Cancers du sein

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Cancers du sein
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18/12/03
11:56
Page 1
RECHERCHE & SANTÉ
L a r e v u e d e l a F o n d at i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e
p. 8
Vers des traitements
plus personnalisés
Cancers
du sein
n° 97 / 1er trimestre / janvier 2004 / 2,29 u
Vos dons en action p. 20
Maladies cardio-vasculaires :
enjeux de la recherche médicale p. 24
Point de vue p. 26
Peut-on breveter le vivant?
Avec Maurice Cassier
La Fondation à l’écoute p. 28
Journées de la FRM :
à la rencontre des chercheurs p. 28
Questions-réponses p. 36
54, rue de Varenne 75007 Paris
Tél. : 01 44 39 75 75 - www.frm.org
ÉDITORIAL
La recherche
en prévention
D
DR
ans la mythologie grecque, Asclépios, le dieu de la Médecine, a deux
filles : Panacée (les soins, les médicaments) et Hygie (l’hygiène, la
prévention). Au cours de l’Histoire, l’accent a été mis alternativement
sur l’un ou l’autre de ces deux aspects de la médecine. À la fin du
XIXe siècle, avec les découvertes de Pasteur sur les agents infectieux, les mesures de prévention sanitaire se sont développées. C’est l’hygiène qui
a changé la condition humaine (le savon, les vaccins, la lutte contre les vecteurs de
maladies, tels que les moustiques dans la lutte contre le paludisme).
Au milieu du XXe siècle, la découverte des antibiotiques, les progrès de la biologie
moléculaire ont, au contraire, mis les soins sur le devant de la scène, et ce n’est pas
un hasard si, en 1945, à la création de la Sécurité sociale, la branche médicale s’est
appelée la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), et non d’assurance santé.
Depuis une vingtaine d’années, le balancier revient vers la prévention : l’épidémiologie a montré que les deux tiers des décès prématurés (avant 65 ans) par cancer ou par maladie cardio-vasculaire seraient potentiellement évitables grâce à
quelques règles simples : ne pas fumer, boire modérément, surveiller son poids et
son alimentation, faire chaque jour un exercice, par exemple marcher pendant une
demi-heure. Chacun connaît ces règles et, cependant, elles sont peu appliquées : à
20 ans, la moitié des Français fume, la consommation d’alcool augmente chez les
jeunes, l’obésité est de plus en plus répandue. En d’autres termes, les messages ne
passent pas. Ce constat impose une stratégie ambitieuse où la recherche devrait
jouer un rôle prédominant : mieux définir les groupes vulnérables, par exemple
en fonction de l’alimentation ; développer les enquêtes psychosociologiques afin
de comprendre pourquoi certains secteurs de la population (les plus démunis,
les moins instruits, les plus fragiles) sont imperméables aux recommandations
sanitaires, bien qu’ils connaissent les conduites à risques ; rechercher comment on
peut, dès le plus jeune âge, chez l’enfant, développer le sentiment de responsabilité envers son propre corps. L’exemple de certains pays (la Suède, la Finlande,
la Grande-Bretagne) montre que l’éducation à la santé, malgré ses difficultés, peut
réussir. Mais il faut apprendre aux parents, aux enseignants et aux médecins à dispenser cette éducation. Ainsi, la réussite d’une politique de prévention dépend
des moyens qui y sont consacrés. Si d’autres pays y sont parvenus, il dépend de
nous de réussir à notre tour.
2
Maurice Tubiana,
directeur honoraire de l’Institut Gustave-Roussy,
membre de l’Académie des sciences,
membre et ancien président de l’Académie de médecine.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
Recherche & Santé est
la revue trimestrielle
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Recherche Médicale
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Ont participé au dossier:
Marc Espié
Jean-Yves Bobin
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Pierre Kerbrat
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Michel Marty
François Bertucci
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Ont participé à la rédaction:
Louise Blottière (dossier)
Clara Delpas
Corinne Drault
Chantal Guéniot
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Photo de couverture:
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Date et dépôt légal à parution:
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de déontologie des associations
humanitaires.
SOMMAIRE
4 É CHOS
SCIENTIFIQUES
Les métastases ganglionnaires détectées grâce à l’imagerie,
une stratégie pour réparer la moelle épinière, deux
nouvelles études sur les risques du traitement hormonal…
À la découverte des recherches en cours.
Page 7
CNRI
Deux nouvelles
études sur
les risques
du traitement
hormonal.
8 D OSSIER
Les cancers du sein
Première cause de mortalité des femmes avant 65 ans,
les cancers du sein ne sont jamais identiques. Il n’existe
pas un traitement unique qui soit efficace sur tous
les types de cancers. L’enjeu de la recherche est donc
de cibler et de personnaliser les thérapies.
10
Une armada de traitements
Dossier réalisé avec la collaboration du Dr Marc Espié,
responsable du centre des maladies du sein à l’hôpital
Saint-Louis, à Paris.
15
Dépistage systématique… et après?
BSIP/Laurent/Muriel
L’avis du Dr Marc Espié.
16
Avec le concours du Pr Michel Marty et du Dr François
Bertucci.
Page 10 - Les femmes de plus de 50 ans peuvent bénéficier
18
d’un dépistage gratuit tous les deux ans.
Cibler les traitements anticancéreux
Panser ses blessures pour retrouver le sourire
20 V OS
DONS EN ACTION
Dans cette rubrique, la Fondation Recherche Médicale
présente chaque trimestre une sélection des 700 travaux
qu’elle soutient annuellement.
20
21
22
Page 21
DR
Valérie Geoffroy
et son étudiant, Didier
Merciris, travaillent
sur les mécanismes
de l’ostéoporose.
23
24
Alzheimer: repérer les déficits d’attention au plus tôt
Ostéoporose: élaborer de nouvelles stratégies thérapeutiques
Le virus de l’hépatite C bientôt plus facile à démasquer?
Deux études sur le rôle protecteur des aliments
Maladies cardio-vasculaires: la FRM au cœur de la recherche
26 P OINT
DE VUE
Peut-on breveter le vivant?
Entretien avec Maurice Cassier, sociologue au CNRS.
28 L A F ONDATION
28
29
31
Stéphane Laure
32
Page 28 - Anne Roumanoff, la marraine des Journées,
33
À L ’ ÉCOUTE
Journées de la FRM : le public à la rencontre des chercheurs
Anne Roumanoff, une marraine très engagée
Les comités de la FRM très actifs du nord au sud
Rencontre Santé: peut-on soigner les troubles du sommeil?
Chronique d’une substance cancérigène annoncée
36 Q UESTIONS - RÉPONSES
Avec le Pr Ph. Chanson
et Pierre Joly, le président de la Fondation Recherche Médicale.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
3
ÉCHOS SCIENTIFIQUES
MALADIES INFECTIEUSES
Parce que nous souhaitons vous communiquer une information
de qualité, hors des «effets d’annonce», indépendante des intérêts
financiers, nous avons rassemblé, dans cette rubrique, les échos
scientifiques et les faits les plus marquants de la recherche
médicale mondiale de ces derniers mois. Une stratégie pour réparer
la moelle épinière, une protéine au cœur des douleurs neuropathiques,
les métastases ganglionnaires détectées grâce à l’imagerie, deux nouvelles
études sur les risques du traitement hormonal de la ménopause…
À la découverte des recherches en cours.
Une nouvelle stratégie
pour réparer la moelle épinière
Un test lumineux
P
BSIP/Laurent/Vogin
Lorsque la moelle épinière est atteinte, la paralysie
est irréversible.
4
les influx nerveux jusqu’aux nerfs
qui commandent les mouvements
des membres. Si la moelle est
réellement lésée, la paralysie est
irréversible. En effet, les neurones
qui passent dans la moelle sont
incapables de se régénérer, car
la cicatrice dense et impénétrable
formée par l’accumulation
des cellules qui les entourent (les
cellules gliales) leur fait obstacle.
En travaillant sur des souris
génétiquement modifiées,
l’équipe d’Alain Privat (unité
Inserm 583, à Montpellier)
a pu établir que deux protéines
sécrétées par les cellules gliales
sont responsables de cette réaction
cicatricielle.
Les chercheurs ont créé des souris
transgéniques dépourvues des
gènes permettant la fabrication de
ces deux protéines. Après section
de leur moelle épinière, non
seulement ces souris n’ont pas
formé de cicatrice, mais leur lésion
a été réparée et elles ont récupéré
leur capacité de mouvement.
Cette découverte permet d’espérer
aujourd’hui des traitements pour
prévenir la formation de la cicatrice
gliale et rétablir la connexion
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
interrompue après un traumatisme.
L’équipe d’Alain Privat travaille
actuellement avec l’équipe
de Jacques Mallet, à l’hôpital
de la Pitié-Salpêtrière (Paris), sur
un procédé de thérapie génique
destiné à bloquer transitoirement
la production des deux protéines
en cause. Ces résultats pourraient
également avoir des implications
pour d’autres maladies marquées
par une réaction cicatricielle des
cellules gliales, comme la maladie
de Parkinson. ■
Paraplégie : paralysie touchant les deux
membres inférieurs.
Tétraplégie : paralysie touchant
simultanément les quatre membres.
Cellules gliales : appartenant au tissu
de soutien de la moelle épinière, elles ont
une fonction de protection des neurones.
Source: PNAS, juillet 2003.
La Fondation Recherche
Médicale a soutenu
ces travaux de recherche
à plusieurs reprises
pour un montant global de 64000 euros.
Elle a notamment aidé à l’installation
du laboratoire d’Alain Privat et à
son équipement.
Quand la douleur naît
de l’atteinte d’un nerf
L
Colibacille (Escherichia coli) : bactérie de la flore intestinale. C’est aussi le germe
infectieux le plus courant chez l’homme, à l’origine de diarrhées (turista), d’infections
urinaires, etc.
orsqu’un nerf a été
endommagé, par exemple
par un traumatisme (section
ou pincement…), une infection
(zona…), l’alcoolisme ou encore
le diabète, il transmet parfois
de manière erronée les messages
sensitifs jusqu’au cerveau. Cela
peut se traduire par des douleurs
très fortes après un stimulus
anodin, comme un simple
effleurement de la peau. Ces
douleurs, dites neuropathiques,
sont très difficiles à traiter et
leur mécanisme restait totalement
mystérieux jusqu’à présent.
Des chercheurs de l’Institut
national des sciences de la santé,
à Tokyo (Japon), viennent
d’identifier une protéine qui
semble jouer un rôle essentiel :
le purinorécepteur P2X4.
Cette protéine est produite par
les cellules qui entourent les
neurones de la moelle épinière
et régulent leur activité.
Les chercheurs ont montré
qu’après section d’un nerf,
chez des rats, ces cellules,
et donc les récepteurs P2X4
qu’elles portent à leur surface,
s’accumulent dans la région
de la moelle où arrivent les fibres
du nerf sectionné. Le seul fait
d’injecter des cellules dans
la moelle de rats normaux
reproduit les douleurs
neuropathiques. En revanche,
ces douleurs disparaissent
lorsqu’on bloque cette protéine.
Celle-ci constitue ainsi une cible
de choix pour un futur
médicament contre ces douleurs
exacerbées et rebelles. ■
Sources: Science, juillet 2003.
Source: Nature, août 2003.
CNRI
PARAPLÉGIE
lus de 40 000 personnes
en France sont paraplégiques
ou tétraplégiques et, chaque
année, les accidents de la route
ou autres chutes génèrent
1 500 nouveaux cas de handicaps
moteurs. Chez les personnes
atteintes, la moelle épinière
blessée ne peut plus conduire
NEUROLOGIE
Des lymphocytes B ont été programmés pour émettre un signal lumineux en présence d’un agent pathogène.
L
e diagnostic de maladies infectieuses comme la pneumopathie
atypique (SRAS) ou la détection d’agents du bioterrorisme
comme le bacille du charbon (anthrax) auraient tout à gagner de
la mise au point de tests rapides et efficaces. Celui qu’une équipe
américaine vient d’élaborer émet un signal lumineux en présence
d’un virus ou d’une bactérie. Le système est constitué de cellules
immunitaires (lymphocytes B) «programmées» pour reconnaître
spécifiquement un agent pathogène prédéterminé. L’astuce
est d’avoir modifié génétiquement ces cellules de manière à
leur faire fabriquer une protéine originaire d’un poisson tropical
aux propriétés étonnantes : en présence de calcium, elle émet
de la lumière (bioluminescence). C’est ce qui se produit lorsque
ces cellules entrent en contact avec l’agent pathogène: leur teneur
en calcium augmente et elles deviennent lumineuses. Ce système
sensible – il est capable de détecter le colibacille en moins de
cinq minutes quand il en faut trente à soixante par les techniques
habituelles – a été baptisé Canary (Cellular analysis and notification
of antigen risks and yields). Son champ d’application est vaste :
diagnostic médical, défense contre la guerre bactériologique,
contrôle qualité de la nourriture et de l’eau… ■
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5
ÉCHOS SCIENTIFIQUES
La dépression, un trouble
Un coin du voile est levé sous influence… génétique
Le traitement hormonal substitutif (THS)
prescrit après la ménopause a fait l’objet de deux nouvelles études:
la première est française et porte sur le mode d’administration;
la seconde est britannique et porte sur le risque de cancer du sein.
PSYCHIATRIE
TRAITEMENT HORMONAL
L’ostéopontine stimule la destruction du tissu osseux.
D
ans la polyarthrite
rhumatoïde, les structures
articulaires (synoviale, cartilage,
os) sont détruites par les propres
défenses immunitaires de
l’organisme : c’est une maladie
auto-immune. Une équipe
japonaise vient de dévoiler
un maillon essentiel dans cette
«erreur» du système immunitaire.
Il s’agit d’une molécule abondante
dans l’os, l’ostéopontine,
qui stimule chez les malades
la résorption osseuse et la réaction
inflammatoire articulaire.
Les replis de cette molécule
dissimulent un récepteur
particulier, qui ne devient
apparent qu’après découpage
de la molécule par une enzyme.
L’ostéopontine, ainsi clivée, est
présente à des taux plus élevés
dans les articulations en cas
de polyarthrite rhumatoïde.
