Le Nouveau Monde du Travail

Transcription

Le Nouveau Monde du Travail
Le Nouveau Monde du Travail
L’histoire de Getronics
Jan Flamend
Le Nouveau Monde
du Travail
L’histoire de Getronics
UITGEVERIJ VAN HALEWYCK
Table des matières
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© 2011 – Jan Flamend & Uitgeverij Van Halewyck
Diestsesteenweg 71a – 3010 Leuven
www.vanhalewyck.be
www.getronics.be
Traduction du néerlandais (Belgique) : Charles Franken
Couverture et mise en pages : Intertext boekproducties
Photo couverture © Studio Dann
Photo Jan Flamend © Bart Ramakers
Cartoons © Mark Janssen
Imprimé par New Goff, Mariakerke
nur 740
isbn 978-94-6131-046-0
d/2011/7104/1
7
8
9
Préface 9
L’histoire du travail 19
L’histoire de Getronics 29
Ce matin-là, dans la salle du comité de direction 30
L’essor : Marc Dick 37
La mise en œuvre : Ludo Constant 51
L’heure de vérité :
Jean-Claude Vandenbosch 63
Les quatre piliers : 73
rh : Yvon Fischer et Steve Rosa 73
Services généraux et infrastructure :
Patrick De Waen 94
tic : Kris Bries 103
Communication : Isabelle De Weirdt 106
Les apports du nwow :
Benny Corvers et Ivan Cols 113
Les partenaires 123
pwc 123
aos Studley 128
Microsoft 135
Conclusion 141
Le Nouveau Monde du Travail est bien plus qu’une mode et un
nombre croissant d’entreprises prennent conscience que la
notion de travail accompli dans la mobilité et la flexibilité
convient à l’esprit de notre époque et de notre société.
Diverses enquêtes montrent que les employés sont heureux de
déterminer eux-mêmes le lieu et le moment de leur activité.
Ce choix personnel leur permet de mieux équilibrer leur
travail et leur vie privée et d’améliorer leur rythme de vie.
Jean-Claude Vandenbosch
Vice-Président et General Manager, Getronics Belux
préface
Le Nouveau Monde du Travail
ou « The New World of Work »
Le Nouveau Monde du Travail. Il enthousiasme les Pays-Bas. Tapez
« Le Nouveau Monde du Travail » dans Google, vous tomberez sur
une foule de sites et de blogs qui célèbrent les vertus et chantent les
bienfaits du Nouveau Travail.
Morceaux choisis de la cyberlittérature :
« Le Nouveau Monde du Travail et la quête d’un monde durable
présentent plus d’un point commun. »
« Le propos du Nouveau Monde du Travail est optimiste, ouvrant
la voie à un mode de travail plus rationnel, plus efficace, plus performant, encourageant l’esprit d’entreprise tout en privilégiant le plaisir. »
« Le Nouveau Monde du Travail est un moyen, pas une fin. »
« La confiance accordée au gens – le cœur du Nouveau Travail. »
« L’être humain occupe une position centrale. Désormais, l’organisation tourne autour de lui. »
« Sans liberté, pas de plaisir. »
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PRÉFACE le nOUVEAU MONDE DU TRAVAIL
Quelques échos critiques :
« Le nt (Nouveau Travail) débouche sur le nfl (Non-Fonctionnement du Logiciel) »
« La réglementation des coûts liés au travail fatale au Nouveau
Travail »
« Le Nouveau Monde des Heures Supplémentaires. »
« Il exige beaucoup d’entretien. »
« Le Nouveau Travail a de nombreux effets pervers : dépersonnalisation des rapports dans le milieu du travail, comportements de
franc-tireur, perte de la cohésion sociale, absence de frontière entre
le travail et la vie privée. »
« Le travail ne cesse jamais. »
Le débat est ouvert et les exemples d’entreprises et d’instances qui
optent durablement pour le Nouveau Travail se multiplient. Certaines
sont de véritables vitrines : Microsoft, Rabo Bank, sns Real, uvit,
Interpolis.
Pascale Peters, professeur à l’Université Radboud de Nimègue,
énumère les arguments qui justifient ce choix : « L’accroissement des
problèmes de circulation et de mobilité et les coûts qu’ils entraînent
pour la société, l’insécurité des transports et leur impact sur l’environnement, tout cela ouvre la voie au Nouveau Travail. Sans compter
l’augmentation sensible de la concurrence, la pénurie de maind’œuvre, la nécessité où se trouvent les sociétés d’innover sans cesse
au sein de l’actuelle économie du savoir, les fusions qui alourdissent
pour l’employeur le remboursement des frais de transport domicile/
lieu de travail et accroissent le besoin de télétravailleurs. De plus, la
crise économique que nous traversons contraint les entreprises à
restreindre les frais généraux.
En tout cas, un nombre croissant de sociétés se posent la question : le télétravail ou le Nouveau Travail leur conviennent-ils ? On
voit aussi la tournure que prend le débat de société. Autrefois, les
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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syndicats se montraient hésitants. Or, ces dernières années, le télétravail est précisément un redoutable fer de lance des syndicats et
des organisations patronales. Pour l’heure, 22% des conventions collectives intègrent les réglementations du télétravail. 15% des employés
sont concernés – signal important lancé aux organisations. À leur
tour, les médias contribuent à donner une image positive du télétravail qui inspire une littérature abondante. Ce succès n’est pas négligeable parce que les managers sont à l’affût d’exemples de réussites
dont ils peuvent s’inspirer. Il arrive un moment où les entreprises
doivent suivre le mouvement pour sauvegarder leur légitimité sociale.
Elles se sentent de plus en plus poussées à changer et à se tourner
vers le télétravail. Elles se disent : c’est l’époque qui veut ça, on doit
suivre le mouvement, mais comment faire ? Par où commencer ?
En Belgique, qu’en est-il du Nouveau Travail ? Suivons-nous l’exemple
des Pays-Bas, pays phare en la matière ? Ou en préparons-nous labo-
PRÉFACE le nOUVEAU MONDE DU TRAVAIL
rieusement, en secret, une variante bien de chez nous ? Sommes-nous
conscients que nous la préparons ? À moins que nous n’y voyions
qu’une mode fugace parmi d’autres, destinée à céder bientôt la place
à un autre nouveau monde ?
Il importe pour un consultant d’être attentif aux nouveautés, d’être
à même d’apprécier les mots en vogue à leur juste valeur. Au cours
de l’été 2010, j’ai parlé de mon scepticisme vis-à-vis du Nouveau
Monde du Travail à Jean-Claude Vandenbosch, vice-président de
l’entreprise de technologie Getronics.
« Ne cherchez plus, Jan, » me dit Jean-Claude, « vous avez frappé
à la bonne porte. »
Je montrai ma surprise.
« Nous y travaillons d’arrache-pied. »
« Que voulez-vous dire, Jean-Claude ? Vous vendez la technologie
à vos clients ou bien vous allez vous-même mettre le système en place
chez Getronics ? »
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
PRÉFACE le nOUVEAU MONDE DU TRAVAIL
Je voulais me rendre compte de visu. J’ai donc accepté avec plaisir
l’invitation de Jean-Claude à examiner de près le projet nwow chez
Getronics Belux, à discuter avec tous ceux qui étaient concernés par
ce lancement, à juger par moi-même si le nt (Nouveau Travail) ou
nwow (New World of Work) n’était qu’un gadget, un truc à la mode
ou une nouvelle manière de travailler vraiment fiable.
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« Les deux, mon cher Jan. Et je vous invite à suivre de près la mise
en œuvre de notre nwow. »
« Votre quoi ? »
« nwow. New World of Work, » m’expliqua Jean-Claude.
« nwow. New World of Work. » Je savourai les mots à voix haute.
« C’est votre manière d’accommoder le Nouveau Travail ? »
« Exact. Un projet extraordinaire. »
« C’est vrai, rien n’y manquera ? »
« Absolument. »
« Il y aura des bureaux flexibles, le télétravail, la visioconférence,
des économies d’énergie, des bureaux flambant neufs, des coins salons
confortables, le téléphone par pc, et… »
« Et une économie substantielle en frais immobiliers. »
« Et des collaborateurs heureux et… »
« Et la liste est loin d’être close. »
« Avant de me lancer, Jean-Claude, pourquoi parlez-vous de nwow
et non de nt ? »
« Jan, je vous répondrai quand vous aurez fini d’explorer notre
expérience du nwow. Discutez d’abord avec Marc Dick, notre directeur financier. Et avec le responsable de programme Ludo Constant,
avec Yvon Fischer, notre directeur des Ressources humaines et avec
Benny Corvers et Ivan Cols. C’est grâce à eux, en définitive, que tout
a été possible. Le nwow doit venir d’en haut. »
On pense généralement que le Nouveau Travail se confond avec
le travail chez soi ou le télétravail. Il est vrai qu’il s’agit là d’une forme
bien concrète du Nouveau Monde du Travail. L’histoire de Getronics
fera apparaître que le concept va bien plus loin. La première Journée
Nationale du Télétravail s’est déroulée le 28 octobre 2010 à l’initiative
de pwc, Getronics, aos Studley et Microsoft.
Conclusion ? Le gain de temps offert par la diminution des déplacements domicile-lieu de travail est le principal bénéfice que retirent
les employés qui travaillent chez eux. Cette économie de temps et la
liberté d’organiser leur travail plus souplement leur permettent de
trouver un meilleur équilibre entre travail et vie privée.
Grâce à l’accroissement de la flexibilité et à la diminution du stress
des employés, le patron peut retrouver l’espoir d’améliorer le rendement de son personnel et d’attirer de nouveaux talents.
Mais le télétravail n’épargne pas seulement du temps. Il permet
aussi de réduire les déplacements et, à terme, de diminuer l’espace
occupé par les bureaux. Il reste que la mise en œuvre du télétravail
suppose de fixer des procédures appropriées, de prévoir les appareils
et les équipements adéquats.
15
chapitre 1
Histoire du travail
La réalité du Nouveau Travail suppose que l’Ancien Travail ait existé
avant lui. La nouveauté suppose un changement considérable, une
évolution par rapport à ce qui était connu ou familier.
L’histoire du travail est forcément longue. On peut remonter très
loin dans le temps. La société médiévale comportait trois classes :
qui orant – les religieux qui priaient –, qui pugnant – les nobles qui
combattaient, et qui laborant – les serfs qui travaillaient la terre. Dans
les villes où ils habitaient, les artisans se groupaient en corporations :
tanneurs, drapiers, marchands, chirurgiens-barbiers, cordonniers.
Les secrets des artisans se transmettaient de père en fils si bien que,
d’une génération à l’autre, le travail ne changeait jamais, se faisait
souvent au domicile de l’artisan, dans son atelier ou dans la pièce
principale.
Le 18e siècle, le siècle des Lumières, inaugure l’émancipation de
l’individu et son désir de développer sa personnalité en pratiquant
les arts ou les sciences. La créativité individuelle y gagne. Vient alors,
au siècle suivant, la révolution industrielle qui bouleverse le travail
dans son ensemble. En Angleterre, James Watt découvre la machine
à vapeur. Auparavant, c’était la main, les animaux de trait, les moulins à eau ou à vent qui les faisaient fonctionner.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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Dorénavant, les processus de travail seront mécanisés. Ainsi nais­
sent les usines, vastes salles où des hommes commandent des machines fonctionnant à l’électricité. Que l’on songe au film Les Temps
modernes de Charlie Chaplin. L’organisation du travail à la chaîne
permet de produire à meilleur marché avec moins de main-d’œuvre.
À partir de l’Angleterre, cette révolution industrielle va s’étendre au
reste de l’Europe. Et aux Etats-Unis. Henry Ford y introduit le travail
à la chaîne qu’il va perfectionner.
La vie et le travail s’en trouvent bouleversés : les artisans sont
désarmés face à un telle concurrence, les voilà contraints de travailler loin de chez eux, en usine. L’artisan devient ouvrier. À son tour,
le pauvre paysan va chercher le bonheur à l’usine. La vie privée et le
travail se trouvent physiquement séparés.
Le travail en usine entraîne de nombreux changements. André
Bor écrit à ce propos : « Autrefois, l’artisan exerçait sa profession
comme il l’entendait, en fonction du lieu et du temps. Il veillait avant
CHAPITRE 1 L’histoire du travail
tout à subvenir aux besoins de sa famille. L’ouvrier n’est qu’un pion
au sein de l’entreprise, il ne porte plus la responsabilité de l’entièreté
du processus de fabrication. Le centre de son activité n’est plus sa
famille, il songe avant tout à la qualité et à la quantité du produit
fini. »
Au vingtième siècle, l’avènement de la technologie sera à la base
de la naissance de nouvelles sortes d’usines : des organisations d’administration et de services. Les chaînes cèdent la place à des processus d’entreprise. Ces derniers produisent essentiellement de l’information sur papier. Songez aux rangées de dactylos qui se voient dans
les films des années cinquante. La structure organisationnelle et le
contrôle des organismes d’administration et de services suivent le
modèle éprouvé de la bureaucratie, Command & Control. Voici qu’apparaissent une structure pyramidale et une autorité verticale : le pouvoir est aux mains de la direction de l’entreprise.
Un grand bouleversement secoue à nouveau la fin du 20e siècle :
la connaissance et l’intelligence deviennent d’importants facteurs de
productivité économique. La production industrielle se déplace dans
les pays à bas salaires. Les gens se sentent poussés de nouveau à la
réflexion personnelle. Ils créent une valeur ajoutée s’ils possèdent
les connaissances adéquates. Celles-ci leur donnent le pouvoir. Les
travailleurs deviennent des travailleurs du savoir et les services à
forte intensité de connaissances prennent une place prépondérante
dans le secteur économique. Au cours des cinquante dernières années
du vingtième siècle, on assiste au passage progressif et dramatique
d’une économie agraire et industrielle à une économie de services.
La valeur des idées, de l’information, de l’expérience et de l’intelligence a pris le pas sur la valeur des biens tangibles. Le Royaume Uni
tire alors 85% de son bnp du secteur des services ! Les principes du
Command & Control sont manifestement inadaptés au contexte qu’on
vient de décrire.
Les développements technologiques dans le domaine du traitement de l’information et de la télécommunication ouvrent des possibilités nouvelles.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 1 L’histoire du travail
seurs. Dans le monde du travail, ces rangements se trouvent ordinairement dans des bureaux. Mais les bureaux modernes renferment
de moins en moins de dossiers et d’armoires parce que l’information
est numérisée dans le réseau de l’entreprise.
L’information numérique libère l’individu de la contrainte du lieu.
Et sa recherche ne dépend plus du moment où elle a lieu. Elle peut
se faire en pleine nuit. Au même moment, la sécurité numérique
devient un sujet de préoccupation capital dans l’entreprise. Car les
hackers essaient d’accéder à des informations confidentielles.
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Après les ordinateurs centraux encombrants et leurs terminaux
décérébrés, voici les pc qui travaillant à la vitesse de l’éclair, pourvus
de logiciels de productivité qui permettent à tout le monde d’écrire
et d’envoyer des messages, d’effectuer des calculs compliqués et de
travailler sur des images complexes.
C’est Internet qui a provoqué le changement majeur. L’émerveillement que procure ce phénomène, ce champion de la disponibilité
instantanée, de la solidarité et de l’interactivité, est comparable au
sentiment que Gutenberg fit naître quand il inventa l’imprimerie,
quand les livres ne s’écrivirent plus à la main mais furent accessibles
à un nombreux public.
Le papier, ce bon vieux passeur de communication, est menacé. Il
possède la caractéristique de devoir exister physiquement à un endroit
donné. Pour accéder à l’information dont il est le support, il faut
accéder au papier même, se plonger dans des armoires et des clas-
André Dor affirme que l’ouvrier redevient un artisan. Il peut à nouveau travailler chez lui. Pour communiquer avec ses collègues, il leur
fixera des rendez-vous ponctuels par le biais d’agendas électroniques
partagés. La technologie permet également les réunions virtuelles.
Le modèle du patron et de ses subordonnés est resté néanmoins
d’actualité au cours des dernières décennies. Nous avons pris l’habitude d’être contrôlés par un « supérieur » et de faire la preuve que
nous travaillons effectivement pendant nos journées de travail. Dans
cette optique, la présence au bureau est plus importante que les résultats obtenus.
La globalisation de l’économie par la télécommunication – sans
fil, par câble ou par satellite – a modifié complètement la notion
d’espace de travail et donné naissance à un nouveau type de travailleur/ouvrier/artisan.
« The business is always on, always connected », et nous devons
nous adapter continuellement aux nouveautés. Travailler, aujourd’hui,
c’est travailler en réseaux et maîtriser les réseaux. Désormais, les
organisations sont transparentes et les vieilles pratiques hiérarchiques ont vécu. Les relations de travail connaissent aussi des bouleversements. La liberté suppose une responsabilité accrue par rapport aux résultats attendus. Non seulement la nature du travail se
modifie mais les conditions mêmes de ce travail évoluent. Il peut
s’ef­fectuer dans un bureau mais aussi en plein embouteillage, dans
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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un aéroport, dans le train, ou au bord d’une piscine. Une grande partie du travail consiste en une simple communication. La place du
langage est éminemment importante dans le monde des affaires moderne : en définitive, le business n’est rien d’autre qu’une interaction
sur le mode langagier. L’essentiel de l’action des travailleurs du savoir
ne tient-il pas dans la tenue de réunions ou dans des présentations,
dans la rédaction de mémos, dans des instructions données, des
concertations, des coups de téléphone, des négociations de contrats,
des entretiens d’évaluation et la tenue de videoconférences ? La société postindustrielle privilégie la production de paroles.
Outre l’irrésistible avancée des technologies de l’information et
de la communication et la globalisation de l’économie, deux facteurs
exercent une influence déterminante sur le travail : la prise de con­
science écologique et les glissements démographiques.
Les entreprises veulent et doivent diminuer leur empreinte éco­
lo­gique : baisse de la consommation d’électricité, meilleure durabilité des bureaux, diminution des déplacements domicile/lieu de travail. Comme on va le voir dans l’histoire de Getronics, le Nouveau
Monde du Travail offre un cadre inespéré aux ambitions « vertes ».
