’environnement et moins gourmand en énergie, aucun de ces atouts à lui seul n’est capable de garantir la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance. Les systèmes d’agriculture intégrée semblent constituer une alternative. Imiter la nature L’approche des systèmes d’agriculture intégrée est apparue comme une version améliorée de la polyculture qui cherche à imiter le principe de biodiversité de la nature dans la production. Les écosystèmes naturels, tels que les forêts ou les cours d’eau, se sont mis en place sous forme de systèmes indépendants, basés sur la diversification et le recyclage des déchets. En revanche, l’agriculture commerciale se fonde uniquement sur quelques sortes de légumes et implique de planter un petit nombre de variétés sur de grandes surfaces, ce qui rend le travail mieux gérable mais aussi le système de production instable et vulnérable aux parasites et maladies. Dans les systèmes d’agriculture intégrée, l’ensemble de la production, des revenus et de la nutrition sont améliorés en termes de quantité mais aussi de qualité ; les risques sont réduits et le système, dans sa globalité, est plus efficace au niveau énergétique. Ils intègrent également diverses techniques, telles que la conservation de l’eau du sol, la sécurité énergétique, la récupération de l’eau de pluie, la gestion d’un plan d’assolement et les aménagements sur plusieurs niveaux. Ces systèmes leur permettent de mieux gérer l’espace et mieux utiliser le temps en augmentant l’intensité des cultures et en réduisant les périodes de jachère. Les principes des systèmes d’agriculture intégrée Les systèmes d’agriculture intégrée suivent trois grands principes, le premier d’entre eux étant une méthodologie de culture adaptée. La compétition pour les nutriments peut être réduite en combinant des cultures peu, moyennement et très gourmandes. Dans un contexte global, les légumineuses jouent un rôle important concernant la structure et la fertilité du sol. Les racines doivent disposer de suffisamment d’espace. En fonction des plantes, elles atteignent des profondeurs différentes. Combiner les plantes de façon optimale permet de minimiser la compétition pour les nutriments du sol entre les cultures. Grâce aux cultures associées, les champs doivent rester constamment productifs. Des plantes-pièges ou plantes répulsives peuvent être utilisées pour réduire les attaques de nuisibles. 11 2 Chapitre La cultivation des variétés différentes réduit la malnutrition. Source : Anshuman Das / Welthungerhilfe L’aménagement sur plusieurs niveaux constitue le deuxième aspect clé ; il caractérise également la plupart des écosystèmes naturels sous les tropiques. Grâce au niveau d ’interaction élevé entre les éléments biotiques et abiotiques et aux multiples circuits d’échange d’énergie, un écosystème naturel devient résilient, autonome et très productif. Par ailleurs, contrairement aux agro-écosystèmes, la productivité s’améliore avec le temps. En repensant nos fermes et jardins pour imiter les structures et fonctions des écosystèmes naturels, ceux-ci gagneront en faisabilité et en durabilité. Troisièmement, l’intégration est, avec la diversification, l’aspect le plus important de la gestion durable des ressources. Le système d’agriculture intégrée vise à obtenir l’intégration au niveau de l’échange des nutriments mais aussi au niveau fonctionnel, pour établir des liens entre les sous-systèmes et à l’intérieur de ces derniers. Les animaux comme les cochons, lapins, chèvres, vaches, poulets et canards, peuvent être introduits en tant que sources de nutriments et autres intrants fonctionnels. Différents éléments interagissant positivement doivent être sélectionnés. Par exemple, les poulets peuvent causer des dégâts dans un potager mais réguler les nuisibles et les mauvaises herbes dans un verger. Certains végétaux et animaux doivent être introduits dans un jardin tandis que d’autres poussent tout seuls ou apparaissent si un environnement adapté leur est fourni. Dans notre projet, nous axons notre travail sur l’intégration des éléments suivants dans le système de production : n animaux (sauvages et domestiques) ; n plantes vivaces (sauvages et domestiques) ; n plantes et organismes aquatiques (sauvages et domestiques) ; leur mettre de l’espace à disposition peut impliquer un modelage du terrain ; nmicroflore et microfaune (exemple : champignons) ; ninsectes (sauvages et domestiques), ruches, etc. pouvant favoriser la pollinisation et g énérer un revenu ; nplantes annuelles et saisonnières (sauvages et domestiques). L’intervention débute avec la planification de la ferme qui se déroule en trois étapes. La première consiste à évaluer les contraintes et les besoins, la deuxième à inventorier les ressources et la troisième à planifier les actions à mener par ordre de priorité de manière à utiliser complètement les ressources avec un minimum de contraintes ainsi qu’à répondre aux besoins de façon optimale. Cette approche se fonde sur la pratique agricole ancestrale des petits exploitants en Inde, où les agriculteurs créent, à travers le recyclage, un lien entre les différents éléments en fonction de la configuration écologique de leur système de production dans son ensemble. Pour peaufiner le concept, des essais scientifiques ont été menés dans tout le pays par le Programme de coordination indien BIOFARM, une démarche soutenue par le ministère des sciences et 12 2 Chapitre Les systèmes d’agriculture intégrée à plusieurs étages accueuillent des sous-systèmes différents. Source : Anshuman Das / Welthungerhilfe technologies et coordonnée par le Development Research Communications & Services Centre (DRCSC), une organisation non gouvernementale travaillant dans le Bengale occidental qui concentre son action sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance chez les p opulations pauvres en milieu rural. Par la suite, ce programme a été développé par le Project Directorate of Farming System Research (en français : la direction du projet de recherche sur les systèmes agricoles), soutenu par le Conseil indien de recherche agricole (ICAR) et mis en application par de nombreux groupes d’agriculteurs. Actuellement, Welthungerhilfe et ses partenaires travaillent sur des systèmes d’agriculture intégrée avec 8 000 fermes dans des régions sèches de l’est de l’Inde et dans des régions vallonnées au Népal et au Bangladesh. Dans la pratique, ces systèmes sont très proches des connaissances que possèdent les petits exploitants indiens ; ils sont donc très largement acceptés. Leur diffusion augmente actuellement grâce à des méthodes d’apprentissage d’agriculteur à agriculteur, qui s’appuient sur un module créé par Welthungerhilfe, et grâce à la mise en place de fermes de démonstration. Toutefois, il faudra s’appuyer sur des méthodes de vulgarisation pour diffuser plus largement et plus efficacement des systèmes. Une voie à suivre En Inde, 84 % de l’ensemble des terres et 42 % de l’ensemble des terres exploitées appartiennent à de petites (un à deux hectares) ou très petites (moins d’un hectare) fermes. La plupart des agriculteurs disposent de ressources multiples. C’est le cas de Dulal Hansda à Bankura, dans le Bengale occidental, présenté dans l’encadré à la page 14. La ferme intégrée de Dulal fait partie des milliers de fermes créées en Inde au cours des quatre à cinq dernières années, avec et sans l’aide de Welthungerhilfe. Dulal a changé sa façon de voir les choses et s’est orienté vers un système de production diversifié favorable à la nature. Il a acquis des connaissances sur la production de biomasse – et pas uniquement sur l’alimentation. Il s’est par ailleurs appuyé sur des dispositifs de compostage. Autant d’éléments qui ont joué un rôle essentiel dans cette transition. Les formations et activités de vulgarisation sont assurées en dehors d’un système bureaucratique hiérarchisé, dominé par des experts et axé sur la salle de classe. Elles se déroulent à partir d’un processus d’apprentissage entre pairs qui se veut pratique, adapté à l’endroit et dirigé par des agriculteurs – une réforme systémique qui donne aux exploitants les moyens d’analyser leur propre ferme et de prendre des initiatives pour améliorer leur productivité dans son ensemble. Une autre réforme systémique concerne la décentralisation des prises de décisions relatives à l’aide aux intrants agricoles, qui ne doivent pas être n’importe quel élément spécifique mais varier en nature selon le plan de ferme de l’agriculteur. Un plan de développement de systèmes d’agriculture intégrée, dotés de sous-systèmes m ultiples, peut être conçu à part pour l’agriculture de petits exploitants. La commercialisation du surplus est un nouveau défi à relever car le surplus produit par ces petits exploitants ne représente pas un quantum commercialisable. 13 2 Chapitre Les systèmes d’agriculture intégrée dans la pratique – l’histoire de Dulal Hansda Dulal Hansda possédait un peu plus une acre de terres cultivées dans un district sec, sur un terrain modérément vallonné avec un ruissellement important sur la terre arable. Il élevait deux bœufs, une vache et trois poulets. À côté de sa ferme se trouvait une mare. Jusqu’en 2011, il produisait à peine 1 500 kg de paddy (riz non décortiqué) par an sur une plaine représentant un tiers de son acre. Pour ce faire, il lui fallait des engrais chimiques d’une valeur de 1 200 roupies indiennes (environ 20,4 dollars ou 16 euros*). (*Note du traducteur : les conversions en euros sont données à titre indicatif et effectuées à partir du montant en dollars suivant les taux de décembre 2014.) Un autre tiers de son acre situé en montagne restait en permanence en jachère. Les aliments produits sur toute sa ferme faisaient vivre sa famille pendant seulement six à sept mois. Pour gagner de quoi vivre le reste de l’année, il devait travailler comme ouvrier salarié. Lors de la saison des pluies de 2012, il mit en place des mesures de conservation de l’eau du sol sur ses terres en montagne jusque-là restées en jachère ; il y sema également des rangs de variétés locales de roselle, maïs et pois d’Angole entre lesquelles il intercala quelques légumineuses. En mélangeant des cultures de courte et de longue durée avec des légumineuses, il commença à développer la structure du sol et limiter l’érosion de la terre arable. Désormais, les terres en montagne restent en jachère seulement pendant trois mois, en été. Ses trois vaches fournissaient à présent une quantité de bouse considérable. Il se mit faire du compost à température élevée dans une fosse et en formant des tas pour obtenir un engrais de meilleure qualité. Pour ce faire, il mélangea la bouse aux déchets verts et secs des cultures et aux crottes de poulets. Il introduisit également des vers de terre dans une fosse pour produire du lombricompost. Fin 2012, il bénéficia d’une subvention du gouvernement et ajouta le biogaz. Le biogaz fournit désormais l’énergie nécessaire pour cuisiner et contribue à économiser 300 kg de bois à brûler par mois (qui équivaut à 1 800 INR) Les déchets servent à nourrir les lombrics. La même quantité de bouse de vache produit à présent de l’énergie et sert d’engrais et de nourriture aux vers de terre qui produisent du lombricompost. L’ensemble du système est ainsi plus efficace et plus rentable. Par ailleurs, la bouse de vache est aussi utilisée pour nourrir les poissons et produire un engrais liquide – en la mélangeant avec des plantes médicinales et de l’urine de vache – qui accélère la croissance et éloigne les nuisibles. Avec l’argent gagné, Dulal acheta une chèvre et deux moutons. Son bétail et ses poules bénéficient maintenant d’un meilleur fourrage issu de différents types de résidus de cultures. Dulal est également le chef du groupe d’agriculteurs du village et il participe aux activités économiques de ce groupe, telles que l’élevage de poissons dans un étang loué et la production de riz soufflé. Il forme d’autres agriculteurs lors de sessions de formations entre pairs organisées régulièrement au sein du groupe. En deux ans d’intervention, Dulal a couvert ses besoins en moyens de subsistance et de production agricoles à partir de ses atouts peu nombreux mais diversifiés grâce au recyclage efficace des déchets agricoles et à un travail soigneux de connexion entre divers éléments. La qualité de sa production s’est considérablement améliorée et il n’a plus besoin de compter sur son travail d’ouvrier pour vivre. 14 2 Chapitre Les systèmes d’agriculture intégrée dans la pratique – l’histoire de Dulal Hansda Dulal prévoit de terminer l’intégration l’année prochaine. Il projette d’intégrer les éléments encore manquants, à savoir des arbres, source de nourriture, de fourrage et de paillis, et d’augmenter le nombre de têtes de bétail pour accroître ses revenus monétaires. Par ailleurs, il va bientôt totalement intégrer son petit étang. Puisque les prix du marché ne sont pas aussi élevés que prévu, il projette, avec son groupe, de fonder un centre d’équipements communs (CEC) qui fournira des services de transformation des produits agricoles, tels que la transformation des légumineuses et l’extraction de l’huile, afin de conserver les produits dérivés pour les utiliser dans les champs ou sous forme de fourrage mais aussi de réduire les coûts. Le CEC s’occupera peut-être également de la commercialisation collective pour obtenir de meilleurs prix. Source : Anshuman Das / Welthungerhilfe 15 3 Chapitre Dr. Moussa Bonzi (INERA / CREAFKamboinsé) Dr. Albert Barro (PDAB, Burkina Faso) Burkina Faso : améliorer la résilience au changement climatique grâce au zaï par traction animale Aujourd’hui, le Burkina Faso, un pays enclavé, fait face à un déclin de la productivité de ses terres dû à la dégradation anthropique causée par de mauvaises pratiques agricoles et résultant de l’impact négatif du changement climatique sur le sol. Plus de 30 % des terres arables du pays sont concernées, en particulier dans les régions du nord qui sont les plus sèches et les plus peuplées avec plus de 150 habitants au kilomètre carré. Les populations les plus pauvres, principalement composées de petits producteurs, sont les plus affectées par le déclin de la production agricole sur ces sols. Dans cet environnement difficile, la technique du zaï a fait ses preuves et sa mécanisation peut considérablement améliorer son efficacité. Le zaï, qui signifie « se lever tôt » en mooré, la langue la plus parlée au Burkina Faso, est une technique traditionnelle consistant à collecter et gérer l’eau de pluie pour réhabiliter des sols dénudés. Il s’agit de creuser des trous de 20 à 40 centimètres de diamètre et de 10 à 12 centimètres de profondeur avec une houe manuelle ou une pioche (voir illustration 1). La terre extraite des poquets est placée du côté de la pente du trou pour arrêter l’écoulement de l’eau. Ces trous sont creusés pendant la saison sèche, au moins trois mois avant le début de la saison des pluies. Plus ils sont creusés tôt, plus le vent a de temps pour y apporter des feuilles mortes, sels minéraux et autres nutriments. On y ajoute une poignée de fumier ou de compost (300 g/trou) pour enrichir davantage le sol obtenu (voir illustration 2). Illustration 1 : creusement de poquets en zaï manuel : plus de 300 heures/ha Source : Dr. M. Bonzi et Dr. A. Barro (Illustration 1+2) Illustration 2 : poquet creusé en zaï manuel contenant des feuilles et du fumier Assurer les récoltes en cas de pluies insuffisantes La technique du zaï est en train de se diffuser dans le nord et le sud du Burkina Faso où la surface de sols dégradés est énorme (plus de 24 % de zipellés ou sols nus). Cette d égradation s’ajoute à la diminution des terres arables et de la production agricole, e ntraînant les a griculteurs dans la pauvreté et forçant certains à migrer. Une étude menée dans cette région a révélé une hausse de plus de 9 % des terres fortement dégradées entre 1992 et 2002. Par exemple, la province de Zondoma (dans le nord) compte actuellement près de 50 000 ha de terres dégradées. Un certain nombre de recherches sur la performance du zaï montrent des résultats impressionnants. Par exemple, cette méthode permet d’augmenter l’humidité du sol et le v olume d’eau stocké. La technique du zaï est donc une solution qui a fait ses preuves