Sans titre-1

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Sans titre-1
«Le Monde Argent»
Immobilier, épargne :
comment optimiser
sa retraite Supplément
Mercredi 12 octobre 2011 - 67e année - N˚20753 - 1,50 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Le ton se durcit
entre les deux
finalistes de
la primaire PS
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Erik Izraelewicz
Jean Dujardin, muet et ultracontemporain
t « The Artist », de Michel Hazanavicius, sort mercredi 12 octobre Page 24
t Hollande prêt à riposter aux attaques d’Aubry
t Urbains, ruraux, populaires, aisés: qui vote
pour quel socialiste ? Notre radiographie électorale
L
es résultats encore partiels du scrutin du dimanche 9 octobre permettent d’analyser la base électorale des
candidats socialistes. Où l’on découvre
qu’à Paris l’Est a voté pour Martine Aubry
et l’Ouest pour François Hollande, lequel
recueille aussi la préférence des villes
moyennes, alors que les grands centres
urbains ont favorisé sa concurrente. L’électorat d’Arnaud Montebourg, aujourd’hui
très convoité, a été important dans les territoires désindustrialisés et les banlieues.
Pendant ce temps, les deux finalistes ne se
font plus de cadeaux et préparent le débat
décisif France 2 – Le Monde, mercredi
12 octobre. p Lire pages 10-11 et 22
Jean Dujardin et
Bérénice Bejo dans
« The Artist ». PETER LOVINO
La drôle de guerre des soldats Onze coptes écrasés par les
A Romainville, les poubelles
français en Afghanistan
blindés de l’armée égyptienne volent par pneumatique
Religion Les témoignages et les autopsies révèlent
l’extrême brutalité de la répression, dimanche,
d’une manifestation de la minorité chrétienne. P. 3 et 4
Bonne nouvelle : le Danemark rouvre la porte
UK price £ 1,50
P
ar les temps qui courent, lorsqu’un Etat européen modifie
sa politique d’immigration,
c’est en général pour aller dans le
sens de restrictions accrues. La décision, au Danemark, du nouveau
gouvernement de rouvrir ses frontières et d’assouplir le régime d’accueil des étrangers est une initiative suffisamment rare et courageuse, dans un pays qui compte 9,8 %
d’immigrés et de citoyens d’origine étrangère, pour être saluée.
Formé le 3octobre par la première ministre sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt, dont le bloc
de gauche a remporté les élections
du 15septembre, le nouveau gouvernement danois rassemble plusieurs partis. C’est sous la pression
de deux de ces partis, une formation d’extrême gauche et un parti
centriste, que Mme Thorning-Schmidt a été amenée à changer de
cap sur l’immigration.
Parmi les mesures annoncées,
la plus spectaculaire est la levée
des contrôles aux frontières, dont
le rétablissement, au mépris des
règles de Schengen, avait été
annoncé au printemps. Le ministère de l’immigration est purement et simplement supprimé et
ses services répartis entre ceux de
la justice et des affaires sociales.
Le système de permis à points
pour le regroupement familial est
abrogé. Les procédures de demande de permis de séjour, de natura-
Editorial
lisation et de regroupement familial vont être simplifiées.
Par ailleurs, dans un geste qui
n’est pas directement lié à la politique d’immigration mais dont la
valeur symbolique n’a échappé à
personne, l’équipe de Helle Thor-
Le regard de Plantu
ning-Schmidt compte, pour la
première fois au Danemark,
un ministre issu de l’immigration, Manu Sareen, d’origine
indienne, titulaire du portefeuille de l’égalité, des cultes et
des affaires nordiques.
Toutes les restrictions ne sont
pas levées. Ainsi, l’interdiction
d’épouser un étranger de moins
de 24 ans, visant à empêcher les
mariages forcés, est maintenue.
Mais le revirement général modifie fondamentalement les termes
du débat sur l’immigration.
Il faut dire que le Danemark,
depuis dix ans, était allé très loin
dans le sens du durcissement.
Sous l’influence de l’extrême droite, ce pays, pourtant connu pour
sa tradition de tolérance et
d’ouverture, était même devenu
le régime le plus fermé d’Europe
aux étrangers, regardé avec envie
par certains gouvernements de
droite qui n’arrivaient pas à en faire autant chez eux, mais dénoncé
par les organisations de défense
des droits de l’homme. La Suède
voisine s’était inquiétée de la détérioration des conditions d’accueil
des étrangers et du ton général
du débat sur l’immigration au
Danemark.
Cet ostracisme était devenu de
plus en plus difficile à vivre pour
les Danois qui ne s’identifiaient
pas à l’image donnée par l’extrême droite. Grand traumatisme
dans le subconscient national, l’affaire des caricatures de Mahomet,
publiées en 2005 par un quotidien danois, s’était aussi inscrite
dans un contexte général de
dégradation des relations des
Danois avec les étrangers.
Ce nouveau départ est une
bonne nouvelle pour les Danois –
et pour le reste de l’Europe. p
Lire page 6
Environnement Cette ville de banlieue parisienne
inaugure un système inédit en France : la collecte
souterraine, par aspiration, des déchets. A 70 km/h. P. 8
Shiatsu et acupuncture
font leur entrée à l’hôpital
Santé Une vingtaine de services
des hôpitaux parisiens utilisent
désormais les techniques de la
médecine chinoise ancestrale.
Cette discipline, qui fait la part
belle à l’acupuncture, aux
massages thérapeutiques et
aux pratiques psychocorporelles,
est utilisée en complément de traitements au long cours.
Pour un meilleur confort des patients. P. 27
ArnAud
MOnTEBOurG
A nos lecteurs
D
eux jours de suite, Le Monde n’est pas paru. Une partie des personnels de l’imprimerie du journal, à Ivry-sur-Seine, a empêché la publication de
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moment important de la vie
démocratique du pays.
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Photo Philippe Matsas © Flammarion
Défense La crainte de subir des pertes avant l’élection
présidentielle a fait évoluer la stratégie française : une
pause dans les opérations a été décidée. Reportage. P. 21
0123
page deux
Mercredi 12 octobre 2011
Le «père perdu»
de Steve Jobs
Reportage Avec l’ouverture à la concurrence, le renouvellement de dix
I
Opération drague
dans les barrages français
l n’était pas invité à l’enterrement, le 7 octobre, qui s’est
déroulé dans l’intimité familiale. Mais il dit que, dans la période récente, il avait envoyé des
messages à son fils. «Bon anniversaire », « J’espère que ta santé
s’améliore »… Abdulfattah (dit
« John ») Jandali était le géniteur
de Steve Jobs. Mais, lundi 10 octobre, il faisait avec sa progéniture
la « une » du Wall Street Journal,
qui l’a retrouvé. L’homme vit à
Reno (Nevada) et, à 80 ans, il reste
toujours actif, dirigeant plusieurs hôtels-casinos et les
450 salariés qui y travaillent.
Oui, il est bien l’homme qui, en
1954, a conçu avec une étudiante
nommée Joanne Schieble un
enfant né l’année suivante.
Syrien, né dans la ville d’Homs, il
suivait des cours de relations internationales à l’université de Madison, dans le Wisconsin (sa thèse
portera sur les efforts des Nations
unies pour imposer des normes
d’indépendance nationale).
Elle étudiait l’orthophonie.
Mais son père n’accepta ni sa
liaison ni la venue de ce bébé,
celui qu’elle – et son amant, de
fait – allaient abandonner au couple Clara et Paul Jobs. La maman
souhaitait pour son enfant une
famille dotée des moyens immédiats de l’élever. Lorsqu’il évoquait cet abandon, Steve Jobs,
publiquement, expliquait toujours que sa mère biologique, qui
n’était pas mariée, n’avait pas eu
beaucoup d’autres choix.
Ce n’est qu’en 2005 que M. Jandali a appris qu’il était son géniteur. Le quotidien de la finance
ne nous dit pas comment, en particulier si cela fut le résultat
d’une recherche en paternité de
sa célèbre progéniture. Depuis, il
ne l’a jamais rencontré – il n’a
concessions hydroélectriques très rentables attire les géants de l’énergie, qui
viennent à la rencontre des élus. Exemple dans la très convoitée vallée d’Ossau
d’ailleurs pas entretenu plus de
relations avec Mona Simpson, la
sœur de Steve, que le couple avait
conçu lors d’un séjour en Syrie
avant leur séparation définitive.
Mais, dit-il au reporter qui l’interroge dans l’un des restaurants
des complexes qu’il dirige, Steve
lui avait quelquefois répondu ces
derniers temps. Un mot seulement : « Merci. »
Il ne sait plus pourquoi il a
envoyé, un jour, un premier courriel. « Sans doute parce que, lorsque j’ai su sa maladie, ça m’a touché. (…) Mais nous n’avions aucun
contact. Si j’avais dû lui parler, je
n’aurais pas su quoi lui dire. »
Ressemblance
Devenue écrivain, Mona, la
sœur de Steve Jobs, a intitulé l’un
de ses romans, publié en 1993 :
The Lost Father (« le père perdu »).
Le fondateur d’Apple, lui, n’a
jamais fait publiquement référence à lui, pas même sous forme
d’allégorie. Sur les photos de jeunesse, Steve Jobs ressemble cependant énormément à l’homme qui
l’a engendré.
Personne, dans la famille, n’a
prévenu M. Jandali de sa disparition. Il l’a appris incidemment,
mercredi 5 octobre, lorsqu’un de
ses employés est entré dans son
bureau et l’en a informé. Ce ne fut
« pas un choc », tant il s’y était préparé. Mais il dit avoir tenté, exceptionnellement, de joindre sa fille,
Mona Simpson, qui n’a pas rappelé. « C’est son droit », admet-il.
Abdulfattah Jandali utilise un
iPhone 4. Il dit avoir commencé
de ne jurer que par Apple très
longtemps avant de savoir qu’il
était le père du « génie » qui l’a
inventé. p
Sylvain Cypel
(New York, correspondant)
Les indégivrables Xavier Gorce
La Société hydroélectrique du Midi (SHEM), filiale de GDF Suez, exploite quatre barrages
dans la vallée d’Ossau, dont celui de Fabrèges. GUILLAUME BONNAUD/« SUD OUEST »
Vallée d’Ossau
Envoyé spécial
T
out sourire sur le perron
ombragé de la mairie de
Laruns
(Pyrénées-Atlantiques), où il est entouré du maire Robert Casadebaig et du
député 100 % bayrouiste Jean
Lassalle, Gérard Mestrallet pose pour la
photo qui sera publiée le lendemain dans
La République des Pyrénées. Ce mardi
4 octobre, le PDG de GDF Suez est en campagne dans la vallée d’Ossau. Mais que
vient faire le patron de ce mastodonte de
l’énergie, qui pèse près de 85 milliards
d’euros de chiffre d’affaires, au fin fond de
cette vallée verdoyante ? Soustraire à l’appétit de ses concurrents – EDF et de grands
hydrauliciens européens – une petite
concession appartenant depuis 1929 à
une de ses filiales, la Société hydroélectrique du Midi (SHEM).
« C’est un petit bijou de technologie, de
savoir-faire et d’ancrage dans le territoire », dit-il en sirotant une bière belge, attablé dans un restaurant local. Une question l’irrite depuis de longs mois : pour-
«Les barrages hydroélectriques,
c’estune de nos seules richesses
etelle a au moins l’avantage
de ne pas être délocalisable»
Robert Casadebaig
maire de Laruns (Pyrénées-Atlantiques)
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quoi cette concession, qui produit
230 mégawatts (MW), est-elle « la première à être soumise à la concurrence » ? Et
non pas une de celles d’EDF, qui accapare
plus de 80 % de la production hydroélectrique française ?
Le petit monde de l’hydroélectricité
était jusqu’à présent un long fleuve tranquille. Lors des rares renouvellements de
concessions, l’Etat accordait la priorité à
l’exploitant du moment, le plus souvent
EDF. Cet acteur écrasant n’a laissé qu’une
portion congrue (17 %) aux seconds rôles,
la Compagnie nationale du Rhône (CNR)
et la SHEM, absorbées par GDF Suez. Jusqu’àce que le gouvernement – sous la pression de la Commission européenne – ne
soit obligé de lancer en avril 2010 le processus d’ouverture à la concurrence dans dix
vallées des Alpes, des Pyrénées et du Massif central. Avec 5 300 MW, c’est 20 % de la
puissance hydraulique qui sera ainsi remise sur le marché à l’horizon 2015, avant
que les 20 000 MW restants ne le soient
dans les années suivantes.
