Mémoire présenté par l`Ordre des traducteurs, terminologues et

Transcription

Mémoire présenté par l`Ordre des traducteurs, terminologues et
DEMANDE DE MODIFICATION DE STATUT
ET DE
RÉSERVE D’ACTES PROFESSIONNELS
PRÉSENTÉE LE 5 MARS 2009
À L’OFFICE DES PROFESSIONS DU QUÉBEC
SOMMAIRE..........................................................................................................................
1
I – INTRODUCTION ............................................................................................................... 3
2 – LE PROBLÈME DES DOUBLES APPELLATIONS ET DE L’INTERPRÉTATION ............................. 5
2.1
LES DOUBLES APPELLATIONS................................................................................ 5
2.1.1
2.2
Conséquences pour la protection du public .......................................... 7
LE PROBLÈME DE L’INTERPRÉTATION ................................................................... 10
2.2.1
Conséquences pour la protection du public ........................................ 13
2.3
SOLUTION DEMANDÉE ET LIBELLÉ DE LA MODIFICATION ......................................... 15
2.4
JUSTIFICATION ET MISE EN APPLICATION .............................................................. 16
3 – LE PROBLÈME DES LACUNES JURIDIQUES ..................................................................... 17
3.1
Conséquences pour la protection du public ............................................... 18
3.2
Solution demandée et libellé de la modification ......................................... 20
3.3
Justification et mise en application ............................................................. 20
4 – SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS ............................................................................ 21
ANNEXES...................................................................................................................... 23
SOMMAIRE
En 1992, le gouvernement du Québec créait l’Ordre des traducteurs,
terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) et octroyait aux
traducteurs, terminologues et interprètes professionnels membres de la Société
des traducteurs du Québec les titres réservés de traducteur agréé, terminologue
agréé et interprète agréé. La preuve avait été faite que la traduction, sous sa
forme écrite ou orale, pouvait constituer un danger pour le public si certaines
normes et conditions n'étaient pas respectées.
Aujourd’hui, après avoir mis en place les mécanismes prévus dans le Code des
professions du Québec et nécessaires à la protection du public et après plus de
quinze ans d’exercice du titre, l’OTTIAQ se heurte à des difficultés systémiques
qui l’empêchent d’assurer adéquatement l’encadrement de la profession et la
protection du public. Ces difficultés sont de deux ordres. Les premières
découlent de la réserve inadéquate des titres. Les secondes sont juridiques et
tiennent aux lacunes des textes législatifs québécois relatifs à la certification de
la traduction des documents officiels.
Par réserve inadéquate des titres, nous entendons le fait que n’importe qui au
Québec peut se proclamer traducteur, terminologue ou interprète, à condition de
ne pas accoler au titre le qualificatif « agréé ». Cette situation se trouve
amplifiée par le fait que, devant une demande de traduction poussée à la
hausse par la mondialisation, les progrès techniques et la rapidité des
télécommunications ainsi que par les enjeux de sécurité nationale et publique,
quantité d’amateurs s’improvisent traducteurs professionnels. La protection du
public ne peut être assurée si le titre réservé n’est pas renforcé. À cela s’ajoute
la nécessité de différencier et de réglementer les titres d’interprète de
conférence, d’interprète judiciaire et d’interprète communautaire.
Par lacunes juridiques, nous entendons le fait que les lois québécoises
prévoient la certification des traductions de certains documents officiels exigés
par les administrations publiques et parapubliques, sans prévoir les méthodes et
les moyens nécessaires à cette certification. De plus, l’OTTIAQ croit que la
certification devrait s’étendre à la version traduite des documents certifiés
conformes quant au fond et à la forme par les membres des ordres
professionnels visés par le Code des professions. Ces lacunes peuvent être
facilement résolues par une modification des textes actuels.
1
Par conséquent, l’OTTIAQ demande à l’Office des professions du Québec,
d’une part, l’élimination des doubles appellations traducteur/traducteur agréé,
terminologue/terminologue agréé et interprète/interprète agréé et la réserve des
titres d’interprète de conférence, d’interprète judiciaire et d’interprète
communautaire et, d’autre part, la réserve de l’acte de certification de la version
traduite des documents officiels exigés par les administrations publiques et
parapubliques et des documents certifiés par les membres d’ordres
professionnels régis par le Code des professions du Québec.
2
I – INTRODUCTION
La traduction est le terme générique utilisé pour désigner le secteur d’activités
où se pratiquent trois professions apparentées : la traduction, l’interprétation et
la terminologie.
Les traducteurs, terminologues et interprètes exercent leurs activités dans
l’ensemble des champs d’action de la société québécoise et contribuent
considérablement à la vie sociale et économique du Québec. En effet, en ce
siècle d'échanges internationaux, les traducteurs, terminologues et interprètes
sont les agents indispensables de toute communication entre collectivités de
langues différentes. Ils sont au service du public, du monde des affaires, des
administrations publiques québécoise et fédérale, des organisations locales,
nationales et internationales. Ce sont des professionnels qui exercent dans les
milieux les plus divers – grandes entreprises, banques, gouvernements,
organisations nationales et internationales – ou encore en pratique privée. (Les
caractéristiques du groupe, la nature de l’exercice, les connaissances requises
et le profil de pratique des trois professions sont présentés à l’annexe A.)
En 1992, le gouvernement du Québec créait l’Ordre des traducteurs,
terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) et octroyait aux
traducteurs, terminologues et interprètes professionnels membres de la Société
des traducteurs du Québec les titres réservés de traducteur agréé, terminologue
agréé et interprète agréé.
Depuis sa création, l’OTTIAQ s’est conformé aux prescriptions de l’Office des
professions du Québec, entre autres en revoyant ses procédures d’agrément,
en adoptant un code de déontologie, en obligeant ses membres à souscrire une
assurance responsabilité professionnelle et en mettant en place les
mécanismes d’inspection professionnelle et de formation continue.
Aujourd’hui, après avoir mis en place tous les mécanismes nécessaires à la
protection du public et après plus de 15 années d’application du titre, l’OTTIAQ
constate d’importantes lacunes systémiques et juridiques qui l’empêchent
d’accomplir sa mission de protection du public québécois. Celle-ci est en effet
impossible à garantir en raison de la réserve inadéquate du titre ainsi qu’en
raison de lacunes juridiques et de la réserve non précisée de certains actes de
certification.
3
Par réserve inadéquate du titre, nous entendons le fait que n’importe qui au
Québec peut se proclamer traducteur, terminologue ou interprète, à condition de
ne pas accoler au titre le qualificatif « agréé ». Cela crée une situation de
doubles appellations, source d’ambiguïté dans le public, avec les risques que
cela comporte. De plus, l’existence, dans les faits, de trois types d’interprètes,
soit l’interprète de conférence, l’interprète judiciaire et l’interprète
communautaire, regroupés sous le seul titre d’interprète crée de la confusion
dans le public et ne rend pas justice aux différences importantes entre ces trois
formes d’interprétation en matière de formation et de conditions d’exercice.
