une histoire du Prado

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une histoire du Prado
une histoire du Prado
une courte chronique de notre (très) longue histoire...
« Celui qui connaît l’histoire de nos institutions et leur développement actuel sait que tout ce qui est nouveau repose
sur des fondements antérieurs et que ceux-ci, de quelque façon que ce soit, nous restent indispensables pour la compréhension du présent. »
Mulock Houwer, 1954, premier président de l’AIEJI
« On ne peut tirer aucune leçon de l’histoire »
Paul Veyne, 2009, Historien.
Cette chronique en 6 épisodes a été réalisée par Ambroise CHARLEROY, Chagé de mission pour l’Association
Prado Rhône-Alpes dans le cadre du 150e anniversaire du Prado.
Elle a été publiée dans les 6 numéros de « Lignes de vie », le journal interne de l’Association Prado RhôneAlpes, parus au cours de l’année 2010.
Cette chronique est également diffusée sur le site internet de l’association : www.prado.asso.fr
et celui des 150 ans du Prado : www.150ansduprado.fr
Il n’y a pas une histoire, mais des histoires du Prado. Sous ce nom on trouve en effet, d’une part, une société de
prêtres et de religieuses et d’autre part des associations laïques et une fondation. De l’œuvre originale sont nées
donc, trois associations : l’association du Prado de Bordeaux, l’association du Prado de Saône et Loire et l’association
Prado Rhône Alpes. Cette dernière est adossée à une fondation reconnue d’utilité publique. L’objet de ces associations
et de la fondation est de s’occuper d’enfants, de jeunes gens et d’adultes en difficulté. C’est à ces associations et à
cette fondation, inséparables de l’histoire de l’Éducation spécialisée, que nous nous sommes intéressés dans cette
rubrique écrite en cette année 2010 qui marque l’anniversaire de la fondation du Prado par le père Antoine Chevrier,
il y a 150 ans. Nous avons essayé de parcourir (rapidement) les grandes étapes de l’évolution de ces institutions. Une
histoire évènementielle, qui nous l’espérons, vous donnera envie de poursuivre la recherche.
2010 année du 150e anniversaire du Prado
www.150ansduprado.fr
Fondation du Prado - Association Prado Rhône-Alpes
200 rue du Prado 69270 Fontaine-Saint-Martin
Tél. 04 72 42 11 22 - Fax 04 72 42 11 29 - www.prado.asso.fr - www.150ansduprado.fr
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Épisode 1/6 : La Fondation de l’œuvre
À
l’origine de toute œuvre, on trouve un
fondateur officiel. Pour le « Prado »
c’est Antoine Chevrier. Il naît à Lyon en
1826. Il sera l’unique enfant de Marguerite
Fréchet, ouvrière dans le tissage de la soie
et de Claude Chevrier, employé de l’octroi
de Lyon et ancien fabriquant de bas de
soie. Le jeune Chevrier est scolarisé chez
les Frères des Écoles Chrétiennes, puis intègre le séminaire. Il est ordonné prêtre
en 1850 et affecté à la paroisse de St André de la Guillotière.
En 1857, il est nommé aumônier à la Cité
de l’Enfant Jésus fondée par Camille Rambaud, à Lyon (J. Buche, 1907). Ce poste
jouera un rôle déterminant pour la suite
de sa carrière. En effet, dans cette institution s’occupant de familles pauvres, il
est confronté à la prise en charge d’ouvriers et de leurs enfants. Il fait le catéchisme à ces derniers, mais il trouve
qu’on ne leur consacre pas suffisamment
de temps. Il décide de partir et de gérer
sa propre œuvre de Première communion.
(C. Chambost, 1927)
En 1860, le Prado, un ancien bal est à
vendre ou à louer à la Guillotière, 55 rue
Chabrol (actuellement 75 rue Sébastien
Gryphe). « Qu’était-ce donc que le Prado?
Un bâtiment fort connu, qui se trouvait
dans un des recoins les plus misérablement
habités de la Guillotière. C’était une vaste
construction rectangulaire en briques, ne
formant qu’une seule salle d’une soixantaine de mètres de long sur une vingtaine
de large. » (C. Chambost ,1932) Le bâtiment est en mauvais état.
Antoine Chevrier y installe, le 10 décembre 1860, son œuvre de Première
communion. Il accueille les enfants du
quartier, pendant cinq mois, période qui
s’appellera « la série ».
« Ce sont des enfants qui, pour la plupart, travaillent depuis l’âge de huit à
neuf ans, et que les parents
n’ont pas envoyés aux écoles ni
au catéchisme ; et quand l’âge
est passé, ils n’osent plus aller aux catéchismes ordinaires.
Ce sont encore des orphelins
qui n’ont aucun moyen de faire
leur première communion. » (C.
Chambost, 1932). Le Prado reçoit également des jeunes sortant de prison.
Ils sont logés et nourris par Antoine Chevrier, dont l’œuvre vit
Le Prado vers 1880 - 55 rue Chabrol (actuellement 75 rue Sébastien Gryphe)
de dons. Il ne veut pas faire travailler les enfants, comme dans
les autres providences, assez nombreuses
à Lyon. Ces jeunes gens sont là pour préparer leur première communion. « Le catéchisme est leur étude principale ; un peu
de lecture, d’écriture, de calcul, de grammaire s’y joignent, mais accessoirement ».
(C. Chambost, 1932)
Quand Antoine Chevrier s’installe au
Prado, la France vit déjà depuis huit ans
sous le Second Empire. Les mineurs délinquants sont pris en charge dans des institutions, alternatives à l’enfermement,
1878 : Le Père Antoine Chevrier entouré des premiers prêtres du Prado
gérées par des bourgeois, des catholiques
et des philanthropes cléricaux. La colonie agricole de Metray a été fondée en En 1867, grâce aux dons, le Prado est
1840. Les filles sont souvent confiées aux entièrement payé. En 1878, cette maison
congrégations religieuses, par exemple le est apportée en fonds pour constituer
une société civile dite de la Providence
Bon Pasteur. (F. Tétard, 2009)
En 1861 Antoine Chevrier achète le Prado du Prado. Le développement de l’œuvre
pour 80 000 F (Un franc 1860 vaut envi- passe aussi par une politique d’acquisiron 1,99 Euros en 2010), « avec le seul tion de locaux qui permettra au Prado de
se constituer un patrimoine et d’étendre
appui de l’abbé Rolland. » (Lestra, 1935)
C’est également dans ce local que, en ses activités.
mars 1861, Antoine Chevrier reçoit de En 1879, Antoine Chevrier meurt, il
l’Inspecteur d’Académie l’autorisation est inhumé dans la chapelle du Prado.
d’ouvrir une école primaire libre, au titre Quelques prêtres pradosiens ont été orde la loi Falloux. Parallèlement, il com- donnés. Ils continueront l’œuvre d’Anmence à former des prêtres qui devront toine Chevrier.
