ecole nationale veterinaire de lyon
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ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2010 - Thèse n° LES MALADIES GENERALES A EXPRESSION CUTANEE CHEZ LE CHAT THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 15 avril 2010 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par FIGUERES Lauren, Jennifer Née le 11 mai 1984 à Rognac (13) ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2010 - Thèse n° LES MALADIES GENERALES A EXPRESSION CUTANEE CHEZ LE CHAT THESE Présentée à l’UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) et soutenue publiquement le 15 avril 2010 pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par FIGUERES Lauren, Jennifer Née le 11 mai 1984 à Rognac (13) 1 2 3 4 Remerciements A Monsieur le Professeur Michel Faure, De la faculté de médecine de Lyon, Qui nous a fait l’honneur de présider cette thèse, Hommages respectueux. A Monsieur le Professeur Didier Pin, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui m’a fait l’honneur de diriger cette thèse, Et qui a accepté de faire partie de notre jury de thèse, Pour son aide et ses précieux conseils, Avec toute mon estime, sincères remerciements. A Madame le Professeur Marie-Pierre Callait-Cardinal, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui a accepté de faire partie de notre jury de thèse, Qu’elle trouve ici l’expression de mes sincères remerciements. 5 6 A mes parents, pour la douce enfance ensoleillée que j’ai passée entre chiens, chats et canards, plongeons dans la piscine et plongée aux oursins, chasses au trésors et ramassage de noisettes, leçons de piano et stages de poney. Merci pour ces belles années Saint-Léonaises avec Elena et Sillouy, avec Sam, Mickey, Toufou, Mistigri et les autres. J’entends encore le chant des grenouilles et des grillons les soirs d’été. La vie plutôt mouvementée que nous avons eue est une expérience que je perçois comme une chance. Vous m’avez appris à croire que tout est possible. Sans vous je n’aurais pas pu aller au bout de ce rêve. A ma grand-mère, Claude, pour toutes les valeurs que tu m’as enseignées et ton écoute bienveillante, pour toutes les merveilles des Alpes que Francis et toi m’avez permis de découvrir. A ma sœur, Joannie. Tu m’as fait comprendre que le plus important c’était de savoir profiter des joies simples qu’offre la vie. Je te souhaite beaucoup de bonheur avec ta petite famille. A mon frère, Steve. Je suis fière de toi ti frère. Reste toi-même ! J’espère que tu t’épanouiras dans la voie que tu as choisie. A Aurélie, c’est clair, sans toi je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui… Merci de m’avoir soutenue (ou supportée…) avant et pendant les années de préparation du concours, et de m’avoir botté le cul quand il fallait… Merci de m’avoir offert ton amitié, elle m’est toujours aussi précieuse. Bonne chance pour ta vie de maman qui va commencer… A tous ceux et celles qui ont croisé ma route et qui ont laissé leur empreinte dans ma tête : les internes de Banville (Mémère, Florent, Hélène, Angélique, Pascaline…), les kayakistes (Julian, tu m’as beaucoup aidée… je ne l’oublie pas), les copains de prépa véto (Isa coloc et Isa carrée…), les copains de l’IUT et d’Aberdeen (Elo, DDPage, Delphine, Séverine, Jerem, P’tit con, Mylène, Leticia, Francesco, Nest… et tous ceux dont les prénoms m’échappent déjà !), les copains de prépa post DUT (Angélique, Anne, Ophélie, Benjamin, Matthieu, Hughes, Jérémie, Claire, Julie…), les réceptionnistes de Green Park (Wiebke, Céline, Pia et Wendy). Je garde un souvenir de chacun de vous. A tous ceux qui m’ont offert un peu de leur temps pour me former. Au Dr Leborgne, pour m’avoir fait confiance pour ce premier remplacement au pays des Ch’tis, ainsi qu’à Vanessa, Catherine et Isabelle. 7 8 Aux vétos lyonnais qui ont coloré mon quotidien à Marcy : nos anciens les IDG (pour votre accueil, une des meilleures semaines de ma vie, merci à Nouye et Piwi mes anciens chéris), les FBI-JJP : Jennif (tu me manques !), Bibi, Toc, Nana, Beubeu, Méloche, Boubou, Fifon, Popo, Tchoco, Pioupiou, Molosse, Co, Tetelle, Valérie, Ingrid, Elise, Stouf, Aline, Mathilde, Marie, Clubber… et tous ceux que j’ai moins connu mais que j’appréciais, et bien sûr nos chers poulots les KVB ! Tant d’heures à dormir en amphi, de soirées arrosées, de semaines en clinique à désespérer, d’années insouciantes (ou presque…). Et enfin… A Toi, Mathieu, mon Amour. Tu es devenu le fil conducteur de ma vie. Maintenant je n’ai plus peur. Je vais Vivre. Peu importe où et comment puisque ce sera avec toi. A Louis, Sylvie et Pascal, pour votre accueil dans le Pas de Calais que je redoutais tant et qui est finalement devenu un peu comme un autre chez moi… A Théo….. 9 10 Table des matières Liste des tableaux et des figures ............................................................................... 15 Liste des photographies............................................................................................. 16 Introduction.............................................................................17 1ère partie : Etude clinique .....................................................19 A) Les maladies modifiant le pelage ..................................................... 21 1) Les maladies alopéciantes .............................................................................. 21 a) L’effluvium télogène .................................................................................. 21 b) L’hyperthyroïdie ........................................................................................ 21 c) L’alopécie paranéoplasique pancréatique ................................................ 23 d) La dermatite exfoliative paranéoplasique associée à un thymome ........... 25 2) Les maladies modifiant la qualité du poil......................................................... 26 a) La malnutrition .......................................................................................... 26 i. Généralités ........................................................................................... 26 ii. La panstéatite ....................................................................................... 27 b) L’hypothyroïdie ......................................................................................... 28 3) Les maladies reliées à la couleur du pelage ................................................... 29 a) Le syndrome de Chediak Higashi ............................................................. 29 b) Le syndrome de Waardenburg ................................................................. 30 B) Les maladies provoquant des lésions cutanées érosives et ulcératives ........................................................................................ 31 1) 2) 3) 4) 5) 6) La calicivirose ................................................................................................. 31 La poxvirose .................................................................................................... 33 L’herpèsvirose ................................................................................................. 35 La péritonite infectieuse féline ......................................................................... 37 Le lupus érythémateux systémique ................................................................. 39 Les mycoses profondes .................................................................................. 41 a) La cryptococcose ...................................................................................... 41 b) L’histoplasmose ........................................................................................ 43 c) La sporotrichose ....................................................................................... 44 d) La blastomycose ....................................................................................... 46 e) La coccidioïdomycose .............................................................................. 47 7) La tularémie .................................................................................................... 49 8) Les infiltrations lymphocytaires ....................................................................... 50 a) Le lymphome cutané secondaire .............................................................. 50 b) La lymphocytose cutanée ......................................................................... 52 11 C) Les maladies provoquant un prurit ................................................... 54 1) L’hypersensibilité alimentaire .......................................................................... 54 2) La maladie d’Aujeszky .................................................................................... 55 3) Le lymphome cutané secondaire (cf B.8.a.) D) Les maladies entraînant l’apparition de nodules et de tumeurs........ 57 1) 2) 3) 4) 5) Les métastases digitées d’adénocarcinome pulmonaire ................................. 57 Les métastases cutanées de tumeurs mammaires ......................................... 59 Les métastases cutanées d’hémangiosarcomes viscéraux ............................ 60 La leishmaniose .............................................................................................. 61 Les mycobactérioses ...................................................................................... 63 a) La tuberculose .......................................................................................... 63 b) La lèpre ..................................................................................................... 65 c) Les mycobactérioses atypiques ................................................................ 66 6) La peste .......................................................................................................... 68 7) Les mycoses profondes (cf B.6.) 8) Les infiltrations lymphocytaires (cf B.8.) 9) La toxoplasmose ............................................................................................. 69 10)La poxvirose (cf B.2.) E) Les maladies entraînant une anomalie de couleur de la peau ......... 71 1) Le purpura thrombopénique auto-immun ........................................................ 71 2) Le lupus érythémateux systémique (cf B.5.) F) Les maladies entraînant une modification de structure de la peau... 73 1) L’hypercorticisme ............................................................................................ 73 2) Les mucopolysaccharidoses ........................................................................... 74 G) Les maladies favorisant les affections opportunistes cutanées ........ 75 1) Les rétroviroses............................................................................................... 75 2) Le diabète sucré.............................................................................................. 78 2è partie : Diagnostiquer une maladie générale à partir de lésions cutanées.....................................................................81 A) La démarche diagnostique en dermatologie féline ........................... 83 B) Cas d’une alopécie .......................................................................... 84 1) Conduite diagnostique des alopécies acquises en l’absence de prurit ........... 85 2) Eléments anamnestiques et cliniques d’orientation diagnostique ................... 86 12 C) Cas d’une dermatose prurigineuse .................................................. 87 1) Conduite diagnostique des dermatoses prurigineuses.................................... 88 2) Eléments anamnestiques et cliniques d’orientation diagnostique ................... 89 D) Cas d’une dermatose érosive et/ou ulcérative ................................. 90 1) Conduite diagnostique des dermatoses érosives et ulcératives...................... 90 2) Eléments anamnestiques et cliniques d’orientation diagnostique ................... 92 E) Cas d’une dermatose nodulaire ....................................................... 93 1) Conduite diagnostique des dermatoses nodulaires ........................................ 93 2) Eléments anamnestiques et cliniques d’orientation diagnostique ................... 94 Conclusion ..............................................................................96 Bibliographie ......................................................................................... 98 13 14 Liste des tableaux Tableau 1 : Nature et fréquence des symptômes observés chez 131 chats hyperthyroïdiens. ....................................................................................................... 22 Tableau 2 : Signes cliniques rapportés chez les chats atteints de calicivirose dans l’étude de Hurley et al. ............................................................................................... 32 Tableau 3: Localisation des lésions de poxvirose chez 33 chats. ............................. 34 Tableau 4 : Critères pour le diagnostic du lupus érythémateux systémique chez le chien, adaptés à partir des critères de l’American Rheumatism Association de 1982 par Chabanne et coll. ................................................................................................ 40 Tableau 5: Nature des lésions chez les 23 chats atteints de lymphocytose cutanée de l’étude de Gibert et coll. ........................................................................................ 53 Tableau 6: Symptômes signalés chez 100 cas de maladie d’Aujeszky du chat constatés en France entre 1975 et 1981. .................................................................. 56 Tableau 7 : Localisation des lésions cutanées de leishmaniose féline. .................... 62 Tableau 8 : Nature des lésions cutanées de leishmaniose féline.............................. 62 Tableau 9: Eléments cliniques et anamnestiques d’orientation pour le diagnostic des maladies générales à l’origine d’une alopécie chez le chat. ...................................... 87 Tableau 10: Eléments anamnestiques et cliniques d’orientation diagnostique vers des maladies générales. ............................................................................................ 92 Liste des figures Figure 1 : Proposition de conduite diagnostique des alopécies acquises en l’absence de prurit. .................................................................................................................... 85 Figure 2 : Proposition de démarche diagnostique d’une dermatose prurigineuse. ... 88 Figure 3 : Proposition de conduite diagnostique des dermatoses érosives et ulcératives. ................................................................................................................ 91 15 Liste des photographies Photo 1 : alopécie paranéoplasique pancréatique (source : ENVL).......................... 24 Photo 2 : dermatite exfoliative associée à un thymome (photo : L. Dagnaux). ......... 25 Photo 3 : chat atteint de calicivirose (source : ENVL). .............................................. 32 Photo 4 : lésions de poxvirose (photo : D. Groux) .................................................... 34 Photo 5 : dermatite à Herpesvirus (photo : E. Bensignor) ......................................... 36 Photo 6 : lésion de cryptococcose sur le chanfrein (photo : J.-F. Lannes) ................ 42 Photo 7 : Cas de sporotrichose observé en Amérique du Sud. ................................ 45 Photo 8 : chat atteint d’hypersensibilité alimentaire (source ENVL). ......................... 55 Photo 9 : lésions auriculaires de leishmaniose (source : ENVL) ............................... 62 Photo 10 : chat atteint de mycobactériose (photo : Duperray) .................................. 67 16 Introduction La médecine féline a longtemps été négligée pour des raisons culturelles mais aussi économiques. Le chat, qui a été considéré comme un petit chien jusque dans les années soixante, ne faisait pas encore l’objet de programmes de recherche. Aujourd’hui les connaissances en médecine féline, et notamment en dermatologie, ont beaucoup progressé, prouvant qu’il existe de nombreuses spécificités d’espèce. Chez le chat, comme chez toute autre espèce, la peau est le reflet du bon fonctionnement de l’organisme. De nombreuses dermatoses, dont certaines sont spécifiques à l’espèce féline, sont répertoriées chez le chat. Différents mécanismes sont à l’origine des lésions ; la peau du chat est sensible à un certain nombre de parasites au sens large (acariens, insectes, bactéries, champignons…) et peut être sujette à des modifications locales ou généralisées (tumeurs cutanées, anomalie structurelle congénitale…). La dermatose peut être liée à un trouble strictement cutané, dans ce cas le terme de dermatose autonome est parfois employé. Mais il existe aussi un certain nombre de maladies dont une partie seulement de l’expression clinique est cutanée : c’est ce type de maladies que nous envisagerons dans cet ouvrage. Les affections cutanées faisant partie du tableau clinique d’une maladie plus générale sont parfois désignées sous le nom de dermatoses intégrées [62]. Le but de cette thèse est de recenser les maladies générales qui peuvent s’exprimer par des signes cutanés, et donc potentiellement être évoquées par le clinicien lorsque l’examen dermatologique révèle des signes d’appel. Ces maladies sont rares pour la plupart, mais souvent graves, d’où l’importance de les inclure dans le diagnostic différentiel. Dans une première partie, une étude clinique fait le recensement de ces maladies sous forme de monographies classées par type de lésions, pour que le clinicien puisse s’y référer en fonction de la clinique observée. La seconde partie est un guide pratique qui rappelle la conduite diagnostique à suivre selon la présentation clinique de la dermatose afin de confirmer (ou d’infirmer) une suspicion diagnostique de maladie générale à partir de signes cutanés. 17 18 Première partie : Etude clinique 19 20 A. Les maladies modifiant le pelage 1) Les maladies alopéciantes a) L’effluvium télogène Définition Il s’agit d’une chute simultanée de tous les poils, à l’origine d’une alopécie étendue. Elle survient en général 3 à 4 semaines (mais jusqu’à 3 mois) après un stress physiologique ou pathologique (gestation, maladie générale, anesthésie…) qui a provoqué le passage de tous les follicules pileux en phase télogène. Il peut être suffisamment impressionnant pour justifier une consultation d’urgence [106, 60]. Epidémiologie Cette affection est rare chez les carnivores, aucune prédisposition en termes d’âge, de race ou de sexe n’a été observée. Signes cliniques Les signes généraux sont ceux de la maladie primaire en cause. La chute des poils est brutale et étendue, la tête étant épargnée le plus souvent. La peau est alésionnelle. Diagnostic Il est basé sur l’anamnèse, les signes cliniques et l’exclusion d’autres causes d’alopécie. Pronostic Il n’existe aucun traitement, mais les poils repoussent spontanément après la guérison (lorsque le phénomène en cause est résolu). b) L’hyperthyroïdie Définition L’hyperthyroïdie féline est une thyréotoxicose généralement due à une hyperplasie adénomateuse (environ 95% des cas) et, rarement, à des tumeurs thyroïdiennes [13, 147]. 