cour municipale de la ville de montréal

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cour municipale de la ville de montréal
COUR MUNICIPALE DE LA VILLE DE MONTRÉAL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
N° : 779 977 483 et 779-904-366 et al'
DATE:
Le 22 avril 2014
SOLIS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE
RICHARD STARCK, j.c.m.v.m.
LA VILLE DE MONTRÉAL
Poursuivante-intimée
c.
GABRIELLA
GARBEAU
et
MYRIEM ALAMI ET AL. *
Défendeurs-requérants
'(les noms et numéros des dossiers des autres défendeurs-requérants
se trouvent en annexe au présent jugement)
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
et
Mis-en-cause
LA LIGUE DES DROITS ET LIBERTÉS
Intervenante
JUGEMENT SUR REQUÊTE
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 2
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
4
Origines du litige
5
Les questions constitutionnelles
Est-ce que l'interdiction
10
prévue à l'article 500.1 va à l'encontre de
l'alinéa 2b) de la Charte canadienne?
10
La preuve sur l'atteinte allégée
11
Est-ce que l'activité a le contenu expressif nécessaire pour entrer dans
le champ d'application
de la protection offerte par l'alinéa 2b) de la
Charte canadienne ?
15
Est-ce que le lieu ou le mode d'expression écarte la protection
de l'alinéa 2b) de la Charte canadienne ?
20
Est-ce que par son objet ou son effet l'article 500.1 porte atteinte
à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne?
32
Est-ce que l'atteinte est justifiée au sens de l'article premier de la
Charte canadienne?
34
La preuve sur l'article premier de la Charte canadienne
35
Est-ce que l'atteinte à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne vise un
objectif urgent et réel?
47
Est-ce que l'atteinte est proportionnelle?
57
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(a)Est-ce qu'il y a un lien rationnel entre l'atteinte et l'objectif
poursuivi ?
57
(b) Est-ce que la restriction porte une atteinte raisonnablement
minimale au droit à la liberté d'expression?
(c) Est-ce que les effets préjudiciables
d'expression
Conclusion
sont proportionnés
de l'article 500.1 sur la liberté
à ses effets bénéfiques?
(quant à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne)
Est-ce que l'interdiction
58
66
68
prévue à l'article 500.1 va à l'encontre de
l'alinéa 2c) de la Charte canadienne ?
68
Conclusion (quant à l'alinéa 2c) de la Charte canadienne).....................
70
Conclusion (quant à l'article 3 de la Charte québécoise)
70
Décision
70
Annexe
71
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779-904-366 et ais.
Page4
Introduction
[1]
Le 15 mars 2011,
d'infraction
les défendeurs-requérants
leur reprochant individuellement
ont reçu des constats
d'avoir, le 15 mars 2011, enfreint
l'article 500.1 du Code de la sécurité routière, L.R.Q., chapitre C-24.2. (ci-après
«l'article 500.1»), « en ayant occupé la chaussée,
l'emprise
ou les abords
l'accotement,
une partie de
d'un chemin public au cours d'une action concertée
destinée à entraver la circulation des véhicules routiers ».
[2]
Le 15 août 2012, les défendeurs-requérants
ont fait signifier au Procureur
général du Québec un avis d'intention selon l'article 95 du Code de procédure
civile, L.R.Q., c, C-25, accompagné d'une requête visant à faire déclarer invalide
l'article 500.1.
[3]
L'avis d'intention
a été modifié deux fois par la suite et pendant les
procédures certains arguments furent abandonnés, de sorte que les défendeursrequérants
demandent
au Tribunal de déclarer invalide l'article 500.1 pour les
motifs suivants: cet article porterait atteinte à la liberté d'expression
l'alinéa 2b) de la Charte canadienne
canadienne»)
personne
et l'article
(ci-après
3 de
«Charte
des droits et libertés
la Charte
québécoise»),
des
droits
protégée par
(ci-après
«Charte
et libertés
de
la
et aussi, à la liberté de réunion
pacifique protégée par l'alinéa 2c) de la Charte canadienne
et l'article 3 de la
Charte québécoise.
[4]
Le 20 décembre 2012 le Tribunal a permis à La Ligue des droits et libertés
d'intervenir, afin de produire une preuve et de présenter des arguments en appui
à la position des défendeurs-requérants
sur les questions constitutionnelles.
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[5]
Le 5 juillet
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2013,
977 483, a enregistré
la défenderesse,
un plaidoyer de culpabilité
elle, sous réserve de sa contestation
500.1. Quant
aux
Gabriella
autres
Garbeau,
sur l'infraction
dossier
portée contre
de la validité constitutionnelle
défendeurs,
la preuve
sur
779
de l'article
la commission
de
l'infraction n'est pas encore terminée.
Origines du litige
[6]
II n'y aucun exposé conjoint des faits dans le présent dossier.
Par
conséquent, le Tribunal a fait un sommaire des témoignages et des pièces que le
Tribunal considère pertinents quant aux origines du litige et qui seront considérés
par celui-ci afin de répondre aux questions en litige.
Rapport
d'infraction
Robichaud
[?]
général
signé
par Tean-Phillippe
du Service de police de la Ville de Montréal
Huot
et Kim
(SPVM)
Dans la section faits et gestes pertinents: Pour la 15ème année depuis le
15 mars 1997, le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) lance un appel à
participer à la Journée internationale
contre la brutalité policière.
Le COBP a
demandé à ses sympathisants de se rassembler au métro Place-des-Arts à 17 h
le mardi 15 mars 2011 afin de manifester.
Aucun trajet officiel n'a été produit par
le COBP tant aux officiels de la Ville de Montréal qu'aux représentants du SPVM.
Un appel pour la manifestation du 15 mars 2011 a été effectué sur internet via le
site internet www.cobp.resist.ca.
Vidéo de la Sûreté du Québec - Manifestation
[8]
démontre
du 15/03/2011
Après avoir regardé la vidéo, le Tribunal arrive à la conclusion que celui-ci
que les manifestants
ont occupé
la chaussée
pendant
toute
la
manifestation. Lorsque les manifestants passaient à côté de voitures stationnées,
il aurait été difficile pour les conducteurs de ces voitures de quitter leur place de
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stationnement
ambulance.
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s'ils l'avaient
voulu. Cela a été notamment
le cas pour line
Des véhicules ont également été immobilisés à des intersections
parce que les manifestants
marchaient
sur une rue perpendiculaire.
D'autres
véhicules l'ont été parce que les manifestants marchaient dans le sens contraire
de la circulation (ex. deux autobus de la Société de transport de Montréal (STM).
À trois reprises, les manifestants sont allés dans une direction qui n'était pas celle
que les policiers avaient envisagée. Quelques véhicules ont tenté de s'extirper de
la manifestation.
Les
manifestants
ont aussi
marché
entre
des
véhicules
immobilisés sur la chaussée sur les rues Sherbrooke et St-Denis.
[9]
Le Tribunal fait également les deux constatations suivantes:
(1) Les véhicules immobilisés par la manifestation ne l'ont été que durant
une courte période. À titre d'exemple, le Procureur général souligne que
plusieurs autobus de la STM ont été immobilisés. C'est le cas. Toutefois, à
la lumière de la vidéo, ces autobus sont rapidement sortis du périmètre de
sécurité (ex. par les policiers à vélo);
(2) Les policiers ont été, malgré tout, en mesure de bloquer l'accès à
plusieurs véhicules à la rue Sherbrooke et ainsi établir un périmètre de
sécurité. De plus, les policiers ont pu, sur la rue St-Denis à partir de
l'avenue des Pins, se positionner devant les manifestants pour bloquer les
véhicules
qui
arrivaient
à contresens
ou qui provenaient
des
rues
perpendiculaires.
Témoignage
[10]
de Sylvain
Sylvain
opérationnelle
Champagne
Champagne
travaille
(SPVM)
à
la
Division
de
la
planification
(DPO) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Son
témoignage établit qu'en 2011, les démarches du SPVM pour entrer en contact
avec les manifestants du COSP ont été vaines et que le SPVM n'a pas réussi à
obtenir
le trajet de la manifestation
prévue
pour le 15 mars 2011 de ce
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779-904-366 et ais.
regroupement.
Page 7
Des mesures d'encadrement
ont tout de même été prises par le
SPVM préalablement à la manifestation. Les policiers se sont placés en avant et
en arrière de façon à pouvoir se positionner au fur et à mesure et ainsi, contrôler
la circulation. Lorsqu'il y a eu des changements de direction, les policiers ont dû
s'ajuster pour arrêter le trafic ou libérer les véhicules déjà engagés. Certains
véhicules ont fait des manœuvres pour se sortir de la manifestation (ex. virages en
U). Les policiers ont également dû faire des manœuvres pour libérer différentes
intersections. La manifestation a été interrompue suite à des méfaits. Même si le
contrôle de la circulation était difficile, selon les dires du témoin, le SPVM a réussi
tout de même à gérer la circulation et à assurer la sécurité des participants (en
adoptant la technique saute-mouton).
Témoignage
[11 J
de Sébastien
Landry (Reguérant)
Monsieur Landry décrit les événements de façon imprécise et il semble
donner des réponses partiales. Je n'accorde donc pas une grande valeur probante
à son témoignage. II ne se rappelle pas de la manière dont il a pris connaissance
de la manifestation.
[12J
M. Landry
témoigne
qu'après
les manœuvres
d'encerclement
des
policiers, certains manifestants sont montés sur le trottoir puis sont retournés sur la
chaussée, dont le témoin. Des personnes qui, elles, se trouvaient sur les trottoirs,
ont pu quitter les lieux.
Témoignage
[13J
de Samuel St-Denis
Les descriptions
de
Lisée (Reguérant)
M. St-Denis
Lisée sont
précises
corroborer la preuve vidéo de la SQ. Lorsque sa description
devient imprécise,
et semblent
des événements
cette imprécision s'explique par la déficience de la mémoire du
témoin de certains événements, tel que celui-ci le mentionne lors de son témoignage.
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779-904-366 et ais.
[14]
Page 8
Le Tribunal retient de son témoignage que le point de ralliement de la
manifestation du COPB le 15 mars 2011 était à la Place des Arts à 17 h. Le témoin
en avait pris connaissance par des tracts (ou d'autres moyens, tels les amis) et celuici avait décidé de s'y joindre.
Le lieu du rassemblement
était connu depuis au
moins un mois. Une annonce aux manifestants a été faite par les policiers avant le
départ des manifestants. Les manifestants se sont mis en marche vers 17 h 45. Le
témoin dit qu'il est possible
manifestation,
qu'il y ait eu message portant sur l'illégalité de la
mais qu'il ne l'a pas entendu. Les policiers ont commencé à faire
des manœuvres pour encercler les manifestations vers 18 h 30 entre les rues
Mont-Royal et Marie-Anne, sur St-Denis. Les manifestants se sont alors déplacés
sur le trottoir.
Certains manifestants
sont retournés sur la chaussée,
dont le
témoin.
[15]
Les policiers ont ensuite séparé les manifestants qui étaient restés sur le
troltoir de ceux qui étaient sur la chaussée. Ils ont fa it qui tt e rie
s lie u x a u x
personnes qui se trouvaient sur le trottoir.
Témoignage
[16]
de Hugues
McNeill Duval (Requérant)
Ce témoin semblait sincére. Le Tribunal croit qu'il n'a pas eu initialement
l'intention de se joindre à la manifestation du COSP, mais qu'il l'a fait alors qu'elle
était déjà en marche. Aprés les manœuvres d'encerclement
par les policiers, sur
St-Denis entre Marie-Anne et Mont-Royal, le témoin est retourné sur la chaussée.
Alors qu'il était sur la chaussée, des gens sur le trottoir ont pu quitter. Lorsque le
témoin a demandé aux policiers la permission de quitter, ils ont refusé.
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779-904-366 et ais.
[17]
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Outre les observations déjà mentionnées par le Tribunal, sur la base de la
preuve entendue et retenue par celui-ci, le Tribunal considère que le sommaire
des faits,
tel que présenté
correctement
les événements
défendeurs-requérants.
par le Procureur
général
ayant mené aux accusations
du Québec,
reflète
portées contre les
Celui-ci peut se résumer ainsi:
Le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) a lancé un appel à
la population pour participer, le 15 mars 2011, à une manifestation dans le
cadre de la Journée internationale contre la brutalité policière.
Cet appel a èté lancé, notamment, par des tracts, cartes ou affiches qui ont
été distribués de même que par un appel publié par le COBP sur internet,
via le site wwwcobpJesist.ca .
Dans cet appel, on peut lire, notamment, ce qui suit:
«Pour une quinzième année, le Collectif opposé à la brutalité policière
invite toute la population à prendre part à une manifestation dans le cadre
de la Journée internationale contre la brutalité policière. Cette année,
nous occupons l'espace public dans le centre-ville de Montréal. Nous en
avons assez des tickets, assez de nous faire repousser toujours plus loin.
Cette fois-ci nous restons!»
Plus spécifiquement, le ou les organisateurs du COBP ont demandé à
la population de se rendre à Montréal, près de la Place des A rts à l'angle
des rues Maisonneuve et Jeanne-Mance, à 17 h.
Les organisateurs de la manifestation n'ont pas demandé d'autorisation
auprès du Service de police de la Ville' de Montréal ni auprès de quelque
autre autorité municipale pour faire cette manifestation. Bien que des
démarches aient été entreprises par la section des relations avec la
communauté du Service de police pour entrer en contact avec les
organisateurs du COBP, ceux-ci n'ont offert aucune collaboration et
n'ontjamais divulgué le trajet de la manifestation.
Quelques minutes après 17 h, les participants à la manifestation ont
entrepris leur marche. Comme on peut le voir sur les images filmées le
15 mars 2011 à bord de l'hélicoptère de la Sûreté du Québec, ils
occupent la chaussée sur toute sa largeur et le font pendant tout leur
trajet, entravant ainsi la circulation des véhicules routiers sur cette
chaussée.
Les défendeurs ont reçu des constats d'infraction leur reprochant d'avoir, le
15 mars 2011, enfreint l'article 500.1 du Code de la sécurité routière en
ayant occupé la chaussée, l'accotement, une partie de l'emprise ou les
abords d'un chemin public au cours d'une action concertée destinée à
entraver la circulation des véhicules routiers.
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779-904-366 et ais.
Page 10
Les questions constitutionnelles
[18]
L'arlicle
500.1 contrevient-il
à la Charle canadienne
ou à la Charle
québécoise?
[19]
Le Tribunal doit décider si I'arlicle 500.1 va à l'encontre de l'alinéa 2b) de
la Cherte canadienne.
Si oui, il faut décider si cette atteinte est justifiée au sens
de l'article premier de la Cherte canadienne.
Les réponses à ces questions vont
contribuer de manière importante à répondre aux questions relatives à l'alinéa
2c) de la Charle canadienne et règler complètement
les questions
relatives à
l'article 3 de la Charle québécoise.
Est-ce
que
l'interdiction
prévue
à l'article 500.1 va à l'encontre
de
l'alinéa 2b) de la Charte canadienne?
L'article contesté
[20]
L'eructe 500.1 se trouve dans le Code de la sécurité
chapitre C-24.2.
routière, L.R.a.,
Tel qu'indiqué dans son article 1 le Code de la sécurité routière
a pour objet d'établir des règles relatives à la sécurité routière:
1. Le présent code régit rutilisation des véhicules sur les chemins publics et.
dans les cas mentionnés, sur certains chemins et terrains privés ainsi que la
circulation des piétons sur les chemins publics.
If établit les régies relatives à la sécurité routière, à i'lmmetricuietion
véhicules routiers et aux permis et licences dont radministration
Société de l'essurence automobile du Québec ainsi qu'au
transport routier des personnes et des marchandises.
des
relève de la
contr61e du
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 11
L'article 500.1 se trouve dans le chapitre VI du Code intitulé:
CHAPITRE VI
DISPOSITIONS
PUBLICS
DIVERSES
RELATIVES
A
L'USAGE
DES
CHEMINS
500.1 Nul ne peut, au cours d'une action concertée destinée à entraver de
quelque maniére la circulation des véhicules routiers sur un chemin public,
en occuper la chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou les
abords ou y placer un véhicule ou un obstacle, de manière à entraver la
circulation des véhicules routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin.
Un agent de la paix peut enlever ou faire enlever aux frais du
toute chose utilisée en contravention au présent article. Il peut
une telle chose; les dispositions du Code de procédure pénale
25.1) relatives aux choses saisies s'appliquent, compte tenu des
nécessaires, aux choses ainsi saisies.
propriétaire
aussi saisir
(chapitre Cadaptations
Le présent article ne s'applique pas lors de défilés ou d'autres manifestations
préalablement
autorisées par la personne responsable de l'entretien du
chemin public à la condition que le chemin utilisé soit fermé à la circulation
ou sous contrôle d'un corps de police.
Aux fins du présent article, un chemin public comprend un chemin servant
de déviation à un chemin public, même si ce chemin est situé sur une
propriété privée, ainsi qu'un chemin soumis à l'administration du ministère
des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenu par celui-ci.
2000, c. 31, a. 5; 2003, c. 8, a. 6; 2006, c. 3, a. 35.
(Soulignement
ajoutés)
Les articles de la Charte canadienne pertinents au litige sont:
(1) La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés
qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une régie de droit,
dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se
démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
(2) Libertés fondamentales-Chacun
a les libertés fondamentales
suivants:
b) liberté de pensée, de croyance et d'expression.
c) liberté de réunion pacifique
La preuve sur l'atteinte allégée
[21]
Le Tribunal considère et tient pour avérer pour les fins de cette analyse la
preuve décrite aux paragraphes 7 à 15 du présent jugement, et les témoignages
suivants:
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Témoignage
(22]
Page 12
de Marcos Ancelovici
Marcos
Ancelovici,
(Expert)
sociologue
s'intéresse aux mouvements
qui
enseigne
et en particulier
l'Université
McGill,
sociaux. II a été qualifié à titre d'expert capable
d'informer le Tribunal sur la notion de manifestation,
utilisation,
à
l'utilisation
de la
SOil
développement et son
manifestation
comme
moyen
d'expression.
(23]
À la lumiére du témoignage et du rapport d'expertise de Marcos Ancelovici,
le Tribunal
retient qu'une
manifestation
est une activité
phénomène
collectif. Ceux et celles qui y participent,
expressive
et un
souvent marginalisés,
véhiculent un message.
(24]
D'ailleurs, un objectif de la manifestation est d'attirer l'attention médiatique
afin de communiquer
ce message et d'influencer
les politiques publiques.
La
perturbation de l'ordre public est une façon d'attirer cette attention médiatique. De
plus, la manifestation se tient souvent sur la rue ou sur les chemins publics et son
trajet peut être investi d'un sens particulier. La manifestation peut être une fin en
Entre autres, elle permet à un mouvement social de «prendre corps».
elle-même.
Finalement, la manifestation
peut prendre plusieurs formes:
par exemple, elle
peut être spontanée et ne pas avoir d'organisateurs.
(25]
M. Ancelovici
marginalisés,
entendre.
témoigne
dépendent
à l'effet
que
de la perturbation
De plus, même si le Tribunal
plusieurs
de l'ordre
groupes,
public
retenait l'hypothèse
souvent
pour se faire
qu'il y a une
«routinisation» des manifestations en Occident, celui-ci ne retient cependant pas
les conclusions du témoin quant à cette «routinisation» au Canada. Selon lui, les
Canadiens (incluant les Québécois) sont de plus en plus favorables à l'idée de
manifester. Or, la façon dont il interprète les études qu'il présente est peu fiable et
l'application des conclusions de ces études au contexte canadien, spéculatives.
