Les Rencontres en synthèse - Gestionnaire de régimes de Retraite
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Les Rencontres en synthèse - Gestionnaire de régimes de Retraite
Questions Retraite & Solidarité Les rencontres Direction des retraites et de la solidarité Retraites publiques et droits familiaux Sommaire Ouverture 2 Introduction 4 Au fil des générations : des carrières féminines plus longues, des interruptions toujours pénalisantes Questions / réponses avec la salle 8 9 Les droits familiaux dans la fonction publique : évolutions récentes et spécificités 12 L’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : éclairage sur un dispositif original 14 Questions-réponses avec la salle 15 Les droits acquis par les fonctionnaires au titre des droits familiaux 17 Questions-réponses avec la salle et conclusion 19 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité 2 Ouverture Anne-Sophie GRAVE, Caisse des Dépôts Directrice des retraites et de la solidarité – Bonjour à tous et bienvenue à cette deuxième édition des rencontres « Questions Retraite & Solidarité ». L’objectif de ces rencontres est d’éclairer les thématiques plus spécifiques de la retraite publique. Ces rencontres donnent la possibilité aux experts du domaine, que je salue, de partager leurs travaux avec les partenaires et décideurs du secteur de la protection sociale. Nous avons choisi pour thème la retraite publique car l’emploi public, d’après les chiffres de la DGAFP, représente 20 % de l’emploi total en France. De plus, il rassemble des statuts divers : fonctionnaires civils et militaires de l’Etat, fonctionnaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière, auxquels s’ajoutent également les non-titulaires qui sont employés par des employeurs publics. Cette diversité de statuts se traduit par une diversité de régimes de retraite et de réglementation. Enfin, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) est un acteur historique important de la retraite publique. Elle gère en effet des régimes de retraite et de fonds en direction des agents publics, avec la CNRACL et l’IRCANTEC – dont je salue les administrateurs –, mais aussi des fonds dans le domaine de la santé, le handicap, et la prévention pour la sphère publique. La première édition de nos rencontres s’était tenue le 20 janvier 2014 sur le thème des niveaux de pension et des âges de départ dans les régimes de retraites publiques. Nous avons retenu cette année un sujet d’actualité : les droits familiaux dans les retraites publiques. Les droits familiaux liés à la retraite sont un sujet d’étude et de débat récurrent, qui renvoie à des thématiques plurielles : le niveau des pensions, les différences qui se présentent sur ce point entre les hommes et les femmes et celles qui distinguent leurs déroulements de carrière respectifs. C’est un sujet d’étude vaste au carrefour de la politique familiale et du système de retraite, les droits familiaux étant en partie « des avantages différés » de la politique familiale. Les « avantages familiaux », rebaptisés « droits familiaux » par le Conseil d’orientation des retraites (COR), visent en effet à compenser dans le système de retraite des situations liées à la présence d’enfants, qu’elles concernent la carrière professionnelle (les interruptions d’activité) ou qu’elles soient de nature économique en lien avec le « coût » de l’enfant. Depuis l’instauration de ces droits familiaux, les carrières féminines ont évolué. Le taux d’activité des femmes augmente tandis que la durée des interruptions de carrière liées à l’éducation des enfants se réduit. Des questions récurrentes se posent désormais : quels sont les impacts réels de ces droits familiaux ? Ces droits sont-ils bien ciblés ? Le COR a exploré une première fois ces questions en 2009. La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite prévoit dans son article 22 la remise par le gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets de l’arrivée d’enfants au foyer sur la carrière et les pensions des femmes. Ce rapport vient d’être remis par M. Bertrand Fragonard, Président du Haut Conseil de la Famille (HCF), au gouvernement et au Parlement. M. Fragonard a bien voulu accepter d’ouvrir notre matinée en en présentant les grandes lignes. Je l’en remercie vivement. Interviendront ensuite Dominique Meurs, Nicolas Garrier, Catherine Bac, Romain Lesur et Isabelle Bridenne. Je les remercie chaleureusement pour leur participation à nos travaux. Je vous souhaite à tous une bonne matinée d’échanges et de réflexion. Paris, le 10 avril 2015 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Vincent DELSART, Directeur du développement et des relations institutionnelles – Caisse des Dépôts – DRS Bonjour à tous. Pour introduire nos travaux, M. Bertrand Fragonard présentera donc les grandes lignes de son rapport. M. Fragonard est aujourd’hui l’un des meilleurs experts de la protection sociale. Il suffit d’observer son parcours pour s’en convaincre : magistrat à la Cour des comptes, il fut directeur adjoint du cabinet de Simone Veil lorsqu’elle était ministre de la Santé, directeur de la CNAF, commissaire au Plan, délégué interministériel au RMI, et enfin directeur de la CNAMTS. Professeur à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, Dominique Meurs, qui interviendra ensuite, est économiste et chercheuse associée à l’INED. Elle travaille sur les inégalités de genre et d’origine sur le marché du travail et a publié notamment de nombreux travaux sur les discriminations salariales entre les femmes et les hommes. Elle s’intéresse aujourd’hui à l’évolution des carrières féminines au fil des générations afin d’expliquer les écarts de retraite entre les hommes et les femmes. Paris, le 10 avril 2015 3 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Introduction 1) Une inégalité de pension entre hommes et femmes et une mesure compensatoire : les droits familiaux. Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Je souhaiterais tout d’abord dresser les deux constats suivants : Les droits à pension liés à l’activité professionnelle des mères de famille sont inférieurs à ceux de leurs homologues masculins ; Les droits familiaux ont pour but de compenser partiellement et de façon structurée cette inégalité de pension. Les origines de l’inégalité de pension Cette inégalité provient notamment du fait que les femmes, et surtout les mères de famille, connaissent des interruptions de carrière plus fréquentes que les hommes. En 2006, 70 % des femmes salariées des entreprises de plus de 10 employés ont connu une interruption de carrière, contre 55 % des hommes. De plus, leurs interruptions sont plus longues en moyenne. Le temps partiel est également plus diffusé dans la population féminine. Les carrières des femmes sont aussi moins valorisées que celles des hommes. Les salaires des femmes en Occident sont inférieurs à ceux des hommes. Or cet écart de rémunération se réduit peu depuis le début des années 1990, malgré toutes les politiques publiques de promotion de l’activité féminine mises en œuvre. Cette situation a pour conséquence une forte modestie de la retraite féminine. Cette modestie peut s’aggraver dans certaines situations. Par exemple, une mère de famille qui a vécu en concubinage n’aura pas le bénéfice de la réversion. En outre, l’âge de départ à la retraite des femmes reste plus élevé que celui des hommes. C’est pour corriger cette inégalité que des dispositifs de droits familiaux ont été mis en place. Ces droits représentent environ 16 milliards d’euros lors de leur évaluation par le COR en 2008. Ils ont pour but de réduire les écarts de pensions entre les hommes et les femmes. Les droits familiaux : un système complexe Le bilan de ces droits familiaux est assez complexe. En effet, les majorations de pension des familles nombreuses en font partie. Il s’agit d’un droit universel visant à protéger les familles nombreuses, mais qui est en réalité très concentré sur les pères de famille. Les masses versées aux pères représentent ainsi aujourd’hui les deux tiers de ces majorations. De plus, l’attribution des droits familiaux dépend beaucoup des profils des mères de famille (carrière, nombre d’enfants, revenus, etc.). Leur bilan s’avère donc assez disparate et leur mécanique difficile à réformer. Cette difficulté est d’autant plus prégnante qu’une forte disparité s’observe également entre les régimes (secteur public/secteur privé). Les droits familiaux ont néanmoins l’avantage d’avoir apporté une réponse partielle au problème de l’inégalité de pension. Ces droits ont notamment pour objet de valider des durées. En effet, pour les mères de famille ayant une moindre activité, il est prévu des compensations de durée au moyen de mécanismes comme l’AVPF ou les majorations de durée d’assurance (MDA). Grâce à ces compensations, les mères de famille peuvent arriver à l’âge de la retraite munies d’un nombre de trimestres honorable. Ce système explique d’ailleurs le rapprochement qui s’observe aujourd’hui entre l’âge de départ à la retraite des femmes et celui des hommes. En revanche, ces durées validées sont mal valorisées, en un sens, car elles n’ouvrent aucun droit dans les régimes complémentaires. Paris, le 10 avril 2015 4 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Compte tenu du poids de ces régimes dans le secteur privé, la valorisation de ces trimestres reste donc assez médiocre. Le système des droits familiaux, s’il compense à peu près l’infériorité de durée d’assurance des femmes par rapport à celle des hommes, n’influe nullement en réalité sur le phénomène majeur qu’est l’écart de salaire entre les hommes et les femmes. 2) Quelles prévisions à horizon 2040 ? Les prévisions suivantes peuvent être esquissées à horizon 2040 : Les droits professionnels des mères de famille devraient peu évoluer. En effet, la période de forte augmentation de la présence des femmes sur le marché du travail est désormais derrière nous. Par conséquent, l’écart salarial entre les hommes et les femmes devrait peu régresser; Les droits familiaux progresseront principalement sur deux dispositifs : l’AVPF (dispositif qui monte en puissance depuis 1972) et la MDA. En revanche, les majorations de pension de retraite évolueront plus lentement que les autres dispositifs car le poids des retraités ayant eu deux enfants et plus diminue légèrement. En moyenne, à législation constante, l’écart entre les retraites des hommes et des femmes devrait s’élever à environ 20 % à horizon 2040. 3) Quelques sujets consensuels… Le système des majorations : une source financière potentielle pour les mères de famille ? Les majorations de pension des familles nombreuses ont tendance à accroître les écarts de pension entre les hommes et les femmes. Pourtant, leur légitimité n’est pas remise en cause. A l’origine, elles ne renvoyaient pas à une problématique hommes/femmes mais à une problématique de protection des familles nombreuses. Cependant, historiquement, les systèmes de protection sociale ont préféré passer par le père pour soutenir les familles (c’était lui qui accumulait les droits à la retraite, quand la plupart des femmes soit ne travaillaient pas, soit travaillaient de façon « cachée », soit exerçaient des professions qui n’ouvraient pas de droits à la retraite). Entre-temps, tout a changé, notamment la sociologie des couples, ce qui a un impact sur le système des majorations. De plus, à présent de nombreuses femmes ne sont plus mariées (ou mariées avec un autre homme) quand arrive l’âge de la retraite. Dès lors, serait-il possible de faire glisser un peu d’argent depuis ces majorations vers les mères de famille ? Nous pourrions envisager de supprimer totalement ces majorations et d’en tirer un potentiel financier important dont les modalités de redistribution resteraient à définir. Cette solution constituerait toutefois un choc politique et économique (notamment pour le niveau de vie des pères de famille). Il semble donc préférable de réorienter ce dispositif. Une solution difficile à mettre en œuvre Cette idée fait consensus, mais sa concrétisation pose problème. Nombreux sont ceux qui mettent en avant les lourdes conséquences qu’elle aurait sur certains régimes (les fonctionnaires, les fonctionnaires militaires, etc.). Dès lors, faudrait-il envisager de jouer sur la composante « revenus », ou bien forfaitiser la majoration (qui est aujourd’hui proportionnelle) ou encore la plafonner ? Ce point reste à éclaircir. Il reste néanmoins que cet agrégat du système des majorations, qui représentera en 2040 une dizaine de milliards d’euros, intéresse beaucoup l’ensemble des partenaires sociaux. Paris, le 10 avril 2015 5 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité 4) … Et des sujets plus polémiques Faut-il compenser l’écart salarial entre hommes et femmes ? Il n’est pas souhaitable pour certains de compenser ex post l’infériorité des carrières des femmes. Il serait préférable, plutôt que d’investir de l’argent lorsque les femmes atteignent la soixantaine, d’investir de l’argent lorsqu’elles sont jeunes afin de faciliter leur pénétration sur le marché du travail (via le financement de politiques publiques d’accueil des enfants, par exemple). Cet investissement aboutirait au moyen d’un cercle vertueux à l’augmentation de la retraite des femmes et à la diminution des droits familiaux. Malheureusement, il n’entraînerait des dividendes que trente ou quarante ans après sa mise en œuvre. Il semble donc plus raisonnable d’envisager une redistribution efficace du potentiel financier représenté par les droits familiaux. Comment redistribuer de façon efficace le potentiel financier des droits familiaux ? La question de la redistribution de ce potentiel financier soulève toutefois les questions suivantes : Jusqu’où faut-il légitimer l’arrêt de travail des mères de famille ? Certains mouvements féministes souhaitent que les phases d’interruption soient moins couvertes afin que les femmes soient moins encouragées à s’arrêter de travailler. Un débat se tient ainsi sur la légitimité de l’AVPF, qui compense jusqu’à trois ans d’interruption d’activité. Il s’agit d’un débat très tendu car il traverse l’ensemble de la politique familiale ; Ce débat soulève également la question de la situation des mères de famille nombreuses durablement inactives et qui accumulent plusieurs dizaines d’annuités au titre de l’AVPF. De nombreux partenaires sociaux jugent cette situation anormale. Ce sujet est d’autant plus controversé que la plupart des mères de famille qui bénéficient aujourd’hui de l’AVPF proviennent de milieux sociaux très modestes. 