Cesouvrages, amortis depuis belle lurette et fonctionnant grâce à une « houille
blanche » gratuite, sont des « machines à
sous » où l’on gagne presque à tous les
coups. Les centrales hydroélectriques
sont lancées en période de pointe de la
consommation, quand l’électricité est chère, alors que le coût du kilowattheure
(kWh) produit est le moins cher (avec celui
de la géothermie). Il devance même le
nucléaire.
Gérard Mestrallet ne veut pas perdre le
« petit bijou » d’Ossau. Ni les 19 barrages au
fil de l’eau de la CNR, qui jalonnent le cours
du Rhône. Il a même l’ambition d’en prendre à son meilleur ennemi, Henri Proglio,
le PDG d’EDF. « Nous avons aujourd’hui
3 800 MW, nous voulons accroître notre
portefeuille de 1 500 à 2 000 MW à l’horizon 2016. L’équivalent d’un réacteur
nucléaire EPR de troisième génération »,
annonce-t-il. Des capacités qu’il faudra
bien prendre à son grand concurrent qui,
lui non plus, ne veut rien lâcher !
Pour l’heure, le patron de GDF Suez
déploie les grands moyens et les petites
attentions. Il n’est pas homme à laisser les
choses au hasard. Et le choix de FontRomeu (Pyrénées-Orientales) pourla vingtième édition du Raid GDF Suez, qui a réuni du 15 au 18 septembre les sportifs « maison » venus du monde entier, ne doit rien
au hasard. Le groupe exploite un petit barrage tout proche, dans la vallée de la Têt, et
Gérard Mestrallet voulait montrer l’ancrage local du groupe. Il en a même profité
pour réunir les édiles politiques et les élus
des chambres consulaires (agriculture,
commerce…) autour d’un débat public sur
l’énergie.
Rien ne vaut le contact avec les maires et
les conseillers généraux ou régionaux, qui
pèseront à chaque fois que le gouvernement devra décider le maintien ou le remplacement de l’ancien exploitant. Chaque
mot est pesé. Et quand Gérard Mestrallet
parle au maire de Laruns d’« ancrage territorial », le cœur de l’élu ne fait qu’un bond
dans ce bout de France où l’on se bat jour
après jour pour sauver les emplois et les
services publics. « Une petite usine, un collège…, égraine Jean Lassalle. La vie, quoi. »
Lui,qui afait une grève de la faim mémorable, au printemps 2006, pour sauver l’usine Toyal dans la vallée d’Aspe, le sait.
M
ais les « petits maires » ne s’en
laissent pas conter. Il faut les
séduire, jouer la proximité, afficher un bon bilan. Apporter un plus pour
qu’ils puissent ensuite plaider la cause du
mieux-disant. « J’ai vu passer de nombreux candidats, raconte Robert Casadebaig, les Suisses, les Norvégiens, les
Suédois… Ah, j’oubliais les Allemands ! » Le
maire de Laruns se dit ouvert à de nouveaux arrivants, avant de laisser tomber
duhaut duperron de sa mairie, un brin ironique, cet avertissement de bon sens :
« Nous, nous savons avec qui nous sommes
mariés. On sait ce qu’on peut perdre, on ne
sait pas ce qu’on peut gagner. »
Ce qu’il peut perdre, ce n’est pas la trentaine d’emplois dans les usines et barrages de la vallée ; leur production annuelle
peut assurer la consommation d’une ville comme Bordeaux et ils continueront
de produire de l’électricité. Mais qui sait
si un nouveau concessionnaire ne préférera pas sous-traiter la maintenance des
usines hydroélectriques de la SHEM,
aujourd’hui assurée par un atelier intégré de 46 salariés ? Gérard Mestrallet en a
fait le tour en se voulant rassurant. Et la
presse a renvoyé de sa visite un écho qui a
dû sonner doucement à ses oreilles : « Un
patron du CAC 40 accro à l’électricité de
l’Ossau », écrivait le lendemain L’Eclair en
manchette.
Presque tous les candidats à la reprise
des concessions des dix vallées sont « de
grands hydrauliciens », comme on dit
dans le milieu : l’allemand E.ON, l’italien
Enel, le suisse Alpiq, le suédois Vattenfall,
le norvégien Statkraft… « Cela se jouera sur
le partenariat, l’accompagnement, dit le
maire de Laruns. Les barrages hydroélectriques, c’est une de nos seules richesses et elle
aau moins l’avantage dene pas être délocalisable. » Mais qu’est-ce que le patron de
GDF Suez lui a proposé ? « Oh, rien de précis. On a parlé développement du territoire », répond-t-il.
La pression des riverains, les critiques
des écologistes et les exigences des élus
locaux ont changé la donne. Tout est bon
pour créer des activités, pourvu qu’elles
soient respectueuses de l’environnement.
L’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) affirme qu’elle sera « vigilante » sur l’engagement des groupes
d’énergie, convaincue qu’un bon partage
des usages de l’eau entre la production
d’électricité, l’irrigation agricole, la pêche
et les sports aquatiques est un facteur de
développement économique durable.
L
e gouvernement a décidé que les
élus concernés participeront à l’élaboration du cahier des charges qui
sera soumis aux concessionnaires. Parmi
les exigences déjà formulées, on note que
l’Etat imposera une augmentation de 10 %
de la puissance produite. Ce qui contribuera à permettre à la France d’atteindre l’objectif de 23 % d’énergie renouvelable en
2020.
En attendant, EDF et GDF Suez se livrent
à une concurrence aussi farouche que discrète.Laguerre desdeux géantsa commencé, début 2011, sur les bords de la Dordogne, où 1 650 MW exploités par EDF sont
remis en jeu. Henri Proglio et Gérard Mestrallet sont allés au-devant des élus. Sans
oublierde courtiser le premierd’entre eux,
François Hollande, qui préside le conseil
général de Corrèze. C’est bilan contre bilan.
GDF Suez met en avant ses succès à la CNR
et à la SHEM, notamment l’intégration
sociale réussie de salariés d’EDF et son souci de développement durable.
Henri Proglio rappelle que son groupe
est numéro cinq mondial du secteur et
qu’il a de grandes ambitions à l’international, comme le prouve la construction
du barrage de Nam Theun, au Laos. Obnubilé par la culture productiviste de ses
ingénieurs, EDF a longtemps négligé les
gisements d’activité et d’emplois qui existent en amont et en aval de ses quelque
400 barrages. Et parfois même l’entretien. Le groupe a dû lancer, en 2007, un
plan SuperHydro (560 millions d’euros)
pour rénover des ouvrages vieillissants,
voire dangereux.
La guerre des barrages ne se livrera pas
seulement entre EDF et GDF Suez. On voit
mal – Gerard Mestrallet le reconnaît luimême – comment Paris pourrait refuser
l’entrée d’un grand groupe européen.
Pour le gouvernement, l’enjeu politique
est mince : l’Etat n’aura pas à prendre ses
décisions avant 2014-2015, bien après
l’élection présidentielle. p
Jean-Michel Bezat
0123
Mercredi 12 octobre 2011
international
3
Les coptes imputent à l’armée le carnage duCaire
Selon les familles des victimes, les militaires ont délibérément réprimé dans le sang la manifestation du 9 octobre
Reportage
La minorité chrétienne la
plus forte du Moyen-Orient
Le Caire
Correspondance
Le nombre de coptes en Egypte
est estimé à 7 millions de fidèles,
soit 10 % de la population égyptienne. Ils constituent la plus
importante minorité chrétienne
dans le Moyen-Orient. Près de
90 % d’entre eux suivent le rite
orthodoxe, sous la tutelle du
pape Chenouda III. Il existe aussi
une petite communauté catholique et une autre protestante,
avec 200 000 fidèles chacune.
A
ssises sur le bord du trottoir,
des femmes vêtues de noir
crient leur douleur, effondrées sur des cercueils qui luisent
au soleil devant les grilles de l’hôpital copte du Caire. A même le bois
lustré,desfeuillesdepapiergrossièrementscotchéesindiquentaufeutre noir le nom des victimes tombées lors des affrontements entre
coptes et forces de l’ordre qui ont
fait 24 morts et 329 blessés, selon le
ministère de la santé, dans la nuit
de dimanche 9 à lundi 10 octobre.
Au lendemain de ces émeutes
meurtrières, de petits groupes se
fraient un chemin entre les voitures calcinées qui jonchent la rue
Ramsès, jusqu’aux grilles de cet
hôpital du centre-ville, sous les
regards attentifs des officiers de la
sécurité centrale, déployés aux
alentours. Certains viennent chercher le corps de leurs proches,
d’autres identifier un cadavre ou
simplement manifester leur solidarité aux victimes et leur angoisse.
« Tantaoui terroriste ! »
«Notre fils est mort ! Notre fils est
mort, pourquoi ? », hurle une mère
agenouillée devant le cercueil de
son fils. « Tais toi, tu nous fais honte, il est mort en martyr ! », la
rabroue un homme. Au milieu des
plaintes déchirantes, des jeunes
brandissent des crucifix, découvrant des bras tatoués de Sainte
Vierge et de croix. Ils conspuent le
maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, le chef du Conseil supérieur
des forces armées (CSFA), qui dirige
le pays par intérim depuis la chute
du président Hosni Moubarak, en
février. « Tantaoui terroriste, Tantaoui salafiste !»
Ilestà peine 11heures etunefoule compacte se presse déjà au portail de l’hôpital, brandissant des
téléphones portables et des appareils photo. A l’accueil, une jeune
femme voilée rassure les journalistessurla nature destraumatismes:
Rassemblement d’Egyptiens, lundi 10 octobre, lors des funérailles des coptes tués dans les heurts avec la police, dimanche, au Caire. MAHMUD HAMS
« Essentiellement des blessures
superficielles et des fractures. »
Dans son dos, une infirmière arborant une croix autour du cou fait la
moue et hausse les sourcils : « Blessures à la tête, visages écrasés
méconnaissables, cadavres impossibles à identifier, cerveaux rapportés dans des mouchoirs », chuchote-t-elle en désignant du menton
le local dévolu à la morgue. Sept
corps ygisent sous des drapshumides, dans des sacs plastique emplis
de glace. Plusieurs reposent à
même le sol dans des flaques de
sang séché. Les visages sont tuméfiés et pour certains complètement écrasés.
Thérèse Qallin est venue voir le
cadavre de son neveu. « Son cerveau est sorti de sa tête, ses bras et
«Dissensions religieuses
et manipulation politique»
Entretien
Le Caire
Correspondance
Célèbre militant de gauche, le
pédiatre Alaa Shukrallah est membre de l’Initiative égyptienne
contre les discriminations, ONG de
défense des droits de l’homme.
Pourquoi cette recrudescence
des violences communautaires
dans l’Egypte post-Moubarak ?
On peut parler à la fois de violences spontanées et de manipulation
politique. Les dissensions entre
chrétiens et musulmans existent
depuis longtemps et l’angoisse des
coptes augmente dans un contexte
d’insécurité généralisée. Cela fait
près de quarante ans que le régime
égyptien attise les sentiments sectaires, au moment où un discours
islamiste fondamentaliste se
répand dans la région. Mais les faits
prouvent que cette violence est aussi organisée, alors que la révolution
a été un mouvement spontané.
Pourquoi les généraux au pouvoir auraient-ils intérêt à déstabiliser le pays ?
Des forces au sein de la clique au
pouvoir utilisent de tels incidents
pour casser le mouvement révolutionnaire, qui n’est pas satisfait par
le processus actuel et demande
plus de réformes. Ces affrontements peuvent être exploités pour
diviser la rue égyptienne et pousser
le jeune musulman moyen à soutenir une reprise en main des activi-
tés politiques par les forces de l’ordre. Des gouvernements étrangers
ont aussi un intérêt à ce que le chaos se répande, notamment l’Arabie
saoudite. Celle-ci finance à coups
de millions de livres égyptiennes
des groupes salafistes ouvertement
hostiles aux coptes, qui ont participé aux affrontements.
ses mains sont complètement cassés et son torse est en lambeaux. Il
avait 40 ans. Il s’appelle Ayman
Sabri. Notez ! Notez ! Photographiez ! Les médias de ce pays nous
ignorent! », dénonce-t-elle.
