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SCHULTZ Ilioné Université Lyon 2 Institut D’Études Politiques de Lyon Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Sous la direction de Michèle Bacot-Décriaud Soutenu le 29 août 2008 Crises et relations internationales Jury : Michèle Bacot-Décriaud et Monica Heintz Table des matières Remerciements . . Introduction . . ère 1 partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie . . I. L’Évolution des mentalités en Moldavie tout comme en Roumanie . . A. Le progrès des forces démocratiques en Moldavie . . B. L’UE au centre de toutes les préoccupations, moldaves comme roumaines . . II. Des changements structurels sur les bases d’un rapprochement roumano-moldave dans le cadre du soutien apporté par l’UE . . 18 19 19 25 A. Les prémices d’une modernisation . . 29 30 B. République de Moldavie et Roumanie : un rapprochement inévitable via l’UE entre deux États néanmoins indépendants . . 37 ème 2 partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie . . I. Une Roumanie européenne qui accentue la bipolarisation en République de Moldavie . . A. Une bipolarisation renforcée sur le plan intérieur . . B. Une schizophrénie exacerbée sur le plan géopolitique . . II. Une République de Moldavie pas encore prête à adopter une conception civique de son identité nationale . . A. Les blocages qui freinent la RM sur la voie de la démocratisation et de la modernisation . . B. Une perception de la Roumanie encore trop ambiguë . . Conclusion . . Bibliographie . . Ouvrages . . Revues . . Articles . . Documents . . Sites . . Annexes . . Annexe 1 . . Annexe 2 . . Annexe 3 . . Annexe 4 . . Annexe 5 . . Annexe 6 . . Annexe 7 . . Annexe 8 . . Annexe 9 . . Annexe 10 . . Annexe 11 . . Glossaire . . 4 5 44 44 45 57 67 67 71 78 85 85 85 86 90 91 92 92 92 92 93 93 93 93 94 94 94 95 97 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Remerciements Sans un certain nombre de personnes qui se sont trouvées sur mon chemin au cours de cette année, jamais ce mémoire n’aurait pu aboutir. C’est pourquoi je tiens à remercier tout particulièrement Michèle Bacot-Décriaud, directrice de ce mémoire et membre du jury, mais aussi Monica Heintz, pour avoir accepté d’être interviewée et de faire partie du jury. Je remercie également toutes les autres personnes interrogées : Alina Radu, Vlad Cubreacov, Igor Bo#an, Igor Munteanu, Georges Dura, George Damian, Ion Varta et Mihail Adauge, pour leur disponibilité et leur sincérité ; mais aussi Mirela Lazar, conférencière à l’Université de Bucarest de Journalisme et de Sciences de la Communication, pour avoir cru en ce travail et m’avoir ouvert bien des portes ; Marian Chiriac, journaliste indépendant, pour ses éclairages et sa gentillesse ; Sergiu Racila, membre de l’organisation des jeunes de Bessarabie, président de « Noua Genera#ie », pour sa confiance et son dévouement, et ses parents, pour leur hospitalité ; Ana Donos, secrétaire du vice-président du Parlement moldave, pour sa gentillesse et son professionnalisme ; Alina Popovici pour sa précieuse aide en traduction et son soutien au quotidien ; et enfin, Dan Dungaciu, chercheur spécialiste de la Moldavie, professeur à l’Institut des Sciences Politiques et des Relations Internationales (ISPRI) à Bucarest, Marian Petcu, maître de conférence à l’Université de Bucarest de Journalisme et de Sciences de la Communication, Iulian Chifu, chercheur et directeur du centre pour la veille et la prévention des conflits à Bucarest, et Monica Babuc conseillère du vice-président du Parlement moldave, pour leur coopération. 4 Schultz Ilioné Introduction Introduction La nature humaine est faite de telle manière que l’on a tous besoin de savoir qui l’on est, sur le plan individuel, pour pouvoir exister et avancer. De la même manière chaque peuple a besoin de savoir d’où il vient et qui il est pour savoir où il va. C’est ainsi que naît le concept d’identité nationale. C’est une notion d’autant plus importante que nous vivons dans un monde régi par le système de l’État moderne territorialisé, c'est-à-dire un territoire bien défini géographiquement et sur lequel vit une population, le tout organisé par des institutions politiques libres. Mais l’allégeance de cette population aux institutions, nécessaire à la cohésion de l’État moderne territorialisé, sous-entend l’existence d’un sentiment national, 1 d’une envie de vivre ensemble . Seulement, lorsque sur le territoire dudit État cohabitent des peuples d’origines ethniques ou culturelles différentes, et que les frontières de ce territoire ont maintes fois été déplacées, cela donne lieu, le plus souvent, à des tensions ou des conflits identitaires, lorsque deux ou plusieurs groupes se disputent l’identité nationale de leur État. C’est le cas en République de Moldavie (RM). Ce petit pays est une ancienne République soviétique, entouré par l’Ukraine au nord-est, et par la Roumanie au sudouest, avec qui la RM entretient une relation particulière. Il existe d’ailleurs une région « Moldavie » en Roumanie. La RM est un État indépendant depuis le 27 août 1991 mais qui est à la recherche de son identité depuis cette période. C’est un État fragmenté, multi2 ethnique , mais c’est aussi le plus pauvre d’Europe. Il compte 4,2 millions d’habitants : 64% de Moldaves, 14% d’Ukrainiens, 13% de Russes et 3,5% de Gagaouzes (population 3 turcophone christianisée ) mais aussi des Bulgares (2%) et plusieurs autres communautés locales (Biélorusses, Polonais, Tsiganes, Allemands, Arméniens, Lituaniens, Azéris, Tatars, 1 DIECKHOFF (Alain), 2000, La nation dans tous ces états, Paris, Flammarion. p.85 2 3 Se reporter à la carte, annexe n°10 « Les Gagaouzes viennent probablement d’un territoire situé entre la mer d’Aral et la mer Caspienne. On ne sait pas avec précision à quelle date ils se sont convertis de l’Islam à la religion Orthodoxe, mais on sait que le terme de Gagaouze, lui, apparaît au début du XIXe siècle. Les Gagaouzes s’installent en Bessarabie en 1812, après l’annexion russe. Il y a un changement territorial en 1856, après la guerre de Crimée qui voit la défaite russe, au profit de la Roumanie. La Gagaouzie fait donc partie de la Roumanie lorsque celle-ci est créée officiellement en 1859. Elle revient à la Russie au Congrès de Berlin en 1878, avant de connaître le retour de la Bessarabie en Roumanie en 1918.Staline reprend les lieux en 1940, et envoie des milliers de Gagaouzes dans des camps de travail après-guerre, tandis que le territoire des Gagaouzes est divisé entre les Républiques d’Ukraine et de Moldavie suite au redécoupage électoral. La grande famine de 1946-1947 voit la moitié de la population gagaouze disparaître .Les Gagaouzes perçoivent la loi sur la langue de 1989 comme discriminatoire à leur égard. C’est ainsi que l’année suivante voit la proclamation d’une République indépendante de Gagaouzie : l’indépendance de la Moldavie, et surtout la réunification avec la Roumanie, sont globalement perçues de manière négative par cette population, en particulier à cause de la propagande soviétique et des souvenirs de la Seconde Guerre mondiale. En 1994, les autorités centrales et les élites locales font de la Gagaouzie une région autonome de Moldavie. Le conflit ethnopolitique est donc réglé, d’autant que l’année suivante l’Assemblée de Gagaouzie est mise en place. En cas de réunification entre la Moldavie et la Roumanie, la Gagaouzie pourrait se prononcer sur son indépendance. La Turquie, très présente dans la région, a joué ici un rôle apaisant ».Florent Parmentier, La Gagouzie et les gagaouzes : portrait d’une minorité turcophone. article.php3?id_article=165 http://www.moldavie.fr/ [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 5 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Tchouvaches, Ouzbeks). Les Gagaouzes vivent dans le sud du pays, plus précisément dans l’unité administrative de Gagaouzie, où ils représentent 78 % de la population locale, les autres groupes étant formés de Bulgares (5,5 %), de Moldaves (5,4 %), de Russes (5 %), 4 d’Ukrainiens (4 %) et de 1,3 % de Tsiganes et de diverses autres petites communautés. . La République de Moldavie comporte également une entité séparatiste, la Transnistrie, qui s’est autoproclamée indépendante en septembre 1990. Cette région à majorité russophone ème (60%) a été le théâtre d’un conflit civil armé en 1992. C’est la 14 armée russe qui a mis fin au conflit et qui occupe ce territoire sécessionniste depuis cette date. Cette indépendance n’a pas été reconnue par les différents acteurs de la communauté internationale. Les autorités auto-proclamées de Tiraspol (capitale de la Transnistrie) ont organisé le 17 septembre 2006 un référendum d’autodétermination à l’issue duquel la grande majorité de la population s’est prononcé en faveur de l’indépendance de la région à 97,1% (voire 5 même de son rattachement ultérieur à la Russie) . En Moldavie, la langue officielle est le moldave, considérée comme similaire à la langue roumaine par la majorité des linguistes. Mais le russe est la langue la plus couramment employée dans l’espace public. La majorité de la population est de religion orthodoxe, mais là encore, les croyants se partagent entre l’appartenance à l’Eglise métropolitaine de Bessarabie, rattachée au patriarcat de Bucarest, et à l’Eglise métropolitaine de Moldavie, rattachée au patriarcat de Moscou. La Moldavie est donc un pays fragmenté, un pays fragmenté qui abrite plusieurs minorités importantes qui ont toujours des liens forts avec leurs pays d’origine. C’est ce qui explique, en partie, l’influence que peuvent avoir ces mêmes pays sur la construction de l’identité nationale moldave. En effet, la présence même de toutes ces différentes communautés, avec leurs origines, leurs trajectoires parfois séparées, leurs coutumes différentes, conduit à une confrontation de conceptions de l’identité nationale moldave. La Moldavie est donc en proie à ce que l’on appelle des conflits identitaires. François 6 Thual parle de ce type de conflits comme un « affrontement de narcissismes collectifs » . De même, il donne comme origine de ces conflits identitaires la peur existentielle de la disparition. Et concernant le cas de la Moldavie, François Thual poursuit en la catégorisant 7 comme « nation en voie de différenciation » ou « ethnogénèse par différenciation » . Il s’agit en l’occurrence d’une différenciation par rapport au facteur « roumain » : c’est en se différenciant de la nation roumaine que se construit la nation moldave, et c’est un processus qui a débuté à l’époque soviétique. En effet, une telle diversité dans la composition même 4 http://www.moldavie.fr/article.php3?id_article=11[vu 5 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/moldavie_468/presentation-moldavie_1001/politique- interieure_23182.html[vu 6 le 26 juillet 2008] le 26 juillet 2008] THUAL (François), 1995, Les conflits identitaires, Paris, Marketing, p.3. Si l’on comprend le terme de narcissisme, à l’échelle d’un individu, comme l’amour porté par une personne à soi-même, donc à sa propre image, à son identité, alors on en déduit qu’une telle caractéristiques, élevée au rang de la collectivité, représente l’amour d’une communauté pour elle-même et pour son image, pour son identité, ce qui la pousse à la défendre. C’est là qu’intervient la notion d’ « affrontement » de ces narcissismes collectifs, autrement dit des conflits identitaires. 7 THUAL (François), 1995, Les conflits identitaires, Paris, Marketing, p.31. L’ethnogénèse c’est la formation d'une nation à travers son histoire, sa culture et l'occupation d'un territoire. Mais François Thual insiste bien sur le fait que c’est plus la représentation d’un groupe social qui détermine l’identité de ce groupe, et pas seulement l’origine linguistique, culturelle, ou religieuse. Donc lorsqu’il parle l’ethnogénèse par différenciation, c’est cette formation de l’identité s’effectue en se différenciant d’une autre nation, autrement dit en opposition à une autre nation. 6 Schultz Ilioné Introduction de la population favorise la présence de tensions identitaires, mais ce n’est pas le seul facteur. L’histoire du territoire et des frontières de la RM explique pourquoi la construction d’une identité nationale en opposition avec l’identité roumaine constitue une constante des conflits identitaires de RM Pour mieux comprendre les développements les plus récents de la société moldave, et plus précisément sa relation particulière avec la Roumanie, il est capital de revenir 8 sur l’histoire plus ancienne de ce territoire . A l’origine, la région était peuplée par les Daces, vaincus par les Romains en 106 A.C. La population résultant de ce mélange entre ème Daces et Romains parlait un langage d’influence latine et qui fut reconnu autour du 17 siècle comme « roumain ». Cette langue fut également influencée par les populations ème ème migrantes, notamment les Slaves. Entre les 14 et 19 siècles, la région est divisée entre trois grands royaumes : la Moldavie, la Valachie et la Transylvanie. Ces royaumes se retrouvèrent sous l’emprise des grands empires : Austro-Hongrois, Ottoman et Russe. La partie est de la Moldavie, baptisée Bessarabie par les Russes, se trouva sous leur influence ème ème à partir du 19 siècle. Et c’est également au 19 siècle que la partie restante de ère la Moldavie s’unit à la Valachie pour former la Roumanie. Après la 1 guerre mondiale, la Transylvanie et la Bessarabie votèrent pour l’unification avec la Roumanie. C’était le 9 temps de la Grande Roumanie . En 1939, le pacte de non-agression Ribbentrop-Molotov, conclu entre l’Allemagne et la Russie offrit la Bessarabie à la Russie. Les troupes roumaines se retirèrent de Bessarabie en juin 1940, après un ultimatum, laissant la place à l’armée rouge. Cette « annexion » ou « libération » fut accompagnée de mouvements massifs de population. Une partie de l’élite roumaine trouva refuge en Roumanie tandis que d’autres furent déportés en Sibérie. En 1941, la Roumanie se rangea du côté de l’Allemagne, désormais en conflit avec l’URSS et ce dans le but de récupérer la Bessarabie. Ainsi, entre 1941 et 1944, la Bessarabie fut sous administration germano-roumaine. Mais le 17 mars 1944, les troupes soviétiques traversèrent le Dniestr et incorporèrent la Bessarabie à l’URSS. Le sud de la Bessarabie fut inclut à l’Ukraine tandis que la partie principale de la Bessarabie constitua une nouvelle république : la République Socialiste Soviétique de Moldavie (RSSM). Et pour justifier la création de cette nouvelle république, Staline créa une nouvelle nation : « les Moldaves », considérés d’un point de vue ethnique comme différents des Roumains. Pour rendre encore plus difficile d’éventuelles futures revendications territoriales, Staline redessina les frontières offrant une partie du territoire de la Bessarabie à l’Ukraine et incluant à la RSSM la Transnistrie, qui existait sous le nom, que lui avait donné Staline, de République Soviétique Socialiste Autonome de Moldavie (RSSAM) depuis 1924. Cette république n’a jamais appartenu au Royaume de Moldavie et 10 comptait seulement 40% de personnes d’ethnie roumaine en 1989 . Ce fait nous aide à comprendre les conditions pour le moins artificielles dans lesquelles est apparu la « nation moldave ». 8 HEINTZ (Monica), 2005, « Republic of Moldova versus Romania : The cold war of national identities » [République de Moldavie versus Roumanie : la guerre froide des identités nationales], Journal of Political Science and International Relations, 1, Vol.II, p.77-81 9 10 Se reporter à la carte, annexe n°11 HEINTZ (Monica), 2005, « Republic of Moldova versus Romania : The cold war of national identities » [République de Moldavie versus Roumanie : la guerre froide des identités nationales], Journal of Political Science and International Relations, 1, Vol.II, p.77-81. Schultz Ilioné 7 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Le territoire actuel de la République de Moldavie a donc été ballotté maintes fois entre les différents royaumes, pays ou empires environnant. Ce qui en fait cet État composite. Jennifer Cash, elle, verrait bien la Moldavie comme une nation, mais une nation qui a dû faire face au va-et-vient des États, ce qui représente un facteur majeur de déstabilisation 11 . Et parmi ces États « perturbateurs », la Roumanie. C’est principalement en opposition à l’identité roumaine que la Moldavie a tenté de définir sa propre identité. Dès l’époque soviétique, des intellectuels roumains furent déportés, la langue appelée « moldave », l’alphabet latin remplacé par l’alphabet cyrillique, les mariages mixtes entre Russes et Moldaves (Roumains) encouragés et l’histoire et la littérature moldave réduites à ce qui avait ou avait eu un rapport avec l’empire russe. La RM et la Roumanie devenaient étrangères l’une à l’autre. Mais dès l’indépendance de la Moldavie, en 1991, la question de son orientation s’est posée: maintenir des relations étroites avec les anciennes républiques soviétiques au sein de la CEI ou bien s’orienter vers la Roumanie, pays auquel avait appartenue une bonne partie de son territoire avant 1940 ? Déjà, vers la fin des années 1980, une nouvelle génération d’intellectuels moldaves s’était élevée contre le régime soviétique, réclamant la reconnaissance de leur appartenance à l’ethnie roumaine et la reconnaissance de leur langue comme unique langue officielle, ce qu’ils obtinrent le 31 août 1989. C’est cette élite qui mena le pays à l’indépendance. Dans les premières années de l’indépendance, les échanges avec la Roumanie devinrent de plus en plus importants. La Moldavie adopta l’hymne et le drapeau roumain. En effet, pour beaucoup d’intellectuels moldaves, l’indépendance était synonyme d’une future réunification avec la Roumanie, pour faire revivre cette Grande Roumanie de 1918. Mais celle-ci ne se produisit pas, d’abord en raison de la protestation des minorités face à cette tendance unificatrice émergente. Pendant l’été 1990, les minorités proclamèrent les indépendances de la « République de Gagaouzie » et de la « République de Transnistrie ». Le conflit civil en Transnistrie éclata en 1992. Un cessez-le-feu entre les milices transnistriennes russophones et les forces armées de la RM fut déclaré assez rapidement et les négociations débutèrent entre le président 12 moldave Mircea Snegur et le président russe Boris Eltsine . Mais il semble évident qu’une réunification avec la Roumanie aurait pu entraîner l’arrêt des négociations voire même une permanence du conflit avec cette région, qui par ailleurs est économiquement 13 indispensable pour la République de Moldavie . De plus, la Roumanie à l’époque ne semblait pas très attractive pour les Moldaves. Du point de vue économique d’abord, la Roumanie éprouvait elle-même des difficultés, d’autant plus que les deux économies n’étaient pas symbiotiques et qu’une réunification aurait signifié pour la Moldavie la perte de marchés dans les ex-républiques socialistes. D’un point de vue politique ensuite, la Roumanie apparaissait comme un régime assez autoritaire aux yeux des Moldaves et qui surtout, offrait peu d’autonomie à ses minorités. Garder son indépendance constituait donc une garantie d’harmonie inter-ethnique. D’autant plus que les Roumains, favorables à 11 CASH (Jennifer) 2007, « Amintiri despre trecutul statelor : identitatea accentuată şi provocările cetăţeniei» [Souvenirs sur le passé des Etats, identité accentuée et provocation de la citoyenneté], in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.105-126. 12 Un accord fut conclut à l'automne de 1992, en vertu duquel la Russie devenait neutre (elle cessait d’appuyer la Transnistrie), alors que la Transnistrie bénéficiait d'un statut politique particulier (type région autonome) dans le cadre de la république de Moldavie. En échange, la Moldavie s'engageait à ne pas demander son rattachement à la Roumanie ou, dans ce cas, à accorder le droit à l'autodétermination de la Transnistrie. 13 http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/EtatsNsouverains/Transnistrie.htm SPRINGER (Chris), « Moldova and Romania: the broken engagement » [Moldavie et Roumanie : l’engagement rompu], http://www.east-west-wg.org/cst/cst-mold/springer.html 8 [vu le 26 juillet 2008] [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné Introduction l’unification, n’avaient pas moins une vision plutôt arrogante des Moldaves. Enfin, comme le relève Jennifer Cash, il ne faut pas sous-estimer l’importance des identités locales et régionales très fortes et qui ont toujours eu tendance à freiner la construction d’une identité 14 nationale, quelle qu’elle soit . Ainsi, à partir de 1993, le gouvernement moldave en termine avec le terme d’État d’ethnie roumaine et définit la Moldavie comme un État multiethnique. Et en 1994, lors du référendum sur la réunification avec la Roumanie, 95% de la population se prononce en faveur de l’indépendance constitution comme langue d’État. 15 et la langue « moldave » est inscrite dans la Ce bref aperçu historique à propos de la République de Moldavie montre un chemin plutôt chaotique jusqu’à l’indépendance, avec des frontières sans cesses remaniées, des mouvements de populations et le contrôle successif des diverses grandes puissantes environnantes. Mais ce qu’on retient surtout, c’est cette opposition croissante vis-à-vis de la Roumanie à mesure que semblait s’affirmer la République de Moldavie. En 1994, c’est le choix de l’indépendance, certes. Mais les tensions ne vont pas s’apaiser pour autant. Avant d’examiner plus en profondeur cette montée des tensions entre Roumanie et RM, il apparaît nécessaire de présenter ici les différents discours identitaires qui s’affrontent à l’intérieur même de la Moldavie aujourd’hui afin de comprendre pourquoi les relations roumano-moldaves ont autant d’influence sur la situation intérieure en RM. Nous parlons ici de discours identitaires, ce qui fait implicitement référence à la perspective instrumentaliste sur l’identité, développée par le norvégien Frédéric Barth, pour qui les identités sont flexibles 16 dans le temps et les formes collectives sont continuellement générées par interactions . Deux postulats découlent de cette vision de l’identité nationale : le premier est de définir l’identité par l’altérité, par la relation entre « nous » et « eux », et le second est de dire que l’identité se construit par le discours et la narration. Cela justifie donc l’étude des différents « discours identitaires » présents en Moldavie 17 pour identifier les forces en 18 présence. L’on peut identifier le premier discours comme « pro-roumain ». Dans cette perspective, la nation moldave est une nation roumaine, dont la langue est le roumain, l’âge d’or est la période interbellique. Ceux qui partagent cette vision considère que la République de Moldavie est un deuxième État roumain et sont donc prêts à se déclarer eux-mêmes « roumains » et certains envisagent même la réunification. Toujours dans cette vision, les Russes sont vus comme des occupants, et une intégration à l’Union Européenne est largement soutenue, d’autant plus que la Roumanie est désormais européenne. C’est 14 CASH (Jennifer) 2007, « Amintiri despre trecutul statelor : identitatea accentuată şi provocările cetăţeniei» [Souvenirs sur le passé des Etats, identité accentuée et provocation de la citoyenneté], in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.105-126 15 16 17 SPRINGER (Chris). op.cité BARTH (Frederik), 1969,Ethnic Groups and Boundaries[Groupes ethniques et frontières], Oslo, p.14. CǍRǍUŞ (Tamara), 2002, « Republica Moldova : identitati false, adevarate sau nationale ? » [ République de Moldavie : identités fausse, vraies ou nationales ?], www.contrafort.md 18 Dans le corps du devoir, nous retrouverons essentiellement le terme de « roumanophiles », terme plus généraliste qui introduit simplement la notion d’un lien particulier et assez fort avec la culture et l’identité roumaine. La différence avec le terme « proroumains » est une différence de degré, le degré de roumanité étant plus fort pour les « pro-roumains ». Schultz Ilioné 9 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 19 ce discours qui semble prévaloir dans les milieux académiques . Le second discours est celui que l’on nomme « moldovéniste ». Ce discours s’appuie sur un postulat de base : la nation moldave est belle et bien différente de la nation roumaine, puisque la constitution de 1994 parle bien d’un « peuple de la République Moldave » formé de « Moldaves et de citoyens d’autres origines ethniques ». Ethniquement parlant, les Moldaves seraient donc un mélange entre les Daces et les Roumains mais avec une troisième composante : les Slaves. La langue est le « moldave », c’est-à-dire la langue officielle. Dans cette vision l’âge 20 ème d’or correspondrait plutôt au royaume féodal du 14 siècle . Tamara Cărăuş va un peu plus loin en évoquant une forme radicalisée du discours moldovéniste, particulièrement présente depuis que les Communistes sont arrivés au pouvoir en 2001. Parmi les éléments de radicalisation de ce discours, on trouve notamment l’interdiction d’expressions comme « langue roumaine » ou « histoire roumaine », et dans cette vision, l’âge d’or serait plutôt la période soviétique, la Russie étant vue comme le facteur de modernisation alors que la Roumanie est perçue comme une sorte d’envahisseur qui vient s’immiscer dans les affaires internes et que l’Europe est ignorée. Cette conception encore plus radicale, parfois dénommée « néo-soviétique », trouve ses origines dans la politique lancée par l’URSS, qui ne reconnaissait que l’existence de nationalités au sein de l’Union. Au départ, les Soviétiques ont désigné la population de la RSSAM (actuel territoire de la Transnistrie) comme « moldave » puis après la seconde guerre mondiale, ils ont étendu ce concept à toute la République socialiste de Moldavie afin de justifier l’incorporation de la Bessarabie dans cette entité. En fait, cette politique de moldovénisation faisait partie de la politique d’autochtonisation qui visait à augmenter le nombre de non-Russes dans les instances du parti et dans les autorités des républiques autonomes. En clair, cela revenait à encourager la présence de Moldaves dans les administrations et à promouvoir une langue, une culture et des écoles moldaves. Et en même temps, tout ce qui pouvait se référer à la nation roumaine était exclu 21 . De cette manière, on comprend mieux l’origine du concept développé par 22 François Thual à propos de la Moldavie lorsqu’il nous parle d’ « ethnogenèse par différenciation » : c'est-à-dire que l’ethnogénèse de la Moldavie, autrement dit la formation de la nation à travers son histoire, sa culture et l'occupation de son territoire, s’est bel et bien élaborée en opposition à la nation roumaine. Ces discours identitaires s’opposent en RM, mais pour essayer de mieux comprendre les mécanismes de ces conflits identitaires, appuyons-nous sur la perspective développée par Iulian Chifu afin de les situer dans une perspective dynamique et géographique, c'est23 à-dire au sein de l’ancien espace soviétique . Il définit tout d’abord la notion de « conflits » comme des situations dans lesquelles les acteurs désirent, au même moment, la même chose, qu’ils se disputent, et pour laquelle ils sont prêts à utiliser des ressources et à 19 IHRIG (Ştefan) 2007, « Discursul (ne)civic şi nemulţumirile exprimate în el » [Discours (in)civique et les mécontentements qu’il exprime], in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.191-214 20 IHRIG (Ştefan) 2007, « Discursul (ne)civic şi nemulţumirile exprimate în el » [Discours (in)civique et les mécontentements qu’il exprime], in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.191-214. 21 GRIBINCEA (Argentina), “Moldovenism : the State Ideology of the Republic of Moldova” [ Moldovénisme : l’idéologie d’Etat de la République de Moldavie], 2006, 22 23 http://politicom.moldova.org/stiri/eng/21091/ THUAL (François), 1995, Les conflits identitaires, Paris, Marketing CHIFU (Iulian), 2005, Spatiul post sovietic : in cautarea identitatii [L’espace post-soviétique : à la recherche d’identité], Bucarest, Politeia-SNSPA, p.18 10 [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné Introduction en assumer les coûts. Pour les conflits sur lesquels nous pouvons encore agir, il identifie trois éléments que se disputent les acteurs : le pouvoir (ou l’autorité), les ressources, le prestige (ou le statut). Ainsi, dans ce contexte, il parle de conflits identitaires lorsque l’identité d’un acteur en question est remise en cause par un autre. Il distingue deux types de conflits identitaires fondamentaux : les conflits externes (lorsque deux acteurs se disputent la reconnaissance de l’identité de l’un d’entre eux ou qu’ils essaient de modifier la substance même de l’identité de l’autre) et les conflits internes (lorsque des éléments d’une même communauté affirment des identités différentes). Il précise également que lorsque ces identités gagnent la sphère politique, les conflits s’intensifient et la dimension symbolique devient d’autant plus importante. Iulian Chifu s’attache ensuite à la caractérisation des conflits identitaires dans l’ancien espace soviétique et il en arrive à la conclusion que dans cet espace, il y a aujourd’hui une recrudescence de la lutte entre les anciennes élites soviétiques de second rang (voire inférieures) et les élites nationales de ces nouveaux Etats. Cette élite administrative post-soviétique, dans le but de conserver ses privilèges et d’empêcher l’accession au pouvoir des nouvelles élites démocratiques, appuie sa légitimité sur la création d’une nouvelle majorité basée sur une nouvelle identité. De là, il décrit deux modèles qui s’appliquent à la République de Moldavie. Le premier : celui de la revendication d’une identité régionale/sub-régionale élevée au rang d’identité nationale. C’est l’exemple de la région séparatiste de Transnistrie. Dans un tel cas, l’ancienne élite soviétique s’isolent dans une région et y forment une nouvelle majorité, prônant des liens étroits avec la Russie et défendant largement les droits des minorités russes. Le deuxième modèle qui s’applique à la Moldavie est la revendication directe d’une identité de type soviétique, c’est à dire lorsque le parti communiste est au pouvoir, qu’il promeut une doctrine officielle et qu’il condamne les opinions divergentes à cette doctrine. En Moldavie, les élites communistes revenues au pouvoir en 2001 soutiennent bien l’existence de deux identités ethniques distinctes -roumaine et moldave- déjà utilisée du temps de Staline. Ainsi, nous sommes effectivement en présence, selon Chifu, d’une identité de type soviétique transformée en doctrine d’État : dans le but de préserver les privilèges de ces élites post-soviétiques face aux élites démocratiques roumaines (mieux préparées aux réalités actuelles), on assiste 24 à l’établissement de la « Conception de la Politique Nationale » , au rejet de l’identité roumaine des Moldaves ainsi qu’à la promotion d’une identité subrégionale élevée au rang d’identité nationale 25 . C’est surtout à partir de 2001, avec l’arrivée au pouvoir des communistes en Moldavie que la confrontation entre les deux camps monte d’un cran. On observe donc un sérieux retour au concept de moldovénisation, ce processus de mise en pratique des principes du moldovénisme. Un document a été adopté par le Parlement le 19 décembre 2003, appelé 26 « Le concept de la politique nationale sur la République de Moldavie » , et définissant la ligne gouvernementale qui défend : «The neutralization of attempts for “demoldovanization”; prevention of attempts to deny the existence of the Moldovan nation and statehood, to discredit the history of Moldova, to ignore the “Moldovan” ethno-name and the notion of the 24 25 Approuvée par la loi n°546-XV du 19 décembre 2003. Chifu (Iulian), 2005, Spatiul post sovietic : in cautarea identitatii [L’espace post-soviétique : à la recherche d’identité], Bucarest, Politeia-SNSPA, p.20 26 Approuvée par la loi n°546-XV du 19 décembre 2003. Schultz Ilioné 11 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 27 “Moldovan” language » . Très inspiré par la politique de moldovénisation entreprise pendant la période soviétique, le gouvernement moldave a modifié l’organisation territoriale, dès 2003, en remplaçant les « judete » par les « raioane » (divisions territoriales). Mais les Communistes ont été freinés dans leur entreprise par des manifestations, des sit-inà Chisinau, organisés par les partis pro-roumains, largement soutenus par les étudiants pour défendre la langue roumaine surtout, et qui revendiquaient également la reconnaissance de l’Eglise métropolitaine de Bessarabie, qui est sous l’autorité du Patriarcat de l’Eglise Orthodoxe de Roumanie. En 2003, les autorités ont soutenu l’apprentissage d’une « Histoire intégrée » dans les écoles ainsi que la publication d’un dictionnaire moldave-roumain et d’une Histoire de la Moldavie, écrite par Vasile Stati. Le conflit s’est étendu au-delà des frontières de la République de Moldavie puisque le président moldave V.Voronine a même envoyé une lettre à la Commission pour l’élargissement européen dénonçant les tentatives d’interférences des autorités roumaines dans la politique intérieure de la Moldavie. La Roumanie, quant à elle, a continué de considérer qu’il existe « deux États roumains », 28 faisant ainsi bondir les autorités du côté de Chisinau . Cette montée des tensions roumano-moldaves, en provoquant un renforcement du moldovénisme, a donc accentué la bipolarisation politique en Moldavie. En effet, les clivages idéologiques et partisans en Moldavie se déterminent essentiellement par rapport aux questions identitaires, qui jouent un rôle clé dans la répartition des forces militantes et de l’électorat des partis politiques. 29 Comme le montre Alexandra Goujon : deux facteurs jouent un rôle majeur dans le débat : le rôle de l’État dans l’économie et le rôle de l’identité dans la construction étatique. Les partis de gauche, dont le principal est bien sûr le parti communiste, défendent le rôle important que doit jouer l’État dans l’économie et accordent une attention particulière aux relations avec l’ex-URSS. Concernant les militants ou l’électorat, ces derniers appartiennent plutôt au milieu rural ou industriel et sont russophones. L’opposition quant à elle regroupe plusieurs partis comme les chrétiens-démocrates ou les sociaux-démocrates mais tous soutiennent le libéralisme économique, l’indépendance nationale et les relations avec les États européens. Quant à leurs militants ou électorats, ce sont plutôt des populations urbaines, avec un certain niveau de diplômes et parlant la langue nationale (moldave/ roumain). Les faits politiques de ces dernières années montrent donc comment le clivage proroumains/ pro-moldaves tend à s’accentuer et les discours à se durcir, et surtout comment ces tendances sont intimement liées à l’évolution des relations avec le voisin : la Roumanie. Pour Stefan Ihrig 27 30 , ce phénomène est quelque peu alarmant et ce pour plusieurs « La neutralisation de toute tentative de démoldovénisation, la prévention des tentatives de déni de l’existence de la nation et de l’Etat moldave et de discrédit d’une histoire de la Moldavie, d’ignorer l’ethnonyme « Moldave » et la notion de langue « moldave » ». GRIBINCEA (Argentina), 2006, op.cité, http://politicom.moldova.org/stiri/eng/21091/ [vu le 26 juillet 2008] 28 HEINTZ (Monica), 2005, « Republic of Moldova versus Romania : The cold war of national identities » [République de Moldavie versus Roumanie : la guerre froide des identités nationales], Journal of Political Science and International Relations, 1, Vol.II, p.77-81. 29 GOUJON (Alexandra), 2004, « Les nouveaux voisins de l’Union Européenne, Stratégies identitaires et politiques en Ukraine, Biélorussie et Moldavie », Etudes du CERI, n°109. 30 IHRIG (Stefan) 2007, « Discursul (ne)civic şi nemulţumirile exprimate în el » [Discours (in)civique et les mécontentements qu’il exprime], in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.191-214… 12 Schultz Ilioné Introduction 31 raisons. D’abord, les deux courants reposent sur une conception ethniciste de la nation , ce qui les conduit à rechercher continuellement des justifications historiques et plus ou moins scientifiquement avérées pour justifier leurs conceptions. Ensuite, ces deux modèles s’établissent selon un mode de pensée rigide et exclusif. Dans la même perspective 32 33 que Iulian Chifu , Tamara Cărăuş explique également que si l’identité moldave « inventée » a survécu aux réactions des pro-roumains, c’est à cause de l’existence d’une élite manipulatrice soutenant l’existence d’un État indépendant pour mieux protéger ses intérêts. Face à cette identité nationale, inventée dans un but propagandiste et idéologique, se trouve ce qu’elle appelle une des identités ethno-culturelles, à savoir celle du discours roumain par exemple, qui témoigne d’un attachement plus sentimental à la nation, et qui correspond bien à la spécificité des nationalismes en Europe Centrale et de l’Est, traditionnellement plus « culturels » par opposition au nationalisme dit « politique » qui a prédominé en Europe occidentale. Mais Tamara Cărăuş identifie un troisième aspect de l’identité basé sur l’existence d’institutions politiques et sur la participation commune à la politique, ce qui présuppose l’égalité des droits pour tous, indifféremment de l’origine ethnique, le but étant d’arriver à un ensemble de valeurs communes et d’aspirations partagées. Le cadre politique pour la formation d’une telle identité en République de Moldavie existe parce que la loi sur la citoyenneté adoptée en juin 1991 est une des plus généreuses en Europe de l’Est et que la constitution de 1994 ne contient aucune référence à une quelconque identité ethno-culturelle. Mais comme nous l’avons vu, les tensions identitaires perdurent. Et Tamara Cărăuş l’explique premièrement par le fait qu’il est beaucoup plus facile pour les différentes communautés présentes en Moldavie (Roumaines, Russes, Ukrainiennes) de comprendre et d’adopter une citoyenneté basée sur les liens culturels, linguistiques et une origine ethnique, en raison de l’attachement affectif et des nombreux échanges, plutôt que d’adopter une identité nationale basée sur l’idée d’une citoyenneté politique rationnelle (et non plus affective). La deuxième raison qui rend difficile la construction d’une identité politique, c’est que même si la République de Moldavie a gagné son indépendance, elle ne dispose pas d’une pleine indépendance économique et politique, comme ce fut le cas pour les nations formées à l’époque moderne ème ème (18 -19 siècle). Dans nos sociétés contemporaines, l’espace public, unique, central et dans lequel se prenaient les décisions affectant l’ensemble de la communauté, a décliné face à l’émergence d’une pluralité de sujets qui esquivent ce cadre politique central. C’est la montée d’une tendance mutliculturelle. Cela met en relief le fait que la Moldavie, qui n’a jamais pu s’appuyer sur cet espace public central pour construire sa nation (en raison de son indépendance tardive surtout), doit désormais absolument prendre en compte les revendications pour la reconnaissance de « droits culturels », comme c’est le cas avec la Gagaouzie par exemple. Mais Tamara Cărăuş attire bien notre attention sur le fait que ce ne sont pas seulement ces revendications ethniques ou ethno-culturelles qui empêchent l’apparition d’une identité civique. En effet, un tel phénomène ne peut se produire que si les conditions y sont favorables : à savoir l’exercice des droits et libertés individuelles et le respect de la loi et de la Constitution, car c’est bien une société démocratique et prospère 31 Que l’on pourrait opposer à une conception civique de la nation exposée dans TOMESCU-HATTO (Odette), HATTO (Ronald), 2005, « Frontières et identités: La Roumanie et la Moldavie dans l’Europe élargie », Etudes internationales, Vol. 26. 