21 Epidémiologie C’est une des dysendocrinies les plus fréquentes chez le chat. Environ un chat sur 300 serait atteint [69]. Les chats atteints sont âgés de 6 à 20 ans, avec une moyenne de 13 ans [127]. Aucune prédisposition raciale n’est mise en évidence, bien que le Siamois et l’Himalayen soient surreprésentés dans certaines études [69]. Signes cliniques Les symptômes sont variables et nombreux (voir tableau 1). Leur installation est généralement progressive. Aucun n’est caractéristique ; les chats hyperthyroïdiens sont le plus souvent polyphagiques, mais l’anorexie est possible [69, 127, 13]. Nature des symptômes Fréquence Perte de poids 98% Polyphagie 81% Hyperactivité 76% Polyurie-polydipsie 60% Vomissements 55% Souffle cardiaque 53% Diarrhée 33% Polypnée 25% Faiblesse musculaire 25% Onychogryphose 12% Alopécie 7% Tableau 1 : Nature et fréquence des symptômes observés chez 131 chats hyperthyroïdiens [127]. Les signes cutanés ne sont pas systématiques. Il peut s’agir d’un pelage terne, non toiletté [76, 69], d’une alopécie ventrale [127], d’un érythème du bord des oreilles et des muqueuses [76] ou encore d’une onychogryphose [127]. La peau est souvent plus fine [107]. Un cas de calcinose des coussinets associée à une hyperthyroïdie a été décrit [28]. Diagnostic Le clinicien doit penser à l’hyperthyroïdie chez un chat de plus de 10 ans hyperactif, maigre et polyphage. Souvent le tableau clinique est moins évocateur, mais l’hyperplasie de la thyroïde peut parfois être mise en évidence par la palpation de nodules thyroïdiens. L’échographie peut éventuellement permettre d’effectuer des mesures de la glande [147]. 22 Le dosage de la thyroxine circulante (T4) est un test très spécifique : une thyroxynémie élevée est diagnostique d’une hyperthyroïdie. Pour des chats en début de maladie, le test de stimulation à la TRH (Thyrotropin Releasing Hormon) est la méthode la plus sensible pour diagnostiquer l’hyperthyroïdie. Le test de suppression à la T3 (triiodothyronine) est aussi une très bonne méthode. Cependant l’efficacité de ces tests peut être diminuée si le chat présente une maladie grave non liée à la thyroïde [126, 147]. Pronostic Le pronostic dépend des conséquences fonctionnelles (par exemple il sera réservé en cas d’insuffisance cardiaque). Si ces conséquences sont moindres et sous traitement, le pronostic est excellent [69]. c) L’alopécie paranéoplasique pancréatique Définition Ce syndrome a été décrit pour la première fois en 1994 sur 3 chats par Brooks et coll. [17]. Depuis d’autres cas ont été rapportés dans la littérature, dont un chat atteint d’un adénocarcinome des voies biliaires [123]. Plus récemment, un cas d’alopécie paranéoplasique due à un carcinome hépatique chez une chatte de 15 ans a été confirmé [105]. Epidémiologie Les chats atteints ont en général plus de 10 ans, sans prédisposition raciale ni sexuelle. Signes cliniques Les symptômes sont essentiellement cutanés. La perte de poils est brutale, d’abord sous le menton puis ventralement jusqu’à l’abdomen et enfin la face médiane des quatre membres en deux à trois semaines. Les régions péri-oculaires peuvent parfois être touchées, mais le dos est toujours préservé. La couche cornée de l’épiderme s’exfolie, à l’origine d’un squamosis à squames de grande taille plus ou moins adhérentes, ce qui donne à la peau un aspect luisant en début d’évolution. Un prurit peut être présent. Les coussinets sont parfois atteints ce qui peut provoquer une vive douleur et des boiteries ou une réticence à se déplacer. Parmi les rares signes généraux observés, une anorexie, une polyuropolydipsie, un amaigrissement et une léthargie ont été notés [17, 123]. 23 Photo 1 : alopécie (source : ENVL) paranéoplasique pancréatique Diagnostic Les examens sanguins sont le plus souvent dans les limites des valeurs usuelles (parfois une anémie normocytaire normochrome ou une élévation des enzymes hépatiques ont été notées). La biopsie cutanée permet de mettre en évidence une atrophie des follicules pileux et des annexes cutanées, une inflammation périvasculaire superficielle modérée et une absence de couche cornée. L’échographie abdominale permet le plus souvent d’observer des images du pancréas et du foie compatibles avec un processus tumoral. Lorsqu’elle est réalisée l’autopsie révèle un adénocarcinome pancréatique et des métastases hépatiques et éventuellement pulmonaires ou diaphragmatiques. Pronostic Le pronostic est sombre à court terme. Un cas a été décrit pour lequel le retrait chirurgical de l’adénocarcinome pancréatique a entraîné la rémission des symptômes cutanés. Quelques mois plus tard, une rechute est constatée en parallèle de la réapparition de la tumeur, ce qui prouve le caractère paranéoplasique de l’alopécie [154]. 24 d) La dermatite exfoliative paranéoplasique associée à un thymome Définition La dermatite exfoliative paranéoplasique est un syndrome cutané paranéoplasique associé à l’évolution d’un thymome. Le caractère paranéoplasique de la dermatose est confirmé par la régression des lésions cutanées après l’exérèse de la tumeur [46, 138, 142]. Il semblerait que différents types histologiques de la tumeur résultent en une même expression clinique du syndrome paranéoplasique [142]. Epidémiologie Les chats atteints sont adultes à âgés : sur 11 cas décrits les chats étaient âgés de 4 à 14 ans avec une moyenne de 8,6 ans [20, 146, 46, 138, 142]. Aucune prédisposition raciale ni sexuelle n’a été mise en évidence. Signes cliniques Les signes généraux, liés à l’évolution du thymome, sont de deux types : des symptômes respiratoires (toux, dyspnée) et des symptômes non spécifiques (anorexie, léthargie, perte de poids, faiblesse musculaire). Une myoglobinurie a été observée dans un cas [138]. L’examen dermatologique révèle une dermatite exfoliative généralisée, avec un érythème souvent marqué, un squamosis puis une alopécie, débutant souvent sur la tête et le cou, en particulier sur les oreilles et la région péri oculaire, avant de se généraliser. Un prurit peut être noté, généralement suite à des infections cutanées secondaires [146, 46, 138]. Il arrive que les signes cutanés soient les seules manifestations cliniques du thymome [20, 146]. Photo 2 : dermatite exfoliative associée à un thymome (photo : L. Dagnaux). 25 Diagnostic Le diagnostic repose sur la caractérisation macroscopique et histopathologique des lésions cutanées et l’identification de la tumeur. L’examen histopathologique des biopsies lésionnelles montre une dermatite d’interface avec dégénérescence hydropique des cellules basales, une apoptose de kératinocytes et un infiltrat dermique lymphocytaire [20, 146]. La disparition des glandes sébacées a été décrite dans un cas [138]. L’examen radiographique du thorax permet de mettre en évidence une masse médiastinale compatible avec un thymome [20, 138]. L’échographie peut aussi être utilisée pour explorer le thymome : celui-ci apparaît comme une masse hyperéchogène avec éventuellement de nombreuses zones hypoechogènes (masse kystique multilobulaire). L’examen peut être complété par une ponction échoguidée [67]. Le diagnostic de certitude est obtenu par l’analyse cytologique d’une ponction, par l’examen histologique du thymome après exérèse chirurgicale ou lors de l’examen nécropsique. Pronostic Le pronostic reste réservé même si l’exérèse du thymome complétée par celle des nœuds lymphatiques sternaux a permis dans certains cas la disparition des lésions cutanées en quelques mois [46, 138]. 2) Les maladies modifiant la qualité du poil a) La malnutrition i. Généralités Toute interférence avec l’ingestion, la digestion, l’absorption ou les mécanismes de transport des nutriments peut se traduire par des troubles cutanés [121]. Une maladie digestive chronique qui diminue l’efficacité de l’une de ces étapes peut donc avoir des répercussions sur la peau et le pelage. Le zinc, les vitamines A et E, les vitamines hydrosolubles, les acides gras et les protéines sont intimement liés à la santé de la peau et à la qualité du poil. En effet les carences nutritionnelles peuvent aboutir à des anomalies de différenciation cellulaire, de croissance des poils et de cicatrisation des plaies [121]. 26 L’une des particularités des besoins nutritionnels du chat est l’importance des besoins en protéines. Les aliments industriels pour chats sont riches en protéines, mais il arrive d’observer des carences protéiques chez les chatons nourris avec des croquettes pour chien ou chez des chats anorexiques ou par perte de protéines via l’élimination rénale [145, 95]. Les signes cutanés sont alors un squamosis, une perte de pigmentation et de brillance du poil, avec éventuellement des zones d’alopécie [145]. Le chat est aussi plus dépendant des acides gras alimentaires que le chien. En cas de déficit, le chat présente une peau sèche avec un squamosis important, le pelage est terne et une alopécie généralisée peut survenir [145, 95]. Cependant, il ne faut pas supplémenter exagérément la ration car l’excès d’acides gras polyinsaturés est également néfaste et peut mener au développement d’une panstéatite. ii. La panstéatite Définition La panstéatite est causée par une carence en vitamine E secondaire à un apport insuffisant ou une carence relative associée à une consommation en quantité importante d’acides gras polyinsaturés [107, 120, 95, 121]. Epidémiologie Les chats touchés sont jeunes adultes à adultes, l’âge moyen est de 2,5 ans. Ce sont le plus souvent des chats nourris quasi-exclusivement avec du poisson [95, 157, 89], mais deux cas ont été décrit chez des chats nourris avec de la cervelle de porc [120]. Signes cliniques Les signes généraux sont souvent non spécifiques (dépression, anorexie, hyperthermie). Des douleurs généralisées sont notées, le chat est réticent à se déplacer, il réagit violemment à la manipulation. La graisse sous-cutanée et abdominale est granuleuse et ferme à la palpation [95, 107, 157], formant parfois des nodules sous-cutanés visibles [89]. Deux cas décrits par Tidholm ont présenté des excoriations sur le dos [157]. L’examen hématologique révèle le plus souvent une leucocytose avec neutrophilie [95, 157, 120]. Diagnostic La biopsie de graisse permet le diagnostic. L’aspect macroscopique apporte souvent une bonne indication : la couleur est jaune à brun en fin d’évolution. 27 L’examen microscopique permet le diagnostic beaucoup plus tôt dans l’évolution de la maladie [95]. L’aspect caractéristique est celui d’une panniculite pyogranulomateuse septale avec nécrose, dépôt de pigment céroïde [120, 89, 95] et éventuellement minéralisation [89]. Pronostic Le pronostic semble être bon si le régime alimentaire est corrigé mais il convient de rester prudent car il peut s’avérer plus mauvais dans les cas avancés [157]. b) L’hypothyroïdie Définition L’hypothyroïdie du chat est un syndrome qui recouvre trois groupes de causes différentes : elle peut être congénitale, acquise chez le chat adulte (atrophie de la thyroïde, amyloïdose, thyroïdite lymphocytaire…) ou iatrogène, suite au traitement de l’hyperthyroïdie [41]. Epidémiologie L’hypothyroïdie acquise est probablement la dysendocrinie la moins fréquente chez le chat. Il se produit de façon extrêmement rare chez l’adulte, la forme congénitale est plus commune [137, 56]. Chez le chaton l’hypothyroïdie est due la plupart du temps à une dysgénésie, Jones et coll. ont décrit une forme familiale chez l’Abyssin [85]. Signes cliniques Chez l’adulte, les symptômes les plus courants sont la léthargie, la dysorexie et l’obésité. Les signes cutanés sont variables et se développent en général après une disparition du comportement de toilettage. Les chats présentent alors un état kératoséborrhéique majeur. Les poils peuvent s’épiler facilement et repoussent mal, ce qui aboutit à une alopécie touchant les oreilles, les points de pression et les zones dorsale et latérales de la base de la queue, mais pouvant parfois atteindre les faces latérales du cou, le thorax ou l’abdomen [41, 56]. Un myxœdème de la face a été décrit chez un chat ayant présenté une hypothyroïdie spontanée [137]. Le chaton nouveau né atteint d’hypothyroïdie congénitale est, en apparence, normal. C’est vers 6 à 8 semaines d’âge que le défaut de croissance est évident. Un nanisme disproportionné se développe pendant les mois qui suivent : la tête et la 28 nuque sont plus larges, les membres sont courts. D’autre part les chatons sont décrits comme léthargiques, ils présentent une bradycardie, de la constipation et de l’hypothermie. Les dents déciduales et le poil de chaton ont tendance à persister plus longtemps [41, 56]. Diagnostic Le diagnostic de l’hypothyroïdie chez le chat passe par le dosage des concentrations en T4 totale, T4 libre et TSH dans le sérum. Si la concentration en TSH est augmentée et les concentrations en T4 totale et T4 libre sont diminuées, un essai thérapeutique est mis en place à base de lévothyroxine [41, 56]. Pronostic Le pronostic de l’hypothyroïdie congénitale est réservé ; le retard de croissance et de maturation du tissu nerveux et du système nerveux central est irréversible au moment du diagnostic. L’hypothyroïdie du chat adulte est de bon pronostic, qu’elle soit spontanée ou iatrogène, si elle est traitée [13, 41]. 3) Les maladies reliées à la couleur du pelage a) Le syndrome de Chediak Higashi Définition Le syndrome de Chediak Higashi est une hypomélanose mélanopénique ; c’est un déficit fonctionnel des mélanocytes dont le mode de transmission est autosomique récessif [64]. Epidémiologie Ce syndrome est décrit chez l’homme et chez le chat de race Persan à robe blue smoke [90]. Signes cliniques Les chats atteints présentent une hypopigmentation de la peau, du pelage et des iris, un immunodeficit et des troubles de l’hémostase primaire [90, 64]. 29 Diagnostic Le tableau clinique est fortement évocateur. La cytologie et l’histologie peuvent permettre de confirmer une suspicion par observation d’inclusions intracytoplasmiques géantes dans les leucocytes, les mélanocytes et bien d’autres cellules (foie, rein…) [64, 90]. Pronostic L’évolution se fait vers la mort par infection secondaire ou hémorragie. Il n’existe aucun traitement [64]. b) Le syndrome de Waardenburg Définition Le syndrome de Waardenburg est une hypomélanose mélanocytopénique extensive congénitale qui se transmet selon un mode autosomique dominant à pénétrance incomplète. Les symptômes sont dus à un défaut de migration des mélanoblastes et à une anomalie de leur différenciation en mélanocytes [64]. Epidémiologie Ce syndrome est décrit chez l’homme (par Waardenburg), et chez le chat. Des syndromes présentant des similitudes sont retrouvés chez plusieurs races de chiens (Bull Terrier, Dalmatien) [30]. Signes cliniques Les chats atteints sont de robe blanche, ils présentent une hypochromie ou une hétérochromie irienne et une surdité, due à des lésions dégénératives de l’oreille interne à la fin de la première semaine de vie [64, 30]. Diagnostic Le tableau clinique doit évoquer ce syndrome. La surdité peut être testée par la mesure des potentiels évoqués auditifs à partir de 3 à 4 semaines d’âge [152]. Pronostic Le pronostic vital n’est pas mis en cause mais les chats atteints doivent être écartés de la reproduction. 30 B. Les maladies provoquant des lésions cutanées érosives et ulcératives 1) La calicivirose Définition La calicivirose est une maladie virale du chat due au FCV (Feline Calicivirus), virus de la famille des Caliciviridae. Elle fait partie du syndrome « coryza félin ». Epidémiologie La calicivirose est présente dans le monde entier. La transmission peut être directe ou indirecte. Les chatons sont plus sensibles mais il n’y aurait pas de prédisposition raciale ni sexuelle. L’incidence de la maladie semble plus importante en saison froide et pluvieuse [31]. Signes cliniques Dans la forme aiguë, le chat présente d’abord un pic d’hyperthermie associé à de l’abattement et une anorexie. Environ 72h après un second pic peut être observé ainsi qu’une atteinte buccale : lésions vésiculeuses puis ulcératives du palais dur, de la langue et du sillon médian du nez. Ces lésions sont très douloureuses, occasionnant fréquemment une hypersalivation. Rhinite avec éternuements et jetage séreux à mucopurulent, conjonctivite et épiphora sont d’autres manifestations cliniques fréquentes. Les premiers cas de calicivirose présentant des symptômes cutanés ont été décrits en Australie : en 1972 une femelle de 8 mois a présenté des érosions des coussinets et une inflammation des zones interdigitées associées à de la douleur [24] et en 1987 c’est un mâle qui a présenté des ulcères en zone périanale [97]. Les deux chats présentaient en outre des ulcères linguaux. Cependant, aucune analyse histopathologique n’a été mise en œuvre pour démontrer si le virus était réellement à l’origine des lésions. Les auteurs évoquèrent la probabilité de la dissémination du virus par léchage. Différentes souches de calicivirus ont engendré aux USA dans les années 2000 des épidémies de calicivirose chez des chats adultes pour lesquelles le tableau clinique différait de celui habituellement décrit (forte mortalité, détresse respiratoire, vomissements/diarrhée). Voir tableau 2. Dans ce contexte, des chats ont présenté un œdème de la face et des membres, des ulcérations de la peau le plus souvent localisées aux extrémités des membres [125, 81]. Le calicivirus qui a été identifié 31 présente une diversité antigénique qui peut être responsable de ce tableau clinique jusqu’alors inhabituel. Signes cliniques Nombre de cas Fièvre Œdème de la face et des membres Ulcères buccaux Jetage Dyspnée Ulcérations cutanées Ictère Conjonctivite/epiphora Diarrhée Vomissements Boiterie 44 (81%) 28 (52%) 25 (46%) 16 (30%) 9 (17%) 9 (17%) 6 (11%) 6 (11%) 4 (7%) 4 (7%) 3 (6%) NOMBRE DE CAS TOTAL : 54 Tableau 2 : signes cliniques rapportés chez les chats atteints de calicivirose dans l’étude de Hurley et al. [81] En gras, les signes cutanés. Deux cas de présentation différente ont récemment été décrits, cette fois en Europe : deux chattes ayant subi une ovariectomie la semaine précédente ont présenté des pustules sur l’abdomen. Chez l’une d’elle des ulcères buccaux ont été notés. La présence du calicivirus a été démontrée dans les deux cas [27]. Photo 3 : chat atteint de calicivirose (source : ENVL). 32 En France, un cas de calicivirose a été décrit en 2006 chez un chat européen mâle de 1 an et demi qui a présenté des ulcérations de moins d’un centimètre de diamètre à la face interne du bras droit et à la face externe du bras gauche, ainsi qu’une plaie de taille importante sur le coussinet principal de l’antérieur gauche, entourée de petites lésions érosives [78]. Diagnostic L’isolement viral est la technique de référence pour le diagnostic de la calicivirose, mais la méthode PCR est également une méthode assez sensible, bien qu’il soit relativement difficile de créer des amorces permettant de détecter les différentes souches de virus. Ces deux techniques peuvent être employées sur des écouvillons nasaux, conjonctivaux ou oropharyngés, ou encore sur des biopsies cutanées. L’immunohistochimie peut également permettre de confirmer la présence de particules virales dans une biopsie [81, 78]. Pronostic La calicivirose féline classique localisée à l’appareil respiratoire supérieur et à la cavité buccale est d’évolution plutôt favorable, la cicatrisation des ulcères buccaux se produisant en une quinzaine de jours. Dans le contexte de l’épidémie aux USA, la mortalité s’est avérée beaucoup plus élevée. 