Article de doctrine
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Article de doctrine
No 38 Bureau de dépôt : Louvain 1 Paraît 6 fois par an 5 avril 2015 http://www.jtl.lu Marc THEWES, rédacteur en chef DOCTRINE SOMMAIRE ■ Le rôle de la magistrature dans le développement de l’arbitrage Avant-propos, par V. Bolard . . . . . . . . . ■ Le point de vue français, par G. Pluyette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ■ Le point de vue belge, par C. Verbruggen . . . . . . . . . . . . . . . . ■ Le point de vue luxembourgeois, par T. Hoscheit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 34 40 46 Le rôle de la magistrature dans le développement de l’arbitrage Avant-propos ■ Appel - Jugement intermédiaire - Ouverture du droit d’appel - Décision sur le principal et institution d’une mesure d’instruction Conditions cumulatives - Notion de principal - Décision sur la loi applicable Notion de mesure d’instruction - Surséance à statuer. Cour de cassation, 27 novembre 2014 . 52 ■ Appel - Jugement sur incident (caution judiciaire) - Ouverture du droit d’appel Application de la loi - Interprétation Recours aux travaux préparatoires - Caution judiciaire - Droit accordé aux nationaux et aux ressortissants des États membres de l’Union européenne - Caution judiciaire Contrariété au droit d’accès au tribunal (non) - Principe constitutionnel d’égalité Réservé aux nationaux (non) - Reconnu au profit de tout individu touché par l’ordre juridique luxembourgeois - Appréciation Critère de comparaison - Situations comparables. Cour d’appel, 4e ch., 5 novembre 2014, observations de T. Hoscheit . . . . . . . . . 52 ■ Compétence des juridictions de l’ordre judiciaire à l’égard des décisions administratives individuelles - Impossibilité de remettre en cause, au moyen d’une action déclaratoire ou au moyen d’une demande de dommages-intérêts, un acte administratif à objet financier - Effet de forclusion de l’expiration du délai du recours contentieux devant le tribunal administratif. Cour d’appel, 2e ch., 21 janvier 2015 . . 58 ■ Principes généraux du droit - Nul ne peut se contredire au détriment d’autrui Application en matière de droit administratif (droit des marchés publics). Trib. adm., 26 mai 2014, note . . . . . . . 60 ■ Droits de l’homme - Condamnation du Luxembourg par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit au procès équitable en matière civile - Droit d’obtenir la réouverture du procès devant les tribunaux nationaux (non) - Droit à des dommages-intérêts additionnels (non) Autorité de chose jugée de l’arrêt de la Cour européenne. Trib. arr. Luxembourg, 1re ch., 28 janvier 2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 ■ Dates retenues. ISSN 2030-8590 P912528 JTL_038_02_2015.fm Page 33 Monday, May 11, 2015 1:42 PM réé en octobre 2013, le Think Tank pour le développement de l’arbitrage à Luxembourg est né d’une double conviction. D’une part, l’intérêt de l’arbitrage n’est pas purement commercial. L’arbitrage est aussi, dans une perspective intellectuelle, une discipline passionnante et il a même, dans une perspective p oli tiq ue au sens nob le, u ne fonct ion enthousiasmante : en particulier, l’arbitrage international permet des échanges entre les peuples qui sans cela n’auraient pas lieu. D’autre part, le Grand-Duché est naturellement appelé à jouer un rôle éminent en ce domaine, en raison de sa situation géopolitique, de sa vieille tradition de neutralité, de son plurilinguisme, de son multiculturalisme juridique et de la méthode instinctivement comparatiste des juristes luxembourgeois. Le Think Tank regroupe à ce jour une cinquantaine d’avocats, de professeurs de droit et de magistrats1. Ils travaillent actuellement à un projet de réforme de la loi luxembourgeoise. L’implication conjuguée de praticiens et de théoriciens est inspirée du prestigieux Comité français de l’arbitrage auquel la place de Paris doit une large part de son succès. Nécessaire au regard des enjeux intellectuels de la discipline, elle favorise une action raisonnée et efficace (ainsi le Comité français de l’arbitrage a-t-il été à l’origine de la dernière réforme française du droit de l’arbitrage). La présence des magistrats n’est pas non plus une anomalie. Comme l’illustre encore l’exemple français, l’arbitrage a besoin des juges. À cet égard, il faut se départir de l’idée fausse suivant laquelle le succès de l’arbitrage traduirait un échec de la justice étatique. Historiquement, l’arbitrage a peut-être précédé la justice étatique et il conserve un domaine qui lui est propre. Dans certains cas — on songe notamment aux relations commerciales avec les organisations étatiques — l’arbitrage est une condition sine qua non de l’échange : (1) Les magistrats, universitaires et avocats qui souhaiteraient rejoindre le Think Tank sont cordialement invités à envoyer un courriel à l’adresse [email protected]. sans clause compromissoire, les parties ne consentiraient pas au contrat. Mais on peut aller plus loin. Selon une formule aujourd’hui répandue, l’arbitrage est le « mode normal de règlement des différends du commerce international »2. Ceci suggère que l’arbitrage n’est pas réellement un mode « alternatif » de règlement des conflits3 : dans le domaine propre de l’arbitrage, c’est le recours au juge étatique qui est, en quelque sorte, une anomalie. Même dans ce domaine propre, l’intervention du juge étatique doit être possible, afin d’assurer le bon fonctionnement de l’arbitrage. L’arbitrage « ne peut pas se dispenser du concours de la justice étatique pour atteindre sa pleine efficacité »4. Ceci explique pourquoi « la réputation d’une place d’arbitrage dépend en bonne partie de la qualité et des modalités de traitement du contentieux lié à l’arbitrage »5. Il ne faut donc pas seulement que les magistrats comprennent l’arbitrage et se contentent de tolérer passivement son existence : il faut qu’ils soutiennent activement l’institution, en assurant au besoin le bon déroulement de l’instance arbitrale et en garantissant le respect des exigences nécessaires à son fonctionnement. C’est ce qu’illustre la figure moderne du juge d’appui. En bref, le succès de l’arbitrage est tributaire de la justice étatique. C’est donc naturellement que le Think Tank a décidé d’organiser sa première conférence sur « Le rôle de la magistrature dans le développement de l’arbitrage ». Cette conférence s’est tenue le 20 octobre 2014, en collaboration avec la Chambre de commerce de Luxembourg et le Comité français de l’arbitrage. Le Think Tank remercie vivement M. le ministre (2) Voir par exemple E. GAILLARD, « La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’arbitrage international », conférence donnée à la Cour de cassation française le 13 mars 2007, disponible en ligne à l’adresse https://www.courdecassation.fr/IMG/File/ pdf_2007/13-03-2007/13-03-2007_gaillard.pdf, nos 7 et 10. (3) E. GAILLARD, Aspects philosophiques du droit de l’arbitrage international, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 69, note 108. (4) Voir T. HOSCHEIT, contribution infra. (5) Voir C. VERBRUGGEN, contribution infra. JTL_038_02_2015.fm Page 34 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 34 de la Justice Félix Braz, qui a bien voulu l’honorer de sa présence à cette occasion. Il adresse aussi ses remerciements à ceux qui ont rendu cet événement possible, et notamment à Mme Anne-Sophie Theissen, secrétaire générale du Centre d’arbitrage de la Chambre de commerce, à Me Caroline Malinvaud, présidente du Comité français de l’arbitrage, à Me Philippe Leboulanger, président sortant du Comité français de l’arbitrage et à Me Jacques 2015 DOCTRINE Pellerin, vice-président du Comité français de l’arbitrage, qui est venu le représenter lors de la conférence. Le Think Tank remercie tout aussi chaleureusement les trois conférenciers, c’est-à-dire M. le président Thierry Hoscheit, qui a présenté le point de vue luxembourgeois ; M. Gérard Pluyette, conseiller doyen honoraire de la Cour de cassation française, qui a présenté le point de vue français et Madame Caroline Ver- bruggen, juge au tribunal de première instance de Bruxelles, qui a présenté le point de vue belge. Nous vous souhaitons bonne lecture de leurs remarquables contributions. Vincent BOLARD Avocat à la Cour, docteur en droit Chargé de cours associé à l’Université de Luxembourg Le point de vue français L’arbitrage est une pratique très ancienne en tant que mode de résolution des litiges. Mais il n’a pas seulement cette fonction conventionnelle de justice privée, c’est aussi un enjeu de pouvoir. Dans son article publié en 2005 dans la Revue de l’arbitrage, intitulé « Arbitrage et pouvoir politique en France du XVII e au XXe siècle »1, Mme Carine Jallamin a montré que jusqu’au XIXe siècle, l’arbitrage apparaît comme un enjeu de pouvoir entre l’organe du gouvernement et les juges. En effet, plus le pouvoir se méfie de la justice d’État et plus il veut la soumettre, plus il tend en retour à favoriser l’arbitrage, comme ce fut le cas au cours des deux derniers siècles de l’Ancien régime ainsi que dans les premières années de la Révolution qui ont consacré l’arbitrage généralisé et obligatoire. Plus, au contraire, le pouvoir s’appuie sur sa justice et lui accorde toute sa confiance, plus il cherche à réduire l’arbitrage, comme le montrent au XIXe siècle la codification napoléonienne et la condamnation par les juges de la clause compromissoire. Une évolution s’est ensuite fait jour en faveur de l’arbitrage. Avant 1981, il n’existait en droit français que peu de règles propres à l’arbitrage ; mais entre 1960 et 1970, par une série d’arrêts, la Cour de cassation a affirmé, en matière internationale, une conception très libérale de l’arbitrage ; je veux parler des arrêts Gosset, Galakis et Hecht2. Les décrets de 1980 et 1981 correspondent à une codification a minima marquée par un profond libéralisme, laissant dès lors aux juges et à la jurisprudence la charge de sa mise en œuvre de façon pragmatique ; le décret du 13 janvier 2011 a parachevé cette œuvre en consacrant principalement la jurisprudence de ces trente dernières années. L’idée essentielle qui me paraît avoir guidé les juges est, comme l’a exactement relevé le professeur Gaillard en 20073, celle d’une grande faveur à l’arbitrage, qui s’explique, d’abord, parce que la situation de concurrence ou même d’enjeu de pouvoir entre la justice étatique et l’arbitrage s’était nettement atténuée et, surtout, parce que les impératifs nouveaux du commerce international et la mondialisation des échanges imposaient un système d’arbitrage international attractif, efficace, sûr et prévisible. Pour expliquer ce rôle des juges français, je voudrais aborder trois points qui m’ont paru essentiels au gré de toutes les affaires dont j’ai pu connaître au cours de ces trente dernières années : d’abord, la reconnaissance d’un principe d’autonomie de l’arbitrage, notamment en matière internationale ; ensuite, un principe d’assistance et de coopération à la constitution du tribunal, enfin, la nécessité pour le juge étatique d’exercer un certain contrôle de la procédure ou de la sentence, le tout, dans le respect de la volonté des parties et dans un mouvement inéluctable d’une judiciarisation accrue de l’arbitrage. (1) C. JALLAMIN, Rev. arb., 2005, p. 3, et les références. (2) Cass. fr., 1re ch. civ., 7 mars 1963, Gosset ; 2 mai 1966, Galakis ; 4 juillet 1972, Hecht, R.C.D.I.P., 1974, p. 82, note LEVEL ; J.D.I., 1972, p. 843, note B. OPPETIT. (3) E. GAILLARD, « La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’arbitrage international », Rev. arb., 2007, p. 709. Dans une communication au colloque de Dijon tenu en avril 2013 sur l’ordre public4, le La reconnaissance de l’autonomie de l’arbitrage en tant que mode juridictionnel de résolution des litiges Ce principe s’est traduit d’abord par un effacement du concept d’inarbitrabilité, puis par la reconnaissance de règles matérielles dont celle de la validité de la convention d’arbitrage international et enfin, par l’application du principe compétence-compétence. A. L’effacement du concept d’inarbitrabilité (4) L. RAVILLON, « Que reste-il du concept d’inarbitrabilité ? », in L’ordre public et l’arbitrage, actes du collo- doyen Laurence Ravillon a bien montré que ce concept tend à s’effacer pour une certaine forme « de présomption d’arbitrabilité » fondée sur une approche et un parti pris favorables à l’arbitrage et sur la confiance des parties. Cette évolution incontestable résulte de la jurisprudence postérieure à l’arrêt Galakis de 1966 qui a jugé que l’interdiction pour l’État de compromettre n’est pas applicable à un contrat passé pour les besoins et dans les conditions conformes aux usages du commerce maritime. Dans cette jurisprudence, je voudrais citer l’arrêt Labinal de la Cour d’appel de Paris du 19 mai 19935, rendu sous la présidence du président Guy Canivet auquel j’ai participé ; à propos d’un litige impliquant des règles impératives du droit de la concurrence, la cour a jugé qu’en matière internationale « l’arbitrabilité du litige n’est pas exclue du seul fait qu’une réglementation d’ordre public est applicable au rapport litigieux », et que « l’arbitre a la compétence pour apprécier sa propre compétence quant à l’arbitrabilité du litige au regard de l’ordre public international et dispose du pouvoir d’appliquer les principes et les règles relevant de cet ordre public, ainsi que de sanctionner leur méconnaissance éventuelle sous le contrôle du juge de l’annulation ». Cet arrêt est fondamental. Cette solution novatrice a été étendue en matière d’arbitrage interne par un arrêt de la Cour de cassation du 9 avril 2002, puis, reprise par la Cour d’appel de Paris le 20 mars 2008. De même, la définition économique très extensive de l’internationalité du litige donnée par la Cour suprême et confirmée en 2012 dans le second arrêt Inserm6 est de nature à réduire le domaine de l’inarbitrabilité. Enfin, cette extension de l’arbitrabilité que des 15 et 16 mars 2013 de l’Université de Bourgogne, Paris, LexisNexis, 2014 p. 57 et les références. (5) Paris, 19 mai 1993, Rev. arb., 1993, p. 645, note C. JARROSSON ; J.D.I., 1993, p. 957 note L. IDOT. (6) Trib. conflits, 1er mai 2010, Rev. arb., 2010, étude M. Audit et les références ; R.F.J.A., 2010, p. 959 concl. M. Guyommar, p. 971, note P. D ELVOLVE ; cfr CE, 19 avril 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente c. St é Ryanai r, Rev. a rb. , 2013, p. 761, note M. LAAZOUZI. JTL_038_02_2015.fm Page 35 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 DOCTRINE s’est faite même pour des matières traditionnellement considérées comme non arbitrables, car trop imprégnées d’ordre public ; c’est ainsi que sont devenus arbitrables, sous certaines réserves, le droit de la concurrence7, le droit de la propriété intellectuelle ou industrielle (Paris, 28 février 2008 pour l’examen de la titularité d’un brevet par voie incidente8), de même le droit de la consommation (arrêt Jaguar9) ou le droit international du travail. Cette évolution traduit bien la confiance du juge étatique dans l’arbitrage, dans le respect de la volonté commune des parties. des règles matérielles, très simple, est d’une grande efficacité. Ce principe de validité de la convention d’arbitrage en matière internationale est une création prétorienne qui a été voulue par la Cour de cassation comme un instrument de politique judiciaire pour favoriser en France l’arbitrage international et le rendre attractif et effectif, sous réserve de l’intervention de l’ordre public. Enfin, c e p r i n c i p e s e c o m b i n e ave c c e l u i d e « compétence-compétence ». C. Le principe compétence-compétence B. Deuxième trait de cette faveur pour l’arbitrage : l’élaboration de règles matérielles C’est d’abord le principe de la validité de la convention d’arbitrage international, création de la jurisprudence, qui s’est construit peu à peu par une série d’arrêts de la Cour d’appel de Paris et de la première chambre civile de la Cour de cassation ; il constitue une règle matérielle du droit de l’arbitrage international10. I l faut d’ abord citer l’ arrêt Dalico du 20 décembre 199311 qui, dans une formulation particulièrement nette, a réaffirmé l’indépendance de la clause par rapport au contrat principal et par rapport à tout droit étatique ; la première chambre de la Cour de cassation précise « qu’en vertu de la règle matérielle du droit international de l’arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient ou par référence et que son existence et son efficacité s’apprécient sous réserve des règles impératives du droit français de l’arbitrage et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique » ; ce principe a été amplifié par l’arrêt Zanzi du 5 janvier 1999 et réaffirmé dans l’arrêt Copropriété Jules Verne du 7 juin 200612 et Soerni du 8 juillet 2009. Ce dernier précise que la règle matérielle se déduit du principe de validité de la clause, fondé sur la volonté commune des paries et sur l’exigence de bonne foi. Les conséquences en sont déterminantes, car ce principe permet à l’arbitrage international de ne plus se référer à des lois nationales, même à celles du siège de l’arbitrage, et de s’affranchir de la méthode conflictualiste, et donc de la règle des conflits de lois, chère aux internationalistes. Cette solution a suscité et suscite toujours de vives critiques en doctrine, mais la pratique judiciaire et arbitrale démontre que ce système (7) Ce sont les arrêts Mitsubishi aux États-Unis du 2 juillet 1985 et Eco Swiss de la C.J.C.E. du 1er juin 1999, Rev. arb., 1999, p. 631, note L. IDOT, et cfr les références en notes à l’article de L. RAVILLON, p. 66. (8) Paris, 28 février 2008, Rev. arb., 2009,p. 168, note T. AZZI. (9) Cass. fr., 1re ch. civ., 21 mai 1997, Rev. arb., 1997, p. 537, note E. GAILLARD. (10) Cfr C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Paris, Montchrestien, 2013, pp. 489 et s., nos 585 et s. (11) Cass. fr., 1re ch. civ., 20 décembre 1993, Rev. arb., 1994, p. 11, note H. GAUDEMET-TALLON ; J.D.I., 1994, p. 432, note E. GAILLARD. (12) Cass. fr., 1re ch. civ., 5 janvier 1999, Zanzi, Rev. arb., 1999, p. 260, note P. FOUCHARD ; Cass. fr., 1re ch. civ., 7 juin 2006, Copropriété maritime Jules Verne, Rev. arb., 2006, p. 945, note E. GAILLARD. Il s’agit d’un principe fondateur du droit de l’arbitrage qui s’est imposé non seulement en France, mais aussi à l’étranger et dans les conventions internationales ; il se déduisait des articles 1458 et 1466 du nouveau Code de procédure pénale ; il suffit de rappeler que ce principe, selon lequel il appartient à l’arbitre de statuer sur sa propre compétence, a été affirmé dans l’arrêt Zanzi de 1999 déjà évoqué13 ; il comporte deux effets, l’un positif, l’autre négatif14. a) L’effet positif permet aux arbitres de se prononcer sur leur propre compétence quand celle-ci est contestée ; b) L’effet négatif, qui revient à introduire une règle de priorité, interdit aux juridictions étatiques de connaître des contestations relatives à la compétence du tribunal arbitral tant que les arbitres ne se sont pas prononcés sur cette question. Les arbitres se prononcent sous le contrôle a posteriori du juge étatique de l’annulation. La portée de cet effet négatif de la nullité manifeste de la clause a été précisée par deux arrêts de la première chambre civile, l’arrêt ABS du 26 juin 2001 et l’arrêt Bureau Veritas du 27 avril 200415, en ajoutant un autre tempérament au principe compétence-compétence en cas d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage. Je voudrais souligner l’apport considérable apporté par cette référence à « l’inapplicabilité manifeste » pour avoir participé au délibéré de l’affaire Bureau Véritas ; je me souviens bien des débats, qui ont été très discutés. Sauf à ruiner le principe de priorité reconnu au tribunal arbitral pour statuer sur sa compétence, cet examen du juge étatique est celui de l’évidence, de l’incontestable et donc, prima facie, c’est exactement la démarche du juge des référés saisi d’une demande de provision ; or, parfois, les juges non-spécialistes du droit de l’arbitrage sont enclins à faire prévaloir leurs connaissances sur la question litigieuse pour affirmer que la clause est manifestement inapplicable ; il faut se garder de cette attitude qui risque peu à peu d’affaiblir l’effet négatif du principe « compétence-compétence ». Ainsi, le juge étatique marque une grande faveur à l’égard de l’arbitrage international. Cette faveur vers une autonomie de l’arbitrage inter(13) Cfr supra, note 11. (14) Cfr C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Paris, Montchrestien 2013 ; pp. 582 et s., nos 664 et s. (15) Cass. fr., 1re ch. civ., 26 juin 2001, American Bureau of Shipping, Rev. arb., 2001, p. 529, note E. GAILLARD ; Cass. fr., 1re ch. civ., 27 avril 2004, Bureau Veritas, Rev. arb., 2004, p. 851. 