gloire et vicissitudes
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gloire et vicissitudes
GLOIRES ET VICISSTUDES DES JESUITES EDUCATEURS AU BURUNDI 1. L’histoire des jésuites au Burundi suit le parcours de celle des jésuites dans le monde, c’est une histoire de gloire et d’humiliations, une histoire de succès et de défaites. Une histoire de vicissitudes vécues et supportées ; mais une histoire tout de même exaltante et bénie, car elle suit le chemin de l’Esprit de Dieu. Celui-ci souffle où il veut, et comme il veut, quand il veut : on entend sa voix, mais l’on ne sait d’où il vient ni où il va ! 2. L’on oublie parfois que le Collège interracial d’Usumbura, implanté sur le site de KiriMutara III Rudahigwa Le P. Verlwigen ri du début 1953 à 1961, a commencé à Gatagara (au Rwanda) sous la requête du Mwami Charles Mutara III Rudahigwa du Rwanda, puis a déménagé à Nyakibanda, puis au groupe scolaire de Butare (Astrida de l’époque). Les premiers élèves formés par les jésuites d’abord à Nyakibanda (Rwanda) sont arrivés à Usumbura (l’actuel Bujumbura) en 1955 et ont d’abord étudié dans l’actuelle paroisse de St Michel, ayant encore un statut de mission. Il faut ajouter que l’objectif du Collège de Gatagara était un programme africain, adéquat aux Banyarwanda. Le projet du Collège d’Usumbura (un collège interracial) était plus ambitieux : il voulait des programmes métropolitains, conduisant à des études universitaires. 3. La première performance du Collège interracial fut sa réalisation sur un terrain abrupte avec des pentes de 15 à 25° à 1050 m d’altitude. Une œuvre du Père jésuite belge Léon Verwilghen, du Frère suisse allemand Engelhmus Supersaxo des Missionnaires d’Afrique et de l’architecte belge Robert Bastin ! Un chef d’œuvre de bâtiments en béton armé, dominant la ville, riche en beauté, et finalement confié à la Compagnie de Jésus pour former, selon des programmes communs et des méthodes propres, avec leur savoir-faire pédagogique quadri-séculaire, de futurs cadres du Rwanda et du Burundi, deux pays sous la tutelle belge. 4. Le Collège du Saint Esprit, interracial, réussira à mettre ensemble blancs et noirs, citadins et paysans, rwandais et barundi, belges et indiens, sans considération de religion, de race ni d’ethnie. Ce n’était pas une moindre performance, à l’époque de la colonie et de l’apartheid. 5. 6. Esprit de main de maître, de 1955 à 1979, et sans la moindre perturbation. Les premiers lauréats sortirent en 1958. Ils étaient 17 diplômés sur 19 élèves. Ce n’était que des rwandais. Ils s’orientèrent, certains à l’Université Lovanium de Kimwenza (Kinshasa), d’autres aux Facultés de Namur, un autre à Elisabethville (actuelle Lubumbashi), d’autres restèrent sur place. La deuxième promotion comptait des barundi dont certains sont encore en vie aujourd’hui : Maître Etienne Ntiyankundiye, Bonaventure Kidwingira, Bonus Kamwenubusa. Le Père Walter Derouau fut recteur du Collège Interracial, de 1956 à 1961, c'est-àdire jusqu’à la fondation de l’Université. Celle-ci commencera par deux facultés : une de Philosophie et Lettres, une autre de Sciences Politiques, Sociales et Economiques, en plus d’une section préuniversitaire. Le complexe comprenait deux grands dortoirs totalisant 420 chambrettes individuelles, une trentaine de classes, trois salles d’étude de 200 places, un bâtiment dit des sciences, une grande salle de spectacles pouvant accueillir 600 personnes, 6 réfectoires avec une vingtaine de tables circulaires à six places, une infirmerie, un bâtiment administratif et une salle d’accueil , une cuisine et une intendance, sans oublier les terrains de sport (basketball, volleyball, football, tennis), une piscine aux normes olympiques avec des sautoirs, un grand gymnasium avec des agrès et des terrains de basketball et de volleyball couverts. Un bâtiment des laboratoires deviendra un embryon du Centre Universitaire. En plus de cela la résidence des Pères comprenait une vingtaine de chambres et de bureaux et une grande chapelle flanquée d’une tour de 40 mètres (avec un carillon de trois cloches réglées pour sonner à l’heure) pouvait contenir 800 personnes. Le personnel ouvrier n’était pas oublié car il comprenait une cinquantaine d’âmes et pouvait loger sur place. La superficie du terrain appartenant au Collège, après mesurage officiel, s’est révélé être de 96 hectares. Impressionnant ce pavement de tous les bâtiments par un carrelage fin de 2 centimètres carrés (au Burundi, en 1953 !) 