et permet d’assurer les récoltes 16 3 Chapitre Illustration 3 : outil de mécanisation du zaï Source : Dr. M. Bonzi et Dr. A. Barro en cas de pluies irrégulières, un critère d’une importante considérable dans les pays comme le Burkina Faso où les pluies ne sont pas régulières. Cette méthode s’est également traduite par une amélioration de la culture de racines comestibles et un rendement de sorgho d’1,5 à 2 tonnes à l’hectare. En outre, le rendement de la biomasse du sorgho est passé à 5 ou 6 t/ha contre 1 t/ha avec les techniques agricoles classiques (bêcher la surface du sol). Cette méthode a permis une régénération naturelle de certaines espèces de plantes qui avaient disparu par endroit. Moins de main-d’œuvre et de meilleurs rendements grâce à la mécanisation du zaï Au cours des dernières années, la technique traditionnelle du zaï s’est améliorée grâce aux recherches menées sur la gestion des nutriments et au meilleur positionnement des trous de récupération. Toutefois, sa mise en œuvre nécessite un travail considérable, à savoir 300 heures/ ha, ce qui équivaut à un coût global de main-d’œuvre d’environ 100 000 francs CFA/ha (environ 208 dollars ou 166 euros). Des solutions ont émergé pour faire face à cette contrainte majeure. La main-d’œuvre a pu être sensiblement réduite en ayant recours à la traction animale associée à des outils mécaniques – dent IR12 pour le labourage avec des bœufs et dent RS8 pour le labourage avec des ânes (voir illustration 3). La mécanisation du zaï a été testée sur des sols tropicaux ferrugineux à deux endroits dans le nord du pays : Saria et Pougyango. Les labours ont requis 36 heures / ha à Saria contre 22 heures / ha à Pougyango. L’effort moyen de traction à Saria était de 11,6 daN pour une profondeur de 7,8 cm et de 10,1 daN à Pougyango pour une profondeur de 11,6 cm. Les dimensions du trou de zaï mécanique étaient les mêmes que celles du trou de zaï manuel alors que la rugosité du sol augmentait de 14,7 %. La production de grains de sorgho était 34 % supérieure à celle du zaï manuel – qui est d’environ une tonne à l’hectare en année normale dans cette région contre 0 à 300 kg/ha si l’on utilise la technique du scarifiage. La mécanisation du zaï a généré un revenu atteignant jusqu’à 165 000 francs CFA/ha (environ 342 dollars ou 273 euros) pour la culture du sorgho. Elle constitue une alternative intéressante pouvant augmenter considérablement les revenus des petits exploitants et préserver l’environnement. Améliorer la diffusion et mieux répondre aux besoins de formation La diffusion de la technique du zaï dans le pays est lente, compte tenu de ses limites et de la nécessité de récupérer les sols en cours de dégradation et ceux déjà dégradés. Actuellement, la diffusion se fait à travers la formation des agriculteurs, soit de manière individuelle ou en collaboration avec des organisations ou ONG actives dans le secteur agricole. Cette technique fait partie d’un ensemble de mesures devant être diffusées à travers les services de vulgarisation agricole du gouvernement. 17 3 Chapitre Le premier sillon est creusé en direction de la pente. Le second sillon croise le premier. Source : Dr. M. Bonzi et Dr. A. Barro Pour mieux diffuser cette technique, il serait nécessaire de lancer un programme national spécial à grande échelle qui pourrait s’appeler « Promouvoir le zaï pour améliorer la résilience des petits exploitants agricoles face aux effets négatifs du changement climatique au Burkina Faso ». Pendant quelques années, ce type de programme devrait renforcer les capacités des producteurs et tester la récupération des régions où les terres sont dégradées. Cependant, la disponibilité des outils de réalisation du zaï mécanique reste l’une des principales contraintes, due au nombre limité de forgerons qui les fabriquent et au fait qu’ils se trouvent uniquement dans le nord du pays. Comment aider en tant que partenaire Pour que l’intervention de partenaires financiers et techniques soit efficace et aie un impact visible sur les petits producteurs, celle-ci doit se concentrer sur l’aide au financement des programmes de popularisation du zaï à grande échelle. Ce soutien doit garantir : (i) le renforcement des capacités des petits producteurs grâce à la technique du zaï mécanique en fonction des régions agroclimatiques, (ii) l’acquisition de petits é quipements (charrues tirées par des ânes ou des bœufs ; la fabrication de dents RS8 et IR12 pour la mécanisation du zaï, etc.), (iii) la formation de forgerons locaux à la fabrication de dents pour la mécanisation du zaï et (iv) l’organisation des p etits producteurs en associations pour acquérir des microcrédits en vue d’acheter des animaux (ânes ou bœufs) essentiels en zaï mécanique. 18 Éthiopie : produire du fourrage dans les montagnes éthiopiennes grâce au système d’alimentation à l’auge (cut and carry) Dans les montagnes d’Éthiopie, les agriculteurs élèvent du bétail pour la viande, les fibres, l’attelage et les revenus monétaires qu’il dégage. Il fournit des intrants (attelage, transport et fumier pour les cultures), génère une production vendable (lait et produits laitiers, viande, œufs, fumier/excréments et cuir) et représente à la fois un atout, une sécurité et un investissement dans un système agricole. Dans ce contexte, la production de fourrage constitue un aspect central et le système d’alimentation à l’auge est une manière de l’améliorer. 4 Chapitre Ursula Langkamp (Welthungerhilfe) Les montagnes éthiopiennes couvrent environ 40 % du territoire ; elles accueillent près de 90 % de la population et 70 à 75 % du bétail ; elles représentent environ 95 % de la surface cultivée. Ces montagnes sont majoritairement marquées par la présence de p etites e xploitations travaillant avec des systèmes de production de subsistance mixtes qui a ssocient cultures et bétail, deux éléments liés et complémentaires. Cependant, la qualité de la terre productive est en déclin suite à différents facteurs, à savoir l’érosion du sol, la désertification et les méthodes de gestion des cultures médiocres et non durables. Par ailleurs, la hausse constante du nombre de têtes de bétail a conduit à un pâturage excessif dans la majeure partie du pays. Les montagnes d’Hararghe à l’est, celles de Tigré, Wollo et Semen/Shoa Nord au nord et de Gamo-Gofa figurent parmi les terres les plus érodées d’Éthiopie. 27 millions d’hectares, soit près de 50 % des montagnes, sont considérablement dégradées et 2 millions d’hectares ont atteint le point de non-retour. La population augmente et a besoin de davantage de terres cultivables et de bétail pour travailler et assurer sa sécurité sociale et financière. La population et le cheptel affichent des taux d’accroissement élevés alors que les terres agricoles productives disponibles présentent un taux nul, comme le montre le tableau. Taux d’accroissement annuel Population Cheptel Terres agricoles 3,2 % (estimations de 2011) 1,5 % (1993 - 2000) 0 % (1993 - 2000) Source : S. Ilyin 2011 Les performances du secteur ont principalement pâti de la qualité médiocre et de la faible quantité des ressources alimentaires et des variations saisonnières de ces mêmes ressources. Le pâturage naturel et les résidus de cultures constituent les principales sources d’alimentation ; elles ne sont toutefois pas suffisantes pour assurer une production de bétail satisfaisante. Si les foyers élevant du bétail dans les régions montagneuses d ’Éthiopie n’ont pas recours à de nouvelles méthodes de production d’alimentation animale ou à de n ouveaux moyens de subsistance alternatifs, la pénurie et la dégradation des pâturages auront des effets dévastateurs sur la sécurité alimentaire, l’environnement, la paix et la sécurité. 19 4 Chapitre L’accès limité et la conservation du fourrage Pour faire du foin ou utiliser le système d’alimentation à l’auge, on empêche le b étail de paître dans les pâturages naturels. Dans la région de Tigré, une partie des pâturages est fermée p endant la saison des pluies. Toutefois, l’utilisation de l’herbe poussée pendant cette p ériode diffère selon les endroits. Par exemple, dans certains districts, les agriculteurs peuvent acquérir des e nclos de la même taille sans tenir compte du bétail qu’ils possèdent et du type d’animaux ; ils peuvent utiliser l’herbe poussée dans leur enclos alors que les bêtes n’ont pas le droit d’y paître pendant l’année. Grâce au fort taux d’humidité de la région, les agriculteurs peuvent faire deux à trois coupes par an. Ils ont le droit de faucher l’herbe et de nourrir leur animaux avec et, s’ils n’ont pas d’animaux, de la vente pour tirer profit du terrain. Les fruits du cactus (Opuntia ficus spp.) servent de nourriture aux hommes et leurs cladodes d’aliment et de source d’eau aux animaux. Illustration 1, Source : Ursula Langkamp / Welthungerhilfe Dans les régions montagneuses d’Éthiopie, tous les foyers élevant du bétail conservent du fourrage. Les techniques de stockage varient selon de type de nourriture disponible. Les résidus de cultures issus de petites céréales (purs ou parfois mélangés) sont empilés sous forme de cônes ou de pyramides (voir illustration 2), généralement sur la ferme (en plein air ou couverts) et, dans certains cas, dans les champs. Les fourrages produits dans les pâturages naturels et ceux issus de cultures sont fauchés à la fin de la saison des pluies lorsqu’ils atteignent le stade de la floraison ; ils sont conservés sous forme de foin pour la saison sèche. Cette technique courante consiste à empiler le foin en plein air, à proximité de la ferme de l’agriculteur, bien protégés des animaux. Les tas présentent normalement une forme conique pour évacuer l’eau de pluie et sont entourés de barrières pour les protéger des animaux. La production de biomasse a plus que triplé Dans le cadre du projet Améliorer la productivité et la commercialisation (IPMS) mis en place par l’Institut de recherche international sur l’élevage (ILRI), cinq districts dans le Tigré, l ’Amhara et les régions du sud ont été sélectionnés pour appliquer des mesures de production de fourrage intensives grâce au système d’alimentation à l’auge. La biomasse fourragère a c onsidérablement augmenté à Atsbi, en particulier sur dans les prés situés dans les plaines alluviales et les versants clôturés dégradés. Sur une surface totale de 10 500 ha de prés situés dans des plaines alluviales, environ 71 % (soit 7 479 ha) ont été clôturés et utilisés selon le système d’alimentation à l’auge. Environ 13 400 ha de versants dégradés ont également été clôturés, parmi lesquels près de 1 200 ha présentaient une amélioration au niveau du fourrage en 2009-2010. Au total, 92 tonnes de biomasse fourragère ont été fauchées sur les versants et plaines alluviales clôturés ainsi que sur les parcelles irriguées et les arrière-cours en 2009-2010, soit une hausse d’environ 326 % par rapport aux résultats obtenus sur les versants et plaines alluviales non clôturées. 20 4 Chapitre Augmenter la productivité du bétail Sur les versants où l’on applique le « zéro pâturage », les zones et ravins dégradés se limitent généralement à la production de fourrage selon le système d’alimentation à l’auge, afin d’améliorer la conservation du sol et de l’eau et de réhabiliter les terres dégradées. La p rotection des pentes par le montage de clôtures et la production de fourrage protégé permettent de c onserver le sol et de réduire la surface de ruissellement. La perte de sol est amoindrie et l’infiltration améliorée. Pendant la transition du pâturage en liberté vers le système d’alimentation à l’auge, les zones non clôturées risquent de fortement souffrir du surpâturage. En montagne, les zones de pâturage en liberté dégradées et exposées au surpâturage présentent généralement une qualité et une productivité extrêmement faible ; les fourrages y sont donc très peu disponibles avec des conséquences négatives sur la productivité du bétail en termes de lait, de viande et d’attelage. La productivité des terres appliquant le « zéro pâturage » en matière de fourrage est supérieure à celle des zones de pâturage en liberté, d’où une productivité générale du bétail plus importante. Les agriculteurs sont bien conscients que le gardiennage libre des vaches laitières et des animaux à l’engraissement réduit les performances. Ils les gardent donc principalement dans les bâtiments et les n ourrissent avec du fourrage coupé ou des aliments conservés. En général, les vaches laitières et les animaux à l’engraissement sont nourris en bâtiments tandis que les bœufs, vaches locales, petits ruminants et chevaux trouvent leur nourriture dans les prés. L’augmentation de la biomasse précédemment mentionnée influence les performances du bétail en termes de lait, de production de viande et d’attelage. Un ensemble d’avantages Une hausse de la production de fourrage a pu être observée. Elle améliore c onsidérablement l’état nutritionnel des ruminants et, par conséquent la reproduction et le taux d’exploitation en termes de viande, de commercialisation (revenus) et de lait destiné à la consommation p ersonnelle. Les femmes et les enfants sont les premiers bénéficiaires de cette d isponibilité a ccrue des produits d’origine animale qui se traduit par une amélioration de leur état n utritionnel. Le bétail sert d’attelage pour 95 % de la production de céréales. Il fournit aussi de la nourriture, du fumier et des revenus. Il fait office d’assurance pendant les périodes de sécheresse et lorsque la famille fait face à une situation d’urgence. Les revenus générés par la production de produits laitiers sont utilisés en intrants agricoles ou servent à employer de la main-d’œuvre ou encore à louer des terres. Ils améliorent efficacement le potentiel de production d’aliments du foyer. S’il est vrai que les revenus journaliers restent moindres, en particulier ceux générés par les espèces animales locales produisant peu de lait, par la vente de lait et la possession de bétail, ceux-ci sont toutefois nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire. Les agriculteurs des montagnes possédant du bétail local vendent des bêtes jeunes pour « passer à un niveau supérieur » avec des animaux croisés à meilleur rendement. Dans les familles d’agriculteurs vivant en montagnes, les femmes assument de nombreuses tâches. Elles sont notamment chargées de faire les semis, arracher les mauvaises herbes, traire les animaux en lactation, aller chercher de l’eau et du bois à brûler, construire et nettoyer la maison, laver le linge et préparer les repas. Ce sont aussi elles qui s’occupent p rincipalement des enfants. L’amélioration de la production de fourrage et de la d isponibilité des aliments influencent directement l’approvisionnement en lait de la famille et donc aussi l’état nutritionnel de celle-ci ainsi que la charge de travail des femmes concernant les enfants. 