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[26]
Le Tribunal
Canadiens
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ne retient pas non plus ses conclusions à l'effet que les
(incluant
manifestations.
méthodologie
les
Plusieurs
Québécois)
données
participent
qu'il
de
présente
plus
sont
en
plus
partielles
à des
et
qu'il utilise pour le faire, peu fiable. De plus, il n'attache
la
pas
d'importance au fait que les manifestations auxquelles il se réfère ou auxquelles
les études qu'il mentionne se réfèrent, soient autorisées ou non. Finalement, le
Tribunal ne retient pas ses conclusions
manifestants
à l'effet que les rapports entre les
et les policiers se soient «normalisés» car il ne présente aucune
donnée pour étayer cette affirmation.
Témoignage
[27]
de François
François
Saillant
Saillant
travaille
(FRAPRU)
pour
le
Front
d'action
populaire
en
réaménagement urbain (FRAPRU), une coalition fondée en 1978 qui fait pression
pour obtenir entre autres une meilleure reconnaissance
en général du droit au
logement. II dit que la manifestation est au cœur des méthodes du FRAPRU pour
faire pression sur les autorités. C'est une manière d'obtenir une visibilité publique
et de créer un rapport de force face au gouvernement. Pour cette raison, selon le
témoin, la manifestation ne peut pas être confinée dans un parc, mais doit avoir
lieu sur la rue. La manifestation est aussi un moyen de donner du pouvoir à ceux
qui vivent des difficultés et ainsi, permettre de faire entendre leurs revendications.
Témoignage
[28]
de Patricia
Viannay
Patricia Viannay est organisatrice communautaire au Comité de logement
de Saint-Henri,
un comité qui défend les droits des locataires. À ce titre, Mme
Viannaya organisé plusieurs manifestations, leur principal moyen de mobilisation.
Pour ce témoin, ces manifestations
une surprise.
L'effet
de
surprise
visent à créer généralement
est important
pour
manifestants
et pour susciter l'intérêt des journalistes.
événements,
les manifestants
garder
un événement,
l'intérêt
des
Dans le cadre de ces
marchent souvent sur la rue, en passant entre
autres devant des lieux symboliques.
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Témoignage
de
Page 14
Sophie
Massé
(Fédération
des
professionnels
de
l' éducation)
[29]
Sophie Massé a déjà organisé des manifestations
afin de faire pression sur les employeurs
à des fins syndicales
lors du processus
de négociation.
Certaines de ces manifestations se sont déroulées dans la rue.
[30]
Dans la cause de Ville de Montréal c. 2952-1366 Québec inc. (2005) 3
R.C.S. 141 à la page 166 (ci-après «Ville de Montréal»), la Cour suprême du
Canada a posé les questions suivantes afin de déterminer si un article de loi
contrevenait à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne:
L'interdiction par le Ville du bruit amplifié qui s'entend à l'extérieur va-t-elle à
l'encontre de l'al. 2b) de la Charte canadienne?
Selon l'approche analytique définie dans les arrêts antérieurs, la réponse à
cette question dépend de la réponse donnée à trois autres questions.
Premièrement,
le bruit a-t-if le contenu expressif nécessaire pour entrer
dans le champ d'application de la protection offerte par l'al. 2b)?
Deuxièmement,
dans l'affirmative, le lieu ou le mode d'expression
pour effet d'écarter cette protection?
ont-ils
Troisièmement,
.si l'activité expressive est protégée par l'al. 2b), @
Règlement, de par son objet ou son effet, porte-t-if atteinte au droit protégé?
Voir Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur générai), [1989J 1 R.e. S. 927.
(Soulignements
[31]
En conséquence,
ajoutés)
afin de déterminer si l'interdiction
d'une activité va à
l'encontre de l'alinéa 2b), le Tribunal doit répondre aux trois questions telles que
posées par la Cour Suprême dans Ville de Montréal.
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779-904-366 et ais.
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(1) Est-ce que l'activité a le contenu expressif nécessaire pour entrer dans
le champ d'application
de la protection offerte par l'alinéa 2b) de la Chatte
canadienne?
[32]
Pour les fins de la présente
requête, il est établi qu'il y a eu une
manifestation non autorisée le 15 mars 2011 sur un chemin public à Montréal, qui
a entravé
Garbeau
la circulation
des véhicules.
La défenderesse-requérante
Gabriella
admet avoir occupé ledit chemin public au cours de cette action
concertée.
[33]
Mais les parties ne sont pas d'accord sur la qualification
l'activité prohibée que les défendeurs-requérants
[34]
Le
Procureur
d'argumentation
général
soutient
au
à donner à
désirent exercer.
paragraphe
45
de
que l'activité prohibée que les défendeurs-requérants
son
plan
désirent
exercer est la suivante:
Pour répondre à cette question, il faut d'abord identifier quelle est l'activité
que les défendeurs désirent exercer. Cette activité, visée par l'article
500.1, est celle d'occuper, au cours d'une action concertée destinée à
entraver de quelque manière la circulation des véhicules routiers sur un
chemin public, la chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou
les abords d'un chemin public ou y placer un véhicule ou un obstacle, de
manière à entraver la circulation des véhicules routiers sur ce chemin ou
l'accès à un tel chemin.
[35]
Quant
aux
d'argumentation,
défendeurs-requérants,
au paragraphe
14 de
leur
ils soutiennent:
a) Identification de l'activité en question
14.
Dans un premier
contrairement aux prétentions
défendeurs (ainsi que d'autres
désirent exercer est celle de
pacifique surun chemin public;
temps, il convient de rappeler que,
du Procureur général, l'activité que les
personnes ayant témoigné dans le dossier)
tenir et/ou participer à une manifestation
plan
779-977 -483
779-904-366 et ais.
[36]
Page 16
Pour le Tribunal,
requérante
circulation
Gabriella
il est établi que le 15 mars 2011, la défenderesse-
Garbeau
des véhicules
policière qui était destinée
Tribunal,
a occupé un chemin public et a entravé
routiers lors d'une manifestation
prohibée par l'article
contre la brutalité
à entraver la circulation des véhicules.
l'activité que les défendeurs-requérants
500.1 est d'occuper
voulaient
la
Pour le
exercer, qui était
un chemin public au cours d'une
manifestation qui est destinée à entraver la circulation des véhicules.
[37]
Afin de déterminer si cette activité a un contenu expressif, le Tribunal doit
appliquer certains principes établis par la Cour Suprême dans l'arrêt Irwin Toy
Ltd. c. Québec (Procureurgénéral),
(1989) 1 R.C.S. 927 aux pages 967 et 968:
1/ est clair que toute activité ne sera pas protégée par la liberté d'expression
et que des mesures gouvernementales qui restreignent cette forme de
publicité ne restreignent la garantie que si l'activité visée est elle-même
protégée...... dans ce genre d'examen, la première étape consiste à
déterminer si l'on peut dire que l'activité que souhaite poursuivre la
demanderesse relève de la "liberté d'expression". Si l'activité ne relève pas
de l'al. 2b), l'action gouvernementale ne peut évidemment pas être contestée
en vertu de cet article.
L"'expression" possède à la fois un contenu et une forme et ces deux
éléments peuvent être inextricablement liés. L'activité est expressive si elle
tente de transmettre une signification. Le message est son contenu. La
liberté d'expression a été consacrée par notre Constitution et est garantie
dans la Charte québécoise pour assurer que chacun puisse manifester ses
pensées, ses opinions, ses croyances, en fait, toutes les expressions du
cœur ou de l'esprit, aussi impopulaires, déplaisantes ou contestataires
soient-elles. Cette protection est, selon les Chartes canadienne et
québécoise, "fondamentale" parce que dans une société libre, pluraliste et
démocratique, nous attachons une grande valeur à la diversité des idées et
des opinions qui est intrinsèquement salutaire tant pour la collectivité que
pour /'individu ..
Nous ne pouvons donc écarter une activité humaine du champ de la garantie
de la liberté d'expression en se basant sur le contenu ou la signification. En
effet, si l'activité transmet ou tente de transmettre une signification, el/e a un
contenu expressif et relève à première vue du champ de la garantie..
Ëvidemment, bien que la plupart des activités humaines comportent à la fois
des éléments d'expression ·et des éléments physiques, certaines activités
humaines sont purement physiques et ne transmettent ni ne tentent de
transmettre une signification. 1/ peut être difficile de dire de certaines
activités quotidiennes, comme stationner une voiture, qu 'el/es ont un contenu
expressif. Pour les faire entrer dans la sphère des activités protégées, le
demandeur devrait établir gu'el/es avaient pour but de transmettre un
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 17
message.
Par exemple, une personne célibataire pourrait, en signe de
protestation publique, garer sa voiture dans une zone réservée aux conjoints
des employés du gouvernement pour manifester son désaccord ou son
indignation quant au moyen choisi pour répartir des ressources limitées. Si
cette personne pouvait démontrer que son geste avait un contenu
d'expression, elfe serait, à cette étape-ci, à l'intérieur du champ d'activité
protégé et on pourrait poursuivre l'examen de la contestation fondée sur
l'al. 2b).
(Soulignements
[38]
ajoutés)
La Cour explique, à la page 976, pourquoi la protection vigilante de la
liberté d'expression est importante dans une société libre et démocratique:
Nous avons déjà parlé de la nature des principes et des valeurs qui
sous-tendent la protection vigilante de la liberté d'expression dans une
société comme la n6tre. Cette Cour les a également examinés dans l'arrêt
Ford (aux pp. 765 à 767) et ils peuvent se résumer ainsi: (1) la recherche de
la vérité est une activité qui est bonne en soi: (2) la participation à la prise de
décisions d'intérêt social et politique doit être encouragée et favorisée: et (3)
la diversité des formes d'enrichissement et d'épanouissement personnels
doit être encouraqée dans une société qui est essentiellement tolérante,
même accueillante, non seulement à l'égard de ceux qui transmettent un
message, mais aussi à l'égard de ceux à qui il est destiné.
(Soulignements
[39]
ajoutés)
Mais la Cour indique aussi, à la page 970, que ce ne sont pas toutes les
formes d'expression qui seront protégées:
Le contenu de l'expression peut être transmis par une variété infinie de
formes d'expression: par exemple, l'écrit et le discours, les arts et même les
gestes et les actes. Quoique la garantie de la liberté d'expression protège
tout contenu d'une expression, if est évident que la violence comme forme
d'expression ne reçoit pas cette protection. II n'est pas nécessaire en
l'espèce de définir précisément dans quel cas ou pour quelfe raison une
forme d'expression choisie pour transmettre un message sort du champ de
la garantie. Toutefois il est parfaitement clair que, par exemple, l'auteur d'un
meurtre ou d'un viol ne peut invoquer la liberté d'expression pour justifier le
mode d'expression qu'if a choisi. Comme le faisait observer le juge
Mcintyre, au nom de la majorité, dans l'arrêt SDGMR c. Dolphin Delivery
Ltd., (1986J 2 R.C.S. 573, lorsqu'il avait à décider si le piquetage relevait de
la portée de l'al. 2b) (à la p. 588):
Cette forme d'expression sera évidemment toujours accompagnée d'actes
de la part des piqueteurs, mais ce ne sont pas tous leurs actes qui auront
pour effet de changer la nature de l'ensemble de l'opération et de la
soustraire à la protection accordée à la liberté d'expression par la Charte.
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779-904-366 et ais.
Page 18
Bien sûr, cette liberté ne jouerait pas dans le cas de menaces ou d'actes de
violence.
En fait, la liberté d'expression est la garantie que nous pouvons
communiquer nos pensées et nos sentiments, de façon non violente, sans
crainte de la censure, ,'.
Ëtant donné que cette Cour a déjà affirmé à plusieurs reprises que les droits
et libertés garantis par la Charte canadienne doivent recevoir une
interprétation large et libérale, il n'y a aucune raison valable d'exclure
l'expression commerciale de la protection de l'al. 2b) de la Charte.
(Soulignements
[40]
Le Procureur
ajoutés)
général soutient que l'activité prohibée
dossier ne constitue pas une activité expressive en soi.
son plan d'argumentation,
dans le présent
Au paragraphe 47 de
il écrit:
[47] L'activité d'entraver la circulation des véhicules routiers sur un
chemin public, au cours d'une action concertée destinée à cette fin, est un
comportement purement matériel qui ne constitue pas une activité
expressive en soi. Par exemple, un groupe de personnes qui bloquent
une rue pour permettre à leurs invités de s'y stationner ou pour y faire
une course de rue avec leurs véhicules ne vise pas à transmettre une
signification,
[41] Les défendeurs-requérants
ne sont pas du même avis et, aprés avoir cité
Irwin Toy, aux paragraphes 9 et 10 et 19 à 21 de leur plan d'argumentation,
disent:
9. II est' donc clair que toute activité qui vise a communiquer un message
ou une signification, entre dans le champ de la garantie, sauf si elle est
soustraite pour un autre motif, en l'occurrence, la violence;
10, Par ailleurs, dans cette affaire, la Cour Suprême renvoie a une
décision antérieure, l'affaire SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd., [1986] 2
R.eS 573, ou elle a reconnu que le piquetage, une forme de
manifestation, était inclus dans la sphère protégée par la liberté
d'expression;
Voiciles commentaires de la Cour à cet égard:
La question qui se pose maintenant est la suivante: La liberté d'expression
est-elle en cause en l'espèce? En cherchant la réponse à cette question, il
convient de souligner au départ que, quelle que soit la forme qu'il prend, le
piquetage comporte un certain élément d'expression. Les piqueteurs se
trouveraient à transmettre un message qui serait considéré à tout le moins
comme de la persuasion visant à dissuader les clients actuels et éventuels
de l'intimée de faire affaires avec celle-ci. La question se pose ensuite de
ils
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779-904-366 et ais.
Page 19
savoir si, dans les circonstances de la présente espèce, il s'agit là d'une
forme d'expression qui bénéficie de la protection accordée par l'al. 2b) de la
Charte et, dans l'affirmative, si l'injonction restreint ou porte atteinte à cette
liberté
.
Le piquetage, je le répète, comporte toujours un èlément d'expression. Le
syndicat informe le grand public qu'il est impliqué dans un conflit de travail, qu'il
cherche à imposer sa volonté à l'entreprise qui fait l'objet du piquetage et qu'il
demande aux membres du public de l'aider en respectant la ligne de piquetage.
Cette forme d'expression sera évidemment toujours accompagnée d'actes de
la part des piqueteurs, mais ce ne sont pas tous leurs actes qui auront pour
effet de changer la nature de l'ensemble de l'opération et de la soustraire à la
protection accordée à la liberté d'expression par la Charte. Bien sûr, cette
liberté ne jouerait pas dans le cas de menaces ou d'actes de violence. Aucune
protection n'est accordée lorsqu'il y a destruction de biens, voies de fait ou
autres types de conduite manifestement il/égale. Nous n'avons toutefois pas à
nous préoccuper de cela puisque, en l'espèce, le piquetage aurait étè paisible.
Je suis donc d'avis que le piquetage qu'on a voulu empêcher aurait comporté
l'exercice du droit à la liberté d'expression.
19. Dans le cas présent, il ne fait pas de doute que la manifestation contre
la brutalité policière est une activité de nature similaire puisque des
personnes
se réunissent
et se promènent
avec un message, une
signification à communiquer au public;
[42]
Le Tribunal est d'avis qu'une manifestation sur un chemin public «contre
la brutalité policière» comporte un élément d'expression.
II est évident que les
manifestants voulaient transmettre un message au grand public quant à certains
comportements
[43]
des policiers.
En conséquence
le Tribunal est satisfait que les défendeurs-requérants
ont démontré qu'en manifestant le 15 mars 2011 sur le chemin public, ils avaient
pour but de transmettre un message, et que ladite activité reléve à premiére vue
du champ d'application de l'alinéa 2b).
[44]
Le Tribunal
conclut que la réponse à la première
question est, oui,
l'activité prohibée a le contenu expressif nécessaire pour entrer dans le champ
d'application de la protection offerte par l'alinéa 2b).
[45]
En conséquence tel que dit dans Ville de Montréal, la situation qui nous
est soumise satisfait au premier élément de Irwin Toyet la preuve prima facie de
l'application de la garantie prévue par l'alinéa 2b) est établie.
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 20
(2) Est-ce que le lieu ou le mode d'expression
écarte la protection
de
l'alinéa 2b) de la Charte canadienne?
[46]
En premier lieu, il faut répéter que le Tribunal n'est pas d'accord avec la
position du Procureur général qui vise à limiter l'examen de l'activité expressive.
Pour le Tribunal, celle-ci ne se résume pas simplement à l'activité d'entraver la
circulation des véhicules routiers sur un chemin public, tel que le prétend le
Procureur général.
[47]
L'entrave
survient
à la circulation est une résultante ou un débordement
à l'occasion
défendeurs-requérants
de la manifestation
du 15 mars 2011.
qui
Ce que les
cherchent réellement à faire valoir est plutôt leur droit de
pouvoir manifester dans la rue malgré le fait que l'exercice de ce droit peut
causer des entraves à la circulation.
[48]
En effet, le Procureur
général veut que le Tribunal
activités visées de façon trop étroite, comme
caractérise
la Cour suprême
des
du Canada
reprochait à la Cour d'appel du Québec de l'avoir fait dans la cause Société
Radio Canada c. (Canada (P. G.) (2011) 1 R.C.S.19 au par 43 :
S'appuyant sur les conclusions du juge de première instance, la Cour
d'appel a jugé que les attroupements, bousculades et chasses aux
entrevues et aux images sont incompatibles avec la destination des palais
de justice, qui est notamment de fournir un cadre ordonné dans lequel la
sérénité des débats judiciaires peut être assurée (par. 65-66). /I va de soi
que si les activités que veulent exercer les médias étaient définies
uniquement en fonction des attroupements et bousculades, on pourrait
facilement conclure qu'elles sont inconciliables avec la vocation des palais
de justice et que le mode d'exercice de ces activités ne saurait être
compatible avec les normes de comportement requises pour assurer la
sérénité des débats judiciaires. Cependant, il ne s'agit pas là des activités
auxquelles les médias disent vouloir se livrer. Comme ils le soulignent à
juste titre, ils « ne revendiguent pas le droit de causer ou de participer à ce
gui a été identifié par les Intimés comme des "débordements". II n'existe
évidemment aucun droit d'empêcher l'accès aux salles d'audience ni de
bousculer les gens dans les corridors)) (m.a., par. 99). Ainsi gue l'a
clairement exprimé la Courdans R. c. National Post. 2010 CSC 16 {2010/1
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779-904-366 et ais.
Page 21
R.C.S. 477. par. 38. les techniques de collecte d'information ne sont pas
toutes protéqées par l'al. 2bl de la Charte. En s'attachant uniquement aux
débordements qui ont provoqué l'adoption des mesures contestées. la Cour
d'appel s'est trouvée à décrire les dérapages que les juges veulent éviter et
non les activités que les médias veulent exercer. Avec égards pour l'opinion
exprimée par la Cour d'appel, j'estime que sa caractérisation des activités
visées est trop étroite. Ce que les médias veulent, c'est plutôt prendre des
images et tenir des entrevues à l'extérieur des salles d'audience. /I faut donc
bien distinguer les activités expressives visées et les débordements
auxquels celles-ci peuvent donner lieu.