32 33 CHIFU (Iulian), op.cité CǍRǍUŞ (Tamara), op.cité Schultz Ilioné 13 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 34 35 qui peut conduire à une identité plus civique, et non l’inverse. Alain Dieckhoff évoque lui aussi cet aspect politique et civique de l’identité, dans le contexte d’un État multiculturel, mais il met en exergue le caractère très général des valeurs politiques qui ne sont pas assez fédératrices pour fonder une identité nationale selon lui. Et pourtant, c’est la logique qui domine encore pour le moment avec le système de l’État moderne territorialisé : les citoyens ont besoin d’une culture publique partagée car la seule résidence sur un même territoire ne suffit pas pour atteindre un consentement ou pour avoir la volonté de faire perdurer un héritage. Mais si un tel horizon d’une « identité civique » apparaît comme insuffisant, il n’a pas besoin d’être unidimensionnel. Autrement dit, cet aspect plus politique et civique de l’identité peut très bien s’accommoder d’un multiculturalisme modéré qui, sans pour autant promouvoir activement les différences, permettrait par exemple le maintien d’identités complémentaires. Dans le cas de la Moldavie, on pourrait ainsi imaginer l’apparition d’une véritable identité nationale civique reposant sur le cadre légal déjà présent en Moldavie, mais qui permettrait en même temps le maintien des différentes identités culturelles qui composent le pays dans le cadre de la sphère privée. Les problèmes qui se posent à l’élaboration d’une identité civique sont donc multiples, qu’il s’agisse de la conception ethno-culturelle de l’identité qui persiste face à un renforcement de la conception moldovéniste, ce qui aboutit à un durcissement des discours de part et d’autres soumis à l’influence des relations roumano-moldaves ; ou bien qu’il s’agisse des difficultés que connaît ce pays pour se démocratiser. Dans ce contexte, on est forcé de penser que le bouleversement qu’a connu la Roumanie, à savoir son entrée dans l’Union Européenne, atteint la Moldavie d’une façon ou d’une autre, car on a pu constater l’importance de cet acteur, la Roumanie, tout au long de l’histoire de la Moldavie, ancienne comme contemporaine. Le processus de l’intégration de la Roumanie dans l’UE a d’abord entraîné une série de changements d’ordre juridique ou concernant l’attitude de la Roumanie. En effet, cette entrée dans l’UE signifie que la Roumanie doit appliquer l’intégralité de l’acquis communautaire, et notamment concernant la sécurisation de ses frontières. Or, la frontière de 684km de long entre la Moldavie et la Roumanie se trouve maintenant être la frontière orientale de l’UE, d’où une attention toute particulière sur ce sujet afin de protéger les pays de l’UE des nombreux trafics d’armes et de drogues par exemple, qui transitent par la Transnistrie. Dans cette optique, la Roumanie s’est vue obligée d’instaurer dès le 29 juin 2001 un régime de passeports aux ressortissants moldaves, alors même que ces derniers traversaient depuis douze ans la frontière avec leur simple carte d’identité. Puis à partir du er 1 janvier 2007, c’est un régime de visas qui a été mis en place. Les demandes des citoyens moldaves ont été tout de suite très nombreuses (entre 500 000 et 800 000). Et pour essayer de faciliter la circulation des personnes, le gouvernement roumain a décidé de modifier sa législation concernant l’obtention de la double nationalité. Déjà, des conséquences néfastes se sont fait sentir sur la petite économie frontalière ou en ce qui concerne les relations familiales. Plus généralement, on pourrait s’interroger quant à l’impact de telles mesures sur les tensions identitaires. De plus, s’il l’on adopte le point de vue moldave, on observe un changement de ton du gouvernement roumain entre 2004 et 2005. En effet, en vue de son adhésion à l’UE, la Roumanie a essayé d’améliorer ses relations avec la Moldavie afin de 34 CǍRǍUŞ (Tamara), 2002, « Republica Moldova : identitati false, adevarate sau nationale ? » [République de Moldavie : identités fausse, vraies ou nationales ?], 35 14 www.contrafort.md [vu le 26 juillet 2008] DIECKHOFF (Alain), 2000, La nation dans tous ces états, Paris , Flammarion, p.180. Schultz Ilioné Introduction développer une zone de stabilité et de sécurité. C’est ainsi que le 21 janvier 2005, lors d’une visite à Chisinau, le président roumain Traian Basescu, élu en 2004, a déclaré que l’amélioration des relations roumano-moldaves serait une des priorités de son mandat. De plus, une déclaration entre le président roumain et le président moldave, Vladimir Voronine, a été signée le 21 janvier 2005, soulignant le désir des deux parties de se conformer aux standards et aux normes internationales et européennes dans le but de consolider la sécurité européenne et régionale et de développer les relations entre les deux États dans 36 les domaines politique, économique, social et culturel . Toute la question est de savoir si cette orientation prise par la Moldavie a perduré au fur et à mesure qu’approchait l’adhésion de la Roumanie à l’UE. Mais l’intégration de la Roumanie dans l’UE est également synonyme d’une extension de l’UE vers l’Est. Deux conséquences découlent de cela. Tout d’abord, la Moldavie est réellement devenue l’une des préoccupations de l’UE. C’est pourquoi, en 2004, au regard des changements géopolitiques en cours (intégration des PECO dans l’UE) et surtout à venir, avec l’intégration programmée de la Roumanie, l’UE a proposé à la République 37 de Moldavie de faire partie de sa Politique Européenne de Voisinage (PEV) . C’est ainsi que le 22 février 2004, la Moldavie a adopté un « plan d’action », d’une durée de trois ans, comprenant une série d’objectifs à atteindre afin de stabiliser le pays et de le démocratiser, et dont les principaux concernent la coopération renforcée avec l’UE mais aussi l’harmonisation des législations ou encore l’engagement d’aider à la résolution du conflit en Transnistrie, car la résolution de ce conflit apparaît capitale pour la démocratisation de la RM. Ce plan d’action a été suivi en avril 2005 par le projet de Stratégie Européenne 38 39 (SE) , outil du plan d’action permettant une meilleure application de ce dernier . Les enjeux de cette PEV se trouvent donc dans l’amélioration de la situation intérieure du pays. Mais ils sont tout autant géopolitiques puisqu’elle témoigne d’une certaine orientation de la Moldavie vers les institutions européennes et euro-atlantiques. En effet, il faut savoir que le 8 août 2005, la Moldavie a créé une commission devant permettre de superviser la mise en place du plan de partenariat Moldavie-OTAN dès 2006, plan qui fournit une assistance pour la résolution du conflit en Transnistrie. La Russie, qui maintient une influence importante en Moldavie mais surtout en Transnistrie, par l’octroi notamment de passeports russes aux ressortissants de cette zone, n’est certes pas très heureuse de voir la Moldavie se tourner de plus en plus vers l’Ouest. Mais il semblerait que cela ne soit pas tant l’élargissement de l’UE qui inquiète la Russie mais celui de l’OTAN 40 . On constate donc toute l’importance de la dimension géopolitique dans les changements entraînés par l’adhésion de la Roumanie à l’UE. La Moldavie a toujours été 36 TOMESCU-HATTO (Odette), HATTO (Ronald), 2005, « Frontières et identités: La Roumanie et la Moldavie dans l’Europe élargie », Etudes internationales, Vol. 26. 37 LYNCH (Dov), 2004, « Moldavie, laboratoire de la nouvelle stratégie européenne », Le courrier des pays de l’Est, n°1042, p. 39-48. La PEV a été élaborée par l’UE pour garantir la sécurité de son voisinage en y développant la démocratie et la prospérité. 38 Elaborée par près de 30 experts consiste en une analyse du cadre législatif et du cadre institutionnel, suivie de la formulation des problèmes existants et des priorités sur le court et le long terme. 39 http://www.euractiv.ro/uniunea-europeana/articles%7CdisplayArticle/articleID_11945/Dosar-Relatiile-UE-Moldova- Orientarea-declarativ-europeana-in-contrast-cu-apropierea-de-Moscova.html 40 [vu le 26 juillet 2008] TOMESCU-HATTO (Odette), HATTO (Ronald), 2005, « Frontières et identités: La Roumanie et la Moldavie dans l’Europe élargie », Etudes internationales, Vol. 26. Schultz Ilioné 15 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie un pays « En quête d’identité cherchant à conjuguer à la fois son appartenance à l’Europe 41 et à l’ancien espace soviétique » , mais il semble d’autant plus capital de s’intéresser également à l’identité géopolitique de ce pays étant donné le contexte actuel dans lequel 42 s’inscrit la RM . Selon la perspective des constructivistes, un acteur donné ne peut savoir ce qu’il veut tant qu’il ne sait pas ce qu’il est, ce qui fait de l’identité un facteur clé pour les décisions de politique étrangère. Mais dans le cas d’un petit pays comme la Moldavie, cette marge de manœuvre identitaire est justement considérablement réduite par sa dépendance économique ou politique vis-à-vis de « grands » acteurs, comme la Russie par exemple 43 . Ainsi, l’entrée de la Roumanie dans l’UE, par les bouleversements qu’elle implique, que ce soit en rapport avec la politique roumaine interne ou extérieure, concerne bien la Moldavie, d’autant plus qu’elle a repoussé les frontières de l’UE vers l’Est entraînant de nouvelles stratégies de la part de celle-ci vis-à-vis de la Moldavie, nouvelles stratégies non sans conséquences sur le contexte géopolitique de la région. Les changements apparaissent donc comme conséquents et font intervenir des acteurs ou des facteurs déterminants pour la question des conflits identitaires en Moldavie (la Roumanie voisine, l’arrêt de la libre circulation des personnes, l’accélération de la démocratisation par la PEV). Cela suscite plusieurs interrogations : est-ce que ces changements sont susceptibles d’apaiser les tensions avec la Roumanie qui se trouve être un des acteurs majeurs dans le problème identitaire en Moldavie ? Est-ce que ces changements sont susceptibles d’entraîner une amélioration de la situation économique, sociale et politique de la situation intérieure, qui permettrait de « dé-focaliser » toutes les attentions sur cette question identitaire ? (Car c’est parce que la situation socio-économique n’est pas bonne et que les Communistes n’arrivent pas à y remédier qu’ils focalisent le débat sur l’identité pour se 44 maintenir au pouvoir ). Est-ce que ces changements sont susceptibles d’aider la Moldavie à tendre vers une conception plus civique de l’identité (qui permettrait de mettre le pays sur la vraie voie de la modernisation) ? Afin de trouver les informations nécessaires à cette étude, nous avons pu consulter des articles ainsi que quelques ouvrages : nous nous sommes principalement basés sur 45 46 ceux de Monica Heintz et de Iulian Chifu . Mais la littérature étant assez pauvre sur ce sujet précisément, nous avons dû réaliser un certain nombre d’entretiens semi-directifs pour approcher plus directement les questions en lien avec la problématique. Parmi les plus marquants, nous citerons ceux réalisés en France avec Monica Heintz 41 42 47 , ou en TOMESCU-HATTO (Odette), HATTO (Ronald), 2005, op.cité. Alexandra Goujon synthétise ainsi trois modes de légitimité identitaires : l’identité nationale, l’identité politique et l’identité géopolitique. Goujon (Alexandra), op.cité 43 44 TOMESCU-HATTO (Odette), HATTO (Ronald), 2005, op.cité. Pour exemple, la Moldavie est passée de l’avant dernier rang au dernier rang depuis 2001 : c’est le pays le plus pauvre d’Europe. 45 46 HEINTZ (Monica), Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, CHIFU (Iulian), 2005, Spatiul post sovietic : in cautarea identitatii [L’espace post-soviétique : à la recherche d’identité], Bucarest, Politeia-SNSPA. 47 16 Se reporter à l’annexe n°6 Schultz Ilioné Introduction République de Moldavie avec Ion Varta (député moldave), avec Igor Boţan 50 48 (député moldave), avec Vlad Cubreacov 49 (directeur d’ADEPT, association pour la démocratie 51 participative) ou en Roumanie avec George Damian (journaliste). Se rendre sur place pour réaliser ces entretiens (en français, en anglais ou en roumain), nous a donc permis de nous imprégner encore plus de l’environnement dans lequel se situe le sujet de notre étude, même si ce fut bref. Nous avons, par la suite, complété nos recherches par une collecte d’informations toujours plus précises. De plus, le fait de pouvoir lire l’anglais mais surtout le roumain fut déterminant pour les recherches, démultipliant ainsi le champ des sources potentielles. Cependant, n’ayant pu rencontrer des personnes tenant un discours moldovéniste ou proches de cette orientation et ce malgré notre volonté de le faire, nos propos pourraient parfois manquer d’un point de vue venant contrebalancer les explications fournies par les différentes personnalités rencontrées en Moldavie. Mais se priver du fruit des entretiens réalisés aurait été une erreur. Toutefois, nous tenons à souligner que nous avons conscience du fait que leurs propos sont forcément plus ou moins partisans et c’est pourquoi nous avons essayé de rester le plus objectif possible tout au long de cette étude. Enfin, ce travail a été rédigé durant le premier semestre 2008, la rédaction ayant pris fin le 30 juin 2008. Il ne tient donc pas compte des développements qui ont suivi cette date. De plus, comme le sujet de cette étude est très récent, les conclusions sont à considérer de manière toute relative en tenant compte du manque de recul temporel. Ainsi, au terme de ces recherches, il nous a semblé pertinent d’aborder ce sujet sous l’angle des aspects positifs mais aussi négatifs que pouvait avoir l’intégration européenne de la Roumanie sur les conflits identitaires en République de Moldavie. C’est pourquoi nous tâcherons de voir quels sont les facteurs de stabilisation des conflits identitaires liés au processus de l’adhésion de la Roumanie à l’UE avant de voir en quoi ce processus a pu mener à une certaine aggravation de ces tensions en déstabilisant la situation en Moldavie, l’éloignant ainsi d’une conception plus civique de son identité nationale. 48 49 50 51 Se reporter à l’annexe n°1 Se reporter à l’annexe n°2 Se reporter à l’annexe n°8 Se reporter à l’annexe n°7 Schultz Ilioné 17 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie ère 1 partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie Si l’Union Européenne constitue un élément majeur de bouleversements positifs en Roumanie, elle touche en même temps la République de Moldavie et engendre plusieurs facteurs de stabilisation des tensions identitaires de ce pays. Cette dynamique s’effectue dans un contexte de démocratisation notamment lié à l’évolution de la situation politique et sociale interne en RM mais également grâce aux transferts de démocratisation venus de Roumanie. Une démocratisation de la République de Moldavie semble capitale pour résoudre les conflits identitaires dans la mesure où elle permettra l’émergence d’un véritable État de droit et d’une certaine prospérité économique nécessaire pour rééquilibrer le pays et décrisper les tensions, notamment en posant les bases nécessaires à l’émergence d’une conception civique et politique de l’identité nationale. Et puis c’est certainement en voyant leur niveau de vie augmenter que les moldaves se préoccuperont sans doute un peu moins de ce que peuvent posséder leurs concitoyens russes, roumains, bulgares ou ukrainiens... De plus, cette démocratisation s’accompagne d’un véritable mouvement de rapprochement avec l’Union Européenne. Et cette dernière, de par les valeurs qu’elle incarne et qu’elle 52 défend ne peut que renforcer cette tendance à la démocratisation . Les deux phénomènes apparaissent donc imbriqués, presque évidents. Par ailleurs, nous avons déjà noté dans l’introduction l’importance de la dimension géopolitique du problème étudié. Il faut donc souligner que ce chemin vers l’UE semble être le plus porteur de stabilité pour la République de Moldavie en comparaison avec un rattachement à un bloc régional dirigé par la Russie. En effet, la RM est un petit pays qui est donc contraint presque inéluctablement à se rattacher à un ensemble régional plus large. Dans la mesure où il existe de nombreuses communautés russes en RM, un rapprochement avec la Russie maintiendrait sans doute la RM dans ses tensions identitaires puisque, comme nous le verrons, Moscou soutient ces communautés dans une optique assez anti-roumaine. En revanche, un rapprochement avec l’UE pourrait, a priori, garantir à la RM plus d’indépendance et de libertés, même s’il y a bien une communauté roumaine en Moldavie et que la Roumanie fait partie de l’UE, car c’est justement l’UE, par l’intermédiaire de ses exigences démocratiques et diplomatiques, qui pourrait permettre aux deux nations d’envisager un rapprochement sain entre deux 52 “The growing internal acquis has repercussions for the EU’s external relations, as internal and external aspects of EU security are intrinsically linked. The EU seeks to promote stable, prosperous and secure democracies around the world and to export the values underpinning the area of freedom, security and justice inside the EU.” [ L’acquis communautaire toujours plus important a des répercussions pour les relations extérieures de l’UE, puisque les aspects internes et externes de la sécurité de l’UE sont intrinsèquement lies. L’UE cherche à promouvoir dans le monde des démocraties stables, prospères et sécurisées et à exporter les valeurs propres à l’UE renforçant la liberté, la sécurité et la justice.] fsj_external_intro_en.htm 18 [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné http://ec.europa.eu/justice_home/fsj/external/ 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie Etats qui se respectent en tant que tels. C’est pourquoi nous partirons du postulat qu’une intégration européenne de la Moldavie serait un facteur de stabilisation de ses conflits identitaires. Enfin, si l’on évoque la nécessité d’un rapprochement sincère et durable entre Moldavie et Roumanie, c’est parce que même si la situation s’est améliorée depuis 2005, les tensions entre roumanophiles et anti-roumains sont constamment présentes en RM de manière plus ou moins sous-jacentes et cela en raison de la persistance du moldovénisme. En conséquence, après avoir vu de plus près quels sont les éléments qui permettent de parler d’une évolution des mentalités en Moldavie comme en Roumanie, nous verrons en quoi ces mutations permettent l’élaboration de changements structurels pour la société moldave, susceptibles d’apaiser les tensions identitaires sur le long terme. I. L’Évolution des mentalités en Moldavie tout comme en Roumanie Le processus d’intégration à l’Union Européenne a impulsé de nombreux changements en Roumanie qui ont contribué à démocratiser le pays. Et si la Moldavie, sa voisine, ne fait pas partie de l’UE, on remarque cependant un certain nombre d’évolutions, surtout depuis 2007, qui vont dans le sens d’une démocratisation, tout en rapprochant le pays des valeurs partagées par l’UE. Ainsi, il semble que la dynamique démocratique née de l’adhésion de la Roumanie à l’UE ait également profité à la Moldavie, de manière plus ou moins directe en contribuant à l’évolution des mentalités. A. Le progrès des forces démocratiques en Moldavie Si l’on observe que les forces démocratiques en République de Moldavie sont en progression, c’est d’abord en raison d’un certain dynamisme des forces démocratiques noncommunistes, mais aussi de l’érosion et de la modernisation du parti communiste. 1. Une certaine dynamique des forces démocratiques Les 3 et 17 juin 2008 se sont déroulées en République de Moldavie les élections générales 53 locales . Ces élections ont été correctement administrées, dans l’ensemble, selon le rapport de progrès de la Moldavie établi par la Commission européenne et publié le 3 avril 2008. Ce rapport précise que les citoyens ont véritablement eu le choix en ce qui concerne les candidats. Mais surtout, ces élections ont permis de constater la nette progression des partis non-communistes, c’est-à-dire des forces démocratiques. En effet, si l’on compare les résultats des élections de 2003 avec ceux de 2007, on constate que par exemple, le parti démocrate (Partidul Democrat-PD) passe de 8, 63% à 11,11% de mandats remportés pour les conseils de villes et villages tandis que le parti de centre-droit « des démocrates 53 Sur le plan administratif, la Moldavie est partagée en trente-deux « raioane » en plus des deux qui viennent s’ajouter aux deux municipalités que sont Chisinau et Balţi, et de l’unité territoriale autonome de Gagaouzie. Ces autorités locales publiques forment une unité territoriale administrative. Mais le territoire de la Moldavie comporte un autre territoire : la Transnistrie, qui est une entité séparatiste. Schultz Ilioné 19 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie chrétiens » (Partidul Popular Creştin Democrat-PPCD) passe de 2, 23% à 6, 58% des mandats de maires 54 . Comment s’explique cette montée en puissance des forces non-communistes ? Une des premières raisons de la popularité montante de ces formations est le dynamisme de certains nouveaux leaders. Le plus représentatif de cette tendance est certainement le nouveau maire de la capitale Chisinau, Dorin Chirtoaca, vice-président du « parti libéral » (Partidul Liberal -PL). Il a remporté les élections de la municipalité au second tour avec 61, 17 % des suffrages et s’est donc retrouvé largement en tête devant le leader du parti communiste (Partidul Comuniştilor din Republica Moldova-PCRM) Veaceslav Iordan. Personne ne s’y attendait vraiment, pas même les analystes politiques. Dorin Chirtoaca est jeune (30 ans), il a fait ses études de droit à Bucarest, parle bien sûr le roumain mais aussi l’anglais, le français, le russe et l’allemand. Ce que les Communistes semblait donc avoir sous-estimé, en misant sur un nombre important de russophones dans la capitale, c’est le nombre tout aussi important de roumanophones ainsi que le fait que la Roumanie, depuis son entrée dans l’Union Européenne, attire plus qu’elle ne repousse. Sa victoire a d’autant plus de mérite que son message n’a été que très peu repris par les mass-médias publics pendant toute la campagne et que ce sont les médias alternatifs qui l’ont fait connaître. Ceci montre d’ailleurs la capacité de ces médias à contourner la volonté du pouvoir en place pour dessiner de nouvelles tendances politiques. De plus, Dorin Chirtoaca était le candidat du PL, formation qui, entre 2005 et 2007 a mené plusieurs actions pour soutenir le salaire des professeurs ou pour lutter contre le projet communiste d’« histoire intégrée » 55 , et qui a tout misé sur le changement vis-à-vis du parti au pouvoir (lui n’a jamais fait parti du gouvernement), en condamnant fermement la période communiste, en s’opposant à l’idéologie du passé, et en luttant contre les anciennes élites soviétiques ou contre les 56 immixtions de la Russie en République de Moldavie . Dorin Chirtoaca est donc apparu comme le leader du changement, du renouveau, de la force d’opposition. C’est cette image qui va d’ailleurs lui permettre de maintenir une certaine popularité dans les mois qui vont suivre les élections, et ce en dépit de son manque d’expérience. En effet, son courage pour tenir tête au pouvoir central joue en sa faveur et lui permet d’élever son capital « confiance », puisque entre mai 2007 et novembre 2007, les personnes déclarant avoir confiance en Dorin Chirtoaca sont passées de 17, 1% à 29%. Un autre jeune leader libéral, mais appartenant à un autre parti, le « parti libéral démocrate de Moldavie » (Partidul Liberal Democrat din Moldova-PLDM), Vlad Filat, est quant à lui passé de 8,8% en novembre 2007 dans les sondages à 10,1% en avril 2008 57 . Vlad Filat est le leader du PLDM, lancé en septembre 2007. Après avoir soutenu la candidature de Dorin Chirtoaca aux élections municipales de juin, Vlad Filat (37 ans), a 54 http://www.parties.e-democracy.md/localelections2003/results/ ; 55 http://www.alegeri.md/2007/ [vu le 26 juillet 2008] « Histoire intégrée » : nouveau concept mis en place par les Communistes en 2003 pour remplacer « l’histoire des Roumains » dans les programmes de l’enseignement moldave. 56 MARANDICI (Ion), 2007, « Erodarea partidului de guvernămănt s-a accentuat în alegerile locale din 2007 » [L’érosion du parti au pouvoir s’est accentué aux élections locales de 2007 ], Political and Security StateWatch, n°1, juin 2007, p 2-4 , www.viitorul.org/public/893/ro/Political_and_Security_Statewatch1.pdf 57 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008], http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf 26 juillet 2008] 20 http:// [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné [vu le 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie voulu profiter du dynamisme des forces libérales insufflé par D.Chirtoaca pour créer son 58 propre parti : le PLDM , censé rassembler les partis politiques d’orientation libérale. Le congrès du parti a eu lieu le 8 décembre 2007 et le PLDM est parvenu a attirer près de cent municipalités et cinquante conseils de département 59 60 , devenant ainsi l’un des cinq principaux parti du pays . Ce parti, dont les valeurs sont la démocratie, la liberté, le respect mutuel et la solidarité, se pose clairement en opposition aux forces gouvernementales. Il dit vouloir représenter une nouvelle génération de politiciens qui entend la politique 61 avant tout comme un acte de responsabilité . Même s’il est encore un peu tôt pour pouvoir faire des pronostics sur cette nouvelle formation politique, on peut déjà retenir le dynamisme d’une nouvelle tendance libérale, soutenue par de nombreux médias privés, en plein développement 62 . Un autre mouvement s’est fait remarquer en 2007, surtout par sa capacité à attirer les jeunes. En effet, le « mouvement pour l’action populaire » (Mişcarii « Acţiunea Populara » MAP) avec son leader original Sergiu Mocanu, se pose en opposition au président Vladimir Voronin, alors qu’il va chercher son inspiration du côté du mouvement russe de Vasilii Yakimenko, qui est le leader d’une organisation de jeunesse pro-Putin « Walking Together ». Mais surtout, l’originalité de ce mouvement repose sur le fait qu’il ose exprimer ce que de nombreux partis d’orientation démocratique et pro-européenne n’osent pas dire, à savoir qu’il faut découpler le problème de la Transnistrie de celui de l’intégration à l’Union Européenne. C’est sans doute cette liberté de ton et ce réalisme qui permettent au MAP d’attirer autant de jeunes : ils constituaient une large majorité de l’assemblée lors du congrès du MAP le 22 décembre 2007. Mais les partis politiques ne sont pas les seuls indicateurs de la progression d’une tendance démocratique. Les élections de juin 2007 ont également été l’occasion pour les électeurs d’un village, celui de Buţeni, de faire entendre leur voix pour protester contre le déroulement des élections. En effet, lors des deux premiers tours du scrutin à Buţeni, c’est Anatolie Postolachi, le candidat de l’« Alliance Notre Moldavie » (Alianţa Moldova NoastrăAMN), qui a remporté les élections. Mais à chaque fois les résultats ont été annulés à la demande du parti communiste (PCRM). La première fois pour « fraude électorale » et la deuxième fois parce que la commission électorale centrale avait autorisé Anatolie Postolachi à se présenter tandis que la cour suprême de justice lui avait refusé ce droit. Mais lors d’un nouveau tour organisé le 14 octobre 2007, les partisans du candidat de l’AMN ont décidé de bloquer l’accès aux bureaux de votes en signe de protestation. Ils ont fait de 58 Il a pour cela quitté le « parti démocrate » de Moldavie (Partidul Democrat din Moldova) dans lequel il avait une fonction de dirigeant. 59 60 Ce sont des « raioane » en République de Moldavie Avec le « parti communiste » (PCRM), l’ « alliance notre moldavie » (AMN), le « parti démocrate » (PDM) et les « démocrates- chrétiens » (PPCD). BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227/ [vu le 26 juillet 2008] 61 « Lansarea Partidului Liberal Democrat dinMoldova » [Lancement du Parti Liberal Démocrate de Moldavie], 8 octobre 2007, http://www.parties.e-democracy.md/event/200710081/ 62 2007], [vu le 26 juillet 2008] BOŢAN (Igor),27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [ Commentaires politiques, l’année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227/ Schultz Ilioné [vu le 26 juillet 2008] 21 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 63 même le 16 décembre lors d’un nouveau scrutin . Pour Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (« Association pour la Démocratie Participative »), même si ces protestions sont juridiquement illégales, elles apparaissent en réalité comme légitimes au vu des pressions exercées par le parti communiste pour influencer la justice moldave, et démontrent le potentiel constant et répété de protestations pour vaincre, du moins sur le plan moral, les autorités 64 65 . En parallèle, l’ONG (Organisation Non Gouvernementale) Hyde Park a organisé plusieurs manifestations au cours de l’année 2007, que ce soit devant la Présidence, le Ministère de l’Intérieur ou encore devant le « Service des Informations et de la Sécurité », où les membres de l’ONG demandaient l’accès aux archives du KGB (services secrets russes durant l’époque soviétique) et l’adoption d’une loi de lustration. Ils ont également manifesté en septembre devant la délégation de la Commission européenne et l’ambassade de Roumanie pour dénoncer l’attitude de Bruxelles et des autorités moldaves concernant le droit des citoyens à la frontière roumano-moldave ainsi que les demandes 66 de double citoyenneté . Ces problèmes sont liés à l’adhésion de la Roumanie à l’UE et l’introduction de jure d’un régime de visas. Nous reviendrons plus tard sur ce point, mais l’on voit déjà comment les questions liées aux conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE touchent des acteurs de la société civile et peuvent être le point de départ de protestations. Ces actions ne sont pas à sous-estimer car elles constituent une première en Moldavie. Les protestations de la part de la société civile sont encore limitées, certes, mais elles montrent qu’une certaine prise de conscience est en train de s’opérer, d’autant plus que le dynamisme de certains partis et leaders de l’opposition vont dans le même sens. Si d’un côté les forces démocratiques ont progressé lors de ces élections locales, le parti communiste (PCRM) a, lui, logiquement reculé. 2. L’érosion des Communistes En 2003 les communistes avaient obtenu 368 municipalités et 6031 conseils. En 2008, ils ont remporté 328 municipalités et 4515 conseils. De même, ils avaient rassemblé 595 289 électeurs en 2003 aux élections locales et 716 336 aux élections parlementaires en 2005, contre seulement 394 023 en 2007 lors des élections locales 63 . « O noua tentativa de alegere a primarului de Buteni a esuat » [ Une nouvelle tentative d’élections du maire de Buteni a échoué], 17 décembre 2007, 64 67 http://www.azi.md/news?ID=47391 [vu le 26 juillet 2008] BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227/ [vu le 26 juillet 2008] 65 Hyde Parka été fondée en 2003 en Moldavie et a pour but la promotion de la liberté d’expression et le droit à une information impartiale, http://www.ycaar.com/hydepark/indexeng.html [vu le 26 juillet 2008] 66 MARANDICI (Ion) , 2007, « Erodarea partidului de guvernămănt s-a accentuat în alegerile locale din 2007 » [L’érosion du parti au pouvoir s’est accentué aux élections locales de 2007 ], Political and Security StateWatch, n°1, juin 2007, p 2-4, www.viitorul.org/public/893/ro/Political_and_Security_Statewatch1.pdf 67 http:// [vu le 26 juillet 2008] MARANDICI (Ion), 2007, « Erodarea partidului de guvernămănt s-a accentuat în alegerile locale din 2007 » [L’érosion du parti au pouvoir s’est accentué aux élections locales de 2007 ], Political and Security StateWatch, n°1, juin 2007, p 2-4, http://www.viitorul.org/ public/893/ro/Political_and_Security_Statewatch1.pdf 22 [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie De plus, si l’on s’attarde sur les indices de confiance, on remarque qu’entre février 2005 et mai 2007, la confiance accordée au parti communiste par les Moldaves est passée de 52% à 35, 5% 68 . Le parti communiste ne connaît pas sa période la plus faste, mais comment expliquer cette érosion ? Dans une telle situation, les facteurs de politique intérieure mais aussi extérieure sont à prendre en considération. Comme on l’a vu précédemment, les Moldaves sont de plus en plus sensibles aux idées des Démocrates, et donc moins aux idées des Communistes. Mais l’une des principales raisons qui semble justifier cette baisse de l’électorat, ce sont les échecs de la politique économique. Les réformes économiques ont 69 été beaucoup plus lentes que prévues et la Moldavie, qui était le deuxième pays le plus pauvre d’Europe lorsque les communistes sont arrivés au pouvoir en 2001, tient désormais la tête de ce malheureux classement. Alors qu’en novembre 2001, 20% des Moldaves considéraient comme l’une de leurs trois principales sources d’inquiétude le niveau des prix, ce chiffre est passé à 67,7% en avril 2008. En avril 2008, la population moldave se déclarait insatisfaite de la gestion du pays concernant : les salaires à 87,7%, l’emploi à 86,8%, le niveau de vie à 85,2% 70 , tandis que dans le même temps, 49% des Roumains 71 s’estimaient satisfaits de leur niveau de vie de manière générale . Il est important ici de faire la comparaison pour bien comprendre le regard que peuvent porter les Moldaves sur leurs voisins roumains. En effet, le constat d’un tel écart de niveaux de vie (34 points de pourcentage) peut accentuer d’autant plus le malaise ressenti par les moldaves. Mais malgré ces mécontentements et une tendance à la baisse, le parti communiste reste bien le parti dominant en République de Moldavie puisqu’en avril 2008, 46% des Moldaves se déclaraient être prêts à voter pour le PCRM si des élections parlementaires avaient 72 lieu le dimanche suivant . Ce paradoxe peut s’expliquer par le fait que les Moldaves éprouveraient une certaine difficulté à voir une alternative forte au PCRM parmi les partis non-communistes ainsi que par une certaine prégnance de la mentalité totalitariste qui privilégie le parti unique par rapport au pluralisme démocratique 73 . Mais les insatisfactions montent et les mentalités commencent à évoluer. Certains, à l’instar du député PPCD Vlad Cubreacov, disent même que cette tendance à la baisse 68 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008], http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf [vu le 26 juillet 2008] 69 70 Entretien avec Ion Varta, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°1 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008], http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf [vu le 26 juillet 2008] 71 Eurobaromètre 68.2, automne 2007, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb68/eb68_ro_nat.pdf[vu le 26 juillet 2008] 72 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008], http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf [vu le 26 juillet 2008] 73 MARANDICI (Ion), novembre 2007, « Alegatorii au încredere in partidele de opoziţie,dar nu ar vota pentru ele » [Les électeurs ont font confiance aux partis d’opposition mais ils ne voteraient pas pour eux], Political an Security StateWatch, n° 6 novembre 2007,p. 2-4, http://www.viitorul.org/public/1026/ro/PSS_nr.6_noiembrie_2007.pdf Schultz Ilioné [vu le 26 juillet 2008] 23 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie des Communistes est inévitable puisque l’évolution de tous les partis au pouvoir depuis l’indépendance a suivi une courbe sinusoïdale, et que la domination du parti communiste 74 est essentiellement due à son exploitation de la nostalgie de l’époque soviétique . Et il est vrai que s’il l’on regarde les statistiques, les électeurs des Communistes ont en moyenne 75 plus de 60 ans et appartiennent plutôt aux groupes ethniques non-roumains . Une fois que cette génération aura disparu, on peut penser que les Communistes auront beaucoup moins d’appui. L’une des autres raisons qui laissent à penser que le parti communiste traverse une période difficile, ce sont les dissensions internes au parti. En effet, après les mauvais résultats des élections de juin 2007, le président moldave Vladimir Voronine a déclaré son intention de vouloir mettre un terme au consensus politique né après les élections parlementaires de 2005 entre le parti communiste, le parti de centre-droit des « démocrates chrétiens » (Partidul Popular Creştin Democrat-PPCD) et le « parti démocrate » (PDM), et d’organiser de nouvelles élections législatives . En revanche, il semblerait que Marian Lupu, le président (communiste) du Parlement moldave, en ait décidé autrement. Il a en effet appelé sa majorité à maintenir la coopération avec les autres partis sur la base de buts communs, et la coalition tient toujours pour le moment. Mais les discours de M. Lupu contrastent de plus en plus avec ceux du président Voronine et laissent sous-entendre qu’il serait peut être temps de se distancier de la ligne présidentielle. Après les menaces lancées par Vladimir Voronine de rediriger une partie des fonds accordés aux municipalités et aux districts non-communistes vers le pouvoir central, Marian Lupu s’est permis de qualifier publiquement cette approche d’incorrecte et a plaidé pour le respect de la loi. Il privilégie également une attitude beaucoup plus respectueuse envers les autres partis tandis que le président les attaque fermement. Enfin, l’analyste Vladimir Socor avance que ces nouvelles prises de position de la part du président du Parlement laissent présager une scission 76 du parti communiste et une possible reconfiguration du paysage politique . La relative défaite des Communistes aux élections de juin, ainsi que l’influence grandissante des valeurs ouest-européennes, et ce notamment par la proximité de la Roumanie désormais membre à part entière de l’UE, ont mené le parti communiste de Moldavie vers une certaine modernisation. 3. La modernisation du parti communiste La période d’introspection du parti communiste a débuté le 1er novembre 2007 avec l’annonce d’un nouveau programme, après l’annonce faite le 11 avril 2007 par Vladimir Voronine d’une « révolution libérale ». Mais au fond, qu’est-ce que ce programme a de nouveau ? Pour commencer, c’est le tout premier programme du PCRM qui annonce clairement une intention de modernisation. De plus, fait marquant, l’on voit se profiler dans ce programme une volonté de renoncer à la doctrine marxiste-léniniste. Le PCRM se 74 75 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 MARANDICI (Ion), novembre 2007, « Alegatorii au încredere in partidele de opoziţie,dar nu ar vota pentru ele » [Les électeurs ont font confiance aux partis d’opposition mais ils ne voteraient pas pour eux], Political an Security StateWatch, n° 6 novembre 2007,p. 2-4, http://www.viitorul.org/public/1026/ro/PSS_nr.6_noiembrie_2007.pdf [vu le 26 juillet 2008] 76 Vladimir Socor , 2007, “A new face of moldovan politics” [Le nouveau visage de la politique moldave], Eurasia Dayly Monitor, er volume 4, 1 aout 2007. 