35 national s’est particulièrement marquée dans l’arrêt de principe Putrabali de la première chambre civile de la Cour de cassation du 29 juin 200716, rendu sous la présidence et au rapport du président Jean-Pierre Ancel. Faut-il le rappeler, cet arrêt a estimé que l’annulation d’une sentence arbitrale dans le pays où elle a été rendue n’interdit pas sa reconnaissance et son exécution sur le territoire français dans la mesure où « la sentence internationale, qui n’est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale ». Il fallait oser affirmer ce principe. Mais encore faut-il que le tribunal puisse se constituer conformément à la volonté des parties sans paralysie ni manœuvres dilatoires. À cette fin, les décrets de 1980 et 1981 ont donné au juge étatique une mission d’assistance et de coopération à l’arbitrage par l’intervention de celui qui m’est très cher, que l’on a dénommé, « le juge d’appui ». Dans le souci de rendre effectif l’arbitrage voulu par les parties, la jurisprudence lui a reconnu une véritable fonction de ce que j’ai appelé « la consolidation de l’arbitrage ». La consécration du juge d’appui dans sa fonction de consolidation de l’arbitrage Comme l’a relevé Philippe Fouchard en 1990, « le talon d’Achille de l’arbitrage, c’est le désaccord entre les parties au moment de se donner leur juge, spécialement après la naissance du litige. L’efficacité de cette justice privée suppose donc l’existence d’un relais, l’intervention d’une autorité de nomination pour pallier les blocages apparaissant alors dans la constitution du tribunal arbitral, pour désigner le ou les arbitres en cas de refus ou de désaccord entre les parties (ou des arbitres déjà nommés), ou pour trancher les incidents ultérieurs de récusation et de remplacement des arbitres17 ». Cette réflexion résume toute la problématique de celui que la jurisprudence française a dénommé « le juge d’appui ». C’est la mission d’aide, d’assistance et de coopération à l’arbitrage que les décrets de 1980 et 1981 ont introduit en France, à laquelle la jurisprudence a donné une grande ampleur ; il a été dénommé en tant que tel par la Cour de cassation en 2005 et, surtout, il a été consacré par le législateur dans le nouveau décret sur l’arbitrage du 13 janvier 201118. C’est cette jurisprudence, audacieuse, qui délibérément a donné une interprétation extensive aux textes pour assurer une véritable effectivité à l’intervention du juge d’appui, qui a fait de ce juge un juge à part en(16) Cass. fr., 1re ch. civ., 29 juin 2007, Putrabali, Rev. arb., 2007, p. 507, note E. GAILLARD. (17) P. FOUCHARD, in P. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Paris, Litec, 1996, no 828 p. 499 ; P. FOUCHARD, « La coopération du président du Tribunal de grande instance à l’arbitrage », Rev. arb., 1985, p. 5. (18) P. CHEVALIER, « Le nouveau juge d’appui », in Le nouveau droit français de l’arbitrage, Paris, Lextenso éd., 2011, pp. 143 et s. ; C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Paris, Montchrestien 2013, « L’intervention du juge d’appui pour résoudre les difficultés de constitution du tribunal arbitral », pp. 260 et s., nos 259 et s., puis pp. 696 et s., nos 764 et s. JTL_038_02_2015.fm Page 36 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 36 tière au seul service de l’arbitrage dans le respect des principes fondamentaux. A. Une volonté d’assurer l’effectivité de l’arbitrage par le règlement des incidents La jurisprudence ne s’est pas limitée à une interprétation étroite du texte de l’article 1444 du N.C.P.C., mais bien au contraire, a étendu sa compétence au règlement des incidents postérieurs à la constitution du tribunal arbitral. Ce fut l’affaire de La belle Créole ; dans une formule très générale, le président du T.G.I. de Paris du 30 octobre 1990 a défini, l’étendue de sa compétence, en ces termes : « La disposition de l’article 1493, alinéa 2, du N.C.P.C. ne limite pas l’intervention du juge étatique, pour l’exercice de sa mission d’instance technique et de coopération judiciaire à l’arbitrage, aux seules opérations de constitution du tribunal ab initio, mais lui donne le pouvoir de régler, dans le respect de la volonté commune des parties, une difficulté relative à un événement postérieur affectant la constitution du tribunal arbitral, ne permettant plus à ce dernier de poursuivre l’exercice des prérogatives attachées au pouvoir de juger ». Dans cette formule, tout est dit ; en déclarant le recours contre cette décision irrecevable, la Cour d’appel de Paris a confirmé cette interprétation qui a été réitérée à de nombreuses reprises. Cela vise les circonstances les plus diverses : décès, démission, empêchement d’un arbitre intervenus au cours de l’instance arbitrale. On doit également citer l’arrêt Nioc c. État d’Israël de la première chambre civile du 1er février 200519 ; cet arrêt a consacré le droit à l’arbitre en étendant la compétence internationale du président du T.G.I. de Paris en cas de déni de justice. Il suffit de rappeler rapidement les circonstances de fait. La société iranienne Nioc avait conclu un contrat avec l’État d’Israël concernant la réalisation des travaux pour le transport du pétrole. En cas de litige, la clause d’arbitrage stipulait la désignation du troisième arbitre par la C.C.I. en cas de désaccord des premiers arbitres. Or la société Nioc ayant désigné un arbitre, l’État d’Israël s’est refusé à désigner le second. Le blocage était total et durable. La société Nioc se tourne alors vers le juge d’appui français qui en première instance refuse d’intervenir, l’arbitrage ne se déroulant pas en France et n’étant pas soumis à la loi de procédure française ; or la Cour d’appel de Paris infirme pour se reconnaître compétente. Il convient de relire l’attendu de principe : « Mais attendu que l’impossibilité pour une partie d’accéder au juge, fût-il arbitral, chargé de statuer sur sa prétention, à l’exclusion de toute juridiction étatique, et d’exercer ainsi un droit qui relève de l’ordre public international consacré par les principes de l’arbitrage international et l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, constitue un déni de justice qui fonde la compétence internationale du président du tribunal de grande instance de Paris, dans sa mission d’assistance et de coopération du juge étatique à la constitution d’un tribunal arbitral, dès lors qu’il existe un rattachement (19) Cass. fr., 1re ch. civ., 1er février 2005, État d’Israël c. Sté Nioc, Rev. arb., 2005, p. 693, note H. MUIR WATT ; R.C.D.I.P., 2006, p. 140, note T. CLAY. 2015 DOCTRINE avec la France ». La Cour d’appel ayant relevé que la société Nioc était dans l’impossibilité de saisir les tribunaux israéliens ou iraniens pour nommer l’arbitre et qu’il existait un lien, fût-il ténu avec la France, la Cour de cassation a jugé qu’elle en avait déduit à bon droit que cet état de fait constituait un déni de justice justifiant la compétence du juge d’appui français. En consolidant ainsi cet arbitrage international, la Cour de cassation rend effectif ce droit à l’arbitre comme la Cour européenne et la Cour de cassation a reconnu le droit au juge. Cet arrêt Nioc a été considéré par la doctrine et la pratique française et internationale de l’arbitrage comme étant l’une des décisions majeures de ces dernières années, ce qui a conduit le législateur de 2011 à consacrer cette solution dans l’article 1505, alinéa 4, du C.P.C. qui dispose qu’en matière internationale, le juge compétent est le président du T.G.I. de Paris lorsque « l’une des parties est exposée à un risque de déni de justice ». Il ne s’agit pas d’un cas d’école, car il aurait pu se produire à propos de l’arrêt du 28 mars 2013, Rouger c. Mattéi. Allant plus loin, la Cour de cassation, dans des décisions récentes a reconnu au juge d’appui le pouvoir d’ordonner des mesures préparatoires ou préventives pour permettre la constitution du tribunal arbitral. S’agissant de l’obligation de révélation par l’arbitre des liens susceptibles d’exister avec une partie, mettant en cause, le cas échéant, son indépendance ou son impartialité, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 juin 200620 a reconnu au juge d’appui le pouvoir d’ordonner une mesure préparatoire d’instruction, sans excéder ses pouvoirs, dans la mesure où la partie refusait de révéler le nombre d’arbitrage dans lequel il avait nommé ce même arbitre et la nature des arbitrages ; cette mesure consistait en une injonction de fournir des informations : « Que la Cour d’appel a exactement décidé qu’en ordonnant une mesure préparatoire, le juge d’appui n’avait pas excédé ses pouvoirs, dès lors qu’il avait pour mission de résoudre les difficultés de constitution du tribunal arbitral de manière à ce que cette juridiction soit investie de la confiance des parties ». B. Comment cette jurisprudence s’est-elle construite ? Elle s’est peu à peu élaborée grâce à la procédure mise en œuvre par le juge d’appui, puis surtout par le respect des principes essentiels du droit de l’arbitrage. 1. La procédure en référé Le choix de cette procédure me paraît avoir été, en 1980 et 1981, déterminant pour l’avenir de cette coopération du président du T.G.I., dont celui de Paris, que certains 21 ont qualifié « d’institution permanente d’arbitrage ». Sa rapidité, sa simplicité, son absence de formalisme dans le respect du contradictoire permettent au juge de prendre des mesures immédiates et exécutoires. (20) Cass. fr., 1re ch. civ., 20 juin 2006, Prodim c. Nigioni, Rev. arb., 2007, p. 3, note ORTSCHEIDT. (21) J.-L. DELVOLVE, Rev. arb., 1981, p. 487. Ayant été juge d’appui à Paris de 1982 à 1990, je voudrais expliquer comment ce juge concevait sa mission. La désignation d’un arbitre repose sur la transparence, la confiance et l’acceptation de la décision. Il faut donc rechercher le maximum d’adhésion à la mesure ordonnée, alors qu’une partie justement résiste pour des motifs les plus divers, sinon, l’arbitrage commence mal. Toute désignation autoritaire est juridiquement possible, mais ne correspond pas du tout à l’esprit de l’arbitrage, fondé sur l’accord des parties. Cette intervention du juge étatique est favorisée par une procédure très souple, par une démarche empirique du juge et une pratique judiciaire qui recherchent cette efficacité22. a. Une procédure souple et rapide Le décret du 13 janvier 2011, en instituant le juge d’appui, a bien clarifié l’identification du juge compétent ; le nouvel article 1459 du C.P.C. a précisé qu’en matière d’arbitrage interne, c’était le président du tribunal de grande instance ou, si les parties en convenaient, le président du tribunal de commerce pour les seuls cas visés aux articles 1452 à 1454 du C.P.C. ; en matière d’arbitrage international, le décret a heureusement maintenu la concentration de compétence exclusive en la personne du président du tribunal de grande instance de Paris. En outre, en matière de récusation, de démission ou d’empêchement d’un arbitre, c’est la seule compétence du président du tribunal de grande instance. L’article 1460 du C.P.C. a défini les règles de procédure : « le juge d’appui est saisi soit par une partie, soit par le tribunal arbitral ou l’un de ses membres. La demande est formée, instruite et jugée comme en matière de référé ». La procédure du référé présente de nombreux avantages : — Simplicité et sans forme : la saisine du juge d’appui doit être faite par voie d’assignation, mais il a été jugé qu’elle puisse être engagée par requête conjointe des parties23 lorsque les circonstances le justifient, ce qui peut se produire si la difficulté de constitution ne traduit pas une réelle opposition des parties (par exemple, simple difficulté des deux arbitres pour choisir le troisième, président du tribunal arbitral). Mais surtout, la procédure orale favorise une libre discussion entre le juge et les parties, dont les échanges personnels et directs, avec la participation de leurs avocats, peuvent permettre l’émergence de solutions consensuelles. Enfin, cette procédure assure une forte implication du juge d’appui, dont l’objectif est de parvenir à une solution au conflit. — Procédure contradictoire et au fond : cette condition, déjà introduite dans la réforme de 1980, est essentielle, car elle permet un examen approfondi du différend en prenant en considération les arguments de chacune des parties, sans que puisse être opposée l’existence d’une contestation sérieuse, exclusive de la compétence du juge des référés ; c’est un véritable débat qui s’instaure devant le juge d’ap(22) Cfr G. PLUYETTE, « La désignation d’un arbitre par le juge d’appui », in Mélanges en l’honneur de Pierre Mayer, à paraître aux éditions Litec en octobre 2015 ; cet article, auquel on peut se référer, développe l’ensemble de cette question. (23) T.G.I. Paris, ord. req., 22 février 1984, Rev. arb., 1985 p. 91 ; Cass. fr., 2e ch. civ., 19 mai 1999, Rev. arb., p. 593, note A. HORY. JTL_038_02_2015.fm Page 37 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 DOCTRINE pui, permettant le plus souvent de mettre à jour les véritables difficultés ou les réticences d’une partie à s’engager dans la procédure arbitrale. C’est avant tout une procédure très rapide, adaptée à l’urgence, qui peut utiliser le jour fixe pour éviter la paralysie de l’arbitrage et qui doit s’inscrire dans un délai très court pour agir24. — Décision sans recours et revêtue de l’autorité de la chose jugée : selon l’article 1460, alinéa 3, du C.P.C., « Le juge d’appui statue par ordonnance non susceptible de recours. Toutefois, cette ordonnance peut être frappée d’appel lorsque le juge déclare n’y avoir lieu à désignation pour une des causes prévues à l’article 1455 ». Ainsi, l’ordonnance qui nomme un arbitre est assortie de l’autorité de la chose jugée au regard des contestations qui sont soulevées25 ; cependant, l’ordonnance peut faire l’objet d’un appel-nullité pour excès de pouvoir26. b. La pratique judiciaire : une démarche empirique Comme le relève Philippe Fouchard, dans l’article majeur qu’il a consacré à ce sujet en 198527, les textes ne fournissant qu’un cadre procédural général, le juge étatique dispose d’une grande latitude quant à la manière concrète de mener à bien sa mission. La désignation d’un arbitre repose sur la transparence, la confiance28 et l’acceptation de la décision par les parties et leurs avocats ; il faut donc rechercher le maximum d’adhésion à la mesure ordonnée, sinon, l’arbitrage commence mal29 ; il (24) Le décret du 13 janvier 2011 a fixé un délai d’un mois à la partie pour choisir un arbitre ou aux arbitres pour désigner le troisième, à défaut duquel le juge d’appui peut procéder à sa désignation (article 1452 du C.P.C.). (25) Autant la décision du juge d’appui qui nomme un arbitre se présente en quelque sorte comme une décision d’administration arbitrale, lorsqu’il statue sur une demande de récusation, c’est une véritable décision de nature quasi juridictionnelle qu’il prend et qui ne peut pas être remise en cause lors du recours en nullité contre la sentence, sauf preuve de circonstances nouvelles postérieures ; en revanche, la décision prise par un centre d’arbitrage sur une même demande de récusation, qui n’a pas l’autorité de chose jugée, peut être remise en cause lors du recours contre la sentence, pour composition irrégulière du tribunal arbitral ; cette distorsion de régime pose une question très sérieuse qui devrait, à l’avenir, être étudiée. (26) Cfr Cass. fr., 1re ch. civ., 22 septembre 2010, Bull. civ., I, no 175 ; Cass. fr., 1re ch. civ., 19 décembre 2012, n o 11-10535 ;_et sur l’ensemble de la question : C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Paris, Montchrestien 2013 ; nos 270 et s., p. 267. (27) P. FOUCHARD, « La coopération du président du Tribunal de grande instance à l’arbitrage », Rev. arb., 1985, p. 5, et, dans le recueil réuni en son hommage, Écrits Droit de l’arbitrage - Droit du commerce international, publié par le Comité français de l’arbitrage, 2007, pp. 25 et s. Dans cet article, le professeur P. Fouchard a analysé l’intégralité des ordonnances du président du tribunal de Paris concernant le rôle et les interventions du juge étatique en tant que « juge d’appui » pendant les cinq premières années de l’application du décret pour en présenter une synthèse remarquable. Les références aux décisions publiées dans la Revue de l’arbitrage permettent de connaître leur texte et, notamment, les formules de dispositifs utilisés par les juges d’appui. (28) Pour le professeur Éric Loquin, « l’arbitrage est d’abord une relation de confiance entre les parties et les arbitres », ce qui explique la jurisprudence récente beaucoup plus exigeante en matière d’indépendance et d’impartialité des arbitres. (29) Parfois, sans respecter les demandes de la partie, son avis ou même les prendre en considération, le juge d’appui et, notamment certains présidents de tribunaux de commerce, ont désigné et désignent toujours, d’office cet arbitre ; ceci est très regrettable, car il compromet la faut associer le plus possible les parties et, surtout, la partie résistante, à la procédure de désignation de l’arbitre sans permettre le dilatoire, tout en étant au plus près de leur volonté ; deux moyens peuvent être utilisés : — D’abord, c’est donner à la partie un délai de réflexion pour nommer elle-même l’arbitre. Or plusieurs situations peuvent se présenter : soit, le défendeur est défaillant, soit, il oppose une exception de fond pour contester la procédure d’arbitrage. Lorsque le défendeur défaillant refuse de désigner un arbitre, plutôt que de nommer celui-ci immédiatement, le juge d’appui doit impartir à cette partie un bref délai (de huit jours à quinze jours) pour y procéder, ce qui peut clore l’incident, ou pour donner son avis sur des noms suggérés par ce juge ; c’est souvent suffisant pour débloquer la situation ; il doit alors donner acte de cette nomination ou la confirmer30. En effet, souvent, c’est le principe même de l’arbitrage qui est mis en cause, la partie estimant qu’elle ne doit pas être attraite à la procédure ou soutenant que la clause compromissoire est manifestement nulle ou insuffisante, ou même que le juge saisi n’est pas compétent pour statuer sur la demande de désignation d’arbitre. Le juge d’appui doit préalablement trancher cette exception d’incompétence avant de désigner l’arbitre ; s’il la rejette, il doit laisser à la partie la possibilité de nommer personnellement cet arbitre en lui ménageant toujours ce bref délai de réflexion ou en organisant une discussion contradictoire avec les parties présentes à l’audience ou leurs avocats pour rechercher le nom d’un arbitre faisant consensus. Si, en revanche, la partie qui soulève cette exception d’incompétence avait désigné, à titre subsidiaire, un nom d’arbitre, le juge d’appui ne peut pas nommer une autre personne, car il doit respecter ce choix31. — Ensuite, il faut user de la technique du renvoi d’audience32, sans formalisme, à très bref délai et à jour fixe pour proposer des solutions, contrôler l’exécution des mesures prises ou statuer sur les difficultés relatives à la constitution définitive du tribunal arbitral ; Nous voyons donc que les techniques utilisées par le juge d’appui sont les plus diverses ; elles doivent s’adapter aux spécificités du litige et à la personnalité des parties, ainsi qu’à la personnalité et les qualités de l’arbitre pressenti ; elles doivent toujours tendre à l’efficacité pour permettre une constitution rapide du tribunal arbitral. poursuite sereine de l’arbitrage, suscite de multiples difficultés et contribue à judiciariser la procédure au lieu de l’apaiser. Mais surtout, il porte atteinte au crédit de la place de Paris comme centre international de l’arbitrage ainsi qu’au rôle du juge d’appui français comme facilitateur de la constitution du tribunal arbitral. Cfr infra, la nécessité d’associer les parties au processus de désignation. (30) Cfr P. FOUCHARD, « La coopération du président du Tribunal de grande instance à l’arbitrage », Rev. arb., 1985, p. 5, notes 8, 9, 12 et 63 ; cependant, au cours de cette démarche, peuvent se greffer des oppositions ou des incidents de récusation de l’arbitre dont le juge d’appui se trouve alors saisi. (31) Cass. fr., 1re ch. civ., 8 juin 1999, Rev. arb., 2000 p. 116, note E. LOQUIN ; C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Paris, Montchrestien 2013 ; no 777, p. 708. (32) Cette technique procédurale du renvoi d’audience et du suivi des mesures a été mise en œuvre dès les années 1970 au tribunal de grande instance de Paris en référés dans le contentieux des conflits collectifs du travail (occupation d’usines ; grèves, etc.) elle a été ensuite étendue à l’arbitrage par le premier président Drai pour la mise en application de la réforme de 1980 et 1981. 37 2. Le respect des principes essentiels Il s’agit principalement du respect de la volonté des parties, du refus de toute immixtion dans les opérations d’arbitrage, de la subsidiarité de la compétence du juge étatique par rapport au centre préconstitué d’arbitrage. L’intervention du juge d’appui est supplétive de volonté ; c’est l’interprétation qui a été donnée par la jurisprudence depuis de nombreuses années et qui a été clairement confirmée par le décret du 13 janvier 2011 dans les articles 1451 à 1456 du C.P.C., qui énoncent que faute d’accord des parties, les différends sont réglés « par la personne chargée d’organiser l’arbitrage, ou, à défaut, tranchés par le juge d’appui ». À défaut, il signifie qu’il s’agit d’une compétence subsidiaire et donc résiduelle du juge, qui s’apprécie en fonction et dans les limites du règlement de l’institution d’arbitrage33. À cet égard, les règlements des centres préconstitués d’arbitrage, tels ceux de la C.C.I., de l’A.F.A. ou des autres centres professionnels comme la Chambre d’arbitrage internationale de Paris, sont de plus en plus complets et actualisés pour prévoir et régler tous les cas d’intervention (nomination d’arbitre, récusation, remplacement, démission ou décès, etc.). Ces centres modifient périodiquement leur règlement pour les adapter aux circonstances nouvelles nées de la pratique arbitrale et de la jurisprudence nationale ou internationale. C’est ainsi qu’ont été introduites les procédures d’urgence ou la possibilité de mesures provisoires ou conservatoires ordonnées par le tribunal arbitral. Le juge d’appui étatique n’a plus alors vocation à intervenir fréquemment comme c’était le cas au cours des années 1985 à 199534 ; il se borne à suppléer la carence de l’institution ou à régler une difficulté de constitution du tribunal arbitral. Pour illustrer l’esprit dans lequel doit intervenir le juge d’appui, je voudrais citer un arrêt pour lequel la Cour de cassation a imposé à un juge d’appui d’exercer tous ses pouvoirs (Cass. fr., 1re ch. civ., 20 février 2007, no 06-1410735) ; pour un même litige, les parties étaient convenues de deux clauses contradictoires désignant successivement la C.C.I. et l’A.F.A. comme centres préconstitués d’arbitrage ; la Cour d’appel avait jugé ces clauses manifestement inapplicables, car contradictoires et avait renvoyé les parties devant le juge étatique considéré comme seul compétent, car il aurait fallu « une nouvelle manifestation de volonté des parties pour la rendre efficiente ». L’arrêt est cassé au visa du principe compétence-compétence et l’article 1493 du N.C.P.C., car le juge d’appui (33) T.G.I. Paris, réf., 23 octobre 2013, no 13/57483, Dassier, D., 25 décembre 2014, no 44, p. 2546, obs. T. CLAY ; T.G.I. Paris, réf., 22 janvier 2010, Rev. arb., 2010. 