21 4 Chapitre Des facteurs de réussite pour s’améliorer À l’origine, l’utilisation intensive de fourrage liée au système d’alimentation à l’auge a été p rincipalement diffusée lors d’activités de démonstration et de vulgarisation organisées par les différents instituts en charge de la recherche et du développement. Cette technique s’est avérée plus probante lorsqu’elle était accompagnée d’améliorations réalisées au niveau des principaux éléments du système de production. Les agriculteurs sont encouragés à produire du fourrage qu’ils utiliseront efficacement lorsqu’ils élèvent des animaux croisés pour le lait ou la viande (engraissement). Les agriculteurs apprécient le fait d’avoir un lien avec les marchés pour leurs produits, en particulier si les efforts déployés donnent des résultats encourageants. La création de coopératives et regroupements d’agriculteurs s’est avérée très avantageuse pour faciliter la commercialisation de certains produits et établir des liens entre les entreprises de transformation du lait et les marchés de consommateurs. Des terres dégradées au Amhara Highland Source : Ursula Langkamp / Welthungerhilfe Une autre approche prometteuse consiste à cibler les systèmes de production et l’agroécologie où la production de bétail est avantageuse comparée à d’autres systèmes. Les régions où il est difficile de faire des cultures à cause de la faible fertilité du sol, du manque d’eau, etc. présentent d’excellent résultats en termes d’amélioration de la production de bétail. Les r égions bénéficiant d’un accès à de petites ou grandes villes, et donc à leurs marchés, ainsi qu’à différent produits et services affichent aussi une meilleure réussite. Travailler sur la chaîne de valeur et se concentrer sur ses principaux segments dans de nouvelles zones d’intervention, telles sont les clés pour réussir à améliorer la situation du bétail et, de manière globale, le système de production pour qu’en retour les agriculteurs bénéficient de meilleurs moyens de subsistance. Cette bonne pratique a été en p articulier diffusée dans le Tigré car la dégradation des terres avait là-bas un impact majeur sur les zones de pâturage en liberté. Dans la région d’Amhara, la transition générale vers le système d’alimentation à l’auge est en cours de préparation. La question de la dégradation des terres due au pâturage des animaux en liberté est actuellement en cours de discussion dans toutes les provinces où l’on pratique la polyculture. Une voie à suivre La transition du pâturage en liberté au système d’alimentation à l’auge nécessite une vaste préparation, par exemple en termes de prise de conscience du problème de la dégradation des terres résultant du pâturage en liberté et du surpâturage, mais aussi en termes de formation des agriculteurs à la production de fourrage et à l’élevage en bâtiment, de pépinières de semences de graminées fourragères productives et de mise en place de zones de fourrage pour démarrer la production de fourrage intensive. D’autres régions proposent aux agriculteurs de partager leur expérience réussie de transition vers un système d’alimentation à l’auge. Elles organisent également des formations sur les techniques de conservation du sol et de contrôle de l’érosion, comprenant la réhabilitation des ravins avec des b arrages de contrôle, des pierres, des digues en terre ou autres éléments. Elles organisent une distribution et une sélection participative des terres convenant à la production individuelle de fourrage, comme les terrains en pente, et mettent en place des zones pour lancer la production intensive de fourrage. 22 5 Chapitre Éthiopie : résister à la sécheresse en produisant du fourrage dans les plaines – le système du kallo Dans les plaines arides et semi-arides (ASAL) éthiopiennes, généralement situées à moins de 1 500 mètres d’altitude, la terre est principalement exploitée par des pasteurs et des agriculteurs-pasteurs. Dans ces régions, ils ont recours à des techniques de pâturage adaptées, basées sur le système traditionnel du kallo pour faire face aux rudes conditions. Ursula Langkamp (Welthungerhilfe) La plupart des études disponibles en Éthiopie indiquent que les pasteurs et les agriculteurs- pasteurs représentent environ 15 % de la population du pays (estimée à 88 millions d’habitants) et occupent près de 60 % de son territoire émergé. Les principales communautés de pasteurs sont les Somalis (53 %) au sud-est, les Afars (29 %) au nord-est, les Boranas (10 %), les Bench Maji et South Omo (7 %) au sud ainsi que les Gambellas et les Benshanguls à l’ouest (1%) (voir illustration 1). Les pasteurs et agriculteurs-pasteurs éthiopiens élèvent une part importante du cheptel national estimée à 30 % des bovins, 75 % des caprins, 25 % des ovins, 20 % des é quidés et à l’ensemble des chameaux (CARE Éthiopie, 2010). Par ailleurs, le Programme de croissance et de transformation (GTP) éthiopien relatif au développement de l’élevage fixe des objectifs ambitieux : faire passer les revenus des exportations d’animaux vivants et de viande de 125 millions de dollars (100 070 000 euros) en 2009-2010 à un milliard de dollars (800 570 000 euros) en 2014-2015 (gouvernement éthiopien, 2010). Malgré un potentiel de ressources énorme et des apports considérables au niveau des sources de revenus, de l’économie nationale et de la santé des prairies, certaines difficultés perdurent, notamment la dégradation continue de ces prairies, la réduction des pâturages disponibles et la diminution des possibilités de mobilité. Les principaux facteurs contribuant à la persistance de ces difficultés sont l’empiètement sur la savane, le retrait continu de zones de pâturage clés pour l’irrigation, l’expansion et d’autres utilisations (par exemple les parcs nationaux et les cultures) ainsi que les techniques médiocres de gestion des prairies. Par ailleurs, la croissance démographique, l’apparition de la sédentarisation, les conflits et les sécheresses fréquentes viennent aggraver ces problèmes. Les techniques pastorales telles que la migration, la séparation du troupeau, la création de réserves pour le fourrage/la sécheresse (kallos) et le réensemencement sont autant de stratégies permettant de surmonter les défis agroclimatiques, les sécheresses et la dégradation des terres dans les plaines arides et semi-arides (ASAL) et de développer une certaine résilience face à la sécheresse. Le système du kallo Dans la région de Borana, l’utilisation de pâturages de réserve, appelés kallos, est une technique traditionnelle de gestion des aliments bien connue qui consiste à fermer des parcelles spéciales (les kallos) avec un objectif d’alimentation très spécifique. Les pasteurs de la région de Borana utilisent les kallos pendant la saison sèche ; ils leur servent de pâturages de réserve pour les veaux, les vaches en lactation et les animaux malades exclusivement. Former un kallo consiste à fermer des zones de prairie pour empêcher les animaux d’y accéder, généralement en montant des clôtures suivant des méthodes traditionnelles ou en les définissant avec les éléments naturels. Normalement, les enclos près des villages sont clôturés tandis que les kallos plus grands sont délimités par des structures naturelles. Les enclos sont protégés et gérés par la communauté s uivant les accords de celle-ci et les règlements traditionnels. Généralement, les pasteurs enlèvent les plantes non fourragères indésirables à l’intérieur des parcelles clôturées et les clôtures sont montées par la communauté car ce travail nécessite beaucoup de main-d’œuvre. 23 5 Chapitre Le nombre de têtes de bétail (par exemple les vaches en lactation, veaux et animaux malades) dans une olla (un village), l’anticipation de la saison des pluies pour l’année suivante et les conditions actuelles du fourrage représentent des facteurs déterminants pour définir la taille des kallos. Ainsi, le kallo est plus grand lorsque les pasteurs anticipent une sècheresse et plus petit lors des bonnes années. Sa taille moyenne est de 7 à 12 ha mais peut varier de 1 à 80 ha. Les communautés ont indiqué que les décisions concernant l’accès aux kallos, leur utilisation et leur gestion étaient toutes prises au niveau de l’olla par le chef de l’olla et les anciens appartenant à la communauté. La capacité de support annuelle des kallos est de 0,5 unité de bétail tropical (UBT = 250 kg)/ha contre 0,25/ha dans les pâturages ouverts. Les kallos accueillent entre deux et cinq veaux et vaches en lactation par hectare sur une période courte de deux à trois mois. Dans la région du Borana, ces systèmes de kallos sont utilisés depuis des siècles. Une p ratique délaissée par les pasteurs avec la transition vers un mode de vie de plus en plus sédentaire et la perte du pouvoir par le système du Gadda (gouvernement de clan b orana traditionnel). Actuellement, plusieurs ONG encouragent cette technique, notamment A ction for Development (AfD) et Gayo Pastoral Development Initiative (GPDI), des partenaires de Welthungerhilfe dans la région de Borana. Une production de lait plus équilibrée, une baisse des pertes animales Le système du kallo produit principalement un effet sur les animaux en lactation et leur progéniture qui y pâturent. Pendant les périodes de sécheresse, les réserves que constituent les kallos permettent de mieux gérer les ressources disponibles localement et donc de minimiser les pertes au sein du troupeau de la famille/communauté liées à la mortalité du bétail par manque de nourriture – en particulier chez les vaches laitières, le cheptel de reproduction et les jeunes animaux, tous essentiels à la production de lait et au développement du troupeau. Dans la région du Borana, une vache produit en moyenne 680 litres de lait sur une période de lactation d’environ 9,5 mois. Une famille possède en moyenne quatre vaches laitières. La courbe de lactation classique d’une vache laitière commerciale bien nourrie n’est pas visible sur les vaches des pasteurs car la saison est le premier facteur qui influence la production. La nouvelle herbe qui pousse après le début des pluies génère une augmentation rapide de la production de lait à presque tous les stades de la lactation tandis que la saison sèche fait chuter le rendement de lait. La différence de rendement entre les saisons est de près de 50 %, soit 5 à 7 litres pendant la saison des pluies et 2 à 3 litres pendant la saison sèche. La disponibilité de lait par saison est la suivante : 24 5 Chapitre Système de kallo mis en place par Gayo Pastoral Development Initiative, partenaire de Welthungerhilfe Source : Ursula Langkamp / Welthungerhilfe Disponibilité de lait par saison (%) Saison des pluies longue Saison des pluies courte Saison sèche longue Saison sèche courte 47,7 31,4 12,4 8,5 Source : R. Lasage et al. 2010 Le faible rendement de lait pendant la saison sèche affecte le taux de reproduction des vaches de deux manières. Tout d’abord, le taux d’exploitation du lait engendre un ralentissement de la croissance du veau ainsi qu’un retardement de la puberté et de l’âge du premier vêlage, en p articulier pendant la saison sèche, probablement accentué par le stress nutritionnel post-sevrage. Ensuite, il résulte des faibles taux de reproduction, p robablement causés par un anoestrus de lactation Ces observations peuvent en partie expliquer les longs intervalles de vêlage (15 mois) dans le système des Boranas. En général, il peut être affirmé que la forte disponibilité de fourrage dans les kallos assure l’approvisionnement des veaux et des familles de pasteurs en lait pendant la saison sèche lorsque les fourrages, et donc le lait, sont rares. Les femelles en lactation installées dans les kallos sont traites tous les jours car le lait constitue l’alimentation principale des pasteurs boranas. Le lait est principalement fourni par les vaches (54 %) tandis que les chamelles et les chèvres en produisent 31 % et 15 %. Le taux d’exploitation représente environ 31 % du rendement total de lait ; le lait restant est utilisé pour les cadeaux sociaux (14 %), l’approvisionnement du marché (44 %) et la consommation de beurre du foyer (11 %). Le taux d’exploitation réel varie énormément, passant de 150 ml par jour pendant la saison sèche à 3 litres ou plus par jour pendant la saison des pluies pour les femelles à fort rendement. Les femmes décident du taux pour garantir la consommation du foyer. Dans la région de Borana, une famille possède en moyenne 4 vaches en lactation qui produisent 28 litres maximum au total pendant la saison des pluies avec un taux d’exploitation de 9 à 10 litres/jour pour une famille en moyenne composée de 5,3 personnes. Les kallos contribuent à maintenir la production de lait stable à travers les saisons même si la disponibilité totale de fourrage varie énormément en fonction de la pluviométrie. La stabilité de la production de lait améliore directement l’état nutritionnel des familles de pasteurs, en particulier des enfants de moins de cinq ans. 25 5 Chapitre Localisation des principales communautés de pasteurs. Carte-Source : PFE, IIRR et DF 2010. Image Source : Ursula Langkamp / Welthungerhilfe Une amélioration de l’état nutritionnel et une diminution de la charge de travail pour les femmes Dans la région de Borana, les femmes ont une lourde charge de travail. Elles sont n otamment chargées d’aller chercher de l’eau et du bois à brûler, de construire et nettoyer la maison, laver le linge, traire les animaux en lactation et préparer les repas. Ce sont aussi elles qui s’occupent principalement des enfants. L’amélioration de la production de fourrage influence directement l’approvisionnement en lait de la famille pendant la saison sèche et donc aussi l’état nutritionnel de celle-ci ainsi que sa charge de travail ; généralement situés à proximité des villages, les kallos permettent de maintenir de courtes distances à parcourir à pied. Par ailleurs, l’amélioration de l’état nutritionnel de la famille réduit la durée des soins en cas de problèmes de santé. Les systèmes d’enclos font traditionnellement partir du pastoralisme borana et afar mais ont été de plus en plus délaissés au cours des dix dernières années. Ces dernières années, les ONG, en particulier, ont encouragé la pratique de ces systèmes dans plusieurs régions d’Éthiopie pour faire face à la sécheresse. Une voie à suivre La diffusion des systèmes d’enclos nécessite plusieurs étapes. Il s’agit notamment de faire naître une prise de conscience chez les communautés de pasteurs, de discuter des mesures avec les chefs et les représentants des clans et de les impliquer, eux et leur communauté de manière globale, dans un partage de terres participatif. Les expériences doivent être partagées avec les communautés qui pratiquent le système du kallo dans la même zone agroécologique. Les agriculteurs doivent être formés à la mise en place et à la gestion des systèmes d’enclos. Il faut aussi choisir des comités chargés des enclos, établir des règlements sur leur utilisation et mettre en place ces enclos. 26 6 Chapitre Éthiopie : améliorer les plants pour obtenir une meilleure production de pommes de terre En Éthiopie, les pommes de terre s’adaptent bien ; elles poussent sur plus de 70 % des terres arables du pays. Toutefois, le manque de systèmes de semence durables pose un problème majeur pour la diffusion de variétés améliorées et le développement de la production. Ni les semenciers privés, ni les semenciers publics ne produisent de semences pour ce type de cultures. Une série de mesures ont été lancées pour déterminer et diffuser les bonnes pratiques à utiliser en matière de semences de pommes de terre. Kassa Getu Dereje (Kgd & Family G eneral Trading P.L.C.) L’Éthiopie compte un certain nombre de semenciers publics et privés qui produisent et distribuent les semences aux agriculteurs. L’Ethiopian Seed Enterprise (ESE) et les Regional Seed Enterprises travaillent respectivement à un niveau fédéral et régional. Elles disposent d’une faible capacité et s’occupent principalement des cultures céréalières, telles que le maïs et le blé. Les semences des cultures horticoles comme la pomme de terre sont volumineuses et peu pratiques à produire et à distribuer aux cultivateurs. Par ailleurs, la production de pommes de terre est affectée par des maladies virales et bactériennes, rendant l’utilisation des semences produites problématique ailleurs. Des sites spécifiques présentant une prévalence faible ou nulle aux maladies mentionnées ci-dessus doivent donc être choisis pour produire des semences de pommes de terre. Par conséquent, les agriculteurs ont des difficultés pour obtenir les plants améliorés des instituts de recherche et dépendent des variétés traditionnelles présentant un faible rendement et des qualités agronomiques médiocres. De manière générale, l’utilisation de semences a méliorées reste très faible. Selon les chiffres officiels, en 2008, les semences améliorées représentaient seulement 3,4 % de la surface de pommes de terre cultivée (12,5 millions d’hectares). Le système informel de semences de pommes de terre fournit près de 99 % des tubercules nécessaires en Éthiopie. Un problème qui empêche les agriculteurs situés dans des zones d’insécurité alimentaire d’utiliser des pommes de terre a méliorées qui ont ailleurs changé les moyens de subsistance des communautés d’agriculteurs, comme par exemple dans le district de Jeldu, dans l’État régional national d’Oromia. En outre, les agriculteurs font face à un problème de commercialisation des pommes de terre de consommation. Le prix des pommes de terre de consommation – l’une des formes du produit pendant la production de semences – est très bas au moment des récoltes (2,5 birrs éthiopiens [0,125 dollars]/kg selon un rapport d’enquête de référence d’Oxfam datant de 2010) comparé au prix des semences (6 birr/kg). Les agriculteurs ont peu de moyens – voire aucun – pour les stocker et obtenir un prix équitable plusieurs mois après les récoltes. De nouvelles sources de semences Les semences de pommes de terre devraient répondre à des normes de qualité, telles que l’absence de maladies (en particulier le flétrissement bactérien et les virus), la conservation de l’identité de la variété et le respect d’exigences de taille minimale (35 à 70 mm). En l’absence d’un système officiel de certification des semences, le système de production et de diffusion des semences de pommes de terre informel ou pratiqué par les agriculteurs est mis en place dans différentes régions. Par exemple, la production de semences de pommes de terre améliorées dans le district de Jeldu (mise en place par le centre de recherches Holetta en collaboration avec d’autres partenaires de la région) sert de source de semences améliorées pour la diffusion nationale. 