A la demande de nombreuses
familles, des autopsies sont pratiquées sur 14 corps, qui aboutiront à
lafindelajournéeàunconstataccablant:3mortspardesrafalesdeballes et 11 par écrasement sous des
chenilles de blindés.
Par-delà les lamentations, les
témoignages se recoupent pour
accuser l’armée égyptienne
d’avoir perpétré un crime organisé
contre des manifestants pacifiques, venus demander une protection renforcée de la police et de la
justice ainsi que l’instauration
d’une loi qui leur permette de
construire des églises sans autorisation présidentielle. Les vidéos
qui circulent sur les réseaux
sociaux montrent des blindés fonçant sur la foule, des corps troués
de balles ou égorgés. Plusieurs personnes affirment avoir vu desmilitaires jeter des cadavres dans le Nil.
Condoléances de l’armée
«C’était une manifestationpacifique », assure Azza, qui a rejoint le
cortège dimanche vers 17 heures.
« Les gens ne savaient même pas
renvoyer une grenade lacrymogène. L’armée a laissé les manifestants se positionner devant l’immeuble de la télévision d’Etat, et
puis les a assaillis de toutes parts.
Elle a tiré dans le tas, et des chars
Morgan
Sportès
Lutter contre les discriminations anticoptes doit-il être une
priorité ?
C’est urgent. Il faut les autoriser
à construire des églises sans avoir
besoin d’un décret présidentiel,
supprimer la mention de la religion sur les cartes d’identité, qui
est une source de discrimination
dans l’accès à l’emploi. Rétablir aussi une réciprocité dans les conversions (les chrétiens peuvent se
convertir à l’islam, mais l’inverse
est interdit par la loi). Seule une
démocratie véritable peut nous
permettre d’échapper à la violence
communautaire.
Quel rôle joue l’Eglise copte ?
Le pape Chenouda a toujours
recherché la protection du régime
en place. Lors de la révolution, il
n’a pas pris position en faveur des
révolutionnaires, et les coptes
n’étaient pas présents en masse
dans les manifestations, contrairement aux chrétiens anglicans.
Mais Moubarak jouait un jeu pervers qui consistait à se présenter
comme le protecteur des coptes
tout en attisant la violence sectaire
quand il se sentait menacé. p
Propos recueillis par C. T.
ont roulé sur les gens », continue-t-elle, dans un sanglot.
D’aprèslestémoins,lesmanifestants auraient d’abord été la cible
de jets de pierres au cours de leur
marche à travers le centre-ville,
depuis la corniche du Nil jusqu’au
siège de la télévision d’Etat (Maspero), devant lequel ils se sont installésvers 16 h30. Dépasséepar l’affluence, l’armée aurait attaqué le
sit-in vers 18 heures, rejointe plus
tard par des policiers en civil et
environ 3 000 baltagiya (« hommes de main ») arrivés du quartier
de Boulaq, situé derrière Maspero.
Ces derniers se sont ensuite éparpillés dans la ville, molestant des
coptes avec, semble-t-il, la complicité des militaires.
Hani Bushra, un copte de natio-
nalité américaine, pris à partie
dimanche soir par un groupe de
30 personnes prêtes à le lyncher,
affirme avoir vu l’armée collaborer
avec des groupes de baltagiya qui
arrêtaient des coptes pour les frapper en criant : « Chrétiens, où êtesvous ? L’islam est là !»
Rompant un pesant silence, le
CSFA a présenté, lundi, ses condoléances aux familles des victimes
tout en imputant la responsabilité
des événements – qui auraientcausé la mort de 3 militaires – à des
« fauteurs de troubles non identifiés ». « Nous refuserons toujours
de répondre à de telles provocations visant à semer la discorde
entre l’armée et le peuple », dit le
communiqué officiel, diffusé à la
télévision nationale. Le cabinet du
premier ministre a également été
chargéde mettre sur pied unecommission d’enquête.
Les coptes du mouvement Masperoréclamentaujourd’hui l’arrestation des officiers responsables de
l’attaque. Mais ils se heurtent à l’incrédulité d’une large partie de la
population, peu encline à mettre
l’arméeencause.Surlafoid’unsondageréalisélundidanslecentre-ville, le quotidien indépendant
Al-Masry Al-Youm écrivait que
« l’honorable citoyen égyptien »
attribue la responsabilité des violences de préférence à « des caciques de l’ancien régime » et à « des
mains étrangères ». Ou aux coptes
eux-mêmes. p
Claire Talon
« Brut, factuel, intelligent et saisissant.»
Philippe Labro, Le Figaro
«Ce roman est vivement recommandé
aux amateurs de littérature comme
à tous les citoyens.»
Benoît Duteurtre, Marianne
« Comme pour le Titanic, on a beau
connaître la fin, on tourne les pages
de Tout, tout de suite, hypnotisé.»
Jérôme Dupuis, L’Express
«À travers ce livre, le regard
d’Ilan Halimi a trouvé le mien,
et il m’a touché aux larmes.»
Didier Decoin, Le Monde des livres
«Morgan Sportès ne porte pas
de jugement. Mais son terrible
récit est éloquent.»
SÉLECTION :
Bernard Pivot, Le Journal du Dimanche
PRIX GONCOURT
PRIX RENAUDOT
PRIX INTERALLIÉ
« C’est un devoir de lire ce livre.»
Natacha Polony, On n’est pas couché
fayard
4
0123
international
Mercredi 12 octobre 2011
Attentat du souk
duCaire en 2009:
l’enquête piétine
L’assassinat de Mechaal Tamo met
à l’épreuve la retenue des Kurdes de Syrie
La justice française s’inquiète de l’impact
du «printemps arabe» sur la lutte antiterroriste
L
L
e printemps arabe va-t-il
contribuer à améliorer la coopération antiterroriste internationale ou, au contraire, la faire
reculer ? Cette interrogation transparaît dans plusieurs dossiers instruits en France et notamment
dans l’enquête sur l’attentat à la
grenade du Caire, le 22 février
2009, qui a coûté la vie à une Française de 17 ans, en balade dans le
Khan Al-Khalili, le plus touristique
des souks égyptiens.
Dans les jours qui suivirent, la
sécurité d’Etat arrêtait sept personnes, dont une Française d’origine
albanaise, Dude Hoxha. Après
avoir été interrogée et torturée,
selon ses avocats, elle avait été
expulsée vers la France le 10 mars
2010. La justice française, saisie de
l’attentat,a poursuivi les investigations confiées à la Direction centrale du renseignement intérieur
(DCRI). Le 10 novembre 2010,
Mme Hoxha était de nouveau placée en détention puis mise en examen pour « financement d’un
réseau terroriste et association de
malfaiteurs ».
Selon les enquêteurs, elle aurait
agi pour Khaled Moustapha et
Ahmed Sediq, deux Egyptiens
soupçonnés d’être les chefs d’un
groupuscule djihadiste connu
sous le nom de Jaish Al-Islam (L’Armée de l’islam) opérant entre la
bande de Gaza et l’Egypte. Jamais
arrêtés par la police égyptienne, ils
seraient toujours en Egypte.
Créé en avril 2006 dans la bande de Gaza par Momtaz Doghmush et fort d’une centaine de
membres, selon les archives d’Interpol, ce groupe revendique alors
son affiliation à la mouvance
Al-Qaida sans pour autant en faire
véritablement partie, faute d’activité réelle et surtout à cause de la
forte opposition sur le terrain des
forces du Hamas.
Le 17 juin 2008, le frère de Momtaz est tué par l’armée israélienne
et le groupe perd dans le même
temps la protection et le financement du clan familial. L’Armée de
l’islam se serait alors exilée au Caire où elle aurait confié sa destinée
à Khaled Moustapha et Ahmed
Sediq qui vont tenter de relancer
les activités du groupe.
D’après les autorités françaises,
Mme Hoxha aurait été enrôlée, par
le biais du site de discussion sur
Depuis le début du soulèvement, cette minorité et le régime Assad se ménagent mutuellement
Internet Paltalk, par Khaled Moustapha. Elle vivait au Caire depuis
2005 et aurait hébergé des sympathisants de ce mouvement dans
son appartement dans la capitale
égyptienne. Par ailleurs, elle aurait
transmis au chef de L’armée de l’islamdes fondsestimés à 10000dollars (7 400 euros).
Face aux enquêteurs, elle a
admis avoir reçu cette somme
mais affirme l’avoir dilapidée. Par
ailleurs, si elle reconnaît son adhésion au « djihad défensif », elle
dément avoir su que cet argent
aurait servi à financer un groupe
terroriste et à préparer un attentat.
Enfin, elle nie avoir participé à l’approvisionnement en arme de cette
cellule islamiste.Pour éclairer son
rôle, la justice française a adressé,
le 10 juillet 2009, une commission
rogatoire internationale aux autorités égyptiennes. A ce jour, selon
le parquet de Paris, cette demande,
renouvelée au printemps 2011, est
toujours sans réponse.
Filières de recrutement
Les enquêteurs souhaitent,
notamment, approfondir leur
connaissance de filières de recrutement entre la France et l’Egypte. Le
parcours de Dude Hoxha illustre
en effet les modes d’organisation
d’une certaine mouvance islamiste radicale. Dans ses déclarations
devant la justice française, elle
explique avoir été convaincue, en
1998, de se rendre en Egypte et de
participer à des collectes de fonds
par un imam prônant le djihad.
«On constate dans de nombreux
dossiers, explique une source au
siège d’Interpol, à Lyon, qu’il existe
des liens anciens et constants entre
le milieu islamiste radical au Caire
et les banlieues parisienne et lyonnaise. » Le constat est identique à la
DCRI où certains craignent que les
révolutions arabes ne favorisent
pas, comme, on aurait pu le penser, la lutte contre le terrorisme.
L’un des avocats de Mme Hoxha,
e
M Pascal Garbarini, qui a déposé
une demande de remise en liberté
mardi 11 octobre, s’indigne de cette
situation. « Il est surprenant que
l’Egypte l’ait libérée et que la France la maintienne en détention pour
des faits non établis. Nous faisons
les frais des dysfonctionnements
de la coopération judiciaire. » p
Jacques Follorou
’assassinat de Mechaal Tamo,
un responsable politique kurde très engagé dans la révolution syrienne, marque-t-il un tournant dans la mobilisation contre le
régime de Bachar Al-Assad, qui
craint cette communauté de 3 millionsdepersonnes(10% delapopulation) très organisée ? L’annonce
de la mort de M. Tamo, tué par des
inconnus, vendredi 7 octobre à
Kamechliyé (nord-est), a immédiatement entraîné des manifestations. Samedi, 50 000 personnes
ont assisté à ses funérailles à
Kamechliyé, au cours desquelles
deux manifestants ont été tués.
Dimanche, les manifestations se
sont étendues à Derbassiyeh, Malikiyeh et Amouda, où une statue
géante de Hafez Al-Assad, le père de
l’actuel chef de l'Etat, a été saccagée.
Au même moment, des manifestants kurdes s’en prenaient aux
ambassades de Syrie à Vienne, Berlin et Genève, hissant même le drapeau kurde à Londres.
Malgré cette flambée de violence, le pouvoir syrien, qui nie toute
responsabilité dans l’assassinat de
M. Tamo, a fait preuve d’une retenue remarquable au regard de la
violence déployée ailleurs. Depuis
le début des troubles, le 15 mars, il
ménage la communauté kurde,
qu’iladurementmatéedansunpassérécent,notammenten2004,lorsqu’un soulèvement avait été réprimé dans le sang et l’indifférence.