A suivre...
servir à leur tour les pauvres.
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Épisode 2/6 : De la Providence du Prado à l’Association
D
ans les années qui ont suivi la disparition de son fondateur, le Prado a
connu une période léthargique, jusqu’en
1925 environ, avec des inquiétudes pour
sa survie : difficultés financières et difficultés de recrutement sacerdotal. D’autre
part le paysage politique et législatif a
fortement évolué. On a assisté à la mise
en place de l’école laïque et obligatoire
(1882), à l’interdiction d’enseigner pour
les congrégations non reconues (1904)
et à la séparation des Églises et de l’État
(1905). Globalement le Prado n’a pas eu
à pâtir de cette législation : il a gardé
son œuvre de première communion et
son école libre. Il a fallu attendre cependant pratiquement 1925, pour voir un
« véritable départ du Prado qui avait
auparavant comme végété durant quarante ans » (Six, 1966). Cette évolution
est due en partie à l’entrée au Prado de
l’abbé Alfred
Ancel,
issu
d’une famille
d’industriels
lyonnais
et
formé au Séminaire français de Rome.
(De
Béranger, 1988) En
1926, le père
Camille
Lauzier, supérieur
du Prado, lui
confie la direction de l’œuvre
Mgr Alfred Ancel (1898-1984)
de la Première
Communion. Il conservera cette charge
jusqu’en 1928. En 1942 le père Ancel sera
élu supérieur général du Prado.
La formation professionnelle au temps de
l’œuvre de la première communion : Que
proposer aux sortants des « séries », si l’on
veut qu’ils persévèrent dans la foi et qu’ils
ne retombent pas dans les difficultés qu’ils
ont connues ? (Le Prado, 1932).
École d’orientation professionnelle et de préapprentissage, rue de l’Université à Lyon (années 1930)
L’école d’orientration : En 1933, les
prêtres du Prado décident la création
d’une école d’orientation professionnelle
et de préapprentissage ; 39 rue de l’Université, Lyon 7. Gérée par une association
spécifique, l’Œuvre d’apprentissage du
Prado a pour objet d’« éviter à de jeunes
garçons de la classe populaire le choix inconsidéré d’une profession et les préparer
au choix judicieux d’un métier en rapport
avec leurs aptitudes ».
Cette école reçoit en demi pension, 80
élèves, garçons de 13 à 15 ans munis du
Certificat d’Études primaires. Ils suivent,
d’octobre à juin, un enseignement manuel,
technique et moral. Il n’y a pas de préformation à des métiers particuliers, mais formation générale et observation des jeunes
pour pouvoir leur permettre d’intégrer
l’apprentissage de leur choix à la sortie de
l’école. Elle sera fermée en 1968.
Salornay (Saône et Loire) : En 1933,
« Une châtelaine, Mlle d’Arlempdes, offrait au Prado une propriété d’environ 100
ha avec un beau château, pour y établir
une ‘oeuvre agricole’ où des jeunes gens
achèveraient leur instruction chrétienne
et apprendraient à travailler et à aimer la
terre » (Le Prado, 1938). Le père Charnay, supérieur général du Prado, y installe
une oeuvre de persévérance en faveur des
premiers communiants du Prado issus du
monde rural ou désireux d’y travailler. Le
père Jaillet en fut le premier directeur.
1942, questionnaire sur le centre du
Prado : Le Prado répond à un « Questionnaire concernant les établissements
de rééducation » au début 1943. On
apprend ainsi que le Prado reçoit à ce
moment là « environ 50 garçons et 40
filles de 12 ans et au-dessus, moralement
abandonnés. » Ces enfants sont reçus
gratuitement. L’admission se fait sans
enquête sociale. Chaque cas est examiné
par le directeur « suivant les coutumes de
la maison », il n’y a pas de dossier scolaire ou autre pour les enfants. L’équipe
d’adultes est composée « d’un directeur
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pour les garçons et une directrice pour
les filles, 5 adjoints (professeurs et surveillants) pour les garçons et de 3 adjointes pour les filles. »
1943, la création de l’association de la
Providence du Prado : Le 20 avril 1943
est créée l’Association de la Providence du
Prado, le Journal officiel de l’État français,
du 14 et 15 juin 1943 publie l’annonce :
« Associations françaises (décret du 1608-1901)1er juin 1943 : déclaration à la
Préfecture du Rhône. Providence du Prado.
But : travailler au redressement moral, civique et social des enfants et jeunes gens
des deux sexes, par le moyen de la religion.
Siège : 75, rue Sébastien Gryphe, Lyon. »
Administrateurs : Le président de l’association est le père Alfred Ancel, il le restera jusqu’en 1971.
Sur les neuf membres qui constituent le
premier comité, 4 sont des prêtres, une
est religieuse. Les 5 membres restants
sont : un professeur à la faculté libre de
droit de Lyon, le secrétaire général de
l’Union des syndicats agricoles de Lyon,
un employé et une pédopsychiatre.
Le premier Conseil d’administration : juin
1943 : L’association déclare qu’elle doit
faire tout ce qui sera nécessaire pour
décharger les directeurs, qui sont des
prêtres et des sœurs du Prado, des préoccupations et des soucis d’ordre matériel,
susceptibles d’entraver leur action dans
le domaine spirituel. Elle s’attachera à
mettre gratuitement à la disposition des
directeurs des œuvres et des institutions
de redressement de l’Enfance, les locaux
et autres moyens matériels dont ils pourraient avoir besoin. Ces œuvres, leurs salariés et les enfants restent sous l’entière
responsabilité de leurs directeurs.
