Mémoire présenté par l`Ordre des traducteurs, terminologues et
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Mémoire présenté par l`Ordre des traducteurs, terminologues et
DEMANDE DE MODIFICATION DE STATUT ET DE RÉSERVE D’ACTES PROFESSIONNELS PRÉSENTÉE LE 5 MARS 2009 À L’OFFICE DES PROFESSIONS DU QUÉBEC SOMMAIRE.......................................................................................................................... 1 I – INTRODUCTION ............................................................................................................... 3 2 – LE PROBLÈME DES DOUBLES APPELLATIONS ET DE L’INTERPRÉTATION ............................. 5 2.1 LES DOUBLES APPELLATIONS................................................................................ 5 2.1.1 2.2 Conséquences pour la protection du public .......................................... 7 LE PROBLÈME DE L’INTERPRÉTATION ................................................................... 10 2.2.1 Conséquences pour la protection du public ........................................ 13 2.3 SOLUTION DEMANDÉE ET LIBELLÉ DE LA MODIFICATION ......................................... 15 2.4 JUSTIFICATION ET MISE EN APPLICATION .............................................................. 16 3 – LE PROBLÈME DES LACUNES JURIDIQUES ..................................................................... 17 3.1 Conséquences pour la protection du public ............................................... 18 3.2 Solution demandée et libellé de la modification ......................................... 20 3.3 Justification et mise en application ............................................................. 20 4 – SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS ............................................................................ 21 ANNEXES...................................................................................................................... 23 SOMMAIRE En 1992, le gouvernement du Québec créait l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) et octroyait aux traducteurs, terminologues et interprètes professionnels membres de la Société des traducteurs du Québec les titres réservés de traducteur agréé, terminologue agréé et interprète agréé. La preuve avait été faite que la traduction, sous sa forme écrite ou orale, pouvait constituer un danger pour le public si certaines normes et conditions n'étaient pas respectées. Aujourd’hui, après avoir mis en place les mécanismes prévus dans le Code des professions du Québec et nécessaires à la protection du public et après plus de quinze ans d’exercice du titre, l’OTTIAQ se heurte à des difficultés systémiques qui l’empêchent d’assurer adéquatement l’encadrement de la profession et la protection du public. Ces difficultés sont de deux ordres. Les premières découlent de la réserve inadéquate des titres. Les secondes sont juridiques et tiennent aux lacunes des textes législatifs québécois relatifs à la certification de la traduction des documents officiels. Par réserve inadéquate des titres, nous entendons le fait que n’importe qui au Québec peut se proclamer traducteur, terminologue ou interprète, à condition de ne pas accoler au titre le qualificatif « agréé ». Cette situation se trouve amplifiée par le fait que, devant une demande de traduction poussée à la hausse par la mondialisation, les progrès techniques et la rapidité des télécommunications ainsi que par les enjeux de sécurité nationale et publique, quantité d’amateurs s’improvisent traducteurs professionnels. La protection du public ne peut être assurée si le titre réservé n’est pas renforcé. À cela s’ajoute la nécessité de différencier et de réglementer les titres d’interprète de conférence, d’interprète judiciaire et d’interprète communautaire. Par lacunes juridiques, nous entendons le fait que les lois québécoises prévoient la certification des traductions de certains documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques, sans prévoir les méthodes et les moyens nécessaires à cette certification. De plus, l’OTTIAQ croit que la certification devrait s’étendre à la version traduite des documents certifiés conformes quant au fond et à la forme par les membres des ordres professionnels visés par le Code des professions. Ces lacunes peuvent être facilement résolues par une modification des textes actuels. 1 Par conséquent, l’OTTIAQ demande à l’Office des professions du Québec, d’une part, l’élimination des doubles appellations traducteur/traducteur agréé, terminologue/terminologue agréé et interprète/interprète agréé et la réserve des titres d’interprète de conférence, d’interprète judiciaire et d’interprète communautaire et, d’autre part, la réserve de l’acte de certification de la version traduite des documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques et des documents certifiés par les membres d’ordres professionnels régis par le Code des professions du Québec. 2 I – INTRODUCTION La traduction est le terme générique utilisé pour désigner le secteur d’activités où se pratiquent trois professions apparentées : la traduction, l’interprétation et la terminologie. Les traducteurs, terminologues et interprètes exercent leurs activités dans l’ensemble des champs d’action de la société québécoise et contribuent considérablement à la vie sociale et économique du Québec. En effet, en ce siècle d'échanges internationaux, les traducteurs, terminologues et interprètes sont les agents indispensables de toute communication entre collectivités de langues différentes. Ils sont au service du public, du monde des affaires, des administrations publiques québécoise et fédérale, des organisations locales, nationales et internationales. Ce sont des professionnels qui exercent dans les milieux les plus divers – grandes entreprises, banques, gouvernements, organisations nationales et internationales – ou encore en pratique privée. (Les caractéristiques du groupe, la nature de l’exercice, les connaissances requises et le profil de pratique des trois professions sont présentés à l’annexe A.) En 1992, le gouvernement du Québec créait l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) et octroyait aux traducteurs, terminologues et interprètes professionnels membres de la Société des traducteurs du Québec les titres réservés de traducteur agréé, terminologue agréé et interprète agréé. Depuis sa création, l’OTTIAQ s’est conformé aux prescriptions de l’Office des professions du Québec, entre autres en revoyant ses procédures d’agrément, en adoptant un code de déontologie, en obligeant ses membres à souscrire une assurance responsabilité professionnelle et en mettant en place les mécanismes d’inspection professionnelle et de formation continue. Aujourd’hui, après avoir mis en place tous les mécanismes nécessaires à la protection du public et après plus de 15 années d’application du titre, l’OTTIAQ constate d’importantes lacunes systémiques et juridiques qui l’empêchent d’accomplir sa mission de protection du public québécois. Celle-ci est en effet impossible à garantir en raison de la réserve inadéquate du titre ainsi qu’en raison de lacunes juridiques et de la réserve non précisée de certains actes de certification. 