571, note J.-B. RACINE ; cfr G. PLUYETTE, « La désignation d’un arbitre par le juge d’appui », in Mélanges en l’honneur de Pierre Mayer, à paraître aux éditions Litec en octobre 2015. (34) Voir notamment les affaires Philipps Brothers, Rev. arb., 1990, pp. 497 et 880, République de Guinée, Rev. arb., 1988, p. 371, et les références dans le Traité susvisé à la note no 1. TGI Paris, réf., 23 octobre 2013, no 13/57483, Dassier, D., 25 décembre 2014, no 44, p. 2546, obs T. CLAY ; voir cependant Cass. fr., 1re ch. civ., 25 juin 2014, Nycool A, J.C.P., 2014, p. 857, obs. J. ORTSCHEIDT, qui applique une conception étroite de l’excès de pouvoir en limitant l’application du principe de subsidiarité, ce qui apparaît contestable. (35) Cass. fr., 1re ch. civ., 20 février 2007, no 06-14107. JTL_038_02_2015.fm Page 38 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 38 pouvait intervenir pour faire respecter la volonté de recourir à l’arbitrage nonobstant la divergence sur le choix du centre d’arbitrage qui n’était pas déterminante de leur volonté : « qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une inapplicabilité manifeste de la clause dès lors qu’elle ne constatait pas une absence de volonté des parties de recourir à l’arbitrage et que le juge d’appui, seul compétent pour statuer sur les difficultés de constitution du tribunal arbitral, n’avait pas été saisi, la Cour d’appel a violé le principe et le texte susvisé ». En l’espèce, la Cour d’appel aurait dû renvoyer l’examen du litige au juge d’appui. Cette faveur à l’égard de l’arbitrage international ne saurait être acceptable sans limites, sans un contrôle de la décision des arbitres. Le contrôle de la procédure et de la sentence Dès lors qu’une partie demande la reconnaissance ou l’exécution en France de la sentence, l’État doit pouvoir faire respecter ses principes fondamentaux, par un contrôle de la procédure suivie ainsi que des conséquences de la sentence. Je ne peux pas examiner toute la jurisprudence qui s’est développée : respect de la contradiction, principe de bonne foi et de loyauté, égalité des parties dans la désignation de l’arbitre, droit d’accès au juge (affaire Pirelli), interdiction de se contredire au détriment d’autrui et reconnaissance formelle de l’estoppel dans l’arrêt Golshani (2005)36, etc. ; je veux simplement aborder deux points qui sont les plus délicats actuellement en ce qui concerne le rôle des juges : le contrôle des qualités de l’arbitre : indépendance et impartialité et le contrôle de l’ordre public de fond en matière internationale (article 1520, § 5, du C.P.C.). A. Le contrôle des qualités de l’arbitre : indépendance et impartialité L’arbitre remplit une mission juridictionnelle, fondée sur la confiance des parties en ses qualités personnelles et professionnelles ; il est un juge et doit être indépendant (absence de liens avec les parties) et impartial (absence de préjugé) ; un arrêt récent l’a réaffirmé avec force (Cass. fr., 1re ch. civ., 16 mars 1999) : « l’indépendance et l’impartialité sont de l’essence de la fonction arbitrale »37. Pour le juge étatique, cette double exigence est une obligation légale inscrite dans le Code de procédure civile au titre des causes de (36) Sté Pirelli c. Sté Licensing Projects ; Paris, 17 novembre 2011, Rev. arb., 2011, p. 266, note F.X. TRAIN ; D., 2011, p. 3031, note T. CLAY, arrêt cassé par Cass. fr., 1re ch. civ., 28 mars 2013, no 11.277 70 ; Rev. arb. 2013, p. 747, note F.X. TRAIN ; Cass. fr., 1re ch. civ., 6 juillet 2005, D., 2005, pan. 3060, obs. T. CLAY ; Rev. arb. 2005, p. 993, note P. PINSOLLE ; (37) Cass. fr., 2e ch. civ., 13 avril 1972, Ury c. Galeries Lafayette, no 70 12774 ; Paris, 5 mai 1989, Dutco, Rev. arb., 1989, p. 723, note BELLET ; Cass. fr., 1re ch. civ., 16 mars 1989, Bull. civ., I, no 88 ; et plus généralement sur la question : B. AUDIT et L. D’AVOUT, Droit international privé, 7 e éd., Economica, n os 1212 et s. ; C. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Paris, Monchrestien, 2013, nos 222 et s. ; D. COHEN, « Indépendance des arbitres et conflits d’intérêts », Rev. arb., 2011, p. 611. 2015 DOCTRINE récusation ; mais en matière d’arbitrage, aucun texte ne la prescrivait, et c’est la jurisprudence qui l’a imposée aux arbitres par une création prétorienne dont les arrêts successifs en ont dessiné les contours depuis 1981. Cette jurisprudence a été consacrée par le décret de 2011 dans l’article 1456, § 2, du C.P.C., applicable en matière internationale, et qui a imposé aux arbitres un devoir de révélation ; cette règle s’impose aussi dans la plupart des pays et systèmes d’arbitrage étrangers. L’étude de la jurisprudence démontre la grande variété des situations pouvant se présenter, qui intéressent davantage l’indépendance que l’impartialité. Si dans un premier temps, elle s’est limitée aux seuls cas de récusation visés par l’article 341 du C.P.C., la Cour de cassation a abandonné cette conception restrictive, ce que le décret de 2011 a confirmé, imposant à l’arbitre dans l’article 1456 du C.P.C. de révéler « toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance et son impartialité ». Sans établir un catalogue plus ou moins exhaustif des circonstances, on peut relever d’abord tout ce qui a trait à des rapports de subordination de fait ou de droit entre l’arbitre et la partie, l’arbitre et les coarbitres, ou l’arbitre et les avocats ou conseils des parties. Cela vise aussi les relations d’amitié ou des relations professionnelles ou d’affaires pouvant exister entre eux. Je voudrais seulement évoquer deux situations qui ont donné lieu à décisions judiciaires récentes : D’abord, les désignations multiples d’un même arbitre pour des litiges similaires ; c’est la théorie dite « du courant d’affaires », notamment, dans le droit de la distribution ou dans le droit de la construction ; par deux arrêts du 20 octobre 201038, la première chambre civile a jugé « que le caractère systématique de la désignation d’une même personne, par les sociétés d’un même groupe, sa fréquence et sa régularité sur une même période, dans des contrats comparables, ont créé les conditions d’un courant d’affaires entre cette personne et les sociétés du groupe, partie à la procédure, de sorte que l’arbitre devait révéler ces circonstances pour permettre à la partie adverse d’exercer son droit de récusation ». De même, très délicate est la situation de l’arbitre nommé dans plusieurs arbitrages qui concernent des litiges connexes ou interdépendants39. Ensuite, actuellement, ce sont les relations pouvant exister entre l’arbitre et l’avocat, conseil d’une partie, qui posent des difficultés relatives à l’indépendance de l’arbitre ; deux arrêts illustrent cette situation, ils font encore l’objet de recours : — L’arrêt Technimont : la Cour d’appel de Paris, le 12 février 200940, a annulé la sentence (38) Cass. fr., 1re ch. civ., 20 octobre 2010, deux arrêts, J.C.P., éd. G, 2011, I, 1286, no 1, obs. SERAGLINI ; D., 2010, pan., p. 2933, obs. T. CLAY. (39) T.G.I. Paris, réf., 2 mars 2012, Rev. arb., 2013, p. 183, note critique de J. ORTSCHEIDT. (40) Paris, 12 février 2009, Rev. arb., 2009, p. 186, note T. CLAY ; Reims, 2 novembre 2011, Rev. arb., 2012, p. 112, note M. HENRY ; J.C.P., éd. G, 2011, I, 1432, no 5, obs. J. BEGUIN ; Cah. arb., 2011, p. 1109, note T. CLAY. Cet arrêt a été à nouveau cassé par une décision de la Cour de cassation du 25 juin 2014, J.C.P., 2014, doctr. 857, § 4, obs. C. SERAGLINI ; J.C.P., 2014, act. 742, obs. T. CLAY ; chron. T. CLAY, « Techimon, saison 4 - Entre révélation et réaction », Cah. arb., 2014-3, p. 547 ; cfr B. AUDIT et L. D’AVOUT, op. cit., no 1212. arbitrale, motifs pris du défaut d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre, président du tribunal, désigné par la société Technimont, résultant de liens entretenus entre cette partie et la structure d’avocats à laquelle appartenait l’arbitre par l’intermédiaire de filiales. C’est le phénomène de la mondialisation des cabinets d’avocats, qui créent des cabinets secondaires dans toutes les places économiques du monde : Asie, Proche-Orient, Amérique du Nord et du Sud. Des conflits d’intérêts peuvent survenir en raison des dossiers traités par ces filiales à propos de litiges intéressant des groupes de sociétés multinationaux. — L’arrêt Néoelectra, très important, de la première chambre civile du 10 octobre 201241 ; il était reproché à un arbitre, professeur de droit, de ne pas avoir révélé que huit ans avant le début de l’arbitrage, il avait été conseil d’un grand cabinet d’avocats, alors que l’avocat de la partie qui l’avait désigné, avait rejoint ce cabinet et qu’entre 2000 et 2008, ce professeur avait donné des consultations juridiques pour ce cabinet. La Cour d’appel de Paris avait annulé la sentence en reprochant à l’arbitre de ne pas avoir satisfait à son obligation de révélation ; B. Le contrôle de l’ordre public de fond en matière internationale (article 1520, § 5, du C.P.C.) Cette question, très importante, fait toujours l’objet de très vives discussions en doctrine42, tant en France qu’à l’étranger ; elle me parait devoir évoluer dans la jurisprudence française ; ce n’est pas le principe du contrôle en luimême qui fait difficulté, mais c’est l’intensité de ce contrôle par le juge étatique. Deux thèses se sont affrontées : l’une, dite maximaliste et l’autre, dite minimaliste ; pour le contrôle maximaliste, le juge procède à un examen détaillé, approfondi et minutieux de la façon dont l’arbitre a appliqué la règle d’ordre public ; la conception minimaliste laisse une plus grande liberté à l’arbitre, le juge se contentant de vérifier la sentence dans son ensemble, sans procéder au réexamen des points tranchés par l’arbitre mettant en cause l’ordre public international français. La jurisprudence récente, mue principalement, mais à tort, par la crainte de procéder à une révision au fond du litige, a adopté la conception minimaliste dans l’arrêt Thales de la Cour d’appel de Paris du 18 novembre 2004, très critiqué, puis par l’arrêt SNF, plus nuancé, de la Cour de cassation du 4 juin 200843 ; ce dernier (41) Cass. fr., 1re ch. civ., 10 octobre 2012, J.C.P., éd. G, 2012, 1354, no 1, obs. SERAGLINI ; Rev. arb., 2013, note C. JARROSSON. (42) Voir notamment, G. PLUYETTE, « Actualités du droit de l’arbitrage : l’obligation de révélation des arbitres et le contrôle de l’ordre public de fond par la Cour de cassation », in Mélanges en l’honneur du professeur Bernard Audit, L.G.D.J., 2014 p. 630 ; et, sur l’ensemble de cette question : S ERAGLINI et O RTSCHEIDT , op. cit., nos 980 et s. avec toutes les références citées ; B. AUDIT et L. D’AVOUT , op. cit., n os 1258 et s. ; P. M AYER , « L’étendue du contrôle, par le juge étatique, de la conformité des sentences arbitrales aux lois de police », in Mélanges H. Gaudemet-Tallon, Paris, Dalloz, 2008, p. 459 ; colloque de Dijon, « L’ordre public », Paris, LexisNexis, 2014, Université de Bourgogne, vol. 42 ; P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES, « La sentence arbitrale étrangère contraire à une loi d’ordre public du for », colloque franco-russe de Paris, octobre 2013. (43) Paris, 18 novembre 2004, Thalès Air Défense c. GIE Euromissile, J.C.P., éd. G, 2005, II, 10038, note JTL_038_02_2015.fm Page 39 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 39 DOCTRINE arrêt a posé comme principe, « s’agissant de l’ordre public international, seule la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est examinée par le juge de l’annulation au regard de la compatibilité de la solution avec cet ordre public, dont le contrôle se limite au caractère flagrant, effectif et concret de la violation alléguée ». Certains ont considéré qu’ainsi ce contrôle était devenu illusoire, se limitant à la seule apparence de régularité, à la seule évidence comme en matière de référé. Cette formulation de la Cour de cassation est restée en l’état, et je pense, à la réflexion, qu’elle devrait être modifiée, car elle a été mal perçue en France et à l’étranger alors que cela ne correspondait pas à une volonté de la Cour suprême de supprimer tout contrôle44. * * * En conclusion de cette longue — peut être trop longue — intervention, je voudrais vous présenter deux observations : La première observation : cette faveur donnée à l’arbitrage est-elle légitime ? Je pense que oui, et tout particulièrement en matière internationale, qui met en cause le commerce international. Il n’y a plus de situation de rivalité ou de concurrence entre la justice arbitrale et la justice étatique ; il y a un partage des fonctions au service des parties en litige, dans un souci de complémentarité ; la mondialisation des échanges l’impose alors que tout système juridique devient un enjeu économique et politique ; mais cette faveur n’est pas sans conditions : non seulement l’État doit pouvoir faire respecter ses principes essentiels relevant de l’ordre public si la sentence est exécutée sur son territoire, mais en revanche, l’État concerné doit assurer aux parties des juges étatiques avertis et compétents. Deuxième observation : elle concerne la « personnalité » du juge étatique. Cette jurisprudence, favorable au développement de l’arbitrage, dépend non seulement de la bonne maîtrise par les magistrats des règles, mais aussi de leur connaissance du milieu de l’arbitrage, notamment, international. Formation et information sont deux impératifs essentiels à maintenir. Formation : il faut à cet égard rendre hommage à tous les juges qui, pendant ces trente dernières années, se sont spécialisés dans cette matière et ont forgé cette jurisprudence ; je veux parler de tous les magistrats qui, après Pierre Bellet, se sont succédé au tribunal de Paris, dans les cours d’appel et à la Cour de cassation ; on se doit de citer les présidents Pierre Drai, Guy Canivet, Jean-Pierre Ancel, Dominique Hascher et souligner l’apport de la première chambre de la Cour d’appel de Paris qui a été déterminante ; ils sont tous les artisans de cette jurisprudence. Ils ont contribué à former des filières de magistrats spécialistes de l’arbitrage. Cet impératif de formation doit être poursuivi à l’E.N.M., car le rôle du juge se construit à partir de textes très souples, peu directifs, pour lesquels il faut donner un contenu pratique pour les rendre effectifs ; ceci explique la longue maturation des solutions autour de principes dégagés par le juge : « Vu le principe compétencecompétence, etc. C’est pourquoi, si en matière internationale la compétence du juge est centralisée à Paris, en matière interne, une compétence régionale devrait être instituée comme en matière de brevets et autres. Actuellement, l’E.N.M. a décidé de mettre en place, en collaboration avec le C.F.A., une session de formation de trois jours pour tous les magistrats intéressés (notamment, les présidents de juridiction appelés à exercer le rôle de juge d’appui) sur l’arbitrage interne et international ; cette mesure est extrêmement importante. Information du juge : la situation française présente une particularité très heureuse à mon avis : les magistrats dialoguent, en toute indépendance et liberté, avec tous ceux qui participent aux réflexions sur l’arbitrage lors des colloques, tables rondes, projets de réformes, etc. Cela permet aux juges de mieux connaître les réalités et les problèmes pratiques de l’arbitrage interne ou international et de mesurer les conséquences de leurs décisions. Je pense donc que les magistrats ont aujourd’hui et encore plus que par le passé un rôle essentiel à tenir dans le développement de l’arbitrage pour le respect des principes fondamentaux au service des justiciables et de la justice. Gérard PLUYETTE Conseiller doyen honoraire de la Cour de cassation française Les Codes poche Promoculture-Larcier CODE DE LA PROFESSION D'AVOCAT Compilation de textes – 2015 Marc Thewes L'ouvrage reprend la réglementation et les dispositions légales organisant l'accès à la profession d’avocat et le fonctionnement du Barreau au Luxembourg. AU SOMMAIRE: - Lois et règlements > Organisation judiciaire > Profession d'avocat - Règlements intérieurs G. CHABOT ; J.D.I., 2005, p. 357, note A. MOURRE ; Cass. fr., 1re ch. civ.,4 juin 2008, Cytec, Rev. arb., 2008, p. 473, note I. FADLALLAH. (44) P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES, « Les lois de police et politiques législatives », R.C.D.I.P., 2011, p. 207 et P. DE VAREILLES-SOMMIÈRES, « La sentence arbitrale étrangère contraire à une loi d’ordre public du for », colloque franco-russe de Paris, octobre 2013, à paraître ; dans cet article, le professeur de Vareilles-Sommières ne préconise pas l’abandon du terme « flagrant », mal perçu, car mal utilisé, mais suggère un dédoublement du contrôle de l’ordre public en présence d’une loi de police : un contrôle classique se formulant en termes d’atteinte à un principe essentiel du droit français, et un contrôle de la flagrance de la violation, qui permet de s’assurer que l’arbitre n’a pas dénaturé la loi de police en retenant une solution clairement contraire ou incompatible avec une disposition elle-même claire de la loi de police en cause ; cela s’apparenterait au contrôle de dénaturation des actes et des écrits auquel procède habituellement la Cour de cassation. - Directives européennes - Conseil des barreaux européens - Dispositions spécifiques > Collection : Les Codes poche Promoculture - Larcier 456 p. • 60,00 € • Édition 2015 www.promoculture-larcier.lu c/o Larcier Distribution Services sprl Fond Jean Pâques, 4 b • 1348 Louvain-la-Neuve – Belgique Tél. +352(0)278 60730 • Fax + 352(0)278 60731 [email protected] JTL_038_02_2015.fm Page 40 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 40 DOCTRINE Le point de vue belge 1 Introduction 1. La présente contribution a pour objet l’examen du rôle du juge étatique belge en rapport avec les procédures arbitrages se déroulant en Belgique1, qu’elles présentent ou non un élément d’extranéité2. Elle est limitée à l’examen du droit nouveau, découlant de la réforme du droit de l’arbitrage intervenue par la loi du 24 juin 20133, entrée en vigueur le 1er septembre 2013 et applicable aux arbitrages commencés après cette date4. Il ne sera traité ici que des dispositions du droit belge de l’arbitrage qui traitent de l’intervention du juge étatique ; pour ce qui est des autres aspects de la réforme, il sera renvoyé aux commentaires déjà nombreux en la matière5. Par ailleurs, la présente contribution s’inscrit dans l’optique d’une présentation sommaire du droit belge, à la demande du Think Tank pour le développement de l’arbitrage à Luxembourg, et ne constitue nullement une étude approfondie, qui excéderait de loin le cadre de ces travaux6. Nous nous attacherons à évoquer les sujets suivants : l’importance du rôle du juge étatique dans l’arbitrage (ci-après, 2), le règlement des compétences concurrentes entre le juge étatique et le tribunal arbitral (ci-après, 3), le rôle du (1) Sauf lorsqu’il sera précisé que les dispositions visent également les sentences arbitrales étrangères, par exemple au stade de la procédure d’exequatur. (2) En effet, le droit belge de l’arbitrage, tant avant qu’après la réforme issue de la loi du 24 juin 2013, organise un régime unique de l’arbitrage, sans distinction entre arbitrage national et international, à la différence de la solution consacrée par exemple en droit français. (3) Loi du 24 juin 2013 modifiant la sixième partie du Code judiciaire relative à l’arbitrage, M.B., 28 juin 2013, 2e éd., p. 41263. (4) Cfr articles 59 et 60 de la loi précitée du 24 juin 2013. Ce qui signifie que tous les arbitrages commencés avant le 1er septembre 2013 demeurent régis par le droit antérieur, lequel demeure dès lors encore applicable actuellement à pas mal de procédures. (5) Cfr notamment M. PIERS et D. DE MEULEMEESTER, « The adoption of the UNCITRAL Model Law encourages arbitration in Belgium », b-Arbitra, 2013/2, pp. 367 et s. D. et G. MATRAY, « La conduite de la procédure arbitrale sous l’empire du nouveau droit belge de l’arbitrage », b-Arbitra, 2014/1, pp. 81 et s. M. DAL, « La nouvelle loi sur l’arbitrage », J.T., 2013, pp. 785 et s. O. CAPRASSE, « Le nouveau droit belge de l’arbitrage », Rev. arb., 2013. M. PIERS (éd.), De nieuwe arbitragewet 2013, Anvers, Intersentia, 2013. V. FONCKE, « Evidence in arbitration under the new Belgian Arbitration Act », bArbitra, 2014/1, pp. 29 et s. L. DEMEYERE et H. VERBIST, « De nieuwe Arbitragewet van 24 juni 2013 », R.W., 2014-2015, pp. 83 et s. G. KEUTGEN, « La réforme 2013 du droit belge de l’arbitrage », R.D.I.D.C., 2014, pp. 65 et s. (6) En termes d’études approfondies sur la question, on pourra se référer, pour le droit belge antérieur à la réforme de 2013, aux contributions de H. BOULARBAH, J.