2) La poxvirose Définition La poxvirose est une dermatose peu commune due à un orthopoxvirus, le cowpox virus qui est l’agent de la variole bovine. Elle est décrite dans de nombreuses espèces, notamment chez les bovins, le chat et l’homme [60, 8]. Epidémiologie Le premier cas de poxvirose féline a été observé en 1978 au Royaume-Uni [156]. D’autres cas ont été répertoriés aux Pays Bas, en Belgique, en Autriche [2], en Allemagne, en Italie et en France [61]. De nombreuses espèces de rongeurs sauvages constituent les hôtes réservoirs ; les chats ayant accès à l’extérieur sont donc plus exposés au risque de contracter le virus [60]. Dans les années 1980, au moins 30 cas ont été répertoriés au Royaume-Uni, ce qui a permis de mettre en évidence le caractère saisonnier de l’infection : la grande majorité des cas ont été observés à la fin de l’été et en automne [7]. 33 L’inoculation se fait par voie trans-cutanée ou oro-nasale. La réplication locale du virus après inoculation est responsable de la lésion primaire, puis celui-ci se dissémine par voie lymphatique puis sanguine et produit des lésions secondaires multiples [8]. Signes cliniques L’infection se manifeste d’abord par une lésion cutanée unique généralement localisée sur la tête, le cou ou les membres antérieurs [61, 7]. Cette lésion est une macule érythémateuse et crouteuse qui s’ulcère rapidement [60]. En une dizaine de jours, de nombreuses lésions secondaires apparaissent sur tout le corps. Voir tableau 3. Ces lésions peuvent être observées sous forme de macule, de papule ou de nodule [60]. Le prurit est inconstant [61, 8]. Des vésicules ont parfois été observées sur la langue ou à l’intérieur des pavillons auriculaires [8]. Photo 4 : lésions de poxvirose (photo : D. Groux) Sites des lésions Nombre de cas % cas Face 27 82 Tête et oreilles 26 79 Membres 26 79 Dos 25 76 Cou 23 70 Flancs 20 61 Thorax et abdomen ventraux 17 52 Queue 11 33 Tableau 3: Localisation des lésions de poxvirose chez 33 chats [7, 61, 2]. Des symptômes généraux peuvent être notés, tels qu’un abattement, une anorexie, une hyperthermie. Environ 20% des chats atteints manifestent une 34 infection de l’appareil respiratoire supérieur sous forme d’un coryza et d’une conjonctivite. Certains chats présentent une diarrhée transitoire. Une atteinte générale plus grave peut survenir, telle qu’une pneumonie, un retard à la cicatrisation ou la mort. Ces complications font suite à une infection bactérienne secondaire ou sont la conséquence d’une immunodépression (infection par le FeLV, corticothérapie) [8]. Diagnostic Les aspects clinique et épidémiologique de l’affection doivent amener le clinicien à suspecter une poxvirose. La réalisation de calques cutanés peut conforter cette hypothèse pour un cytologiste averti : des inclusions éosinophiliques intracytoplasmiques caractéristiques des poxviroses peuvent être observées. La confirmation peut être obtenue par histopathologie qui reste un examen de choix [61]. Pronostic Il n’existe pas de traitement spécifique de la poxvirose, mais celle-ci évolue favorablement dans la plupart des cas. Le pronostic est réservé chez des chats immunodéprimés présentant des lésions étendues [2, 61]. 3) L’herpèsvirose Définition L’herpesvirus félin de type 1 (FHV-1) est un des agents pathogènes responsables du syndrome coryza. C’est un alphaherpesvirus des Félidés. Epidémiologie De nombreux chats sont atteints (la prévalence du virus pourrait atteindre 20% dans les populations importantes) et beaucoup restent porteurs chroniques. Les chatons peuvent contracter le virus très tôt [155]. La transmission est directe, à partir d’un chat malade ou porteur. Signes cliniques Dans la forme aigue classique, le FHV-1 est à l’origine d’une rhinite, d’une conjonctivite et d’ulcères cornéens superficiels et profonds. 35 Plusieurs cas d’herpesvirose féline avec atteinte cutanée ont été décrits. Les premiers cas décrits concernaient trois chattes ovariectomisées quelques jours auparavant qui ont présentés des ulcères buccaux et cutanés, localisés sur les membres antérieurs et l’abdomen [43]. Cette description, publiée en 1979, ressemble fortement à celle faite par Declercq en 2005 de cas de calicivirose, une autre entité du syndrome coryza. Une étude de 1999 a rassemblé 10 chats présentant une stomatite et une dermatite ulcérative et croûteuse de la face associée au FHV-1. Les chats étaient âgés de 4 mois à 16 ans, plusieurs races étaient représentées [70]. Un cas similaire est décrit plus récemment en France chez un chat de 12 ans, qui présentait une atteinte érosive et croûteuse à bords nets de la truffe et de son pourtour [150]. Photo 5 : dermatite à Herpesvirus (photo : E. Bensignor) Enfin, en 2004, un cas de dermatite alopécique et squameuse a été rattaché à l’herpesvirus de type 1. Il s’agissait d’une chatte de 2 ans qui a présenté une alopécie extensive 2 semaines après avoir été traitée pour une rhinite associée à une conjonctivite [136]. Diagnostic Le diagnostic d’herpesvirose est d’abord fondé sur l’anamnèse et les signes cliniques (un stress rapporté ou une corticothérapie peuvent entraîner une réactivation du virus). L’écouvillonnage conjonctival ou pharyngé peut permettre la détection du FHV par PCR, qui est la méthode la plus sensible. L’examen sérologique ne permet pas de distinguer un animal infecté d’un animal vacciné, de plus la séroprévalence étant importante dans les populations de chats, la présence d’anticorps ne permet pas de conclure à une infection en phase active. Enfin, en 36 présence de lésions cutanées, l’examen histologique de biopsies peut permettre une suspicion [155]. Pronostic L’évolution est généralement favorable, mais étant donné la persistance du virus, l’infection peut devenir chronique. Dans les cas les plus graves, notamment chez les jeunes, un traitement symptomatique de soutien peut s’avérer nécessaire. Le traitement lors de lésions cutanées n’est pas encore défini. Dans l’étude de Hargis et coll., la combinaison d’un antibiotique (amoxicilline ou enrofloxacine) avec l’interféron α s’est révélée la plus efficace [70]. 4) La péritonite infectieuse féline Définition La péritonite infectieuse féline (PIF) est une maladie virale systémique provoquée par le coronavirus félin (FCoV). Toute infection naturelle par le FCoV peut potentiellement aboutir à une PIF, mais cela ne se produit que chez 10% environ des chats infectés. Deux formes cliniques de PIF sont décrites (forme sèche et forme humide) bien que leur distinction ne soit pas toujours aisée [1]. Epidémiologie La PIF est une maladie assez peu commune ; elle représente moins de 0,6% de l’ensemble des consultations au sein des universités américaines. Entre 10 et 40% des chats ne vivant pas en communauté sont séropositifs pour le coronavirus. La prévalence est encore plus importante dans les élevages [18]. Les chats s’infectent par ingestion et, sans doute, par inhalation du virus, par l’intermédiaire de fèces ou d’objets contaminés (litière, gamelles). Des chats de tous âges peuvent développer une PIF mais approximativement la moitié des chats atteints ont moins de 2 ans [1]. Les facteurs de risque admis sont l’âge du chat (de 3 mois à 3 ans), un récent facteur de stress, l’appartenance à une collectivité ou encore la race (les Abyssins, Bengals, Birmans, Ragdolls seraient plus sensibles) [75]. Signes cliniques Dans la forme humide ou exsudative, le chat atteint de PIF présente de l’ascite et/ou un épanchement thoracique. Ce liquide d’épanchement est typiquement jaune 37 et visqueux, il coagule à l’air. La distension abdominale associée à l’ascite est plus ou moins importante, de sorte que le propriétaire ne la remarque pas forcément. Un abattement et une anorexie peuvent être notés mais parfois l’état général est bon. Parmi les autres symptômes rapportés peuvent être cités une perte de poids, un ictère, une dyspnée et une tachypnée [1, 18]. Dans la forme sèche, les signes sont souvent peu caractéristiques, tels qu’une hyperthermie modérée (39,5°C), une perte de poids, un abattement et une baisse d’appétit. La palpation abdominale peut parfois révéler une hypertrophie des nœuds lymphatiques mésentériques ou des reins de forme irrégulière. Si les poumons sont atteints le chat peut présenter une dyspnée. Des signes oculaires sont fréquemment décrits, en particulier une iridocyclite associée une douleur importante d’où un blépharospasme et un myosis. Enfin, dans 25 à 30% des cas, les chats présentent des troubles nerveux [1, 18]. Les lésions cutanées associées au virus de la PIF ont d’abord été observées chez des chats infectés expérimentalement. Plusieurs chats ont développé des lésions ulcératives de la tête et du cou dont l’aspect histologique était typique d’une vasculite superficielle [145]. Depuis, deux types de signes cutanés associés à une PIF ont fait l’objet de descriptions dans la littérature. Trotman et coll. ont décrit un syndrome de fragilité cutanée chez un chat de 6 ans atteint de PIF humide [159]. En effet, lors d’une contention pour la réalisation d’une prise de sang au cours de l’hospitalisation, la peau du cou s’est déchirée sur 15 cm. Les causes classiques de fragilité cutanée telles que le diabète sucré et l’hypercorticisme ont été exclues. Deux cas assez similaires ont été décrits ces dernières années. Le premier, un chat âgé de 1 an, a présenté des lésions décrites comme des nodules érythémateux et non prurigineux d’environ 2 mm de diamètre sur les faces ventrale et latérales du cou et les épaules [19]. Le second était un chat de 7 mois ayant présenté en fin d’évolution de PIF des lésions cutanées non prurigineuses, caractérisées par des papules intradermiques légèrement en relief sur la face dorsale du cou et sur les faces latérales du thorax [29]. Diagnostic Aucun test permettant à lui seul un diagnostic de certitude n’est utilisable pour l’instant. Seule la conjonction de plusieurs éléments cliniques et épidémiologiques permet d’aboutir à une forte suspicion de PIF [75, 1]. Divers examens de laboratoire permettant d’apporter des éléments en faveur de la PIF. Un examen sérologique positif signe un contact du chat avec le FCoV. Lorsqu’un épanchement abdominal est présent, l’analyse du liquide est 38 incontournable (appréciation de l’aspect et de la consistance, mesure du taux protéique, examen cytologique). La RT-PCR peut aussi être utilisée sur un prélèvement sanguin, sur le liquide d’épanchement ou encore par écouvillon rectal [75]. Pronostic Le pronostic est très sombre : la PIF est une maladie mortelle, il n’a jamais été rapporté de cas confirmé de guérison [75]. 5) Lupus érythémateux systémique Définition Le lupus érythémateux systémique est la conséquence du dépôt de complexes immuns au sein de la membrane basale de l’épiderme et d’autres organes (pour la forme systémique) [145]. Epidémiologie Le lupus érythémateux est une maladie rare ; l’incidence a été estimée à 0,06% des consultations félines [124]. Il n’y aurait pas de prédisposition sexuelle. L’âge des chats atteints décrits varie de 1 à 12 ans. Les races Siamois, Persan et Himalayen semblent prédisposées [145, 124]. Signes cliniques Les signes généraux sont variables ; les plus courants sont l’hyperthermie, des troubles hématologiques (en particulier anémie et thrombopénie), une glomérulonéphrite, une polyarthrite, des troubles nerveux ou comportementaux ou encore une stomatite ulcérative [145, 124, 164]. Environ 20% des chats atteints présentent des signes cutanés, caractérisés par un état kérato-séborrhéique généralisé, une alopécie associée à de l’érythème, des érosions, des ulcères et des croûtes principalement localisés à la face (truffe, chanfrein, lèvres, région péri-oculaire) et aux extrémités des membres [145, 124]. L’abdomen peut éventuellement être atteint [164]. Diagnostic Le tableau clinique n’est pas forcément évocateur car la symptomatologie est très variable. Le diagnostic de certitude de lupus érythémateux systémique est difficile à établir car il n’existe pas de critère pathognomonique. 39 L’examen histologique de biopsies cutanées apporte une forte présomption. D’autres examens complémentaires sont nécessaires (examens biochimiques et hématologiques, détermination du titre en anticorps anti-nucléaires). Certains auteurs utilisent la grille datant de 1982 des 11 critères de l’American Rheumatism Association utilisés en médecine humaine pour diagnostiquer le lupus érythémateux systémique [153]. Il faut au moins 4 critères pour avoir un diagnostic de certitude. Cette grille a été adaptée pour être utilisée chez le chien [21]. Voir tableau 4. CRITERE DEFINITION Erythème Rougeur des zones où la peau est fine ou peu protégée par les poils (en particulier la face) Lupus érythémateux cutané Dépigmentation, érythème, érosions, ulcérations, croûtes, squames atteignant essentiellement la face Photosensibilité Aggravation des lésions cutanées après exposition au soleil Ulcères buccaux Ulcères de la cavité buccale ou du nasopharynx Arthrite Arthrite non érosive et non déformante impliquant 2 ou plusieurs articulations Inflammation des séreuses Présence d’épanchement cavitaire inflammatoire aseptique (pleurésie, péricardite) Troubles rénaux Protéinurie persistante ou cylindrurie ou hématurie ou hémoglobinurie Troubles neurologiques Convulsions ou modifications comportementales en l’absence de désordre métabolique connu Troubles hématologiques Anémie hémolytique ou leucopénie persistante ou lymphopénie persistante ou thrombopénie Troubles immunologiques Présence d’anticorps anti-histones ou anti-Sm ou antitype 1 Anticorps antinucléaires Titre élevé Tableau 4 : Critères pour le diagnostic du lupus érythémateux systémique chez le chien, adaptés à partir des critères de l’American Rheumatism Association de 1982 par Chabanne et coll [21]. 40 Pronostic Le pronostic est toujours réservé et dépend des organes impliqués. Plus le diagnostic est fait tôt dans l’évolution de la maladie, meilleur est le pronostic. Cependant, lorsqu’une glomérulonéphrite est présente, le pronostic est toujours mauvais [145]. 6) Les mycoses profondes a. La cryptococcose Définition La cryptococcose est une affection fongique grave principalement due à Cryptococcus neoformans, une levure capable de survivre et de se multiplier dans l’environnement. Elle touche l’homme, chez qui elle représente un problème de santé publique pour les personnes immunodéprimées, ainsi que de nombreuses espèces animales sauvages et domestiques dont le chat [87, 104, 145]. Epidémiologie La cryptococcose féline est peu fréquente mais reste la mycose systémique la plus fréquente chez le chat. Sa répartition est mondiale. La contamination se fait dans l’environnement. Aucun cas de transmission de la maladie d’un animal à un autre n’a été décrit [50, 104, 145, 87]. Des chats de tous âges sont atteints, les jeunes mâles semblent légèrement plus à risque. Les races Abyssin et Siamois pourraient être à risque [87]. Les chats qui n’ont pas accès à l’extérieur peuvent développer la maladie. L’incidence est plus importante à la saison chaude [50]. Aucune corrélation ne semble exister entre l’infection par un rétrovirus et l’apparition d’une cryptococcose spontanée [165]. Signes cliniques Les signes généraux les plus fréquents sont une atteinte des voies respiratoires supérieures (dans 50 à 60% des cas) avec notamment des éternuements, un jetage mucopurulent, séreux ou hémorragique, unilatéral ou bilatéral. La voix peut être changée. Parfois une masse polypoïde est visible au niveau des narines, ou encore un gonflement des tissus sous-cutanés déforme le chanfrein. La maladie évolue sur un mode chronique et des signes non spécifiques tels que de l’anorexie et un amaigrissement sont courants [104, 145, 87]. 41 Les chats atteints développent assez fréquemment des signes nerveux dus à l’atteinte du système nerveux central, ou, moins fréquemment, des anomalies oculaires [104, 50]. Les signes cutanés sont présents dans environ 40% des cas, résultant de la dissémination par voie hématogène du micro-organisme. Les lésions sont des papules et des nodules fluctuants à fermes de 1 à 25mm de diamètre. Les plus larges ont tendance à s’ulcérer, un exsudat séreux recouvre alors les plaies. Ces lésions peuvent survenir sur tout le corps mais la face, les oreilles et les coussinets sont les zones les plus fréquemment concernées [145, 104]. Photo 6 : lésion de cryptococcose sur le chanfrein (photo : J.-F. Lannes) Diagnostic Des examens cytologiques et histopathologiques peuvent être entrepris sur des prélèvements de lésions cutanées ou sur du liquide de lavage broncho-alvéolaire. Néanmoins, seuls l’isolement et l’identification de la levure permettent d’établir un diagnostic de certitude. Celle-ci se développe rapidement (en 3 à 8 jours), ce qui permet un résultat assez rapide. L’utilisation de l’examen sérologique est controversée. Le dosage des antigènes peut permettre de renforcer une suspicion de cryptococcose mais ne remplace pas le diagnostic mycologique [165]. Pronostic Le pronostic de la cryptococcose féline est généralement bon si le système nerveux central n’est pas affecté et si les propriétaires sont suffisamment motivés pour administrer un traitement long et relativement coûteux à leur chat [87, 104]. L’infection par un rétrovirus assombrit le pronostic [165]. 