L’affiliation à l’ARSEA : « Nous aurions
pu ne pas demander l’affiliation de cette
oeuvre à l’Association Régionale puisque
nous ne voulons pas recevoir de subventions
régulières, mais nous avons pensé que nous
pourrions rendre service à la Sauvegarde et
que celle-ci pourrait rendre service à nos
anciens. C’est pourquoi nous demandons
l’affiliation de nos oeuvres de Première
Communion » peut-on lire dans le dossier
de demande d’affiliation. L’association de
la Providence du Prado est agréée comme
membre de l’Association Régionale pour
la Sauvegarde de l’Enfance, (ancêtre des
CREAI) en novembre 1943.
Developpement de l’Association : Les responsables religieux sollicitent dès lors le
Prado pour prendre en charge différents
établissements : novembre 1943 le Prado fonde à Saint Romain le Puy (Loire)
une œuvre d’enfants. C’est la création du
Prado des Sucs. (Après quelques déménagements, il deviendra le Prado du Cantin
(actuel ISFP) à Fontaines St Martin).
1944, l’évêque de Nantes, demande au
Prado de s’occuper d’un centre d’accueil
pour des jeunes garçons délinquants placés par le tribunal. C’est la création du
Prado de Grillaud, en collaboration avec
la Société Nantaise de Patronage. (Il fermera en 1957)
En 1944, l’archevêque de Bordeaux demande à l’association de prendre en charge
la Colonie Saint Louis en partenariat avec
l’œuvre du Refuge des Enfants Abandonnés
ou délaissés de la Gironde. C’est aujourd’hui
le Prado de Bordeaux.
À partir de 1944 l’Association de la Providence du Prado obtient des habilitations :
pour « recevoir des enfants en vue de leur
placement dans une famille ou un établisse-
ment industriel moyennant salaire ou à titre
gratuit. », des mineurs délinquants relevant
de la loi de 22/7/1912 et des mineurs relevant du décret loi du 30 octobre 1935.
En janvier 1945 l’Association est habilitée par le ministre de la Santé Publique
à « recevoir des Pupilles de l’État difficiles
ou vicieux dans les conditions prévues par
le Décret du 4/11/1909 ».
En 1945 débute le Service Social du Prado rue Sébastien Gryphe à Lyon. En mai
1945, une convention est passée entre le
Préfet du Rhône et le président de l’Association par laquelle « L’association s’engage à recevoir dans ses établissements de
rééducation, des pupilles des deux sexes,
du service de l’assistance à l’enfance, de
religion catholique et qui, en raison de
leur indiscipline ou de leurs défauts de caractère, ne peuvent faire l’objet d’un placement familial. De son côté, le Département
du Rhône s’engage à ne confier à cette association, ni des pupilles qui, par des actes
d’immoralité, de violence ou de cruauté,
donnent des sujets de mécontentement
très graves, ni des débiles mentaux, ni des
anormaux sensoriels. » (DG 067, 1953)
Les frais d’entretien de ces enfants seront
à la charge du département. L’administration « se réserve le droit d’apprécier les
méthodes de rééducation » de l’association et que les recommandations de l’ARSEA sont suivies.
L’association de la Providence du Prado
s’engage donc, de plus en plus, dans le
dispositif de « l’enfance inadaptée » qui
se met en place. Quelles en seront les
conséquences ?
Prado de la Guillotière
(Aujourd’hui ITEP
Antoine Chevrier).
Construction du
bâtiment intérieur en
1934 (ici les colonnes
du futur préau).
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Épisode 3/6 : Mutatis mutandis
L
’intégration des œuvres du Prado dans le
dispositif de l’enfance inadaptée s’accélère depuis la création de l’association. L’affiliation à l’ARSEA en 1943, lui a donné droit
à une « subvention élevée » qui lui a permis
de terminer des constructions à Salornay.
(ARSEA, 1944). Elle lui a également ouvert
des possibilités de formation pour ses éducateurs. Sur le plan juridique, l’ordonnance
du 2/02/1945 entraîne pour l’association de
nouvelles obligations et possibilités. La présence d’Alfred Ancel au Conseil de l’ARSEA en
mai 1945, en est un signe. La même année,
Mme Thévenin, pédopsychiatre et membre
du Conseil d’administration du Prado, fait la
proposition d’améliorer le service psychiatrique dans les maisons du Prado, avec son
concours et l’aide des services du Vinatier
et de Grange Blanche ; pour Salornay et le
Prado des Sucs, des médecins locaux assureront ce service.
Toujours en 1945, un foyer pour jeunes
ouvrières est ouvert 3 rue Dumoulin ; il se
développe rapidement et une annexe sera
créée en 1948 au 8 de la même rue.
L’activité historique du Prado, la Première
Communion, est bousculée par la nouvelle
loi sur l’obligation scolaire de 1946 qui
ne permet plus de prendre les élèves dans
les « séries » pendant l’année scolaire. La
formation professionnelle des jeunes est
réclamée par le ministère de la population
qui désirerait voir, annexée aux maisons du
Prado, une préparation rationnelle au CAP.
Le Conseil d’Administration décide que, dans
la mesure du possible, on organisera dans
chaque maison agricole un centre d’apprentissage professionnel.
La situation financière
Un secrétaire administratif s’avère maintenant indispensable pour participer à l’organisation financière et comptable des établissements, traiter avec les administrations
publiques et organiser la formation des
cadres. Si le Prado s’était contenté jusque
là de subventions et de
dons, il peut obtenir
maintenant des prix de
journées pour les enfants confiés par les tribunaux ou l’Assistance à
l’Enfance.