En masquant ce récepteur,
les chercheurs ont pu neutraliser
l’action de l’ostéopontine et
prévenir la polyarthrite chez des
souris. Une découverte qui ouvre
de nouvelles pistes thérapeutiques
pour agir au cœur même
du mécanisme de la maladie. ■
Résorption osseuse: destruction du tissu
osseux vieilli.
Source : Journal of clinical investigation,
septembre 2003.
6
De nouvelles évaluations des risques
Neurotransmetteur: messager chimique impliqué dans la communication entre neurones.
Source : Science, juillet 2003.
Les métastases ganglionnaires
détectées grâce à une technique d’imagerie
CANCER
C
ertains cancers de
la prostate évoluent très
lentement et peuvent, de
ce fait, être traités de manière
moins agressive. Le choix
d’un traitement dépend
pour beaucoup de la présence
de facteurs de gravité et, en
particulier, d’un envahissement
des ganglions. On le recherche
actuellement en prélevant
et en examinant les ganglions,
technique assez lourde, qui
ne permet pas d’explorer tous
les ganglions. Des chercheurs
américains et hollandais
ont mis récemment au point
une technique d’imagerie par
résonance magnétique (IRM)
qui permet de détecter 100%
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
des métastases ganglionnaires.
L’IRM est associée à l’injection
de minuscules particules qui
s’accumulent dans les ganglions
atteints par les métastases.
Cette méthode pourrait être
appliquée à d’autres cancers.
Elle pourrait conduire
également à de nouveaux
traitements, couplant des
médicaments à ces particules
pour atteindre spécifiquement
les ganglions malades. ■
Métastases : foyers de cellules
cancéreuses apparaissant à distance
de la tumeur initiale.
Source : New England Journal
of Medicine, juin 2003.
Phanie/Voisin
CNRI/Barts Pictures
I
l est fréquent qu’un deuil ou la perte d’un être cher déclenchent
une dépression. En étudiant un groupe de 850 jeunes gens de
26 ans qu’elle suivait depuis la naissance, une équipe internationale
a constaté que le risque de développer une dépression était
plus élevé chez les sujets présentant une version anormalement
courte d’un gène. Celui-ci intervient dans l’action d’un
neurotransmetteur, la sérotonine, dont l’implication dans les troubles
de l’humeur est connue. Le travail de cette équipe explique aussi
pourquoi le rôle de ce gène trop court dans la dépression n’avait
jamais pu être démontré: il n’agirait qu’en conjonction avec
des événements extérieurs, lesquels n’étaient jusqu’à présent
pas pris en compte. Ces données démontrent l’action conjointe
de la génétique et de l’environnement dans la dépression. ■
La prise d’un traitement hormonal par patch
entraînerait moins de risques d’accident cardiovasculaire que la prise orale.
I
l y a quelques années, le
traitement hormonal substitutif
(THS) était vivement conseillé
aux femmes ménopausées pour
prévenir des troubles tels que
les bouffées de chaleur, les sautes
d’humeur et, surtout, l’ostéoporose.
Mais dans les derniers mois,
la publication d’une vaste étude
américaine, qui a fait apparaître
un surcroît de risques d’accident
cardio-vasculaire lié au THS,
a fait grand bruit. Ce risque, par
ailleurs spécifique aux États-Unis
(voir Recherche & Santé n° 95),
est-il influencé par le mode
d’administration du traitement ?
C’est ce qu’a voulu savoir une
équipe de recherche française
dirigée par Pierre-Yves Scarabin.
Soutenue par la Fondation
Recherche Médicale, elle cherchait
à établir si le risque de thrombose
veineuse était plus élevé chez
les femmes recevant un THS
sous forme orale que chez celles
traitées par voie transdermique
(gel ou patch). Entre 1999 et 2002,
536 femmes ont été suivies, dont
certaines avaient déjà présenté
un premier épisode de thrombose
veineuse. Ce travail a permis
d’établir que seule la prise orale
est associée à une augmentation
du risque de formation de caillot,
la prise transdermique apparaissant
comme une alternative plus sûre.
Mais qu’en est-il du risque de
cancer du sein, également mis
en avant par plusieurs études ?
L’étude Million Women Study,
qui a porté sur plus d’un million
de femmes britanniques âgées
de 50 à 64 ans, vient de montrer
qu’il varie en fonction de la
nature du traitement. En l’absence
de THS, 50 femmes sur 1 000
développent un cancer du sein
entre 50 et 65 ans ; le recours,
pendant dix ans, à une
combinaison de deux types
d’hormones féminines (œstrogènes
et progestatifs) entraînerait 19 cas
supplémentaires de cancer du sein,
contre 5 cas supplémentaires pour
un traitement à base d’œstrogènes
seuls – un risque moindre mais
non absent.
Bien sûr, on ne peut ignorer
ces nouvelles données, mais il
faut noter que cet impact négatif
du THS est négligeable les cinq
premières années du traitement
et se manifeste surtout chez les
femmes les plus âgées. En France,
il est recommandé d’évaluer au
cas par cas l’intérêt du THS, compte
tenu du rapport bénéfice/risque,
et de réévaluer ce risque après
cinq années de traitement. ■
Thrombose veineuse: occlusion brutale
d’un vaisseau (souvent l’artère pulmonaire)
due à la migration dans la circulation
sanguine d’un caillot sanguin formé dans
une veine.
Sources: The Lancet, août 2003.
CNRI
POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
L’ostéoporose est un des troubles traités par le THS.
La Fondation Recherche
Médicale a financé l’étude
Esther coordonnée par
Pierre-Yves Scarabin durant
trois ans pour un montant global de
206355 euros (1,3 million de francs).
Cette étude visait à déterminer si
l’administration transdermique
(patch ou gel) des œstrogènes pouvait
réduire le risque de thrombose chez
les femmes recevant un traitement
hormonal substitutif de la ménopause.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
7
DOSSIER
Grâce à la mammographie,
les tumeurs du sein peuvent être
détectées à un stade très précoce.
Vers des traitements
plus personnalisés
Obésité :
LES CANCERS
DU SEIN
Quand un cancer du sein est diagnostiqué, la réponse
médicale est prompte et pluridisciplinaire. La masse tumorale
est ôtée chirurgicalement, puis la chasse est donnée aux
éventuelles cellules cancéreuses restantes : elles sont détruites
par des rayons X ou attaquées par différentes substances
chimiques. Mais il n’existe quasiment pas deux cancers
semblables, et une thérapie efficace sur l’une peut être
inopérante sur l’autre… D’où l’espoir mis dans le ciblage des
traitements, domaine que la recherche est en train d’explorer.
UNE ARMADA DE TRAITEMENTS p. 10
DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE… ET APRÈS ? p. 15
CIBLER LES TRAITEMENTS ANTICANCÉREUX p. 16
CNRI/GJLP
PANSER SES BLESSURES POUR RETROUVER LE SOURIRE p. 18
8
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
9
D
O S S I E R
Les modes d’action des hormonothérapies
Les cancers du sein
Avec le concours du Dr Patricia de Cremoux, laboratoire de physiopathologie et pharmacologie, Institut Curie (Paris).
Dossier réalisé en collaboration avec le Dr Marc Espié, responsable du centre des maladies du sein
à l’hôpital Saint-Louis, à Paris.
1) Synthèse des œstrogènes
Une armada de traitements
C
BSIP/Laurent/Muriel
hez les femmes des pays occidentaux, les cancers du sein
détiennent un triste palmarès : ce
sont les cancers les plus fréquents
et la première cause de décès par
cancer. La grande majorité d’entre
eux – les carcinomes – débutent
dans les lobes de la glande mammaire producteurs de lait et dans les canaux
qui véhiculent le lait jusqu’au mamelon.
«Avec le temps, des mutations s’accumulent dans
le génome des cellules qui se mettent à proliférer
de manière anormale puis acquièrent un pouvoir
métastatique (la capacité d’aller coloniser d’autres
tissus) qui fait toute la dangerosité de ces cancers»,
explique le Dr Marc Espié, responsable du
centre des maladies du sein à l’hôpital SaintLouis, à Paris. Il est donc essentiel de détecter les tumeurs à un stade très précoce. La
mammographie, en voie de devenir un
examen systématique pour toutes les
femmes de plus de 50 ans, grâce au plan
cancer (voir aussi Opinion page 15), remplit
efficacement cet office. La fréquence des
cancers du sein augmentant avec l’âge, et
surtout après la ménopause, le dépistage
gratuit tous les deux ans est proposé, en
France, à toutes les femmes de 50 ans et plus
depuis le 1er janvier 2004. Chez certaines
femmes, toutefois, la préexistence de mutations clés (prédisposition génétique) accélère
le processus de formation des tumeurs, et le
dépistage doit donc commencer plus tôt (voir
encadré Prédisposition génétique page 14).
De nombreux facteurs de risque
is à part l’âge et les prédispositions
génétiques, d’autres facteurs de risque
M
ont été avancés, comme certaines maladies
bénignes (par exemple, un kyste ou une
tumeur bénigne du sein), la consommation
d’alcool et l’obésité chez la femme ménopausée. La vie génitale joue aussi un rôle :
des premières règles précoces ou une
ménopause tardive augmentent le risque de
cancer tandis que des grossesses précoces ou
nombreuses le diminuent. «La pilule est globalement innocentée : toutes femmes confondues,
elle n’augmente pas le risque de cancer du sein. Il
reste cependant une incertitude pour les adolescentes et les femmes prédisposées génétiquement,
indique le Dr Espié. Les traitements hormonaux
substitutifs (THS), eux, favorisent, chez un faible
pourcentage de femmes, la multiplication de cellules
cancéreuses préexistantes, mais leurs effets cessent
avec l’interruption du traitement [voir Échos
scientifiques page 7].» Enfin, le mode de vie
lui-même (alimentation, influences culturelles…) a un impact sur la genèse du cancer
mammaire. «Le mode de vie français pourrait
d’ailleurs, en s’éloignant du modèle latin
(grossesses plus précoces et plus nombreuses,
alimentation de type méditerranéen) et en se
rapprochant du modèle anglo-saxon, expliquer,
Les œstrogènes sont des hormones, c’est-à-dire des messagers
chimiques, qui jouent un rôle important dans le développement
des caractères sexuels féminins, la reproduction ainsi que d’autres
mécanismes. Chez la femme non ménopausée, ils sont synthétisés
par les ovaires, sous le contrôle de l’hypothalamus, centre de
commande des sécrétions hormonales situé à la base du cerveau
et dont les «ordres» sont d’abord transmis par le biais d’une hormone,
la LHRH (Luteinizing hormone releasing hormone), à l’hypophyse,
une petite glande située juste en dessous, avant d’être répercutés
aux ovaires. Chez la femme ménopausée, les œstrogènes proviennent
de la transformation des androgènes (sécrétés par les glandes
surrénales) par une enzyme, l’aromatase, principalement retrouvée
dans le tissu graisseux.
Modes d’action des hormonothérapies
Les œstrogènes favorisent la croissance de certaines cellules
tumorales mammaires. Différentes stratégies ont été élaborées pour
interrompre cet effet: les analogues de la LHRH et les progestatifs
agissent au niveau des structures cérébrales pour interrompre
la synthèse ovarienne; les inhibiteurs de l’aromatase empêchent
l’aromatase d’effectuer la conversion des androgènes en œstrogènes;
et les anti-œstrogènes comme le tamoxifène agissent directement
au niveau des cellules tumorales, en bloquant le mécanisme d’action
des œstrogènes.
2) Étapes de la formation d’une tumeur
Initiation: à l’origine, une lésion dans le patrimoine génétique
d’une cellule déclenche une multiplication cellulaire incontrôlée,
la prolifération tumorale.
État précancéreux (dysplasie): en proliférant, les cellules
tumorales cumulent d’autres anomalies génétiques (mutations).
Leur comportement se dérègle.
Cancer non invasif: la tumeur est encore limitée au tissu
d’origine. Elle se vascularise.
Formation des métastases: des cellules cancéreuses migrent
via la circulation sanguine et colonisent d’autres organes.
●●●
Les femmes de plus de 50 ans peuvent bénéficier d’un dépistage gratuit tous les deux ans.
10 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
Génome: ensemble des gènes d’un organisme.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
11
D
O S S I E R
Les cancers du sein
En chiffres
«Aujourd’hui, grâce à un repérage de type scanner,
les toxicités liées à l’irradiation sont négligeables»
●●●
L’offensive chirurgicale
e premier angle d’attaque de la tumeur
mammaire est généralement chirurgical.
L«Pionnière
dans le domaine de la chirurgie
BSIP/Ermakoff
conservatrice, la France a commencé dès les
années 1960-1970 à préférer l’ablation chirurgicale de la tumeur seule (tumorectomie) à celle du
sein dans sa totalité (mastectomie totale) : quand
la taille de la tumeur le permet, elle est ôtée, et le
sein est conservé», explique le Pr Jean-Yves
Bobin, chef du service chirurgie-oncologie
du centre hospitalier Lyon-Sud. Ces traitements dits «conservateurs» sont de plus en
plus souvent pratiqués, grâce à l’efficacité de
la radiothérapie complémentaire (voir cicontre) et à la généralisation du dépistage,
qui rend possible la détection des tumeurs
alors qu’elles sont encore de petite taille. La
précocité de la détection est donc gage d’un
bénéfice médical mais aussi d’un bénéfice
esthétique, psychologique et économique.
L’ablation de la tumeur est accompagnée de
celle des ganglions de l’aisselle. Ils sont en
effet susceptibles d’avoir été colonisés par
L’ablation chirurgicale de la tumeur demeure le traitement le plus efficace
contre le cancer du sein.
12 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
des cellules cancéreuses de la tumeur mammaire à partir de la circulation lymphatique du
sein. Ils constituent un indicateur fiable du
pouvoir de la tumeur d’essaimer à distance
de nouveaux foyers de cellules cancéreuses,
ou métastases. Toutefois, quand la tumeur
est petite, les ganglions sont rarement
atteints et leur ablation s’avère donc souvent
inutile a posteriori. D’où l’intérêt de la stratégie dite du «ganglion sentinelle», en cours
d’évaluation. «L’idée est d’identifier, à l’aide
d’un marqueur coloré ou radioactif, celui qui,
dans la chaîne de ganglions, est le premier à filtrer
la lymphe provenant du sein malade, d’y chercher
la présence de cellules cancéreuses et, en fonction
du résultat, de pratiquer ou non l’ablation de la
chaîne ganglionnaire.» Si cette technique est
validée, la durée d’hospitalisation et les effets
néfastes de l’ablation des ganglions (risque
d’œdème du bras notamment) pourront
être diminués pour de nombreuses femmes.