Par lacunes juridiques, nous entendons le fait que certains textes législatifs
établissent la nécessité d’un constat formel de la conformité de la traduction par
rapport au document original, mais sont muets quant à la procédure de
certification de la traduction et à la personne habilitée à certifier la conformité de
la traduction. Il en est de même de la certification de la traduction des
documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques
ainsi que des documents certifiés par les membres d’autres ordres. Il en
découle une situation contradictoire quant aux normes à respecter selon que le
document est présenté dans la langue originale ou sous forme de traduction.
4
2 – LE PROBLÈME DES DOUBLES APPELLATIONS ET DE L’INTERPRÉTATION
2.1
LES DOUBLES APPELLATIONS
Les doubles appellations – traducteur/traducteur agréé,
terminologue/terminologue agréé et interprète/interprète agréé – qui ont cours
sur le marché sont la source d’une grande confusion dans le public et entraînent
une réserve inadéquate du titre qui empêche l’OTTIAQ d’exécuter pleinement
son mandat de protection du public.
Les effets conjugués de la mondialisation, d’Internet et des menaces à la santé
et à la sécurité poussent la demande de traduction vers des sommets inégalés
partout dans le monde et au Canada. Cette demande croît au rythme de 15 à 25
% par année en moyenne depuis 1995, doublant ainsi environ tous les cinq ou
six ans1. C’est sans doute l’un des secteurs d’activité qui connaît la plus forte
croissance, et aucun fléchissement n’est à prévoir pour au moins une
génération.
Actuellement au Québec, n’importe qui peut se dire traducteur, terminologue ou
interprète et exercer la profession sans être soumis aux obligations de respect
de la déontologie et des normes professionnelles ainsi que de formation et de
compétence auxquelles sont assujettis les membres de l’OTTIAQ, et ce, à la
seule condition de ne pas se prétendre traducteur, terminologue ou interprète
agréé par l’OTTIAQ. D’ailleurs, de façon générale, le gouvernement du Québec
lui-même n’exige pas que ses propres traducteurs et ses fournisseurs de
services de traduction, de terminologie et d’interprétation soient membres de
l’OTTIAQ.
1
Industrie canadienne de la traduction – Carte routière technologique (2003-2007) – Industrie Canada,
Conseil national de recherches Canada, Association de l’industrie de la langue, 2004, p. 3.
5
Ainsi, seulement 1 900 des quelque 6 7002 traducteurs, terminologues et
interprètes recensés au Québec sont membres de l’OTTIAQ. Plus des deux
tiers fonctionnent donc encore hors normes et hors cadre, une situation qui met
à risque le public québécois, lequel ne possède généralement pas les
connaissances requises pour juger de la qualité d’une traduction ou des
compétences d’un traducteur, terminologue ou interprète. Or, les conséquences
de l’impéritie vont du désagrément véniel (fautes de langue, erreurs dans les
instructions d’assemblage d’un meuble) au péril mortel (posologies ou
instructions erronées pouvant entraîner des accidents graves, voire la mort).
Si le gouvernement du Québec a créé l’OTTIAQ, c’est justement parce que la
preuve avait été faite que la traduction pouvait constituer un danger pour le
public si sa pratique n’était pas encadrée de manière à garantir la qualité et le
professionnalisme de l’acte de traduction. Comme le public en général ne fait
pas la distinction entre une personne bilingue et un traducteur professionnel, il
est encore moins en mesure de différencier un traducteur agréé d’un traducteur
tout court.
La préoccupation de l’OTTIAQ quant aux doubles appellations trouve d’ailleurs
écho au Conseil interprofessionnel du Québec, qui en faisait état dans son
rapport annuel de 2003-2004 : Depuis une vingtaine d’années, la question de
l’efficacité et des limites du titre réservé comme outil de protection du public est
discutée dans le système professionnel et fait l’objet de préoccupations.
Dans plusieurs domaines, le phénomène observé des doubles appellations
favorise le contournement de l’utilisation d’un titre réservé et banalise, de ce fait,
la législation professionnelle et son encadrement. [...] L’efficacité du titre
réservé, comme outil de protection du public, dépend, entre autres, de sa
promotion, de son usage généralisé et de la clarté de l’exclusivité du champ
sémantique3.
2
3
Évaluation économique de l’industrie de la langue au Canada – 2007, Industrie Canada,
http://www.ic.gc.ca/epic/site/lain-inla.nsf/fr/h_qs00197f.html
Rapport annuel de 2003-2004, Conseil interprofessionnel du Québec, p. 16
6
Nous partageons cet avis. Force est de constater que, dans les faits, il n’y a pas
vraiment de réserve du titre en traduction, terminologie et interprétation.
En traduction, la situation est d’autant plus préoccupante que, en raison de la
hausse marquée de la demande de traduction depuis dix ans, l’absence de
balises claires quant à l’exercice de la profession incite des personnes non
qualifiées à se prétendre traducteurs professionnels. Comme nous l’avons
mentionné plus haut, moins du tiers des traducteurs recensés au Québec font
partie de l’OTTIAQ. Ainsi, la vaste majorité n’est donc pas visée par le Code des
professions, résultat d’une réserve insuffisante du titre. Qui plus est, le
gouvernement du Québec lui-même contribue à cette situation en ce qu’il
n’exige pas que les traducteurs, terminologues et interprètes dont il retient les
services à titre d’employés ou de fournisseurs soient membres de l’OTTIAQ.
2.1.1
Conséquences pour la protection du public
Le recensement de la population de 20064 révèle que seulement 17 % de la
population canadienne peut soutenir une conversation dans les deux langues
officielles (une baisse de 1 % par rapport au recensement de 20015). Au
Québec, cette proportion se situe à 40 %, et la majorité des personnes bilingues
vivent dans la région métropolitaine de Montréal. À Trois-Rivières, par exemple,
la proportion de bilinguisme tombe à 25 % en 2006 (26 % en 2001). Elle passe
sous les 20 % en dehors des grands centres. Un très large pan de la population
québécoise n’a donc pas une connaissance fonctionnelle de l’autre langue
officielle du Canada et s’appuie entièrement sur la traduction pour obtenir dans
sa propre langue des produits et services qui tirent leur origine de l’autre langue
officielle du Canada, sans compter les autres langues.
4
Statistique Canada, Recensement de la population de 2006. « Connaissance des langues officielles »
(http://www12.statcan.ca/francais/census06/data/topics/index.cfm?Temporal=2006&APATH=3)
5
Nouvelles perspectives canadiennes – Les langues au Canada, Recensement de 2001, Statistique
Canada p. 57
7
Difficulté de porter un jugement – Comme la grande majorité de la population
québécoise n’a pas une connaissance fonctionnelle de l’autre langue officielle
du Canada, et encore moins d’autres langues, l’utilisateur moyen se trouve dans
l’impossibilité de juger de la qualité de la traduction et est tributaire de la
compétence du traducteur. Ne pouvant différencier l’amateur du professionnel,
c’est malheureusement à l’usage qu’il pose son jugement, avec toutes les
conséquences que cela entraîne.
