marrakech

Transcription

marrakech
Laif
VOYAGE
MARRAKECH
LA PERLE DU SUD
L
e soleil, le sable, les palmiers, la bonne chère, les hammams, les riads de
luxe, les somptueux palais, et le charme des souks. À bien des égards, les
clichés sont flatteurs. Jet-set parisienne, milliardaires ou simples touristes, tous peuvent assouvir leur envie d’exotisme. En 2012, Marrakech est la
huitième destination étrangère préférée des Français, la première des retraités.
Mais elle est bien plus qu’une jolie carte postale. Troisième ville du Maroc
(après Casablanca et Rabat) avec près d’un million d’habitants, elle est également un carrefour des cultures arabe et européenne. Aujourd’hui, qu’est réellement Marrakech ? Qu’est-ce qui la rend toujours aussi fascinante ? Qui l’habite, la fait vivre et vibrer ? Partez à la découverte de cette cité impériale et des
grandes figures qui ont décidé de son destin.
la bonne chère
somptueux,se [sɔ̃ptɥø,øz]
à bien des égards
[abjε̃dezeDZa]
flatteur,se
assouvir
l’envie (f)
Marrakesch ist in den Fokus der Tourismusindustrie geraten. Immer mehr Besucher lassen sich von dieser faszinierenden Stadt verzaubern. Unser Autor Camille
Larbey stellt Ihnen aber auch das Marrakesch der Einheimischen und der Künstler
mittel
vor. Machen Sie sich auf das Schönste gefasst!
12
10/2013
10/2013
das gute Essen
prunkvoll
in vielerlei
Hinsicht
schmeichelhaft
stillen
die Lust
le retraité
le carrefour
impérial,e
la grande figure
le destin
der Rentner
der Treffpunkt
kaiserlich
die große
Persönlichkeit
das Schicksal
13 y
Laif
Selva/Leemage
VOYAGE
la destination
favori,te
le rendez-vous
fréquenter
la résidence secondaire
la villégiature
prisé,e
la fréquentation
les retombées (f/pl)
la frange
modeste
souffrir de
fulgurant,e
peupler
rehausser [ǩose]
violer
l’occupant (m)
le four à pain
le four
l’épicerie (f)
Marrakech en 1860
SON HISTOIRE
M
arrakech. Son nom vient du berbère Mour Akouch, qui signifie
« terre de Dieu ». Les variantes successives – Morroch (latin), puis Marrocos (portugais) – ont fini par aboutir
au nom du pays : Maroc. La ville fut
fondée en 1062 par Youssef ben Tachfine, premier souverain de la dynastie
des Almoravides. Marrakech est située aux portes du Haut-Atlas, au carrefour des grandes routes caravanières, ce qui lui a permis de devenir,
dès le XIIe siècle, une cité prospère et
la capitale d’un empire qui s’étendait
d’Alger à l’océan Atlantique, et du Tafilalet jusqu’au nord de l’Espagne.
Mais au XIIIe siècle, la reconquête de
la péninsule ibérique par les souverains chrétiens affaiblit Marrakech.
Après près de 400 ans de dynasties
berbères originaires de l’Atlas, elle
connaît, au XVIe siècle, une renaissance esthétique avec l’arrivée au
pouvoir des Arabes. Ces derniers embellissent la ville en construisant de
somptueux monuments. Le palais El
14
menacer
l’âme (f)
gagner le pari de qc
le pari
responsable
préserver
Badi du sultan Ahmad al-Mansur fut
réalisé avec les matériaux les plus
précieux (marbre, poudre d’or…). Ensuite, jusqu’au XIXe siècle, les dynasties se succéderont, chacune apportant son lot d’édifices majestueux.
En 1912, les Français prennent le
contrôle du Maroc en installant un
protectorat ( Approfondissements,
p. 28). Ils font construire à Marrakech
le Guéliz, un quartier de style européen, pour héberger leurs services
administratifs et leurs fonctionnaires.