3 Par réserve inadéquate du titre, nous entendons le fait que n’importe qui au Québec peut se proclamer traducteur, terminologue ou interprète, à condition de ne pas accoler au titre le qualificatif « agréé ». Cela crée une situation de doubles appellations, source d’ambiguïté dans le public, avec les risques que cela comporte. De plus, l’existence, dans les faits, de trois types d’interprètes, soit l’interprète de conférence, l’interprète judiciaire et l’interprète communautaire, regroupés sous le seul titre d’interprète crée de la confusion dans le public et ne rend pas justice aux différences importantes entre ces trois formes d’interprétation en matière de formation et de conditions d’exercice. Par lacunes juridiques, nous entendons le fait que certains textes législatifs établissent la nécessité d’un constat formel de la conformité de la traduction par rapport au document original, mais sont muets quant à la procédure de certification de la traduction et à la personne habilitée à certifier la conformité de la traduction. Il en est de même de la certification de la traduction des documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques ainsi que des documents certifiés par les membres d’autres ordres. Il en découle une situation contradictoire quant aux normes à respecter selon que le document est présenté dans la langue originale ou sous forme de traduction. 4 2 – LE PROBLÈME DES DOUBLES APPELLATIONS ET DE L’INTERPRÉTATION 2.1 LES DOUBLES APPELLATIONS Les doubles appellations – traducteur/traducteur agréé, terminologue/terminologue agréé et interprète/interprète agréé – qui ont cours sur le marché sont la source d’une grande confusion dans le public et entraînent une réserve inadéquate du titre qui empêche l’OTTIAQ d’exécuter pleinement son mandat de protection du public. Les effets conjugués de la mondialisation, d’Internet et des menaces à la santé et à la sécurité poussent la demande de traduction vers des sommets inégalés partout dans le monde et au Canada. Cette demande croît au rythme de 15 à 25 % par année en moyenne depuis 1995, doublant ainsi environ tous les cinq ou six ans1. C’est sans doute l’un des secteurs d’activité qui connaît la plus forte croissance, et aucun fléchissement n’est à prévoir pour au moins une génération. Actuellement au Québec, n’importe qui peut se dire traducteur, terminologue ou interprète et exercer la profession sans être soumis aux obligations de respect de la déontologie et des normes professionnelles ainsi que de formation et de compétence auxquelles sont assujettis les membres de l’OTTIAQ, et ce, à la seule condition de ne pas se prétendre traducteur, terminologue ou interprète agréé par l’OTTIAQ. D’ailleurs, de façon générale, le gouvernement du Québec lui-même n’exige pas que ses propres traducteurs et ses fournisseurs de services de traduction, de terminologie et d’interprétation soient membres de l’OTTIAQ. 1 Industrie canadienne de la traduction – Carte routière technologique (2003-2007) – Industrie Canada, Conseil national de recherches Canada, Association de l’industrie de la langue, 2004, p. 3. 5 Ainsi, seulement 1 900 des quelque 6 7002 traducteurs, terminologues et interprètes recensés au Québec sont membres de l’OTTIAQ. Plus des deux tiers fonctionnent donc encore hors normes et hors cadre, une situation qui met à risque le public québécois, lequel ne possède généralement pas les connaissances requises pour juger de la qualité d’une traduction ou des compétences d’un traducteur, terminologue ou interprète. Or, les conséquences de l’impéritie vont du désagrément véniel (fautes de langue, erreurs dans les instructions d’assemblage d’un meuble) au péril mortel (posologies ou instructions erronées pouvant entraîner des accidents graves, voire la mort). Si le gouvernement du Québec a créé l’OTTIAQ, c’est justement parce que la preuve avait été faite que la traduction pouvait constituer un danger pour le public si sa pratique n’était pas encadrée de manière à garantir la qualité et le professionnalisme de l’acte de traduction. Comme le public en général ne fait pas la distinction entre une personne bilingue et un traducteur professionnel, il est encore moins en mesure de différencier un traducteur agréé d’un traducteur tout court. La préoccupation de l’OTTIAQ quant aux doubles appellations trouve d’ailleurs écho au Conseil interprofessionnel du Québec, qui en faisait état dans son rapport annuel de 2003-2004 : Depuis une vingtaine d’années, la question de l’efficacité et des limites du titre réservé comme outil de protection du public est discutée dans le système professionnel et fait l’objet de préoccupations. Dans plusieurs domaines, le phénomène observé des doubles appellations favorise le contournement de l’utilisation d’un titre réservé et banalise, de ce fait, la législation professionnelle et son encadrement. [...] L’efficacité du titre réservé, comme outil de protection du public, dépend, entre autres, de sa promotion, de son usage généralisé et de la clarté de l’exclusivité du champ sémantique3. 2 3 Évaluation économique de l’industrie de la langue au Canada – 2007, Industrie Canada, http://www.ic.gc.ca/epic/site/lain-inla.nsf/fr/h_qs00197f.html Rapport annuel de 2003-2004, Conseil interprofessionnel du Québec, p. 16 6 Nous partageons cet avis. Force est de constater que, dans les faits, il n’y a pas vraiment de réserve du titre en traduction, terminologie et interprétation. En traduction, la situation est d’autant plus préoccupante que, en raison de la hausse marquée de la demande de traduction depuis dix ans, l’absence de balises claires quant à l’exercice de la profession incite des personnes non qualifiées à se prétendre traducteurs professionnels. Comme nous l’avons mentionné plus haut, moins du tiers des traducteurs recensés au Québec font partie de l’OTTIAQ. Ainsi, la vaste majorité n’est donc pas visée par le Code des professions, résultat d’une réserve insuffisante du titre. Qui plus est, le gouvernement du Québec lui-même contribue à cette situation en ce qu’il n’exige pas que les traducteurs, terminologues et interprètes dont il retient les services à titre d’employés ou de fournisseurs soient membres de l’OTTIAQ. 2.1.1 Conséquences pour la protection du public Le recensement de la population de 20064 révèle que seulement 17 % de la population canadienne peut soutenir une conversation dans les deux langues officielles (une baisse de 1 % par rapport au recensement de 20015). Au Québec, cette proportion se situe à 40 %, et la majorité des personnes bilingues vivent dans la région métropolitaine de Montréal. À Trois-Rivières, par exemple, la proportion de bilinguisme tombe à 25 % en 2006 (26 % en 2001). Elle passe sous les 20 % en dehors des grands centres. Un très large pan de la population québécoise n’a donc pas une connaissance fonctionnelle de l’autre langue officielle du Canada et s’appuie entièrement sur la traduction pour obtenir dans sa propre langue des produits et services qui tirent leur origine de l’autre langue officielle du Canada, sans compter les autres langues. 