5) Quelques pistes de réforme Compte tenu de toutes ces difficultés, j’ai soigneusement évité dans mon rapport de proposer un scénario « clé en main » avec une solution unique. En raisonnant à enveloppe constante, l’idée serait de prendre un peu d’argent chez certains (si possible, des hommes) et de redistribuer ce potentiel. C’est extrêmement difficile. Trois niveaux d’ambition apparaissent donc dans le rapport : Un premier niveau impliquant des mesures techniques facilement réalisables, par exemple l’augmentation de l’AVPF pour les personnes qui s’occupent de personnes dépendantes, ainsi que l’introduction d’une forfaitisation ou d’un plafonnement dans les majorations destinées aux familles nombreuses ; Un deuxième niveau prévoyant la réforme de chacun des dispositifs mais non la transformation de l’édifice dans son entier. Ce mouvement de réforme pourrait toucher les majorations de pension comme l’AVPF et inclure également le bridage du cumul entre l’AVPF et la MDA. Cependant, les droits familiaux jouant de façon différente selon le revenu ou le profil des pères et des mères, réformer un dispositif aurait forcément un impact sur l’ensemble du système. Ces deux premiers niveaux d’ambition ont pour caractéristique d’envisager une meilleure indexation des minima de pension. Un troisième niveau d’ambition, qui prévoit une uniformisation progressive de l’ensemble des régimes ainsi que la rétractation des dispositifs actuels (AVPF, Paris, le 10 avril 2015 6 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité MDA et majorations) et la redistribution du potentiel financier qui s’en dégagerait aux mères de famille de façon forfaitaire dès le premier enfant. Ce scénario, très ambitieux, a le mérite de la cohérence. Il rejoint en outre la philosophie actuelle qui vise à augmenter l’efficacité participative des dispositifs de protection sociale. Ce scénario est néanmoins doté d’une certaine âpreté. Il prête également le flanc à certaines critiques : à tout vouloir ainsi forfaitiser, le système existant qui fait correspondre la retraite au salaire risque de se trouver ébranlé. La politique de soutien aux familles nombreuses risque d’être abandonnée. Enfin, un tel scénario risquerait de pousser les femmes à avancer le plus possible l’âge de leur départ à la retraite. Il semblait donc plus raisonnable de proposer plusieurs scénarios. Nous nous sommes efforcés de le faire dans la rédaction de notre rapport, afin de permettre à chacun de progresser dans sa réflexion. Paris, le 10 avril 2015 7 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Au fil des générations : des carrières féminines plus longues, des interruptions toujours pénalisantes 1) Un peu d’histoire – Les écarts de salaire entre hommes et femmes Dominique MEURS, Institut national d’études démographiques (INED) et Université Paris Ouest Nanterre La Défense Une grande convergence de réflexions s’observe entre la question des écarts de pension et celle des écarts de salaire entre les hommes et les femmes. La différence de salaire entre hommes et femmes s’expliquait dans les années 19601970 par une différence de diplômes et de participation au marché du travail. Or depuis les années 1980-1990, cette situation a bien changé. Les femmes ont tendance à être plus diplômées que les hommes, et leur participation au marché du travail a augmenté dans tous les pays de l’OCDE. Pour autant, les écarts de salaire sont restés inchangés depuis le milieu des années 1990. Pour expliquer ce mystère, les réflexions se concentrent aujourd’hui sur le rôle des enfants dans la persistance de ces écarts ainsi que sur la place des femmes par rapport à celle des hommes dans les activités non-marchandes. En effet, les mères s’occupent davantage des enfants que les pères. Or ce déséquilibre entre travail non-marchand et travail marchand se répercute sur les écarts de retraite. 2) Tableau des écarts de pension entre hommes et femmes Les pensions de droit direct des femmes – tous régimes confondus – représentent la moitié de celles des hommes. Ainsi, en 2008, la retraite moyenne des femmes s’élève à 900 euros contre 1 593 euros pour celle des hommes. De plus, de nombreuses femmes perçoivent des retraites inférieures à la moyenne, tendance qui ne retrouve pas chez les hommes. A l’origine des écarts de pension : les écarts de durée Cette différence entre les pensions des hommes et celles des femmes provient essentiellement des écarts de durée. Dans la Fonction publique d’Etat (FPE), les durées validées sont assez proches entre les hommes et les femmes. Il n’en va pas de même à la CNRACL, où les durées sont bien moins importantes pour les femmes (surtout les monopensionnées), ni dans le régime général. Au fil des générations, ces écarts de durée entre hommes et femmes tendent, semblet-il, à se réduire, reflétant ainsi la montée de la participation des femmes au marché du travail. Ecart salarial entre hommes et femmes : le rôle des enfants La question de la poursuite éventuelle de ce mouvement renvoie à celle du rôle des enfants dans les écarts de salaire entre hommes et femmes. Les enfants ont aujourd’hui un impact à la fois sur les salaires des femmes, les durées travaillées et les carrières qu’elles peuvent poursuivre (il faut toutefois isoler l’effet propre aux enfants d’effets comportementaux – de choix d’activité – qui ne leur sont pas liés). Paris, le 10 avril 2015 8 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Dans le cas de la France, nous savons aujourd’hui que les interruptions de carrière liées au congé parental se traduisent par une moindre accumulation d’expérience donc ont un impact négatif sur les carrières. De plus, la première réforme du congé parental de 1994 a accentué les phases de congés parentaux pris par les mères donc diminué la part des carrières continues