Autre phénomène incontournable : l’évolution démographique.
D’une part, le vieillissement démographique et d’autre part, la génération Y. Le vieillissement de la population active suscite de nombreuses questions sur l’avenir du travail. Comment un groupe produc­
tif en décroissance sera-t-il capable d’assurer la croissance écono­mi­
que ? Quelles sont les répercussions du vieillissement sur le lieu de
travail ? La pénurie de jeunes candidats qualifiés et l’augmentation
des coûts qui en découle n’auront-elles pas un impact négatif sur la
croissance économique ? À moins que la baisse de la population des
travailleurs soit compensée par un accroissement de la productivité ?
Et comment les entreprises pourront-elles adapter leurs structures,
leurs systèmes et leurs cultures pour devenir des organisations qui
donnent davantage de place aux salariés âgés, aux immigrés et aux
femmes ?
CHAPITRE 1 L’histoire du travail
À l’opposé, voici la génération du millénaire, appelée généra­tion Y.
Elle réunit les jeunes nés après 1980 qui ont grandi sans complexes
à l’ombre de la technologie. Les médias interactifs numériques – jeux
vidéo, internet, messagerie instantanée, facebook, chat boxes et sms
– constituent leur monde. En Angleterre, 70% des adolescents auraient un gsm !
Selon une enquête YouGow, six employés sur dix âgés de 21 à 25
ans estiment avoir le droit d’utiliser Facebook pendant les heures de
travail. Ils subissent l’influence de leur environnement de travail et
de sa technologie de pointe et mêlent sans état d’âme travail et vie
pri­vée. Par ailleurs, leur mode de communication est numérique et
ils maîtrisent très rapidement des outils de collaboration tels que
Sharepoint.
Toutes les entreprises recherchent les éléments les plus créatifs
et les plus intelligents de ces enfants du numérique et s’imposent
des sacrifices pour s’attacher leurs services.
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chapitre 2
L’histoire de Getronics
Avec un volume d’affaires mondial de 2,1 milliards d’euros en 2009 et
environ 13.000 collaborateurs, Getronics est le plus grand prestataire
de services tic (Technologie de l’Information et de la Communication)
du Benelux et un acteur de premier plan au niveau mondial. En tant
qu’expert en services informatiques et de consultance axés sur le poste
de travail au sens large (y compris la connectivité et les centres de données), Getronics dispose d’un portefeuille complet de services tic intégrés pour le marché des grandes entreprises. Son Global Service Delivery
Model (Modèle global de prestations de services) est unique et garantit
partout dans le monde à ses clients des services complets de qualité
constante. Depuis le 23 octobre 2007, Getronics fait partie de kpn.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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Ce matin-là, dans la salle du comité de direction
Mercredi 20 janvier, réunion du comité de direction de Getronics
Belux.1
Le directeur général Jean-Claude Vandenbosch regarde attentivement
les membres du comité, marque une pause avant de prendre la parole :
« Ordre du jour, point 4. nwow. »
Étonnement de la quasi-totalité du comité. De quoi s’agit-il ? Marc
Dick, directeur financier, et Benny Corvers, responsable du business
development et directeur de la division Consulting, hochent pensivement la tête.
1 Ceci est une reconstitution du comité de direction, qui lança la mise en œuvre du Nouveau Travail chez Getronics Belux. J’ai reconstitué les échanges à partir des interventions
de quelques participants. Si certaines citations n’étaient pas correctes, j’en prends la responsabilité.
CHAPITRE 2 L’histoire de Getronics
« Le nwow », reprend Vandenbosch pour grossir l’effet dramatique. Dans la salle du comité, , il vient d’accaparer l’attention générale.
« Une chance historique s’offre à notre entreprise. Le rêve qui
hante chacun de nous. Tous les présidents directeurs généraux l’appellent de leurs vœux. Un élan extraordinaire pour nos collaborateurs
d’aujourd’hui et de demain. »
La plupart des visages des membres du comité trahissent une
grande surprise et un certain scepticisme. Chacun se demande visiblement où Jean-Claude veut en venir.
« Je parle d’une baisse des coûts, d’un gain de productivité et de
l’optimisation des processus. Grâce au nwow. »
L’assistance voudrait y voir clair.
« Mais comment va-t-on atteindre ces objectifs, quelle réalité se
cache derrière le sigle nwow ? À toi la parole, Marc. »
Marc Dick – directeur financier, des années d’expérience, se redresse et sort de sa serviette une grosse pile de documents.
« Merci pour ce mot d’introduction, Jean-Claude. Comme vous le
savez, j’ai travaillé d’arrache-pied ces derniers mois sur le business
case relatif à notre éventuel déménagement. Nous avons reconsidéré ce dossier dans la perspective plus large du Nouveau Monde du
Travail. The New World of Work : nwow.
En deux mots, cela signifie que nous allons étrenner de splendides
bureaux tout neufs, que notre personnel pourra travailler de manière
encore plus souple et que nous diminuerons notre production de
CO2. »
Marc est lancé et Benny Corvers l’approuve avec enthousiasme.
« Nous allons surtout faire de notre entreprise une splendide vitrine pour nos services, une démonstration vivante de la valeur que
nous sommes capables de fournir à nos clients. Nous sommes la
‘Workspace Company’ et ça va se savoir. »
Jean-Claude jette un coup d’œil circulaire et invite ses directeurs
à exprimer leur avis.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
32
Yvon Fischer, directeur des Ressources humaines et du recrutement, pense à voix haute : « La mise en œuvre de ce projet aura des
conséquences sur le plan des Ressources humaines. Il faut consulter
les partenaires sociaux, les managers devront apprendre à gérer autrement leur personnel, il faudra prévoir toute une formation pour
s’initier à ces nouveaux outils. Et le personnel devra évidemment
collaborer. »
La réplique de Jean-Claude est immédiate : « Il y a une gare à cinquante mètres de notre nouveau bâtiment, et le télétravail épargnera
aux gens beaucoup de stress dû aux embarras de la circulation. »
« Le changement sera considérable, » poursuit Yvon. « Il faudra
introduire un nouveau système d’évaluation, les employés administratifs ne seront pas enchantés de renoncer à leur bureau personnel. »
« Pour mes vendeurs, le changement ne sera pas sensible , » précise Patrick Christiaens, le directeur commercial. « En fait, ils appliquent déjà dans leur travail les principes du Nouveau Travail. Les
consultants aussi, d’ailleurs. Reconnaissons qu’ils auront de jolies
choses à dire aux clients. Getronics adopte sa propre technologie et
s’améliore, frôle l’excellence. Ces progrès peuvent nous rapporter de
nouvelles affaires. »
Benny Corvers, directeur du consulting et du business development, rayonne : « Début 2011, nous investirons largement dans une
vaste campagne. Nous invitons nos clients actuels et les nouveaux à
voir de près comment nous avons adopté le Nouveau Travail, les nouvelles technologies que nous avons mises en place. On ne peut faire
mieux comme outil de vente. »
« Est-ce que cela veut dire que je n’aurai plus de bureau personnel ? » s’interroge Jacques Saint-Remi, responsable des on site services, l’armada de techniciens qui fournissent les services it aux
clients.
« Nous serons tous des nomades, » lance Jean-Claude avec lyrisme.
« Plus personne ne disposera d’un bureau fixe. Nous pourrons nous
connecter partout et travailler à tout moment, n’importe où. »
CHAPITRE 2 L’histoire de Getronics
« Et pour les réunions confidentielles avec des collaborateurs ? »
« Nous adoptons un concept de bureaux très flexible qui prévoit
diverses sortes d’espaces de réunion, » répond Marc Dick.
« Nous faisons ceci pour les personnes qui viennent travailler à
Evere. Que ferons-nous sur nos sites de Zellik et de Edegem ? » demande Geert Lambrecht, directeur des managed services .
« Leur tour viendra, » admet Jean-Claude. « Cela fait partie de nos
projets. Par ailleurs, notre nouveau bureau de Diegem est ouvert à
tous nos collaborateurs. »
Après un premier mouvement de scepticisme, chacun semble gagné par l’enthousiasme de Jean-Claude, de Marc et de Benny.
« Nos collaborateurs et nos clients seront aux anges, et puis ne
perdez pas de vue que nous pourrons faire une économie d’1 million
d’euros par an. Tout le monde est d’accord pour donner le feu vert à
Marc ? » Jean-Claude clôt ce point de l’ordre du jour qui se solde par
un « oui » franc et massif.
« Ce sera un fameux travail, nous ne disposons que de six mois
pour mener le projet à bonne fin, » déclara encore Marc Dick. Il donne
à chacun un exemplaire de son rapport W@h@W.
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chapitre 3
L’essor
Au début du mois de septembre 2010, quelques semaines
avant le grand déménagement d’Evere à Diegem, j’ai eu
une entretien passionnant avec Marc Dick, director
finance & adminstration de Getronics Belux.
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Pouvez-vous me dire précisément comment vous avez
découvert le Nouveau Monde du Travail ?
Tout a commencé par un projet de déménagement. Fin 2008, nous
avons examiné le contrat de location actuel au cours d’une réunion
de management. À cette époque, nous étions établis à Evere, rue de
Genève. Le contrat expirait en 2010. Le directeur financier du groupe
kpn dont nous faisions déjà partie suggéra de soumettre la question
à la division immobilière de kpn. On a commencé par une analyse
« stay or go », par une mise en balance des différents choix en nous
posant implicitement des questions comme « pouvons-nous faire des
économies ? » ou « quels avantages présentent les nouveaux bâtiments ? ».
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 3 L’essor
Sans compter qu’il était plus facile d’appliquer le nouveau concept
nwow dans un espace vide et neuf. J’avais eu la chance de pouvoir
m’entretenir plus d’une fois de la question avec Benny Corvers. Benny est responsable du business development and consulting chez
Getronics. Il me proposa de visiter les nouveaux bureaux de kpn aux
Pays-Bas et ceux de Microsoft Pays-Bas. C’est Microsoft qui développe
à fond le concept nwow en proposant des espaces très ouverts et
colorés, des bureaux complètement différents incluant même des
hamacs ! En un mot, une vitrine conçue pour attirer les jeunes. Nous
avions compris que la nwow ne se fondait pas sur des atouts techniques mais qu’il s’agissait d’une autre manière de travailler, d’une
autre culture. J’ai lu par ailleurs l’ouvrage de Dick Bijl, Aan de slag met
Het Nieuwe Werken (La pratique du Nouveau Travail).
38
Nous étions au milieu de l’année 2009 quand nous avons visité plusieurs bâtiments dans la région bruxelloise et sa périphérie. Nous
avons étudié la répartition géographique des domiciles de nos salariés mais cette analyse n’a pas été concluante. Une petite majorité de
nos collaborateurs habitait au nord de Bruxelles. La division immobilière de kpn mit en parallèle les avantages financiers du bâtiment
que nous occupions alors et ceux du nouveau bâtiment que nous
avions trouvé à Diegem. Après tout, nous ferions aussi des économies
en ne déménageant pas. Et mieux vaut ne pas déstabiliser les employés. Il n’était pas encore question du nwow.
Finalement, le bâtiment situé De Kleetlaan à Diegem s’est avéré finan­
cièrement plus intéressant. Les bâtiments neufs ne manquent pas
d’atouts : larges baies vitrées, meilleur éclairage naturel, vastes plateaux offrant davantage de configurations et une adaptabilité supérieure. D’une surface de plus ou moins 8000 m² à Evere, nous passions
à 5800 m² à Diegem. Une diminution de l’ordre de 25%, malgré tout.
Reste cette question : comment étayer et soutenir une telle entreprise ? Il faut pouvoir compter sur des équipements et des services
tic de premier ordre pour utiliser toujours et partout l’ordinateur.
Du coup, des tas de questions font surface : l’utilisation de nouvelles
technologies comme la vidéoconférence, les conditions de sécurité
qui les accompagnent, les suggestions relatives au bureau sans papier,
la mutualisation des imprimantes. Sans jamais perdre de vue une
plus grande flexibilité.
La flexibilité doit être présente aussi dans les bureaux : l’aspect
« facilities & design » revient sur le tapis. Les employés doivent pouvoir travailler de manière souple et paisible dans un bureau. Une vraie
« bulle de silence » si l’on veut s’entretenir avec un interlocuteur. Nous
ne parlons plus de « machines à café dans le couloir » mais de « coffee
corners » accueillants. On peut y jeter un coup d’œil, tout en sirotant
son café, aux informations diffusées sur écran. Dans le jargon en
vigueur, des digital media systems.
Nous avons aussi installé une bibliothèque avec de vrais (!) livres
et où l’on peut travailler en silence – gsm interdits ! Pas de cafeteria
aux tables immenses mais une agréable « lunch area ».
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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La communication est une composante que nous avons voulu expressément ajouter à l’ensemble. Les grands changements induisent un
grand besoin de communication. Nous utilisons des dessins humoristiques, un blog, des messages électroniques, des écrans d’information. Nous assurons un accompagnement pour ce déménagement.
Ceux et celles qui accueillent et accompagnent, exclusivement des
membres du personnel, répondent sans délai à toutes les questions.
Fin 2009 et début 2010, pour parfaire ma préparation, j’ai visité
une série d’entreprises qui ont adopté en partie le Nouveau Travail.
Je songe en particulier à Oracle, à ing, à Alcatel, au Service Public
Fédéral de la Sécurité sociale et à Mobistar.
L’objectif était surtout de pêcher des idées ?
Exact. J’ai établi chaque fois un rapport et pris des photos quand
c’était possible. C’est ce qui a donné le rapport W@h@W (work at
CHAPITRE 3 L’essor
home, home at work) enrichi d’idées et de suggestions, d’éléments
que je tenais à ne pas oublier. Un espace « wizzard , par exemple. Relié à votre Outlook, ce système organise via le réseau l’utilisation des
salles de réunion et veille à ce que les personnes prévues se trouvent
dans la bonne salle. Il n’est plus question de fermer ces salles de réunion à clef.
Je songe également à des tableaux interactifs aux possibilités multiples lors de présentations, aux systèmes printing-on-demand qui
reconnaissent l’utilisateur à son badge.
Pour accéder au bâtiment, nous utilisons le système de badge en
usage pour le parking mais nous l’avons complété par des caméras et
des buzzers. Nous faisons également la différence entre une zone A
(accessible à tout le monde), une zone B (personnes accompagnées)
et une zone C (réservée aux collaborateurs internes).
Il existe une foule de solutions pour les casiers : serrure à clef, à
code numérique ou une combinaison casier-contrôle d’accès. Nous
avons choisi cette dernière solution, le badge nous sert de clef.
Au Service public fédéral de la Sécurité sociale, nous avons relevé
un bon exemple d’utilisation de digital media systems. Nous allons
utiliser désormais les grands écrans Cisco pour le public interne d’une
part, en partie pour remplacer les courriers électroniques, et d’autre
part pour les clients, les partenaires et les visiteurs. Donc deux circuits séparés.
Cette enquête préparatoire vous a–t-elle permis d’y voir
clair dans ce que le concept devait devenir ici, chez
Getronics ?
Fin janvier 2010, l’équipe de direction donnait son feu vert et quelques
jours plus tard, nous avons informé nos collaborateurs. Au mois de
mars, nous avons partagé une quarantaine de salariés en quatre
groupes de travail : culture, aménagement et design des espaces de
travail, tic et communication. Nous leur avons donné un large ré-
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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sumé du travail préparatoire ; leur mission était d’examiner toutes
les propositions et toutes les idées.
Au cours des réunions, tous les « besoins » ont été passés en revue.
Pour réaliser cette analyse, nous avons travaillé avec aos Studley real
estate consultants. Ceux-ci traduisent concrètement la flexibilité et
les besoins en un certain nombre de lieux de travail, d’armoires, etc.
Ils ont ensuite organisé une série de réunions avec l’équipe de direction et les personnes qui occupent les postes clés.
aos a réuni aussi toutes les divisions dans une matrice de proximi­
té de manière à faire apparaître quelles divisions travaillent le plus
étroitement ensemble et entretiennent le plus de contacts. À partir
de là, aos a établi un plan de base mentionnant les zones de synergie.
Parmi les questions posées : pourra-t-on encore imprimer des
documents confidentiels en utilisant le printing-on-demand ? Aurons-nous encore chacun un bureau ? Ce bureau sera-t-il fermé ou
sera-t-il pourvu d’une porte à double vitrage ? Pour notre part, nous
avons proposé notamment une longue table qui fasse office de base
de travail et de table de réunion. En fin de compte, plus personne,
pas même le directeur, ne possède un bureau personnel au sens classique. Mais on peut réserver un espace. Et les espaces de réunion
existent toujours.
Chacun utilise donc ces espaces de réunion ?
Provisoirement, nous parlerons de salle de réunion/salle de direction
parce que, au début, beaucoup de directeurs pourront s’y refugier.
Plus tard, tous ces espaces de réunion porteront un nom spécifique.
Pas le nom d’un scientifique belge célèbre non, nous prendrons des
noms plus familiers : link, wiki, community, forum, cloud – pour les
séances de brainstorming – et j’en passe.
aos nous a secondés pour réaliser la transition car il faut mettre
tout le monde dans le mouvement, y compris la direction. Leur rapport final a été transmis ensuite aux collaborateurs de SnelBouw qui
prenaient en charge la phase concrète de l’installation.
CHAPITRE 3 L’essor
Début mai, le plan de base était prêt. Il fut soumis à nouveau à chaque
groupe de travail. Et au Comité de Sécurité et d’Hygiène. Sitôt après,
le « design » entra dans la danse. Nous nous sommes adressés à des
entreprises spécialisées dans les aménagements intérieurs comme
Kinnaps, à Wemmel, Bulo à Malines, Ahrend, etc. Nous nous sommes
attachés à la personnalisation, à l’adaptation aux besoins du client.