Gravité des préjudices – Différents types de préjudices ou dommages peuvent
résulter d’une pratique inadéquate de la traduction. Qu’il s’agisse de dommages
d’ordre moral (atteinte à la réputation, par exemple), de dommages d’ordre
matériel ou physique (traduction erronée d’un procédé industriel ou
d’instructions de montage ou d’utilisation d’un appareil), de dommages d’ordre
financier (traduction fautive d’un dépliant publicitaire, d’un appel d’offres, de
polices d’assurance, d’information financière, d’un contrat). Le préjudice peut
aussi consister en la perte de droits ou de privilèges dans le cas de textes à
valeur juridique, par exemple des témoignages, des contrats, des règlements ou
des lois.
Montréal, le 7 août 2008 : Bombardier rétracte son communiqué sur la C
Séries en raison d’une erreur de traduction dans la version française.
(Voir l’annexe B-17.)
Une traduction incorrecte peut comporter des risques pour la sécurité physique
des personnes, par exemple dans le cas de la posologie d’un médicament, la
liste des ingrédients de mets préparés, les instructions d’utilisation d’appareils
médicaux et l’utilisation de produits chimiques.
8
Berlin, le 12 août 2007 –
AFP : Une faute de traduction dans la notice d’une prothèse provoque 47
erreurs médicales. Les patients doivent être opérés de nouveau.
(Voir l’annexe B-1)
L’annexe B présente des exemples d’erreurs de traduction dans divers
domaines : santé, droit, finances, relations internationales et commerce.
Enfin, rappelons que la traduction est d’abord et avant tout un acte de
communication, et la communication aujourd’hui est marquée au coin de
l’instantanéité et de la diversité. Il s’ensuit une complexification du travail du
traducteur et un accroissement des risques associés.
Le Canada et le Québec n’échappent pas à cette règle de l’instantanéité des
communications. La réglementation financière, par exemple, impose des délais
très comprimés pour la production des documents. Et les traducteurs doivent
être parfaitement à la hauteur pour assurer la simultanéité et l’exactitude des
communications, sans compter que les communications d’importance cruciale
pour le public en général – documents touchant la sécurité nationale, la sécurité
publique et la santé, documents interprétatifs et réglementaires, législation,
décisions et programmes gouvernementaux, etc. – nécessitent la conformité
totale des deux versions et une terminologie rigoureusement exacte.
Toronto, décembre 2003 : L’action de la société québécoise Séquoia chute de
11 % après l’annonce d’une erreur de traduction dans le communiqué anglais
diffusé au moment de son entrée à la Bourse de Toronto.
(Voir l’annexe B-18.)
9
2.2
LE PROBLÈME DE L’INTERPRÉTATION
La problématique de la double appellation en interprétation est exacerbée par
une confusion des titres dans cette profession et par l’absence de balises pour
encadrer une catégorie d’interprétation – l’interprétation communautaire – ainsi
que par la création de systèmes parallèles d’encadrement de la profession.
Confusion des titres – Il existe une confusion dans le public par rapport à
l’interprétation. Celui-ci confond interprétation de conférence, interprétation
judiciaire, interprétation communautaire et interprétation en langues des signes.
On compte en fait trois grandes catégories d’interprétation : l’interprétation de
conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire. Chacune
se distingue sur le plan des conditions d’exercice et des exigences en matière
de formation.
L’interprète de conférence reformule oralement d’une langue à une autre un
message lors de discours, de réunions, de conférences et de débats.
L'interprète judiciaire assure des services d'interprétation devant des cours de
justice ou des tribunaux administratifs.
L’interprète communautaire intervient dans de nombreux secteurs – santé,
éducation, justice, programmes sociaux – et sert d’intermédiaire linguistique
entre un client et un prestataire de services, par exemple entre un patient et un
médecin.
Pour ce qui est de l’interprétation en langues des signes, les langues des signes
étant des langues à part entière, les interprètes en langues des signes font de
l’interprétation de conférence, de l’interprétation judiciaire ou de l’interprétation
communautaire.
10
L’annexe A présente la nature de l’exercice d’interprétation, les connaissances
requises et le profil de pratique.
Absence de balises – Les deux premières catégories d’interprétation sont déjà
incluses dans le champ de compétence de l’OTTIAQ, mais pas l’interprétation
communautaire. Or, cette dernière prend de plus de plus d’importance avec
l’accroissement de l’immigration, les immigrants de première génération
possédant souvent une connaissance insuffisante des langues officielles pour
communiquer et pour obtenir des services. (Selon le dernier recensement, il y a
200 langues parlées au Canada.)
Bien que depuis une dizaine d’années l’interprétation communautaire suscite un
intérêt accru dans les milieux universitaires et professionnels, elle occupe
toujours une place marginale dans les programmes de formation et de
perfectionnement, et reste encore une profession non réglementée et peu
reconnue. Pourtant, il s’agit d’une activité professionnelle largement pratiquée
dans une foule de milieux, notamment le milieu hospitalier.
En effet, dans le domaine de la santé, les services d’interprétation sont souvent
dispensés par un employé bilingue travaillant au sein du système de soins de
santé, une personne bénévole offrant des services linguistiques, un auxiliaire,
souvent même des enfants et, parfois seulement, par un interprète
professionnel. Or, le recours à des interprètes « improvisés » n’est pas sans
risque – omissions, ajouts, substitutions ou renseignements inexacts pouvant
entraîner des erreurs médicales. Et que dire des situations où l’on demande à
des enfants d’annoncer une mauvaise nouvelle à leurs parents?
11
Québec, 2008 – Association médicale canadienne : Une étude menée dans
20 hôpitaux québécois révèle que la barrière de la langue et les difficultés de
communication influent négativement sur la qualité des soins. Les patients
ayant des difficultés de communication sont exposés à un risque plus élevé
de problèmes évitables.
(Voir l’annexe B-7)
Fait notable, depuis janvier 2009, à la suite de poursuites de plusieurs millions
de dollars, les tribunaux obligent les hôpitaux et les cliniques médicales dans
13 États américains à recourir à des traducteurs professionnels pour assurer
désormais la prestation de services d’interprétation médicale. (Voir
l’annexe B-8.)
Systèmes parallèles d’encadrement de la profession – Malgré l’existence de
l’OTTIAQ, l’administration publique québécoise a mis sur pied des systèmes
parallèles dans le domaine de l’interprétation judiciaire, de l’interprétation
communautaire et de l’interprétation en langues des signes. Par exemple, le
ministère de la Justice a créé son propre réseau d’interprètes judiciaires,
lesquels ne sont pas membres de l’OTTIAQ. L‘Agence de la santé et des
services sociaux de Montréal a mis sur pied la Banque interrégionale
d’interprètes, qui compte à elle seule plus de 100 interprètes communautaires.