-F. TOSSENS, J. VAN COMPERNOLLE et G.-A. DAL, dans le chapitre « Efficacité : arbitrage et justice étatique », in Hommage à Guy Keutgen pour son action de promotion de l’arbitrage, CEPANI-Bruylant, 2013, pp. 747 et s. Cfr également G. CLOSSET-MARCHAL, « Le juge étatique et l’instance arbitrale », J.T., 2010, p. 245 et G. DE LEVAL, « L’arbitre et le juge étatique : quelle collaboration ? », R.D.I.D.C., 2005, pp. 6 et s. juge étatique comme juge d’appui lors du démarrage et pendant l’arbitrage (ci-après, 4) et le rôle du juge étatique comme juge de contrôle après que le tribunal arbitral a statué (ci-après, 5). Nous serons ensuite en mesure de tracer quelques conclusions (ci-après, 6). 2 L’importance du rôle du juge étatique dans l’arbitrage un principe de subsidiarité à l’intervention judiciaire. En Belgique comme ailleurs, le législateur est conscient de la nécessité de fixer des règles adéquates à l’intervention du juge étatique. Il a été reconnu pendant les travaux préparatoires que ceci est « essentiel pour l’image de l’arbitrage dans notre pays et à l’étranger. Le choix du lieu de l’arbitrage se fait en effet souvent notamment en fonction de l’efficacité de l’appareil judiciaire national »10. Effectivement, la réputation d’une place d’arbitrage dépend en bonne partie de la qualité et des modalités de traitement du contentieux lié à l’arbitrage. Pour autant, dernier paradoxe : si le juge étatique est important pour l’arbitrage, à l’inverse, il faut bien reconnaître que le contentieux lié à l’arbitrage constitue le plus souvent pour le juge étatique un phénomène marginal. 2. L’arbitrage est un mode de résolution des conflits par lequel les parties confient la mission de juger à des personnes privées librement choisies. C’est une forme de justice privée, et il peut apparaître a priori paradoxal d’évoquer l’importance du rôle à jouer par le juge étatique dans l’arbitrage. Pourtant, l’arbitrage, fondé sur l’autonomie de la volonté des parties, reste sous un certain contrôle des tribunaux. Ceux-ci jouent un rôle essentiel de garde-fou, ou « filet de sécurité », pour garantir la qualité de l’arbitrage7. En particulier, les tribunaux étatiques peuvent intervenir comme gardien des principes essentiels qui doivent être respectés par toute procédure arbitrage ; ceux-ci, exprimés depuis la réforme au nouvel article 1699 du Code judiciaire sont le principe d’égalité des parties, le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, et la loyauté des débats8. Certes, dans les arbitrages qui se passent bien, sans incident, avec des parties, des conseils et des arbitres de bonne volonté et de bonne foi accomplissant leurs devoirs avec professionnalisme, le juge étatique n’interviendra généralement jamais. Mais si le contexte de l’arbitrage est difficile et que des incidents se multiplient, le juge étatique devra intervenir, et il est alors important que les modalités de son intervention soient définies de manière optimale, pour que celle-ci soit rapide et efficace. Un des moteurs de la réforme de l’arbitrage en 2013 a précisément été la volonté d’assurer une organisation plus efficace de l’intervention du juge étatique9. Cela a été fait en prévoyant, d’une part, une centralisation des tribunaux compétents, avec pour objectif d’assurer une certaine spécialisation des juges, d’autre part, des procédures judiciaires plus rapides (un seul degré de juridiction). Le tout en reconnaissant En tout état de cause, l’arbitrage peut suivre son cours, la saisine du juge étatique n’étant pas suspensive (article 1682, § 2, du Code judiciaire). (7) Surtout, la qualité ou la régularité de la procédure. Le contrôle ne porte pas sur l’exactitude de la décision au fond. Ce contrôle est qualifié de « disciplinaire » par H. BOULARBAH, « Le juge étatique, “bon samaritain de l’arbitrage”, brèves variations autour des pouvoirs d’assistance et de contrôle du juge étatique pour assurer l’efficacité et la qualité de la procédure arbitrale », in Hommage à Guy Keutgen pour son action de promotion de l’arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 753. (8) Au sujet de ces principes, voir D. et G. MATRAY, op. cit., b-Arbitra. Voir aussi, I. VEROUGSTRAETE, « De basisprinciples van de arbitrageprocedure », in De nieuwe Arbitragewet 2013, M. PIERS (éd.), Anvers, Intersentia, 2013, p. 37. (9) L’autre moteur a été la volonté d’assurer une plus grande similarité entre le droit belge de l’arbitrage et la loi type de la C.N.U.D.C.I. relative à l’arbitrage commercial international, ce conformément à l’objectif de celleci de promouvoir un droit de l’arbitrage international uniforme et universel. (10) Exposé des motifs, p. 15. (11) Il s’agit bien d’un déclinatoire de juridiction, et non de compétence. (12) Les propositions formulées par le professeur Boularbah (« Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., pp. 755 et s.) pour limiter le contrôle de la convention d’arbitrage au stade du déclinatoire de juridiction n’ont à cet égard pas été suivies. 3 Le règlement des compétences concurrentes entre le juge étatique et le tribunal arbitral 3. La réforme n’a pas apporté de réel changement quant au règlement des compétences concurrentes entre le juge étatique et le tribunal arbitral, quand l’un et l’autre sont saisis d’un même litige. Au fond, la règle est celle de la prééminence du tribunal arbitral. En vertu de l’article 1682, § 1er, du Code judiciaire, le juge étatique saisi d’un différend faisant l’objet d’une convention d’arbitrage se déclare sans juridiction11, à condition que la demande lui en ait été faite par une partie in limine litis, mais à moins qu’en ce qui concerne le différend, le juge ne constate que convention d’arbitrage n’est pas valable ou a pris fin. Ce faisant, le système permet donc, dans une certaine mesure, au juge étatique belge de juger de la validité de la convention d’arbitrage, le législateur ne reconnaissant pas l’effet négatif du principe de compétencecompétence12. JTL_038_02_2015.fm Page 41 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 DOCTRINE 4. En ce qui concerne les mesures provisoires et conservatoires, le système est celui des compétences parallèles des juges des référés étatiques et des arbitres13. L’article 1683 du Code judiciaire prévoit expressément qu’une « (...) demande en justice, avant ou pendant la procédure arbitrale, en vue de l’obtention de mesures provisoires ou conservatoires et l’octroi de telles mesures ne sont pas incompatible avec une convention d’arbitrage et n’impliquent pas renonciation à celle-ci ». Le juge des référés reste donc en principe compétent, sous les seules conditions de droit commun de l’urgence et du provisoire, même si les parties sont liées par une convention d’arbitrage, même si l’arbitrage a commencé, et même si l’arbitrage prévoit lui-même la possibilité d’un référé arbitral. Selon la thèse défendue par la majorité des auteurs, la notion d’urgence qui conditionne l’intervention du juge des référés impliquerait cependant que celui-ci ne soit pas compétent si la partie qui le saisit dispose d’un recours équivalent (en termes de rapidité et d’efficacité) devant les arbitres14. L’article 1698 du Code judiciaire précise, par ailleurs, que le juge des référés dispose, pour prononcer des mesures provisoires et conservatoires en relation avec une procédure d’arbitrage, belge ou étrangère, des mêmes pouvoirs que ceux qui sont les siens en relation avec une procédure judiciaire. Son intervention ne peut, d’autre part, pas être exclue15. En vertu des articles 1691 et suivants du Code judiciaire, le tribunal arbitral peut lui aussi ordonner des mesures provisoires et conservatoires, mais ses pouvoirs, d’une part, peuvent être exclus par les parties, d’autre part, ne sont pas aussi étendus que ceux du juge des référés étatique16. S’inscrivant dans la tendance générale du développement du référé arbitral17, le législateur belge a prévu dans le cadre de la réforme de 2013 que les mesures provisoires et conservatoires prononcées par le tribunal arbitral peuvent faire l’objet d’un exequatur par le juge étatique (cfr infra). 5. Il existe un cas dans lequel le juge supplée au tribunal arbitral. En cas de demande d’interprétation, de rectification ou en vue de compléter la sentence arbitrale, lorsque le tribunal arbitral ne peut plus être réuni pour le faire, le tribunal de première instance s’en chargera (article 1715, § 6, du Code judiciaire). (13) Cfr à ce sujet, récemment, les exposés d’O. MIGNOLET et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, in L’arbitre et le juge étatique - Études de droit comparé à la mémoire de Giuseppe Tarzia, Bruxelles, Bruylant, 2014, pp. 161 et s. Voir aussi D. DEMEULEMEESTER, « Voorlopige of bewarende maatregelen in arbitrage », in M. PIERS (éd.), op. cit., pp. 65 et s. (14) Cfr pour un exposé récent de cette thèse, J.-F. VAN DROOGHENBROECK, op. cit., pp. 214 et s., et les nombreuses références citées. H. BOULARBAH, « Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., p. 763. (15) La question est controversée, mais nous rejoignons les auteurs qui le défendent. Cfr en ce sens J.-F. VAN DROOGHENBROECK, op. cit., pp. 228 et s., citant également les auteurs se prononçant en sens contraire. H. BOULARBAH, « Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., pp. 762-763. (16) Notamment, il n’y a pas devant le tribunal arbitral de possibilité d’obtenir des mesures sur requête unilatérale. Les arbitres ne peuvent pas non plus ordonner des saisies. Le recours aux arbitres présente également une faiblesse si leur compétence fait l’objet d’une contestation. (17) Cfr en ce sens le développement par les centres d’arbitrages, au cours des dernières années, de l’institution de l’arbitre d’urgence. 4 Le juge étatique comme juge d’appui lors du démarrage et pendant l’arbitrage A. Caractéristiques de l’intervention du juge d’appui 6. Rôle du juge d’appui. — Lors du démarrage et pendant l’arbitrage, les parties n’ont en principe pas besoin de recourir au juge étatique. Ce recours s’avère cependant nécessaire pour débloquer d’éventuelles difficultés de l’arbitrage. Lorsqu’il intervient à ce stade, le juge étatique peut être qualifié de « juge d’appui »18, dans une relation de partenariat avec l’arbitrage. Son objectif est d’apporter son assistance au bon déroulement de l’arbitrage, plus précisément d’assister et de faciliter la mise en place de celui-ci. L’intervention du juge étatique revêt dans ce cadre une nature administrative et non juridictionnelle19. 7. Rapidité de l’intervention, centralisation et subsidiarité. — Le juge d’appui belge est le président du tribunal de première instance, statuant comme en référé, ce qui garantit la rapidité de ses décisions (article 1680 du Code judiciaire). Cela a pour conséquence que la procédure peut être menée endéans des délais très courts, comme en référés, sans cependant que l’urgence doive être prouvée. Par ailleurs, le président du tribunal de première instance statue par une décision sans recours, sauf dans le cas où il refuse de nommer un arbitre (article 1680, § 1er, in fine), ce qui est également conforme à l’objectif de rapidité recherché. À la suite de la réforme, seuls les présidents des cinq tribunaux de première instance des ressorts de Cour d’appel sont compétents, en fonction du lieu de l’arbitrage : il s’agit des tribunaux de Bruxelles20, Gand, Anvers, Mons et Liège. En réduisant le nombre de magistrats susceptibles d’avoir à connaître de ce type de contentieux, le législateur entend favoriser leur spécialisation. Le caractère subsidiaire de l’intervention du juge d’appui est reconnu : ainsi notamment, il n’intervient pas si les parties ont prévu d’autres procédures (par exemple article 1685, § 4, b), du Code judiciaire, in fine). Son intervention respecte dès lors le principe d’autonomie de la volonté et de liberté des parties à l’arbitrage. B. Les domaines d’intervention du juge d’appui 8. Contentieux lié à la constitution du tribunal. — Le premier domaine d’intervention du juge (18) Le législateur n’utilise cependant pas expressément les termes de « juge d’appui », termes qui sont inspirés du droit français, cfr articles 1459 et 1460 du C.P.C. (tels que modifiés par le décret du 13 janvier 2011). (19) H. BOULARBAH, « Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., pp. 758 et s. (20) On notera qu’à Bruxelles cependant, le tribunal de première instance est lui-même dédoublé entre un tribunal de première instance francophone et un tribunal de première instance néerlandophone. 41 d’appui — sans doute le plus connu — est le contentieux lié à la constitution du tribunal arbitral, avec au premier chef la nomination de ou des arbitres. L’article 1685, § 2, du Code judiciaire énonce la règle selon laquelle, en principe, les parties peuvent convenir de la procédure de désignation de l’arbitre ou des arbitres. Le paragraphe 3 du même article prévoit une règle de nomination par défaut, si les parties n’ont rien prévu. Si cependant une défaillance intervient dans le processus de désignation des arbitres — que cela soit une défaillance d’une ou de plusieurs parties, des deux arbitres pour choisir le troisième, ou de l’institution arbitrale choisie par les parties elles-mêmes — le président du tribunal de première instance, saisi par requête unilatérale de la partie la plus diligente, procède à la nomination du ou des arbitres (article 1685, § 3, a), b), c), et § 4, a) et b), du Code judiciaire). Une nouveauté doit être signalée à cet égard. Le droit belge prévoit maintenant expressément dans le chef de l’arbitre pressenti un devoir de révéler « toute circonstance de nature à soulever des doutes légitimes sur son indépendance ou son impartialité » (article 1686, § 1er, du Code judiciaire)21. Le président du tribunal de première instance ou son greffier devra dès lors en principe dorénavant prendre un contact préalable avec l’arbitre qu’il entend nommer, pour vérifier l’indépendance et l’impartialité de cette personne, ainsi que son absence de révélation à faire. L’article 1685, § 5, du Code judiciaire prévoit d’ailleurs précisément que « Lorsqu’il désigne un arbitre, le président du tribunal tient compte de toutes les qualifications requises de l’arbitre en vertu de la convention des parties et toutes considérations propres à garantir la désignation d’un arbitre indépendant et impartial ». 9. Dans d’autres cas, le juge d’appui est saisi par citation pour connaître de difficultés liées à la composition du tribunal arbitral lorsque celui-ci est déjà constitué : si un arbitre doit être remplacé22 (article 1689, §§ 1er et 2, du Code judiciaire), lorsqu’un arbitre souhaite se retirer sans que les parties n’y consentent (article 1685, § 7, du Code judiciaire) ou en présence d’une incapacité ou carence d’un arbitre (article 1688, § 1er, du Code judiciaire). La procédure est la même en cas de demande en récusation d’un arbitre (cfr article 1686, § 2, du Code judiciaire et article 1687 du Code judiciaire). À cet égard, il faut souligner que la réforme a fortement amélioré la procédure, dans un souci d’efficacité, pour limiter les nuisances qui peuvent résulter de procédures en récusation qui procèdent d’une stratégie dilatoire. La procédure a été repensée, pour répondre à un impératif de rapidité. Comme pour les autres cas d’intervention du juge d’appui, le président du tribunal de première instance statue comme en référé et sa décision est sans recours, ce qui devrait permettre l’intervention d’une décision définitive dans les semaines suivant la saisine (21) Au sujet de la consécration nouvelle de ce devoir de révélation dans la loi, cfr notre étude « Le devoir de révélation de l’arbitre », in Liber amicorum Georges-Albert Dal, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 913 et s. (22) Uniquement en l’absence de procédure prévue par les parties. JTL_038_02_2015.fm Page 42 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 42 du juge. Par ailleurs, le législateur a expressément prévu que la saisine du tribunal n’est que subsidiaire, par rapport à une procédure conventionnelle de récusation, par exemple une procédure de récusation prévue dans le règlement d’arbitrage auquel les parties se sont soumises (article 1687, § 1er, du Code judiciaire). Enfin, la saisine du juge d’appui ne suspend pas l’arbitrage, qui peut se poursuivre (article 1687, § 2, b). 2015 DOCTRINE l’arbitrage : il ne peut d’ailleurs être saisi par une partie qu’avec l’accord du tribunal arbitral. Une telle intervention pourrait s’avérer utile, par exemple, si un témoin pressenti refuse de venir témoigner devant le tribunal arbitral26, s’il est nécessaire de statuer sur la fausseté alléguée d’un acte authentique, d’ordonner la production d’un document à un tiers, ou de permettre la mise en œuvre de mesures d’instruction dont l’exécution doit avoir lieu à l’étranger (commission rogatoire)27. 10. Gestion du délai de l’arbitrage. — Le juge d’appui peut également être amené à jouer un rôle important dans la gestion du délai de l’arbitrage (article 1680, § 3, du Code judiciaire). Le Code judiciaire prévoit que les parties peuvent fixer un délai endéans lequel le tribunal arbitral doit rendre sa sentence, ou prévoir les modalités en vertu desquelles un tel délai sera fixé et, le cas échéant, prorogé. Si elles ne l’ont pas fait et que le tribunal tarde à rendre sa sentence, plus de six mois s’étant écoulés depuis la désignation du dernier arbitre, les parties peuvent saisir le juge d’appui afin que celui-ci impartisse un délai au tribunal arbitral (article 1713, § 2, du Code judiciaire). L’intervention du juge d’appui est, dans ce cas, sollicitée afin d’accélérer un arbitrage qui, de l’avis des parties, serait trop lent ; on songe, par exemple, à l’hypothèse dans laquelle le tribunal aurait pris l’affaire en délibéré, mais tarderait à rendre sa sentence. Si le juge d’appui fixe un délai, celui-ci devra impérativement être respecté par les arbitres. En effet, une sentence rendue hors délai — que celui-ci ait été fixé par le juge d’appui, par les parties elles-mêmes ou par une institution d’arbitrage — est généralement considérée comme annulable, les arbitres ayant dans ce cas statué alors que leurs pouvoirs avaient expiré23. 11. Mesures en vue de l’obtention des preuves. — Enfin, le juge d’appui peut être sollicité pour « prendre toutes mesures nécessaires en vue de l’obtention de la preuve, conformément à l’article 1709 du Code judiciaire » (article 1680, § 4, du Code judiciaire). C’est à la suite d’une erreur matérielle que l’article 1680, § 4, du Code se réfère à l’article 1709 du Code judiciaire, ce qui doit se lire comme une référence à l’article 1708 du Code judiciaire. En vertu de cette disposition, « Une partie peut, avec l’accord du tribunal arbitral, demander au président du tribunal de première instance statuant comme en référé d’ordonner toutes les mesures nécessaires en vue de l’obtention des preuves (...) ». Cette nouvelle règle24 constitue la transposition de l’article 27 de la loi type de la C.N.U.D.C.I. relative à l’arbitrage commercial international ; elle a aussi été inspirée de l’exemple espagnol (article 33 de la loi relative à l’arbitrage)25. On voit bien que l’intervention du juge d’appui est prévue en tant que facilitateur de (23) Cfr en ce sens, Cass., 5 mars 2009, R.W., 2010, p. 487. (24) Dans le droit antérieur, la possibilité de faire intervenir le juge étatique n’était pas formulée de manière générale, mais uniquement ponctuelle, cfr article 1696, §§ 4 et 5, ancienne version du Code judiciaire (avant la loi du 24 juin 2013). (25) Doc. parl., Ch., s.o. 2012-2013, exposé des motifs, Doc. 53 2743/001, p. 33. 