27 6 Chapitre Illustration 1 : production de semences de pommes de terre (variété Jalenie), district de Lai Gaint Source : Kassa Getu Dereje / Kgd & Family General Trading P.L.C. De la même manière, l’Organisation de réhabilitation et de développement de l’Amhara (ORDA), une organisation partenaire de longue date de Welthungerhilfe, s’est associée au bureau de la promotion coopérative de la région d’Amhara ; ensemble, ils ont créé les coopératives de producteurs de semences de pommes de terre de Guna et Addis-Alem, respectivement dans les districts de Lay Gaint et de Farta, en 2010, pour qu’elles servent de source de plants aux six districts des zones du Sud et du Nord Gondar. Ces deux sites présentent des agroécologies plus froides, exemptes de maladies virales et bactériennes. Trois variétés de pommes de terre améliorées, la Gudenie, la Jalenie et la Belete, ont été montrées dans ces districts en partenariat avec l’institut de recherche agricole de la région d’Amhara (ARARI) et d’autres ONG comme Oxfam Grande-Bretagne. D’après Mulat Melese, le secrétaire de la coopérative, la coopérative des producteurs de semences de pommes de terre de Guna a planté plus de 800 quintaux (1 quintal = 100 kg) de pommes de terre améliorées (exemple présenté dans l’illustration 1) pendant la saison des cultures de 2014. Des dispositifs de stockage améliorés Des entrepôts à lumière diffuse ont été installés dans les coopératives (voir illustration 2). Cette année, les coopératives ont pu diffuser 540 quintaux de semences germées de variétés améliorées à leurs membres à des prix abordables. Les agriculteurs producteurs de semences comme les agriculteurs acheteurs de semences en ont profité dans les différents districts. D’habitude, les agriculteurs obtenaient un rendement d’environ 70 quintaux/hectare mais, avec l’introduction de nouvelles variétés, la productivité est montée en flèche et a atteint entre 200 et 300 quintaux/hectare. C’est au moins le double du rendement national moyen, soit 89 quintaux/hectare (CSA – agence central de la statistique, 2011). De ce fait, le système d’approvisionnement en semences utilisé devrait profiter aux variétés améliorées dans les districts de production mais aussi dans ceux des alentours et ainsi aider la région à atteindre l’autosuffisance alimentaire. Pour résoudre le problème du stockage des pommes de terre de consommation, de petites pièces noires pouvant loger jusqu’à 15 quintaux pendant quatre mois sans perdre en qualité ont été construits au niveau des foyers dans le district de Lai Gaint (voir illustration 3). Ce système d ’entreposage à petite échelle constitue une avancée mais ne convient pas pour la commercialisation collective des pommes de terre de consommation. Le projet Graduation with Resilience to Achieve Sustainable Development (graduation de la résilience en vue d’un développement durable, GRAD) initié par l’ORDA recherche un système doté d’une capacité de stockage bien plus grande pour donner aux agriculteurs un accès à de meilleurs marchés avec des prix relativement plus élevés, suivant le principe de la chaîne de valeur. 28 6 Chapitre Illustration 2 : un entrepôt à lumière Illustration 3 : pièces noires destinées au stockage de pommes diffuse construit par l’ORDA de terre de consommation, Lai Gaint Source: ORDA 2011 Source: Kassa Getu Dereje / Kgd & Family General Trading P.L.C. Dans le pays, on recherche d’autres installations pouvant stocker jusqu’à 300 quintaux mais GRAD et les coopératives d’agriculteurs estiment que même une telle quantité reste insuffisante pour pouvoir être commercialisée de façon collective. Le recours à des pièces noires est maintenant pris en considération pour mettre en place une commercialisation durable des pommes de terre de consommation. Impliquer les agriculteurs L’intervention au niveau des bonnes pratiques en matière de semences de pommes de terre a débuté par une analyse de la situation concernant l’accès aux semences améliorées et les solutions imaginées pour résoudre le problème. S’en est suivi une identification des acteurs (agriculteurs, organisations gouvernementales et non gouvernementales) capables de participer à la planification et à la mise en œuvre du projet de production de semences de pommes de terre à travers des associations d’agriculteurs et les producteurs individuels. Les centres de recherche les plus proches, principalement ceux d’Holetta et d’Adet, ont commencé par fournir des variétés pures améliorées aux agriculteurs. Les agriculteurs participant à l’intervention ont reçu une formation pratique sur la culture et la production de plants de pommes de terre de qualité en général lors de démonstrations, de journées culture et d’ateliers ainsi que dans les champs écoles paysans. Ils ont bénéficié d’une supervision et d’un soutien réguliers, en particulier pendant le premier cycle de production. Des entrepôts adaptés à la gestion après-récolte des semences de pommes de terre ont été construits pour des agriculteurs seuls ou en groupe en fonction de leurs intérêts, capacités et du type de pommes de terre. Toutefois, la capacité de stockage n’est pas encore satisfaisante. Les meilleurs prix des semences de pommes de terre comparés aux pommes de terre de consommation ont contribué à intéresser les agriculteurs à la production de semences et à leur diffusion d’agriculteur à agriculteur. Une fois les semences de pommes de terre de qualité produites et germées, l’étape suivante consiste à se pencher sur la manière de les diffuser, les personnes qui s’en chargeront et le partage des bénéfices entre les producteurs suivant la stratégie de commercialisation et de diffusion collectives convenue. À cet égard, la formation d’organisations d’agriculteurs axées sur le marché constitue l’un des facteurs de réussite de l’ORDA. Des approches prometteuses La pomme de terre est l’une des deux cultures choisies dans de nombreux districts pour assurer la sécurité alimentaire. Cependant, compte tenu de sa voluminosité inhérente et de la faible capacité des entreprises de semences fédérales et régionales, les agriculteurs ont peu de chances de pouvoir s’approvisionner en semences améliorées chez les semenciers officiels. Ainsi, l’expérience modèle consistant à améliorer l’accès des agriculteurs aux nouvelles techniques et variétés de pommes de terre grâce à des coopératives d’agriculteurs produisant des semences peut être diffusée dans d’autres districts au niveau national – et appliquée à d’autres denrées – par les organisations gouvernementales et non gouvernementales. Ce type de stratégie est connu dans les districts situés à proximité du centre de recherche agricole d’Holetta qui produit 29 6 Chapitre des semences de qualité vendues à tout acheteur du pays. Le district de Jeldu a été l’un des premiers endroits où les agriculteurs ont commencé à produire des semences de pommes de terre ; la stratégie de diffusion initiale consistait à étendre la production au sein du district. Le centre de recherche agricole d’Holetta dispose de moyens de communication plus vastes et a ensuite joué un rôle important au niveau de la mise en relation des producteurs de semences avec le marché. Cependant, les semences de pommes de terre sont difficiles à transporter ; couvrir de longues distances s’avère problématique et coûteux. La demande en pommes de terre ne cessant d’augmenter, des groupes d’agriculteurs producteurs de semences se sont mis en place dans différents districts pour approvisionner les alentours en semences améliorées – une stratégie couronnée de succès. Des approches semblables ont été employées chez les agriculteurs producteurs de semences récemment installés dans les différents districts. Comment aider en tant que partenaire Les donateurs sont des acteurs importants en termes de production et de diffusion de semences de pommes de terre. La plupart du temps, les financements du gouvernement sont exclusivement alloués aux bureaux au niveau des ministères, régions, zones et districts. Ils n’atteignent pas le niveau des coopératives et regroupements en vue de renforcer leurs capacités. Par conséquent, les donateurs peuvent aider les coopératives et regroupements d’agriculteurs en menant les actions suivantes : n C onstruire des entrepôts adaptés pour les semences de pommes de terre au niveau des foyers suivant une approche de partage des coûts, par exemple en fournissant des matériaux industriels. Cela aura pour conséquence d’augmenter considérablement la quantité de semences de pommes de terre disponibles destinées à la commercialisation. Par ailleurs, les producteurs de semences tireront davantage profit de leur activité car le prix de vente des semences est trois fois supérieur à celui des pommes de terre de consommation. n C onstruire des chambres froides au niveau des coopératives et des centres de collecte pour que les agriculteurs puissent y stocker leurs produits sur des périodes plus longues, qu’ils se mettent durablement en relation avec les marchés et gagnent de meilleurs revenus. n S outenir les instituts de recherche dans leur travail de développement des capacités de production de mini-tubercules sains. n C réer une plate-forme où les acteurs puissent se rencontrer pour discuter des difficultés relatives au procédé de production de semences et imaginer des solutions pour faire face aux contraintes. n É tendre ces programmes de production de semences par les agriculteurs à de nouvelles régions où la pomme de terre est une culture importante. n C réer de la demande en augmentant et en améliorant l’utilisation de la pomme de terre dans l’alimentation de la population. La pomme de terre est importante dans l’alimentation de nombreuses personnes. Il conviendrait donc de promouvoir fortement les différentes façons d’utiliser la pomme de terre dans les repas afin d’augmenter la demande pour finalement accroître les revenus des agriculteurs et multiplier les opportunités de vente. n D éfinir de bonnes techniques agronomiques et de bons intervalles de rotation pour les différents systèmes de cultures afin d’éviter les parasites et les maladies dans les semences n D onner aux regroupements et aux coopératives les moyens de contrôler la qualité des semences pour s’assurer qu’elles soient saines et très productives. 30 n F aciliter le fonctionnement des systèmes de certification des semences au niveau national et régional. 7 Chapitre Éthiopie : concentrer les efforts grâce au principe de la chaîne de valeur Le gouvernement éthiopien et diverses organisations de développement ont recours au principe de la chaîne de valeur pour venir en aide aux communautés pauvres du pays. Celui-ci est appliqué aux haricots secs, aux graines oléagineuses, aux petits ruminants, au miel, aux céréales, aux légumes, etc. Ci-dessous, la chaîne de valeur des haricots secs est décrite comme un exemple de bonne pratique. Kassa Getu Dereje (Kgd & Family G eneral Trading P.L.C.) En Éthiopie, dans la plupart des cas, la production et la commercialisation des produits agricoles se fait de manière désorganisée ou suivant un système de décision à un niveau individuel. Les agriculteurs deviennent des preneurs de prix au pouvoir de négociation amoindri et subissent la fluctuation des prix (par exemple, des prix bas pendant les récoltes et élevés en dehors de cette saison). Leurs habitudes de production ne sont pas suffisamment basées sur la qualité et axées sur le marché et ils n’ont pas, ou peu, accès aux établissements de crédit. Ils n’ont pas non plus accès aux marchés et ne sont pas impliqués dans des activités de valorisation. Autant d’éléments conduisant à une utilisation inefficace des produits agricoles. Ces facteurs empêchent les petits exploitants de commercialiser leurs produits. Leurs revenus diminuent, leur insécurité alimentaire augmente et ils peuvent même se retrouver en situation de pauvreté. En outre, la commercialisation des produits agricoles implique de longues chaînes d’acteurs (une série de courtiers et négociants) qui n’ajoutent pas de valeur au produit mais contribuent à augmenter son prix à chaque niveau de hiérarchie de la commercialisation. Si l’on applique le principe de la chaîne de valeur, il est recommandé de mettre en place un système de commercialisation collective en créant des associations d’agriculteurs et en s’impliquant dans des activités de valorisation. Cela permet d’améliorer les sources de revenus des petits exploitants, de favoriser l’accès aux produits et de démarrer une production guidée par le marché. Le principe de la chaîne de valeur est axé sur la mise en place d’un système de commercialisation collective à travers la création d’associations d’agriculteurs et l’implication dans des a ctivités de valorisation. Il constitue une option permettant d’améliorer les sources de revenus des p etits exploitants, de favoriser l’accès aux produits et de démarrer une production guidée par le marché. La chaîne de valeur peut se définir comme étant « un ensemble complet d’activités nécessaires pour faire passer un produit ou service de l’étape de conception aux différentes phases de production (comprenant la transformation physique combinée à l’ajout de différents services du producteur) jusqu’à la livraison au client final et, enfin, à son traitement final après utilisation » (Kaplinsky et Morris). Le problème : des semences de mauvaise qualité et des prix bas En Éthiopie, les haricots rouges, blancs et mouchetés communément appelés haricots secs (haricots communs) servent de cultures commerciales et vivrières. Les haricots secs font partie des cultures vivrières classiques dans le sud du pays mais disparaissent peu à peu dans la plupart des régions du nord et du centre. Récemment, les haricots secs sont devenus une culture d’exportation bien plus intéressante, générant une forte hausse des exportations (voir illustration 1). Cette culture s’adapte au changement climatique actuel, à savoir une faible pluviométrie et des températures élevées. Les haricots blancs sont négociés à travers l’ECEA, la Bourse de commerce éthiopienne, tandis que les haricots rouges se négocient librement. De récentes études sur la chaîne de valeur des haricots rouges menées dans le district de Shalla, dans l’État régional national d’Oromia, ont montré que les contraintes majeures résidaient dans l’absence de semences de qualité, la fluctuation des prix entre les saisons, la fixation des prix par les négociants, le peu d’activités de valorisation et la négociation informelle des exportations. 