Aucun de ces interprètes n’est membre de l’OTTIAQ. Le ministère de
l’Éducation, du Loisir et du Sport a lui aussi recours à la Banque interrégionale
d’interprètes. De plus, il est en train d’examiner la question de l’interprétation en
langues des signes et a mis sur pied un groupe de travail sur la formation des
interprètes en langues des signes. Or, l’OTTIAQ n’a pas été consulté et n’a pas
été invité non plus à faire partie de ce groupe de travail.
Pour résumer, il existe dans les faits trois types d’interprétation, chacune ayant
des exigences particulières en matière de formation en raison de la nature du
travail et des conditions d’exercice, lesquelles diffèrent sensiblement de l’un à
l’autre. L’interprétation de conférence est bien établie et bien encadrée.
L’interprétation judiciaire l’est aussi.
12
Toutefois, à peine 24 interprètes (16 interprètes de conférence et 8 interprètes
judiciaires) sont membres de l’OTTIAQ alors que, dans la seule région
métropolitaine de Montréal, quelque 300 interprètes judiciaires et
communautaires travaillent pour l’administration publique québécoise par
l’entremise des systèmes parallèles mis sur pied par certains organismes
provinciaux.
Enfin, l’interprétation communautaire n’est aucunement encadrée à l’heure
actuelle, ni au Québec ni ailleurs au Canada alors que les besoins croissent au
gré de l’immigration. Aucun interprète communautaire n’est membre de
l’OTTIAQ.
2.2.1
Conséquences pour la protection du public
Les conséquences pour la protection du public décrites en 2.1.1 par rapport aux
doubles appellations s’appliquent également à l’interprétation, mais se trouvent
exacerbées par la confusion dans le public quant aux trois sortes
d’interprétation. De plus, comme peu d’interprètes sont devenus membres de
l’Ordre en raison des doubles appellations, celui-ci n’est pas en mesure
d’encadrer convenablement ces trois professions, une situation risquée en soi,
mais qui l’est encore plus dans le cas de la relativement nouvelle profession
d’interprète communautaire, qui n’est pas du tout réglementée et dont même la
formation de base n’est pas définie. Ce constat est d’autant plus inquiétant que
l’interprétation communautaire est très souvent exercée dans le cadre de
consultations médicales, chez le médecin ou à l’hôpital.
Gravité des préjudices – Facteur non négligeable, la barrière linguistique a un
impact important sur la qualité des soins de santé. D’une part, les personnes qui
se heurtent à une barrière linguistique éprouvent des difficultés à décrire leurs
symptômes, à comprendre le diagnostic et le plan de traitement ainsi qu’à
établir une relation de confiance avec le professionnel de la santé. D’autre part,
comme le révèlent des études récentes effectuées au Canada et aux ÉtatsUnis, les personnes qui ne maîtrisent pas la ou les langues officielles du pays
hésitent à consulter un médecin ou à se rendre à l’hôpital parce qu’elles
craignent de ne pas être comprises ou d’être mal comprises.
13
Ottawa, 2001 – Les distorsions communicationnelles entre les usagers et les
intervenants peuvent provoquer des risques « d'incommunicabilité, d'erreurs
de diagnostic, de traitements inappropriés, de diminution de la
compréhension et de l'observance du traitement de la part du patient,
d'inefficacité clinique, de satisfaction réduite chez le soignant comme le
soigné, de séquelles attribuables à des fautes professionnelles, et de
mortalité6 ».
Difficulté de porter un jugement – Il est difficile voire impossible pour une
personne qui ne parle pas une langue de porter un jugement sur la qualité de
l’interprétation, surtout si celle-ci est effectuée par un non-professionnel.
Comment savoir que le malade hispanophone qui se plaint d’être « intoxicado »
n’est pas « intoxiqué », mais souffre de nausées et d’étourdissements? Le New
England Journal of Medicine faisait état en juillet 2006 du cas d’un jeune
homme de 18 ans, aujourd’hui paralysé en raison d’un mauvais diagnostic posé
par le médecin à l’urgence, qui s’est fié à la traduction littérale de « intoxicado »
fournie par la petite amie du malade. L’hôpital a dû verser 71 M$ en dommages.
(Voir l’annexe B-4)
Outre le domaine de la santé, l’interprétation joue un rôle essentiel dans bien
d’autres domaines, notamment en immigration.
Canada – Cour fédérale : « Je suis d'avis que la décision de la Commission doit
être infirmée parce que le demandeur n'a pas eu droit à une interprétation fidèle
et effectuée par une personne compétente, contrairement à ce qui est garanti à
l'article 14 de la Charte. Le demandeur a droit, en vertu de l'article 14 de la
Charte, à une interprétation continue, fidèle, impartiale, concomitante et
effectuée par une personne compétente. »
(Voir l’annexe B-9)
6
Rapport du Symposium sur l'interprétation en milieu de santé – Santé Canada, 2001 http://www.hcsc.gc.ca/hcs-sss/pubs/acces/2001-certain-equit-acces/index-fra.php
14
2.3
SOLUTION DEMANDÉE ET LIBELLÉ DE LA MODIFICATION
Afin de pouvoir accomplir pleinement son mandat, l’OTTIAQ demande au
gouvernement du Québec de renforcer le titre de traducteur, terminologue et
interprète en éliminant le qualificatif « agréé » du titre.
De plus, afin de pouvoir bien distinguer et encadrer toutes les catégories
d’interprétation, l’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec de
reconnaître l’existence de trois types d’interprétation – l’interprétation de
conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire – chacun
ayant des exigences de formation distinctes et un titre distinct – interprète de
conférence, interprète judiciaire et interprète communautaire.
En conséquence, il est proposé de modifier le paragraphe t) de l’article 36 du
Code des professions pour qu’il se lise comme suit :
Nul ne peut de quelque façon : (…)
t)
utiliser le titre de « traducteur », de « traductrice », de
« terminologue » d’« interprète de conférence », d’« interprète judiciaire » ou
d’« interprète communautaire » ni un titre ou une abréviation pouvant laisser
croire qu’il l’est, ou s’attribuer des initiales pouvant laisser croire qu’il l’est, ni les
abréviations « trad. », « term. », « int. conf. », « int. jud. » « int. com. » « Tr. »,
« Term. », ou « Conf. Int. », « Jud. Int. », « Com. Int. », s’il n’est titulaire d’un
permis valide à cette fin et s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre professionnel
des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec.
De la même façon, il est proposé de modifier le paragraphe 41 de l’annexe I
pour qu’il se lise comme suit :
41. l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec.
Et partout où il le faudra, notamment aux paragraphes t) des articles 36 et 37 du
Code des professions du Québec.
15
2.4
JUSTIFICATION ET MISE EN APPLICATION
L’élimination du qualificatif « agréé » du titre aura pour effet de dissiper la
confusion liée aux doubles appellations et d’assurer une meilleure protection du
public québécois. En effet, l’OTTIAQ pourra alors exercer pleinement son
mandat et encadrer tous les professionnels qui exercent la profession de
traducteur, de terminologue et d’interprète au Québec, lesquels seront régis par
le Code des professions du Québec.