7. Les jésuites conduiront le Collège du Saint 2 A cette époque, le Collège du Saint Esprit se dote des sections: Humanités grécolatines et Humanités modernes. Il y a des sections latin-sciences. L’enseignement des Lettres est très développé : grec, latin, français, anglais, flamand, swahili. Mais l’on enseigne aussi les matières classiques comme les mathématiques, la physique, la chimie, la géographie, l’histoire, etc.. l’éducation physique avec le sport sont à l’honneur : en témoigne le nombre de terrains de sports construits. Le développement de la culture n’est pas laissé de côté, car l’on apprend la musique, la danse traditionnelle ‘intore’. Il y a aussi un groupe de tambourinaires. On fait du théâtre (les rôles féminins sont joués par les filles du Lycée Clarté Notre Dame tenu par les Dames de Marie), on joue des opérettes. 8. Le collège du Saint Esprit qui est à cette époque un internat, n’admet aucune fille. Les filles viendront en 1973 seulement, pour faire la section économique et la scientifique B : il s’agit de Libérate Kiburago, de Nkwirikiye Mathilde, Rénilde Masunzu, Ntwari Isabelle, Rutahe Marie Thérèse, Rwagasana Marie Thérèse, Karikurubu Alice, Kinyabuku Marie, Manyeri Marie Thérèse, Ntamagendero Libérate, Ntirwonza Jeanne d’Arc, Simbananiye Anésie. 9. Les responsables du Collèges sont des jésuites jusqu’en 1972. Le premier est Léon Verwilghen (1955-1956), le deuxième sera Walter (Walthère) Derouau (1956-1961). Il sera suivi du Père Jean-Marie Cardol (19611964). Celui-ci est verviétois comme son prédécesseur et il se fera expulser en 1964. Le premier jésuite murundi comme recteur sera le Père Gabriel Barakana, de novembre 1964 à 1971. La gloire du Collège du Saint Esprit est notamment lui! Il fleurte avec le pouvoir, il est notamment conseiller du Président Micombero (1966-1976). A son époque, on a la visite de l’Empereur Hailé Sélassié (1963) et le Général des Jésuites le Père Pedro Arrupe (1966). La culture, notamment le théâtre (l’Esprit de Mwanga mis en scène par le Père Jean Pierre de Wilde) et le sport comme le basketball (l’équipe des Dauphins) sont à leur apogée. A succéder au Père Barakana (nommé Recteur de l’Université par le président Micombero) fut le Père Gustave Seigneur. 10. Puis vont éclater les événements d’avril 1972. Les jésuites vont lâcher prise : prendra le relais un moment un laïc : Monsieur Antoine Habonimana, premier professeur de mathématiques licencié. Puis vint l’abbé Charles Rusagabandi, de 1972 à 1975 avant de céder la main à un nouveau jésuite : le Père Fernand Boedts (1975-1982). Le pro- Le P. Gabriel Barakana sj cessus de désengagement de Kiriri commence sous le Père Boedts en 1979 et se termine avec le rectorat du Père Robert Roelandt (1982-1984). Lorsque le Collège déménage à Gihosha, c’est le Père Jan Cornelissen, venu du Congo, qui fait une année et demie, de septembre 1984 à avril 1986, où il cède la place au laïc Jean Paul Ciza. Ensuite Monsieur Raphaël Baragunzwa fera deux ans, de 1987à 1989. C’est Madame Agnès Mugozi qui clôture cette période triennale de laïcs, de 1989-1990. L’on pourrait conclure que cette période de 1972 à 1990, est pour le Collège du Saint Esprit, une période de turbulences. 11. La gloire du Collège du Saint Esprit c’est la qualité des professeurs jésuites de l’époque, à commencer par le Père Paul Collin, qui était professeur de langues classiques et en même temps inspecteur des écoles confessionnelles : un véritable savant, dans tous les domaines, bien qu’il ne fût que candidat en lettres classiques. L’on a entendu parler du Père Bourgois, véritable pédagogue des petits, d’ailleurs adapté à 3 leur niveau. Professeur de français en 6ème le Père Jean Pierre Nolf est aussi venu moderne, il était capable d’arrêter le cours comme régent : il a été surveillant du pavilpour montrer à ses élèves un avion qui surlon, de 1962 à 1965. Il a quitté le Burundi volait l’espace non loin de là . Le Christian pour faire sa théologie et son troisième an, de Fays, n’était pas des moindres. C’était mais il n’est plus revenu au Collège, car il a aussi lui, le père des pauvres et des Chiro. commencé à donner des exercices spirituels Le Père Remacle est devenu un véritable à partir de notre maison à Vugizo. Le Frère entrepreneur. C’est lui qui a développé la Miguel Balerdi était un infirmier, spécialiste ferme, avec ses cochons et ses poules. Les dentiste. Les dents qu’il m’a plombé en juilœufs du Saint Esprit de sa ferme étaient let 1971 tiennent encore bon. Jusque vers bien connus. Il élevait aussi des vaches. 