Puis ils délaissent la ville pour Rabat,
désignée comme capitale. Marrakech
est alors gouvernée par le pacha El
Glaoui, proche des autorités françaises. Il sera destitué en 1956, lors
de l’indépendance du Maroc. Aujourd’hui, Marrakech est une ville où
les siècles se rencontrent : les carrioles tirées par les ânes croisent les
voitures de luxe, les souks sont
concurrencés par les supermarchés et
les jeans côtoient les djellabas. Bienvenue dans la ville des contrastes !
le berbère [bεbε]
aboutir à
fonder
le souverain
aux portes de
prospère
l’empire (m)
s’étendre
la reconquête [ǩkɔ̃kεt]
la péninsule [penε̃syl]
affaiblir
l’arrivée (f) au pouvoir
embellir
le marbre
se succéder [syksede]
le lot [lo]
l’édifice (m)
héberger
les services (m/pl)
administratifs
le fonctionnaire
délaisser
les autorités (f/pl)
destituer
la carriole [kajɔl]
l’âne (m)
concurrencer
côtoyer [kotwaje]
la djellaba [dȢεlaba]
die Berbersprache
führen zu
gründen
der Herrscher
vor
florierend
das Kaiserreich
sich erstrecken
die Rückeroberung
die Halbinsel
schwächen
die Machtübernahme
verschönern
der Marmor
aufeinanderfolgen
die Anzahl
das Gebäude
unterbringen
die Verwaltung
der Beamte
aufgeben
die Behörden
stürzen
der Karren
der Esel
konkurrieren mit
hier: nebeneinander
existieren
die Dschellaba
(langes Gewand mit
Kapuze)
10/2013
Le salon Majorelle de l’hôtel La Mamounia
LE « SAINT-TROPEZ DU MAROC »
D
ès les premières années du protectorat français, Marrakech devint la destination favorite de l’élite coloniale française. Puis, rapidement,
des personnalités mondiales : Churchill, Chaplin, Orson Welles et Édith
Piaf avaient leurs habitudes à La Mamounia, un hôtel cinq étoiles construit
en 1921, dont le salon a été décoré
par Jacques Majorelle ( page 16).
Aujourd’hui encore, Marrakech est
plus que jamais le rendez-vous des
10/2013
stars, hommes d’affaires, personnalités politiques et médiatiques. Soit ils
fréquentent les riads de rêve, hôtels de
luxe ou palais royaux, soit ils y achètent une résidence secondaire. La
création du Festival international du
film de Marrakech en 2001 a également fait de la ville une villégiature
très prisée du showbiz. « Kech »,
comme disent les habitués, est à la
mode. Ainsi, la fréquentation touristique est-elle passée d’un million de
das Ziel
Lieblingshier: der Treffpunkt
verkehren in
der Zweitwohnsitz
der Ferienort
geschätzt
die Besucherzahl
die Auswirkungen
die Randgruppe
hier: mit geringem
Einkommen
leiden unter
rasant
bevölkern
aufstocken
hier: verletzen
der Bewohner
hier: die Backstube;
der Backofen
das Lebensmittelgeschäft
bedrohen
die Seele
etw. schaffen;
die Herausforderung
verantwortungsbewusst
schützen
visiteurs en 2001 à environ 1 800 000
en 2010. La ville qui comptait 25 hôtels en 1973 en totalise 152 actuellement. Les retombées économiques
sont évidentes. La frange modeste de
la population souffre cependant de
cette expansion fulgurante. La géographie sociale de la médina (vieille ville)
s’est, par exemple, complètement
transformée : autour de la place Jemaa el-Fna, certaines rues sont peuplées à plus de 50 % par des Européens. Beaucoup d’entre eux font
rehausser leur résidence secondaire
d’une terrasse d’où ils ont vue sur les
maisons voisines, violant l’intimité des
occupants. Dans certains quartiers,
les boutiques de souvenirs ont remplacé les fours à pain traditionnels, les
hammams et les épiceries familiales,
menaçant la vie sociale des habitants
et ce qui fait l’âme de la ville. Marrakech doit donc gagner le pari d’un
tourisme responsable et respectueux
afin de préserver sa population et ses
richesses culturelles.