5 Le juge étatique comme juge de contrôle après que le tribunal arbitral a statué 12. Après que le tribunal a statué, l’intervention du juge étatique n’est plus prévue au titre de juge d’appui, mais bien comme juge de contrôle de ce qui a été décidé par le tribunal arbitral. Ce contrôle est cependant limité. Tout d’abord, il n’existe aucune possibilité de faire appel de la sentence devant le juge étatique. Une procédure d’appel peut uniquement être prévue par les parties devant un autre tribunal arbitral, mais il est très rare que les parties le fassent28. Le contrôle n’existe que vis-à-vis de certains fondements limitativement énumérés par la loi, sans révision au fond de ce qui a été jugé par les arbitres, ni effet dévolutif29. Nous examinerons ci-après les trois domaines d’intervention du juge de contrôle : le recours en annulation contre la sentence arbitrale (A), la procédure de reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale (B), et enfin la procédure de reconnaissance et exécution des mesures provisoires et conservatoires prononcées par le tribunal arbitral (C). (26) Le juge d’appui pourra à ce moment-là lui ordonner de venir témoigner devant lui. (27) Cfr à propos de ces mesures, et plus généralement du nouveau principe d’assistance générale de la juridiction étatique belge pour l’obtention des preuves, J. VAN COMPERNOLLE, « Rôle respectif de l’arbitre et du juge étatique dans l’administration de la preuve en droit belge », in L’arbitre et le juge étatique (...), op. cit., pp. 189 et s. (28) Cfr article 1716 du Code judiciaire : la possibilité pour les parties d’organiser un appel de la sentence arbitrale, déjà prévue antérieurement, a été maintenue dans le droit nouveau, même si elle ne se rencontre que rarement, un tel appel pouvant être considéré comme antinomique avec l’objectif de rapidité généralement recherché par les parties à l’arbitrage. (29) À la différence du droit français, le droit belge ne prévoit aucun cas dans lequel, après annulation de la sentence, le juge étatique statue lui-même au fond, même dans le cas d’arbitrages purement internes (mais il est vrai que le droit belge ne prévoit pas de distinction entre arbitrage interne et international). Ceci peut être source de frustrations pour les parties, comme dans le cas où un litige fait l’objet d’une sentence arbitrale qui est annulée, d’un arbitrage recommencé, d’une nouvelle annulation, etc., le processus peut paraître sans fin et non raisonnable. Comp. en France, la procédure de révision pour fraude, où la cour d’appel se prononce le cas échéant sur le fond du litige (cfr, dans l’affaire Tapie, premier arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 17 février 2015). Voir, en faveur d’un pouvoir d’évocation par le juge de l’annulation : H. BOULARBAH, « Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., p. 767. A. Recours en annulation contre la sentence 1. Le juge de l’annulation et la procédure 13. Recours en annulation. — Le recours en annulation est celui par lequel une partie à l’arbitrage sollicite le juge étatique en vue de faire annuler, en tout ou en partie, la sentence arbitrale rendue. La sentence ne sera annulée que si un ou plusieurs motifs d’annulation — tels qu’énumérés de manière limitative par la loi — sont rencontrés30. Si la sentence est annulée, elle est censée n’avoir jamais existé, et il appartient le cas échéant aux parties d’initier un nouvel arbitrage31. 14. Juge de l’annulation. — Le juge de l’annulation n’est pas identique au juge d’appui : il ne s’agit pas du président du tribunal de première instance statuant comme en référé, mais d’une chambre ordinaire de ce tribunal, statuant au fond. Son intervention revêt par ailleurs pleinement une nature juridictionnelle. Comme pour le juge d’appui cependant, seuls les tribunaux de première instance des cinq ressorts de Cour d’appel sont compétents, avec le même objectif de spécialisation de la juridiction. Le tribunal, saisi par citation, statue en premier et dernier ressort (article 1680, § 5, du Code judiciaire). Il s’agit là d’une innovation majeure de la réforme. Le législateur a voulu modifier le régime antérieur, dans lequel la procédure en annulation pouvait durer plusieurs années, en tenant compte du fait que le recours était à l’époque d’abord exercé devant le tribunal de première instance, le jugement rendu pouvant ensuite lui-même faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel, avec encore un recours possible devant la Cour de cassation. L’on conviendra que ceci n’était pas idéal, sachant que les parties choisissent généralement l’arbitrage dans un souci de rapidité, et que, si la sentence est finalement annulée, un second arbitrage va devoir être mené32. C’est pour cette raison qu’un certain nombre de pays voisins ont prévu de ne pas soumettre le contentieux de l’annulation à un double degré de juridiction, soit en le confiant directement à la Cour d’appel, comme en France, soit même en le confiant directement à la Cour suprême, comme le fait la Suisse33. (30) Au sujet du recours en annulation, il peut être fait référence, pour le droit antérieur à la réforme, à l’étude c o m p l è t e d e B. H A N O T I A U e t O. C A P R A S S E , « L’annulation des sentences arbitrales », J.T., 2004, pp. 413 et s. Pour le droit issu de la réforme, voir H. VERBIST, « De vordering tot vernietiging van de arbitrale uitspraak na de hervorming van het Belgische arbitragerecht door de Wet van 24 juni 2013 », in M. PIERS (éd.) De nieuwe Arbitragewet 2013, op. cit., p. 105. M. DAL, « Les recours contre les sentences arbitrales en droit belge », in L’arbitrage et le juge étatique, op. cit., p. 345. (31) Sauf si la sentence a été annulée en raison d’un grief touchant à la validité de la convention d’arbitrage ou à l’inarbitrabilité du litige (H. BOULARBAH, « Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., p. 767). (32) Sous la seule réserve, identifiée précédemment, du cas où l’annulation est prononcée en raison d’un grief qui touche à la validité de l’arbitrage ou à l’arbitrabilité du litige. (33) Le contentieux de l’annulation est directement jugé par le Tribunal fédéral, équivalent de notre Cour de cassation. JTL_038_02_2015.fm Page 43 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 DOCTRINE En Belgique, le législateur a opté pour la compétence en premier et dernier ressort du tribunal de première instance, choix conjoncturel principalement dicté par l’existence d’un important arriéré au niveau de certaines cours d’appel du pays, en particulier à Bruxelles. Le projet initial prévoyait que le recours serait jugé par une chambre collégiale du tribunal, ce qui était assez logique, vu l’absence d’appel contre cette décision34. Pour tenir compte d’une observation formulée par le Conseil d’État35, le gouvernement a cependant malheureusement abandonné l’idée d’une chambre collégiale : c’est donc par un juge unique au tribunal de première instance que le recours sera tranché en premier et dernier ressort36. Seul le recours en cassation subsiste contre la décision rendue (cfr article 609, § 1er, du Code judiciaire). 15. Conditions de recevabilité. — Pour que le recours en annulation soit recevable, il est nécessaire que la sentence ne puisse plus être attaquée devant les arbitres (article 1717, § 1er, du Code judiciaire). Il n’y a par ailleurs pas de recours possible contre la seule sentence par laquelle tribunal se déclare compétent (article 1690, § 4, du Code judiciaire). Le recours en annulation doit être formé dans les trois mois de la communication de la sentence ou de la communication de la décision du tribunal arbitral en rectification ou interprétation (1717, § 4, du Code judiciaire). Ce délai est en principe applicable à toutes les causes d’annulation, en ce compris la contrariété à l’ordre public, l’inarbitrabilité du litige ou la fraude, alors qu’auparavant ces causes pouvaient être invoquées même en dehors du délai de trois mois. Dans le cas de la fraude, l’absence de règle particulière quant au délai paraît résulter d’une omission du législateur ; il est dès lors possible qu’un recours formé sur cette base en dehors du délai puisse cependant être admis37. 16. Subsidiarité du recours. — Plusieurs règles sont inspirées par un objectif de « sauver » la sentence, et de limiter l’annulation de celle-ci à ce qui est réellement nécessaire. Ainsi, certains griefs ne peuvent pas être invoqués si la partie qui en avait connaissance ne s’en est pas prévalue pendant l’arbitrage (article 1717, § 5, du Code judiciaire). Cette règle procède d’un principe de cohérence ou « estoppel » qui se retrouve également à l’article 1679 du Code judiciaire, qui énonce, de manière générale, qu’« une partie qui, en (34) Doc. parl., Ch., s.o. 2012-2013, Doc. 53 2743/001, p. 49. (35) Doc. parl., Ch, s.o. 2012-2013, Doc. 53 2743/001, p. 84. Le Conseil d’État critiquait le fait que l’intervention du juge d’appui était le fait d’un juge unique, alors qu’une chambre à trois juges était prévue pour le contentieux de l’annulation. Il ne comprenait pas la différence de nature de l’intervention du juge dans les deux cas. Malheureusement le législateur, sans doute par facilité (ou par souci d’économie ?) a suivi son avis et prévu dans tous les cas l’intervention d’un seul juge, sauf pour les parties à en demander trois, cfr note suivante. (36) Sauf pour les parties à solliciter une chambre collégiale, ce qu’elles peuvent toujours faire en vertu de l’article 91, alinéa 8, du Code judiciaire, lorsque la demande est formulée avant tout autre moyen. (37) Ce par application du principe général de droit fraus omni corrumpit, même si, en principe, un principe général de droit n’a pas vocation à s’appliquer en présence d’un texte de loi clair en sens contraire. En revanche, il est reconnu que le principe général de droit a vocation à combler une lacune législative. connaissance de cause et sans motif légitime, s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir ».38 Par ailleurs, le législateur a ajouté dans deux griefs une condition d’incidence sur la sentence (cfr infra), ceci également dans un but de limiter l’annulation des sentences. Enfin, autre règle ayant pour objectif de sauver la sentence arbitrale lorsque c’est possible, l’article 1717, § 6, du Code judiciaire prévoit la possibilité pour le tribunal de suspendre la procédure d’annulation — à son initiative ou celle d’une partie — « afin de donner au tribunal arbitral la possibilité de reprendre la procédure arbitrale ou de prendre toute autre mesure que ce dernier juge susceptible d’éliminer les motifs d’annulation ». Cette disposition s’inscrit dans une tendance générale de sauvetage des décisions, arbitrales ou judiciaires.39 2. Les griefs pouvant justifier l’annulation 17. Article 34 de la loi type C.N.U.D.C.I. — Le législateur a fait le choix, assumé, de remodeler les causes d’annulation des sentences, par rapport au droit antérieur, en reprenant de manière quasi textuelle l’article 34 de la loi type C.N.U.D.C.I., lui-même inspiré de l’article V de la Convention de New York. Il y a cependant ajouté trois griefs supplémentaires, tandis qu’il a complété dans un sens plus restrictif deux d’entre eux. Ce faisant, le législateur a réduit de 13 à 9 le nombre de griefs d’annulation40 . Il a aussi abandonné la règle, critiquée par une certaine doctrine, selon laquelle une cause de récusation d’un arbitre ne pouvait constituer simultanément une cause d’annulation41. 18. Griefs devant être prouvés par le demandeur en annulation. — Suivant la structure de loi type C.N.U.D.C.I., l’article 1717, § 3, du Code judiciaire distingue, d’une part, entre les griefs qui doivent être invoqués par le demandeur, et ceux que le juge peut lui-même constater. (38) Cette disposition est elle-même une transposition de l’article 4 de la loi type C.N.U.D.C.I. (39) Cfr au sujet de cette tendance actuelle, parfois exprimée comme reflétant l’idée d’un « service aprèsvente » offert aux utilisateurs de la justice : article 1715 du Code judiciaire, concernant la possibilité pour le tribunal arbitral de rectifier, interpréter ou compléter la sentence ; article 33 du règlement du CEPANI ; article 35 du règlement de la C.C.I. Voir aussi la loi du 24 octobre 2013 et les articles 794 et suivants nouveaux du Code judiciaire, concernant la possibilité pour le juge étatique d’interpréter, rectifier et réparer l’omission affectant sa décision. (40) Les griefs qui ont été supprimés concernaient : l’omission du tribunal de statuer sur un ou plusieurs points du litige, le non-accomplissement de certaines formalités, la sentence contenant des dispositions contradictoires, la sentence fondée sur une preuve reconnue fausse, et la découverte depuis la sentence d’un document ou d’un élément de preuve qui aurait eu une influence décisive sur la sentence s’il avait été connu. (41) Ancien article 1704, 5o, du Code judiciaire, règle critiquée par H. BOULARBAH, « Ouvertures à cassation des décisions judiciaires et causes d’annulation des sentences arbitrales : brèves comparaisons sur le contrôle de deux catégories d’actes juridictionnels », in Mélanges John Kirkpatrick, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 73 et s., p. 96, no 22. Quant à l’incidence de cet abandon, cfr notre étude précitée, « Le devoir de révélation de l’arbitre ». 43 Les griefs qui doivent être prouvés par le demandeur en annulation sont : (i) l’incapacité d’une partie ou la non-validité de la convention arbitrale, selon la loi choisie par les parties ou, à défaut, selon le droit belge ; (ii) le fait que la partie n’a pas été dûment informée de la désignation d’un arbitre ou de la procédure arbitrale, ou le fait qu’il lui a été impossible pour une autre raison de faire valoir ses droits ; dans ce dernier cas cependant, la sentence ne peut être annulée s’il est établi que l’irrégularité n’a pas eu d’incidence sur la sentence arbitrale42 ; (iii) le fait que la sentence porte sur un différend non visé ou n’entrant pas dans les prévisions de la convention d’arbitrage, ou qu’elle contient des décisions qui dépassent les termes de la convention d’arbitrage, étant entendu toutefois que si la dissociation est possible, seule la partie de la sentence contenant des décisions irrégulières est annulée ; (iv) l’absence de motivation de la sentence43 ; (v) l’irrégularité de la constitution du tribunal arbitral ou de la procédure arbitrale, par rapport à la convention des parties — à condition que celle-ci ne soit pas elle-même contraire à une règle de droit impérative applicable — ou, à défaut de telle convention, à la sixième partie du Code ; en cas d’irrégularité de la procédure arbitrale, la sentence ne peut être annulée s’il est établi que cette irrégularité n’a pas eu d’incidence sur la sentence44 ; (vi) l’excès de pouvoir commis par le tribunal arbitral45. L’énumération faite par le législateur est limitative ; les parties ne pourraient, conventionnellement, en ajouter d’autres46. Les griefs (i), (ii), (iii) et (v) doivent avoir été invoqués par la partie qui s’en prévaut pendant l’arbitrage ; à défaut, elle ne sera pas recevable à le faire au stade de l’annulation (article 1717, § 5, du Code judiciaire). 19. Griefs pouvant être soulevés d’office par le juge de l’annulation. — Le législateur a retenu les trois griefs suivants qui, en raison de leur importance, peuvent être soulevés d’office par le juge : (i) l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par l’arbitrage ; (ii) la sentence est contraire à l’ordre public ; (iii) la sentence a été obtenue par fraude.47 (42) Cette condition d’incidence a été ajoutée par le législateur belge ; elle ne figure pas à l’article 34 (2) (a) (ii) de la loi type C.N.U.D.C.I. (43) Ce grief ne figure pas dans la loi type C.N.U.D.C.I. Il était déjà prévu dans le droit belge antérieur (cfr article 1704.2.i du Code judiciaire dans sa version antérieure à la loi du 24 juin 2013). (44) Comme la précédente, cette condition d’incidence a été ajoutée par le législateur belge ; elle ne figure pas à l’article 34 (2) (a) (iv) de la loi type C.N.U.D.C.I. (45) Ce grief ne figure pas dans la loi type C.N.U.D.C.I. Il était déjà prévu dans le droit belge antérieur (cfr article 1704.2.d) du Code judiciaire dans sa version antérieure à la loi du 24 juin 2013. Ce grief n’est pas théorique ; ainsi, notamment, il est rencontré lorsque les arbitres ont rendu leur sentence après l’échéance du délai que les parties leur avaient fixé ; cfr Cass., 5 mars 2009, R.W., 2010, p. 487. (46) B. HANOTIAU et O. CAPRASSE, « L’annulation des sentences arbitrales », J.T., 2004, p. 417, no 28. La situation demeure inchangée après la réforme. (47) Ce grief ne figure pas dans la loi type C.N.U.D.C.I. Il était déjà prévu dans le droit belge antérieur (cfr article 1704, 3o) qui détaillait même ce grief en trois situations différentes : sentence obtenue par fraude, sen- JTL_038_02_2015.fm Page 44 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 44 3. La possibilité d’exclure conventionnellement le recours en annulation 20. En vertu de l’article 1718 du Code judiciaire, les parties à l’arbitrage peuvent, si elles ne sont ni belges ni pourvues en Belgique d’un domicile, résidence, siège statutaire, principal établissement ou d’une succursale, exclure le recours en annulation d’une sentence arbitrale. Cette exclusion doit se faire par une déclaration expresse dans la convention d’arbitrage ou dans une convention expresse. La réforme n’a pas altéré la règle qui était déjà prévue à l’article 1717, 4o, du Code judiciaire, dans sa version antérieure48. On retrouve donc ici le principe d’autonomie de la volonté sur lequel l’arbitrage est fondé : lorsque les parties n’ont pas de lien avec la Belgique, elles peuvent préalablement exclure toute intervention du juge belge au stade de l’annulation. Dans ce cas, le seul contrôle judiciaire possible se fera au stade de la reconnaissance et de l’exécution de la sentence, dans le ou les pays où elles seront poursuivies. B. La procédure de reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale 21. Exequatur de la sentence. — La sentence arbitrale bénéficie, dès son prononcé, de l’autorité de la chose jugée, mais pas de la force exécutoire. C’est là une différence avec les jugements rendus par les tribunaux étatiques, qui s’explique par le fait que seul l’État bénéficie du pouvoir de contrainte ou imperium49. Si la partie condamnée par une sentence arbitrale n’exécute pas volontairement sa condamnation, l’autre partie doit dès lors recourir au juge étatique afin que celui-ci lui confère la force exécutoire, ce qui est nécessaire afin de permettra son exécution forcée en Belgique. La procédure d’exequatur est nécessaire à cette fin tant en ce qui concerne les sentences rendues en Belgique que les sentences rendues à l’étranger, le Code organisant une seule procédure applicable dans les deux hypothèses50. Elle ne peut jamais être exclue51. tence fondée sur une preuve déclarée fausse par une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou sur une preuve reconnue fausse, découverte depuis son prononcé d’un document ou autre élément de preuve qui aurait eu une influence décisive sur la sentence et qui avait été retenu par le fait de la partie adverse. (48) On rappellera que cette exclusion du recours en annulation pour les parties non liées à la Belgique avait d’abord été prévue comme automatique. Vu le peu de succès rencontré par la mesure, le législateur a, en 1998, modifié la règle pour rendre l’exclusion optionnelle, à l’instar de ce qui est prévu en droit suisse. Dans sa récente réforme, le droit français a repris une règle similaire. (49) Cfr à ce sujet, C. J AROSSON , « Réflexions sur l’imperium », in Études offertes à P. Bellet, Paris, Litec, 1991. (50) Dans le droit antérieur, des dispositions différentes (mais fort similaires) régissaient les deux situations. (51) Pour une étude récente du droit de l’exequatur après la réforme de 2013, voir J. ERAUW, « Rond arbitrage rijzen vragen van internationale aard inzake bevoegdheid, toepasselijk recht en exequatur », in M. PIERS (éd.), De nieuwe Arbitragewet, op. cit., pp. 131 et s. 2015 DOCTRINE 1. Le juge de l’exequatur et la procédure 22. Juge de l’exequatur. — Le juge de l’exequatur est le même que le juge de l’annulation, à savoir une chambre ordinaire du tribunal de première instance, seul cinq d’entre eux étant compétent52. Le tribunal territorialement compétent est le tribunal de première instance du siège de la Cour d’appel dans le ressort duquel la personne contre laquelle la déclaration exécutoire est demandée a son domicile et, à défaut de domicile, sa résidence habituelle ou, le cas échant, son siège social, ou à défaut, son établissement ou sa succursale. Si cette personne n’a ni domicile, ni résidence habituelle, ni siège social ni établissement ou succursale en Belgique, la demande est portée devant le tribunal de première instance du siège de la Cour d’appel de l’arrondissement dans lequel la sentence doit être exécutée (article 1720, § 2, du Code judiciaire). La demande en exequatur est introduite et instruite sur requête unilatérale. L’ordonnance accordant l’exequatur est toutefois susceptible de tierce opposition, donnant naissance à un débat contradictoire. 23. Conditions de recevabilité. — Comme pour le recours en annulation, l’article 1719, § 2, énonce que la sentence arbitrale ne peut faire l’objet d’un exequatur que si elle ne peut plus être attaquée devant les arbitres, ce qui suppose que les parties n’aient pas organisé de procédure d’appel. La partie qui requiert l’exequatur doit fournir l’original de la sentence ou une copie certifiée conforme, ainsi que l’original de la convention d’arbitrage ou une copie certifiée conforme. 24. Prévalence d’un traité international. — Lorsqu’il y a lieu à application d’un traité international, celui-ci prévaut sur les dispositions de droit belge (article 1721, § 3, du Code judiciaire). Dans ce cas, la procédure d’exequatur a lieu en principe selon les dispositions du Code, mais les motifs de refus d’exequatur à examiner sont ceux prévus par un tel traité53. 25. Jugement d’exequatur donnant lieu aux droits d’enregistrement. — L’exequatur en Belgique d’une sentence arbitrale belge ou étrangère donne lieu à un droit d’enregistrement de 3 %, à payer par le débiteur, ce qui est de nature à favoriser l’exécution spontanée des sentences arbitrales54. 2. Les griefs justifiant le refus d’exequatur 26. Article 36 de la loi type C.N.U.D.C.I. — Comme pour les motifs d’annulation, le législateur a calqué les griefs justifiant un refus d’exequatur sur ce qui est prévu à la loi type (52) Dans le droit antérieur, la compétence était donnée au président du tribunal de première instance (cfr article 1710, 1 o , ancien du Code judiciaire et article 1719, 1o, ancien du Code judiciaire). (53) Par exemple, dans un cas d’application de la Convention de New York. (54) Cfr pour un examen approfondi de la question, Y. HERINCKX, « Droits d’enregistrement et sentences arbitrales », b-Arbitra, 2013, pp. 275 et s. et « Droits d’enregistrement et sentences arbitrales : nouveaux développements », b-Arbitra, 2014, pp. 421 et s. C.N.U.D.C.I. (elle-même inspirée de l’article V de la Convention de New York), reprenant tant l’architecture de celle-ci que le texte des griefs eux-mêmes, sous réserve de quelques modifications. 