24 Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie 77 proclame ainsi « parti de gauche d’un nouveau type » . Il renonce également au principe de la propriété collective de la terre. Si ces principes ont été définitivement acquis depuis une vingtaine d’années dans la plupart des États, il n’en reste pas moins que c’est une évolution majeure pour un parti dont la stratégie est entièrement basée sur l’exploitation de la nostalgie des moldaves. Et s’ils surgissent maintenant, c’est essentiellement en raison de la proximité avec l’UE et des engagements pro-européens pris par le gouvernement communiste, qui appellent quelques concessions idéologiques. Concernant la modernisation annoncée, comment le président V.Voronine a-t-il l’intention d’agir, concrètement ? Il a lancé l’idée 78 de l’édification d’une société post-industrielle , basée notamment sur la création d’un « prolétariat des connaissances » et d’une « démocratie échelonnée », le tout aboutissant à un nouveau type de concept politique, celui de « noocratie », c'est-à-dire une société gouvernée par les forces de la raison. Le « prolétariat des connaissances » s’apparente à la notion de « prolétariat intellectuel » ou de « salarié-intellectuel », concept utilisé par différents courants d’orientation gauchiste, tandis que la « démocratie échelonnée » avait été conceptualisée par les libéraux russes dans les années 1990 pour justifier les imperfections crées par le régime de Boris Eltsine. Ce programme, pour le moins innovateur, a déjà lancé le débat au sein du parti car certains, à l’instar du député Gheorge Mustata, 79 pointent du doigt l’incompatibilité d’un tel programme avec les principes du communisme . Sur un plan pragmatique, il est encore trop tôt pour véritablement mesurer l’impact des idées lancées par ce nouveau programme et l’on serait tenté de relativiser un certain nombre de déclarations. Mais des chantiers d’une telle ampleur et suivant les tendances libérales et ouest-européennes ont été énoncées, ce qui constitue déjà, en soi, un progrès. Si la progression des forces démocratiques en RM nous montre que les mentalités sont en train d’évoluer, le fait que l’UE devienne une question centrale de l’espace public, moldave comme roumain, constitue également une preuve de ce changement de contexte en RM. B. L’UE au centre de toutes les préoccupations, moldaves comme roumaines Au cours de ces dernières années, on a pu clairement observer en RM un virage politique vers l’UE venant consolider le consensus autour de l’Europe, tandis que la Roumanie, élevée au rang de membre de l’UE, place elle aussi désormais l’UE au centre de ses préoccupations ce qui n’est pas sans conséquences pour la Moldavie. 1. Le changement de cap des Communistes et la consolidation du consensus e autour de l’Europe Après les élections parlementaires de mars 2005, on a assisté en Moldavie à un retournement de taille dans le système politique puisque certains partis d’opposition ont accepté la coopération proposée par les Communistes et ont donc soutenu la réélection 77 BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227 78 79 [vu le 26 juillet 2008] BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 », op.cité BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227/ , [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 25 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie du président Vladimir Voronine. Plusieurs facteurs ont poussé les Communistes à se tourner vers l’opposition : leurs résultats en baisse (46,1% des suffrages contre 50,1% en 80 2001), les tendances révolutionnaires en Ukraine et en Géorgie mais aussi encore la dégradation des relations russo-moldaves depuis le rejet en 2003 par le président Vladimir 81 Voronine du plan Kozac concernant la résolution du conflit en Transnistrie. Ainsi, lors de l’élection du chef d’État, se sont ajoutés aux cinquante-six votes des députés du parti communiste les onze votes du « parti populaire chrétien démocrate » (Partidul Popular Creştin Democrat -PPCD), les huit du « parti démocrate » (Partidul Democrat-PD) et les trois du parti des socialistes de Moldavie (Partidul Socialiştiilor Moldoveni- PSM). En échange de ces soutiens, une déclaration entre tous les partis du consensus a été signée le 24 mars 2005 pour définir les termes de la coalition. De cette manière, le consensus s’est formé autour de trois idées majeures : la mise en application du plan d’action en vue d’une éventuelle intégration à l’UE, la réintégration de la Transnistrie à la République de Moldavie de manière démocratique, et le fonctionnement efficace et démocratique des institutions en collaboration avec l’aide extérieure pour réduire la pauvreté et garantir les droits des 82 minorités . Le même jour, tous les partis politiques du Parlement ont voté une déclaration pour un partenariat en vue de l’intégration européenne de la Moldavie. Les partis noncommunistes du consensus ont accepté la coopération à condition que le parti communiste s’engage publiquement à respecter un certain nombre de conditions émises par le PD, le PSM et le PPCD, comme l’orientation européenne, la liberté de la presse, un nouveau statut pour Téléradio-Moldova, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la réforme du Procureur général, l’adoption d’une loi sur la responsabilité gouvernementale, la renonciation à l’idée de fédéralisation de la RM et la promotion d’un format de négociations incluant la partie 83 transnistrienne . L’intérêt pour ces partis était donc de contribuer à la modernisation du parti communiste et de lui faire adopter définitivement une orientation européenne. Une des conséquences de cette évolution, du point de vue législatif par exemple, c’est qu’il est désormais interdit de voter une loi qui irait dans un sens contraire aux valeurs européennes 84 . Les Communistes ont donc changé d’orientation à partir de 2005. La plupart des partis non-communistes l’avaient fait avant. Mais au fur et à mesure que l’UE s’est rapprochée de la Moldavie, le contexte politique a changé en République de Moldavie et toutes les forces politiques ont introduit dans leur discours de plus en plus de références à l’UE et ont également dû parfois adapter leurs visions. L’intégration de la Roumanie à l’UE (et à l’OTAN) a notamment contraint les partis dits « unionistes » à abandonner le discours 80 MUNTEANU (Igor), 7 août 2007, « Moldova's road to independence and strive for territorial integrity »[Le chemin de la Moldavie vers l’indépendance et les efforts pour l’intégrité territoriale], %20(engl)%20revised.doc[vu 81 http://www.viitorul.org/public/865/en/IM%20-%20MD le 26 juillet 2008] Ce mémorandum a été élaboré en 2003 par la Russie et suggérait, pour solutionner le conflit transnistrien, de fédéraliser la RM. VOLNITCHI (Igor), 7 août 2007, «Relations of Moldova with Russia, Ukraine and Romania» [Les relations de la Moldavie avec la Russie, l’Ukraine et la Roumanie], 82 http://www.viitorul.org/print.php?l=ro&idc=154&id=616[vu 26 le 26 juillet 2008] SEREBRIAN (Oleg), 22 avril 2005, « Zece condiţii puse lui Voronin » [10 conditions pour Voronine], http://www.revista22.ro/html/ index.php?nr=2005-04-15&art=1653 84 le 26 juillet 2008] MUNTEANU (Igor), 1 avril 2006, « Procese postelectorale/ tendinţe în politica externă » [Processus post-électoral / tendance en politique extérieure], 83 http://www.viitorul.org/lib.php?l=ro&idc=269[vu [vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Mihail Adauge, historien, conseiller du vice-président du Parlement moldave (PPCD). Se reporter à l’annexe n°3 Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie de réunification avec la Roumanie. Il n’est désormais plus question pour eux de parler 85 er d’union mais de « retrouvailles dans l’UE » . Après le 1 janvier 2007, cette tendance à l’ « européanisation » des discours politiques s’est encore renforcée, puisque l’UE est désormais à la porte de la Moldavie. Dans une déclaration du 30 janvier 2007, le président de l’alliance « Notre Moldavie » (Alianţa Moldova Noastră- AMN), Serafim Urechean, affirme la position du parti concernant une intégration européenne de la Moldavie qu’il considère comme obligatoire et qu’il envisage sur les bases de l’expérience acquise par la Moldavie au travers de sa coopération avec les divers organismes européens, mais aussi grâce à l’expérience de la Roumanie désormais européenne 86 . L’AMN fait également partie depuis 87 le 13 avril 2007 du Parti Européen Libéral, Démocrate et Réformateur (PELDR) . Ceci lui ouvre donc en substance les portes du Parlement européen ainsi que de l’Assemblée 88 parlementaire du Conseil de l’Europe . L’ « européanisation » des partis politiques moldaves ne se manifeste pas uniquement dans les discours, mais dans les actes aussi. De plus, de nouveaux mouvements ou partis sont apparus en 2007, mettant en avant une fois de plus les valeurs européennes et l’intégration de la Moldavie à l’UE. Le « mouvement social politique "action européenne" » (Mişcarea social-politică Acţiunea Europeana- MAE) a été créé en avril 2007 par Anatol Petrencu tandis que le « parti libéral démocrate » évoqué plus haut (Partidul Liberal Democrat din Moldova-PLDM), créé en septembre 2007 par Vlad Filat en appelle également à l’intégration de la République de Moldavie dans les structures euro-atlantiques 89 . Mais les formations politiques moldaves jouent aussi sur le plan des symboles pour affirmer leur orientation européenne. C’est par exemple le cas du parti libéral, et surtout de son vice-président et maire de Chisinau : Dorin Chirtoaca. Ce dernier a en effet organisé le 8 mai 2008, en coopération avec la délégation de la Commission européenne en Moldavie, une cérémonie à l’occasion de la journée de l’Europe. Cet événement a été l’occasion d’inaugurer un parterre de fleurs représentant le drapeau européen et situé juste à l’entrée du plus grand parc de Chisinau. Ce changement de cap a été capital pour la sphère politique mais les répercussions ont été encore plus significatives au sein de la population. En effet, comme le parti communiste est largement dominant en République de Moldavie et que partis politiques et citoyens entretiennent des relations que l’on pourrait presque qualifier de paternalistes, les partisans communistes ont tout simplement suivi la ligne de leur parti, et le consensus sur une orientation européenne de la Moldavie, impossible jusqu’en 2005, s’est réalisé en raison du 85 Entretien avec Mihail Adauge, historien, conseiller du vice-président du Parlement moldave (PPCD). Se reporter à l’annexe n°3 86 87 http://www.amn.md/pagini-0-14-0.html Le Parti ELDR est un parti politique européen formé en 1976 et qui rassemble tous les partis européens qui partagent les mêmes idées. Il est établi à Bruxelles. 88 [vu le 26 juillet 2008] http://www.eldr.org/images/upload2/fr_all.pdf [vu le 26 juillet 2008] CANTIR (Alexandru), 17 avril 2007, « AMN îşi lansează campania electorală la locale » [AMN se lance dans la campagne électorale pour les locales], http://www.bbc.co.uk/romanian/news/story/2007/04/070417_moldova_amn_lansare.shtml [ vu le 26 juillet 2008] 89 « Lansarea Partidului Liberal Democrat dinMoldova » [Lancement du Parti Liberal Démocrate de Moldavie], 8 octobre 2007, http://www.parties.e-democracy.md/event/200710081/ [ vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 27 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 90 positionnement clair adopté par le parti communiste sur cette question . Entre 2005 et 2007, le nombre de personnes qui voteraient en faveur d’une intégration à l’UE a progressé 91 de 8% pour atteindre en mai 2007 72,2% d’euro-optimistes . On constate donc l’existence en Moldavie d’un consensus, que l’on pourrait même qualifier de « consensus permissif ». Cette notion, développée dans les années 1970 par Léon Lindberg et Stuart Scheingold 92 , désigne des attitudes majoritairement favorables à l’intégration européenne même si faiblement structurées, et ce d’autant plus au tout début du processus d’intégration. Les sondages précisent également que plus les personnes interrogées sont jeunes et plus elles sont euro-optimistes. Ceci nous laisse à penser qu’avec le renouvellement des générations, le degré d’euro-optimisme de la société moldave va progresser 93 . Mais l’UE est également er au centre de toutes les préoccupations en Roumanie, nouvel État membre depuis le 1 janvier 2007, ce qui n’est pas sans conséquences pour la RM. 2. Une Roumanie élevée au rang de membre de l’UE Si le processus d’adhésion de la Roumanie a démarré en 1995 avec la signature d’un er Accord d’association avec l’UE, la Roumanie n’est devenue pleinement membre qu’au 1 janvier 2007, après avoir signé le Traité d’adhésion le 25 avril 2005. Il est donc désormais intéressant de voir avec un peu plus de recul ce que les Roumains pensent de l’UE, maintenant qu’ils ont pu l’expérimenter de manière concrète. Selon l’eurobaromètre publié en janvier 2008, il en ressort que les Roumains sont convaincus à 67% que cette adhésion est bénéfique pour leur territoire. De plus, si la confiance qu’ils ont envers leurs propres institutions est en baisse : de 24% à 18% pour le Parlement et de 27 à 21% pour le gouvernement, ils sont en revanche 68 % à faire confiance aux institutions européennes 94 . Enfin, il est remarquable de voir que près de 81% associent l’Union Européenne 95 avec la démocratie et que 80% l’associe avec l’idée de modernité . Il semblerait donc que l’UE représente toujours pour les Roumains un ensemble de valeurs positives et de changements bénéfiques pour leur société, et cela d’autant plus après leur entrée. Cette dynamique influence forcément la Moldavie voisine dans le sens où elle ne fait que renforcer l’image positive que les Moldaves ont de l’UE. C’est un phénomène qui ne peut que les motiver et les encourager à poursuivre dans la voie d’une intégration européenne. Dans cette optique, il paraît donc important que la Roumanie réussisse son entrée dans l’UE pour bénéficier d’une certaine crédibilité vis-à-vis de l’UE bien sûr, mais surtout vis-à-vis de la Moldavie car comme on le verra un peu plus loin, la Roumanie soutient la Moldavie 90 91 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008], http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf [ vu le 26 juillet 2008] 92 BELOT (Céline), janvier 2002, « Les logiques sociologiques de soutien au processus d’intégration européenne : éléments d’interprétation », 93 http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2002-1-page-11.htm [vu le 26 juillet 2008] BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/200705311/ [vu le 26 juillet 2008] 94 95 28 Eurobaromètre 68.2, automne 2007, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb68/eb68_ro_nat.pdf [vu le 26 juillet 2008] Eurobaromètre 68.2, Op.cité. Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie dans son rapprochement à l’UE et se positionne en tant qu’aide de premier choix pour faire bénéficier la RM de son expérience et de son expertise. Il est donc important que les Roumains gardent tout cet optimisme et cet enthousiasme concernant l’UE pour les transmettre de manière plus ou moins directe et plus ou moins informelle à la RM. Dans tous les cas, qu’elle le veuille où non, la Roumanie, en tant que membre de l’UE, est obligée 96 d’améliorer sa coopération avec la Moldavie dans le cadre du programme Tacis (Technical Assistance to the Commonwealth of Independant States-CEI, créé en décembre 1991). En effet, une communication publiée dans le cadre de ce programme fait état d’un nécessaire renforcement de la coopération transfrontalière pour « contribuer à la stabilité des nouveaux voisins de l'Union Européenne ». De plus, « des projets durables contribuant à résoudre les problèmes spécifiques des zones frontalières sont envisagés » et « la priorité est donnée à l'appui institutionnel qui permettra aux autorités locales et régionales, entités clés dans ce programme, de participer aux actions » 97 . Ainsi, si la République de Moldavie elle-même semble vouloir prendre le chemin de l’Europe, la Roumanie voisine apparaît comme un allié décisif dans la mesure où, devenue membre récemment, elle dégage une dynamique positive autour des valeurs et des normes européennes d’autant plus que son nouveau statut l’incite fortement à collaborer avec ses voisins non-membres, Moldavie y compris. Les évolutions constatées ces dernières années vont donc dans le sens d’une démocratisation ou pour le moins d’une certaine prise de conscience des forces démocratiques soutenues par une population de moins en moins subjuguée par le parti communiste. Ces évolutions au sein de la société et du système politique prennent également de plus en plus le chemin de l’UE, de ses normes, de ses valeurs. La RM semble vouloir embrasser un destin européen qui pourrait lui apporter la stabilité si nécessaire pour apaiser ses tensions identitaires. Comme nous l’avons vu, la Roumanie, devenue membre, joue bien sûr un rôle dans ces évolutions, à divers degrés. Mais la question est désormais de savoir si ces changements dans les mentalités et dans les orientations sont susceptibles d’ouvrir la voie à de nouvelles façons d’agir, afin de modifier d’améliorer concrètement la situation de la RM sur le plan interne mais aussi d’orienter les relations étrangères dans le sens d’un rapprochement roumano-moldave sincère et durable. II. Des changements structurels sur les bases d’un rapprochement roumano-moldave dans le cadre du soutien apporté par l’UE Moins un pays est démocratique et stable économiquement parlant, plus les tensions identitaires remontent à la surface, et ce d’autant plus lorsqu’en Moldavie, le gouvernement communiste semblent attiser ces tensions pour préserver ses privilèges. Dans ce contexte et dans la perspective d’apaiser les tensions identitaires, toutes les initiatives ayant 96 Le programme TACIS vise à favoriser la transition vers une économie de marché et renforcer la démocratie et l'État de droit dans les États partenaires d'Europe orientale et d'Asie centrale. http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/r17003.htm 97 « Coopération transfrontalière dans le cadre du programme Tacis », 21 février 2007, r17004.htm [vu le 26 juillet 2008] http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/ [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 29 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie pour but d’améliorer la situation politique, économique et sociale en RM paraissent opportunes. L’adhésion de la Roumanie à l’UE a contribué à rapprocher l’UE et la RM, et ce principalement par l’intermédiaire de la PEV puisque la Moldavie emboîte le pas de la Roumanie en acceptant de réformer ses structures pour coller au plus près de l’acquis communautaire. Dans quelle mesure cette politique est-elle capable d’apporter plus de stabilité en RM ? Outre les prémices d’une modernisation apportées par l’UE et qui commencent à apparaître, nous savons aussi que les relations entre Roumanie et RM revêtent un caractère fondamental pour les questions identitaires en RM. Il donc est intéressant de s’interroger sur le rôle joué, plus ou moins directement, par l’UE, et qui irait dans le sens d’un rapprochement entre les deux voisins. A. Les prémices d’une modernisation Cette modernisation naissante en RM est d’abord remarquable par le travail législatif en cours, mais aussi par les améliorations liées à une collaboration étroite UE-RM ainsi que par les échanges croissants entre la Moldavie et l’Union Européenne. 1. Une législation remaniée Au cours de ces trois dernières années, la dynamique impulsée par le Plan d’Action signée entre l’UE et la RM (PAUERM) en 2005 a conduit à de nombreuses modifications de la législation moldave pour que cette dernière se rapproche des standards et des normes européennes et internationales. Le cadre de la PEV conceptualisé dès 2003 et qui est à l’origine du PAUERM s’inscrit dans une approche régionale fondée sur des valeurs communes et adopte une démarche différenciée en s’adaptant à la spécificité des pays concernés. Les objectifs de la PEV sont clairement définis : il s’agit de promouvoir la stabilité et la prospérité à l’intérieur et au-delà des frontières de l’UE. Et la première bataille à mener lorsqu’un pays intègre la PEV se situe sur le terrain législatif, car c’est de cette manière que peut progresser la démocratisation d’un système et d’une société, en amenant les bases d’un cadre institutionnel stable pour la création d’un véritable État de droit. Ainsi, parmi les perspectives principales adoptées par la RM le 22 février 2004 dans le cadre du PAUERM figure le soutien de l’UE pour l’harmonisation de la législation moldave avec 98 l’acquis communautaire . A l’instar d’Igor Boţan, le directeur de l’agence ADEPT, plusieurs politiciens ou analystes politiques admettent qu’un nombre très important de lois a été modifié ou ajouté ces dernières années et qui va dans le sens des recommandations de 99 l’UE . Ainsi, si l’on se fie au rapport publié par la commission européenne le 3 avril 2008 et établissant le rapport de progrès de la Moldavie concernant l’application du PAUERM, on note les avancées dans plusieurs domaines. Tout d’abord en ce qui concerne la réforme du parlement moldave, une loi a été adoptée en décembre 2006 et selon les recommandations de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Une version définitive a ensuite été adoptée en décembre 2007. Un certain nombre d’actes législatifs a été approuvé en décembre 2006 concernant les gouvernements locaux, y compris sur la décentralisation administrative, l’administration publique locale et régionale et une stratégie nationale a vu 98 « Dosar: Relatiile UE - Moldova - Orientarea declarativ europeana, in contrast cu apropierea de Moscova » [Dossier : Relations UE-Moldavie- Orientation européenne dans les déclarations, en contraste du rapprochement avec Moscou], 23 novembre 2007,http://www.euractiv.ro/uniunea-europeana/articles%7CdisplayArticle/articleID_11945/Dosar-RelatiileUE-Moldova-Orientarea-declarativ-europeana-in-contrast-cu-apropierea-de-Moscova.html 99 30 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie le jour en janvier 2007 pour renforcer les standards professionnels pour les fonctionnaires et les responsables locaux. Dans le domaine de la justice, un « Institut Nationale de la Justice » a été créé et un code de l’éthique pour les juges a été approuvé en novembre 2007 ainsi qu’un système d’inspection judiciaire placé sous la tutelle d’un Conseil Suprême de la Magistrature, en juillet 2007. Autre problème grave en Moldavie : la corruption. Un plan national sur la période 2007-2009 pour la combattre a été élaboré et voté en décembre 2006. Par ailleurs, la RM a ratifié en octobre 2007 la convention des Nations Unies contre la corruption ainsi que le protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe sur la loi criminelle, en août 2007. Sur la question des droits de l’homme, le parlement moldave a notamment approuvé en juillet 2007 des déclarations selon les articles 21 et 22 de la convention des Nation Unies contre la torture qui doit permettre aux individus de soumettre des plaintes au comité des Nations Unies contre la torture. En avril 2007, il a également adopté le protocole optionnel de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant. Les sanctions et responsabilités ont été renforcées pour prévenir le trafic d’êtres humains. Dans le domaine des médias, une loi sur la diffusion a été adoptée en juillet 2006, et qui offre une bonne base législative pour garantir la liberté de la presse. En ce qui concerne les syndicats, la RM a ratifié trente-huit conventions ILO (International Labour Organization, organisation internationale du travail). Dans le domaine du commerce, plusieurs lois ont été adoptées en vue d’un accord d’évaluation de la conformité et de l’acceptation des produits industriels. Ces lois concernent la régulation technique, la sécurité des produits ainsi que leur standardisation. La RM a aussi approuvé plusieurs lois pour s’aligner sur les standards européens concernant les règles d’hygiène dans l’industrie alimentaire ainsi qu’une nouvelle loi vétérinaire (mars 2008). Dans le domaine des affaires, une loi sur la responsabilité limitée des entreprises, qui maintient le capital minimum enregistré à 5400 lei (soit 1500 euros) a été adopté et contribue à l’amélioration du climat des affaires, tout comme la nouvelle loi simplifiant les procédures d’enregistrement des entreprises. Concernant la politique de concurrence, plusieurs investigations ont été menées en 2007 par l’Agence Nationale pour la protection de la Concurrence, autorité indépendante depuis février 2007. Dans le domaine de l’éducation et de la culture, la RM a notamment accepté d’introduire le système de 100 Bologne pour l’éducation supérieure, mais aussi de ratifier la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. D’autres lois ou programmes ont été adoptées toujours dans le but de rapprocher la législation moldave des standards européens dans les domaines de la protection de l’environnement, de la santé, de la protection des cultes, du droit d’association, de la finance et des communications 101 électroniques . On le constate donc, les chantiers lancés sous l’impulsion du PAUERM sont multiples et touchent tous les domaines de la société et des institutions moldaves. En plus de tout ce travail sur la législation entraîné par la mise en place du PAUERM, l’implication de l’UE ainsi que la coopération entre UE et RM s’avèrent décisives dans un certain nombre de domaines stratégiques. 100 Réforme pour uniformiser le système universitaire pour les Etats membres de l’UE, instituant le système « LMD » ou Licence (Bac+3), Master (Bac+5), Doctorat (Bac+8). 101 Progress Report Moldova, Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2007 [Rapport de progrès pour la Moldavie : application de la PEV en 2007], 3 avril 2008 http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_399_en.pdf[vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 31 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 2. Une amélioration en raison d’une plus étroite collaboration UE-RM sur des questions stratégiques En ce qui concerne la résolution du conflit en Transnistrie, il faut savoir que ce point figure parmi les objectifs généraux du PAUERM : « l’engagement ferme de l’UE de soutenir une 102 solution pour le conflit en Transnistrie » . Nous rappelons ici qu’il est capital pour la RM de trouver rapidement une solution à ce conflit car cette enclave séparatiste est un obstacle majeur pour la RM sur le chemin d’une démocratisation. Dans cette optique, on 103 ne peut que souhaiter une plus ample participation de l’UE à la résolution de ce conflit. Comment ce soutien se manifeste-t-il ? Tout d’abord, il faut signaler que l’UE est de plus en plus présente en Moldavie, que ce soit par la délégation de la Commission européenne présente à Chisinau ou par la nomination d’un représentant spécial de l’UE à partir de 2005. Le HongroisAdriaan Jacobovits de Szeged a rempli cette fonction jusqu’en février 2007. C’est un autre Hongrois Kalman Mizsei, qui l’a remplacé. Javier Solana, le chef de la diplomatie européenne, a d’ailleurs profité de cette nomination pour réaffirmer l’engagement de l’UE en RM : « La Moldavie est désormais un voisin direct de l’UE et il est grand temps 104 de trouver une solution viable et durable à ce conflit » . En effet, la mission de ce représentant consiste principalement à contribuer au règlement du conflit en Transnistrie, mais à partir de février 2007, de nouveaux domaines ont été ajoutés à ce mandat tel que le renforcement des institutions démocratiques, des règles de droit et du respect des libertés fondamentales. Cette présence sur place montre une certaine volonté de la part de l’UE de vouloir s’impliquer plus directement en RM. La participation de l’UE dans la résolution du conflit en Transnistrie se traduit principalement par la mise en place de la mission EUBAM (European Border Assistance Mission to Moldova and Ukraine) depuis novembre 2005. Cette mission a été établie à la demande des présidents moldave et ukrainien pour « assister la modernisation de la gestion de leur frontière selon les standards européens, et aider à la recherche d’une solution pour le « conflit gelé » avec la région séparatiste de 105 Transnistrie » . C’est une mission technique d’assistance. Son rôle est d’observer ce qui se passe à la frontière et de conseiller les douaniers moldaves et ukrainiens. La mission travaille également avec les services de douanes pour développer leurs compétences professionnelles et les aider à contrôler efficacement la frontière et à lutter par exemple contre la corruption, les migrations illégales ou tout autre type de trafics. L’équipe de la mission comprend 120 membres et est entièrement financée par l’UE par le « Mécanisme de Réaction Rapide » 102 106 ainsi que par le programme TACIS (Technical Assistance to the « Dosar: Relatiile UE - Moldova - Orientarea declarativ europeana, in contrast cu apropierea de Moscova » [Dossier : Relations UE-Moldavie- Orientation européenne dans les déclarations, en contraste du rapprochement avec Moscou], 23 novembre 2007, http://www.euractiv.ro/uniunea-europeana/articles%7CdisplayArticle/articleID_11945/Dosar-Relatiile-UE-Moldova-Orientareadeclarativ-europeana-in-contrast-cu-apropierea-de-Moscova.html[vu 103 le 26 juillet 2008] L’UE, comme les USA, soutient la mise stratégie « 3 D » pour la résolution du conflit en Transnistrie : Démocratisation, Démilitarisation, Décriminalisation. CHIFU (Iulian), 2005, Spatiul post sovietic : in cautarea identitatii [L’espace post-soviétique: à la recherche d’identité], Bucarest, Politeia-SNSPA, p.146 104 105 106 http://www.e-democracy.md/e-journal/20070216/ [vu le 26 juillet 2008] http://eubam.org/index.php?action=group&group=28&sid=hs4jllf2vgo05x2rw3pycsuj6zfq9onh [vu le 26 juillet 2008] « Mécanisme qui permet une action rapide dans des domaines précis afin de répondre ou d'éviter des situations de crise ou de conflit, réelles ou potentielles. Le financement prend la forme d'aides non remboursables. La Commission, avec l'aide des partenaires, 32 Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie Commonwealth of Independant States-« Assistance technique pour la Communauté des Etats Indépendants ») etle ENPI (European Neighbourhood and Partnership Instrument« Instrument du voisinage et du partenariat européen » 107 ). Une des missions de l’EUBAM a été, entre autres, de réguler la mise en application de la nouvelle réglementation concernant les entreprises transnistriennes, adoptée le 17 108 mars 2007 et qui leur ouvre la frontière roumano-moldave pour exercer leur activité sous réserve d’une autorisation de la Roumanie. Selon Eugenia Chistruga, la vice-ministre moldave des Affaires étrangères et européennes, cette nouvelle législation, encadrée par 109 l’EUBAM a permis de mettre sous contrôle le commerce extérieur de la Transnistrie . Sans cette mission, la mise en œuvre de cette législation serait sans doute beaucoup plus délicate alors qu’elle constitue un pas important vers une ouverture de la Transnistrie vers l’Ouest, et tout cela dans un cadre légal bien entendu. De plus, en essayant d’améliorer la 110 coopération entre les agences moldaves et ukrainiennes , la mission EUBAM pourrait constituer un facteur important dans la résolution de ce conflit gelé car la coopération de l’Ukraine est capitale pour la résolution du conflit. Déjà, les deux pays ont signé en novembre 2006, à l’issu d’une réunion tripartite UE-Moldavie-Ukraine à Bruxelles, un accord sur l’échange d’informations concernant les biens et les personnes traversant la frontière moldo-ukrainienne 111 . Mais surtout, c’est en grande partie grâce aux pressions exercée par 112 l’UE (et les Etats-Unis) que l’Ukraine a accepté cette mission EUBAM . L’Ukraine s’est longtemps montrée réticente à une telle surveillance de ses frontières, ayant, elle aussi, un intérêt certain au maintien du statu quo. En effet, les trafics à la frontière ukrainienne profitent aussi bien aux citoyens de la Transnistrie qu’aux Ukrainiens, Russes et Moldaves. De plus, un certain nombre de personnalités ukrainiennes possèdent, de facto, une partie de l’importante usine sidérurgique de Ribnitsa, dont les recettes représentent la moitié du budget local. D’où l’idée qui est née pour résoudre ce conflit et à laquelle adhère l’UE : faire en sorte que le statu quo ne soit plus si confortable, et ce en essayant à la fois de rendre la Moldavie beaucoup plus attractive (par une croissance économique et le respect des principes démocratiques) mais aussi en instaurant une surveillance aux frontières pour est l'institution responsable de la mise en œuvre du mécanisme, de sa coordination et de son évaluation. », http://europa.eu/scadplus/ leg/fr/lvb/r12701.htm 107 [vu le 26 juillet 2008] « Doté d’un budget de 11,9 milliards d’euros (prix courants) pour la période 2007-2013, il s’adresse aux pays concernés par la politique européenne de voisinage et vise à fournir une assistance communautaire, en vue de l’établissement d’une zone de prospérité et de bon voisinage couvant l’Union européenne et ses pays partenaires », http://www.bureau-alsace.org/opencms/opencms/bureaualsace/fr/fiche_programme/instrument_partenriat.html [vu 108 109 2008, http://www.e-democracy.md/e-journal/20070401/ [vu le 26 juillet 2008] EUBAM Advisory Board draws up 2007 work results [Le comité consultatif de l’EUBAM dresse le bilan 2007 ] 12 mars http//www.azi.md/news?ID=48510 110 le 26 juillet 2008] [vu le 26 juillet 2008] Progress Report Moldova, Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2007 [Rapport de progrès pour la Moldavie : application de la PEV en 2007], 3 avril 2008 http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_399_en.pdf [vu le 26 juillet 2008] 111 112 http://www.e-democracy.md/e-journal/20070131/ [vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 Schultz Ilioné 33 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie stopper (ou réduire) les exportations illégales qui font vivre, en grande partie, la région . C’est toute la tâche d’une mission telle que l’EUBAM. 113 L’autre « instrument » dans lequel est impliqué l’UE pour la résolution du conflit en Transnistrie est le format de négociations « 5+2 » lancé à l’automne 2005. En effet, en septembre 2005, le format « 2+3 » (Moldavie, Transnistrie + Russie, Ukraine, OSCE) tombe d’accord pour inviter l’UE et les Etats-Unis à participer aux négociations mais seulement en tant qu’observateurs. Les deux premières réunions n’ont pas porté leurs fruits en raison de la volonté de la Russie de réintroduire deux idées : celle d’un État moldave fédéral et d’une démilitarisation de la Moldavie. Chisinau juge inacceptable ces deux propositions. Les négociations avec le format « 5+2 » étaient donc gelées depuis février 2006. En mars 2007, à Vienne, de nouvelles consultations ont eu lieu entre l’OSCE, la Russie l’Ukraine, les USA et l’UE, qui ont abouti à la signature d’un document prévoyant la reprise des négociations sous le format « 5+2 ». Une telle tentative avait déjà échoué en février 2007 puisque la Transnistrie ne s’était pas présentée aux négociations. A noter également que pour sa première visite à Tiraspol (février 2007), Kalman Mizsei, le nouveau représentant de l’UE en RM, a rencontré le leader transnistrien Igor Smirnov qui lui a exprimé son accord pour 114 la reprise d’un dialogue sous le format « 5+2 » . De plus, lors du conseil de coopération UE-Moldavie qui s’est tenu le 19 juin 2007, les représentants de l’UE se sont réjouis de la reprise du dialogue entre la RM et la Russie tout en insistant bien sur le fait que tout ceci devait se faire en vue de la reprise des négociations sous le format « 5+2 » car c’est le seul pour discuter et approuver des solutions concernant la Transnistrie 115 . L’implication de l’UE pour la résolution de ce conflit se manifeste également par sa présence lors de conférences comme celle organisée les 26 et 27 mars 2007 à Chisinau sur le thème de « Résoudre le conflit transnistrien dans le contexte d’européanisation de la Moldavie ». Lors de cette conférence, les représentants de l’UE ont réaffirmé le besoin de renforcer l’attractivité de la RM pour les citoyens de la Transnistrie en appuyant les efforts pour une intégration à l’UE de la Moldavie, le processus de réformes démocratiques 116 en cours ainsi que le respect de la souveraineté et de l’intégrité du territoire moldave . De même, en mars 2008, Marianne Mikko, parlementaire européenne et co-présidente du comité de coopération UE-Moldavie, dans le cadre d’une conférence dédiée au conflit transnistrien dans le cadre de l’intégration de la RM à l’UE, a invité les présidents des Parlements moldave et transnistrien à dialoguer activement sous l’égide du Parlement européen. En dehors de la résolution du conflit en Transnistrie, l’UE s’active dans d’autres domaines stratégiques en étroite coopération avec la RM. Dans le domaine de l’énergie, capital puisque la RM n’est pas indépendante de ce point de vue là, l’UE aide la Moldavie à mettre en place sa stratégie établie en août 2007. Cette stratégie vise une convergence graduelle avec les règles et la politique de l’UE puisque le rôle de la République de Moldavie en tant que pays de transit pour l’UE est devenu d’autant plus important après l’élargissement incluant la Roumanie. Par ailleurs la Communauté européenne de l’énergie 113 BON (Agnès), 2006, « Moldavie 2005, L’Europe en ligne de mire », Le courrier des pays de l’Est, n°1053, janvier- février 2006, p.78-88. 114 115 116 34 http://www.e-democracy.md/e-journal/20070216/ [vu le 26 juillet 2008] http://www.e-democracy.md/e-journal/20070630/ [vu le 26 juillet 2008] http://www.e-democracy.md/e-journal/20070401/ [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie travaille en vue d’inclure la RM dans le Traité de la communauté de l’énergie. Cette coopération devrait permettre, à terme, de moderniser et d’accroître l’approvisionnement en énergies de la RM. Et en ce qui concerne la sécurité, la RM a signé en février 2007 un accord stratégique de coopération avec Europol tandis qu’un accord opérationnel est en préparation. De plus, un point de contact Eurojust a été établi au Ministère de l’Intérieur et un guide de la coopération judiciaire avec les autres États membres a été publié, le tout pour favoriser la coopération judiciaire et policière avec les pays membres de l’UE dans le but d’accroître la sécurité du pays 117 . La circulation toujours plus importante des biens et des personnes au cours de ces dernières années entre la République de Moldavie et l’UE laisse à penser que la RM a déjà en quelque sorte un pied dans l’Europe, un pied qui lui permettrait de faire un pas décisif vers l’Ouest pour une meilleure stabilité. 