Nous avons choisi des couleurs apaisantes pour le cadre de travail ;
blanc, noir et anthracite. Les espaces moins officiels ont été traités
dans des teintes un peu plus vives.
Entre-temps, nous avons incorporé à notre plateau une partie du
premier étage occupée jusque là par une autre entreprise, et en contrepartie, nous avons renoncé à une portion du troisième étage.
En juin, soixante-dix km de câbles ont été tirés dans les sols, puis
on a monté les cloisons, placé les armoires et posé la moquette. Au
cours de la troisième phase, la division tic a été installée avec son
propre centre de données et six imprimantes Xerox, des appareils
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
multifonctions répartis dans les divisions. Nous avons fait appel à
une équipe de contrôle pour vérifier l’ensemble, des écrans led à la
wifi en passant par les distributeurs de café automatiques, absolument tout.
Supposons qu’un très gros problème surgisse en dernière
minute : que feriez-vous ?
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Nous devons quitter les lieux fin novembre mais j’ai gardé deux mois
en réserve, le temps de les remettre en état. Nous n’envisageons pas
d’obstacles insurmontables.
Nous prévoyons cinq jours pour le déménagement proprement
dit. Une cinquantaine de personnes peuvent déménager chaque fois,
guidées par une équipe de spécialistes. Chacun emporte son ordinateur portable. Les derniers ordinateurs de bureau ont été remplacés
dès l’été par des portables. Sur place, nous avons équipé les téléphones
ip de casques d’écoute. Nous travaillerons avec ocs (Office Communicator System) de Microsoft. Les derniers tests sont en cours.
La semaine prochaine, vendredi exactement, le premier groupe
fait ses caisses. Lundi, l’administration suit. Le même manège pendant cinq jours. Le matin, chacun se voit attribuer un badge, un script
et notre manuel « Discover the new world of work », qui expose ce
qu’est le Nouveau Travail. Au cours de l’après-midi, une personne
passe pour s’occuper des sièges et vérifier leur ergonomie. Un membre
de l’équipe de base sera toujours présent.
En fin de journée, chaque équipe se réunit pour aborder les problèmes éventuels.
Nous avons prévu aussi, pour la semaine précédant le déménagement proprement dit, des « sessions petit déjeuner » dans les nouveaux bâtiments. Tout le monde pourra se faire rapidement une idée
de la situation. Histoire d’adoucir le choc de la transition. J’ai pris un
maximum de photos ces dernières semaines pour permettre à chacun
de voir comment l’ensemble des projets se réalise.
CHAPITRE 3 L’essor
Ces nouveaux bâtiments nous ont permis de créer un espace
nwow vraiment prêt à l’emploi.
Il nous reste à donner corps au concept de « flexibilité » : qui travaille chez soi et combien de jours par semaine ? Qui a besoin d’un
support technique ?
L’essai et la mise en œuvre du nwow se font donc
progressivement ?
Il s’agit d’une évolution, pas d’une révolution. Prenons l’image d’un
restaurant Nous élargissons le choix de plats proposés à la carte. Si
un client ne choisit que des plats qui se trouvaient déjà sur la carte
précédente, tant mieux pour nous. Mais il peut choisir une nouveauté : il sera peut-être plus heureux de ce choix qu’il n’aurait pensé.
De toute manière, certains processus seront adaptés. Nous croyons
par exemple aux vertus du bureau sans papier, même si l’idée paraît
utopique, et dès maintenant, nous sommes prêts à avancer résolument dans ce sens, à condition de remplir un maximum de conditions
annexes. Il est utile aussi de prévoir moins d’armoires. Nous numérisons davantage. Il faut préciser que kpn nous a imposé un système
de record management.
Nous cherchons comment modifier les indemnités mensuelles
fixes afin de compenser, entre autres, une partie des frais de chauffage et d’énergie des travailleurs à domicile. Ou les frais de raccordement à l’adsl, les chaises de bureau…
Selon quels critères déterminerez-vous la réussite de ce
projet ? Le pourcentage de télétravail ? Le nombre d’heures
prestées via ocs ?
Notre baromètre de référence est notre employee engagement qui reflète la motivation des employés. Chaque année, nous menons une
enquête sur la motivation : si l’option du télétravail plaît, l’enquête
le montrera.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 3 L’essor
Votre concept comporte une appréciable dimension
écologique ?
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Une entreprise qui s’appuie sur une technologie moderne et un
beau look & feel devrait en principe rencontrer moins de difficultés
pour recruter du personnel. Nous recherchons en moyenne 50 personnes par an et nous sommes très heureux lorsque nous parvenons
à trouver au plus vite les responsables des postes clés.
Sans doute l’internal rate of return s’élève-t-il à plus de 35% mais par
compensation, nous avons investi dans moins de mètres carrés et
nous payons moins d’impôts. Tout compte fait, sur le plan financier,
c’est un business case facile à vendre.
Grâce à la technologie de Live Meeting et Office Communicator,
nous pouvons faire l’économie de nombreux déplacements entre nos
implantations. Nous allons gagner du temps aussi en ne démarrant
qu’après les embouteillages et en épluchant les courriers électroniques
à domicile.
Oui, nos technologies n’entraînent pas seulement une limitation des
émissions de CO2. C’est surtout à l’intérieur du bâtiment même que
se trouvent les éléments « verts ». De nombreux points lumineux
s’éteignent automatiquement si personne ne se trouve dans telle
pièce, aux toilettes par exemple, ou lorsque la lumière naturelle augmente. Nous avons remplacé les réfrigérateurs, qui sont de parfaits
énergivores, par de nouveaux modèles moins gourmands en énergie.
Même chose pour les ampoules électriques.
Les traditionnelles corbeilles à papier à côté des bureaux ont disparu. Mais des poubelles permettant le tri se trouvent à quatorze
endroits dans nos bureaux. Le recyclage commence ici.
Il faut attendre pour voir si les employés se plairont dans ce décor…
Mais j’ai vraiment confiance. Il n’y aura pas d’effet de choc. Les esprits
ont eu le temps de mûrir. Peut-être les difficultés surgiront-elles surtout de la contrainte du clean desk (bureau propre). Un lieu de travail
flexible est inconcevable sans cette exigence.
Ce projet a été une expérience extraordinaire pour le directeur financier que je suis. En sept mois, j’ai enrichi considérablement mes
connaissances technologiques. Telle chose est-elle possible ? ceci fonctionne comment ? peut-on combiner ces deux éléments ? Ce fut un
parcours riche en découvertes.
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chapitre 4
La mise en œuvre
Le second témoin principal, Ludo Constant, est business
consultant ict ; c’est lui qui a revu l’entièreté du programme,
qui en a assuré la coordination et la mise en œuvre. Je me suis
entretenu avec lui quelques semaines avant le déménagement.
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Ludo, comment le choix du Nouveau Travail a-t-il fait son
chemin ?
La question appelle deux réponses. Getronics avait déjà adopté
concrètement plusieurs concepts qui font classiquement partie du
Nouveau Monde du Travail. Certaines divisions ont pour ligne de
conduite d’organiser leur travail en fonction des priorités du client,
l’urgence des dossiers ou des commandes. On part du principe que
le travail peut s’effectuer indifféremment chez le client, chez soi, ou
ici, au bureau. Dans une certaine mesure, cette culture pétrie de flexibilité et de liberté était déjà la nôtre. Les employés organisent euxmêmes ce qu’ils ont à faire. La manière dont ils obtiennent des résultats dépend donc beaucoup d’eux-mêmes. Les managers ont été et
sont toujours entraînés dans cette optique : ils travaillent avec des
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
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objectifs et ne fondent pas a priori leurs performances sur la présence
au bureau.
C’est ma première réponse.
Toutefois, cette culture existante n’a jamais été formulée de cette
façon, ce concept n’est jamais apparu aussi nettement. Or, en tant
qu’entreprise tic, nous disposions évidemment de tous les outils
pour ce faire. Aujourd’hui, les employés ont accès, grâce à internet,
à leur Outlook et leurs courriers électroniques ; ils peuvent maîtriser
leur agenda et même téléphoner via Microsoft Office Communicator.
Tout est parti de notre décision de déménager.
On commence, par exemple, par adapter les équipements et le
design des espaces de travail. Mais en mettant en œuvre le nwow,
on observe rapidement que l’on gagne des mètres carrés. Que l’organisation d’une vidéoconférence ou d’une session de brainstorming
nécessitent des espaces et des équipements spécifiques. Qu’il faut
CHAPITRE 4 La mise en œuvre
des endroits où les gens puissent se concentrer dans le calme. Ces
espaces de travail sont agencés un peu en fonction de ce type d’activité et l’ensemble prend davantage l’allure d’un foyer de rencontre
que d’un lieu de travail strictement industriel.
Les priorités économiques comme la diminution des coûts, des
mètres carrés, de la consommation d’électricité et des frais de chauffage sont donc importants.
Parallèlement, un bon esprit d’entreprise s’impose et je songe aux
valeurs écologiques car l’environnement est mis à rude épreuve. Dans
notre esprit, les travailleurs devraient passer un peu moins de temps
dans les embouteillages, les gens devraient gaspiller moins d’énergie.
La pyramide des âges intervient aussi. Elle est en déséquilibre, nous
devons lui apporter du sang neuf, ce qui donnera un coup de main à
la sécurité sociale. Comme les travailleurs devront travailler plus
longtemps, il faudra leur permettre d’être moins stressés, de travailler plus souplement. Comme nous devons accueillir une nouvelle
génération de travailleurs, nous devons tenir compte de la « guerre
des talents »qui fait rage notamment dans le domaine de la technologie
de l’information et de la communication. Les employés du secteur
tic sont d’ailleurs familiarisés avec des outils qu’ils utilisent aussi
chez eux et nous devons les mettre à leur disposition. Puisque nous
sommes « The Workspace Company », il va de soi que nous devons
donner le bon exemple. Dire à nos clients que nous nous chargeons
de l’aménagement de leur poste de travail sans le faire soi-même,
c’est perdre toute crédibilité. Notre premier devoir est de transformer
notre propre entreprise en vitrine. Montrer au client que nous
pouvons aménager son poste de travail comme un outil de
communication et de collaboration efficace. Ce souci habite d’ailleurs
un nombre croissant d’entreprises. Je reviens à l’instant d’une
présentation à un client qui va adopter le nwow et pour qui l’entrée
dans de nouveaux bâtiments a signifié aussi un bouleversement.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Le nwow pousse-t-il à faire tabula rasa ?
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Oui, car un déménagement tel que celui-là est l’occasion de discuter
de différents sujets. Ainsi, nous avons décidé que les nouveaux bureaux de Diegem ne seront pas réservés au personnel d’Evere mais
ouverts à tous les employés Belux. À leur arrivée, ils reçoivent un
badge, un casier et un poste de travail.
Et qu’allons-nous déménager ? Emmènerons-nous toutes nos archives ? Ne vaut-il pas mieux numériser ? Ne devons-nous pas affiner
aussi notre plate-forme Sharepoint et la façon dont nous travaillons
ensemble ? Ne faudrait-il pas optimiser nos pc, de même que notre
façon de communiquer entre nous ? Ne pourrions-nous pas développer le Microsoft Office Communicator pour éviter d’employer le vpn
(réseau privé virtuel) pour téléphoner via un pc … ? La technologie
est en place, nous la testons.Par ailleurs, des lignes directrices devront
orienter notre collaboration. Mais il y a plus important : comment
ferons-nous pour accompagner ce changement ? Comment intégrer
les personnes dans l’univers du nwow ? Combien de temps cela prendra-t-il et quels sont les écueils ? Quelle sera l’origine des réticences ?
N’oublions pas que tout changement s’accompagne de résistances.
Ce projet ne se résume pas à une affaire de technologie.
La philosophie du Nouveau Travail suppose une culture où manager et employé se côtoient dans un esprit très adulte fondé sur une
confiance réciproque. Où le manager sait que l’employé atteindra ses
objectifs, même s’il ne le voit pas pendant plusieurs jours. Ceci exige
une autre approche de l’accompagnement professionnel personnalisé et de la gestion. Il s’agira notamment de privilégier le travail avec
des équipes virtuelles. Peut-être les réunions classiques ne s’imposent-elles pas toujours ? On peut leur préférer les vidéoconférences
sur pc à l’aide de Microsoft Live Meeting ou de tout autre outil.
En un mot, la mise en œuvre du Nouveau Travail suppose une
foule de préparatifs. IL n’est pas question d’installer un nouveau cadre
de travail pour retrouver ensuite les bonnes vieilles habitudes. En
CHAPITRE 4 La mise en œuvre
moyenne, une migration de cette ampleur prend deux ou trois années.
Pour Getronics, nous avons dû nous plier à un délai d’à peine six mois.
Ce fut possible parce que nous avons vraiment séparé le nwow et le
déménagement à Diegem. Or ce déménagement ne représente qu’une
partie du projet. Nous avons prévu, en effet, d’introduire le nwow
dans les autres implantations de Getronics. Après le déménagement,
de nombreux projets seront mis en chantier : gestion du changement,
communication, training pour les managers, résolution des problèmes.
Quelle a été la réaction des employés face à ce
déménagement ?
La rumeur avait déjà circulé, leur attitude fut très prudente quand
Jean-Claude leur a annoncé la nouvelle. Il a souligné les aspects positifs de l’emplacement : beauté du bâtiment proximité d’une gare,
espace vert pourvu de bancs, terrain de basket, salle de fitness à
proximité, etc. Mais on a beau faire, un déménagement n’est pas une
sinécure. Les employés doivent s’adapter, chercher le transport public
adéquat.
En tant que responsable de programme, est-ce à vous que
revenait de mener à bien ce travail d’adaptation ?
Le projet m’a paru passionnant. Je m’occupais déjà de l’offre relative
au travail connecté qui doit assurer une fluidité optimale à la communication. J’ai travaillé dans le secteur des Ressources humaines
et je peux faire jouer mon expérience multidisciplinaire. Mais je peux
compter surtout sur une équipe motivée et un comité d’accompagnement partisan du nwow.
L’ensemble du programme est constitué de quatre piliers : aménagement et design des espaces, technologie, culture et communication. Tous ont une série de projets en cours que gère un responsable
de projet.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 4 La mise en œuvre
Combien de personnes sont-elles directement impliquées
dans ce programme ? Et quelle part de leur temps y ont-elles
consacrée ?
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Il est bien difficile d’avancer des chiffres car un nombre très important de collaborateurs s’investit dans la réalisation de ce programme.
Mais ceux et celles qui se sont vraiment attaqués à ce projet doivent
être dix-sept, dix-huit.
Isabelle y a consacré 50% de son temps, les autres 20 ou 30%, et
moi j’y ai consacré sans doute 80 ou même 90% de mon temps. Sans
parler des séances de brainstorming qui ont rassemblé tous ces collaborateurs.
J’ai commencé par exposer le détail de toute l’affaire aux intéressés. Puis le brainstorming a permis à toutes les idées de s’exprimer
au sein de chaque pilier. Une centaine de suggestions ont été faites :
toutes été suivies. J’ai pour tâche de veiller à ce que les choses avan­
cent, que les objectifs de chaque projet soient atteints. De corriger
les trajectoires ou de faire monter la pression. Puis il m’appartient
de coordonner le comité d’accompagnement et de faire en sorte que
ses décisions soient suivies d’effet.
Le programme a nécessité aussi beaucoup de communication : un
texte « vision et stratégie », des comptes rendus, un blog. Quantité
de textes. Mais surtout j’ai considéré qu’il m’appartenait de déceler
et de prévenir les risques potentiels. Ce qui suppose de parler beaucoup et… d’écouter.
Quelles sont les trais caractéristiques d’un bon responsable
de programme ? On dit des responsables de programme
qu’ils doivent avoir mauvais caractère…
Pas avec les clients, en tout cas ! Mais entre un responsable de programme et un responsable de projet, la différence n’est pas sensible.
Ils doivent se montrer diplomates avant tout, sans craindre de mettre
parfois les points sur les i. Leur travail est identique, l’ampleur et
l’im­pact sont peut-être un peu plus grands chez le responsable de
pro­gramme.
Ce dernier doit cependant faire face sur plusieurs fronts. Mais le
soutien d’une bonne équipe, de bons chefs de projet importe beaucoup. Des collaborateurs de confiance, qui s’investissent. À vrai dire,
pratiquement personne n’a hissé jusqu’ici le « drapeau rouge », excepté des fournisseurs externes, parfois incapables de respecter des
délais.
Et le déménagement du 1er octobre, vous le voyez comment ?
L’essentiel du nwow doit être terminé pour le 1er octobre. Il faudra
compter un ou deux mois de plus pour que tout soit achevé – des
détails comme l’éclairage, l’air conditionné, le design, les finitions…
Nous travaillons avec des groupes de testeurs sur place car si la plu-
57
CHAPITRE 4 La mise en œuvre
part des technologies que nous voulons installer ne sont pas neuves,
les combinaisons le sont. Les casiers activés par badge et le follow
me printing, par exemple, ou les tableaux interactifs, les projecteurs
sans fil, les Microsoft round table devices pour les téléconférences.
Toutes ces technologies doivent désormais fonctionner en synergie
parfaite. Mais il va de soi que le responsable de programme doit tenir
compte de la loi de Murphy…
Puis viendra le tour d’Edegem, de Zellik et de Luxembourg : travaux de transformation, adaptations logistiques, peut-être même le
déménagement ultérieur d’une de nos implantations…
Les programmes de gestion du changement et les entraînements
au nwow se poursuivront.
S’il n’y avait pas eu ce déménagement, auriez-vous adopté
le Nouveau Travail ?
Le Nouveau Travail serait devenu de toute manière plus confidentiel.
Nous avons déjà mené une action nwow dans notre ancien bâtiment
et créé notamment des lieux de travail flexibles, ce qui est toujours
possible en théorie. Mais je le répète, ce déménagement a provoqué
chez nous un changement profond qui a donné l’impulsion.
“Euh… tu es assise à ma place.”
Flexdesk: pas de place prédéfinie.
Nous sommes aujourd’hui le 2 septembre. Votre avis ? Vous
y arriverez ?