15 y
nulle part ailleurs
[nylpaaj]
éclipser
LE JARDIN MAJORELLE
C
’est un jardin botanique comme il
n’en existe nulle part ailleurs. Si
célèbre qu’il éclipse souvent l’œuvre
de son créateur : le peintre français
Jacques Majorelle. Celui-ci voit le jour
en 1886 à Nancy. À 17 ans, il abandonne ses études d’architecture pour
se consacrer à la peinture. Puis, avide
de nouveaux horizons, il se rend en
Bretagne, en Espagne, en Italie ainsi
qu’en Égypte, pays où il se passionne
pour la culture islamique. En 1917, il
s’installe définitivement à Marrakech,
envoûté par la ville : « Et dans ces
souks éclaboussant de vie féconde et
heureuse où j’ai travaillé l’autre jour
au milieu d’une foule indifférente toute
à son activité marchande, bourdonnant comme une ruche d’abeilles […],
l’œil s’enfonce voluptueusement »,
écrit-il à un ami. Dès lors, il consacrera sa carrière à peindre avec ferveur la ville et le sud marocain.
En 1923, Jacques Majorelle achète un
terrain situé près de la palmeraie de
Marrakech. Il y fait construire une
maison dans le style mauresque puis,
en 1931, demande à l’architecte Paul
Sinoir de lui concevoir une villa cubiste, dans le pur style Art déco. Autour de sa demeure, le peintre amé-
16
nage ensuite un jardin botanique qu’il
ne cessera d’enrichir au cours de sa
vie. Ce passionné souhaite bâtir, selon ses mots, une « cathédrale de
formes et de couleurs, un jardin impressionniste ». À partir de 1937, il repeint entièrement son atelier et une
partie de son domaine en un bleu
clair et intense, si caractéristique
qu’on l’appelle désormais le « bleu
Majorelle ». Pari réussi pour l’artiste :
le bleu vif des bassins, fontaines,
jarres et portails mélangé aux différentes nuances de vert fait du jardin
un véritable tableau impressionniste.
À la mort du peintre en 1962, le parc
est laissé à l’abandon jusqu’à ce
qu’en 1980, Yves Saint Laurent et son
compagnon Pierre Bergé rachètent la
propriété et la restaurent. Le styliste
aime s’y réfugier pour dessiner ses
collections : « Depuis de nombreuses
années, je trouve dans le jardin Majorelle une source inépuisable d’inspiration et j’ai souvent rêvé à ses couleurs
qui sont uniques. » Les cendres d’Yves
Saint Laurent, décédé en 2008, ont
été dispersées dans le jardin.
Aujourd’hui géré par la fondation
Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, le
jardin Majorelle est l’une des attrac-
nirgendwo sonst
in den Hintergrund
drängen
voir le jour
das Licht der Welt
erblicken
abandonner
aufgeben
se consacrer
sich widmen
avide de
begierig auf
envoûté,e
verzaubert
éclabousser de vie
entspr.: vor Leben
féconde
sprühen
la foule
die Menschenmenge
indifférent,e
gleichgültig
bourdonner
summen
la ruche d’abeilles
der Bienenstock
s’enfoncer
eintauchen
voluptueusement
genüsslich
la ferveur
der Eifer
la palmeraie [palmǩε] der Palmenhain
concevoir [kɔ̃sǩvwa] entwerfen
la demeure
das Haus
aménager
anlegen
ne (pas) cesser de
nicht aufhören
enrichir
erweitern
le domaine [dɔmεn]
das Anwesen
désormais [dezɔmε]
von nun an
réussi,e
gelungen
vif,vive
kräftig, leuchtend
le bassin
das Becken
la fontaine
der Springbrunnen
la jarre
großer Tonkrug
le portail [pɔtaj]
das Portal
le tableau
das Gemälde
laisser à l’abandon (m) verkommen lassen
le compagnon
der Lebensgefährte
la propriété
der Besitz
se réfugier
sich zurückziehen
la source
die Quelle
inépuisable
unerschöpflich
les cendres (f/pl)
die Asche
décédé,e
verstorben
disperser
verstreuen
géré,e
verwaltet
la fondation
die Stiftung
phare
Hauptdéambuler
flanieren
le nymphéa [nε̃fea]
die weiße Seerose
luxuriant,e [lyksyjǡ̃,ǡ̃t] üppig
inaugurer
eröffnen
tions phares de Marrakech : chaque
année, 600 000 visiteurs viennent
déambuler entre les cactus, les bambous géants et les bassins aux nymphéas. Une vingtaine de jardiniers
sont nécessaires pour s’occuper des
300 plantes de ce parc luxuriant. Et
dans l’ancien atelier du peintre, un
petit musée consacré à la culture berbère a été inauguré en 2011.