3. Un pied dans l’Europe ? : Échanges croissants entre l’UE et la République de Moldavie et impact sur la situation intérieure en RM Parmi les changements structurels significatifs liés à la PEV, on remarque un accroissement significatif des échanges économiques entre la Moldavie et l’UE, alors que la RM était traditionnellement tournée vers l’Est pour son commerce. Vlad Cubreacov, député « démocrate-chrétien » (PPCD) au parlement moldave explique l’augmentation de ces échanges notamment par une forme de solidarité géoéconomique : en effet, l’UE aurait réagi aux pressions de la Russie et au boycott lancé sur certains produitscomme le vin à partir de 2006. Vlad Cubreacov affirme qu’à long terme, les modifications de la balance commerciale vont entraîner d’importants effets sur la géopolitique mais aussi sur la politique intérieure moldave 118 . En effet, en 2007, les importations de l’UE en provenance de la RM ont augmenté de 119 40,8% et les exportations de 26,3%, en comparaison avec les chiffres de 2006 . En 2006 déjà, les exportations de la Moldavie vers l’UE ont représenté près de 35% du total des exportations moldaves. A titre indicatif, cette part était de 29,7% en 2005 et 13% en 1998. Mais elle a d’autant plus augmenté depuis le début de l’année 2007, atteignant 47,4 % alors que dans le même temps, les échanges de la Moldavie avec la CEI (Communauté des Etats Indépendants) ont largement diminué : ils sont passés de 48,7 début 2006 à 31,7% début 2007. Les experts expliquent cette tendance notamment par le fait que les producteurs er moldaves se sont habitués au système de préférences généralisées mis en place dès le 1 janvier 2006 et introduisant une « taxe zéro » à l’export pour 7200 produits moldaves qui 120 peuvent ainsi entrer librement sur le marché européen. De plus, le 14 novembre 2007, la Commission européenne a accordé à la RM le système des préférences commerciales er (Autonomous Trade Preferences-ATP), ce qui signifie que depuis du 1 mars 2008, date de mise en application de l’accord, théoriquement, tous les produits d’origines moldaves 117 Progress Report Moldova, Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2007 [Rapport de progrès pour la Moldavie : application de la PEV en 2007], 3 avril 2008 http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_399_en.pdf [vu le 26 juillet 2008] 118 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 119 120 Progress Report Moldova, op.cité. http://www.e-democracy.md/e-journal/20070430/ [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 35 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie peuvent entrer librement dans l’UE, sans taxes ni restrictions, même si en fait, des quotas subsistent pour quelques produits comme le vin, la viande de veau et quelques produits 121 de la pêche , mais aussi le sucre et les œufs. Mais ces accords ont nécessité de la part des autorités moldaves un gros travail sur la certification de l’origine des produits et le système de contrôle. Pour exemple, la RM a adopté en 2005 un plan d’action sur la santé animal et la sécurité alimentaire, qu’elle applique selon les recommandations du bureau de la Commission européenne pour l’alimentation et les questions vétérinaires 122 . Ce qui circule également très bien entre l’UE et la République de Moldavie, c’est l’argent envoyé aux familles restées sur le territoire moldave et gagné par les moldaves qui travaillent 123 dans les pays membres, et qui représente près de 80% des revenus de la Moldavie . En effet, sur environ 1, 6 million de personnes qui composent la population active de la Moldavie, environ un million se trouve à l’extérieur des frontières de la RM et pour la plupart dans UE. Un grand nombre de ces émigrés résident et travaillent dans les pays membres de l’UE. Et beaucoup de familles Moldaves restées dans le pays vivent de cet argent gagné en Europe. De ce point de vue là, c’est un peu comme si la RM était déjà 124 intégrée économiquement dans l’UE . Dans ce registre, on peut également ajouter tous les fonds européens qui proviennent de l’UE, que ce soit des fonds pour le règlement du conflit avec la Transnistrie ou en vue d’apporter une assistance comme après la sécheresse de l’été 2007. Mais à la différence de ces fonds d’aide européenne, l’argent envoyé aux familles par les travailleurs moldaves représente un certain type d’intégration. Ces émigrés, dont une partie revient après une certaine période, ont une autre vision de choses, ils ont vécu l’Europe de manière plus concrète, ont appréhendé une autre culture qui leur permet d’adopter un regard différent sur leur propre culture, sur leur système politique, économique. 125 Ce sont eux les premiers agents de « ré-europénisation » de la République de Moldavie . Le problème est que comme ils sont bien souvent absents, ils ne votent pas, alors que ce sont eux la véritable force vive de la Moldavie. Face à cette question, l’attitude de l’UE a été de lancer un accord sur la facilitation des visas pour l’UE, afin, principalement, de limiter les migrations illégales mais aussi de désenclaver la Moldavie après l’adhésion de er la Roumanie à l’UE. Cet accord est entré en vigueur dès le 1 janvier 2008 et concerne certaines catégories de personnes, établies selon des critères bien précis. Il prévoit la délivrance de visas pour une durée de quatre vingt-dix jours dans un intervalle de quatre vingt jours, une réduction de la période de prise de décision pour la délivrance des visas à dix jours maximum, sauf en cas de nécessité de vérifications qui repousse le délai à trente jours. De plus, si la situation est urgente, la délivrance peut se faire en deux jours. En ce qui concerne le prix du passeport, celui-ci a été réduit à trente cinq euros au lieu de soixante comme c’est le cas dans les pays de l’UE. A noter enfin que certaines personnes sont 121 International Trade Agreements [Les accords commerciaux internationaux] option=com_content&task=view&id=44&Itemid=60 122 Progress Report Moldova, Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2007 [Rapport de progrès pour la Moldavie : application de la PEV en 2007], 3 avril 2008 http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_399_en.pdf le 26 juillet 2008] 123 124 125 36 http://miepo.md/index.php? [vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 Schultz Ilioné [vu 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie totalement exemptes de taxes : c’est le cas des parents, des fonctionnaires qui participent à l’action gouvernementale, des étudiants, des handicapés, des personnes qui travaillent dans l’humanitaire, des journalistes. On voit donc comment, par l’accroissement des liens économiques, l’UE est en train de devenir beaucoup plus présente économiquement en RM, modifiant ainsi le schéma commercial traditionnel de la Moldavie. Mais c’est surtout par les mouvements de personnes entraînés par ce facteur économique que l’UE devient de plus en plus concrète dans les structures mentales des Moldaves, et l’UE semble avoir compris tout l’enjeu de ces migrations en développant une simplification des mécanismes d’obtention des visas. Ainsi, on a pu constater l’ampleur du chantier actuellement à l’œuvre en RM et en grande partie dû à la mise en application du PAUERM, que ce soit sur le plan législatif, stratégique ou économique. L’UE tente en effet de s’impliquer de plus en plus en Moldavie sur des questions aussi capitales que le conflit en Transnistrie, cette entité séparatiste de la RM qui la maintient sur le terrain des tensions identitaires et en freine la démocratisation. De son côté, la RM fait des efforts pour atteindre les standards européens et ces changements structurels semblent de plus en plus confirmer son orientation vers une intégration européenne. C’est sur cette base qu’apparaît comme plus que souhaitable et envisageable un rapprochement entre la RM et sa voisine, la Roumanie, déjà européenne. B. République de Moldavie et Roumanie : un rapprochement inévitable via l’UE entre deux États néanmoins indépendants Si une intégration européenne de la Moldavie semble passer obligatoirement par une coopération entre Bucarest et Chisinau, on remarque que la Roumanie soutient déjà activement l’intégration de la RM dans les structures européennes et euro-atlantiques, d’autant plus qu’on observe entre ces deux pays des liens croissants dans plusieurs domaines. 1. Une intégration européenne de la Moldavie qui passe obligatoirement par l’axe de coopération Bucarest-Chisinau Pour les représentants de l’UE comme pour les Roumains et la plupart des Moldaves, une intégration de la République de Moldavie à l’UE ne peut se faire que par la consolidation des liens qui unissent ces deux pays, ce qui sous-entend également que de bonnes relations entre Bucarest et Chisinau sont la condition primordiale pour la RM sur son chemin vers 126 l’UE . Javier Solana, le chef de la diplomatie européenne a prononcé le 15 avril 2008 une déclaration dans ce sens, expliquant que même si pour le moment il n’est pas question d’une adhésion pour la RM, celle-ci doit renforcer ses relations avec la Roumanie, qui doit être un allié proche de la Moldavie. Il encourage l’axe Chisinau-Bucarest pour que l’histoire commune de ces pays leur serve de moteur (en particulier pour la Moldavie) et 127 non pas de frein . Odette Tomescu-Hatto met elle aussi en avant cette situation unique de coopération transfrontalière qui se trouve juste aux portes de l’Union Européenne et 126 127 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 « Javier Solana: Romania ar trebui sa fie un aliat mai apropiat al Republicii Moldova, in drumul Chisinaului spre Europa » [ Javier Solana : la Roumanie devrait être un allié plus proche de la République de Moldavie, dans le chemin de Chisinau vers l’Europe], 15 avril 2008, http://www.europa.md/rom/infto/3398 [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 37 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 128 qui doit se baser sur l’attachement culturel fort qui unit ces populations, et notamment sur le fait qu’elles partagent la même langue. En effet, l’avantage pour les Moldaves est que leur langue est déjà une des langues de l’UE, par l’intermédiaire de la Roumanie, ce qui constitue un atout majeur pour l’accès à l’acquis communautaire par exemple, et offre une certaine transparence vis-à-vis des instances européennes. De plus, la Moldavie peut bénéficier de l’expertise de la Roumanie en ce qui concerne le processus d’adhésion. En fait, cette proximité géographique et culturelle entre la Roumanie et la Moldavie fait même 129 de la Moldavie le meilleur candidat potentiel parmi tous les pays qui font partie de la PEV (les autres pays sont : l’Algérie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, l’Egypte, la Géorgie, Israël, la Jordanie, le Liban, la Lybie, la Maroc, la territoire occupé de Palestine, la Syrie, la Tunisie et l’Ukraine). La plupart des Moldaves partage d’ailleurs cet avis puisque selon un sondage de l’ « Institut des Politiques Publiques » de Moldavie (IPP) publié en avril 2008, 44, 2% des Moldaves pensent que c’est la Roumanie qui est la plus à même d’aider la Moldavie 130 pour accéder à l’UE . Et parmi les Moldaves, ceux d’ethnie roumaine sont les plus eurooptimistes, ce qui montre bien que si la Roumanie veut se rapprocher de l’Europe, elle doit particulièrement s’appuyer sur cette part des Moldaves, et donc sur la Roumanie. De plus, pour le moment, près de cent cinquante mille Moldaves ont la citoyenneté roumaine en plus de leur citoyenneté moldave, et selon Vlad Cubreacov, ce sont eux la véritable force de « réeuropénisation » de la Moldavie car ils ont des liens très forts avec la Roumanie, y vivent ou y vont souvent, ont une expérience concrète l’UE et sont acquis à la cause européenne qu’ils peuvent défendre sur le territoire moldave. Et inversement, comme leur intérêt est de voir leurs deux pays se rapprocher et que la Roumanie fait déjà partie de l’UE, ils vont naturellement défendre la cause européenne pour que la Moldavie emprunte réellement 131 cette voie . Certains Moldaves ou Roumains vont même plus loin car ils pensent que c’est en fait l’adhésion de la République de Moldavie à l’UE qui va constituer un premier pas vers une réunification avec la Roumanie. Quoi qu’il en soit, on se rend compte que c’est surtout à travers la Roumanie que les Moldaves ont un sentiment d’européanité et l’on constate à quel point le destin européen de la RM passe par un rapprochement avec la Roumanie. Et pour preuve qu’un tel rapprochement sur fond d’intégration européenne est plus que souhaitable, en septembre 2007, des étudiants de Bucarest ont participé à une vidéo-conférence avec des étudiants de Chisinau pour justement aborder le thème du rôle 132 de la Roumanie dans l’intégration européenne de la RM . Et effectivement, on observe que déjà, la Roumanie montre un soutien effectif à la RM dans ce sens-là. 128 Tomescu-Hatto (Odette), Hatto (Ronald), 2005, « Frontières et identités: La Roumanie et la Moldavie dans l’Europe élargie », Etudes internationales, CERI, n°116, 129 130 http://www.ceri-sciencespo.com/publica/etude/etude116.pdf[vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008], http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf[vu le 26 juillet 2008] 131 132 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 MOCANU (Ghenadie), « Rolul Romaniei in procesul de integrare europeana a Moldovei a fost discutat de catre studentii de la Chisinau si Bucuresti in cadrul primei videoconferinte studentesti » [Le rôle de la Roumanie dans le processus d’intégration européenne de la Moldavie a été discuté par des étudiants de Chisinau et de Bucarest dans le cadre d’une vidéo conférence étudiante] , 8 septembre 2007 , 38 http://www.viitorul.org/viewinterviu.php?l=ro&idc=158&id=901 Schultz Ilioné [vu le 26 juillet 2008] 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie 2. Le soutien effectif de la Roumanie pour l’intégration de la République de Moldavie dans les structures européennes et euro-atlantiques La Roumanie soutient depuis le début la Moldavie dans sa volonté d’intégrer l’UE, comme en témoigne les nombreuses déclarations faites par les autorités roumaines à ce sujet : en novembre 2007, alors que les relations roumano-moldaves étaient plutôt tendues, le ministre roumain des Affaires étrangères Adrian Cioroianu déclarait que la Roumanie souhaitait développer de bonnes relations avec la Moldavie et qu’elle restait le plus fidèle soutien de la Moldavie dans son désir d’accéder à l’UE, réaffirmant ainsi sa sincère volonté 133 de l’aider dans cette voie . Si la Roumanie maintient cette ligne diplomatique, c’est parce qu’une Moldavie européenne est le seul moyen de garantir, à long terme, la sécurité nationale de la Roumanie, qui fait désormais partie de l’OTAN depuis le 29 mars 2004. Mais cet impératif sécuritaire n’est pas la seule raison. En effet, si la Roumanie soutient tant la Moldavie, c’est parce qu’elle considère ceci comme un devoir historique et moral, comme une responsabilité envers cette ancienne province qui a été sacrifié pendant la seconde guerre mondiale et surtout par la suite avec l’instauration d’un régime soviétique 134 . Enfin, si elle ne le fait pas, d’autres États s’en chargeront, comme c’est déjà le cas avec la Hongrie qui a coopéré à la création d’un centre commun de traitement des demandes de visas, ouvert en avril 2007 à l’ambassade hongroise de Chisinau avec la collaboration de plusieurs autres États membres. Étant donné les liens présents entre Roumanie et Moldavie évoqués dans le paragraphe précédent, il serait dommage que ce ne soit pas la Roumanie 135 qui remplisse ce rôle de premier soutien . Dans cette perspective le premier geste fait par la Roumanie a été d’offrir la quasi-totalité de la traduction de l’acquis communautaire 136 à la RM, soit 120 000 pages . Le gouvernement roumain a aussi mis en place une procédure de simplification de l’obtention de la citoyenneté roumaine pour les citoyens moldaves qui le désirent, en considérant cela comme « une obligation morale et politique ». Le Parlement roumain a voté en mars 2008 une loi modifiant les procédures. En effet, cette démarche vise à permettre à plus de Moldaves d’avoir directement accès à l’UE, afin qu’eux aussi bénéficient des avantages en attendant que la Moldavie atteignent son objectif. Et l’ensemble de ces citoyens moldaves /roumains « européens » constitue un levier de plus en faveur des arguments pro-européens et d’une orientation démocratique et européenne de la Moldavie, mais aussi une source de revenus supplémentaires puisqu’ils peuvent travailler en Europe. Une telle mesure apparaît donc comme plutôt bénéfique. Toujours dans l’optique de remplir son « devoir », la Roumanie a déployé d’importants efforts pendant deux ans au sein du Processus de Coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP) 133 134 137 avant de parvenir à l’adhésion de la Moldavie à ce processus en mai 2006, http://www.e-democracy.md/e-journal/20071130/ [vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Igor Munteanu, directeur de l’IDIS (Institut de Développement des Initiatives Sociales) « Viitorul ». Se reporter à l’annexe n°4 135 136 Entretien avec Georges Dura, chercheur au Centre d’Etudes des Politiques Européennes. Se reporter à l’annexe n°5 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 137 La SEECP a été créée en 1996 à Sofia. C’est une forme originale de coopération lancée sur la propre initiative des pays membres. Son but est de créer une atmosphère de confiance et des relations stables entre les pays voisins. Font partie de cette SEECP : la Roumanie, la Moldavie, la Bulgarie, la Turquie, la Grèce, la Croatie, le Monténégro, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la République de Macédoine. http://www.mvpei.hr/seecp/seecp_eng.htm Schultz Ilioné [vu le 26 juillet 2008] 39 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie et ce en tant que membre à part entière. Cette organisation tente de renforcer la stabilité politique et la sécurité des pays membres, par une coopération intensive pour les ressources humaines, la démocratie, la justice et par un accroissement des échanges économiques, et ce dans le but de préparer les États non-membres de l’UE dans leur processus d’intégration 138 à l’UE et dans les structures euro-atlantiques . La Roumanie a fait de même pour l’adhésion de la RM à au traité de libre échange de l’Europe centrale (CEFTA, organisation créée en 1992 à l’initiative de la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie et considérée comme une sorte d’antichambre de l’UE). L’accord a été finalisé en décembre 2006. La Roumanie s’implique également dans la promotion du destin européen de la Moldavie en organisant quelques événements originaux comme cette audience au Parlement européen qui a eu le 6 mai 2008 à l’initiative de l’eurodéputé roumain libéral Cristian Busoi sur le thème de « la République de Moldavie et son futur européen ». L’audience a été menée par le groupe ALDE (Assocation des Libéraux et Démocrates d’Europe) 139 . En mai 2007, la Roumanie avait également contribué à l’ouverture d’un Centre 140 d’Information Européenne (CIE), à Chisinau . Si la Roumanie apporte son soutien à la Moldavie, on s’aperçoit également que la relation entre ces deux pays n’est pas à sens unique : leurs échanges sont croissants dans un certain nombre de domaines. 3. Des liens croissants dans certains domaines Du point de vue de l’économie, les échanges entre les deux pays sont en pleine croissance et ce malgré la fin de l’accord de libre échange qui existait entre les deux États avant que la Roumanie ne devienne membre de l’UE. Marianne Mikko, co-présidente du comité de coopération UE-RM, a déclaré en mars 2007 lors d’une conférence que l’adhésion de la Roumanie à l’UE avait introduit un effet de convergence positive pour l’économie moldave 141 . La Roumanie est en train de devenir un partenaire économique de toute première importance puisque les échanges entre ces deux pays ont pratiquement doublé si l’on compare les chiffres de janvier-février 2007 avec ceux de la même période en 2006. Les exportations de la Moldavie sont 1,7 fois supérieures et les importations ont, elles aussi, doublé. Sur la période janvier-septembre 2007, les échanges commerciaux entre les deux pays ont été évalués à 600 millions de dollars alors qu’ils représentaient seulement 564 er millions de dollars pour la même période en 2006. La Roumanie est désormais le 1 ème importateur de marchandises moldaves et le 2 exportateur vers la RM après la Russie 142 138 139 . Cette croissance des échanges est principalement due au système des préférences http://www.mae.ro/seecp/[vu le 26 juillet 2008] « Audieri ALDE in Parlamentul European privind viitorul european al Republicii Moldova », [Audience de l’ALDE au parlement européen concernant le futur européen de la République de Moldavie], 7 mai 2008 http://www.europa.md/rom/infto/3522 [vu le 26 juillet 2008] 140 141 http://www.e-democracy.md/e-journal/20070515/ [vu le 26 juillet 2008] « Javier Solana: Romania ar trebui sa fie un aliat mai apropiat al Republicii Moldova, in drumul Chisinaului spre Europa » [ Javier Solana : la Roumanie devrait être un allié plus proche de la République de Moldavie, dans le chemin de Chisinau vers l’Europe], 15 avril 2008, 142 40 http://www.europa.md/rom/infto/3398[vu le 26 juillet 2008] http://www.e-democracy.md/e-journal/20070515/[vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie généralisées mis en place en 2006 mais dont les effets se sont fait ressentir un peu plus tardivement, le temps pour les producteurs de se familiariser avec le système. De plus, afin de réduire les conséquences négatives de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur l’économie frontalière et en particulier le petit commerce de frontière, les autorités roumaines ont proposé au gouvernement de Chisinau de signer un accord selon lequel les citoyens des deux côtés qui habitent dans une zone bien définie d’environ 50km vers l’intérieur des terres pourront voyager dans cette zone sans aucun passeport ni visa mais seulement munis d’un certificat spécial 143 . On peut noter aussi le nombre croissant de touristes roumains qui viennent en Moldavie pour faire des achats principalement 144 . La Roumanie apporte également à la Moldavie une véritable assistance et elle peut d’autant plus se le permettre maintenant qu’elle est dans l’UE et qu’elle traverse une phase de prospérité économique. La Roumanie est par exemple le second donateur pour la Moldavie après les USA et elle a apporté une aide de deux millions d’eurospour aider la 145 Moldavie à remédier aux conséquences de la sécheresse de l’été 2007 . Et en juin 2007, un forum entre cinquante hommes d’affaire de Roumanie et une trentaine de Moldaves a eu lieu à Chisinau. Le premier ministre roumain Calin Popescu Tariceanu en a profité pour discuter de projets d’investissements avec des représentants des autorités centrales de Chisinau, en particulier à propos de projets d’infrastructures, comme l’interconnections de trois lignes de 330KW entre les deux pays mais aussi au sujet de la création d’un fond de développement et de coopération roumain pour investir dans des projets moldaves de grande ampleur 146 . Mais les liens croissants entre RM et Roumanie ne concernent pas seulement le domaine économique. En politique, on peut citer l’exemple du partenariat créé en 2007 entre le « parti populaire démocrate chrétien moldave » (PPCD) et le parti démocrate roumain en vue de développer des actions communes entre villes ou villages partenaires (et contrôlés 147 par ces partis) . De plus, un projet de jumelage entre villes et villages des deux côtés du Prut a été lancé par le vice président de l’alliance « notre Moldavie » (Alianţa Moldova Noastra-AMN) Vasile Balan, qui reste convaincu que c’est en favorisant le contact direct 148 entre les gens que l’on combat le populisme . Sur le plan diplomatique, la Roumanie, en tant que membre de l’UE, reconnaît le format « 5+2 » comme seul cadre valable pour trouver une solution concernant le conflit transnistrien, comme l’a rappelé la porte parole du 149 ministère roumain des Affaires étrangères Corina Vintan . Et en juin 2007, le président roumain Traian Basescu a proposé que l’OSCE, l’UE et les Nations Unies mettent en place une force internationale de maintien de la paix qui serait déployée en RM (Transnitrie) et 143 144 http://www.e-democracy.md/e-journal/20080315/[vu le 26 juillet 2008] MOCANU (Ghenadie) (coordinateur), 2008, 100 cele mai pesante probleme ale Republicii Moldova în 2007 [ Les 100 problèmes les plus présents en Répubblique de Moldavie en 2007],Idis Viitorul, Chisinau, p. 214. 145 146 147 http://www.e-democracy.md/e-journal/20070831/[vu le 26 juillet 2007] http://www.e-democracy.md/e-journal/20070615/[vu le 26 juillet 2007] Entretien avec Mihail Adauge, historien, conseiller du vice-président du Parlement moldave (PPCD). Se reporter à l’annexe n°3 148 149 http://www.amn.md/stiri-0-0-0.html [vu le 26 juillet 2008] http://www.e-democracy.md/e-journal/20070415/[vu Schultz Ilioné le 26 juillet 2008] 41 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie en Géorgie, pour contrer l’influence des forces armées russes encore présentes dans ces deux régions 150 . Enfin, en ce qui concerne l’éducation, la Roumanie aurait envoyé des 151 milliers de livres aux écoles et bibliothèques Moldaves en 2007 , et plus généralement, on remarque que de plus en plus de jeunes Moldaves font leurs études supérieures à Bucarest ou dans d’autres villes de Roumanie, ce qui veut donc dire que toute une génération de jeunes Moldaves va être en partie formée en Roumanie, souvent grâce à l’aide des bourses de l’enseignement supérieur accordées par la Roumanie. Ce sont des occasions de nouer des contacts sérieux entre Roumains et Moldaves 152 . Un rapprochement entre la Roumanie et la Moldavie apparaît comme inévitable étant donné l’orientation européenne prise par Chisinau. Néanmoins, on a déjà pu constater que la Roumanie affirme un soutien certain pour que la RM persévère dans cette direction, et que les échanges entre les deux pays sont croissants dans certains domaines. Ceci nous montre bien une volonté réelle de coopérer, surtout de la part de la Roumanie. Une telle dynamique est importante pour l’apaisement des conflits identitaires en République de Moldavie, et ce pour deux raisons. Premièrement, une relation saine d’État souverain à État souverain respectueux des règles du droit international est une des conditions primordiales pour stabiliser la situation politique en Moldavie et par là, les tensions identitaires. Deuxièmement, l’aide d’une Roumanie en pleine croissance et la multiplication des échanges avec celleci ne peut être que bénéfique d’un point de vue économique et social pour la Moldavie, d’autant plus que cette aide apparaît comme évidente et naturelle en raison de l’attachement culturel et affectif de ces deux voisins. La RM aurait donc également tout à gagner d’un rapprochement avec la Roumanie sur des bases saines et doit ainsi profiter de la main tendue de la Roumanie pour approfondir les réformes structurelles liées à la PEV. A travers cette PEV et son plan d’action, l’Union Européenne apparaît elle aussi comme un facteur de stabilisation d’autant plus qu’elle constitue un cadre commun de références pour un rapprochement roumano-moldave. De cette manière, si un contexte de démocratisation et de modernisation est bien présent en République de Moldavie, celui-ci se trouve renforcé par le processus d’intégration de la Roumanie dans l’UE. En effet, plusieurs facteurs liés à ce processus interviennent dans l’évolution de la RM. La Roumanie désormais européenne entraîne la Moldavie vers l’Ouest. D’abord en raison de ce qu’elle représente puisque les changements qu’elle a connus et connaît toujours à l’heure actuelle sont une source pour des transferts de démocratisation. Ces bouleversements créent une dynamique qui traverse les frontières et encourage les élites moldaves sur la voie de la démocratisation et de la modernisation. De plus, l’adhésion de la Roumanie a entraîné l’intégration de la RM à la Politique Européenne de Voisinage (PEV). Cette politique, accompagnée de la mise en place d’un plan d’action, a contribué à poser les bases d’une démocratisation plus intensive et d’une modernisation de la Moldavie, le tout grâce à une coopération approfondie entre l’UE et la Moldavie censée confirmer l’orientation pro-européenne adoptée par les communistes en 2005 et qui fait désormais office de consensus en RM. Et plus les progrès vont se faire sentir, plus les Moldaves devraient développer une autre relation à l’État, plus seulement basée sur la délivrance d’un passeport, mais aussi sur le paiement d’impôts, les créations d’entreprises 150 151 152 42 http://www.e-democracy.md/e-journal/20070615/[vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 Entretien avec Georges Dura, chercheur au Centre d’Etudes des Politiques Européennes. Se reporter à l’annexe n°5 Schultz Ilioné 1ère partie : L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne comme facteur de stabilisation des conflits identitaires en République de Moldavie 153 …C'est-à-dire que les Moldaves, qui n’attendent pour le moment rien de l’État, devrait progressivement créer un autre lien, plus respectueux de l’État et donc davantage civique, qui permettrait peut-être de développer cette conception plus civique de l’identité nationale, et d’apaiser ainsi les tensions identitaires. De plus, c’est sur ce consensus autour de l’Europe et de ses valeurs que doit se construire la normalisation des relations roumano-moldaves pour reléguer les conflits identitaires en RM entre pro-roumains et pro-moldaves au second plan. Ainsi, l’entrée de la Roumanie dans l’UE, ayant entraîné de manière plus ou moins directe un certain nombre de changements structurels et de tendances profondes au sein de la société moldave, laisse présager d’une stabilisation des conflits identitaires sur le long terme. Car en effet, comme nous allons le voir dans une seconde partie, il s’avère que l’intégration européenne de la Roumanie ait, dans un premier temps, plutôt aggravé les conflits identitaires en République de Moldavie. 153 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 Schultz Ilioné 43 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie ème 2 partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie L’entrée de la Roumanie dans l’UE semble coïncider avec une dynamique de démocratisation et d’européanisation de la société moldave, une européanisation qui fait de la Roumanie un voisin de plus en plus incontournable. Consciente de ce qui se passe en Moldavie, l’UE a commencé à s’en mêler pour tenter d’enrayer la machine des conflits identitaires. Des jalons ont été posés. Certes. La RM a des outils, et de nouvelles forces démocratiques montantes pour les utiliser. Toutefois, l’ancienne garde (les Communistes moldaves) demeure et s’accroche à son pouvoir. La Roumanie non plus ne semble pas avoir tourné la page sur un certain nombre de revendications. Autrement dit, le changement en marche pour la Moldavie, ce n’est peut-être pas pour tout de suite. L’année 2007 a vu se déchirer les deux sœurs ennemies : Roumanie et Moldavie, contribuant ainsi à l’aggravation des tensions en identitaires en Moldavie. Mais en rester à cette échelle, c’est se priver d’une partie majeure du sujet. Car c’est en se situant sur le plan géopolitique que toute la question des conflits identitaires en Moldavie prend son ampleur : avec l’entrée de la Roumanie dans l’UE, celle-ci s’étend « presque » jusqu’à la Russie…Et prise entre les deux : la Moldavie. Ce n’est pas nouveau, mais l’étau se ressert et les conséquences s’aggravent. Un vent de confusion souffle sur la petite République de Moldavie. Les Moldaves veulent être roumains, les Moldaves veulent être russes, la Transnistrie veut être russe, ou moldave….Mais qui veut être « civiquement » moldave, et l’assumer, pleinement ? Il semble que c’est encore un peu tôt pour la Moldavie, qui a bien du mal à choisir son chemin malgré l’attractivité évidente que dégagent la Roumanie et l’Union Européenne. Ainsi, si la Roumanie, désormais européenne, paraît accentuer la bipolarisation en RM, c’est parce que la Moldavie ne semble pas encore prête pour une conception plus civique de son identité. I. Une Roumanie européenne qui accentue la bipolarisation en République de Moldavie Comme nous l’avons déjà évoqué dans l’introduction, l’un des changements majeurs directement provoqué par l’adhésion de la Roumanie à l’UE a été l’introduction d’un er régime de passeports, à partir de juin 2001, puis d’un régime de visas, et ce dès le 1 janvier 2007, pour les citoyens moldaves désirant voyager en Europe, Roumanie incluse. L’introduction de ce régime de visas a donné lieu au cours de l’année 2007 à une escalade de tensions politiques entre la Roumanie et la Moldavie. Ces tensions se sont soldées par un renforcement du moldovénisme et donc par une bipolarisation accrue entre, d’un 44 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie côté, les roumanophiles, et de l’autre, les anti-roumains. Cela maintient, de fait, la référence aux discours identitaires dominants (et présentés dans l’introduction), à tous les niveaux de la société, qu’ils soient propagandistes ou ethno-culturels. Mais cette tendance à la bipolarisation sur le plan interne se confirme également sur le plan géopolitique puisque, la Roumanie devenant européenne, la Russie sent ses intérêts menacés et maintient d’autant plus la pression sur la RM, déjà confuse dans ses intentions. A. Une bipolarisation renforcée sur le plan intérieur C’est, en premier lieu, sur le plan interne que l’on constate un renforcement de la bipolarisation. Il faut comprendre par là que même si les tensions sont en rapport avec la politique du gouvernement roumain, les enjeux en terme de montée des tensions identitaires touchent d’abord le cœur de la politique interne et de la société moldave. Ainsi, si la crispation autour de la question des visas et de la double citoyenneté a servi de prétexte pour un renforcement du moldovénisme, l’accentuation de la bipolarisation qui en découle a été appuyée par les médias et s’est étendue à une bonne partie de la population, les jeunes en premier. 1. La crispation autour de la question des visas et de la double citoyenneté : le prétexte pour un renforcement du moldovénisme Depuis l’indépendance de la République de Moldavie en 1991, les citoyens moldaves pouvaient voyager librement en Roumanie puisque seule une carte d’identité leur suffisait pour traverser la frontière. Mais la situation a évolué à partir du moment où la Roumanie a entamé son processus d’intégration à l’UE. En effet, elle a dû appliquer l’acquis communautaire et fermer progressivement sa frontière pour répondre aux impératifs de sécurité et de contrôle des frontières de l’UE. C’est ainsi qu’elle a établi en 2001 l’obligation pour les Moldaves de se munir, pour traverser la frontière, d’un passeport, et en 2007, d’un visa. Dès le début de l’année 2007, l’affluence à l’ambassade de Roumanie à Chisinau a été massive. Les gens faisaient la queue pendant des heures pour obtenir un visa ou pour certains, la double citoyenneté. En effet, il existe depuis 1991 en Roumanie une loi qui stipule que tous ceux qui ont été dépossédés de leur citoyenneté roumaine de manière involontaire 154 sont en droit de la réclamer aux autorités roumaines . Mais au fur et à mesure que l’avenir européen semblait se concrétiser pour la Roumanie, Bruxelles a fait comprendre à Bucarest qu’elle ne devait pas continuer à accorder, de la sorte, la double citoyenneté aux citoyens moldaves qui la demandaient. La Commission européenne a fait connaître ses souhaits de 154 Article 37 de la loi (roumaine) promulguée le 1 er mars 1991 : « Les personnes qui ont été des citoyens roumains, et qui avant la date du 22 décembre 1989, ont perdu pour différents motifs la citoyenneté roumaine, peuvent la recouvrir à leur demande, par une déclaration authentifiée, qu'on fera à l'étranger aux missions diplomatiques ou aux offices consulaires de la Roumanie, et dans le pays, au Notariat d'Etat de la municipalité de Bucarest, même si ces personnes ont une autre citoyenneté et n'ont pas établit leur domicile en Roumanie. Peuvent bénéficier des dispositions de l'alinéa 1, aussi ceux à qui on a retiré la citoyenneté roumaine sans leur volonté ou à cause d'autres motifs qui ne leur sont pas imputables, ainsi que les descendants de ces personnes ». Pour comprendre le sens de cette loi, il faut revenir aux faits historiques et expliquer qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les Roumains vivant en Bucovine, en Moldavie et dans la Sud de la Bessarabie, qui était d’anciens territoires roumains, ont été forcés d’abandonner leur citoyenneté roumaine pour devenir citoyen soviétique après l’arrivée des troupes de l’armée rouge. Seuls ceux qui ont pu s’enfuir dans le Nord de la Roumanie actuelle par exemple ont gardé leur citoyenneté roumaine. Pas ceux qui sont restés. C’est ainsi que depuis 1991, date de cette loi, environ 100 000 citoyens moldaves ont fait les démarches et ont obtenu la double citoyenneté. Entretien avec George Damian, journaliste à Ziua. Se reporter à l’annexe n°7 Schultz Ilioné 45 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie manière informelle bien sûr, car la question des règles d’attribution de la citoyenneté n’entre 155 pas dans les compétences de l’UE. C’est ainsi que depuis 2002 , la Roumanie n’accordait presque plus cette double citoyenneté. Mais avec l’approche de son entrée officielle en tant qu’État membre, prévue pour le 1er janvier 2007, et cette obligation pour les Moldaves de se munir d’un visa pour aller en Roumanie, les demandes de double citoyenneté ont explosé pour atteindre le nombre de 500 000 dès le premier trimestre 2007. Cependant, comme sur une même lettre figurent bien souvent les demandes de toute une famille, on estime, dès lors, le nombre réel à près d’un million de demandes. C’est un chiffre énorme si on le rapporte à la population du pays 156 . Ainsi, si le durcissement de la politique des Communistes moldaves est parti de la question des visas et de la double citoyenneté, elle s’est par la suite étendue à plusieurs domaines touchants l’identité. a. Le durcissement du discours des Communistes moldaves en réaction à la politique peu cohérente du gouvernement roumain sur la question sensible des visas et de la double citoyenneté 157 Pour faire face à cet afflux de demandes, le président roumain Traian Basescu a déclaré , le 2 mars 2007, qu’il allait tout mettre en œuvre pour simplifier les procédures d’obtention de la double citoyenneté afin de pouvoir répondre aux attentes des 800 000 Moldaves qui souhaitent acquérir la citoyenneté roumaine. C’est sur cette déclaration que le président moldave Vladimir Voronine a rebondi en accusant la Roumanie de « revancharde », d’ « impertinente » et d’être un pays qui refuse d’accepter l’indépendance de la RM. Pour se justifier, il appuie son argumentation sur le fait que la Roumanie n’a pas encore signé de « Traité de base et de frontière » établissant de manière irréversible la frontière roumanomoldave. Ce traité est sur la table depuis 1992, mais Bucarest voudrait à tout prix que figurent dans ce texte des références historiques et philologiques alors que les dirigeants moldaves refusent catégoriquement cette idée. Les négociations sont bloquées pour le moment. Cette affaire de Traité, tout autant que la manière dont Bucarest aborde la question de la double citoyenneté, révèle la conception que les autorités roumaines ont de la nation roumaine en générale. En effet, dans son discours-bilan de l’année 2007 prononcé le 5 158 février 2008 , l’ancien ministre roumain des Affaires étrangères, Adrian Cioroianu (en poste à l’époque), évoque la politique menée par la Roumanie sous l’angle de la protection de tous ceux d’ethnie roumaine, qu’ils aient la citoyenneté roumaine ou pas : « Ministerul Afacerilor Externe îşi asumă cu responsabilitate politicile de sprijinire a românilor care trăiesc în afara frontierelor ţării. (...) Sub aspectul sprijinirii identităţii culturale şi religioase, în 2007 am alocat 12.000.000 RON pentru 143 de proiecte destinate românilor din vecinătate şi Balcani. Proiectele în domeniul educaţiei au beneficiat de 3.000.000 RON . (...)MAE 155 BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227[vu 156 157 le 26 juillet 2008] Entretien avec George Damian, journaliste à Ziua. Se reporter à l’annexe n°7 SOCOR (Vladimir), « Moldova refuses mass conferral of romanian citizenship » [La Moldavie refuse la délivrance massive de la citoyenneté roumaine], Eurasia Daily Monitor, Volume 4, Issue 48, 9 mars 2007. 