Pour assurer une transition sans heurts, l’OTTIAQ élaborera une stratégie de
communication adaptée aux différents publics cibles – population en général;
utilisateurs de services de traduction; traducteurs; terminologues et interprètes
ne faisant pas partie actuellement de l’Ordre; membres des autres ordres
professionnels du Québec et universités québécoises membres de l’Association
canadienne des écoles de traduction.
La mise en application de la recommandation sera échelonnée dans le temps
de manière à accorder un délai raisonnable aux traducteurs, terminologues et
interprètes professionnels qui ne sont pas actuellement membres de l’OTTIAQ
pour entreprendre les démarches requises en vue d’intégrer les rangs de
l’Ordre. En outre, toutes les mesures nécessaires seront prises pour faciliter
l’intégration des nouveaux membres.
À l’heure actuelle, il n’existe aucun programme complet de formation collégiale
ou universitaire en interprétation communautaire. L’OTTIAQ s’engage à
poursuivre ses discussions avec des représentants du milieu de l’interprétation,
du monde de l’enseignement collégial et universitaire et des utilisateurs de
services d’interprétation pour définir les exigences en matière de formation en
interprétation communautaire. L’OTTIAQ reviendra ensuite devant l’Office pour
lui faire part de ses recommandations à ce chapitre.
16
3 – LE PROBLÈME DES LACUNES JURIDIQUES
Certaines lois québécoises prévoient la certification de la version traduite de
certains documents officiels ou juridiques, sans toutefois prescrire les méthodes
et moyens nécessaires à cette certification. Deux de nos textes législatifs
fondamentaux établissent l’exigence de la certification des versions traduites.
En effet, le Code civil du Québec établit formellement le caractère obligatoire de
la certification des traductions aux articles 140 et 3006 :
De la publicité du registre de l’état civil (art. 140) – Les actes de l’état civil et les
actes juridiques faits hors Québec et rédigés dans une autre langue que le
français ou l’anglais doivent être accompagnés d’une traduction vidimée au
Québec.
Des réquisitions d’inscription (art. 3006) – Lorsque la loi prescrit que la
réquisition doit être présentée accompagnée de documents, ces documents,
s’ils sont rédigés dans une langue autre que le français ou l’anglais, doivent, en
plus, être accompagnés d’une traduction vidimée au Québec.
Le Code de procédure civile prescrit également la certification des traductions
aux articles 136 et 786 :
De la signification (art. 136) – Le procureur général peut, lorsque demande en
est faite au gouvernement par voie diplomatique, requérir un huissier de signifier
à une personne au Québec tout acte de procédure émanant d’un tribunal
canadien.
Cette signification se fait en laissant au destinataire, en la manière ordinaire,
une copie de l’acte, certifiée par un officier de la cour de justice d’où elle émane.
Si cette copie n’est rédigée ni en français ni en anglais, une traduction certifiée
conforme doit y être jointe.
De la reconnaissance et de l’exécution des décisions étrangères (art. 786) – La
partie qui invoque une reconnaissance ou qui demande l’exécution d’une
décision étrangère [...] Les documents rédigés dans une autre langue que le
français ou l’anglais doivent être accompagnés d’une traduction vidimée au
Québec.
17
De plus, aucun texte législatif ne prévoit la certification de la traduction de
documents aussi importants pour le public que les documents produits et
certifiés par les membres d’un ordre professionnel régi par le Code des
professions du Québec. L’OTTIAQ croit qu’il s’agit là d’une lacune qui peut
entraîner des conséquences graves pour le public.
3.1
Conséquences pour la protection du public
Nulle part dans ces textes législatifs ni dans leurs règlements d’application est-il
fait mention d’une procédure de certification (formulation, contenu et portée) ou
de l’exécutant. N’importe qui peut donc certifier la traduction et n’importe
comment avec tous les risques que cela comporte. Par contre, certains ordres
exigent que les traductions de documents officiels soient certifiées par un
traducteur membre de l’OTTIAQ. C’est le cas notamment de la Chambre des
notaires du Québec, et il semble que cette pratique tende à se répandre7.
Par ailleurs, les documents officiels produits par les membres des ordres
professionnels visés par le Code des professions du Québec sont généralement
certifiés pour attester de leur conformité aux règles établies par les divers ordres
sur le plan de la forme et du fond dans la version originale dans laquelle le
document a été rédigé. Par exemple, l’architecte ou l’ingénieur doit signer et
sceller certains plans et devis, certifiant ainsi leur conformité aux règles
d’architecture ou de génie. Il n’en va cependant pas de même pour la
traduction officielle de ces documents.
Si l’original doit être certifié pour protéger le public, la traduction officielle de ces
documents doit l’être tout autant. Et cette certification ne peut être faite que par
un membre d’un ordre professionnel visé par le Code des professions, en
l’occurrence l’OTTIAQ. Or, rien n’est prévu dans la législation à ce chapitre
important pour la protection du public.
7 Règlement sur les conditions et modalités de délivrance des permis de la Chambre des notaires du
Québec, c. N-3, r.1.2, art.3.
18
Gravité des préjudices – Une erreur de traduction dans un document officiel ou
un document certifié peut avoir de lourdes conséquences, par exemple dans la
traduction d’un plan, d’un cahier des charges, d’un devis, d’un bilan financier,
d’un brevet, d’un avis juridique, d’une décision judiciaire, d’un contrat, d’un acte
notarié, d’une évaluation médicale, etc.
Difficulté de porter un jugement – Comme nous l’avons mentionné
précédemment, la grande majorité de la population québécoise n’ayant pas de
connaissance fonctionnelle de l’autre langue officielle du Canada, l’utilisateur
moyen se trouve dans l’impossibilité de juger de la qualité de la traduction et est
tributaire de la compétence du traducteur. Et, dans le contexte de la
mondialisation et des échanges internationaux, où les communications se font
désormais dans de nombreuses langues étrangères, le recours à la traduction
est incontournable. Qu’il s’agisse de la traduction des documents officiels requis
d’un immigrant par un ordre professionnel pour l’autoriser à faire un stage ou
encore exercer au Québec, d’une décision juridique, d’un contrat ou d’un devis
technique, le public et les membres des ordres professionnels dépendent
entièrement de la compétence du traducteur. Ne pouvant différencier l’amateur
du professionnel, c’est malheureusement à l’usage qu’ils posent leur jugement,
avec toutes les conséquences que cela entraîne.
S’il est nécessaire de faire signer et sceller certains documents pour attester de
leur conformité aux règles de l’art, et ce, afin de protéger le public, il ne peut en
être autrement de la traduction de ces mêmes documents. La traduction
officielle doit donc être certifiée par un traducteur membre de l’OTTIAQ. Cela
vaut pour tous les documents certifiés par les membres des autres ordres
professionnels du Québec – rapports de vérificateur, bilans annuels, certificats
médicaux, actes notariés, rapports d’expert, etc. La traduction officielle de ces
documents doit être certifiée par un traducteur membre de l’OTTIAQ.