La radiothérapie en renfort
rradier le sein malade après l’ablation chirurgicale de la tumeur permet d’éliminer des cellules
Icancéreuses
résiduelles et fait passer le risque de
récidive locale à cinq ans de 30-35% à moins de
5%, annonce le Dr Pascale Romestaing, chef
du service de radiothérapie aux Hospices
civils de Lyon. La radiothérapie est donc systématiquement associée aux traitements conservateurs
et suit souvent les mastectomies.»
Les faisceaux de rayons X envoyés détruisent
sans discernement les cellules qu’ils rencontrent, qu’elles soient saines ou cancéreuses. C’est pourquoi des recherches ont
été menées afin d’optimiser les protocoles
et d’améliorer les appareils. Le rythme des
séances (5 fois par semaine pendant cinq à
six semaines) est étudié pour permettre le
repeuplement de l’espace irradié par les
cellules saines entre deux irradiations, mais
Circulation lymphatique : circulation de la lymphe
– liquide translucide intervenant dans l’immunité – au
sein d’un réseau constitué de vaisseaux lymphatiques
et de ganglions.
• Près de 11000
décès par an sont
dus au cancer
du sein, soit 40%
des décès féminins
prématurés
(avant 65 ans).
• 1 femme sur 10
est touchée par
le cancer du sein
au cours de sa vie.
Phanie/Alix
avec le vieillissement de la population et
l’élargissement du dépistage, l’augmentation de
l’incidence des cancers du sein observée.»
En France:
• Plus de 40000
nouveaux cancers
du sein en 2000,
dont près de
3 000 sont associés
à une prédisposition génétique.
La radiothérapie intervient après l’ablation chirurgicale de la tumeur de manière à diminuer au minimum le risque de récidive.
pas par celui, plus lent, des cellules cancéreuses. Le faisceau de rayons a été rendu
plus pénétrant, afin de générer moins de
réactions cutanées. La mesure des doses
d’irradiation a été affinée, afin de les ajuster
précisément à la zone à traiter. Enfin, la
«balistique» a été améliorée : «Grâce à un
repérage de type scanner, la visée est devenue plus
précise, et les toxicités liées à l’irradiation involontaire du cœur et des poumons sont aujourd’hui
négligeables.» Quelques effets secondaires
cutanés peuvent survenir (rougeurs, peau
«cartonnée»), mais un bon résultat esthétique
est obtenu chez plus de 80% des femmes
traitées. La curiethérapie est un complément
de la radiothérapie dans lequel la source
d’irradiation n’est plus externe mais interne,
sous forme de fils d’iridium radioactif placés
dans la cicatrice de l’ablation de la tumeur.
Cette technique est réservée à des cas particuliers avec des indications bien spécifiques.
Les alliés anti-hormonaux
e 60% à 70% des cancers du sein sont
sensibles aux hormones : leurs cellules
D
possèdent des récepteurs sur lesquels les
œstrogènes (hormones «féminines») peuvent se fixer et favoriser le développement
tumoral (voir aussi le schéma page 11).
Plusieurs stratégies ont donc été élaborées
pour réduire cette influence hormonale
néfaste et sont proposées en complément
de la chirurgie à toutes les patientes dont
l’analyse de la tumeur a montré qu’elle
contenait ces récepteurs.
«Il est tout d’abord possible de supprimer la fabrication des œstrogènes par les ovaires chez les
femmes non ménopausées, explique le Pr Pierre
Kerbrat, responsable du département d’oncologie médicale à la faculté de médecine
de Rennes. Ceci passait autrefois par l’ablation des ovaires et est maintenant obtenu par un
traitement chimique, aux effets transitoires et le
plus souvent réversibles.» Ensuite, la liaison de
l’hormone sur son récepteur peut être empêchée: c’est le mode d’action du tamoxifène,
le plus classique des traitements anti-hormonaux actuels, utilisé depuis vingt-cinq ans en
dépit de ses effets secondaires (entre autres,
légère augmentation du risque de cancer de
l’endomètre et bouffées de chaleur). Enfin, un
moyen de bloquer une autre source d’œstrogènes que la production ovarienne a été découvert récemment: «Au sein des tissus graisseux
et des glandes surrénales, des androgènes (hormones
“masculines” fabriquées en petite quantité chez
la femme) sont convertis en œstrogènes par
●●●
Endomètre: muqueuse qui tapisse la cavité de l’utérus.
• Près de 300000
femmes vivent avec
un cancer du sein.
• Environ 60% des
cancers du sein sont
soignés par traitement conservateur.
• Chez 75% des
femmes atteintes,
aucun facteur
de risque ne peut
être déterminé.
• 73% : c’est le taux
moyen de survie
à cinq ans après
diagnostic d’un
cancer du sein
(59% à dix ans).
• Une baisse de 30%
de la mortalité due
au cancer du sein
est attendue de
la généralisation de
la mammographie.
Sources: Prs Espié et
Bobin, www.sante.gouv.fr
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
13
D
O S S I E R
Les cancers du sein
Opinion
Dépistage systématique… et après?
●●●
L’avis du Dr Marc Espié, responsable du centre des maladies du sein
à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, et co-auteur avec André Gorins du livre
Le Sein, éditions Eska.
Les armes chimiothérapiques
nouvelle famille de médicaments anticancéreux a été isolée puis synthétisée : les
taxanes. Cette famille comprend le Taxol®
et le Taxotere®, deux molécules issues de
l’if (conifère). «Les résultats préliminaires
obtenus avec le Taxotere® sont encourageants, et
il est probable que cette molécule complétera
l’arsenal thérapeutique adjuvant d’ici un à
deux ans», annonce le Pr Kerbrat.
À l’instar des autres agents chimiothérapiques,
le Taxotere® agit en altérant les cellules qui se
divisent. C’est pour cela qu’il est très actif
sur les cellules cancéreuses, mais il génère
aussi quelques effets secondaires redoutés.
«La perte des cheveux, heureusement temporaire,
est difficile à contrôler, explique le Pr Kerbrat.
> Prédisposition génétique
De 5% à 10% des cancers du sein sont d’origine génétique :
des mutations dans des gènes cruciaux (BRCA1 et BRCA2 notamment 1)
transmises par les parents existent chez certaines femmes et favorisent
la cancérogenèse. Ces cancers surviennent souvent avant 45 ans,
mais leur pronostic est identique à celui des autres cancers du sein.
En cas d’antécédents familiaux, les femmes se voient proposer très
tôt une surveillance rapprochée qui pourra faire intervenir dans un
futur proche l’IRM (imagerie par résonance magnétique), une technique
plus sensible que la mammographie. Dans certains cas, les médecins
conseillent une ablation préventive des ovaires (ovariectomie)
car ces mutations particulières favorisent aussi les cancers de
l’ovaire et, plus rarement, une ablation des deux seins (mastectomie
bilatérale) préventive.
1
Voir également le Point de vue, page 26.
14 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
Phanie/Alix
u côté des chimiothérapies il y a aussi
du nouveau. Après les anthracyclines,
D
les alkylants et les antimétabolites, une
En chimiothérapie, la pose d’un cathéter central s’est généralisée.
En revanche, depuis les années 1990, des médicaments très efficaces contre les troubles digestifs
sont donnés systématiquement. Quant à la baisse
du taux de globules blancs, souvent sans conséquences, elle peut être désormais combattue à l’aide
de facteurs de croissance stimulant leur production.»
La qualité de vie des malades a aussi été
améliorée par la simplification des protocoles,
qui permet aux patientes d’être traitées en
hôpital de jour, et par la généralisation de
la pose d’un cathéter central relié à une
chambre implantable. Ce petit appareillage
implanté sous anesthésie locale sous la
peau, au-dessus de la poitrine, préserve les
veines de la toxicité des agents chimiothérapiques injectés et facilite les soins infirmiers.
Combiner les thérapies
hirurgie, radiothérapie, hormonothérapie,
chimiothérapie…, l’efficacité de la lutte
C
contre les cancers du sein tient aux progrès
effectués dans chacune de ces spécialités.
Mais elle tient aussi à la conjugaison de
différentes stratégies et à l’élaboration de
nouvelles armes : pour être combattues, les
cellules cancéreuses doivent être attaquées
– successivement ou dans le même temps –
sur plusieurs fronts. Grâce à la recherche,
l’éventail des traitements à la disposition
des cancérologues ne cesse de s’élargir. I
Traitement adjuvant : traitement complémentaire ou
secondaire. En l’occurrence, il est destiné à prévenir
les récidives locales ou à distance après la chirurgie.
Grâce au dépistage systématique des cancers du sein organisé dans le cadre
du plan cancer, toute la population féminine française de 50 à 74 ans va
progressivement être conviée à passer une mammographie gratuite tous les
deux ans. Par le biais de ces mesures, on espère réduire de 20% à 30% la
mortalité par cancer du sein des femmes de plus de 50 ans. Mais si des
moyens conséquents sont débloqués pour mener à bien ce dépistage,
«l’après-dépistage» est négligé, et c’est une grave erreur.
En effet, quand une mammographie s’avère suspecte, il reste une masse
imposante de travail à effectuer, coûteuse en termes de moyens matériels
et humains et aussi en temps. Tout d’abord, une biopsie nécessitant des
équipements spécifiques (mammotome, table à biopsie stéréotaxique…)
doit être effectuée, et il faut former des professionnels de santé à leur
manipulation. Une fois l’échantillon de tissu prélevé, il doit être analysé par
un spécialiste de la pathologie mammaire. Si la tumeur détectée le justifie,
un chirurgien, un radiothérapeute et/ou un chimiothérapeute habitués à la
pathologie mammaire devront intervenir. Une seconde analyse de
l’ensemble de la tumeur pourra être effectuée si nécessaire. Parallèlement,
les patientes angoissées devront pouvoir faire appel à un psychologue si
elles en éprouvent le besoin.
Avec la progression du dépistage systématique, on peut s’attendre, dans les
prochaines années, à un afflux considérable de patientes dans les services
de cancérologie. Or, actuellement, en France, nous manquons déjà
d’équipements et de professionnels de santé formés à la cancérologie
mammaire. Pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, il faut
aujourd’hui compter sur un délai de deux à six mois. Combien de temps les
patientes devront-elles attendre à l’avenir pour commencer un traitement ?
Comment allons-nous, tout simplement, pouvoir répondre à la demande ?
Les équipes n’ont pas été renforcées, ni en médecins, ni en infirmières. Un
gros contingent de cancérologues partira à la retraite dans cinq à dix ans.
Seront-ils remplacés ? Très peu de cancérologues sont formés actuellement,
conséquence du numerus clausus et du caractère ingrat de cette discipline :
la charge de travail, la rémunération relativement faible, la rareté des postes
dans les hôpitaux et le fait d’être confronté quotidiennement à la mort
découragent un grand nombre d’étudiants en médecine.
C’est dès maintenant, en prévision des conséquences du dépistage
systématique des cancers du sein et avant l’engorgement du système, qu’il
faut prendre des mesures énergiques, par exemple en mettant en place des
cliniques du sein comme il en existe déjà ailleurs en Europe.
«
DR
Le dépistage systématique est un élément de réponse au problème
de santé publique que représentent les cancers du sein. Mais établir
des diagnostics ne suffit pas. Qu’en est-il des mesures qui devraient être
mises en place pour assurer la prise en charge médicale des nombreuses
malades que ce dépistage va révéler ?
une enzyme : l’aromatase. Des inhibiteurs de
cette enzyme sont en fin d’évaluation en tant que
traitement adjuvant et devraient obtenir leur autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les
prochains mois. Ils supplanteront peut-être le
tamoxifène car ils semblent être au moins aussi
efficaces et entraîner moins d’effets secondaires.»
On peut
s’attendre
à un afflux
considérable
de patientes
dans les services
de cancérologie.
Comment
allons-nous,
pouvoir
répondre à
la demande ?»
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
15
D
O S S I E R
Recherches
Avec le concours du Pr Michel Marty, directeur de la recherche thérapeutique à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif),
et du Dr François Bertucci, oncologue médical et moléculaire à l’Institut Paoli-Calmettes (Marseille).
> Virus et cancer,
des recherches
soutenues
par la FRM
L
a plupart
des traitements
anticancéreux
actuels agissent de
manière plus ou moins
indistincte sur différents
types de cellules tumorales mais aussi sur des
cellules saines.
Éliminer les cellules
malignes
Un meilleur rapport
efficacité/tolérance du
traitement serait obtenu
s’il était possible de
supprimer spécifiquement
les cellules malignes. Ceci
implique d’identifier des
anomalies biologiques et
moléculaires responsables
de la prolifération tumo-
rale et de trouver un
moyen de les exploiter
pour le traitement.
Grâce aux avancées de la
biologie, de nombreuses
pistes de traitements
ciblés émergent.
«Les cellules tumorales
ont besoin de différents
facteurs de croissance pour
se multiplier, explique
le Pr Michel Marty,
directeur de la recherche
thérapeutique à l’Institut
Gustave-Roussy, à
Villejuif. Des traitements
anti-hormonaux existent
déjà et visent à empêcher
l’action des œstrogènes,
qui peuvent être considérés
comme des facteurs
de croissance vis-à-vis
Inserm/M. Depardieu
Pour devenir cancéreuse, une cellule
peut emprunter
de très nombreuses
voies. Deux objectifs
pour la recherche:
définir ces voies et
trouver comment les
bloquer; concevoir
l’outil qui permettra
d’identifier les voies
empruntées par
chaque tumeur, afin
de donner à chaque
patiente le traitement
approprié.
Le séquençage de l’ADN des cellules cancéreuses permet d’identifier
les anomalies impliquées dans la prolifération tumorale.
16 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
de certains cancers du sein.
Mais, à titre d’exemple,
20% des tumeurs mammaires sont capables de
tirer profit d’autres facteurs
de croissance – les facteurs
de croissance épithéliale
(EGF) –, en exprimant
à leur surface un grand
nombre de récepteurs.»
Un anticorps spécifique,
l’herceptine, a été élaboré
pour bloquer spécifiquement ces récepteurs.