Cette prudence s’explique par le
fait que la douzaine de partis kurdes disposent de militants disciplinés et de relais extérieurs, en Irak
ouenTurquie. Ainsi,l’Uniondémocratique (PYD), le plus organisé et le
plus important des partis kurdes
syriens, est proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) turc,
un mouvement armé interdit, en
guerre contre Ankara. Un millier de
Kurdes syriens seraient présents
dans la principale base du PKK, qui
compte 3 000hommes dans le djebel Al-Qandil, au nord du Kurdistan irakien. Leur retour au pays
mettrait en difficulté l’armée
syrienne, minée par les désertions
et épuisée par les protestations.
Zones de peuplement kurde
TURQUIE
Kamechliyé
Amouda
Derbassiyeh
Alep
Malikiyeh
SYRIE
Homs
L I BA N
Damas
IRAK
Deraa
J O R DA N I E
150 km
ARABIE
SAO U D I T E
Mais pour l’instant, le PYD et les
autres formations kurdes ont décidé de ne pas entrer en conflit
ouvert avec le régime. « Le PYD n’a
aucune sympathie pour ce régime
basé sur le nationalisme arabe, analyse Ignace Leverrier, ancien diplomate. Mais il le sait affaibli et cherche à en tirer le maximum avant
qu’il ne tombe. » Le PYD n’a pas
oublié que la Syrie a livré Abdullah
Öcalan, le chef du PKK, à la Turquie
en 1998, mais la méfiance à l’égard
du reste de l’opposition, dominée
ccélér
L
e chef d’état-major de l’armée israélienne qui appelle
les ministres à voter contre le
premier d’entre eux, Benyamin
Nétanyahou; Shass, le parti ultra-
orthodoxe, qui menace de provoquer une crise gouvernementale;
la majorité des internes en médecine en instance de démissionner…
Décidément, le printemps social
ationetdécélérationparfaitementcontinues.
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par les islamistes et les nationalistes arabes, reste tenace.
Dès les premières semaines de
manifestations, le pouvoir, qui
prend garde à ne pas tirer à balles
réelles dans les villes kurdes, a
annoncé qu’il accorderait la nationalité aux quelque 300 000 Kurdessyriensprivésdepapiersd’identité. Le processus est en cours pour
60 000 d’entre eux. Plus étonnant,
legouvernementatolérél’ouverture par le PYD de trois centres culturels (à Alep, Kamechliyé et Malikiyeh) et de quatre écoles en langue
kurde. Inimaginable il y a peu.
Jeu régional complexe
La moitié des 640 militants du
PYDdétenus dans les geôles syriennes ont été libérés. Et le chef du
PYD, Salem Muslim, officiellement
recherché, est réapparu au grand
jour pour participer, le 17 septembre,àDamas,àuneréuniond’opposants tolérée par le régime. M.Muslim est devenu vice-président du
Comité national pour le changement démocratique, un regroupe-
ment d’opposants concurrents du
Conseil national syrien (CNS), qui a
la faveur des Occidentaux. Des partis kurdes sont membres du CNS,
pas en leur nom propre mais via la
déclaration de Damas, signée en
2005 par plusieurs formations
d’opposition. C’était le cas de
Mechaal Tamo, un franc-tireur
plus populaire auprès des jeunes
manifestants kurdes que sur la scène politique où il ne pouvait s’appuyer sur un parti important.
LeComité national pour le changement démocratique, lui, demande le démantèlement de l’appareil
répressif mais pas le départ du président Assad. Cette position reste-t-elle tenable après l’assassinat
de M. Tamo ? Cela dépendra de la
ruekurde,maisaussid’unjeurégional complexe auquel se mêlent
l’Iran, l’Irak, dont les chefs kurdes
ne veulent pas mettre en péril leurs
acquis en s’impliquant dans l’aventure syrienne, et la Turquie, hostile
à Bachar Al-Assad mais plus encore
à un réveil kurde à ses frontières. p
Christophe Ayad
Le chef de l’armée israélienne «vote» contre M.Nétanyahou
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Quelque 50 000 Kurdes ont assisté, le 7 octobre, à Kamechliyé, aux
obsèques de Mechaal Tamo, responsable politique assassiné. REUTERS
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métallisée. Cycle mixte (l/100 km) : 4,3. Rejets de CO2 (g/km) : 112. Das Auto : La Voiture.
israélien n’a pas pris fin avec le
démantèlement du camp de tentes du boulevard Rothschild de TelAviv, le 3octobre.
Stricto sensu, le premier ministre a remporté une victoire :
dimanche 9 octobre, seuls 8 ministres se sont prononcés contre
l’adoption du rapport Trajtenberg, censé constituer la réponse
politique à la révolte de la classe
moyenne et des étudiants contre
la vie chère, entamée à la
mi-juillet. Si 21 ministres ont finalement apporté leur soutien à
M.Nétanyahou, ce succès laissera
des traces. Et d’abord dans les relations entre ce dernier et le général
Benny Gantz, patron de l’armée.
Car le rapport Trajtenberg est
financé par une ponction annuelle de 3milliards de shekels (environ 600 millions d’euros) sur les
crédits militaires, un budget quasi
sacro-saint en Israël. Alors dimanche, le ministre de la défense,
Ehoud Barak, est venu au conseil
des ministres flanqué du général
Gantz, lequel a joué son rôle, enjoignant chacun de voter contre
M.Nétanyahou. En substance: vu
l’accumulation de menaces au Proche-Orient, il serait irresponsable
de baisser la garde en réduisant
les crédits militaires.
« Personne ne sait ce qui va se
passer demain. Vous voulez que
nous nous préparions pour le scénario du pire ? Où voulez-vous que
nous fassions des économies ? Sur
Iron Dome ? », a lancé le général,
faisant référence au système anti-
missile destiné à détruire les
roquettes du Hamas et du Hezbollah. Et M.Barak d’enfoncer le clou :
« Rappelez-vous la guerre du Kippour en 1973, et la seconde guerre
du Liban en 2006. Des coupes budgétaires drastiques avaient été opérées sans discernement. » M.Barak
exagérait un peu : si Tsahal avait
été mal préparée pour ces deux
conflits, c’est surtout à cause
d’une faillite du renseignement.
Un premier pas
M.Nétanyahou est resté impavide. Il s’était assuré le soutien des
cinq ministres d’Israël Beitenou,
le parti ultranationaliste du ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, grâce à une poignée de cadeaux politiques. Ce faisant, il a pris le risque de s’aliéner
le soutien des quatre ministres de
Shass. Pour autant, même si les
chefs étudiants rejettent le rapport Trajtenberg en exigeant un
« vrai budget social», ce vote est
un premier pas.
M.Nétanyahou agit dans l’urgence: lundi soir, après des atermoiements, il a recommandé que
des augmentations de salaire
soient consenties aux jeunes
médecins. Sans être sûr que ce soit
suffisant pour éteindre cet autre
foyer du printemps social : quelque 700internes des hôpitaux,
mécontents de leur rémunération, avaient symboliquement
démissionné dans la journée… p
Laurent Zecchini
(Jérusalem, correspondant)
0123
international
Mercredi 12 octobre 2011
La perestroïka birmane se confirme par
la remise en liberté de 6300 prisonniers
La Birmanie connaît actuellement un vent de réforme qui pourrait changer la nature du régime
Bangkok
Envoyé spécial
D
epuis des semaines, la
rumeur courait dans Rangoun que le gouvernement
birmanpourrait élargir les quelque
2 100 prisonniers politiques détenus sous l’« ancien régime », avant
que la junte au pouvoir s’autodissolve en mars pour laisser la place à
un gouvernement civil dominé par
d’anciens militaires.
Mardi 11 octobre, la télévision
d’Etat birmane a annoncé la libération, à partir de mercredi – jour du
départ en Inde du président Thein
Sein pour sa première visite officielle à New Delhi –, de plus de
6 300 « prisonniers », sans préciser
si ce chiffre visait les seuls détenus politiques. Le régime a déjà
remis en liberté, dans le passé, des
prisonniers de droit commun en
fin de peine.
Quelques heures auparavant, la
Commission nationale pour les
droits de l’homme, mise en place
en septembre par le gouvernement, avait réclamé, dans un quotidien officiel, la libération des « prisonniers de conscience » afin de
répondre aux appels de la communautéinternationale.Lundi,desresponsables
gouvernementaux
avaient indiqué à l’Agence FrancePresse qu’une amnistie incluant
des prisonniers politiques aurait
lieu dans les jours suivants.
Cette annonce semble acter la
réalité d’un processus de libéralisation dont le rythme s’accélère. Au
mois d’août, le président de la
République et la chef de l’opposi-
tion,Aung San Suu Kyi, se sont rencontrés. Plus tard, le président a
invité les exilés à revenir au pays.
Puis il a tendu la main en proposant l’ouverture d’un dialogue aux
chefs des mouvements de guérilla
des groupes ethniques en lutte
Un haut responsable
a évoqué un
assouplissement,
voire même
l’abolition pure et
simple de la censure
aux frontières. Le gouvernement a
ensuite annoncé la mise en place
d’une commission des droits de
l’homme. La semaine dernière, un
haut responsable a même évoqué
un assouplissement, voire l’abolition pure et simple de la censure.
Différentes mesures censées
préparer le terrain à des réformes
économiques plus larges, telle la
récente revalorisation des retraites, ont également été prises. La
libération des prisonniers constitue un point d’orgue de cette
ouverture politique.
Fin septembre, le gouvernementdeNaypyidaw, capitalepolitique de la Birmanie, a par ailleurs
prisunedécisionencoreinimaginable il y a quelques semaines : la suspensiondelaconstructiond’unbarrage hydroélectrique sur le fleuve
Irrawaddy par une compagnie
chinoise, sous prétexte que le projet était impopulaire.
Officiellement, les prisonniers
Taipeh et Pékin célèbrent
à part la révolution de 1911
Cent ans après, la Chine propose une
réunification, Taïwan une démocratisation
Hongkong
Correspondance
A
vingt-quatre heures près,
les deux rives de la mer de
Chine ont chacune salué
officiellement les 100 ans de la
révolution de 1911, qui a vu naître,
sous l’impulsion de Sun Yat-sen, la
République de Chine, « première
démocratie d’Asie ». L’occasion
pour les deux « nations » de souligner leur héritage commun.
Mais si le président chinois, Hu
Jintao, a appelé les deux rives à travailler ensemble à une « réunification pacifique», le président taïwanais, Ma Ying-jeou a, de son côté,
appelé la Chine continentale à
accepter l’existence de la République de Chine, nom officiel de
Taïwan. Pékin ne doit pas oublier
« les idéaux de notre père fondateur » et « s’engager pleinement
vers la liberté, la démocratie et la
juste répartition des richesses », a
déclaré, lundi 10octobre, à Taïwan,
le président Ma Ying-jeou. La veille,
le président chinois avait déclaré à
Pékin : « Réussir une réunification
pacifiqueservirait aumieuxlesintérêts fondamentaux de tous les
Chinois, y compris de nos compatriotes de Taïwan. »
Taïwan a d’abord servi de refuge
aux troupes de Tchang Kaï-chek à
la fin de la guerre civile, en 1949.
Mais si les nationalistes du Kuomintang ont fini par renoncer à
leur grand projet de reconquérir la
Chine, la Chine communiste n’a
jamais renoncé à réunifier sa «province rebelle » à la patrie chinoise
«par la force si nécessaire ».
En attendant, un rapprochement économique sans précédent
s’est amorcé depuis le retour du
Kuomintang au pouvoir à Taïwan
en 2008. Après huit ans de séparatisme (2000-2008) promu par le
président Chen Shui-bian, le Kuomintang a gagné les élections présidentielle et législatives avec un
projet d’apaisement avec Pékin. La
reprise de la croissance (plus de
10 % en 2010) est attribuée à la nouvelle intégration économique :
vols directs, afflux des investissements taïwanais en Chine continentale, accord de libre-échange,
nombre croissant d’hommes d’affaires taïwanais s’installant en
Chine…
Apaisement militarisé
Aujourd’hui,1,5milliondecontinentaux visitent chaque année
Taïwan. Outre les trésors du Musée
nationaldupalais,quiabrite lescollections impériales emportées par
Tchang Kaï-chek, nombreux sont
ceux qui s’émerveillent de ce qu’ils
voient à la télévision : des débats
politiquesvifs,descritiquesdugouvernement. Jamais, depuis 1949,
les deux peuples n’ont été autant
en contact. D’ici à 2020, la Chine
pourraitabsorber60%desexportations taïwanaises.