158 Discours du ministre roumain des Affaires étrangères Adrian Cioroianu, concernant le bilan de son ministère pour 2007 et les objectifs pour 2008, prononcé lors de la conférence de presse du 5 février 2008, http://www.mae.ro/index.php? unde=doc&id=7010&idlnk=2&cat=4 46 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie este dator, în acelaşi timp, să creeze condiţiile necesare păstrării şi dezvoltării identităţii religioase, lingvistice, culturale şi politice a membrilor comunităţilor româneşti care trăiesc în Republica Moldova, Ucraina, Serbia, precum şi a românilor din ţările Europei de Vest şi din alte părţi ale lumii. Mai întâi vrem să fim siguri că drepturile etnicilor români din ţările vecine sunt respectate. Vom sprijini identitatea culturală şi religioasă a conaţionalilor noştri, prin programe adaptate specificului fiecărei comunităţi 159 .» Nous constatons donc que la Roumanie possède une conception très large de la nation roumaine, reposant sur une base ethnique. C’est la forme traditionnelle du nationalisme roumain, qui trouve ses sources dans la peur de la dissolution du peuple roumain 161 160 . François Thual , dans son ouvrage sur les conflits identitaires, explique justement que ce type de conflits repose en partie sur une peur existentielle de la disparition, qu’il désigne comme « complexe de castration ». C’est en effet lorsque la survie réelle ou fantasmatique du groupe est en jeu que les tensions peuvent atteindre leur maximum. Si cette théorie est valable dans le cas de la Moldavie pour des raisons que nous avons déjà évoquées l’est aussi pour la Roumanie 159 163 162 , elle . Elle repose alors, entre autres sur « l’âge d’or de la Grande « Le ministère des Affaires étrangères assume avec responsabilité les politiques de soutien aux Roumains qui vivent à l’étranger (...) En ce qui concerne le soutien des identités culturelles et religieuses, en 2007, nous avons aloué 12 millions de RON (environ 3,3 millions d’euros) pour 143 projets destinés aux Roumains des pays voisins et des Balkans. Les projets dans le domaine de l’éducation ont bénéficié de 3 millions de RON (environ 830 000 euros). Le MAE doit , dans le même temps, créer les conditions nécessaires à la sauvegarde et au développement des identités religieuses, linguistiques, culturelles et politiques des membres des communautés roumaines qui vivent en RM, en Ukraine, en Serbie, mais aussi aux Roumains des pays de l’Europe de l’Ouest et des autres parties du monde. Pour la première fois, nous voulons être sûrs que les droits des ethnies roumaines des pays voisins sont respectés. Nous soutiendrons l’identité culturelle et religieuse de nos compatriotes par des programmes adaptés aux spécificités de chaque communauté» . Discours du ministre roumain des Affaires étrangères Adrian Cioroianu, 5 février 2008, op.cité 160 161 162 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 THUAL (François), 1995, Les conflits identitaires, Paris,Ellipses,. p.4 On rappelle ici que la Moldavie est un petit pays qui peut craindre des phénomènes d’assimilation, avec la Russie ou la Roumanie notamment. 163 « Les premiers jalons d’une proto-idéologie nationale, centrée sur les origines(latines) communes aux Roumains éparpillés entre la Transylvanie, la Moldavie et la Valachie et sur la continuité roumaine dans l’espace de la Dacie antique, ont été posés à la fin du XVIIIe siècle par des clercs uniates roumains de Transylvanie. Ce discours polémique, qui mettait en question la légitimité de la domination hongroise sur cette région, a énoncé ainsi les trois thèmes qui fonderont la mythologie nationale : les origines, l’unité et la continuité. Les quarante-huitards moldo-valaques ont construit sur ces bases une idéologie soutenant un projet politique romantique, visant à inscrire la nation dans la modernité à travers l’union de tous les Roumains et le rassemblement de tous leurs territoires au sein d’un seul État. Celui-ci devait être fondé sur la nation ethno-culturelle lui préexistant, soit, pour reprendre les termes de l’historien et homme politique Mihail Kogalniceanu, sur « un même peuple, homogène comme nul autre ». La première étape de ce programme a été réalisée en 1859 avec l’union de la Valachie et de la Moldavie, la seconde en 1918, au moment de l’effondrement des Empires : la Grande Roumanie était née, intégrant la Transylvanie, la Bucovine et la Bessarabie. Supposé uni, le corps national ne tarda cependant pas à montrer ses multiples failles. Une fracture séparait les élites éduquées en Occident de l’immense masse paysanne, largement analphabète et pauvre. Les clivages ethniques s’étaient aggravés avec l’augmentation du poids des minorités, passé de 10% dans le Vieux Royaume à 28,1% dans la Grande Roumanie. (…) Ces écarts constituaient un défi permanent pour l’unité revendiquée de la nation. L’utopie de l’union fut alors réactivée au service de la construction nationale. Il fallait unifier le territoire au moment où les passions irrédentistes des voisins, la Hongrie et l’URSS, et les pressions centrifuges des minorités menaçaient son unité. Le modèle adopté pour assurer la survie politique de la communauté fut celui de l’État-nation jacobin, mono-ethnique et mono-linguistique, supposé permettre l’effacement rapide des particularismes régionaux et locaux et réduire le poids des minorités Schultz Ilioné 47 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Roumanie ».Ceausescu avait repris cette conception pour promouvoir la vision d’une grande nation roumaine. D’ailleurs, il avait mis en place un système d’éducation qui encensait 164 totalement la nation roumaine . Plusieurs générations ont donc grandi avec cette idée que leur nation roumaine dépassait parfois les frontières de leur territoire. D’ailleurs, au sein du ministère des Affaires étrangères, on trouve par exemple un département nommé « relations avec les Roumains de partout » (Departamentul pentru Relaţiile cu Românii de Pretutindeni -DRRP). Ce département gère les relations entre la Roumanie et toutes les communautés d’origine roumaine (et qui peuvent avoir une citoyenneté autre) et s’occupe de promouvoir la culture roumaine. Cette conception très ethno-culturelle de la nation, qui prédomine encore en Roumanie aujourd’hui, est largement reprise par le président roumain Traian Basescu qui, au moment de son élection en 2004, tenait même un discours prounioniste vis-à-vis de la Moldavie, mais un discours qui n’était pas toujours très bien accepté d’ailleurs car les Roumains avaient peur que ce dernier ne remette en question le processus 165 d’intégration à l’UE . Et lorsque T.Basescu parle de simplification pour l’obtention de la double citoyenneté en réponse à la forte demande de visas, il l’évoque en disant que c’est « un devoir moral pour la Roumanie » 166 . Visiblement, du côté moldave, on n’apprécie que très peu cette conception de la nation roumaine. C’est ainsi qu’après les déclarations de Traian Basescu au sujet des visas et de la double citoyenneté, les autorités centrales moldaves ont tout fait pour contrer la politique roumaine. Le 7 mars, Andrei Stratan, ministre moldave des Affaires étrangères, a énoncé le refus de la Moldavie concernant l’ouverture de deux nouveaux consulats roumains à Balti et Cahul, alors que les démarches étaient déjà bien avancées. La Roumanie avait fait cette demande afin de décharger les bureaux de l’ambassade de Chisinau et d’éviter aux Moldaves vivant dans ces régions de se déplacer jusqu’à Chisinau pour les procédures d’obtention de visas et de la citoyenneté roumaine. Ce refus est notamment dû aux déclarations de Traian Basescu, mais aussi parce que les autorités moldaves ont appris que ces deux nouveaux consulats traiteraient également les démarches pour l’obtention de la citoyenneté roumaine. C’est dans ce contexte que la République de Moldavie a préféré se rapprocher de la Hongrie et travailler avec cette dernière (et en collaboration avec l’UE) pour l’ouverture d’un centre commun de délivrance des visas situé dans les locaux de l’ambassade de Hongrie à Chisinau. dans la vie économique et culturelle .(…)Le régime communiste, qui tirait sa légitimité de la rupture avec le système politique de l’entre-deux-guerres, n’a pourtant pas modifié en profondeur ce modèle national qui combinait le modèle « français » jacobin pour l’organisation de l’État et le modèle « allemand » ethno-culturel pour la définition de la nation. La construction nationale s’est poursuivie, ses composantes essentielles – la centralisation, l’unité, l’obsession de l’homogénéité – étant même radicalisées à partir des années soixante-dix.(…).Ce processus d’homogénéisation a eu une dimension sociale, mais aussi une dimension ethnique et territoriale. (…). Après la violence des années staliniennes, le parti est passé à un mode de contrôle symbolico-idéologique de la société. La nation a été réhabilitée. Le geste emblématique en a été le refus, au nom du principe ’indépendance nationale, de participer à l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968. (…)Ce cadre s’est cristallisé progressivement dans les années soixante-dix autour de la fiction téléologique et linéaire d’une histoire nationale exempte de toute influence extérieure : depuis l’« État dace centralisé », il y a deux mille ans, jusqu’à la Roumanie communiste, le peuple-ethnie et son État avaient occupé continûment le même territoire. (…) Le régime communiste a imposé un système de représentations sociales dominé par la nation. CAPELLE-POGACEAN (Antonela), hiver 2000 « Roumanie : l’utopie unitaire en question », Critique internationale, CERI, n°6, p.105-110. 164 165 166 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 « Cetaţenia : ping-pong declarativ Bucuresti-Chisinau » [ Citoyenneté : ping- pong déclaratif Bucarest-Chisinau], www.divers.ro/accent_ro?wid=37454&func=viewSubmission&sid=7821[vu 48 le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné http:// 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie Le ton est encore monté d’un cran entre Bucarest et Chisinau lorsque des personnes appartenant à l’ONG « Hyde Park » se sont fait arrêter par les autorités de Chisinau alors qu’elles manifestaient devant le bâtiment de la délégation de l’UE en Moldavie et devant l’ambassade de Roumanie pour protester contre la discrimination à l’égard des Roumains en Moldavie. Elles reprochaient à la fois le manque de coopération de la part des autorités moldaves concernant l’obtention des visas et de la double citoyenneté mais aussi 167 le manque de réaction de l’UE face à cela . Si, de leur côté, les Communistes moldaves réagissent de manière si agressive à la politique et aux déclarations de Bucarest, c’est d’abord parce qu’ils se sentent menacés. En effet, dans l’optique des élections législatives de 2009, les Communistes sont tout à fait conscients du fait qu’ils perdent du terrain face aux forces de l’opposition. Ce constat s’est confirmé après les élections locales générales de 2007 (évoquées en première partie). En effet, c’est surtout à partir de ce momentlà que le discours des Communistes s’est renforcé et qu’a commencé un phénomène 168 que l’on pourrait qualifier de « révisionnisme idéologique » ou moldovénisation renforcée, basée sur l’attitude et les déclarations de Bucarest, qui servent alors de prétexte à une exacerbation du danger de l’ « agression permanente » de la Roumanie, exacerbation qui elle-même provoque le regroupement des forces de l’opposition. En effet, il faut rappeler ici qu’après les résultats des élections locales de juin 2007, le président V.Voronine avait menacé de mettre un terme au consensus politique formé dans la foulée des élections de 2005 entre les Communistes, le « parti populaire des chrétiens démocrates » (Partidul Popular Crestin Democrat-PPCD) et le « parti démocrate » (Partidul Democrat-PD) et d’organiser de nouvelles élections législatives. D’ailleurs, lors de ces élections locales, les forces non-communistes se sont regroupées dans un certain nombre de « raioane » (districts), y compris le PPCD, pour former des coalitions. Le parti libéral (PL), a, quant à lui, largement condamné le gouvernement communiste pour son refus de vouloir ouvrir deux nouveaux consulats roumains et a déclaré qu’en attaquant la Roumanie, 169 c’étaient les citoyens moldaves que les Communistes attaquaient . Le parti libéral démocrate a dénoncé, lui aussi, l’attitude hasardeuse du président sur un problème si délicat comme celui de l’identité, avec des attaques répétées concernant les symboles de 170 l’identité roumaine et qui conduisent à une attitude ségrégationniste . Également, parmi les dossiers qui ont regroupé l’opposition, deux sujets principaux : celui de la répartition des budgets alloués aux collectivités locales et celui de l’accord sur le petit commerce frontalier. Sur la première question, les Communistes ont tenté d’orienter les fonds vers 167 « Liderul unui grup civic, retinut pentru un protest fata de situatia etnicilor romani din R.Moldova » [Le leader d’un groupe civique retenu pour avoir protesté contre la situation des ethnies roumaines de RM], http://www.divers.ro/international_ro? func=viewSubmission&sid=6369&wid=37457 168 2007], BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227 169 Déclaration du parti libéral (PL), 14 mars 2007, Chişinau, http://www.parties.e-democracy.md/docs/pr/200703141/[vu le 26 juillet 2008] 170 CALUGAREANU (Vitalie), 21 décembre 2007, « “Marea de români” reacţionează timid la declaraţiile lui Voronin »[ La « mer de Roumains » réagit timidement aux déclarations de Voronine], http://www.interlic.md/news/3523-rom.html [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 49 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 171 les collectivités communistes , et sur la deuxième, les autorités communistes refusent encore de signer cet accord (absolument vital pour l’économie frontalière) car ils veulent profiter de cette signature pour faire pression sur la Roumanie afin d’obtenir la signature d’un Traité de frontière 172 . C’est en ce sens que l’on peut parler de bipolarisation de la situation politique en RM, une bipolarisation liée à l’adhésion de la Roumanie à l’UE, puisque c’est le régime d’introduction de visas qui a déclenché un certain nombre de déclarations de la part des autorités roumaines, elles-mêmes prétextes à un renforcement du moldovénisme entraînant la bipolarisation à la fois politique entre d’un côté les Communistes et de l’autre, les noncommunistes, mais aussi et plus largement au sein de la société entre les pro-moldaves ou anti-roumains s’appuyant sur le discours moldovéniste, et de l’autre, les roumanophiles. Le moldovénisme apparaît ici comme une manifestation des tensions identitaires accrues mais également comme un facteur d’accroissement de ces tensions. En effet, c’est d’abord le facteur identitaire qui sert de prétexte à ce « révisionnisme idéologique », comme le montre la promulgation de cette loi de 2007 qui prévoit l’interdiction, pour les fonctionnaires moldaves qui ont accès aux dossiers secrets, de posséder deux ou plusieurs nationalités 173 . Les Communistes utilisent le facteur identitaire car ils savent que c’est un sujet historiquement très sensible avec la Roumanie. S’ils s’attaquent à la Roumanie, c’est aussi parce qu’ils savent que c’est beaucoup plus facile pour eux d’attaquer la Roumanie que la Russie par exemple, puisque la Russie peut faire pression sur le secteur économique 174 alors que la Roumanie n’a pratiquement que des mots pour se défendre . C’est en fait la détérioration de la politique extérieure qui sert de prétexte au renforcement de la propagande à l’intérieur. On a donc véritablement le sentiment d’une utilisation politique du facteur identitaire : les Communistes actuellement au pouvoir en RM se servent de la politique extérieure pour servir leurs intérêts en attisant les tensions identitaires, et notamment pour brouiller les pistes sur leurs difficultés à résoudre les problèmes du pays. Et en ce sens, on peut affirmer qu’en 2007 en tout cas, la politique externe a fait partie de la politique intérieure en RM 175 . Dans cette optique, la stratégie de la Moldavie consiste à attendre la moindre erreur du voisin, et « heureusement » pour elle, au cours de l’année 2007, la Roumanie est assez facilement tombée facilement dans le piège. Pour preuve, cette déclaration, dans le courant du mois novembre 2007, de l’ambassadeur de Roumanie à Chisinau, Filip Teodorescu, qui a exprimé son opinion sur le Traité de Paris de 1947 établissant les frontières entre la Roumanie et la Moldavie, le qualifiant d’erreur historique et parlant des troupes roumaines comme libératrices alors qu’en réalité elles étaient aux côtés des 171 2007], BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227 172 [vu le 26 juillet 2008] « Conventia privind micul trafic de frontiera intre Romania si Republica Moldova » [Convention concernant le petit trafic de frontière entre la Roumanie et la République de Moldavie] , 27 mai 2008, 173 http://www.azi.md/print/49444/Ro [vu le 26 juillet 2008] « Criteriul principal pentru interdictia de a detine dubla cetatenie va fi accesul la secretul de stat » [Le critère principal pour l’interdiction de détenir une double citoyenneté sera l’accès au secret d’Etat] , 11 avril 2008, http://www.europa.md/rom/infto/3384 [vu le 26 juillet 2008] 174 175 2007], 50 Entretien avec George Damian, journaliste à Ziua. Se reporter à l’annexe n°7 BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie 176 fascistes . Cet événement a déclenché une levée de boucliers du côté moldave mais pas seulement puisque la Roumanie est apparue, dès lors, aux yeux de Bruxelles et de la Russie notamment, comme un pays irrédentiste. Mais en décembre 2007, c’est au tour du président Traian Basescu de remettre un peu d’huile sur le feu. En effet, lors d’une émission sur TVR1, s’il déclare, dans un premier temps, qu’il ne faut plus répondre de manière agressive aux provocations de Vladimir Voronine, il en profite toutefois pour exprimer une volonté de se rapprocher de la Moldavie, qui est, selon ses propres mots, une « mare de 177 Romani » , puis réitère son désir de faciliter les procédures d’obtention de la citoyenneté roumaine pour ne pas pénaliser les Moldaves à cause de leur gouvernement communiste 178 car « Comunismul nu a reuşit nicaieri, nu va reuşi nici in Moldova » . Même s’il est vrai qu’en République de Moldavie, la majorité ethnique est roumaine (près de 75% sans la Transnistrie), il n’était peut être pas très judicieux que le président roumain s’exprime en ces termes à propos de son voisin. Et c’est là que l’on constate à quel point la Roumanie ne fait pas preuve d’une stratégie clairement définie vis-à-vis de la Moldavie. D’après Georges 179 Dura , chercheur au centre européen des politiques européennes (CEPS), la Roumanie manque en effet cruellement d’une politique cohérente, et il estime qu’il aurait été préférable que le président roumain Traian Basescu modère ses propos. Au contraire, les déclarations de ce dernier ainsi que celles d’autres politiciens ou diplomates roumains ont plutôt donné une mauvaise image de la Roumanie. On a, par exemple, pu voir la confusion qui régnait chez les europarlementaires roumains. En effet, à l’automne 2007, à la suite d’un accord passé entre l’UE et la Moldavie pour la facilitation de l’obtention de visas, des réactions divergentes de la part des députés européens roumains ont émergé : certains (« parti social démocrate »-Partidul Social Democrat-PSD) n’ont pas voulu voter cet accord car il était rédigé en « langue moldave » tandis que d’autres (« parti démocrate »-Partidul DemocratPD, « parti national libéral »-Partidul Naţional Liberal-PNL) ont préféré voter cet accord pour ne pas pénaliser les Moldaves même s’ils ont dénoncé cette reconnaissance, de 180 facto, par l’UE de l’existence d’une langue moldave . C’est également le climat de la situation politique intérieure en Roumanie qui est en partie responsable de ces errements. Il y a, à l’heure actuelle en Roumanie, de fortes oppositions entre le président Traian Basescu (« parti démocrate »-Partidul Democrat-PD) et son premier ministre Calin Popescu Tariceanu (« parti national libéral »-Partidul Naţional Liberal-PNL) ainsi qu’entre leurs camps respectifs. Ce climat de tensions a deux effets principaux qui ont des conséquences pour la Moldavie : premièrement, la politique roumaine a du mal à se concentrer sur autre chose que sur ses querelles intestines et lorsqu’elle le fait, c’est pour gérer au mieux ses relations avec 176 ERNU (Vasile),17 décembre 2007, « Dictionarul moldo-roman al politicii externe » [ Ledictionnaire moldo-roumain des relations externes], http://www.hotnews.ro/stiri-opinii-2102144-dictionarul-moldo-roman-politicii-externe.htm 177 « mer de Roumains », 18 décembre 2007, « Comunismul nu a reusit nicaieri. Nu va reusi nici in Moldova » [Le communisme n’a réussi nulle part, il ne va pas réussir en Moldavie], http://2007.rgnpress.ro/Politic/Traian-Basescu-Comunismul-nu-a-reusit-nicaieriNu-va-reusi-nici-in-Moldova.html 178 179 180 « Le communisme n’a réussi nulle part, il ne va pas réussir en Moldavie », déclaration de Traian Basescu, op.cité Entretien avec Georges Dura, chercheur au Centre d’Etudes des Politiques Européennes. Se reporter à l’annexe n°5 « Dosar: Relatiile UE - Moldova - Orientarea declarativ europeana, in contrast cu apropierea de Moscova » [Dossier : Relations UE-Moldavie- Orientation européenne dans les déclarations, en contraste du rapprochement avec Moscou], 23 novembre 2007,http://www.euractiv.ro/uniunea-europeana/articles%7CdisplayArticle/articleID_11945/Dosar-RelatiileUE-Moldova-Orientarea-declarativ-europeana-in-contrast-cu-apropierea-de-Moscova.html [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 51 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 181 l’UE en continuant les réformes ; deuxièmement, ces querelles ont pour conséquence que le poste de ministre des Affaires étrangères, hautement stratégique et d’autant plus convoité, est attribué à quelqu’un de « faible », pour que le président puisse garder une influence certaine sur la politique étrangère. Georges Dura évoque aussi le manque de communication entre les différentes autorités roumaines, les errements de la bureaucratie 182 mais surtout un manque de sérieux . On comprend mieux, dès lors, les circonstances qui, de part et d’autre du Prut, ont permis cette escalade des tensions entre la Roumanie et la Moldavie, tensions qui ont accentué la bipolarisation en Moldavie en provoquant un renforcement du moldovénisme. b. Des manifestations du moldovénisme accru qui touchent tous les pans de la société moldave Si les tensions identitaires en RM dans le cours de l’année 2007 se sont cristallisées autour de la question des visas et de la double citoyenneté, la politique très agressive envers tout ce qui touche de près ou de loin à la culture roumaine s’est manifestée sur bien des plans, multipliant les sources de conflits, témoignant ainsi de l’emprise de cette moldovénisation. Le Traité de base et de frontière évoqué plus haut a été le point de départ à un chantage concernant la signature d’un accord avec la Roumanie sur le petit commerce de frontière. C’est un accord capital dans la mesure où c’est ce type de commerce qui a été le plus touché suite à la fermeture progressive de la frontière entre la Roumanie et de la Moldavie. Ce traité doit permettre la mise en place d’un permis spécial pour tous les citoyens des deux pays qui habitent dans une zone frontalière large de 50km à partir de la frontière, permis autorisant ces citoyens roumains et moldaves à voyager librement de part et d’autres de la frontière, sans visas ni passeports. Mais le gouvernement communiste refuse pour le moment de signer cet accord tant que la Roumanie, elle, n’aura pas signé le Traité de base et de frontière. De son côté, l’opposition moldave, emmenée par le « parti libéral et démocrate » (Partidul Liberal Democrat din Moldova-PLDM), tente de faire pression sur le gouvernement moldave en mettant en avant le fait qu’un tel accord est vital pour les citoyens 183 moldaves et qu’il faudrait rapidement trouver une solution . Ce genre de comportements appuie les remarques du député Ion Varta (« parti populaire chrétien démocrate » -Partidul Popular Creştin Democrat- PPCD) qui constate que les Communistes, et surtout Vladimir Voronine, sont actuellement dans une phase où ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour contrecarrer les efforts de coopération entre la Roumanie et la Moldavie. Mais ces tensions autour des visas et de la double citoyenneté servent également à justifier la défense d’une véritable langue moldave alors que l’existence même de cette 184 dernière est réfutée par la grande majorité des linguistes . Les Communistes avaient déjà franchi un pas en lançant un dictionnaire roumano-moldave en 2003, écrit par le 181 182 183 Entretien avec George Damian, journaliste à Ziua. Se reporter à l’annexe n°7 Entretien avec Georges Dura, chercheur au Centre d’Etudes des Politiques Européennes. Se reporter à l’annexe n°5 « Moldova condiţionează micul trafic la frontieră de semnarea Tratatului de Frontieră cu România » [La Moldavie conditionne le petit trafic de frontière à la signature du Traité de Frontière avec la Roumanie],12 avril 2008, http://www.gandul.info/actualitatea/ moldova-conditioneaza-micul-trafic-la-frontiera-de-semnarea-tratatului-de-frontiera-cu-romania.html?3927;2543719 [vu le 26 juillet 2008] 184 « Moldovan : an identity but not a language » [ Moldave : une identité mais pas un language], décembre 2005, PGCN (The permanent Committee on Geographical Names), 52 www.pcgn.org.uk/Moldovan.pdf Schultz Ilioné [vu le 26 juillet 2008] 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie fervent défenseur du moldovénisme, Vasile Stati, instituant que moldave et roumain sont bien deux langues distinctes. En septembre 2006, V.Voronine a essayé de remplacer la langue roumaine dans les écoles par la langue moldave, invoquant pour cela le respect de l’article 13 de la constitution moldave qui dit que « În Moldova, limbă oficială este limbă 185 moldoveneasca, usind grafie latina » . Début 2008, Victor Stepaniuc, un des promoteurs du moldovénisme, a renouvelé cette exigence en s’appuyant sur l’avis d’un « spécialiste » 186 qui affirme que c’est bien le moldave qui se trouve à l’origine des langues romanes . Mais ce qui peut paraître surprenant, c’est qu’à plusieurs reprises, et notamment dans une 187 interview accordée à Moldpress début 2007, Vladimir Voronine a déclaré que le roumain et le moldave étaient bien le même langage. On pourrait penser que de telles déclarations avaient pour but d’accélérer la signature du Traité de base sans que la langue soit un obstacle entre la Roumanie et la Moldavie. Cependant, de telles affirmations ne sont pas si étonnantes si l’on se réfère aux déclarations d’Ivan Grec, membre du service de presse du parti communiste, qui expliquait en 2001 que le moldave et le roumain pouvaient bien être deux langues identiques, l’important étant d’insister pour parler du « moldave » en RM, 188 et cela pour des raisons géopolitiques et ethno-politiques . Ainsi, si V.Voronine prône l’existence d’une langue moldave, ce serait en fait pour des raisons avant tout politiques. Mais de tels positionnements politiques sont lourds de conséquences, et pas seulement en politique. Tout d’abord sur le plan matériel : de nombreux enseignants se dressent contre cette mesure car cela signifie le remplacement de tous les manuels scolaires par exemple, qui sont en « langue roumaine ». De plus, sur le plan psychologique, ces enseignants remarquent que c’est très déstabilisant pour les enfants, qui, un jour apprennent le roumain, et le lendemain se retrouvent dans le même cours apprenant le moldave. De plus, il faut noter que le président, par exemple, s’exprime la plupart du temps en russe et que le dernier congrès du parti communiste s’est tenu en russe, alors qu’effectivement, la langue inscrite dans la constitution est le moldave. Plus généralement, cette polémique sur la langue sème la confusion au sein de la population et ne fait que renforcer les tensions identitaires puisque les roumanophones sont, de fait, attaqués et frustrés de voir leur langue dénommée autrement pour des raisons essentiellement propagandistes. C’est aussi par les récents événements dans le domaine de la religion que l’on peut constater un renforcement du moldovénisme. On évoquera ici la réunion qui a eu lieu le 20 novembre 2007 à Sofia entre l’Église orthodoxe de Roumanie et l’Église orthodoxe de Russie. Cette rencontre avait pour propos la réactivation de trois évêchés par l’Église orthodoxe de Bessarabie (qui appartient à l’Église orthodoxe de Roumanie) en République de Moldavie, en Transnistrie et en Ukraine. L’Église orthodoxe de Russie n’avait pas du tout apprécié cet événement, et l’Église de Moldavie encore moins. Celle-ci avait déclaré que « l’ingérence dans un pays qui a déjà une Église autonome constituait un acte digne 185 «La langue d'Etat de la République est la langue moldave utilisant l’écriture latine », selon l’article 13 de la constitution moldave du 29 juillet 1994. 186 « Guvernul de la Chisinau sprijina promovarea « moldovenismului » de peste hotare », [Le gouvernement de Chisinau soutient la promotion du moldovénisme au delà de la frontière] bulletin Divers n°52, 31 janvier 2008, international_ro?wid=37457&func=viewSubmission&sid=8216 187 188 2007], http://www.divers.ro/ [vu le 26 juillet 2008] Agence de presse BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227[vu Schultz Ilioné le 26 juillet 2008] 53 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 189 d’un régime nazi » . L’Église de Roumanie avait répondu qu’elle n’avait fait qu’acter les décisions de l’Église Autonome de Bessarabie qui a été reconnue, sur le plan juridique, 190 par les autorités moldaves en 2005 . Les hostilités ont repris de plus belle dans le mois de décembre 2007 lorsque deux prêtres de l’Église de Bessarabie ont été expulsés par la Moldavie sous prétexte qu’ils n’étaient pas en possession d’un permis de travail en règle. La Patriarchie de Roumanie a reconnu dans ces faits « une tentative d’intimidation » 191 . Ces intimidations ont continué sur un autre plan, celui de la défense de la communauté des Moldaves, spécialement ceux de Roumanie. En effet, il existe, notamment en Roumanie, plusieurs mouvements qui se battent pour la reconnaissance de la communauté des Moldaves, dont « Patria Moldova », qui va même jusqu’à prôner l’unification de tous les « Moldaves ». En 2006 une association a vu le jour à Iaşi, en Roumanie : la CMR ou « communauté des Moldaves de Roumanie ». Cette dernière a été interdite par le tribunal de Iaşi le 4 avril 2007 en raison de l’article 40 de la constitution roumaine concernant l’intégrité du territoire. La CMR est allée se plaindre à Chisinau et les autorités communistes ont repris cette affaire à leur compte et soutenu l’association en question. Vladimir Voronine a notamment déclaré que la décision du tribunal de Iaşi semblait logique dans la mesure où la Roumanie ne reconnaissait pas la présence, sur son territoire, d’une ethnie moldave et qu’il fallait se battre pour que la Roumanie soit plus tolérante envers les minorités afin de le légaliser la culture des « Zece milioane de personnes care locuiesc in Moldova 192 romaneasca » . Cette déclaration a fait scandale en Roumanie. De plus, il faut ajouter que le 29 janvier 2008, le gouvernement moldave a approuvé un nouveau règlement concernant le soutien financier apporté aux activités qui visent à maintenir l’identité nationale culturelle des Moldaves qui vivent en dehors des frontières. À Chişinau, cet événement a été vécu comme une offensive communiste ayant pour but la promotion du moldovénisme et l’élimination de l’identité ethno-spirituelle des populations roumaines de RM. Et toujours dans le but de promouvoir l’existence d’une véritable communauté ethnique de Moldaves, les autorités communistes font de plus en plus pression afin de changer le titre d’une encyclopédie qui est en cours de rédaction afin de l’appeler « encyclopédie des Moldaves » alors que Mariana Slapac , vice-présidente de l’Académie des Sciences de RM, insiste sur l’importance de dénommer cet ouvrage « encyclopédie de la Moldavie » afin d’y inclure toutes les communautés qui composent la République de Moldavie 189 se-judeca-la-Sofia.htm http://www2.hotnews.ro/articol_90432-Disputa-dintre-BOR-si-Mitropolia-Moldovei- [vu le 26 juillet 2008] « Disputa dintre BOR si Mitropolia Moldovei se judeca la Sofia » [La dispute entre la BOR et la l’Eglise métropolitaine de Moldavie est jugée à Sofia], 20 novembre 2007, 191 . Cette position des « Disputa dintre BOR si Mitropolia Moldovei se judeca la Sofia » [La dispute entre la BOR et l’ Eglise métropolitaine Moldavie est jugée à Sofia], 20 novembre 2007, 190 193 op.cité « Doi preoti romani, expulzati din Republica Moldova» [Deux prêtres roumains expulsés de République de Moldavie], 31 décembre 2007, http://www.hotnews.ro/stiri-esential-2145157-preoti_romani_expulzati_republica_moldova.htm[vu le 26 juillet 2008] 192 “ Dix millions de Moldaves qui vivent en Moldavie roumaine“, « A fost desfiintata Comunitatea Moldovenilor din Romania » [La communauté des Moldaves de Roumanie a été déboutée », bulletin Divers n°13, 5 avril 2007, wid=37455&func=viewSubmission&sid=6376 193 « O noua enciclopedie atesta existenta etnicilor romani in Republica Moldova » [Une nouvelle encyclopédie atteste de l’existence de l’existence d’une ethnie roumaine en Moldavie], func=viewSubmission&sid=7556&wid=37457 54 http://www.divers.ro/actualitate_ro? [vu le 26 juillet 2008] [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné http://www.divers.ro/international_ro? 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie Communistes pourrait en effet être dangereuse car une telle promotion des « Moldaves » pourraient encourager les Gagaouzes à faire de même, puisque, on le rappelle, cette communauté vit en RM mais dans un territoire autonome et se reconnaît en tant que telle comme une ethnie distincte du reste des autres citoyens moldaves. Enfin, l’Histoire a été et reste un sujet largement sensible en RM étant donné l’importance de ce domaine pour la question identitaire. Ainsi, plus que jamais, les autorités moldaves maintiennent leur volonté (depuis 2003) de remplacer « l’Histoire des Roumains », enseignée depuis l’indépendance dans les écoles, par des manuels d’ « Histoire intégrée » 194 qui consistent à mixer dans un seul manuel l’Histoire nationale à l’Histoire universelle .De nombreux partis de l’opposition, qui défendent leurs liens avec la culture roumaine, sont scandalisés par les agissements du parti communiste d’autant plus que scientifiquement parlant, ces manuels sont truffés d’erreurs. Les enseignants ont, en théorie, le droit de choisir les manuels qu’ils veulent utiliser, mais comme ils sont soumis aux autorités locales et que ces mêmes autorités sont contrôlées par les Communistes, ils n’ont guère d’autre choix que d’obéir à la nouvelle règle. L’utilisation de l’Histoire à des fins politiques continue en RM, comme le prouve la volonté de V.Voronine de faire de cette année 2008 : « la célébration des 650 ans de la fondation de l’État moldave », se référant ainsi aux origines moyen-âgeuses de l’État moldave, en parfait accord avec la doctrine moldovéniste. Toutes ces marques du moldovénisme croissant augmentent la bipolarisation observée, qui est d’autant plus accentuée par le discours des médias, eux aussi clairement divisés. 2. Une bipolarisation politique accentuée par les médias Cette bipolarisation croissante qui a lieu en politique et au niveau de la société entre les roumanophiles et anti-roumains est accentuée par le discours des médias qui a tendance, lui aussi, à se radicaliser sur les questions identitaires d’autant plus qu’une partie de ces médias est de plus en plus étroitement contrôlée par les autorités communistes. La source d’information la plus influente en RM reste de loin la télévision puisque 43% des Moldaves 195 s’informent régulièrement par les journaux tandis que 93,8% le font par la TV . Si la presse papier en RM reste assez libre, la situation est donc un peu différente en ce qui concerne 196 la télévision, puisque les Communistes constituent, de plus en plus, des holdings et essaient d’empêcher la diffusion de chaînes de télévision roumaines comme le démontre l’affaire de la « TVR1 » (Televiziune Romana 1-Télévision Roumaine 1), à l’automne 2007. Selon Alina Radu, rédactrice en chef au journal Ziarul de Garda, les médias en RM se répartissent en trois catégories. Il y a les journaux indépendants qui sont en roumain, mais on trouve aussi des journaux qui sont roumain mais contrôlés par le pouvoir et faisant une large promotion de la langue moldave et du moldovénisme. Enfin, il y a les médias en russe, qui sont eux-mêmes divisés en trois sous-catégories : les indépendants proroumains, ceux qui sont contrôlés par les Communistes et ceux qui sont directement rédigés 194 195 Entretien avec Ion Varta, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°1 « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dynamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008] , http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf [vu le 26 juillet 2008] 196 Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 Schultz Ilioné 55 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 197 en Russie. Alina Radu a bien remarqué ces derniers temps le ton de plus en plus agressif des médias en général, et surtout des médias contrôlés par les Communistes. Et concernant la manipulation des médias, elle a pu noter que si les personnes éduquées se rendent tout à fait compte de ce qui se passe, la plupart des gens qui vivent en milieu rural ne voient pas cette manipulation. Plusieurs raisons à cela : d’une part, la propagande du régime communiste d’avant l’indépendance a laissé beaucoup de traces (Alina Radu parlent même d’un « degré d’intoxication »), et d’autre part, la télé, largement contrôlée par les Communistes, est bien souvent le seul moyen pour ces gens de s’informer. Alina Radu donne comme exemple de cette manipulation le traitement médiatique par certains médias du rapport 2007 sur les droits de l’Homme publié par les Etats-Unis : ces médias ont violemment réagi contre la Roumanie en relevant les manquements faits aux droits de l’Homme par ce pays voisin alors qu’ils ont passé sous silence les exactions commises par la Moldavie dans ce domaine, une Moldavie pourtant moins bien classée que la Roumanie 198 dans ce rapport . Ainsi, Ion Varta, député du PPCD (« parti populaire chrétien démocrate » -Partidul Popular Creştin Democrat- PPCD, se désole, de la même manière qu’Alina Radu, de voir que les médias en RM, au lieu de jouer un rôle d’homogénéisateurs, ne font que 199 200 renforcer la bipolarisation de la société . Quant à Dan Dungaciu , spécialiste roumain de la question moldave, il analyse l’espace médiatique moldave comme responsable de l’absence d’une véritable sphère publique. En effet, en partant des théories d’Habermas sur l’espace public, il note que la particularité des médias en RM, c’est d’avoir en même temps une presse libre, mais qui n’a aucun lien avec les autres médias alors que dans nos sociétés contemporaines, l’espace médiatique -presse, télévision, radio- est producteur d’un message dans son ensemble. En République de Moldavie, il ne semble pas y avoir de « conveyor belt », c’est-à-dire de liens entre presse et télévision, ce qui a pour conséquence la formation de deux discours en parallèle qui ne peuvent donc aboutir à la formation d’une seule et même sphère publique. C’est dans ces conditions que, selon Dan Dungaciu, on ne peut parler de pluralisme des médias. C’est de cette réflexion que l’on peut partir pour dire que l’élaboration de ces discours en parallèle – contrairement au rôle homogénéisateur que les médias devraient avoir- non seulement entretient une certaine confusion mais, surtout, accentue la bipolarisation de la société par les médias, et notamment chez les jeunes. 