Son activité (bloquer
la stimulation de la
croissance des cellules
cancéreuses) est prouvée
dans le traitement
de cancers en phase
de métastases et il est
en cours d’étude en
traitement complémentaire de la chirurgie.
«Ensuite, pour que la liaison
d’un facteur de croissance
sur son récepteur aboutisse
à la multiplication effective
de la cellule, un signal
doit être transmis par de
nombreux intermédiaires :
ils constituent encore autant
de cibles potentielles à
étudier.» Des médicaments
ciblés – efficaces, à faible
toxicité mais à spectre
d’action réduit – existent
déjà et pourraient
donc venir enrichir
la pharmacopée d’ici
deux à cinq ans.
ISM/Gopal Murti/Phototake
Cibler les traitements
anticancéreux
Le virus d’Epstein-Barr a été détecté dans la moitié des cancers du sein.
L’apport des puces
à ADN
Le fait qu’un traitement
ne soit actif d’emblée
que dans un cas sur cinq
s’explique par la difficulté
actuelle à connaître à
l’avance le type précis
de tumeur auquel on a
affaire. Tout l’enjeu
de l’étude génomique
des cancers est justement
de pouvoir prédire
quelles personnes seront
sensibles à tel ou tel
traitement, afin de leur
donner les meilleures
chances de guérison.
À ce jour, seuls quelques
paramètres, comme
l’envahissement des
ganglions de l’aisselle et
la présence de récepteurs
hormonaux, sont utilisés
pour prédire l’évolution
d’un cancer du sein après
l’ablation chirurgicale
de la tumeur et choisir
la thérapeutique. Or,
l’agressivité d’une cellule
cancéreuse et sa sensibilité à un traitement
sont déterminées, pour
tout ou partie, par une
combinaison de plusieurs
de ses gènes. Comment
décrypter rapidement
les caractéristiques
génétiques clés d’une
tumeur ? «À l’aide des
puces à ADN, répond
le Dr François Bertucci,
oncologue médical
et moléculaire à l’Institut
Paoli-Calmettes, à
Marseille. Il s’agit de petits
supports solides d’une surface
de quelques cm2 sur lesquels
sont immobilisés, de façon
ordonnée, des centaines ou
des milliers de gènes dont
on souhaite mesurer l’activité
dans un échantillon biologique complexe tel qu’un
extrait de cellules tumorales.»
Pour l’instant, grâce
aux puces à ADN,
un ensemble de 70 gènes,
paraissant prédictif de
l’agressivité de la tumeur,
a été identifié. Une étude
est en cours pour voir si,
en se fiant à ces 70 gènes,
on peut distinguer les
femmes qui ont besoin
d’une chimiothérapie
adjuvante après l’ablation
de leur tumeur du sein
de celles qui peuvent
s’en passer. «De notre côté,
nous avons défini un “jeu”
de 40 gènes qui semble être
prédictif de l’efficacité d’une
chimiothérapie. S’il est validé,
il permettra à des patientes
de ne pas subir en vain
un traitement aussi pénible
que coûteux et de se voir
proposer plus rapidement
un autre traitement.» Dans
l’avenir, les traitements
anticancéreux seront
donc de plus en plus
personnalisés, adaptés
aux caractéristiques
intrinsèques, moléculaires,
des tumeurs.
Certains virus
pourraient
jouer un rôle
dans la
formation des tumeurs.
C’est peut-être le cas
du virus d’Epstein-Barr
(EBV), de la famille
des virus de type herpès,
dont la présence a été
détectée dans 50% des
cancers du sein et plus
fréquemment dans ceux
de mauvais pronostic.
Pour confirmer
cette supposition, il est
nécessaire de mieux
connaître ce virus
et de découvrir, par
exemple, les raisons
de sa persistance dans
certaines cellules et
pas dans d’autres :
ces recherches ont été
initiées dans le laboratoire
du Pr Fabien Calvo,
à l’Institut de génétique
moléculaire de l’hôpital
Saint-Louis, à Paris, grâce
au soutien de la FRM.
Au cours de ces trois
dernières années,
la Fondation a ainsi
financé 7 programmes
de recherche sur
l’implication de virus
dans les mécanismes de
cancérogenèse, et ceci à
hauteur de 147 300 euros.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
17
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D
18/12/03
11:45
Page 18
O S S I E R
Adresses utiles
VIE QUOTIDIENNE
• Europa Donna
14, rue Corvisart
75013 Paris
Tél.: 0144300766
www.europadonna.org
Avec la collaboration de Nicole Alby, présidente de l’association Europa Donna,
et du Dr Jean Masson, chirurgien plasticien à l’hôpital Saint-Louis (Paris).
Panser ses blessures pour re trouver le sourire
• Vivre comme avant
14, rue Corvisart
75013 Paris
Tél.: 0153552526
Les cancers du sein et leurs remèdes meurtrissent les corps et les esprits.
La prise en charge de cette pathologie ne s’arrête donc pas à l’élimination
des cellules tumorales, elle vise également à restaurer, autant que possible,
l’intégrité physique et morale de la patiente. Des structures et des moyens
existent pour lui permettre de retrouver sa silhouette après une amputation,
de cacher des stigmates et de renouer le fil de sa vie.
• Dépistage organisé
du cancer du sein
Le site web officiel
www.rendezvoussante
plus.net
ESTHÉTISME
Des aides temporaires
P
Phanie/Burger
endant les quelques mois qui, souvent, séparent l’ablation du sein
de la chirurgie mammaire réparatrice, une prothèse externe en silicone,
placée dans le soutien-gorge, restaure la silhouette. Quant à la perte temporaire
des cheveux provoquée par certaines chimiothérapies, elle peut être discrètement
et efficacement dissimulée par une perruque, dont l’achat est remboursé en partie
par la Sécurité sociale. La chute des cheveux est en effet rarement contrecarrée
par le port d’un casque réfrigérant, très difficile à supporter. Pour minorer cette
chute, il est recommandé d’éviter les colorations et d’adopter une coupe courte.
GARDER LE MORAL
APRÈS LA MASTECTOMIE
La prise en charge psychologique
Reconstruire le sein
L
BSIP/Villareal
Phanie/Demri/Sellem/Joubert
L
a chirurgie réparatrice restitue aux femmes
la part de féminité qu’elles ont perdue
avec l’ablation de l’un ou de leurs deux seins.
Elle fait donc partie intégrante du traitement
des cancers du sein et est, à ce titre, prise
en charge par la Sécurité sociale. Une prothèse
remplie de gel de silicone est en général utilisée
et positionnée derrière le muscle pectoral.
Dans 20% des cas, lorsque la peau thoracique
a été abîmée par la radiothérapie, une greffe
peut être pratiquée. Devant le résultat
esthétique obtenu et le bénéfice psychologique
qui en découle, les douleurs occasionnées par
les prothèses sont généralement bien acceptées.
Les prothèses en silicone, parfaitement tolérées
dans plus de 90% des cas, doivent être changées
tous les quinze ans.
18 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
e mot cancer est encore synonyme de mort
et de souffrance; s’agissant du sein, il constitue
en plus une atteinte à la féminité et à la sexualité.
Le retentissement psychologique de cette maladie
en est d’autant plus fort. À l’annonce du diagnostic,
la femme perd le sentiment d’invulnérabilité
dont nous avons tous besoin. Une période difficile
commence avec l’arrêt des traitements, quand
la patiente sait qu’elle est «en rémission», non
«guérie», et qu’elle entame le suivi, lequel peut
être vécu comme un encadrement rassurant ou,
au contraire, comme la preuve de la persistance
d’une menace. Un psychologue peut alors l’aider à
assumer son traumatisme et à rétablir la continuité
psychique entre l’avant et l’après-cancer. Le nombre
de services hospitaliers dotés d’une équipe de
professionnels de la prise en charge psychologique
va croissant, même s’il est encore trop faible.
• Écoute cancer
Service d’écoute,
d’information
et d’orientation
des personnes
confrontées au cancer.
0810 810821
(numéro azur)
Du lundi au vendredi,
de 9 h à 17 h.
• Accueils cancer
de la ville de Paris
Lieux d’accueil, ouverts
du lundi au vendredi de
9 h à 18 h et une fois par
semaine de 9 h à 20 h.
Renseignements
auprès des mairies
d’arrondissement de
Paris ou www.paris.fr
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
19
EN
ACTION
Vos dons jouent un rôle capital dans l’avancement
des travaux de recherche médicale. Explorer de nouvelles
pistes de recherche, multiplier les échanges entre
les disciplines et les chercheurs, déceler plus précocement
certaines pathologies graves pour mettre en place plus rapidement
les traitements, découvrir la meilleure prise en charge diagnostique
puis thérapeutique…, tels sont les principaux objectifs que s’est fixés
la Fondation Recherche Médicale en multipliant ses programmes.
Cette rubrique «Vos dons en action» présente quelques exemples
des 700 projets que vous soutenez chaque année à travers la Fondation.
Alzheimer: repérer les déficits
d’attention au plus tôt
NEUROLOGIE
BSIP/Mendil
cérébrales reste l’espoir le plus
solide. Or, un traitement sera
d’autant plus efficace qu’on
saura repérer très tôt la maladie.
1500 personnes de plus de 65 ans ont été
recrutées pour l’étude menée par Hélène Amieva.
L
a maladie d’Alzheimer
frappe aujourd’hui 6%
des plus de 65 ans, et on
estime qu’elle va progresser de
25% d’ici 2010. Les médicaments
actuels retardent la maladie,
mais un vaccin thérapeutique
capable de résorber les lésions
Déficits de l’attention :
premier signe d’Alzheimer
«À côté des déficits de la mémoire,
ceux de l’attention sont tout aussi
précoces et doivent être pris en
compte», explique Hélène Amieva,
qui, grâce à l’aide de la Fondation
Recherche Médicale, intègre
le CNRS comme chargée de
recherche. Son but : évaluer la
place des troubles de l’inhibition
dans les déficits attentionnels.
«Planifier une tâche demande
au cerveau de bloquer l’arrivée
de nombreuses informations pour
ne traiter que les plus pertinentes,
c’est-à-dire celles qui sont nécessaires
pour cette action. Des tests montrent
que ce processus de sélection, appelé
inhibition, devient moins efficace très
tôt dans la maladie : le sujet est pris
dans un brouhaha d’informations
qui parasitent sa pensée et contribuent
aux déficits d’attention.» L’objectif
20 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
est donc d’arriver à définir un
véritable profil de ces déficits
annonçant l’entrée dans
la maladie. «Nous avons recruté
1 500 personnes de plus de 65 ans,
non malades, que nous allons
suivre durant plusieurs années.
Certaines développeront une maladie
d’Alzheimer, et comme toutes
auront été suivies par des tests
réguliers, nous pourrons connaître la
chronologie d’apparition des troubles
de la mémoire ou de l’attention.
Par ailleurs, l’étude en imagerie
fonctionnelle du fonctionnement
cérébral des personnes atteintes par
cette maladie permettra d’identifier
plus tôt les anomalies associées
à ces troubles précoces de l’attention.
Nous espérons ainsi pouvoir
maximiser l’efficacité des traitements
dans l’avenir.» ■
Les travaux d’Hélène Amieva
ont été financés grâce à un partenariat
entre Réunica Prévoyance
et la Fondation Recherche Médicale
à hauteur de 18300 euros.
Élaborer de nouvelles
stratégies thérapeutiques
OSTÉOPOROSE
L
’ostéoporose est une
maladie fréquente qui
conduit à une fragilité
des os et à une augmentation
du risque de fracture. Une prise
en charge médicale est
indispensable pour réduire ces
risques dont les conséquences
s’aggravent avec l’âge. Les
traitements actuels sont d’une
efficacité réduite (moins de 50%
de diminution des fractures)
et des effets secondaires limitent
leur prescription (voir Échos
scientifiques, p. 7). Dans ce
contexte, trouver de nouveaux
traitements apparaît essentiel…
Une protéine qui inhibe
la résorption osseuse
C’est précisément l’objectif du
projet de recherche, soutenu
par la Fondation Recherche
Médicale, que mène Valérie
Geoffroy au sein du centre ViggoPetersen de l’hôpital Lariboisière,
dirigé par Marie-Christine de
Vernejoul. «Ma stratégie est fondée
sur la détermination in vivo des
mécanismes permettant d’obtenir
une balance positive du remodelage
osseux», explique Valérie Geoffroy.
L’os, tissu dynamique, est
continuellement détruit
et reformé par les cellules qui
le composent (ostéoclastes et
ostéoblastes). Un déséquilibre
entre ces deux mécanismes de
résorption/formation (balance
négative) entraîne la diminution
de la masse osseuse, à l’origine
de l’ostéoporose.
Valérie Geoffroy étudie des souris
atteintes d’ostéoporose et qui
servent de modèle à l’étude de
cette maladie. «Elles seront utilisées
DR
DONS
Valérie Geoffroy et son étudiant, en haut.
Coupes de vertèbres caudales montrant
la perte de la masse osseuse survenue
chez la souris atteinte d’ostéoporose (O)
et non chez la souris normale (N), ci-contre.
pour évaluer le potentiel thérapeutique
de molécules», résume-t-elle.
Parmi ces molécules, l’OPG, une
protéine sécrétée par les ostéoblastes, est connue pour inhiber
la résorption osseuse en bloquant
la formation des ostéoclastes.
Les premiers essais menés
sur la souris ont même montré
une réversion de l’ostéoporose.
Autre molécule, la PTH, ou
parathormone, produite par les
glandes parathyroïdiennes lorsque
le taux de calcium est diminué,
est plus ambivalente, augmentant
la résorption de l’os ou bien
sa formation selon les doses
et le mode d’administration.
«Il s’agit aussi de mettre en évidence
de nouveaux gènes impliqués dans
la dégradation osseuse», poursuit
Valérie Geoffroy. En effet, plusieurs
gènes contrôlent ou modulent
la sécrétion par les ostéoblastes
de facteurs impliqués dans la
4 mois
16 mois
DR
VOS
N
O
résorption osseuse. La comparaison
des gènes actifs dans diverses
populations de souris (normales
ou malades, traitées avec de fortes
ou de faibles doses de PTH…)
devrait permettre de mieux
comprendre les mécanismes
de l’ostéoporose, et surtout
d’envisager d’autres possibilités
thérapeutiques. ■
Ostéoclastes : cellules responsables de la
destruction du tissu osseux vieilli (résorption).