31 7 Chapitre Illustration 1 : valeur des haricots à l’exportation (1 000 $) reçue par l’Éthiopie entre 1994 et 2011 (Source : FAOSTAT de la FAO, 2014) Année La solution : la commercialisation collective et le développement de partenariats Comment les agriculteurs et les spécialistes du développement pouvaient-ils surmonter ces contraintes ? Les producteurs de haricots blancs ont fait face aux difficultés en instaurant la commercialisation collective des produits et en fournissant les intrants agricoles par le biais des associations d’agriculteurs. La coopérative multifonctions d’agriculteurs de Ras Gayint applique les bonnes pratiques dans ce domaine. Il collecte les produits qu’il exporte directement après les avoir nettoyés et avoir rempli les critères d’exportations. Cela représente un double avantage pour les producteurs : ils obtiendront de meilleurs prix et dividendes lorsque le regroupement deviendra rentable. Le prix de vente des haricots blancs des agriculteurs a atteint 1 800 birrs [90 dollars]/quintal en 2014 contre 500 birrs [25 dollars]/quintal en 2012 et le profit net du regroupement s’est chiffré à 200 birrs [10 dollars]/quintal, selon Melkamu Fantahun, le responsable (1 quintal = 100 kg). Les producteurs de haricots rouges du district de Shalla, dans l’État régional national d’Oromia, ont commencé à résoudre les problèmes de qualité de semence en créant une coopérative de producteurs de semences soutenue par le Projet d’intensification durable du système de culture du maïs et des légumineuses en Afrique australe et orientale (SIMLESA), initié par le centre de recherche de Melkassa (voir illustration 2). Cette technique devrait représenter une bonne source de revenus pour les producteurs de semences ainsi qu’une bonne source de semences de qualité pour le district de Shalla mais aussi pour les autres régions produisant des haricots rouges. Bien que les autres problèmes liés à la commercialisation perdurent, les haricots rouges constituent une culture très rentable pour les agriculteurs, avec une marge brute simplifiée de 69 % (voir tableau 1). Cette culture devient donc la principale source de revenus pour la communauté et l’un des premiers moyens de subsistance après le maïs. Les agriculteurs en auraient encore davantage tiré profit s’ils s’étaient lancés dans une commercialisation collective. 32 7 Chapitre Tableau 1 : marge brute simplifiée (MBS) pour les acteurs de la chaîne de valeur des haricots rouges à partir du woreda (district) de Shalla. Valeurs en ETB Producteurs Assembleurs locaux Négociants importants Exportateurs Prix de vente (1)* 873 975 875 1 378 Coût des moyens de production (2) 269 717 743 950 Frais d’exploitation (3) - 46 44 283 Coûts directs (2+3) 269 763 787 1 233 Profit d’exploitation (4) 605 212 112 145 MBS (4/1*100) % 69,2 21,7 12,8 10,5 * Prix de vente moyen des deux saisons (prix de vente annuel moyen) Les deux exemples de bonnes pratiques mentionnés ci-dessus impliquent l’organisation des agriculteurs au niveau d’une coopérative ou d’un regroupement. La production et la commercialisation des haricots blancs ont été couronnées de succès chez les agriculteurs de Lai Gaint ; ceux-ci ont en effet raccourci la chaîne de commercialisation (évitant ainsi les courtiers et les négociants injustes) en fournissant leurs produits au regroupement. Le cas des haricots rouges dans le district de Shalla a aussi impliqué des associations d’agriculteurs, bien que des entreprises privées se chargent de l’exportation. Les exportateurs privés et les regroupements ont intégré davantage d’activités de valorisation pour maximiser les avantages économiques du principe de la chaîne de valeur. Ils ont exporté des produits transformés ou semi-transformés au lieu d’exporter les matières premières qui ajoutent une valeur seulement limitée au produit. Une diffusion réussie Les avantages que les agriculteurs obtiennent constituent le moteur de diffusion de ces bonnes pratiques. Au départ, les organisations gouvernementales ou non gouvernementales ont fait prendre conscience aux agriculteurs des avantages qu’ils pouvaient tirer de la commercialisation collective ou des liens avec les marchés. Des analyses de chaînes de valeurs ont ensuite été réalisées pour différentes denrées afin d’identifier les fonctions, acteurs, contraintes et opportunités pour chaque acteur et de suggérer des solutions aux problèmes. Après avoir évalué la réussite de l’intervention sur une denrée, ces bonnes pratiques se sont étendues à d’autres régions, denrées ou productions agricoles grâce à des maîtres d’œuvre ou des bénéficiaires du projet. Le regroupement de Lai Gaint les applique par exemple à d’autres denrées, telles que l’orge malté et les petits ruminants. De la même manière, la Fédération des coopératives d’agriculteurs de la région Sud a commencé à collecter les haricots rouges de ses membres et à les exporter vers les pays d’Asie et d’Europe. La Fédération des coopératives d’agriculteurs de l’Oromia s’est, quant à elle, lancée dans la collecte et l’exportation de haricots blancs. Des actions semblables devraient voir le jour chez des agriculteurs de la région d’Oromia, premier producteur de haricots d’Éthiopie. Les bonnes pratiques mentionnées dans ce rapport sont simplement des exemples ; les moyens de diffusion fonctionnent pour toutes les denrées. 33 7 Chapitre Illustration 2 : semences de qualité produites et nettoyées par la coopérative de producteurs de semences améliorées d’Awara-Gama, dans le woreda de Shalla. Source : SNV 2014 Comment aider en tant que partenaire Les grandes difficultés nécessitant l’intervention de donateurs – dont l’objectif final vise à améliorer des moyens de subsistance des communautés pauvres – sont les suivantes : n L e manque ou l’absence d’entrepôts adaptés est l’une des principales contraintes auxquelles les regroupements font face lors de la commercialisation collective. Certains regroupements et coopératives possèdent des entrepôts mais ils sont en nombre insuffisant et ne sont pas construits de manière à empêcher l’apparition de parasites ; les infestations créent souvent des problèmes dans les entrepôts n S outenir les regroupements, coopératives et investisseurs privés pour ouvrir des entreprises qui impliquent réellement un ajout de valeur à l’intérieur du pays. n D onner aux coopératives et regroupements principaux le personnel et les infrastructures nécessaires pour utiliser les différents systèmes de chaînes de valeur et commercialiser leurs produits. n É liminer les liens faibles et les contraintes le long de la chaîne de valeur d’une denrée donnée pourrait constituer une étape essentielle. Les contraintes diffèrent d’un endroit à l’autre ; le problème peut concerner la méthode d’élevage dans certaines régions et la commercialisation ou la transformation dans d’autres. Identifier les zones d’intervention spécifiques serait d’une importance primordiale pour tous les acteurs de la chaîne de valeur. 34 8 Chapitre Burkina Faso : recourir au warrantage pour garantir la sécurité alimentaire et améliorer les revenus D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les petits agriculteurs pauvres des régions arides d’Afrique vivant avec moins d’un dollar par jour sont bloqués dans un cercle vicieux de production et de placement sur le marché. De ce fait, tout effort en vue d’améliorer la productivité du sol est écarté. Le système de warrantage décrit ci-dessous peut constituer une solution. Dr. Siébou Pale (INERA / CREAFKamboinsé) La pauvreté force souvent les agriculteurs à vendre leurs cultures avant ou pendant les r écoltes pour payer leurs dettes ou remplir d’autres obligations. Avec leurs faibles revenus, ils ont des difficultés à acheter des moyens de production agricoles ; ils produisent donc de faibles rendements et les produits agricoles se vendent alors à bas prix. Pendant la période entre les récoltes, lorsque la nourriture se fait rare, ces agriculteurs se retrouvent sans revenu. Ils sont incapables d’échapper à ce cercle vicieux. D’autre part, ils doivent acquérir des moyens de production agricoles pour augmenter la productivité du sol. 35 8 Chapitre Il s’agit donc d’encourager et de mettre en place des mesures d’incitation pour l’adoption de techniques complémentaires, axées sur un système de crédit adapté aux conditions de ces agriculteurs. Ce type de système de crédit leur facilitera l’accès à des moyens de production de qualité pour ensuite améliorer la fertilité du sol, augmenter leur production agricole, assurer leur sécurité alimentaire et accroître leurs revenus agricoles. La FAO a pris conscience de ce cycle vicieux et mis en place un système de warrantage qui donne aux agriculteurs davantage de pouvoir d’achat, leur permet d’accéder aux moyens de production agricoles et d’adopter des techniques intégrées en vue d’augmenter la production agricole du foyer. Quel est le fonctionnement du système de crédit appelé warrantage ? Le warrantage est un système de crédit basé sur le stockage, par les agriculteurs, de produits agricoles secs lorsque les prix sont au plus bas (époque des récoltes) dans un entrepôt fiable géré par une équipe de responsables formée de trois membres (responsable des stocks, responsable des crédits et responsable de l’entrepôt) élus parmi les agriculteurs. Une fois le stock constitué et la qualité des stocks et de l’entreposage vérifiées par l’établissement de microcrédit, les agriculteurs reçoivent le soutien de cet établissement sous forme de microcrédit. Cette étape se déroule généralement de novembre (récolte et entreposage) à juin (période creuse). Le montant du prêt se base sur la valeur du stock au moment des récoltes et est octroyé à 60-90 % de la valeur des produits stockés. Il est remboursé à un taux d’intérêt annuel de 10 %. Ce microcrédit vise à faire démarrer des activités générant des revenus reconnues et économiquement viables qui permettront aux agriculteurs de rembourser leur emprunt. Une fois la totalité du montant remboursée, l’agriculteur désigné disposera d’un stock qu’il pourra vendre ultérieurement à un meilleur prix lorsque sa valeur aura augmenté. Le warrantage va souvent de pair avec l’ouverture d’un magasin de produits agricoles (engrais, semences, pesticides, etc.) qui assure une disponibilité suffisante de produits de qualité et une chaîne d’approvisionnement pour les agriculteurs. L’objectif premier du warrantage consiste à développer des organisations d’agriculteurs au sein de la communauté et à les renforcer en leur donnant accès à des services de microcrédit qui encouragent les activités générant des revenus (voir également illustration 2). Le warrantage présente quatre avantages comparatifs : n un système flexible – le stock constitue une garantie mobilisable sûre pour un structure de fonds décentralisée ; n un accès au microcrédit pour les agriculteurs ; n un double avantage pour les agriculteurs, d’abord à travers des activités générant des revenus pendant qu’ils remboursent leur emprunt puis avec la valeur supérieure de leur stock quand il est vendu plus tard. Cette hausse est souvent estimée à 30-50 % de la valeur initiale du stock mis de côté ; n un accès aux moyens de production agricoles – permettant d’adopter des techniques intégrées – mis à la disposition des agriculteurs, qui leur permet d’augmenter leur productivité agricole, de parvenir à une situation de sécurité alimentaire et d’augmenter leurs revenus. 36 8 Chapitre Comment le warrantage fonctionne-t-il ? Produits à stocker dans l’entrepôt Production de maïs Culture Vérification des stocks par l’établissement de microcrédit Extraction d’huile Fermeture de l’entrepôt avec 2 cadenas Remboursement de l’emprunt AGRR* Accord de prêt par des établissements bancaires Achat de moyens de production Achat de bétail Élevage Illustration. 2 (*activités générant des revenus reconnues), Source : Dr. Siébou Pale / INERA / CREAF-Kamboinsé Des premières étapes à la diffusion à grande échelle Au Burkina Faso, l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) et l’International Crops Research Institute for the Semi-Arid Tropics (ICRISAT) – institut de recherche international sur les cultures des zones tropicales semi-arides – ont expérimenté le warrantage pour la première fois de 2002 à 2004. Une démarche réalisée dans le cadre du p rojet Target d’USAID – qui encourage l’utilisation d’engrais en microdosage et le warrantage dans quelques villages – soutenue par plusieurs ONG, à savoir The Hunger Project, Association pour le Développement de la Région de Kaya (ADRK) et la Fédération Nationale des G roupements Naam (FNGN), respectivement dans le Centre, le Centre-Nord et le Nord du Burkina Faso. L’INERA a poursuivi cette expérience de 2004 à 2008 dans le cadre du Challenge Program on Water and Food (CPWF) – un projet qui entend relever des défis en matière d’eau et d’alimentation – dans les villages de Saala (province de Ioba) et de Ziga (province de Yatenga). L’étape suivante de l’expérience s’est déroulée de 2008 à 2011 dans douze villages situés sur cinq provinces du Burkina Faso (Gourma, Tapoa, Gnagna, Komondiari et Kompiegna), dans le cadre du Programme d’investissement communautaire en fertilité agricole (PICOFA). 37 8 Chapitre De 2010 à 2012, ce système de crédit a été diffusé efficacement dans plusieurs villages situés sur sept provinces du Burkina Faso (Boulougou, Kouritenga, Nahouri, Oubritenga, Ziro, Sanguie et Bulkiemdé) grâce au projet AGRA-Microdose axé sur la diffusion du micro-dosage (de petites doses d’engrais, NPK, appliquées aux sacs de semences), du warrantage et de la gestion des entrepôts qui vendent des moyens de production agricoles. Cette diffusion à grande échelle a été assurée par l’Institut National de la Recherche Agronomique du Niger (INERA) et les ONG The Hunger Project et Réseau MARP (Réseau pour la promotion des approches participatives). Grâce à la formation, plusieurs ONG comme Oxfam, le CIC-B (Comité Interprofessionnel des Céréales et du Niébé au Burkina Faso) et SOS-SAHEL ont, depuis 2010, repris la diffusion du warrantage dans leurs régions cibles et poursuivent ce type d’activités jusqu’à aujourd’hui. Comment stabiliser les premiers résultats prometteurs ? Jusqu’à présent, les résultats suivants ont été obtenus avec l’aide des partenaires : n une amélioration de la sécurité alimentaire de près de 67 % des agriculteurs selon des enquêtes menées auprès des bénéficiaires de warrantages ; n une amélioration des revenus des ménages de près de 39 % d’après l’évaluation économique réalisée par des équipes techniques accompagnant les agriculteurs dans la phase initiale de mise en pratique du système ; n une hausse de la valeur des stocks entre l’époque des récoltes et celle des ventes de 21 % à 42 % d’après l’évaluation économique réalisée par des équipes techniques accompagnant les agriculteurs dans la phase initiale de mise en pratique du système ; Jusqu’à présent, la promotion du warrantage au Burkina Faso s’est déroulée à travers les actions d’un projet, ou d’une ONG, qui pouvait assurer la construction ou la modernisation d’entrepôts de qualité, la disponibilité de palettes de stockage, la disponibilité d’établissements de crédit, le cadre de gestion des stocks et le crédit accordé aux membres du programme de warrantage. Les prêts sont accordés à travers des structures de financement décentralisées, telles que les coopératives de crédit qui, compte tenu de l’intérêt porté à ce système de crédit, en font un produit avec son ensemble de services. Les ONG dotées de systèmes de financement de crédits en interne, comme The Hunger Project, accordent elles-mêmes des prêts. Les négociations se poursuivent avec d’autres banques telles que la Banque Régionale de Solidarité (BRS), en vue de profiter d’une collaboration et diffuser ce système grâce à la contribution de ces établissements. Comme cela peut se constater, les plans d’action doivent être créés sans oublier l’assistance financière aux petits agriculteurs pauvres pour qu’un programme de warrantage soit mis en œuvre et couronné de réussite – celui-ci nécessitant des infrastructures onéreuses (entrepôts et palettes) et un accès à des prêts dont les taux d’intérêts ne sont souvent pas rentables pour les agriculteurs. Lorsque les prêts sont disponibles, l’argent doit être rapidement versé aux agriculteurs pour qu’ils puissent démarrer à temps des activités générant des revenus. 