27. Griefs devant être prouvés par le requérant. — Les sept griefs suivants doivent être prouvés par le requérant (article 1721, § 1er, a), du Code judiciaire) : (i) l’incapacité d’une partie ou la non-validité de la convention arbitrale (selon la loi choisie par les parties ou, à défaut, selon loi du pays où la sentence a été rendue) ; (ii) le fait que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n’a pas été dûment informée de la nomination d’un arbitre ou de la procédure arbitrale, ou qu’il lui a été impossible pour une autre raison de faire valoir ses droits ; dans ce cas il n’y a cependant refus de reconnaissance ou de déclaration exécutoire si l’irrégularité n’a pas eu d’incidence sur la sentence55 ; (iii) la sentence porte sur un différend non visé ou n’entrant pas dans les prévisions de la convention d’arbitrage, ou contient des décisions qui dépassent les termes de la convention d’arbitrage, étant entendu toutefois que si la dissociation est possible, seule la partie de la sentence contenant des décisions irrégulières est annulée ; (iv) la sentence n’est pas motivée « alors qu’une telle motivation est prescrite par les règles du droit applicables à la procédure arbitrale dans le cadre de laquelle la sente nce a été prononcée » ;56 (v) la constitution du tribunal arbitral, ou la procédure arbitrale, n’a pas été conforme à la convention des parties ou, à défaut, à la loi du pays où l’arbitrage a eu lieu ; cependant, sauf l’irrégularité touchant la constitution du tribunal arbitral, les irrégularités ne peuvent donner lieu à refus de reconnaissance ou de déclaration exécutoire de la sentence arbitrale si elles n’ont pas eu d’incidence sur la sentence57 ; (vi) la sentence n’est pas encore devenue obligatoire ou a été annulée ou suspendue par un tribunal du pays dans lequel ou en vertu de la loi duquel elle a été rendue ; (vii) le tribunal arbitral a excédé ses pouvoirs. 28. Griefs pouvant être soulevés d’office par le juge de l’exequatur. — Le législateur a retenu les deux griefs suivants qui, en raison de leur (55) On retrouve ici, comme pour le grief d’annulation, l’exigence que la violation des droits de la défense ait eu un impact sur la sentence, ce en vue d’éviter que la sentence ne soit pas reconnue et exécutée en raison d’un vice de pure forme. (56) Le grief d’absence de motivation ne se retrouve pas dans la loi type, pas plus qu’à l’article V de la Convention de New York. Par rapport à sa formulation au titre de motif d’annulation, il est précisé ici que l’absence de motivation est prise en compte si le droit applicable à la procédure arbitrale prescrivait une telle motivation. Le texte semble donc considérer, à l’instar de la doctrine traditionnelle, qu’une sentence arbitrale étrangère non motivée pourrait être reconnue et exécutée en Belgique si cette absence de motivation est conforme au droit applicable à l’arbitrage, et que cette reconnaissance ne serait pas contraire à l’ordre public international belge. Une telle opinion a cependant récemment été remise en cause ; cfr Civ. Bruxelles, 30 mars 2011, R.D.C./T.B.H., 2012, p. 186, note C. VERBRUGGEN, « Le refus d’exequatur d’une sentence arbitrale étrangère dépourvue de motivation ». (57) Cfr supra, examen du grief d’annulation similaire : exigence d’impact sur la sentence. JTL_038_02_2015.fm Page 45 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 45 DOCTRINE C. La procédure de reconnaissance et exécution des mesures provisoires et conservatoires prononcées par le tribunal arbitral 29. Exequatur d’une mesure provisoire ou conservatoire prononcée par un tribunal arbitral. — Le législateur, inspiré par les articles 17 H et I de la loi type C.N.U.D.C.I., a instauré en droit belge une procédure de reconnaissance et exécution des mesures provisoires et conservatoires prononcées par un tribunal arbitral. Ce régime est applicable quel que soit le pays où la mesure a été prononcée (décision belge ou étrangère) (cfr article 1696 du Code judiciaire). Le juge compétent est le tribunal de première instance58. La règle de compétence territoriale n’est pas précisée, pas plus que ne l’est le mode d’introduction ; de ce dernier silence, on devrait en principe déduire que la procédure est introduite par citation, sauf s’il s’agit de mesures provisoires ou conservatoires prononcées par une véritable sentence arbitrale. Le tribunal peut subordonner le caractère exécutoire de la mesure à la constitution d’une garantie (article 1696, § 3, du Code judiciaire). Pour accorder ou refuser la force exécutoire, le tribunal ne procède à aucune révision au fond59. Il ne peut qu’examiner les motifs de refus limitativement énumérés. réfère simplement à la disposition similaire concernant les griefs pouvant être soulevés d’office par le juge de l’exequatur d’une sentence arbitrale. cessus arbitral n’intervient pas en accord avec les principes fondamentaux de celui-ci, comme le respect des droits de la défense. Il est cependant tout aussi essentiel que l’intervention du juge étatique soit organisée de manière efficace et rapide, afin de préserver le choix des parties d’une procédure en principe rapide. 6 Sur ce point, la récente réforme de 2013 a nettement amélioré l’intervention du juge étatique, en éliminant le double degré de juridiction, en limitant le nombre de tribunaux concernés pour y accroître une certaine spécialisation, et en consacrant une intervention plus rapide du juge d’appui, par le biais de la procédure comme en référés. Conclusions 32. Le rôle du juge étatique est fondamental, et ce même si un arbitrage réussi est en principe un arbitrage sans juge étatique L’examen « chronologique » de l’intervention du juge étatique en rapport avec les procédures d’arbitrages auquel nous avons brièvement procédé permet également de faire apparaître l’importance croissante de cette intervention60 . L’intervention du juge d’appui peut généralement être exclue par les parties, ce qui découle de la simple référence à un règlement d’arbitrage qui règle lui-même la plupart des incidents que le juge d’appui aurait pu régler, l’intervention du juge de l’annulation peut l’être dans certains cas (si les parties n’ont aucun lien avec la Belgique), tandis que l’intervention du juge de l’exequatur de la sentence ne pourra jamais être exclue. L’intervention du juge étatique est essentielle pour garantir un recours aux parties si le pro(60) Cfr dans le même sens, avec même un plaidoyer pour accentuer ce caractère croissant : H. BOULARBAH, « Le juge étatique “bon samaritain de l’arbitrage” (...) », op. cit., pp. 753 et s. 30. Griefs justifiant le refus d’exequatur des mesures provisoires ou conservatoires devant être prouvés par le requérant. — Les griefs justifiant le refus d’exequatur des mesures provisoires et conservatoires devant être prouvés par le requérant sont : (i) les griefs prévus à l’article 1721, § 1er, a), (i) à (v) du Code judiciaire (cfr supra, griefs devant être prouvés par le requérant sollicitant l’exequatur d’une sentence, (i) à (v)) ; ou (ii) le fait que la mesure provisoire ou conservatoire a été rétractée ou suspendue par le tribunal arbitral ou annulée ou suspendue par le tribunal de l’État dans lequel a lieu l’arbitrage ou conformément à la loi selon laquelle cette mesure a été accordée (1697, § 1er, a), (iii), du Code judiciaire) ; ou (iii) le fait que la décision du tribunal arbitral concernant la constitution d’une garantie n’a pas été respectée. (58) Une chambre ordinaire du tribunal, à juge unique. (59) Ceci est précisé par l’article 1697, § 2, du Code judiciaire : « Le tribunal (...) n’examine pas, lorsqu’il prend sa décision, le bien-fondé de la mesure provisoire ou conservatoire ». Les parties et les arbitres n’auront qu’à s’en féliciter ! Caroline VERBRUGGEN Juge au tribunal de première instance francophone de Bruxelles61 (61) Les opinions exprimées dans ce texte sont les vues strictement personnelles de l’auteur, exposées lors de la conférence relative au rôle de la magistrature dans le développement de l’arbitrage qui s’est tenue le lundi 13 octobre 2014 à Luxembourg, organisée par la Chambre de commerce de Luxembourg et le Think Tank pour le développement de l’arbitrage à Luxembourg. VAT NEUTRALITY Charlène Adline Herbain Préface de : André Prüm Postface de : Jean-Claude Bouchard Most major economies around the world use a Value Added Tax (VAT). The apparition in France and the spread around the world of VAT have been driven by economical reasons. This book focuses on the neutrality of VAT towards the functioning of economics. ilable as a va 344 p. • 60,00 € • Edition 2015 n 31. Griefs pouvant être constatés d’office par le juge de l’exequatur - Renvoi. — L’article 1697, § 1er, b), du Code judiciaire se Avec la nette amélioration de l’intervention du juge étatique qui en résulte, on peut penser que, désormais en Belgique, l’intervention du juge étatique dans un arbitrage jouera son rôle de « filet de sécurité », empêchant un arbitrage irrégulier de sortir ses effets, sans que cette intervention du juge n’ait un effet d’enlisement de la procédure. Also a importance, peuvent être soulevés d’office par le juge : (i) l’objet du différend n’est pas susceptible d’être réglé par l’arbitrage ; (ii) la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public. Par rapport au grief d’annulation similaire, on notera la formulation différente du grief de contrariété à l’ordre public : il faut que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence arbitrale soit contraire à l’ordre public. www.promoculture-larcier.lu www.promoculture-larcier.lu c/o Larcier Distribution Services sprl Fond Jean Pâques, 4 b • 1348 Louvain-la-Neuve – Belgique Tél. +352(0)278 60730 • Fax + 352(0)278 60731 [email protected] JTL_038_02_2015.fm Page 46 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 46 DOCTRINE Le point de vue luxembourgeois 1. Le Think Tank pour le développement de l’arbitrage à Luxembourg, créé en octobre 2013 à l’initiative de Me Vincent Bollard, nous invite dans le cadre de cette conférence à nous interroger sur le rôle de la magistrature dans le développement de l’arbitrage, étant sous-entendu qu’il s’agit à première vue d’analyser l’influence positive que la magistrature peut insuffler au développement de l’arbitrage. Dans une approche comparatiste, l’objectif de la conférence consiste à juxtaposer les vues et les expériences luxembourgeoise, française et belge afin de pouvoir en tirer des conclusions sur les travaux du Think Tank. Chargé de présenter le point de vue luxembourgeois, la tâche se présente à première vue comme étant assez aride, tant il est vrai que l’arbitrage, et par voie de conséquence la jurisprudence sur l’arbitrage, est peu développé au Luxembourg. Par ailleurs, la législation régissant l’arbitrage semble dépassée, vieillotte et lacunaire. On serait finalement tenté de dire que la doctrine sur l’arbitrage représente l’aspect le plus abouti dans cet environnement juridique1. Dans ces conditions, c’est de l’accord des coorateurs que nous avons décidé d’adopter une vue plus générale et de planter le décor afin de relever les nombreux aspects sur lesquels on peut s’interroger en réfléchissant au rôle du magistrat dans le développement de l’arbitrage, en agrémentant ce tour d’horizon des quelques fleurs que nous offre la situation juridique propre au Luxembourg. 2. En guise d’introduction, il convient dans un premier temps de circonscrire la notion d’arbitrage. Celui-ci peut être défini comme étant un mode de règlement juridictionnel d’un litige par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger non d’une délégation permanente de l’État ou d’une institution internationale, mais de la convention des parties2. En termes raccourcis, ou vulgarisés, d’aucuns parlent de justice privée. La caractéristique institutionnelle essentielle de l’arbitrage réside ainsi dans l’absence de pouvoir juridictionnel obligatoire au profit de l’instance arbitrale, et dans la création de ce pouvoir à travers la volonté commune des parties qui conviennent par la voie conventionnelle de soumettre leur différend à un ou plusieurs arbitres. L’arbitrage en tant qu’institution privée s’oppose ainsi en de nombreux points à la justice étatique. 3. Cette opposition étant caractérisée, il faut brièvement s’interroger sur les raisons qui poussent les parties à avoir recours à l’arbitrage, et par voie de conséquence sur les raisons qui devraient amener un législateur à vouloir appuyer le développement de l’arbitrage. Ces raisons sont essentiellement au nombre de trois. D’une part, le processus arbitral est marqué par un haut degré de confidentialité et de discrétion, pour ne pas dire de secret. Dans certaines catégories de litiges, il peut être de l’intérêt personnel, professionnel, commercial ou écono(1) P. KINSCH, « La législation luxembourgeoise en matière d’arbitrage », Bull. du Cercle François Laurent, 1997, bulletins II et III. (2) G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, P.U.F. mique des parties à ce que le processus de résolution du litige se déroule hors des feux de la rampe. S’il est vrai que la publicité des débats et des décisions des juridictions étatiques constitue une des garanties essentielles à un procès équitable et transparent, il n’en est pas moins vrai que pareille publicité peut dans certaines circonstances apporter plus de nuisances que d’effets bénéfiques. Il apparaît donc opportun de proposer aux parties des modes de résolution de leurs litiges qui soient soustraits à la pression qui peut résulter d’un débat public. L’arbitrage offre cette possibilité en faisant échapper tant la procédure que souvent la sentence arbitrale finale à la connaissance du grand public. D’autre part, le processus arbitral peut permettre aux parties de résoudre leurs conflits endéans un laps de temps plus réduit que ne le permettrait le recours à une juridiction étatique. L’idée de célérité semble consubstantielle à la notion d’arbitrage3, et les arbitres sont généralement conscients des attentes des parties. Ceci ne signifie pas que des procédures d’arbitrage ne puissent pas s’éterniser pendant des mois ou même des années, mais l’idée généralement admise est toutefois que les arbitres agissent rapidement. De troisième part, le recours à l’arbitrage assure aux parties un haut degré de flexibilité. Il leur permet de choisir leurs juges. Cette possibilité du choix ne doit pas être vue comme étant affectée d’une connotation péjorative ou comme signe de défiance à l’égard des juridictions étatiques, mais il est un fait que certains litiges requièrent des compétences soit techniques, soit juridiques particulières que les parties ne sont pas certaines de rencontrer au sein des juridictions étatiques. L’arbitrage leur permet ainsi de désigner des personnes revêtues des compétences requises pour régler leur différend. La flexibilité s’exprime encore à travers les règles de procédure auxquelles les parties s’astreignent, en ce qu’elles peuvent librement constituer le corps de règles procédurales sous l’égide duquel l’arbitrage se déroule. Un quatrième argument, tenant au coût de la procédure et en ce que l’arbitrage permettrait de faire des économies en comparaison avec le recours à une juridiction étatique, est plus controversé. Il semble certain que chacune des parties doit, tout comme dans les procédures étatiques, honorer les prestations fournies par ses conseils, et qu’elles doivent en sus supporter le coût des honoraires et frais du ou des arbitres, alors que les juridictions étatiques sont financées par le budget de l’État sans contributions particulières par les litigants. Le coût financier pur de l’arbitrage semble donc supérieur. Mais on peut y opposer un potentiel gain en honoraires des conseils juridiques des parties, si la pro(3) À titre d’exemple, on note en droit luxembourgeois que l’article 1228 du Nouveau Code de procédure civile fixe la durée maximale de l’instance arbitrale, sauf accord contraire des parties, à trois mois, et que l’article 1233 dispose expressément que le compromis prend fin à l’expiration du délai applicable, la jurisprudence affectant le dépassement de ce délai de la sanction de la nullité de la sentence arbitrale (Trib. arr. Luxembourg, 3 janvier 1966, Bull. du Cercle François Laurent, 1996, no II, pp. 282-292). cédure arbitrale se déroule plus rapidement qu’une procédure judiciaire étatique, ainsi que le gain immatériel que les parties peuvent escompter en termes de sécurité juridique accrue lorsque leur différend est toisé par des professionnels aguerris dans un domaine particulier et en un laps de temps réduit par rapport à ce que nécessiterait une procédure étatique. 4. Ces avantages liés à la procédure d’arbitrage ont conduit au fil du temps à son expansion qui se manifeste à travers plusieurs éléments. Il faut d’abord souligner l’existence de nombreux organismes nationaux et internationaux auxquels les parties peuvent avoir recours pour organiser la mise en place d’une procédure d’arbitrage4. Ces organismes peuvent fournir de nombreux éléments indispensables au bon déroulement des procédures, tels que des arbitres, une infrastructure immobilière, un support logistique, un corps de règles procédurales. En termes quantitatifs, le nombre de litiges traités par voie d’arbitrage est en croissance constante, que l’on considère ces chiffres en termes de nombre de litige ou d’impact économique à travers la valeur des transactions concernées. L’importance de l’arbitrage se reflète finalement dans les textes normatifs internationaux. Le texte le plus important est constitué par la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance de l’exécution des sentences arbitrales étrangères. D’autres aspects sont traités par d’autres conventions, souvent régionales, telles que la Convention européenne du 21 avril 1961sur l’arbitrage commercial international. Même des actes normatifs auxquels l’arbitrage est en principe étranger s’intéressent à l’institution. L’exemple récent le plus frappant est le règlement (U.E.) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit Bruxelles Ibis). En vertu de son article 1er, § 2, d), l’arbitrage est expressément exclu de son champ d’application. Mais le considérant n° 12 consacre quatre alinéas exhaustifs aux implications que cette exclusion a sur la question de savoir si une convention d’arbitrage est caduque, inopérante ou inapplicable et sur la portée de l’exclusion au regard des problèmes relatifs à des demandes accessoires (constitution du tribunal arbitral, compétence des arbitres, déroulement de la procédure arbitrale) et au regard de l’annulation, de la révision, de la reconnaissance et de l’exécution d’une sentence arbitrale : il est précisé que l’exclusion s’étend à tous ces aspects. Ces développements consacrés à l’arbitrage par ce considérant culminent dans l’affirmation de la primauté de la Convention de New York de 1958 sur le règlement no 1215/20125. (4) Pour ne mentionner que quelques-uns de ces organismes, citons la ICC (International Chamber of Commerce), International Court of Arbitration à Paris, la Chambre de commerce à Luxembourg, le Centre belge d’arbitrage et de médiation à Bruxelles, la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale à Zurich ou la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève. JTL_038_02_2015.fm Page 47 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 DOCTRINE 5. L’arbitrage a ainsi su prendre ainsi sa place nonobstant les défis et les problèmes tant pratiques que juridiques auxquels il se trouve confronté. Parmi ces problèmes, il faut souligner en premier lieu les problèmes d’efficacité auxquels se heurte la procédure d’arbitrage. Elle vit de son acceptation par les parties concernées, qui y ont recours volontairement et sont censées se soumettre au verdict rendu par les arbitres en l’exécutant volontairement. Tel n’est cependant malheureusement pas toujours le cas, et l’exécution forcée de la sentence arbitrale se heurte alors à ce qui fait au départ sa force : étant de nature conventionnelle, elle se trouve dépourvue de l’autorité que confère à une décision de justice son origine étatique. La sentence arbitrale ne peut donc être mise à exécution en tant que telle sans intervention de la justice étatique. L’ordre juridique mondial a pourvu à ces problèmes à travers la Convention de New York de 1958 et les différents ordres juridiques nationaux ont organisé des procédures de reconnaissance des sentences arbitrales. Au Luxembourg, ces procédures sont régies par les articles 1241 et suivants du Nouveau Code de procédure civile qui opèrent, à l’instar de nombreux autres droits nationaux, une différence entre sentences arbitrales nationales, qui sont reconnues à travers une ordonnance du président du tribunal d’arrondissement dont les effets peuvent être contestés par une action en nullité portée devant le tribunal d’arrondissement avec la possibilité d’un appel subséquent devant la Cour d’appel, et les sentences arbitrales étrangères, qui sont reconnues par le biais d’une ordonnance du président du tribunal d’arrondissement soumise à contrôle par un recours porté directement devant la Cour d’appel. Ces questions d’efficacité de la sentence arbitrale à l’issue de la procédure trouvent un corollaire au seuil de l’instance arbitrale lorsqu’il s’agit de démarrer la procédure. À un stade ultérieur, d’autres questions encore peuvent venir perturber le déroulement normal de la procédure arbitrale. Le problème provient de ce que l’accord conventionnel qui met en place l’arbitrage entre deux ou plusieurs parties ne peut en règle générale prévoir tous les détails et incidents qui peuvent émailler la procédure. Il en est certainement ainsi de la simple clause compromissoire insérée dans un contrat qui impose le recours à l’arbitrage pour pallier les éventuels problèmes qui pourraient surgir à l’occasion de l’exécution (ou de l’inexécution) de ce contrat. Pouvant être plus ou moins complète, elle n’envisage pas le cas concret qui donne naissance au litige et risque d’être lacunaire. Il en est encore souvent ainsi du compromis d’arbitrage qui règle, une fois le différend né, le recours des parties à l’arbitrage. Conclu en présence d’un litige né et actuel, le compromis est généralement plus précis et plus pertinent que le compromis quant aux points à régler pour démarrer efficacement la procédure. Mais il peut néanmoins présenter des lacunes. (5) Pour une présentation plus complète de l’interaction entre le règlement 1215/2015 et l’arbitrage, voir notamment S. MENÉTREY et J.