(Soulignements
[49]
ajoutés)
En conséquence, tenant compte du fait que l'activité des manifestants est
survenue sur un chemin public utilisé par des véhicules et qu'en agissant ainsi, ils
ont clairement
entravé
la libre circulation
des différents
véhicules
qui s'y
trouvaient pour au moins quelques minutes, la question qui se pose est de savoir
si l'activité en question devrait être exclue du champ de protection de l'alinéa 2b),
en raison du lieu de l'activité ou de la méthode d'expression?
[50]
La question du lieu de l'activité quand le lieu est un lieu public a été
traitée par la Cour Suprême dans R. c. Comité pour la République du Canada
(1991) 1 R.C.S. 139, à la page 188, la juge L'Heureux-Dubé
a présenté
la
problématique de la façon suivante:
Toutefois, l'équation comporte en l'espèce un élément additionnel. Les
événements se sont produits sur la propriété du gouvernement. En quoi cela
affecte-t-il le droit à la liberté d'expression et les restrictions possibles de ce
droit? Le gouvernement a prétendu que son droit de propriété ne diffère
aucunement du droit d'un propriétaire privé en général et qu'il devrait donc
pouvoir contrôler toute activité et en exclure d'autres comme bon lui semble.
Les intimés ont soutenu que, puisque certains types de propriété
gouvernementale ont une fonction et un caractère publics - notamment les
rues, les places publiques et les parcs -- ces propriétés devraient donc être
entièrement ouvertes aux manifestations publiques de libre expression.
[51]
Dans Ville de Montréal, la Cour Suprême a établi un test pour répondre à
la question
de savoir
gouvernement.
comment
appliquer
l'alinéa
2b) à une propriété
du
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779-904-366 et ais.
[52]
Le Tribunal
. Page 22
fera référence
audit test, mais, avant de le faire, il est
important de faire référence à l'origine de ce test et de voir comment la juge en
chef McLachlin indique qu'il devrait être appliqué.
[53]
La juge en chef McLachlin fait référence, par analogie, à l'exclusion de
violence comme une forme d'expression
et explique pourquoi la violence est
exclue du champ de protection de 2b), à la page 171 :
L 'activité expressive ne devrait être exclue du champ de protection de l'al. 2b) que si
le lieu ou le mode d'expression en cause minent les valeurs sous-jacentes à cette
garantie. L 'expression violente, exclue du champ de protection de l'a/. 2b) à cause
du mode d'expression choisi, offre une analogie utile. L 'expression violente peut
constituer un moyen d'expression politique et servir à favoriser l'épanouissement
personnel de son auteur. Toutefois, elle n'est pas protégée par l'al. 2bi parce gue la
violence mine les valeurs gue l'al. 2bi vise à protéger. La violence nuit au dialogue
plutôt que de l'encourager.
La violence nuit à l'épanouissement personnel de la
victime plutôt que de le favoriser. Et la violence fait obstacle à la recherche de la
vérité plutôt que de la faciliter.
De même, pour déterminer quels sont les endroits
publics qui échappent à la protection de l'al. 2b), nous devons nous demander si la
liberté d'expression dans l'endroit visé mine les valeurs sous-jacentes à l'al. 2b).
(Soulignements
[54]
ajoutés)
En conséquence, comme la violence est exclue du champ de protection de
l'alinéa 2b) parce qu'elle mine les trois valeurs sous-jacentes
à l'alinéa 2b), la
même question devrait être posée relative aux autres formes d'expression afin de
déterminer si elles aussi minent les valeurs sous-jacentes à l'al. 2b).
[55]
Par la suite, la Cour Suprême a proposé le test suivant:
73 Nous proposons donc, pour l'application de l'al. 2b) aux propriétés
publiques, le critère suivant, qui fournit un fondement rationnel à l'exclusion
de la protection de l'al. 2b) en fonction du lieu et du mode d'expression et
combine des éléments des critères formulés par le juge en chef Lamer et la
juge McLachlin dans Comité pour la République du Canada. C'est au
demandeur qu'il incombe de satisfaire à ce critère.
74 La question fondamentale
quant à l'expression sur une
appartenant à I'Ëtat consiste à déterminer s'il s'agit d'un endroit
l'on s'attendrait à ce que la liberté d'expression bénéficie d'une
constitutionnelle parce que l'expression, dans ce lieu, ne va pas à
propriété
public où
protection
l'encontre
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 23
des objectifs
que l'al. 2b) est censé favoriser,
soit: (1) le débat
démocratique;
(2) la recherche de la vérité; et (3) l'épanouissement
personnel.
Pour trancher cette question, il faut examiner les facteurs
suivants:
a) la fonction historique ou réelle de l'endroit;
b) les autres caractéristiques du lieu qui laissent croire que le fait de s'y
exprimer minerait les valeurs sous-jacentes à la liberté d'expression.
75 La fonction historique d'un endroit destiné et servant au débat public est
un indicateur de la conformité de l'expression à cet endroit avec les objectifs
de l'al. 2b). Dans les endroits où il est de tradition que la liberté
d'expression s'exerce, il est peu probable que protéger l'exercice de cette
liberté mine les valeurs qui la sous-tendent. Partant, lorsque l'utilisation
historique d'un endroit pour l'exercice de la liberté d'expression est établie,
le lieu de l'activité expressive - en ce qui a trait au fait qu'elle se déroule
sur une propriété publique - sera protégé.
76 La fonction réelle de l'endroit est elle aussi importante. S'agit-il en fait
d'un endroit essentiellement privé, même s'il appartient à l'État, ou d'un
endroit public? Sa fonction - l'activité qui s'y déroule - est-elle compatible
avec la libre expression publique? Ou s'agit-il d'une activité qui commande
un certain isolement et un accès limité? Le droit d'entrer librement dans ce
lieu et d'y présenter son message, par des paroles ou par des actes,
serait-il compatible avec ce qui s'y fait? Ou les activités qui s'y déroulent
s'en
trouveraient-elles
entravées?
De nombreuses
fonctions
de
l'administration publique, des réunions du Cabinet au simple travail de
bureau, nécessitent un certain isolement.
Élargir le droit à la liberté
d'expression à de tels lieux pourrait bien compromettre la démocratie et
l'efficacité de la gouvernance.
77 Les fonctions historique et réelle servent aussi d'indicateurs des endroits
où l'exercice de la liberté d'expression aurait pour effet de miner les valeurs
sous-jacentes à cette liberté. L'ultime question, cependant, sera toujours de
savoir si la liberté d'expression à l'endroit en cause minerait les valeurs que
cette qarantie est censée promouvoir.
La plupart des affaires seront
tranchées sur le fondement de la fonction historique ou réelle. Cependant,
nous ne pouvons écarter la possibilité que d'autres facteurs soient
pertinents. Les changements sociaux et technologiques peuvent avoir une
incidence sur les endroits où l'expression mérite d'être protégée eu égard
aux valeurs qui sous-tendent cette garantie. Le critère proposé tient compte
de cette éventualité en permettant que d'autres facteurs que celui de la
fonction historique ou réelle soient pris en considération au besoin.
(Soulignements
ajoutés)
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779-904-366 et ais.
[56]
Page 24
En appliquant ledit test aux faits dans Ville de Montréal, la Cour est arrivée
à la conclusion que l'activité prohibée, à savoir l'émission d'un bruit amplifié sur la
rue à Montréal, était protégée par l'alinéa 2b) :
81 L 'application de la méthode proposée à la présente espèce confirme la
conclusion à laquelle nous sommes précédemment arrivés au moyen des
trois critères établis dans Comité pour la République du Canada, soit que
l'expression en cause entre dans le champ de protection de l'al. 2b) de la
Charte canadienne.
Son contenu, ainsi que nous l'avons déjà signalé, est
expressif. Considérée sous l'angle du lieu, elle se situe dans le domaine
public. Les rues sont manifestement des lieux de rencontre publics et non
privés, où diverses formes d'expression sont acceptées depuis longtemps.
Rien n'indique que, s'il était autorisé, ce mode d'expression menacerait les
valeurs qui sous-tendent l'al. 2b).
[57]
Cependant, la Cour a pris la peine d'indiquer que:
67 ..si le matériel sonore était utilisé de façon à empêcher les qens
d'utiliser la rue pour circuler ou pour communiquer, la réponse pourrait être
différente.'
voir p. ex. MacMillan Bloedel Ltd. c.. Simpson (1994),
89 C.C.C. (3d) 217 (c. A. C. -B.). Or, ce n 'est pas ce que la preuve démontre
en l'espèce.
(Soulignements ajoutés)
[58]
En 2007, dans
Her Majesty the Queen v. Banks et al. (O.C.A.) 84 O.R
(3d) 1, la Cour d'appel de l'Ontario était saisie d'une cause où la Highway Traffic
Act RS.O. 1990, c. H.8 section 177(2), prohibait aux gens qui se trouvaient sur
un chemin public d'arrêter ou de tenter d'arrêter des véhicules dans le but d'offrir
en vente un produit ou un service au conducteur d'un véhicule:
177(2) No person, while on the roadway, shall stop, attempt to stop or
approach a motor vehicle for the purpose of offering, selling or providing any
commodity or service to the driver or any other person in the motor vehicle.
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779-904-366 et ais.
[59]
Page 25
Les accusés dans ce dossier faisaient du « squeegeeing»
et demandaient
une rétribution financiére pour les services rendus ou tout simplement un don en
argent auprès des conducteurs de véhicule sur des chemins publics.
La Cour
d'appel, aux paragraphes 116 et 122, a qualifié leur activité de la façon suivante:
.... the expressive activity involves the appel/ants' physical presence on a
"roadway", which [page30] is defined as a place "ordinarily used for vehicular
traffic". The pivotal fact, common to aI/ appel/ants, whether they cleaned
windshields or simply begged, is that they did the acts which led to their
conviction while standing on the part of the street ordinarily used for
vehicular traffic.
Clearly, the open right to engage in expression on the traveled portion of a
roadway would hamper the intended function of the space. Such expression
conflicts with the purpose of a traffic lane.
[60]
Donc, la Cour d'appel avait devant elle exactement le type d'entrave à la
circulation sur un chemin public mentionnée en obiter par la Cour Suprême du
Canada dans Ville de Montréal.
[61]
La décision qui était en appel dans Banks, a été rendue le 14 janvier 2005
par le juge Dambrot de la Ontario Superior Court of Justice, siégeant en appel
d'une condamnation par voie sommaire, R. vs Banks (2005) 192 C.C.C. (3d) 289.
[62]
Tel que mentionné par la Cour d'appel, la décision du juge Dambrot fut
rendue avant la décision de la Cour Suprême du Canada dans Ville de Montréal.
Le juge Dambrot a appliqué le test du juge Lamer dans R. c. Comité pour la
République du Canada (1991) 1 R.C.S. 139. pour arriver à la conclusion que
l'activité en question était exclue de la protection par l'alinéa 2b) vu que l'activité
était incompatible avec l'usage habituel du chemin public.
Le juge Dambrot
au paragraphe 129 :
Accordingly, while s. 7 has a significant effect on selling squeegee services, it
has only a limited effect on the place of the expression that is protected by
s.2(b) of the Charter. Those that squeegee are free to solicit in many other
ways and in many other public places. There is no special skil/ involved in
dit
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779-904-366 et ais.
Page 26
squeegeeing
that would make the loss of the opportunity to squeegee a
heavy blow. I am satisfied that this restriction is preciselv the sort of
restriction that Lamer C.J. had in mind when he said that the individual will
onlv be free to communicate in a place owned bv the state if the form of
expression he uses is compatible with the principal function or intended
PYfpose of that place. The form or manner of communication restricted bv
s.7 is not compatible with the principle function of the roadway.
(Soulignements
[63]
ajoutés)
La Cour d'appel de l'Ontario a renversé la décision du juge Dambot sur
cette partie pour les raisons suivantes:
[109} The most recent exposition by the Supreme Court of Canada as to the
analytical framework to be applied in a s. 2(b) case is Montréal (City) v. 29521366 Québec Inc., [2005} 3 S.CR 141, [2005} S.CJ. No. 63. This important
case was decided after the summary conviction appeal judgment was
released. It expanded and refined the test for determining whether a law
infringes s. 2(b) [of} the Charter. The case concerned a noise by-law of the
City of Montréal. The Supreme Court of Canada restated the three [page29}
questions pertinent to a determination of whether a law infringes freedom of
expression at para. 56:
First, did the noise have expressive content, thereby bringing it within s. 2(b)
protection? Second, if so, does the method or location of this expression
remove that protection? Third, if the expression is protected by s. 2(b), does
the By-law infringe that protection, either in purpose or effect?
(Emphasis in original)
[110} The answer to aI/ three questions must be affirmative in order for there
to be an infringement of s. 2(b).
[111} Clearly, in this case the answer to the first question is 'yes" both in
respect of begging and the activity of squeegeeing
.....
(114) It is necessary to proceed to the second question, which determines
whether activity that does have expressive content, nevertheless fal/s outside
the scope of s. 2(b) protection because of the method or location of the
expression. In this case, no objection can be taken to the method of
expression of the appel/ants, and the issue is whether the location of the
expressive activity, a "roadway", is incompatible with free expression.
(115) Before proceeding further it is necessary to explain why the Supreme
Court's finding in Montréal (City) that "streets" are venues of public
communication
where freedom of expression must be protected is not
dispositive of the question in this case. In Montréal (City) the term "streets"
was not restricted to traffic lanes used by vehicles and the form of
expression, amplified music from inside a club, did not impede the function of
a city street. The court specificallv noted at para. 68 that "if the evidence
showed that the amplification inhibited passage and communication on the
street, the situation might be different".
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 27
[116/ This case is different because the expressive activitv involves the
appel/ants' physical presence on a "roadwav", which (page30/ is defined as a
place "ordinarilv used for vehicular traffic". The pivotal fact, common to aI/
appel/ants, whether they cleaned windshields or simp Iv begged, is that they
did the acts which led to their conviction while standing on the part of the
street ordinarily used for vehicular traffic.
[117J In Committee for the Commonwealth of Canada v. Canada, [1991J 1
S. CR. 139, [1991J S. C.J. No.3, the court decided that s. 2(b) does not apply
simply because the government owns the place where the expressive activity
takes place. That case did not, however, resolve the test for determining
whether the application of s. 2(b) was excluded by any particular space
owned by the government. Three judges advocated a test based on whether
the primary function of the space was compatible with free expression. Three
other judges proposed a test based on whether expression in the place at
issue served the values underlying the s. 2(b) free speech guarantee.
L 'Heureux-Oubé J. alone concluded that aI/ expression on government
property is protected and any infringement requires a justification under s. 1.
Under aI/ of these tests, s. 2(b) applied. The case concerned pamphleteering
in an airport's open areas and waiting areas. This was not incompatible with
the airport's primary function of serving the needs orthe travelling public nor
did it undermine the values protected by s. 2(b).
[118J Similarly, in Montréal (City), the majority concluded that on any test, s.
2(b) was infringed and required justification under s. 1. Although the court
was not required to do so, the majority offered its views on the diverging tests
presented in Commonwealth. It articulated a test at para. 74 that combined
elements of the tests espoused by Lamer C.J. and McLachlin J. in
Commonwealth:
The basic question with respect to expression on government-owned
property is whether the place is a public place where one would expect
constitutional protection for free expression on the basis that expression in
that place does not conflict with the purposes which s. 2(b) is intended to
serve, namely (1) democratic discourse, (2) truth finding and (3) selffulfillment. To answer this question, the fol/owing factors should be
considered:
(a) the historical or actual function of the place; and
(b) whether other aspects of the place suggest that expression within
it would undermine the values underlying free expression.
[119J Under this test. the ultimate guestion is whether free expression in
public place at issue would undermine the values s. 2(b) is designed
promote: Montréal (City) at para. 77. The historical and actual function of
place, and whether other aspects of the place suggest that expression in
place would [page31J undermine the values underlying free expression,
factors to consider in answering that ultimate question.
the
to
the
the
are
[120J In this case, the historical use of the portion of a roadway ordinarily
used for vehicular traffic was neither the subject of evidence nor argument~
take judicial notice that this portion of roadways has historically been used,
and continues to be used, from time to time for expressive activities such as
demonstrations and parades. However, in the absence of the parties having
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 28
had the opportunity to address this issue I am reluctant
analvsis. I proceed to consider the next factor.
to use it in the
[121J The Supreme Court in Montréal (City) indicated that the actual function
of the space should be considered. It must be determined whether the activity
for which the space is used is compatible with open public expression, or if
the activity is one that requires privacy and limited access. The court posed
the following questions at para. 76: "Would an open right to intrude and
present one's message by word or action be consistent with what is done in
the space? Or would it hamper the activity?"
[122J Clearly, the open right to engage in expression on the traveled portion
of a roadway would hamper the intended function of the space. Such
expression conflicts with the purpose of a traffic lane. However, the guestion
is not free of doubt as the Supreme Court of Canada stated clearlv at para.
77 of Montréal (City) that "the ultimate guestion, however, will always be
whether free expression in the place at issue would undermine the values the
guarantee is designed to promote". It is not clear to me that the appellants'
expression,
although incompatible
with the function of a traffic lane,
undermines the values s. 2(b) is designed to promote. Further cases will
provide needed guidance
on how and in what circumstances
the
incompatibility of expression with the actual function of a place operates to
undermine the values of s. 2(b). In this case, the appellants' expression
promoted their participation in the community, their pursuit of individual selffulfillment and human flourishing even though it interfered with the intended
activity of the place where they expressed themselves. Their expression may
have endangered traffic safety and impeded efficient circulation, but I cannot
say it undermined the purposes s. 2(b) is intended to serve: democratic
discourse, truth finding and self-fulfillment.
[123J I conclude that the appellants' activity does not undermine the values
underpinning s. 2(b) and therefore proceed to the next guestion. [page32].
(Soulignements
[64]
L'approche
raisonnement
de
ajoutés)
la Cour
d'appel
de
l'Ontario
reflète
exactement
le
que la juge en chef McLachlin a proposè quand elle a dècrit par
analogie comment déterminer si le comportement de violence devrait être exclu
de la protection de l'alinéa 2b), en posant comme question est-ce que l'activité
mine les trois valeurs que l'alinéa 2b) est destiné à servir: «démocratie discorse,
truth finding and self fulfillment»,
[65]
En conséquence,
la question pour le Tribunal dans le présent dossier
est la suivante: une manifestation sur un chemin public qui a pour effet d'entraver
la circulation des automobiles devrait-elle être exclue de la protection de l'alinéa
2b), parce qu'elle mine les trois valeurs sous-jacentes à l'alinéa 2b)?
779-977-483
779-904-366 et ais.
[66]
Page 29
Suivant le test dans Ville de Montréal, le premier facteur à examiner est la
fonction historique ou réelle de l'endroit.
[67]
Le Tribunal est convaincu sur la base de la preuve entendue que les
chemins publics de Montréal sont des lieux de rencontres publics et non privés,
où la manifestation
de rue est une forme
d'expression
acceptée
depuis
longtemps.
[68]
De plus, le Tribunal est satisfait que la Cour Suprême et des cours d'appel
ont reconnu que les rues sont manifestement
des lieux où diverses formes
d'expression incluant des manifestations, sont acceptées depuis longtemps.
La
Cour suprême la dit dans Ville de Montréal, au par. 80 :
Les rues sont manifestement des lieux de rencontre publics et non privés,
où diverses formes d'expression sont acceptées depuis longtemps. Rien
n'indique que, s'il était autorisé, ce mode d'expression menacerait les
valeurs qui sous-tendent l'al. 2b).