Autrement, il faudrait admettre qu’il existe des règles contradictoires pour les
documents originaux et pour la traduction officielle de ces derniers, ce qui à
notre avis compromet grandement la protection du public. La traduction officielle
doit donc être certifiée par un traducteur membre de l’OTTIAQ.
19
3.2
Solution demandée et libellé de la modification
L’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec la réserve de l’acte de
certification de la traduction des documents officiels exigés par les
administrations publiques et parapubliques ainsi que celle des documents
certifiés par les membres des ordres professionnels visés par le Code des
professions du Québec.
En conséquence, il est proposé de réserver la certification de traductions de
documents exigés par les administrations publiques et parapubliques ainsi que
celle de documents certifiés par les membres des ordres professionnels régis
par le Code des professions du Québec aux traducteurs membres de l’Ordre
des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec en ajoutant le
paragraphe 8º à l’article 37.1 pour qu’il se lise comme suit :
o Tout membre d’un des ordres professionnels suivants peut exercer les
activités professionnelles suivantes, qui lui sont réservées dans le cadre
des activités que l’article 37 lui permet d’exercer :
o 8º l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec :
certifier conforme la traduction de documents officiels exigés par les
administrations publiques et parapubliques ainsi que celle de documents
certifiés par les membres des ordres professionnels régis par Code des
professions du Québec.
3.3
Justification et mise en application
Cette réserve assurera l’égalité des versions originale et traduite. L’OTTIAQ est
convaincu de la nécessité de cette réserve dans le contexte de mondialisation
et dans une perspective de protection du public.
L’OTTIAQ élaborera une stratégie de communication à l’intention de tous les
ordres professionnels du Québec pour leur expliquer pourquoi et dans quelles
circonstances il faut faire certifier par un membre de l’OTTIAQ la traduction
officielle des documents que leurs membres signent et scellent dans l’exercice
de leurs fonctions.
20
4 – SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS
Afin de pouvoir accomplir sa mission et remplir pleinement son mandat,
l’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec de prendre les mesures
suivantes :
1)
renforcer le titre de traducteur, de terminologue et d’interprète en éliminant
le qualificatif « agréé » du titre;
2)
reconnaître les trois types d’interprétation, soit : l’interprétation de
conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire en
réservant les titres d’interprète de conférence, d’interprète judiciaire et
d’interprète communautaire;
3)
accorder aux membres en règle de l’OTTIAQ une réserve d’actes pour la
certification des traductions officielles, à savoir la certification de la version
traduite de tout document officiel exigé par les institutions publiques et
parapubliques ainsi que des documents certifiés par un membre d’un ordre
professionnel visé par le Code des professions du Québec.
En conséquence, il est proposé :
1) de modifier le paragraphe t) de l’article 36 du Code des professions pour qu’il
se lise comme suit :
Nul ne peut de quelque façon : (…)
t)
utiliser le titre de « traducteur », de « traductrice », de « terminologue »,
d’« interprète de conférenc »,
d’« interprète judiciaire » ou d’« interprète
communautaire », ni un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est,
ou s’attribuer des initiales pouvant laisser croire qu’il l’est, ni les abréviations
« trad », « term. », « int. conf. », « int .jud. » « int. com. » « Tr. », « Term. », ou
« Conf. Int », « Jud. Int. », « Com. Int. », s’il n’est titulaire d’un permis valide à
cette fin et s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre professionnel des traducteurs,
terminologues et interprètes du Québec.
De la même façon, il est proposé de modifier le paragraphe 41 de l’annexe I pour
qu’il se lise comme suit :
41.
l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec.).
21
Et partout où il sera nécessaire, notamment aux paragraphes t des articles 36 et
37 du Code des professions du Québec.
2) d’ajouter le paragraphe 8º à l’article 37.1 du Code des professions du Québec
pour qu’il se lise comme suit :
Tout membre d’un des ordres professionnels suivants peut exercer les activités
professionnelles suivantes, qui lui sont réservées dans le cadre des activités que
l’article 37 lui permet d’exercer :
8º l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec :
certifier conforme la traduction de documents officiels exigés par les
administrations publiques et parapubliques ainsi que celle de documents
certifiés par les membres des ordres professionnels régis par le présent
code.
22
ANNEXES
Annexe A – Caractéristiques du groupe
Annexe B – Exemples d’erreurs de traduction
23
ANNEXE A – CARACTÉRISTIQUES DU GROUPE
On évalue à 6 7008 le nombre de traducteurs, terminologues et interprètes en
exercice au Québec.
Les traducteurs salariés travaillent pour le compte d'organismes publics,
d’organisations nationales ou internationales, de grandes entreprises ou de
cabinets de traduction.
Les traducteurs en pratique privée sont de plus en plus nombreux et travaillent
soit en société, soit pour leur propre compte.
A) NATURE DE L’EXERCICE DE LA TRADUCTION
Les traducteurs sont des professionnels de la communication écrite. Ils servent
d'intermédiaires entre deux langues, deux cultures, deux visions du monde. Ils exercent
leurs activités dans l’ensemble des champs d’action de la société québécoise et
contribuent considérablement à la vie sociale et économique du Québec. De plus, en
transposant de façon professionnelle un système de valeurs dans un autre système –
transposition interlinguistique, interculturelle et intersémiotique –, ils contribuent à la
protection de la société québécoise contre l'acculturation.
Connaissances requises et profil de pratique
Les traducteurs doivent avoir des connaissances linguistiques approfondies, une
formation étendue ainsi que des connaissances et des ressources
documentaires spécialisées pour transposer correctement le contenu d’un
message en restant fidèle à l’auteur et au lecteur (précision juridique ou
technique, impact publicitaire ou commercial, terminologie spécialisée, etc.) tout
en tenant compte du contexte socioculturel dans lequel s’inscrit la
communication.
8
Évaluation économique de l’industrie de la langue au Canada – 2007, Industrie Canada,
http://www.ic.gc.ca/epic/site/lain-inla.nsf/fr/h_qs00197f.html
24
Ces spécialistes de la langue ne traduisent pas que des mots, mais des
notions, des concepts, des idées. Ils adaptent le message au destinataire et
s’assurent que le sens est entièrement respecté. Pour ce faire, ils doivent
comprendre parfaitement le domaine de spécialité dans lequel ils travaillent de
manière à pouvoir transposer correctement le message d’une langue à l’autre.
De plus, ils doivent maîtriser les faits de culture liés aux langues dans lesquelles
ils traduisent.
Les qualifications professionnelles des traducteurs sont essentiellement acquises
au moyen d’une formation universitaire spécialisée en traduction, suivie d’un
minimum d’expérience pratique appropriée. La formation spécialisée en
localisation, qui allie la linguistique et l’informatique, est offerte dans le cadre
d’un programme universitaire de deuxième cycle (DESS). Dans les domaines de
travail spécialisés, la pratique exige souvent des traducteurs qu'ils suivent une
formation de base dans leur domaine de spécialisation (cours fortement
recommandé en comptabilité à l’Institut Canadien des Comptables Agréés et à
l’Ordre des comptables agréés du Québec, cours obligatoire sur le commerce
des valeurs mobilières à l'Association canadienne des courtiers en valeurs
mobilières, par exemple) ou encore qu’ils possèdent une formation universitaire
ou collégiale dans leur domaine de spécialisation (en médecine, en biologie, en
génie, par exemple).