-B. RACINE, « L’arbitrage et le règlement Bruxelles Ibis », in E. GUINCHARD (dir), Le nouveau règlement Bruxelles Ibis, Bruxelles, Bruylant, 2014. Les parties doivent alors disposer d’une solution de recours pour régler leurs problèmes de mise en place et de déroulement de la procédure afin de tirer le plein profit de leur volonté de recourir à l’arbitrage. Différentes voies sont possibles. Celle qui cadre le plus avec l’origine conventionnelle de l’arbitrage est celle qui amène les parties à trouver un accord pour résoudre la question litigieuse. Mais dans la mesure où la situation est contentieuse et conflictuelle, cette voie n’est pas toujours praticable. Une deuxième solution consiste à avoir recours au soutien fourni par les organismes nationaux et internationaux qui appuient le développement de l’arbitrage. Cette voie a pu être prévue dès la clause compromissoire ou le compromis d’arbitrage, et elle peut être employée de l’accord des parties, à l’effet de confier à un tel organisme le soin de régler les points litigieux. Mais cette voie relève à nouveau d’un accord entre parties. Et il a même pu arriver que l’institution désignée ne fût pas clairement identifiable, empêchant qu’il y soit pris recours. La troisième issue finalement consiste à avoir recours au juge étatique en lui demandant de résoudre le conflit qui forme obstacle au démarrage et/ou au déroulement de la procédure d’arbitrage. C’est ainsi que le juge étatique est amené à jouer un rôle dans le développement de l’arbitrage à travers ce qu’il est admis d’appeler le juge d’appui. 6. La place du juge d’appui dans l’architecture du processus de règlement des litiges à travers l’arbitrage étant ainsi brièvement définie, il reste à remplir cette notion de vie, ce qui amène à s’interroger successivement sur ses pouvoirs (1), ses compétences (2) et les conditions de l’efficacité de son intervention (3)6. Les pouvoirs du juge d’appui 7. La notion de pouvoir dans ce contexte vise à s’interroger sur le rôle du juge d’appui à l’égard du fondement juridique de son intervention, qui est constitué par la nécessité de donner plein effet à l’accord des parties d’avoir recours à une procédure d’arbitrage pour régler leur différend. Il est certain qu’en l’absence de pareil accord, l’arbitrage ne peut avoir lieu et l’intervention du juge d’appui ne se conçoit donc pas. Cet accord, consigné dans la clause compromissoire figurant au contrat de base ou dans un compromis autonome négocié après la survenance du litige, peut être plus ou moins bien rédigé, de même qu’il peut être plus ou moins complet, pouvant laisser ouvertes beaucoup de choses, allant de questions fondamentales, tel que la question de la validité même de l’accord, jusqu’à des questions purement accessoires ou pratiques liées au déroulement de la procédure. (6) Ces développements conduisent à aborder non seulement le juge d’appui au sens communément admis aujourd’hui, mais plus globalement l’intervention de tout juge étatique. Ces domaines d’intervention d’autres juges étatiques que le juge d’appui sont spécialement mentionnés (cfr infra, au no 16 pour la récusation et au no 25 pour les mesures provisoires) et les conclusions pertinentes sont relevées par la suite (cfr infra, sub no 31). 47 La question fondamentale qui se pose est ainsi celle de savoir s’il appartient au juge d’appui de combler toutes les lacunes que présente l’accord des parties afin de sauver le processus arbitral d’un blocage dans lequel il pourrait se retrouver lorsque les parties n’arrivent pas à trouver une issue consensuelle. 8. Une première interrogation fait appel à la question de savoir si l’intervention du juge d’appui et ses pouvoirs devraient varier selon que l’arbitrage prend appui sur une clause compromissoire ou un compromis. Il pourrait être soutenu que la clause compromissoire, rédigée ex ante, n’a pas pu entrevoir toutes les hypothèses et peut ainsi plus facilement justifier l’intervention du juge étatique appelé à en combler les lacunes, alors que le compromis, rédigé une fois le litige né, aurait dû aborder tous les problèmes auxquelles les parties se heurtent dans le cadre de l’organisation de l’arbitrage et que faute par elles d’y avoir veillé, il n’appartiendrait pas au juge étatique d’y pourvoir. Il ne semble pas toutefois qu’une telle distinction doive être retenue. L’objectif de l’institution du juge d’appui est d’apporter son soutien à toute procédure d’arbitrage, peu importe son origine et les circonstances de sa genèse. Il n’existe aucune raison majeure de priver les arbitrages engendrés à travers un compromis d’un appui qu’on accorderait à une clause compromissoire. Il faut écarter toute idée d’une sanction « privée » qui viendrait frapper les parties en raison de leur incapacité à prévoir ou à régler tous les incidents par la voie consensuelle. Abonder en ce sens reviendrait finalement à priver l’arbitrage d’un soutien indispensable à son bon fonctionnement. 9. Le point crucial touchant l’intervention du juge d’appui tient à la technique et à la méthodologie du travail juridictionnel. Le juge étatique ne peut pas créer le droit. Son rôle consiste à l’appliquer, qu’il soit de source nationale ou internationale, légale (au sens large) ou conventionnelle. Dans le cadre du soutien apporté à l’arbitrage, il s’agit pour lui d’appliquer l’accord contractuel des parties (clause compromissoire ou compromis). Ainsi, la mise en œuvre d’un accord contractuel fait appel, sauf l’hypothèse de la stipulation claire, à une démarche d’interprétation de la stipulation contractuelle. Or l’accord d’arbitrage, comme toute autre clause contractuelle, peut être affecté de tares diverses, allant de la simple rédaction négligente sans réel impact objectivement vérifiable sur sa portée à l’absence pure et simple de stipulation pour régler un problème spécifique. Le juge étatique se retrouve dans son rôle naturel lorsqu’il procède à l’interprétation des stipulations contractuelles obscures, ambiguës ou en apparence contradictoires. Il semble encore logique que ce faisant, il fasse application des règles communément admises en matière d’interprétation des contrats, notamment en ce qu’il doit rechercher la commune intention des parties et donner aux clauses qui lui sont soumises un sens qui permet d’en assurer l’application, plutôt qu’un sens qui conduirait à leur ineffectivité7. (7) On relira à cet effet utilement les articles 1156 à 1164 du Code civil traitant de l’interprétation des conventions. JTL_038_02_2015.fm Page 48 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 48 Mais la seule technique de l’interprétation ne permet pas toujours de résoudre tous les problèmes. Certains points ont tout simplement pu avoir été laissés à l’écart ; d’autres peuvent faire l’objet de stipulations contradictoires non seulement en apparence, mais de façon certaine sans que l’intention commune des parties ne soit décelable. On peut alors admettre que le juge fasse œuvre de droit si les parties, en désaccord sur la règle à adopter, s’accordent néanmoins à confier au juge ce rôle. Bien qu’une telle démarche puisse susciter des interrogations au regard de l’office du juge étatique et de la question de savoir si les justiciables peuvent étendre ce dernier audelà de ce que lui attribue la loi, aucune objection de principe ne s’oppose à notre sens à ce que ce pouvoir « créateur » soit reconnu au juge d’appui. Mais il n’est pas certain qu’en toutes circonstances, les parties en litige s’accordent pour confier ce rôle au juge étatique. La partie qui voudra échapper à la juridiction arbitrale aura tendance à former obstacle à sa mise en place en faisant fruit des carences de la stipulation contractuelle afin d’en écarter l’application. Lorsqu’il est saisi d’une telle situation, il existe un risque que sous le couvert d’interprétation, le juge crée le droit, en invoquant au soutien de sa démarche la nécessaire mise en œuvre effective de l’accord arbitral. La question revient ainsi en définitive à savoir si par une vision extensive de son rôle, le juge d’appui doit être amené à tenter de sauver en tout état de cause tous les accords d’arbitrage pathologiques. L’institution de l’arbitrage y aurait certainement à gagner en efficacité, et une telle démarche peut effectivement se targuer d’un argument de poids, qui consiste à vouloir donner effet à la volonté des parties, qui était de soumettre leur différend à un arbitrage. Devant l’impossibilité matérielle de pouvoir tout prévoir dans l’accord d’arbitrage, le recours au juge d’appui qui amène à donner effet à l’accord contractuel doit être préféré à la solution qui consisterait à brider l’intervention du juge d’appui et à laisser inappliquée la volonté des parties. 10. Tout en reconnaissant ainsi un pouvoir extensif au juge d’appui, il faut s’interroger dans le cadre de sa compétence sur les aspects, problèmes et incidents à l’égard desquels il peut intervenir. Les compétences du juge d’appui 11. L’intervention classique du juge d’appui se situe au stade de la constitution et du maintien du tribunal arbitral en tant que sa composition personnelle est concernée (A). Cette intervention peut être précédée par des interrogations en droit sur la possibilité même de constituer un tribunal arbitral (B). Par la suite, le déroulement de l’instance arbitrale est de nature à donner naissance à de nombreux incidents par rapport auxquels se pose la question de la possible intervention du juge d’appui (C), la matière des mesures provisoires suscitant des observations à part (D). 2015 DOCTRINE A. La constitution du tribunal arbitral 12. Contrairement aux juridictions étatiques, les tribunaux arbitraux ne sont pas des institutions pérennes au fonctionnement desquelles se trouvent affectées un nombre déterminé et défini de personnes. Bien que certains organismes d’arbitrage gèrent des listes de personnes qualifiées aptes et disposées à assurer des missions d’arbitrage, il faut pour chaque litige individuel désigner le ou les arbitres appelés à intervenir. Ce processus de constitution du tribunal arbitral se déroule en règle générale sans problèmes majeurs lorsque les modalités sont prévues dans l’accord arbitral, soit directement, soit par renvoi à un règlement d’arbitrage. Lorsque l’accord sur ces points n’est pas clair, notamment lorsque les modalités de désignation prêtent à discussion ou lorsque le centre d’arbitrage qui doit procéder à la nomination des arbitres ou dont le règlement doit gouverner ces questions n’est pas clairement désigné, le juge d’appui exerce normalement son rôle d’interprétation des clauses contractuelles. Mais en l’absence totale de règles, le recours au juge étatique en sa fonction de juge d’appui disposant d’attributions propres est la voie naturelle à suivre. Les questions potentielles qui surgissent ici peuvent toucher à la désignation des personnes appelées à constituer le tribunal arbitral (1) et aux qualités des personnes désignées par les parties (2). 1. La désignation des arbitres par le juge d’appui 13. L’intervention du juge d’appui par rapport à cette question est une des seules à être envisagée, bien que de façon complexe et lacunaire, par le droit luxembourgeois. 14. Le droit luxembourgeois est d’abord compliqué dans la mesure où il prévoit des règles différentes pour les différents cas de figure. En cas de carence d’une des parties de désigner l’arbitre qu’elle entend voir siéger dans le tribunal arbitral, l’autre partie saisit le président du tribunal d’arrondissement par voie de requête et le président rend une ordonnance unilatérale (article 1227, alinéa 6). Si les arbitres désignés par les parties ne parviennent pas à s’accorder sur le nom du tiers arbitre, la partie la plus diligente saisit le président du tribunal d’arrondissement par voie de requête, et le président rend une décision contradictoire (article 1227, alinéa 8). La procédure est encore contradictoire s’il y a plus de deux parties qui ont des intérêts distincts et qu’elles ne parviennent pas à s’accorder sur les noms des trois arbitres (article 1227, alinéa 8). Le code règle finalement la situation du tribunal arbitral composé de deux arbitres qui ne parviennent pas à se départager, pour dire que le président du tribunal d’arrondissement peut être saisi par voie de requête pour voir nommer un tiers appelé à départager les deux arbitres en place (article 1238). Cette disposition ne précise pas s’il s’agit d’une procédure unilatérale ou contradictoire, mais s’agissant de la nomination d’un tiers, on doit appliquer par analogie les règles prévues pour le tiers arbitre. 15. L’approche du droit luxembourgeois est ensuite lacunaire dans la mesure où il n’envisage que la situation des tribunaux arbitraux composé de trois arbitres (article 1227 du Nouveau Code de procédure civile) et de deux arbitres (article 1238 du Nouveau Code de procédure civile), en ignorant la situation du tribunal arbitral composé par un seul arbitre. Cette lacune peut toutefois aisément être comblée en admettant que la situation de l’arbitre unique correspond à celle du tiers arbitre dans une composition collégiale de trois arbitres, et qu’on peut dès lors appliquer par analogie au processus de nomination de l’arbitre unique les règles prévues pour le tiers-arbitre. Les lacunes du droit luxembourgeois se révèlent encore dans l’absence de prise en considération d’autres circonstances qui peuvent affecter la composition du tribunal arbitral. La nomination d’un nouvel arbitre peut s’avérer nécessaire en cas de décès ou de démission d’un arbitre. Le remplacement d’un arbitre peut encore s’imposer en cas de carence, de refus ou d’empêchement d’un arbitre à assumer sa fonction ou en cas de révocation ou de récusation d’un arbitre8. Il paraît logique que dans ces cas de figure, pour autant que le droit procédural applicable ne s’y oppose pas expressément, le juge d’appui puisse assumer sa mission et (re)compléter la composition du tribunal arbitral. 2. Le contrôle par le juge d’appui des qualités des arbitres désignés par les parties 16. L’arbitre, comme tout juge, doit en son for intérieur répondre à certaines qualifications indispensables à l’exercice de toute fonction intervenant dans la résolution des litiges : honnêteté, indépendance, impartialité. Ces qualifications s’imposent même aux arbitres désignés unilatéralement par les parties respectives. La sanction du respect de ces critères essentiels peut être reportée à la fin du processus arbitral, lorsqu’il s’agit d’attribuer à la sentence arbitrale la force exécutoire en l’insérant dans l’ordre juridique étatique : généralement, la reconnaissance de la sentence peut être refusée ou la sentence peut être annulée sur base d’un certain nombre de motifs qui recouvrent le manque d’impartialité et d’indépendance d’un ou de plusieurs arbitres. Peut-on concevoir qu’un tel contrôle se fasse ex ante, en permettant au juge étatique d’écarter un arbitre qui ne remplirait pas les conditions essentielles à l’exercice de sa mission ? Le procédé approprié pour y parvenir est sans aucun doute la récusation de l’arbitre concerné. Le droit luxembourgeois conçoit explicitement en l’article 1235 du Nouveau Code de procédure civile la possibilité de récuser un arbitre, mais sans y consacrer des dispositions procédurales particulières. La jurisprudence en a tiré la conclusion logique que les règles de droit commun applicables à la récusation des juges tirées des articles 521 du Nouveau Code de procédure ci(8) Il est vrai que le droit luxembourgeois soumet la plupart de ces hypothèses à des conditions particulières : — la révocation ne peut intervenir que de l’accord de toutes les parties (article 1229) ; — un arbitre ne peut pas se déporter après que les opérations d’arbitrage aient débuté (article 1235) ; — un arbitre ne peut être récusé que pour des causes postérieures au compromis (article 1235) ; — le décès, le refus, le déport et l’empêchement d’un arbitre mettent en principe fin à l’arbitrage, sauf si l’accord prévoit qu’il sera passé outre ou prévoit des solutions de rechange (article 1233, point 1). JTL_038_02_2015.fm Page 49 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 49 DOCTRINE vile s’appliquent en l’espèce, y compris les règles de compétence matérielle. Une telle demande relève partant du tribunal d’arrondissement siégeant en composition collégiale. On est alors amené à s’interroger sur la question de savoir si cet incident relève toujours du champ d’action du juge d’appui au sens strict, pour être tenté de répondre par la négative à cette question, dès lors que la demande en récusation n’est pas propre à l’arbitrage, mais qu’il s’agit d’une procédure prévue de façon générale à l’égard de tous les juges et de toutes les juridictions. Cette procédure n’étant pas spécialement conçue pour les besoins de l’arbitrage, la notion de juge d’appui n’a plus vocation à être utilisée dans ce cadre. 17. Un autre aspect ayant trait à la personnalité des arbitres peut tenir en leurs qualifications intrinsèques, surtout professionnelles. Il n’est pas inhabituel que les parties au compromis ou à la clause arbitrale conviennent que les arbitres, ou du moins certains d’entre eux, doivent posséder certaines qualifications professionnelles. Cette pratique se retrouve surtout lorsque le contrat qui donne (potentiellement) lieu au litige est d’une technicité particulière et que les parties considèrent qu’un homme du métier peut apporter des éclaircissements utiles à la résolution du litige. Le différend survient alors au stade de la constitution du tribunal arbitral lorsqu’une des parties néglige de tenir compte de ces exigences, ou lorsque les parties sont en désaccord sur la question de savoir si un arbitre proposé remplit les conditions convenues au départ. Là encore, la sanction de la constitution irrégulière du tribunal arbitral peut être repoussée au stade de la reconnaissance ou de la procédure d’annulation de la sentence arbitrale, en ce que pareille composition irrégulière peut conduire au refus de reconnaissance respectivement à l’annulation de la sentence arbitrale. Mais ne convient-il pas de donner aux parties au seuil de l’instance les moyens de prévenir les contestations sur ce point ? On peut concevoir une action en vérification des qualités des arbitres, qui pourrait prendre la forme soit d’une action contestataire, par laquelle une des parties demanderait à voir écarter l’arbitre proposé par la partie adverse, soit d’une action déclaratoire, par laquelle une des parties demanderait à voir reconnaître que l’arbitre par elle proposé répond aux critères conventionnellement fixés. Dans un tel cadre, on peut encore envisager le règlement d’autres contestations, comme celle de savoir si une personne morale peut être désignée en tant qu’arbitre, respectivement quelle personne physique au sein d’une telle personne morale peut assumer concrètement les missions d’arbitrage. Le droit luxembourgeois ne prévoit pas pareille action. B. L’existence de l’arbitrage 18. Lorsque le juge d’appui est approché par une partie au compromis ou à la clause d’arbitrage afin de régler des problèmes de constitution du tribunal arbitral, il est demandé au juge de donner force à l’accord contractuel des parties. Cette demande peut être combattue par un certain nombre d’arguments qui visent à tenir en échec la possibilité même de procéder par voie d’arbitrage, en mettant en cause soit la validité de l’accord contractuel, soit la portée de cet accord. Ainsi, comme pour tout contrat, on peut mettre en cause l’existence du compromis ou de la clause compromissoire, en niant qu’ils aient été conclus, ou encore leur validité, en soutenant l’existence d’une tare (absence de cause, vice du consentement...) qui entraînerait qu’une des conditions de validité de la convention ferait défaut. D’autres questions peuvent être soulevées dans ce cadre, comme celle de savoir si une clause arbitrale peut être incluse dans un contrat de consommation, ou si elle ne doit pas au contraire être considérée comme clause abusive sujette à annulation. Plus spécifiquement, on peut soutenir que le compromis ou la clause arbitrale ne sont pas valides pour un motif propre au domaine de l’arbitrage, notamment en ce qu’ils couvriraient un différend qui serait soustrait à l’arbitrabilité. On peut penser d’une façon générale à ce qui touche à l’ordre public ou plus particulièrement en droit luxembourgeois aux matières visées à l’article 1225 du N.C.P.C. : l’état et la capacité des personnes, les relations conjugales, les demandes en divorce et en séparation de corps, la représentation des incapables, les causes des incapables, les causes des personnes absentes ou présumées absentes. Le compromis ou la clause arbitrale peuvent encore être contestés quant à leur caractère autosuffisant sur la question de savoir s’ils contiennent tous les éléments pour déterminer leur champ d’application ou pour pouvoir être efficacement mis en œuvre. De façon encore plus particulière, on peut faire valoir que le compromis ou la clause arbitrale, bien que valables en la forme et quant à la matière couverte, seraient inapplicables. Différents motifs peuvent donner lieu à discussion sur ce point. Quant à la matière, il peut être soutenu que le compromis vise des différends autres que celui qui est à toiser concrètement (par exemple, un compromis visant les problèmes relatifs à l’exécution d’un contrat peut-il couvrir les questions de nullité de ce contrat ?). Quant aux personnes, la contestation peut porter sur la question de savoir si le compromis peut produire ses effets à l’encontre de la partie contre laquelle il est invoqué (par exemple, lorsque l’arbitrage était prévu dans un contrat qui a par la suite été cédé à un tiers). D’un point de vue temporel peut se poser la question de savoir si le différend peut encore être soumis à l’arbitrage par suite de l’écoulement du délai prévu pour arbitrer9. 