38 8 Chapitre Il reste maintenant à montrer que le warrantage représente une alternative viable pour améliorer les conditions de vie des petits agriculteurs pauvres au Burkina Faso. Comment aider en tant que partenaire Pour que l’intervention de partenaires financiers et techniques soit efficace et ait un impact visible sur les petits producteurs, celle-ci doit se concentrer sur l’aide au financement d’un vaste Programme national de diffusion du warrantage (PNDW) afin d’atteindre ensuite l’ensemble des régions du pays qui n’ont pas encore eu recours à ce système de microcrédit. Pour gagner en efficacité, les institutions gouvernementales et les ONG actives dans la région doivent entrer en concurrence pour obtenir les financements de soutien comme si elles étaient impliquées dans les projets. Le gouvernement burkinabé doit avoir la volonté de participer à la capitalisation et de mesurer l’impact de ce financement sur les objectifs nationaux que sont l’amélioration de la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté chez les petits agriculteurs. Une seule structure de gouvernement ou d’ONG devrait être maintenue dans chaque région (elles sont au nombre de 13) pour la mise en œuvre du PNDW sur trois ans. Les fonds des PNDW financeront (i) l’acquisition d’infrastructures (entrepôts, palettes de stockage, balances), (ii) les magasins de stockage de moyens de production agricoles proposant de nombreux produits de qualité, (iii) les microcrédits accordés aux agriculteurs, (iv) la formations des membres pour les comités de gestion du warrantage et (v) la gestion et l’évaluation de suivi de l’impact du financement sur les petits agriculteurs. 39 9 Chapitre Dr. Sashmi Nayak (National Institute of Social Work and Social Sciences, India) Inde : développer le système d’entreprise communautaire – le problème de la « taille » Les systèmes d’entreprise communautaire peuvent constituer une solution pour bon nombre de contraintes auxquelles les agriculteurs indiens doivent faire face en milieu rural. Ci-dessous, il est question de l’importance de la variable de conception qu’est la « taille » pour la viabilité sociale et financière de ce type de système pour les agriculteurs pauvres. Les petits et très petits agriculteurs/producteurs indiens qui vivent en milieu rural et disposent de peu de ressources se retrouvent à la merci de la mousson et du marché. Ils sont e xposés à de brusques augmentations des prix sur les moyens de production agricoles externes, au changement climatique qui implique des variations météorologiques imprévisibles, aux dynamiques complexes du marché externe et aux conditions des intermédiaires. Par ailleurs, les communautés agricoles connaissent des bouleversements rapides, notamment l’abandon des activités agricoles et la migration vers d’autres secteurs ainsi que des mesures du gouvernement en faveur des populations démunies. Par le passé, les communautés d’agriculteurs ont adopté deux solutions pour survivre : l’agriculture intégrée avec des schémas de culture variés (voir article pages 11-15) et les petites communautés cohésives durables, qui sont capables de répondre à leurs besoins au niveau des prix à la ferme. Cependant, ces deux mesures de protection ont été affaiblies par l’introduction de techniques agricoles modernes, la marchandisation des produits agricoles, le développement de liens avec le commerce international et l’émergence de nouveaux systèmes institutionnels. Mais il y a plus important encore : avec l’affaiblissement progressif des o rganismes communautaires locaux et l’absence d’organisations locales de producteurs, la durabilité des ressources des agriculteurs/producteurs pauvres et la probabilité d’obtenir une production agricole durable menacent de devenir impossibles. Initier un système d’entreprise communautaire La Nava Jyoti Producer Company (PC) est un cas de recherche active visant à développer un système d’entreprise communautaire durable en milieu agricole rural, dans un contexte de pays en développement. Il est conçu et structuré en vue de pallier aux différents points faibles et asymétries des petits et très petits agriculteurs/producteurs qui disposent de peu de r essources. La Nava Jyoti Community Enterprise System (NJCES) est une entreprise de producteurs immatriculée. En 2010, année de son immatriculation, ses propriétaires – de petits agriculteurs qui étaient aussi ses membres-producteurs – étaient au nombre de 500. Depuis, elle compte près de 800 familles parmi ses membres. L’objectif est de passer à 1 000 familles adhérentes avec 5 000 hectares de ressources naturelles comprenant des terres, des forêts et des points d’eau. Telle est la taille optimale nécessaire pour équilibrer la participation et le capital social entre les membres et pour pouvoir être économiquement viable afin d’interagir efficacement avec un système de marché composé de détaillants et négociants importants. La NJCES est fondée sur une logique de confiance et de coopération ; elle soutient ses membres les plus faibles. En améliorant leur qualité de vie, elle garantit la mise en place d’un système communautaire durable. Cela aide également les membres à survivre collectivement dans un environnement externe où la compétition se veut rude sur le marché. 40 9 Chapitre La communauté de NJCES se compose de personnes venant du gram panchayat (GP = conseil de village) de Nuagada (Orissa) et de quelques villages des GP adjacents. Actuellement, environ 800 familles (près de 3 200 personnes) sont inscrites en tant que membres/actionnaires de l’entreprise NJ Producer Company Ltd. Des éléments de réussite Lors de la création de la NJCS, la première étape a consisté à identifier une communauté en gardant à l’esprit la taille optimale, la contiguïté géographique, les frontières marquées par de micro-lignes de partages des eaux, les frontières politico-administratives ainsi que les affinités ethniques et culturelles. Un groupe de professionnels s’est ensuite mis en place au sein de la communauté. Ils ont été chargés de stabiliser les opérations mais également de développer les capacités de la jeunesse locale grâce à des formations sur le terrain et dans des champs d ’agriculteurs qui réussissent – l’objectif étant de traiter systématiquement les affaires du système d’entreprise et de proposer des services de vulgarisation demandés par les membres. Une enquête de référence a été menée auprès de tous les producteurs membres, sur la localisation des ressources du village, la documentation des techniques agricoles, les techniques de commercialisation, etc. Différentes mesures ont été prises pour améliorer la production et la commercialisation. La productivité en termes de produits agricoles et de produits associés a été améliorée grâce à une meilleure gestion des intrants ; les techniques de gestion des terres ont été perfectionnées grâce à une analyse systématique de la crête par rapport à la vallée. En outre, une infrastructure physique de base a été progressivement développée avec les ressources de la communauté et la participation de celle-ci. Parmi ses éléments figurent un bureau communautaire, un espace de réunion, des installations de stockage, des installations de valorisation, une banque de s emences, une pépinière de semences, etc. Plusieurs produits agricoles, forestiers, horticoles et animaux ont été commercialisés et valorisés. Toutes les activités agricoles et associées à l’agriculture de la communauté ont été intégrées pour améliorer la valeur de la main-d’œuvre agricole et non agricole au cours de l’année. Des réseaux de marchés durables ont été d éveloppés pour commercialiser le surplus de produits. Un rapprochement s’est opéré pour bénéficier de taux d’intérêt plus bas pour le fonds de roulement de la part de différentes sources du gouvernement, banques et autres agences de commercialisation du gouvernement. Le surplus de produits de la communauté est commercialisé à un prix de base compétitif. L’introduction de cette technique a mobilisé la communauté et l’a préparée à se libérer de la dépendance et de la servitude envers les négociants locaux et les prêteurs. Les revenus saisonniers supplémentaires (profits) générés par la vente et la commercialisation des produits sont partagés proportionnellement entre les agriculteurs/producteurs en fonction des contributions des producteurs et en accord avec le conseil d’administration, le comité consultatif externe et l’organe général des membres/propriétaires. De façon similaire, les incitations financières sont distribuées aux volontaires et stagiaires. Quelques produits sélectionnés présentant une durée de conservation plus longue ont été valorisés par des sous-traitants puis, progressivement, par les membres de l’entreprise communautaire eux-mêmes. 41 9 Chapitre Membres de la coopérative de femmes en train de traîter des légumes secs. Source : Anshuman Das / Welthungerhilfe L’accès aux services communautaires de soins et d’éducation a été facilité pour les enfants grâce à la collaboration avec d’autres agences et au soutien en faveur de la convergence des r essources issues des programmes du gouvernement central et des États relatif au développement intégré et global de la communauté. Les exigences en matière de microcrédit sont satisfaites pour les situations d’urgence afin que les activités agricoles et liées à l’agriculture ainsi que les obligations sociales remplacent le prêteur d’argent/négociant traditionnel. Des points de vente au détail ont été mis en place au niveau des villages pour répondre aux besoins de consommation locaux. Le renforcement des capacités et les formations continues systématiques permettent de transmettre progressivement la totalité de la gestion et de la propriété aux membres producteurs et à la communauté sur une période de sept ans qui s’étend de juin 2010 à juin 2017. Il convient d’observer les points suivants pour que le système d’entreprise communautaire fonctionne bien : nPour faire fonctionner un système d’entreprise communautaire détenu et géré par des membres producteurs, il est nécessaire de nourrir un esprit communautaire fondé sur la confiance, la coopération et la sympathie. Cela implique d’identifier et de former les meilleurs éléments de la communauté qui peuvent servir de volontaires, d’animateurs et de directeurs dans le système. nIl est important d’immatriculer le système d’entreprise communautaire en tant qu’entreprise de production conformément à l’India’s Companies Act – la loi indienne sur les entreprises – ou en tant que coopérative de producteurs régie par le Self-Help Cooperative Act – la loi sur les coopératives d’entraide – en consultant tous les producteurs membres. Il est essentiel que les producteurs réels soient les propriétaires et qu’ils aient les mêmes droits de vote. nDes réunions des membres doivent être organisées régulièrement pour faire circuler les informations, de même que des réunions avec les agences externes et groupes d’intérêt qui agissent au sein de la communauté pour faciliter l’intégration du modèle de coopération et remplacer le modèle de compétition. nIl est important d’intégrer l’objectif de durabilité de la communauté dans l’acte constitutif de l’entreprise. D’autres formalités, telles que l’ouverture d’un compte bancaire, l’obtention d’un numéro d’identification fiscale, etc. aident à se créer une identité parmi les agences externes et sur le marché. 42 9 Chapitre Une centre de collecte du lait. Source : Anshuman Das / Welthungerhilfe La taille importe ! La taille s’est avérée être un aspect important de la réussite de la Nava Jyoti Community Enterprise System (NJCES). Dans ce contexte, il est intéressant de prendre les points suivants en compte : nLa taille idéale correspond à 1 000 familles vivant sur une zone géographique contiguë comprenant au moins 8 micro-lignes de partages des eaux. Elle permet en effet aux membres du système d’être en permanence en contact pour mieux participer aux décisions et pour des raisons de logistique. nAvec ce nombre d’adhésions, il est estimé que le surplus de produits de la plupart du groupe aura une importance minimale pour les transactions rentables sur le marché et restera aussi bas que possible (nombre de membres) et aussi élevé que nécessaire (volume d’affaires). nCette taille peut générer un chiffre d’affaires minimal d’environ 25 millions de roupies indiennes (environ 425 000 dollars ou 342 215 euros), un montant pouvant lui-même prendre en charge les frais de fonctionnement et de main-d’œuvre de l’organisation de producteurs. Cependant, une fois le groupe de producteurs stabilisé à ce niveau, le chiffre d’affaires peut augmenter pour atteindre 8 à 10 fois le volume d’affaires minimal avec les mêmes membres en améliorant la portée des produits, des activités et de la valorisation locale. nÀ la NJCES, la famille est considérée comme l’unité d’adhésion de base car elle est a ussi l’unité de base dans les systèmes agraires ruraux et car la durabilité d’une famille de producteurs est au cœur de la communauté, en particulier dans les régions à dominance tribale. nUne taille plus petite permet d’avoir un niveau de participation supérieur et un plus grand sens de la propriété, comparée aux grandes organisations (entreprises de producteurs, coopératives et fédérations d’entraide) ailleurs en Inde. 43 9 Chapitre La NJCES a mis en place un système d’entreprise communautaire avec succès ; celui-ci compte 5 directeurs, 13 jeunes stagiaires locaux et 27 volontaires parmi les agriculteurs/producteurs. En fonction des produits agricoles et non agricoles, le revenu des agriculteurs est passé d ’environ 45 % à 90 % pour différents produits en une année d’efforts en matière de commercialisation. Au cours de la première année, son compte en banque a affiché une transaction d’environ 1 000 000 roupies (environ 17 000 dollars ou 13 682 euros). L’entreprise communautaire a mis en place des chaînes de valeurs, de la production à la commercialisation, pour de grandes productions locales, à savoir agricoles, forestières, maraîchères (fruits et légumes locaux) et animales locales. À présent, voici les dépenses réalisées pour développer le modèle de la NJCES : investissements fixes : 1 000 000 roupies (environ 17 000 dollars ou 13 682 euros), fonds de roulement : 750 000 roupies (environ 12 750 dollars ou 10 266 euros), dépenses administratives et de fonctionnement : 750 000 roupies également. Dharani FaM est un autre exemple de coopérative de producteurs qui fonctionne bien. Cooperative Limited (www.timbaktu-organic.org / aboutdharani.html). Une voie à suivre La Nava Jyoti Producer Company a été immatriculée avec le soutien financier de la banque nationale de l’agriculture et du développement rural (NABARD), qui s’élevait à 1,85 millions de roupies (environ 31 450 dollars ou 25 340 euros) et le soutien administratif du Xavier Institute of Management de Bhubaneswar (XIMB). Par la suite, la fondation Rabo Bank a étendu son soutien financier aux dépenses administratives et de fonctionnement tandis que le campus tribal de l’Institut national du travail social et des sciences sociales (NISWASS), situé à proximité du bureau communautaire de Nava Jyoti, a étendu ses services d’aide. La Banque nationale de l’agriculture et du développement rural va continuer à promouvoir ce modèle dans le cadre de ses capacités de prise de décisions. Les articles du XIMB ainsi que ses présentations dans les séminaires et ses études de cas sont un bon moyen de diffusion au niveau des universités, du développement et des décideurs. Le XIMB s’est associé à des professeurs pour créer un programme de formation spécifique (management@grassroots) sur les connaissances de base en direction et comptabilité en vue de former les meilleurs éléments de la communauté et de reproduire ces systèmes d’entreprise c ommunautaire dans l’Andhra Pradesh et l’Orissa par le biais d’ONG. Un grand nombre de personnes issues du gouvernement et d’ailleurs, ont rejoint la Nava Jyoti Producer Company et soutenu la cause de la durabilité. Les fonctionnaires des différents ministères du gouvernement, au n iveau de l’État, du district et du quartier, ont soutenu et soutiennent ce travail. Toutefois, ce système doit encore se faire une place dans les documents d’orientation et les financements publics. 44 Inde : les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) – permettre aux petits agriculteurs d’accéder à la certification Si l’on inclut les pâturages et forêts, l’Inde est numéro un mondial en termes d’hectares de terres cultivables en agriculture durable. Ce pays, dont plus de la moitié de la population est directement ou indirectement liée à l’agriculture, possède la plus grande communauté agricole bio ou durable, à la fois en agriculture certifiée et non certifiée. Ces deux derniers types d’agriculture bio sont en mesure de recevoir la certification par ce que l’on connait maintenant sous le nom de Systèmes Participatifs de Garantie (SPG). 