Je suis d’un optimisme mesuré. En dépit de tous les retards : adaptation des imprimantes qui ne s’est pas faite, pièces de l’air conditionné non livrées, la téléphonie via le pc pas suffisamment testée
dans notre département it. Les derniers soubresauts, rien de plus.
En principe, nous devons et nous allons y arriver. SnelBouw a mis
une équipe entière de 40 hommes sur le coup.
En tout état de cause, nous pourrons travailler, téléphoner, boire
un café… mais nous visons plus haut, évidemment, et nous maintenons la pression.
59
chapitre 5
L’heure de vérité
Le 2 octobre, le dernier groupe de travail a déménagé.
Evere est vide et Diegem bourdonne d’une activité intense.
SnelBouw met la dernière main aux travaux de mise en
œuvre. Notre directeur général, Jean-Claude Vandenbosch,
n’est pas peu fier de faire avec moi le tour des bureaux
flambant neufs.
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C’est manifestement un nouveau départ
« Dans l’esprit nwow, les nouveaux bureaux, qui étaient des espaces
de travail individuels, deviennent des espaces de rencontre. Car tout
ce qui se fait se réalise en équipe. Chez Getronics, c’est l’essence du
Nouveau Travail. Nous ne venons pas au bureau pour travailler mais
pour nous rencontrer, nous réunir, etc. Nous avons différentes salles
de réunion : salle de brainstorming, de conférence téléphonique, bulle,
bibliothèque, etc.
Le bar constitue un autre lieu stratégique, non seulement comme
espace de rencontre – « the power of the bar » – mais aussi pour fêter
une victoire, par exemple. Surtout en ces temps difficiles. Ici, nous
disposons d’une surface plus petite de 2000 m² par rapport à Evere
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
et pourtant, nous avons l’impression d’être plus au large. C’est une
question de design. La transparence qui règne ici influence la culture
d’entreprise. Le Management by walking around revient après une
éclipse ! Quelquefois, le Nouveau Travail exige aussi une adaptation
des habitudes, du comportement. La responsabilisation ! La politique
du bureau propre, par exemple, est un signe de respect vis-à-vis de
l’équipe.
Plus que jamais, les employés seront jugés sur leurs résultats et
non sur leur présence au bureau ! Plus question de jouer les fayots !
La description des jobs et les systèmes d’évaluation seront
donc adaptés ?
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Nous ferons cette adaptation à terme. Nous vivons une période transitoire, une période d’adaptation forcément délicate. Ne perdons pas
de vue que nous avons préparé à fond le déménagement en tant que
tel, avec des groupes de travail, avec les syndicats, des séances de
questions/réponses et un blog. Chacun a eu voix au chapitre. Mais le
passage à la pratique implique une adaptation.
Autrefois, plus d’un employé sortait sa boîte à tartines sur le coup
de midi et mangeait tranquillement dans son bureau. Ce ne sera plus
possible. Le lunchroom est ouvert à tous.
Au fond, quel a été l’élément déclencheur du Nouveau
Travail ?
Je vous parlerai franchement.
Le point de départ n’a pas été le principe du nwow comme tel.
Tout est parti de cette constatation faite en 2008 : notre contrat de
location aura expiré dans deux ans. La question s’est posée : faut-il
rester ou partir ? Cette première analyse reposait sur de banales considérations financières. La crise bancaire était à son paroxysme et nous
y avons vu une opportunité. Il fut rapidement évident que nous avions un business case pour déménager.
CHAPITRE 5 L’heure de vérité
Mais pour aller où ? Notre entreprise n’est ni flamande, ni bruxelloise, ni wallonne. Pour l’emplacement, nous voulions tenir compte
de nos employés. Avec plus de 250 field engineers, nous sommes la
plus grande field organisation (organisation de terrain) de Belgique,
un peu plus grande que Econocom, notre concurrente directe. Les
ingénieurs sont toujours en déplacement ou chez un client. Nous
avons fait aussi une enquête pour savoir d’où venaient nos collaborateurs.
Nous en avons conclu que nos nouveaux bureaux devaient se trouver dans un rayon de dix km autour d’Evere. Comme je tiens personnellement à l’image d’une entreprise centrale, j’ai décidé que notre
nouvelle implantation devait se situer à l’intérieur du ring de Bruxelles.
L’idée de Bruxelles métropole, qui incluait le Brabant flamand et le
Brabant wallon.
La division immobilière de kpn nous a bien aidés à l’heure du
choix final. Le nombre de mètres carrés dont nous disposerions à
Diegem était toutefois moins élevé qu’auparavant et ce n’est qu’à ce
moment que l’idée du nwow a surgi. Nous étions au début 2009, un
an après les premiers entretiens concernant le contrat de location
proche de son terme. Par ailleurs, le contrat de location d’Edegem
expire en 2013 : il s’agira d’y penser bientôt – en 2011.
Quel est le plus grand avantage que réserve l’ensemble du
concept nwow à vos collaborateurs ?
C’est à nos collaborateurs qu’il faudrait poser la question. Je ne suis
là que depuis quelques jours mais j’ai été frappé par leur émerveillement.
Leurs premières réactions furent : « quel espace ! » et « c’est beau,
c’est moderne ! ». Ils ont compris qu’on adoptait un mode de gestion
flexible, que les bureaux flexibles mettent tout le monde sur le même
pied. Il reste que certains s’adaptent mieux que d’autres. L’aspect
« vitrine » est favorable aux ventes et plait aux consultants.
67
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 5 L’heure de vérité
Il faut que tout « marche » ! À ce propos, le travail de SnelBouw m’impressionne. Le nom de la société ne ment pas : ils construisent vite !
Achever 6000 m² en six semaines, qui dit mieux ? Au mois de janvier,
tous les collaborateurs, au sein de la société, seront convertis au
nwow. Pas un « oui, mais », non : l’unanimité ! Ce sera la meilleure
manière de vendre nos services tic.
À l’avenir, comptez-vous affiner, optimiser le nwow afin de
répandre plus largement ses bienfaits ?
Un de nos objectif est de toucher la génération Y. Simplement parce
qu’une part de plus en plus importante de nos services se fait en
ligne. Le télétravail est appelé à séduire de plus en plus. En même
temps, nos nouveaux bureaux plaisent tellement que le travail
d’équipe est renforcé.
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Et vous, Jean-Claude, comment avez-vous vécu le
changement ?
Le changement ne m’a pas touché personnellement. Il faut que j’apprenne à utiliser l’outil de communication ocs qui remplace le téléphone traditionnel. Je respecte les nouvelles règles de jeu. J’éprouve
de moins en moins le besoin de posséder un bureau personnel. Autrefois, je me tenais bien plus souvent entre mes quatre murs alors
qu’aujourd’hui, tout est transparent. Une bonne chose.
Avez-vous déjà défini une campagne en vue de recevoir les
clients ?
Avant la grande ouverture en janvier, nous n’invitons personne. D’ici
là, nous aurons trouvé nos marques. Je n’imagine pas qu’on dise à
un client « l’entreprise ne fonctionne pas encore mais ça va venir ».
69
chapitre 6
Les quatre piliers
Ressources humaines
E = Q x A. L’effet d’un facteur donné est le produit de la qualité multipliée par l’acceptation. La qualité est évidente mais l’acceptation ?
Les employés sont-ils réellement enchantés par le Nouveau Travail ?
Quelques semaines après le déménagement, j’ai posé la question aux
responsables immédiats : Yvon Fischer, director human capital &
sourcing et Steve Rosa, consultant.
Quelle est la plus grande préoccupation, le plus gros défi
pour les Ressources humaines face au nwow ?
Yvon : Le changement. Si l’on opère un changement, il faut procéder
avec réflexion : on court le risque qu’il ne soit pas accepté. La gestion
du changement est sans doute notre première tâche.
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Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Quand vous dites « changement », vous pensez « résistance »
aussi ?
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Yvon : Si un environnement donne satisfaction, pourquoi le modifier ? S’il engendre le mécontentement, le changement peut être perçu comme une chance. C’est ce qui s’est produit.
Il est difficile parfois de briser certaines habitudes, surtout si l’on
s’adresse à des personnes qui n’occupent pas le devant de la scène au
travail, à qui il manque parfois une certaine reconnaissance. Je parle
des administratifs qui puisent leur motivation dans leur travail mais
aussi dans le milieu où ils l’exercent jour après jour. Ils tiennent beaucoup à leur poste de travail personnel, avec leurs affaires et leurs
photos, par exemple.
Environ 10% de notre personnel répond à ce profil. Ces employés
ne considèrent pas nécessairement le nwow comme un changement
positif. Ils sont soutenus par les syndicats qui ergotent sur des points
concrets : cette chaise est-elle suffisamment ergonomique, etc. ?
Cette partie du personnel a besoin qu’on lui démontre la valeur
ajoutée du changement.
Steve : En juillet et en août, nous avons organisé des campagnes de
présentation ouvertes à toutes et à tous. Le concept était exposé en
long et en large. Chacun a pu faire part de ses préoccupations et poser des questions. Nous en avons reçu des centaines. Pourrai-je venir
au travail à vélo ou en voiture, par exemple. Nous n’avons perçu aucune véritable opposition.
Aux yeux de personnes qui ne travaillent pas « à la nomade »
mais de façon sédentaire, quelle est la valeur ajoutée du
nwow ?
Yvon : Premier changement concret : ils reçoivent un ordinateur portable. Les uns soupirent en disant « enfin ! » mais d’autres observent :
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
« Est-ce vraiment indispensable ? « ou « Je ne l’emporterai pas chez
moi, je refuse de travailler à la maison ». Il faut tenter d’expliquer.
« Voyez-vous, on aimerait que, dans ce nouvel environnement de
travail, vous travailliez avec un portable. N’oubliez pas que vous pouvez faire jouer la flexibilité en votre faveur. » Hier, j’ai reçu un coup
de fil d’un employé administratif qui est aussi représentant de l’entreprise au comité d’entreprise. Il m’a dit : « Je suis chez moi, ce grand
écran est très pratique mais il me manque encore un siège. »
Tous et toutes sont sur le même pied : je vois là un second point
positif.
Steve : Désormais, un manager se trouve où il veut, il peut partager
simplement l’espace de travail des employés administratifs. Un lieu
ouvert, transparent, qui procure plus de liberté et de souplesse. Le
personnel fera cette découverte par lui-même. Vivre « ensemble » et
travailler « ensemble ». Quelqu’un veut-il travailler chaque jour au
même endroit ? C’est possible mais pas obligatoire.
Certaines dispositions sont mal accueillies. Par exemple le fait de
ne plus pouvoir manger à son bureau et d’être convié au lunchroom.
On entend dire : « Ça na pas de sens, ça fait des années qu’on mange
notre sandwich tout en continuant à travailler. Pourquoi ils nous
obligeraient à être moins productifs ? »
Comment ça, moins productif ? Je crois que c’est faux. On descend
à l’espace lunch, on rencontre des collaborateurs de tous les départements. On entend des informations qu’on n’aurait pas apprises
autrement. Ça vous rapproche des autres. Et ça crée un nouvel équi­
libre entre la direction et la base. Chacun retrouve un visage, une
iden­tité.
77
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Un mois après le début de la mutation, quel est votre
sentiment ou celui du personnel ? Avez-vous traduit tout
ceci en heures que le personnel assure à domicile ?
'
'
J ai la reponse
aux embouteillages!
moi
aussi !
Yvon : Il faut distinguer les fonctions. Prenons nos ingénieurs de
terrain. Ils ne paraissent jamais au bureau, ils n’ont que l’une ou l’autre
réunion avec le responsable. Ils n’ont pas de bureau. C’est une catégorie du personnel.
La seconde catégorie se compose de commerciaux et de consultants. Ces employés sont souvent en clientèle, ils sont déjà habitués
à travailler chez eux, à rédiger des rapports. Ils viennent au bureau
pour communiquer avec leurs collègues ou leur manager… C’est tout.
Nous avons fait ainsi le tour des fonctions : de la secrétaire aux
directeurs. Ça n’a pas été toujours simple.
Il y a des compensations financières pour ceux et celles qui
travaillent à domicile ?
79
Évitez les embouteillages.
Yvon : Elles font l’objet de discussions intéressantes avec les syndicats. Le personnel nous dit : « D’accord, mais j’ai besoin d’un siège,
d’un pc, d’un écran plus grand… et je consomme plus d’énergie. » Cela
paraît un peu paradoxal. Diminution de la consommation de carburant parce qu’on se déplace moins mais augmentation de la consommation d’énergie. Il y a 600 personnes qui doivent se chauffer à leur
domicile alors que Getronics possède un bâtiment qu’il faut chauffer.
Nous explorons des pistes en vue d’une compensation.
Quel est l’impact du Nouveau Travail sur la motivation, la
fidélité vis-à-vis de l’entreprise, l’ambiance à la base ?
Steve : Au début, on entendait des jugements du style : « inattendu »,
« pas l’habitude », « pénible ». Aujourd’hui, ces frustrations ont pratiquement disparu grâce, pour l’essentiel, au nouveau décor, à l’infras-
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
notamment attirer de nouveaux talents, de jeunes éléments. Parallèlement, nous devons soutenir nos employés les plus expérimentés,
ils souffrent peut-être davantage des heures perdues dans les embouteillages – nous leur offrons la flexibilité. Si l’on songe que dans cinq
ans, un quart de la population active sera à la prépension, on voit
planer la menace d’une gigantesque pénurie de main-d’œuvre. Et
nous manquons déjà d’informaticiens !
Le nwow fait faire des économies dans le domaine des
Ressources humaines. Vous pourriez donner des exemples ?
80
tructure. En fin de compte, les employés conservent l’essentiel de
leur passé. La seule chose qu’ils perdent, c’est leur bureau personnel.
En contrepartie, ils étrennent un espace de travail plein de charme
et lumineux. Le personnel y est sensible et se sent heureux.
La fidélité à l’entreprise s’en trouve renforcée. Les employés en
sont fiers. Les visiteurs qui viendront ici pour la première fois se
diront : « Ici, ça bouge ». Nous n’avions pas cette image à Evere. C’est
notre sentiment aujourd’hui mais il est trop tôt pour approfondir la
question. Nous n’en sommes pas encore à l’évaluation proprement
dite.
Le travail préparatoire a été mené sérieusement, la gestion
de la transition a été bonne, vous êtes un homme heureux » ?
Yvon : C’est vrai dans les grands lignes mais il reste du pain sur la
planche. Les Ressources humaines ont encore beaucoup à faire, il faut
Yvon : L’expérience des Pays-Bas fait apparaître une diminution sensible des coûts. Nous ne pouvons pas encore chiffrer cette épargne,
il faut patienter un an. L’évolution se fera d’elle-même.
Les employés qui quittent l’entreprise coûtent de l’argent. Il faut
en dépenser aussi pour attirer de nouveaux collaborateurs. Nous
pouvons peut-être réduire ces coûts en affichant une identité d’entreprise innovante et flexible vis-à-vis de nos employés actuels et potentiels.
Nous avons affecté un budget plus important à la formation. Notre
stratégie globale le prévoit mais il faut dire que cette année, les frais
de formation ont été particulièrement élevés.
Et après 2010 ? Quels seront pour vous les temps forts ?
Yvon : L’expérience va nous aider à affiner le concept. De toute manière, nous devrons fournir un appui aux managers. Si leurs collaborateurs travaillent à distance, ils devront continuer à veiller à ce que
les objectifs soient atteints, ce qui suppose un accompagnement.
Notre rôle est d’aider les managers à réaliser ces objectifs sans se
montrer trop directifs. Le système d’évaluation, pour ces managers,
s’oriente nettement vers un système axé sur les résultats. Si les managers réussissent contre toute attente à faire travailler leurs colla-
81
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
82
borateurs ou une partie d’entre eux davantage à domicile, ce sera une
performance.
C’est une gageure, en particulier dans certaines fonctions. Peutêtre cela est-il plus facile pour des fonctions auxquelles ont n’aurait
pas songé. D’ailleurs nous ferions bien d’approfondir la question.
Second volet : poursuite de la stimulation de l’« outil ». Je pense que
trois sortes de collaborateurs travaillent dans une entreprise :
• les précoces, friands de nouveautés, ceux qui aiment travailler sur
leur pc parce qu’ils découvrent son efficacité ;
• ceux qui se laissent facilement convaincre ;
• ceux qu’on ne convainc pas, qui suivent une formation avec des
pieds de plomb. Cette dernière catégorie mérite qu’on fasse un
effort pour leur faire sentir qu’ils « en sortiront meilleurs ».
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Nous devrons nous mettre à l’écoute. Entendre ce qui se dit mais
aussi ce qui ne se dit pas. À ce propos, nous avons organisé un petit
déjeuner au cours duquel nous avons demandé à quelques personnes
les questions que soulevait ce que nous voulons vendre/installer.
Nous devrons aller de l’avant, même si toute inquiétude n’a pas complètement disparu.
Steve, vous avez accompagné les employés sur la voie du
nwow ?
On a lancé un groupe de travail, organisé plusieurs séances. La première visait à déterminer les points, les problèmes, les thèmes à aborder. Nous avons parlé du problème de la présence, de l’équilibre travail/vie privée. Puis-je prendre un rendez-vous chez le médecin en
pleine journée ? Et le vrai problème du manager : je ne vois plus mes
collaborateurs, comment travailler dans ces conditions ?
83
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Nous avons discuté de sujets administratifs tels que les contrats,
les polices, etc. Nous avons déménagé en Région flamande, ce qui
suppose notamment que les nouveaux contrats soient traduits en
néerlandais. Avec Ludo, nous avons développé une structure et lancé des projets.
Nous avons réfléchi ensemble et nous avons mis dix concepts par
écrit. Et nous avons créé un dessin humoristique en relation avec
chaque concept.
Nous sommes depuis un mois dans nos nouvelles pénates. Nous
constatons, par exemple, que certains s’installent toujours à la même
place. Rien de grave en soi. Nous n’avons cessé de dire qu’ils avaient
le choix, nous n’imposons rien et si certains préfèrent garder la même
place, grand bien leur fasse. Cependant, nous tenons à la politique
du bureau propre. Et ça fonctionne parfaitement.