Un tournant
En 1947, l’association
supprime toute réféRue Dumoulin, les filles au temps de la première communion vers 1930
rence à la religion dans
ses statuts. Dans le
de Prado du Cantin. Cet établissement est à
bulletin Le Prado, de
janvier 1948, Alfred Ancel publie une lon- vocation agricole, puisque c’était le vœu de
gue étude intitulée : « Transformation de la Société Gonnard, qui proposait dès 1945,
l’oeuvre de la Première Communion » où il de donner à bail une propriété pour y créer
retrace la genèse et l’évolution du Prado. « un orphelinat de caractère agricole et tenIl fait aussi des constats sur la mentalité dant au sauvetage de l’Enfance. » En 1949,
des ouvriers, sujet qui lui est cher. Leur un témoin, de passage à Fontaines, notait :
désir, écrit-il, de « jouir dans leurs habita- « après le labour du pré devant la maison, ils
tions, leurs vêtements et leur nourriture des ont attaqué un morceau de 12 500 m² sur le
mêmes prérogatives que les autres classes haut de la propriété, ce qui va leur revenir à
sociales » fait apparaître que « le standard 20 000 F. Il y aura du turbin pour rattraper
de vie des enfants du Prado, en restant im- tout cela. »
muable, était devenu inférieur aux condi- Dans le même esprit, nous retrouvons les
tions de vie du monde ouvrier français ». premiers éléments d’une implantation à
L’évolution de cette œuvre vers la forme de Bressieux (Isère) en juin 1949. Un jeune
homme qui a déjà travaillé au Prado, s’y
maison de rééducation est inéluctable.
En 1948, l’Oeuvre de première commu- installe avec sa femme et quelques garçons
nion, n’est plus le seul emblème du Prado. sur un domaine agricole de 21 hectares.
D’autres centres et l’École d’orientation Les lettres échangées entre l’éducateur et
professionnelle en donnent une nouvelle la direction générale de l’association témoiimage. Une évolution juridique accompagne gnent de la dureté des temps et des débuts
ce mouvement : un nouvel organisme est difficiles d’une maison de rééducation au
créé le 22 juillet 1948, l’Établissement de Prado. Cet établissement sera rattaché au
la Providence du Prado. C’est une fondation Prado du Cantin.
chargée de gérer le patrimoine et de prendre Au début des années 1950, une mutation
en charge des œuvres qui seront confiées au de l’œuvre s’amorce du fait de l’acceptation
Prado et les établissements de l’association des financements publics, qui d’une certaine
dont la gestion est équilibrée. Le premier manière fait une entorse à la volonté du
à être pris en charge sera le Prado de la fondateur, de l’arrivée de « méthodes moGuillotière. Cette fondation sera reconnue dernes de rééducation » (ARSEA, 1943) et
des lois plus contraignantes pour la prise en
d’utilité publique le 28 janvier 1950.
Le Prado d’Oullins vient s’installer à Fon- charge des mineurs en difficulté.
taines St Martin en 1949, et prend le nom
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Épisode 4/6 : Directions nouvelles 1950-1964
A
près la reconnaissance d’utilité publique
de la Fondation (1950), l’association va
connaître un développement administratif et
pédagogique très important. Les administrateurs vont tenter de garder le grand principe
qui a prévalu jusque là, à savoir que le Prado
est une « institution d’Église ». Les prêtres et
les religieuses continuent à diriger les établissements. L’essor de l’association se fera
sous la houlette d’Alfred Ancel, supérieur du
Prado, évêque auxilliaire de Lyon et président du Conseil d’administration. On doit
noter aussi l’action du père Fillatre, nommé
secrétaire administratif en 1946. Alfred Ancel, dans sa volonté de maintenir l’œuvre
d’éducation dans la fidélité à la pensée d’Antoine Chevrier, et le père Fillatre dans son
action en direction des éducateurs, orienteront l’action pédagogique de l’association.
Le père Fillatre resituait Antoine Chevrier
dans la lignée des grands éducateurs, « de
Bosco à Montessori en passant par Pestalozzi,
Decroly, Baden-Powell ».
Sur le plan administratif, l’association se
dote en 1952, devant la complexification
des domaines pédagogiques et budgétaires,
« d’une équipe de techniciens qui étudieront ces questions et en soumettront les
décisions au Conseil d’Administration. »
Le règlement de l’association adopté en
1952 précise que le Prado « n’apporte pas
une méthode nouvelle, mais qu’il prétend
faire application de toutes les méthodes de
rééducation pouvant s’adapter à la doctrine
et à l’esprit évangéliques ». L’association
cherchera donc à s’entourer de « collaborateurs capables de comprendre ce témoignage et désireux d’en animer leur action. »
En 1955, Mgr Ancel demande aux prêtres
présents dans les centres de rééducation de
se dégager autant que possible des tâches
administratives pour se consacrer plus à
l’évangélisation des maisons. Ce n’est pas
pour lui un abandon de la mission, il écrit
en effet, « il ne faut même pas envisager
l’hypothèse de confier nos maisons à des
directeurs civils pour en garder seulement
l’aumônerie ». La chose est complexe, car
la reconnaissance de « l’originalité évangélique » de la Providence du Prado dépend du
bon fonctionnement « de ces divers points
de vue [administration et pédagogie] qui
sont particulièrement l’objet des inspections ». Les établissements sont inspectés
par l’Enseignement technique ou l’Éducation surveillée. Les recommandations qui
en résultent entraînent des modifications
dans les équipements et l’encadrement des
centres. Ainsi en 1959 l’inspection à Bordeaux a pour conséquence le remplacement
du directeur prêtre par un directeur laïque.
Des sous directeurs laïques seront nommés
à Salornay et au du Prado du Cantin.
Au cours de la période 1943-1953, l’association a réalisé 1 400 000 journées de prise
en charge d’enfants et d’adolescents. Sur le
plan financier, les sommes dépensées sur
cette période s’élèvent à 581 millions de
francs (110 millions d’€) dont 41 millions de
fonds propres. En 1953 elle prend en charge
468 jeunes.
On note, en 1958, la création d’une section
syndicale à Salornay. Alfred Ancel propose la
constitution, en 1959, « d’une commission
technique pour les centres de rééducation ».
Cette commission comprendrait les directeurs, certains membres du conseil et des délégués du personnel. Cette instance va dans
le sens des demandes du personnel éducatif.
Du côté des établissements, on note qu’en
1950, le foyer de la rue Dumoulin (filles),
est transféré à la Croix Rousse et prend le
nom de Prado de la Croix Rousse, en 1960,
il s’installera à Tassin la Demi Lune.
En 1956 Le Prado de la Guillotière (garçons)
déménage de la rue Sébastien Gryphe à St
Romain-au-Mt-d’Or. Les organismes publics
(Justice, Assistance à l’Enfance) avaient demandé dès 1954 le transfert de l’établissement en banlieue ou à la campagne.