B) NATURE DE L’EXERCICE DE L’INTERPRÉTATION
L’interprète de conférence reformule oralement d’une langue à une autre un
message lors de discours, de réunions, de conférences et de débats, tout en
accordant une attention particulière au contenu. En toutes circonstances, il a
besoin, en plus de ses connaissances générales, d'une préparation propre à la
conférence, qui varie selon le domaine. Il existe deux techniques principales
d’interprétation de conférence, soit l’interprétation simultanée, qui se fait en
temps réel, pendant le discours de l’intervenant, et l’interprétation consécutive,
qui consiste à restituer le discours dans les minutes qui suivent dans la langue
utilisée pendant la réunion.
L'interprète judiciaire est un spécialiste de la communication orale qui assure
des services d'interprétation devant des cours de justice ou des tribunaux
administratifs. Il interprète tantôt en mode consécutif, tantôt en mode simultané.
Pour les interprètes en langues étrangères surtout, le travail se poursuit souvent
hors cour, ceux-ci devant accompagner les avocats à des rencontres en
tête-à-tête avec un accusé ou un témoin.
25
L’interprète judiciaire doit connaître aussi bien le vocabulaire et le
fonctionnement du système juridique que la langue de la rue ou encore la
terminologie spécialisée employée par les témoins-experts. Enfin, mentionnons
que l’interprète judiciaire est parfois appelé à traduire à vue et de vive voix
certains documents déposés au tribunal.
L’interprète communautaire offre des services directs et importants à la
population, en milieu hospitalier et social par exemple. L’interprétation
communautaire n’est toutefois pas contrôlée par un organisme régulateur.
L’interprétation communautaire (aussi appelé interprétation en milieu social)
prend de plus en plus d’importance avec l’accroissement de l’immigration au
Québec, les immigrants de première génération possédant souvent une
connaissance insuffisante des langues officielles pour communiquer et obtenir
des services. Or, l’interprétation communautaire est souvent faite par des
amateurs – même des enfants –; une situation qui présente des risques
importants. En effet, la plupart du temps, les personnes qui ne parlent pas le
français ou l’anglais se font accompagner par un membre de leur famille, un ami
ou un proche ou comptent sur des bénévoles pour interpréter leurs propos.
Connaissances requises et profil de pratique
Au Canada, l’interprétation de conférence est enseignée uniquement à
l’Université d’Ottawa, à la maîtrise. Au Québec, aucune université n’offre de
programme entièrement consacré à l’interprétation judiciaire. Toutefois, les deux
modes d’interprétation sont enseignés dans diverses universités et écoles
spécialisées dans le monde. L'Ordre reconnaît ces études par voie
d'équivalence, après évaluation du dossier.
Bien que depuis une dizaine d’années l’interprétation communautaire suscite un
intérêt accru dans les milieux universitaires et professionnels, elle occupe
toujours une place marginale dans les programmes de formation et de
perfectionnement, et reste encore une profession non réglementée et peu
reconnue. Pourtant, il s’agit d’une activité professionnelle largement pratiquée
dans les milieux multiethniques.
C) NATURE DE L’EXERCICE DE LA TERMINOLOGIE
Les terminologues répertorient les termes propres à une sphère d’activité ou à
une organisation, les définissent et cherchent les équivalents dans une autre
26
langue. De plus, ils définissent les termes en usage dans les différents
domaines dont ils normalisent la terminologie. Ils élaborent, décrivent, gèrent et
diffusent des vocabulaires spécialisés monolingues et multilingues, des bases de
données, des glossaires, des dictionnaires et des lexiques. Pour ce faire, ils
doivent suivre de près l’évolution technologique, sociologique et culturelle de la
langue ou des langues dans lesquelles ils se spécialisent. La terminologie étant
une activité interdisciplinaire, les terminologues travaillent très souvent en étroite
collaboration avec des spécialistes dans les domaines les plus divers.
De nos jours, les terminologues sont appelés à travailler au sein de services
linguistiques (traduction et interprétation) et dans d’autres secteurs, tels que la
rédaction technique, la normalisation, les brevets, le droit, l’information et la
documentation, la recherche et développement, l’aménagement linguistique et la
défense de la langue, ainsi que dans l’édition (essentiellement de dictionnaires).
Au sein d‘une entreprise ou d‘une administration, les terminologues peuvent être
à la tête d’un groupe de terminologie, voire d’un service entier. En tant que
responsables de la gestion de contenu, ils sont chargés des aspects
méthodologiques, organisationnels et techniques propres à la gestion des
connaissances (gestion de documents, de l’information et de la communication
ou une combinaison de ces trois). Les terminologues indépendants, quant à eux,
exercent une activité de conseil en matière de méthodologie, de données et
d’outils terminologiques auprès d’entreprises, d’administrations et d’institutions.
27
Annexe B – Exemples d’erreurs de traduction
Santé
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Erreur dans les instructions d’installation d’une prothèse du genou : les
patients doivent être réopérés.
Erreur dans les instructions de préparation d’un aliment pour nourrissons
pouvant « entraîner de graves problèmes de santé, voire la mort ».
Erreur dans les instructions d’analyse des résultats d'un test de dépistage
du cancer du sein.
Une faute d’interprétation cause une erreur médicale coûteuse.
France – Instructions non traduites : 5 000 patients reçoivent une surdose
de radiation.
Québec – Erreurs de traduction dans les examens du Collège des
médecins de famille du Canada.
Québec – Une étude menée dans 20 hôpitaux québécois révèle que les
patients qui éprouvent des problèmes de communication sont exposés à
un risque plus élevé de problèmes évitables.
Toronto Star – Depuis janvier 2009, les hôpitaux dans 13 États américains
doivent recourir à des traducteurs professionnels pour assurer la prestation
de services d’interprétation médicale.
Droit
9.
10.
11.
12.
13.
14.
Poursuite contre le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du
Canada – la compétence de l’interprète mise en cause.
Poursuite de 35 M$ contre le Procureur général de l’Ontario – interprètes
judiciaires incompétents.
États-Unis – Procès au criminel annulé faute d’interprétation
États-Unis – Poursuite de Fisher Tool (Californie) c. Gillet
Outillage (France) liée à une erreur de traduction.
États-Unis – Erreur de traduction des bulletins de vote au Texas : coûts de
réimpression de 239 709 $.
Belgique – Projet de loi modifié en raison notamment d’une erreur de
traduction.
28
Finances
15. International – Une erreur de traduction agite les marchés financiers.
16. France – Une erreur de traduction fait chuter l’action Renault.
17. Québec – Bombardier rétracte son communiqué sur la CSeries en raison
d’une erreur de traduction.