[69]
De plus, la Cour suprême affirme dans la cause de Radio Canada qu'une
voie publique est un lieu où l'exercice de certaines activités expressives n'est pas
incompatible avec les autres valeurs que l'alinéa 2b) est censé favoriser:
(37J Pour que le mode ou lieu de communication d'un message soit exclu de
la protection de la Charte, le tribunal doit arriver à la conclusion que l'un ou
l'autre est en dissonance avec les valeurs protégées par l'al. 2b), c'est-à-dire
l'épanouissement personnel, le débat démocratique et la recherche de la
vérité (Ville de Montréal, par. 72). Pour trancher cette question, les facteurs
suivants sont suggérés.' a) la fonction historique ou réelle du lieu de l'activité
ou du mode d'expression; b) les autres caractéristiques du lieu de l'activité
ou du mode d'expression qui tendent à indiquer que le fait de s'exprimer à
cet endroit ou d'utiliser ce mode d'expression minerait les valeurs sousjacentes de la liberté d'expression (Ville de Montréal, par. 74). L'analyse ne
doit toutefois pas seulement s'attacher à la fonction première du mode
d'expression ou du lieu de l'activité. Par exemple, dans les arrêts Comité
pour la République du Canada c. Canada" (1991J 1 R.C.S. 139, Ramsden c.
Peterborough (Ville), (1993J 2 R.C.S. 1084, Ville de Montréal et Greater
Vancouver, notre Cour a jugé qu'un aéroport, un poteau électrique, une voie
publique et un autobus sont des lieux où l'exercice de certaines activités
expressives n 'est pas incompatible avec les autres valeurs que l'al. 2bl est
censé favoriser en dépit du fait que leur fonction première n'est pas
l'expression. En effet, la destination première de ces lieux n 'était certes pas
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 30
la communication
de messages, mais leur utifisation historique à des fins
expressives démontrait que leurs caractéristiques
ou fonctions ne les
rendraient pas impropres à l'exercice de la liberté d'expression.
(Soulignements
[70]
ajoutés)
Dans la cause de R. c. Banks, au par 120, la Cour d'appel de l'Ontario a
affirmé qu'il était
de connaissance
judiciaire que les manifestations
de rues
constituent une forme d'expression toujours acceptée et ce, depuis longtemps:
In this case, the historical use of the portion of a roadway ordinarify used for
vehicular traffic was neither the subject of evidence nor argument. I take
judicial notice that this portion of roadways has historically been used, and
continues to be used, from time to time for expressive activities such as
demonstrations and parades.
(Soulignements
[71]
ajoutés)
Quant à la fonction réelle de l'endroit, comme dans Banks, il y a dans la
présente affaire clairement un conflit entre, d'une part, une manifestation dans la
rue qui entrave la circulation et d'autre part, l'usage normal du chemin public.
[72]
Mais comme l'a dit la Cour d'appel de l'Ontario, cette détermination ne met
pas fin à l'analyse
requise, il faut continuer l'analyse et déterminer
l'ultime
question qui est de savoir si la liberté d'expression à l'endroit en cause minerait
les valeurs que cette garantie est censée promouvoir.
[73]
Dans
le présent
dossier
la preuve
des deux
parties
est que
les
manifestants voulaient attirer l'attention du public sur la brutalité policière.
[74]
stimuler
Clairement, leur activité était de nature politique, vu que leur but était de
des discussions
comportement des policiers.
publiques
et promouvoir
un changement
dans
le
779-977 -483
779'904-366 et ais.
[75]
Page 31
La Cour Suprême
du Canada dans la cause de Libman
(Attorney General)_(1997) 3 S.CR
v, Québec
569 au par 29, a conclu que:
L 'expression politique est au cœur même des valeurs que cherche à
protéger la liberté d'expression garantie à t'et. 2b) de la Charte canadienne.
(Voir aussi Edmonton Journal, précité, à la p. 1355; Zundel, précité, aux pp.
752 et 753)
[76]
En plus, le but des manifestants
était de mettre de l'avant certaines
allégations de brutalité policière afin de s'assurer qu'elles soient connues.
sous cet angle, on peut légitimement prétendre
Vu
que leur but était une recherche
de la vérité.
[77]
Finalement,
l'engagement
cette activité représente
des membres
un épanouissement
du groupe des manifestants
personnel
vu
dans leurs activités
collectives.
[78J
En conséquence, i) en raison de l'utilisation historique des chemins publics
à Montréal et ailleurs au Canada aux fins de manifestations de la rue; ii) malgré
le fait que la manifestation
circulation
du 15 mars 2011 a causé des entraves
qui étaient incompatibles
de la
avec l'usage normal d'un chemin public; et
iii) considérant que l'activité en question ne minait pas les valeurs sous-jacentes
à la liberté d'expression à savoir (1) le débat démocratique; (2) la recherche de la
vérité; et (3) l'épanouissement
personnel, le Tribunal conclut que ladite activité
d'expression n'est pas exclue de la protection fournie par l'alinéa 2b) de la Charte
canadienne.
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 32
(3) Est-ce que par son objet ou son effet l'article
500.1 porte atteinte à
l'alinéa 2b) de la Charte canadienne?
[79]
Comme le rappelle le Procureur général, J'article 500.1 fait partie du Code
de la sécurité routière, qui a comme objectif d'assurer que la circulation des
véhicules routiers sur les chemins publics se fasse de façon sécuritaire, tant pour
les conducteurs et les passagers des véhicules que pour les piétons.
[80]
Mais, comme dans la cause de R. c. Banks, afin d'atteindre cet objectif via
J'article 500.1, la législature avait aussi comme objectif accessoire de limiter des
manifestations sur les chemins publics du Québec aux manifestations autorisées
à l'avance.
[81]
Tel qu'indiqué par M. Guy Chevrette, ministre des Transports de l'époque,
dans l'extrait tiré des débats tenus à l'Assemblée nationale en regard de l'article
500.1, et déposé en preuve sous PG-14 par le Procureur général, l'objectif de
l'article
était
d'empêcher
seulement
les
manifestations
non
autorisées
préalablement:
Je tiens à préciser que les modifications du Code de la sécurité routière
n 'ont pas pour but d'empêcher
les manifestations
et les défilés
préalablement autorisés .... or le meilleur moyen d'assurer la libre circulation
des personnes et des marchandises consiste à interdire toute occupation
non autorisée de la chaussée et des accotements d'un chemin public.
(Soulignements
[82]
ajoutés)
Comme dans la cause de R. c. Banks, le Tribunal conclut qu'un des
objectifs accessoires
de J'article 500.1 est d'interdire
des manifestations
non
autorisées qui entravent la circulation des véhicules sur les chemins publics au
Québec.
779-977 -483
779-904-366 et ais.
[83]
En conséquence,
Page 33
l'article 500.1 a pour objectif de restreindre une forme
d'expression protégée par l'alinéa 2b) de la Charte canadienne, cette interdiction
restreint la liberté d'expression garantie par l'alinéa 2b) de la Charte canadienne.
[84]
Si le Tribunal a tort au niveau de l'objectif accessoire de l'article 500.1, le
Tribunal doit appliquer le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans la
cause de Ramsden c. Peterborough
(1993) 2 S.C.R. à la page 1104, afin de
déterminer si l'effet dudit article 500.1 est de restreindre une forme d'expression
protégée par l'alinéa 2b) de la Charte canadienne et par voie de conséquence,
de restreindre
la liberté d'expression
garantie par l'alinéa 2b) de la Charte
canadienne.
[85]
Tel que dit par la Cour suprême:
4. L'effet du règlement
Dans l'arrêt Irwin Toy, précité, aux pp. 976 et 977, le juge en chef Dickson
examine le fardeau dont doit s'acquitter la personne qui veut établir que l'effet
de l'action gouvernementale viole l'al. 2b). Aprés avoir répété les trois principes
et valeurs qui sous-tendent la protection de la liberté d'expression dans notre
société, il affirme:
Pour démontrer que l'action du gouvernement a eu pour effet de restreindre sa
liberté d'expression, la demanderesse doit établir que son activité favorise au
moins un de ces principes. Par exemple, il ne suffirait pas de dire que des cris
comportent un élément d'expression. Si la demanderesse conteste l'effet d'une
action gouvernementale gui vise à réglementer le bruit, dans l'hypothèse gue le
but de cette action est neutre quant à l'expression, elle doit démontrer que son
but est de transmettre un message qui reflète les principes gui sous-tendent la
liberté d'expression.
" est évident que le règlement a pour effet de restreindre l'expression.
L'interdiction absolue d'afficher sur une propriété publique empêche la
communication de messages de nature politique, culturelle et artistique.
L'appelante n'a pas contesté que le règlement a pour effet de restreindre
t'expression. mais elle a plutôt soutenu que l'affichage sur une propriété
publique ne favorise pas l'une ou l'autre des valeurs qui sous-tendent l'al. 2b).
Comme je l'ai déjà conclu, l'expression en question encourage le discours
politigue et social, qui est l'un des objets sous-jacents de l'al. 2bJ. En
conséquence. l'intimé a établi qu'il y avait eu violation de l'al. 2bJ et il y a lieu
maintenant de passer à I'analvse fondée sur l'article premier
(Soulignements
ajoutés)
779-977 -483
779-904-366 et ais.
[86]
Page 34
L'article 500.1 a pour effet de restreindre la manifestation
dans la rue.
Cette activité est une forme d'expression protégée par l'alinéa 2 b). Le Tribunal a
déjà conclu que l'expression en question encourage le discours politique, qui est
l'un des objets sous-jacents de l'alinéa 2b).
[87]
En
conséquence,
comme
la
Cour
suprême
dans
Ramsdenc.
Peterborough, le Tribunal conclut que, « l'intimé a établi qu'il y avait eu violation de
l'alinéa 2b) et il y a lieu maintenant de passer à l'analyse fondée sur l'article
premier».
Est-ce que l'atteinte est justifiée au sens de l'article premier de la Charte
canadienne?
[88]
Dans Ville de Montréal à la page 176, la Cour indique comment le Tribunal
devrait appliquer
ce qui est connu comme étant le test de «Oakes» à une
situation où il y a une atteinte à la liberté d'expression:
L 'article premier de la Charte canadienne dispose:
La Charte canadienne des droits et libertés
sont énoncés. its ne peuvent être restreints
des limites qui soient raisonnables et
démontrer dans le cadre d'une société libre
garantit les droits et libertés qui y
que par une règle de droit, dans
dont la justification
puisse se
et démocratique.
88 En vertu de l'article premier, il incombe à la Ville de démontrer que la
restriction vise un but urgent et réel et qu'elle est proportionnée, en ce sens
qu'elle a un lien rationnel avec l'objectif poursuivi, qu'elle porte une atteinte
raisonnablement minimale au droit à la liberté d'expression et que son effet
allentatoire est proportionnel à l'avantage recherché: R. c.. Oakes, [1986J
1 R.C.S. 103.
[89]
Par conséquent,
le fardeau
dans
le présent
Procureur général de démontrer que l'atteinte:
dossier
repose
sur le
(1) vise un but urgent et réel; par
la suite le Procureur général doit démontrer (2) qu'elle est proportionnée c'est-àdire (a) qu'elle a un lien rationnel avec l'objectif poursuivi (b) qu'elle porte une
atteinte
raisonnablement
minimale
et
(c)
que
son
effet
attentatoire
est
proportionnel à l'avantage recherché. Le Tribunal doit déterminer si le Procureur
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779-904-366 et ais.
Page 35
général a satisfait à son fardeau de démontrer chacun de ces éléments afin de
déterminer si l'article 500.1 restreint la liberté d'expression
soient raisonnables et dont la justification
dans des limites qui
puisse être démontrée dans le cadre
d'une société libre et démocratique.
La preuve sur l'article
Témoignage
[90]
premier de la Charte canadienne
de Sylvain Champagne
(SPVM)
Sylvain Champagne travaille à la Division de la planification opérationnelle
(OPO) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). La OPO planifie et
supervise les effectifs policiers qui encadrent, à Montréal, les événements tels les
manifestations.
La OPO collabore avec les postes de police de quartier et les
acteurs qui siègent au Centre de commandement et de traitement de l'information
(CCTI) lorsque celui-ci est mobilisé pour des événements d'envergure ou à haut
risque.
[91]
Pour
planifier
les services
d'ordre,la
OPO tient
compte
du
type
d'événement et du lieu où il se déroulera. Lorsque la OPO connaît le trajet d'une
manifestation,
elle peut prévoir les effectifs
policiers
nécessaires,
les «pré-
positionner» en amont et en aval de la marche et établir des ponts d'urgence. Par
l'entremise des postes de police de quartier, elle peut également
informer les
résidents et les commerçants du secteur visé pour s'assurer qu'il y ait le moins de
circulation possible. Si le SPVM ne connaît pas le trajet au préalable, il réussit
tout de même la plupart du temps à bloquer des rues et assurer la gestion de la
circulation. Cela requiert toutefois davantage de ressources et rend la gestion de
l'événement
plus complexe. Le SPVM tolère habituellement
les manifestations
qui restent pacifiques, même si le trajet n'a pas été annoncé au préalable.
[92]
Le témoin
explique
comment
s'effectue
la coordination
policiers du SPVM en vue d'encadrer les manifestations.
des effectifs
II ajoute qu'il y a, par
ailleurs, un organisme spécifique qui les autorise. Lorsqu'il parle d'autorisation, il
parle d'événements
planifiés avec la Division des événements
publics et des
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 36
festivals de la Ville de Montréal. Ainsi, si une personne se présente au Bureau
Montréal à propos d'une manifestation,
d'accès
M. Champagne croit qu'on le
dirigera vers le poste de quartier concerné. De plus, à sa connaissance, aller au
poste de
police concerné
avant de faire une manifestation
n'est pas une
obligation.
[93)
M. Champagne mentionne que 90% à 95% des manifestants donnent leur
trajet au SPVM, mais il ne fait pas référence à des sources documentées.
connaissance,
jamais aucune manifestation n'a été interdite.
Témoignage
d' André
[94)
Turcotte
A
sa
(SPVQ)
André Turcotte travaille à la Section de soutien opérationnel et logistique-
Événements spéciaux (SSOLES) du Service de police de la Ville de Québec. La
SSOLES est en charge de planifier, d'évaluer et d'affecter les effectifs policiers
lors d'événements
spéciaux et de manifestations, de même que d'effectuer
le
suivi opérationnel de ces événements.
[95)
Le
Tribunal
manifestation,
retient
de
son
les organisateurs
témoignage
prennent
contact
qu'avant
avec
la
tenue
d'une
la SSOLES.
Si le
manifestant contacte un autre organisme de la Ville, il sera référé au SSOLES.
Les manifestants
sont invités à remplir un formulaire où sont inscrits
autres) l'horaire de la manifestation,
(entre
le nombre de manifestants et la description
du trajet qui sera emprunté - ce qui peut avoir un impact sur l'ampleur des
effectifs à mobiliser. La démarche est relativement souple.
[96)
connu,
Le Tribunal
retient aussi de son témoignage
le SSOLES
est en mesure
d'affecter
que lorsque le trajet est
les effectifs
nécessaires
pour
escorter la marche, de coordonner avec les différents services d'urgence et de
trouver des parcours alternatifs pour ces derniers. Le SSOLES identifie aussi les
bâtiments clefs, déploie des effectifs en fonction de ces bâtiments et en avertit les
différents
ministères.
Ëtre en possession
du trajet facilite
aussi le travail
779-977 -483
779-904-366 et ais.
opérationnel
Page 37
des policiers pour assurer la sécurité des manifestants
(ex. en
ouvrant la marche avec un véhicule policier ou en sécurisant les intersections). Le
SPVQ peut aussi prendre des mesures pour atténuer l'impact sur la circulation.
Lorsque le trajet n'est pas donné avant la manifestation, il y a des risques pour la
sécurité
des
automobilistes).
policiers
et
Cependant,
des
manifestants
(ex.
confrontation
même si les manifestants
avec
des
n'ont pas contacté la
SSOLES, il est extrêmement rare qu'elle ne soit pas au courant de la tenue d'une
manifestation (par le biais de renseignements).
Dans ce cas, le Tribunal retient la
suggestion voulant qu'il soit possible de prévoir l'encadrement de la manifestation
par anticipation. De plus, si le SPVQ n'a pas le trajet, les services d'urgence et les
ministères sont tout de même avisés de la présence de manifestants.
[97]
II est aussi établi qu'avant 2012, I'arlicle 500.1 n'a jamais été utilisé à
Québec parce que, dans la majorité des cas, les manifestants collaboraient avec
les services policiers. Fin 2011, il avait été déterminé que les articles 500 et 500.1
du CSR pourraient être utilisés dans le contexte des collectes de dons sur la voie
publique.
Le 1er mars 2012,
une manifestation
a été tolérée
malgré
les
avertissements faits par les policiers en vertu de I'arlicle 500.1 et malgré le fait
que le trajet n'ait pas été fourni. Parmi les facteurs mentionnés pour expliquer que
le SPVQ n'ait pas appliqué I'arlicle 500.1 on retrouve: le nombre de manifestants,
le nombre d'effectifs, la prévisibilité du parcours, le secteur et les conséquences
possibles d'une intervention.
Témoignage
[98]
de Michel
Legault
(SIM)
Le Service de sécurité incendie de Montréal (le SIM) a pour mandat
d'éteindre les feux et d'agir comme premier répondant. Michel Legault travaille au
Centre des communications et planification des secours (CCPS) du SIM, qui traite
les appels et assure la couverture des risques sur le territoire montréalais.
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779-904-366 et ais.
[99]
Page 38
Le principal outil de répartition du CCPS est la Répartition assistée par
ordinateur (RAO). La RAO contient plusieurs banques de données, entre autres
sur les entraves,
les fermetures
de rues et les événements
aussitôt que le CCPS prend connaissance
spéciaux. Ainsi,
d'une entrave ou d'une fermeture
temporaire (par le biais d'un autre organisme ou de son personnel au Centre de
et de traitement de l'information), elle est inscrite à la RAO, qui
commandement
est accessible à tous les officiers et les pompiers dans les casernes. C'est aussi
la RAO qui effectue les calculs de cheminement des appels et, selon le cas, a
recours à une caserne plutôt qu'à une autre. Ce sont cependant les chauffeurs des
autopompes
qui déterminent
le trajet à emprunter. Le temps de réponse, une
priorité pour le SIM, a baissé entre 2002 à 2012 et est maintenant en deçà de la
limite prescrite.
II y a trois modes d'intervention
entraves sur les services
d'urgence
offerts par le SIM : les voies d'urgence,
et le déploiement.
interventions
pour mitiger les effets des
Le CCPS s'assure
que l'information
les ponts
sur ces
soit partagée au réseau du SIM via la RAO et que des véhicules
soient redéployés si nécessaire.
De cette manière, on assure la sécurité des
citoyens et un temps de réponse rapide.
[100]
Selon M. Michel Legault, les manifestations
qui ne sont pas annoncées
ralentissent les interventions du SIM. Cependant, il a décrit ce ralentissement de
façon imprécise. II a également affirmé que les manifestations organisées par les
syndicats (qui habituellement
donnent leur trajet) représentaient
le même genre
de défi que celui posé par les manifestations qui n'annoncent pas leur trajet.