chez les femmes. Cette situation a un effet direct négatif sur les salaires de référence. Les enfants jouent aussi négativement sur les salaires par le biais des aménagements comme le temps partiel ou le choix par les mères de professions moins intensives en temps de travail. Plusieurs travaux sur le chiffrage de cet effet négatif des enfants sur les carrières des femmes ont été publiés ces dernières années : Les travaux de Lequien en 2012, qui comparent les carrières des mères qui se sont interrompues avec les carrières qu’elles auraient eues si elles ne s’étaient pas interrompues ; Ceux de Wilmer en 2014, qui constatent que la pénalisation salariale liée à l’enfant s’élève à 3 % du salaire horaire par enfant pour la mère, sans aucune conséquence sur le père ; Ceux de chercheurs du Centre d’études de l’emploi (CEE) sur les pénalités liées aux enfants dans les secteurs public et privé, qui constatent notamment une diminution pénalisante du temps de travail dans le secteur public. Les enfants expliquent donc les retards de salaire des femmes par rapport aux hommes à situation comparable. Un renforcement des écarts : le mécanisme de discrimination statistique Or la pénalisation liée aux enfants se diffuse aux autres femmes via le mécanisme de discrimination statistique. En effet, une étude a comparé des femmes de quarante à cinquante ans ayant eu des enfants sans interrompre leur carrière pour les élever avec des hommes à situation comparable. Un écart de salaire les distingue, injustifié, qui repose uniquement sur le fait que ces femmes, à partir du moment où elles ont eu des enfants, ont été orientées vers des carrières moins favorables que celles des hommes. 3) Conclusion Les conditions de fonctionnement du marché du travail étant ce qu’elles sont, des carrières féminines plus complètes ne suffiront pas à compenser les écarts de pension entre les hommes et les femmes. En réalité, le problème se déplace, et la question se pose de savoir qui prend en charge les enfants. Il faudrait introduire un rééquilibrage du côté des pères ou du côté de la société avec le développement des solutions de garde d’enfants. Enfin, l’aide aux personnes âgées dépendantes peut constituer également un facteur potentiellement négatif pour les femmes, dont il faut tenir compte. Questions/réponses avec la salle Francis SAHAL, Administrateur CGT ERAFP Le niveau de retraite des familles nombreuses a-t-il été comparé avec celui des autres familles ? Par ailleurs, les interruptions de carrière sont-elles plus nombreuses du côté des salaires les plus faibles ? Paris, le 10 avril 2015 9 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Le potentiel retraite des familles nombreuses est plus faible que celui des autres familles. La retraite des pères de familles nombreuses est proche de celle de leurs homologues qui n’ont eu qu’un ou deux enfants voire pas d’enfants du tout alors qu’il n’en va pas de même pour les mères de famille. Dominique MEURS, Institut national d’études démographiques (INED) et Université Paris Ouest Nanterre La Défense Une corrélation s’observe entre les interruptions de carrière et le niveau de salaire et de qualification. Les femmes les moins bien payées ont davantage tendance à interrompre leurs carrières. Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Certaines femmes sont aussi durablement inactives, sans que ce choix ne corresponde forcément au désir de s’occuper de leurs enfants. Des études conduites sur la question des mères au foyer montrent que leur situation ne saurait évoluer avec le seul octroi de telle ou telle prestation. Dans l’ensemble, la faible activité est certes le fait de familles et de femmes modestes, mais expliquer cette situation uniquement par la présence et l’éducation des enfants ne suffit pas. De façon générale, une méconnaissance de l’abord du marché du travail pour les femmes de classes populaires semble persister (d’ailleurs, les chercheurs qui s’intéressent à ce sujet sont souvent des femmes qui exercent un métier intéressant et bien valorisé). En réalité, compte tenu des horaires de travail, des temps de transport, etc., il n’est pas certain que la reprise du travail soit facile pour les femmes de classes populaires ayant eu des enfants. Le travail féminin ne peut donc se traduire en équations simples. Dominique MEURS, Institut national d’études démographiques (INED) et Université Paris Ouest Nanterre La Défense La question du choix entre s’occuper des enfants et travailler se pose maintenant aux Etats-Unis pour les femmes très qualifiées. Un courant de réflexion s’est créé pour expliquer ce mystère, qui touche principalement les femmes dont les horaires de travail sont très longs (traders ou avocates). Une chercheuse américaine encourage ainsi les entreprises à introduire une plus grande flexibilité dans les horaires de travail. Marc CHRETIEN, Administrateur ERAFP Les interruptions de carrière des femmes sont-elles liées au manque de crèches, notamment dans la fonction publique ? Dominique MEURS, Institut national d’études démographiques (INED) et Université Paris Ouest Nanterre La Défense Je pense qu’une corrélation se présente effectivement sur ce point, prouvée d’ailleurs dans plusieurs travaux de l’OCDE. Les mesures de garde sont généralement efficaces pour diminuer le nombre des interruptions de carrière. Georges LABAZEE, Sénateur des Pyrénées-Atlantiques La question des enfants a été abordée plusieurs fois plus haut. Or celle des personnes âgées a également un impact majeur sur les sociétés. Le texte de loi sur le vieillissement est aujourd’hui en cours de rédaction, et les personnes en charge de cette rédaction butent aujourd’hui sur certains amendements liés au soutien à apporter aux aidants. La question qu’elles se posent est la suivante : quels dispositifs imaginer pour soutenir les actifs qui travaillent en entreprise et s’occupent d’une personne âgée, sans pour autant pénaliser l’entreprise ? Paris, le 10 avril 2015 10 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Le problème des aidants familiaux est effectivement un problème majeur. Même si l’âge d’entrée en dépendance s’éloigne, le nombre d’aidants familiaux actifs ne peut qu’augmenter compte tenu du recul progressif de l’âge de la retraite. Or leurs conditions de vie sont très dures. Il est possible, techniquement, de compenser l’infériorité de retraite que subissent la plupart des femmes (car il s’agit majoritairement de femmes) qui jouent ce rôle d’aidant dans les dernières années de leur vie active, via une réforme de l’AVPF. Cependant, ce n’est qu’une partie du problème. Il faudrait étudier également les enjeux liés au droit du travail, notamment la question du degré d’opposabilité de l’entreprise et celle du droit au répit. A moyen terme, il faudrait s’interroger sur les moyens disponibles, à l’intérieur de l’entreprise, pour permettre aux femmes d’arbitrer différemment leur temps. Dans notre rapport, nous avons esquissé une piste de solution : l’extension de l’utilisation du Crédit d’impôt famille (CIF), actuellement centré sur les jeunes enfants, aux personnes âgées et dépendantes. Christian DUROUSSEAU, Administrateur de l’IRCANTEC Est-il possible de modéliser les différentes options que vous avez présentées (la forfaitisation, par exemple), en tenant compte des incertitudes liées à l’activité économique ? Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Non seulement cette modélisation est possible, mais elle a été effectuée, par la DREES, notamment. Cette modélisation, bien conçue permet aux partenaires sociaux de se décider sur la base d’éléments solides recueillis sur le long terme. Cette modélisation pourrait toutefois être améliorée. Pour ce faire, il faudrait que la société française investisse davantage dans la recherche, les outils statistiques et de simulation, etc. Antoine DELARUE, Actuaire conseil, SERVAC La question du partage des droits mériterait d’être posée. Partager les droits à la retraite entre les deux époux durant la vie active permettrait de résoudre notamment le problème des femmes qui n’ont plus le même époux lorsqu’arrive l’âge de la retraite. Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Cette question est pertinente mais nous ne l’avons pas abordée dans notre rapport. La séance est suspendue de 11 heures 05 à 11 heures 20. Paris, le 10 avril 2015 11 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Les droits familiaux dans la fonction publique : évolutions récentes et spécificités Vincent DELSART, Directeur du développement et des relations institutionnelles – Caisse des Dépôts – DRS Nous reprenons nos travaux avec l’exposé de Nicolas Garrier, chargé de mission à la DGAFP. Sa présentation portera sur les spécificités des droits familiaux dans la fonction publique et évoquera le dispositif désormais fermé de départ à la retraite anticipé pour parents de trois enfants. Catherine Bac nous parlera ensuite d’un dispositif peu connu, l’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Catherine Bac est économiste et responsable du pôle évaluation de la direction statistiques, prospective et recherche de la CNAV. Après un temps d’échange, Isabelle Bridenne, de la direction des retraites et de la solidarité de la CDC et Romain Lesur, du Service des Retraites de l’Etat (SRE) interviendront enfin pour présenter les droits acquis par les fonctionnaires au titre des droits familiaux. 1) Rappel liminaire – Les dispositifs propres à la fonction publique Nicolas GARRIER, Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) Il existe trois dispositifs propres à la fonction publique : Les majorations de pension des parents de trois enfants et plus; Les bonifications et majorations de durée d’assurance pour enfant ; Le départ anticipé à la retraite des parents de trois enfants ayant quinze ans de service. Les majorations de pension viennent augmenter le montant de la retraite par l’application d’un pourcentage à la pension brute. Les bonifications ont quant à elles un double effet : sur la durée d’assurance tous régimes (avec un impact sur le calcul de la décote ou de la surcote) et sur la liquidation de la pension. Elles comptent donc comme du service effectif qui vient s’ajouter au service effectué. Les majorations de durée d’assurance ne jouent pour leur part que sur l’application d’une décote ou d’une surcote sur la pension calculée. Le départ anticipé à la retraite permet enfin de partir à la retraite avant l’âge légal d’ouverture des droits. 2) Majorations de pension des parents de trois enfants et plus Selon les textes réglementaires en vigueur, les majorations de pension sont accordées aux fonctionnaires ayant élevé trois enfants et plus pendant une durée minimale de neuf ans avant leur seizième anniversaire, ou jusqu’à ce qu’ils aient été à charge au sens des prestations familiales. Cette majoration est de 10 % pour trois enfants avec 5 % en plus par enfant supplémentaire. La pension majorée ne peut cependant excéder le dernier traitement indiciaire brut perçu. Pour les fonctionnaires de l’Etat, le volume de personnes éligibles à la majoration de pension est de l’ordre de 30 % en 2013. Un pourcentage comparable s’observe pour la CNRACL. En revanche, l’étude des pensions entrées en paiement en 2013 montre une baisse du nombre des personnes éligibles à ce dispositif (qui avoisine désormais les 20 %). Paris, le 10 avril 2015 12 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité L’analyse de la distribution avant écrêtement de la majoration de pension au 31 décembre 2013 permet enfin de constater que la plupart des personnes éligibles se situent à un niveau de majoration proche de 10 %, quoiqu’une part non négligeable de personnes reste éligible à un pourcentage de majoration plus élevé. 3) Bonifications et majorations de durée d’assurance pour enfant En 2003, suite à l’arrêt Griesmar venu clore un contentieux européen, les bonifications et majorations de durée d’assurance pour enfant ont été réformées. Désormais, pour tous les enfants nés avant le 1er janvier 2004, les fonctionnaires peuvent bénéficier d’une bonification de quatre trimestres par enfant sous réserve d’avoir interrompu leur activité pour une durée continue de deux mois ou de l’avoir réduite. Pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2004, un système de majoration de durée d’assurance intervient, qui ne produit pas les mêmes effets que dans le régime général. Cette majoration, qui s’adresse uniquement aux femmes, représente deux trimestres et n’a un impact que sur le calcul de la décote ou de la surcote. Ce dispositif s’accompagne également d’un système de validation gratuite de trimestres (soit la prise en compte gratuite de périodes d’interruption d’activité). Un système spécifique de majoration de durée d’assurance est prévu par ailleurs pour les parents d’enfants handicapés. La validation gratuite de trimestres peut être illustrée comme suit : Un homme ou une femme prend un congé parental entre les 0 et les 3 ans de son enfant. Il ou elle ne sera pas rémunéré mais sa durée validée de pension sera de trois ans ; Si un temps partiel est pris (de 50 %) entre les 0 et 3 ans de l’enfant, la quantité de temps de travail validé s’élève à 1 an et demi, et l’autre moitié de la période d’activité est validée gratuitement. 