42 b. L’histoplasmose Définition L’histoplasmose est une mycose dimorphique, Histoplasma capsulatum. systémique due à un champignon Epidémiologie C’est la deuxième mycose systémique du chat. La maladie est endémique aux USA dans les vallées de l’Ohio, du Missouri et du Mississippi, ainsi que dans certains pays tropicaux [54]. Elle est aussi décrite sporadiquement dans d’autres parties du monde, notamment au Canada, en Australie et en Europe. En France l’histoplasmose est considérée comme une mycose « d’importation » [15, 93]. Il n’y aurait pas de prédisposition raciale ni sexuelle, bien que certaines études aient montré une surreprésentation de cas chez les femelles et chez les chats de race Persan. La plupart des chats atteints ont moins de 2 ans, mais les sujets âgés peuvent aussi être touchés [54]. Signes cliniques La forme primitive pulmonaire est responsable d’une pneumonie granulomateuse avec dyspnée, tachypnée et toux, fréquemment associée à des symptômes généraux non spécifiques (anorexie, abattement, hyperthermie, amaigrissement, déshydratation, parfois lymphadénomégalie généralisée, hépatomégalie et splénomégalie). Plus rarement, des symptômes neurologiques, oculaires (uvéite, choriorétinite) et osseux sont observés [15, 54, 84]. Les symptômes cutanés sont plutôt rares et se manifestent par des nodules et des ulcérations, le plus souvent au niveau de la face. Ces lésions peuvent être exsudatives [15, 54, 84]. Diagnostic La radiographie thoracique met en évidence des anomalies non spécifiques de l’opacité pulmonaire dans les cas d’histoplasmose systémique, avec le plus souvent une opacité de type interstitiel, mais aussi parfois de type alvéolaire [54]. Le diagnostic de certitude peut être obtenu par identification cytologique ou histopathologique de H. capsulatum sur biopsie profonde de nodules cutanés, de nœuds lymphatiques ou sur moelle osseuse. Des levures rondes de 2 à 4µm de diamètre peuvent être observées à l’intérieur des macrophages, avec un centre basophile entouré d’un halo clair. L’examen histologique des tissus atteints montre 43 souvent une réaction inflammatoire granulomateuse ou pyogranulomateuse avec des organismes intracellulaires [54, 15]. Enfin, une culture fongique peut être réalisée à partir de tissu ou de matériel aspiré à l’aiguille fine. En cas de suspicion d’histoplasmose il faut avoir recours à un laboratoire spécialisé car l’échantillon représente un risque potentiel pour l‘homme. La culture à température ambiante peut permettre la croissance du mycélium en 7 à 10 jours. Les faux-négatifs sont possibles, la croissance peut nécessiter plus de 4 semaines [54]. Pronostic Le pronostic de l’histoplasmose dépend du degré de dissémination et de la sévérité des signes cliniques. Le pronostic est bon chez les chats qui ne sont pas trop affaiblis au moment du diagnostic et avec un traitement au long cours à l’itraconazole [15]. c. La sporotrichose Définition La sporotrichose est une maladie fongique de l’homme et des animaux due à un champignon dimorphique : Sporothrix schenckii [141, 166, 145]. Epidémiologie S. schenckii est retrouvé un peu partout dans le monde et préfère les sols riches en matière organique en décomposition. L’infection résulte de la contamination d’une plaie ou de la pénétration transcutanée d’un corps étranger. Des cas de contamination humaine par morsure ou griffures d’un chat infecté sont rapportés dans la littérature [141, 166, 101]. Comme pour les autres mycoses systémiques, la forme disséminée résulte probablement d’une contamination par voie respiratoire et de la dissémination par voie hématogène [141]. La grande majorité des cas de sporotrichose féline ont été décrit au sud est du Brésil, en particulier dans l’état de Rio de Janeiro où une véritable épizootie s’est déroulée, avec des centaines de cas décrits chez plusieurs espèces animales et chez l’homme [143, 101]. Entre 1998 et 2001, 347 cas de sporotrichose féline ont été recensés dans cet état. Les chats atteints étaient jeunes (87% avaient moins de 4 ans) et les mâles étaient plus touchés que les femelles (228 mâles dont 186 entiers sur 347 chats) [143]. 44 Signes cliniques Les signes généraux les plus fréquemment observés sont des signes respiratoires (dans 44% des cas) tels que des éternuements, une dyspnée et parfois une toux. Des signes non spécifiques sont également observés (anorexie, perte de poids, adénomégalie généralisée, hyperthermie, déshydratation) [143]. Les lésions cutanées sont principalement localisées sur la tête, en particulier le nez et les oreilles, et sur les membres antérieurs. Les muqueuses nasales, conjonctivales, orales et génitales peuvent être atteintes. Ces lésions sont des nodules sous-cutanés d’où peut s’écouler un contenu purulent, des plaques coalescentes, des ulcères étendus et exsudatifs, des croûtes, des zones de nécrose pouvant mettre à jour les muscles et les os [143, 141]. Photo 7 : Cas de sporotrichose observé en Amérique du Sud. Diagnostic A cause du potentiel zoonotique de la sporotrichose, tout chat suspect doit être manipulé avec précautions (port de gants). L’examen histopathologique de nodules intacts peut aider au diagnostic mais n’est pas assez spécifique pour conclure définitivement à une sporotrichose [165]. Le diagnostic de certitude peut être obtenu par culture fongique ou par des méthodes moléculaires [141]. Pronostic Le pronostic est réservé chez le chat. Lors de l’épidémie dans l’état de Rio de Janeiro, environ 120 chats ont dû être euthanasiés ou sont décédés de mort 45 naturelle [143]. Le traitement antifongique doit être de longue durée pour espérer observer une rémission complète [101]. d. La blastomycose Définition La blastomycose est une mycose systémique de l’homme et des animaux due à Blastomyces dermatitidis, un champignon dimorphique saprophyte [92, 87, 145]. Epidémiologie Les conditions environnementales idéales pour la croissance de B. dermatitidis sous forme mycélienne sont les zones humides avec un sol acide. Les régions où la prévalence de la blastomycose est la plus importante sont les vallées du Mississippi, du Missouri et de la rivière Ohio, ainsi que dans les états de la côte Atlantique et les provinces canadiennes de Québec, de Manitoba et d’Ontario [87, 92]. La blastomycose est peu fréquente chez le chat. L’inoculation se produit par inhalation ou par pénétration dans une plaie de conidiophores. Aucune prédisposition raciale, ni sexuelle, ni d’âge n’a été mise en évidence. Le virus de la leucose ne semble pas augmenter le risque d’infection [87, 92, 145]. Signes cliniques Les signes cliniques généraux incluent généralement des signes non spécifiques tels qu’anorexie, perte de poids, hyperthermie, léthargie et déshydratation, et des signes respiratoires (augmentation des bruits respiratoires à l’auscultation pulmonaire, dyspnée, tachypnée, toux et éternuements) [52, 145, 92]. Les signes cutanés sont très fréquents, les lésions sont des nodules dont le diamètre peut varier de 1mm à quelques centimètres de diamètre et localisés préférentiellement sur la face, mais aussi des ulcères ou des abcès sous-cutanés [52, 145, 92, 109]. L’atteinte oculaire se manifeste principalement par une uvéite pyogranulomateuse ou une choriorétinite [92, 52, 109]. D’une manière générale, les chats présentent plus fréquemment des signes d’atteinte du système nerveux central et des lésions cutanées plus importantes que les chiens [87]. 46 Diagnostic L’anamnèse peut orienter le clinicien à suspecter la blastomycose si l’animal a voyagé en zone d’endémie. L’hémogramme peut révéler une anémie normocytaire normochrome qui peut être attribuée à un processus inflammatoire chronique [92]. Le diagnostic de certitude est obtenu via l’observation du microorganisme par examen cytologique ou histopathologique de lésions cutanées ou de nœuds lymphatiques réactionnels. Si cet examen est concluant il n’est pas nécessaire de réaliser une culture fongique, dont le résultat ne pourra être connu que dans un délai de plusieurs semaines. L’examen sérologique est une autre alternative au diagnostic [87]. Pronostic Le pronostic est assez bon lorsque le système nerveux central n’est pas atteint. Une atteinte sévère de l’arbre respiratoire péjore le pronostic [92]. Lors d’atteinte oculaire grave, le chat peut perdre la vue définitivement [52]. e. La coccidioïdomycose Définition La coccidioïdomycose est une mycose systémique due à un champignon saprophyte du sol, Coccidioides immitis. Elle a aussi été nommée « San Joaquin Valley Fever ». Cette maladie atteint la plupart des Mammifères. Chez les carnivores domestiques les chiens sont plus souvent touchés que les chats [87, 57, 145]. Epidémiologie La niche écologique de C. immitis se caractérise par des sols sablonneux et alcalins et des températures plutôt chaudes et sèches. Géographiquement, le champignon est retrouvé dans le sud ouest des Etats-Unis, en Amérique Centrale et en Amérique du Sud [87, 57, 145]. L’infection se produit principalement par voie respiratoire, cependant l’inoculation directe de spores infectées peut provoquer des infections sous-cutanées localisées [57, 87]. Il n’y a pas de prédisposition raciale ni sexuelle, des chats de tous âges peuvent développer la maladie [87, 58]. 47 Signes cliniques Les lésions cutanées sont les signes cliniques les plus fréquents chez le chat [57, 87]. Dans l’étude de Greene et coll. plus de la moitié des chats en présentaient. Ces lésions se caractérisent par des nodules cutanés fistulisés ou ulcérés. Une lymphadénopathie régionale peut être observée [58]. Des signes généraux non spécifiques sont souvent présents de manière concomitante aux signes cutanés, avec notamment de l’hyperthermie, de l’anorexie et une perte de poids. Des atteintes du squelette appendiculaire sont fréquentes chez le chien mais rares chez le chat [57]. Des signes respiratoires peuvent être observés dans 25% des cas [58]. Enfin, des lésions oculaires de choriorétinite ou d’uvéite antérieure sont parfois détectées [57]. Diagnostic Les examens hématologiques et l’électrophorèse des protéines suggèrent un processus inflammatoire chronique. Une anémie non régénérative et une leucocytose neutrophilique modérées peuvent être observées [87, 57]. L’observation du micro-organisme par un examen cytologique ou histopathologique de nodule cutané permet de conclure quant au diagnostic de coccidioïdomycose, mais ceci peut s’avérer délicat et les faux négatifs sont possibles [87, 57]. La culture fongique est facile mais l’identification est là encore délicate et requiert l’inoculation à des animaux. De plus le personnel de laboratoire doit manipuler les échantillons avec beaucoup de précautions pour se prémunir de toute infection. Cette méthode ne sera donc pas privilégiée pour le diagnostic [87]. L’examen sérologique semble utilisable chez le chat [58]. Pronostic Le pronostic est réservé ; si la plupart des chats ont montré une amélioration clinique sous traitement, beaucoup ont présenté une rechute à l’arrêt du traitement ou en cas de mauvaise observance [58]. 48 7) La tularémie Définition La tularémie (« rabbit fever » ou « deerfly fever ») est une maladie bactérienne, contagieuse et inoculable due à Francisella tularensis. Elle affecte principalement les rongeurs et les lagomorphes (le lièvre en particulier), mais peut se transmettre à d’autres espèces animales et à l’homme [44, 42, 160]. Elle est classée parmi les Maladies animales à Déclaration Obligatoire en France depuis le 17 février 2006 [160]. Epidémiologie En France la tularémie est considérée comme une zoonose mineure, voire anecdotique. Elle n’est plus une maladie réputée légalement contagieuse depuis 1996. Néanmoins, entre 1999 et 2004, 20 à 60 foyers ont été identifiés chaque année chez des lièvres [160]. La transmission entre espèces animales et à l’homme peut se faire par contact avec un animal infecté ou par la piqûre d’insectes hématophages ou par la morsure de tiques infectées. Il existe trois sous-espèces majeures qui occupent des zones géographiques différentes. F. tularensis subsp tularensis, la plus pathogène, se trouve en Amérique du Nord. En Eurasie, il existe trois biotypes de F. tularensis subsp holarctica. La troisième sous-espèce, F. tularensis subsp mediasiatica, occupe le continent asiatique et sa pathogénicité est identique à celle de la sous-espèce holarctica [160]. Les chats se contaminent le plus souvent par ingestion de proies [44, 171], les chats ayant accès à l’extérieur sont donc plus exposés à la maladie. Signes cliniques Les chats infectés présentent typiquement de l’hyperthermie, un jetage nasal et oculaire purulent, parfois une adénomégalie des nœuds lymphatiques drainant le site d’inoculation, une hépato- et une splénomégalie, un ictère et des ulcères de la cavité buccale [44, 171, 6]. Il arrive que les chats meurent de l’infection [44, 42, 6]. La présence de neutrophiles toxiques et une panleucopénie ont été observées de manière récurrente à l’hémogramme [6, 42]. Peu de signes cutanés sont rapportés dans la littérature chez les chats atteints de tularémie. Néanmoins, la forme ulcéro-glandulaire (papule et ulcère au niveau du site de pénétration), bien décrite chez l’homme, aurait été observée chez le chat [172]. Un seul cas a fait l’objet d’une publication [161]. Le chat présentait une lésion cutanée chronique depuis 1 an au moment du diagnostic, décrite comme un nodule 49 sous-cutané ulcéré. Une lymphadénopathie a été notée mais aucun signe systémique n’est rapporté. Il semblerait que la maladie ne provoque pas des signes généraux et cutanés sur un même individu. Mais un chat présentant une tularémie ulcéro-glandulaire est potentiellement dangereux pour son entourage, d’où l’importance d’identifier l’agent causal. Diagnostic Une culture bactérienne peut être effectuée à partir de divers prélèvements, notamment de la moelle osseuse ou une cytoponction de nœud lymphatique [171, 42]. La recherche de tularémie par PCR permet rapidement de confirmer une suspicion. De plus cette méthode est économique et possède d’excellentes sensibilité et spécificité sur des prélèvements relativement frais [35]. Le diagnostic sérologique est utilisable chez le chat mais il existe des réactions croisées avec d’autres bactéries comme Brucella [35]. A l’autopsie, de nombreux foyers de nécrose de 1 à 4 mm et de couleur grisâtre sont visibles sur le foie, la rate et les poumons. L’examen histopathologique du foie révèle une hépatite nécrosante multifocale non spécifique [44, 35]. Pronostic Le pronostic est toujours réservé, la mort est fréquente sans traitement. Il faut garder également à l’esprit le caractère zoonotique de la maladie et en informer les propriétaires. En effet la forme ulcéro-glandulaire de la maladie a été décrite chez l’homme suite à une morsure ou à des griffures de chats atteints [44]. 8) Les infiltrations lymphocytaires a) Le lymphome cutané secondaire Définition Le lymphome est défini comme une malignité lymphoïde dont l’origine est un organe solide (par exemple le foie, la rate ou un nœud lymphatique). Quatre présentations cliniques différentes sont reconnues chez le chat : les formes multicentrique, médiastinale, digestive et extranodale (dont la forme cutanée) [68]. 50 Le lymphome cutané peut être primitif ou secondaire. Dans le premier cas le processus tumoral débute au niveau de la peau et peut se disséminer vers les ganglions lymphatiques régionaux puis la rate, le foie et la moelle osseuse. Dans le second cas, un lymphome qui intéresse initialement une autre localisation que la peau, souvent multicentrique, envahit secondairement les tissus cutanés [11, 68]. Epidémiologie Le lymphome est le néoplasme hématopoïétique le plus fréquent chez les carnivores domestiques. Chez le chat, le virus de la leucose (FeLV) a été identifié comme un carcinogène biologique induisant la transformation des lymphocytes. L’incidence annuelle a été estimée à 200 pour 100 000 chats à risque avant la campagne de vaccination massive contre le FeLV. Depuis, cette incidence a fortement diminué. Il a en outre été démontré que le tabagisme des propriétaires est un facteur de risque [38]. L’infection par le virus de l’immunodéficience féline (FIV) augmenterait également le risque de développer un lymphome [68]. L’âge moyen de la présentation du lymphome est différent selon le statut FeLV : chez le chat positif l’âge moyen d’apparition est de 3 ans, alors qu’il est de 7-8 ans chez le chat négatif [68]. Signes cliniques Les signes cliniques dépendent du type de lymphome. Dans le cas du lymphome multicentrique, les symptômes sont non spécifiques : lymphadénomégalie généralisée, perte de poids, anorexie et léthargie. De l’œdème peut survenir si le nœud lymphatique hypertrophié provoque une obstruction mécanique au drainage lymphatique. L’hémogramme peut révéler diverses anomalies non spécifiques résultant de l’infiltration de la moelle et/ou de la rate par les cellules néoplasiques [68]. Les lésions cutanées secondaires peuvent se présenter sous les mêmes formes que le lymphome cutané primaire [11]. On distingue classiquement deux formes de lymphome cutané primaire. La forme non épithéliotrope, la plus fréquente chez le chat, est caractérisée par des lésions infiltrantes multifocales ou généralisées à l’origine d’un érythème exfoliatif ou de nodules ulcérés, tandis que la forme épithéliotrope se manifeste par un érythème prurigineux plus ou moins associé à des plaques ou nodules ulcérés [145]. Un cas de nécrose cutanée symétrique des extrémités des membres pelviens a été décrit chez un chat atteint d’un lymphome multicentrique. La peau recouvrant les métatarses était dure et se détachait des tissus sous-jacents, laissant entrevoir un liquide trouble qui était accumulé en dessous. Le chat marchait normalement et la manipulation des lésions ne semblait pas provoquer de douleur. L’auteur souligne 51 que la nécrose ischémique de la peau est décrite chez l’homme dans le cadre de nombreuses maladies cancéreuses dont le lymphome [4]. Diagnostic La confirmation peut en général être obtenue facilement par l’analyse cytologique de ponctions de nœuds lymphatiques atteints (seuls 25 à 30% des cas nécessitent l’exérèse complète du nœud lymphatique pour permettre le diagnostic) [68]. L’examen histopathologique de biopsies cutanées est également recommandé pour vérifier la nature des lésions [11]. L’origine du lymphome doit être déterminée : des examens radiographiques et échographiques et éventuellement des cytoponctions d’organes permettent de réaliser un bilan d’extension. Un test FIV/FeLV est utile afin de nuancer le pronostic. Pronostic Le pronostic d’un lymphome cutané secondaire est très réservé [11]. b) La lymphocytose cutanée Définition Une étude rétrospective regroupant 23 chats atteints d’une hyperplasie lymphocytaire cutanée bénigne a été réalisée en 2004 par Gilbert et coll. [51]. Ce syndrome, comparable au pseudolymphome chez l’homme, a été nommé lymphocytose cutanée chez l’animal [60]. Parmi les chats inclus dans l’étude, certains ont présenté des infiltrations des organes internes. Il est difficile de savoir si l’infiltration lymphocytaire s’est d’abord produite dans la peau ou dans les organes internes, ou encore s’il elle s’est propagée simultanément dans les deux localisations [51]. Néanmoins dans de tels cas, l’identification des lésions cutanées permettent de suspecter des lésions internes, ce qui justifie l’étude de la lymphocytose cutanée dans ce sujet. Epidémiologie Les chats de l’étude étaient âgés de 6 à 15 ans, avec un âge moyen de 12,3 ans au moment du diagnostic. Il y avait 14 femelles stérilisées et 9 mâles castrés. Il ne semble pas y avoir de prédisposition raciale. 