1978, le Père Jean Bucumi, un jésuite érudit Mais il a surtout été l’acheteur du café payformé à Rome, un mutare de la famille Basan, le torréfacteur et l’exportateur du caranyanka, vivait dans la paroisse de Makefé : il a nourri les élèves du Collège avec ces buko et non dans la communauté de Kiriri différentes recettes. Populaire qu’il visitait de temps à autre. Il est aussi le fameux n’a jamais fait les derLes jésuites en 1971 étaient ces proPère Ministre, le niers vœux. Il est fesseurs disciplinés, réglés comme Père Domimort scolastique nique Schiltz, approuvé de la des montres, qui donnaient leurs parti après Compagnie de Jéheures de cours en temps réel! 1972, car il n’a pas sus, emporté par le pu supporter les atrocidiabète. tés dont il a été témoins : c’est lui qui allait 12. Les jésuites en 1971 étaient ces profesfaire les achats en ville, c’est lui qui était le seurs disciplinés, réglés comme des plus en contact avec les gens, après le Père montres, qui donnaient leurs heures de Remacle. Fameux était aussi le Père (il cours en temps réel ! Ils se levaient tôt pour n’était que scolastique en régence)Paul prier et célébrer la messe. A 12 h 30, ils preMayence qui était longtemps surveillant. Le naient leur repas (et à leur table ne manPère Jean Pierre de Wilde, un grand profesquaient jamais un jus de citron et un flacon seur de philosophie et de sociologie, a fait de nivaquine). Après le repas, ils prenaient sa renommée en mettant en scène le leur sieste avant les cours de l’après-midi, théatre, surtout ‘ l’esprit de Mwanga’. mais après avoir transité à la chapelle pour Après 1987, il est parti à Bukavu et s’est faire une visite au Saint Sacrement. Ce rite converti en prédicateur d’Exercices Spiriaccompli, ils franchissaient les escaliers metuels, mais déjà les lycéennes ont gardé un nant à leur bureaux et chambres (aux garde très bon souvenir de lui. Peuvent en témoi-fous de ces escaliers, l’on pouvait lire « slot gner Imelde Kagajo, Gertrude Gacukuzi, Ma-clôture-, endroit où les femmes ne pourie Kinyabuku. Le Père Seigneur a été suvaient franchir). Et de fait, dans ce mont perbe. C’est lui qui fidèlement, d’année en Athos burundais, il ne viendra de femmes année, a pris les photos des classes, pour qu’après 1974, lorsque les Sœurs Rwanles fixer à jamais à travers les générations. daises Bene-Bikira sont venus faire l’intenAprès 1974, il a été un moment Recteur du dance du Collège, après le départ du Père Collège, un moment de transition. En 1962, Dominique Schiltz tandis que le Père René 4 Remacle était reclus dans sa ferme. Chaque soir, les jésuites, après le repas jouaient aux cartes (surtout le bridge) ou lisaient les revues et les journaux (y compris la Libre Belgique). A 21 heures, chacun se retirait dans sa chambre pour préparer l’oraison ou la leçon du lendemain. Ils vivaient littéralement sous la règle : ce sont des prêtres réguliers, religieux. 13. Lorsque les jésuites reprennent la direction, en 1975, on a fait venir des Pères du Congo : il s’agit d’abord du Père Fernand Boedts, puis du Père Roland Roelandt. C’est sous le Père Fernand Boedts que les Universitaires rentrent au Collège du Saint Esprit (1979) sous la demande du Ministre Pascal Ntamashimikiro, selon la volonté du Président Jean Baptiste Bagaza, lui-même ancien du Collège. 14. Le Père Fernand Boedts avait de bonnes connections en ville, mais ses amis n’ont pu le prévenir des actions méchantes qu’allait entreprendre le Président Bagaza vis-à-vis des jésuites, ses éducateurs, avec une verve qu’on a jamais vu auparavant : il voulait réduire à néant leur orgueil mais aussi leur éducation chrétienne qu’ils véhiculaient à travers leur savoir et leur pédagogie. Le Collège du Saint-Esprit était trop beau pour être une école secondaire, et l’on avait besoin de campus universitaires, vu la pression des jeunes du pays au seuil des études supérieures. Plusieurs jésuites reçurent donc la permission de quitter définitivement le pays, à la place d’un visa sortir retour, dès lors que leur visa de séjour de deux ans était expiré. 