4 Statistique Canada, Recensement de la population de 2006. « Connaissance des langues officielles » (http://www12.statcan.ca/francais/census06/data/topics/index.cfm?Temporal=2006&APATH=3) 5 Nouvelles perspectives canadiennes – Les langues au Canada, Recensement de 2001, Statistique Canada p. 57 7 Difficulté de porter un jugement – Comme la grande majorité de la population québécoise n’a pas une connaissance fonctionnelle de l’autre langue officielle du Canada, et encore moins d’autres langues, l’utilisateur moyen se trouve dans l’impossibilité de juger de la qualité de la traduction et est tributaire de la compétence du traducteur. Ne pouvant différencier l’amateur du professionnel, c’est malheureusement à l’usage qu’il pose son jugement, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Gravité des préjudices – Différents types de préjudices ou dommages peuvent résulter d’une pratique inadéquate de la traduction. Qu’il s’agisse de dommages d’ordre moral (atteinte à la réputation, par exemple), de dommages d’ordre matériel ou physique (traduction erronée d’un procédé industriel ou d’instructions de montage ou d’utilisation d’un appareil), de dommages d’ordre financier (traduction fautive d’un dépliant publicitaire, d’un appel d’offres, de polices d’assurance, d’information financière, d’un contrat). Le préjudice peut aussi consister en la perte de droits ou de privilèges dans le cas de textes à valeur juridique, par exemple des témoignages, des contrats, des règlements ou des lois. Montréal, le 7 août 2008 : Bombardier rétracte son communiqué sur la C Séries en raison d’une erreur de traduction dans la version française. (Voir l’annexe B-17.) Une traduction incorrecte peut comporter des risques pour la sécurité physique des personnes, par exemple dans le cas de la posologie d’un médicament, la liste des ingrédients de mets préparés, les instructions d’utilisation d’appareils médicaux et l’utilisation de produits chimiques. 8 Berlin, le 12 août 2007 – AFP : Une faute de traduction dans la notice d’une prothèse provoque 47 erreurs médicales. Les patients doivent être opérés de nouveau. (Voir l’annexe B-1) L’annexe B présente des exemples d’erreurs de traduction dans divers domaines : santé, droit, finances, relations internationales et commerce. Enfin, rappelons que la traduction est d’abord et avant tout un acte de communication, et la communication aujourd’hui est marquée au coin de l’instantanéité et de la diversité. Il s’ensuit une complexification du travail du traducteur et un accroissement des risques associés. Le Canada et le Québec n’échappent pas à cette règle de l’instantanéité des communications. La réglementation financière, par exemple, impose des délais très comprimés pour la production des documents. Et les traducteurs doivent être parfaitement à la hauteur pour assurer la simultanéité et l’exactitude des communications, sans compter que les communications d’importance cruciale pour le public en général – documents touchant la sécurité nationale, la sécurité publique et la santé, documents interprétatifs et réglementaires, législation, décisions et programmes gouvernementaux, etc. – nécessitent la conformité totale des deux versions et une terminologie rigoureusement exacte. Toronto, décembre 2003 : L’action de la société québécoise Séquoia chute de 11 % après l’annonce d’une erreur de traduction dans le communiqué anglais diffusé au moment de son entrée à la Bourse de Toronto. (Voir l’annexe B-18.) 9 2.2 LE PROBLÈME DE L’INTERPRÉTATION La problématique de la double appellation en interprétation est exacerbée par une confusion des titres dans cette profession et par l’absence de balises pour encadrer une catégorie d’interprétation – l’interprétation communautaire – ainsi que par la création de systèmes parallèles d’encadrement de la profession. Confusion des titres – Il existe une confusion dans le public par rapport à l’interprétation. Celui-ci confond interprétation de conférence, interprétation judiciaire, interprétation communautaire et interprétation en langues des signes. On compte en fait trois grandes catégories d’interprétation : l’interprétation de conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire. Chacune se distingue sur le plan des conditions d’exercice et des exigences en matière de formation. L’interprète de conférence reformule oralement d’une langue à une autre un message lors de discours, de réunions, de conférences et de débats. L'interprète judiciaire assure des services d'interprétation devant des cours de justice ou des tribunaux administratifs. L’interprète communautaire intervient dans de nombreux secteurs – santé, éducation, justice, programmes sociaux – et sert d’intermédiaire linguistique entre un client et un prestataire de services, par exemple entre un patient et un médecin. Pour ce qui est de l’interprétation en langues des signes, les langues des signes étant des langues à part entière, les interprètes en langues des signes font de l’interprétation de conférence, de l’interprétation judiciaire ou de l’interprétation communautaire. 10 L’annexe A présente la nature de l’exercice d’interprétation, les connaissances requises et le profil de pratique. Absence de balises – Les deux premières catégories d’interprétation sont déjà incluses dans le champ de compétence de l’OTTIAQ, mais pas l’interprétation communautaire. Or, cette dernière prend de plus de plus d’importance avec l’accroissement de l’immigration, les immigrants de première génération possédant souvent une connaissance insuffisante des langues officielles pour communiquer et pour obtenir des services. (Selon le dernier recensement, il y a 200 langues parlées au Canada.) Bien que depuis une dizaine d’années l’interprétation communautaire suscite un intérêt accru dans les milieux universitaires et professionnels, elle occupe toujours une place marginale dans les programmes de formation et de perfectionnement, et reste encore une profession non réglementée et peu reconnue. Pourtant, il s’agit d’une activité professionnelle largement pratiquée dans une foule de milieux, notamment le milieu hospitalier. En effet, dans le domaine de la santé, les services d’interprétation sont souvent dispensés par un employé bilingue travaillant au sein du système de soins de santé, une personne bénévole offrant des services linguistiques, un auxiliaire, souvent même des enfants et, parfois seulement, par un interprète professionnel. Or, le recours à des interprètes « improvisés » n’est pas sans risque – omissions, ajouts, substitutions ou renseignements inexacts pouvant entraîner des erreurs médicales. Et que dire des situations où l’on demande à des enfants d’annoncer une mauvaise nouvelle à leurs parents? 11 Québec, 2008 – Association médicale canadienne : Une étude menée dans 20 hôpitaux québécois révèle que la barrière de la langue et les difficultés de communication influent négativement sur la qualité des soins. Les patients ayant des difficultés de communication sont exposés à un risque plus élevé de problèmes évitables. (Voir l’annexe B-7) Fait notable, depuis janvier 2009, à la suite de poursuites de plusieurs millions de dollars, les tribunaux obligent les hôpitaux et les cliniques médicales dans 13 États américains à recourir à des traducteurs professionnels pour assurer désormais la prestation de services d’interprétation médicale. (Voir l’annexe B-8.) Systèmes parallèles d’encadrement de la profession – Malgré l’existence de l’OTTIAQ, l’administration publique québécoise a mis sur pied des systèmes parallèles dans le domaine de l’interprétation judiciaire, de l’interprétation communautaire et de l’interprétation en langues des signes. Par exemple, le ministère de la Justice a créé son propre réseau d’interprètes judiciaires, lesquels ne sont pas membres de l’OTTIAQ. L‘Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a mis sur pied la Banque interrégionale d’interprètes, qui compte à elle seule plus de 100 interprètes communautaires. Aucun de ces interprètes n’est membre de l’OTTIAQ. Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a lui aussi recours à la Banque interrégionale d’interprètes. De plus, il est en train d’examiner la question de l’interprétation en langues des signes et a mis sur pied un groupe de travail sur la formation des interprètes en langues des signes. Or, l’OTTIAQ n’a pas été consulté et n’a pas été invité non plus à faire partie de ce groupe de travail. Pour résumer, il existe dans les faits trois types d’interprétation, chacune ayant des exigences particulières en matière de formation en raison de la nature du travail et des conditions d’exercice, lesquelles diffèrent sensiblement de l’un à l’autre. L’interprétation de conférence est bien établie et bien encadrée. L’interprétation judiciaire l’est aussi. 12 Toutefois, à peine 24 interprètes (16 interprètes de conférence et 8 interprètes judiciaires) sont membres de l’OTTIAQ alors que, dans la seule région métropolitaine de Montréal, quelque 300 interprètes judiciaires et communautaires travaillent pour l’administration publique québécoise par l’entremise des systèmes parallèles mis sur pied par certains organismes provinciaux. Enfin, l’interprétation communautaire n’est aucunement encadrée à l’heure actuelle, ni au Québec ni ailleurs au Canada alors que les besoins croissent au gré de l’immigration. Aucun interprète communautaire n’est membre de l’OTTIAQ. 2.2.1 Conséquences pour la protection du public Les conséquences pour la protection du public décrites en 2.1.1 par rapport aux doubles appellations s’appliquent également à l’interprétation, mais se trouvent exacerbées par la confusion dans le public quant aux trois sortes d’interprétation. De plus, comme peu d’interprètes sont devenus membres de l’Ordre en raison des doubles appellations, celui-ci n’est pas en mesure d’encadrer convenablement ces trois professions, une situation risquée en soi, mais qui l’est encore plus dans le cas de la relativement nouvelle profession d’interprète communautaire, qui n’est pas du tout réglementée et dont même la formation de base n’est pas définie. Ce constat est d’autant plus inquiétant que l’interprétation communautaire est très souvent exercée dans le cadre de consultations médicales, chez le médecin ou à l’hôpital. Gravité des préjudices – Facteur non négligeable, la barrière linguistique a un impact important sur la qualité des soins de santé. D’une part, les personnes qui se heurtent à une barrière linguistique éprouvent des difficultés à décrire leurs symptômes, à comprendre le diagnostic et le plan de traitement ainsi qu’à établir une relation de confiance avec le professionnel de la santé. D’autre part, comme le révèlent des études récentes effectuées au Canada et aux ÉtatsUnis, les personnes qui ne maîtrisent pas la ou les langues officielles du pays hésitent à consulter un médecin ou à se rendre à l’hôpital parce qu’elles craignent de ne pas être comprises ou d’être mal comprises. 13 Ottawa, 2001 – Les distorsions communicationnelles entre les usagers et les intervenants peuvent provoquer des risques « d'incommunicabilité, d'erreurs de diagnostic, de traitements inappropriés, de diminution de la compréhension et de l'observance du traitement de la part du patient, d'inefficacité clinique, de satisfaction réduite chez le soignant comme le soigné, de séquelles attribuables à des fautes professionnelles, et de mortalité6 ». Difficulté de porter un jugement – Il est difficile voire impossible pour une personne qui ne parle pas une langue de porter un jugement sur la qualité de l’interprétation, surtout si celle-ci est effectuée par un non-professionnel. Comment savoir que le malade hispanophone qui se plaint d’être « intoxicado » n’est pas « intoxiqué », mais souffre de nausées et d’étourdissements? Le New England Journal of Medicine faisait état en juillet 2006 du cas d’un jeune homme de 18 ans, aujourd’hui paralysé en raison d’un mauvais diagnostic posé par le médecin à l’urgence, qui s’est fié à la traduction littérale de « intoxicado » fournie par la petite amie du malade. L’hôpital a dû verser 71 M$ en dommages. (Voir l’annexe B-4) Outre le domaine de la santé, l’interprétation joue un rôle essentiel dans bien d’autres domaines, notamment en immigration. Canada – Cour fédérale : « Je suis d'avis que la décision de la Commission doit être infirmée parce que le demandeur n'a pas eu droit à une interprétation fidèle et effectuée par une personne compétente, contrairement à ce qui est garanti à l'article 14 de la Charte. Le demandeur a droit, en vertu de l'article 14 de la Charte, à une interprétation continue, fidèle, impartiale, concomitante et effectuée par une personne compétente. » (Voir l’annexe B-9) 6 Rapport du Symposium sur l'interprétation en milieu de santé – Santé Canada, 2001 http://www.hcsc.gc.ca/hcs-sss/pubs/acces/2001-certain-equit-acces/index-fra.php 14 2.3 SOLUTION DEMANDÉE ET LIBELLÉ DE LA MODIFICATION Afin de pouvoir accomplir pleinement son mandat, l’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec de renforcer le titre de traducteur, terminologue et interprète en éliminant le qualificatif « agréé » du titre. De plus, afin de pouvoir bien distinguer et encadrer toutes les catégories d’interprétation, l’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec de reconnaître l’existence de trois types d’interprétation – l’interprétation de conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire – chacun ayant des exigences de formation distinctes et un titre distinct – interprète de conférence, interprète judiciaire et interprète communautaire. En conséquence, il est proposé de modifier le paragraphe t) de l’article 36 du Code des professions pour qu’il se lise comme suit : Nul ne peut de quelque façon : (…) t) utiliser le titre de « traducteur », de « traductrice », de « terminologue » d’« interprète de conférence », d’« interprète judiciaire » ou d’« interprète communautaire » ni un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est, ou s’attribuer des initiales pouvant laisser croire qu’il l’est, ni les abréviations « trad. », « term. », « int. conf. », « int. jud. » « int. com. » « Tr. », « Term. », ou « Conf. Int. », « Jud. Int. », « Com. Int. », s’il n’est titulaire d’un permis valide à cette fin et s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre professionnel des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec. De la même façon, il est proposé de modifier le paragraphe 41 de l’annexe I pour qu’il se lise comme suit : 41. l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec. Et partout où il le faudra, notamment aux paragraphes t) des articles 36 et 37 du Code des professions du Québec. 