4) Départ anticipé à la retraite des parents de trois enfants totalisant 15 ans de service Le système de départ anticipé à la retraite des parents de trois enfants totalisant 15 ans de service n’existe plus depuis 2010. Il est toutefois resté ouvert pour les fonctionnaires parents de trois enfants et qui totalisaient 15 ans de service au 31 décembre 2011. En revanche, des modalités de liquidation de pension différentes ont été prévues selon la date de départ à la retraite ou selon la proximité de l’agent avec son âge d’ouverture des droits. Les fonctionnaires qui le souhaitaient pouvaient partir avec les anciennes conditions de liquidation de pension. Ils étaient encouragés à le faire avant le 1er juillet 2011. Les fonctionnaires qui se trouvaient à moins de cinq ans de leur âge d’ouverture des droits pouvaient conserver les règles antérieures de liquidation de la pension, y compris pour le calcul du minimum garanti. Quant aux fonctionnaires qui avaient déjà 15 ans de service et trois enfants, ils se verront appliquer les nouvelles règles de liquidation de pension en vigueur. 5 000 personnes partaient à la retraite avec le dispositif de départ anticipé avant sa fermeture. Une accélération s’est produite en 2011 du fait de la réforme (10000 départs). Par la suite, on constate une baisse de ce flux et ainsi que les âges de départ qui se situent désormais à deux moments clés (vers 55 et 60 ans), alors qu’antérieurement on constatait des âges de départs plus étalés. Paris, le 10 avril 2015 13 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité L’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) : éclairage sur un dispositif original Catherine BAC, Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) L’AVPF occupe une place particulière parmi les droits familiaux de retraite car il s’agit du seul dispositif doté d’une cotisation spécifique. De plus, il est entièrement géré par le régime général quel que soit le régime de la personne affiliée. 1) Le dispositif de l’AVPF L’objectif de l’AVPF est de limiter les effets sur les pensions des interruptions ou des réductions d’activité liées à l’éducation des enfants ou à la prise en charge de personnes handicapées ou dépendantes. Son fonctionnement est analogue à celui qui conduit un employeur à verser un salaire à son employé, ce salaire générant des cotisations et entrant en définitive dans le calcul de la pension. Concrètement, les Caisses d’allocation familiale (CAF) versent des cotisations à la CNAV au titre des périodes durant lesquelles la personne affiliée a bénéficié de prestations familiales. L’AVPF étant entièrement gérée par le régime général, la personne affiliée pourra percevoir à ce titre une pension au titre du régime général ou majorer celle-ci si elle a par ailleurs cotisé au régime général. L’affiliation à l’AVPF est soumise aux conditions suivantes : Le bénéfice de certaines prestations familiales (l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant – Paje –, par exemple) ; Des ressources inférieures à un certain seuil, qui varie selon les configurations familiales et la prestation familiale qui ouvre le droit ; Dans certains cas, un plafond pour les revenus professionnels. En 2012, 1,9 million de personnes ont bénéficié d’un report à leur compte de la caisse d’assurance vieillesse au titre de l’AVPF. Dans neuf cas sur dix, ces personnes sont des femmes. Pour cette raison, les statistiques présentées concerneront uniquement les femmes. Leur affiliation à l’AVPF se situe généralement entre 25 et 45 ans mais elle se concrétise en droits à la retraite environ 30 ans plus tard. 2) Les bénéficiaires parmi les retraitées Le dispositif de l’AVPF a été mis en place en 1972. La plupart des femmes actuellement à la retraite n’ont donc pas pu en bénéficier pleinement. Ainsi, 33 % des femmes de la génération 1940 en bénéficient pour une durée moyenne de 27 trimestres, contre plus de 50 % des femmes de la génération 1951 pour une durée moyenne de 31,7 trimestres. Globalement, pour les nouvelles retraitées, la moitié d’une génération bénéficie de l’AVPF pour une durée moyenne de sept ans et demi. 3) Montée en charge La part des cotisantes ayant eu au moins un trimestre d’AVPF à un âge donné ne réduit pas. Ainsi, 20 % des femmes nées en 1975 bénéficiaient de l’AVPF à 25 ans et 37 % en bénéficiaient à 30 ans. De même, le nombre de trimestres d’AVPF perçus ne faiblit pas. Cette situation peut surprendre car l’activité féminine s’est développée sur cette même période. Cette stabilité du taux de bénéficiaires de l’AVPF s’explique néanmoins par l’extension du champ des bénéficiaires en lien avec l’évolution de la politique familiale. Plusieurs évolutions ont en effet permis d’élargir ce dispositif initialement tourné vers les Paris, le 10 avril 2015 14 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité mères de famille inactives ou les mères de très jeunes enfants. Parmi celles-ci on peut citer : Au début des années 1980, l’extension du complément familial aux familles de trois enfants et de l’affiliation à l’AVPF à ce titre ; En 1985, l’extension de l’affiliation à l’AVPF pour les bénéficiaires de l’allocation pour jeune enfant (Apje) ; En 1994, l’extension de l’Allocation parentale d’éducation (APE) dès le deuxième enfant ; En 2004, l’ouverture du complément de libre choix d’activité (CLCA) dès le premier enfant pour une durée de six mois. 4) Incidence sur les pensions L’AVPF est le seul droit familial à bénéficier d’une cotisation spécifique. Il influe donc à la fois la durée d’assurance et les salaires pris en compte pour le calcul de la pension. Pour évaluer son incidence sur les pensions, nous avons neutralisé l’AVPF dans le calcul de la pension à un âge de départ constant. Pour les nouvelles retraitées de 2013, la part de l’AVPF représente en moyenne 20 % de leur pension de base au régime général. Ces retraitées peuvent percevoir par ailleurs des pensions complémentaires ou des pensions d’autres régimes si elles sont polypensionnées. . Un autre exercice a également été conduit en partie en projection sur des générations plus récentes, qui montre que ce pourcentage diminue peu. Ainsi, 17 % environ de la pension de base au régime général des retraitées des générations 1955-1960 s’explique par l’AVPF. 5) Premiers constats sur les retraitées de la CNRACL Afin d’étudier les situations de reprises d’activité des retraitées de la CNRACL, une base commune CNRACL-CNAV-IRCANTEC-CARPIMKO a été réalisée. Avec l’accord de la CNIL, une base anonymisée a été construite en appariant les données des différentes institutions. Cette base rassemble environ 450 000 retraitées de la CNRACL parties à la retraite entre 2004 et 2012. A nouveau les résultats présentés ne concernent que les femmes. La génération la plus représentative est la génération 1950. Parmi les femmes retraitées de la CNRACL de cette génération 40 % sont bénéficiaires de l’AVPF pour une durée moyenne de cinq ans. C’est loin d’être négligeable. 