15. En 1974, le Père Elie Koma (scolastique en régence) est préfet des études. Déjà la plupart des élèves hutus sont partis en exil, d’autres ont été tués en s’enfuyant, et cependant aucun ne le fut au site du Collège. Je suis passé dans la communauté de juillet Le P. Elie Koma à septembre 1974, les élèves étaient évidemment en vacances et je n’ai rien observé. Le Père Elie est ensuite parti pour ses études d’économie à Paris, Vanves. En 1977, je suis arrivé en régence à Bujumbura : le Père Fernand Boedts était recteur, le Père Poelmans préfet des études. Tous les deux venaient du Congo. Il y avait aussi le Père Raymond Davià, Père Spirituel et professeur. Le Père Eugène Suttor était alors préfet de discipline. Le Père Guy Brichard était surveillant : on le surnommait la Vache. Le ministre du Collège était le Père Herman de Weerdt : on le surnommait Sarehe. Il chérissait un garçon malin qui l’accompagnait toujours, le petit Bosco (cousin du Père Mukunzi) qui fut assassiné en 2007. Le Frère Jules Degraeve solide comme un marteau, parcourrait les corridors du Collège à vélo pour réparer électricité et plomberie. 16. Deux jeunes belges laïcs : Lucien Michaut et Alphonse Platevoet encadraient les travaux pratiques et le sport. L’équipe de basket (les Dauphins) était forte. D’autres laïcs, des barundi ou des rwandais, ont encadrés des élèves du Collège du Saint Esprit : Louis, Anselme, Herman, Léonidas Habonimana, Laurent Nkongoli, Thaddée, etc. Je m’occupais des activités culturelles : les tambourinaires, les danses traditionnelles intore et les déclamations d’amazina. C’est 5 à cette époque qu’est né l’orchestre Amaprésident Bagaza frappait de plein fouet bano et les premiers essais d’une musique l’orgueil des Jésuites. Entretemps, des persburundaise moderne, avec Nikiza David et pectives d’ouverture d’une communauté à Ngabo Léonce. Avec nous dans la commuGitega s’étaient ouvertes. Le Père Jean nauté vivait l’abbé Faustin Rutembesa, proPierre Nolf, le Père Charles Petit (il mourut fesseur d’histoire à l’Université du Burundi, d’accident de voiture à Muramvya en mars de même le Père Jacques Voisin, professeur 1983) et le scolastique Mbonimpa Melchior de mathématiques. y ont formé une communauté : ils étaient 17. Le Père Barakana vivait à l’avenue de Juillogés dans les enceintes de la paroisse du let, dans une maison de l’Université. C’était Saint Sacrement. A cette époque aussi, le du temps de la gloire. Un moment, le Père Elie Koma, en poste à Bujumbura, a Claude Gatali finissait ses études de droit, écopé de 19 jours de prison, en voulant déBenoit Gatete commençait les siennes. Je fendre les biens de la Compagnie. Lorsqu’il serai bientôt remplacé en régence par Nicoen est sorti, il s’est fait envoyer à Rome las Mayugi, à qui j’ai transmis mes cours de pour des études de théologie (doctorat). Le Kirundi, en phase de publication, notamPère Guillaume s’est fait ordonner à Bukeye ment Ijaambo ryaa Gishiingantaahe. Le réen août 1983, avant de passer encore deux gent Louis Bigorubona qui avait ans de théologie biblique à fait la chimie nucléaire à l’ato- La dernière promotion Rome.. Entretemps, le Père Roemium de Kinshasa, vint enseilandt avait pris la relève du Père du Collège du Saintgner au Collège en 1979. Boedts, fatigué et malade. C’est 18. A cette époque, la Compa- Esprit partit de Kiriri le Père Roelandt, épaulé par le gnie de Jésus, en ces jeunes en 1983 Père Henri de la Kéthule qui a jésuites, promettait d’être lancé la construction du nouprospère, mais ces scolastiques quittèrent veau Collège du Saint Esprit réduit à des diles uns après les autres : Adrien Bitanmensions modestes. gumutwenzi, Nyakamwe , Epitace Ntawan20. En juillet 1985, la veille de la fête Saint ka, Paul Ngarambe, Nicolas Mayugi, Louis Ignace, à cause d’un pamphlet qui circulait Bigorubona, Jacques Ngendakumana, Maren ville et qui comparait le Président Bagaza cel Buzingo, Melchior Mbonimpa, etc. Et au persécuteur Antiochus IV des Maccaquelle saignée de la Compagnie, mais l’on a bées, le Père Barakana fut emprisonné. Il investi pour le pays et pour l’humanité.Mais avait soutenu les membres du Mouvement c’était tout de même décourageant, on perMarial Sacerdotal qui étaient soupçonnés dait de l’espoir. Des moments sombres, des d’avoir écrit ce pamphlet. Il écopera de moments de tristesse. La Compagnie ne se plus d’une année de prison, après