Témoignage
d' Alexandre
[101] Alexandre
Debs (Ministère
des Transports)
Debs travaille au Centre intégré de gestion de la circulation
(CIGC) du ministère des Transports du Québec, qui assure la sécurité et la
mobilité sur le réseau autoroutier au Québec.
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 39
[102] Lorsqu'il y a des entraves fortuites (ex. accidents), le CIGC envoie les
services nécessaires
pour assurer
la sécurité et rétablir le plus rapidement
possible la fluidité de la circulation. Le CIGC autorise aussi les entraves, tels des
travaux ou des tours cyclistes. Le CIGC tente d'en diminuer l'impact sur la fluidité
de la circulation et assure une signalisation adéquate. Le CIGC informe le public
quant aux différentes
entraves
via le Web, les chroniqueurs
de circulation
automobile ou les tableaux à messages variables. Le CIGC se coordonne avec
les principaux services d'urgence. Par exemple, le CIGC fait appel au Service de
police à propos des événements
CCTI.
planifiés et fortuits. Le CIGC a un siége au
Pour le CIGC, il est important de s'assurer que les manifestants ne se
retrouvent
pas
manifestations:
sur
le réseau
autoroutier.
Le CIGC
n'y autorise
pas de
les piétons n'y sont pas autorisés pour des raisons de sécurité.
Lorsqu'il ya une manifestation sur un axe routier près du réseau autoroutier sous
la juridiction du ministère des Transports,
le CIGC est informé du lieu par le
SPVM ou par la SQ (lorsque ces derniers ont connaissance de la manifestation).
Le CIGC est alors en état d'alerte afind'éviter
des situations dangereuses.
2012, une manifestation
s'est dirigée vers l'autoroute
inattendue.
arrivé qu'en
II est aussi
métropolitaine
raison de manifestants
En
de façon
sur le réseau
municipal, des sorties d'autoroute soient fermées. Le CIGC s'assure aussi que
l'impact d'une
possible.
manifestation
sur le réseau autoroutier
Même si par exemple
soit le moins grand
le pont Jacques-Cartier
n'est pas sous la
juridiction du ministère des Transports, son accès ainsi que le réseau autoroutier
qui le dessert le sont.
[103] Le témoin précise que les manifestations,
policiers, peuvent
autoroutier.
avoir des conséquences
Ainsi, la définition
supervisées ou non par des
sur la circulation
sur le réseau
de 'fortuit' pour M. Debs est très large : elle
comprend tous les événements que le CIGC n'a pas lui-même autorisés (et donc,
ceci pourrait inclure une manifestation où le trajet a été partagé avec les services
policiers).
De
efficacement,
plus,
pour
qu'une
planification
d'entrave
puisse
se
faire
le témoin suggère que quelques heures de préavis ne sont pas
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 40
suffisantes. En d'autres mots, connaître le trajet n'est pas suffisant pour minimiser
l'impact d'une entrave sur la circulation automobile sur le réseau autoroutier.
Finalement, un des impacts des manifestations pour le CIGC est la diversion des
ressources, ce qui est aussi le propre de plusieurs types de manifestations.
[104]
ont suggéré que le CIGC est habitué à réagir
Les défendeurs-requérants
aux incidents fortuits et que, prévues ou non, les méthodes
pour assurer la
sécurité sur le réseau autoroutier et mitiger l'impact de ces incidents sont les
mêmes. M. Debs a répondu de façon convaincante que lorsque les entraves ne
sont pas planifiées, si l'information circule en temps réel (ex. sur les panneaux
électriques),
son impact est moins grand. Or, il n'a jamais nié que la voie de
contournement pourrait rester la même. De plus, M. Debs a mis l'emphase sur le
fait que le CIGC a un réseau de communications assez perfectionné qui .permet
de communiquer
avec les conducteurs en temps réel. Ainsi, tout en n'adoptant
pas pleinement la suggestion des requérants-défendeurs,
CIGC
je serais d'avis que le
dispose des ressources pour minimiser l'impact d'entraves fortuites à la
circulation telles des manifestations, et ce même si l'encadrement
ne se déroule
pas dans les meilleures conditions qui soient.
Témoignage
[105]
de Pierre Allaire (SO)
Pierre Allaire travaille à la Direction des mesures d'urgence (DMU) de la
Sûreté du Québec, qui assure le suivi et la veille stratégiques et opérationnels en
matière d'urgence sur le territoire du Québec.
[106]
La DMU est responsable
manifestations
de l'encadrement
d'événements
telles
les
dans les municipalités où la SQ est la première répondante et
dans les municipalités où la situation à laquelle le corps de police municipale doit
répondre outrepasse
son « niveau de service ». La DMU offre également du
soutien stratégique aux corps policiers municipaux et/ou
se coordonne avec ces
derniers pour arrimer les façons de faire et éviter les débordements.
aussi
déployer
manifestation.
les
groupes
antiémeutes
de
la
SQ
pour
La DMU peut
encadrer
une
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 41
[107] Lorsqu'une manifestation
(ou tout autre événement qui se déroule sur le
réseau autoroutier tel un événement sportif) tombe sous la juridiction de la
sa, la
DMU élabore une stratégie d'encadrement et d'intervention. M. Allaire insiste sur
l'importance de l'analyse contextuelle
pour la planification du déploiement des
ressources en regard de la sécurité, autant pour les manifestants
usagers du systéme autoroutier. Ces éléments sont considérés:
que pour les
le nombre de
manifestants, le trajet, les infrastructures, les spécificités régionales, les impacts
périphériques (tels l'impact sur les services d'urgence, la circulation, l'économie),
le risque d'accident, etc.
[108] Avec ces informations, qui proviennent des manifestants ou du service de
renseignement, la DMU peut réduire l'impact de l'événement sur la circulation, par
exemple
en
planifiant
avec
le
ministère
des
Transports
des
voies
de
contournement. La SQ coordonne également les opérations avec sespartenaires
policiers, les agences de sécurité et les hôpitaux.
[109]
Le Tribunal
accepte
comme réalistes et crédibles
les risques et les
impacts sur la circulation liés à une manifestation non autorisée exprimés par M.
Allaire dans son témoignage.
[110]
M. Allaire précise qu'il y a deux façons de classer ces événements
(incluant les manifestations)
:
(1) les événements qui se déplacent sur le réseau autoroutier et ceux qui
restent immobiles;
(2) les événements dont les responsables collaborent avec la
dont les responsables ne collaborent pas:
sa
et ceux
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 42
i)
Pour M. Allaire, l'encadrement
est plus facile lorsque les
manifestants ou autres participants se déplacent d'un point A à un
point B.
ii)
Dès qu'un événement se déroule sur la rue, il a, selon le
témoin, un impact.
Lorsqu'il y a une collaboration avec la SO, ça
se passe généralement bien et il n'y a pas, d'après M. Allaire, de
risques (ex. les événements sportifs).
selon
Ce ne serait pas le cas,
lui, lorsqu'il n'y a pas de collaboration
manifestants.
de la part des
Les policiers doivent alors se mobiliser à la dernière
minute et travailler à contresens. Les policiers réussissent tout de
même
à sécuriser ces manifestations
afin d'en diminuer
risques. Ils négocient avec les manifestants
les
et, si ces derniers
refusent de dégager la chaussée, ils peuvent intervenir en vertu
du
Code
de sécurité
connaissance,
routière
ou du
Code
criminel.
Àsa
/'arlicle 500.1 n'a été utilisé qu'à partir de 2012, et
ce, à quelques reprises seulement.
[111] La DMU n'a pas de statistiques sur les événements que la SO encadre. La
SO n'a pas un registre où on indique si les manifestants ont demandé un permis,
une autorisation verbale, etc.
[112] Ainsi, même si M. Allaire affirme que ces manifestations
se terminent
toujours par des arrestations, il ne sait pas si, lorsqu'il y a eu des affrontements
. avec des policiers, les manifestants avaient eu une autorisation de manifester ou
non. De plus, la SO ne met pas nécessairement
spontanée dont ils n'auraient pas eu connaissance.
fin à une manifestation
On considérera, par exemple,
d'autres facteurs comme la violence avant d'intervenir. Ce qui veut dire qu'il y a
plusieurs facteurs autres que la coordination à considérer dans l'évaluation des
impacts. De plus, le témoin mentionne que la SO assure tout de même un
encadrement et peut ainsi réduire les risques.
779-977-483
779-904-366 et ais.
Témoignage
Page 43
de Michel Garbeau (Agence santé et services sociaux)
[113] L'Agence de la santé et des services sociaux (ASSS) planifie et prépare les
interventions du réseau de la santé en vue de situations pouvant avoir un impact
sur I'accés continu aux services offerts par les établissements hospitaliers. Michel
Garbeau est coordonnateur régional des mesures d'urgence et de la sécurité civil
à l'ASSS.
[114] Les dix-huit (18) hôpitaux montréalais offrent des services d'urgence et
plusieurs d'entre eux offrent des services spécialisés (ex. traitement pour les
grands brûlés à l'Hôtel-Dieu de Montréal). Le transport ambulancier, le transport
inter-établissement et transport pour la dialyse font partie des services offerts par
ces hôpitaux et dont les patients ont besoin. Ainsi, lorsqu'une
entrave à la
circulation est planifiée, M. Garbeau en évalue les impacts et transmet ces
informations aux établissements de santé pour qu'ils puissent prévoir l'accés à
l'établissement
pour les ambulances,
les familles et le personnel (incluant le
personnel qui pourrait être appelé d'urgence pour des cas spécifiques).
[115] M. Garbeau a siégé au CCTI lors des grandes manifestations étudiantes de
2012. Au CCTI, il y a un transmetteur d'informations qui gére le tableau de bord
puis transmet
l'information
sur le déroulement
de la manifestation,
les rues
empruntées par les gens qui manifestent, minute par minute. Lorsqu'il siége au
CeTI,
le témoin évalue
établissements
hospitaliers
téléavertisseur
aux
l'information
les impacts
de la manifestation
et fait suivre les informations
gens de l'ASSS.
aux paramedics.
Urgences-Santé
C'est aussi Urgences-Santé
sur l'accés
aux
par cellulaire
ou
transmet
également
qui a agi comme
représentant de I'ASSS lors des manifestations nocturnes de 2012 ou lors des
manifestations du 15 mars.
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 44
[116] Lors de la manifestation
du 22 mai 2012, l'accès des ambulances à
l'Hôpital Saint- Luc a été fermé pendant un minimum d'une heure. Quand les
manifestants ont pris la direction de l'Hôpital Saint-Luc, M. Garbeau, à partir du
CCTI, a communiqué
avec le directeur général adjoint de l'hôpital pour lui
transmettre l'information, qu'il avait lui-même constaté à l'effet qu'il n'y avait plus
d'accès possible à l'hôpital. À partir de ce moment-là, I'ASSS et Urgences-Santé,
ont redirigé les ambulances vers d'autres hôpitaux.
Témoignage
de Sébastien
Landry (Requérant)
[117] Sylvain Landry a participé à plusieurs manifestations depuis 2001. Ces
manifestations ont eu lieu sur la rue et à certaines occasions, les manifestants
sont allés à l'encontre de la circulation automobile.
M. Landry n'a jamais été
arrêté auparavant en vertu de l'article 500.1. Cependant, de son témoignage, on
ne peut pas savoir si, lors des manifestations
auxquelles
il se référe, les
manifestants avaient collaboré ou non avec les policiers.
Témoignage
de Patricia
Viannay
(POPIR)
[118] Patricia Viannay organise à l'occasion des manifestations spontanées. Elle
n'a jamais partagé les informations concernant le trajet des manifestations qu'elle
organise
dans le cadre de ses fonctions
au POPIR avec les policiers,
à
l'exception des informations qui étaient déjà publiques. Mme Viannay ne partage
pas ces informations parce que son organisme souhaite garder le contrôle sur le
trajet de la manifestation. L'effet de surprise est également important, tant pour
attirer l'attention des médias que pour nourrir l'intérêt des manifestants.
[119] Au moment de la manifestation,
les policiers communiquent
avec les
organisateurs, notamment pour savoir le nombre de manifestants. Une personne
est responsable de communiquer
responsables
avec les policiers. D'autres personnes sont
de la sécurité des manifestants.
Même s'ils n'ont pas eu de
779-977 -483
779-904-366 et ais.
renseignements
exemple
Page 45
spécifiques,
en coupant
les policiers encadrent
le trafic
aux
intersections.
les manifestations,
par
Lors de ces différentes
manifestations, aucun constat d'infraction n'a été émis en vertu de l'article 500.1.
[120] Le Bureau d'accés Montréal aurait dit au témoin qu'il n'y avait pas de
formulaire à remplir préalablement à une manifestation et qu'elle devait plutôt se
coordonner avec la police.
[121] Le Tribunal ne retient pas la prétention de Mme Viannay voulant qu'en
l'absence de formulaire, il n'y ait pas de processus d'autorisation.
Témoignage
de François
Saillant
(FRAPRU)
[122] M. Saillant dit que le Front d'action populaire en réaménagement (FRAPU)
organise parfois des manifestations dans de brefs délais. Le témoin mentionne
que pou r l'ensemble des manifestations organisées par le FRAPRU, il n'a jamais
demandé ni permis ni autorisation. Pour lui, il est important de revendiquer le
droit d'être sur la rue. II croit que cet exercice va de pair avec le respect des
autres droits, tels le droit au logement ou le droit à un niveau de vie suffisant.
[123] M. Saillant
dit que
les policiers
n'ont jamais
interdit
la tenue des
manifestations du FRAPRU et que l'encadrement policier n'a pas changé entre
les années 1990 et 2000. D'autre part, même si les policiers ne sont pas présents
pour encadrer la manifestation, le service d'ordre du FRAPRU assure la sécurité
des gens dans le cortège. A la connaissance de M. Saillant, aucun constat
d'infraction en vertu de l'article 500.1 n'a été donné awe membres du FRAPRU ou
au FRAPRU.
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Témoignage
Page 46
de Samuel St-Denis
[124] M. St-Denis
Usée (Requérant)
Usée a participé à au moins cent (100) manifestations
(étudiantes, de groupes sociaux, de groupes communautaires), dont certaines
étaient spontanées. Ces manifestations se sont déroulées essentiellement sur la
rue et, à un moment ou à un autre, les manifestants ont marché dans le sens
inverse de la circulation. Le témoin n'a jamais été arrêté dans une manifestation
au préalable. Cependant, de son témoignage, on ne peut pas savoir si, lors des
manifestations auxquelles il se réfère, les manifestants avaient collaboré avec les
policiers ou non.
Témoignage
de Sophie
Massé
(Fédération
des professionnels
de
l'éducation)
[125] Sophie Massé a déjà organisé des manifestations à des fins syndicales
sans collaborer avec les policiers. Certaines de ces manifestations pouvaient se
dérouler sur la rue, du moins en partie lorsqu'il y avait un plus grand nombre de
manifestants.
Lors de ces manifestations,
à sa connaissance,
aucun constat
d'infraction en vertu de l'article 500.1 n'a été émis.
[126] Sophie
Massé a participé
à quelques
manifestations
spontanées de
casseroles (lors du printemps 2012). Ces manifestations se déroulaient sur la
chaussée et regroupaient plusieurs centaines de personnes. Le témoin ne sait
pas qui organisait
ces manifestations
greffaient graduellement.
auxquelles
plusieurs
personnes
se
Ces manifestations étaient également supervisées par
les policiers. Lors de ces manifestations,
à sa connaissance,
d'infraction en vertu de l'article 500.1 n'a été émis.
aucun constat
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Témoignage
Page 47
de Joël Pedneault
(Ligue
des
droits
et libertés)
[127] M. Pedneault dit qu'on pourrait interpréter les déclarations faites par les
policiers sur «Twitter» (voir VD-1
policiers
ont exercé
leur
R-2) comme une indication qu'en 2012, les
discrétion
de ne pas intervenir
dans
certaines
manifestations.
Témoignage
de Ève-Marie
Lampron
(Chargée
de cours - UQAM)
[128] En 2012, Ève-Marie Lampron a participé à des manifestations spontanées
qui se sont déroulées sur la chaussée. Les policiers assuraient une présence lors
de ces événements. À sa connaissance, aucun constat d'infraction n'a été émis
lors de ces manifestations.
(a) Est-ce que l'atteinte à l'article 2b) de la Charte canadienne vise un
objectif urgent et réel?
[129] Le Procureur général décrit en premier lieu le contexte législatif qui permet
d'identifier les buts poursuivis par le législateur par l'adoption du Code de la
sécurité routière en général et de l'article 500.1 en particulier.
[130] Voici comment il s'exprime:
«[18J Avant d'al/er plus loin dans l'analyse des questions constitutionnel/es
soulevées
dans le présent dossier, il est important de conneïtre
davantage le contexte législatif dans lequel s'insère l'article 500.1 du
CSR et d'en définir les objectifs.
[19J Le CSR vise plus particulièrement à régir l'utilisation des véhicules
sur les chemins publics et la circulation des piétons sur ces chemins.
Son article 1 est explicite à ce sujet:
1.
Le présent
code régit l'utilisation des véhicules sur
les chemins publics et, dans les cas mentionnés, sur certains
chemins et terrains privés ainsi que la circulation des piétons
sur les chemins publics.
/I établit
les
l'immatriculation
régies relatives
des véhicules
à la sécurité routière,
routiers et aux permis
à
et
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 48
licences
dont
l'administration
relève de la Société de
l'assurance
automobife du Québec ainsi qu'au contr61e du
transport routier des personnes et des marchandises.
ri
[20J L'article 4 du CSR définit
ce qu'est un chemin public:
« chemin public »: la surface de terrain ou d'un ouvrage
d'art dont l'entretien est à /a charge d'une municipalité, d'un
gouvernement
ou de l'un de ses organismes, et sur une partie
de laquelle sont aménagées
une ou plusieurs
chaussées
ouvertes à la circulation publique des véhicules routiers et, le
cas échéant, une ou plusieurs voies cyclables, à l'exception:
[21J Le terme « chaussée»
estfui aussi défini à l'article 4 :
« chaussée »: la partie d'un chemin public
utilisée pour la circulation des véhicules routiers;
normalement
[22J Comme le titre du CSR l'indique et comme le confirme le deuxième
alinéa de l'article 1, le législateur se préoccupe avant tout de sécurité
routière. A cet égard, différentes règles sont établies par le CSR afin
d'assurer que la circulation des véhicules routiers sur les chemins publics
se fasse de façon sécuritaire, tant pour les conducteurs et les passagers
des véhicules que pour les piétons.
Un piéton ne peut circuler sur un chemin à accès limité ni sur une
voie d'entrée ou de sortie d'un tel chemin, sauf en cas de nécessité.
Toutefois, if peut traverser ce chemin à une intersection lorsque des
feux de circulation y sont installés.
[25J On constate à la lecture de ces dispositions que la chaussée d'un
chemin public n 'est pas un endroit où un piéton peut circuler ou se tenir à sa
guise.
[26J Un piéton ne peut circuler sur un chemin à accès limité, comme une
autoroute par exemple, ni sur une voie d'entrée ou de sortie d'un tel chemin,
sauf en cas de nécessité (art. 453.1).
[29J L'article 500 du CSR, bien que ne s'appliquant pas uniquement aux
piétons, vient renforcer les restrictions et les interdictions, examinées cidessus, quant à l'usage de la chaussée par ceux-ci. Cet article prévoit que:
500. Nul ne peut, sans y être autorisé légalement, occuper la
chaussée, l'accotement, une autre partie de "emprise ou les abords
d'un chemin public ou y placer un véhicule ou un obstacle, de
manière à entraver la circulation des véhicules routiers sur ce
chemin ou l'accès à un tel chemin.