52 Signes cliniques Les signes cutanés sont assez proches de ceux décrits chez les chats atteints de lymphome cutané épithéliotrope. Les lésions peuvent être de différentes natures (voir tableau 5) et sont localisées sur tout le corps, mais atteignent peu la tête à l’exception des oreilles. Parmi les 23 chats 14 ne présentaient qu’une zone lésée et 9 en présentaient plusieurs. Nature des lésions Nombre de cas Alopécie 21 Erythème 19 Excoriations 14 Ulcérations 10 Plaques 7 Croûtes 5 Dépigmentation 3 Nodules 3 Hyperplasie des coussinets 2 Papule 1 Tableau 5: Nature des lésions chez les 23 chats atteints de lymphocytose cutanée de l’étude de Gibert et coll. [51]. Certains chats ont présenté une baisse d’appétit et une perte de poids, laissant suspecter une infiltration des organes internes et ont été euthanasiés. Chez cinq de ces chats l’infiltration interne a été confirmée à l’autopsie. Des nodules ont été observés sur le foie, la rate et/ou le pancréas. L’un des chats présentait une diarrhée, son intestin grêle s’est révélé infiltré. Diagnostic La distinction histopathologique entre le lymphome cutané malin et la lymphocytose cutanée est plutôt délicate. Chez les 23 chats de l’étude les infiltrats étaient composés de lymphocytes T. Il a été décrit que certains patients humains atteints de psudolymphome développaient un lymphome malin. Les chats atteints de lymphocytose cutanée avec infiltration systémique ont peut être eux aussi subi l’évolution de la lymphocytose vers un lymphome, ou bien le diagnostic de lymphocytose était inapproprié à l’origine. Pronostic Le pronostic est réservé : 12 chats sur 23 ont dû être euthanasiés. Certains ont bien répondu aux essais thérapeutiques mis en place mais 3 d’entre eux ont présenté des récidives. 53 C. Les maladies provoquant un prurit 1) L’hypersensibilité alimentaire Définition L’hypersensibilité alimentaire est définie comme toute manifestation clinique due à l’ingestion d’un aliment, qu’il y ait intervention d’une réponse immunitaire ou non. Parmi ces manifestations, les allergies alimentaires sont des hypersensibilités d’origine immunitaire, de type I ou IV. Les autres types de réaction peuvent être pharmacologiques (par exemple l’action de substances vasoactives contenues dans l’aliment comme l’histamine), métaboliques (lors de déficit enzymatique comme dans le cas de l’intolérance au lactose), toxiques ou idiosyncrasiques [60, 134]. Epidémiologie La fréquence d’apparition est difficile à estimer chez les carnivores domestiques car elle dépend de la définition et de la démarche diagnostique utilisée par les auteurs, ce qui explique qu’il y ait beaucoup de différences dans la littérature. Les intolérances alimentaires (donc l’hypersensibilité alimentaire mais aussi les réactions pharmacologiques, toxiques…) représenteraient environ 6% des dermatoses chez le chat [66]. Tous les aliments sont potentiellement allergisants, la plupart du temps ce sont les protéines qui sont à l’origine des réactions. Les ingrédients les plus souvent incriminés sont le lait de vache, la viande de bœuf et d’agneau et le poisson [66, 170]. Les chats sont atteints sans prédisposition d’âge, de sexe ni de race [60, 170, 169]. Signes cliniques L’hypersensibilité alimentaire peut se manifester par des signes digestifs et des signes cutanés, associés chez un même animal dans 20% à 30% des cas [60, 66]. Parmi les signes cutanés, de nombreux types de tableaux cliniques sont possibles. Le prurit est le symptôme le plus constant, localisé en particulier à la face et au cou mais pouvant être généralisé [169, 140]. Il est d’intensité variable, non saisonnier, et répond à la corticothérapie dans plus de 50% des cas [66]. Les lésions sont de nature variée : érythème, excoriations, croûtes, érosions, papules, alopécie symétrique ou localisée, otite externe, plaques éosinophiliques et dermatite miliaire sont décrits [60, 66, 170, 169, 140]. 54 Photo 8: chat atteint alimentaire (source ENVL). d’hypersensibilité Les signes digestifs décrits sont des vomissements et des diarrhées intermittentes. Les colites lymphoplasmocytaires pourraient être pour partie en rapport avec une intolérance alimentaire [170, 66]. Diagnostic L’examen histopathologique permet d’apporter des éléments en faveur d’une dermatite allergique mais ne permet pas de déterminer l’agent causal. Le diagnostic de quasi-certitude pourra être obtenu suite à la réponse favorable à un régime d’éviction. Pour identifier l’allergène en cause un test de provocation peut être essayé : les composants de la ration doivent être réintroduits isolément. Si l’allergène est introduit la réapparition des signes cliniques intervient dans les 4 à 72 heures. Néanmoins cette démarche est lourde et n’apporte pas une preuve absolue de la responsabilité d’un aliment dans le syndrome [170, 66, 60]. Pronostic Le pronostic est bon si l’allergène spécifique peut être exclu de la ration. L’utilisation d’aliments hyperdigestibles industriels permet en général une amélioration des lésions [170]. 2) La maladie d’Aujeszky Définition La maladie d’Aujeszky ou pseudorage est due à un virus de la famille des alpha-herpesvirus : le PRV (Pseudorabies Virus), qui est transmis aux carnivores 55 domestiques par les porcs (contact ou ingestion de viande ou d’abats). La transmission n’a pas lieu du chat vers un autre carnivore. C’est une encéphalomyélite d’évolution rapide et mortelle [162, 158]. La maladie d’Aujeszky est classée maladie réputée contagieuse (MRC) chez tous les Mammifères. Epidémiologie En France, le nombre annuel de foyers de maladie d’Aujeszky du chat est passé de 3 en 1975 à 39 en 1980. Le chat était alors le meilleur révélateur urbain de la maladie qui atteint essentiellement le porc. Pendant cette période une forte influence saisonnière a été notée avec une incidence maximale en hiver. Actuellement la France est indemne de maladie d’Aujeszky par la décision 2008/269/CEE du 19 mars 2008 [16]. Signes cliniques L’évolution clinique est toujours courte et se fait en général vers la mort en 24 à 48h. Le chat semblerait plus résistant à la maladie que le chien mais rares seraient les chats qui y auraient survécu [162]. L’incubation est de 3 à 5 jours. Le premier signe noté par le propriétaire est un changement de comportement (indifférence, léthargie). Le tableau clinique (voir tableau 6) est marqué par du ptyalisme et divers symptômes d’ordre neurologique dont des miaulements répétés et éventuellement de l’agressivité, il est donc important de faire le diagnostic différentiel avec la rage. Symptômes fréquence Ptyalisme 86 Miaulements répétés Prurit Prostration Troubles de la déglutition, régurgitations Mydriase, anisocorie Douleur abdominale Vomissements Agressivité Difficultés respiratoires Hyperexcitabilité Parésie Hérissement des poils 39 31 31 23 23 18 17 16 14 12 10 5 Tableau 6: symptômes signalés chez 100 cas de maladie d’Aujeszky du chat constatés en France entre 1975 et 1981 [158]. 56 Dans environ un tiers des cas, le chat est sujet à un prurit que l’on qualifie de démentiel, localisé à la tête, occasionnant des lésions majeures dues au grattage : érythème, excoriations et ulcérations. Diagnostic Quand le prurit céphalique est présent et complète le tableau clinique décrit cidessus, le diagnostic clinique est aisé. Le diagnostic expérimental peut être réalisé sur la tête ou les amygdales par isolement du virus sur culture de cellules [158]. Pronostic Le pronostic est très mauvais puisque l’évolution se fait vers la mort en 24 à 48h [162]. 3) Le lymphome cutané secondaire (cf B8a) D. Les maladies entraînant l’apparition de nodules et de tumeurs 1) Les métastases digitées d’adénocarcinome pulmonaire Définition Il existe quelques descriptions de tumeurs pulmonaires primitives à l’origine de métastases cutanées chez le chat. L’examen cytologique ou histologique d’une telle lésion cutanée peut permettre de suspecter une tumeur primitive interne. Epidémiologie Les tumeurs primitives du poumon sont rares dans l’espèce féline : elles représentent moins de 2% des tumeurs du chat [37]. Elles touchent les chats plutôt âgés (âge moyen de 10,8 ans mais un cas a été décrit chez un chat de 2 ans [37]), sans prédisposition de race ni de sexe. Dans la majorité des cas rapportés dans la littérature, la tumeur primitive était un adénocarcinome. Un épithélioma spinocellulaire a été mis en évidence chez quelques animaux. 57 Signes cliniques La localisation la plus fréquente des métastases est l’extrémité des membres, sous forme de nodules digités ulcérés et douloureux. La boiterie occasionnée constitue bien souvent le motif de consultation. Les lésions peuvent être uniques ou pluridigitées, sur un ou plusieurs membres. Une onychomadèse peut être notée. D’autres localisations sont décrites (tête, abdomen, lèvres, cuisses) en association avec les lésions digitées [117, 37]. Deux cas de métastase cutanée sur la paroi abdominale d’adénocarcinomes pulmonaires, sans lésion digitée, ont récemment été publiés [128, 39]. Des signes respiratoires sont rarement présents au moment de la consultation et peu de chats en développent au cours de l’évolution de la maladie. Au stade terminal, de nombreux signes non spécifiques peuvent être observés (anorexie, hyperthermie, perte de poids, vomissements, déshydratation). Diagnostic La radiographie des doigts atteints montre des images d’ostéolyse de la ou des phalanges et parfois une réaction périostée et une ostéoprolifération, ainsi qu’un gonflement des tissus mous. La radiographie thoracique met presque toujours en évidence une ou plusieurs masses pulmonaires correspondant à la tumeur primitive. L’examen histopathologique de biopsies cutanées montre toujours une infiltration tumorale ostéo-cutanée. L’origine respiratoire de l’épithélium retrouvé dans le tissu tumoral est plus ou moins évidente selon les cas, mais la recherche de matériel muqueux dans le cytoplasme des cellules tumorales à l’aide de la réaction de coloration à l’Acide Périodique de Schiff combiné avec le Bleu Alcian est toujours positive. L’examen nécropsique permet de confirmer la présence d’une tumeur pulmonaire, sous forme de nodules plus ou moins nécrotiques, infiltrant parfois la plèvre voire les nœuds lymphatiques trachéo-bronchiques. Pronostic Il est très sombre à court terme (tous les chats présentant des lésions digitées sont morts dans les 2 mois). 58 2) Les métastases cutanées de tumeurs mammaires Définition Des cas de métastases cutanées de tumeur mammaire chez le chat ont été décrits. Il est peu probable que ces métastases soient observées avant la tumeur primitive, mais leur découverte peut assombrir le pronostic, par exemple si elles apparaissent après une exérèse de la tumeur mammaire. Epidémiologie Les tumeurs mammaires sont les troisièmes tumeurs les plus rencontrées chez le chat (après les tumeurs cutanées et les tumeurs hématopoïétiques). Elles touchent les femelles dans 99% des cas, principalement des chattes de plus de 6 ans. Ces tumeurs sont le plus souvent malignes et métastasent dans 84% des cas dans les poumons [53]. Peu de cas de métastases cutanées sont décrits chez le chat dans la littérature. Signes cliniques Les métastases de tumeurs mammaires prennent fréquemment l’aspect de nodules rougeâtres progressivement coalescents formant des plaques. Cette présentation clinique ressemble souvent à des plaques éosinophiliques. Ces lésions peuvent être localisées sur le revêtement cutané proche de la tumeur mais aussi dans des régions plus lointaines comme les doigts [167, 117]. Chez une chatte, un nodule sous-cutané circonscrit de 0,5 cm situé entre les oreilles a été identifié histologiquement comme une métastase des tumeurs mammaires. Cette masse était apparue un an après la découverte des tumeurs mammaires [118]. Diagnostic L’exérèse de tumeurs mammaires dans les quelques mois à années précédentes est un élément anamnestique crucial, permettant d’émettre une suspicion. Le diagnostic de certitude repose sur l’examen histopathologique de biopsies lésionnelles mettant en évidence des cellules glandulaires pléomorphes indifférenciées ainsi que des images d’emboles lymphatiques [117]. 59 Pronostic Le pronostic est extrêmement sombre et tout traitement (radiothérapie, chimiothérapie) ne sera que palliatif. L’espérance de vie est très réduite [117]. 3) Les métastases cutanées d’hémangiosarcomes viscéraux Définition Les hémangiosarcomes sont des tumeurs malignes de l’endothélium vasculaire. Deux entités sont classiquement distinguées : les hémangiosarcomes viscéraux et cutanés. Toutes deux ont tendance à métastaser dans l’organisme, et lorsqu’un hémangiosarcome cutané est mis en évidence il est important de définir s’il s’agit d’une tumeur primaire ou d’une métastase d’hémangiosarcome viscéral, comme observé dans certains cas d’angiosarcome chez l’homme [83]. En effet le pronostic est beaucoup plus sombre dans le cas d’un hémangiosarcome viscéral. Epidémiologie L’hémangiosarcome viscéral est une affection rare chez le chat (la prévalence est évaluée à 0,04%). Il touche surtout le foie, la rate, les intestins et les nœuds lymphatiques mésentériques. La moyenne d’âge est de 10 ans environ, aucune prédisposition raciale ni sexuelle n’a été constatée [26]. Signes cliniques Les signes généraux sont le plus souvent non spécifiques (anorexie, léthargie), parfois des signes en rapport avec une anémie peuvent être présents (pâleur des muqueuses, tachycardie, souffle cardiaque, tachypnée) [26]. Les métastases cutanées prennent l’aspect de nodules uniques ou multiples disséminés, dermiques ou sous-cutanés. Diagnostic La biopsie cutanée permet d’identifier la nature de la tumeur. Les examens d’imagerie (radiographies thoraciques et abdominales, échographie abdominale) peuvent permettre de localiser le site primitif de la tumeur mais parfois ceci demeure difficile. 60 Pronostic Le pronostic des hémangiosarcomes viscéraux est très sombre. Peu d’essais de traitement par exérèse de la tumeur primitive et chimiothérapie sont rapportés chez le chat, il est donc difficile de savoir s’il est possible d’allonger significativement le temps de vie. 4) La leishmaniose Définition La leishmaniose est une protozoose infectieuse et inoculable due à la multiplication, au sein du système des phagocytes mononucléés, d’un flagellé, Leishmania infantum, transmis essentiellement par la piqûre de diptères psychodidés du genre Phlebotomus. Elle est bien connue chez le chien, qui est une espèce réservoir, mais beaucoup moins chez le chat [14]. Epidémiologie Cette maladie est observable dans de nombreux pays méditerranéens dans lesquels elle sévit de manière endémique. Son caractère zoonotique en fait une maladie d’importance majeure. Le rôle du chat en tant que source de parasites reste inconnu dans les conditions naturelles. Environ 35 cas de leishmaniose ont été décrits dans la littérature. Les chats étaient d’âges variés (de 4 mois à 15 ans). Aucun facteur d’immunodépression n’a pu être identifié, ce qui peut paraître surprenant en comparaison avec la leishmaniose humaine [163]. Signes cliniques La leishmaniose féline peut se manifester par des signes généraux, seuls ou en association avec des signes cutanés et oculaires. Sur les 35 cas répertoriés, 20 présentaient des signes généraux tels qu’un amaigrissement, une adénomégalie, un abattement et une dysorexie, parfois une hyperthermie ou encore des troubles digestifs (3 cas). Des signes oculaires ont été observés chez 6 chats, avec principalement une uvéite (uni ou bilatérale), parfois une kératite ou une choriorétinite. Parmi les 35 cas, 33 présentaient des lésions cutanées, sous l’aspect le plus souvent d’une dermatose nodulaire ou ulcérative de la face, non prurigineuse. La nature et la localisation des lésions sont détaillées dans les tableaux 7 et 8. 61 Localisation Truffe Oreilles Tête (chanfrein, région mandibulaire, front, cou) Région péri-oculaire Région buccale Membres Lésions diffuses sur l’ensemble du corps Région lombaire Thorax Abdomen Nombre de cas observés 14 12 9 6 6 5 4 3 2 1 TOTAL Tableau 7 : localisation des lésions cutanées de leishmaniose féline. Nature des lésions Ulcères Nodules Papules, pustules, croûtes Alopécie, dépilations Stomatite, gingivite Erythème Squamosis Dermatite miliaire Effluvium télogène TOTAL Tableau 8 : Nature des lésions cutanées de leishmaniose féline. 33 Nombre de cas observés 16 16 7 6 5 2 2 1 1 33 Photo 9 : lésions auriculaires de leishmaniose (source : ENVL) 62 Diagnostic Les examens hématologiques et biochimiques ont donné des résultats inconstants, néanmoins une neutrophilie et une éosinophilie ont parfois été notées. L’électrophorèse des protéines sériques a montré une hyperglobulinémie chez tous les chats testés [163]. Le diagnostic de certitude peut être histopathologique (biopsies cutanées) ou parasitologique (myélogramme) [14]. Pronostic Le pronostic est réservé à mauvais sans traitement (sur 15 cas n’ayant reçu aucun traitement, 7 sont morts spontanément). L’exérèse des lésions seules est insuffisante et les chats présentent des rechutes. L’allopurinol semble être la meilleure option thérapeutique : les 4 chats qui ont reçu un traitement avec cette molécule ont présenté une guérison clinique [14, 163]. 