15 2.4 JUSTIFICATION ET MISE EN APPLICATION L’élimination du qualificatif « agréé » du titre aura pour effet de dissiper la confusion liée aux doubles appellations et d’assurer une meilleure protection du public québécois. En effet, l’OTTIAQ pourra alors exercer pleinement son mandat et encadrer tous les professionnels qui exercent la profession de traducteur, de terminologue et d’interprète au Québec, lesquels seront régis par le Code des professions du Québec. Pour assurer une transition sans heurts, l’OTTIAQ élaborera une stratégie de communication adaptée aux différents publics cibles – population en général; utilisateurs de services de traduction; traducteurs; terminologues et interprètes ne faisant pas partie actuellement de l’Ordre; membres des autres ordres professionnels du Québec et universités québécoises membres de l’Association canadienne des écoles de traduction. La mise en application de la recommandation sera échelonnée dans le temps de manière à accorder un délai raisonnable aux traducteurs, terminologues et interprètes professionnels qui ne sont pas actuellement membres de l’OTTIAQ pour entreprendre les démarches requises en vue d’intégrer les rangs de l’Ordre. En outre, toutes les mesures nécessaires seront prises pour faciliter l’intégration des nouveaux membres. À l’heure actuelle, il n’existe aucun programme complet de formation collégiale ou universitaire en interprétation communautaire. L’OTTIAQ s’engage à poursuivre ses discussions avec des représentants du milieu de l’interprétation, du monde de l’enseignement collégial et universitaire et des utilisateurs de services d’interprétation pour définir les exigences en matière de formation en interprétation communautaire. L’OTTIAQ reviendra ensuite devant l’Office pour lui faire part de ses recommandations à ce chapitre. 16 3 – LE PROBLÈME DES LACUNES JURIDIQUES Certaines lois québécoises prévoient la certification de la version traduite de certains documents officiels ou juridiques, sans toutefois prescrire les méthodes et moyens nécessaires à cette certification. Deux de nos textes législatifs fondamentaux établissent l’exigence de la certification des versions traduites. En effet, le Code civil du Québec établit formellement le caractère obligatoire de la certification des traductions aux articles 140 et 3006 : De la publicité du registre de l’état civil (art. 140) – Les actes de l’état civil et les actes juridiques faits hors Québec et rédigés dans une autre langue que le français ou l’anglais doivent être accompagnés d’une traduction vidimée au Québec. Des réquisitions d’inscription (art. 3006) – Lorsque la loi prescrit que la réquisition doit être présentée accompagnée de documents, ces documents, s’ils sont rédigés dans une langue autre que le français ou l’anglais, doivent, en plus, être accompagnés d’une traduction vidimée au Québec. Le Code de procédure civile prescrit également la certification des traductions aux articles 136 et 786 : De la signification (art. 136) – Le procureur général peut, lorsque demande en est faite au gouvernement par voie diplomatique, requérir un huissier de signifier à une personne au Québec tout acte de procédure émanant d’un tribunal canadien. Cette signification se fait en laissant au destinataire, en la manière ordinaire, une copie de l’acte, certifiée par un officier de la cour de justice d’où elle émane. Si cette copie n’est rédigée ni en français ni en anglais, une traduction certifiée conforme doit y être jointe. De la reconnaissance et de l’exécution des décisions étrangères (art. 786) – La partie qui invoque une reconnaissance ou qui demande l’exécution d’une décision étrangère [...] Les documents rédigés dans une autre langue que le français ou l’anglais doivent être accompagnés d’une traduction vidimée au Québec. 17 De plus, aucun texte législatif ne prévoit la certification de la traduction de documents aussi importants pour le public que les documents produits et certifiés par les membres d’un ordre professionnel régi par le Code des professions du Québec. L’OTTIAQ croit qu’il s’agit là d’une lacune qui peut entraîner des conséquences graves pour le public. 3.1 Conséquences pour la protection du public Nulle part dans ces textes législatifs ni dans leurs règlements d’application est-il fait mention d’une procédure de certification (formulation, contenu et portée) ou de l’exécutant. N’importe qui peut donc certifier la traduction et n’importe comment avec tous les risques que cela comporte. Par contre, certains ordres exigent que les traductions de documents officiels soient certifiées par un traducteur membre de l’OTTIAQ. C’est le cas notamment de la Chambre des notaires du Québec, et il semble que cette pratique tende à se répandre7. Par ailleurs, les documents officiels produits par les membres des ordres professionnels visés par le Code des professions du Québec sont généralement certifiés pour attester de leur conformité aux règles établies par les divers ordres sur le plan de la forme et du fond dans la version originale dans laquelle le document a été rédigé. Par exemple, l’architecte ou l’ingénieur doit signer et sceller certains plans et devis, certifiant ainsi leur conformité aux règles d’architecture ou de génie. Il n’en va cependant pas de même pour la traduction officielle de ces documents. Si l’original doit être certifié pour protéger le public, la traduction officielle de ces documents doit l’être tout autant. Et cette certification ne peut être faite que par un membre d’un ordre professionnel visé par le Code des professions, en l’occurrence l’OTTIAQ. Or, rien n’est prévu dans la législation à ce chapitre important pour la protection du public. 7 Règlement sur les conditions et modalités de délivrance des permis de la Chambre des notaires du Québec, c. N-3, r.1.2, art.3. 18 Gravité des préjudices – Une erreur de traduction dans un document officiel ou un document certifié peut avoir de lourdes conséquences, par exemple dans la traduction d’un plan, d’un cahier des charges, d’un devis, d’un bilan financier, d’un brevet, d’un avis juridique, d’une décision judiciaire, d’un contrat, d’un acte notarié, d’une évaluation médicale, etc. Difficulté de porter un jugement – Comme nous l’avons mentionné précédemment, la grande majorité de la population québécoise n’ayant pas de connaissance fonctionnelle de l’autre langue officielle du Canada, l’utilisateur moyen se trouve dans l’impossibilité de juger de la qualité de la traduction et est tributaire de la compétence du traducteur. Et, dans le contexte de la mondialisation et des échanges internationaux, où les communications se font désormais dans de nombreuses langues étrangères, le recours à la traduction est incontournable. Qu’il s’agisse de la traduction des documents officiels requis d’un immigrant par un ordre professionnel pour l’autoriser à faire un stage ou encore exercer au Québec, d’une décision juridique, d’un contrat ou d’un devis technique, le public et les membres des ordres professionnels dépendent entièrement de la compétence du traducteur. Ne pouvant différencier l’amateur du professionnel, c’est malheureusement à l’usage qu’ils posent leur jugement, avec toutes les conséquences que cela entraîne. S’il est nécessaire de faire signer et sceller certains documents pour attester de leur conformité aux règles de l’art, et ce, afin de protéger le public, il ne peut en être autrement de la traduction de ces mêmes documents. La traduction officielle doit donc être certifiée par un traducteur membre de l’OTTIAQ. Cela vaut pour tous les documents certifiés par les membres des autres ordres professionnels du Québec – rapports de vérificateur, bilans annuels, certificats médicaux, actes notariés, rapports d’expert, etc. La traduction officielle de ces documents doit être certifiée par un traducteur membre de l’OTTIAQ. Autrement, il faudrait admettre qu’il existe des règles contradictoires pour les documents originaux et pour la traduction officielle de ces derniers, ce qui à notre avis compromet grandement la protection du public. La traduction officielle doit donc être certifiée par un traducteur membre de l’OTTIAQ. 