Le Prado de St-Romain à St-Romain-au-Mt-d’Or (69) - 1957/1958
Le Prado de Nantes ferme en 1957. Pendant
ses 13 années de fonctionnement il a toujours connu des problèmes de locaux et a
reçu « les enfants les plus difficiles ou ceux qui
ont été renvoyés de leur placement » (Adesa
44, 1988). M. Ribbe est nommé, en 1962,
secrétaire administratif adjoint au Directeur
Général, le père Giraud, en remplacement du
père Tortel. La question des pouvoirs des directeurs-prêtres et des sous directeurs laïques
agite l’association. En 1963, les responsables
des foyers de semi liberté revendiquent leur
autonomie. Elle est refusée par le Conseil.
En 1964 le Prado fait acte de candidature
pour participer au nouveau « centre technique régional de l’enfance inadaptée » (ex
ARSEA). Alfred Ancel est décoré par l’Éducation surveillée pour services rendus à la
cause de l’Enfance inadaptée.
La direction effective des centres de la Providence du Prado est aux mains des laïques.
Des revendications statutaires se font jour
depuis quelques années. Elles aboutiront en
décembre 1964. Le conseil d’administration
nomme les Directeurs adjoints du Cantin et
de Salornay Directeurs de Centre.
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à Oullins (69) - 1949-1975
5/6
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Épisode 5/6 : L’association laïque
L
a « laïcisation » qui s’opère au Prado
rééducation est une résultante des facteurs que nous avons vu à l’œuvre depuis
1860 : déchristianisation, législation, technicisation, évolution des mentalités,…
En 1965, le père Raymond Dujarrier est
nommé Directeur général des centres. Un
numéro spécial de la revue le Prado est
consacré aux maisons de rééducation. Dans
l’introduction Alfred Ancel, rappelle l’histoire de la rééducation au Prado et fait le
point sur la situation : le prêtre est maintenant « délégué du Prado » dans l’établissement et il s’assure de « l’orientation évangélique » du centre, les laïcs se voient confier
des rôles de plus en plus importants. Les
différents articles, rédigés par des prêtres
ou des éducateurs, donnent une idée du travail à la fois religieux et éducatif, que font
les adultes, pour que le jeune puisse « se
suffire à lui-même dans l’essentiel. »
Les syndicalistes du Prado participent activement, dès 1964, aux travaux de préparation de la future convention collective, ils
se rendent souvent à Paris et prennent des
responsabilités au sein des organisations.
Le 15 mars 1966 la convention collective de
l’enfance inadaptée est signée.
Les rapports d’activité des établissements
font le point sur le fonctionnement : budgets, effectifs, résultats aux examens, activités de loisirs et orientation pédagogique. On
retrouve, par exemple, dans le rapport moral
de 1966 du Prado du Cantin des références
aux méthodes Le Boulch, Ramain et Freinet.
Ces préoccupations de formation sont mises
en balance avec le souci de garder le « caractère propre du Prado rééducation » à savoir « les intuitions pédagogiques d’Antoine
Chevrier » et son orientation religieuse.
En 1967 un nouvel administrateur arrive :
M. Albert Chavanne, professeur à la faculté
de droit. On parle « des problèmes soulevés
par la Convention collective, toujours en attente », en effet, la totale liberté laissée
aux départements quant à son application
entraîne de grandes disparités.
En mars 1968, l’orientation suivante est à
l’étude : le Prado rééducation serait un Institut d’Église dirigé par des laïcs avec l’animation spirituelle des prêtres qui seraient à
leur service.
La même année, on commence à évoquer
la possibilité « d’une certaine autonomie »
du Prado rééducation. Les prêtres font les
constats suivants : certes, l’association de
la Providence du Prado est perçue comme
une institution chrétienne qui engage
l’Église et le Prado, mais les fonds de fonctionnement viennent entièrement de l’État ;
ils remarquent aussi que l’engagement religieux des laïcs est en pleine évolution. L’ensemble du personnel d’encadrement vivait,
écrivent-t-ils, une vie évangélique jusqu’à
il y a quelques années. Depuis la convention collective de 1966, qui ne permet plus
d’embaucher des salariés sur des critères
religieux et politiques, on remarque un nouveau positionnement des personnels.
Les établissements accueillent environ 700
jeunes, qui sont pris en charge par 7 directeurs, 5 prêtres délégués, 140 éducateurs,
80 personnels de service et 26 sœurs. Tous
les centres ont reçu une habilitation du Ministère des affaires sociales.
Avril 1969, les instances religieuses du Prado écrivent que : « le Prado non seulement
ne peut plus continuer à être situé comme il
l’était depuis quelques années dans la rééducation, à cause des difficultés rencontrées,
à cause du manque de prêtres, à cause de
l’évolution des mentalités, mais il ne le veut
plus. » Dès lors, la laïcisation voulue par Alfred Ancel va s’accélérer. Mai 1969, M. Albert
Chavanne est élu vice président. Un commissaire aux comptes est désigné, en accord
avec l’Inspecteur principal de la DDASS.
Le principe d’un Directeur général laïque et
d’un comité de direction reconnu comme
coresponsable de la rééducation du Prado
est admis. M. Roger Ribbe est nommé Directeur général. Le règlement du Comité
de direction, comprenant les directeurs de
centres, le directeur général et le conseiller
Le CEP du Cantin à Fontaines-St-Martin (69) dans les années 70
ecclésiastique, est adopté par le C.A. Les salariés demandent à assister aux réunions du
conseil d’administration.
Toujours en 1969, Alfred Ancel écrit un
article qui, comme celui de 1948, retrace
l’évolution du Prado rééducation ; il parle
maintenant de la passation de pouvoirs
aux « laïcs ». Il rappelle les trois conditions de cette passation : les centres du
Prado devront toujours accueillir les plus
pauvres et les plus abandonnés, ils devront
respecter la personne des jeunes en n’introduisant pas « un abus de technicité dans
la rééducation », et enfin il faudra qu’il
existe toujours une possibilité pour les
jeunes et les adultes de recevoir « l’assistance spirituelle d’un prêtre ». Cependant,
il paraît, pour Alfred Ancel, de plus en plus
difficile de garder le caractère confessionnel
de l’œuvre.
En février 1971,
deux délégués du
Comité
central
d’entreprise assistent à la réunion
du CA.