10/2013
Hemis/Laif (3), Photononstop/Look-foto
VOYAGE
Le musée berbère est le premier lieu culturel exclusivement consacré aux arts et à la culture berbères au Maroc.
Le jardin Majorelle, ouvert au public depuis 1947
10/2013
Une trentaine d’espèces différentes de cactus y sont représentées.
17 y
Manuel Cohen/AFP/Getty
La place Jemaa el-Fna est particulièrement animée le soir.
d’hui, les artisans, organisés en corporations, y ont leur atelier. Tanneurs,
forgerons, vanniers, tisserands, bijoutiers… Si les vendeurs de Marrakech
sont réputés pour leur bagou, ils sont
aussi les champions de la création
linguistique : le touriste peut se voir
proposer un « whisky berbère » (un
thé à la menthe), des « chaussures climatisées » (babouches en raphia) ou
des « Adidas berbères » (babouches à
semelles de caoutchouc) ! Tendez
l’oreille, et derrière le brouhaha, vous
entendrez peut-être le chant du « tibibt », un petit oiseau bruyant du Sahara, particulièrement aimé des habitants de la médina.
BALADE DANS LA MÉDINA
E
ntrons dans la vieille ville, encerclée de 19 km de remparts vieux de
1 000 ans. Première halte sur la place
Jemaa el-Fna. Ce terme signifie littéralement « assemblée des trépassés » :
les sultans y exposaient les têtes des
suppliciés. Nulle trace de l’attentat dit
« d’Argana » qui coûta la vie à 17 personnes au printemps 2011. En fin de
journée, le spectacle est permanent.
On y croise des charmeurs de ser-
pent, conteurs, musiciens, tatoueuses
au henné, guérisseurs, jeunes acrobates, montagnards de l’Atlas, nomades et Berbères. La place Jemaa
el-Fna a un tel cachet qu’elle a été
classée en 2001 au Patrimoine oral et
immatériel de l’humanité.
Direction les souks, un vaste labyrinthe de 3 000 derbs (ruelles). À l’origine, les souks servaient de point de
rencontre aux caravaniers. Aujour-
la balade
encerclé,e
le rempart [ǡ̃pa]
littéralement
les trépassés (m/pl)
exposer
le supplicié
la trace
le charmeur
de serpent
le conteur
la tatoueuse au henné
[ene]
le guérisseur
le montagnard
le cachet
le Patrimoine oral
et immatériel de
l’humanité
l’artisan (m)
la corporation
le tanneur
le forgeron
le vannier
le tisserand
le bijoutier
le bagou
Il y aurait 18 souks à Marrakech, soit environ 40 000 artisans.
18
la menthe
la babouche [babuȓ]
le raphia [afja]
la semelle [sǩmεl] de
caoutchouc [kautȓu]
tendre l’oreille [lɔεj]
le brouhaha [buaa]
bruyant,e [bɥijǡ̃,ǡ̃t]
der Spaziergang
umgeben
die Stadtmauer
buchstäblich
die Verstorbenen
hier: zur Schau stellen
der (zu Tode)
Gefolterte
die Spur
der Schlangenbeschwörer
der Märchenerzähler
die Hennatätowiererin
der Heiler
der Bergbewohner
der Charakter
das mündliche und
immaterielle Erbe
der Menschheit
der Handwerker
die Zunft
der Gerber
der Schmied
der Korbflechter
der Weber
der Juwelier, der
Schmuckhändler
die Zungenfertigkeit,
das Mundwerk
die Minze
der Schnabelschuh
der Raphiabast
die Gummisohle
die Ohren spitzen
der Lärm
laut
10/2013
LES PETITS SURNOMS
DE MARRAKECH
• Grâce à sa beauté impériale et sa richesse
culturelle, la ville est appelée « la perle du Sud ».
• La couleur des remparts, des minarets et des
maisons lui vaut aussi le surnom de « ville rouge ».
• Marrakech est également nommée la « ville des
sept saints », car elle abrite sept tombeaux de
théologiens islamiques et grands mystiques soufis.
De nombreux Marocains y viennent en pèlerinage.
• Certains touristes, victimes de commerçants
malhonnêtes, l’ont renommée « Arnakech »
(qui contient le mot « arnaque »).
Cour intérieure de la médersa Ben Youssef
Un proverbe maghrébin dit : « Ce qui
est passé est mort. » Dans l’histoire de
Marrakech, chaque nouvelle dynastie
essaya de faire oublier la précédente.