Un agent de la paix peut enlever ou faire enlever aux frais du
propriétaire
toute chose utilisée en contravention
au présent
article. Il peut aussi saisir une telle chose; les dispositions du
Code de procédure
pénale
(chapitre
C-25. 1) relatives
aux
779-977 -483
779-904-366 et ais.
choses saisies s'appliquent, compte
nécessaires, aux choses ainsi saisies.
Page 49
tenu
des
adaptations
Aux fins du présent article, un chemin public comprend un
chemin servant de déviation à un chemin public, même si ce
chemin est situé sur une propriété privée, ainsi qu'un chemin
soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles
et de la Faune ou entretenu parcelui-ci.
(30] Nous examinerons plus loin l'article 500.1 du CSR, lequel poursuit
les mêmes objectifs de sécurité routière que ceux poursuivis par l'article
500.
(31] Par ail/eurs, plusieurs dispositions de CSR indiquent que le
législateur, en plus de poursuivre des objectifs de sécurité routière, a
aussi celui d'assurer la libre circulation des personnes et des
marchandises sur les chemins publics ainsi que l'accès aux immeubles qui
les bordent.
(32] Mentionnons, à titre d'exemple, les dispositions suivantes:
384. Nul ne peut immobiliser un véhicule routier sur la chaussée
d'un chemin public où la vitesse maximale permise est de 70 km/h
ou plus, sauf en cas de nécessité ou à moins qu'une signalisation
ne I'yautorise.
447. Lorsqu'il n'y a pas d'intersections ou de passages pour
piétons clairement identifiés et situés à proximité, un piéton qui
traverse un chemin public doit céder le passage aux véhicules
routiers et aux cyclistes qui y circulent.
(33] Ajoutons à ces dispositions, l'article 500, cité plus haut, et l'article
500. 1 qui visent aussi à empêcher les entraves à la circulation des
véhicules routiers sur les chemins publics ou l'accès à de tels chemins.
(35] L'article 500.1 du CSR s'insère dans la continuité des autres
dispositions du CSR et poursuit les mêmes objectifs. 1/ se lit comme suit:
500.1. Nul ne peut, au cours d'une action concertée destinée à
entraver de quelque manière la circulation des véhicules routiers
sur un chemin public, en occuper la chaussée, l'accotement, une
autre partie de l'emprise ou les abords ou y placer un véhicule ou
un obstacle, de manière à entraver la circulation des véhicules
routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin.
Un agent de la paix peut enlever ou faire enlever aux frais du
propriétaire toute chose utilisée en contravention au présent article.
1/ peut aussi saisir une tel/e chose; les dispositions du Code de
procédure pénale (chapitre C-25.1) relatives aux choses saisies
s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, aux
choses ainsi saisies.
Le présent article ne s'applique pas lors de défilés ou d'autres
manifestations préalablement autorisées par la personne
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 50
responsable de l'entretien du chemin public à la condition que le
chemin utilisé soit fermé à la circulation ou sous contrôle d'un corps
de police.
Aux fins du présent article, un chemin public comprend un chemin
servant de déviation à un chemin public, même si ce chemin est
situé sur une propriété privée, ainsi qu'un chemin soumis à
l'administration du ministère des Ressources naturelles et de la
Faune ou entretenu parcelui-ci.
[36] L'article 500.1, tout comme l'article 500, vise le fait ti'« occuper la
chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou les abords ou y
placer un véhicule ou un obstacle, de manière à entraver la circulation des
véhicules routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin». /I vise
donc une conduite qui est déjà interdite par le CSR à l'article 500. La
seule différence avec cet article 500 réside dans le fait que l'entrave
survient « au cours d'une action concertée destinée à entraver de
quelque manière la circulation des véhicules routiers sur un chemin
public». Dans ces cas, le législateur impose des peines plus sévères .'
511.1. Quiconque contrevient au premier alinéa de l'article 500
commet une infraction et est passible d'une amende de 300 $ à
600$ et, en cas de récidive, de 3 000 $ à 6 000 $.
En outre, sur déclaration de culpabilité pour une infraction
visée au présent article, un juge peut ordonner la confiscation
d'une chose saisie en vertu du deuxième alinéa de l'article 500.
Un préavis de la demande de confiscation doit être donné par le
poursuivant au saisi et au contrevenant, sauf s'ils sont en
présence dujuge.
512.0,1, Quiconque contrevient au premier alinéa de l'article
500.1 commet une infraction et est passible d'une amende de
350 $ à 1 050 $ et, en cas de récidive, de 3 500 $ à 10 500 $.
Toutefois, s'il est démontré que la personne déclarée coupable a
participé à la planification, à l'organisation ou à la direction de
l'action concertée visée à cet article, l'amende est alors de
3 000$ à 9 000 $ et, en cas de récidive, de 9 000 $ à 27000 $.
En outre, sur déclaration de culpabilité pour une infraction
visée au présent article, un juge peut ordonner la confiscation
d'une chose saisie en vertu du deuxième alinéa de l'article 500.1.
Un préavis de la demande de confiscation doit être donné par le
poursuivant au saisi et au contrevenant, sauf s'ils sont en
présence dujuge.
[37] Ces peines plus sévères ont été insérées au CSR dans le
contexte où, malgré les interdictions qui y existaient déjà, on assistait
à une recrudescence d'occupations de la chaussée entretnent des
entraves à la circulation. Le législateur, afin d'atteindre ses objectifs
d'assurer la sécurité routière, la libre circulation des personnes et
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 51
des marchandises et l'accès aux immeubles qui bordent les chemins,
a jugé nécessaire d'être plus dissuasif Les extraits suivants tirés des
débats tenus à l'Assemblée nationale, le 23 mai 2000, lors de l'adoption
du principe de la Loi modifiant le Code de la sécurité routière, L Q.
2000, c. 31, sont révélateurs du contexte qui existait à cette époque (voir
VD-1 PG-14) .' Le ministre des Transports M Guy Chevrette, p, 6071 :
De même, de nouveaux articles introduisent des dispositions en vue
de décourager toute action concertée destinée à entraver la libre
circulation des véhicules routiers. Je tiens à préciser que les
modifications du Code de la sécurité routière n'ont pas pour but
d'empêcher les manifestations et les défilés préalablement autorisès. 1/
s'agit essentiel/ement d'empêcher que la population ne soit prise en
otage par des groupes d'intérêts. Or, le meil/eur moven d'assurer la
libre circulation des
personnes et des
marchandises
consiste à
interdire toute occupation non autorisée de la chaussée et
des
accotements d'un chemin public.
Pour y parvenir, il nous apparait justifié d'utiliser un moven fortement
dissuasif Ainsi, nous proposons de hausser le montant des amendes
imposées aux contrevenants et de permettre aux agents de la paix de
procéder à la saisie et à la confiscation des
biens ayant servi à
l'occupation. l ..}»
(Soulig nements dans roriginal)
[131 J Le Procureur général résume en conséquence comme suit les objectifs
que poursuit le législateur:
Rendre sécuritaire la circulation des véhicules routiers sur les chemins
publics, tant pour les conducteurs et les passagers des véhicules que
pour les piétons;
Assurer la libre circulation des personnes et des marchandises sur les
chemins publics et l'accès aux immeubles qui les bordent;
Protéger les citoyens du Québec et leurs biens en s'assurant que les
chemins publics puissent servir au passage des véhicules d'urgence».
[132J De leur coté, les défendeurs-requérants
soutiennent
que les objectifs
décrits par le Procureur général sont trop larges et ils citent la décision de la juge
McLachlin dans RJR-MacDonald
Inc, c. Canada (Procureur générai), [1994J 1
S.C. R. 311, au paragraphe 144, afin de souligner l'importance de ne pas formuler
l'objectif trop large:
144 1/ faut veiller à ne pas surestimer l'objectif. Aux fins d'une
analyse fondée sur l'article premier, l'objectif pertinent est l'objectif de
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 52
la mesure attentatoire puisque c'est cette dernière et rien d'autre que
l'on cherche à justifier
Si l'on formule l'objectif d'une façon trop
large, on risque d'en exagérer l'importance et d'en compromettre
l'analyse.
(Soulig nement dans l'original)
[133] Quant aux défendeurs-requérants,
l'objectif de la mesure attentatoire dans
la présente cause est beaucoup plus étroit que celui identifié par le Procureur
général.
[134] Les défendeurs-requérants
font référence
aux débats de l'Assemblée
nationale pour conclure que les principales préoccupations du législateur étaient
des
blocages
majeurs
d'approvisionnement
défendeurs-requérants
de
routes
et
pour les régions touchées».
à
«d'éventuelles
difficultés
Voici, les extraits cités par les
de la pièce PG-14:
Le député André Pel/etier p 6984
«M Pel/etier (Abitibi-Est).' M Le Président, (...) 1/ Y aussi dans ce projet de
loi, l'introduction de nouvel/es mesures en matière d'entrave à la circulation.
On se rappel/e que l'an passé, spécialement chez nous, à Val-d'Or, en
Abitibi,
dans le comté d'Abitibi-Est,
dans la région de I'AbitibiTémiscamingue,
il y a eu des problèmes, je dirais très graves, de
personnes, d'individus et d'organismes qui, pour faire valoir certaines idées,
ont bloqué l'accès à une région, c'est-à-dire la route 117. II n'y a seulement
qu'une voix d'accès pour l'Abitibi. Ce tronçon avait été bloqué pendant
plusieurs jours, ce qui a été jusqu 'à mettre la santé des gens en danger.
Donc, on n'avait pas, à ce moment-là, les mécanismes légaux nécessaires
pour intervenir de manière rapide. 22»
P6079
«j'aimerais traiter un dernier sujet qui concerne l'occupation de la chaussée
et des accotements d'un chemin public. On a vécu, ces dernières années,
puis même l'an passé, des problèmes, je dirais, majeurs. Au cours des
dernières années, c'est devenu un petit peu comme une mode: n'importe
qui qui avait un problème barrait la route. On a vu ça sur la 20 avec les
cochons puis on a vu ça dans tous les domaines. Je pense qu'il n 'y a pas
personne, à quelque part, qui n'a pas essayé de bloquer une route. Dans le
nord, chez nous, il y a eu à l'occasion certains autochtones, et puis les
Blancs ont vite appris la manière puis ils ont fait la même chose. II y a eu
malheureusement
des situations critiques qui nous ont démontré la
faiblesse de nos lois puis qu'il fal/ait faire quelque chose. L'automne passé,
vous vous rappelez toute la question des camionneurs. Certains voulaient
faire valoir leurs droits, dans certains cas tout à fait corrects, mais, en
voulant faire valoir leurs droits, ils ont brimés les droits des autres. Mais pas
juste brimé: ils ont mis la santé des gens à risque. Et l'exemple de L'Abitibi
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est le meilleur. On a une seule route, la 117, pour aller ailleurs au Québec.
Si tu bloques cette route-là, bien tu bloques l'Abitibi
23)) Le député François Ouimet p 6220
«Autre volet source de préoccupation pour nous, pour tous les élus, je
pense, c'est la pratique qui s'est développée au Québec depuis quelques
années de bloquer les routes pour manifester, pour exprimer un désaccord
fondamental avec soit une action menée par le gouvernement ou une
inaction, que le gouvernement tarde à poser. On constate que certains
groupes organisés, qu'il s'agisse des autochtones en 1990, et en 1998 des
producteurs porcins, ou des camionneurs en 1999 et 2000, ou des maires
de la Gaspésie en 2000, ont exercé des pressions sur le gouvernement du
Québec en orchestrant des blocus routiers qui ont affecté différentes
régions. Le Québec a connu au cours des dernières années des blocus de
camionneurs et de producteurs porcins qui ont eu des conséquences
néfastes sur la population. Le ministre tente de corriger cette situation-là
avec des pénalités qui seront assez importantes. Et, dans le cas de
récidives, les montants qui devront être perçus vont être très importants. Et
ceux qui auront été également à la source de l'organisation de cette
manifestation illégale là vont avoir des lourdes conséquences. Ça, c'est une
mesure, je pense, que nous devons appuyer parce que, que ça soit le
gouvernement du Parti québécois ou, très bientôt, le gouvernement du Parti
libéral, nous ne pouvons tolérer, dans notre société démocratique, que des
gens fassent payer le prix à toute une région parce qu'ils veulent exprimer
leur désaccord par rapport à leur intérêt, que qu'il soit. Et, aussi légitime que
leur désapprobation soit, on ne peut prendre en otage toute une population.
M. le Président. Donc, c'est une mesure bien sûr que nous allons appuyer
et que nous avons eu le courage de dénoncer également lorsque ces
blocages de route là ont eu lieu au Québec.
Le député Yvan Bordeleau P 6075
«La deuxième partie du projet de loi concerne les articles 3 à 7, et, comme y
a fait référence le ministre tout à l'heure, il s'agit essentiellement de faire en
sorte que des blocus comme on en a connus sur les routes du Québec ne
puisse pas exister. Je rappelle encore une fois, à ce niveau-là, M. le
Président, que nous sommes évidemment d'accords pour qu'on prenne des
mesures coercitives pour empêcher ce genre d'événements qui ont eu des
effets importants sur l'ensemble du Québec en termes de développement
économique, en terme de frustration pour les citoyens qui n'avaient pas à
vivre ce genres de situations là parce qu'un groupe particulier de travailleurs
ont des problèmes. Là on faisait payer à tout le monde au Québec. Des
blocages, on en a vus sur la 20 avec les producteurs agricoles, on en a vus
dans la région du Lac-St-Jean et de l'Abitibi avec les blocus routiers et,
dans certains cas, c'était même rendu dangereux. Les approvisionnements
ne se rendaient plus; il Y avait aussi, dans les approvisionnements, du
materiel médical qui devait
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[135J Le Procureur général cite de la même pièce VD-1, PG-14, d'autres parties
des extraits pour justifier son interprétation du vrai objectif du législateur:
Le ministre des Transports M Guy Chevrette, p. 6071 :
De même, de nouveaux articles introduisent des dispositions en vue de
décourager toute action concertée destinée à entraver la libre circulation des
véhicules routiers. Je tiens à préciser que les modifications du Code de la
sécurité routière n'ont pas pout but d'empêcher les manifestations et les
défilés préalablement autorisé. If s'agit essentiellement d'empêcher que la
population ne soit prise en otage par des groupes d'intérêts.
Or le meilleur
maven d'assurer la libre circulation des personnes et des marchandises
consiste à interdire toute occupation non autorisée de la chaussée et des
accotements d'un chemin public.
Pour y parvenir, if nous apparaÎt justifié d'utiliser un moyen fortement
dissuasif.
Ainsi, nous proposons de hausser le montant des amendes
imposées aux contrevenants et de permettre aux agents de la paix de
procéder à la saisie et à la confiscation des biens ayant servi à l'occupation
[I
(Soulignements
ajoutés)
[136J Dans les circonstances,
le commentaire de la Cour d'appel de l'Ontario
dans R. v. Banks au par. 49, relatif à l'utilisation par les cours des débats
parlementaires est tout à fait pertinent:
The appellants cite Hansard evidence to support their position that the Act
is an attempt to criminalize the activity of squeegeeing.
I am guided by the
caution of the Supreme Court of Canada in R. v. Morgentaler, supra, at p.
484 S.CR,
that Hansard evidence is admissible as relevant to both the
background and the purpose of legislation provided that the court remains
mindful
of its limited reliability
and weight.
The best indication
of the
legislature's intent is the text of the statute it has enacted and the intent
and meaning of remarks made in the House are often disputed. Certainly,
that is so in this appeal.
The Crown not only picks out and relies on
different passages of Hansard, but also urges
the passages relied upon by the appellants.
(Soulignements
ajoutés)
a different understanding of
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[137J Après avoir pris connaissance de ces extraits et après avoir lu la mesure
attentatoire dans le contexte du Code de la sécurité routière, le Tribunal est
d'avis que les défendeurs-requérants
définissent l'objectif de ladite mesure de
façon trop étroite.
[138J
II est évident que des événements sont survenus dans les années qui ont
précédé l'adoption de l'article 500.1, relatif aux blocages des rues, qui ont eu un
impact sur la sécurité et la circulation sur certains chemins publics dans la
province de Québec, et qui ont motivé le gouvernement à agir.
[139J Mais, suivant les dires du Ministre Chevrette, l'article 500.1 ne s'adresse
pas uniquement aux blocages des routes, mais aussi à toute action concentrée
destinée à entraver la libre circulation des véhicules routiers et pour lui, le
meilleur moyen d'assurer la libre circulation des personnes et des marchandises
consiste à interdire toute occupation
accotements
non autorisée de la chaussée et des
d'un chemin public, qui entrave ou bloc la libre circulation des
véhicules, incluant spécifiquement les manifestations et défilés non autorisées.
[140J Le Ministre prend la peine d'indiquer explicitement que les manifestations
et défilés non autorisés seront prohibés.
[141 J En conséquence, après avoir lu l'article 500.1 dans le contexte législatif du
Code de la sécurité routière et après avoir pris connaissance des débats de
l'Assemblée nationale, le Tribunal conclut que l'objectif de la mesure attentatoire
était de réglementer l'interaction des groupes de piétons participant dans des
manifestations
destinées à entraver ou bloquer la circulation sur des chemins
publics et la circulation des véhicules sur les mêmes chemins, afin d'assurer
l'utilisation efficace et sécuritaire des chemins publics.
[142J La Cour d'appel de l'Ontario, dans la cause de R. c. Banks, permission
d'en appeler refusée par la Cour suprême (2007) S.C. CA
No. 139, fut saisie,
dans le contexte d'une justification en vertu de l'article 1 de la Charte, de la
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même question relative à la façon de définir l'objectif d'une mesure attentatoire
qui prohibait certaines expressions protégées par la section 2b) de la Charte. La
caractérisation de l'objectif du législateur fait par la Cour d'appel de l'Ontario était
semblable à celle que le Tribunal vient de faire dans le présent dossier et la Cour
a décidé que cet objectif était un but urgent et réel:
(126] The larger statutory
context of the impugned provisions, which
addresses soliciting more directly, leads me to the conclusion that s. 3(2)(f)
of the Act and s. 177(2) of the Highway Traffic Act were intended to control
the expressive activity of soliciting while on a roadway. This conclusion does
not detract from my earlier finding that their dominant aspect is the
regulation of the interaction of pedestrians and vehicles on the roadways in
the interests of public safety, efficient circulation, and public enjoyment of
public thoroughfares. It is simply that in achieving that overall objective the
legislation has the incidental purpose of restricting soliciting which is an
expressive activity.
(127] I would conclude that these provisions infringe s. 2(b) of the Charter
and must be justified under s. 1 in order to be upheld.
Section 1 analysis
(128] I would conclude the impugned provisions are justified under s. 1 of
the Charter
(129] First, the objective of regulating the interaction of pedestrians and
vehicfes on roadways is important enough to warrant overriding the right
guaranteed by s. 2(b). In a free and democratic society the government may
attempt to reduce dangers on roadways and provide for efficient traffic
circulation.
(Soulignements
ajoutés)
[143] Le Tribunal est d'avis, comme dit dans la cause de R c. Banks, que la
réglementation
des manifestations
dans la rue qui implique la gérance des
piétons et de la circulation des véhicules dans le but de minimiser les dangers et
maximiser la libre circulation des véhicules est un but urgent et réel qui mérite
une intervention raisonnable et responsable de la part du gouvernement.