Ostéoblastes : cellules responsables de
la formation de l’os. Sous contrôle hormonal,
elles fabriquent sa «trame protéique».
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
21
L
e virus de l’hépatite C
(VHC) est un ennemi
d’autant plus dangereux
qu’il avance masqué. Parmi les
personnes infectées, huit sur dix
vont développer sans s’en apercevoir une hépatite chronique.
Une fois sur cinq, celle-ci
évoluera en quinze à vingt ans
– toujours silencieusement –
vers une cirrhose, qui, à son
tour, dégénérera dans 10% à
15% des cas en cancer du foie.
L’hépatite C : un enjeu
de santé publique
Il n’existe à ce jour aucun vaccin,
aucun traitement spécifique
contre cette maladie qui frappe
600 000 personnes en France.
Seule l’association de deux
médicaments, l’interféron
et la ribavirine, est réellement
efficace chez certains malades,
au prix d’effets secondaires
importants.
L’hépatite C constitue donc
un enjeu de santé publique
considérable. Pourtant, les
progrès thérapeutiques restent
assez lents. Comme tout virus,
le VHC doit se reproduire pour
survivre, et il ne peut le faire
seul. Il doit pour cela détourner
à son profit la machinerie
biologique de la cellule qu’il
infecte. C’est par ce point
faible (la reproduction) que les
chercheurs veulent attaquer le
virus. Mais cela suppose de bien
en connaître les mécanismes.
Or, «contrairement aux autres
virus, le VHC résiste à toute
tentative de culture en laboratoire.
C’est un obstacle considérable
car nous avons besoin de virus
en grande quantité pour étudier
son mode de reproduction, étape
indispensable à la conception
de nouveaux médicaments.
Cette situation nous oblige à créer
d’abord des modèles artificiels,
22 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
L
a prévention des maladies
par l’alimentation est
une voie prometteuse
de la recherche en nutrition.
À côté de vastes études
épidémiologiques, qui évaluent
le rôle protecteur des aliments,
certaines recherches plus
fondamentales plongent
au cœur même des cellules…
Polyphénols: l’atout cœur ?
Les polyphénols sont des
antioxydants puissants, contenus
à hautes doses dans le thé,
les légumes, les pommes,
les agrumes, les fruits rouges,
le vin ou le chocolat. Leur
consommation modifie-t-elle
le risque de maladie cardiovasculaire ? Pour le savoir,
une étude épidémiologique
a été entreprise avec le soutien
de la Fondation Recherche
Médicale. «Chez nous, des études
préliminaires avaient notamment
permis de montrer un effet protecteur
potentiel chez les femmes», rappelle
Louise Mennen, de l’Institut
scientifique et technique
de la nutrition (Cnam, Paris).
Son laboratoire a évalué par
Équipe accueillie par l’unité Inserm U.544
à la faculté de médecine de Strasbourg.
1
L’équipe de
recherche de
Catherine
Schuster a bénéficié du soutien de la
Fondation BNP Paribas (15 245 euros
par an durant trois ans) dans le cadre
d’un programme de jumelage avec
la Fondation Recherche Médicale
(45 000 euros à l’installation).
DR
DR
DR
Catherine Schuster et son équipe étudient la reproduction du virus pour mieux la bloquer.
simplifiés de la multiplication
du virus dans la cellule pour
pouvoir l’étudier», explique
le Dr Catherine Schuster, qui,
avec l’aide de la Fondation
Recherche Médicale, installe
une nouvelle équipe
de recherche à Strasbourg1.
Grâce à de tels modèles,
les différents gènes impliqués
dans la reproduction du virus
ont été identifiés. Mais le mode
d’action des protéines mises
en jeu dans ce mécanisme reste
encore à décrypter. Or, «cette
étape est indispensable à la mise
au point d’inhibiteurs, c’est-à-dire
d’agents chimiques capables
de bloquer l’action de ces protéines
et donc d’empêcher le virus de
se reproduire. Certains de ces futurs
médicaments sont d’ailleurs
déjà en cours d’essai chez l’homme.
Notre objectif est donc d’étudier
les interactions entre protéines
essentielles pour la multiplication
virale, car elles sont autant de cibles
potentielles pour ces inhibiteurs»,
explique Catherine Schuster,
qui parachève la mise au point
de son propre modèle. Ce modèle
permettra également de tester
l’efficacité de ces futurs
médicaments contre le virus. ■
Deux études sur le rôle
protecteur des aliments
NUTRITION
Louise Mennen a collaboré à l’étude SU.VI.MAX.
questionnaire la consommation
moyenne journalière en
polyphénols de 1 159 sujets
habitant dans la région parisienne
et âgés de plus de 50 ans, recrutés
parmi les 12 735 participants
de l’étude SU.VI.MAX (voir
Recherche & Santé n° 95).
Parallèlement, un programme
de suivi médical a été mis en
place pour identifier les maladies
cardio-vasculaires chez les
participants, avec, en particulier,
des examens cardiologiques
(dont une échographie de
l’artère carotide, qui permet
de détecter la présence éventuelle
de plaques d’athérome).
«Le suivi médical a permis de déceler
un problème cardio-vasculaire
chez 725 personnes parmi tous
les participants de SU.VI.MAX»,
précise Louise Mennen.
L’analyse statistique en cours
devrait permettre de conclure
prochainement si les polyphénols
protègent ou non contre
les maladies cardio-vasculaires.
La prévention des cancers
vue sous un nouvel angle
Il est maintenant établi que
les cellules cancéreuses sont
des cellules qui ont «échappé»
au mécanisme physiologique
qui régule habituellement
leur prolifération en limitant leur
durée de vie grâce au mécanisme
de l’apoptose, une mort
cellulaire naturelle programmée.
«L’étude de la régulation du
processus d’apoptose peut permettre
de rendre compte de certaines
relations entre aliments et cancer,
des molécules activatrices d’apoptose,
donc protégeant du cancer, pouvant
se trouver dans l’alimentation»,
DR
Le virus de l’hépatite C
bientôt plus facile à démasquer ?
MALADIES INFECTIEUSES
Les agrumes contiennent des polyphénols qui
protégeraient des maladies cardio-vasculaires.
rappelle Jean Menanteau,
du département de recherche
en cancérologie de l’Inserm,
à Nantes. Son équipe, animée
par François Vallette, accueille
depuis un an Lisenn Lalier,
jeune chercheuse soutenue
par la Fondation Recherche
Médicale, qui étudie le rôle des
prostaglandines. Rappelons que
ces molécules sont produites par
l’organisme à partir d’acides gras
fournis en partie par les graisses
alimentaires. Lisenn Lalier
a démontré sur des cellules
cancéreuses humaines que
certaines de ces prostaglandines,
comme PGE2, préviennent
les proliférations cellulaires
anarchiques caractéristiques des
tumeurs en coopérant avec une
protéine activatrice d’apoptose.
Cette découverte offre un
nouvel angle d’étude pour
les recherches en prévention
des cancers par la nutrition. ■
Antioxydant : substance protégeant la cellule
des effets néfastes de l’oxygène (oxydation).
SU.VI.MAX : SUpplémentation en VItamines
et Minéraux Anti-oXydants.
Plaques d’athérome: amas fibreux et graisseux
rigidifiant la paroi des artères et diminuant
leur diamètre.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
23
DONS
EN
ACTION
Enjeux: maladies cardio-vasculaires
> Bloquer les processus
initiaux de
l’athérosclérose
Si d’importants
progrès ont permis,
grâce à la recherche,
de faire reculer
les maladies cardiovasculaires, celles-ci
restent tout de même
la première cause de
mortalité en France.
C’est pourquoi
la Fondation
Recherche Médicale
en a fait l’un de ses
axes prioritaires.
e la prévention
de l’athérosclérose
à la réparation des
dommages lors d’un infarctus,
la Fondation Recherche
Médicale couvre l’ensemble
des voies de recherche les plus
prometteuses dans le domaine
des maladies cardio-vasculaires.
Elle y consacre d’ailleurs
près du quart de son budget.
Une meilleure prévention et
des avancées chirurgicales
La cardiologie est aujourd’hui
l’une des disciplines qui ont
marqué les plus belles victoires
de la médecine moderne. En effet,
l’espérance de vie des personnes
souffrant d’une maladie
cardio-vasculaire a augmenté
de vingt ans en cinquante ans.
Évidemment, les raisons
de ce succès sont multiples
et complexes. Une meilleure
prévention, de prodigieuses
avancées en chirurgie – avec, par
exemple, la pose quasi routinière
de stents – y ont largement
contribué. Mais c’est surtout
l’arrivée de nouveaux traitements
ciblant deux facteurs de risque
clés, à savoir le cholestérol en
excès et une pression artérielle
trop élevée, qui a véritablement
fait reculer l’ensemble
des maladies du cœur et des
vaisseaux. Les statines, nouvelle
classe médicamenteuse anticholestérol (hypocholestérolémiante), apparues voilà quinze
à vingt ans, ont ainsi joué un
rôle capital dans la régression
des accidents coronariens.
Mais, en dépit de ces progrès
remarquables, les maladies
DR
> Réduire les dommages sur le cœur lors d’un infarctus
Lorsqu’un caillot de sang
bouche de manière durable
une artère coronaire,
les cellules du cœur
sont privées d’oxygène. Dès lors,
en quelques heures, voire quelques
minutes, et malgré la mise en place
de techniques de reperfusion,
des lésions irréversibles atteignent
le muscle cardiaque: c’est l’infarctus.
Comment minimiser ces dommages?
Pour le patient, il s’agit d’augmenter
les chances de survie mais aussi
de pouvoir retrouver une vie la plus
normale possible après l’infarctus.
24 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
Pionniers, le Pr Alain Berdeaux (photo
ci-contre) et son équipe (Kremlin-Bicêtre,
Inserm EO1) travaillent sur une piste
qui pourrait déboucher sur de futurs
médicaments cardio-protecteurs:
«On savait que les cellules cardiaques
meurent par un mécanisme dit
d’apoptose, ou mort autoprogrammée.
Or, nous avons montré in vitro qu’il est
possible de bloquer ce phénomène
en agissant sur des canaux chlore
dans les cellules.» Reste à confirmer
ces données in vivo. C’est ce à quoi
s’emploie activement Maud Laporte,
jeune médecin soutenu par la FRM.
Aujourd’hui, les statines,
médicaments anticholestérol de référence,
exercent un effet préventif
efficace contre les maladies cardiovasculaires. Le fait moins connu
jusqu’ici est qu’elles auraient aussi
une action anti-inflammatoire,
au niveau de la paroi vasculaire,
susceptible de freiner la progression
de l’athérosclérose, indépendamment
de leur action sur le taux de cholestérol.
Soutenu par la Fondation Recherche
Médicale, Denis Bernot (photo
ci-dessous), qui réalise sa thèse
de doctorat dans l’équipe de Gilles
Nalbone (Inserm E9936, faculté
de médecine, Marseille), a en effet
montré récemment, in vitro, que
les statines réduisent l’adhésion des
monocytes, cellules de l’inflammation,
sur les parois des vaisseaux. Résultat
clé car «on sait que les monocytes,
qui favorisent l’accumulation
des lipides dans la paroi des artères,
sont impliqués dans les mécanismes
initiaux de la formation de la plaque
athéromateuse et, donc, dans
la genèse des maladies cardiovasculaires», explique le Dr Nalbone.
CNRI
La FRM au cœur de la recherche
D
La thrombose artérielle provoque plus de 600000 décès par an.
cardio-vasculaires demeurent
le premier fléau des sociétés
occidentales, tuant chaque
année des milliers de personnes
dans le monde, dont près
de 180 000 en France.
De nombreuses pistes de
recherche restent à explorer
Si les armes thérapeutiques
se multiplient, les maladies
(infarctus du myocarde, arythmie,
accident vasculaire cérébral,
insuffisance cardiaque, etc.), elles
aussi, ne cessent de progresser
avec l’allongement de l’espérance
de vie. Il faut savoir qu’avec les
années les parois de nos artères
s’altèrent, gênant la circulation
sanguine, et notre cœur finit
par se fatiguer. Il en résulte des
pathologies plus ou moins graves,
tels l’infarctus du myocarde
ou l’hypertrophie ventriculaire,
qui peuvent évoluer vers
une insuffisance cardiaque,
affection qui frappe aujourd’hui
500 000 à 600 000 personnes.
De nombreuses pistes de recherche
restent donc à explorer pour
préserver ou réparer les vaisseaux.
Ainsi, le rôle des statines dans
la prévention de la formation de
plaques d’athérome (encadré cicontre) est actuellement à l’étude,
de même que la possibilité de
réparer les vaisseaux altérés par
la thérapie cellulaire ou génique
(voir R & S n° 93), ou encore
la réduction des dommages
produits sur le cœur par l’infarctus
(encadré p. 24). Consciente
du nombre de vies en jeu,
la Fondation se veut au cœur
de la recherche, soutenant
les voies les plus prometteuses
dans ce domaine, de l’étude
des mécanismes initiaux impliqués
dans la formation des plaques
d’athérome à la réparation
des dommages lors d’un infarctus
du myocarde. ■
Athérosclérose: maladie dégénérative des
artères, secondaire aux plaques d’athérome.
Stents: petits cylindres placés dans les artères
pour les maintenir dilatées.
Plaques d’athérome: amas fibreux et
graisseux rigidifiant la paroi des artères
et diminuant leur diamètre.
DR
VOS
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
25
POINT
DE VUE
procédé inventé. Ayant construit une véritable «usine» à tests à Salt Lake City, Myriad
Genetics entend y réaliser les tests pour le
monde entier. Or une offre de tests génétiques s’est mise en place en Europe depuis
la découverte des gènes de prédisposition
aux cancers du sein, BRCA1 et BRCA2 (de
l’anglais Breast cancer), et se poursuit à ce
jour. Des laboratoires hospitaliers ont développé leurs propres méthodes, d’abord à des
fins de recherche, puis dans le cadre de
consultations, pour offrir une information
médicale aux patients. En cas de maintien
des brevets européens, le refus de Myriad
Genetics d’accorder des licences imposerait
l’envoi des échantillons d’ADN des
patientes aux Etats-Unis et soulèverait des
problèmes de confidentialité des données.