Reste qu’en appelant la Chine à
«prendre acte de l’existence factuelle de la République de Chine », « le
président Ma Ying-jou, tout Kuomintangqu’il soit, réaffirme qu’il ne
cédera pas sur la question de la souveraineté », observe le professeur
Jean-Pierre Cabestan, spécialiste de
Taïwan. L’apaisement entre les
deuxrives demeure cependant fortement militarisé, comme l’ont
rappelé les deux énormes commandes d’armement passées aux
Etats-Unis depuis 2010. Ma Yingjeou prépare en ce sens l’élection
présidentielle de janvier 2012. Il
devance pour le moment Tsai Ingwen, sa rivale, qui a choisi d’ignorer les célébrations du centenaire
de 1911. p
Florence de Changy
politiques n’existaient pas. Ce sont
des journalistes, des avocats, des
militants des droits de l’homme.
Certains sont détenus depuis le
mouvement démocratique de
1988 ou la révolte des moines, en
2007.
Leurlibérationpermettraitd’enclencher un processus menant à la
levée des sanctions économiques
imposées par les Etats-Unis et
l’Union européenne. Un observateurexpliquaitrécemmentauMonde à Rangoon qu’un «mécanisme »
devraitêtretrouvéparlegouvernement afin d’expliquer les raisons
de ce grand pardon. Et de déterminerquiseraientlespremiersbénéficiaires d’une mesure devant logiquement intervenir par étapes.
Le secrétaire d’Etat adjoint américain chargé de l’Asie orientale et
des pays du Pacifique, Kurt Campbell, a déclaré lundi à Bangkok au
cours d’une conférence que les
récentsdéveloppementsdelasitua-
tion au Myanmar – nom officiel de
la Birmanie – montraient les changements « spectaculaires » en
cours.
M. Campbell, qui a récemment
rencontré à Washington le nouveau ministre birman des affaires
étrangères, Wunna Maung Lwin, a
estimé que la nature du dialogue
entrele gouvernementetAung San
Suu Kyi était « de bonne tenue ». A
propos d’une éventuelle levée des
sanctions, il a dit que les Etats-Unis
« répondront par des mesures
appropriées en proportion des décisions prises » par le gouvernement
birman.
Nyan Win, porte-parole de la
Ligue nationale pour la démocratie
(NLD), la formation politique
d’Aung San Suu Kyi, a estimé pour
sa part, lundi, avoir bon espoir que
les centaines de membres du parti
encoresous lesverroussoientbientôt libres. p
Antoine Clapik
5
Royaume-Uni
Le gouvernement enquête
sur le ministre de la défense
LONDRES. La pression s’est accrue sur le ministre de la défense du gouvernement de David Cameron, lundi 10 octobre. Liam Fox est accusé
par la presse d’avoir laissé s’immiscer dans les affaires de l’Etat un ami
proche. Adam Werritty, qui fut le colocataire de M. Fox et son témoin de
mariage, aurait profité de ses liens avec le ministre de la défense pour
se faire passer pour son conseiller, carte de visite à l’appui. Devant la
Chambre des communes, M. Fox a reconnu que, depuis mai 2010, son
ami de longue date avait été présent « en marge » de 18 voyages à l’étranger et qu’il l’avait reçu 22 fois dans ses bureaux du ministère de la défense. M. Fox a présenté des excuses aux députés mais il leur a assuré
qu’Adam Werritty n’aurait tiré aucun profit matériel de ces nombreux
déplacements. C’est ce que doit déterminer un rapport diligenté par le
plus haut fonctionnaire britannique et secrétaire général permanent
du 10 Downing Street, Sir Gus O’Donnell. – (Corresp.) p
France-Palestine Mahmoud Abbas bientôt à Paris
BOGOTA. Le ministre palestinien des affaires étrangères, Ryad Al-Maliki, a annoncé, lundi 10 octobre, à Bogota, une réunion entre le président
palestinien Mahmoud Abbas et son homologue français Nicolas Sarkozy sur la demande d’adhésion d’un Etat de Palestine à l’ONU dans les
prochains jours. Il a indiqué que la rencontre aurait lieu « le 13 ou le 14 »
octobre. M. Abbas effectue une tournée internationale pour l’adhésion
de l’Etat palestinien aux Nations unies. – (AFP.)
Afghanistan Un rapport confirme la torture
des prisonniers
KABOUL. Les services de renseignement afghans torturent systématiquement leurs prisonniers dans certaines de leurs prisons, s’est alarmée, lundi 10 octobre, l’ONU dans un rapport. La mission de l’ONU en
Afghanistan indique avoir des « preuves » que les détenus y sont pendus par les poignets aux murs, frappés avec des câbles électriques ou
des bâtons pour obtenir des confessions et informations. – (AFP.)
6
0123
international & europe
Mercredi 12 octobre 2011
A la tête du Liberia, Le nouveau gouvernement danois
me
M Johnson-Sirleaf assouplit la politique d’immigration
Après dix ans de durcissement de la législation sur les étrangers, la nouvelle majorité de gauche
brigue un
supprime le permis à points pour le regroupement familial et le ministère de l’immigration
deuxième mandat
Stockholm
Correspondance
Auréolée du prix Nobel, la présidente est
contestée dans un pays ravagé par la pauvreté
S
’il est une qualité que même
ses quinzeadversaires à l’élection présidentielle de mardi
11 octobre attribuent unanimement à la présidente sortante,
Ellen Johnson-Sirleaf, c’est son
pragmatisme. Elle vient de le
confirmer au dernier jour d’une
campagne électorale qualifiée
d’« animée mais globalement pacifique » par l’organisation de défense des droits de l’homme américaine The Carter Center.
Auréolée par le prestige du prix
Nobel de la paix qui lui a été attribué le 7 octobre, aux côtés de deux
autres femmes, Mme Johnson-Sirleaf s’est bien gardée d’évoquer
une seule fois cet honneur durant
sesmeetings de campagne. La petite-fille d’un puissant chef coutumier connaît la vacuité de l’argument sur ses terres natales. Cette
diplômée de l’université américainede Harvard, âgée de 72 ans, préside un pays où « la moitié des électeurs sont illettrés, un tiers de la
population ne peut pas se nourrir
et vit dans une pauvreté abjecte »,
rappelle Charles Brumskine, l’un
des seize candidats à l’élection présidentielle. « Rien ne les intéresse
moins qu’un prix Nobel dont ils ne
savent même pas ce que c’est »,
résume-t-il. Pour lui, ce prix montre surtout « l’énorme décalage »
entre la façon dont la présidente
Les observateurs
annoncent un résultat
serré. Mais personne
ne s’avance à dire que
la présidente sortante
court à la défaite
est perçue à l’étranger et celle dont
elle l’est dans son propre pays.
Ce ne sont pas les propos de
campagne d’un candidat battu par
avance mais bien l’expression
d’un sentiment général. La course
présidentielle (organisée le même
jour que les scrutins législatifs et
sénatoriaux) se joue sur un autre
terrain, à des années-lumière de
l’enceinte confinée et policée du
comité Nobel de Stockholm. Un
terrain sur lequel la nouvelle
nobélisée pourrait bien retrouver
face à elle, au second tour prévu
pour le 8 novembre, Winston Tubman (70 ans), un ancien et austère
fonctionnaire international.
Egalement diplômé de Harvard, neveu du 19e président libérien William Tubman (1895-1971),
membre de l’élite dite des Américano-Libériensconstituée par les descendants des esclaves affranchis
aux Etats-Unis qui fondèrent le
Liberia en 1847, M. Tubman peut
compter sur la popularité de son
colistier, George Weah. L’ex-star
mondiale du football, conscient
que son statut d’autodidacte en
politique le handicapait, s’est mise
un peu en retrait après son échec
au second tour de la présidentielle
de 2005. Six ans plus tard, le ticket
Tubman-Weah promet de battre
Ellen Johnson-Sirleaf, ironisant
sur l’utilité électorale de son prix
Nobel : « un lot de consolation »
pour sa future défaite.
Les observateurs annoncent un
résultat serré. Pour autant, personne ne s’avance à dire que la présidente sortante court à la défaite.
Certes, ses adversaires peuvent
piocher à loisir dans le trou sans
fond des espoirs déçus des Libériens. Mais en 2005, Ellen JohnsonSirleaf, première femme jamais
élue présidente sur le continent
noir, a hérité d’un pays pulvérisé
par quatorze années de guerre civile (1989-2003) : 250 000 personnes tuées par les conflits (sur une
populationtotale de quelque 3millions d’habitants), des dizaines de
milliers de handicapés, des hordes
d’enfants soldats à resociabiliser,
des infrastructures ravagées, une
économie à genoux… « Je n’ai pas
de baguette magique », s’est défendue la « dame de fer » du Liberia
durant la campagne en appelant
les électeurs à la patience.
Et malgré cela, son bilan est loin
d’être négatif. Grâce à sa réputation de sérieux et de probité tirée
de ses années passées dans le circuit de grandes banques ou d’institutions internationales et à la tête
du ministère libérien des finances,
le pays a attiré 16 milliards de dollars (environ 12 milliards d’euros)
d’investissements étrangers au
cours des cinq dernières années,
notamment dans les secteurs des
mines et du pétrole.
Elle a obtenu l’effacement de
5 autres milliards de dollars de dette ; lancé les chantiers de construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux ; enregistrera une croissance
de 6,9 % du PIB en 2011 (supérieure à la moyenne des 5,2 % prévus
pour les pays d’Afrique subsaharienne). Et surtout, le pays
connaît la paix depuis maintenant huit années, même si les
experts s’inquiètent de l’insécurité dans l’Est, frontalier de la Côte
d’Ivoire. Tant de choses accomplies, donc, mais pas assez pour
que la vie des Libériens en ait été
radicalement changée.
Pour preuve, le pays n’a gagné,
depuis 2005, que deux places dans
l’indice des Nations unies pour le
développement humain et végète
toujours dans les tréfonds de ce
classement (162e sur 169). « Nous
sommes maintenant capables de
créer 20 000 emplois par an », a
promis Ellen Johnson-Sirleaf,
alors que seuls 15 % de la population disposent formellement d’un
emploi. p
Christophe Châtelot
LIBERIA
SIERRA
L EO N E
GU I N É E
Voinjama
Sanniquellie
Gbarnga
CÔTE
D ' I VO I R E
Monrovia
Buchanan
Zwedru
Greenville
Harper
OCÉAN ATLANTIQUE
150 km
Chef
de l'Etat
Ellen
Johnson-Sirleaf
Superficie
111 000 km2
Population
(hab.)
3,7 millions
Croissance
5,1 %
IDH
0,3
(162e rang)
Ressources Production agricole
(77 % du PIB)
Minerai de fer
Minerai d’or
Bois hévéa
Diamant
Pétrole
Cuivre
SOURCE : CIA - The World Factbook
L
e nouveau gouvernement
danois, dirigé par la socialedémocrate Helle ThorningSchmidt et issu, lundi 3 octobre, de
la victoire de la gauche aux élections législatives du 15 septembre,
commence à prendre des premières décisions qui vont dans le
même sens: celuid’un assouplissement de la politique d’immigration. Il s’agit d’un changement
radical, car pendant dix années
d’exercice du pouvoir par la droite, soutenue par l’extrême droite
et parfois par les sociaux-démocrates, le Danemark a adopté les
règles les plus strictes de l’Union
européenne.
« Auparavant, les étrangers
étaient vus comme une menace et
les fonctionnaires étaient entraînés à refuser les demandes de permis de séjour, explique au Monde
Liv Holm Andersen, porte-parole
sur l’intégration du Parti radical,
l’un des deux petits partis de la
nouvelle majorité de gauche qui a
imposé cette nouvelle orientation.Il nes’agit pas d’ouvrir lesfrontières en grand, mais désormais,
tout va changer. L’époque où l’extrême droite imposait le ton du
débat dans ce pays est révolue. »
Parmilesmesures prisesces derniers jours, certaines ont valeur de
symbole. C’est le cas de la suppression du ministère de l’immigration, dont les fonctionnaires
seront répartis entre ceux de la justice et des affaires sociales, de la
simplification et de la transparence des critères pour la demande de
permis de séjour, de citoyenneté et
de regroupement familial, de
l’abandon du rétablissement des
contrôles aux frontières, tel qu’il
avait été imposé ce printemps par
l’extrême droite.