6) Conclusion L’AVPF est donc un dispositif original qui met en cohérence la politique familiale et la vie professionnelle. Il concerne, tous régimes confondus, la moitié des femmes d’une génération et leur apporte un complément de retraite non négligeable. Questions-réponses avec la salle Philippe SOUBIROUS, Vice-président de l’ERAFP Il aurait été intéressant de s’interroger sur les origines du dispositif de départ anticipé à la retraite, créé après la guerre de 1914-1918 pour compenser le creux de natalité qu’elle a occasionné, et de le mettre en parallèle avec la loi de 1923 qui permettait aux pères de prolonger leur activité au-delà de l’âge légal de départ à la retraite. Paris, le 10 avril 2015 15 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Je rappelle par ailleurs que ce dispositif a été ébranlé par plusieurs événements, et que plusieurs mécanismes ont entraîné peu à peu son extinction (non-cumul entre pension anticipée et revenu d’activité complémentaire, etc.). Les infirmières, par exemple, ne peuvent plus désormais profiter de ce dispositif pour quitter le secteur public et partir travailler dans le secteur privé. Dès lors, plusieurs questions se posent : quelle a été l’incidence de cette suppression des départs anticipés sur la natalité ? Quid de la gestion indirecte de la pénibilité ? N’aurait-il pas mieux valu tenir compte de ces éléments sous-jacents avant de décider cette suppression ? Nicolas GARRIER, Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) Le dispositif de départ anticipé à la retraite a effectivement été créé à la sortie de la Première Guerre mondiale. Compte tenu de son grand âge, la question de sa légitimité pouvait se poser. Cette question a été tranchée par le législateur en 2010. Les conditions du cumul emploi-retraite viennent d’être réformées. Du fait de cette réforme, il sera désormais impossible de cumuler de nouveaux droits. Cette réforme n’entre toutefois en vigueur que pour les pensions liquidées à compter du 1er janvier 2015. Concernant la prise en compte de la pénibilité, les infirmières ont bénéficié d’un droit d’option : certaines d’entre elles ont conservé le bénéfice de la catégorie active, d’autres ont opté pour une revalorisation catégorielle. De plus, un débat plus large est en cours actuellement sur la prise en compte de la pénibilité. Bertrand FRAGONARD, Président du Haut Conseil de la Famille Il est difficile de mesurer l’incidence de la disparition des régimes préférentiels sur la natalité. Pour que cette incidence soit effective, il faudrait en effet que chacun connaisse les dispositifs existants au moment où il fait des choix d’activité. Or les dispositifs de retraite existants sont peu connus. Dès lors, ils ne sauraient orienter les choix de vie. Notre rapport préconise d’ailleurs l’amélioration de la lisibilité des régimes de retraite existants. Paris, le 10 avril 2015 16 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Les droits acquis par les fonctionnaires au titre des droits familiaux Vincent DELSART, Directeur du développement et des relations institutionnelles – Caisse des Dépôts – DRS Isabelle Bridenne est économiste et responsable des études à la direction des retraites et de la solidarité de la CDC. Romain Lesur est quant à lui chef du bureau financier et des statistiques du SRE. Isabelle BRIDENNE, Caisse des Dépôts Nous avons mis en parallèle les données du SRE – concernant les fonctionnaires d’Etat – et les données de la CNRACL, qui couvrent les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Deux types de droits principaux seront étudiés ici : les bonifications de durée et les majorations de pension. 1) Introduction : les effets des droits familiaux Les droits familiaux consistent pour l’essentiel en l’attribution de trimestres, via les bonifications de durée ou l’AVPF, ce qui permet d’améliorer le montant des pensions ou encore d’anticiper un départ à la retraite. Le dispositif de départ anticipé pour motif familial joue par ailleurs sur la possibilité de partir à la retraite de façon anticipée. La majoration de pension constitue pour sa part un avantage accessoire qui s’ajoute aux droits propres et améliore le montant de pension. Les droits familiaux influent donc sur la durée, l’âge de départ et le montant de la pension. 2) Quelques données de cadrage Les deux populations (FPE et fonction publique territoriale et hospitalière) ne sont pas les mêmes. Cette différence a un impact sur les résultats de notre étude. La FPE dispose notamment d’une population plus importante parmi les retraités qui perçoivent une pension au 31 décembre 2013 : 1,4 million de retraités, contre 860 000 personnes environ pour la CNRACL. Cette dernière a également pour particularité de rassembler un plus grand nombre de femmes. Les niveaux de pension sont également différents entre les retraités du SRE et ceux de la CNRACL. Le montant moyen mensuel perçu par les retraités de la FPE s’élève à 2 115 euros contre 1 362 euros pour les retraités de la CNRACL. Cette différence s’explique notamment par le fait que les structures de catégories hiérarchiques varient entre les deux populations. A la CNRACL, 63 % des retraités sont issus de la catégorie C, alors que 50 % des retraités de la FPE sont issus de la catégorie A. De plus, parmi les fonctionnaires de la FPE qui sont partis à la retraite en 2013, 27 % sont des femmes issues de la catégorie A, contre 8 % à la CNRACL. 3) Les majorations de pension L’attribution des majorations de pension est en baisse car la configuration des familles françaises change. Elle se concentre désormais davantage sur les familles de deux enfants. Ainsi, 38 % d’hommes de la génération 1940 affiliés à la CNRACL ont perçu une majoration de pension (donc avaient une famille d’au moins trois enfants), contre 30 % des hommes de la génération 1950. A titre de comparaison, 25 % des femmes de la FPE de la génération 1940 ont perçu une majoration de pension. Paris, le 10 avril 2015 17 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Les montants des majorations Une comparaison entre les montants des majorations de pension attribuées aux nouveaux retraités de l’année 2013 par le SRE et la CNRACL permet de dresser les constats suivants : 25 % des hommes issus de la FPE ont perçu une majoration de pension à hauteur de 260 euros par mois en moyenne ; 13 % des femmes issues de la FPE sont dans le même cas, avec un montant moyen de majoration de 206 euros ; A la CNRACL, 30 % des hommes perçoivent une majoration avec un montant moyen qui s’élève à 160 euros ; pour les femmes, cette majoration est en moyenne de 122 euros et elle concerne 19 %des femmes parties en retraite en 2013. Ces écarts de taux de couverture entre les hommes et les femmes s’expliquent en partie par la fermeture du dispositif de départ anticipé à la retraite survenue en 2011. De nombreuses mères de trois enfants ont anticipé leur départ à cette occasion, ce qui implique une moindre présence des mères de famille nombreuse au sein du flux de départs de 2013. Niveau de pension et taille des familles La pension moyenne des femmes diminue en fonction de la taille des familles, alors qu’elle est stable voire qu’elle augmente pour les hommes. La majoration permet aux hommes affiliés à la CNRACL et ayant trois enfants et plus d’avoir un niveau de pension plus élevé que les autres hommes du fait de la majoration. Pour les femmes le constat est différent : , la pension des femmes ayant moins de trois enfants est supérieure à celle des femmes ayant trois enfants et plus. Il n’en va pas tout à fait ainsi au SRE. Les femmes bénéficiaires de la majoration perçoivent, pour celles qui ont une pension au-dessus de la médiane, un niveau de pension plus élevé que les femmes ayant moins de trois enfants. 