10 Chapitre Ashish Gupta (IFOAM Asia) Avec un demi-million d’hectares de terres cultivées suivant une agriculture bio certifiée, l’Inde compte parmi les pays possédant la plus vaste surface de terres agricoles bio par défaut. En Inde, les régions sauvages s’étendent sur 4,7 millions d’hectares, soit la troisième plus grande surface de ce type au monde. Au total, ces 5,2 millions d’hectares forment l’une des plus vastes étendues naturelles de la planète. Le pays compte également des bandes de terre naturellement bio où de nombreux agriculteurs n’ont pas utilisé de produits chimiques depuis des décennies mais n’ont reçu aucune certification. En Inde, la plupart des producteurs et des préleveurs de gibier sont de petits propriétaires terriens qui n’ont pas les moyens d’intégrer des systèmes de certification complexes et coûteux. Pour s’attaquer à ce type de problèmes partout dans le monde, un certain nombre d’initiatives ont vu le jour et souligné le besoin de trouver des méthodes alternatives peu onéreuses pour que les productions bio soient viables pour les producteurs locaux et pour garantir leur écoulement sur le marché local. L’apparition des SPG En 2004, les initiatives de la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) et le Mouvement biologique d’Amérique latine (MAELA) ont amené un grand nombre de ces groupes de par le monde à se rassembler pour échanger et p artager leurs expériences. La création des Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) est le fruit de ces rencontres. Au fil des ans, les SPG ont obtenu une certaine reconnaissance au niveau gouvernemental et supra gouvernemental. En partenariat avec des agriculteurs, des ONG et des o rganisations a gricoles, le ministère indien de l’agriculture a lancé une procédure pour trouver des p ossibilités semblables en Inde. Des projets pilotes ont démarré en 2006 et les systèmes se sont progressivement développés pour prendre en compte les contextes locaux. Le Conseil biologique des SPG (PGSOC) joue ainsi un rôle de premier plan quant à l’inclusion des petits producteurs qui pratiquent une agriculture biologique mais ne sont pas certifiés. En outre, la notion de communauté et de structure sociale est intégrée aux SPG en vue de retrouver cette culture en agriculture. Les SPG sont des systèmes d’assurance qualité orientés localement. Ils certifient les producteurs sur la base d’une participation active des acteurs et sont fondés sur la confiance, les réseaux sociaux et l’échange de connaissances. Les SPG constituent une alternative à la certification par des tiers et sont spécialement adaptés aux marchés locaux ainsi qu’aux chaînes d ’approvisionnement courtes. Ils permettent une participation directe des producteurs, consommateurs et autres a cteurs concernant : nle choix et la définition des normes ; nla création et l’application de procédures de vérification ; nla procédure de contrôle et de décision pour reconnaître les agriculteurs comme bio. 45 10 Chapitre Réunion SPG. Source : Ashish Gupta / PGSOC Un moteur de participation et d’intégration Il est parfois fait référence aux SPG sous le nom de « certification participative ». Ceux-ci ont un objectif commun avec les systèmes de certification par des tiers, à savoir la garantie crédible qu’ils offrent aux consommateurs cherchant des produits bio. La différence réside dans la manière d’obtenir la certification. La certification par des tiers se fonde sur des contrôles des applications qui incluent des procédures internes de fonctionnement telles que les programmes de systèmes bio et une visite annuelle d’inspection par un inspecteur formé indépendant. Dans les SPG, l’interaction entre l’agriculteur et l’organisation de garantie est bien plus forte et différents outils sont utilisés pour garder l’intégrité. Un SPG doit avoir au moins cinq agriculteurs à un endroit donné qui travaillent en groupe, se surveillent et se certifient les uns les autres. Ils contrôlent la méthode de production et les résultats de manière continue sur trois ans. La procédure est à son tour continuellement documentée et surveillée par le prestataire de service. Globalement, les SPG intègrent le renforcement des capacités et permettent aux agriculteurs et contrôleurs d’aider à résoudre des problèmes pratiques. Les producteurs sont alors en mesure de respecter les normes. Cette relation directe avec la procédure et le fait qu’elle appartienne aux agriculteurs et crée un lien entre les acteurs incitent à faire preuve de davantage de responsabilité et à participer activement à la définition des procédures de production et de certification. Les SPG dans la pratique En Inde, les SPG sont mis en place par le Conseil biologique des SPG (PGSOC), une s ociété inscrite au registre des commerces composée de 14 ONG/organisations bénévoles qui travaillent dans différents États du pays. La société en elle-même est une organisation dirigée de façon démocratique ; les membres du Conseil biologique élisent le conseil exécutif et le comité de direction. Chacune de ces organisations travaille dans diverses régions d’Inde avec de petits et très petits agriculteurs pratiquant la plupart du temps la culture sous pluie. Sur le territoire indien, 616 groupes de petits agriculteurs – soit 6 234 familles d’agriculteurs – sont d irectement impliqués dans la certification et la commercialisation à travers les SPG. Par ailleurs, près de 220 groupes formés par 1 465 agriculteurs sont en train de créer des SPG. Outre ce travail mené auprès des familles de petits agriculteurs, les organisations viennent aussi en aide aux personnes habitant en forêt concernant le prélèvement durable de gibier, son assurance qualité et sa commercialisation. La structure de commercialisation est mise en place à travers des organisations où les producteurs bénéficient d’une équité directe ou indirecte en s’associant avec l’ONG/organisation bénévole. Ainsi, les marchés locaux créés par les groupes possèdent l’identité de marque collective du logo du SPG et abordent les marchés en s’appuyant sur la force de leurs systèmes de contrôle par des pairs. 46 10 Chapitre Réunion SPG. Source : Ashish Gupta / PGSOC La procédure du SPG est documentée de temps en temps à travers les publications du Conseil biologique des SPG ainsi que les présentations et les écrits proposés à l’occasion des d ifférents forums et expositions. Le site Internet présente aussi des informations actualisées sur les groupes locaux www.pgsorganic.in (en anglais). Impliquer davantage les agriculteurs La promotion des SPG est principalement assurée par les diverses ONG et organisations b énévoles. Tandis que la popularité de ces systèmes augmente auprès des agriculteurs, de nombreux autres groupes envoient leur candidature aux SPG pour devenir membres du Conseil de facilitation (CF). Le Conseil biologique des SPG organise également des programmes périodiques lors d’événements tels que BioFACH afin de donner de la visibilité aux agriculteurs sur le marché. Par ailleurs, ceux-ci travaillent avec des points de vente au détail qui représentent une vitrine pour commercialiser leur production. Les SPG animent également des ateliers avec des groupes d’agriculteurs en envoyant des membres de leurs secrétariats. Les membres des CF se lancent aussi dans des innovations, telles que la création de SPG pour les productions forestières autres que le bois. Le Conseil biologique des SPG tente d’accéder à des régions indiennes reculées, notamment aux localités isolées et aux États du nord-est où la gestion de groupes d’agriculteurs est difficile. Les défis restants Le Conseil biologique du SPG est dirigé avec le soutien de donateurs externes et grâce à son système d’autofinancement généré par ses CF qui fonctionnent sur un système d’adhésion. Cependant, un très grand nombre d’agriculteurs font appel aux SPG et les ressources d isponibles au sein du Conseil biologique des SPG sont limitées. L’Inde compte plus de 400 millions de petits agriculteurs. Dans ce pays, l’échelle de mise en œuvre des SPG présente différentes difficultés, à savoir : nle maintien des évaluations entre pairs et l’implication des ONG : actuellement, les ONG ont le sentiment que les économies de coûts réalisées par les agriculteurs dans le cadre des SPG sont en partie supportées par les ONG car celles-ci ont augmenté leurs efforts en matière de documentation et de personnel de terrain. Ainsi, les économies nettes sont fortement comparées à des frais de certification par des tiers mais il est possible de réaliser davantage d’économies. Entre temps, le Conseil biologique des SPG a besoin d’aide pour organiser des événements et permettre aux agriculteurs d’accéder aux marchés. 47 10 Chapitre Réunion SPG. Source : Ashish Gupta / PGSOC nla comparaison avec des systèmes de tiers : les systèmes de tiers (ST) introduits avant les SPG sont surtout présents sur les marchés, aux côtés de moyens acceptables en matière de systèmes de négociations pour les importations et les exportations Toutefois, le système de tiers est mis en œuvre par un organe du ministère du commerce et de l’industrie et non du ministère de l’agriculture – c’est du moins le cas en Inde. En outre, le besoin de SPG est né d’un manque observé au niveau des ST concernant les petits et très petits agriculteurs. Cependant, l’acceptation des SPG est toujours remise en question par les agriculteurs et les marchés. Le Conseil biologique des SPG va donc devoir agir auprès des gouvernements et défendre un plaidoyer plus fort pour les différents groupes d’agriculteurs. nla transparence manuelle orientée vers le consommateur : actuellement, les codes générés pour les produits des SPG sont donnés aux CF qui les transmettent aux groupes locaux. Les marchandises sont labellisées et transférées sur les marchés. Toutefois, compte tenu de la distance pour rejoindre les marchés, la seule façon pour les consommateurs de vérifier la source réelle des codes consiste à passer manuellement la chaîne d’approvisionnement en revue. Cela peut s’avérer plus difficile lorsque la distance jusqu’au marché augmente. Le Conseil biologique des SPG va devoir investir dans les technologies pour maintenir toutes les données disponibles actualisées et en ligne. ndes réseaux de marchés pour la vente des produits : Aoutre les ventes directes et institutionnelles, le troisième réseau – celui des ventes par le biais d’un détaillant – est le plus intéressant. Un certain nombre d’ONG et de personnes ont ouvert de petits magasins verts sur le territoire indien pour pouvoir trouver les produits des SPG à proximité de chez eux. Toutefois, il existe un surplus de production inévitable qui doit être négocié dans différentes parties du pays. La difficulté consiste à gérer la chaîne d’approvisionnement entre ces réseaux de détaillants à l’intérieur du pays. Plus d’informations sur les SPG sont disponibles sur : www.ifoam.org / about_ifoam / standards / pgs.html 48 11 Chapitre Burkina Faso : l’assainissement écologique en faveur de la santé publique et d’une agriculture durable Au Burkina Faso, la défécation en plein air concerne encore une grande partie de la population. La faible productivité agricole ne permet pas aux petits agriculteurs de dégager des revenus suffisants pour acheter des engrais et des latrines. En associant l’assainissement à l’agriculture, l’assainissement écologique (EcoSan) contribue à améliorer le niveau de vie des personnes et à assurer la sécurité alimentaire. Dr. Moussa Bonzi (INERA / CREAFKamboinsé) En milieu rural, plus de 86 % de la population burkinaise – principalement composée de petits agriculteurs – défèque encore en plein air ; cela provoque de nombreux problèmes de santé, en particulier chez les groupes les plus vulnérables comme les enfants. Par ailleurs, les a griculteurs font face à une faible productivité agricole suite à la dégradation anthropique des terres causée par l’adoption de mauvaises pratiques agricoles et liée aux conséquences négatives du changement climatique. Conscients de ces problèmes, ils doivent pourtant vivent avec moins d’un dollar par jour et ne sont pas en mesure d’acquérir les engrais nécessaires pour augmenter leur production, ni les latrines dont ils ont besoin pour améliorer l’assainissement au quotidien. Ils subissent donc les conséquences de cette situation parmi lesquelles figurent la sécurité alimentaire insuffisante, la malnutrition, les maladies liées au péril fécal, etc. Depuis 2002, l’assainissement écologique – EcoSan en abrégé – a fait ses preuves dans deux régions du Burkina Faso : ce système d’assainissement a pu être installé en milieu rural et fournit des engrais à la fois bio, accessibles, respectueux de l’environnement et qui présentent une forte valeur agricole pour les populations dépendant de l’agriculture (soit une valeur économique supérieure à 44 milliards de francs CFA, environ 88 millions de dollars ou 71 371 685 euros pour 16 millions de Burkinabés). L’intégration du système EcoSan qui associe l’agriculture à l’assainissement permet non seulement d’améliorer le niveau de vie mais assure également la sécurité alimentaire de la population. Utilisation et performances Au niveau international, de nombreux pays ont eu recours à l’EcoSan, notamment le Vietnam (1950), le Mexique (1970) et la Suède (1980). Au Burkina Faso, l’EcoSan est installé d epuis 2002 dans les quartiers qui entourent Ouagadougou (plus de 2 500 latrines et centres d’assainissement) ainsi qu’en milieu rural dans les provinces de Kouritenga, Boulgou (Centre-Est), Boulkiemdé, Sanguié (Centre-Ouest), Houet, Tuy (Hauts-Bassins) et Comoé (Cascades) où plus de 15 000 latrines EcoSan ont été installées. Une aide de l’Union européenne de plus de 5 000 000 d’euros a été investie dans la promotion de ce système au Burkina Faso. Les engrais obtenus à partir d’urine hygiénisée (birg-koom ; voir encadré) n’augmentent pas la quantité d’azote (N), de phosphore (P) et de potassium (K) dans le sol dans le sens où les nutriments contenus dans cet engrais sont totalement utilisés par les cultures. Il s’agit donc un « engrais à base d’azote ». Les fèces humaines hygiénisées (birg-koenga ; voir encadré) augmentent la quantité de matière organique dans le sol ; elles diminuent l’acidité du sol et augmentent la quantité de phosphore disponible ou celle utilisée par la plante comme nutriment (P absorbable dans le sol). 49 11 Chapitre Quantité de birg-koenga utilisée pour un pied de maïs. Source : Dr. M. Bonzi L’emploi d’engrais EcoSan en agriculture permet d’augmenter les rendements des cultures. Ces hausses par rapport aux engrais minéraux traditionnels dépendent du type de culture : 1.Lorsqu’ils sont utilisés avec les céréales (sorgho, millet, maïs, riz), les champs EcoSan ont un rendement 37 % à 50 % supérieur à ceux qui ont reçu des engrais minéraux traditionnels. Si ces engrais sont placés dans les demi-cercles ou trous de zaï (voir article pages 16-18), les rendements peuvent augmenter de 100 % comparés à ceux obtenus avec des engrais minéraux traditionnels. 2.Lorsqu’ils sont utilisés avec les légumes (choux, carottes, oignons, poivrons, etc.), les champs EcoSan ont un rendement 22 % à 38 % supérieur à ceux qui ont reçu des engrais minéraux traditionnels. Ces différences de rendements varient de cinq à dix tonnes. 3.Lorsqu’ils sont utilisés avec les tubercules (ignames, patates douces, manioc, etc.), les champs EcoSan ont un rendement 41 % à 53 % supérieur à ceux qui ont reçu des engrais minéraux traditionnels. En résumé, les engrais EcoSan permettent aux agriculteurs de réduire leurs coûts de production et d’augmenter leurs revenus ; ils améliorent également la sécurité alimentaire. Comment aider en tant que partenaire Pour que l’intervention de partenaires financiers et techniques soit efficace et aie un impact visible sur les petits producteurs, celle-ci doit comprendre une aide au financement du vaste programme de popularisation d’EcoSan à travers le PLEN. Les ONG actives dans la région entreront en concurrence pour obtenir les financements de soutien. Le gouvernement burkinabé devra contribuer à la capitalisation et suivre les effets des financements sur les objectifs nationaux en matière de production agricole et d’assainissement ainsi qu’en termes de réduction de la pauvreté chez les petits agriculteurs. Au maximum, une ONG pourrait être maintenue dans chaque zone climatique, soit trois au total, pour la mise en œuvre du programme sur trois ans. Les fonds du PLEN seront utilisés pour financer (i) l’acquisition de latrines familiales EcoSan de type Tecpan, à présent mieux adaptées et plus populaires au Burkina Faso, (ii) la réalisation de tests agronomiques et de visites guidées dans les champs ayant reçu des engrais EcoSan, (iii) la formation d’au moins deux maçons par village à la construction de latrines EcoSan et l’augmentation des capacités en termes de main-d’œuvre agricole ainsi que (iv) la gestion et l’évaluation de suivi des effets du financement sur les petits agriculteurs. 