Le système de permis à points
pour le regroupement familial, qui
excluait les gens sans formation
supérieure et, de facto, de nombreux étrangers de pays ciblés, est
supprimé. C’est ce texte qui avait
commencé à faire basculer l’opinion et le Parti social-démocrate
l’an dernier. Autres décisions à forte valeur symbolique, l’abrogation
du terme de « ghettos », lancé officiellement pour traiter en priorité
certains quartiers difficiles, et la
nomination au poste de ministre
de l’égalité, des cultes et des affaires nordiques d’un ministre radi-
cal d’origine indienne.
« Le monopole de DF [le Parti du
peuple danois, extrême droite] est
terminé, se félicite Bashy Quraishy, un vétéran de la lutte antiraciste au Danemark. C’est un grand
jour pour les étrangers et pour les
Danois progressistes, car DF a tenu
le gouvernement en otage pendant
dix ans. Même les deux partis de
l’ancien gouvernement, les libéraux et les conservateurs, prennent
désormais leurs distances vis-à-vis
Ce changement de
politique ne s’est
effectué que sous la
pression des deux
petits alliés, au centre
et à l’extrême gauche
de l’extrême droite. C’est très positif. » Seul l’ancien ministre libéral
de l’immigration, Soren Pind, s’est
fendu d’un commentaire cinglant,
déclarant que la nouvelle politique signifiait «l’ouverture des frontières et des caisses ».
« Nous avions vraiment besoin
de changement. Nous ne pouvions
plus continuer dans cette rhétorique allant toujours vers plus de restrictions, estime Yildiz Akdogan,
anciennedéputéesociale-démocra-
te d’origine turque qui, lorsqu’elle
était au Parlement jusqu’à cet
automne,étaitl’unedesraresàcritiquer les décisions de son parti. Il
était parfois très dur pour moi de
défendre cette politique que je trouvais souvent stupide.»
Ce changement de politique ne
s’est effectué que sous la pression
des deux petits alliés, l’un au centre
et l’autre à l’extrême gauche, qui
onttous deux affichélesplus fortes
progressionsauxélectionslégislatives et dont le soutien est indispensable pour former une majorité de
gauche. « Nous allons revenir à un
traitement raisonnable de ces questions,noteJacobBjerregaard,porteparole des sociaux-démocrates sur
lesquestionsd’immigrationetd’intégration. La politique sera plus
juste et équilibrée mais nous maintiendrons la règle des 24 ans [le
mariage avec un étranger est
impossible si l’un des conjoints a
moins de 24 ans] qui a empêché
beaucoup de mariages forcés.»
Le Parti social-démocrate, suivi
plus tard par le Parti socialiste
populaire, avait cédé à cette surenchère stigmatisant les étrangers
par peur d’être jugés mous par
l’électorat. Bon nombre des lois sur
l’immigration ont ainsi été votées
par les sociaux-démocrates. C’est la
conséquence du débat qui a divisé
le Parti social-démocrate alors au
pouvoir durant les années 1990,
lorsque les édiles de cette sensibilitépolitiquedesbanlieuesdeCopenhagueréclamaient des réactionsau
fur et à mesure que l’immigration
grossissait et que l’extrême droite
ponctionnait leurs électeurs.
Cette frange du parti l’a emporté à partir des années 2000.
« Depuis quelques jours, c’est à
nouveau plus facile d’être socialdémocrate au Danemark », avoue,
soulagé, un proche du nouveau
gouvernement. p
Olivier Truc
L’alternance au Danemark
La majorité Le bloc de gauche a
remporté les élections du 15 septembre avec 50,3 % des voix. Le
Parti social-démocrate, (24,9 %,
plus mauvais score depuis 1905),
est allié au gouvernement avec le
Parti socialiste populaire (9,2 %)
et le Parti radical (9,5 %). L’unité
(extrême gauche) a fait une percée avec 6,7 % des voix.
L’extrême droite En 2001, les
libéraux et les conservateurs
n’avaient pu former un gouvernement, sous la direction d’Anders
Fogh Rasmussen, qu’avec le soutien parlementaire de l’extrême
droite, au prix d’un durcissement
des lois concernant les étrangers.
La première ministre danoise sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt, à Copenhague, le 4 octobre,
lors de son premier discours au Parlement. THOMAS LEKFELDT/AP PHOTO/POLPHOTO
L’Unicef reproche au Royaume-Uni d’avoir emprisonné
massivement des mineurs après les émeutes d’août
Les peines prononcées ont fait bondir de 8% le nombre de moins de 18 ans en détention
Londres
Correspondant
L
e Royaume-Uni détient le
taux de détention le plus élevé de mineurs des pays d’Europe occidentale. Les émeutes ont
encore aggravé le traitement réservé par les tribunaux aux enfants et
aux adolescents.
D’après des chiffres provisoires
publiés par le ministère de la justice lundi 10 octobre, parmi les
mineurs accusés d’avoir participé
aux émeutes, un quart a été maintenu en détention en attendant la
tenue d’un procès. Plus inquiétant
encore selon l’Unicef (le Fonds des
Nations unies pour l’enfance), parmi les adolescents privés de liberté
à la suite des émeutes, 45 %
n’avaient jamais eu maille à partir
avec la justice avant les quatre
jours de chaos du mois d’août, ni
avertissement, ni condamnation.
L’Unicef estime que ces placements en détention provisoire
vont à l’encontre de la Convention
pour les droits de l’enfant signée
par le Royaume-Uni en 1991.
D’après l’article 37, « les enfants ne
devraient être incarcérés qu’en dernier recours », a rappelé hier
l’Unicef. « Les gens qui ont été attaqués, volés et dont les biens ont été
détruits ont eu peur (…), a reconnu
la branche britannique de l’organisation. Pour autant, en réponse à
ces événements, notre système judiciaire ne doit pas violer les droits
des enfants. »
Le rappel à l’ordre de l’Unicef
au gouvernement de David Cameron a été salué par les organisations qui font campagne pour une
réforme du système pénal britannique. Le directeur de la Howard
League, Andrew Neil, estime que
le taux élevé d’incarcération des
mineurs impliqués dans les émeutes est le résultat direct d’une justice expéditive. « Les tribunaux
ont fait défiler les suspects à toute
vitesse, en oubliant de prendre en
compte la spécificité des moins de
18 ans et en mettant de côté le principe de proportionnalité des peines », résume-t-il.
Sévérité des peines
La sévérité des peines infligées
par les juges aux mineurs est jugée
d’autant plus déplorable qu’elle
met à mal une évolution positive
aux yeux des défenseurs des
droits des mineurs : la baisse progressive du nombre de détenus de
moins de 18 ans observée depuis
2008. En avril, l’Angleterre et le
Pays de Galles comptaient 1 890
mineurs incarcérés, soit un tiers
de moins qu’il y a trois ans. La baisse observée était telle que l’agence
chargée de la justice des mineurs,
Youth Justice Board, avait prévu
de fermer 700 places de prison
réservées aux moins de 18 ans et
de les convertir en cellules pour
adultes.
A la tête de la campagne « Out of
trouble », lancée en 2007 pour
réduire le nombre de mineurs
emprisonnés au Royaume-Uni,
Penelope Gibbs espère que les
émeutes ne sont qu’un « couac
temporaire » qui ne remettra pas
en cause la forte baisse constatée
depuis 2008. Deux mois après les
émeutes, la sévérité des peines
infligées contre les émeutiers a
déjà entraîné une augmentation
de 8 % de la population carcérale
des mineurs par rapport au mois
de juin.
Mais les organisations de
défense des mineurs comptent
sur plus de clémence de la part
des juges lors des audiences en
appel. Jeudi 6 octobre, à Manchester, Joshua Penney, 17 ans, a vu sa
peine divisée par deux. En première instance, le jeune homme au
casier judiciaire vierge avait été
condamné à huit mois de prison
ferme pour avoir volé une bouteille d’alcool dans un supermarché au plus fort des émeutes.
– (Intérim.) p
8
planète
0123
Mercredi 12 octobre 2011
Le défi de l’accès universel à l’énergie
Alors que 1,3 milliard d’humains ne reçoivent pas l’électricité, une conférence internationale s’est tenue à Oslo
Oslo
Envoyé spécial
P
lus de 1,3 milliard de personnes – près de 20 % de la
population mondiale – ne
bénéficient pas, aujourd’hui,
d’un accès à l’électricité. Ce chiffre a été présenté par l’Agence
internationale de l’énergie (AIE) à
l’occasion de la conférence « Energie pour tous », qu’elle organisait,
lundi 10 et mardi 11 octobre, à
Oslo, avec la Norvège.
Et cette situation a des conséquences économiques, sociales et
sanitaires. L’une d’elles est que
2,7 milliards d’habitants de la planète ne disposent pas de moyens
modernes et « propres » de cuisiner. L’utilisation de bois et de charbon de bois entraîne ainsi une pol-
lutiondes habitations etde lanourriture,qui provoque près de 1,5million de morts par an, tout en accentuant la déforestation et les dérèglements climatiques.
Face à ces problèmes, le déficit
d’accès à l’énergie devient un chantier mondial, qui sera notamment
au cœur des discussions de Rio
+ 20, la conférence sur le développement durable prévue en
juin 2012 au Brésil. L’accès universel à une énergie propre est la clé
pour répondre à « tous les défis globaux », a lancé, lundi à Oslo, le
secrétaire général des Nations
unies, Ban Ki-moon. La pauvreté,
le changement climatique, la rareté de l’eau, la santé, la crise alimentaire ou encore l’égalité des chances pour les femmes dans la société : tous ces problèmes ont un lien
Le sommet Rio+20 devra prendre des engagements
La conférence des Nations unies
sur le développement durable
Rio+20, prévue en juin 2012 au
Brésil, sera l’occasion pour la
communauté internationale de
prendre des engagements en
faveur d’un « accès universel à
l'énergie », selon son coordinateur, Brice Lalonde. Organisé
vingt ans après le Sommet de la
Terre, qui s’était déjà tenu à Rio
de Janeiro, le sommet doit aboutir à une « vision d'ensemble » sur
le développement, d’ici à 2030,
selon l’ancien ministre de l’environnement français. Pour le
secrétaire général de l’ONU,
Ban Ki-moon, Rio+20 sera aussi
« l’occasion de mobiliser autour
de l’initiative pour le développement d'une énergie propre » lancée par son organisation.
fort avec l’absence d’accès à l’énergie,selon le diplomate, qui a raconté, au passage, avoir personnellement vécu cette pénurie dans sa
jeunesse en Corée, où il étudiait « à
la lumière de la bougie ».
L’accès à l’énergie n’est pas inscrit dans les objectifs du Millénaire pour le développement définis
dans le cadre des Nations unies en
2000. L’ONU a cependant désigné
2012 « Année internationale pour
une énergie durable pour tous ».
L’accès universel à l’énergie
n’aurait pas de conséquences négatives importantes sur le climat. Il
n’accroîtrait les émissions de CO2
que de 0,7 %, selon l’AIE.
L’équipement des populations
privées d’énergie est en marche,
mais pas à un rythme suffisant,
selon les intervenants à la conférence d’Oslo. L’AIE estime qu’en
2009 près de 9,1 milliards de dollars (6,7 milliards d’euros) ont été
investis dans le monde pour développer l’accès à une « énergie
moderne ». Cela a permis à 20 millions de personnes d’accéder à
l’électricité et à 7 millions d’être
dotées d’équipements de cuisine
« sains », à base de biomasse.
L’Agence a évalué les politiques
d’aide à l’accès à l’énergie en cours
ou annoncées. Les investissements attendus sont de l’ordre de
296 milliards de dollars entre 2010
et 2030, soit une moyenne annuelle de 14 milliards de dollars. Cela ne
suffirapas pour assurer l’accès universel à l’énergie en 2030, d’après
l’AIE, étant donné, notamment,
l’augmentation de la population
mondiale.