Beaucoup de monuments ont ainsi
été détruits. Heureusement, de somptueux édifices religieux, grâce à leur
caractère sacré, ont pu échapper aux
turbulences de l’Histoire. Le visiteur
peut donc s’émerveiller devant la
mosquée Koutoubia, un chef-d’œuvre
de l’art hispano-mauresque édifié au
XIIe siècle. Le minaret de 69 mètres
est surmonté de quatre petites boules
en cuivre doré. Elles proviendraient
des bijoux de Zineb, la belle épouse
du pacha Youssef ben Tachfine.
le proverbe
précédent,e
sacré,e
échapper à
s’émerveiller
le chef-d’œuvre
[ȓεdv]
surmonter
le cuivre [kɥiv]
doré,e
le détour
la médersa
à couper le souffle
le bois de cèdre
le carreau de faïence
[fajǡ̃s]
juif,ve
se dresser
le plafond
la dorure
le vitrail [vitaj]
10/2013
das Sprichwort
vorhergehend
heilig
verschont bleiben
(be)staunen
das Meisterwerk
überragen
das Kupfer
golden
die Biegung
die Koranschule
atemberaubend
das Zedernholz
die Steingutkachel
jüdisch
sich erheben
die Decke
die Vergoldung
das bunte Fenster
Au détour d’une ruelle se
cache la médersa Ben Youssef,
une école coranique fondée au
XVIe siècle. Sa richesse ornementale est à couper le souffle : bois de cèdre sculpté en
provenance de l’Atlas, marbre
de Carrare (Italie) et superbes
zelliges – petits carreaux de
faïence émaillée aux motifs
géométriques complexes. Sûrement l’un des plus beaux
monuments de Marrakech !
Au sud de la médina, près du
Mellah – l’ancien quartier
juif –, se dresse le splendide
palais de La Bahia, bâti à la fin
du XIXe siècle par le vizir Ahmed Ben Moussa. On se croirait dans un conte des Mille et
Une Nuits : plafonds sculptés
en bois de cèdre, dorures, patios, appartements secrets, vitraux – les premiers du Maghreb ! « La Bahia » signifie « la
belle ». Le palais servait de résidence non seulement à la favorite du vizir, mais aussi aux
quatre épouses de ce dernier
ainsi qu’à ses 24 concubines et
à ses nombreux enfants ! L’actuel souverain du Maroc, Mohammed VI, y habite de temps
en temps. Un privilège de roi !
le surnom
valoir
le saint
qc abrite qc
le tombeau
le pèlerinage [pεlinaȢ]
malhonnête [malɔnεt]
l’arnaque (f)
der Spitzname
einbringen
der Heilige
etw. befindet sich in
das Grab
die Pilgerfahrt
unehrlich
die Betrügerei
Laif
Manuel Cohen/AFP/Getty, Picture alliance/Robert Harding
VOYAGE
La mosquée Koutoubia, merveille du XIIe siècle
19 y
VOYAGE
LA MAISON DE LA PHOTOGRAPHIE
DE MARRAKECH
ment projetés, dont le premier film en
couleur sur les Berbères du HautAtlas, tourné en 1953. « Je voulais
créer une passerelle entre les deux
rives de la Méditerranée, pour que les
cultures se connaissent et s’apprécient, explique Patrick Manac’h. Il y a
aussi une orientation ethnologique et
archéologique : montrer la diversité
des comportements humains. »
DR
epuis plusieurs décennies, Patrick
Manac’h collectionne des photos.
Après avoir parcouru le monde entier,
ce grand voyageur pose ses valises à
Marrakech. Il y ouvre en 2009, avec
un Marocain, Hamid Mergani, la Maison de la photographie. Quelque
8 000 clichés du Maroc, pris entre
1862 et 1950, y sont rassemblés. Des
documentaires inédits sont égale-
Les photographes exposés tels Wilson, Flandrin, Veyre ou Garaud sont
connus des spécialistes, mais la plupart sont des diplomates, militaires,
archéologues ou simples voyageurs
anonymes qui ramenèrent dans leurs
bagages des clichés de la vie quotidienne du Maroc de l’époque. Patrick
Manac’h retrouve et achète ces précieuses photos lors de ventes privées.
