Tom Mayo, l`Homme de HawaïPAR TUAN LUONG
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Tom Mayo, l`Homme de HawaïPAR TUAN LUONG
P60-64_Portrait_Mayo:HS5 60 1/12/09 17:59 Page 60 Tom Mayo, l’Homme de Hawaï PAR TUAN LUONG Mon premier Mayo, sans les perçages du manche qui sont habituellement sa signature. Pièce particulièrement rare, un petit linerlock talonite. Collection Anton Oey. PORTRAIT Tom, photographié par Cindy Chiang. Cela fait déjà quelques années que je souhaitais partager mon enthousiasme et mon admiration pour le travail unique d’un coutelier que je perçois comme un artisan à l’ancienne plongé dans l’environnement du pliant high-tech où son art inspire la plupart des talents émergents des nouvelles générations. Lorsqu’en 2005 j’ai acheté mon premier Mayo, ce fut comme une révélation, bien vite transformée en une forte addiction (car ce premier bébé fut suivi de nombreux autres depuis). Ce phénomène touche la plupart de ceux qui font l’expérience d’avoir en main et d’utiliser un Mayo. Ils ne peuvent résolument pas se contenter d’un seul. Tel est le cas par exemple de mon ami Anton Oey, collectionneur sérieusement atteint de mayonite aigüe et qui m’a beaucoup aidé dans la préparation de cet article ; je l’ai connu à l’époque Collaboration avec Jerry Hossom, il n’existe que 2 exemplaires de ce linerlock. Collection Anton Oey. de son tout premier Mayo et au cours de l’année qui a suivi il en avait déjà acquis près de deux douzaines !… Quelles sont les raisons d’un si radical engouement ? Voici ce qu’Anton me confiait en guise d’explication : « J’admire Tom en tant que personne tout comme son travail. Il a les pieds sur terre et c’est un homme franc. Ces traits de caractère se reflètent dans ses œuvres, c’est pour cela que je l’apprécie. À l’époque j’étais assez novice en matière de couteaux custom et j’ai d’abord acheté quelques pièces un peu au hasard. L’une d’entre elles était un pliant de Mayo, avec un manche flammé et une lame en damas. Lorsque je l’eus en main, je fus émerveillé par les ajustements et la finition. L’ouverture et la fermeture étaient d’une fluidité extrême. Dès lors, je me mis en chasse après tous les mayo qu’il m’était possible de trouver. Pour moi leurs designs sont merveilleusement simples, fonctionnels et intemporels. » P60-64_Portrait_Mayo:HS5 1/12/09 17:59 Page 61 Small et medium flat « Covert ». Les pliants de la gamme Covert sont totalement a-magnétiques et non-oxydables : lames en talonite ou stellite, manche et visserie titane, bille de rétention du frame en céramique. TnT Tanto avec pins mosaïque. Collection Anton Oey Mon deuxième small wharny : un de mes EDC favoris. Une autre pièce d’exception : Dr. Death Jr. Timascus (damas de titane) réalisé en collaboration avec JL Williams, l’un des tout premiers flippers Mayo. Le père de Tom Mayo était médecin des Armées dans l’U.S Navy. Sa famille déménageait d’un endroit à un autre tous les trois ans. L’intérêt de Tom pour les couteaux lui est venu de son grand-père, qui lui était médecin dans une petite ville du Tennessee. C’était un chasseur assidu, et il donna plusieurs couteaux de poche à son petit-fils tout au long de sa jeunesse.Tom se souvient d’un jour où arrivant chez son grand-père chez qui il allait chaque été et souvent pour Noël, celui-ci lui tendit un couteau fait à la main à partir d’une lime. Ce couteau fut un trésor que Tom conserva précieusement durant de longues années avant qu’il ne disparaisse dans un incendie. Lorsqu’il déménage à San Diego en 1963, Tom commence à surfer. Pour Tom, qui a beaucoup pratiqué le ski, c’est une révélation, et d’évidence pour lui le meilleur sport au monde. Cette grandissante passion le conduit à choisir d’aller étudier à Santa Barbara, sur la côte, puis à s’envoler pour Hawaï en 1971 pour aller se frotter aux grandes vagues de la North Shore. Après ça il est définitivement mordu et planifie dès son retour son déménagement à Hawaï. En 1972 il s’y installe et se marie. «L’endroit le plus intéressant où j’ai jamais vécu est celui où je vis aujourd’hui. Le surf ici est comme nulle part ailleurs au monde. J’ai souvent ramé en me demandant si j’arriverais réellement à décoller de ces montagnes d’eau ! Et j’ai surfé quotidiennement durant de longues d’années. C’est en arrivant ici que j’ai commencé aussi à collectionner des couteaux industriels ; j’aimais particulièrement