3. Une bipolarisation étendue à toute la société : le cas des jeunes Cette bipolarisation qui touche la société sur la question de l’appartenance à telle ou telle identité est particulièrement observable parmi la jeune génération, et de plus en plus. On remarque en effet des catégories bien distinctes, en fonction de leurs origines géographiques mais surtout de leur éducation. De cette manière, une partie des jeunes se sent très proche de la Roumanie et des Roumains. Ils se considèrent totalement comme roumains. Le roumain est bien souvent leur langue maternelle et ils la défendent. Ils évoluent le plus possible dans une culture roumaine, que ce soit par l’école, les médias, les voyages. 197 198 199 Entretien avec Alina Radu, rédactrice en chef de Ziarul de Garda. Se reporter à l’annexe n°9 Entretien avec Alina Radu, rédactrice en chef de Ziarul de Garda. Se reporter à l’annexe n°9 Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 200 DUNGACIU (Dan), 7 août 2007, «What is happening there? Identity, democracy and public sphere in the Republic of Moldova » [Que se passe-t-il ici? Identité, démocratie et sphère publique en RM], http://www.viitorul.org/lib.php?l=ro&idc=269 juillet 2008] 56 Schultz Ilioné [vu le 26 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie La plupart vont étudier dès que possible en Roumanie, notamment lorsqu’ils rentrent à l’université. Et la Roumanie désormais européenne représente un attrait d’autant plus grand pour ces jeunes pour qui l’avenir se construit ou passe par ce pays voisin du leur. Et parce que la Roumanie est désormais membre de l’UE, ces jeunes sont aussi pro-européens. Et ces jeunes-là sont loin de rester indifférents à la politique de moldovénisation des Communistes, comme en témoigne une déclaration de la section jeune du parti libéral (PL) qui dénoncent, en tant que Roumains, la fausse existence de deux nations : roumaine et moldave, et qui annoncent que personne ne pourra leur enlever, en tant que descendants 201 des Daces, la conscience roumaine et l’existence d’une seule nation, roumaine . De l’autre côté, on a une catégorie de jeunes qui parle le russe (c’est souvent leur langue maternelle ou ils l’ont appris à l’école), qui se considèrent moldaves et qui sont très familiers avec la culture russe, principalement en raison de la forte présence médiatique de cette dernière en RM. Pour cette catégorie de jeunes, leur avenir et celui de la RM passent 202 essentiellement par un resserrement des liens avec la Russie . Que ce soit dans un cas ou dans l’autre, ce qui est caractéristique de cette jeunesse moldave c’est une certaine absence d’optimisme concernant leur futur ou celui de leur pays, et c’est sans doute cette absence d’optimisme qui, entre autres, les encourage à se projeter au travers d’une culture autre que moldave, c’est-à-dire roumaine ou russe, puisque ces cultures sont bien établies sur le plan ethno-spirituel et offrent des repères assez faciles à assimiler pour ces jeunes. Ainsi, on voit comment, au cours de ces derniers mois, les évolutions en Roumanie sont venues perturber non seulement la vie politique moldave, par les rivalités croissantes avec le gouvernement moldave, mais aussi la société moldave dans son entier puisque ces rivalités ont été le prétexte à un accroissement du moldovénisme dans tous les domaines touchant à l’identité : la langue, la religion, l’histoire. Cette tendance à une bipolarisation croissante est bien la manifestation d’un regain des tensions identitaires en RM puisque le clivage (entre les pôles) se fait justement sur le facteur de l’identité, tantôt ramenée à des racines ethno-culturelles ou ethno-spirituelles, tantôt comprise dans un discours propagandiste, reposant lui aussi sur une conception ethnique de l’identité moldave, mais faussée. S’il apparaît évident de se positionner dans un premier temps à l’échelle « interne » pour observer l’évolution des tensions identitaires en RM, il semble désormais capital d’élargir la problématique à l’échelle géopolitique pour saisir tous les enjeux de la question, car comme nous l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises : la Moldavie est un petit pays, historiquement convoité et économiquement limité, et donc largement soumis aux grands ensembles géopolitiques qui l’entourent. B. Une schizophrénie exacerbée sur le plan géopolitique L’entrée de la Roumanie dans l’UE constitue un bouleversement géopolitique dans la région puisque c’est encore un ex-pays communiste de plus qui rejoint le camp de l’Ouest er en adhérant à l’UE (depuis le 1 janvier 2007) mais aussi à l’OTAN depuis 2004.Par ailleurs, comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, la RM étant un petit pays, elle peut difficilement éviter un rattachement à un plus grand ensemble géopolitique pour se développer. De manière objective, le choix de l’UE semble être le plus sage dans le contexte 201 Déclaration de l’organisation des jeunes du parti libéral (PL), le 25 février 2007, à Chisinau, http://www.parties.e-democracy.md/ docs/pr/200702253/[vu 202 le 26 juillet 2008] Entretien avec Ion Varta, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°1 Schultz Ilioné 57 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie des tensions identitaires qui traversent la RM puisque la Russie, qui est liée à la RM par la partie de la population moldave d’origine russe, n’offrirait certainement pas les mêmes garanties de liberté et de relative indépendance comme pourrait le faire l’UE. Ainsi, si la RM semble prendre le même chemin européen que la Roumanie, la Russie n’a sans doute pas dit son dernier mot. Et c’est dans cette perspective qu’il apparaît intéressant de voir en quoi les changements géopolitiques liés à l’entrée de la Roumanie dans l’UE aggravent les tensions identitaires en Moldavie. C’est pourquoi après avoir vu en quoi la Roumanie européenne a provoqué une réaction de la Russie, nous verrons que cette dernière exerce des pressions croissantes qui sèment la confusion du côté de la présidence moldave, en particulier sur la question de la Transnistrie. 1. Une Russie provoquée par la Roumanie européenne Afin de bien comprendre en quoi la Russie a toutes les raisons de se sentir concernée par l’adhésion de la Roumanie à l’UE, il est nécessaire, dans un premier temps, de rappeler les liens qui unissent la Russie et la République de Moldavie, ou plutôt de présenter les intérêts russes en RM. Tout d’abord, il faut bien sûr mentionner la communauté russe présente en République de Moldavie, qui représente 13% 203 204 de la population moldave totale. Pour la Russie et sa politique de « l’étranger proche » , la Moldavie représente donc un enjeu particulier. L’aspect culturel, notamment linguistique, est important pour la Russie dans le but de maintenir son influence dans les pays de la CEI. Mais ce sont les liens économiques qui constituent l’aspect prépondérant de cette politique. La Russie est, depuis l’indépendance, le premier partenaire économique de la République de Moldavie puisque cette dernière fait partie de la CEI (Communauté des Etats Indépendants) pour la coopération économique (elle n’a pas signé l’accord dans le domaine militaire). En 2006 par exemple, la Russie était toujours le plus gros importateur de produits moldaves et le second exportateur de produits 203 204 http://www.moldavie.fr/article.php3?id_article=11[vu le 26 juillet 2008] Concept de l’“étranger proche“ : « La plupart des nouveaux états indépendants doivent cimenter l’identité du peuple titulaire, dont des groupes régionaux ont souvent des visions bien différentes d’eux-mêmes et de la place de leur pays dans le monde, et en même temps créer une nouvelle identité politique pour toute la population. Il y deux stratégies principales pour résoudre ce problème : s’appuyer sur la population dans son ensemble ou seulement sur le peuple titulaire, et même sur l’un de ses groupes particuliers, en utilisant et réinventant uniquement ses symboles nationaux, sa langue et sa culture, ses mythes et ses représentations sociales (stratégies inclusive et exclusive). Tout en déclarant le choix de la stratégie inclusive, les élites politiques essayent de les combiner ou dans la pratique insistent sur les privilèges de l’ethnie titulaire. Cela complique les relations avec la Russie qui cherche à protéger par des moyens politiques les intérêts des minorités russes et russophones. Dans les cas extrêmes les minorités non seulement n’acceptent pas le modèle de la construction nationale et l’identité politique que les nouveaux états leur imposent, mais les rejettent complètement. Cela a provoqué la création et l’existence de facto depuis déjà plus de dix ans de quatre républiques autoproclamées et non reconnues par la communauté internationale : le Haut Karabakh en Azerbaïdjan, la République Moldave de Transnistrie en Moldavie, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie en Géorgie. », KOLOSSOV (Vladimir), 19 décembre 2001, « Enjeux géopolitiques aux marges de la Russie », http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=172 [vu le 26 juillet 2008] ; « Du côté russe, les relations avec cet "étranger proche" recouvrent plusieurs objectifs. Il s’agit tout d’abord de conserver un droit de regard sur les anciennes républiques de l’Empire soviétique. Il s’agit ensuite de préserver des liens économiques et industriels issus de la très forte interdépendance nouée entre les Etats du temps de l’URSS. Enfin, en garantissant le maintien des frontières de la Fédération de Russie, la CEI revêt un intérêt militaro-stratégique majeur. L’image d’une Russie forte est en jeu […]De plus, malgré leurs velléités de rapprochement avec l’Europe, les dirigeants ukrainiens, géorgiens et même moldaves ne peuvent occulter le sentiment de proximité que nourrisse leur population à l’égard de la Russie, du fait, précisément, de cette vieille interdépendance à la fois historique, culturelle et économique.» BENSIMON, 9 juin 2006, « CEI, fantasme russe ou réalité ? », 58 http://www.lemagazine.info/spip.php?article359[vu Schultz Ilioné le 26 juillet 2008] 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie 205 vers la Moldavie . La Russie absorbe environ 85% des exportations de vin moldave. Pendant la période soviétique, la Bessarabie a été cantonnée à des activités agricoles tandis que toutes les industries se sont développées en Transnistrie, rendant, de cette manière, la Bessarabie dépendante de la Transnistrie. C’est en partie pour cela que la République de Moldavie aujourd’hui ne peut pas se permettre d’abandonner la Transnistrie. Le secteur de l’énergie est assez représentatif des contraintes qui pèsent sur la Moldavie : en effet, il faut savoir que le principal fournisseur de gaz de la RM est Gazprom (société russe) et qu’en ce qui concerne l’électricité, près de 50% de sa consommation est couverte par la centrale de Cuciurgan située en Transnistrie et qui a été rachetée en 2005 par l’entreprise russe EES (« systèmes énergétiques unifiés ») 206 . Au-delà des intérêts économiques, le fait de maintenir la République de Moldavie et plus encore la Transnistrie dans les rangs de la CEI représente un aspect majeur de la géostratégie russe. Dans une logique post-impérialiste, il est capital pour la Russie de garder la RM sous son aile, sinon, elle risque de voir se désister également d’autres membres de la CEI, diminuant ainsi son importance dans le jeu des grandes puissances mondiales. C’est particulièrement vrai dans le cas de l’Ukraine. De l’avis de Vlad Cubreacov, si ce petit pays pauvre qu’est la République de Moldavie n’est pas si important en soi pour la Russie, il l’est véritablement dans la mesure où il permet à la Russie de maintenir l’Ukraine dans 207 sa zone d’influence, alors que celle-ci a connu une révolution démocratique en 2005 . Déjà, à l’époque soviétique, la Moldavie constituait un poste avancé des forces armées soviétiques dans l’hypothèse d’une guerre dans les Balkans. Aujourd’hui, les intérêts sont ème surtout économiques mais sur le plan militaire, les 2500 soldats de la 14 armée russe stationnés en Transnistrie renforcent clairement la position stratégique de la Russie, d’où son intérêt de maintenir sur place ces troupes. La Russie invoque également le coût élevé que représenterait la réintégration de tous ces soldats russes et de leurs familles en Russie 208 . Aussi, la Russie ayant un certain nombre d’intérêts à protéger en République de Moldavie, l’entrée de la Roumanie dans l’UE entraîne certaines conséquences qui ne sont pas du tout du goût de la Russie. En effet, la Russie se considère depuis 1992 comme gardienne de la stabilité de la région puisque c’est elle qui a participé à l’arrêt des combats en Transnistrie en 1992 et qui y est restée depuis. Elle envisage l’issue du problème transnistrien dans le cadre de relations amicales et de négociations bilatérales afin de pouvoir maintenir à Chişinau un gouvernement favorable aux intérêts russes et de bloquer les forces politiques anti-russes. Cela explique pourquoi la Russie est réticente 209 aux négociations multilatérales telles qu’initiées par l’UE et les USA à partir de 2005 . En effet, l’UE, avec ses élargissements successifs, est de plus en plus concernée par 205 VOLNITCHI (Igor), 7 août 2007, «Relations of Moldova with Russia, Ukraine and Romania» [Les relations de la Moldavie avec la Russie, l’Ukraine et la Roumanie], 206 http://www.viitorul.org/lib.php?l=ro&idc=269[vu le 26 juillet 2008] BON (Agnès), 2006, « Moldavie 2005, L’Europe en ligne de mire », Le courrier des pays de l’Est, n°1053, janvier- février 2006, p.86. 207 208 Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 SCHNEIDER (Marina), COLLET (Mathieu), 3 novembre 2005, « Transnistrie, le fantôme de l’Europe » www.eurosduvillage.com/Transnistrie-le-fantome-de-l,78[vu 209 http:// le 26 juillet 2008] VOLNITCHI (Igor), 7 août 2007, «Relations of Moldova with Russia, Ukraine and Romania» [Les relations de la Moldavie avec la Russie, l’Ukraine et la Roumanie], http://www.viitorul.org/lib.php?l=ro&idc=269[vu Schultz Ilioné le 26 juillet 2008] 59 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie cette zone de « voisinage commun » qu’elle partage avec la Russie et qui comprend l’Ukraine, la Biélorussie, le Caucase du Sud et la République de Moldavie, l’enjeu étant pour les deux parties de trouver le juste équilibre pour le maintien de leurs intérêts respectifs. Dans la perspective de l’élargissement de l’UE à la Roumanie, l’UE a donc voulu s’impliquer au maximum dans la résolution du conflit transnistrien pour des raisons sécuritaires essentiellement. Et la Russie qui tient le rôle de principal médiateur de ce conflit depuis 1992 interprète cette nouvelle implication de l’UE comme une volonté de la part de celle-ci d’accroître sa zone d’influence aux dépens de la Russie. Car dans la vision de la Russie, le jeu qui se joue dans cette région du voisinage est un jeu d’ensemble à somme nulle, c'est-à-dire que plus l’un gagne de l’influence, plus l’autre en perd. Et la Transnistrie n’est qu’une petite partie de ce jeu. C’est donc pour cela que la Russie n’a pas du tout apprécié la signature du Plan d’Action UE-RM en 2005, qui plaçait la résolution du conflit en Transnistrie parmi ses objectifs principaux, au moment même où la « Révolution orange » battait son plein en Ukraine. L’UE émerge de plus en plus comme acteur de politique étrangère et de coopération sur la sécurité extérieure et cherche à développer un partenariat approfondi avec la Russie sur cette question du « voisinage commun » alors que la Russie serait prête à l’envisager mais dans un cadre beaucoup plus large incluant le Moyen-Orient par exemple. De plus, la Russie a tout à fait conscience de ce que peut représenter la PEV en terme de force d’attraction vers l’Ouest même si les perspectives sont vagues pour le 210 moment. La « Révolution orange » fournit un bel exemple de ce phénomène . Par ailleurs, la Russie sait aussi que l’élargissement de l’UE va souvent de pair avec l’élargissement de l’OTAN et que la RM , après avoir intégré le programme de Partenariat Pour la Paix (PPP) 211 en 1994, a signé le 19 mai 2006 le plan individuel d’action pour le partenariat (IPAP) .Dans une interview accordée le 2 avril 2008 à Europa.Md, Dimitri Rogozin, le représentant permanant de la Russie à l’OTAN, exprimait que la Russie ne laisserait jamais l’OTAN arriver à la frontière de la Russie et que la Russie ne rentrerait jamais dans l’OTAN qui restera 212 toujours une machine militaire étrangère . Enfin, il faut mentionner que traditionnellement, la Russie est anti-roumaine, encore plus depuis que la Roumanie a rejoint l’UE et l’OTAN, 213 et qu’elle voit également la RM comme un moyen de faire pression sur la Roumanie . On comprend donc mieux comment, par ce contexte géopolitique en mouvement dans la région, la RM se retrouve un peu comme dans un étau, coincée entre la séduisante UE d’une part, et l’omniprésente Russie d’autre part. 2. Les pressions croissantes de la Russie, en particulier sur le cas de la Transnistrie, sèment la confusion du côté de la présidence moldave Comme la Russie se sent de plus en plus menacée, surtout depuis l’entrée de la Roumanie dans l’UE et depuis le changement d’attitude le l’UE vis-à-vis du « voisinage commun », elle n’hésite pas à accroître les pressions, déjà existantes, sur la République de Moldavie, et déstabilise ainsi ce pays. La Russie a très bien compris les enjeux autour de la question identitaire et tout l’intérêt pour elle est d’encourager une politique de russification -qui 210 LYNCH (Dov), avril 2005, « Voisinage commun ou nouvelle ligne de front ? Le carrefour de la Moldavie » Russie-CEI. Vision n°2, Ifri, p.7-8, 211 213 60 [vu le 26 juillet 2008] « Les partenariats de l’OTAN », La documentation française partenariat.shtml[vu 212 http://www.ifri.org/files/Russie/lynch_francais.pdf http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/otan/ le 26 juillet 2008] Interview Dimitri Rogozin, 2avril 2008, http://www.europa.md/rom/infto/3317[vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie viendrait gommer petit à petit les éléments de roumanité en RM- instaurée à l’époque soviétique pour préserver ses intérêts et maintenir la RM dans sa sphère d’influence , aussi bien économique que politique ou culturelle. Dans cette configuration, le but est donc d’éloigner au maximum la RM de la Roumanie et de l’UE, ce qui, en plus d’aggraver directement la situation entre les anti-roumains et les roumanophiles, ralentit le processus de démocratisation de la RM favorisé par l’UE et essentiel pour la stabilité de la RM. Cette pression est d’abord visible par une forte présence de la Russie dans l’espace médiatique. Il y a une vingtaine de chaînes de télévision russe et aucune en roumain. Et comme nous l’avons démontré précédemment, la télévision reste le média principal en 214 RM. La Russie tente de s’implanter toujours plus dans l’espace médiatique moldave . L’impact est énorme sur la population, car les gens assimilent facilement et rapidement la 215 culture russe par le biais du poste de télévision . Même si quelqu’un n’est pas forcément d’origine russe, comme cette langue est de toute façon obligatoire à l’école, tout le monde connaît le russe (alors que tout le monde ne connaît pas le roumain). Il devient donc assez aisé pour ces personnes de s’identifier à la culture russe, voire de se projeter dans un univers estique. La culture russe est d’ailleurs perçue comme « cool » par une partie des jeunes et Moscou reste un pôle attractif. En ce qui concerne la langue, là encore les autorités russes essaient de mettre la pression puisque, alors que le rapport est largement en leur faveur dans l’enseignement par exemple, avec 280 écoles en langue russe et 82 en langue roumaine en Transnistrie, ils déclarent que les communautés russes de RM sont 216 soumises à une « roumanisation » forcée . Ces déclarations ne peuvent qu’encourager la politique de moldovénisation entreprise par le président moldave Vladimir Voronine et par les Communistes, qui avaient notamment pour projet, dès leur élection en 2001, d’inscrire le russe comme seconde langue officielle dans la constitution moldave ou de restaurer le 7 novembre comme jour férié en commémoration de la révolution bolchévique .Mais des protestations impliquant entre 80 000 et 100 000 personnes du camp pro-roumain, dans la 217 première moitié de l’année 2002, les avaient stoppés dans leur projet .Enfin, toujours sur le plan culturel, la Russie fait pression par l’intermédiaire de l’Église orthodoxe de Russie à qui est rattachée l’Église autonome de Moldavie, comme se fut le cas dans l’hiver 2007 lorsque l’Église de Bessarabie, qui fait partie de l’Église Orthodoxe de Roumanie, a décidé de réactiver trois évêchés 218 . La Russie est également présente sur le plan stratégique puisqu’il y a deux ans, elle a déplacé son centre d’espionnage qui se trouvait à Sofia pour l’installer à Chişinau. 214 Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 215 216 Entretien avec Alina Radu, rédactrice en chef de Ziarul de Garda. Se reporter à l’annexe n°9 «Moscova, ingrijorata romanizarea fortata a rusilor din Republica Moldova » [ Moscou, inquiète de la roumanisation force des Russes de RM], http://www.divers.ro/international_ro?wid=37457&func=viewSubmission&sid=8577 [vu le 26 juillet 2008] 217 GRIBINCEA (Argentina), 6 décembre 2006, «Moldovenism, the state ideology of the Republic of Moldova» [Moldovisme, l’idéologie d’Etat de la RM], 218 http://politicom.moldova.org/stiri/eng/21091/[vu le 26 juillet 2008] « Disputa dintre BOR si Mitropolia Moldovei se judeca la Sofia » [La dispute entre la BOR et l’Eglise Métropolitaine de Moldavie est jugée à Sofia], 20 novembre 2007, se-judeca-la-Sofia.htm[vu http://www2.hotnews.ro/articol_90432-Disputa-dintre-BOR-si-Mitropolia-Moldovei- le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 61 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Mais surtout, c’est sur la question de la Transnistrie que la Russie concentre ses moyens de pression, car comme nous l’avons vu précédemment, c’est une zone hautement stratégique pour la Russie et elle ne compte pas l’abandonner si facilement. C’est pour cela qu’elle essaie d’imposer par tous les moyens la solution qui lui conviendra. Le problème étant qu’en faisant cela, elle ne fait que retarder le règlement du conflit et contribue au maintien d’un régime non-démocratique et corrompu en Transnistrie. Et c’est justement cette situation qui menace l’intégrité de la République de Moldavie qui ne pourra véritablement entamer son processus de démocratisation que lorsque le conflit avec la Transnistrie sera réglé. La Russie ne peut pas reconnaître l’indépendance de cette région sous peine d’être mise au ban de la communauté internationale mais aussi parce que cela serait très dangereux pour son intégrité en raison des mouvements des minorités auxquels elle est confrontée. En revanche, elle peut lui apporter son soutien. Par exemple, la Russie fournit des passeports russes à toutes les élites transnistriennes. Les autorités russes soutiennent également le régime transnistrien à rester au pouvoir en les aidant à « contrôler » les élections. En 2007, elles ont même organisé les élections de la Douma d’État, comme si elles étaient sur leur propre territoire. Elles apportent également un soutien financier majeur aux autorités transnistriennes 219 . En juillet 2004, dans un arrêt de la CEDH (Cour 220 Européenne des Droits de l’Homme) dans l’affaire du groupe Ilashku , la Russie s’était vue reprocher le soutien à l’émergence d’un régime séparatiste et surtout à son maintien. Mais déjà, les pressions croissantes en rapport avec la Transnistrie avaient repris après le rejet par les autorités moldaves du plan « Kozac », en novembre 2003. Ce plan élaboré par les Russes suggérait de fédéraliser la République de Moldavie en formant trois entités usant des mêmes droits. Le président Voronine semblait plutôt d’accord dans les premiers temps des négociations, mais il a refusé de signer ce mémorandum au dernier moment, invoquant la nécessité de discussions additionnelles. Les relations se sont donc dégradées à partir de ce moment-là, d’autant plus qu’en 2004, la RM a essayé, à son tour, de faire 221 pression sur la Russie pour que celle-ci retire ses troupes stationnées en Transnistrie . La tension est montée d’un cran, et en représailles, la Russie a déclaré le boycott de plusieurs produits moldaves. En février 2005, la Russie a stoppé ses importations de viande moldave prétextant des raisons d’ordre sanitaire, puis en mai, ce fut les légumes. Et en septembre, c’est-à-dire juste après que l’UE ait lancé la mission EUBAM à la frontière entre l’Ukraine et la République de Moldavie, les services douaniers russes ont bloqué les importations de vin, alors que la Russie absorbe 85% de la production moldave. En novembre 2005, la Russie, même si elle s’en défend, a continué ce chantage politique en annonçant par exemple une sérieuse augmentation des tarifs de l’énergie fournie par les entreprises russes. La centrale électrique de Cuciurgan, située en Transnistrie a augmenté ses tarifs de 30% à l’automne 219 2007], BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227[vu 220 le 26 juillet 2008] Ilie Ilashku est un sénateur roumain qui au début des années 90 a lutté pour le Front Populaire Moldave (qui voulait l’unification entre la Roumanie et la Moldavie) et qui a été emprisonné et torturé, avec d’autres membres de son groupe, dans une prison transnistrienne. L’arrête de la CEDH a condamné la Russie à verser 600 000 euros dans cette affaire, à Ilashku et aux autres membres du groupe, car elle a été reconnue comme complice du régime sépratiste transnitrien. DAMIAN (George), 10 juillet 2004, « Rusia iritata de sentinta CEDO in cazul Ilascu » [La Russie irritée de la sentence de la CEDH dans l’affaire Ilashku], www.ziua.net/display.php?id=152166&data=2004-07-10 221 VOLNITCHI (Igor), 7 août 2007, «Relations of Moldova with Russia, Ukraine and Romania» [Les relations de la Moldavie avec la Russie, l’Ukraine et la Roumanie], 62 http:// [vu le 26 juillet 2008] http://www.viitorul.org/lib.php?l=ro&idc=269[vu Schultz Ilioné le 26 juillet 2008] 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie 2005, mais comme la Moldavie ne pouvait pas payer, la centrale a diminuée ses livraisons, obligeant ainsi la RM à se tourner vers l’Ukraine ou vers la Roumanie. Sans compter que du er 1 au 16 janvier 2006, Gazprom a totalement suspendu ses livraisons de gaz en RM. Le 16, un accord provisoire a solutionné le problème, fixant le prix à 110 dollars les 1000 m3, mais la RM a été contrainte d’accepter une augmentation de la participation de Gazprom dans le capital de la société de transport de gaz Moldovagaz. Gazprom détient désormais 63,44% de la société moldave 222 . On l’a donc compris, plus la Moldavie se tourne vers l’Ouest, plus la Russie essaie de la remettre dans le droit chemin et elle a les moyens de le faire. Les pressions subies fin 2005, début 2006 n’ont pourtant pas découragé la RM à poursuivre sur la voie européenne qu’elle avait unanimement choisie en 2005, grâce au changement de position du parti communiste. En septembre 2006, Andrei Stratan, ministre moldave des Affaires étrangères, sommait la Russie devant l’Assemblée générale des Nations Unies de bien vouloir respecter ses engagements pris lors de la signature du Traité d’amitié et de coopération en 2001 ainsi que ceux pris lors des accords d’Istanbul en 1999 concernant le retrait des troupes russes. Cette déclaration semblait ainsi suivre les recommandations de la Commission européenne et démontrait une certaine volonté de la RM de ne pas se soumettre aux intérêts russes. Mais en guise de réponse, la Russie a soutenu officiellement le régime séparatiste transnistrien en supportant le référendum du 17 septembre 2006 portant sur la réunification entre la Transnistrie et la Russie. Le «oui» l'a emporté avec 97,1 % des suffrages. Le 223 taux de participation s'est élevé à 77,63 %, selon la commission électorale . C’était une manœuvre habile de la part de la Russie car elle sait très bien qu’elle ne peut pas intégrer la Transnistrie et en même temps, cela lui permet de ne pas reconnaître son indépendance. Mais en 2007, alors que l’UE est arrivée aux portes de la RM, on a observé un changement de ton de la petite République, ou plutôt de sa présidence, qui se détourne peu à peu de la voie pro-européenne défendue depuis 2005 pour se rapprocher de plus en plus de la Russie. Ce repositionnement est principalement lié au mauvais résultat des Communistes lors des élections locales de juin 2007, puisque le président Voronine a menacé immédiatement après de mettre un terme au consensus politique qui unissait les Communistes avec d’autres partis pro-européens comme le PPCD (« parti populaire chrétien démocrate » -Partidul Popular Creştin Democrat) ou le PD (« parti démocrate »Partidul Democrat) et d’organiser de nouvelles élections législatives. À plusieurs reprises, le président Vladimir Voronine a souligné que les relations entre la RM et la Russie étaient 224 devenues excellentes . Et pour preuve, à partir de l’été 2007, des rumeurs ont commencé à circuler sur des négociations secrètes entre le président moldave et son homologue russe à propos du règlement du conflit en Transnistrie. Ces discussions auraient abouti à un plan établissant la réintégration de la Transnistrie à la RM en échange de la neutralité garantie de la RM. Mais une telle réintégration permettrait en réalité à la Transnistrie de bloquer les décisions de Chişinau car V.Voronine, contraint de reconnaître le territoire séparatiste, serait dans l’obligation d’organiser de nouvelles élections en accordant au minimum 20% des sièges du Parlement à la Transnistrie ainsi que des postes de vice-ministres dans tous 222 Agnès Bon, p.86 BON (Agnès), « Moldavie 2005, L’Europe en ligne de mire », Le courrier des pays de l’Est, n°1053, janvier- février 2006, p.86 223 224 « Transnitrie » 18 septembre 2006, http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/EtatsNsouverains/Transnistrie.htm,[vu le 26 juillet 2008] Adept 2007 BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007» [Commentaires politiques, l’année politique 2007], http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227[vu Schultz Ilioné le 26 juillet 2008] 63 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie les domaines et un poste de vice-premier ministre ainsi que la présence de 1300 soldats russes. Bien sûr, la Russie fait mine de n’être au courant de rien. Sa version officielle prône une reprise des négociations au format « 5+2 » 225 226 ainsi qu’une reprise des exportations de vin . On voit donc comment la RM est soumise aux manipulations des autorités russes et se détourne de plus en plus du chemin européen. Et pour preuve : le 28 juin 2007, Vladimir Voronine aurait fait une déclaration, non publiée par les médias exposant ses griefs à l’encontre d’un certain nombre d’ambassadeurs occidentaux. Cet acte a été interprété comme un avertissement de divorce, en démontrant qu’il ne fallait plus compter sur la présidence moldave pour défendre une quelconque intégration européenne 227 . Tous ces évènements ont bien évidemment refroidi les autorités européennes dans leur partenariat avec la RM, même si le ministre moldave des Affaires étrangères, Andrei Stratan, a, à plusieurs reprises, réaffirmer la volonté de la RM de mettre en place le PAUERM et de se rapprocher de l’UE. C’est ici qu’apparaît la fracture déjà évoquée entre la présidence et le reste des autorités moldaves, sur la stratégie à suivre. Cette fracture fait d’autant plus ressortir l’incompétence relative de l’équipe présidentielle, de plus en plus isolée par rapport au Parlement notamment, ainsi que le côté imprévisible du président lui-même 228 . Dans le même temps, plusieurs spécialistes s’accordent pour dire que l’attitude des institutions européennes n’est pas non plus toujours très claire et que cela a pu et peut parfois déstabiliser les autorités moldaves et surtout la présidence. Officiellement, l’UE ne se prononce pas pour une intégration de la Moldavie, ce qui n’empêche pas certains parlementaires européens de dire le contraire, comme c’est le cas de Miguel Angel Martinez, le vice-président du Parlement européen, qui a déclaré que la carte de l’UE ne serait pas complète tant que la RM n’y figurerait pas 229 230 . De plus, certaines déclarations du chef de la diplomatie européenne, Javier Solana , semblent assez ambiguës puisque en avril 2008, il insistait pour que les relations UE-RM se développent, sans parler pour autant d’adhésion, mais en prolongeant tout de même le débat sur un élargissement éventuel…Le message n’est pas évident à décrypter. De plus, la nature même de la PEV n’est pas forcément encourageante pour un pays comme la Moldavie qui se retrouve sur le même plan que des 225 Pour rappel, « 5+2 » est un format de négociations qui regroupe d’une part : la Moldavie, la Transnistrie, l’OCDE, la Russie et l’Ukraine, et d’autre part, l’UE et les USA qui ont le statut d’observateurs. 