avoir été lassa pas cependant de recruter au Burundi mis à Mpimba, Rumonge et Muramvya. Il bien que tous ceux qui sont entrés entre s’est montré vaillant et coriace, il avait réoctobre 1971 et septembre 1995 la quittèpandu la récitation du rosaire aussi bien à rent. Mpimba que partout où il y avait ses dis19. La dernière promotion du Collège du ciples. Gêné de l’avoir emprisonné, le PrésiSaint Esprit partit de Kiriri en 1983. L’on dent Bagaza a plusieurs fois envoyé des aurait dit que le monde des jésuites émissaires pour extorquer au Père Barakas’écroulait. Sicut transit gloria mundi. Le na la repentance en vain. Le Père Barakana 6 aurait dit qu’il ne s’était jamais senti aussi li bre qu’en prison et que si le président voulait, il pouvait le libérer comme il l’avait emprisonné sans motif ! Le Père Barakana fut relaxé le 27 mars 1987. de l’actuelle salle de réceptions. La salle de théâtre prévue attenante au réfectoire, ne fut jamais construite. Les grillages extérieurs n’étaient pas posées, du coté est des classes et de l’actuelle salle informatique. Le nouveau Collège du Saint Esprit commençait mixte et externe. Le Père Cornelissen imposa l’uniforme à ses élèves, je crois qu’il en a emprunté les couleurs au Congo. A cette époque, il n’y avait pas d’écoles externes, ni celles qui portaient régulièrement l’uniforme. On introduisit le carnet de correspondance entre l’école et les parents. On prévoyait des salles d’étude dans les quartiers, auprès des paroisses catholiques : une première a été construire et a été fonctionnelle à la paroisse Saint Joseph à Ngagara. Des ateliers de menuiserie, de couture, de soudure, de dactylographie, d’électricité et de mécanique, avaient été prévus comme activités parascolaires. Du matériel adéquat avait été fourni par l’organisme allemand Misereor, sur la demande et l’inspiration du Père Jean Claude Michel. Tout ce matériel a été vendu par les directeurs laics de 1987 à 1989. 23. Une deuxième année du Collège de Gihosha avait comme équipe les Pères Jan Cornelissen (recteur), le Père Maurice Delbaere (préfet des études), le Père Guillaume Ndayishimiye (préfet de discipline et ministre de communauté) en remplacement du scolastique Rugambwa Alphonse, et le scolastique Sunda Meya (aide ministre et professeur). C’était l’année scolaire 19851986. L’antipathie du président Bagaza contre l’Eglise catholique s’exaspéra. Hakizimana Isidore était ministre de l’éducation. En avril 1986, l’on décida la nationalisation des séminaires, et tous les directeurs religieux furent remplacés par des laïcs. Ainsi le Père Cornelissen fut remplacé par Jean Paul Ciza. Quant aux autres, nous sommes restés 21. L’obtention du terrain de Gihosha (alors appelé Kamenge) fut objet de négociation, car le gouvernement voulait que les jésuites construisent sans avoir la propriété. Les jésuites ont refusé de construire, jusqu’à l’octroi d’une propriété par le Ministère de l’éducation. Il fut aussi convenu que l’Etat apporterait la moitié des finances pour la construction de l’école. L’architecte était le Frère scheutiste Dequecker, un ami du Père Jean Claude Michel (délégué des écoles dans la Province à l’époque). Le Frère Dequecker a fait aussi le croquis de la Chapelle du Sacré-Cœur (le Père Guillaume Ndayishimiye avait suggéré un véritable Cœur, le Frère l’a trouvé irréalisable et l’a transformé en un triangle, ou un cœur avec des angles). L’école (au moins les classes) fut construite rapidement, pendant une année et demie. On fit appel au vieux Frère Supersaxo qui, trente ans auparavant, avait construit Kiriri. La maison de communauté devait être à l’écart, en dehors des enceintes du collège. Cet emplacement se situe au dessus de l’avenue actuelle du SaintEsprit, au croisement nord est avec l’avenue de l’Environnement : la parcelle de 48 ares a été emportée avec la viabilisation de Gihosha en 1994 et ensuite échangée avec celle de 82 ares occupée partiellement par l’actuelle chapelle du Cœur de Jésus). 