les couteaux Al Mar. Al Mar était de Maui, et quelques-uns de mes amis l’avaient connu lorsqu’ils étaient gamins. Il était devenu chef designer chez Gerber avant de fonder sa propre compagnie. J’aime ses designs. J’ai fait des planches de surf durant mes vingt-cinq premières années passées à Hawaï. Pendant un bon bout de temps j’ai eu aussi comme 61 P60-64_Portrait_Mayo:HS5 1/12/09 17:59 Page 62 62 Mayo TNT : 001, le prototype. Photo courtesy of Michael McLaurin – NC Blades. PORTRAIT Buck Mayo TNT, dans sa configuration originale manche tout titane, et sa plus récente version plaquette fibre de carbone. hobby la fabrication de meubles, et quelque part en chemin j’ai décidé que j’avais envie de faire un couteau ou deux. Les premiers furent réalisés avec les outils avec lesquels je travaillais le bois mais par la suite je les revendis et achetai du matériel pour bosser les métaux. Mon premier backstand était une Wilton Square Wheel à une vitesse : rapide ! » Avec cet équipement je commençai à faire de l’affûtage d’outils pour l’ébénisterie. j’ai fait ça pendant dix ans avant de glisser progressivement sur l’activité de coutelier à plein temps. » Lorsque Tom commença à faire des couteaux sur Oahu (la plus peuplée des îles de l’archipel d’Hawaï, sur laquelle se situe sa capitale Honolulu), il n’y avait pas d’autres couteliers dans la région ; il y avait bien eu un gars qui jadis avait fait des couteaux, mais il avait déménagé sur « la grande île » (l’île d’Hawaii, qui comme Oahu est l’une des huit principales parmi un total de cent vingt-deux îles qui composent l’archipel), et des problèmes de santé l’avaient amené à stopper toute production.Tom lisait alors beaucoup d’ouvrages sur les couteaux. Puis il fit un jour par téléphone la connaissance de Glenn Hornby, un coutelier californien qui à l’époque vendait des matériaux et des fournitures pour les couteliers. Il prit l’habitude de l’appeler pour lui passer des commandes mais aussi discuter parfois plus d’une heure au téléphone et lui poser toutes sortes de questions. Glenn finit par l’inviter à passer une semaine chez lui juste avant le California Custom Knife Show (l’Anaheim Show) que Dan Delavan, le patron de Plaza Cutlery, organisait chaque année et qui devint par la suite le Blade West Show.Tom se rendit régulièrement à ce salon ainsi qu’à quelques autres en Californie du Sud en compagnie de Glenn,jusqu’au décès prématuré de ce dernier il y a 14 ans.Après cela,Tom arrêta de participer aux shows pendant presque 6 ans. Sous l’influence de Glenn, Tom Mayo aura d’abord développé un style qu’il avoue lui-même très directement inspiré de Bob Loveless, mais au fil des ans il sera de plus en plus séduit par le type de couteaux traditionnels de la famille Randall, en particulier le clip point et le trailing point. Aujourd’hui Tom sait qu’il a trouvé son propre style, mais il se rappelle toujours combien il a emprunté à ces deux pionniers de la coutellerie. P60-64_Portrait_Mayo:HS5 1/12/09 18:00 Page 63 63 Le TMX. Modèle semi-custom dont Tom fait découper les pièces en CNC puis assure à la main les émoutures, le montage, les ajustages et les finitions des lames comme des manches. L’artiste à l’oeuvre dans son atelier. LE MAYO TNT Le TnT est sans aucun doute le couteau qui a fait la réputation de Tom auprès des professionnels et des amateurs de pliants customs les plus exigeants. Il lui a aussi apporté une renommée s’étendant à un large public au niveau international, notamment grâce à la diffusion qu’en a assuré la marque Buck qui a également produit plusieurs autres designs Mayo (les modèles Northshore, Cutback, Hilo, Waimea et Kaala). La célèbre firme propose le TnT dans sa version standard manche tout titane et dans une édition limitée titane et fibre de carbone. Les lames sont en S30V avec un traitement thermique effectué par Paul Bos. C’est avec le Sebenza l’un des meilleurs framelocks qu’offre actuellement la coutellerie industrielle. Concernant justement le Sebenza, Tom ne manque pas de rappeler que son inspiration pour le TnT lui vient du modèle phare de Chris Reeve, qui est selon lui, avec le SMF de chez Strider, le pliant le plus solide du marché industriel. LA GENÈSE DU TOUT PREMIER TNT De l’avis de Tom, Chris avait fait du framelock un standard incontournable de l’industrie des pliants. Un jour, un de ses clients en Autriche lui demanda de