19 3.2 Solution demandée et libellé de la modification L’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec la réserve de l’acte de certification de la traduction des documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques ainsi que celle des documents certifiés par les membres des ordres professionnels visés par le Code des professions du Québec. En conséquence, il est proposé de réserver la certification de traductions de documents exigés par les administrations publiques et parapubliques ainsi que celle de documents certifiés par les membres des ordres professionnels régis par le Code des professions du Québec aux traducteurs membres de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec en ajoutant le paragraphe 8º à l’article 37.1 pour qu’il se lise comme suit : o Tout membre d’un des ordres professionnels suivants peut exercer les activités professionnelles suivantes, qui lui sont réservées dans le cadre des activités que l’article 37 lui permet d’exercer : o 8º l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec : certifier conforme la traduction de documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques ainsi que celle de documents certifiés par les membres des ordres professionnels régis par Code des professions du Québec. 3.3 Justification et mise en application Cette réserve assurera l’égalité des versions originale et traduite. L’OTTIAQ est convaincu de la nécessité de cette réserve dans le contexte de mondialisation et dans une perspective de protection du public. L’OTTIAQ élaborera une stratégie de communication à l’intention de tous les ordres professionnels du Québec pour leur expliquer pourquoi et dans quelles circonstances il faut faire certifier par un membre de l’OTTIAQ la traduction officielle des documents que leurs membres signent et scellent dans l’exercice de leurs fonctions. 20 4 – SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS Afin de pouvoir accomplir sa mission et remplir pleinement son mandat, l’OTTIAQ demande au gouvernement du Québec de prendre les mesures suivantes : 1) renforcer le titre de traducteur, de terminologue et d’interprète en éliminant le qualificatif « agréé » du titre; 2) reconnaître les trois types d’interprétation, soit : l’interprétation de conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire en réservant les titres d’interprète de conférence, d’interprète judiciaire et d’interprète communautaire; 3) accorder aux membres en règle de l’OTTIAQ une réserve d’actes pour la certification des traductions officielles, à savoir la certification de la version traduite de tout document officiel exigé par les institutions publiques et parapubliques ainsi que des documents certifiés par un membre d’un ordre professionnel visé par le Code des professions du Québec. En conséquence, il est proposé : 1) de modifier le paragraphe t) de l’article 36 du Code des professions pour qu’il se lise comme suit : Nul ne peut de quelque façon : (…) t) utiliser le titre de « traducteur », de « traductrice », de « terminologue », d’« interprète de conférenc », d’« interprète judiciaire » ou d’« interprète communautaire », ni un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est, ou s’attribuer des initiales pouvant laisser croire qu’il l’est, ni les abréviations « trad », « term. », « int. conf. », « int .jud. » « int. com. » « Tr. », « Term. », ou « Conf. Int », « Jud. Int. », « Com. Int. », s’il n’est titulaire d’un permis valide à cette fin et s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre professionnel des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec. De la même façon, il est proposé de modifier le paragraphe 41 de l’annexe I pour qu’il se lise comme suit : 41. l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec.). 21 Et partout où il sera nécessaire, notamment aux paragraphes t des articles 36 et 37 du Code des professions du Québec. 2) d’ajouter le paragraphe 8º à l’article 37.1 du Code des professions du Québec pour qu’il se lise comme suit : Tout membre d’un des ordres professionnels suivants peut exercer les activités professionnelles suivantes, qui lui sont réservées dans le cadre des activités que l’article 37 lui permet d’exercer : 8º l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes du Québec : certifier conforme la traduction de documents officiels exigés par les administrations publiques et parapubliques ainsi que celle de documents certifiés par les membres des ordres professionnels régis par le présent code. 22 ANNEXES Annexe A – Caractéristiques du groupe Annexe B – Exemples d’erreurs de traduction 23 ANNEXE A – CARACTÉRISTIQUES DU GROUPE On évalue à 6 7008 le nombre de traducteurs, terminologues et interprètes en exercice au Québec. Les traducteurs salariés travaillent pour le compte d'organismes publics, d’organisations nationales ou internationales, de grandes entreprises ou de cabinets de traduction. Les traducteurs en pratique privée sont de plus en plus nombreux et travaillent soit en société, soit pour leur propre compte. A) NATURE DE L’EXERCICE DE LA TRADUCTION Les traducteurs sont des professionnels de la communication écrite. Ils servent d'intermédiaires entre deux langues, deux cultures, deux visions du monde. Ils exercent leurs activités dans l’ensemble des champs d’action de la société québécoise et contribuent considérablement à la vie sociale et économique du Québec. De plus, en transposant de façon professionnelle un système de valeurs dans un autre système – transposition interlinguistique, interculturelle et intersémiotique –, ils contribuent à la protection de la société québécoise contre l'acculturation. Connaissances requises et profil de pratique Les traducteurs doivent avoir des connaissances linguistiques approfondies, une formation étendue ainsi que des connaissances et des ressources documentaires spécialisées pour transposer correctement le contenu d’un message en restant fidèle à l’auteur et au lecteur (précision juridique ou technique, impact publicitaire ou commercial, terminologie spécialisée, etc.) tout en tenant compte du contexte socioculturel dans lequel s’inscrit la communication. 