4) Les bonifications de durée Evolutions législatives du dispositif Romain LESUR, Service des Retraites de l’Etat (SRE) Les résultats statistiques que je vous présente concernent les enfants nés avant le 1er janvier 2004, donc portent sur le système des bonifications, non sur celui des majorations de durée d’assurance mis en place en 2003. Le système des bonifications a subi plusieurs évolutions législatives. Avant 2003, l’ensemble des enfants donnaient droit à une bonification, après 2003 cette attribution a été soumise à deux conditions : Une interruption d’activité ; L’affiliation à la fonction publique au moment de la naissance de l’enfant. S’ajoutent à ces deux conditions les changements suivants : L’ouverture du dispositif aux pères de famille ; La reconnaissance en 2010 du droit à bonification pour les agents ayant interrompu ou réduit leur activité alors qu’ils ne possédaient pas encore le statut de fonctionnaire territorial ou hospitalier. Compte tenu de ces évolutions législatives, la part des femmes ayant perçu une bonification a chuté en 2004 mais a augmenté de nouveau à partir de 2010-2011, pour le SRE comme pour la CNRACL. Paris, le 10 avril 2015 18 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Les effets des bonifications sur les durées validées Au SRE comme à la CNRACL, les durées validées des femmes ayant perçu une bonification auraient été plus faibles en l’absence de cette bonification. Les bonifications ont donc tendance à rapprocher les courbes de durées validées des femmes de celles des hommes. 5) Incidences des droits familiaux sur les pensions Pour comprendre les incidences des droits familiaux sur les pensions, je vous présente des travaux réalisés dans le cadre de l’affaire Leone, qui s’est conclue le 27 mars 2015 par un arrêt du Conseil d’Etat. L’affaire Leone reposait sur la situation suivante : la bonification, conditionnée par une interruption d’activité, est systématiquement attribuée en cas de congé maternité. Or un plaignant masculin a jugé cette mesure discriminatoire. Nos études sur l’impact de la bonification et de la majoration sur le montant de la pension montrent en réalité que : La majoration est plus intéressante pour les hommes comme pour les femmes ; La bonification est systématiquement attribuée aux femmes ; Le niveau de pension des hommes croît en fonction du nombre d’enfants, alors que celui des femmes décroît. La bonification permet donc de maintenir le niveau de pension des femmes proche de celui des hommes. Cet argument a été repris par le Conseil d’Etat. Par ailleurs, la bonification a peu d’impact sur le niveau le plus bas de la distribution de pensions des femmes (les retraites les moins élevées) car les femmes qui s’y trouvent perçoivent le minimum garanti. 6) Conclusion A travers l’hétérogénéité des populations entre CNRACL et FPE se posent plusieurs questions : l’impact de la présence d’enfants, les différences qui s’observent entre les déroulements des carrières ou les niveaux de salaire, celles qui distinguent les carrières des hommes et celles des femmes entre deux fonctions publiques ou au sein d’une même fonction publique, etc. Des questions se posent aussi concernant les effets redistributifs selon les montants des pensions. Pour mieux comprendre tous ces effets, il faudrait se doter d’outils d’évaluation plus performants. Questions-réponses conclusion avec la salle et Georges LABAZEE, Sénateur des Pyrénées-Atlantiques La fonction publique territoriale et la FPE présentent un taux d’adoption plus important que les autres catégories socioprofessionnelles. Ce point a-t-il été intégré dans vos statistiques ? Isabelle BRIDENNE, Caisse des Dépôts Les enfants adoptés ouvrent droit aux bonifications et à la majoration dès lors qu’ils ont été élevés un certain temps mais dans les statistiques nous ne pouvons les distinguer des autres enfants à charge. Paris, le 10 avril 2015 19 Caisse des Dépôts – Direction des retraites et de la solidarité Vincent DELSART, Directeur du développement et des relations institutionnelles – Caisse des Dépôts – DRS Il me revient de dresser une conclusion provisoire à nos travaux. La diversité des droits familiaux est apparue clairement aujourd’hui avec un éclairage particulier sur la retraite publique. Je retiens de nos débats que les droits familiaux sont peu étudiés dans la retraite publique alors qu’ils présentent des spécificités. Il est important de prendre en compte l’ensemble des trajectoires et des droits acquis dans tous les régimes par les affiliés pour étudier les droits familiaux. Néanmoins, au-delà des spécificités, des problématiques communes se dessinent, ainsi : Les pensions des femmes sont globalement inférieures à celles des hommes en raison des écarts qui séparent leurs durées d’assurance et leurs rémunérations. Ce phénomène se retrouve dans la fonction publique, où la pension des femmes diminue en fonction du nombre d’enfants alors que la situation inverse se présente pour les hommes. De plus, bien que les durées de validité se rapprochent au fil des générations, les écarts de rémunération restent difficiles à combler pour les futures retraitées ; Les droits familiaux jouent un rôle de compensation important, en rapprochant notamment les durées d’assurance des femmes de celles des hommes dans la fonction publique (en témoigne l’impact considérable de l’AVPF) ; Les pistes de réforme sont désormais connues, elles nous ont été présentées clairement par Bertrand Fragonard. Il revient désormais aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux de s’en saisir. Notre matinée aura contribué à éclairer ce sujet et à mieux faire comprendre les problématiques associées aux droits familiaux. Je remercie de nouveau tous nos intervenants pour la clarté de leurs exposés. Je vous donne rendez-vous en 2016 pour le Forum retraite de la Caisse des Dépôts, année particulière pour la CDC car ce sera celle de la célébration de son bicentenaire. Paris, le 10 avril 2015 20