22. L’équipe du Père Jan Cornelissen, Maurice Delbaere avec deux scolastiques Sunda Meya et Alphonse Rugambwa vit commencer la septième en septembre 1984. Les constructions continuaient, notamment la cuisine et le réfectoire (œuvre du Frère congolais Ngalungalu, venu de Bukavu). Il s’agit 7 en place. Le Père Cornelissen continua à Jean Pierre de Wilde était le représentant diriger les constructions et la gestion des légal suppléant ; c’est lui qui faisait les définances, en collaboration avec l’économe, marches officielles, qui écrivait et signait les Mademoiselle Niconarinze Rose. Tout se lettres. passa sans heurt jusqu’à la fin de l’année, 25. A Gihosha, le Père Innocent Rutagabwa sauf que le Directeur a forcé de délibérer (celui-là qui sera assassiné à Kigali le 7 avril quatre élèves qui avaient échoué en mathé1994) et le scolastique Vincent Kankindi matiques. Dès le début de l’année scolaire, avaient été nommés à la communauté du j’avais été chargé d’élaborer le règlement Collège. Ils vinrent rejoindre leurs postes scolaire, sous les directives du Père Jan Coravec un visa de voyage. Ils ne purent obtenelissen. nir le visa d’établissement et durent re24. L’année scolaire 1986brousser chemin. La tension 1987 fut un cauchemar était à son paroxysme entre pour les jésuites. A Kiriri, l’Eglise et l’Etat. En octobre les jésuites ont été priés 1986, l’on ne renouvela pas le de vider les lieux en mai visa d’établissement de Jan 1987. On a commencé à Cornelissen. Voyant son convendre des meubles et à frère partir, le Père Maurice distribuer quelques effets, Delbaere tomba littéralement à emporter d’autres à Bumalade, se fit donner un pakavu. Je me souviens de pier médical et demanda de ces gros camions que le rentrer en Belgique en noPère Léon Verwilghen vembre 1986. Je restais seul amenait pour transporter jésuite au Lycée, mais plus les meubles à Bukavu, ces pour longtemps. Le 3 janvier fers à béton que le Père arriva mon tour. Le Directeur Le P. Innocent Rutagambwa De Ridder amenait dans me rencontra en chemin, tout son école des métiers Cheche. La Compaprès de l’hôpital Roi Khaled, m’annonça gnie de Jésus du Burundi était littéralement tout bonnement que mon travail était fini, dépouillée. Tout ce qui a été emporté était que les cours de religions dans les écoles noté et était supposé revenir dès que nous étaient supprimés et que tous les religieux aurions eu un léger mieux. Nous n’avons étaient renvoyés des écoles. Je ne m’alarpas récupéré un centième. Le Père Jean mais pas outre mesure, j’étais heureux pluPierre Nolf a commencé a détailler minutôt de pouvoir me reposer. En effet, depuis tieusement et à emballer tout ce qui devait la fin de mes études à Rome en juin 1985, je partir. Un dossier d’expropriation a été présuis allé trois mois en ministère à New York, paré par le Père Jean Claude Michel, mais et suis revenu à mon poste le premier jour n’a jamais été présenté pour remboursede la rentrée aussitôt sorti de l’avion, le 14 ment juste et préalable, car cette expropriaseptembre 1985, et j’ai travaillé sans répit tion n’a jamais été prononcée ni sollicijusqu’à ce jour. Je prenais alors un bon tée. Nous avons déménagé les meubles, mois de repos, dans la maison de communous avons emporté les titres de propriété nauté. J’ai passé deux semaines seul, avec des immeubles. Heureuse faute ! Le Père les fidèles ouvriers André Nzikobanyanka et 8 Vénérand Ndikumana. Par la suite, un dominicain le Père Deo Banzirumuhito est venu me tenir compagnie, avant que la Compagnie de Jésus ne décide de m’envoyer le Père Cardon de Lichtbauer. Ce brave Père était professeur d’astronomie à l’Université du Burundi et il était de l’assistance technique belge. Aussi avait-il son appartement en ville. Pendant mon repos, ma sœur Theodora Nakintije a attrapé une complication de pneumonie, une pleureusie. Je l’ai fait soigner à l’hôpital militaire jusqu’à sa guérison. C’était providentiel que je sois libre à ce moment. Après cela, je me suis mis à chercher du travail : et j’en ai trouvé comme commis à l’ambassade d’Allemagne, mais les évêques m’ont empêché de le prendre. Ils m’ont plutôt proposé de donner un coup de main au bureau d’évangélisation, où travaillait le futur Mgr Jean Berchmans Nterere. J’y ai travaillé trois mois, bénévolement, pour élaborer des programmes de religion. Peu après, je suis allé en consulte à Kinshasa et le Provincial a décidé que j’irai au troisième an. Pendant que j’étais à Kinshasa, des agents de la sureté sont venus auprès des ouvriers s’enquérir de mes va-et-vient. J’ai été averti par le Père Cardon, mais je suis quand même revenu, non par l’aéroport comme on l’attendait, mais par Goma, Kigali et Cyangugu. Les frontières étaient surveillées minutieusement à cette époque et chaque voyageur burundais devait remettre son passeport à son entrée au Burundi, quitte à le récupérer (le redemander à la PAFE) s’il voulait de nouveau voyager. Je n’ai remis le passeport qu’à Bujumbura, et je l’ai récupéré deux semaines après. Ces gens de la sureté n’ont jamais su que j’étais rentré au pays et j’en étais reparti le 15 mai 1987. Par après, je suis parti à Kinshasa, puis au troisième an à Trosly, tout près de Paris. 