« Il faudrait, pour y arriver, multiplier pratiquement par cinq le
montant investi en 2009, et arriver
à des investissements de l’ordre de
Quelque 2,7 milliards
d’habitants de la
planète ne disposent
pas de moyens
modernes et
«propres» de cuisiner
48 milliards de dollars (35 milliards
d’euros) par an », affirme Fatih
Birol, économiste en chef de l’AIE,
qui ajoute qu’une telle somme
« ne représenterait que 3 % des
investissements mondiaux prévus
dans l’énergie ».
Reste à mobiliser des fonds puis
à trouver, sur le terrain, le meilleur
dispositif. Quelles formes de financement adopter pour diriger efficacement les milliards nécessaires
au développement de l’accès uni-
versel à l’énergie ? Les participants
à la conférence d’Oslo avaient des
avis variables sur la question. Sur
les montants investis en faveur de
l’accès à l’énergie en 2009, 34 %
provenaient des institutions multilatérales, 30 % des pays concernés, 22 % d’acteurs privés et 14 % de
l’aide bilatérale.
Jens Stoltenberg, le premier
ministre norvégien, a présenté
une nouvelle plate-forme de partenariat international baptisée Energy +. Déjà très présente dans les
initiatives internationales pour
lutter contre la déforestation et
ses effets négatifs sur le climat à
travers le mécanisme REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Degradation), la Norvège
veut essayer de reproduire l’approche de ce dernier, c’est-à-dire
un soutien financier dépendant
du suivi et du contrôle des résultats obtenus par les pays aidés.
Mais les difficultés de mise en place de REDD montrent qu’il faudra,
pour Energy +, essayer de trouver
des mécanismes simples et
approuvés par tous.
Une autre propositionqui émergeait à Oslo était l’association des
financements publics et privés,
l’idée étant d’attirer les fonds privés avec le levier de l’argent public.
Cela dit, pour attirer les acteurs pri-
vés, « il faut surtout des projets rentables commercialement, avec un
modèle économique solide », soulignait Carlos Pascual, du département d’Etat américain. L’austérité
qui pèse actuellement sur les
finances publiques ne facilite pas
les choses.
Mais l’aide bilatérale ou multilatérale n’est qu’un des éléments
qui permettent de faire prendre la
greffe. Le jeune entrepreneur
indienHarish Hande, dont la société « à vocation sociale » Selco équipe en systèmes d’énergie solaire
foyers et entreprises en Inde, est
critique envers ceux qui pensent
qu’une augmentation des aides
est une réponse suffisante. « Si l’Inde est arrivée aujourd’hui à de bons
résultats dans sa campagne pour le
développement de l’accès à l’énergie, c’est que, depuis plusieurs
décennies, un tissu de banques
rurales qui prêtent sur le long terme a été mis en place. Ce réseau
n’existe malheureusement pas
dans de nombreux pays d’Afrique », remarque-t-il.
Près de 85 % des personnes privées d’accès à l’énergie dans le
monde habitent dans des zones
rurales, et plus de 95 % soit en Afrique soit dans les régions d’Asie en
développement. p
Bertrand d’Armagnac
Romainville inaugure un système automatisé de collecte pneumatique des déchets
L’installation, qui concerne 2600 logements et 5800 habitants de cette commune de Seine-Saint-Denis, constitue une première en France
P
lus de locaux à ordures, plus
de pollution visuelle et olfactive,plus de camions poubelles obstruant les rues, mais une
aspiration souterraine et invisible.
Samedi 15 octobre, Romainville
seralapremière commune françaiseà inaugurer un système automatisé de collecte pneumatique des
déchets : 2 600 logements et
5 800 habitants de deux quartiers
de cette commune de Seine-SaintDenis, en pleine rénovation urbaine, sont concernés.
Au pied de leurs immeubles et
sur la voirie, 106 bornes de collecte
ont été installées, pour recueillir
séparémentlesemballagesrecyclables et les déchets ménagers. Sous
terre, quatre kilomètres de tuyaux
achemineront les déchets vers un
terminal.
Le procédé est entièrement
clos : les déchets triés et déposés
par les habitants dans les bornes,
fermées par des trappes, seront
momentanément stockés dans
des cuves. Lorsqu’un poids minimal sera atteint, les sacs seront
aspirés, à une vitesse de 70 km/h,
par la création d’un courant d’air
dans le réseau, jusqu’au terminal.
Les sacs y seront séparés de l’air
« porteur » et les poubelles tomberont dans des compacteurs qui les
compresseront à l’intérieur de
conteneurs hermétiquement clos.
L’air porteur sera filtré avant d’être
relâché dans l’atmosphère.
De là, une fois par jour, la collecte sera acheminée par camion vers
un incinérateur ou un centre de
recyclage, mais le nombre de kilomètres parcourus par les camions
devrait être divisé par trois par rapport à un système classique. La
commune de Romainville a confié
le marché à Veolia Propreté, partenaire du suédois Envac, concepteur de la collecte pneumatique.
La Suède pionnière
L’opération est d’autant plus
emblématique qu’elle concerne
deux cités, Cachin et Gagarine,
construites dans les années 1950,
qui cumulaient tous les handicaps
des banlieues sinistrées. Située
près du cœur de ville, Cachin, avec
ses grandes barres HLM, était totalement enclavée. Avec le soutien
de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), la voirie a été
repensée, des barres d’immeubles
détruites, des établissements
publics réinstallés, pour tenter
d’en faire un quartier « classique ».
La France vient tardivement à
ce système de collecte écologique.
La première installation a vu le
jour il y a cinquante ans, en Suède.
La plupart des grandes villes sué-
A Romainville, deux des
106 bornes de collecte des
déchets, et, à droite, les tuyaux
qui acheminent les sacs
au terminal. NICOLAS KRIEF POUR « LE MONDE »
Un réseau souterrain de collecte des ordures ménagères
Rejet d’air
Déchets
ménagers
Vanne
d’entrée
d’air
TERMINAL DE COLLECTE
Déchets
recyclables
Salle de
filtration
Cyclone
BORNES DE COLLECTE
SITUÉES DANS LA RUE OU
DANS LES IMMEUBLES
Evacuation
des déchets
par camion
Turboextracteur
Composteur
Conteneur
Les déchets sont aspirés à 70 km/h par un réseau
de conduits jusqu’au terminal de collecte
Vannes de stockage
SOURCE : VEOLIA
doises en sont équipées. Ce fut,
ensuite, au tour de l’Europe du
sud : en 1992, à l’occasion des Jeux
olympiques, Barcelone s’est dotée
du système, imitée par Bilbao,
Valence, Séville, Carthagène.
Envac totalise 600 installations
dans le monde. En pratique, ce système de collecte peut accueillir
jusqu’à quatre flux de tri. Seuls le
verre et les déchets encombrants
en sont exclus, pour éviter d’endommager les canalisations.
En France, les communes ont
hésité face au coût d’investissement. Narbonne avait envisagé de
recourir à l’innovation suédoise
avant de se désengager. A Romainville, l’investissement est de
8,3 millions d’euros. Mais la ville
ne prendra en charge que 2,5 millions, le reste étant financé par l’agglomération et des subventions,
notamment de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de
l’énergie (Ademe).
Pour les usagers, la note devrait
diminuer, grâce à l’économie effectuée sur les sorties de poubelles et
l’entretien des bacs roulants, assurés par des gardiens ou des sociétés spécialisées. La mairie estime
que la collecte pneumatique pourrait générer pour les copropriétés
riveraines une économie de charges allant jusqu’à 120 euros par an.
« Du point de vue de l’impact sur
l’environnement et de la qualité de
l’habitat, les gains ne sont pas dis-
cutables, estime le maire (DVG) de
Romainville, Corinne Valls. Deux
tiers de flux de camions en moins,
moins de gaz à effet de serre, la suppression pour les immeubles de
locaux de poubelles, lieux de désagréments, la suppression pour les
ouvriers, derrière les camions bennes, de tâches pénibles, ingrates et
accidentogènes, et un meilleur tri
sélectif par une disponibilité du service vingt-quatre heures sur vingtquatre, 365 jours par an. »
L’édile espère étendre le nombre de logements concernés. Le terminal peut accueillir les déchets
générés par 6 000 logements. Dès
2013, la commune voisine des Lilas
devrait se relier au dispositif.
D’autres chantiers débutent ou
sont en cours d’achèvement en Ilede-France : l’écoquartier du fort
d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-deSeine) ou celui des Batignolles, à
Paris. A Vitry-sur-Seine (Val-deMarne), c’est une filiale de Suez
Environnement, Sita, qui devrait
réaliser son premier chantier de ce
type. Seul impératif : un sous-sol
pas trop encombré. p
Sophie Landrin
0123
planète
Mercredi 12 octobre 2011
Avec le projet Futurol, la France mise sur
les biocarburants de seconde génération
9
Marée noire
Une «catastrophe écologique»
en cours sur la côte néo-zélandaise
Une unité pilote de bioéthanol extrait de résidus végétaux et de cultures non alimentaires,
inaugurée dans la Marne, doit déboucher sur une production industrielle à l’horizon 2016
Pomacle-Bazancourt (Marne)
Envoyé spécial
D
ans de vastes hangars sont
stockés des bottes de paille,
des tiges de miscanthus
(sorte de roseau parfois appelé
« herbe à éléphant »), des rondins
de saule et de peuplier. D’autres
bâtiments sont réservés aux
copeaux et résidus de bois, aux
déchets agricoles tels que la pulpe
de betterave et la bagasse de canne
à sucre, ou au switchgrass (une
grande herbacée sauvage). Il y a là
toute la palette de la biomasse lignocellulosique susceptible d’être
transformée en carburant « vert ».
C’est cette transformation que
va expérimenter l’usine pilote
Futurol, inaugurée mardi 11 octobre, sur la zone d’activité des communes de Pomacle et Bazancourt,
dans la Marne. Fédérant une dizaine de partenaires publics et privés,
dont l’Institut national de la
recherche agronomique (INRA), le
projet, d’un coût de 76,4 millions
d’euros (financés à 40 % par Oseo,
établissement public de soutien à
l’innovation), marque l’entrée de
la France dans le champ émergent
des biocarburants de deuxième
génération, extraits de cultures
non alimentaires.
Il s’agit, à ce stade, d’un démonstrateurde 5 000 m2, capable de produire 180 000 litres de bioéthanol
par an. Vingt fois moins que le prototype industriel qui doit lui succéder en 2015, sur l’un des sites du
groupe sucrier français Tereos, à
Lillebonne (Seine-Maritime) ou à
Origny-Sainte-Benoîte (Aisne). Et
1 000 fois moins que les unités de
taille commerciale qui pourraient
voir le jour à partir de 2016.
D’ici là, la centaine de chercheurs associés au programme
vont tester en grandeur réelle, en
Plusieurs « démonstrateurs » en préparation en France
Futurol n’est pas le tout premier
démonstrateur français de production de biocarburants de
2e génération. Il existe déjà, sur le
site de Pomacle-Bazancourt, un
pilote de la société CIMV intégré
au programme européen Biocore, mais il est consacré à la valorisation de la biomasse végétale
non seulement en carburants,
mais aussi en pâte à papier, plastiques, colles ou additifs alimentaires. Plusieurs autres projets,
BioTfuel, Gaya et Syndiese,
visant à produire du biodiesel ou
du biométhane à partir de biomasse lignocellulosique,
devraient se concrétiser en 2013.
La France se replace ainsi dans
une course scientifique et industrielle encore très ouverte. Plus
de 150 démonstrateurs sont déjà
en exploitation ou en projet dans
le monde, notamment aux EtatsUnis, mais aucun n’a atteint le stade de la production industrielle.
les optimisant, chacune des étapes du processus de production
mis au point en laboratoire. Cela
pour les différents types de végétaux utilisés.