18. Toronto – L’action de la société québécoise Séquoia chute de 11 % en
raison d’une erreur de traduction.
Relations internationales
19. Le réseau CNN banni d’Iran en raison de la diffusion d’un reportage erroné
(erreur de traduction).
20. La déclaration de la Corée du Nord selon laquelle ce pays aurait bientôt
suffisamment de plutonium pour plusieurs armes nucléaires est le fruit
d’une erreur de traduction.
21. Une erreur de l’interprète indonésien provoque un incident diplomatique
avec l’Australie.
22. Corée du Nord – Excuses pour erreur de traduction des règles américaines
sur les importations de bovins.
23. Des journalistes israéliens soumettent un document incompréhensible au
ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas (traduction automatique).
24. France – Annonce erronée de l’explosion d’une fusée indienne avec
10 satellites à bord attribuable à une erreur de traduction.
29
Annexe B-1 – Santé
Berlin – Une faute de traduction dans la notice d’une prothèse provoque 47 erreurs
médicales. (Depuis la parution de l’article en août 2007, les 47 patients ont été réopérés
aux frais de l’hôpital.)
30
Annexe B-2 – Santé
La compagnie Mead Johnson Nutrionals rappelle 4,6 millions de boîtes de préparation
pour nourrissons en raison d’une erreur de traduction dans la version espagnole des
instructions, qui pourrait causer de graves problèmes de santé, voire la mort.
31
Annexe B-3 – Santé
ETMIS 2008, vol. 4, no 3, Performance diagnostique des techniques de détermination
du statut HER-2 dans le cancer du sein.
La version française de la brochure de renseignements techniques comprend une
erreur de traduction dans les critères d’interprétation du test d’IHC.
32
Annexe B-4 – Santé
New England Journal of Medicine, juillet 2006 : Un jeune hispanophone de 18 ans se
plaint d’être « intoxicado », puis s’évanouit. Informés des circonstances de l’incident par
les ambulanciers qui ont traduit littéralement « intoxicado», les médecins traitent le
jeune homme pour une « intoxication médicamenteuse » alors qu’il souffre en réalité
d’un hématome intracérébelleux. Résultat : le jeune homme est maintenant paralysé.
L’hôpital a dû verser 71 M$ en dommages.
33
Annexe B-5 – Santé
France – Quelque 5 000 patients traités par radiothérapie à l'hôpital Jean-Monnet d’Epinal ont
reçu des surdoses de radiation. Cinq d'entre eux sont décédés et des centaines d'autres ont été
fortement irradiés. Principale cause : instructions d’utilisation du logiciel non traduites par le
fabricant et mauvaise interprétation du fonctionnement par le personnel de l’hôpital.
34
Annexe B-6 – Santé
Québec – Erreurs de traduction dans l’examen passé par les futurs médecins pour l’obtention
de leur permis de pratique. La traduction était tellement mauvaise que les candidats ont dû
consulter la version anglaise de l’examen pour comprendre les questions.
35
Annexe B-7 – Santé
Québec – Une étude menée dans 20 hôpitaux de la province de Québec révèle que les patients
qui éprouvent des problèmes de communication sont exposés à un risque plus élevé de
problèmes évitables.
36
Annexe B-8 – Santé
Toronto Star – Depuis janvier 2009, les tribunaux obligent les hôpitaux et les cliniques
médicales dans 13 États américains à recourir à des traducteurs professionnels pour assurer la
prestation de services d’interprétation médicale.
37
Annexe B-9 – Droit
Xin Tong Huang c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration – La Cour fédérale du Canada
accueille la demande de contrôle judiciaire en raison du nombre élevé d’erreurs de traduction
commises par l’interprète judiciaire.
38
Annexe B-10 – Droit
Ottawa – Poursuite de 35 M$ contre le Procureur général de l’Ontario alléguant que
l’incompétence d’interprètes judiciaires désignés par le gouvernement avait mené à des erreurs
judiciaires, voire à des condamnations injustes.
The Globe & Mail, 14 avril 2008,
http://www.theglobeandmail.com/servlet/story/RTGAM.20080414.wblatchford14/EmailBNStory/
National1
39
Annexe B-11 – Droit
États-Unis – Un juge du Maryland annule un procès au criminel et rejette les accusations
d’abus, le tribunal n’ayant pas trouvé d’interprète.
40
Annexe B-12 – Droit
International – Poursuite de Fisher Tool (États-Unis) contre Gillet Outillage (France) liée à une
erreur de traduction technique dans un brevet.
41
Annexe B-13 – Droit
États-Unis (Texas) – Bulletins de vote réimprimés au coût de 239 709 $ en raison d’une erreur
de traduction
42
Annexe B-14 – Droit
Belgique – Chambre des représentants – 28 janvier 2005, Projet de loi relatif aux
communications électroniques : Amendement pour corriger une erreur de traduction qui
introduit simultanément une incohérence et une iniquité.
43
Annexe B-15 – Finances
Une erreur de traduction faite par un traducteur amateur secoue les marchés boursiers.
44
Annexe B-16 – Finances
Une erreur de traduction fait chuter l’action du constructeur automobile Renault.
45
Annexe B-17 – Finances
Québec – Bombardier rétracte son communiqué sur la CSeries en raison d’une erreur de
traduction dans la version française.
46
Annexe B-18 – Finances
Toronto-Québec – Presse canadienne (décembre 2003) : L’action de la société québécoise
Séquoia chute de 11 % en raison d’une erreur de traduction.
47
Annexe B-19 – Relations internationales
Le réseau américain CNN est banni d’Iran en raison d’une erreur de traduction qui avait fait dire
au président iranien que son pays avait le droit de fabriquer des armes nucléaires.
48
Annexe B-20 – Relations internationales
Washington (CNN) – Une erreur de traduction dans un communiqué de la Corée du Nord laisse
entendre que ce pays aurait bientôt suffisamment de plutonium pour fabriquer plusieurs armes
nucléaires.
49
Annexe B-21 – Relations internationales
Une erreur de traduction commise par l’interprète indonésien provoque un incident diplomatique
lors d’une conférence de presse tenue par le président de l’Indonésie et le premier ministre de
l’Australie.
50
Annexe B-22 – Relations internationales
Le gouvernement de la Corée du Nord s’excuse pour une erreur de traduction publiée dans la
gazette officielle, qui indiquait que les règles de l’accord bilatéral sur les importations de bovins
étaient beaucoup plus sévères qu’elles ne le sont en réalité.
51
Annexe B-23 – Relations internationales
Préparant une visite aux Pays-Bas, des journalistes israéliens soumettent un document
inintelligible au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas et créent un incident
diplomatique. Le journal The Jerusalem Post signale que les autorités néerlandaises songent
sérieusement à annuler la visite et à déposer une plainte officielle.
52
Annexe B-24 – Relations internationales
France – Annonce erronée de l’explosion d’une fusée indienne avec 10 satellites à bord
attribuable à une erreur de traduction.
53