26. J’allais oublier que deux fois le projet de construction de notre maison de retraite à échoué. Nous avions deux maisons derrière l’actuel palais présidentiel appartenant à Micombero. Ces maisons ont abrité des jésuites professeurs d’université, puis les Pères Jean Pierre Nolf et Jean Pierre de Wilde y ont commencé un embryon de maison de retraite. Un moment, nous avons voulu construire une véritable maison de retraite. Des démarches ont été entreprises pour faire des plans, de l’argent a été cherché, une autorisation de bâtir a été obtenue des services de l’urbanisme; des bâtiments en étage étaient prévus. A peine avait-on fini de poser les fondations (pour un million de francs bu de l’époque : on est en 1979) que les services de la présidence demandent à nos constructeurs d’arrêter les travaux. Car, disaient-ils, la construction d’un tel bâtiment était contre la sécurité : ils ne voulaient pas de regards indiscrets dans l’enclos voisin du président de la République. Nous avons été forcés par la suite à vendre la parcelle à l’épouse de Bagaza. Nous avons perdu aussi les autres villas qui se trouvaient dans les environs, réquisitionnés par la présidence. Et pourtant les autres honnêtes citoyens jouissent encore de leurs biens, dans les environs de la présidence, y compris notre ancien ouvrier Cyprien Barwendere à qui nous avons morcelé une partie de notre terrain. Plus tard, d’autres plans ont été élaborés pour construire la maison de retraite non loin de la Régideso, en dessus de ce qui fut le pavillon des grands : les plans sont là, mais l’argent pour 9 construire, accumulé pendant des années gressivement à cause de l’arthrose et qui par les anciens professeurs d’université, a accueillait les gens du mouvement marial. été refondu dans les caisses communes de J’y ai quelque fois accompagné le Père Barala Province d’Afrique Centrale. Au moment kana, et parfois même remplacé. de la création du district Rwan28. En juillet 1988, une nouvelle da Burundi, l’on n’en a plus tecommunauté fut formée, composée nu compte. L’on a tout simpledu Père Bouillot André, le Père Ricarment partagé les avoirs de la do Amurrio, le Père Barakana et moiProvince, au prorata des même. Après le troisième an en avril membres, ceux qui restaient 1988, j’avais transité au noviciat dans la Province Mère et ceux comme socius du Père Maître penqui allaient dans la nouvelle endant trois mois, pour remplacer le tité. Père Prado qui devait aller en vaLe P. André Bouillot 27. Le dernier jésuite est parti de cances au Guatemala. Nous avons Kiriri en juillet 1987. Le Père d’abord formé notre communauté à Barakana, libéré de prison s’est réfugié à la la PAR en attendant de nous équiper. Nous PAR. C’est d’ailleurs le seul jésuite qui soit avons essayé de racheter les armoires en resté au Burundi, semence de la nouvelle muvula que nous avions vendu à l’Universigénération, le Pignatelli du Burundi. Ni té. Monsieur Deogratias Ndarusanze, qui agashitsi kaa kéera kavuumbika umuriro. était directeur de la Régie des Œuvres UniMais la restauration de la Compagnie au versitaires, nous y a beaucoup aidés. Les Burundi n’a pas attendu quarante ans, mais gens étaient plutôt sympathiques. Le 22 seulement deux mois. Le 3 septembre 1987, juillet 1988, le Ministre de l’Intérieur, le le Régime de Bagaza est tombé grâce au Lieutenant Colonnel Aloys Kadoyi nous avait coup d’Etat du Major Pierre Buyoya. Une remis en effet le complexe résidentiel de nouvelle ère avait soufflé. Kiriri » et « ses annexes », « la chaL’Eglise catholique avait été pelle » et « la ferme », ainsi que « le éprouvée et quelque peu couvent de Kigobe ». La commusouffert, elle pouvait souffler. Le nauté est retournée à Kiriri peut Père Barakana s’était fortifié avant la fin de l’année 1988. Le midans l’encadrement du mouvenistère sacerdotal reprit timidement marial, au sortir de la priment, mais les gens des collines son. Il célébrait des cénacles