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Est-ce que l'atteinte est proportionnelle?
(a)
Est-ce qu'il y a un lien rationnel entre l'atteinte et l'objectif
poursuivi?
[144] L'article 500.1 prohibe à toute personne d'occuper un chemin public au
cours d'une
action
concertée
circulation des véhicules.
destinée
à entraver de quelque manière la
Mais, cette prohibition ne s'applique pas aux personnes
qui font partie d'une manifestation préalablement autorisée qui se passe sur un
chemin public fermé ou sous contrôle de la police.
[145] Pour le Tribunal, quand la prohibition et l'exception sont lues ensemble, il
est apparent que le gouvernement a voulu limiter la possibilité que des piétons se
trouvent sur le chemin public au même moment que les véhicules routiers et que
le gouvernement voulait réduire de cette façon les risques d'accidents entre les
piétons et les véhicules et d'assurer la libre circulation des véhicules.
[146] II est évident que des gens qui marchent sur un chemin public dans un
groupe destiné à entraver
affecter la circulation
la circulation des véhicules vont nécessairement
routière et augmenter les risques d'accidents
entre les
piétons et les véhicules.
[147] Dans le but de maintenir la sécurité routière et assurer la libre circulation
des véhicules, le gouvernement a prohibé des manifestations non autorisées sur
un chemin public,
mais a explicitement
permis celles pour lesquelles
une
permission fut obtenue préalablement et pour lesquelles un contrôlepolicier
du
chemin public fut obtenu.
[148] On a demandé
déterminer
à la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Banks, de
s'il y avait un lien rationnel avec l'atteinte et l'objectif poursuivi,
relativement à une mesure attentatoire dans L'Ontario Highway Act qui prohibe
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«squeegeeing» sur le chemin public. La réponse de la Cour était qu'il y avait un
lien rationnel:
[130} Second, prohibiting persons from soliciting or approaching a vehicle
while "on a roadway" is rationally connected to the legislative objective.
Reducing the presence of pedestrians in traffic lanes may rationally be
expected to lessen traffic dangers and increase the efficiency of vehicular
circulation.
[149] Pour les mêmes motifs, le Tribunal, dans le présent dossier conclut qu'il y
a un lien rationnel entre l'atteinte et l'objectif poursuivit.
(b)
Est-ce gue la restriction' porte une atteinte raisonnablement
minimale au droit à la liberté d'expression?
[150] La juge en chef McLachlin a défini dans la cause de RJR-MacDonald Inc.
c. Canada (Procureur général) au par. 620, la notion d'atteinte minimale:
À la deuxième étape de l'analyse de la proportionnalité, le gouvernement
doit établir que les mesures en cause restreignent le droit à la liberté
d'expression aussi peu que cela est raisonnablement possible aux fins de la
réalisation de l'objectif législatif. La restriction doit être «minimele», c'est-àdire que la loi doit être soigneusement adaptée de façon à ce que l'atteinte
aux droits ne dépasse pas ce qui est nécessaire. Le processus d'adaptation
est rarement parfait et les tribunaux doivent accorder une certaine latitude au
législateur. Si la loi se situe à l'intérieur d'une gamme de mesures
raisonnables, les tribunaux ne concluront pas qu'elle a une portée trop
générale simplement parce qu'ils peuvent envisager une solution de
rechange qui pourrait être mieux adaptée à l'objectif et à la violation, ..... Par
contre, si le gouvernement omet d'expliquer pourquoi il n'a pas choisi une
mesure beaucoup moins attentatoire et tout aussi efficace, la loi peut être
déc/arée non valide.
[151] Par la suite dans la cause de Ville de Montréal, la majorité de la Cour
suprême a élaboré au niveau de la latitude à accorder au gouvernement lorsqu'il
s'adresse à un probléme social:
94. Premièrement, lorsqu'ils s'attaquent à un problème social comme celuici, en présence d'intérêts et de droits conflictuels, les représentants élus
doivent bénéficier d'une certaine latitude. La Cour n'interviendra pas du
seul fait qu'elle peut imaginer un moyen plus adéquat, moins attentatoire, de
remédier au problème. II suffit que la Ville démontre qu'elle a conçu une
mesure restrictive raisonnablement adaptée à la situation.
Cela vaut
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particulièrement dans le domaine de la protection de l'environnement, où les
avis divergent, les intérêts s'opposent et la précision est inatteignable ...
[152] Dans la cause de Ville de Montréal, la Cour suprême a souligné le fait que
la prohibition contestée n'était pas une prohibition absolue:
90 Cela nous amène à la proportionnalité.
La proportionnalité est liée au moyen
choisi pour atteindre l'objectif poursuivi......
If importe toutefois de souligner que
l'art. 9 ne crée pas d'interdiction absolue. Contrairement au règlement en cause
dans l'affaire Ramsden, auquel il n'était pas possible d'échapper, le Règlement qui
nous occupe prévoit la possibilité d'obtenir un permis de façon routinière pour
déroger à I'interdiction
Aucune preuve n'établit qu'elfe aurait exercé ce pouvoir
arbitrairement ou dans le but de restreindre le débat démocratique.
[153] Dans la présente cause, la prohibition n'est pas absolue non plus, en fait
l'article
500.1
prévoit
explicitement
que
les
manifestations
autorisées
préalablement ne sont pas prohibées dans la mesure où le chemin public est
fermé ou sous le contrôle de la police.
[154] En conséquence, la restriction s'applique seulement aux gens qui veulent
manifester, sans autorisation, en utilisant un chemin public et en faisant une
manifestation qui est destinée à entraver la circulation des véhicules.
[155] Ceux
et celles
qui veulent
manifester
sur le chemin
public et en
conséquence faire une manifestation destinée à entraver la circulation sur un
chemin public, peuvent toujours le faire et la seule restriction imposée à ces
personnes est qu'ils doivent prendre les mesures nécessaires afin d'obtenir la
permission préalablement
à leur manifestation et procéder au moment où il y
aura un contrôle policier présent ou lorsque le chemin est fermé.
[156] Pour le Tribunal, l'article 500.1, par sa prohibition de manifestations non
autorisées, vise à limiter les entraves à la circulation des véhicules.
clairement
d'une
activité
qui affecte
jouissance des chemins publics.
grandement
l'utilisation
paisible
II s'agit
et la
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[157J Les défendeurs-requérants
dans le présent dossier
n'ont pas fait de
demande afin d'obtenir l'autorisation prévue en vertu de l'article 500.1.
[158J Par conséquent, il n'y a aucune preuve devant ce Tribunal d'un refus d'une
demande pour permission de manifester.
En conséquence,
comme la Cour l'a
décidé dans l'affaire de Ville de Montréal (au par. 90), il n'y a aucune preuve que
l'autorité a exercé, «ce pouvoir arbitrairement
ou dans le but de restreindre le
débat démocratique».
[159J Les défendeurs-requérants
peut autoriser une manifestation
prétendent que la personne responsable
qui
en vertu de l'article 500.1 paragraphe 3, a une
discrétion illimitée pour prendre cette décision.
De plus, ils soutiennent que cette
personne est inconnue.
[160J D'abord, comme dans la cause de Batty et al. v. The City of Toronto et ai.,
108 O.R. (3d) 571, les défendeurs-requérants
qu'aura la personne
responsable
veulent contester
la discrétion
pour accorder une permission
de faire une
manifestation sur un chemin public en vertu du paragraphe 3 de l'article 500.1,
sans faire une demande pour obtenir une telle permission et sans même tenter
d'en obtenir une. Le Tribunal rejette cette prétention pour les mêmes motifs que
l'honorable juge Brown de la Superior Court of Ontario, lorsqu'il affirme qu'un tel
argument,
en
l'absence
également
lorsqu'il
affirme
d'une
demande,
est
que la délégation
purement
en question
hypothétique,
et
était tout à fait
raisonnable:
119
However, the applicants went furtl1er to argue that the absence of any
policv providing more details about the circumstances in which an exemption
permit would be issued constitutes a constitutionallv fatal defect in the Parks
By-law. I disagree. First, the applicants and Protesters did not apply for a
permit. It strikes me that for a litigant to argue that the exemption provisions
of a municipal by-law are constitutionally inadequate when it did not try to
obtain an available exemption is simply setting up a "straw man" argument. It
would be one thing if the applicants had applied for a permit exempting their
occupation of the Park from the two by-law restrictions identified in the
Trespass Notice and had been turned down. Then they could ask a court to
review whether the exercise of the delegated authority or discretion in
denying the permit met the legal requirements of reasonableness, good faith,
relevant considerations, and consideration of any engaged Charter rights or
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freedoms. 28 That did not happen in this case. I regard this argument by the
applicants as hypothetical.
120
Moreover,
it strikes me as going beyond the bounds of
constitutional reasonableness to require, as a matter of general principle,
that a municipality should have to turn its mind to and craft detailed
exemption policies for every possible contingency. There is a reason why at
a certain level in the legislative pecking order the only practical course of
action is to delegate authority so that discretion can be applied to the
multitude
of scenarios
which inevitably
present
/hemselves
when
applica/ions for such things as permits are made. The way /0 police such
delega/ed power is by imposing general reguirements on the proper exercise
of discretion. not a cons/itutional obligation to draft policies to cover every
possible contingency. The B. C. Court of Appeal accepted that in Zhang:
,,[Tihe By-law must be looked at as part of an entire regulatory shceme in
which a general prohibition is necessary because the Ci/y could not foresee
every encroachment or obstruction "." While the B. C. Court of Appeal said to
the municipality, "if you can craft two exemption policies, then you can craft a
third", that is not this case.
(Soulignements
[161]
ajoutés)
Quant à la prétention des défendeurs-requérants
à l'effet que le Procureur
général avait l'obligation d'établir qui était la personne responsable de l'entretien
du chemin public à qui quelqu'un devrait s'adresser afin d'obtenir une autorisation
préalable
pour une manifestation,
le Tribunal
est satisfait
que la personne
responsable identifiée dans la loi soit en fait une personne morale à savoir la ville
ou municipalité ou un représentant de la ville où la manifestation est censée avoir
lieu.
[162]
Sur la base de la preuve faite devant le Tribunal, je suis satisfait que de
facio il s'agit d'un membre du corps policier de la ville ou municipalité qui accorde
ladite permission.
[163]
Vu la preuve présentée, le Tribunal partage l'avis du Procureur général à
l'effet que le processus d'autorisation
est souple et qu'il n'y a aucune preuve de
refus devant le Tribunal:
{127} Le processus d'autorisation prévu au troisième alinéa de l'article
500.1 est souple, n'exige pas des moyens logistiques importants pour
celui qui demande l'autorisation
et permet que celle-ci soit faite e/
répondue dans un court délai et peu importe le moment
de la journée
64.
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Page 62
La preuve indique que ce processus d'autorisation permet la tenue de
multiples défilés et manifestations et il n'y a aucun exemple de refus
ou d'imposition
de conditions
qui auraient empêché quiconque de
s'exprimer.
[129] Dans la mesure où la preuve établit que la demande d'autorisation
peut être faite et répondue dans un court délai et peu importe, le
moment de la journée, rares, sinon inexistantes, sont les situations de
manifestations dites «spontanées, qui ne permettent pas de présenter une
demande d'autorisation.
[164J Par conséquent, comme dans la cause de Ville de Montréal au par. 90:
.. ./e Règlement qui nous occupe prévoit la possibilité d'obtenir un permis de
façon routinière pour déroger à /'interdiction
Aucune preuve n'établit
qu'elle (la ville) aurait exercé ce pouvoir arbitrairement ou dans le but de
restreindre le débat démocratique.
[165J En plus,
sur la base des témoignages
de M. Turcotte
et de M.
Champagne, il y a un lien entre la demande d'autorisation et la capacité des
corps policiers de contrôler les chemins publics pendant les démonstrations, tel
que requis par le paragraphe 3 de l'article 500.1.
courant de l'itinéraire
de la manifestation,
Si les policiers sont mis au
ils peuvent prendre les mesures
nécessaires pour rendre les chemins publics sécuritaires et coordonner le tout
avec leurs partenaires civils.
[166J Les défendeurs-requérants
de certaines
manifestations
prétendent aussi que vu la nature spontanée
(pas celle du présent dossier toutefois),
ils ne
devraient pas être obligés de se soumettre à n'importe quelle forme d'autorisation
au préalable.
Leur positon est que le droit de s'exprimer par l'entremise d'une
manifestation
ne peut pas être conditionnel ni à l'obtention d'une autorisation
préalablement
obtenue, ni à un contrôle policier.
Bref, ils réclament un droit
absolu de manifester.
[167J L'honorable juge Brown, dans la cause de Batty c. City of Toronto, avait un
argument similaire devant lui qu'il a rejeté pour les raisons suivantes:
105
The applicants submitted that because they regard the 24-hour a day
occupation of the Park as an important part of their message, compliance
with the Trespass Notice would result in an absolute ban of that form of their
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Page 63
expressive and associational activities. This is where common sense must
come into the picture. If I were to accept the applicants' argument, then any
protest group could come along, assert that monopolizing a particular piece
of public space was an important part of their political message, and the City
would be powerless to object ...
The Charter does not create a world of such absolutes, rigidity. or lack of
common sense with respect to the private use of public space.
(Soulignements
[168] Pour
le
ajoutés)
Tribunal,
la
possibilité
de
demander
une
autorisation
conformément à l'article 500.1 représente une autre alternative disponible aux
défendeurs-requérants
afin d'exercer leur droit de manifester en toute légalité.
Pour le Tribunal, l'absence d'une demande d'autorisation dans le présent dossier
reflète une erreur fondamentale
de leur part quant à la nature du droit
d'expression protégé par l'alinéa 2b). C'est-à-dire qu'ils ont tort lorsqu'ils disent
que le droit de manifester est un droit absolu.
II s'agit d'un droit fondamental
certes mais qui n'est pas absolu.
[169]
La preuve
défendeurs
faite
pouvaient
devant
le Tribunal
simplement
démontre
que
les requérants-
informer les policiers des endroits où ils
voulaient manifester et ainsi obtenir la permission de le faire. Chose qu'ils ont
décidé de ne pas faire, mais qu'ils sont libres de faire à l'avenir.
[170]
Dans
Baity
c. City of
Toronto,
l'honorable
juge
Brown
a fait
le
commentaire suivant quant aux personnes devant lui qui ont réclamé un droit
absolu de manifester à leur façon:
110
Part of our Constitution talks about "peace, order and good
government". The Charter did not displace that organizing principle. When
people come together to live in dense urban environments, flexibility and
give-and-take must permeate everyone's actions, otherwise we would end
up being at each other's throats - peace and order would go out the window.
111
It may well be that displacing the peace and order of our existing
community is part of the message and objective of the Protesters. One
could infer that from some of the evidence. But I need not go that far to
conclude that the rigidity and absolutism of the Protesters' position - let us
keep our tents and around-the-clock occupation - does not fit with the
balancing of competing interests which our Constitution reguires. I am
satisfied on the evidence in this case that the Citv is alive to the need to
balance the competing rights of the Protesters with those of the Toronto
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communitv - the City said so in its Letter and Press Release. I regard the
two restrictions which the City seeks to enforce through its Trespass Notice
to be reasonable, tailored, minimal impairments on the expressive and
associational rights of the Protesters, and a reasonable balancing of the
rights of all who wish to use the Park.
(Soulignements ajoutés)
[171]
Le Tribunal considère de la preuve prèsentée que le législateur a tenu
compte de la nécessité de balancer les droits divergents en présence, tel que le
droit des défendeurs-requérants
manifestation
de s'exprimer dans la rue au moyen d'une
et ceux des autres usagers de la route de pouvoir y circuler
librement, le tout en toute sécurité pour chacun.
La méthode d'autorisation
existante est souple et ne vise, dans les faits, qu'à augmenter le niveau de
sécurité de toutes les personnes qui utilisent les chemins publics.
requise ne se préoccupe
L'autorisation
pas, selon la preuve entendue, de la nature du
message que l'on veut exprimer dans le cadre de la manifestation, ni de la nature
du groupe qui veut s'exprimer.
d'encadrement
L'autorisation requise s'attarde plutôt au besoin
de telles manifestations
afin d'assurer la sécurité de tous les
usagers de la route et la libre circulation des véhicules.
La preuve démontre
qu'aucune demande pour une manifestation n'a été refusée jusqu'à présent.
[172]
Comme le juge Brown dans l'affaire Batty, le Tribunal considère que le
législateur, par son texte de loi, a su balancer les intérêts divergents de certains
utilisateurs qui veulent manifester sur les voies publiques avec ceux des autres
utilisateurs de ces mêmes voies.
[173]
La réalité est que, comme partie de notre contrat social, nous sommes
obligés de partager les chemins publics. Aucun citoyen n'a plus de droits quant à
leur usage qu'un autre.
II est bien possible, comme les défendeurs-requérants
soutiennent, qu'il n'y ait aucun droit d'arriver à l'heure sur les lieux de son travail
ou chez-soi.
Mais, est-ce que cela veut dire que les manifestants peuvent faire
ce qu'ils veulent quand ils le veulent sur les chemins publics, et que
autres citoyens doivent simplement
souffrir des conséquences
tous les
afin de faire
respecter le droit absolu de manifester réclamé par les requérants-défendeurs?
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 65
Est-ce que c'est cela que l'on veut dire par paix, ordre et bon gouvernement?
Le
Tribunal répond que non et le Tribunal ne retient pas l'argument qu'il y a un droit
absolu de manifester.
[174]
De plus, les défendeurs-requérants
s'exprimer en toute légalité.
avaient des moyens alternatifs pour
De toute évidence et en premier lieu, ils pouvaient
informer les autorités de leur désir d'utiliser la voie publique et ainsi obtenir
l'autorisation
de manifester sur celle-ci.
Ils pouvaient également
trottoirs au lieu du chemin public pour manifester.
utiliser les
D'autres lieux publics étaient
également à leur disposition, tels que les parcs ou places publiques de la Ville.
La preuve révéle d'ailleurs que les personnes qui se trouvaient sur le trottoir lors
de l'intervention policière ont pu quitter les lieux s'en être arrêtées.
[175]
Dans la cause de R. c. Banks, la Cour d'appel de l'Ontario a décidé que
les articles de loi prohibant du « squeegeeing»
une atteinte raisonnablement
sur le chemin public portaient
minimale au droit à la liberté d'expression, parce
que les gens affectés avaient des moyens alternatifs pour s'exprimer:
[131} Third, the provisions impair the appellants' right of expression as littfe
as possible. While the legislation does effectively ban squeegeeing
on
roadways, it does not prohibit the appellants from expressing their message
that they are in need of [page33} help. I appreciate that the provisions of the
Act not in issue in this appeat place other restrictions on where and how the
appellants may solicit. Still, they are left with many alternatives. Thev can
convey their message on the sidewalk. They cannot squeegee car windows,
but to the extent that they may wish to provide a service in exchange for
donations, there are other alternatives available.
(Soulignements
[176]
ajoutés)
Sur la base de la preuve faite devant le Tribunal, celui-ci conclut que
l'article 500.1 constitue une mesure restrictive raisonnablement
adaptée à la
situation. Le législateur québécois n'est pas obligé d'imaginer la mesure la moins
attentatoire possible pour remédier à une situation.