226 Dosar: Relatiile UE - Moldova - Orientarea declarativ europeana, in contrast cu apropierea de Moscova » [Dossier : Relations UE-Moldavie- Orientation européenne dans les déclarations, en contraste du rapprochement avec Moscou], 23 novembre 2007,http://www.euractiv.ro/uniunea-europeana/articles%7CdisplayArticle/articleID_11945/Dosar-RelatiileUE-Moldova-Orientarea-declarativ-europeana-in-contrast-cu-apropierea-de-Moscova.html [vu le 26 juillet 2008] 227 SOCOR (Vladimir), 1 août 2007, « Moldova’s presidential institution increasingly dysfunctional » [L’institution présidentielle moldave de plus en plus dysfonctionnelle], 228 229 http://leader.viitorul.eu/libview.php?l=ro&idc=48&id=474 [vu le 26 juillet 2008] SOCOR (Vladimir), 1 août 2007, « Moldova’s presidential institution increasingly dysfunctional », op.cité « Dosar: Relatiile UE - Moldova - Orientarea declarativ europeana, in contrast cu apropierea de Moscova » [Dossier : Relations UE-Moldavie- Orientation européenne dans les déclarations, en contraste du rapprochement avec Moscou], 23 novembre 2007,http://www.euractiv.ro/uniunea-europeana/articles%7CdisplayArticle/articleID_11945/Dosar-RelatiileUE-Moldova-Orientarea-declarativ-europeana-in-contrast-cu-apropierea-de-Moscova.html [vu le 26 juillet 2008] 230 « Javier Solana: Romania ar trebui sa fie un aliat mai apropiat al Republicii Moldova, in drumul Chisinaului spre Europa » [ Javier Solana : la Roumanie devrait être un allié plus proche de la République de Moldavie, dans le chemin de Chisinau vers l’Europe], 15 avril 2008, 64 http://www.europa.md/rom/infto/3398 [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie pays comme le Maroc ou le Liban, mais comme c’est elle qui veut intégrer l’UE, c’est de toute façon à elle de surmonter les obstacles et de montrer qu’elle en a vraiment envie. Ces derniers temps, la présidence semble avoir rectifié sa ligne de conduite et fait preuve d’un peu plus de bonne volonté vis-à-vis des instances européennes. Au sommet de l’OTAN en avril 2008 à Bucarest, le président Voronine a réaffirmé la nécessité de démilitariser la Transnistrie et a demandé à la communauté internationale de soutenir la RM dans cette voie et de ne pas trop polémiquer sur la question identitaire afin qu’elle puisse se concentrer sur ses aspirations pro-européennes. Il en a par ailleurs profité pour établir un dialogue avec la Lettonie et la Lituanie en vue d’établir une étroite coopération sur la mise en œuvre des standards européens en s’appuyant sur l’expérience de ces deux pays. De plus, une rencontre entre le président moldave et le leader transnistrien Smirnov a eu lieu le 11 avril 2008 à Bender en RM, alors qu’un tel événement ne s’était pas produit depuis 231 six ans . Au terme de cette rencontre, le président Voronine s’est prononcé en faveur de groupes de travaux communs Transnistrie/Moldavie, concernant plusieurs domaines comme l’humanitaire, le social, la sécurité ou les voies de communication. Mais surtout, les deux hommes se sont mis d’accord sur la fin des restrictions concernant la circulation des dirigeants des deux parties. Enfin, le 21 avril 2008, le ministre des Affaires étrangères s’est déplacé en Slovénie, alors à la tête de l’UE, pour chercher des soutiens parmi les membres de l’UE, ce qui s’est avéré plutôt encourageant puisque la Slovénie a reconnu les efforts consentis par la RM pour appliquer les consignes du plan d’action, ce qui constitue, selon la Slovénie, une preuve de maturité et confirme bien les aspirations européennes de la Moldavie. On voit donc comment la RM, et surtout sa présidence, sont soumises au chantage politique de la Russie qui, elle, se sent menacée par l’élargissement de l’UE et des structures euro-atlantiques. La Russie a les moyens économiques, militaires et stratégiques de faire pression et elle ne se gène pas. De l’autre côté, la présidence moldave n’affiche pas tout le temps sa volonté de résister et ses intentions ne sont pas très claires quand à ses aspirations. En agissant de la sorte, la Russie contribue à l’aggravation des tensions identitaires. Premièrement parce qu’en soutenant le gouvernement communiste, elle encourage celui-ci à poursuivre sa politique de moldovénisation forcée, car tout ce qui peut empêcher la RM de se tourner vers la Roumanie et de surcroît vers l’UE est bon pour les intérêts russes. En aidant le parti communiste, pro-russe et basé sur une mentalité post-soviétique, la Russie retarde ainsi la montée en puissance des forces démocratiques, roumanophiles et pro-européennes. Il ne faut pas non plus oublier que pour les pro-moldaves, comme le président, un rapprochement avec la Russie est synonyme de modernisation, ce qui facilite les relations russo-moldaves ; et puis, toujours dans l’idée de cette valorisation des petites différences, les moldovénistes se servent justement de la slavité apportée par les Russes pour jouer la carte de la différenciation avec les Roumains et la Roumanie. De leur côté, les roumanophiles s’indignent de plus en plus d’une telle ingérence de la Russie dans les affaires moldaves, et sont particulièrement irrités par cette présence quasi monopolistique de la Russie dans les médias ou par la russification forcée de certaines communautés ou régions, comme c’est le cas en Transnistrie. Et si, par tradition, la Russie n’apprécie pas la Roumanie, il faut dire que cette dernière le lui rend bien. Au final, l’animosité entre roumanophiles et pro-moldaves n’en est que renforcée. Deuxièmement, en accentuant la russification de la population, surtout en Transnistrie, la Russie donne plus de poids à la communauté russe, qui est plutôt pro-moldave, et comme celle-ci est déjà la 231 BOŢAN (Igor) , 15 avril 2008, «Rapid “thaw” may open up “flooding” » [ Un rapide dégel qui pourrait entraîner un inondation],http://www.e-democracy.md/en/comments/political/200804151/[vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 65 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie minorité la plus influente en RM, cela constitue un facteur de déstabilisation supplémentaire. Et puis, plus une minorité est puissante, plus elle demande de l’autonomie, comme cela s’est passé avec les Gagaouzes (ils ont obtenu un statut particulier pour leur province en 1992), d’autant plus que ces revendications sont uniquement fondées sur l’élément ethnoculturel de l’identité. Toutefois, il semble pertinent de relativiser l’impact des pressions de la Russie sur l’orientation géopolitique de la RM, car si la présidence laisse transparaître une certaine confusion sur ses intentions et ses aspirations, on sent que la majeure partie de l’administration moldave ainsi que la plupart des partis d’opposition continuent à travailler au rapprochement UE-Moldavie. Le discours officiel de la présidence est basé sur le principe de neutralité de la RM. Ce principe est inscrit dans la constitution moldave : « Republica 232 Moldova proclama neutralitatea sa permanenta » .Dans le même temps, on voit très bien que dans la pratique, une telle position n’est pas tenable. Marianne Mikko, co-présidente du comité de coopération UE-RM, dans son discours prononcé lors d’une conférence sur le conflit transnistrien dans le cadre de l’intégration européenne de la RM les 26 et 27 mars 2008, a insisté sur la nécessité, pour la Moldavie, de faire son choix. Elle a souligné également qu’étant donné les négociations déjà entamées avec l’OTAN, il ne resterait plus à la RM qu’à assumer ce choix déjà fait, et ce d’autant plus que la pauvreté en RM rend impossible le maintien de cette neutralité. De plus, l’UE et l’OTAN sont à la frontière tandis 233 que la Russie est à 800km . Si, dans leur ensemble, les autorités moldaves semblent avoir compris ce message, il n’en reste pas moins que l’inconsistance de la présidence et les manœuvres russes sèment encore le trouble en RM et retardent le règlement des conflits identitaires. Que ce soit sur le plan intérieur ou sur le plan géopolitique, on constate donc comment l’entrée de la Roumanie dans l’UE constitue un facteur certain de déstabilisation en RM et d’aggravation des tensions identitaires. Les relations roumano-moldaves se sont considérablement dégradées dans le cours de l’année 2007, provoquant un regain de la politique de moldovénisation et accentuant d’autant plus la bipolarisation de la société moldave, entre ceux qui ont interprété la politique du gouvernement roumain comme une tentative d’ingérence et de déstabilisation de la société moldave, et ceux qui n’ont pas accepté pas de voir les symboles et caractères de leur identité (roumaine) bafoués de la sorte par la politique des Communistes. La situation n’est pas plus claire sur le plan géopolitique puisque l’élargissement de l’Union Européenne a cristallisé les enjeux liés aux relations UE-Russie autour de la Moldavie et plus spécifiquement du conflit en Transnistrie, entraînant des pressions croissantes de la Russie sur la RM pour préserver ses intérêts, des pressions qui ont accentué la schizophrénie des autorités moldaves et surtout de la présidence et qui ont aggravé les tensions identitaires en encourageant notamment cette politique moldovéniste. Une telle schizophrénie conduit à une forme de confusion généralisée, car lorsque les autorités ne savent pas trop où elles vont, il devient difficile pour elles de motiver toute une population vers un but commun, un projet quelconque créant l’unité d’une nation. L’adhésion de la Roumanie à l’UE a donc eu pour conséquence directe d’aggraver les tensions identitaires en Moldavie dans un premier temps. Mais si la bipolarisation de la 232 233 Constitution du 29 juillet 1992, Article 11 –alinéa 1 : « La République de Moldavie proclame sa neutralité permanente ». « Javier Solana: Romania ar trebui sa fie un aliat mai apropiat al Republicii Moldova, in drumul Chisinaului spre Europa » [ Javier Solana : la Roumanie devrait être un allié plus proche de la République de Moldavie, dans le chemin de Chisinau vers l’Europe], 15 avril 2008, 66 http://www.europa.md/rom/infto/3398 [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie société moldave a été accentuée de la sorte par les bouleversements liés à une Roumanie désormais européenne, c’est aussi parce que la RM n’est pas encore prête à évoluer vers une conception plus civique de son identité nationale. II. Une République de Moldavie pas encore prête à adopter une conception civique de son identité nationale La Moldavie reste, certes, confrontée à des provocations, roumaines ou russes, qui viennent aggraver les tensions identitaires déjà présentes puisqu’elles servent d’appui à un renforcement du moldovénisme, lui-même basé sur une fausse conception ethno-culturelle de l’identité nationale à des fins propagandistes. Mais si de telles provocations ont autant d’impact sur la situation intérieure de la RM, c’est sans doute parce que la société moldave n’est pas encore prête à évoluer vers une conception plus civique de son identité nationale qui serait l’une des issues pour sortir de ces conflits identitaires. L’UE tente d’aider la RM à progresser sur la voie de la démocratisation et de la modernisation pour justement, à terme, faire naître un État de droit et prospère, nécessaire pour qu’une identité civique prenne le pas sur les identités ethno-culturelles (vraies ou fausses) qui favorisent les conflits identitaires. Les identités ethno-culturelles (vraies) ne disparaîtraient pas mais se cantonneraient plutôt à la sphère privée et deviendraient complémentaires d’une identité civique et politique réservée à l’espace public. Mais dès lors, des blocages endogènes au système social et politique moldave apparaissent. Ces blocages l’empêchent de bénéficier pleinement de ce que pourrait lui apporter l’UE pour rééquilibrer le pays. De plus, on a constaté à quel point les relations avec la Roumanie avaient pu affecter la RM, accentuant la bipolarisation de la société moldave alors que, dans le même temps, la Roumanie soutient réellement la Moldavie dans son désir d’intégration à l’UE. La Roumanie déclare vouloir contribuer, elle aussi, à la modernisation et à la démocratisation de la RM. Mais là encore, il semblerait que la perception ambiguë que peuvent avoir les Moldaves de la Roumanie, montre que le lien qu’ils entretiennent avec la Roumanie est affectif et donc ethno-culturel, ce qui freine l’instauration de relations saines entre les deux pays. Ce phénomène témoigne de la résistance à une conception plus civique de l’identité nationale malgré la prise de conscience de certains partis politiques et les exigences du cadre européen. A. Les blocages qui freinent la RM sur la voie de la démocratisation et de la modernisation Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, la démocratisation et la modernisation d’un pays sont deux conditions nécessaires à l’émergence d’une conception plus civique de l’identité. Et au regard de la situation en RM, il nous a semblé qu’une telle conception pouvait être une des solutions pour tenter de sortir des conflits identitaires qui la rongent de l’intérieur. Le plan d’action de la PEV (PAUERM) était censé justement accélérer le processus de démocratisation et de modernisation, et nous avons pu constater dans la première partie que des progrès avaient pu être enregistrés. Toutefois, il semblerait que les mesures prises jusqu’à maintenant dans le cadre de la PEV restent insuffisantes. Si l’on peut expliquer ces blocages en raison de la mauvaise foi et de la relative incompétence Schultz Ilioné 67 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie des autorités en place, la société civile moldave, en mal d’être, semble être également en partie responsable. 1. La mauvaise foi et l’incompétence des autorités 234 Si le rapport de progrès publié par la Commission européenne, publié en avril 2008, fait état d’un certain nombre de points positifs concernant l’application du PAUERM, il reste des domaines sensibles et pour lesquels la situation en RM est encore très critique. C’est le cas de la justice, notamment, pas assez compétente aux yeux de la Commission qui recommande un renforcement de la formation des juges et des procureurs, particulièrement dans le domaine des droits de l’Homme. Le rapport établit ainsi l’urgente nécessité de réformer la législation concernant le procureur général afin de lui garantir l’indépendance de ses compétences. Le fonctionnement des administrations locales est aussi un des gros points faibles du rapport, qui requiert beaucoup plus de transparence au niveau des transferts de fonds par exemple, puisque dans le système actuel, c’est en fonction 235 des sympathies politiques qu’est distribué l’argent . La lutte contre la corruption est encore trop timide malgré la création d’un centre de lutte contre la corruption et les crimes économiques. C’est un point clé dans la mesure où la santé du secteur des affaires dépend également de cette lutte anti-corruption. Comme l’explique Igor Boţan de l’agence ADEPT, désormais, il suffit d’une seule journée pour créer une entreprise en Moldavie, à condition 236 d’être prêt à payer le prix . Enfin, un autre point noir est celui des libertés individuelles et du respect des droits de l’Homme, en particulier l’élimination totale de la torture, la liberté de religion ou encore la liberté des médias. Dans ce domaine, un cas a fait beaucoup de bruit, à l’automne 2007, c’est celui de TVR1, la chaîne nationale roumaine. En effet, le code de l’audiovisuel, « Codul Audiovizualului al Republicii Moldova », adopté le 27 juillet 2006, instaure la création d’un Conseil de Coordination de l’Audioviuel (CCA) . Mais en réalité, ce sont les Communistes au pouvoir qui ont le contrôle de ce conseil. Par conséquent, au moment des attributions de fréquence, le CCA a accordé les fréquences les plus prisées (celles de Chişinau et de Balţi) à la chaîne Antena C, qui est une chaîne privée contrôlée par des Communistes, aux dépens de la chaîne officielle de la télévision roumaine TVR1, et ce afin d’éviter une roumanisation de l’audiovisuel moldave. C’est la même idée qui a par ailleurs conduit le CCA à interdire une émission, début 2008, « Vector Est », produite par une 237 chaîne de télé qui diffuse en langue roumaine, N24 . Il semblerait donc que, si des lois en accord avec les recommandations européennes ont été votées par le Parlement, c’est leur application qui pose problème. Et les modifications dans le secteur audiovisuel sont bien représentatives de ce phénomène. En effet l’article 2 stipule que « Codul audiovizualului 234 Progress Report Moldova, Implementation of the European Neighbourhood Policy in 2007 [Rapport de progrès pour la Moldavie : application de la PEV en 2007], 3 avril 2008 http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/progress2008/sec08_399_en.pdf [vu le 26 juillet 2008] 235 C'est-à-dire que les sommes distribuées par les autorités centrales aux autorités locales sont plus importantes vers les districts contrôlés par les communistes. MARANDICI (Ion) , mars 2008, «Dupa congresul PCRM, Moldova are un nou-vechi gurvern », [ Après le congrès du PCRM, la Moldavie a un ancien-nouveau gouvernement] , Political and Security Statewatch, n°3, p.5, www.viitorul.org/public/1122/ro/PSS_nr.3_martie_2008.pdf 236 http:// [vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 237 MARANDICI (Ion), août 2007, « Consensul Politic s-a destramat în preajma unei posibile crize alimentare » [Le consensus politique s’est dissout à l’approche d’une crise possible alimentaire], Political and Security Statewatch n° 3, p.3, http://www.viitorul.org/ public/890/ro/PSS_august_final.pdf[vu 68 le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie conţine anumite reglementări, directe sau indirecte, care permit şi chiar putem presupune că recomandă transmiterea în direct a şedinţelor Parlamentului: că radiodifuzor public este instituţia audiovizuală naţională sau regională, cu statut de persoană juridică de drept public, aflată în serviciul societăţii, independentă editorial, a cărei activitate este supravegheată de societate. O modalitate mai bună de servire a societăţii decît informarea ei directă şi plenară despre activitatea organului reprezentativ suprem şi unica autoritate 238 legislativă este greu de închipuit » . L’article 10, quant à lui, établit que : « stabileşte că dreptul la informare completă, obiectivă şi veridică, dreptul la libera exprimare a opiniilor şi dreptul la libera comunicare a informaţiilor prin intermediul mijloacelor de radiodifuziune şi televiziune sînt garantate de lege. Radiodifuzorii sînt obligaţi să asigure obiectivitatea informării consumatorului de programe, favorizînd libera formare a opiniilor. Informarea completă, obiectivă şi veridică, formarea liberă a opiniei se realizează anume atunci cînd nu se intervine prin "redactarea şi pregătirea programelor", transmisiunea în direct fiind scutită 239 de intervenţii influenţate » . Enfin, l’article 51 prévoit que « prevede printre atribuţiile companiei "Teleradio-Moldova": asigurarea dreptului la informare al tuturor categoriilor de cetăţeni ai Republicii Moldova; favorizarea dezbaterilor democratice, schimburilor de opinie între diversele categorii ale populaţiei, precum şi integrarea în societate a cetăţenilor. Compania are dreptul să înregistreze sau să transmită în direct fără plată şedinţe ale Parlamentului, Guvernului, dezbateri publice ale autorităţilor publice…, indiferent de locul lor de desfăşurare » 240 . Le CCA apparaît, à priori, comme une structure utile pour améliorer la situation des médias en Moldavie, mais à partir du moment où elle est contrôlée par le pouvoir, elle perd toute son indépendance et donc tout son intérêt. Pourquoi avoir mis en place une telle structure alors ? Igor Boţan explique cela par la stratégie « des petits pas » adoptée par les autorités communistes. En effet, elles sont tiraillées entre d’un côté le respect de leurs engagements vis-à-vis de l’UE, mais de l’autre, elles ne veulent surtout pas préparer le 238 « Le code de l’audiovisuel contient certaines réglementations, directes ou indirectes, qui permettent voire même qui recommandent la transmission en direct des séances parlementaires : cela parce que le radiodiffuseur public est l’institution audiovisuelle nationale ou régionale, au statut de personne juridique de droit public, qui se trouve au service de la société, indépendante d’un point de vue éditorial, et dont l’activité est surveillée par la société. Il est difficile de concevoir un meilleur mode de service rendu à la société qu’une information directe et complète sur les activités de son organe représentatif suprême et unique autorité législative ». GROSU (Sergiu), 1er avril 2007, « Revizuirea calitativă a "condiţiilor consensului politic" » [Révision qualitative des conditions du consensus politique], http://www.e-democracy.md/comments/legislative/200704012/ 239 [vu le 26 juilllet 2008] « Le droit à l’information complète, objective et véridique, le droit à la liberté d’exprimer ses opinions et le droit à la libre communications d’informations par l’intermédiaire des moyens de radiodiffusion et de télévision est un droit garanti par la loi. Les radiodiffuseurs sont obligés d’assurer l’objectivité de l’information au consommateur des programmes, favorisant ainsi la libre formation des opinions. L’information complète, objective et véridique, la libre formation des opinions se réalisent notamment par le fait de ne pas intervenir par « la rédaction et la préparation des programmes », la transmission en directe étant dispensée d’interventions influentes ». GROSU (Sergiu), 1er avril 2007, « Revizuirea calitativă a "condiţiilor consensului politic" » [Révision qualitative des conditions du consensus politique], 240 http://www.e-democracy.md/comments/legislative/200704012/ [vu le 26 juillet 2008] « Parmi les attributions de la compagnie Téléradio Moldova : la garantie du droit à l’information pour toutes les catégories de citoyens de la RM, l’amélioration des débats démocratiques, l’échange des opinions entre les diverses catégories de la population, ainsi que l’intégration des citoyens à la société. La compagnie a le droit d’enregistrer ou de transmettre en direct, sans paiement, les séances du parlement, du gouvernement, les débats publics des autorités publiques ou qu’elles aient lieu. » GROSU (Sergiu), 1er avril 2007, « Revizuirea calitativă a "condiţiilor consensului politic" » [Révision qualitative des conditions du consensus politique], http://www.e-democracy.md/comments/legislative/200704012/ [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné 69 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 241 terrain pour ceux qui viendraient après elles . Selon I.Boţan, ce serait la manifestation d’une mentalité quelque peu rétrograde. Mais surtout, si la mise en œuvre de toutes ces lois qui ont été votées apparaît comme si difficile, c’est sans doute parce que les Communistes veulent masquer leurs difficultés pour appliquer ces modifications, et garantir par là même leur maintien au pouvoir. Car en effet, appliquer des réformes est synonyme d’une prise de risques et qui dit prise de risques dit possibilité d’échouer et donc de perdre des voix et l’adhésion de la population. Cette relative incompétence est particulièrement visible si l’on observe la rhétorique employée par les Communistes moldaves actuellement au pouvoir. Par exemple, ils s’expriment régulièrement en parlant « d’intégration » à l’UE, comme s’ils confondaient la politique de la PEV avec un véritable processus d’adhésion. Ce genre d’expressions a pour effet de semer la confusion dans l’esprit des Moldaves qui, de ce fait, pensent que la Moldavie est déjà lancée dans le processus d’adhésion. Et, comme ils ont l’impression, en quelque sorte, que l’adhésion est acquise, ils ne poussent pas vraiment le gouvernement dans le sens des réformes. Les Communistes sont également souvent très maladroits dans leurs déclarations, qui révèlent leur manque de savoir-faire en politique: par exemple, à l’automne 2007, le président moldave a fait plusieurs annonces dans le but de faire pression sur les autorités en Transnistrie, pour au final, se rétracter quelques temps après, ce qui démontre toute son incapacité à anticiper les réactions des dirigeants ou autres politiciens. Comme le prouvent ces différents exemples, les Communistes témoignent d’une relative incompétence qu’ils essaient de masquer par des effets d’annonces ou des « réformettes », mais cette stratégie des petits pas bloque le pouvoir entre les mains des autorités centrales alors que la démocratisation passe par une certaine décentralisation. Il n’apparaît pas très normal en effet que lorsque les citoyens ont des doléances (problèmes du quotidien y compris), ils les adressent directement au premier ministre moldave, par exemple 242 . Mais qui trouve-t-on en face pour proposer d’autres solutions ? 2. Une société civile en mal d’être Il existe de nombreuses ONG en Moldavie : elles sont environ cinq mille. Mais sur cette quantité, seulement une vingtaine est vraiment efficace. Après une période très chaotique pour les ONG entre 2001 et 2004, à cause de l’arrivée des Communistes, et qui a vu se geler les relations entre les autorités et les ONG, on peut désormais observer une période de détente et le début d’une coopération encouragée par les grandes institutions internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale, ou encore par le PAUERM. Mais si la plupart des ONG ne sont pas très dynamiques, c’est parce que la classe moyenne en Moldavie reste encore peu impliquée et n’est pas capable de développer des organisations efficaces. Certains auteurs, comme Dan Dungaciu, ont même développé la théorie d’une société civile « de l’absente présence », pour expliquer le fait que si les ONG sont nombreuses, elles sont en effet très peu connues de la population, notamment parce que 243 géographiquement parlant, elles sont essentiellement regroupées dans la capitale . Les ONG entre elles se connaissent, échangent, mènent des actions, mais en dehors de ce 241 Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 242 er Angela Munteanu , 1 novembre 2007, « Democratic learning : why not ? » [Apprentissage démocratique : pourquoi pas ?], http://www.viitorul.org/public/642/en/Civil%20society_jan_06%20Angela_primit_24.01.2007.doc [vu le 26 juillet 2008] 243 er Angela Munteanu , 1 novembre 2007, « Democratic learning : why not ? » [Apprentissage démocratique : pourquoi pas ?] http:// www.viitorul.org/public/642/en/Civil%20society_jan_06%20Angela_primit_24.01.2007.doc 70 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie « petit club », elles sont quasi inexistantes. On réalise donc ici l’importance pour la Moldavie de mettre en place de réels moyens d’information et de communication, car c’est de là que la situation pourra s’améliorer dans d’autres domaines pour aller dans le sens d’une démocratisation. 244 . Pour expliquer ce phénomène, on peut bien sûr évoquer des raisons d’ordre économique ou une certaine apathie héritée de l’époque soviétique. Mais le fait que la société moldave reste encore peu disposée à la création d’ONG relativement efficaces et capables de faire contrepoids à la politique du gouvernement est également lié à un réel manque de confiance envers la chose politique dans son ensemble. Plus particulièrement, on observe un certain dégoût de la population envers l’attitude des partis politiques, quel 245 que soit leur bord, puisque selon les sondages du mois d’avril 2008, seulement 14,5% de la population déclarait faire confiance aux partis politiques. En effet, le fait que le PPCD (parti populaire chrétien démocrate- Partidul Popular Creştin Democrat), traditionnellement anti-communiste, ait conclut un accord avec le parti communiste en 2005 a été très mal vécu par une partie de la population. Mais les partis d’opposition ou les partis centristes ne semblent pas encore très attirants, d’autant plus que nous avons déjà souligné l’influence persistante des Communistes. Outre l’aspect nostalgique envers la période soviétique, qui fait pencher la balance en faveur des Communistes, les partis non-communistes ont des difficultés à présenter une autre vision d’avenir et à l’imposer. Beaucoup de partis ont, par exemple, des projets similaires, mais l’éclatement de l’opposition joue clairement en faveur des Communistes. La tâche est donc d’autant plus délicate pour convaincre une population déjà réticente au milieu politique et aux changements drastiques des règles du jeu politique 246 . En fait, si la RM n’arrive pas à progresser vers une conception civique de son identité nationale, c’est non seulement en raison de ces blocages qui retardent ce pays sur la voie de la démocratisation et de la modernisation, mais aussi à cause d’une perception de la Roumanie qui reste bien ambiguë. B. Une perception de la Roumanie encore trop ambiguë 244 Pour que les tensions identitaires diminuent en République de Moldavie, il faudrait qu’une conception plus civique de l’identité l’emporte sur une conception ethno-culturelle qui maintient les Moldaves dans ces luttes intestines et menace son intégrité. Et c’est seulement avec cette conception civique de l’identité nationale que la RM pourrait envisager un rapprochement sincère et durable avec la Roumanie, donc sans ambiguïtés et basé sur une simple entraide entre deux pays souverains qui se respectent en tant que tels. Ce qui n’empêche pas, bien évidemment, qu’un tel rapprochement repose sur des liens historiques, mais tout en respectant l’intégrité territoriale et le caractère particulier du voisin. La Roumanie essaye d’apporter son aide en tant que membre de l’UE et de poser les bases d’un tel rapprochement mais on a vu également toute la maladresse dont elle a fait preuve Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 245 http://www.ipp.md/files/Barometru/2008/BOP_martie_aprilie_2008_dinamica.pdf , « Dinamica rezultatelor sondajelor barometrul de opinie publică, aprilie 2008 » [Dinamique des résultats des sondages du baromètre d’opinion publique, avril 2008] 246 er Angela Munteanu , 1 novembre 2007, « Democratic learning : why not ? » [Apprentissage démocratique : pourquoi pas ?] http://www.viitorul.org/public/642/en/Civil%20society_jan_06%20Angela_primit_24.01.2007.doc Schultz Ilioné [vu le 26 juillet 2008] 71 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie ce qui, au final, n’a pu qu’accentuer la bipolarisation en RM. Et si cette bipolarisation a connu un tel renforcement, c’est bien parce qu’en même temps, du côté moldave, les réactions des Moldaves d’origine roumaine, depuis que la Roumanie est européenne, montrent qu’une telle évolution vers une identité civique reste effectivement pour le moment impossible : ils lisent toujours le comportement de la Roumanie en fonction des liens affectifs qu’ils entretiennent avec elle et de manière générale, ils attendent beaucoup de la Roumanie, et pas seulement d’un point de vue économique, un peu comme si c’était elle leur première patrie. Deux partis d’opposition ont déclaré ouvertement leur volonté de tourner la page et de ne plus avoir ce genre de réactions vis-à-vis de la Roumanie, c'est-à-dire de dépasser 247 cette conception ethno-culturelle vis-à-vis de la Roumanie : ce sont le PPCD (Partidul Popular Crestin Democrat) et le tout récent PLDM (Partidul Liberal Democrat din Moldova). Ces deux partis reconnaissent que l’auto-indentification ethnique, linguistique, religieuse d’une personne doit relever d’un choix strictement individuel et que toute ingérence de l’État 248 dans ce processus et illégale . Le PPCD a d’ailleurs demandé à ce que l’origine ethnique ne figure plus sur la carte d’identité, mais seulement la citoyenneté. Déjà, depuis quelques années, l’alliance « notre Moldavie » (AMN), regroupant plusieurs partis du centre, essaie de ne plus faire référence à la problématique identitaire. Ses membres privilégient l’emploi du mot « moldave » pour se désigner, ce qui reste le plus neutre, même s’ils ne renient pas leurs liens à la culture roumaine 249 . D’ailleurs, dans leur nouveau programme 2009-2013, on ne 250 trouve absolument aucune référence à la question identitaire . Mais pour le moment, il semblerait que ce message, masqué par la recrudescence des tensions, n’ait pratiquement aucun impact en RM. Et même pour ces partis, il est devenu difficile de tenir leur ligne de conduite et de ne pas laisser apparaître son attachement à la culture roumaine, car lorsqu’on est attaqué, il est normal de se défendre. C’est pour cela que la bipolarisation s’est renforcée de manière générale, malgré ces déclarations de bonne intention. Donc en réalité, l’adhésion de la Roumanie à l’UE n’a fait qu’accentuer cette lecture d’un point de vue ethnoculturel, car si la Roumanie est plus présente, cela ne fait qu’augmenter les frustrations des Moldaves à l’égard d’une Roumanie tantôt modèle, tantôt arrogante. 1. La Roumanie plus présente La tendance est toute récente en RM, mais il semblerait bien que tout ce qui touche à la culture roumaine bénéficie d’une visibilité accrue en RM. La langue en est le premier 247 Entretien avec Mihail Adauge, historien, conseiller du vice-président du Parlement moldave (PPCD). Se reporter à l’annexe n ème °3. Voir également la résolution adoptée lors du9 Congrès du PPCD, le 25 novembre 2007, à Chisinau : « Totalitatea cetăţenilor Republicii Moldova, indiferent de originea lor etnică şi de felul cum se autoidentifică, se încadrează perfect în noţiunea de moldoveni. Prin urmare, toţi cetăţenii Republicii Moldova sunt moldoveni: românii, ucrainenii, ruşii, găgăuzii, bulgarii, evreii, rromii etc. Concepţia de naţiune politică sau civică trebuie să fie aplicată în egală măsură şi ţării noastre (…) » [La totalité des citoyens de la RM, indifféremment de leur origine et de la manière dont is s’identifient, est inclus dans la notion de Moldaves. Par là, tous les citoyens de la République de Moldavie sont moldaves : les Roumains, les Ukrainiens, les Russes, les Gagaouzes, les Bulgares, les juifs, les Roms etc. Le concept de nation politique ou civique doit être appliquée dans notre pays (…)], « Partidul Popular Crestin Democrat, 20 ani care au facut istorie »[Parti populaire chrétien démocrate, 20 ans qui ont fait l’histoire], 2007, Chisinau, p.189-191, documente/89-2007/Congresele.pdf 248 249 250 72 [vu le 26 juillet 2008] http://www.filat.md/blog/wp-content/program-rom-pldm.doc Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 http://www.amn.md/proiecte-0-32-0.html [vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné http://ppcd.md/ 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie exemple : même si le russe reste la langue la plus communément utilisée dans l’espace public, le roumain est en train de gagner du terrain, et particulièrement dans la capitale, à Chişinau, et ce malgré toutes les tentatives du gouvernement communiste pour renforcer la 251 présence du russe . Que ce soit autour du marché ou dans la rue, le roumain est là. Cela est notamment dû au fait que le roumain est devenue une langue occidentale maintenant que la Roumanie est dans l’UE, tandis qu’auparavant, il était plutôt vu comme la langue 252 des paysans . D’autres éléments montrent que la présence roumaine est de plus en plus significative, comme par exemple les musiques roumaines dans le bus ainsi que les clips musicaux à la télévision. En effet, la Moldavie est un trop petit et trop pauvre pays pour avoir ses propres productions culturelles. Jusqu’à présent, la Russie dominait largement ce marché audiovisuel tout simplement parce que les productions étaient de meilleure qualité. Ce qui explique en partie pourquoi la culture russe s’est révélée attrayante pour beaucoup de jeunes Moldaves. Mais comme la Roumanie s’émancipe et connaît une forte croissance économique liée à son entrée dans l’UE, la qualité des productions culturelles roumaines s’améliore. Elles sont de plus en plus présentes en RM et touchent surtout les plus jeunes générations. On peut aussi noter que la plupart des ONG sont pro-roumaines. Si la Roumanie est directement plus présente en RM, elle est également devenue beaucoup plus attractive. La croissance économique en Roumanie ouvre le marché du travail, surtout dans des secteurs comme la construction ou le textile par exemple, car beaucoup de Roumains se sont exilés dans les pays de l’Ouest de l’Europe pour trouver du travail mieux rémunéré. La Roumanie manque actuellement de main d’œuvre dans ces secteurs notamment. Les Moldaves savent donc qu’il y a des postes à pourvoir de l’autre côté du Prut et sont d’autant plus tentés d’aller en Roumanie pour travailler en raison du niveau des normes de sécurité. En effet, avec l’UE, la Roumanie est tenue de respecter un certain nombre d’impératifs qui ne sont, par exemple, pas respectés en Russie. Là-bas, en raison du boom économique de la Russie dans les années 90, beaucoup de Moldaves sont partis y travailler car ils n’avaient pas besoin de visas alors que ce n’était pas le cas pour les pays de l’UE. Mais des milliers de Moldaves sont morts et meurent toujours sur les chantiers russes en raison du manque de sécurité et dans une certaine indifférence. La Moldavie souffre donc d’une blessure profonde et la cicatrisation sera difficile. Mais elle passera certainement par la Roumanie et ses meilleures conditions de travail. Enfin, si les Moldaves sont de plus en plus intéressés par la Roumanie, ce n’est pas seulement pour des raisons économiques. Nombre d’entre eux ont simplement envie d’aller voir ces cousins, d’autant plus que la Roumanie est en train de développer sa politique touristique et que les 253 Moldaves sont bien évidemment concernés . Mais c’est justement parce que la Roumanie devient plus présente que les frustrations liées à l’entrée de celle-ci dans la l’UE se réveillent. 2. Les frustrations des Moldaves liées à l’entrée de la Roumanie dans l’UE Si la prospérité croissante de la Roumanie a commencé à attirer de plus en plus de Moldaves, ceux-ci ont vite déchanté avec l’instauration des passeports et des visas qui avaient pour but de sécuriser la frontière orientale de l’UE. On parle désormais de 251 Entretien avec Igor Munteanu, directeur de l’IDIS (Institut de Développement des Initiatives Sociales) « Viitorul ». Se reporter à l’annexe n°4 252 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 253 Entretien avec Ion Varta, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°1 Schultz Ilioné 73 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 254 l’instauration d’un « rideau doré » (en écho au célèbre « rideau de fer » à l’époque soviétique) qui établirait une frontière nette entre, d’un côté, les pays « dorés » membre de l’UE, et de l’autre, ceux qui ont été « abandonnés » par cette même Union Européenne. Et si les directives viennent de Bruxelles, le sentiment d’abandon que ressentent les Moldaves se manifeste essentiellement vis-à-vis de la Roumanie. Ils lui reprochent en effet de ne pas faire le nécessaire pour faciliter la circulation entre les deux frontières. Ils se sentent un peu comme un escargot dans sa coquille. Ils ont le sentiment, surtout ceux d’origine roumaine, que la Roumanie ne fait pas tout ce qu’elle peut pour aider les Moldaves à adopter la double citoyenneté par exemple. Ils savent très bien que ce ne sont pas les autorités moldaves qui vont leur faciliter la tâche, alors ils comptent beaucoup sur la Roumanie car ils savent désormais que le chemin de l’UE passe par elle. Ceux qui ont déjà la double citoyenneté peuvent profiter de tous les avantages que peut leur offrir un pays membre de l’UE tandis que pour les autres, les procédures se compliquent. La frustration est d’autant plus grande que la Moldavie est également intégrée en quelque sorte à l’UE, en raison du commerce mais aussi des fonds d’aide et des revenus venant des Moldaves qui travaillent en Europe. Mais les raisons ne sont pas seulement économiques, car c’est aussi sur la base des liens historiques et du sentiment d’appartenir à la même nation que cette frustration grandit. Si ce phénomène concerne surtout les Moldaves qui habitent près de la frontière et les intellectuels pro-roumains, de plus en plus de Moldaves d’ethnie roumaine ont ce sentiment, car l’entrée de la Roumanie dans l’UE et son attractivité croissante ont en quelque sorte réveillé leur conscience roumaine et ils sont de plus en plus nombreux à admettre 255 leurs similarités avec la communauté roumaine par exemple. Car en effet, si 64% de la population est d’ethnie roumaine, la majorité d’entre eux se déclarent pourtant « moldave ». On pourrait se dire que c’est parce qu’ils ont déjà évolué vers le stade d’une conception civique de la citoyenneté mais cela n’est pas le cas. En réalité, cela est dû à la difficulté, pour beaucoup, de comprendre les enjeux liés à la citoyenneté et à la nation. Ils vivent surtout au sein de « micro-communautés » et sont plutôt préoccupés par leur quotidien que par ce genre de questions 256 . Et leur identification se fait en réalité à un niveau local 257 voire micro-local plutôt qu’entre l’individu et l’Etat . Ayant été beaucoup plus sensibles dans les campagnes au moldovénisme durant la période soviétique qu’au roumanisme de la période interbellique, ces personnes se déclarent aujourd’hui plus volontiers « moldaves » 258 que « roumains » . Mais la tendance semble être désormais à une appartenance de plus en plus assumée à la nation roumaine, à cause des bouleversements récents en Roumanie comme en Moldavie 254 255 256 257 259 , et ils ressentent eux aussi cette frustration. Entretien avec Vlad Cubreacov, député PPCD. Se reporter à l’annexe n°2 http://www.moldavie.fr/article.php3?id_article=11[vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexe n°6 CASH (Jennifer) 2007, « Amintiri despre trecutul statelor : identitatea accentuată şi provocările cetăţeniei» [Souvenirs sur le passé des Etats, identité accentuée et provocation de la citoyenneté], in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.105-126 258 PETRESCU (Cristina) 2007, « Construcţia identitaţii naţionale în Basarabia » [La construction de l’identité nationale en Bessarabie] in Heintz (Monica), éd, Stat Slab, Cetăţenie incertă [Etat faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche, p.127-154 259 74 Entretien avec Monica Heintz, Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Se reporter à l’annexen°6 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie Les visas européens étaient censés justement désenclaver la Moldavie pour éviter ce sentiment d’isolement, mais pour le moment, la mise en œuvre reste discutable car certains professeurs ou hommes d’affaires n’ont pas pu se rendre en Europe car les délais de délivrance de visas n’ont pas été respectés. La Moldavie reste donc pour le moment à l’écart, et même lorsque les Moldaves viennent vivre en Roumanie, ce sentiment de frustration est toujours palpable. En effet, la Roumanie est de plus en plus développée comparativement à la Moldavie, ce qui engendre une sorte de complexe d’infériorité chez les Moldaves, 260 et encore plus lorsqu’ils sont en Roumanie . Ce sentiment est parfois renforcé par le comportement de certains Roumains qui considèrent les Moldaves comme des Roumains « de seconde main » qui ont été affectés par l’occupation soviétique. Et bien souvent, les premiers à souffrir de cette attitude sont les étudiants moldaves à Bucarest. Mais il faut tout de même relativiser ce phénomène, qui n’est pas majoritaire. Les frustrations de la part des Moldaves à l’égard de la Roumanie sont bien là, mais ce qui montre que leur rapport est ambigu vis-à-vis de cette Roumanie voisine, c’est cette idée de réunification qui demeure dans les esprits, de part et d’autre du Prut d’ailleurs. 