19. On peut concevoir différentes manières pour approcher cette question générale de l’applicabilité de l’accord arbitral. On peut soit confier au juge d’appui le pouvoir de toiser intégralement en tout état de cause et jusque dans le moindre détail l’ensemble de ces contestations, de façon à prévenir toute contestation ultérieure et assurer pleine et entière efficacité à la sentence arbitrale rendue (9) Dans une des rares décisions rendues ces dernières années, le président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg était appelé à constituer un tribunal arbitral après que les arbitres originaires n’aient pas statué endéans le délai convenu dans le compromis. Le président rejette la demande au motif que dans de telles circonstances, les parties ne sont pas admises à faire revivre la procédure d’arbitrage, au risque de soustraire le litige de manière indéfinie à la compétence naturelle des juridictions étatiques (ordonnance du président du Trib. arr. Luxembourg du 22 avril 2009). après que l’ensemble de ces exceptions ait été écarté par le juge étatique à un stade précoce de la procédure. Mais cette approche est peu respectueuse de l’autonomie de la procédure d’arbitrage et de la confiance dont on peut à première vue faire bénéficier cette institution. Pour cette raison, le principe de la compétencecompétence du tribunal arbitral s’est imposé au fil du temps dans de nombreux systèmes juridiques. C’est ainsi le tribunal arbitral lui-même, le cas échéant constitué à l’aide du juge d’appui, qui est appelé à toiser les différents moyens et arguments qui s’attaquent à sa compétence et à ses pouvoirs pour trancher le différend qui lui est soumis. Une voie intermédiaire est empruntée par certains droits qui confèrent au juge étatique le pouvoir d’écarter les compromis et clauses arbitrales qui sont « manifestement » nulles, inapplicables, inexistantes... Tel est notamment le cas en France. Nous laissons au lecteur le soin de lire les observations de notre excellent coorateur, M. le doyen Gérard Pluyette sur cette question. Nous tenons toutefois à y ajouter une interrogation générale sur la mise en œuvre de la notion de « manifeste » qui peut être difficile, sinon même dangereuse, à manipuler, surtout dans le cadre de décisions qui sont appelées à trancher définitivement une question de droit10. 20. Le droit luxembourgeois ne consacre aucune disposition spécifique à cette problématique, et n’attribue par ailleurs pas de compétence à un juge étatique pour toiser ex ante l’une quelconque ou toutes ces questions, avant le début de la procédure arbitrale. C. Le déroulement de l’instance arbitrale 21. Une fois les arbitres désignés, la procédure arbitrale prend son envol devant eux. Cette procédure, comme toute autre procédure contentieuse, est de nature à susciter de nombreux points de discussion entre les parties. Outre ceux mentionnés au point précédent tenant à l’existence, la validité, l’étendue... des pouvoirs et de la compétence des arbitres, qu’il est utile de leur abandonner sur la base du principe de la compétence-compétence, d’autres incidents peuvent émailler la procédure au sujet desquels l’interrogation d’une possible intervention du juge étatique s’impose. 22. Il nous semble toutefois que cette intervention du juge étatique doive être écartée pour tout ce qui concerne les moyens de procédure classiques auxquels peut se trouver confrontée toute juridiction, tels que la recevabilité de la demande sous toutes ses coutures (formulation des demandes ; intérêt, qualité, pouvoir et compétence pour agir...), les moyens dilatoires, le respect de règles d’importance majeure (droit de la défense, respect du contradictoire...), les fins de non-recevoir (prescription, autorité de chose jugée...)... Par extension du principe de la compétence-compétence, le tribunal arbitral doit pouvoir lui-même régler tous ces aspects (10) Il nous semble en effet qu’il y a une différence non seulement de degré, mais de nature entre une décision au fond rendue au vu d’une situation « manifeste » et une décision rendue au provisoire au constat d’un état de droit ou de fait « manifeste ». JTL_038_02_2015.fm Page 50 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 50 primaires tenant au déroulement de l’instance et tirés du droit procédural ordinaire. Il devrait encore en être de même pour des questions préliminaires touchant plus spécifiquement au droit de l’arbitrage, tel que la détermination du lieu de l’arbitrage11 ou de la loi applicable (aux aspects procéduraux et au fond). 23. Des questions plus délicates sont celles tenant à la mission des arbitres et à la durée de l’arbitrage respectivement de la prolongation du délai pour arbitrer. Ces questions touchent directement aux pouvoirs des arbitres, que ce soit quant à la matière ou dans le temps. Idéalement, ces aspects sont réglés par les parties, mais des questions peuvent surgir à cet égard. Or il paraît peu opportun de confier à des arbitres, formant une justice privée, le soin de statuer sur leurs propres pouvoirs. Le désaccord des parties sur ces aspects devrait logiquement mener à la fin de l’arbitrage, sinon pouvoir être porté devant le juge étatique, qui sera le cas échéant chargé de rechercher la commune intention des parties en vue de fixer ces points. 24. Le tribunal arbitral peut enfin se trouver confronté à des problèmes dans le cadre de l’instruction, juridique ou factuelle, du différend qui lui est soumis. Du côté juridique, n’étant pas une juridiction étatique, le tribunal arbitral se trouve normalement exclu des mécanismes de coopération institués au niveau national et international pour mettre l’organe de décision en mesure de collecter les informations nécessaires à une bonne instruction du litige, en commençant par des mécanismes basiques de demande de renseignements sur le contenu d’un droit étranger pour aller jusqu’au système complexe des questions préjudicielles (adressées soit à une juridiction nationale, telle que des juridictions constitutionnelles, soit à une juridiction internationale, telle que la Cour de justice de l’Union européenne). Peut-on concevoir que le tribunal arbitral renvoie les parties à se pourvoir devant le juge d’appui, ou saisisse lui-même ce dernier, pour assurer la mise en œuvre de tels mécanismes de collaboration ? D’un point de vue factuel, l’instance arbitrale peut requérir l’audition de témoins, qui peuvent se montrer récalcitrants à déférer à une invitation du tribunal arbitral. N’étant pas investi de l’imperium, le tribunal arbitral ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte pour menacer les témoins potentiels en vue de les inciter à comparaître en vue de leur audition, de même qu’un éventuel faux témoignage ne peut pas faire l’objet de poursuites pénales. Dans le même domaine, le tribunal arbitral ne dispose pas de moyen de contrainte directe pour amener une partie ou un tiers à verser aux débats un document dont celui-ci serait détenteur et que (11) La question du lieu n’est pas anodine, puisque ce lieu emporte un certain nombre d’effets : il détermine le juge d’appui territorialement compétent, il détermine la compétence du juge étatique pour statuer sur la nullité de la sentence arbitrale, il peut servir de critère pour déterminer la loi applicable. Il y a évidemment un problème majeur si le lieu de l’arbitrage n’est pas désigné par les parties et qu’il faut saisir le juge d’appui pour régler certaines questions, par exemple celle du lieu de l’arbitrage. Comment déterminer dans cette hypothèse le juge d’appui territorialement compétent ? Une solution de bon sens est certainement d’avoir recours au juge étatique du lieu de situation du défendeur dans la procédure arbitrale. 2015 DOCTRINE l’autre partie entend invoquer à son profit. Peuton envisager l’intervention du juge d’appui dans le cadre de l’administration de la preuve afin de renforcer l’efficacité de celle-ci ? Le souci d’efficacité conduit à répondre par l’affirmative à ces deux questions, mais l’intervention du législateur semble nécessaire pour dessiner les contours d’une telle implication du juge d’appui. D. Les mesures provisoires 25. Le tour d’horizon de ce que le juge étatique peut apporter en termes de soutien aux procédures d’arbitrage ne serait pas complet ni on n’abordait pas la question des mesures provisoires, bien qu’on ne parle plus ici de juge d’appui au sens strict, puisqu’en règle générale les droits nationaux connaissant sous des formes plus ou moins variées et plus ou moins élaborées les mécanismes de mesures provisoires et/ou conservatoires. Celles-ci existent donc en dehors de toute procédure d’arbitrage. Il est cependant un fait que la procédure d’arbitrage peut requérir la prise de mesures provisoires ou conservatoires pour conserver le statu quo et garantir l’efficacité de la sentence arbitrale qui sera rendue à l’issue de la procédure. Le tribunal arbitral est certainement autorisé à prendre de telles mesures à l’égard des parties, mais ces mesures se heurtent à la fois à des problèmes d’efficacité lorsqu’elles visent des tiers et à des problèmes de rapidité, puisqu’il faut faire assurer leur force exécutoire par le juge national pour qu’elles puissent produire leurs effets. Cette réalité exige que le juge étatique puisse intervenir, ce qui soulève un problème en termes de compétence, puisque par l’effet de la clause compromissoire ou du compromis, la connaissance du litige est en principe soustraite à la compétence des juridictions étatiques. Il est cependant généralement admis que la compétence exclusive du tribunal arbitral pour connaître du fond du litige ne forme pas obstacle à la compétence du juge étatique pour intervenir par voie de mesures provisoires ou conservatoires. Ce pouvoir est, par exemple, expressément reconnu dans le règlement Bruxelles Ibis et ses prédécesseurs12. Les conditions d’efficacité du juge d’appui 26. Le domaine d’intervention du juge d’appui étant ainsi circonscrit, il convient de s’interroger sur les moyens les plus appropriés pour permettre à l’institution du juge d’appui d’exercer convenablement son rôle d’appui au développement de l’arbitrage. Trois notions nous paraissent ici particulièrement intéressantes. (12) Pour une présentation plus complète de la matière des mesures provisoires dans le domaine de l’arbitrage sous cet angle, voir J.-F. VAN DROOGHENBROECK et C. DE BOE, « Les mesures provisoires et conservatoires dans le règlement Bruxelles Ibis », in E. GUINCHARD (dir.), Le nouveau règlement Bruxelles Ibis, Bruxelles, Bruylant, 2014. A. Les éléments de procédure 27. Ainsi que nous l’avons souligné, une des caractéristiques essentielles qui contribuent à l’attrait de la procédure arbitrale est sa rapidité, à quoi il faut ajouter le caractère dépouillé des exigences procédurales. Afin que l’arbitrage continue à exercer son attrait, il semble donc indispensable que la procédure devant le juge étatique, lorsque son intervention s’avère nécessaire ou utile, revête les mêmes caractéristiques. Les règles procédurales devant le juge étatique doivent donc être conçues de telle façon à ce que ces règles soient aisément compréhensibles, accessibles et applicables, que le juge d’appui puisse être saisi aisément, sans formalisme excessif, et que la procédure se déroule rapidement et là encore sans exigences formelles particulières. 28. À cet effet, il semble tout d’abord utile que les règles en question soient regroupées dans un ensemble cohérent et continu, de façon à ce qu’elles se retrouvent à un même endroit d’un code ou d’une loi, sans être éparpillées à différents endroits. Le droit luxembourgeois actuel ne correspond pas nécessairement à cette exigence, si on considère que les seules dispositions traitant du juge d’appui se trouvent dans les articles 1227 et 1238 du N.C.P.C. 29. La facilité de la saisine peut être assurée à travers la possibilité, prévue en droit luxembourgeois, de présenter la demande par voie de requête. Ceci implique toutefois que les parties soient convoquées par la voie du greffe. Mais, si on a alors recours aux règles de droit commun, il n’est certain que cette modalité soit toujours la plus appropriée, respectivement la plus rapide, surtout dans le domaine du commerce international lorsqu’il s’agit de convoquer les parties à leur établissement à l’étranger, puisqu’il faut alors néanmoins recourir à un exploit d’huissier. 30. La rapidité et la simplicité de la procédure finalement peuvent être atteintes par le recours, prévu en droit luxembourgeois, à une procédure orale, dépourvue de conclusions écrites. L’ampleur réduite des débats dont peut être saisi le juge d’appui par rapport aux différents points qui peuvent lui être soumis, conjuguée à la considération que très souvent l’arbitrage a lieu en matière commerciale où la procédure est en règle générale orale, ne s’oppose pas à de telles modalités. 31. Il paraît toutefois difficile de faire observer ces caractéristiques pour tous les incidents au sujet desquels le juge étatique peut être susceptible d’intervenir. Certains incidents ne sont en effet pas propres au droit de l’arbitrage, mais sont d’application commune à toutes les procédures juridictionnelles. Nous avons eu l’occasion de citer la récusation (cfr supra, au no 16) et les mesures provisoires (cfr supra, au no 25). Un autre exemple à cet égard est la procédure du faux incident civil, par laquelle une partie entend voir tenir pour faux une pièce versée aux débats. Ces procédures font l’objet d’une réglementation de droit commun autonome, recourant pour certaines en raison de l’importance de l’incident à un formalisme lourd, à laquelle il paraît difficile de déroger pour les seuls besoins de l’arbitrage. Aussi convient-il de souligner que ces matières ne ressortent pas du juge d’appui au sens strict, mais du juge étatique au sens large. JTL_038_02_2015.fm Page 51 Monday, May 11, 2015 1:42 PM 2015 51 DOCTRINE B. Les qualités du juge d’appui 32. Le droit de l’arbitrage, à l’instar d’autres droits, revêt des caractéristiques particulières et répond à des besoins spécifiques. Si chaque magistrat doit être à même de s’approprier la matière, il peut toutefois paraître opportun de confier le traitement des dossiers d’arbitrage à des magistrats qui non seulement ont subi une formation particulière dans cette matière et disposent d’une bonne connaissance des mécanismes de l’arbitrage, mais encore qui ont une fibre, une sensibilité, un intérêt marqué pour ces dossiers. Comme en toute matière, des magistrats répondant à ces caractéristiques sont le plus efficacement en mesure de saisir les points cruciaux des débats et d’y apporter rapidement les réponses dictées par l’intérêt du développement de l’arbitrage dans le cadre du droit applicable. Une concentration du contentieux de l’arbitrage entre les mains d’un nombre limité de magistrats peut alors paraître une solution utile. 34. En guise de conclusion, il convient de noter que dès lors que les décisions du juge produisent pleine autorité de chose jugée, toute extension de son champ de compétence entraîne par un mécanisme de vases communicants une réduction de l’office du juge de la reconnaissance ou de l’annulation de la sentence. Des pouvoirs accrus du juge d’appui contribuent ainsi à une meilleure organisation de la procédure arbitrale elle-même et à une reconnaissance plus rapide de la sentence arbitrale, contribuant ainsi de façon considérable au développement de l’arbitrage. On peut s’interroger sur la question de savoir si un tel transfert de la fonction juridic- Thierry HOSCHEIT Magistrat Vice-président au tribunal d’arrondissement de Luxembourg Une nouvelle revue au cœur de votre pratique professionnelle C. L’autorité de chose jugée par le juge d’appui sur la procédure de reconnaissance de la sentence 33. Nous avons déjà souligné que l’intervention du juge d’appui au seuil de la procédure d’arbitrage peut éviter des discussions à l’issue de la procédure d’arbitrage au stade de la demande de reconnaissance respectivement d’annulation de la sentence arbitrale. Il en est ainsi aussi en raison de la nature des procédures de reconnaissance respectivement d’annulation qui est telle que les parties peuvent y présenter un certain nombre de moyens tirés de l’irrégularité de la procédure arbitrale pour voir dénier tout effet à la sentence arbitrale. Pour éviter que de tels moyens ne soient utilisés à des fins dilatoires ou procédurières, il faut que la question soumise au juge d’appui au cours de la procédure arbitrale soit toisée par lui par une décision qui jouit de l’autorité de la chose jugée au principal. Ceci implique non seulement que le juge d’appui se voie reconnaître le statut d’un juge plein et entier, ce qui en soit n’est pas discutable puisque c’est une caractéristique qui découle de l’institution même, mais encore qu’il se voit reconnaître, pour régler les obstacles qui peuvent se dresser sur le chemin du bon déroulement de la procédure arbitrale, les pouvoirs pleins et entiers pour statuer comme juge du fond, et non seulement les pouvoirs d’un juge statuant au provisoire pour statuer sur base de considérations tirées de l’urgence ou de l’absence de contestation sérieuse. Le juge d’appui qui statue avec les pouvoirs du juge du fond apporte ainsi une réelle plus-value en termes de développement de l’arbitrage, puisque le nombre de moyens dont disposent les parties pour s’opposer à l’exécution de la sentence arbitrale s’en trouve réduit, dans la mesure où la problématique a été soumise au juge d’appui. Dans ces conditions, l’intervention du juge d’appui apporte encore une plusvalue par rapport à celle d’institutions d’arbitrage qui peuvent également être appelées à régler les problèmes liés au déroulement de l’arbitrage, puisqu’il paraît difficile de reconnaître aux décisions de ces institutions une force qui puisse lier les juges appelés à statuer sur la reconnaissance ou la nullité d’une sentence arbitrale. tionnelle du juge étatique vers le juge privé est souhaitable. Rien ne devrait toutefois s’y opposer, dès lors que l’arbitrage répond à un besoin réel, du moins du commerce international, que les arbitres répondent aux qualités requises pour consciencieusement remplir leur tâche et que les juges étatiques conservent un dernier droit de regard sur le bon fonctionnement de l’institution. REVUE GÉNÉRALE DE FISCALITÉ LUXEMBOURGEOISE La Revue générale de fiscalité luxembourgeoise propose aux professionnels de la finance, du droit et de la fiscalité, des informations complètes sur tout ce qui concerne la fiscalité au Luxembourg. Consacrée aux développements en matière de fiscalité, elle renseigne sur les évolutions de la matière dans un environnement en perpétuelle évolution. Les auteurs, tous issus des plus importants cabinets d’affaires et sociétés d’audit au Luxembourg, livrent des articles de fond, des analyses pointues et détaillent la jurisprudence la plus pertinente en y apportant un avis éclairé. RÉDACTEUR EN CHEF : Sami Douénias SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Sandrine Buisseret COMITÉ DE RÉDACTION : René Beltjens, Paul Berna, Flora Castellani, Ezechiel Havrenne, Christine Ntumba, Frédéric Richter, Jean Schaffner, Louis Thomas, Frédéric Wersand et Jean-Pierre Winandy • Des articles de fond offrant un regard pertinent sur des sujets d’actualité • La jurisprudence la plus récente, analysée et commentée • L’actualité fiscale, au Luxembourg et à l’étranger 3 numéros par an Environ 32 pages par numéro Abonnement 2015 : 190,00 € www.promoculture-larcier.lu c/o Larcier Distribution Services sprl Fond Jean Pâques, 4 b • 1348 Louvain-la-Neuve – Belgique Tél. +352(0)278 60730 • Fax + 352(0)278 60731 [email protected]