Frédérique Bertrand
DR
Les brevets sur les gènes et
sur leurs applications
médicales soulèvent des
problèmes de coût et
d’accessibilité aux soins qui
peuvent constituer un frein à
la recherche et à l’innovation.
Ces enjeux ont été mis en
lumière par la polémique au
sujet des gènes de prédisposition
au cancer du sein, dont
la société américaine Myriad
Genetics revendique
le monopole mondial.
Peut-on breveter
le vivant ?
Entretien avec MAURICE CASSIER, SOCIOLOGUE AU CNRS (VILLEJUIF)
D
epuis 1998, la société Myriad
Genetics détient des brevets
américains qui lui confèrent
le contrôle de l’offre de tests
génétiques permettant de
dépister la prédisposition au cancer du sein
aux États-Unis. En 2001, elle a obtenu des
brevets européens l’autorisant à faire
valoir ses droits dans les pays de l’Union.
Des procédures d’opposition, actuellement
en cours, ont été engagées auprès de
l’Office européen des brevets à l’initiative
des acteurs de la santé 1, qui n’acceptent
pas que la mise au point et l’offre de tests
soient limitées par des brevets. Il est certes
légitime que l’inventeur d’un test puisse se
l’approprier et valoriser ainsi son invention. Il faut d’ailleurs signaler que, sur le
plan économique, la stratégie adoptée par
un vrai problème de santé publique à laisser
entre les mains d’une seule société une
technique médicale, surtout si celle-ci n’est
pas totalement satisfaisante.
À terme, les brevets sur les gènes peuvent
s’avérer coûteux pour l’innovation et la
recherche, rendues bien plus difficiles si
tout le matériel de recherche devient privé.
Il n’existe qu’un seul génome, indépendamment de l’action de l’homme… Si des
brevets sur des inventions mécaniques
n’empêchent pas des perfectionnements ultérieurs, la propriété
sur les gènes ne peut être
contournée, et cela peut freiner
les programmes de recherche. Le
patrimoine génétique devrait
donc rester à la disposition de tout
Myriad Genetics constitue un modèle intéressant pour les sociétés de biotechnologie:
en effet, les applications diagnostiques permettent un retour sur investissement relativement rapide. Mais la question posée ici
est celle de l’étendue des brevets octroyés qui
conduisent à l’émergence d’un monopole
dans le domaine de la santé, à l’échelle
mondiale, en plus des questions spécifiques liées à l’appropriation exclusive d’un
matériel biologique d’origine humaine.
Un monopole coûteux pour les patients
Certains de ces brevets couvrent le gène
en tant que nouvelle substance utile, mais
aussi toutes les applications de cette substance. D’autres portent sur le principe
même des applications diagnostiques,
quels que soient la technique utilisée et le
26 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
Seuls des procédés d’application ou
d’utilisation des gènes devraient être brevetés
Dans cette hypothèse, l’une des conséquences serait une augmentation du coût
du diagnostic, le prix du test étant très
élevé, en partie à cause de la technique
choisie, en partie du fait du monopole
conféré par le brevet. La firme américaine
justifie ses revendications par la fiabilité
de son procédé, censé être le meilleur.
Mais, en 2001, l’Institut Curie a détecté
une mutation dans l’ADN d’une malade
américaine que la méthode de Myriad
Genetics n’avait pas permis de déceler…
Laisser les gènes en libre accès
Plusieurs types d’enjeux des brevets sur
les gènes sont mis en lumière par «l’affaire
Myriad». Un premier enjeu concerne
l’accessibilité des produits de santé qui en
dérivent. Au Canada, le gouvernement de
l’Ontario a souligné que la multiplication
de produits de santé couverts par ce type
de brevet poserait des problèmes de financement au système de santé. On imagine les
conséquences dès lors qu’il s’agirait d’applications d’utilité médicale majeure… Ce
type de brevet renforce aussi les inégalités
Nord-Sud : actuellement, l’essentiel des
gènes humains connus et la quasi-totalité
des brevets sont propriété d’une quinzaine
de sociétés des pays du Nord. Enfin, il y a
le monde et ne pas faire l’objet de
droits exclusifs. Seuls des procédés
d’application ou d’utilisation des
gènes seraient brevetables afin de
stimuler les inventions médicales.
Selon la directive européenne de
juillet 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques, la séquence d’un gène
peut constituer une invention
brevetable dès lors qu’il est isolé
du corps humain. Une position
contestée en France : on ne peut
pas connaître un gène sans l’isoler
et, puisque le gène préexiste, il
est difficile de soutenir que sa
découverte constitue une invention. La loi de bioéthique de 1994
précise par ailleurs que le corps
humain et ses éléments ne sont
pas appropriables, un principe non
compatible avec la brevetabilité.
Une nouvelle loi de bioéthique
est en discussion mais la directive
européenne n’est toujours pas,
à ce jour, transposée dans la
législation française. ■
1
En France, l’Institut Curie, l’Assistance
publique–Hôpitaux de Paris et l’Institut
Gustave-Roussy.
Maurice Cassier,
sociologue au
CNRS, travaille
au Centre
de recherche
médecine,
sciences, santé
et société. Ses
travaux portent
sur les relations
entre la science,
l’industrie et la
santé, aujourd’hui
et au XIXe siècle. Il
poursuit des travaux
sur les brevets de
gènes humains et
de tests génétiques,
sur l’expérience
brésilienne de copie
des médicaments
anti-sida et sur les
relations entre les
brevets, l’innovation
et la santé publique
depuis le XIXe siècle.
Il vient de publier
Brevetabilité du
vivant et du génome
humain, Regards
sur l’Actualité,
n° 291, mai 2003,
La Documentation
française.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
27
LA
F O N D AT I O N
À L’ É C O U T E
Anne Roumanoff, une marraine très engagée
Vous faire découvrir nos actions d’information, nos partenaires
presse et entreprise, partager l’enthousiasme des bénévoles
des comités régionaux pour réunir donateurs et chercheurs
autour et en faveur de la FRM. Être ensemble pour mieux encourager
la recherche et mieux se connaître. Tels sont les objectifs de cette
rubrique, qui, chaque trimestre, nous réunit. Rejoignez-nous…
Matthieu Bichat
«Quelle est la part des gènes dans le cancer ?», «Quels sont les premiers
symptômes de la maladie d’Alzheimer ?», «Quels sont les espoirs de
la recherche sur l’anémie de Fanconi ?»… De très nombreuses questions
ont enfin trouvé leurs réponses.
Les Prs Gérard et Benchimol et le Dr Milano
sont venus parler du cancer à Nice.
D
u 9 au 23 septembre 2003,
plus de 1 500 personnes
sont venues poser leurs
questions aux Journées de la
Fondation Recherche Médicale
(JFRM). Au cœur du dispositif :
23 chercheurs mobilisés pour
participer à 7 débats dans 6 villes
de France sur des sujets aussi
variés que les cancers, la douleur,
les maladies rares…
La 2e édition de ces rencontres
proposées par la FRM visait
28
28
à favoriser le dialogue entre
le public et les chercheurs. Tout
comme l’année dernière, elles
ont connu un véritable succès
grâce à leur concept original :
des débats construits à partir
des seules questions du public.
Un événement enrichi par
la sortie du livre Santé: 100 idées
reçues. L’avis des chercheurs 1 que
la Fondation vient d’écrire et
le lancement d’une campagne sur
«le don utile» mettant en avant
le rôle de la Fondation Recherche
Médicale. «Cette 2e édition des
JFRM avait pour principale vocation
de développer la notoriété de la
Fondation Recherche Médicale
et de faire comprendre les enjeux
de sa mission: collecter des fonds
pour financer la recherche médicale»,
explique Catherine Monnier,
directrice des Ressources. Mission
accomplie ? Il semblerait que oui!
Les indicateurs du succès sont
multiples pour cette édition 2003
qui a bénéficié «de la présence
chaleureuse de Laurent Romejko,
animateur des débats, et d’Anne
Roumanoff, la marraine de ces
Journées [voir article ci-contre]».
Les JFRM ont fait salle comble et
les intervenants de grande qualité
ont su apporter satisfaction,
par leurs réponses précises, à un
public avide de savoir. Les médias
ont également suivi de près
cet événement national et se sont
fait l’écho des messages de la
FRM. L’édition 2004 des JFRM
est déjà en cours de préparation
et s’annonce en bonne voie avec
les demandes de nombreuses
villes pour accueillir la Fondation
et la préparation d’un nouveau
guide sur les idées reçues qui
abordera 10 nouveaux domaines
de la santé. ■
1 Ce
livre est maintenant disponible en librairie
(voir détails page 39).
> Les comptes rendus de ces débats
sont disponibles sur le site www.frm.org
Stéphane Laure
Journées de la FRM: le public
à la rencontre des chercheurs
Pourquoi la FRM?
Anne Roumanoff a rencontré le Pr Xavier Nassif
dans son laboratoire à l’hôpital Necker.
J
e suis régulièrement sollicitée
pour être la marraine
d’actions caritatives, mais
pour la Fondation Recherche
Médicale j’ai dit oui tout de suite.
Je la connaissais peu jusqu’alors
et quand j’ai découvert tout
ce qu’elle faisait, j’ai eu envie
d’apporter ma contribution pour
la faire connaître un peu plus.»
«Parce que je trouve qu’il y a
une vraie éthique. Le Comité
scientifique est un véritable
garant. Il finance les meilleurs
projets. Et je trouve bien,
par ailleurs, que les frais
de fonctionnement soient payés
par les intérêts de la dotation
de la Fondation, ce qui permet
d’attribuer le maximum de dons
au financement des recherches.
Ce n’est pas le cas de nombreuses
associations… Et puis c’est
sympathique qu’il y ait beaucoup
de dons modestes, même
de 10 €, car ce sont eux, par
leur nombre, qui font avancer
la recherche.»
Rencontre avec les chercheurs
à l’hôpital Necker
«Cette démarche n’est pas facile
pour moi, car j’ai un emploi
du temps très chargé. Mais
en faisant cela, je m’implique
vraiment et puis, de cette
manière, je sais de quoi je parle.
Quand on voit ces chercheurs
qui travaillent dans des conditions
très modestes, souvent dans
l’ombre, on a envie de les aider.
Ce sont des personnes
passionnées, des artistes à leur
manière ! Ils font de la recherche
avec très peu de moyens
(locaux, équipements).
Je m’attendais à autre chose de
la part de la recherche française,
et je les en admire d’autant plus.»
Ses convictions
«Alors qu’on a vu cet été qu’il y
a de si gros problèmes à l’hôpital,
cela me paraît important d’aider
la recherche médicale… C’est le
parent pauvre d’un secteur déjà
lui-même en souffrance.» ■
ag2r et Groupama,
partenaires actifs des JFRM 2003
> Les médias présents
pour les Journées 2003
C
De nombreux médias ont relayé
cet événement national et se sont fait
l’écho des messages de la Fondation
Recherche Médicale.
ette année, deux fidèles
partenaires ont soutenu
activement la Fondation
Recherche Médicale dans
l’organisation de ses Journées.
En plus de leur habituel soutien
financier à la recherche médicale,
ils ont mis leur expérience et leur
savoir-faire logistique au service
de ces rencontres entre public
et chercheurs. La Fondation
Groupama a contribué à
la réussite de la Journée du
23 septembre 2003 dédiée aux
maladies rares. Un engagement
bien légitime, puisque cette
Fondation est très présente et
active dans la lutte contre
ces maladies. Elle agit tout à
la fois en apportant son soutien
financier à la recherche et
en accompagnant l’action des
associations auprès des malades.
Le groupe ag2r, lui aussi présent
dans le financement
de la recherche, a souhaité
s’associer à ces Journées en
mettant à disposition de la
Fondation son réseau commercial.
Il a assuré la promotion et la
visibilité de ces Journées auprès
du public des villes concernées.
La Fondation remercie ces
deux partenaires d’avoir répondu
présent, contribuant ainsi
au succès de ces Journées. ■
Radio et presse nationales:
Presse régionale:
Le Dauphiné Libéré, La Montagne,
Sud-Ouest et Ouest-France.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
29
F O N D AT IO N
À L’ÉCOUTE
Livre-témoignage
Le comité du Nord très actif
L’été indien d’un Parkinson
«Cette petite flamme en moi, allumée comme l’aube d’un été indien,
je ne veux pas qu’elle vacille. Je refuse qu’elle s’éteigne. Alors j’en ai fait
un brasero, un foyer qui m’enflamme.»
É
crire un livre – L’Été indien
d’un Parkinson – a su
entretenir cette flamme
qui anime Daniel Maître depuis
qu’il a appris, en 1995, qu’il
était atteint de la maladie de
Parkinson 1. À travers le récit
d’un parcours atypique où se
mêlent souvenirs d’enfance et
réflexions sur la vie, il apporte
également un regard sur
cette maladie du cerveau – une
nouvelle épreuve à surmonter –
«
ajoute-t-il. Un vrai message
d’espoir et de soutien qui
ne s’adresse pas seulement
aux parkinsoniens, mais qui
nous concerne tous.
Daniel Maître a souhaité que
cet ouvrage soit plus qu’un simple
livre de poche. Il est ainsi
illustré par des photographismes
– photographies retraitées grâce
aux techniques numériques –
qu’il a lui-même réalisés et
avec lesquels «il fait naître la
vie» comme il se plaît à l’écrire.
Les bénéfices de la vente
de ce livre seront reversés à la
Fondation Recherche Médicale
pour financer des travaux
de recherche innovants sur
le traitement de la maladie
de Parkinson. ■
1 La maladie de Parkinson est une maladie
neurodégénérative caractérisée par
des tremblements au repos, l’absence
ou la pauvreté des mouvements et une rigidité
musculaire.
Avec L’Été indien d’un Parkinson, Daniel Maître nous
rappelle que chacun d’entre nous est doté de ressources souvent
insoupçonnées qu’il peut utiliser pour faire face aux difficultés, voire
aux épreuves qui jalonnent son chemin de vie.»
Pierre Joly,
président de la Fondation Recherche Médicale
> Un hymne à la vie, l’été indien d’un Parkinson, témoignages et photographismes de Daniel Maître, textes de Jean-Pierre Cuisinier. Préface du Pr Alim-Louis Benabid,
avant-propos de Pierre Joly. • 108 pages, format 30x30 cm. • Prix: 30 euros TTC • En vente dans les librairies et les Fnac.