5) Les mycobactérioses a. La tuberculose Définition La tuberculose est une maladie infectieuse due à des mycobactéries (Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium bovis, Mycobacterium avium et Mycobacterium microti) [108, 111, 145, 88]. Epidémiologie La tuberculose est une maladie cosmopolite. Les chats à risque sont, en zone d’endémie, les chats qui consomment du lait ou de la viande contaminés ou qui vivent au contact d’un propriétaire malade [145]. La contamination pourrait se faire par morsure d’une proie infectée, et par le sol pour M. avium [88]. Les chats infectés par le FeLV et/ou le FIV et en phase d’immunodéficience sont a priori des animaux à risque (par analogie avec l’homme), bien qu’en France les cas de tuberculose féline ne semblent pas associés aux infections par ces rétrovirus [12]. L’incidence des cas chez le chat a diminué avec celle des cas chez l’homme et le bétail [145, 111]. En 2000 la France a été déclarée officiellement indemne de tuberculose bovine. Cependant, depuis 2001, l’infection a été identifiée plusieurs fois chez des ongulés 63 sauvages. En 2005-2006 la prévalence apparente de M. bovis a atteint plus de 30% chez le sanglier [71]. En parallèle, une recrudescence des cas chez l’homme est constatée [12]. On peut donc s’attendre à voir réapparaître la tuberculose chez le chat. Signes cliniques Les symptômes généraux peuvent se manifester par de l’hyperthermie, de l’anorexie, de l’abattement et un amaigrissement, une adénopathie et des signes respiratoires [145, 93, 12, 111]. Des signes cutanés ne sont pas systématiquement observés : sur 12 chats infectés par M. bovis au Royaume-Uni en 2005, 6 seulement présentaient des lésions cutanées [110]. Ces lésions peuvent être des ulcères atones uniques ou multiples, des abcès, des plaques et des nodules. Les nodules peuvent être strictement cutanés ou adhérents au plan sous-jacent. Ils peuvent fistuliser et un pus épais jaune à verdâtre d’odeur désagréable peut s’écouler [93, 145]. Des cas d’infections localisées à Mycobacterium avium ont été décrits. Un chat a notamment présenté une masse d’un coussinet avec des trajets fistuleux. Malgré l’aspect local de l’infection ce chat a dû être euthanasié car il n’y avait aucune réponse au traitement [108]. Un autre chat a présenté une masse périnasale qui a été retirée chirurgicalement après plusieurs échecs thérapeutiques. Le chat a présenté une récidive plus d’un an après (multiples nodules sur la face) et a dû lui aussi être euthanasié [151]. Diagnostic Le diagnostic de tuberculose est très difficile à obtenir. En effet, le clinicien doit utiliser des méthodes d’investigation variées (cliniques, radiologique, bactériologique, histologique…). Pour des raisons encore inconnues, la tuberculine n’induit pas suffisamment d’inflammation au point d’injection pour être utilisée chez les carnivores domestiques. Le diagnostic sérologique n’est pas utilisable non plus en raison de nombreuses réactions croisées [145, 12]. La seule méthode permettant un diagnostic de certitude est l’examen bactériologique, sachant que l’identification des mycobactéries demande plusieurs semaines [12]. Pronostic L’euthanasie est fortement recommandée lors de diagnostic de tuberculose chez un chat en raison des risques de santé publique que celui-ci représente. En 64 effet le chat est potentiellement contagieux pour l’homme et les problèmes d’antibiorésistance sont de plus en plus fréquents [12]. b. La lèpre Définition Historiquement, l’agent causal de la lèpre féline était supposé être Mycobacterium lepraemurium, qui est à l’origine d’infections systémiques chez le rat. Récemment, les méthodes d’analyse moléculaire ont été utilisées pour explorer la pathogénie de la lèpre. Des études ont montré que le syndrome de la lèpre féline était en fait dû à plusieurs microorganismes différents. M. avium et M. visibilis ont notamment été identifiés chez des chats présentant des lésions typiques de lèpre [102, 45]. L’étude sera ici réduite à l’infection par M. lepraemurium. Epidémiologie La prévalence est plus importante dans les zones du monde tempérées et humides comme le Canada, le Nord Ouest des Etats Unis, la Nouvelle Zélande, le Royaume Uni et les Pays Bas, en particulier dans les zones portuaires. Les chats se contaminent probablement par la morsure de rongeurs infectés [93, 102]. Généralement les chats sont jeunes (moins de 4 ans) [102]. Signes cliniques Initialement, la lèpre s’exprime par une dermatose nodulaire atteignant les membres. Les lésions progressent rapidement et parfois les nodules s’ulcèrent, ils sont indolores et non adhérents au plan sous-jacent. Les lésions ont tendance à réapparaître après une exérèse chirurgicale et peuvent se généraliser en quelques semaines [102]. Elles touchent souvent la tête et le tronc [93]. Une lymphadénopathie régionale est assez fréquente mais la dissémination de l’infection aux organes internes est rare [93]. Diagnostic L’aspiration à l’aiguille fine ou la biopsie de nodules peut permettre d’observer les mycobactéries grâce à une coloration de Ziehl Neelsen. M. lepraemurium ne peut 65 pas être cultivée facilement et rapidement, l’usage de techniques moléculaires apporte donc un avantage certain [102]. Pronostic Lorsque l’infection est dépistée tôt, quand les lésions sont localisées et qu’une exérèse chirurgicale large des tissus infectés est réalisée, le pronostic est bon [102]. Un cas de rémission spontanée chez un chat atteint de lèpre a été décrit [139]. c. Les mycobactérioses atypiques Définition Des infections par des mycobactéries autres que les agents responsables de la tuberculose et de la lèpre ont été observées chez l’homme et chez de nombreuses espèces animales dont le chat. Ces mycobactéries atypiques sont le plus souvent des bactéries du groupe IV dans la classification de Runyon (Mycobacterium fortuitum, M. chelonei, M. phlei et M. smegmatis) mais aussi du groupe III (M. xenopi et M. ulcerans). Le groupe III comprend des bactéries à croissance lente tandis que les mycobactéries du groupe IV ont une croissance rapide [112, 93, 145]. Epidémiologie La plupart de ces mycobactéries sont ubiquistes, elles se trouvent en particulier dans les eaux et les sols et ne sont pas pathogènes dans des circonstances normales. Cependant les chats semblent être plus susceptibles que les autres espèces de développer une infection cutanée mycobactérienne, et dans l’anamnèse une blessure ou une morsure précède souvent l’apparition des lésions [112, 93, 168]. Signes cliniques Les lésions cutanées se caractérisent par des trajets fistuleux et des ulcères chroniques et récurrents, mais aussi éventuellement par des macules prurigineuses ou des nodules évoluant vers des ulcérations [93, 168, 145, 112]. Les lésions peuvent être douloureuses ou non, et les nœuds lymphatiques régionaux peuvent être hypertrophiés [93, 168]. Les lésions peuvent être situées n’importe où sur le corps du chat mais sont le plus souvent observées au niveau de l’abdomen et en région inguinale [93, 145, 103, 168]. Les signes systémiques ne sont pas de règle dans ces infections mais sont parfois observés une hyperthermie, une anorexie, une adénomégalie généralisée 66 [145, 93, 103]. Parfois des infections disséminées se produisent sans lésions cutanées [93]. Photo 10 : chat atteint de mycobactériose (photo : Duperray) Une autre espèce de mycobactérie, Mycobacterium genavense, a été identifiée comme l’agent d’une infection disséminée chez un chat FIV-positif. De nombreux tissus étaient atteints : peau, poumons, rate, foie, reins et nœuds lymphatiques. Ce germe a été mis en évidence chez l’homme chez des patients atteints du SIDA ainsi que chez diverses espèces d’oiseaux et chez un chien [80]. Diagnostic Un examen cytologique de pus ou l’examen histopathologique de biopsies lésionnelles permettent d’observer des bacilles acido-alcoolo-résistants grâce à une coloration spécifique de type Ziehl-Neelsen modifié. L’examen bactériologique peut permettre l’identification d’espèce. Le temps nécessaire à la culture dépend du type de mycobactérie (groupe III ou IV de Runyon). Pronostic Le pronostic de l’infection opportuniste mycobactérienne est toujours réservé, en particulier lorsque les lésions sont étendues ou multiples [145]. Chez un chat avec des lésions peu importantes, une exérèse chirurgicale combinée avec une 67 antibiothérapie spécifique pendant une longue période permettent généralement un rétablissement de l’animal. 6) La peste Définition La peste est une maladie bactérienne de l’homme et du chat due à Yersinia pestis, un coccobacille Gram négatif de la famille des Enterobacteriaceae. Cette bactérie figure sur la liste des micro-organismes suivis dans le cadre de la vigilance anti-bioterrorisme [100, 91, 114]. Epidémiologie Absente en Europe, la peste reste bien présente en Amérique, en Asie et en Afrique. La majorité des cas sont décrits en Californie, dans le Colorado, en Arizona et au Nouveau Mexique. De 1977 à 2001, 294 chats ont été reconnus atteints de peste aux Etats-Unis. Entre 1977 et 1994, sur 251 cas de peste humaine, 15 sont liés à des contaminations par des chats soit 6% [114]. Les rongeurs sont les hôtes naturels de la bactérie. Le chat se contamine soit par contact avec un rongeur malade, soit après une piqûre par une puce de rongeur [114, 91, 100]. Des chats de tous âges peuvent être atteints [36]. Signes cliniques Il existe trois formes cliniques de la maladie. La forme bubonique est la plus fréquente chez le chat (environ 50% des cas) [145]. Elle se caractérise par une lymphadénite suppurée des nœuds lymphatiques submandibulaires, cervicaux et rétropharyngés, une hyperthermie de 40,6°C à 41,2°C, une déshydratation et de l’hyperesthésie. D es abcès se forment sur la tête, le cou et les membres [100, 145, 91, 36]. La forme septicémique, qui peut se développer en parallèle avec les bubons, implique la dissémination par voie hématogène des bactéries à l’ensemble des organes internes. Les poumons sont les organes les plus souvent touchés chez le chat. Les signes cliniques sont ceux du choc septique (fièvre, anorexie, vomissements, diarrhée, tachycardie, hypotension, et leucocytose marquée). La septicémie est généralement fatale en 1 à 2 jours [100]. 68 La forme pulmonaire peut se développer secondairement à la peste septicémique. Les chats ne présentent normalement pas la peste pulmonaire primaire [100]. Cette forme concerne environ 10% des cas [145]. Enfin, des signes atypiques sont décrits tels qu’une stomatite nécrotique, des ulcérations de la face, une distension abdominale, un poil de mauvaise qualité et de l’épiphora [100]. Diagnostic Dans les zones d’endémie, tout chat fébrile ou présentant des abcès doit être suspect de peste et le personnel doit se protéger (port de gants, masques). En cas de peste pulmonaire, les lésions pulmonaires peuvent être appréciées par radiographie. L’examen sérologique isolé ne permet pas de différentier la maladie active d’une exposition ancienne. La confirmation doit être faite par culture bactériologique sur de l’exsudat ou sur du matériel recueilli par aspiration des nœuds lymphatiques hypertrophiés [100, 145]. Pronostic Le taux de mortalité chez les chats approche les 75% sans traitement. Avec un traitement adapté et mis en place précocement, le taux de survie est d’environ 90% [145]. Normalement, au bout de 72h de traitement, l’animal n’est plus contagieux [114]. 7) Les mycoses profondes (cf B 6) 8) Les infiltrations lymphocytaires (cf B 8) 9) La toxoplasmose Définition La toxoplasmose est une protozoose infectieuse due à la multiplication et à l’action pathogène de Toxoplasma gondii dans les cellules du système des phagocytes mononucléés. C’est une zoonose majeure pour laquelle le vétérinaire joue un rôle important dans le domaine de la santé publique. 69 Le chat a une importance toute particulière dans le cycle biologique du parasite puisque les félidés sont les seules espèces à exercer le rôle d’hôte définitif. Le chat est dans ce cas atteint de coccidiose toxoplasmique : le parasite réalise sa multiplication sexuée dans les entérocytes. Cependant, le chat peut aussi être un hôte intermédiaire et donc être atteint de toxoplasmose au sens strict : les tachyzoïtes puis les bradyzoïtes sont retrouvés en localisation exentérale (au sein de tous types de cellules sauf les hématies) [9]. Epidémiologie En Europe, la prévalence sérologique chez l’homme varie de 10% à plus de 50% selon les pays [9]. Chez le chat, diverses enquêtes en France permettent d’estimer la prévalence à 30%, et jusqu’à 55% en milieu rural [96]. Le chat se contamine soit par ingestion d’ookystes sporulés, soit par ingestion de kystes présents dans les tissus d’autres hôtes intermédiaires (consommation de viande crue distribuée par le propriétaire ou de proies contaminées). La contamination transplacentaire est également possible [9, 34]. Des chats de tous âges peuvent développer une toxoplasmose clinique mais les jeunes de moins d’un an sont plus susceptibles de le faire. Les affections intercurrentes et un état d’immunodépression sont également des facteurs de risque [33]. Signes cliniques Les signes cliniques de la toxoplasmose chez le chat sont nombreux et variés. Les signes généraux non spécifiques sont fréquents, avec de l’anorexie, de l’hyperthermie, de la léthargie et une perte de poids. Des signes respiratoires peuvent être observés tels que dyspnée, polypnée, augmentation des bruits respiratoires à l’auscultation pulmonaire, rhinite. Les chats peuvent présenter des vomissements et de la diarrhée, un ictère et la palpation abdominale peut être inconfortable en relation avec une pancréatite ou une hépatite. D’autres manifestations cliniques ont fréquemment été rapportées : troubles nerveux (ataxie, modification du comportement, tremblements, anisocorie, cécité…), oculaires (choriorétinite, glaucome, uvéite antérieure…) ou encore cardiaques (arythmie). Des formes néonatales sont possibles [33, 34]. De rares cas de signes cutanés de toxoplasmose féline sont décrits : de nombreux petits nodules sous-cutanés parfois ulcérés ont été observés sur des chats ayant présenté d’autres manifestations cliniques de la maladie [33, 3]. Dans le cas décrit par Anfray et coll., le chat a d’abord présenté quatre nodules au niveau du tronc. L’examen cytologique n’ayant pas permis d’identifier les toxoplasmes, un traitement à base de corticostéroïdes a été mis en place. L’état de 70 l’animal s’est rapidement aggravé et plus de cent nodules ulcérés et non ulcérés ont été comptabilisés. Certains de ces nodules étaient croûteux, d’autres présentaient un exsudat jaunâtre [3]. Diagnostic Les examens biochimiques mettent généralement en évidence une hypoprotéinémie et une hypoalbuminémie. L’activité de l’alanine aminotransférase et de l’aspartate aminotransférase est très souvent augmentée [33, 34]. L’examen cytologique peut permettre d’observer des tachyzoïtes dans divers fluides et tissus en phase aiguë. Cependant ils sont rarement détectés dans le sang, dans les prélèvements issus de cytoponction et dans les liquides de lavage bronchoalvéolaire. Par contre ils sont plus fréquemment retrouvés dans les liquides d’épanchement [34]. Chez les chats présentant des nodules, l’examen histopathologique peut permettre de mettre en évidence une dermatite nécrotique avec une vasculite, et éventuellement des protozoaires [3]. La PCR a également été utilisée pour mettre en évidence T. gondii dans les nodules [3]. Pronostic Le pronostic dépend des organes atteints et de la rapidité de la mise en place du traitement. En effet la maladie évolue selon un mode aigu et la mort survient en général en moins de 2 semaines [34]. 10) La poxvirose (cf B 2) E. Les maladies entraînant une anomalie de couleur de la peau 1) Le purpura thrombopénique auto-immun Définition Le purpura est une tache rouge sombre qui ne s’efface pas à la vitro-pression et qui traduit une extravasation des globules rouges en dehors des vaisseaux 71 dermiques [67]. Il peut, de manière exceptionnelle, être observé chez des chats présentant une thrombopénie auto-immune. Epidémiologie De rares cas de trombopénie auto-immune sont décrits chez le chat dans la littérature, parfois associés à l’évolution d’une anémie hémolytique à médiation immune (syndrome d’Evans) [86] ou d’un lupus érythémateux systémique [82, 47]. Les chats sont d’âge, de sexe et de race variables. Signes cliniques Les principaux signes généraux remarquables sont de nature hémorragique : hématurie, hémoptysie, épistaxis. Parfois des signes d’anémie peuvent être présents (muqueuses pâles, souffle cardiaque anémique), ou encore des signes non spécifiques quand la maladie évolue dans la chronicité (baisse d’appétit, amaigrissement) [49, 10]. Parmi les 4 chats atteints de thrombopénie auto-immune de l’étude de Bianco (2008), un seul chat a présenté du purpura, qui se manifestait par des pétéchies sur les pavillons auriculaires, la paroi abdominale et la langue. Si l’on compare les analyses hématologiques des 4 chats décrits, n’y a pas de corrélation entre le taux de plaquettes et l’apparition de pétéchies [10]. Le chat décrit par Garon (1999) a présenté des pétéchies seulement sur les oreilles [49]. Diagnostic Une thrombopénie détectée par comptage automatique chez un chat doit toujours être confirmée par comptage manuel sur un frottis sanguin. En effet les plaquettes du chat sont de taille très variable et ont une forte tendance à s’agréger. Le frottis sanguin permet en outre de repérer des mégathrombocytes, évocateurs d’une régénération. L’observation de la lignée mégacaryocytaire sur un myélogramme permet de confirmer le caractère régénératif de la thrombopénie. La médiation immune peut être mise en évidence par le test de libération du facteur plaquettaire 3 (PF-3). Pour déterminer l’origine auto-immune, on procède ensuite à un diagnostic d’exclusion [32]. Pronostic Il est difficile de définir un pronostic au vu du faible nombre de cas décrits dans la littérature. Le chat décrit par Garon est décédé d’une maladie non liée à la 72 thrombopénie auto-immune 15 mois après le diagnostic [32]. Parmi les 4 chats de l’étude de Bianco et al, un seul a du être euthanasié parce qu’il ne répondait pas au traitement. Les 3 autres (dont le chat qui présentait du purpura) ont été stabilisés sous corticoïde ou sous cyclosporine, mais ont tous 3 présenté de nombreuses rechutes, en particulier lorsque le dosage a été diminué [10]. 2) Le lupus érythémateux systémique (cf B 5) F. Les maladies entraînant une modification de structure de la peau 1) L’hypercorticisme Définition L’hypercorticisme (ou syndrome de Cushing) est une maladie endocrinienne due à une sécrétion excessive de cortisol par les glandes surrénaliennes et pouvant survenir de manière spontanée ou iatrogène [23, 74]. Epidémiologie L’hypercorticisme est beaucoup plus rare chez le chat que chez le chien [107]. Environ 20% des cas spontanés décrits chez le chat sont dus à une tumeur sécrétante de la glande surrénale, les autres à un adénome ou à un adénocarcinome pituitaire. La forme iatrogène semble, elle aussi, moins fréquente chez le chat que chez le chien, peut être à cause d’une affinité moins importante des récepteurs pour les corticostéroïdes [74]. L’hypercorticisme spontané se retrouve chez des chats plutôt âgés (10 ans en moyenne). Aucune prédisposition raciale n’est mise en évidence, par contre les femelles seraient plus à risque [74, 23]. Signes cliniques Les signes cliniques sont semblables dans les formes spontanées et iatrogènes [94]. Les plus fréquents sont une polyuro-polydipsie, une polyphagie, un abdomen 73 ptosique, une hépatomégalie et une fonte musculaire malgré un gain de poids global, une insulino-résistance dans près de 80% des cas et des affections récurrentes de l’appareil respiratoire supérieur [107, 23]. Les signes cutanés incluent une peau fine et excessivement fragile pouvant se déchirer lors d’une contention classique, un pelage de mauvaise qualité, une hyperpigmentation, une séborrhée, des comédons, une augmentation de la fréquence d’apparition de contusions et d’abcès et une alopécie bilatérale et symétrique du tronc et de l’abdomen [107, 74, 23, 94]. Diagnostic Le diagnostic de l’hypercorticisme chez le chat est assez délicat car les méthodes diagnostiques ne sont pas standardisées dans cette espèce. Le test de stimulation à l’ACTH est probablement le plus fiable [107], néanmoins il est recommandé de prélever deux échantillons sanguins post-stimulation car le délai d’apparition du pic de cortisol est variable chez le chat [74]. Le test de freinage à la dexaméthasone faible dose est aussi un examen de choix [23]. L’échographie abdominale peut permettre de mettre en évidence une tumeur d’une glande surrénale ou une hyperplasie bilatérale suggérant un hypercorticisme d’origine hypophysaire [74]. Pronostic Le pronostic de l’hypercorticisme chez le chat reste réservé ; les traitements médicaux ont un taux de succès limité et la surrénalectomie est parfois délicate compte tenu de la baisse de l’état physiologique des chats malades [74]. Dans l’hypercorticisme iatrogène, le temps moyen de régression des symptômes après l’arrêt des corticoïdes est de 5 mois [94]. Le syndrome de fragilité cutanée semble irréversible. 