réaliser deux pliants tanto d’après un design qu’il a imaginé (le retro TnT – le manche en particulier - est très similaire à ce design), en utilisant d’épaisses lames en Talonite. Ce fut le premier framelock Mayo. Tom utilisait déjà la Talonite depuis quelques temps ; Rob Simonich et lui étaient de proches amis – il faut savoir que Rob, aujourd’hui prématurément disparu, fut le pionnier de la Talonite en coutellerie ; la marque Camillus a d’ailleurs produit plusieurs de ses designs avec des lames de cet alliage. Après avoir vu ce premier framelock, un de ses amis, John Fisher, lui demande de lui monter une lame en Talonite sur son Sebenza. « Tom est un type vraiment extraordinaire, autant que le sont ses couteaux. Il m’a répondu qu’il pouvait faire mieux que ça, qu’il avait un peu de titane et qu’il pouvait me faire un P60-64_Portrait_Mayo:HS5 64 1/12/09 18:00 Page 64 Quelques pliants en cours de finition. Photo Cindy Chiang. Petits et grands. Tom propose ses pliants dans une gamme variée d’aciers, de profils et de tailles PORTRAIT pliant « sympa ». Après une réflexion longuement mûrie, il a abouti à ce design. Pour l’ouverture de lame j’ai beaucoup insisté pour un avoir un ergot, tandis que Tom me répondait qu’un trou serait plus ergonomique ; il s’est finalement plié à mes volontés, mais je dois avouer a posteriori qu’il avait raison, le trou était une bien meilleure option. Le nom de « TnT » qui à l’origine signifie « Talonite and Titanium » est venu progressivement au cours de nos longues conversations. » Tom était très excité avec ce prototype 001 qu’il avait surnommé « large JF model » en l’honneur de John. « Ce design, comme tous mes designs, est simplement l’expression de mon désir d’obtenir un couteau pliant bien réalisé, sans fioritures et avec les meilleurs matériaux disponibles. Un couteau qu’on a bien en main et qui assure la tâche qui lui est assignée. J’ai réuni les éléments pour en faire un outil vraiment solide tout en restant simple et épuré, j’utilise une certaine épaisseur de talonite pour la robustesse, et une bonne épaisseur de titane afin de pouvoir bien arrondir la surface du manche ainsi que les contours et la face intérieure. » C’est sans doute ce qui fait qu’un Mayo offre en main une sensation particulière. C’est un indéfinissable sentiment de confort qui allie une douceur presque sensuelle à une solidité sans faille ; l’aspect de la finition de la lame - ce très beau tiré en long à la main, renforce encore l’élégance classique qui se dégage de ces pièces où le métal n’est jamais brutal et froid, mais au contraire suave et chaleureux. C’est une expérience visuelle et tactile, qui vient harmonieusement compléter les qualités irréprochables d’une mécanique parfaitement ajustée auxquelles s’ajoutent également les propriétés spécifiques de la talonite en termes de performance et de durabilité de coupe (dues la présence de carbures dans cet alliage cobalt-chrome) de non-corrosion, de résistance à la chaleur et à l’abrasion, et paradoxalement une étonnante facilité de réaffilage. Pour réaliser les couteaux au degré de finitions qui a fait sa réputation, Tom dispose d’un atelier sérieusement organisé autour d’équipements qu’il a réunis petit à petit au fil de ces 27 dernières années. Il dispose de trois backstands, une ponceuse à bande, une fraiseuse, deux scies à rubans – une à bois une pour le métal, un vieux tour et quatre perceuses à colonnes qu’il utilise chacune pour une tâche dédiée (taraudage, lamage, perçage des trous, la dernière servira à la réalisation des pivots à roulement à billes). Mais l’homme de l’art n’a pas de CNC (machine à commande numérique) comme en utilisent désormais de plus en plus les couteliers produisant du pliant high-tech. Ce qui est extraordinaire à ce niveau de qualité d’exécution, c’est que l’essentiel du travail et des ajustages est réalisé à la main. Et si ses couteaux possèdent la presque perfection de mécaniques réglées au micron et qu’il en assure une production assez nombreuse (jusqu’à 150 couteaux par an), Tom reste avant tout un véritable et authentique artisan. Tom Mayo 67-412 Alahaka St. - Waialua, HI 96791 www.mayoknives.com [email protected] NOTE : Tom ne prend désormais plus de commandes mais on peut toujours se procurer ses couteaux auprès de certains revendeurs américains. SPECIAL THANKS TO : Anton Oey, John Fischer and Kenneth Chu.