> Commande par courrier possible en adressant un chèque bancaire ou postal de 30 euros à l’ordre de ADRM et en précisant vos coordonnées postales à «Association
pour le développement de la recherche médicale - ADRM», 19, boulevard Verd-de-Saint-Julien, 92190 Meudon.
30 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
S
DR
qui le plonge régulièrement
dans un état «off» : ces moments
où la maladie prend le dessus
sur les médicaments.
«Cet ouvrage est le fruit d’un travail
d’un an, le résultat d’une démarche
tout autant collective que personnelle.
Neurologue, kinésithérapeute,
psychiatre, ma femme, mon fils…,
tous ceux qui m’ont aidé et m’aident
encore à lutter contre la maladie
m’ont en quelque sorte incité à
partager mon expérience, mon vécu,
mon ressenti», déclare-t-il.
L’auteur aborde la maladie
avec beaucoup de recul – tâche
d’autant plus difficile quand
on en est soi-même atteint –
et un grand optimisme : «Face
à un événement, aussi négatif soit-il,
il y a toujours matière à l’accepter
sans le subir, en mobilisant notre
résilience pour continuer à vivre.
Quand on est atteint de la maladie
de Parkinson, il y a des jours
de pluie, de froid et de tempête.
D’autres sont radieux comme un
printemps. À moi, il me reste mon
été indien au fond d’une étincelle»,
L’art au service
de la recherche
dans le Gard
Vente aux enchères d’objets anciens au profit de la Fondation Recherche Médicale à Roubaix.
L
e comité du Nord-Pasde-Calais de la Fondation
Recherche Médicale
a reconduit cette année
son soutien financier à deux
chercheurs : le Dr Julie KerrConte, pour ses travaux sur
la thérapie cellulaire du diabète
de type I, et le Pr Régis Bordet,
pour ses recherches sur les
mécanismes neuroprotecteurs
susceptibles de minimiser
les conséquences neurologiques
des accidents vasculaires
cérébraux. Rappelons que
ces aides sont attribuées
pour deux ans, afin d’assurer
une continuité des travaux
de recherche sélectionnés.
La cérémonie de remise
des aides, qui a été organisée
cette année le 23 octobre,
revêt, depuis sa création,
un prestige tout particulier grâce
à la générosité de la joaillerie
Lepage, qui met ses salons
à la disposition de la Fondation.
À cette occasion ont été
également présentés
les chercheurs sélectionnés
par le Conseil scientifique
pour bénéficier des sommes
qui seront collectées en 2004.
Il s’agit du Pr Natalia
Prevarskaya et du Dr André
Vincentelli pour leurs
recherches respectives dans
le domaine du cancer de la
prostate et celui de la chirurgie
cardio-vasculaire.
Trois semaines plus tard,
le 13 novembre, les bénévoles
du comité se sont à nouveau
mobilisés pour assurer le succès
d’une vente aux enchères
d’objets anciens et insolites.
Cette opération originale,
élaborée depuis de nombreux
mois par une collecte d’objets
auprès de généreux donateurs,
a permis aux participants de
joindre au plaisir de l’acquisition
celui d’une contribution
à la recherche médicale.
Toutes ressources ainsi dégagées
ont été optimisées grâce à l’aide
de maître Thierry May, qui a
mis gracieusement au service
de cette cause ses compétences
de commissaire-priseur, ainsi
que la nouvelle salle des ventes
de Roubaix. ■
ur l’initiative du comité
du Gard, élément constitutif
important du comité
Languedoc-Roussillon-Rouergue
de la FRM, une exposition
de peinture s’est déroulée fin
septembre pendant trois jours
à l’hôtel Atria de Nîmes, qui a
mis gracieusement à disposition
une partie de ses locaux. Trois
peintres régionaux de renom,
Georgette Lutrand-Valibouse,
Jean Claude Ennabli et Isabelle
Reinaldos, ont mis leur talent
au service de la recherche
médicale. En effet, outre la
présentation d’une large gamme
de leur production respective,
chaque artiste a offert l’une
de ses œuvres pour une loterie.
Les visiteurs ont ainsi pu acquérir
des billets pour la tombola, dont
le tirage a été réalisé à l’issue
de la compétition de golf du
16 novembre 2003, organisée
par le Golf Club de campagne
de Nîmes. Les recettes de ces
deux manifestations ont été
reversées à la Fondation
Recherche Médicale, et l’intégralité
contribuera à aider la recherche
médicale dans la région. ■
DR
LA
Les recettes du tournoi de golf organisé par
le Golf Club de campagne de Nîmes ont été
reversées à la Fondation Recherche Médicale.
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31
LA
F O N D AT IO N
À L’ÉCOUTE
Ethel Moustacchi
Peut-on soigner les troubles
du sommeil ?
Chronique d’une substance
cancérigène annoncée
Apnées du sommeil, insomnies… étaient au cœur de la Rencontre Santé
organisée en octobre dernier par la Fondation Recherche Médicale.
Des pathologies à part entière expliquées par trois spécialistes du sommeil.
Les travaux d’Ethel Moustacchi ont abouti à des recommandations
en santé publique qui évitent aujourd’hui de nombreux cancers
de la peau et sauvent autant de vies. Retour sur les découvertes
de la lauréate du Prix Rosen 2003 de la Fondation Recherche Médicale.
De gauche à droite, Michel Cymes, animateur
des débats, et les docteurs Sylvie Royant-Parola,
Hélène De Leersnyder et Jean-Louis Valatx.
L
es troubles du sommeil
(insomnies, apnées du
sommeil, etc.) touchent
environ 20% de la population
de manière récurrente. Des maux
fréquents, y compris chez les
enfants, et pourtant largement
ignorés. La majorité des patients
les subit en silence, abusant de
somnifères et négligeant les
gestes simples qui pourraient les
aider à retrouver un bon sommeil.
Le 17 octobre dernier, la
Fondation Recherche Médicale
réunissait à la maison de la Radio
les docteurs Jean-Louis Valatx,
directeur de recherche au
laboratoire de neurobiologie
des états de sommeil et d’éveil,
Sylvie Royant-Parola, psychiatre
spécialisée dans les troubles
du sommeil, et Hélène De
Leersnyder, pédiatre spécialiste
des troubles du sommeil chez
l’enfant, pour expliquer
ces pathologies et répondre aux
nombreuses questions du public.
«Tous les ronfleurs font-ils des apnées
du sommeil? Les apnées du sommeil
peuvent-elles être responsables d’un
syndrome de fatigue chronique?
L’hyperthyroïdie peut-elle être à
l’origine d’insomnies? Je ne dors que
trois ou quatre heures par nuit mais
suis en forme dans la journée, suis-je
insomniaque? Comment aider mon
enfant à se rendormir seul la nuit?» ■
> Toutes les réponses à ces questions
et bien d’autres figurent dans le compte
rendu disponible sur le site Internet
www.frm.org, ou par courrier, en écrivant
à: Fondation Recherche Médicale - 54,
rue de Varenne - 75335 Paris Cedex 07.
Apnées du sommeil: ronflements avec
suspensions respiratoires répétées au cours
de la nuit.
>Prochaines Rencontres Santé
• jeudi 22 janvier 2004: Cancer du sein
• jeudi 8 avril 2004: Obésité, conséquences et prévention
• vendredi 25 juin 2004: Pollution et santé
Pour assister à ces débats, vous devez vous inscrire par téléphone au 0820 09 10 11
(ligne ouverte durant les quinze jours précédant les débats). Entrée gratuite.
Toutes les Rencontres Santé ont lieu de 17 h 30 à 19 h 30 au studio Charles-Trénet
de la maison de Radio-France - Entrée B, rue de Boulainvilliers - Paris 16e.
32 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
> Quelques idées reçues
«Qui dort dîne»
> FAUX: Une nuit de sommeil n’a
jamais remplacé un bon repas.
Cette expression provient en fait
d’une injonction que l’on pouvait lire
autrefois dans les auberges: «Qui
dort (à l’auberge) dîne (dans cette
même auberge)», aucun rapport,
donc, avec une quelconque valeur
nutritive du sommeil.
«Le sommeil avant minuit
compte double»
> VRAI-FAUX: Les premières heures
passées à dormir sont plus profitables
à la récupération physique, mais cela
n’a rien à voir avec l’heure!
En effet, les cycles de sommeil sont
plus courts en première partie de nuit,
privilégiant les phases de sommeil
lent profond. Or, c’est au cours de
ce sommeil qu’a lieu la récupération
de la fatigue physique.
«On a besoin de moins de sommeil
avec l’âge»
> FAUX: Les rythmes de sommeil se
modifient avec l’âge: cela se traduit
généralement par des éveils plus
fréquents au cours de la nuit et un
réveil plus matinal. Ces modifications
sont normales mais n’entraînent pas
forcement une réduction de la durée
du sommeil.
Sénat
Radio France / C. Abramowitz
Rencontre Santé
Ethel Moustacchi, lauréate du Prix Rosen 2003.
Vos travaux ont mis en lumière
l’implication de certains
traitements médicaux et
de produits cosmétiques
dans l’apparition de cancers
de la peau. Comment avez-vous
effectué ce rapprochement?
Ethel Moustacchi: Depuis
les années 1960, nous étudiions
le mode d’action de certains
agents thérapeutiques. Nous
voulions savoir si ces substances
entraînaient des altérations de
l’ADN et si elles pouvaient avoir
un effet cancérigène. L’association
psoralènes/UVA, appelée
puvathérapie, était alors utilisée
en dermatologie pour traiter
le psoriasis, le vitiligo et d’autres
maladies dermatologiques.
Les psoralènes étaient également
employés dans les crèmes solaires
à base de bergamote comme
agents bronzants et produisaient
leurs effets grâce aux rayons
ultraviolets du soleil. Nous avons
montré dès la fin des années
1970 que ces psoralènes, en
combinaison avec les UVA,
provoquaient des mutations
sur l’ADN et qu’ils étaient
cancérigènes chez la souris. Une
équipe de recherche américaine
a confirmé nos résultats
en montrant qu’ils étaient
responsables de cancers chez des
patients traités par puvathérapie.
Et, qui plus est, les tumeurs
de ces patients présentaient
les mêmes mutations, au niveau
de l’ADN, que celles que nous
avions trouvées dans des cellules
humaines en culture. Cela
apportait pour la première fois
la preuve que ces mutations
détectées in vitro étaient bien
à l’origine du développement
de tumeurs malignes chez
les patients.
Quelle a été votre réaction face
à ces risques de santé publique?
E. M.: Nous avons tiré
la sonnette d’alarme quant
aux risques liés à l’utilisation
des psoralènes dans les crèmes
solaires. Les dermatologues ont
ensuite vérifié qu’il y avait bien
une corrélation entre l’utilisation
de ces crèmes et l’apparition de
cancers de la peau. Les pouvoirs
publics ont alors émis des
recommandations visant à
diminuer fortement les quantités
de psoralènes et à rajouter des
filtres dans les crèmes solaires.
Si aujourd’hui quelques-unes
d’entre elles contiennent encore
de faibles doses de psoralènes,
elles ne présentent plus
de danger pour la santé.
Quelles ont été les applications
les plus concrètes de vos travaux?
E. M.: Nos résultats et
une étroite collaboration avec
les dermatologues ont permis
d’adapter les traitements
du psoriasis : les enfants ne sont
plus traités par puvathérapie
et, chez les adultes, on utilise
des molécules de psoralène
moins agressives pour l’ADN,
dont les doses ont été ajustées.
Nous avons également pu établir
des liens de cause à effet entre
agents mutagènes (responsables
de lésions spécifiques sur l’ADN)
et apparition de cancer (rayons
ultraviolets solaires et cancers
de la peau, benzopyrènes de
la fumée de cigarette et cancer
du poumon, etc.). Si bien
que, aujourd’hui, lorsqu’une
personne est atteinte d’un
cancer, il est souvent possible
de savoir s’il est ou non d’origine
professionnelle. C’est très
important pour la prise en
charge de ces maladies. ■
UVA: rayons ultraviolets A, composante
de la lumière du soleil.
Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
33
LA
F O N D AT IO N
À L’ÉCOUTE
Vos dons et legs
à la Fondation Recherche Médicale
Réponses à vos questions
sur les nouvelles
dispositions fiscales
Les règles fiscales étant souvent
un peu techniques et ardues
à comprendre, nous avons proposé
à l’une de nos donatrices, Denise C.,
de nous faire part de ses questions
après avoir parcouru les nouvelles
dispositions légales (entrées en
vigueur le 2 août 2003 – article 200
du code général des impôts) dont
bénéficie notre Fondation. Elle s’est
aimablement prêtée au jeu, nous
permettant ainsi de vous apporter
des réponses simples et claires.
J’ai lu que la possibilité de déduction passe
de 50% à 60% du revenu imposable.
Que cela signifie-t-il exactement ?
Jusqu’ici, lorsque vous faisiez un don à la Fondation
Recherche Médicale, vous pouviez déduire 50%
de ce don de vos impôts, à condition de joindre
le justificatif à votre déclaration de revenus. Afin
de favoriser le mécénat, le gouvernement vient
de faire passer ce pourcentage de 50% à 60%.
Ainsi, lorsque vous faites un don à la Fondation
Recherche Médicale, comme à d’autres œuvres
d’intérêt public, vous bénéficiez maintenant
d’une déduction fiscale plus importante.
> Exemple pour un don d’un montant de 40 €
Réduction d’impôts de 60%: -24 €
Don de 40 €
Coût réel du don: 16 €
J’ai lu également que le plafond
de la déduction est augmenté.
Qu’en est-il réellement ?
C’est extrêmement simple :
jusqu’à présent, la réduction
d’impôts à laquelle vous donnait
droit votre don était limitée
à 10% de votre revenu annuel
imposable. Or, ce plafond vient d’être porté
de 10% à 20%. Pour un revenu annuel identique,
vous pouvez ainsi bénéficier de la pleine déduction
fiscale pour un don plus important.
Oui, tout cela me semble maintenant plus clair, mais
je n’ai pas bien compris la possibilité d’étalement
sur cinq ans. Comment cela fonctionne-t-il?