En avril 1971 Alfred
Ancel démissionne
de l’association et
M. Albert Chavanne
de la Fondation. Le
nouveau président
sera M. Albert Chavanne.
Le processus de transmission de l’œuvre aux
laïques a été lent, mais c’était, écrit Alfred
Ancel, « pour assurer une fidélité inconditionnée à l’esprit du père Chevrier. »
du Prado - Association Prado Rhône-Alpes
Rédaction : Ambroise CHARLEROY, Chagé de missionFondation
- Bibliographie : Prado n°23, 1965, Le Prado au service de l’enfance et de la jeunesse, Archives de Prado Rhône Alpes,
200 rue du Prado 69270 Fontaine-Saint-Martin
DG 072 - Photos : Archives des Prêtres du Prado (Limonest) - Archives de l’association Prado Rhône-Alpes (Fontaines St Martin)
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Document d’archive : Rapport concernant l’établissement
projeté par MM. Louat et Chevrier
« La maison de refuge et d’instruction fondée au Prado » a fait l’objet d’une demande de rapports
de la part du préfet-sénateur Claude-Marius Vaïsse, administrateur de Lyon de 1853 à 1864. Un
premier rapport de police, daté du 2 janvier 1860, donne des renseignements sur l’œuvre à venir.
L’inspecteur d’académie, dans le rapport du 23 février 1861 que nous avons retranscrit, s’est particulièrement intéressé au projet d’œuvre. Il livre ici ce qu’on pourrait appeler « un projet pédagogique » On notera que l’œuvre des filles a précédé celle des garçons. On voit aussi que la surveillance
des « œuvres de bienfaisance » ne date pas d’aujourd’hui.
Premiers rapports sur le Prado 1860-1861
Archives de Lyon (744 WP 0764)
UNIVERSITÉ DE FRANCE
Académie de Lyon
Inspection académique du Rhône
Enseignement
Objet : 3è Division 1er Bureau N° 78
Lyon
Maison de refuge et d’instruction fondée au Prado
Renseignements.
Lyon le 23 février 1861
Monsieur le Sénateur ,
J’ai l’honneur de vous faire connaître,
conformément à votre invitation du 11
janvier dernier, le résultat de mes informations concernant l’établissement projeté par MM. Louat et Chevrier, dont vous
m’avez fait l’honneur de me communiquer
la demande.
Recueillir dans des locaux distincts, les
jeunes adolescents de chaque sexe errants et abandonnés, que leur âge et leur
ignorance excluent de la participation
aux leçons de l’école et à celles de la
paroisse, leur donner les notions les plus
essentielles de l’enseignement primaire
et surtout l’instruction religieuse en vue
d’abord de les faire admettre à la première communion, puis à l’apprentissage
d’un métier, les faire rompre avec des habitudes invétérées de désœuvrement, de
fainéantise, de vagabondage, et de les
plier aux habitudes contraires d’ordre, de
discipline et de travail, les placer enfin
ainsi préparés et régénérés dans des ateliers pour y gagner leur vie, après avoir
éveillé en eux ce sentiment d’honneur qui
relève le pauvre à ses propres yeux en lui
permettant de se rendre ce témoignage
que du produit de son travail il pourvoit
à son existence, sans rien demander à
l’assistance d’autrui, c’est assurément
une entreprise méritoire et dont on apprécie l’utilité sociale dans une grande
ville comme Lyon, particulièrement dans
le quartier populeux de la Guillotière où
tant d’enfants réclament de pareils soins.
Aussi MM Chevrier et Louat ont-ils immédiatement trouvé des sympathies et des
encouragements. Quarante souscripteurs
leur ont assuré les ressources nécessaires
pour suffire à la dépense d’ouverture et
d’entretien de l’établissement pendant
quelques années. Le local du Prado a été
loué pour 6 ans au prix de 4 000 francs,
des réparations s’y effectuent en ce moment pour l’approprier à sa destination,
en le disposant convenablement pour
recevoir des adolescents de chaque sexe
dans des parties séparées et avec des entrées distinctes s’ouvrant sur deux rues
différentes. Les enfants nourris et vêtus
seront gardés à demeure jusqu’à leur 1ère
communion, époque à laquelle des fabricants se sont engagés à leur donner du
travail dans leurs ateliers. 12 jeunes filles
jouissent déjà du bienfait de cette éducation réparatrice et 30 jeunes garçons sont
inscrits pour participer au même avantage
dès que le local sera prêt pour les recevoir. Mais MM Chevrier et Louat offrent-ils
en eux-mêmes, d’après leur caractère et
leurs qualités personnelles, d’après leurs
principes et leurs antécédents, les garanties nécessaires pour entreprendre et mener à bonne fin une œuvre aussi difficile ?
Les renseignements recueillis à cet égard
sont pleinement satisfaisants. M. l’abbé
Chevrier est âgé de 34 ans ; il a été pendant 8 ans vicaire de la paroisse de St
André, où il est, on peut le dire, en vénération. Par sa charité ardente, par son
dévouement au soulagement de la classe
ouvrière, il a conquis dans le 3ème arrondissement l’estime et la confiance
générales. Tous, sans exception, parlent
de lui comme d’un excellent prêtre que
l’on rencontre partout où il y a du bien
à faire. À l’archevêché il a la réputation
d’être un des ecclésiastiques les plus estimables et les plus méritants du diocèse.
Mes propres impressions, j’aime à le reconnaître, m’ont donné la conviction que
l’abbé Chevrier est un homme de bien,
d’une parfaite abnégation, animé de l’esprit chrétien.
Quant à M Louat, il est digne de lui être
associé, eu égard à son désintéressement
et à son zèle charitable. C’est un ancien
clerc de M Laforest notaire, qui a quitté
sa position pour se consacrer tout entier
à des œuvres de bienfaisance. M Laforest
loue sans réserve son honorabilité, sa
conduite morale et sa loyauté. Comme M
l’abbé Chevrier, M Louat qui a à peine accompli sa 26è année, et qui n’appartient
à aucune congrégation, se recommande
donc par ses antécédents et par ses prin-
cipes. Selon l’opinion générale l’œuvre
pour laquelle ils unifient les efforts de
leur commun dévouement ne saurait être
placée en de meilleures mains.