3. L’idée de réunification est toujours sous-jacente, en Moldavie comme en Roumanie, même si elle n’est pas envisageable Si ce sentiment de frustration est davantage présent en Moldavie, il l’est d’autant plus pour cette partie des Moldaves qui garde en tête l’idée d’une réunification avec la Roumanie. Cette idée pourrait sembler totalement hors de contexte aux vues de la situation établie et unanimement acceptée, à savoir celle d’une Moldavie souveraine et indépendante, mais aussi par rapport à la conjoncture, plutôt en défaveur d’un rapprochement roumanomoldave. Il n’empêche que cette idée est toujours bien présente dans la tête de certains intellectuels pro-roumains mais aussi dans d’autres parties de la population, et qu’elle est sans doute un peu réanimée par cette attractivité croissante de la Roumanie. Ils gardent cette idée que la Moldavie et la Roumanie forment une seule et même nation et qu’elles sont destinées à ne former qu’un seul et même pays. Mais si ce genre de certitudes était bien en vogue dans le début des années 90, elles sont devenues beaucoup plus inavouables. L’idée est dans les esprits, plus dans les discours. D’abord parce que personne ne veut être accusé de nationalisme, et que, dire que l’on souhaite une réunification, cela s’apparente à du nationalisme roumain. Ensuite, parce que d’un point de vue réaliste, une telle unification n’est pas réalisable. Elle ne serait bénéfique pour aucun des deux pays, car elle coûterait très cher à la Roumanie et de ce fait, les Roumains auraient certainement tendance à être de plus en plus agressifs envers les Moldaves. Enfin, beaucoup de Moldaves n’osent pas soutenir ce positionnement de réunification par peur du rejet. Ils pensent que les Roumains ne veulent plus d’eux. Mais la plupart des jeunes qui ont fait des études ont bien conscience d’une certaine distorsion de cultures et ont conscience des problèmes de la Moldavie. Et comme cette idée d’unification n’est plus vraiment soutenable, certains partis politiques, à l’instar du PPCD, ont trouvé une sorte de substitut à cette idée: ils parlent 261 désormais de « retrouvailles dans l’Europe » . C’est en adhérant à l’UE que la Moldavie va, peu à peu, rattraper le niveau de la Roumanie et que les deux pays vont enfin se rapprocher réellement. C’est donc l’UE qui devrait leur permettre d’exprimer pleinement leur attachement réciproque. Il est difficile de savoir quelles sont les réelles intentions derrière 260 CHOMETTE (Guy-Pierre), janvier 2002, « La Moldavie repoussée vers l’Est », http://www.monde-diplomatique.fr/2002/01/ CHOMETTE/16027[vu 261 le 26 juillet 2008] Entretien avec Mihail Adauge, historien, conseiller du vice-président du Parlement moldave (PPCD). Se reporter à l’annexe n°3 Schultz Ilioné 75 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie ce genre de nouveaux concepts (« retrouvailles dans l’Europe »). Mais le fait que cette idée de réunification, même inavouée, soit toujours là, présente dans l’esprit d’un certain nombre de Moldaves et de Roumains d’ailleurs, montre la force de cette conception ethno-culturelle de l’identité qui rattache les Moldaves à la Roumanie et montre également comment l’UE, d’une certaine manière, pourrait être le vecteur même d’une telle conception alors que le but recherché est tout autre justement. Ainsi, on se rend compte finalement que l’entrée de la Roumanie dans l’UE a pu contribuer à rendre la Roumanie plus présente en Moldavie, ce qui a eu pour effet d’augmenter les attentes des Moldaves vis-à-vis de la Roumanie. La Roumanie, de son côté, a certes tenté de répondre à un certain nombre de ces attentes, mais ses possibilités sont limitées, que ce soit pour des raisons politiques ou économiques. Les Moldaves ont interprété cela de différentes façons, mais la plupart ont été touchés et frustrés par la tournure des événements. On a donc bien le sentiment que les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE ont maintenu voir accentué une conception ethno-culturelle de l’identité nationale en Moldavie, basée sur des liens affectifs vis-à-vis de la Roumanie. En effet, du côté moldave, l’on parle bien d’espoirs, nourris par tout ce processus, puis déçus, comme si les Moldaves attendaient véritablement quelque chose que la Roumanie leur devait. Cette tendance des Moldaves à réagir de manière affective est sans doute naturellement présente, mais le processus d’entrée de la Roumanie dans l’UE n’a fait que l’amplifier. De plus, si le PAUERM, entraîné par l’adhésion de la Roumanie dans l’UE, n’a pour le moment pas porté ses fruits, c’est bien parce qu’il est impuissant face au système politique et social de la RM, qui bloque sa réelle mise en application et par là-même, la marche vers la démocratisation et vers la modernisation de la RM. De cette manière, les Communistes se maintiennent au pouvoir et peuvent agiter le sujet identitaire dès lors qu’ils se sentent menacés. Le pays reste pour le moment économiquement faible et le rapport à l’État évolue peu, ce qui ne favorise pas l’émergence d’une conception civique de l’identité nationale pour apaiser les tensions identitaires. On en conclut donc que le processus accompagnant l’intégration de la Roumanie dans l’UE s’est révélé, pour le moment, inefficace pour promouvoir une conception plus civique de l’identité nationale, et a même conforté les Moldaves d’origine roumaine dans une conception ethno-culturelle de cette même identité, aggravant par là les tensions identitaires. En effet, une telle conception ne peut qu’appuyer le processus de bipolarisation décrit plus haut, puisque cette vision ethno-culturelle renforce le camp des roumanophiles en l’unifiant tandis qu’elle fournit des arguments aux pro-moldaves dans le même temps : une telle vision ethno-culturelle penche en faveur d’un rapport assez fusionnel avec la Roumanie, qui pourrait être vue comme une menace de l’intégrité de la RM. De cette manière, cette vision freine l’avènement d’un rapprochement « sain » tel qu’évoqué dans la première partie, puisque le rapprochement qui accompagne une telle vision ethno-culturelle vis-à-vis de la Roumanie s’apparente à une fusion. Toutefois, un rapprochement « sain », dans le cadre de l’UE, apparaît comme capital pour la résolution et l’apaisement des conflits identitaires en RM. Pour rappel, un rapprochement « sain » entre deux Etats qui se respectent constituerait un facteur direct majeur de stabilisation des conflits identitaires en Moldavie : les tensions historiques en seraient apaisées tandis que la Moldavie pourrait bénéficier pleinement du soutien de la Roumanie pour l’application de la PEV, l’aidant ainsi à progresser vers la démocratisation et à la modernisation du pays. En conclusion de cette deuxième partie, on peut donc affirmer que le processus d’entrée de la Roumanie dans l’UE a plutôt tendance, dans un premier temps, à aggraver les tensions 76 Schultz Ilioné 2ème partie : L’entrée de la Roumanie dans l’UE comme facteur d’aggravation des tensions identitaires en Moldavie identitaires en RM. Ce processus a fait ressortir un certain nombre de blocages qui sont dus à la mentalité des Moldaves et aux pratiques du gouvernement. La société civile est presque inexistante et les partis non-communistes ont encore du mal à se faire une véritable place et à proposer de vraies solutions face à des Communistes qui n’hésitent pas à mettre de côté certains principes démocratiques pour garder leur pouvoir. De ce fait, la modernisation et la démocratisation, socles d’un apaisement des conflits car point de départ pour un État de droit et prospère et donc de l’avènement d’une conception plus civique de l’identité, se trouvent compromises pour le moment. Cette vision plus civique de l’identité nationale se trouve d’autant plus freinée par le renforcement de la conception ethno-culturelle, tout particulièrement concernant les Moldaves d’origine roumaine. On a le sentiment que suite à l’entrée de la Roumanie dans l’UE, sa présence renforcée mais surtout son attitude n’ont fait qu’accentuer les frustrations des Moldaves, faisant ressortir ainsi l’importance de l’affectif dans leur relation à la Roumanie. C’est bien sûr dans ce contexte qu’il faut comprendre le renforcement de la bipolarisation en RM. C’est en effet parce qu’une bonne partie des Moldaves voit encore cette question de l’identité nationale d’un œil ethno-culturel que les tensions politiques entre la Roumanie et la Moldavie ont pu avoir tant d’impact et diviser ainsi la population, essentiellement dans le cours de l’année 2007. L’attitude de la Roumanie est donc prépondérante dans l’évolution des conflits identitaires en RM, puisqu’elle a directement contribué au renforcement du moldovénisme (l’autre facteur prépondérant à ce renforcement étant la défaite des Communistes aux dernières élections locales, d’où le regain d’agressivité). Mais c’est aussi parce que cette vision ethno-culturelle vis-à-vis de la nation roumaine est toujours si bien ancrée au sein de la population moldave que le moldovénisme trouve les arguments nécessaires pour se développer. On aura donc compris que la Roumanie européenne joue plus comme un amplificateur des pathologies moldaves qui créent ces conflits identitaires. Et si l’aggravation des conflits est venue directement par la bipolarisation liée à l’augmentation des tensions roumano-moldaves, cette bipolarisation est aussi le fait des pressions croissantes d’une Russie attentive à l’élargissement de l’UE et des structures euro-atlantiques. Ces pressions ont pour effet de faire hésiter la RM entre le bloc de l’UE et celui de la CEI, et cela renforce le moldovénisme, tout en donnant plus de poids aux communautés russes en RM. Schultz Ilioné 77 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Conclusion Au terme de cette étude, nous pouvons donc affirmer que l’entrée de la Roumanie dans l’UE a été synonyme, pour la République de Moldavie sur le chemin de la résolution de ses conflits identitaires, d’un certain nombre d’avancées mais aussi de reculades. Il faut dans un premier temps reconnaître l’effet stabilisateur de cette entrée de la Roumanie dans l’UE, stabilisateur dans le sens de « progrès de la démocratisation » car on rappelle que celle-ci est essentielle pour la résolution des tensions identitaires et pour plusieurs raisons. En effet, le progrès des forces démocratiques est primordial car cellesci tiennent de plus en plus un discours qui tend vers une certaine neutralité sur le plan identitaire et mettent en avant l’idée d’une identité citoyenne, politique. Cela va dans le sens des propos de Tamara Cărăuş évoqués dans l’introduction. Ensuite, plus de démocratie signifie un recul des Communistes ou un changement de ton de leur côté, car ils ont bien souvent un discours hostile envers la Roumanie et envers la communauté roumaine, ce qui a pour effet logique d’attiser les conflits identitaires. Plus de démocratie signifie également le début d’une véritable solution pour le conflit en Transnistrie, région sécessionniste, car selon la solution « 3D » (pour Démocratisation, Démilitarisation et Décriminalisation exposée) 262 par Iulian Chifu , c’est la démocratisation de la Transnistrie qui initiera la résolution du conflit mais aussi la démocratisation de la République de Moldavie dans son entier. Enfin, plus de démocratie signifie plus de crédibilité, plus de force pour résister aux assauts (militaires, politiques, économiques, culturels) de plus grandes puissances, et permettre ainsi la constitution d’un peuple sûr de ce qu’il est, et fier de ce qu’il défend. Ainsi, si un contexte de démocratisation était déjà présent en République de Moldavie, celui-ci est renforcé par les transferts de démocratisation, justement, venant d’une Roumanie européenne qui influence assez largement les nouvelles élites moldaves. Nous avons pu constater le dynamisme d’un certain nombre de jeunes leaders des forces démocratiques et pro-européennes d’autant plus que le parti communiste semble avoir pris conscience lui aussi de la nécessité d’une modernisation, sans doute plus en rapport avec les exigences et les valeurs européennes. C’est une orientation qui semble parfaitement suivre le vœu d’une population de plus en plus tournée vers l’Ouest. L’Europe semble désormais faire consensus en République de Moldavie et c’est un phénomène qui va dans le sens d’une stabilisation des conflits. En effet, la République de Moldavie fait désormais partie de la PEV, et cela est largement dû au fait que les frontières orientales de l’Europe se sont élargies en intégrant la Roumanie. C’est un événement important pour la Moldavie car cette PEV lui a permis d’impulser de grands chantiers, législatifs notamment, d’autant plus que l’UE s’implique davantage dans le processus de résolution du conflit en Transnistrie. La PEV agit comme un « booster » de démocratisation et de modernisation, et en ce sens, elle semble bénéfique dans l’optique d’une stabilisation des conflits identitaires. En effet un État de droit et prospère permet de créer un autre lien avec les citoyens, pas seulement basé sur la délivrance de papiers, mais un lien civique qui encourage l’émergence d’une conception civique et politique de l’identité nationale, apaisant ainsi les conflits identitaires. En ayant permis, en quelque sorte, la mise en place de cette PEV, la Roumanie nous 262 CHIFU (Iulian), 2005, Spatiul post sovietic : in cautarea identitatii [L’espace post-soviétique: à la recherche d’identité], Bucarest, Politeia-SNSPA, p.146 78 Schultz Ilioné Conclusion apparaît dès lors comme un trait d’union entre la Moldavie et l’Union Européenne, et un trait d’union positif en raison de l’aide qu’est susceptible de lui apporter l’UE. Mais inversement, nous sommes également en mesure d’affirmer que l’UE peut constituer à son tour un trait d’union entre la Roumanie et la RM. En effet, la République de Moldavie, en cherchant à se rapprocher de l’UE, trouve sur son chemin la Roumanie, qui est d’autant plus disposée à lui apporter son aide qu’elle considère cela comme un devoir moral vis-à-vis de ce voisin si proche culturellement parlant. Et aux yeux de l’UE, l’avenir de la Moldavie passe également par la Roumanie, par le renforcement des coopérations naissantes et existantes. Même si depuis 2001 l’amitié roumano-moldave connaît plus de bas que de hauts, un rapprochement entre les deux pays semble inévitable aux vues des processus enclenchés et qui engagent les deux pays sur la voie européenne. Pour être clair, nous parlons ici d’un rapprochement sincère et durable entre les deux pays, et pas d’une pré-réunification reléguant la République de Moldavie au rang de province roumaine. Nous parlons bien d’un rapprochement entre deux pays souverains qui se respectent en tant que tels. Alors certes, avec ce qu’il s’est passé depuis le début 2007, la Roumanie n’a pas réellement démontré qu’un rapprochement dans de bonnes conditions était envisageable, laissant même entrevoir des comportements que l’on pourrait qualifier d’ « irrédentistes ». Pour 263 Georges Dura , toute cette histoire sur la double citoyenneté et les visas a été très mal négociée par la Roumanie qui, en plus de provoquer la RM, s’est décrédibilisée aux yeux des institutions européennes. Cependant, Georges Dura reste très optimiste car voit cela comme le dernier soubresaut d’une Roumanie désormais européenne qui sait très bien qu’elle doit « rentrer dans le rang », d’autant plus qu’elle se rend bien compte qu’en se comportant ainsi, elle ne fait qu’offrir des arguments aux Communistes. Pour lui, la situation en Moldavie va inévitablement s’arranger car avec les systèmes de visas européens mis en place et qui vont progressivement s’améliorer, de plus en plus de Moldaves vont pouvoir partir et s’ouvrir à l’Europe, mais légalement, ce qui signifie aussi plus de retours et un affaiblissement des réseaux mafieux. Ainsi, on comprend donc comment l’entrée de la Roumanie dans l’UE a un effet stabilisateur sur les conflits identitaires dans le sens où elle pose les facteurs, les fondements d’une stabilisation qui semble presque inévitable, mais à long terme. À court terme en revanche, l’entrée de la Roumanie dans l’UE s’est révélée nettement moins positive pour l’évolution des conflits identitaires en Moldavie et a même conduit à une aggravation de ceux-ci. En effet, au cours de l’année 2007, on s’est aperçu que la détérioration de la politique extérieure de la Moldavie concernant la Moldavie a servi de prétexte au renforcement de la ligne propagandiste entreprise en politique intérieure de la part du gouvernement communiste : le moldovénisme a été largement renforcé en devenant de plus en plus hostile à tout ce qui avait un rapport à la Roumanie, et c’est en ce sens que l’on peut parler de ce courant comme d’une manifestation des tensions identitaires autant que d’un facteur d’accroissement de ces tensions. La première et la plus grave des conséquences de cette adhésion de la Roumanie à l’UE concernant la RM a donc été une accentuation de la bipolarisation, entre le camp des roumanophiles et le camp des pro-moldaves, ce qui se traduit également par un élargissement du fossé entre le parti communiste au pouvoir et les partis non-communistes. Et c’est une bipolarisation qui s’est nourrie de ce renforcement du moldovénisme touchant plusieurs domaines de l’identité : la langue, la religion, l’histoire, la culture. On en profitera pour relever cette confusion frappante concernant les langues en Moldavie, une confusion qu’incarne parfaitement la présidence : V.Voronine défend l’existence d’une langue moldave tout en reconnaissant que celle-ci 263 Entretien avec Georges Dura, chercheur au Centre d’Études des Politiques Européennes. Se reporter à l’annexe n°5 Schultz Ilioné 79 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie est similaire au roumain, mais n’hésite pas non plus à s’exprimer en russe dès qu’il en a l’occasion….Une confusion ambiante qui, de manière générale, transparaît aussi au niveau de la population. En effet, si du côté des Moldaves les plus éduqués cette bipolarisation 264 apparaît de manière claire, elle est présente également , mais dans une moindre mesure chez les populations rurales et moins éduquées en raison de l’impact toujours significatif des identités locales mais aussi du nombre important de contradictions inhérentes à ces populations.De plus, il faut garder à l’esprit que pour une grande partie de la population moldave, ce qui importe surtout c’est le chemin le plus court vers la recherche du bien-être. Ceci nous permet de revenir sur l’influence plus ou moins directe du facteur économique dans la définition et la confrontation des identités. On peut citer pour exemple le chantage économique exercé par la Russie sur la Moldavie, qui forcément influence les dirigeants moldaves et donc une partie de la population, mais également le fait que la Roumanie plus riche est capable d’être plus présente sur le plan culturel en Moldavie, mais surtout d’attirer beaucoup plus. C’est la même chose lorsque l’on pense au consensus autour de la question européenne : il faut reconnaître que pour le moment, la plupart des Moldaves adhèrent à l’idée d’une intégration européenne car ils voient tout l’intérêt économique que cela représente. Ce facteur économique joue donc un rôle non négligeable. Toutefois, ce n’est pas le premier à prendre en compte lorsque l’on aborde la question identitaire. Néanmoins, c’est un facteur qui doit nous inciter à rester vigilant pour ne pas affirmer par exemple, que si 800 000 Moldaves ont demandé la citoyenneté roumaine, c’est que 800 000 Moldaves sont pro-roumains. En fait, parmi eux, beaucoup sont pro-moldaves, ou même Russes ou d’autres origines, et ce qu’ils voient avant tout, c’est la possibilité d’échapper à la Moldavie. Si l’on reprend le phénomène de l’accentuation de la bipolarisation sur le plan identitaire, ce dernier est tout autant remarquable si l’on se place sur l’échelle géopolitique. La Moldavie a toujours plus ou moins oscillé entre deux pôles, l’Est et l’Ouest, mais avec les orientations européennes et euro-atlantiques prises dans les années 2004 et 2005 et un éloignement progressif avec la Russie, on pensait l’affaire résolue. Or, la Russie en avait décidé autrement : elle ne pouvait pas se permettre de voir sortir la Moldavie de sa sphère d’influence : elle a donc accentué la pression, sur différents plans : militaire, économique, politique, culturel. La confusion est devenue palpable, du côté de la présidence essentiellement, de plus en plus tournée vers la Russie. C’est un rapprochement qui ne peut que séduire les partisans du moldovénisme puisque selon ce courant, c’est la Russie qui représente le meilleur allié et que tout ce qui n’est pas roumain est forcément mieux. Le moldovénisme (et donc les tensions identitaires) s’est ainsi trouvé renforcé par l’appui de Moscou lui-même provoqué par l’extension des frontières orientales de l’UE. Les pressions de la Russie précédemment évoquées se sont concentrées principalement sur la question transnistrienne car c’est bien cette région qui apparaît comme le carrefour des tensions et concentre l’opposition entre les grands blocs. La résolution de ce conflit est également un enjeu majeur pour le maintien des Communistes au pouvoir. Si l’idée d’une fédéralisation a, pour le moment, été écartée, on sait que c’est la solution soutenue par le camp russe. En face, les forces démocratiques et l’UE notamment soutiennent la stratégie 264 Le moldovénisme par exemple est particulièrement présent chez les populations rurales, donc on peut penser que ces populations ne sont pas restés indifférentes au ce renforcement du moldovénisme. Et de l’autres côté, on a observé un certain réveil de la conscience roumaine chez ces populations également. 80 Schultz Ilioné Conclusion « 3 D » évoquée auparavant. C’est un processus long et difficile à mettre en place, mais nécessaire avant toute réintégration à la Moldavie. Une réintégration qui semble pour beaucoup, à l’instar de Vlad Cubreacov, comme la seule perspective envisageable, d’abord parce qu’il y a un pourcentage non négligeable de Moldaves/Roumains en Transnistrie (environ 40%), mais aussi parce que les Moldaves de Bessarabie restent attachés à ces communautés. La rencontre qui a eu lieu au printemps à Bender entre Vladimir Voronine et son homologue transnistrien Smirnov était a priori porteuse d’espoir dans la perspective de 265 la stratégie « 3 D ». Mais pour Denis Cenusa , c’est une rencontre qui n’a eu pour but que de servir les intérêts des Communistes en vue des élections de 2009, en donnant ainsi l’impression d’une avancée mais sans aucune décision concrète. Nous avons donc le sentiment que le président Vladimir Voronine ainsi que les Communistes qui sont au pouvoir sont prêts à tout pour le conserver et c’est d’ailleurs cela qui est à l’origine de la théorie moldovéniste. Dans ce contexte, on s’aperçoit qu’ils sont tiraillés entre, d’un côté, un processus démocratique encouragé par l’Ouest (Roumanie et UE) qui prend de l’ampleur et, de l’autre, des pratiques totalement anti-démocratiques et d’un autre temps (soviétique). La preuve de ce tiraillement est l’inconstance caractéristique et casi-permanente des autorités moldaves, et de la présidence surtout, qui oscille tout à tour entre l’UE et la Russie. Mais les autorités moldaves ne peuvent, ni la présidence, tourner complètement le dos à l’UE, puisque des engagements ont été pris, que la manne financière que cela représente est importante et que le nombre d’euro-optimistes est toujours en progression. Donc pour résumer, nous avons bien deux pôles (UE et Russie, pro-UE et pro-russe) qui s’affrontent et se provoquent mutuellement encore plus depuis que la Roumanie entrée dans l’UE, aboutissant à la bipolarisation des élites surtout, et de la société dans une moindre mesure, et cela en raison de ce comportement de « girouette » de la part de la présidence. Une telle attitude renforce la confusion sur le plan identitaire car la population a un peu de mal à suivre et fluctue au gré des différentes perspectives d’avenir qu’on lui promet meilleur. C’est donc pour cette raison qu’il est difficile de mobiliser la population dans son entier derrière la concrétisation du projet européen ou de construire une véritable société civile, car celle-ci se battrait, mais pour aller où ? Dans quelle direction et pour combien de temps ? Les Moldaves semblent trop divisés pour pouvoir avancer ensemble. Et ce n’est pas le comportement de la Roumanie qui a contribué à améliorer la situation, au contraire. Son attitude lors de la gestion de cette crise des visas a été mal perçue par la plupart des Moldaves d’origine roumaine qui, déjà frustrés, de se retrouver isolés (on rappelle qu’ils ont très mal vécu la fermeture de la frontière), attendaient beaucoup de la part d’une Roumanie devenue encore plus attirante en tant que nouvel État membre. Et c’est justement la façon dont les Moldaves se sont comportées dans cette crise qui nous montre qu’une bonne partie d’entre eux réagit à l’affect vis-à-vis de la Roumanie, ce qui nous fait dire que la conception ethno-culturelle de l’identité nationale est toujours dominante en Moldavie et n’est pas encore prête à céder la place à une conception plus civique. Et c’est aussi sur cette conception ethno-culturelle que repose l’accentuation de la bipolarisation puisque c’est elle qui fait réagir aux déclarations où agissement de tel ou tel camps 265 266 . CENUSA (Denis), 10 avril 2008, « Moldova ,Rusia si noile perspective de reunificare » [Moldavie, Russie et les nouvelles perspectives de réunification], http://cenusadi.wordpress.com/2008/04/10/moldova-rusia-si-noile-perspective-de-reunificare/ [vu le 26 juillet 2008] 266 On rappellera ici que le moldovénisme est lui aussi basé sur une conception ethno-culturelle, mais fausse, qui elle aussi a été renforcée par la politique du gouvernement moldave se nourrissant de la montée des tensions avec le gouvernement roumain. Schultz Ilioné 81 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie 267 Aussi étrange que cela puisse paraître, Mihail Adauge affirme que la Roumanie, quant à elle semble avoir pris conscience du problème identitaire existant en RM. Elle est au courant de la conception que propose le PPCD par exemple, sur un processus d’autoidentification ethnique qui serait à l’abri de toute ingérence de l’État et réservée au domaine privé tandis qu’une conception civique de l’identité nationale offrirait un cadre de référence commun à tous les citoyens moldaves. Le comportement de la Roumanie montre qu’elle fait la sourde oreille : elle continue pour le moment d’aborder de front cette question, en se basant toujours sur une conception ethno-culturelle. Mihail Adauge explique cela par le fait que la Roumanie a également des problèmes internes à régler mais aussi par le fait que, d’une certaine manière, cela arrangerait certains politiques roumains, du PNL (Partidul National Liberal- Parti National Liberal, le parti du premier ministre) par exemple, qui auraient des intérêts à défendre avec les Russes. Cette escalade des tensions observées dans le courant de l’année 2007 serait donc le témoignage d’une certaine hypocrisie de la part d’une Roumanie qui tout en connaissant les enjeux de la situation n’en modifie pas ou pas assez rapidement son comportement. Le témoignage de la journaliste Alina Radu nous éclaire dans ce sens puisque cette dernière nous a affirmé que la Roumanie avait, certes, beaucoup de programmes dirigés vers la Moldavie, mais qu’elle ne leur offrait aucuns moyens financiers. Enfin, même si l’on aurait pu penser que la Roumanie eût à cœur d’honorer son statut de nouveau venu parmi les États membres, des agissements comme ceux qu’elle a eus au début de l’année 2007 n’ont pas plu à Bruxelles qui aurait sans doute 268 aimé être consulté . T.Basescu n’a pas hésité à se servir de l’UE pour justifier le fait qu’il voulait offrir la citoyenneté roumaine à presque tous les Moldaves qui le demandaient, 269 puisqu’il a dit que cela comblerait le manque de main d’œuvre qui sévit en UE . Nous sommes donc en mesure de nous interroger sur le chemin que va prendre la Roumanie, est-elle réellement en mesure d’évoluer pour de bon dans son comportement ? Peut-elle se montrer provocante à n’importe quel moment ? A-t-elle sérieusement la volonté d’aider la Moldavie et a-t-elle les moyens pour le faire ? Ce qui est sûr, c’est que Roumanie et RM ne se sont pas privées pour se servir de l’UE, en essayant d’en faire l’arbitre de leurs différends sur la question identitaire. Les Moldaves ont utilisé le manque de stratégie de la Roumanie pour dire qu’elle ne méritait pas d’être 270 dans l’UE et ils ne se sont pas gênés pas pour critiquer car ils savent que la Roumanie a promis de les aider quoi qu’il arrive. D’un autre côté, le dossier est dans les mains de l’UE, mais il ne fait certainement pas partie de ses priorités, et au mieux, cela aboutira à une 271 résolution banale et quasi-neutre car l’UE n’a pas les moyens de jouer l’arbitre, même si elle se retrouve parfois dans cette situation malgré elle. Si on prend la question de la langue par exemple, l’UE a publié deux accords concernant la facilitation de la délivrance des visas 267 Entretien avec Mihail Adauge, historien, conseiller du vice-président du Parlement moldave (PPCD). Se reporter à l’annexe n°3 268 « Cetaţenia : ping-pong declarativ Bucuresti-Chisinau » [Citoyenneté : ping- pong déclaratif Bucarest-Chisinau], www.divers.ro/accent_ro?wid=37454&func=viewSubmission&sid=7821[vu 269 270 http:// le 26 juillet 2008] « Cetaţenia : ping-pong declarativ Bucuresti-Chisinau » [ Citoyenneté : ping- pong déclaratif Bucarest-Chisinau], op.cité Entretien avec Igor Boţan, directeur de l’agence ADEPT (Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative). Se reporter à l’annexe n°8 271 2007], 82 BOŢAN (Igor), 27 décembre 2007, « Comentarii politice, Anul politic 2007 » [Commentaires politiques, l’année politique http://www.e-democracy.md/comments/political/20071227[vu le 26 juillet 2008] Schultz Ilioné Conclusion européens en langue « moldave ». De suite, on a assisté à une levée de bouclier de la part de la Roumanie et le commissaire européen aux affaires linguistique, le Roumain Leonard Orban, a prié les eurodéputés de ne plus parler de langue « moldave » mais roumaine en se targuant que de toute façon, les Roumains pouvaient « faire bloquer n’importe quel 272 document mentionnant la langue moldave » . L’UE est donc comme prise en otage à la fois par la Moldavie et par la Roumanie même si elle n’est pas toujours en mesure de se faire l’arbitre des conflits. Mais là où les mécontentements sont les plus importants concernant l’UE, c’est à propos de la PEV. On a pu voir les nombreux blocages qui empêchent la RM d’avancer véritablement au rythme voulu, mais d’un autre côté, la PEV est aussi considérée comme 273 très imparfaite , que ce soit en termes de moyens mais aussi de politique. Il est en effet très difficile de motiver des autorités et une population sans perspectives concrète d’adhésion, car un pays a souvent besoin de se sentir européen avant de pouvoir intégrer toutes les valeurs et toutes les normes, et de tels changements peuvent difficilement être imposés de l’extérieur. Cette question des buts précis poursuivis par la PEV reste, certes, une problématique annexe mais en même temps, l’attitude que va décider d’adopter l’UE vis-à-vis de la Moldavie est capitale pour l’avenir de ce pays, comme nous avons pu le constater tout au long de cette étude. Si nous essayons donc maintenant de synthétiser, nous avons vu que sur le long terme, l’entrée de la Roumanie dans l’UE avait posé les jalons d’une stabilisation des conflits identitaires mais que dans un premier temps, les tensions croissantes avec la Roumanie n’avaient pu que contribuer à une aggravation des tensions se nourrissant des blocages inhérents au système et à la société moldave, notamment dus au maintien des Communistes au pouvoir. Il s’agit donc désormais pour nous d’établir des pistes qui nous semblent être prioritaires en vue d’un réel apaisement des tensions identitaires en Moldavie. Le premier point capital arrive avec l’échéance des élections parlementaires de 2009. Il semble qu’une défaite des Communistes serait à même de bouleverser le climat politique, social, et économique. Cela nécessiterait sans doute que les partis d’oppositions s’unissent au sein d’une alliance démocratique. Si les partis d’oppositions l’emportaient, il serait dès lors envisageable d’appliquer réellement les réformes mises en place sur le plan législatif au cours de ces dernières années. A partir de là, le travail de démocratisation devrait lui aussi s’accélérer réellement pour peut-être laisser progressivement de plus en plus de place au message politique de partis comme le Partidul Popular Creştin Democrat (« démocrates chrétiens »-PPCD) ou le Partidul Liberal Democrat din Moldova (« parti libéral démocrate »-PLDM) sur la question identitaire, et qui sont pour le moment masqués par cette bipolarisation, et donc laisser davantage de place à la conception civique de l’identité. De plus, si les Communistes n’étaient plus au pouvoir, cela signifierait également une amélioration réelle des relations avec la Roumanie et une baisse de la bipolarisation. De son côté, la Roumanie n’a certainement pas une marge de manœuvre très importante en ce qui concerne la lutte contre l’occupation de la Transnistrie par les troupes russes par exemple, en revanche, elle peut contribuer à améliorer la situation du côté de la société moldave en soutenant les ONG, en renforçant les partenariats économiques, éducatifs, culturels et le tout en se servant de ce qu’elle a reçu de l’UE par exemple : l’argent, mais aussi son expérience , ses programmes…etc. Et cela est envisageable 272 « Is There A Moldovian Language Anymore? »[Y-a-t-il encore une langue moldave ?] http://www.divers.ro/eveniment_en? func=viewSubmission&sid=7894&wid=37646 273 [vu le 26 juillet 2008] Entretien avec Georges Dura, chercheur au Centre d’Études des Politiques Européennes. Se reporter à l’annexe n°5 Schultz Ilioné 83 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie même si les Communistes restent au pouvoir. L’enjeu majeur est de faire progresser et de stabiliser le pays. Les conséquences peuvent être énormes : tous ceux qui fuient la Moldavie, et les jeunes principalement, sont ceux qui sont le plus susceptibles de voter pour les forces démocratiques. Donc si on les incite à rester, ils aideront progressivement à la défaite électorale des Communistes actuellement au pouvoir en RM et qui semblent être les premiers à attiser les tensions. Et à partir de là, un travail plus constant avec l’UE est envisageable pour continuer à trouver des solutions, comme pour le problème transnistrien. Toutefois, une question se pose encore, et ce même dans l’hypothèse où la situation économique s’améliore en RM : toute une génération de jeunes Moldaves a grandi dans la culture roumaine et a même souvent été éduquée en Roumanie. Une fois arrivée au pouvoir, cette génération va-t-elle persévérer sur la voie de la tolérance en aidant à l’émergence d’une même identité civique valable pour tous les Moldaves, ou au contraire, va-t-elle tenter d’imposer, pour de bon, l’identité roumaine comme dominante ? Mais pour le moment, un des axes majeurs sur lesquels il semble nécessaire de travailler en priorité et qui est déterminant pour l’apaisement des conflits, ce sont les médias : il faut leur permettre d’offrir une information de qualité et beaucoup plus objective qu’elle ne l’est maintenant. Il faut également changer le système afin qu’il existe véritablement entre les différents supports médiatiques cette « conveyor belt », c’est-à-dire ce lien entre radio, télé et presse qui évite la construction de discours (identitaires notamment) parallèles. On rappelle que les médias sont responsables également de cette accentuation de la bipolarisation. Il faudrait donc garantir leur indépendance et leur pluralité, pour qu’ils puissent aussi, petit à petit, permettre à la population de sortir des identités locales pour se tourner vers des références nationales communes qui sous-tendraient à cette fameuse conception civique de l’identité nationale moldave. 84 Schultz Ilioné Bibliographie Bibliographie Ouvrages BARTH (Frederik), 1969, Ethnic Groups and Boundaries, [Groupes ethniques et frontiers], Oslo CHIFU (Iulian), 2005, Spatiul post sovietic : in cautarea identitatii [L’espace postsoviétique: à la recherche d’identité], Bucarest, Politeia-SNSPA DIECKHOFF (Alain), 2000, La nation dans tous ces états, Paris, Flammarion HEINTZ (Monica), 2007, Stat Slab, Cet##enie incert# [État faible, citoyenneté incertaine], Bucarest, Curtea Veche MOCANU (Ghenadie), coordinateur, 2008, 100 cele mai pesante probleme ale Republicii Moldova în 2007 [Les 100 problèmes les plus présents en République de Moldavie en 2007], Idis Viitorul, Chisinau THUAL (François), 1995, Les conflits identitaires, Paris, Ellipses Revues BON (Agnès), 2006, « Moldavie 2005, L’Europe en ligne de mire », Le courrier des pays de l’Est, n°1053, janvier- février 2006, p.78-88 CAPELLE-POGACEAN (Antonela), 2000 « Roumanie : l’utopie unitaire en question », Critique internationale, CERI, n°6, p.105-110 LYNCH (Dov),2004, « Moldavie, laboratoire de la nouvelle stratégie européenne », Le courrier des pays de l’Est, n°1042, p. 39-48 LYNCH (Dov), avril 2005, « Voisinage commun ou nouvelle ligne de front ? 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Mais aussi historien, ancien chef de la direction d’histoire moderne de la Moldavie (Académie Moldave). Entretien réalisé le 20 mars 2008, à Chisinau, en français. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 2 Vlad Cubreacov Vice-président du PPCD (Partidul Popular Crestin Democrat-Parti populaire démocrate chrétien), député du Parlement moldave, et vice-président de la Commission pour la politique étrangère et l’intégration européenne. Entretien réalisé le 20 mars 2008, à Chisinau, en français. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 3 Mihail Adauge Membre du PPCD (Partidul Popular Crestin-Democrat-parti populaire chrétiendémocrate), Conseiller du vice-président du Parlement moldave, Iurie Roşca. Entretien réalisé le 20 mars 2008, à Chisinau, en roumain. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ 92 Schultz Ilioné Annexes Annexe 4 Igor Munteanu Directeur de l’IDIS (Institut de Développement des Initiatives Sociales) « Viitorul » Entretien électronique (email), le 26 avril 2008, en anglais. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 5 Georges Dura Chercheur au Centre d’études des politiques européennes (CEPS), expert dans le domaine de la PEV et des relations de l’UE avec la République de Moldavie, la Biélorussie, l’Ukraine et la Russie. Entretien réalisé par téléphone le 17 avril 2008, en français. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 6 Monica Heintz Maître de conférences, Université Paris X-Nanterre. Spécialisée sur l’Europe de l’Est. Entretien réalisé le 7 mars 2008 à Paris, en français. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 7 George Damian Journaliste à Ziua. Entretien Réalisé à Bucarest le 17 mars 2008, en anglais. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Schultz Ilioné 93 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Annexe 8 Igor Boţan Directeur de l’agence ADEPT ( Asociaţia pentru Democraţie Participativă – Association pour la Démocratie Participative ) Entretien réalisé le 21 mars 2008, à Chisinau, en anglais. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 9 Alina Radu Rédactrice en chef de « Ziarul de Garda ». Entretien réalisé le 21 mars 2008, à Chisinau, en anglais. /!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon /!\ Annexe 10 94 Schultz Ilioné Annexes Les groupes ethniques en République de Moldavie en 1989 http://www.lib.utexas.edu/maps/commonwealth/moldovaethnic.jpg Annexe 11 Schultz Ilioné 95 Les conséquences de l’entrée de la Roumanie dans l’UE sur les conflits identitaires en République de Moldavie Les différentes provinces de la Grande Roumanie (1918-1939) http://www.gid-romania.com/Romania_Mare.asp 96 Schultz Ilioné Glossaire Glossaire ∙ ADEPT : Association pour la démocratie participative ∙ CCA : Conseil de Coordination de l’Audiovisuel ∙ CEI : Communauté des États Indépendants ∙ EUBAM : European Border Assistance Mission (Mission européenne d’assistance frontalière) ∙ PAUERM : Plan d’Action Union Européenne-Moldavie ∙ PECO : Pays d’Europe Centrale et Orientale ∙ PEV : Politique Européenne de Voisinage ∙ SEECP : South East European Coopearation Process (Processus de coopération sud-est européen) ∙ UE : Union Européenne Schultz Ilioné 97