Respectez vos collègues.
Le bruit nous a causé du souci. Nous avons modifié le calendrier et
avancé un peu la réalisation du cartoon-bruit.
Des discussions surgissaient, deux, trois personnes parlaient ensemble, on buvait un verre… on passait les bornes. Il y a moyen de
bavarder dans le couloir, la place ne manque pas, il y a le coin café,
en bas. Nous avons résolu le problème.
On ne chiffre pas encore systématiquement le nombre d’équipes
qui travaillent à domicile. Notre division le fait. Ludo donne des coups
de fil chaque jour : combien d’heures prestées au bureau ? Il serait
intéressant de généraliser le procédé. Le risque est d’exagérer, ce qui
s’est produit à Evere. Si les employés ne viennent plus chez nous,
nous risquons de perdre l’aspect social du groupe de travail. Nous
avons donc convenu que chacun devait se débrouiller pour être ici à
une date déterminée. Le jeudi après-midi, tous les quinze jours.
Ce jour-là tombait hier et je reconnais que ce n’a pas été une réussite. Nous devons veiller à ce que les employés puissent se réunir ici.
85
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Et les outils ? Ils fonctionnent bien ?
Le plus important de nos outils de communication, c’est l’ocs (Office
Communication System), un système fabuleux. Comme son démarrage est automatique, on est toujours en ligne. Besoin d’un renseignement rapide, d’une communication brève ? On sait immédiatement si l’interlocuteur est présent. Ou on voit s’il n’est pas en réunion,
si on peut tenter sa chance…
L’Office Communicator System est une perle. On ne peut pas s’en
passer, c’est évident. Désormais, nous téléphonons aussi via l’ocs.
Après les problèmes du début, nous l’utilisons sans difficulté. Nous
organisons une démonstration pratiquement tous les jours à l’intention de clients qui nous déclarent ensuite : nous sommes preneurs !
L’outil permet également de partager des documents à distance
et de les retravailler en ligne. On gagne un temps fou! Avant, on
s’envoyait des documents corrigés par email, mais au bout de quelques
échanges on ne savait plus qui avait apporté quelles modifications.
Nous utilisons aussi Desktopshare, un écran que nous partageons
avec une, dix ou vingt personnes.
Communiquez avec le bon outil.
Comment l’environnement de travail, les équipements sontils perçus ?
Nos collaborateurs sont sous le charme. Espace plus important, allure
très moderne, agrément des couleurs, lumière naturelle. L’ensemble
favorise l’impression d’ouverture.
Les espaces de réunion sont bien utilisés. Ils ne sont pas toujours
occupés.
87
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Il était donc nécessaire de prévoir un
accompagnement important ?
Nous avons circulé toute la semaine, nous avons répondu aux questions de nos collaborateurs, nous sommes parvenus à régler pas mal
de petits soucis. Je crois que nous avons évité ainsi bien des frustrations.
Nous avons réagi rapidement en aidant immédiatement ceux ou
celles qui signalaient un dysfonctionnement.
Et à présent ?
88
Steve : Je crois que nous devons poursuivre la gestion du changement,
ça me paraît indispensable. Il faut mettre dans le coup les employés
de nos autres implantations qui travaillent encore à l’ancienne mode.
Les bureaux sont old fashioned mais les mentalités aussi.
J’attends impatiemment le moment où nous pourrons recevoir
ici nos clients et d’autres visiteurs. Nous pouvons être fiers de nos
installations. J’ai travaillé dans beaucoup d’entreprises mais je n’ai
jamais rien vu d’aussi beau.
Tout le monde ne voit pas encore clairement ce qui convient et ce
qui ne convient pas. C’est le cas du rendez-vous chez le médecin ou
celui de la sortie avec les enfants le mercredi après-midi. C’est une
question de confiance mutuelle, du moment que le boulot soit fait à
temps.
Quelles sont les questions que je n’ai pas encore posées ? De
quoi faudrait-il parler à tout prix ?
Yvon : Il ne faut pas sous-estimer l’énergie, le temps nécessaires pour
mener à bien ce projet. Si ce projet est prévu dans la planification
stratégique, ce doit être le projet de l’année. Car tous ces préparatifs
sont interminables. Cela demande une évaluation pour éviter que les
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
collaborateurs ne soient trop vite sur les genoux. L’ensemble exige
une bonne gestion.
Nous avons donc élaboré un plan global de formation.
Aux mois d’avril et de mai, j’ai interrogé les managers :
• savez-vous ce qui vous attend ?
• quelle attitude adoptez-vous vis-à-vis du nwow ? En parlez-vous
à vos collaborateurs ?
• quels trainings devons-nous prévoir ?
L’ouvrage de Dick Bijl m’a aidé. J’y ai lu l’histoire d’entreprises qui
avaient adopté le nwow et ça m’a permis d’éviter des pièges.
Tout ceci nous a mis en garde contre les personnes qui posent des
problèmes, on a prévu les résistances inévitables. Cette opposition
peut prendre des proportions inattendues. Lors d’un précédent déménagement, des employés avaient fondu en larmes. Nous avons
essayé de voir qui encaisserait mal le nwow pour faciliter les choses.
Le manager se mue alors en premier de cordée, il doit embarquer ses
collaborateurs dans l’univers du nwow.
Nous restons autant que possible dans le concret en faisant voir
les outils, en dressant des plans d’action et en les mettant en œuvre,
en testant des politiques.
La question est donc de gagner les « coeurs et les esprits » de nos
employés.
La formation tient une grande place dans ce projet. Il s’agit de
familiariser chacun avec de nouveaux outils, de s’assurer que tous
sont capables de les utiliser couramment, sans crispations. Cette
formation s’est faite sous forme de classes informatiques, par séances
de deux heures.
89
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Vous avez dû beaucoup investir dans la gestion du temps et
l’organisation du travail ?
'
tout le
monde prend
un cafe ?
Les réunions peuvent se faire virtuellement.
Yvon : Effectivement. Comment s’organisera un collaborateur dès le
moment où on lui accordera plus de liberté ? Il a besoin d’être soutenu. Nous avons accordé à chacun une journée de formation consacrée à la gestion du temps, y compris l’utilisation de Outlook et la
gestion de l’agenda, les instructions relatives à la diminution du
nombre de courriers électroniques, à la façon d’envoyer des invitations aux réunions. Comme tous les agendas personnels sont consultables par tout le monde, chacun organise son travail autrement.
Nous avons consacré également beaucoup d’énergie à des formations consacrées à l’efficacité des réunions et à leur conduite. Nous
avons refait appel aux techniques de base, ce qui répondait manifestement à un besoin. Les réunions virtuelles via une webcam, les conférences téléphoniques ou les vidéoconférences obéissent à des lois et
des techniques spécifiques qu’il faut maîtriser parfaitement. Notre
manuel contient à ce propos dix règles d’or. Au total, nous avons
consacré trois journées de formation à chaque collaborateur. Je voudrais revenir aux managers. On me dit de tous côtés
que dans une structure nwow, les employés sont dirigés et
évalués autrement. Comment ce changement se traduit-il
concrètement dans le travail individuel ?
Yvon : Nos managers ont visiblement un défi à relever : comment
gérer des équipes virtuelles en privilégiant les résultats, avec des
objectifs déterminés ? Cette gestion comporte un aspect quantitatif :
la mise en place des kpi (indicateurs clés de performance), la définition des objectifs smart, la fixation des objectifs. Puis il y a l’aspect
qualitatif, le volet soft : le coaching des collaborateurs, le soutien
qu’on leur apporte pour qu’ils se sentent motivés et réussissent leurs
missions. Dans un environnement nwow, le modèle de prévision et
91
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
le processus de mesure doivent être très clairement convenus. Sur
cette question, une cinquantaine de nos managers suivent une formation intensive.
Comment cela se traduit-il au plan budgétaire ?
Yvon : J’ai un budget annuel de 500.000 euros pour former six cents
personnes. Un total approximatif de 1500 journées. La mise en œuvre
du nwow a fait monter ce budget de 15%. Et nous n’avons pas terminé. Nous avons en chantier un grand nombre de formations
connexes prévues en 2011 et 2012. Le nwow représentera au moins
25% du budget. Il n’y a pas d’alternative.
Pouvez-vous évaluer l’effet des efforts consentis pour la
formation ?
92
Impossible de s’en faire une idée précise, évidemment. Nous sommes
toutefois certains d’avoir engrangé de bons résultats. Nous avions
modéré nos ambitions et la première journée s’est déroulée sans problèmes notables. La transition s’est faite en douceur et croyez-moi,
nos séances de formation ont stimulé le nwow.
Nous avons appris énormément dans le domaine de la planification et de la synchronisation. Nous avons dû faire très vite. Les délais
étaient probablement trop serrés et tout le monde n’a pas suivi le
train. Désormais, nous travaillerons mieux et en souplesse. L’engagement des employés ira croissant et le taux de présence au bureau
va diminuer.
Pour ma part, je travaille moins au bureau. Ce qui me permet
d’améliorer mes planifications, de mieux parachever ce que j’entreprends et d’être moins dérangé. Je sens que je gagne en efficacité.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Tout ce travail a des effets bénéfiques sur le recrutement et
l’embauche ?
En 2010, nous avons embauché une cinquantaine de personnes et
nous ferons mieux en 2011. Nous allons mener de vastes campagnes
centrées sur notre mise en œuvre du nwow. Getronics est un employeur attrayant et la question se posera : qui est digne de travailler
chez Getronics ? Peut-être est-ce un peu présomptueux ?
Equipement et infrastructure
94
Le nwow possède aussi un côté purement physique. La décoration
des espaces, les meubles de bureau, l’accrochage et le réglage des
écrans les uns par rapport aux autres, le fonctionnement des toilettes,
tout cela est supervisé par Patrick De Waen, responsable de l’infrastructure et de la sécurité de Getronics et coach du projet nwow.
Je l’ai rencontré quelques jours après le déménagement.
Donner au Nouveau Travail une forme concrète me paraît
un véritable défi. Par quoi avez-vous commencé ?
Jean-Claude Vandenbosch a présenté le projet en janvier et on a choisi aussitôt un chef de projet – une bonne initiative. La décision de
collaborer avec SnelBouw avait déjà été prise.
Lors de ma première visite du bâtiment, le plateau était encore
vide. La philosophie du Nouveau Monde du Travail devait y prendre
une forme concrète. aos et SnelBouw nous ont secondés. Le fonctionnement du concept nwow est lié à des exigences de base dont
la nature n’est pas purement pratique. On y perçoit un changement
de culture.
Quant à l’infrastructure même, nous l’avons élaborée de manière
très interactive avec SnelBouw qui nous a fourni pas mal d’idées.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Nous avons aussi éclairé notre lanterne dans des entreprises comme
Siemens et Alcatel, et parallèlement au Service Public Fédéral de la
Sécurité Sociale.
96
Partant du plan de base et d’idées glanées ailleurs, nous avons voulu
compléter le concept nwow dans le secteur de l’équipement. Le
nwow se fonde sur les principes de flexibilité et de spécificité. Ce
dernier est, à mes yeux, plus important car les travaux de routine
diminuent et la façon d’effectuer de nombreuses tâches évolue de
jour en jour. On n’est plus tenu d’occuper le même bureau. L’entreprise doit offrir un éventail de possibilités. Cette gamme comprend
la « bulle », sorte de cellule d’isolement favorable au travail silencieux
ou adaptée au contraire à la gestion d’une conférence téléphonique
ardue ; elle comporte aussi un espace de rencontre informel et une
vraie salle de réunion.
La nouvelle infrastructure de l’entreprise doit tenir compte de
tous ces paramètres et offrir le choix du meilleur espace pour chaque
type de travail.
Nous devons également faire honneur au slogan « work anytime
anywhere » (travailler en tout lieu à tout moment). Une belle mission
pour notre division tic. L’infrastructure technologique doit fonctionner toujours et partout de manière irréprochable. Nous possédons notamment la wifi au jardin, la téléphonie via le pc et j’en passe.
La flexibilité doit se retrouver dans toutes les formes d’équipement.
Dans les petites salles de réunion, nous travaillons avec des écrans
tft de 55 pouces. Quant aux projecteurs, nous en restons aux systèmes traditionnels avec câbles vga et hdmi ; pour les grandes salles,
il y a le wifi-beaming. Les « smart-boards » sont davantage interactifs.
Lors d’une présentation classique PowerPoint ou Excel, on peut intervenir soi-même et ajouter des informations à l’aide d’une sorte de
stylo bleu.
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Quel métrage de câble avez-vous tiré ?
Soixante-dix kilomètres ! Nous sommes loin du « tout sans fil ». Même
un routeur sans fil ne peut fonctionner sans câble. Nous avons opté
pour un système de câblage standard : l’ibis (intelligent building
infrastructure system) qui assure également le contrôle d’accès et la
surveillance vidéo. Cisco, partenaire de Getronics de la première
heure, a fourni toute l’infrastructure de réseau et l’affichage numérique. Pour les imprimantes, nous avons collaboré avec un autre partenaire, Xerox. Dans ce secteur aussi, le mot d’ordre était la flexibilité : chaque utilisateur/employé ne possède qu’une seule file d’attente
d’impression. Il lance une commande d’impression et grâce à notre
système de badge, il peut faire exécuter cette commande par n’importe
quel appareil.
Une impression mobile, en quelque sorte ?
On pourrait l’appeler comme ça mais le fournisseur parle de followme-printing.
Et le chauffage ? Rien de révolutionnaire car nous louons un bâtiment et dépendons
de l’infrastructure existante. Petit ajout : les systèmes de ventilation
supplémentaires dans les petits locaux de réunion.
Comment se traduit votre engagement écologique ?
Nos appareils d’impression méritent ce label puisque nous avons
choisi la technologie la plus récente et la moins énergivore. Color
Cube de Xerox n’utilise pas des cartouches à encre mais à « encre
solide », sorte de substance cireuse qui disparaît complètement après
usage et génère donc moins de déchets.
97
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Au plan de la recherche de flexibilité, nous travaillons avec des espaces
« wizzard ». Pour réserver des salles de réunion de manière très souple,
le principe est simple : une lampe verte indique que la salle est libre.
La flexibilité ne peut mettre en danger la sécurité. La sécurité chez
nous se retrouve dans le contrôle d’accès, un système d’alarme et une
surveillance par caméra. Le bâtiment de Diegem est ouvert de six
heures à vingt-deux heures. Le porteur d’un badge entre sans difficulté. Le système d’alarme s’active automatiquement après 22 heures
et en utilisant le code adéquat, on peut le retarder d’une ou deux
heures. L’alarme comprend des détecteurs de mouvement qui envoie
toute information à la salle de contrôle.
Comment s’est déroulée la mise en œuvre proprement dite ?
Avez-vous rencontré des imprévus ?
98
L’utilisation de printing-on-demand et d’une file d’attente d’impression contribue à notre engagement écologique. La personne qui
passe une commande d’impression et oublie de passer son badge peut
réessayer le lendemain. Ce qui évite les montagnes de papier non
ramassé.
D’autre part, nous participons à la collecte sélective des immondices en séparant papiers et cartons, matières plastiques et métaux
et enfin les déchets non recyclables.
Pour l’éclairage, nous utilisons la technologie Led. Les interrupteurs ont disparu, tout est commandé par des détecteurs. Nous avons
conservé l’éclairage classique mais nous utilisons le plus possible des
lampes Led. Elles sont pratiquement inusables et consomment très
peu. Et, ce qui ne gâte rien, le recours à une technologie écologique
nous fait faire des économies !
La firme aos nous a surtout aidés pour l’organisation. Ce fut un
exercice spécifique intense de deux ou trois semaines. Puis nous avons
travaillé avec SnelBouw à la mise en œuvre. Seuls les aspects hautement technologiques ont pu leur causer de rares difficultés parce que
l’expérience de ce secteur leur manquait parfois. Après tout, nous
sommes une entreprise tic. Mais nous avons surmonté ces écueils.
La coordination a demandé un travail d’enfer et je suis vraiment
fier du résultat mais je ne voudrais pas rencontrer ces problèmes
chaque année. Ce genre de projet absorbe énormément d’énergie. La
concrétisation d’un concept jusque dans les moindres détails génère
une tension gigantesque. Au cours des dernières semaines, nous avons
été sur la brèche sept jours sur sept.
Nous sommes le 11 octobre : quelle est la situation ?
Le déménagement s’est fait à la date prévue et l’entreprise tourne !
Certains détails ne sont pas réglés : je pense notamment à la programmation d’une partie de la technologie dans les espaces de réu-
99
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
nion. Des imprévus surgissent dans le système d’impression. Ces
problèmes se règlent lentement mais sûrement.
Êtes-vous un homme heureux ?
100
Très content, très heureux et exténué. La semaine dernière, j’ai pris
un jour de congé pour la première fois depuis le mois de juillet. Le
résultat est globalement fantastique. Une très grande majorité des
employés – entre 90 et 95% – réagit très positivement. Par comparaison avec nos bureaux d’Evere, ceux-ci démontrent que nous avons
fait d’énormes progrès. On devra peaufiner sans doute certains détails. Étant donné que le nwow est un concept interactif, nous
sommes disposés à apporter les améliorations nécessaires.
L’opposition au projet est moins forte que je ne le craignais. Peutêtre faut-il y voir l’effet des formations spécifiques et de l’information
données anticipativement. Le coaching et l’accompagnement des
personnes ont été notre souci constant. Pour certains, l’entreprise a
très largement fait appel à la technologie. Le badge personnel est
utile non seulement pour accéder aux bureaux mais aussi pour ouvrir
et fermer les casiers individuels, pour les travaux d’impression, etc.
Finalement, tout s’est déroulé sans anicroches. À la surprise générale.
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
tic (Technologie de l’Information et de la Communication)
La technologie. Sans elle, le nwow est inconcevable. Il faut la choisir, l’installer et l’intégrer. Kris Bries s’est « branché » sur cette mission.