2) Les mucopolysaccharidoses Définition Les mucopolysaccharidoses sont des maladies héréditaires caractérisées par une anomalie du catabolisme des glycosaminoglycanes aboutissant à l’accumulation intracellulaire de mucopolysaccharides. Ces maladies sont bien connues chez l’homme : douze types différents de mucopolysaccharidose sont distingués sur la base de critères cliniques, biochimiques et enzymatiques. Chez le chat les types I, VI et VII ont été identifiés. Le type I correspond à un déficit en alpha-L-iduronidase, en 74 arylsulfatase B dans le type VI et en beta-glucuronidase dans le type VII [48, 107, 121]. Epidémiologie Le type VI se transmet selon un mode autosomal dominant chez le Siamois. Les types I et VII ont été décrits chez des chats européens [144, 121]. Signes cutanés Les chatons atteints ont typiquement la face large et plate, des petites oreilles, une opacification cornéenne diffuse, une atrophie rétinienne, des déficits neurologiques et des déformations du squelette associés à des troubles locomoteurs [121, 107, 48, 99, 144]. Les signes cutanés rapportés sont surtout une peau plus fine que chez un chat normal, mais également des nodules localisés à la tête et un gonflement des paupières [121, 107]. Diagnostic Le diagnostic est basé sur la mise en évidence de fortes concentrations en mucopolysaccharides dans les urines (« spot test » au bleu de Toluidine) et la mesure d’activité des enzymes en utilisant une culture de fibroblastes cutanés ou des leucocytes sanguins [121, 107, 48]. Pronostic Il n’existe aucun traitement. Le pronostic est difficile à estimer car des chats atteints ont parfois vécu jusqu’à 5 ans [48]. G. Les maladies favorisant les affections opportunistes cutanées 1) Les rétroviroses Définition Les rétroviroses félines sont des maladies virales dues à des virus de la famille des Retroviridae : le virus de l’immunodéficience féline (FIV), qui appartient à la 75 sous-famille des Lentivirinae, et le virus de la leucose féline (FeLV), qui appartient à la sous-famille des Oncovirinae. Ces virus ont une caractéristique commune à l’origine de leur pathogénie chez le chat : ils produisent une transcriptase inverse qui copie l’ARN génomique en ADN qui peut s’insérer dans le génome de l’hôte. L’infection rétrovirale est à l’origine d’anomalies quantitatives et qualitatives de la lignée leucocytaire, ce qui a de nombreuses conséquences cliniques dont l’installation d’une immunodéficience [119, 22, 98, 77, 73]. Les infections par le FIV et le FeLV seront étudiées en parallèle car plusieurs études importantes analysent conjointement le rôle de ces rétrovirus dans certaines dermatoses. Epidémiologie Le FIV est principalement transmis par morsure ; les chats mâles entiers ayant accès à l’extérieur sont les plus touchés par l’infection. Après l’infection le virus entre en phase de latence. La durée de cette phase peut varier en fonction de la souche virale et de l’âge du chat au moment de l’infection ; la moyenne d’âge au moment de l’apparition des signes cliniques a été évaluée à 10 ans. Depuis la découverte du virus en 1986, les études sérologiques ont montré que l’infection était endémique dans le monde entier, avec une prévalence variant de 1 à 16% selon les régions (2,5% en Amérique du Nord) [77, 119]. Le FeLV se transmet par contact prolongé avec les sécrétions nasales ou la salive d’un chat infecté. Des chats qui mangent ou boivent à la même source peuvent par exemple se transmettre le virus. Les chats mâles entre 1 et 6 ans et ayant accès à l’extérieur sont les plus touchés. L’infection est répartie mondialement, la séroprévalence est variable selon les régions et selon les populations de chats testées : elle est généralement inférieure à 1% chez des chats vivant seuls en maison et peut dépasser les 20% chez des chats vivant en groupe et sans mesures de prévention spécifiques [98, 119]. Signes cliniques Les signes cliniques de l’infection par un rétrovirus peuvent être dus aux effets directs du virus ou à des infections secondaires faisant suite à l’installation d’une immunodéficience [119]. Les signes cliniques dus à l’action directe du FIV incluent une hyperthermie, un amaigrissement, une diarrhée chronique, une glomérulonéphrite et une insuffisance rénale, une adénomégalie, des anomalies majeures de l’hémogramme (anémie non régénérative, neutropénie et thrombopénie), une uvéite antérieure et des manifestations neurologiques (nystagmus, ataxie, anomalies des nerfs périphériques…) [119, 148]. 76 L’action pathogène du FeLV est à l’origine de signes non spécifiques tels qu’anorexie, abattement et perte de poids, parfois de vomissements et de diarrhée. Des avortements et une infertilité peuvent être observés. Une anémie non régénérative accompagnée ou non d’une leucopénie et d’une thrombopénie n’est pas rare. Le virus possède un rôle oncogène majeur, induisant le plus souvent un lymphome malin [119, 148]. Les infections secondaires se manifestent le plus souvent par une rhinite, une pneumonie, une entérite, une stomatite ou une infection du bas appareil urinaire. Le chat présente aussi un risque accru de développer des processus tumoraux malins [119]. Une étude a montré que les chats infectés par le FeLV ou le FIV arboraient une plus grande diversité de la flore fongique au niveau de la peau et des muqueuses que les autres. Malassezia spp était notamment plus fréquemment trouvé chez ces chats [149]. Dans certaines dermatoses parasitaires comme la démodécie, les rétroviroses sont reconnues comme des facteurs à risque dès lors que l’infection provoque un état d’immunodéficience [63, 107]. L’existence de dermatoses opportunistes liées au FIV n’a pas été prouvée, seuls des cas isolés d’association entre ce rétrovirus et des dermatoses réputées opportunistes chez l’homme ont été publiés. Abcès, dermatite pustuleuse, dermatite miliaire chronique, otite externe, infestations généralisées à Notoedres ou à Demodex, dermatophytose généralisée, mycobactériose cutanée atypique ou encore fibrosarcome ont été décrits en association avec le FIV [72, 107, 119, 65, 148]. Les mycoses ne sont pas plus fréquentes chez les chats atteints par le FIV, mais elles sont souvent plus sévères cliniquement et plus riches en éléments fongiques, et elles guérissent plus lentement voire incomplètement [65]. De même, une otite externe ou une dermatite miliaire qui se développe à la faveur d’une allergie ou d’un parasite est plus difficile à traiter chez un chat infecté par un rétrovirus du fait des infections bactériennes secondaires [73]. Une dermatose à cellules géantes a été décrite chez des chats infectés par le FeLV. Les lésions étaient érosives, croûteuses, prurigineuses et leur distribution variable, mais la tête était impliquée dans tous les cas. Les membres, les coussinets, le tronc et les jonctions cutanéo-muqueuses de l’anus et du prépuce étaient fréquemment atteintes. A l’examen histologique, des kératinocytes géants ressemblant à des cellules syncitiales ont été observés [59, 40]. 77 Diagnostic Un lymphome ou une anémie arégénérative sont classiquement associés à une infection par le FeLV. Une infection rétrovirale doit aussi être suspectée en cas d’hyperthermie persistante, de polyadénomégalie ou de leucopénie [22]. Le diagnostic de l’infection par le FIV est basé sur la mise en évidence de la présence d’anticorps spécifiques dans le sang d’un chat suspect. Les tests ELISA sont très sensibles mais tout test positif devrait être confirmé par la méthode Western blot qui est plus spécifique, ou par RT-PCR [107, 22, 119]. Les chatons peuvent posséder des anticorps colostraux pendant plusieurs mois, le test ELISA ne convient donc pas à des chatons de moins de 6 mois [119]. Il convient d’être prudent dans l’interprétation d’un test ELISA négatif : les anticorps peuvent être absents en début d’infection même chez un animal présentant des signes cliniques et biologiques avérés. Le test peut éventuellement être renouvelé après 8 semaines (délai de séroconversion) [22]. L’infection par le FeLV est diagnostiquée par détection de l’antigène p27 dans le sérum par un test ELISA [107, 73]. Comme ce test met en évidence la présence d’antigènes et non d’anticorps, des chats de tous âges peuvent être testés et la vaccination n’interfère pas. L’immunofluorescence directe est également utilisable, elle permet de détecter les antigènes p27 associés aux cellules. Elle peut être utilisée pour confirmer un résultat positif et signe une virémie persistante. La méthode PCR est indiquée lorsque le test ELISA est négatif afin de détecter un faux négatif (par exemple lors d’infection latente). La moelle osseuse est le prélèvement idéal pour ce test [73]. Pronostic L’espérance de vie d’un chat atteint par le FeLV et virémique persistant est de 2 à 3 ans [119]. Avec un bon suivi médical permettant de diagnostiquer et de traiter les infections et des mesures d’hygiène, les chats infectés par le FIV ou le FeLV peuvent bénéficier d’une qualité de vie satisfaisante pendant plusieurs années [22]. 2) Le diabète sucré Définition Le diabète sucré est défini comme un groupe de maladies métaboliques caractérisé par une hyperglycémie due à un déficit de sécrétion d’insuline et/ou à un défaut d’action de celle-ci. Trois types de diabète sucré sont distingués chez l’homme 78 et chez l’animal. Le type 2 est de loin le plus fréquent chez le chat, il correspond à un phénomène d’insulinorésistance caractérisée par une sécrétion inappropriée et à une action inadaptée de l’insuline. Une minorité de chats présente une forme de diabète résultant de la destruction non spécifique du tissu pancréatique (pancréatite, adénocarcinome pancréatique) ou encore d’un hypercorticisme spontané [55, 137]. Epidémiologie Le diabète sucré est, avec l’hyperthyroïdie, l’une des deux endocrinopathies les plus fréquentes chez le chat âgé de 7 ans ou plus. La prévalence a été évaluée entre 1/50 et 1/400 selon les populations étudiées. L’affection est fréquemment diagnostiquée chez des chats mâles de plus de 9 ans. Le manque d’activité physique et l’obésité semblent, comme chez l’homme, être des facteurs à risque [55, 137, 107, 119]. Signes cliniques Les symptômes les plus couramment rapportés par les propriétaires sont une polyuro-polydipsie, une perte de poids, une baisse d’activité et un abattement, une anorexie ou au contraire une polyphagie, des vomissements et/ou une diarrhée. A l’examen clinique, une fonte musculaire et une déshydratation sont notées dans la moitié des cas. Le chat peut être en hypothermie ou en hyperthermie, à la palpation l’abdomen peut être douloureux et une hépatomégalie peut parfois être objectivée. Une démarche plantigrade, due à une neuropathie périphérique, est observée chez environ 5% des chats. Enfin, un ictère peut être noté [25]. La cataracte diabétique est rare chez le chat [55]. Dans environ la moitié des cas, le chat présente un poil piqué [25]. Le chat ne se toilette plus correctement, son poil est terne et une séborrhée grasse ou sèche est observable [119, 107]. Une alopécie symétrique ventrale est rarement notée. Les autres manifestations cutanées du diabète sont des affections à caractère opportuniste telles qu’une démodécie, une cheyletiellose, une dermatophytose, une pyodermite ou une otite externe cérumineuse [116, 107, 173]. Enfin, dans de rares cas, une xanthomatose peut survenir chez le chat diabétique (lorsque la composition et/ou la concentration des lipides plasmatiques sont anormales). Elle se manifeste par des nodules sous-cutanés ou des papules blanchâtres à érythémateuses multiples dont la distribution est généralisée [107]. Les coussinets et les espaces interdigités sont fréquemment atteints [173]. 79 Diagnostic Même si les manifestations dermatologiques qui peuvent être associées au diabète sucré sont peu spécifiques, elles peuvent apporter des éléments en faveur d’un trouble métabolique chronique. Le diagnostic est établi lorsqu’une glycémie demeurant supérieure à 20mmol/L et une glucosurie sont observées. Il faut rester prudent face à une hyperglycémie isolée chez le chat car le stress engendre une rapide augmentation de la glycémie. Le dosage sanguin des fructosamines et de l’hémoglobine glycosylée peut se révéler intéressant car les concentrations de ces protéines glycosylées sont significativement plus élevées chez le chat diabétique que chez le chat sain [55, 107, 119]. Le diagnostic d’une xanthomatose associée passe par la réalisation de biopsies cutanées [107]. Pronostic Le diabète peut être bien contrôlé si un traitement est mis en place rapidement et rigoureusement. Une rémission est parfois observée [55, 137]. Le temps moyen de survie après le diagnostic est de 3 ans [119]. La xanthomatose est en général guérie en 1 à 2 mois après le rétablissement d’une glycémie normale [107]. 80 Deuxième partie : Diagnostiquer une maladie générale à partir de lésions cutanées 81 82 A. La démarche diagnostique en dermatologie féline La démarche diagnostique en dermatologie doit être organisée et rigoureuse ; les données recueillies par l’interrogatoire du propriétaire et lors de l’examen clinique, général et dermatologique, permettent de formuler des hypothèses diagnostiques hiérarchisées et de réaliser les examens complémentaires adéquats [67]. La peau est un organe visible dans sa globalité, ce qui fait tout le caractère particulier de la dermatologie par rapport aux autres disciplines puisque le propriétaire pourra, non seulement observer les lésions et leur évolution, mais, également, apprécier la réponse aux traitements. Ceci présente un avantage à ne pas négliger pour le clinicien, le recueil de l’anamnèse pouvant parfois suggérer à lui seul le diagnostic [145, 62]. Lors du recueil de l’anamnèse, le clinicien doit prendre connaissance du signalement du chat (race, sexe, âge, robe, alimentation, provenance et conditions d’adoption), des conditions environnementales dans lesquelles il vit (accès à l’extérieur, séjours dans d’autres zones géographiques, congénères) et de l’évolution de la dermatose (date d’apparition, influence saisonnière éventuelle, nature et localisation des lésions initiales, traitements antérieurs et résultats). Ces renseignements peuvent apporter des éléments épidémiologiques fondamentaux pour l’établissement des hypothèses diagnostiques [62, 67, 145]. Le vétérinaire doit être informé de tout traitement en cours (molécule, posologie, durée). Il est également important de questionner le propriétaire sur l’apparition d’éventuels signes non dermatologiques, ces signes pouvant amener à inclure certaines maladies générales dans le diagnostic différentiel [62]. De même, lors de l’examen clinique, un bilan général doit être effectué systématiquement. Dans un certain nombre de cas, le dépistage des rétroviroses est souhaitable [67]. L’examen dermatologique doit permettre une identification précise des lésions élémentaires ; en effet, les hypothèses diagnostiques seront orientées par la nature des lésions dominant le tableau clinique. La distribution de ces lésions et leur mode de groupement peuvent permettre de mieux cibler l’affection. Il est important de réaliser un examen rapproché de toute la surface du corps et des phanères afin de ne rien oublier [67, 62, 145]. Une fois les hypothèses diagnostiques sélectionnées et hiérarchisées, le clinicien va pouvoir mettre en œuvre des examens complémentaires qui permettront en général de poser un diagnostic définitif. Un certain nombre d’examens simples peuvent être effectués et interprétés au moment de la consultation (par exemple le trichogramme, l’examen à la lampe de Wood, le raclage ou l’examen cytologique de lésions cutanées). D’autres examens nécessitent un délai pour l’interprétation mais peuvent être incontournables, c’est le cas des cultures bactériennes et fongiques et des biopsies cutanées [67]. 83 Lorsque ces tests permettent de diagnostiquer des dermatoses bactériennes, parasitaires ou fongiques généralisées, l’absence d’une maladie sous-jacente (comme une rétrovirose ou le diabète sucré) doit être vérifiée (voir paragraphe I.G). Certains examens sanguins (biochimiques, hématologiques, sérologiques et endocrinologiques) pourront ainsi s’avérer utiles dans certains cas [67]. Dans cette deuxième partie, la conduite diagnostique des dermatoses sera envisagée selon la nature des lésions dominant le tableau clinique. Cette étude permettra de replacer les maladies citées précédemment dans la démarche diagnostique classique en dermatologie. B. Cas d’une alopécie Les alopécies au sens large se définissent comme une diminution de la densité du pelage (diminution de la taille, de la longueur ou du nombre de poils). Elles constituent le deuxième motif de consultation après le prurit chez le chat [67]. Trois mécanismes peuvent expliquer l’absence de poils. Le premier est l’absence ou l’anomalie de production des poils (alopécie au sens strict). Les maladies qui aboutissent à ce phénomène sont extrêmement rares et sont toutes héréditaires, l’anomalie est visible dès la naissance [122]. Dans cette étude nous ne nous intéressons qu’aux alopécies acquises. Les autres mécanismes sont une perte de poils, secondaire soit à un prurit, soit à l’atteinte des poils ou des follicules pileux [122, 113]. Comme dans toute consultation de dermatologie, un soin particulier doit être apporté dans le recueil de l’anamnèse. L’âge d’apparition des symptômes est important car les tumeurs et les dysendocrinies affectent plus particulièrement les chats âgés. Les chats vivant en collectivité sont plus à risque de développer une dermatose contagieuse telle que les dermatophyties et les ectoparasitoses prurigineuses à l’origine d’alopécie auto-induite. Il faudra également s’intéresser à l’alimentation, en particulier si un changement alimentaire a eu lieu. Enfin, il peut être utile de rechercher toute situation anxiogène dans le milieu de vie du chat [67, 115]. Le premier élément à explorer est le caractère prurigineux ou non des lésions. En effet, nous avons vu que certaines alopécies ne sont que la conséquence directe du léchage. Le propriétaire peut ne jamais voir son chat se lécher car certains chats le font à l’abri des regards. A l’examen rapproché, si les poils sont cassés et ne s’épilent pas facilement, l’alopécie est auto-induite. Un trichogramme simplifié permet de mieux visualiser l’extrémité des poils. La conduite diagnostique des alopécies auto-induites est celle des dermatoses prurigineuses [67, 115]. 84 1) Conduite diagnostique des alopécies acquises en l’absence de prurit Une fois que le caractère non prurigineux de la dermatose est établi, le diagnostic différentiel comporte un nombre plus limité d’affections. Les examens complémentaires de choix pour confirmer ou infirmer les hypothèses diagnostiques sont présentés sur la figure 1. Alopécie acquise en l’absence de prurit Examens mycologiques Raclages cutanés Démodécie + + Dermatophytie ASPECT DE LA PEAU Peau alésionnelle, séborrhéique, squameuse, vernissée Biopsies cutanées +/- imagerie Effluvium télogène Pelade, pseudo-pelade Lymphome cutané T épithéliotrope Alopécie paranéoplasique pancréatique Dermatite exfoliative associée à un thymome Peau fine, hyperfragilité cutanée Examens hémato-biochimiques Exploration cortico-surrénalienne et thyroïdienne +/- imagerie, biopsies cutanées Syndrome d’hyperfragilité acquise Hypercorticisme Hyperthyroïdie Figure 1 : proposition de conduite diagnostique des alopécies acquises en l’absence de prurit, d’après Alhaidari Z. [67]. Les caractères en gras désignent des maladies étudiées dans la première partie. 