La Maison de la photographie est située dans un ancien « fondouk », une
vaste maison jadis utilisée par les caravaniers pour entreposer leurs marchandises. Au dernier étage, un petit
café offre une belle vue panoramique
sur Marrakech. Jusqu’à présent, la
Maison a fait principalement le bonheur des touristes avertis. Les Marrakchis, eux, n’ont pas encore l’habitude de fréquenter les lieux dits
« culturels », car ils les perçoivent
comme des endroits réservés aux
étrangers. Mais les réactions de ceux
d’entre eux qui finissent par y aller
sont positives. Ils sont toujours heureux de découvrir des documents inédits sur leur propre histoire.
la décennie [deseni]
parcourir
poser ses valises (f)
le cliché
inédit,e
projeter [pɔȢte]
la passerelle [pasεl]
la rive
s’apprécier
la diversité
La Maison de la photographie abrite une collection de photos anciennes du Maroc.
20
le comportement
les bagages (m/pl)
précieux,se
jadis [Ȣadis]
entreposer
la marchandise
averti,e
percevoir comme
das Jahrzehnt
bereisen
sich niederlassen
das Foto
unveröffentlicht
zeigen
die Brücke
das Ufer
sich schätzen
die Verschiedenartigkeit
die Verhaltensweise
das Gepäck
wertvoll
einst
lagern
die Ware
versiert
ansehen als
10/2013
se distinguer
l’hôte (m)
l’équipe (f)
employer [ǡ̃plwaje]
désormais [dezɔmε]
en faveur de
le droit
la condition
l’entrepreneuse (f)
méprisant,e
gênant,e
la protection
la démarche
administrative
le foyer [fwaje]
actif,ve
Laif
D
le guide
vanter
l’établissement (m)
l’épaule (f) d’agneau
rôti,e
l’amande (f)
gérer/tenir
se former
Cérémonie du thé au restaurant Al Fassia
RESTAURANT AL FASSIA
LA RÉUSSITE AU FÉMININ
T
ous les guides touristiques de
Marrakech vantent la cuisine de
cet établissement, et spécialement
son épaule d’agneau rôtie aux
amandes. Ce restaurant possède une
caractéristique rare : il est uniquement géré par des femmes. Al Fassia
a été fondé en 1985 par Fatima Chab
et est aujourd’hui tenu par les trois
filles de la fondatrice : Saïda, Mariam
et Myra. Les trois sœurs se sont formées en Europe et aux États-Unis
10/2013
avant de revenir travailler dans l’entreprise familiale. « Il y a 20 ans, il n’y
avait aucun établissement à Marrakech, ni même au Maroc, dirigé par
des femmes, se souvient Saïda Chab.
On voulait se distinguer et respecter la
tradition, car au Maroc, c’est la femme
qui cuisine, s’occupe de ses hôtes et
sert à table. » En cuisine comme au
service, les équipes d’Al Fassia sont
uniquement féminines. Les hommes
ne sont pourtant pas totalement ab-
der Führer
loben
das Lokal
die Lammschulter
gebraten
die Mandel
führen
eine Ausbildung
bekommen
sich unterscheiden
der Gast
das Team
beschäftigen
jetzt
für
das Recht
hier: die Situation
die Unternehmerin
verächtlich
unangenehm
der Schutz
der Behördengang
der Haushalt
erwerbstätig
sents : quelques-uns sont employés
comme portiers ou musiciens.
En 30 ans, l’affaire familiale a beaucoup prospéré. Al Fassia possède désormais deux restaurants gastronomiques et un hôtel à Marrakech ainsi
qu’un riad à Fès.
Depuis une dizaine d’années, le pouvoir royal a fait passer des lois en faveur des droits des femmes, mais la
condition féminine dans la société patriarcale marocaine est encore difficile. Lorsque l’on demande à Saïda
Chab si elle a rencontré des difficultés
au début de sa carrière d’entrepreneuse, elle se souvient surtout du regard méprisant des hommes : « C’était
très gênant. Aujourd’hui, c’est plus
simple. Mais même si les choses se
sont améliorées, il faut toujours une
“protection” masculine pour simplifier
les choses, comme par exemple les démarches administratives. La société
marocaine reste machiste… »
Au Maroc, trois quarts des femmes ne
travaillent pas en dehors du foyer.
Saïda Chab est donc heureuse de
pouvoir représenter la femme marocaine active.
I
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