Comment avez-vous été mêlé à l’aventure du Nouveau
Travail ?
Je travaille depuis près de vingt ans chez Getronics, plus précisément
dans le département informatique interne. Il y a six mois, j’ai rejoint
l’équipe de consultants de Benny Corvers. Au même moment, l’histoire du nwow en était à sa première esquisse.
Au départ, nous formions un groupe de travail qui réunissait des
membres de plusieurs divisions. Nous avions sous les yeux un scénario green-field. On m’a attribué le domaine des technologies dans
les espaces de travail et dans les salles de réunion.
Chez Getronics, ce domaine nous était déjà familier.
Concrètement, il me fallait répondre à deux questions. Premièrement : comment configurer nos pc ? Et deuxièmement : comment les
endroits « flexibles » doivent-ils se présenter ?
Tout le monde doit pouvoir y travailler sur l’importe quel type de
portable. Cela nécessite souplesse et « plug and play » : bref, un espace
de travail universel. Quant au matériel, nous avons décidé d’abord
de nous débarrasser des ordinateurs de bureau et de fournir à tous
un ordinateur portable pour leur permettre de travailler chez eux.
La configuration logicielle existante, basée sur les standards Getronics mondiaux, était largement d’avant-garde. Nous travaillions
déjà, par exemple, avec Office Communicator et VoIP (Voice over ip),
Live Meeting pour les téléconférences et avec une standardisation
d’Outlook.
103
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
Il fallait déterminer où on allait disposer les écrans, les claviers, les
téléphones fixes. Nous avons fait appel à des fournisseurs bien précis : Kensington pour les stations d’accueil, Plantronics pour les
casques d’écoute, Dell pour les ordinateurs portables.
Ainsi se fixa la typologie des desks :
•
•
•
•
104
Et Windows 7 généralisé ?
Exact, Windows 7 et Office Suite sur tous les pc.
Nous avons dépensé beaucoup d’énergie à déterminer précisément
ce qu’il fallait installer dans les lieux flexibles, notamment dans le
domaine téléphonique. Limitant la téléphonie fixe au strict minimum,
nous avons préféré le softphone. De cette façon, nous réglions la
question de l’usage du téléphone par les télétravailleurs. Nous avons
intégré l’Office Communicator de Microsoft au back-end avec Cisco.
Cette combinaison est une belle vitrine pour nos partenaires.
De quoi se composent les bureaux flexibles, les espaces de
travail ?
Ce fut un fameux exercice de cohérence et d’ergonomie. Notre but
était d’adapter le matériel au comportement des employés au travail.
Touch-desk
Flex-desk
Flex-desk plus, et
Management executive room, salle de réunion équipée d’un écran
de 23 pouces, d’une platine et d’un téléphone Cisco.
Tous ces éléments ont été mis au point dans les détails et adaptés à
la logistique. Nous avons dû résoudre quelques sérieux défis technologiques : l’intégration du softphone, notamment. Voice sur Microsoft ocs, intégré aux routeurs et aux gateways de Cisco. Cela fonctionne bien. Les standards tic sont d’une importance vitale pour
l’installation du nwow. Sans eux, rien ne tourne. C’était aussi la
seule façon de coordonner le déménagement.
N’était-ce pas une fameuse gageure de coordonner et
d’ajuster les différents besoins ?
Oui. Certains voulaient une imprimante personnelle, davantage de
téléphones fixes. Il a fallu tirer une ligne pour être en accord avec les
principes édictés.
Je suis heureux de voir que la technologie fonctionne. Il a fallu, il
est vrai, coordonner de nombreux éléments. Les espaces « wizzard »,
par exemple, qui doivent être coordonnés au système de calendrier ;
le contrôle du dms (système de gestion de documents), les écrans de
présentation dans les salles de réunion qui doivent pouvoir se brancher sur les pc, etc. Tout ceci est fonctionnel et on l’utilise !
105
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
La communication
L’entrée dans le Nouveau Monde du Travail nécessite une bonne communication, proactive et intégrée. Elle gère les attentes, la diffusion
de l’image de l’entreprise là où il faut, la prévention des oppositions.
Isabelle De Weirdt a consacré six mois de travail intensif à assumer l’ensemble de ces tâches
On me l’a répété plusieurs fois: la communication est
essentielle si l’on veut obtenir l’adhésion de tous. Pouvezvous nous en dire davantage, Isabelle ?
106
Notre groupe de travail a été lancé au printemps. Des quatre groupes,
c’était le plus restreint. Nous avons débuté par un brainstorming très
animé pour faire sans plus tarder un tour d’horizon d’un maximum
d’éléments. L’objectif était de repérer les moyens de communication
à notre disposition pour préparer nos collaborateurs, pour leur procurer l’information adéquate et les faire interagir en groupe face à
un projet qui aurait un impact considérable sur chacun.
Nous devions faire le lien entre les trois autres groupes de travail
afin de transformer soigneusement en messages tout ce qui pouvait
l’être.
Ce travail préliminaire a débouché sur un plan de communication
interne et un plan de communication externe précisant délais et responsables. Peter Vanwelkenhuyzen s’est chargé du blog et du réseau
Twitter tandis que le Weekly Newsflash était adressé à chacun par
courriel. Nous avons inauguré un site Sharepoint avec un portail
nwow. Cela s’est fait en mars et en avril, sans susciter beaucoup de
réactions à la base. Comme si ces nouveautés ne concernaient pas la
plupart des employés de Getronics. Nous nous sommes tournés vers
d’autres médias et d’autres supports. Des dessins humoristiques pour
faire passer certains messages sur le mode ludique. Des séances d’information pour maîtriser la gestion du changement. Nous avons fait
CHAPITRE 6 Les quatre piliers
des « roadshows » en interne, des réunions de dix à quinze personnes
qui pouvaient poser n’importe quelles questions. Les réponses étaient
transmises sur le blog pour que tout le monde soit aussitôt informé.
Au cours de la semaine précédant le déménagement, nous avons
organisé des petits déjeuners de travail avec en avant-première des
présentations qui permettaient à chacun de se faire une idée claire
de ce qui l’attendait. Les actions de communication ont atteint leur
apogée. Lors du déménagement, ces coaches et des accompagnateurs
sont intervenus pour donner aux employés à peine arrivés tous les
éclaircissements qu’ils souhaitaient.
Le nwow devait devenir une vitrine. Vous avez donc dû
étendre la communication au monde extérieur ?
Effectivement. Depuis le mois de mars, nous travaillons à la visibilité de notre projet dans la presse. Nous avons obtenu une quarantaine d’articles dans les journaux. Notre baromètre tic, qui donne
la parole chaque année à 1500 utilisateurs et dont nous évaluons
ainsi la satisfaction et l’utilisation des outils et du télétravail, a été
placé sous le signe du nwow. Notre objectif est clair : nous voulons
donner à Getronics une position de pionnier du nwow. La presse
s’est faite aussi l’écho de l’alliance entre nwow et aos Studley, pwc
et Microsoft.
L’inauguration en janvier sera un grand événement. Le bing bang.
109
chapitre 7
Les apports du nwow
Le déménagement est terminé mais déjà Benny Curvers,
director business development & consulting et Ivan Cols,
marketing manager, se tournent vers ce que l’ensemble du
projet apportera aux clients, existants et potentiels.
113
L’adoption du nwow par Getronics comporte aussi une
dimension commerciale.
Benny : Je remonte un instant le cours de l’histoire. La partition que
je joue concerne peu des questions telles que le bâtiment, les contrats
de location, etc. Il y a un an et demi, nous avons entamé des discussions avec des interlocuteurs comme Microsoft, pwc et aos Studley.
Nous avons noté que les Pays-Bas avaient adopté le Nouveau Travail
depuis quelques années. Ce point était d’ailleurs à l’ordre du jour des
campagnes de marketing de nos collègues néerlandais. Le Nouveau
Travail fait la part belle au poste de travail informatique et à toute la
technologie qui s’y rattache. Le poste de travail est le point de rencontre du hardware, du software, de la gestion serveur, du service
desk, des réparations, de la VoIP, du courrier électronique, de la gestion d’agenda, et j’en passe. C’est notre métier.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 7 Les apports du nwow
Nous avons pu échanger des idées avec les partenaires cités plus haut.
Nous nous sommes réunis une journée entière tous les quatre, puis
nous avons eu une séance de suivi, puis une autre. Deux cents idées
très intéressantes ont été émises. Nous en avons gardé six. La première que nous avons exploitée était celle d’un événement cxo commun en avril de cette année. On en a retiré surtout une série de feedback sur les forces motrices et les obstacles potentiels dans les entreprises belges dans l’optique d’un changement de méthode de travail.
Puis nous avons eu un autre événement commun qui réunissait
hommes d’affaires et décideurs it. En octobre, enfin, il y eut la journée nationale du télétravail. Par le biais de cette initiative, notre intention était de secouer la presse et les autorités et d’indiquer qu’il
existe une tendance sociale que nous ne soutenons pas suffisamment
aujourd’hui. Il s’agissait tout compte fait d’actions très concrètes.
114
Dès le moment où nous nous sommes repositionnés en tant que
Workspace Company, nous avons cherché des points de repère pour
mieux nous profiler sur le marché des services tic, avec des propositions, un thème accrocheur, un élément qui place nos services tic
dans un contexte business plus large. Notre point de départ était
cette question : comment rendre pertinente cette technologie pour
le directeur général de l’avenir ?
Cette nouvelle vague est lancée par nos voisins du nord, les PaysBas surtout. Ils adoptent les évolutions technologiques et d’autres
un ou deux ans avant nous, ce qui ne nous empêche pas d’être idéalement placés pour en faire un nouveau marché en Belgique et au
Luxembourg. Nous entrevoyons un potentiel de marché énorme pour
les années à venir.
Ainsi se présente le contexte commercial élargi.
Tandis que ces premiers échanges avaient lieu, Getronics n’envisageait pas encore de déménager. Peu à peu, nous avons mis cette question à l’ordre du jour du comité de direction belge.
Nous avons mis sur pied ce partenariat réunissant quatre entreprises nwow en partant de l’idée que nous pouvions lui apporter
notre contribution en tant qu’entreprise it. Mais si l’on veut qu’une
telle solution fonctionne, il faut l’envisager sous un angle multidisciplinaire. Les aspects it ne sont pas les seuls, il faut songer aussi au
bâtiment, aux ressources humaines, aux questions juridiques. Il faut
prendre en compte la mise en place, la communication, la gestion du
projet.
Est-ce une initiative que vous avez prise exclusivement avec
Microsoft ?
Benny : Microsoft avait montré la voie depuis que Bill Gates avait
écrit en 2005 son Livre Blanc et imaginé un nouveau concept. Il a été
mis en place en Europe, surtout, aux Pays-Bas par Microsoft mais
115
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
aussi en Belgique. Microsoft a frappé très fort d’ailleurs avec ses campagnes des deux ou trois dernières années. Aujourd’hui, si nous parlons du nwow avec des clients, nous ne parlons pas uniquement de
Microsoft, évidemment. ibm, Cisco et hp ont aussi des solutions
pour permettre le travail à distance. Pour nous, cependant, il est clair
que Microsoft, avec aos Studley, pwc et nous-mêmes, joue un rôle
de premier plan et s’investit beaucoup, en interne comme en externe,
dans ce projet.
Le nwow est donc un thème commercial ?
116
Ivan : Il y a plus de deux ans, nous avons entamé une réflexion sur la
façon de positionner notre entreprise sur le marché, sur la manière
de redéfinir son profil. Deux axes se présentent : l’optimisation de
l’infrastructure et l’optimisation du personnel.
L’optimisation de l’infrastructure vise l’efficacité, la réduction des
coûts. Si l’on considère nos gros contrats de sous-traitance, c’est la
part la plus importante de nos activités. Comment pouvons-nous
aider nos clients à préparer leur plate-forme tic de demain ?
L’optimisation du personnel renvoie à la question d’améliorer la
productivité des employés. C’est par ce biais que nous voulons attirer
de nouveaux clients et montrer que nos solutions font faire des
économies mais qu’elles orientent aussi l’avenir des entreprises. Le
New World of Work était pratiquement inconnu de nos clients en
Belgique. Le spf Sécurité sociale et Microsoft avaient œuvré dans ce
sens. Mais on en était resté là. On se trouvait face à l’opportunité
d’un gigantesque espace disponible.
Surtout que les services que nous proposons constituent autant
d’étapes indispensables dans un projet de type nwow : aménagement d’un nouveau bâtiment, mise en place de la sécurité, démé­
nagement d’un centre de données, virtualisation des applications,
outils de collaboration. Toute notre histoire est là. Notre core-busi­
ness. C’est l’approche commerciale du partenariat.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 7 Les apports du nwow
Pendant ce temps, notre conseil de direction mijotait quelque chose.
Marc et Jean-Claude songeaient depuis quelque temps à un autre
bâtiment. Nous avons le privilège d’avoir, en la personne de Marc
Dick, notre financier, bien plus qu’un simple directeur des finances.
Il n’oublie jamais l’écosystème, le côté relations humaines, il sait toute
l’importance du marketing. Nous nous sommes bien rencontrés sur
ce point : un projet qui fait notablement baisser les coûts et fournit
aussi un formidable business case. Too good to be true.
Tout revient en définitive à une question de marketing, à faire en
sorte que les clients soient séduits par notre solution et fassent le
pas.
Trop beau pour être vrai. Tout n’a pas marché comme sur
des roulettes ?
118
Benny : Il m’arrive de penser que les choses auraient pu prendre une
autre tournure. Une affaire de contexte favorable. Nous sortions d’un
bon trimestre qui annonçait de surcroît que le reste de l’année serait
une réussite. Imaginons qu’il eût fallu prendre ce genre de décision
au cours d’un trimestre où nous aurions connu précisément une catastrophe, c’eût été bien plus difficile. Dans le style : « C’est que…
nous le ferons un jour… mais voilà… le déménagement d’abord, puis
quelques posters, de nouveaux téléphones… »
C’est alors que la décision est tombée d’en faire une vitrine. Bureau
flexible pour tout le monde, y compris pour la direction, pour JeanClaude. Plus de bureaux classiques. Plus un seul.
Je n’en reviens toujours pas : nous sommes passés résolument à l’action plutôt que de reporter toute l’affaire ou de nous en tenir à une
ébauche. Tabula rasa. Du neuf, encore du neuf. Les coûts crèvent le
plafond mais les bénéfices sont gigantesques.
Ludo et Marc ont opéré d’une manière dont nous n’avons pas à
rougir devant les clients : « Regardez, nous avons fait des économies
partout, sur les mètres carrés, les transports, etc., voici le rendement,
voilà le bénéfice. » De nombreux clients repartent très enthousiastes.
Puis on a créé quatre groupes de travail. Ludo en est devenu
le coordinateur général.
Ivan : La raison sous-jacente de cette décision était que nous voulions
développer les services à la clientèle. Nous tenions donc à acquérir
un maximum d’expérience. Aussi nos conseils à la clientèle se fondentils sur du vécu et non sur des théories. Nous sommes convaincus que
Ludo, Marc et tous ceux et celles qui ont travaillé à ce projet lui ont
donné une valeur ajoutée. Un vrai « life case ».
Nous avons « poussé Ludo dans le dos » et il s’est épanoui comme
consultant, une responsabilité qu’il a assumée de façon exemplaire.
Chef de projet professionnel, consultant et fin connaisseur des ressources humaines : ce cocktail a mis dans le mille ! La preuve est faite
119
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
CHAPITRE 7 Les apports du nwow
des discussions sans fin. On ne maîtrise plus son esprit : il est entraîné par un courant irrésistible.
Quels ont été les facteurs les plus importants de ce succès ?
120
qu’il suffit de donner aux gens la chance de faire ce qu’ils aiment pour
réaliser des merveilles.
Désormais, l’ensemble est bien orchestré ?
Benny : Quand je revois le parcours accompli, je me dis que le fait
d’avoir eu si peu de temps devant nous n’a pas été un obstacle, que
ce fut peut-être même un atout. Quand les choses traînent en longueur, les gens se lassent, on a la tête ailleurs. Je crois que l’urgence
nous a aidés à larguer les amarres. Nous n’avions plus le temps de
réunir des groupes de travail pour choisir la couleur d’un siège ou les
nouvelles ampoules, pour savoir si un dessin humoristique sortirait
en vert ou en rouge.
Allez ! On fonce, on prend des décisions. Les projets, c’est souvent
comme ça. La tension monte et soudain, on réussit certaines affaires
qui, dans d’autres circonstances, se seraient peut-être enlisées dans
Benny : Selon moi, il en a trois. Tout d’abord : Marc Dick. À mon avis,
ce projet aurait été voué à l’échec avec un autre directeur financier.
À partir de notre stratégie, il a réussi à créer une ouverture. Avec
énormément de passion et d’énergie, il a mené le projet à bout de
bras, sans jamais déléguer, seul au-dessus de la mêlée ! Second facteur : le moment. Il s’agit plutôt d’un contexte économique, de l’actualité aux Pays-Bas – un fruit mûr qui nous est tombé dans la main.
Il y a eu enfin le rôle de premier plan joué par SnelBouw. Au début,
je n’y croyais pas. Je me disais : Je me disais : ils ne vont jamais réussir à respecter les délais. Or ils n’ont pas mis plus de cinq mois pour
la construction du bâtiment et pour faire le déménagement. Chapeau
bas !
121
Nous sommes le 27 octobre. Que pensez-vous ? Quel est
votre sentiment ?
Benny : Je ressens une grande fierté. Le résultat final est extraordinaire. Nous avons vu beaucoup de bureaux, beaucoup d’immeubles.
Chez nous, tout ce que nous avons appris nous a permis de faire simplement un peu mieux qu’ailleurs. C’est une des premières fois où j’ai
réellement le sentiment que Getronics peut être légitimement fier.