50 11 Chapitre Latrines EcoSan vue de l’extérieur Source : Dr. M. Bonzi Utilisation de birg-koom dans le p otager (poivrons). Source : Dr. M. Bonzi Intérieur des latrines EcoSan Source : M. Linus Diffusion et améliorations Le système d’EcoSan se diffuse à travers la mise en œuvre de projets pilotes qui bénéficient de divers soutiens financiers sous forme de subventions de la part des ONG. Le gouvernement burkinabé a remarqué l’intérêt porté à ce système et retenu les latrines EcoSan comme option sur la liste officielle des latrines autorisées. Aujourd’hui, les foyers constituent la principale cible dans les provinces concernées. Dans la province de Kouritenga (la province du Burkina Faso la mieux équipée en systèmes EcoSan), des villages entiers bénéficient d’une meilleure hygiène grâce aux latrines EcoSan et l’agriculture s’est améliorée grâces aux engrais EcoSan. Une réussite rendue possible compte tenu des avantages dont bénéficient les petits agriculteurs qui utilisent les engrais EcoSan mais aussi des multiples formes de publicité – visites guidées des latrines et tests agronomiques compris – vantant les mérites de ce système en termes de santé et d’amélioration des revenus chez les petits agriculteurs. Pour augmenter la diffusion de ce système, l’une des solutions possibles consiste à inciter à construire des latrines EcoSan dans au moins un village pilote EcoSan abritant plus de 1 000 foyers dans chaque zone rurale du Burkina Faso. Avec le temps, le Programme de latrinisation écologique national (PLEN) pourrait générer une hausse des rendements chez les petits agriculteurs et améliorer leur niveau de vie. 51 11 Chapitre Comment produire des engrais EcoSan ... La procédure est relativement simple : n Collecter les urines dans un bidon jusqu’à ce qu’il soit plein. Puis, fermer hermétiquement le bidon rempli et attendre 45 jours. Vous obtenez alors de l’urine hygiénisée, c’est-à-dire un engrais liquide exempt de germes pathogènes et contenant une concentration de cinq grammes d’azote pur (N) par litre d’urine ainsi que du phosphore (P), du potassium (K) et des oligoéléments. C’est ce qu’on appelle le birg-koom dans la langue nationale. nCollecter les fèces dans des latrines EcoSan jusqu’à ce que la fosse soit pleine. Fermer hermétiquement la fosse et attendre six mois. Vous obtenez alors des fèces hygiénisées, c’est-à-dire des fèces humaines exemptes de germes pathogènes et donc sans risque pour la santé. Cet engrais contient les nutriments suivants : 33 grammes d’azote pur (N), 15 grammes de phosphore pur (P) et 24 grammes de potassium pur (K) par kilo d’engrais solide, appelé birg-koenga dans la langue nationale. Les latrines EcoSan coûtent environ 170 000 à 200 000 francs CFA (entre 340 et 400 dollars ou 274 à 323 euros) et ont une durée de vie de plus de 60 ans. 20 litres d’urine sans frais de conditionnement coûtent 100 francs CFA et 20 litres d’urine conditionnées coûtent 800 à 1 000 francs CFA (birg-koom). Un kilo de fèces hygiénisées (birg-koenga) coûte 50 francs CFA. … et les utiliser a) Les engrais azotés produits à partir d’urine humaine hygiénisée (Birg-koom) Pour la production de légumes : Verser un demi-litre d’engrais liquide obtenu à partir de l’assainissement des urines dans chaque poquet 15 jours après l’apparition des jeunes plants ou le repiquage. Répéter la même procédure dès que les premières fleurs éclosent. Les plantes doivent être suffisamment irriguées après chaque application. Il est important d’éviter tout contact direct entre l’urine hygiénisée et les plantes ; l’application doit donc se faire à 15 cm des poquets. Si les graines ne sont pas semées par rangées, il est recommandé d’utiliser 1 à 1,5 litre d’engrais liquide dilué dans de l’eau par mètre carrée 15 jours après l’apparition des jeunes plants ou le repiquage. Répéter la même procédure dès que les premières fleurs éclosent. Pour les céréales : Creuser des sillons le long des rangées de plants à environ 15 cm des pieds. Verser 1 à 1,5 litre d’urine hygiénisée (en fonction des besoins des plantes) en deux quantités égales pour chaque poquet (i) après l’éclaircissage ou 15 jours après l’apparition des jeunes plants et (ii) au moment où les graines apparaissent ou 35 à 45 jours après l’apparition des jeunes plants. Recouvrir les sillons après chaque application d’engrais. Pour les ignames ou les patates douces : Verser un litre de birg-koom dans un sillon à une distance de 10-15 cm autour du pied ou tronc de la plante, au début du développement du tubercule. 52 11 Chapitre Pour les papayers, manguiers et autres arbres fruitiers : Verser 3 à 5 litres chaque mois en fonction de l’âge de l’arbre dans un sillon creusé autour de sa base de la largeur du couvert (zone couverte par les branches de l’arbre). Remplir le sillon, puis arroser l’arbre. b) Utiliser les engrais biologiques EcoSan obtenus à partir de fèces humaines hygiénisées (birg-koenga) Pour la production de légumes : Répandre 500 grammes à 1 kilo de birg-koenga sur chaque mètre carré (m2) de surface. Puis, semer et recouvrir les graines en labourant le sol (ou en sarclant). Les engrais peuvent aussi être répandus avant le repiquage. Pour toutes les cultures sèches : Au pied de chaque plante, déposer 50 grammes de birg- koenga (équivalent au volume de la plus petite boîte de concentré de tomate comme le montre la photo ci-dessous) ou 1 à 1,5 tonne de birg-koenga par hectare (10 000 m2). Enterrer l’engrais en labourant le sol (ou en sarclant, en buttant et en supprimant les mauvaises herbes). Pour les arbres : Déposer cinq kilos d’engrais au pied de l’arbre tous les cinq à six mois. Veiller à enterrer les engrais. N.B. : Correspondance entre les engrais minéraux et les engrais bio EcoSan : engrais équivalent à l’urée (46 % N) = birg-koom ; engrais équivalent aux N.P.K. complexes = birg-koenga. Ces deux engrais se complètent. 53 Conclusion et mesures recommandées Les efforts déployés en vue d’instaurer de bonnes pratiques en milieu rural dans le monde du Sud sont en partie pris en charge par les gouvernements. Toutefois, les exemples présentés dans cette étude démontrent clairement que ces efforts pourraient bien davantage profiter de la participation des donateurs, soit à travers les gouvernements nationaux, soit par le biais d’autres acteurs tels que les OSC (organisations de la société civile), les organisations paysannes, etc. Les aspects généraux nécessitant une aide supplémentaire concernent la création d’infrastructures, telles que des entrepôts, des dispositifs de transport et des systèmes d’information. Le manque de prérequis de ce type mène fréquemment les projets à l’échec. Par ailleurs, les agriculteurs souhaitant adopter de nouvelles pratiques doivent parfois acquérir de nouveaux équipements agricoles et animaux ou bien différents plants et semences. De plus, les nouvelles pratiques concernant les mesures de conservation du sol et de contrôle de l’érosion nécessitent un effort important en termes de construction. Tout cela peut facilement dépasser les ressources disponibles au niveau local. Pour bien fonctionner, bon nombre de ces exemples nécessitent un effort majeur en termes de formation et d’éducation. Par exemple, les compétences en comptabilité sont essentielles au maintien des systèmes de microcrédit tandis que les compétences en direction et c ommercialisation sont importantes pour les petites entreprises. Des maçons, charpentiers et forgerons – pour ne nommer que quelques métiers qualifiés – doivent être formés aux différentes activités décrites dans les exemples. En outre, il s’agit de prendre des dispositions pour que les différents acteurs partagent l’expérience qu’ils ont accumulée au sein des réseaux. Les donateurs doivent être impliqués dans différentes étapes de développement des nouvelles pratiques – par exemple s’assurer que les prérequis nécessaires sont fournis mais aussi évaluer l’avancée et populariser de nouveaux concepts. Par ailleurs, les partenariats entre les donateurs peuvent créer des synergies qui seront bénéfiques aux efforts déployés au niveau local. Enfin, l’introduction de bonnes pratiques sera uniquement réussie si le pays offre un cadre politique adapté. Parmi les éléments clés figurent l’accès à la terre et à l’eau ainsi que le fonctionnement des structures administratives jusqu’au niveau local. Les leçons tirées dans les différents pays Dans la Souabe, en Allemagne, la fondation Slow Food soutient la culture de variétés de lentilles traditionnelles. Des efforts sont déployés pour promouvoir la commercialisation de ces lentilles dans la région. En Bosnie-Herzégovine, Slow Food soutient la production de prunes au sirop. Un consortium de producteurs a vu le jour ; il met en avant les produits locaux dans la région. En Inde, les systèmes d’agriculture intégrée proposent des méthodes de culture adaptées, des aménagements sur plusieurs niveaux qui reproduisent les procédés existant dans la nature ainsi qu’une intégration du bétail et des cultures pour utiliser les nutriments et autres intrants. Les donateurs devraient en priorité donner aux agriculteurs les moyens d’analyser la situation de leur propre ferme pour définir la manière d’augmenter leur productivité. En outre, des structures doivent être créées pour améliorer la commercialisation du surplus produit par les petits exploitants. Les systèmes d’entreprise communautaire jouent un rôle important quant à la gestion des contraintes auxquelles les petits agriculteurs indiens font face. Ils se concentrent sur les cultures mais aussi sur des aspects tels que la valorisation et la commercialisation. L’aide des donateurs pourrait ici servir aux formations dans divers domaines d’activités. En Inde, les Systèmes Participatifs de Garantie sont importants pour obtenir une certification dans le secteur de l’agriculture bio. Les SPG impliquent activement les acteurs dans le processus de décision. Le soutien des donateurs est principalement nécessaire pour la commercialisation des produits bio. Il pourrait aussi aider à diffuser la technique des SPG, en particulier au niveau de la mise en place de groupes d’agriculteurs dans les régions reculées du pays. 54 Le warrantage est un système de crédit grâce auquel les agriculteurs stockent leurs produits au moment de la récolte – lorsque les prix sont au plus bas – et peuvent emprunter (après vérification d’un établissement de microcrédit) pour démarrer des activités générant des revenus. Au Burkina Faso, le soutien des donateurs est essentiel aux vastes mesures de diffusion et à l’acquisition d’infrastructures, telles que des entrepôts, palettes de stockage ou balances. De plus, les membres des comités de gestion des warrantages ont besoin d’être formés. Au Burkina Faso, le zaï, une méthode de réhabilitation du sol, se développe grâce à la mécanisation en vue d’augmenter le rendement de sorgho. Le soutien des donateurs doit cibler la formation des petits agriculteurs à l’utilisation des méthodes mais aussi l’acquisition d’animaux et de matériel agricole nécessaires pour les appliquer. Par ailleurs, la formation de forgerons pourrait encourager la production locale d’outils pour le zaï. Au Burkina Faso, la défécation en plein air reste un problème majeur. L’assainissement écologique (EcoSan) a permis d’installer des systèmes d’assainissement pour les petits a griculteurs pauvres tout en leur fournissant des engrais bio pour la culture de divers légumes, céréales et tubercules. Les engrais EcoSan – sous forme liquide et solide – augmentent c onsidérablement les r endements. Le soutien des donateurs aux programmes EcoSan devrait contribuer à l’acquisition de latrines EcoSan, à la réalisation de tests agronomiques dans les champs ayant reçu des engrais EcoSan et à la formation de maçons à la construction de latrines. Dans les montagnes éthiopiennes, les agriculteurs sont confrontés à une dégradation sévère des terres lorsqu’ils veulent produire du fourrage pour les vaches et autres animaux. Le système d’alimentation à l’auge (cut and carry) consiste à clôturer des pâturages sur une certaine période pour protéger l’herbe. L’herbe fauchée est ensuite stockée et utilisée comme fourrage. La transition du pâturage en liberté à ce système nécessite une préparation minutieuse. Ici, le soutien des donateurs devrait cibler les moyens à déployer pour faire naître une prise de conscience chez les agriculteurs et les former à la production de fourrage, le développement de pépinières de semences en vue d’améliorer les variétés d’herbes fourragères, le partage d’expériences résultant du système d’alimentation à l’auge et la formation aux méthodes de conservation des sols. Dans les plaines éthiopiennes, les pasteurs élèvent des bovins, des caprins, des ovins, des équidés et des chameaux. Là-bas, le système traditionnel du kallo est actuellement réintroduit pour créer des réserves de pâturages pendant la saison sèche, par exemple pour les veaux et animaux malades. Le soutien des donateurs serait utile au partage des expériences avec cette méthode et à la formation des agriculteurs à son utilisation. Les projets de semences de pommes de terre améliorées fournissent de meilleures semences aux agriculteurs éthiopiens. Des coopératives et regroupements ont été créés pour diffuser ces semences. Le soutien des donateurs est requis pour installer des chambres froides et des entrepôts de semences appropriés ainsi que pour réaliser des recherches sur les tubercules exempts de maladies. D’autres domaines ont besoin d’aide, notamment celui de la création d’une demande à travers la promotion de divers plats à base de pommes de terre mais aussi la facilitation des systèmes de certification des semences. En Éthiopie, le principe de la chaîne de valeur est appliqué pour de nombreuses cultures afin d’aider les communautés pauvres. Les haricots secs sont devenus une culture d’exportation importante. Pour faire face aux contraintes telles que l’absence de semences de qualité ou la fluctuation des prix entre les saisons, les agriculteurs s’appuient désormais sur un système de commercialisation collective et de développement de partenariats. Dans cette région, le soutien des donateurs devrait se concentrer sur l’installation d’entrepôts et l’aide au lancement des affaires mais aussi sur la possibilité d’avoir du personnel pour les systèmes de chaîne de valeur dans les coopératives et regroupements. Enfin, les contraintes individuelles et les chaînes de valeur doivent être identifiées. 55 Références Éthiopie La production de fourrage dans les montagnes – le système d’alimentation à l’auge (cut and carry) Agence centrale de la statistique (CSA) (2012), Agricultural Sample Survey Report on Livestock and Livestock Characteristics of Private Peasant Holdings for the Year 2011/12, Volume II, Statistical Bulletin 532. Addis-Abeba, Éthiopie. Dejene M., Assefa G., Kebede G. et Kaske K. (2012), Forage Seed Production and Supply Systems in the Central Highlands of Ethiopia. Dans : Assefa G. et al., Forage Seed Research and Develop ment in Ethiopia. Addis-Abeba : EIAR, pp. 59-70. Dejene M., Tegegne A., Assefa G., Kehaliew A. et Sebsibe A. (non daté), Fodder Production, Utilization and Marketing Practices in Mixed Crop-Livestock Production Systems of the Highlands of Ethiopia. Addis Ababa, Éthiopie : EIAR. Desta H. (non daté), Overview on Degradation of Land Due to Over Grazing in Ethiopia. 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