Jusqu’ici, lorsque vous faisiez des dons importants
et nombreux sur l’année, vous risquiez de perdre
une part de l’avantage fiscal, puisque celui-ci était
limité à 10% de votre revenu imposable.
Maintenant, non seulement la limite passe de 10%
à 20% mais, au-delà de cette limite, vous pouvez
reporter l’avantage fiscal sur les années suivantes.
34
34 Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
Lors d’une rentrée d’argent importante (vente d’un
bien, héritage…), vous pouvez ainsi augmenter
le total habituel de vos dons en étalant l’avantage
fiscal sur plusieurs années, à concurrence de
cinq ans.
J’ai lu aussi que les nouvelles
dispositions fiscales prévoient
une réduction des droits
de succession. Est-ce exact ?
Extrait article 8
«Pour la perception des droits de mutation par décès,
il est effectué un abattement sur la part nette (*) de tout
héritier, donataire ou légataire, correspondant à la valeur
des biens du défunt, évalués au jour du décès et remis
par celui-ci à une fondation reconnue d’utilité publique […].
Cet abattement s’applique à la double condition :
1 – Que la libéralité soit effectuée, à titre définitif
et en pleine propriété, dans les six mois suivant le décès.
Oui. Comme vous le savez,
en cas de décès, l’État prélève
des droits de succession qui
peuvent, dans certains cas
de transmissions, atteindre 60% de la part reçue !
La nouvelle loi prévoit que les héritiers pourront,
dans le cadre de la succession d’un ami ou
d’un parent, sur la part leur revenant, céder tout
ou partie de cette part à la Fondation Recherche
Médicale, ainsi qu’à d’autres fondations d’intérêt
public. Dans ce cas, ils ne paieront pas de droits
de succession sur les sommes versées à la FRM.
Pour bénéficier de cet avantage, il suffit que
ce versement soit effectué dans les six mois
suivant le décès. Mais les héritiers ne pourront
alors bénéficier en même temps de la réduction
d’impôts sur le revenu prévue dans l’article 200
du code général des impôts. Vous trouverez
ci-contre un extrait de l’article 8 de cette loi.
Le texte sur la donation temporaire d’usufruit
m’a intéressée. Pourriez-vous m’en expliquer
exactement le mécanisme?
Toute personne, qui détient des valeurs mobilières,
un bien immobilier ou tout autre bien produisant
2 – Que soient jointes à la déclaration de succession
des pièces justificatives […] attestant du montant
et de la date de la libéralité, ainsi que de l’identité
des bénéficiaires.»
(*) La «part nette» représente l’actif de la succession diminué du passif.
un revenu, peut en donner l’usufruit à une œuvre
d’intérêt général, pour une durée déterminée,
tout en conservant la nue-propriété. Cela signifie
que vous restez propriétaire du bien et que vous
acceptez que la Fondation bénéficie des revenus
de ce bien pendant la durée que vous avez décidée.
Pour les personnes assujetties à l’impôt de solidarité
sur la fortune, cette donation temporaire d’usufruit
permet de sortir le bien de sa déclaration ISF
pendant toute la période de donation. C’est,
en effet, l’usufruitier qui devient imposable. ■
> Pour tout renseignement complémentaire sur la
nouvelle loi fiscale, vous pouvez appeler Isabelle Fleury
au 0144397576 ou Céline Ponchel au 0144397567.
Pour des informations sur les legs et les donations,
demandez notre brochure à l’aide du coupon ci-dessous.
Demande d’information
à retourner à: Céline Ponchel,
Fondation Recherche Médicale,
54, rue de Varenne, 75335 Paris Cedex 07
OUI, je désire recevoir, sans aucun engagement et sous pli confidentiel, la brochure
«Léguez aux générations futures le plus beau des héritages, le progrès médical».
Nom :
Adresse :
Ville :
Code postal :
E-mail :
Prénom :
Tél. (facultatif) :
Conformément à la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, en vous adressant au siège de notre Fondation, vous pouvez accéder aux informations vous concernant, demander leur rectification ou suppression ou vous opposer à ce qu’elles soient échangées ou cédées. Dans ce dernier cas, les informations vous concernant seraient alors réservées à l’usage exclusif de notre Fondation.
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18/12/03
11:40
Page 36
QUESTIONS-RÉPONSES
Luc Benevello
Quelles sont les caractéristiques du diabète chez l’enfant ?
L
e mot diabète
désigne une
maladie dans
laquelle du sucre
(glucose) est présent
dans les urines. Ceci
est dû à une élévation
du taux de sucre dans
le sang (glycémie).
Or le sucre est fourni
par l’alimentation,
soit sous forme de sucre
raffiné, soit sous forme
de glucides complexes
(pain, céréales, pommes
de terre ou autres
féculents). Entre les
repas, l’organisme stocke
le sucre absorbé dans
le foie et les muscles.
La quantité de sucre dans
le sang est précisément
régulée par différentes
hormones, dont la
principale est l’insuline,
qui permet de stocker
le sucre absorbé dans
ces deux organes.
Chez l’enfant, la
survenue d’un diabète
est liée à la diminution,
voire à l’arrêt, de la
sécrétion d’insuline par
le pancréas. Ce diabète,
dit insulinodépendant
(DID), est dû le plus
souvent à une maladie
auto-immune : le
système immunitaire
produit anormalement
des anticorps contre
les cellules du pancréas
qui fabriquent l’insuline,
entraînant leur
destruction. La cause
déclenchante de la
maladie n’est pas claire :
des facteurs génétiques
et d’environnement
entrent probablement
en jeu.
Phanie/Alix
L’injection d’insuline
Un enfant peut effectuer seul ses injections d’insuline dès l’âge de 8 à 10
ans, mais un adulte doit toujours l’aider à contrôler ses doses.
L’absence d’insuline
entraîne une élévation
importante de la
glycémie, responsable
de signes cliniques
comme une soif
intense avec envies
d’uriner fréquentes,
une fatigue importante,
un amaigrissement.
Dans ces cas,
seules les injections
quotidiennes d’insuline
peuvent rétablir le bon
fonctionnement de
l’organisme : la nature
et la fréquence des
36 F o n d a t i o n R e c h e r c h e M é d i c a l e • R e c h e r c h e & S a n t é n ° 9 7 • j a n v i e r 2 0 0 4
injections (fonction
des repas et de l’activité)
sont fixées par
le médecin, et la dose
d’insuline peut être
modifiée par le patient
lui-même en fonction
des résultats de
la glycémie mesurée
sur une goutte de sang
obtenue par piqûre
du bout du doigt
de façon quotidienne.
Chez le petit enfant,
les autocontrôles
des glycémies et les
injections d’insuline
doivent être effectués
par les parents.
Cependant, l’adaptation
des doses d’insuline est
parfois difficile : il faut
en effet éviter d’avoir
des glycémies trop
élevées, mais aussi
éviter les hypoglycémies
trop fréquentes. Ces
hypoglycémies peuvent
être dues à une dose
d’insuline trop forte,
à une alimentation
insuffisante en glucides
ou à une activité
physique importante
ou inhabituelle.
Or, chez l’enfant,
il est difficile d’obtenir
une régularité parfaite
des prises alimentaires.
De même, l’activité
physique est souvent
imprévisible. Dès l’âge
de 8 à 10 ans, l’enfant
peut commencer
à effectuer seul le
contrôle de la glycémie
au bout du doigt et
les injections d’insuline,
mais il aura encore
besoin de l’adulte
pendant quelques
années pour l’aider
à adapter ses doses.
Il deviendra
complètement
autonome
progressivement.
Avec l’adolescence,
le diabète passe
souvent au second plan
des préoccupations,
avec parfois un rejet
des contraintes
liées à cette maladie.
L’équilibre glycémique
est alors très difficile
à obtenir. Il ne faut
pourtant pas oublier
que les progrès
techniques concernant,
notamment, la
surveillance de la
glycémie et l’utilisation
des stylos injecteurs
d’insuline ont beaucoup
amélioré la qualité
de vie des diabétiques
insulinodépendants. ■
> Erratum
Dans le numéro 96
de Recherche & Santé,
la photographie illustrant
le cancer de la prostate
a été placée à l’envers.
Nous remercions le
Dr Vignes de Versailles
de nous l’avoir signalée
et vous prions de nous
en excuser.
Cancer de la prostate : quels sont les traitements disponibles ?
Y a-t-il des effets secondaires ?
E
n cas de cancer
localisé, une
surveillance sans
traitement immédiat est
parfois le meilleur choix.
Cette solution est
envisagée quand le cancer
est petit, peu agressif
et qu’il ne cause aucun
symptôme, ou bien quand
le patient est très âgé,
affaibli ou atteint d’une
autre maladie. L’évolution
du cancer est alors
surveillée régulièrement
par des dosages du taux
de PSA. Cette surveillance
permet au patient de
continuer à mener une
vie normale et d’éviter
ainsi les effets secondaires
éventuels d’un traitement.
Dans tous les autres cas,
le traitement dépend
de l’âge du patient, de
son état de santé général,
de la présence d’une
pathologie associée, du
volume et de l’agressivité
de la tumeur. Il est
tout d’abord conseillé
au malade de réduire
sa consommation
de graisses animales
BULLETIN
(viandes, beurre, charcuteries), d’augmenter
celle de fruits et légumes,
et d’avoir une activité
physique régulière.
La prostatectomie
Les traitements les plus
répandus sont actuellement la prostatectomie,
la radiothérapie et
le traitement hormonal.
L’ablation de la prostate,
ou prostatectomie,
donne de très bons
résultats pour les cancers
localisés chez les patients
D’ABONNEMENT
de moins de 70 ans,
puisque l’on arrive à une
guérison dans presque
80% des cas. Cependant,
les effets secondaires
restent assez fréquents
(risque d’impuissance
et d’incontinence,
notamment), même
si on arrive de mieux
en mieux à les éviter.
L’ablation par ultrasons
(ultrasonothérapie) est
encore au stade expérimental, mais les premiers
tests cliniques ont montré
qu’elle était efficace pour
✁
Le Pr Philippe Chanson, du service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction du CHU Bicêtre,
vous donne une information, mais en aucun cas un diagnostic, un pronostic ou un conseil d’ordre
thérapeutique. Seul le médecin traitant est habilité à le faire, et c’est lui que vous devez consulter.
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Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
37
les cancers localisés. Elle
repose sur la destruction
des tissus tumoraux par
des ultrasons de haute
intensité émis par voie
rectale. Moins invasive
que l’ablation chirurgicale,
cette technique entraîne
moins d’effets secondaires
et diminue la durée
d’hospitalisation.
La radiothérapie
Après 70-75 ans,
la chirurgie s’efface au
profit de la radiothérapie.
Il peut s’agir d’une
radiothérapie externe
qui, grâce à un accélérateur, envoie des rayons
de façon très précise sur
la prostate. Efficace dans
de nombreux cas, elle
peut toutefois donner
lieu à des complications
dues aux rayons en plus
de celles observées lors
d’une prostatectomie :
des troubles intestinaux
(diarrhée, colite) et
des troubles urinaires
pendant le traitement
(envies pressantes
et fréquentes d’uriner,
BON
Page 38
diminution du jet,
brûlures, présence
de sang dans les urines).
Elle peut également
être source de fatigue.
La radiothérapie peut
être interne en cas
de tumeurs de petite
taille. On parle alors
de curiethérapie ou de
brachythérapie. Dans
ce cas, des grains d’iode
radioactifs sont implantés
dans la prostate au cours
d’une intervention sous
anesthésie générale. Ces
grains libèrent alors leur
énergie sur une durée
de deux à trois mois,
détruisant les cellules
tumorales de l’intérieur.
Le traitement
hormonal
En cas de cancer
métastasé ou bien chez
l’homme très âgé, un
traitement hormonal par
comprimés ou injections
sous-cutanées peut être
envisagé. C’est un traitement palliatif qui peut
améliorer la survie et la
qualité de vie du malade.
Le traitement du cancer par curiethérapie consiste à implanter dans la
prostate des grains d’iode radioactifs qui détruisent les cellules tumorales.
Il se compose d’antiandrogènes et/ou
d’analogues de la LH-RH.
Les anti-androgènes
bloquent l’action de
la testostérone (hormone
mâle) qui favorise
le développement de
la tumeur. Quant aux
analogues de la LH-RH, ils
empêchent sa production
par les testicules. En
fait, ces traitements ont
pour effet de diminuer
la quantité d’hormones
mâles dans le corps. Cette
diminution affecte toutes
les cellules cancéreuses
d’origine prostatique,
y compris celles qui ont
envahi d’autres organes.
En cas d’insuffisance du
traitement, une castration
chirurgicale (ablation
de la pulpe des testicules)
permet également de
supprimer la sécrétion
de testostérone. ■
PSA: en anglais, prostate
specific antigen. Marqueur
sanguin permettant de suivre
l’évolution de la maladie.
LH-RH: en anglais, Lutheinizing
hormone - releasing hormone.
Hormone produite par le cerveau
qui stimule la production
d’androgènes par les testicules.
DE SOUTIEN
Oui, je souhaite aider la recherche en faisant, par chèque bancaire ou postal
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38 Fondation Recherche Médicale • Recherche & Santé n° 97 • janvier 2004
FRM n° 97 - janvier 2004
11:40
Phanie/Chauvaint-Chapon
18/12/03
✁
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100 idées reçues
L’avis des chercheurs
SANTÉ
“
Pour les femmes enceintes,
passer une radio est déconseillé
”
“Les vaccins ne protègent pas
à 100% contre les maladies infectieuses ”
“L’œuf fait mal au foie ”
Avec un test génétique,
“on
peut dépister la maladie d’Alzheimer
”
N
ENEFNI
!
IRIE
A
R
B
LI
Voici quelques-unes des 100 idées
reçues analysées dans cet ouvrage.
Ce guide, préfacé par Hélène Cardin,
journaliste santé sur France Inter, donne
également un coup de projecteur sur la
recherche médicale actuelle, en présentant
une vingtaine de programmes de recherche
financés par la Fondation Recherche
Médicale. Écrit par la Fondation en
collaboration avec onze spécialistes en
cancérologie, nutrition, imagerie médicale,
neurologie, etc., il offre un concentré de
connaissances sur notre santé.
Disponible en librairie
144 pages - Format : 13 x 18 cm
Prix : 12 €
Éditions Textuel
Distribué par Seuil Diffusion