8 Évaluation économique de l’industrie de la langue au Canada – 2007, Industrie Canada, http://www.ic.gc.ca/epic/site/lain-inla.nsf/fr/h_qs00197f.html 24 Ces spécialistes de la langue ne traduisent pas que des mots, mais des notions, des concepts, des idées. Ils adaptent le message au destinataire et s’assurent que le sens est entièrement respecté. Pour ce faire, ils doivent comprendre parfaitement le domaine de spécialité dans lequel ils travaillent de manière à pouvoir transposer correctement le message d’une langue à l’autre. De plus, ils doivent maîtriser les faits de culture liés aux langues dans lesquelles ils traduisent. Les qualifications professionnelles des traducteurs sont essentiellement acquises au moyen d’une formation universitaire spécialisée en traduction, suivie d’un minimum d’expérience pratique appropriée. La formation spécialisée en localisation, qui allie la linguistique et l’informatique, est offerte dans le cadre d’un programme universitaire de deuxième cycle (DESS). Dans les domaines de travail spécialisés, la pratique exige souvent des traducteurs qu'ils suivent une formation de base dans leur domaine de spécialisation (cours fortement recommandé en comptabilité à l’Institut Canadien des Comptables Agréés et à l’Ordre des comptables agréés du Québec, cours obligatoire sur le commerce des valeurs mobilières à l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, par exemple) ou encore qu’ils possèdent une formation universitaire ou collégiale dans leur domaine de spécialisation (en médecine, en biologie, en génie, par exemple). B) NATURE DE L’EXERCICE DE L’INTERPRÉTATION L’interprète de conférence reformule oralement d’une langue à une autre un message lors de discours, de réunions, de conférences et de débats, tout en accordant une attention particulière au contenu. En toutes circonstances, il a besoin, en plus de ses connaissances générales, d'une préparation propre à la conférence, qui varie selon le domaine. Il existe deux techniques principales d’interprétation de conférence, soit l’interprétation simultanée, qui se fait en temps réel, pendant le discours de l’intervenant, et l’interprétation consécutive, qui consiste à restituer le discours dans les minutes qui suivent dans la langue utilisée pendant la réunion. L'interprète judiciaire est un spécialiste de la communication orale qui assure des services d'interprétation devant des cours de justice ou des tribunaux administratifs. Il interprète tantôt en mode consécutif, tantôt en mode simultané. Pour les interprètes en langues étrangères surtout, le travail se poursuit souvent hors cour, ceux-ci devant accompagner les avocats à des rencontres en tête-à-tête avec un accusé ou un témoin. 25 L’interprète judiciaire doit connaître aussi bien le vocabulaire et le fonctionnement du système juridique que la langue de la rue ou encore la terminologie spécialisée employée par les témoins-experts. Enfin, mentionnons que l’interprète judiciaire est parfois appelé à traduire à vue et de vive voix certains documents déposés au tribunal. L’interprète communautaire offre des services directs et importants à la population, en milieu hospitalier et social par exemple. L’interprétation communautaire n’est toutefois pas contrôlée par un organisme régulateur. L’interprétation communautaire (aussi appelé interprétation en milieu social) prend de plus en plus d’importance avec l’accroissement de l’immigration au Québec, les immigrants de première génération possédant souvent une connaissance insuffisante des langues officielles pour communiquer et obtenir des services. Or, l’interprétation communautaire est souvent faite par des amateurs – même des enfants –; une situation qui présente des risques importants. En effet, la plupart du temps, les personnes qui ne parlent pas le français ou l’anglais se font accompagner par un membre de leur famille, un ami ou un proche ou comptent sur des bénévoles pour interpréter leurs propos. Connaissances requises et profil de pratique Au Canada, l’interprétation de conférence est enseignée uniquement à l’Université d’Ottawa, à la maîtrise. Au Québec, aucune université n’offre de programme entièrement consacré à l’interprétation judiciaire. Toutefois, les deux modes d’interprétation sont enseignés dans diverses universités et écoles spécialisées dans le monde. L'Ordre reconnaît ces études par voie d'équivalence, après évaluation du dossier. Bien que depuis une dizaine d’années l’interprétation communautaire suscite un intérêt accru dans les milieux universitaires et professionnels, elle occupe toujours une place marginale dans les programmes de formation et de perfectionnement, et reste encore une profession non réglementée et peu reconnue. Pourtant, il s’agit d’une activité professionnelle largement pratiquée dans les milieux multiethniques. C) NATURE DE L’EXERCICE DE LA TERMINOLOGIE Les terminologues répertorient les termes propres à une sphère d’activité ou à une organisation, les définissent et cherchent les équivalents dans une autre 26 langue. De plus, ils définissent les termes en usage dans les différents domaines dont ils normalisent la terminologie. Ils élaborent, décrivent, gèrent et diffusent des vocabulaires spécialisés monolingues et multilingues, des bases de données, des glossaires, des dictionnaires et des lexiques. Pour ce faire, ils doivent suivre de près l’évolution technologique, sociologique et culturelle de la langue ou des langues dans lesquelles ils se spécialisent. La terminologie étant une activité interdisciplinaire, les terminologues travaillent très souvent en étroite collaboration avec des spécialistes dans les domaines les plus divers. De nos jours, les terminologues sont appelés à travailler au sein de services linguistiques (traduction et interprétation) et dans d’autres secteurs, tels que la rédaction technique, la normalisation, les brevets, le droit, l’information et la documentation, la recherche et développement, l’aménagement linguistique et la défense de la langue, ainsi que dans l’édition (essentiellement de dictionnaires). Au sein d‘une entreprise ou d‘une administration, les terminologues peuvent être à la tête d’un groupe de terminologie, voire d’un service entier. En tant que responsables de la gestion de contenu, ils sont chargés des aspects méthodologiques, organisationnels et techniques propres à la gestion des connaissances (gestion de documents, de l’information et de la communication ou une combinaison de ces trois). Les terminologues indépendants, quant à eux, exercent une activité de conseil en matière de méthodologie, de données et d’outils terminologiques auprès d’entreprises, d’administrations et d’institutions. 27 Annexe B – Exemples d’erreurs de traduction Santé 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Erreur dans les instructions d’installation d’une prothèse du genou : les patients doivent être réopérés. Erreur dans les instructions de préparation d’un aliment pour nourrissons pouvant « entraîner de graves problèmes de santé, voire la mort ». Erreur dans les instructions d’analyse des résultats d'un test de dépistage du cancer du sein. Une faute d’interprétation cause une erreur médicale coûteuse. France – Instructions non traduites : 5 000 patients reçoivent une surdose de radiation. Québec – Erreurs de traduction dans les examens du Collège des médecins de famille du Canada. Québec – Une étude menée dans 20 hôpitaux québécois révèle que les patients qui éprouvent des problèmes de communication sont exposés à un risque plus élevé de problèmes évitables. Toronto Star – Depuis janvier 2009, les hôpitaux dans 13 États américains doivent recourir à des traducteurs professionnels pour assurer la prestation de services d’interprétation médicale. Droit 9. 10. 11. 12. 13. 