avaient eu soif de notre retour. (Rosaires, Eucharistie) à la paC’est à ce moment que j’ai compléroisse St Michel. Il organisait des té mes études de linguistique à Le P. Ricardo Amurrio prières de guérison. Il faisait de l’Université du Burundi, études que la direction spirituelle, avec patience, lonj’avais interrompues treize ans auparavant guement. Ses célébrations ont même envaà l’Université de Lubumbashi. Je fis les deux hi la PAR (Procure d’Accueil Religieux). Par licences durant l’année académique 1988la suite, il les a déplacées dans la commu1989. Je fis aussi le 1er novembre 1989 un nauté des Bene-Mariya de l’avenue de la accident qui faillit me couter la vie : je fus Victoire. L’on disait chez Mama Gracia, une cogné frontalement par une remorque et la religieuse qui vivait là et se paralysait proMazda que je conduisais fut déclassée, je 10 m’en suis sorti avec une foulure au petit doigt droit. L’année suivante, j’ai été sollicité au noviciat pour donner des cours d’histoire de la Compagnie. Je fus alors admis aux derniers vœux que je prononçais à Bujumbura le 3 juin 1990. 29. Cette année même, nous entrâmes en procès avec un certain Sylvestre Ndabambarire pour une histoire de propriété, un immeuble qu’il louait depuis l’époque de Bagaza. Il payait difficilement. Nous avons voulu l’en déloger sans succès. Lorsque nous avons argué que nous voulions vendre la maison, il a avancé qu’il était en droit d’avoir une priorité d’achat. Mais c’était un homme insolvable et un mauvais payeur. Il voulait s’associer à d’autres pour acheter notre parcelle d’une cinquantaine d’ares. La parcelle se situe en dessous du palais présidentiel de Bagaza dit du 3 septembre. La communauté discuta longuement s’il fallait donner une option d’achat à Monsieur Ndabambarire. On décida finalement de lui donner un délai au-delà duquel nous vendrions la maison à un autre acquéreur, notamment Monsieur Didace Nzohabonaho. Comme prévisible, Ndabambarire ne remplira pas sa promesse dans les délais et nous avons vendu à Nzohabonayo. Ndabambarire nous mit en procès, il avait une femme juriste, une certaine Cassilde. Nous avons perdu le procès et l’on nous condamnait à retourner l’argent à Nzohabonayo, et la maison à Ndabambarire qui nous avait accusés de stellionat. C’était un véritable cauchemar. Ndabambarire avait produit une preuve, qu’il avait obtenu, pour acheter notre maison, une ligne de crédit de la Meridian Bank de Donatien Bihute. La date était bien postérieure à notre vente mais les juges n’avaient voulu rien entendre. Nous avons gagné en deuxième instance, grâce à l’intervention musclée de Maître Tharcisse Ntakiyica, un avocat de Didace Nzohabonayo (Je me demande s’il n’a pas dû corrompre la justice). Notre avocat, Maître Bukera, un ami du Père Barakana, n’avait pu rien y faire. 30. En septembre 1990, nous sommes revenus au Lycée du Saint Esprit, après trois ans d’absence. Le lycée de Kamenge, car c’est bien ainsi qu’on l’appelait désormais depuis notre départ (dans le souci de Bagaza d’effacer toute assonance chrétienne), avait connu trois directeurs laïcs cités plus haut. Mais quels dégâts en trois ans ! Les Jésuites reviennent, plus discrets (en nombre et en force), mais pas moins efficaces. Des rectorats plutôt longs et difficiles à cause de la situation socio-politique mouvementé : le Père Guillaume Ndayishimiye Bonja (de septembre 1990 à mars 2000), le Père Ignace Samulenzi ( de mars 2000 à son décès le 30 avril 2012) et de nouveau le Père Guillaume Ndayishimiye Bonja (de septembre 2012 à nos jours). Il faut signaler deux intérims pendant cette dernière période : le Père Bob Albertijn (du 14 novembre 2001 au 10 février 2003 : le Père Samulenzi étaient aux soins à Nairobi et à Ottignies suite à des blessures par balle) ; Monsieur Guy de Battista (du 1er mai au 11 septembre 2012, alors que le Père Ignace était décédé). Ces deux recteurs intérimaires, le Père Bob et Monsieur Guy, ont été des préfets des études qui ont marqué beaucoup le lycée. Ils sont restés le plus longtemps, et ils ont épaulés efficacement les recteurs. 31. 11 L’histoire ne s’arrête pas là, elle continue, s’inscrit chaque jour, selon les jalons que les différents acteurs posent : les élèves, les responsables scolaires, les parents, les enseignants, l’administration du pays, et la Compagnie de Jésus dans cette Eglise locale du Burundi.