Tous deux faisaient partie de la société de
l’Enfant Jésus fondée par M Rambaud. Par
suite de certains embarras financiers, qui
prétend-on, pourraient mettre en péril
l’institution de ce bienfaiteur des classes
pauvres, ou peut être parce qu’elle prenait une extension trop grande et par là
même préjudiciable au but à atteindre, ils
se sont séparés de lui, en se proposant
de continuer son œuvre sur une échelle
moindre avec plus de chance se succès.
Au point de vue de l’enseignement et
de l’éducation morale de la jeunesse,
on ne peut, je le répète, qu’applaudir à
la création d’un établissement appelé
à remplacer l’école en faveur de jeunes
adolescents jusques là dépourvus de tout
enseignement. Pour l’accomplissement de
cette tâche M. Louat et M. l’abbé Chevrier
ont assurément toute la capacité suffisante, d’autant plus qu’elle s’éclairera des
inspirations de leur conscience.
M l’abbé Chevrier s’est d’ailleurs empressé
de remplir les conditions légales prescrites pour l’ouverture d’une école libre,
puisque le but de l’œuvre comprend implicitement la tenue d’une classe.
Il importe aussi de remarquer que des
dames seront chargées du soin des jeunes
filles.
Sous tous les rapports donc, Monsieur le
Sénateur, l’entreprise de MM. Chevrier et
Louat mérite, selon moi, vos encouragements. Il est certain que le bâtiment du
Prado est à peine abordable, les jours de
pluie surtout, et particulièrement dans
la rue Dumoulin où des flaques et des
mares, d’au moins 30 centimètres de profondeur rendent l’accès de la maison très
difficile, pour ne pas dire davantage.
Le remblai ou le pavage demandé serait
donc, à mon avis, une nécessité quand
même il ne devrait pas être profitable à
une institution d’une réelle utilité.
Veuillez agréer,
Monsieur le Sénateur
L’hommage de mon respect
L’inspecteur de l’Académie.
Fondation du Prado - Association Prado Rhône-Alpes
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6/6
une histoire du Prado
une courte chronique de notre (très) longue histoire...
Épisode 6/6 : Les indépendances
C
omme tout organisme, l’association
du Prado connaît des évolutions, liées
à son développement et à l’influence de
l’environnement. Voici quelques repères.
1971 Étant donné l’éloignement de Bordeaux, il est envisagé la création d’une
association du Prado à Bordeaux, autonome, pourvue d’un conseil d’administration responsable, et qui s’efforcerait de
maintenir avec l’association du Prado de
Lyon les liens les plus étroits en vue de la
conservation d’une identité de vue et de
l’esprit du Prado. MM Chavanne et Ribbe
se rendent à Bordeaux pour rencontrer les
membres du conseil d’administration. Il
reste quelques questions techniques à régler : la passation à l’association du Prado
de Bordeaux de la gestion des biens encore en possession du Prado de Lyon
1974, sous la présidence de Valéry Giscard D’Estaing, la majorité civile est portée de 21ans à 18 ans. La fin des Trente
Glorieuses annoncent des difficultés dans
tous les domaines.
1975 voit la fermeture du Prado du Perron
à Oullins. Divers éléments ont conduit à
cet état de fait : des difficultés de cohabitation avec le quartier, des difficultés
budgétaires et pédagogiques.
Le conseil d’administration se penche sur
les difficultés de certaines maisons qui
risquent de s’aggraver dans l’avenir. On se
demande si, en ce qui concerne les jeunes
adolescents, les placements en internat
ne vont pas diminuer. Il faudrait prendre
en compte 3 éléments :
les jeunes demandent une autonomie de
plus en plus tôt.
les ordonnances de 1971 qui requièrent
pour le placement l’accord du juge, des
parents, et du jeune, rendent les placements des grands adolescents plus aléatoires.
la transformation des internats classiques
en internats de semaine tend à priver les
premiers d’éducateurs de valeur.
Le Comité de Direction comprend désormais l’ensemble des directeurs de tous les
établissements et services du Prado.
1980, publication du rapport Bianco-Lamy qui préconise le maintien à domicile
des enfants et la recherche d’une plus
grande efficacité des dépenses sociales.
Les difficultés présentées par les jeunes
des différents centres du Prado, jointes au
contexte socio-économique de l’époque,
sont signalées comme malaisées à traiter.
Il faut tenir compte à la fois des difficultés du contexte de changement rapide
dans tous les domaines de la vie, et aussi
du nombre important de théories nouvelles qui se font jour pour expliquer ces
mêmes difficultés.
1982, un projet est présenté au Conseil
d’administration par l’équipe du Prado
de Salornay : il s’agirait de répartir les
établissements de la Providence du Prado
entre deux associations, chacune ayant à
sa tête un directeur général : l’Association du Prado (Rhône, Ain, Isère) : 8 établissements et services et l’Association du
Prado Saône et Loire : 7 établissements
et services. Elles auraient le même conseil
d’administration. Le maintien d’un siège
central à Lyon permettrait de sauvegarder la représentativité du Prado en tant
qu’œuvre de rééducation. Le projet est
adopté en l’état. Deux directeurs généraux sont désignés : M. Guy Dubuis pour
Rhône Alpes et M. Journet pour la Saône
et Loire.
Le Restaurant d’application L’Atelier au Point du Jour Lyon 5e
1985, le Prado du Cantin ouvre un restaurant d’application, l’Atelier, à Lyon
5ème , qui a pour objectif : « d’offrir à
des adolescent(e)s, en difficultés, des
conditions propices à l’acquisition de
Fondation du Prado - Association Prado Rhône-Alpes
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Prado de Salornay à Hurigny (71)
Maison d’Enfants Le Nid à Thodure (38) années 80
connaissances et à la familiarisation avec
une pratique professionnelle réelle. »
La Maison d’Enfants Le Nid, Orphelinat
agricole fondé en 1856 par Calixte LucPupat à Thodure, Isère, rejoint l’association du Prado.
1988, les établissements du Prado qui
ont pour mission principale d’aider à de
meilleures acquisitions scolaires, pointent les inhibitions, blocages et retards
de plus en plus graves dont souffrent les
enfants qu’on leur adresse, que les scolarités soient organisées à l’intérieur ou à
l’extérieur de l’établissement.