14. Poursuite contre le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada – la compétence de l’interprète mise en cause. Poursuite de 35 M$ contre le Procureur général de l’Ontario – interprètes judiciaires incompétents. États-Unis – Procès au criminel annulé faute d’interprétation États-Unis – Poursuite de Fisher Tool (Californie) c. Gillet Outillage (France) liée à une erreur de traduction. États-Unis – Erreur de traduction des bulletins de vote au Texas : coûts de réimpression de 239 709 $. Belgique – Projet de loi modifié en raison notamment d’une erreur de traduction. 28 Finances 15. International – Une erreur de traduction agite les marchés financiers. 16. France – Une erreur de traduction fait chuter l’action Renault. 17. Québec – Bombardier rétracte son communiqué sur la CSeries en raison d’une erreur de traduction. 18. Toronto – L’action de la société québécoise Séquoia chute de 11 % en raison d’une erreur de traduction. Relations internationales 19. Le réseau CNN banni d’Iran en raison de la diffusion d’un reportage erroné (erreur de traduction). 20. La déclaration de la Corée du Nord selon laquelle ce pays aurait bientôt suffisamment de plutonium pour plusieurs armes nucléaires est le fruit d’une erreur de traduction. 21. Une erreur de l’interprète indonésien provoque un incident diplomatique avec l’Australie. 22. Corée du Nord – Excuses pour erreur de traduction des règles américaines sur les importations de bovins. 23. Des journalistes israéliens soumettent un document incompréhensible au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas (traduction automatique). 24. France – Annonce erronée de l’explosion d’une fusée indienne avec 10 satellites à bord attribuable à une erreur de traduction. 29 Annexe B-1 – Santé Berlin – Une faute de traduction dans la notice d’une prothèse provoque 47 erreurs médicales. (Depuis la parution de l’article en août 2007, les 47 patients ont été réopérés aux frais de l’hôpital.) 30 Annexe B-2 – Santé La compagnie Mead Johnson Nutrionals rappelle 4,6 millions de boîtes de préparation pour nourrissons en raison d’une erreur de traduction dans la version espagnole des instructions, qui pourrait causer de graves problèmes de santé, voire la mort. 31 Annexe B-3 – Santé ETMIS 2008, vol. 4, no 3, Performance diagnostique des techniques de détermination du statut HER-2 dans le cancer du sein. La version française de la brochure de renseignements techniques comprend une erreur de traduction dans les critères d’interprétation du test d’IHC. 32 Annexe B-4 – Santé New England Journal of Medicine, juillet 2006 : Un jeune hispanophone de 18 ans se plaint d’être « intoxicado », puis s’évanouit. Informés des circonstances de l’incident par les ambulanciers qui ont traduit littéralement « intoxicado», les médecins traitent le jeune homme pour une « intoxication médicamenteuse » alors qu’il souffre en réalité d’un hématome intracérébelleux. Résultat : le jeune homme est maintenant paralysé. L’hôpital a dû verser 71 M$ en dommages. 33 Annexe B-5 – Santé France – Quelque 5 000 patients traités par radiothérapie à l'hôpital Jean-Monnet d’Epinal ont reçu des surdoses de radiation. Cinq d'entre eux sont décédés et des centaines d'autres ont été fortement irradiés. Principale cause : instructions d’utilisation du logiciel non traduites par le fabricant et mauvaise interprétation du fonctionnement par le personnel de l’hôpital. 34 Annexe B-6 – Santé Québec – Erreurs de traduction dans l’examen passé par les futurs médecins pour l’obtention de leur permis de pratique. La traduction était tellement mauvaise que les candidats ont dû consulter la version anglaise de l’examen pour comprendre les questions. 35 Annexe B-7 – Santé Québec – Une étude menée dans 20 hôpitaux de la province de Québec révèle que les patients qui éprouvent des problèmes de communication sont exposés à un risque plus élevé de problèmes évitables. 36 Annexe B-8 – Santé Toronto Star – Depuis janvier 2009, les tribunaux obligent les hôpitaux et les cliniques médicales dans 13 États américains à recourir à des traducteurs professionnels pour assurer la prestation de services d’interprétation médicale. 37 Annexe B-9 – Droit Xin Tong Huang c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration – La Cour fédérale du Canada accueille la demande de contrôle judiciaire en raison du nombre élevé d’erreurs de traduction commises par l’interprète judiciaire. 38 Annexe B-10 – Droit Ottawa – Poursuite de 35 M$ contre le Procureur général de l’Ontario alléguant que l’incompétence d’interprètes judiciaires désignés par le gouvernement avait mené à des erreurs judiciaires, voire à des condamnations injustes. The Globe & Mail, 14 avril 2008, http://www.theglobeandmail.com/servlet/story/RTGAM.20080414.wblatchford14/EmailBNStory/ National1 39 Annexe B-11 – Droit États-Unis – Un juge du Maryland annule un procès au criminel et rejette les accusations d’abus, le tribunal n’ayant pas trouvé d’interprète. 40 Annexe B-12 – Droit International – Poursuite de Fisher Tool (États-Unis) contre Gillet Outillage (France) liée à une erreur de traduction technique dans un brevet. 41 Annexe B-13 – Droit États-Unis (Texas) – Bulletins de vote réimprimés au coût de 239 709 $ en raison d’une erreur de traduction 42 Annexe B-14 – Droit Belgique – Chambre des représentants – 28 janvier 2005, Projet de loi relatif aux communications électroniques : Amendement pour corriger une erreur de traduction qui introduit simultanément une incohérence et une iniquité. 43 Annexe B-15 – Finances Une erreur de traduction faite par un traducteur amateur secoue les marchés boursiers. 44 Annexe B-16 – Finances Une erreur de traduction fait chuter l’action du constructeur automobile Renault. 45 Annexe B-17 – Finances Québec – Bombardier rétracte son communiqué sur la CSeries en raison d’une erreur de traduction dans la version française. 46 Annexe B-18 – Finances Toronto-Québec – Presse canadienne (décembre 2003) : L’action de la société québécoise Séquoia chute de 11 % en raison d’une erreur de traduction. 47 Annexe B-19 – Relations internationales Le réseau américain CNN est banni d’Iran en raison d’une erreur de traduction qui avait fait dire au président iranien que son pays avait le droit de fabriquer des armes nucléaires. 48 Annexe B-20 – Relations internationales Washington (CNN) – Une erreur de traduction dans un communiqué de la Corée du Nord laisse entendre que ce pays aurait bientôt suffisamment de plutonium pour fabriquer plusieurs armes nucléaires. 49 Annexe B-21 – Relations internationales Une erreur de traduction commise par l’interprète indonésien provoque un incident diplomatique lors d’une conférence de presse tenue par le président de l’Indonésie et le premier ministre de l’Australie. 50 Annexe B-22 – Relations internationales Le gouvernement de la Corée du Nord s’excuse pour une erreur de traduction publiée dans la gazette officielle, qui indiquait que les règles de l’accord bilatéral sur les importations de bovins étaient beaucoup plus sévères qu’elles ne le sont en réalité. 51 Annexe B-23 – Relations internationales Préparant une visite aux Pays-Bas, des journalistes israéliens soumettent un document inintelligible au ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas et créent un incident diplomatique. Le journal The Jerusalem Post signale que les autorités néerlandaises songent sérieusement à annuler la visite et à déposer une plainte officielle. 52 Annexe B-24 – Relations internationales France – Annonce erronée de l’explosion d’une fusée indienne avec 10 satellites à bord attribuable à une erreur de traduction. 53