Je suis fier aussi de mon équipe : Ludo, Steve, Isabelle, Kris… Tous
les groupes de travail ont été dirigés et dynamisés par des gens de
mon équipe. Il faut voir la passion et l’énergie dont ils ont fait preuve.
Steve était un bon consultant mais il s’est métamorphosé. Il a complètement changé, il a développé son sens de la communication, il a
découvert une autre face du monde.
Bref, le sentiment qui domine, c’est la fierté.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Ivan : Qui aurait cru que Getronics réussirait un coup comme celuilà. Je n’y croyais pas non plus, d’ailleurs.
Vous avez déménagé. Est-ce que vous pratiquez vraiment le
Nouveau Travail ?
122
Benny : Nous en étions assez loin. Je pense que la moitié de nos collaborateurs, même à Evere, se sont ouverts à cette culture. Le nouveau bâtiment a accéléré le mouvement. L’équipe s’est réunie la semaine dernière. Nous avons analysé la proportion actuelle de travailleurs à domicile. Il est important de surveiller ces données car je
serais très préoccupé s’il s’avérait que trop de gens travaillent chez
eux et ne se voient plus. Et si nous en arrivions dans un an à cette
constatation : tout se passe bien, sauf que nous sommes devenus des
étrangers !
Nous n’en sommes pas là, et de loin. Le bâtiment est beau, le personnel aime s’y retrouver mais pas tout le temps, pas le matin, par
exemple, à l’heure des embouteillages. Mais d’une manière générale,
nous passons à la vitesse supérieure : les nouvelles installations
donnent un coup de pouce à notre initiative et la dynamisent. Les
réactions sont particulièrement enthousiastes.
Vous espérez gagner combien de nouvelles affaires ?
Ivan : Bonne question. J’espère que nous pourrons mener à bien de
grands projets l’année prochaine. Des affaires vraiment nouvelles.
À part ça, je trouve que c’est un tour de force de pouvoir se prévaloir d’une technologie qui fonctionne. D’expliquer pourquoi il faut
passer à ocs, quels sont les avantages de Sharepoint, comment gérer
les documents… la liste est longue !
chapitre 8
Les partenaires
L’équipe de Getronics n’a pas mis en place le nwow en
solo. Au fil des entretiens, la parole sera donnée aux
partenaires qui ont réalisé ce projet à ses côtés.
123
pwc
Peter De Bley & Frédéric Souchon
Quelle est votre conception du Nouveau Monde du Travail ?
Peter De Bley : pwc fait partie du consortium et a sa propre vision
du projet nwow. Nous faisons de la consultance d’entreprise. Nos
conseils s’appliquent dans le domaine de la gestion du changement
et des différents volets (juridique, fiscal, motivationnel, pédagogique…) de la gestion des Ressources humaines au cours des changements d’organisation. Nos interventions concernent surtout les
grandes entreprises parce
Nos consultants sont formés aux mêmes méthodologies standardisées dans tous les pays mais lorsqu’ils les appliquent, ils prennent
en compte des différences culturelles locales.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Le Nouveau Travail est le modèle d’organisation du futur. Logique,
puisque les pertes de temps et d’énergie provoquées par les embouteillages ne cessent de s’aggraver, que le monde subit une tension
croissante d’année en année. La globalisation de l’économie induit
automatiquement un mode de travail plus virtuel. Dans la foulée, on
voit naître de nouveaux modèles, de nouveaux modes de travail.
L’impitoyable guerre des talents est déclarée. Et la crise n’est pas
terminée. Il s’agit d’attirer les bons numéros, de les garder. Car tout
le monde sort gagnant de ce nouveau mode de travail.
124
Le retour sur investissement des projets nwow est souvent très
prometteur.
Il ne s’agit pas seulement d’installer des outils sur les pc et de
réduire le nombre de mètres carrés. Pour nous, ce n’est que le début
de l’aventure. Il faut instaurer un changement de culture à différents
plans, notamment dans le domaine de la collaboration. Une communication par pc ou par téléphone, d’où la composante non verbale est
absente, est moins gratifiante qu’une vraie communication, de personne à personne. Il faut donc apprendre à être beaucoup plus clair
dans les communications par pc.
Les collaborateurs doivent aussi apprendre, par exemple, à con­
duire une réunion virtuelle. Ils doivent savoir qu’on ne gère pas une
séance de brainstorming comme une réunion d’information. Il faut
également s’entendre sur des règles pratiques : si l’on planifie une
conférence téléphonique à midi, tout le monde doit être exact au
rendez-vous. Il faut éviter que l’un arrive à midi, le suivant à midi
deux, le suivant à midi cinq et un autre à midi dix. Une perte de temps
de dix minutes, c’est une perte d’efficacité.
Il est important aussi de développer les compétences des dirigeants, qu’ils donnent et reçoivent un feed-back. C’est une lacune
fréquente, même dans les organisations de bureau classiques parce
que les dirigeants pratiquent insuffisamment le feed-back. Le nwow
insiste sur cette nécessité car la distance augmente l’importance capitale de ces feed-back.
CHAPITRE 8 les partenaires
Les dirigeants devront davantage coacher leurs équipes en fonction des objectifs et des résultats. La gestion des Ressources humaines
n’est jamais simple mais dans un monde virtuel, elle devient un défi
redoutable.
Se pourrait-il qu’avec le Nouveau Travail s’instaure
progressivement une sorte de perte de repères suite à
l’emploi de ces outils ?
C’est déjà le cas aujourd’hui lorsque, par exemple, une des parties se
trouve à l’étranger. On imagine mal que cet interlocuteur prenne un
billet aller-retour pour New York pour un entretien d’une heure.
Le danger existe, c’est vrai ; il suffit de s’imposer des limites.
Dans quelle mesure le facteur « génération » intervient-il ?
Je songe à ce directeur des ventes de 56 ans que les paquets
de courriers électroniques et les téléconférences quotidien­
nes avec ses collègues de Chine ou des États-Unis mettent en
rage.
Peter De Bley : C’est effectivement un défi. On vous demande d’organi­
ser ces outils afin que la productivité continue de grimper. Peut-être
est-ce une question d’aptitude à communiquer.
Celle-ci peut être freinée par des facteurs très concrets, comme ce
collègue chinois qui parle un anglais approximatif. Il faut être attentif à ces problèmes.
On peut compenser la distance survenue en instaurant des réunions à d’autres moments. Chez pwc, nous organisons dans tous nos
bureaux, tous les derniers vendredis du mois, un Last Friday drink,
sorte de discussion informelle qui commence à 17 heures et se termine un quart d’heure plus tard pour certains mais peut se prolonger
parfois pendant des heures. Des initiatives de ce genre sont nécessai­
res à l’identité de chacun : elles garantissent et consolident les liens
entre l’entreprise et ses membres.
125
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
L’aménagement de nouveaux immeubles de bureaux
poursuit dès maintenant cet objectif. L’ensemble du cadre de
travail évolue vers un « espace de rencontre ».
Frédéric Souchon : Le cadre de travail évolue, en effet. Nous nous
diri­geons vers un travail « binaire » (je travaille ou je ne travaille pas),
vers le travail à flux continu que permet, notamment, la technologie
– songez au téléphone dans la voiture. Il est possible de travailler
sans contrainte de lieu ni de temps.
Inversement, l’environnement de travail comporte dorénavant des
moments de loisir et cette limite-là s’estompe aussi. On trouve ain­si
de grands écrans dans la cafétéria et chaque étage est pourvu de téléviseurs où l’on peut suivre des rencontres de football ou de tennis.
Les cerveaux sont-ils prêts à accueillir cette masse
d’informations parallèle ? Aujourd’hui, nous effectuons le
plus souvent nos travaux en série : les tâches se succèdent.
CHAPITRE 8 les partenaires
tion collective de travail 85 règle tout cela en s’appuyant sur une directive européenne. La société y trouve son compte car le télétravailleur ne grossit pas les embouteillages et m’émet pas de CO2.
De nombreuses entreprises ne s’investissent guère dans ces aspects humains et se contentent de réduire le nombre de mètres carrés dans leurs plans de réduction des coûts. Il est vrai que ces éco­
nomies-là ont aussi leurs limites. Je me souviens d’une entreprise
qui avait décidé de fermer ses bureaux régionaux, obligeant tous ses
employés à travailler au siège de Bruxelles. L’absentéisme de courte
durée (cinq jours maximum) explosa après quelque temps. Adieu, la
réduction des coûts ! On oublie souvent les questions d’organisation
et socio-juridiques, de même que l’accompagnement individuel. Ne
faudrait-il pas adapter le règlement du travail ? les contrats, les assurances… ? Ne pas tenir compte de ces facteurs, c’est s’exposer aux
foudres des syndicats. Les aspects humains revêtent une extrême
importance : la communication, la gestion du changement, l’ensemble
du processus préparatoire.
126
127
Frédéric Souchon : Je ne suis pas expert en la matière mais j’ai con­fian­
ce dans les immenses capacités d’adaptation de l’être humain. Rappe­
lez-vous que lorsque les premiers trains ont traversé la campagne à
grand fracas, on pensait que les vaches ne donneraient plus de lait.
Comment avez-vous intégré le Nouveau Travail dans votre
politique de Ressources humaines ? Par exemple, est-on
assuré pendant les heures de travail prestées à domicile ?
Frédéric Souchon : Les télétravailleurs jouissent souvent d’un régime
fiscal adapté. Une partie de leurs revenus n’est pas imposée. Cette
mesure leur permet de couvrir les frais occasionnés par leur travail
à domicile. La personne qui travaille chez elle à cent pour cent peut
passer en dépenses un maximum de dix pour cent de son salaire.
L’employeur ne paie pas de sécurité sociale sur ce montant. La conven-
Imaginons : nous sommes en 2015. Comment se présentent
les processus de travail ? Pour l’heure, les ambassadeurs du
Nouveau Travail ne sont pas légion : les entreprises tic, le
spf de la Sécurité sociale, les éditeurs, les consultants…
Peter De Bley : Les organisations classiques au sein du secteur des
ser­vices commencent à s’ouvrir au concept. Elles font souvent suite
à une demande des employés qui en ont assez de subir deux heures
d’embouteillage et d’entamer leur journée de travail dans un grand
état de stress. Eux aussi pourraient rédiger leurs rapports chez eux,
en toute tranquillité. Les sociétés de production ne sont pas concernées, évidemment, mais elles peuvent pratiquer les horaires flexibles.
Il faut essayer de compenser le manque d’interaction. Curieusement,
ce ne sont pas les personnes extraverties qui en souffrent le plus et qui
établissent des contacts par téléphone ou par courrier électronique, ce
sont les employés les plus introvertis qui redoutent l’isolement.
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
aos Studley
Jan Lecompte, directeur général
Avant tout, dites-nous en quoi consiste votre activité.
128
Notre activité, c’est l’aménagement des espaces de bureaux pour le
secteur des services. L’aménagement de bâtiments s’est mû peu à peu
en workplace consulting. Nous intervenons dans une entreprise au
moment où le pdg ou le directeur financier constate que les bureaux
sont devenus trop grands, trop petits, trop anciens … Nous proposons plusieurs scénarios : ne rien faire, adapter les bureaux existants,
chercher une nouvelle implantation ou construire du neuf. Il est important de savoir que nous travaillons pour les utilisateurs finaux
de bureaux et pas pour les développeurs ou les agents immobiliers.
Nous engageons des architectes, des décorateurs, des personnes
formées au courtage et des « exotiques » aux intérêts multiples : des
philosophes, des historiens, des psychologues, des archéologues, des
urbanistes.
Nous n’avons pas de concurrents à proprement parler mais des
con­currents dans certains secteurs : des courtiers pour le département immobilier, des entreprises de consultance pour les conseils en
stra­tégie, des architectes d’intérieur et des entreprises de gestion de
projets. Nos vendeurs ne sont pas plus de trois. Nous devons un très
grand nombre de nos missions à nos références, au networking, etc.
Au début, la consultance en milieu de travail était une forme de « taylorisme ». Les entreprises de consulting mesuraient tout : le nombre
d’employés travaillant à tel endroit, le temps qu’ils passaient au bureau, la fréquence des réunions et le nombre des participants, etc.
Pus ils répartissaient l’espace. Or l’espace de travail est très lié à l’ego,
assorti d’une sorte de mainmise sur le territoire.
Lorsqu’un consultant a mis quinze ans à gagner un statut de partenaire, n’allez pas lui dire qu’il n’a pas droit à un grand bureau avec
CHAPITRE 8 les partenaires
une table de réunion et deux fenêtres. Mais s’il s’avère qu’il n’est vraiment au bureau en moyenne qu’un seul jour par semaine et qu’il est
le seul à faire des réunions, on peut le lui faire remarquer.
Vous êtes reçu en quelque sorte comme un chien dans un jeu
de quilles ?
En quelque sorte. D’où l’apparition de l’expression « Activity based
working » : l’important n’est plus votre titre ou votre fonction mais
ce que vous faites réellement. On choisit finalement les espaces le
mieux adaptés aux besoins. Une enquête à montré que soixante pour
cent de toutes les réunions professionnelles rassemblent deux personnes, qu’elles sont informelles et ne durent pas plus d’une demiheure. Et cela se vérifie sous toutes les latitudes. Ces rencontres ne
nécessitent pas une salle de réunion. Nous avons donc
Un process management professionnalisé ne peut toutefois dépasser un certain niveau. Par exemple, on ne tenait pas compte des différences de personnalité. Et il existe des personnes qui ne passent
que cinq ou dix pour cent de leur temps au bureau mais qui doivent
avoir des conversations confidentielles, ou qui tiennent à travailler
en toute tranquillité à la rédaction de rapports ou qui, inversement,
préfèrent voir leurs collègues.
Outre l’analyse des processus de travail, nous pratiquons donc
l’analyse des personnes. Nous l’avons appliquée chez Getronics. Nous
la nommons « generations at work » et cherchons à connaître auprès
des individus quel est leur environnement de travail idéal. Nous classons les résultats en fonction de deux critères : la manière de travailler et l’éthique du travail. L’éthique du travail détermine la raison
pour laquelle la personne travaille et ses ambitions. La manière de
travailler détermine ce qui se trouve sur le bureau de l’intéressé.
Nous avons pris pour base des archétypes : les traditionnels, les
babyboomers, la génération X et la génération du millénaire ou génération Y. Ces catégories d’âge diffèrent énormément selon les entreprises et les services publics.
129
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
La manière de travailler change en fonction de l’âge. L’éthique du
travail évolue avec le temps. Aujourd’hui, les gens envisagent le travail autrement qu’il y a dix ou vingt ans. Il existe des différences
énormes selon les pays.
Comment ça ? Quand je me promène à La Défense, je
pourrais me croire à La Haye.
130
Nous avons exécuté un projet d’assurance en France, aux Pays-Bas
et en Belgique. Point de départ : les normes de l’utilisation de l’espace
fixées à partir des Etats-Unis. On peut avoir autant de bureaux par
collaborateur, la superficie d’une salle de réunion peut comporter
tant de mètres carrés, etc.
Les Pays-Bas ont choisi une très grande flexibilité, exclu les espaces
de travail individuels, prévu des équipements pour réunions, de nombreux beamers.
En Belgique, les managers ont préféré accorder beaucoup de mètres
carrés aux employés, un poste personnel pour la direction et, en compensation, de petits espaces de réunions partagés entre deux bureaux.
La France a préféré de petits bureaux, des espaces de réunion restreints mais… un restaurant d’entreprise réservé à la direction.
L’Ancien Régime, au fond ?
À mesure qu’on monte vers le Nord, le statut social perd de l’importance et les individus s’identifient moins à leur environnement matériel. Cela se vérifie très souvent.
Nous avons mené cette enquête (vingt questions en ligne) chez
Getronics, auprès de chacun des neuf cents salariés. Moins de vingt
pour cent des salariés de Getronics étaient disposés à accueillir le
Nouveau Travail ! La majorité préférait un espace de travail personnel, ouvert et partagé avec cinq ou six collègues. Nous avons soumis
les résultats à la direction de Getronics. Ils ont compris aussitôt que
CHAPITRE 8 les partenaires
s’ils voulaient obtenir l’adhésion du personnel, il fallait développer
la communication relative à la gestion du changement.
Vous avez cerné d’où venait l’opposition ?
Le mot opposition est un peu fort. Après tout, il faut connaître et
comprendre la volonté des employés. Et en tenir compte. Getronics
a parfaitement réalisé la situation.
Le troisième point, après l’analyse des personnes et des salariés,
c’est « the place », l’espace. Nous faisons la distinction : first, second et
third place. Avant la révolution industrielle, les employés travaillaient
chez eux et seule la « first place » existait. Puis l’apparition des bureaux accentua la séparation entre l’habitation et le travail. L’habitation occupa la « first place » et le milieu de travail devint la « second
place ».
Au cours des dix ou quinze dernières années, l’évolution s’est poursuivie et la distinction s’est estompée. Comme certains travaillent
parfois chez eux, la « first place » est devenue aussi la « second place ».
Et inversement. L’employeur a créé de nouveaux services au bénéfice
de ses salariés : une crèche, un nettoyage à sec, un Carrefour express,
etc. On parle de l’équilibre travail/vie privée mais, en réalité, le but
est de retenir au maximum les employés au bureau. La « third place »
est née dans la foulée : des endroits qui n’étaient pas destinés au travail mais qui pouvaient s’y prêter, comme les halls d’aéroport, les
chambres d’hôtel, les cybercafés, les trains.
La « fourth place » se développe peu à peu, le cadre de travail virtuel ou les conditions du style « Regus ». Dans ce dernier cas, on loue
pour quelques jours un bureau pourvu de tous les équipements, secrétaire comprise.
Lorsque nous réalisons un projet, nous passons en revue tous les
cadres de travail envisageables pour une entreprise déterminée.
131
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
Vous pratiquez le travail intégré ?
Oui, il nous permet d’obtenir un résultat optimal, que ce soit sur le
plan de l’efficacité, de la qualité ou celui des coûts. Nous parlons avec
le real estate manager mais aussi avec le directeur des Ressources
humaines, des finances, du marketing, avec le grand patron. Quand
les résultats de notre enquête furent connus chez Getronics, il y eut
un instant de panique. Jusqu’au moment où Jean-Claude, comprenant la situation, a pris fait et cause pour le projet.