85 Les ectoparasitoses et les dermatophyties sont des affections fréquentes chez le chat ; les tests à réaliser en première intention sont de ce fait les raclages cutanés et les examens mycologiques. En effet, dans la démodécie, le prurit n’est pas systématiquement présent. Les acariens au stade adulte ou immature de Demodex cati et Demodex gatoi peuvent être mis en évidence par raclages cutanés multiples. La recherche de dermatophytie doit être systématique lors d’alopécie chez le chat. En première intention, un examen à la lampe de Wood peut être pratiqué mais ce test est peu sensible. Il doit être complété par un examen microscopique de poils et éventuellement par une culture fongique [115, 67, 113]. Si une démodécie ou une dermatophytose relativement étendue est diagnostiquée, il est souhaitable de rechercher la présence d’une affection sousjacente telle qu’une infection par le FIV ou le FeLV, ou encore un diabète sucré [115] Lorsque ces examens de première intention n’ont pas permis de mettre en évidence la cause de l’alopécie, les maladies endocriniennes comme l’hypercorticisme ou l’hyperthyroïdie, l’effluvium télogène et les syndromes paranéoplasiques associés à une tumeur pancréatique ou un thymome vont être envisagés. L’aspect de la peau est un élément d’orientation important dans le diagnostic différentiel. Les biopsies cutanées sont parfois indispensables pour émettre un diagnostic [67]. 2) Eléments anamnestiques diagnostique et cliniques d’orientation Certains éléments apportés par l’anamnèse ou l’examen clinique vont permettre au clinicien de suspecter une maladie générale. Ces éléments sont rapportés dans le tableau 9. Ils peuvent aider le clinicien à hiérarchiser les hypothèses diagnostiques. L’appréciation de la topographie lésionnelle fournit des indications précieuses au clinicien. Dans le cadre des alopécies non auto-induites, une atteinte focale de la tête et des pieds est un élément de forte suspicion d’une dermatophytie, moins probablement d’une démodécie. En effet, les maladies générales touchent plus volontiers le tronc et l’abdomen de manière symétrique et sur des zones de peau assez étendues [67]. 86 Age Chat âgé Alopécie paranéoplasique pancréatique Dermatite exfoliative associée à un thymome Hypercorticisme Hyperthyroïdie Antécédents pathologiques Amaigrissement Alopécie paranéoplasique pancréatique Hyperthyroïdie Dermatite exfoliative associée à un thymome Anorexie et vomissements Alopécie paranéoplasique pancréatique Polyuro-polydipsie, ptose abdominale Hypercorticisme Stress pathologique dans les 3 mois Effluvium télogène Répartition des zones d’alopécie Ventre Alopécie paranéoplasique pancréatique Hyperthyroïdie Tête et cou Dermatite exfoliative associée à un thymome Alopécie bilatérale symétrique du tronc Hypercorticisme et de l’abdomen Signes cutanés concomitants Squamosis marqué Dermatite exfoliative associée à un thymome Hyperfragilité cutanée Hypercorticisme Tableau 9: Eléments cliniques et anamnestiques d’orientation pour le diagnostic des maladies générales à l’origine d’une alopécie chez le chat. C. Cas d’une dermatose prurigineuse Chez le chat le prurit peut parfois être difficile à reconnaître par le propriétaire qui peut confondre le léchage exacerbé dû à la démangeaison avec le comportement normal de toilettage [67, 113]. De plus certains chats s’isolent pour se gratter. Malgré cela, le prurit reste le principal motif de consultation en dermatologie [135]. Les manifestations cliniques du prurit sont très spécifiques car le léchage est à l’origine d’une abrasion du poil et parfois de lésions cutanées secondaires. Les types lésionnels accompagnant le prurit correspondent le plus souvent à l’un des quatre syndromes suivants : dermatite miliaire, alopécie extensive, complexe granulome éosinophilique et croûtes/excoriations de la face et du cou [135]. 87 1) Conduite diagnostique des dermatoses prurigineuses Les causes de prurit chez le chat sont nombreuses et une démarche pratique rigoureuse et systématique s’impose pour identifier l’agent causal (voir fig. 2). Prurit Raclages cutanés Examens mycologiques Calques cutanés + + + Folliculite bactérienne Ectoparasitose Recherche de puces, contrôle parasitaire strict Régime d’éviction alimentaire Biopsies cutanées + + + Dermatophytie Dermatite par allergie aux piqûres de puces Intolérance alimentaire Dermatoses virales Tumeurs Dermatoses auto-immunes Dermatite allergique ? Figure 2 : Proposition de démarche diagnostique d’une dermatose prurigineuse [67, 135]. Là encore, les raclages cutanés et les examens mycologiques sont les examens de première intention en cas de dermatose prurigineuse chez le chat compte tenu de la fréquence des ectoparasitoses et des dermatophyties. De nombreux acariens sont susceptibles de provoquer un prurit : Cheyletiella blakei, larves de Trombicula autumnalis, Otodectes cynotis, Notoedres cati, Demodex sp. ou Felicola subrostratus. Un calque cutané est également effectué en routine, il peut permettre de mettre en évidence des bactéries, des levures du genre Malassezia sp. mais aussi des granulocytes éosinophiles [67]. 88 La dermatite par allergie aux piqûres de puces est la cause la plus fréquente de prurit. Elle doit être suspectée chez le chat devant toute dermatose prurigineuse en particulier lorsque les traitements antiparasitaires sont mal conduits. Un diagnostic allergologique peut être réalisé à l’aide d’intradermo-réactions, cet examen reste de faible fiabilité. Un contrôle anti-puces strict est donc réalisé de manière systématique. Pour ce faire, il faut demander au propriétaire de traiter contre les puces son chat et les animaux en contact, régulièrement, ainsi que l’environnement [67, 135]. De la même manière, une intolérance alimentaire est confirmée ou infirmée par la mise en place d’un régime d’éviction (voir première partie). Les biopsies cutanées sont indiquées lorsque l’anamnèse et l’examen clinique orientent le clinicien vers une dermatose dont le diagnostic est histopathologique, en particulier lors de suspicion de folliculite bactérienne (rare chez le chat), de lymphome cutané, de dermatose auto-immune (pemphigus, lupus érythémateux) ou de poxvirose. En dehors de ces cas il n’est pas utile de procéder à des biopsies car elles révèleront le plus souvent une dermatite hyperplasique périvasculaire non spécifique [67]. 2) Eléments anamnestiques diagnostique et cliniques d’orientation Les maladies générales s’exprimant par un prurit sont relativement peu nombreuses. Leur diagnostic, pour la plupart d’entre elles, nécessite l’examen histopathologique de biopsies cutanées. Il est donc important de savoir quand les suspecter au vu de l’anamnèse et de l’examen clinique. L’âge est une indication à prendre en compte lors d’une dermatose prurigineuse : les ectoparasitoses, la dermatophytie, la dermatite allergique aux piqûres de puce, la dermatite atopique et l’intolérance alimentaire sont plutôt diagnostiqués chez des chats de moins de 3 ans alors que le lymphome cutané survient chez un animal plus âgé (attention néanmoins chez un chat FeLV positif) [67]. Le mode de vie détermine la probabilité d’apparition de toutes les parasitoses contagieuses et des maladies transmises par les rongeurs: un chat qui vit sans congénère et qui n’a pas accès à l’extérieur aura par exemple une faible probabilité d’être atteint de dermatophytie, de poxvirose ou de la maladie d’Aujeszky. La présence de troubles digestifs concomitante à un prurit cervico-facial doit faire suspecter une intolérance alimentaire. L’évolution de la dermatose peut s’avérer très informative : le caractère saisonnier de la dermatose oriente plutôt vers une parasitose saisonnière ou une 89 hypersensibilité à des antigènes de l’environnement variant au cours de l’année (trombiculose, hypersensibilité aux piqûres de moustiques, dermatite allergique aux piqûres de puces, dermatite atopique). L’évolution extrêmement rapide de la maladie d’Aujeszky vers la mort en 48h est le signe d’appel le plus spécifique de cette infection. Une réponse favorable à une corticothérapie antérieure indique souvent une allergie ou une dermatose auto-immune [67]. Enfin, la topographie lésionnelle est parfois déterminante : beaucoup de dermatoses prurigineuses touchent préférentiellement la tête et le cou (notamment la maladie d’Aujeszky, la poxvirose et l’intolérance alimentaire) mais d’autres atteignent plus spécifiquement d’autres parties du corps (exemple de la dermatite allergique aux piqûres de puces qui touche très souvent la région lombo-sacrée) ou le corps dans son ensemble (dermatophyties et lymphome cutané). D. Cas d’une dermatose érosive et/ou ulcérative Une érosion est une perte de substance cutanée superficielle, c'est-à-dire épidermique, tandis que l’ulcère, plus profond, atteint le derme et guérit en laissant une cicatrice. La distinction clinique entre ces deux types de lésions secondaires n’est pas toujours aisée et leur signification sémiologique est faible. Dans un certain nombre de cas ces lésions sont liées à un facteur externe (notamment excoriations consécutives à un prurit : la conduite diagnostique est alors celle des dermatoses prurigineuses). L’autre modalité de formation est liée à un processus inflammatoire, à l’origine de remaniements épidermiques et/ou dermiques associés à une perte de substance. Une démarche diagnostique spécifique doit alors être envisagée [67, 130]. 1) Conduite diagnostique des dermatoses érosives et ulcératives Les excoriations dues directement au grattage ne seront pas prises en compte dans cette partie (voir conduite diagnostique des dermatoses prurigineuses). Comme pour les dermatoses prurigineuses et alopéciantes, le raclage cutané et les examens mycologiques sont les examens complémentaires de première intention (fig. 3) compte tenu de la fréquence des ectoparasitoses et des dermatophyties [67]. 90 Ulcères et/ou érosions cutanées Raclages cutanés Examens mycologiques + + Ectoparasitose Dermatophytie Dépistage FIV – FeLV Bilan hémato-biochimique Biopsies Dermatites allergiques Dermatoses autoimmunes Tumeurs Imagerie Mycoses profondes Pyodermites spécifiques Dermatoses virales Identification (culture, PCR…) Figure 3 : proposition de conduite diagnostique des dermatoses érosives et ulcératives [67]. Des analyses sanguines peuvent être pratiquées lors de suspicion de maladie systémique (lupus érythémateux systémique, lymphome…) ou de retentissement sur l’état général. Une sérologie FIV et une antigénémie FeLV peuvent aussi être effectués, notamment en présence d’ulcères buccaux [131, 67]. La biopsie cutanée est indiquée dans la plupart des dermatoses érosives et ulcératives et permet souvent un diagnostic étiologique. Le prélèvement doit être réalisé aux marges de la surface ulcérée, en incluant zone lésionnelle et zone saine. Cependant les éléments bactériens et fongiques ne pourront pas être identifiés par cet examen. Une culture est alors pratiquée pour déterminer l’élément figuré en cause avec précision. La recherche de virus, par exemple en cas de suspicion d’une infection par un herpèsvirus ou un calicivirus, est plus délicate ; le recours à des techniques d’amplification (PCR) est possible [131, 67]. Lorsque l’examen histopathologique permet de diagnostiquer une maladie interne, en particulier un phénomène tumoral, des examens d’imagerie 91 (radiographiques, échographiques, tomodensitométriques…) peuvent être indiqués en vue de réaliser un bilan d’extension [67]. 2) Eléments anamnestiques diagnostique et cliniques d’orientation Plusieurs éléments vont permettre au clinicien d’orienter sa conduite diagnostique et parfois de suspecter une maladie générale (voir tableau 10). Rappelons tout d’abord que les érosions dues au grattage doivent être explorées en recherchant la cause du prurit. Age Chat âgé Dermatoses auto-immunes Tumeurs Mode de vie Accès à l’extérieur (milieu rural ++) Poxvirose Tularémie Vie en collectivité Calicivirose, herpèsvirose PIF Signes cliniques non cutanés Rhinite et conjonctivite Calicivirose, herpèsvirose Stomatite ulcérative Calicivirose Lupus érythémateux systémique Lésions oculaires Herpèsvirose Mycoses profondes Topographie lésionnelle Face Herpèsvirose Cryptococcose Tête et membres thoraciques Poxvirose Sporotrichose Ulcères buccaux + membres thoraciques Calicivirose Ensemble du corps Lupus érythémateux systémique Signes cutanés concomitants Nodules Mycoses profondes Poxvirose Lymphome cutané Tableau 10: éléments anamnestiques et cliniques d’orientation diagnostique vers des maladies générales [67, 132]. 92 Les éléments importants de l’anamnèse sont, après le signalement de l’animal, les circonstances d’apparition de la dermatose, la contagion éventuelle (maladies parasitaire ou infectieuse), la réponse aux traitements antérieurs et l’atteinte éventuelle de l’état général [133]. Une fois encore, l’examen clinique général est incontournable : la découverte de signes cliniques généraux peut fortement orienter les hypothèses diagnostiques. L’examen ophtalmologique et l’inspection de la cavité buccale sont susceptibles d’apporter des renseignements importants et ne doivent pas être négligés (voir tableau 10). La topographie lésionnelle peut être particulièrement évocatrice d’une dermatose ou d’un groupe de dermatoses. Les mycoses profondes s’expriment souvent par une atteinte préférentielle de la face et des oreilles, associée éventuellement à des lésions des membres antérieurs. Les dermatoses autoimmunes atteignent également la face mais aussi les jonctions cutanéo-muqueuses, la zone péri-unguéale ou la zone péri-mamelonnaire. L’atteinte exclusive d’un doigt peut faire suspecter un traumatisme ou une tumeur mais aussi une poxvirose (au stade initial de la maladie) [67, 132]. E. Cas d’une dermatose nodulaire Un nodule est une lésion circonscrite, en relief, solide, de consistance ferme ou fluctuante et d’une taille supérieure à 0,5 cm, à localisation dermique ou hypodermique. Il se forme soit par accumulation focale de cellules (infiltrat de nature inflammatoire ou proliférative), soit par défaut d’une substance amorphe [130]. Les principales dermatoses nodulaires du chat sont les abcès sous-cutanés, les phaeohyphomycoses, la cryptococcose, le granulome éosinophilique et les tumeurs (carcinome épidermoïde, fibrosarcome…) [130]. Mais de nombreuses autres dermatoses nodulaires, moins fréquentes, sont répertoriées, dont les maladies qui ont été étudiées dans la première partie. Il ne faut donc pas négliger la démarche diagnostique car définir précisément l’agent étiologique peut avoir des conséquences pronostiques et thérapeutiques. 1) Conduite diagnostique des dermatoses nodulaires L’analyse cytologique permet une première orientation diagnostique étiologique. Une cytoponction à l’aiguille fine est à pratiquer systématiquement en présence d’un nodule. En pratique courante, les colorations rapides sont suffisantes. Elles 93 permettent de déterminer s’il s’agit d’une lésion tumorale (population cellulaire homogène) ou inflammatoire (population hétérogène de cellules inflammatoires bien identifiables). L’observation d’une population prédominante de polynucléaires neutrophiles dégénérés suggère un abcès sous-cutané. Des éléments figurés peuvent également être présents (bactériens, fongiques, parasitaires). Dans ce cas des prélèvements doivent être effectués afin de réaliser une culture bactérienne ou fongique. Il est pour cela préférable de prélever aseptiquement la partie profonde d’une biopsie d’une lésion fermée [131]. En fonction des observations cytologiques, d’autres examens complémentaires pourront être mis en œuvre. L’analyse cytologique peut être insuffisante pour déterminer l’étiologie, elle pourra être complétée par un examen histopathologique. En cas de suspicion de métastase cutanée d’adénocarcinome pulmonaire ou d’hémangiosarcome viscéral, des examens d’imagerie (échographie, radiographie thoracique) permettent de rechercher la tumeur primitive. Des examens sanguins peuvent être indiqués en cas de répercussion sur l’état général [67]. 2) Eléments anamnestiques diagnostique et cliniques d’orientation L’anamnèse permet très souvent de sélectionner ses hypothèses diagnostiques face à une dermatose nodulaire. Il est une fois de plus très important de connaître l’âge du chat : les tumeurs cutanées et les métastases cutanées de tumeurs internes sont beaucoup moins probables chez un jeune chat que chez un chat adulte ou âgé. Les chats qui vivent à l’extérieur et qui chassent sont plus exposés aux traumatismes, qui peuvent être à l’origine de l’inoculation de bactéries ou de champignons du milieu extérieur. Les zones de résidence et de voyage peuvent éventuellement rendre possible une leishmaniose. L’évolution est intéressante, elle peut permettre de suspecter plutôt une tumeur si elle est lente alors qu’une apparition soudaine est souvent liée à l’action d’un facteur externe [131]. L’examen clinique général ne doit pas être oublié. Une atteinte de l’état général peut être observée lors de leishmaniose (ainsi qu’une polyadénomégalie), de certaines mycoses profondes, des mycobactérioses et au cours de l’évolution d’une tumeur maligne (mastocytome par exemple) [131]. Au cours de l’examen dermatologique, les lésions doivent être observées et prises en compte individuellement : lorsque le chat présente des nodules en plusieurs localisations différentes, il faut examiner et prélever des cellules de chacun d’entre eux. Lorsque les nodules sont localisés au niveau de la face, le diagnostic différentiel comprend les causes de pyodermite profonde spécifiques (mycobactérioses, 94 nocardiose, actinomycose…), les mycoses profondes et les tumeurs (carcinome épidermoïde, mastocytome…). L’atteinte podale oriente vers des granulomes éosinophiliques, une pyodermite spécifique, une mycose profonde, une pododermatite lymphoplasmocytaire ou des métastases cutanées d’adénocarcinome pulmonaire [67]. 95 96 97 98 BIBLIOGRAPHIE : 1. ADDIE D.D., JARRETT O. (2006) Feline coronavirus infections In: GREENE, C.E. Infectious diseases of dog and cat. Philadelphia : W.B. Saunders Company, 88-102 2. ALTON K., FISCHER O., UTZMANN S., SCHILCHER F. 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Afin de diagnostiquer une maladie générale à partir de lésions cutanées, le clinicien doit faire appel à une démarche rigoureuse dont les principes, propres à chaque grand type de présentation clinique, sont rappelés dans une seconde partie. MOTS CLES : - chat - dermatoses - maladies générales JURY : Président : Monsieur le Professeur FAURE Michel 1er Assesseur : Monsieur le Docteur PIN Didier 2ème Assesseur : Madame le Docteur CALLAIT-CARDINAL Marie-Pierre DATE DE SOUTENANCE : 15 avril 2010 ADRESSE DE L’AUTEUR : 9, rue Chaptal 11100 NARBONNE