L’association du Prado de Salornay fait
un pas de plus vers son indépendance en
réunissant de son côté son conseil d’administration.
1991, après une lente maturation, une
évolution s’est faite dans l’association
du Prado. Elle est énoncée officiellement : la providence et les valeurs chrétiennes ont cédé la place à une vision
institutionnelle plus simplement humaniste qui ne présage pas, cependant, des
opinions individuelles. La conséquence
est que chaque salarié doit partager la
conviction qu’il met sa compétence directement ou indirectement au service
des usagers. On peut y voir un nouvel
esprit de l’association du Prado.
février 1992, publication au Journal officiel de la République : l’association de la
Providence du Prado prend le titre de «
Prado Rhône Alpes ».
Entre 2003 et 2005, l’Association met en
place des centres éducatifs renforcés et
fermés pour répondre à la nouvelle législation.
En 2004, l’Institut Élise Rivet rejoint Prado Rhône Alpes. Fondé en 1838, le refuge
Notre Dame de la Compassion devient le
Centre éducatif Notre Dame en 1971, puis
l’Institut Élise Rivet en 2002.
2007, la Fondation du Prado décide de
soutenir des activités d’insertion par
l’économique pour adultes. Deux struc-
tures juridiques sont créées et s’implantent à Thodure (38), sur le site de la Maison d’Enfant Le Nid : «Prado Services»,
entreprise d’insertion par l’économique et
une association, gérant un chantier d’insertion : «Les jardins du Prado».
En cette année 2010, la Fondation et
l’association du Prado commémorent la
naissance de l’œuvre du Prado. Les manifestations organisées rappellent le chemin parcouru et font le point sur l’aspect
professionnel du Prado aujourd’hui.
Prado Rhône Alpes comprend aujourd’hui
19 établissements et services répartis sur
6 départements. Il accueille chaque année environ 1000 enfants, adolescents et
jeunes adultes fragilisés. Il emploie plus
de 500 salariés. Les associations de Bordeaux et de Saône et Loire poursuivent
elles aussi leur développement.
En arrivant au terme de cette chronique,
on se rend compte de la nécessité de
posséder des archives, ne serait-ce que
pour pouvoir retracer une partie de
l’histoire de l’institution. Ces archives
devraient comprendre aussi des témoignages (écrits et oraux) qui viendraient
appuyer ou contredire les documents
officiels et susciter de nouvelles pistes
de recherche. Au fond, quel est l’intérêt
pour une institution de se pencher sur
son histoire ? « On n’apprend rien de
l’histoire » avions nous noté en exergue
de cette chronique, il ne s’agit pas simplement de cultiver la mémoire de notre
passé, mais de mettre au jour les intentions affichées lors de la création de nos
œuvres et de prendre appui sur nos actions. Nos réalisations sont souvent plus
belles que nos rêves.
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Institut Elise Rivet Lyon 5e (années 80-90)
Domaine de La Tour, CEF de la Plaine du Forez (42)
Les Jardins du Prado, Thodure (38)
Prado Services, Thodure (38)
une histoire du Prado
une courte chronique de notre (très) longue histoire...
Bibliographie :
Abbé Jean Audin, Que feront nos enfants ? Le problème de l’orientation, la solution
chrétienne. Edit. SPES, 1946, Paris, (un chapitre est consacré à l’école d’orientation du
Prado)
Adesa Loire Atlantique, Surveiller et éduquer sans punir, 1888-1988
Alliod Marius et Désigaux Jacques, Un fondateur d’action sociale, Antoine Chevrier Paris, ,
Bayard éditions,1992, collection travail social.
Archives de Prado Rhône Alpes
Archives des prêtres du Prado
ARSEA, Rapport moral, 1944 & Circulaire adressée aux œuvres de rééducation, 1943
Buche Joseph , L’abbé Camille Rambaud de Lyon, Cumin & Masson, 1907, Lyon
Bulletin du Prado : n° 45 de janvier 1948
Chambost C., Abbé., Vie nouvelle du vénérable Antoine Chevrier, Vitte, 1932, Lyon
Charleroy Ambroise, L’œuvre du Prado : entre histoire et paroles (1860-2010), Fondation
du Prado, Lyon, 2010.
Chauvière Michel, Enfance inadaptée. L’héritage de Vichy, Éditions Ouvrières, 1980, Paris,
& réédit. chez l’Harmattan, 2009
De Béranger Olivier, Alfred Ancel, un homme pour l’Évangile, Ed. du Centurion, 1988.
Journal officiel de l’État français, du 14 & 15 juin 1943 n° 142, Page 1632 (24)
Journal officiel de la République française du 1er février 1950, N° 27, page 1154
Latreille André, , Histoire de Lyon et du Lyonnais, Privat, 1975,Toulouse
Le Prado : N° 3, Nov. 1932, numéro 20, juin 1938, p. 22 – 26 A Salornay, Maison agricole
du Prado
Mayeur Jean Marie, Montclos Xavier de, Dictionnaire du monde religieux dans la France
contemporaine, volume 6, (consacré à Lyon) Beauchesne, 1997
Musset Yves, Histoire de la famille d’Antoine Chevrier, fondateur du Prado, Prado, 1989
Musset Yves, Lettres du père Chevrier, fondateur du Prado, édition critique, 2 volumes,
Limonest, 2006
Prado n°23, 1965, Le Prado au service de l’enfance et de la jeunesse.
Profichet Marcel, Dreano Vincent, Le livre de Marcel, Apogée, collection Piqué d’étoiles,
2009, (Récit de vie d’un ancien pensionnaire des maisons de rééducation, il est passé par le
Prado du Cantin dans les années 1950.)
Site Internet de l’Association du Prado de Saône et Loire
Site Internet de l’association Prado Rhône Alpes
Six Jean François, 1965, Un prêtre Antoine Chevrier, Fondateur du Prado, Seuil, Paris,
Tétard Fancoise, Dumas Claire, 2009, Les filles de justice : du Bon Pasteur à l’Éducation
surveillée (XIXe-XXe siècle), Paris Beauchesne,
Villefranche Jacques-Melchior, La vie du père Chevrier, fondateur de la Providence du
Prado, Vitte, 1913, Lyon.
10
2010 année du 150e anniversaire du Prado
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