Dans les faits, le Tribunal
considère que l'article 500.1 restreint le droit à la liberté d'expression aussi peu
que cela est raisonnablement
possible aux fins de l'objectif législatif de sécurité
et de libre circulation sur les chemins publics que cet article vise à assurer.
779-977 -483
779-904-366 et ais.
[177]
Page 66
En plus, sur la base de la décision de la Cour suprême du Canada dans
Ville de Montréal, le gouvernement n'est pas obligé de démontrer qu'il n'y a pas
d'autres moyens moins attentatoires, mais seulement que le moyen choisi est
une mesure restrictive raisonnablement adaptée à la situation.
94 Premièrement, lorsqu'ils s'attaquent à un problème social comme celuici, en présence d'intéréts et de droits conflictuels, les représentants élus
doivent bénéficier d'une certaine latitude. La Cour n'interviendra pas du
seul fait qu'elle peut imaginer un moyen plus adéquat, moins attentatoire, de
remédier au problème. Il suffit que la Ville démontre qu'elle a conçu une
mesure restrictive raisonnablement adaptée à la situation.
Cela vaut
particulièrement dans le domaine de la protection de l'environnement, où les
avis divergent, les intérêts s'opposent et la précision est inatteignable.
[178]
En conséquence,
le Tribunal est satisfait que le Procureur général a
démontré que l'article 500.1 constitue une atteinte raisonnablement minimale au
droit à la liberté d'expression.
(c)
Est-ce que les effets préjudiciables de l'article 500.1 sur la
liberté
d'expression
sont
proportionnés
à ses effets
bénéfiques?
[179]
Comme énoncé par la Cour suprême dans Société Radio Canada c.
Canada (Procureur générai):
[87] Les trois premières étapes de l'analyse proposée dans Oakes se
rattachent à l'appréciation de l'objectif de la mesure législative contestée. «
Seule la quatrième étape tient pleinement compte de "le gravité de ses
effets préjudiciables sur des particuliers ou sur des groupes" )) (Hutterian.
par. 76). Ainsi, cette étape requiert l'évaluation des conséquences de la
mesure contestée (Toronto Star, par. 50) .
[180]
Quant
au Tribunal,
les effets
préjudiciables
pour
les groupes
de
personnes ainsi que pour leurs membres individuels, causés par l'article 500.1
seraient qu'ils soient obligés, s'ils veulent manifester sur le chemin public,
sachant que leur manifestation risque d'entraver la circulation des véhicules sur
ledit chemin public, de contacter le Service de police pour l'informer de leur
itinéraire
préalablement,
manifestation.
afin d'obtenir
l'autorisation de leur part pour ladite
779-977-483
779-904-366 et ais.
[181]
Page 67
Suivant la preuve qui a été faite devant moi, dans certains cas, (bien
entendu non pas les manifestations annuelles contre la brutalité policière), cette
obligation risque d'affecter la spontanèité associée à certaines manifestations.
[182]
De plus, pour certains groupes, pour des motifs inconnus par le Tribunal,
cette obligation risque d'affecter le dèsir de ceux-ci de garder leur trajet secret.
Cela exigera que certains d'entres eux devront planifier leur manifestation afin de
déterminer sur quels chemins publics ils veulent manifester, au lieu d'improviser
le déplacement de leur manifestation au cours de celle-ci.
[183]
La consèquence
pour les groupes de manifestants
qui refusent
de
chercher une autorisation préalablement serait qu'ils ne pourront manifester sur
le chemin public si leur manifestation est destinée à entraver la circulation des
véhicules et s'il y a entrave à la circulation.
Par conséquent, sans autorisation, ils
seront obligés de manifester sur les trottoirs ou dans les parcs ou carrés qui se
trouvent dans la ville afin de demeurer dans la légalité.
[184]
de la législation sont à l'effet que l'autorité qUI
Les effets bénéfiques
accorde l'autorisation
de manifester aux groupes de manifestants
sur certains
chemins publics sera en meilleure position par la suite pour contrôler les chemins
publics désignés ou pour les fermer complètement.
[185]
En procédant ainsi les policiers seront capables de minimiser les risques
d'accidents
entre
automobilistes,
les piétons
dont
les
et les vèhicules
véhicules
des
et faire
services
en sorte
d'urgence
que
les
(pompiers,
ambulances etc .. ) soient capables de circuler le plus librement possible.
[186]
De cette façon, les chemins publics seront utilisés par les manifestants
d'une manière sécuritaire et fonctionnelle pour tout le monde. Comme l'affirme la
Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Banks au par. 132, en décidant que les
effets préjudiciables
de l'atteinte ne dèpassaient pas les effets bènéfiques dans
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 68
ce dossier, «The result will be to promote public safety, efficient circulation and
public enjoyment of public thoroughfares».
[187]
Lorsque le Tribunal balance lesdits effets préjudiciables avec les effets
bénéfiques de l'atteinte causée par t'entete 500.1, le Tribunal est d'avis que les
effets bénéfiques de l'erticie 500.1 dépassent ses effets préjudiciables.
CONCLUSION (quant à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne)
[188]
Le Tribunal conclut que l'expression
en cause entre dans le champ
d'application de la protection offerte par l'alinéa 2b) de la Cherie canadienne et
que la prohibition
relatives aux manifestations
non autorisées constitue une
restriction à ce droit. Cependant, cette atteinte est justifiée au sens de l'article
premier de la Cherie canadienne, parce qu'elle constitue une limite raisonnable
dans une société libre et démocratique.
Est-ce que l'interdiction
prévue à l'article 500.1 va à l'encontre de l'alinéa
2c) de la Charte canadienne?
[189]
Le Tribunal est du même avis que le juge Brown de la Cour supérieure
de l'Ontario lorsqu'il affirme dans la cause de Canadian Civil Liberties Association
v. Toronto Police Service, 2010 ONSC 3525 (CanUI), (par 109) :
Sections 2(c) and (d) of the Charter are closely related to freedom of expression,
protecting as they do, the lawful means of expression - peaceful assembly and
association.
[190] Dans la cause d'Ontario (Altorney General) v. Dieleman, 20 OR
(3d) 229,
à la page 82, le juge Adams de l'Ontario Court (General Division), dans une
décision qui impliquait une requête constitutionnelle
basée sur l'alinéa 2b) et
l'alinéa 2c) de la Cherie canadienne, a conclu que la liberté de réunion pacifique
était assujettie à la même analyse que celle qu'il venait de faire relativement à la
liberté d'expression:
779-977 -483
779-904-366 et ais,
Page 69
Freedom of Assembly
Freedom of assembly is subject to the same analysis as freedom of expression, Freedom
of assembly
is "speech in action". In Tarnopolsky and Beaudoin,
etis.
The Canadian
Charter of Rights and Freedoms (1982), at o. 138, freedom of assembly is identified with
freedom of expression in these terms:
• Freedom of assembly has been defined as "concerned with the public expression of
opinion by spoken word and by demonstration", The definition is as revealing as it is
accurate, It not only locates freedom of assembly in the pantheon of freedom of
expression from which it springs, but identifies its distinguishable, or one might say
"demonstrable" dimension as wett.
The authors go on to describe this latter dimension in these terms at pp, 142-43:
• Aside from the general justifications for freedom of expression, there are specific
underpinnings to the right of free assembly. There are three distinct functions of
assembly: a merely communicative function, a pressure function and an openly
coercive function, The essence of aI/ three functions is the intention to put forth a point
of view, Distinctions are based on the intensity of the desire to be heard,
• If we do indeed have a right to speak, and to be heard, the right to assemble may be the
only way of ensuring the advocacy of the right to speak, Mf. Justice Berger notes that:
• Assemblies, parades and gatherings are often the only means that those without access
to the media may have to bring their grievance to the attention of the public,
I am satisfied that the order in question will violate the defendants' freedom of assembly as
set out in s. 2(c) of the Charter and that it constitutes a reasonable limit in a free and
democratic society for the reasons previously qiven: see, general/y, Stoykewych, "Street
Legal: Constitutional Protection of Public Demonstration in Canada", supra; Fraser v, Nova
Scotia (Attorney General) (1986), 30 D,L.R. (4th) 340 at p, 348, 24 CRR. 193, Canadian
Civil Liberties Assn. v. Canada (Attorney General) (1992), 8 OR. (3d) 289 at o. 317, 91
D,LR. (4th) 38 (Gen. Div); B,C,G,E,U v. British Columbia (Attorney General), supra, at p.
406; and Committee for the Commonwealth of Canada v. Canada, supra, at p, 199, where
L'Heureux-DuM
J. noted that Canada (Attorney General) v. Dupond is a pre-Charter
decision, In other words, there is no justification for a different outcome in the context of s.
2(c),
(Soulignements
ajoutés)
[191] Pour ces motifs, le Tribunal applique les mêmes conclusions de fait et du
droit rendues dans le présent jugement relativement à l'allégation que l'article
500,1 viole l'alinéa 2b) de la Charte canadienne, mutatis mutandis, quant à
l'allégation que l'article 500,1 viole l'alinéa 2c) de la Charte canadienne,
779-977 -483
779-904-366 et ais.
Page 70
CONCLUSION (quant à l'alinéa 2c) de la Charte canadienne)
[192]
Le Tribunal conclut que l'article 500.1 a pour objectif de restreindre
la
liberté de réunion pacifique protégée par l'alinéa 2c) de la Charte canadienne.
Cependant, cette atteinte est justifiée au sens de l'article premier de la Charte
canadienne, parce qu'elle constitue une limite raisonnable dans une société libre
et démocratique.
CONCLUSION (quant à l'article 3 de la Charte québécoise)
[193] Compte tenu des conclusions auxquelles le Tribunal est arrivé en regard
de la Charte canadienne,
celles-ci
doivent
le Tribunal considère, pour les mêmes motifs, que
s'appliquer
à l'argumentation
des défendeurs-requérants
en
vertu de la Charte québécoise.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL:
REJETTE LA REQUÊTE
RICHARD STARCK, j.c.m.v.m.
Me Roula-Agori Fridas
Procureur de la poursuivante-intimée
Me Étienne Poitras/ Me Marcela Valdivia
Procureurs des défendeurs-requérants
Me Patrice Claude / Me Catherine Paschali
Procureurs du mis-en-cause Procureur général du Québec
Me Sibel Ataogul
COPIE CONFO ME
CERTIZI ¢ PV
Procureur de l'intervenante La ligue des droits et libertés
~._-~---------JUGE
Cour Munici~iJb
Ville de Montré,!
fi
------------
Jl ,;C'~
i'
"
,:"j Court
,:Ci'itr2al
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 71
ANNEXE
NOM
,
'
ALEXANDRE ANTAKI
LAURENT ASSELIN
DAVID BACHAND
CLAUDELLE BAILLAREGEON
CAMILLE BARBIER
SAMUEL BEAUCHEMIN
HUBERT BELANGER-LAURIN
JEAN-PHILIPPE BERGERON
GUILLAUME BERGER-RICHARD
YANNICK BERIAULT LACROIX
FRANÇOIS BERTHIAUME
JOFFREY BIGEAUL T
GENEVIEVE BOILY
VINCENT BOISSONNAULT
FREDERIC BOUCHARD-MULLER
MAXIME BOUCHER
LEILA BRENER
EMILIE BRETON
VERONICA BROWNSTONE
LEA CARRIER
MARC-ETIENNE CARRIER
ELSIE CARRIER MARTIN
SAMUEL CARRIER
PASCAL CHABOT-LAMARCHE
NOEMIE CHAREST-BOURDON
SEBASTIEN CHAUMONT
BEN CHUNG
GASPAR CIESIELSKI
MATHIEU CLAMEN
THOMAS COLE
JESSICA CONTER RODRIGES
JESSICA COOPER MORRISON
RAYMOND CORKUM
PHilEMON CRETE
SAMUEL D'ASTOUS
SOLEDAD DELGADO
NICOLAS DERANCOURT
ANNIE-CLAUDE DESCHENES
ROBIN DIANOUX
PHILIPE DORION
MATEO DOUTRELIGNE SOlKIN
SAMUEL D-PLOURDE
JULIEN DROUIN BOUFFARD
ELIZABETH DROUIN
JEAN-MICHEL DROUIN-MONTAS
TANIA DUBEAUGAUDREAULT
VELIK DUBEAU
ALEXANDRE DUBOIS
DAVID DUCEPPE
THIERRY DUPONT
JEAN FRANCOIS DUPUIS
SIMON EMARD
MARIE-KIM FRENEITE
JESSICA GABOURY-DUMAS
MALIK GAGNON
GABRIELLA GARBEAU
FERNANDO GARCIA BLANES
FREDERIC GAUDET
MAXIMILIEN GAUDEITE
HUBERT GENDRON-BLAIS
NUMÉRO DE DOSSIER
779-998-321
779-977-354
779-904-473
779-868-456
779-599-192
779-740-043
779-905-081
779-679-596
779-677-032
779-977-424
779-977-365
779-740-135
779-740-102
779-977-450
779-904-274
779-999-032
779-977-520
779-977-645
779-977-494
779-904-230
779-998-262
779-998-052
779-998-251
779-841-893
779-842-744
779-977-380
779-869-646
779-998-122
779-904-436
779-740-076
779-977-671
779-977-693
779-977-601
779-980-084
779-904-296
779-997-912
779-904-171
779-997-934
779-740-286
779-905-103
779-904-182
779-904-182
779-866-990
779-740-080
779-869-635
779-677-286
779-868-305
779-676-914
779-896-003
779-725-446
779-977-660
779-998-100
779-998-343
779-869-473
779-980-036
779-977-483
779-977-634
779-904-451
779-977-332
779-904-414
779-977-483
779-904-366 et ais.
Page 72
ANNEXE(cont.)
NOM
COLINE GENTILLEAU
CHARLOTIE GIARD-LALIBERTE
JAELLE GIGNAC
BENJAMIN GILKER
FRANCIS GIRARD-BRISSON
CHARLES GIROUX
NATALIE GRAY
EDDY GUARINO
ELISE GUERIN-BOUCHARD
CHRISTINE GUILLEMETIE
MARIAN ITA HAMEL
TYLER JAEGER
KENNETH JODOIN
BLANDINE JUCHS
MARIE-EVE JULIEN
RICHARD KELLY-SHEPARD
JESSICA KLINGER
ADAM KOVAC
JAOUAD LMOUSSI
EMMANUELLE LABELLE SYLVESTRE
DANNY LACHANCE
DAVID LACOMBE
GABRIEL LAFLAME BOUCHER
THOMAS LAFONTAINE
CARL LAFRENIERE
RALPH LALANDE
STEVE LAMARCHE
ANTONIN LANCTOT LAPOINTE
DOMINIQUE LANDRY
SEBASTIEN LANDRY
JULIEN LANDRY-MARTINEAU
BRETI LAPLANTE
MYRIAM LAROUCHE TREMBLAY
FANNY LAVIGNE
FRANCIS LEBREUX DESILETS
ADRIANA LEDEZMA
ANAIS LEDOUX
SIMON LEFEBVRE-ST-PIERRE
PATRICE LEGENDRE
FREDERICK LEPINE
VINCENT LETOURNEAU DESJARDINS
ELOI LEVESQUE
JULIEN LEVESQUES
MARIE ANDRE LONGPRE
LUIS ENRIQUE LOZANO URREA
CHRISTIAN MACDONALD
SPENCER MACDONALD
CATHERINE MAILLOUX
JOHN MANICOM
MARIE EVE MARCHAND BLAIS
LEILA MARTIN
HUGUES MCNEIL DUVAL
BENOIT MCCONELL LEGAULT
SABRINA MENARD
LAURENCE MEUNIER-DUBE
JUSTINE MICLOT
SABRINA MIGNACCA
AOMAR MOHAMED SAID
SHAN IE MORASSE-ROBIDAS
MATIHEW MORGAN
GENE MORROW
NUMÉRO DE DOSSIER
779-979-524
779-904-252
779-597-663
779-980-390
779-998-236
779-598-050
779-842-781
779-842-781
779-904-440
779-598-702
779-842-475
779-980-154
779-980-143
779-979-535
779-904-241
779-598-724
779-842-770
779-905-066
779-842-792
779-740-205
779-868-316
779-740-275
779-980-353
779-977-516
779-904-381
779-979-550
779-977-505
779-977-586
779-979-572
779-999-021
779-999-065
779-904-204
779-998-284
779-599-203
779-998-332
779-598-061
779-740-264
779-999-006
779-998-085
779-598-713
779-980-316
779-598-654
779-904-226
779-977-564
779-869-355
779-740-312
779-998-295
779-998-133
779-980-386
779-977-656
779-977-435
779-842-755
779-977-623
779-977-682
779-905-136
779-676-892
779-904-193
779-676-763
779-676-486
779-979-546
779-904-462
,
,
779-977-483
779-904-366 et ais,
Page 73
ANNEXE(cont.)
NOM
HELENA BEATRIZ MUNOZ
IAN MURPHY
ARNAUD NADON-ARSLANIAN
WOLFGANG NOAKES
FLORIAN NORDBERG
ALEXANDRE OUELLET-TURMEL
CARL PALIN-MONPETIT
DOMINIC PALLADINI
ANDREI PANAIT
JULIEN PARENT-HOULE
FRANCOIS PEDNEAULT
ADAM PEDRO-SANTOS
MA ITHIEU PELLETIER
ELIE PEROTIN
SARAH PICHE-SENECAL
SIMON PINAUL TRICARD
FRANCOIS PINET FORCIER
NICOLAS PLAMONDON
HUGO NAM PONTON PHAM
DENIS POUlOT
NICOLAS PROULX-ROUSSY
TOMAS QUINONES-LOPEZ
JULIANNE RACINE
GUILLAUME RAVARY-OUELLET
LOIC REEVES-BLIZZARD
GEOFFROY RENAUD-GRIGNON
NICOLAS REYNES
CAMILLE RICHARD
FRANCOIS-XAVIER
RICHARD CHOQUEITE
JEAN-SEBASTIEN
RITCHIE
EMILIE ROBERGE
OANA RALUCA SABAU
SARA SABOURIN
SAMUEL SAINT-DENIS-LiSEE
MARIANA SANCHEZ ORTEGA
CHRISTOPHER SAVARD
KARL SEVIGNY
LAURENT SEVIGNY
THOMAS SIMON
SAM SLOTNICK
ERIC ST AMOUR THOMPSON
RACHEL KATY STE-CROIX
MICHA STEITIN
HELENE ST-PIERRE
BILLAL TABAICHOUNT
CHARLES-ANDRE THERRIEN
DOMONIC TREMBLAY
SEBASTIEN TREMBLA Y
FRANCOIS VAN LlET
JEAN-MARTIN VEILLEUX
LOUIS-PHILIPPE VERONNEAU
ADRIAN VILLAGOMEZ
LAURENCE VINET
DAVID WALDMAN
TRISTAN WEHSTEIN
ANGHARAD FRANCES WYLIE
CLOE ZAWADSKI-TURCOITE
NUMÉRO DE DOSSIER
779-997-945
779-980-110
779-905-114
779-980-903
779-676,096
779-998-096
779-998-125
779-905-125
779-884-022
779-980-364
779-980-412
779-904-484
779-842-766
779-740-290
779-997-960
779-676-822
779-977-446
779-905-070
779-676-833
779-977-553
779-904-392
779-999-054
779-841-882
779-841-716
779-997-971
779-998-225
779-904-425
779-679-585
779-842-803
779-869-650
779-740-124
779-977-413
779-841-720
779-977-391
779-977-391
779-980-106
779-775-566
779-740-253
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