Quand on parle de gestion du changement, le groupe le plus pénible est celui du management intermédiaire. Les grands directeurs
sont plus faciles à convaincre.
132
À Bruxelles, l’espace de travail revient à 12.000 euros l’an (location/
achat des bureaux, équipement, tic, approvisionnement et nettoyage). Le taux d’occupation ne dépasse pas soixante pour cent. Et
les enquêtes font apparaître que l’indice de satisfaction est souvent
bas. Partant de ce constat, nous nous lançons le plus souvent dans
la méthode intégrale.
Il arrive que les développeurs de projet nous demandent où ils
doivent assurer leurs positions dans l’optique des dix ou quinze prochaines années. Le marché immobilier à Bruxelles est aux mains de
développeurs qui favorisent soit le développement standard soit le
build to suit, la construction sur mesure. Dans ce dernier cas, le client
énonce ses souhaits et le courtier en immobilier les développe. L’épo­
que où les entreprises achetaient elles-mêmes des terrains à Bruxelles
et y construisaient des bureaux est révolue. Même les développeurs
ont beaucoup de mal à y trouver des espaces libres. Ils s’orientent
vers le Brabant wallon (Nivelles, Wavre, Louvain-la-Neuve) et tablent
sur le rer, le Réseau Express Régional. Ce réseau transportera des
voyageurs vers Bruxelles mais sa fonction principale sera peut-être
de les faire sortir de Bruxelles.
CHAPITRE 8 les partenaires
Mais là, vous touchez au problème de l’aménagement du
territoire, de la mobilité et des transports en commun.
C’est ce qui rend notre métier passionnant. Notre réflexion doit dépasser largement le simple principe du nwow qui est d’ailleurs un peu
« brûlé » parce que trop lié aux tic et à Microsoft. Les conceptions du
travail changent du tout au tout. Pour revenir un moment au middle
management (management intermédiaire), il est bien plus facile de
diriger vingt personnes qui se trouvent dans un même immeuble
de bureaux que vingt personnes qui n’ont pas de lieu de travail fixe,
dont on ignore où elles se trouvent ou si elles travaillent réellement.
En même temps, une enquête récente menée en Amérique montre
que la tendance à l’individualisme et au cocooning est sur le déclin.
L’intérêt pour la communauté renaît. Beaucoup de personnes qui ont
travaillé chez elles pendant des années vivent mal leur isolement. Les
contacts leur manquent et elles louent un bureau qu’elles partagent,
parfois avec des employés d’entreprises différentes. Ce comportement
est semblable à celui de ces étudiants qui se réunissent pour étudier
leurs examens ensemble, à la bibliothèque de Louvain par exemple.
Nous serions donc déjà face à une seconde génération
Nouveau Travail ?
L’approche intégrale dont je parlais ne fait son entrée en Belgique
qu’aujourd’hui. L’expression « Nouveau Travail » vient des Pays-Bas
et depuis, elle a été très discutée, il suffit de voir les groupes de travail
sur Lindekin. Il reste que notre première Journée Nationale du Télétravail ne s’est tenue que récemment ; il faut croire qu’il est encore
un peu tôt pour parler, en Belgique, d’une seconde génération du
Nouveau Travail.
Les assureurs et les entreprises pharmaceutiques commencent à
s’intéresser au nwow. Chez les assureurs, la productivité se mesure
facilement au nombre de dossiers réglés. Songez aussi aux réalisa-
133
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
tions de l’entreprise pharmaceutique gsk. Les banques se montrent
encore très réticentes. Celles-ci viennent de bouleverser leur réseau
d’agences et attendent. Mais le travail décentralisé y fait aussi son
chemin. bnp Paribas Fortis installe un callcenter à Haasrode pour
attirer davantage les étudiants.
Quelle est l’importance réelle de la réduction des coûts ? Quelle
économie fait-on sur les 12.000 euros par espace de travail ?
134
La réduction des coûts est toujours la première raison qui pousse les
entreprises vers le Nouveau Travail. Mais la réduction ne se fait pas
de manière linéaire. Trois éléments entrent en ligne de compte : le
prix de l’espace de travail, le nombre de etp (équivalent temps plein)
par espace de travail et le nombre de mètres carrés par espace de travail. Il arrive que le prix du poste de travail augmente mais qu’en
même temps le nombre de etp par poste de travail augmente aussi.
Au bout du compte, l’économie est substantielle.
Nous investissons à fond dans la technologie, ce qui signifie une
diminution des mètres carrés. Nous proposons souvent comme objectif l’augmentation du taux d’occupation de soixante à soixante
quinze pour cent.
Entre temps, les prix de location à Bruxelles ont sérieusement
diminué mais les courtiers se gardent bien de le crier sur les toits. Il
n’est pas rare que, lors de la signature d’un contrat de location de six
ans, on vous fasse cadeau d’une année. En fin de compte, plus de
quinze pour cent des immeubles de bureaux sont vides.
Autre pratique fréquente : s’installer plus loin, à quelques centai­
nes de mètres, dans une région moins chère. C’est le cas d’Evere ou
de Diegem… Si demain nous créons une Brussels Metropolitan Area
avec des règlements et des tarifs fiscaux uniformisés, le problème
n’existera plus. Mais politiquement, c’est impossible. Aujourd’hui,
les entreprises étrangères, et plus particulièrement les Américaines,
estiment qu’il est important pour elles de disposer d’un code postal
1000.
CHAPITRE 8 les partenaires
Le Nouveau Travail est-il bon pour l’être humain ?
Améliore-t-il la qualité de vie ?
J’en suis convaincu, surtout si le concept mûrit. Peut-être ne convientil pas à tout le monde. Les gens nous demandent souvent : « Est-ce
que nous devons adopter le travail flexible ? » Même s’ils ont tout à
leur disposition. Ces employés ont peur d’être isolés. Les personnes à
qui le télétravail convient le mieux sont extraverties, elles établissent
spontanément des contacts par téléphone, par internet ou courrier
électronique. Les individus du type traditionnel préfèrent un job à horaire fixe et des tâches bien définies. Quoi qu’on fasse, on est confronté
à un patchwork de salariés. Chacun doit trouver chaussu­re à son pied.
Personnellement, je trouve que le Corporate Village de Microsoft est
extraordinaire mais cette manière de travailler rend bien des gens
malheureux. Les vidéoconférences, les communications unifiées, etc.
ne permettront pas d’établir un véritable contact personnel. Le Nouveau Travail demande de respecter une certaine discipline. Jusqu’à
quel point peut-on réglementer une organisation comme celle-là ?
Vous suffit-il de savoir que les employés sont connectés de neuf
heures à 18 heures ? Il faut leur confier des tâches, leur fixer des objectifs et les évaluer sur base des résultats obtenus, indépendamment du
moment de la journée ou de la semaine où ils effectuent leurs tâches.
Microsoft
Phillip Vandervoort, General Manager
Jan Smessaert, Business Manager
Chez vous aussi, tout a commencé par un déménagement ?
À l’expiration de notre contrat de location, nous avons réfléchi. Fautil rester ou déménager ? Quels changements la société a-t-elle connus
au cours de ces dernières années et comment pourrions-nous en
135
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
136
tenir compte ? Devons-nous rompre avec le passé ? Quel doit être le
bureau de l’avenir si nous appliquons des concepts que nous pouvons
mettre en œuvre nous-mêmes sur le plan technologique ? Dans tout
ceci, le point commun, c’est la question de savoir comment les êtres
humains pourraient mieux communiquer et travailler ensemble. Dans
son jargon, le marketing parle de « unified communication and collaboration ».
Un déménagement de cette envergure comporte trois dimensions.
D’abord son impact sur les Ressources humaines. Comment gérer le
personnel de manière à atteindre les objectifs ? Seconde dimension :
comment le poste de travail doit-il se présenter ?
Et enfin la troisième dimension, la plus importante à nos yeux :
quelles sont les composantes technologiques ? Les objectifs « Ressources humaines » sont fixés au début de l’année fiscale. Il est possible d’en évaluer certains, notamment le volet commercial. En revanche, il n’est pas possible d’évaluer la collaboration cross groups.
Un grand projet tel qu’un déménagement soulève d’autres questions fondamentales : qu’est-ce que nous défendons et que voulonsnous réaliser ? Aujourd’hui, nous mettons sur le marché des produits
dont personne ne parlait il y a cinq ans. We shape the future ! Comme
nous créons le marché, nous devons nous tourner vers l’organisation
de l’avenir. Pour rester concurrent avec les pays de l’Est, il faut se
montrer un peu plus efficace qu’aujourd’hui.
Vous voulez maintenir le rendement des travailleurs du
savoir face à l’invasion des produits à bas prix ?
Distinguons bien-être et prospérité. Garantir la prospérité alors que
nous subissons le vieillissement de la population et l’arrivée d’allochtones, cela nous coûtera des sommes astronomiques. De plus, à partir de 2012, le départ des personnes actives qui cesseront de travailler
ne sera pas compensé par l’arrivée de nouveaux travailleurs. Il faudra
donc changer notre fusil d’épaule.
CHAPITRE 8 les partenaires
Comment augmenter l’efficacité ? Jusqu’aux années soixante-dix,
on se fiait à une gestion par délégation (« management by delegation
»). Le dictionnaire Webster dit que « delegation » signifie « divide the
task in two » (partager la tâche en deux), dans le sens de « divide et
impera » (diviser pour régner). Il y a trente ou quarante ans, le propriétaire/fondateur d’une entreprise avait deux confidents qui se partageaient les tâches mais ne savaient pas grand chose l’un de l’autre.
Dans les années quatre-vingt apparaissent les structures matricielles. Percy Barnevik de l’abb (Asea Brown Boveri) et Jack Welch
de la General Electric imposent progressivement une nouvelle tendance : la gestion par délégation devint la gestion par objectifs. La
même époque vit naître le terme de synergie. 1 + 1 = 2. La fonction
financière prenait de l’importance. L’objectif était surtout d’éliminer
le double emploi. Et d’arriver à 1 + 1 = 3. La synergie s’obtient non
pas en mettant l’accent sur l’individu mais sur le « + ».
Le troisième type d’organisation est la nouvelle « network organisation » (organisation en réseau). Au début des années 2000, l’éclatement de la bulle internet a ralenti ce processus. On n’attire plus un
« individu » mais l’ensemble de son « hinterland ».
L’organisation virtuelle ?
Je ne dirais pas « virtuelle ». Notre réseau Microsoft est très réel. Il
s’agit de l’organisation concrète de notre entreprise. J’ai un patron,
c’est vrai, mais je ne travaille pas de manière hiérarchisée, je suis
imbriqué dans un réseau de personnes et de responsabilités. C’est
cela que je dois gérer.
La notion de travail est-elle redéfinie ?
L’organisation en réseau utilise le « management by purpose ». Dan
Pink en parle très bien : « L’aspect financier n’est pas le seul à entrer
en ligne de compte – il faut de toute façon payer convenablement les
137
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
138
salariés. Il y a aussi la création du « sens » : ce qui, en fait, répond à
la question : ‘Pourquoi est-ce que je travaille pour telle entreprise ?’ »
Comment transposer ceci dans l’organisation du travail ? Une
organisation en réseau doit obéir à des « intentions ». À un objectif
communautaire. Ma communauté Facebook compte environ 250 personnes qui sont en majorité des « microsofties ». Il suffit de voir la
solidarité qui les unit, comment leur vie privée et leur travail sont
intimement mêlés, comment ils instaurent un « seven day week-end »
pour comprendre ce que signifie l’organisation en réseau. Le réseau
au sein duquel nous évoluons est très fécond.
Suivez notre groupe sur Twitter, Facebook ou Netlog, vous verrez
que notre communauté est très active. Simple exemple : imaginez
que j’envisage l’achat d’un nouveau pc et que je lance une question
sur Twitter. Je vais recevoir illico une tonne d’informations. Ce fut
la même réaction quand nous avons lancé Office 2010. C’est aussi la
garantie de se tenir informé de ce qui se passe autour de vous.
Ces « intentions » impliquent que les enfants qui suivent l’école
préparatoire reçoivent une initiation à internet et soient formés à
naviguer sur le net de manière responsable. Deux fois par an, une
centaine de collaborateurs Microsoft participe à cet effort pédagogique. Et personne n’en attend la moindre compensation.
Un comportement d’entreprise responsable ?
Les objectifs que nous créons comportent deux volets : what et how.
Le « what », c’est notre tableau de bord, des objectifs qui sont mesurés et sont non négociables et particulièrement ambitieux. Le « how »
concerne le bien-être éprouvé dans ce que l’on fait. Microsoft se voit
comme the prefered company to buy from, to partner with and to work
for. L’objectif est clair. En tant qu’individus, nous voulons nous améliorer et progresser.
Un comportement d’entreprise responsable, dans notre esprit,
suppose que l’on donne plus que l’on ne reçoit. Ce qui implique évi­
CHAPITRE 8 les partenaires
demment une confiance mutuelle aveugle. Chacun doit pouvoir compter sur autrui en restant complètement libre quant au « how ».
Il en résulte une vision du travail différente. L’ancien contrôle
social a pratiquement disparu, la disponibilité ne se limite pas à la
présence au bureau. La disponibilité comprend trois éléments : la
localisation, la technologie et l’état d’esprit (mindset).
La technologie est capitale, bien entendu. Les digital natives, les
digital immigrants et les digital victims doivent avoir voix au chapitre :
c’est une question d’état d’esprit. La troisième composante tourne
autour de cette question : où se trouve le bureau ? Comme son emplacement n’est plus fixé une fois pour toutes, le travail peut se faire
chez soi, dans l’entreprise, sur une terrasse face à la mer, dans un
aéroport, dans le train. Nous fonctionnons dans une économie de la
communication et l’ « évangélisation » assurée par Microsoft porte
sur ce processus, sur la technologie et sur la dimension communautaire.
Le Nouvel Espace de Travail prend tout cela en compte. Songez
aux coins café, partout bien en vue. Ils sont importants, ils facilitent
les échanges informels.
Microsoft a adopté le nwow pour montrer son efficacité. Aux PaysBas, d’abord, puis en Belgique au Corporate Village. Notre but, c’est
évidemment de proposer de la technologie aux entreprises mais nous
nous devons de constituer nous-mêmes une vitrine crédible. Notre
vision bien définie détermine notre stratégie mais sa réalisation appartient à nos collaborateurs, au jour le jour. Notre modèle non hiérarchique ne permet pas de l’imposer d’en haut. Le management
intervient principalement pour soutenir et inspirer. Liberté et responsabilité vont de pair. Plus concrètement : si vous êtes pris par vos
enfants le mercredi, pourquoi ne pas consacrer un dimanche à terminer votre travail ? Le travail flexible n’implique pas de travailler
moins. Chacun doit atteindre ses objectifs, et ceux-ci sont toujours
très ambitieux.
139
chapitre 8
Conclusion
Le Nouveau Travail fonctionne-t-il ? J’ai mené une petite
enquête auprès de quelques collaborateurs de Getronics.
141
q
Kris
De Quint, account manager
Vos premières impressions ?
Wow ! l’espace, le côté moderne, encore un peu de désordre, mais ça
va s’arranger.
Comment vous sentez-vous ?
Super.
Que dit-on autour de vous ?
Les employés semblent encore un peu « perdus », mais tout s’arrange…
Le Nouveau Monde du Travail L’HISTOIRE DE GETRONICS
q
Patrick
Goossens, program manager
Vos premières impressions ?
C’est frais, sexy, innovant, propre, spacieux, très élaboré, décor parfait pour recevoir les clients, pour favoriser les contacts sociaux.
Comment vous sentez-vous ?
Fier, bien dans ma peau.
Que dit-on autour de vous ?
On distingue immédiatement les collègues aux idées progressistes
et les conservateurs. Les esprits larges et les réactionnaires. Les réactions sont partagées mais plutôt positives.
CHAPITRE 9 Conclusion
q Martine Versavel, Customer Administation Manager
Quelles sont vos premières impressions ?
C’est tout bonnement fabuleux !
Les grands avantages : le confort, le design, l’aménagement des
espaces de travail, les espaces de détente et les salles de réunion, la
transparence, les coupe-faim légers (fruits), l’organisation générale
(à fond dès la première journée !), la communication, les outils tic.
Défauts : le bruit que font les collègues (allées et venues incessantes mais probablement temporaires), sortie du parking.
Comment vous sentez-vous ?
Ce lieu de travail me ravit.
Que dit-on autour de vous ?
On pense comme moi.
q
Siska
Dhoore, managing consultant
142
143
Vos premières impressions ?
Je n’ai aucune envie de retourner à Evere ! C’est mignon, bien conçu
(design, it, esprit des Ressources humaines, communication).
Comment vous sentez-vous ?
Ce bureau est plein d’atmosphère.
Que dit-on autour de vous ?
Il va falloir assimiler les principes du nwow (bureau propre, casiers,
etc.) mais tout le monde est enthousiaste. Le progrès est énorme par
rapport aux anciens bureaux. Les employés qui ne sont pas d’ici sont
impatients de voir leurs locaux se mettre à l’heure nwow.
crédits iconographiques
Photos © Studio Dann, Jo Exelmans, Christian Grey (Benedocs)
Portrait Marc Dick p.37 © Studio Dann
Portrait Ludo Constant p.51 © Studio Dann
Portrait Jean-Claude Vandenbosch p.63 © Studio Dann
Portrait Yvon Fischer p.72 © Studio Dann
Portrait Steve Rosa p.75 © Studio Dann
Portrait Patrick De Waen p.94 © Studio Dann
Portrait Kris Bries p.103 © Studio Dann
Portrait Isabelle De Weirdt p.106 © Studio Dann
Portrait Benny Corvers p.113 © Studio Dann
Portrait Ivan Cols p.117 © Studio Dann
Photo p.140 © Christian Grey (Benedocs)