La matière première, décrit
Benoît Trémeaux, secrétaire général de Futurol, est d’abord broyée,
pour être rendue homogène. Elle
Il s’agit, à ce stade,
d’un démonstrateur
de 5 000 m2, capable
de produire
180 000 litres
de bioéthanol par an
circule ensuite de cuve en cuve,
où elle subit un prétraitement
thermique ou chimique, puis une
hydrolyse en présence d’enzymes
qui cassent les chaînes complexes
de la cellulose et de l’hémicellulose en molécules simples. Le mélange est alors mis à fermenter avec
des levures qui le convertissent
en alcool. L’éthanol est enfin obtenu après un passage en colonne
de distillation.
« L’originalité de notre approche est sa polyvalence, explique
M. Trémeaux. L’utilisation de
matières premières diversifiées
(résidus agricoles, coproduits forestiers, taillis à rotation courte, plantes dédiées) permettra aux futurs
sites de production de s’approvisionner localement, en toute sai-
son. C’est un gage de viabilité économique et de limitation de l’impact sur l’environnement. »
L’un des obstacles auxquels se
heurtent les biocarburants de
deuxième génération est en effet
celui de la disponibilité de la ressourcevégétale: quandil s’agituniquement de paille, par exemple,
cette ressource peut être compromise par une sécheresse. D’où l’importance d’une diversification.
Mais la filière doit aussi démontrer sa rentabilité. Car les investissements sont lourds et les prix de
revient très supérieurs à ceux des
agrocarburants de première génération, dont le coût avoisine
aujourd’hui, pour le bioéthanol,
50 centimes le litre. « La moitié du
chemin est faite, assure Dominique Dutartre, président de Futurol. Depuis le démarrage du projet,
le coût de revient a été divisé par
deux. Il faut encore le réduire de
moitié, en gagnant sur tous les postes de la chaîne de production,
pour devenir compétitif. »
Reste à établir le bilan environnemental des carburants verts de
deuxième génération. Bien que
ceux-ci aient l’avantage, par rapport aux agrocarburants de première génération, de ne pas mettre en concurrence cultures énergétiques et cultures alimentaires,
ils ne s’imposeront que s’ils font la
démonstration qu’ils sont aussi,
en terme d’émissions de gaz à effet
de serre, plus vertueux. p
Pierre Le Hir
Entre 130 tonnes et 350 tonnes de fioul lourd se sont déjà échappées du
Rena, le porte-conteneurs battant pavillon libérien qui s’est échoué, le
5 octobre, sur le récif Astrolabe, à une vingtaine de kilomètres du port
de Tauranga, et des nappes de pétrole ont atteint, lundi 10 octobre, la
côte néo-zélandaise. Des boulettes de pétrole ont été retrouvées sur la
plage de Mount Maunganui (photo), un site touristique de la baie de
Plenty abritant baleines, dauphins et oiseaux marins.
Les autorités redoutent que la coque du bâtiment, qui contient
1 700 tonnes de fioul, réparties dans quatre cuves principales dont l’une
fuit, se brise. Les opérations de pompage engagées en fin de semaine
dernière ont été contrariées par l’arrivée d’une tempête, avec des
vagues de 5 mètres de haut et des vents violents qui ont obligé à évacuer les trente-six spécialistes intervenant sur le Rena.
« Il s’agit de la catastrophe écologique maritime la plus grave qu’ait
connue la Nouvelle-Zélande », a déclaré, mardi, le ministre de l’environnement néo-zélandais, Nick Smith. – (AFP.) p JASON EGNEW/AFP
Climat L’Union européenne reste ouverte
à la prolongation du protocole de Kyoto
Les ministres de l’environnement, réunis en conseil à Luxembourg, lundi 10 octobre, pour arrêter la position officielle de l’Union européenne
(UE) lors de la conférence des Nations unies sur le climat prévue fin
novembre à Durban (Afrique du Sud), ont confirmé que l’UE restait
ouverte à la prolongation du protocole de Kyoto au-delà de 2012. Les
Vingt-Sept posent toutefois une condition de taille : que l’ensemble des
pays signataires de la convention climat des Nations unies s’engagent, à
terme, dans un traité contraignant. Ils souhaitent également que la
seconde période de Kyoto ne se prolonge pas au-delà de 2020.
france
10
0123
Mercredi 12 octobre 2011
La primaire du PS et du PRG
Radiographie électorale d’un scrutin inédit
Dimanche 9octobre, Martine Aubry a séduit un électorat plus urbain et plus à gauche que celui de François Hollande
Ausoir du premier tour de la primaire, François Hollande a dépassé la majorité absolue dans six
départements : la Corse-du-Sud,
l’Aude, leCantal etles trois départements de la région Limousin, parmilesquels la Corrèze, dont il préside le conseil général et où il a obtenu 86 % des voix.
La France de M. Hollande est
avant tout celle des villes petites et
moyennes situées à l’ouest d’une
diagonale Le Havre-Marseille et
dans le quart nord-est du pays.
UneFrance de vieux bastionssocialistes, mais aussi d’anciennes terres de mission où le PS s’est solidement implanté depuis le dernier
tiers du XXe siècle, dans l’ouest et le
centre en particulier.
A l’échelle départementale, le
vote en faveur du député de la Corrèze est plus souvent celui des villes de second rang que celui des
métropoles. Dans le Rhône, par
exemple, M. Hollande est devancé
par Mme Aubry à Lyon, malgré le
soutien du maire, Gérard Collomb.
Il est en revanche en tête à Villefranche-sur-Saône et à Tarare. A
Metz, Mme Aubry le devance de
3 points, mais à Briey, Toul et Lunéville, les trois sous-préfectures de
Meurthe-et-Moselle, M. Hollande
est largement en tête, d’au moins
15 points.
Très bien implanté dans les villes moyennes, le député de la Corrèzel’est aussi dans les beaux quartiers des grandes métropoles. C’est
vrai à Paris ou à Lyon. Mais aussi à
Marseille où, dans les 7e, 8e et 9e
arrondissements, il creuse l’écart
avec la maire de Lille.
Cela ne veut pas dire, pour
autant, qu’il n’est que le candidat
d’un électorat aisé. Par exemple,
dans des communes populaires de
Seine-et-Marne, comme Lognes,
Noisiel ou Savigny-le-Temple,
François Hollande totalise autant
de voix que Martine Aubry et
Arnaud Montebourg réunis.
Aubry forte dans
les grandes villes
Si François Hollande a l’avantage dans les villes moyennes, Martine Aubry est, sans conteste, la candidate des grandes métropoles.
Dans sa ville de Lille, elle a avoisiné, dimanche, les 70 %. A Paris, Grenoble et Rouen, villes dont les maires la soutiennent, elle arrivelargement en tête, tout comme à Strasbourg et Lyon, municipalités socialistes dont les maires sont partisans de François Hollande.
Au soir du premier tour,
Mme Aubry n’a dépassé la majorité
absolue que dans un seul département, le Nord, où elle a obtenu
55 % des suffrages (contre 26 % à
M. Hollande). A la différence de
son rival, ses zones de force sont
concentrées dans la vallée de la Seine, la région lyonnaise ainsi qu’en
Ile-de-France. Dans ces régions
urbanisées et industrialisées, les
deux candidats sont souvent au
coude-à-coude.
C’est généralement dans les territoires les plus à gauche – et aussi
là où le vote écologiste est le plus
fort – que Mme Aubry creuse l’écart
avec M. Hollande. Dans le Finistère, par exemple, le « Trégor rouge »
lui est en grande partie acquis. A
Morlaix, représenté à l’Assemblée
nationale par son amie Marylise
RÉSULTATS DES DEUX CANDIDATS ARRIVÉS EN TETE AU PREMIER TOUR DE LA PRIMAIRE PAR DÉPARTEMENT, en % (sur 94 % des bureaux de vote)
moins de 20
de 20 à 29
de 30 à 39
François Hollande
plus de 50
de 40 à 49
* pas de données
Martine Aubry
Pas-de-Calais
Pas-de-Calais
Nord
Nord
Somme
SeineMaritime
Calvados
Manche
Sarthe
LoireAtlantique
Maine-etLoire
Loiret
Loir-etIndre- Cher
et-Loire
CharenteMaritime
Charente
Hauts-de-Seine
Landes
PyrénéesAtlantiques
HauteGaronne
HauteSavoie
HauteLoire
Ardèche Drôme
Lozère
Tarn
Hérault
Polynésie française
La Réunion
Mayotte
Nouvelle-Calédonie *
Lebranchu, la maire de Lille devance ainsi François Hollande de
11points. A quelques kilomètres au
nord, dans le Léon, politiquement
plus conservateur, la situation est
différente: dans le canton de SaintPol-de-Léon, dont le conseiller
général est divers gauche,
Mme Aubry a 10 points de retard sur
M. Hollande. Un peu plus à l’ouest,
à Plouzévédé, canton tenu par la
droite depuis toujours, l’avance de
M. Hollande est de 20 points.
Montebourg face
à la France du «non»
Plébiscité en Saône-et-Loire,
dont il préside le conseil général
depuis 2008 et où il a recueilli 65 %
des voix au premier tour, Arnaud
Montebourg a réalisé ses meilleures percées dans l’est et le sud-est
de la France. Crédité de 17 % à
l’échelle nationale, il dépasse les
20 % dans une quinzaine de départements, situés principalement en
Bourgogne, dans la région RhôneAlpes et en Provence - Alpes-Côted’Azur.
Le chantre de la « démondialisation » a séduit, dimanche, un électorat très hétérogène. Dans un
*
Loir-etIndre- Cher
et-Loire
Charente
HauteVienne
Côte-d'Or
Landes
Var
PyrénéesAtlantiques
HauteCorse
*
Français de l’étranger
département comme le Vaucluse,
où il est 5 % au-dessus de sa moyenne nationale, il fait ainsi ses
meilleurs scores dans des bourgs
où le Front national atteint ses
niveaux parmi les plus élevés,
comme Camaret-sur-Aigues, Cheval-Blanc ou Robion. A Orange, ville gouvernée par l’extrême droite
depuis 1995, il arrive en deuxième
position, derrière M. Hollande.
Dans les Hautes-Alpes, le vote
en faveur d’Arnaud Montebourg
est de nature différente. Dans ce
département où l’UMP est majoritaire, le député de Saône-et-Loire
dépasse les 30 % dans plusieurs
cantons ruraux très enclavés et
tenus par la droite. A Briançon, où
la mairie est socialiste, il est en
revanche nettement distancé par
M. Hollande et Mme Aubry.
Seul candidat à avoir voté
« non » au référendum européen
de 2005, M. Montebourg a, d’une
façon générale, réalisé des scores
trèsélevésdans des territoiresfrappés par la désindustrialisation ou
menacés de désertification.
Bien qu’ayant peu fait campagne dans les banlieues des grandes agglomérations, il y a obtenu,
dimanche, des scores assez impor-
Ces chiffres masquent toutefois de fortes disparités. Dimanche, deux Paris se sont clairement
opposés : c’est dans les arrondissements les plus à gauche que Martine Aubry et Arnaud Montebourg
ont réalisé leurs meilleurs scores,
Les arrondissements
les plus à gauche
ont enregistré une
forte participation
à la primaire
du 9octobre
et dans les arrondissements les
plus à droite que François Hollande et Manuel Valls ont obtenu
leurs meilleurs résultats.
Martine Aubry, ainsi, enregistre ses meilleures performances
dans les 10e, 11e, 18e, 19e et 20e arrondissements. Dans ces bastions de
gauche, la maire de Lille obtient
des scores compris entre 39,3 %
HauteSavoie
Savoie
Lozère
Ardèche Drôme
Tarn
Hérault
HautesAlpes
Alpes-de-Haute- AlpesVaucluse Provence Maritimes
Gard
Bouchesdu-Rhône
Var
HauteCorse
Aude
HautesPyrénées
Ariège
Corsedu-Sud
Pyrénées-Orientales
Guadeloupe
La Réunion
Mayotte
Guyane
Martinique
Nouvelle-Calédonie *
tants. En revanche, contrairement
à ce que l’on aurait pu imaginer, il
n’a pas réalisé de percée significative dans des bastions communistes. Dans les deux départements
présidés par le PCF, l’Allier et le Valde-Marne, ses résultats sont à peine supérieurs à sa moyenne nationale.
Royal ne séduit pas les
quartiers populaires
Pour Ségolène Royal, le résultat
estsévère:en2006, les110000suffrages qu’elle avait obtenus auprès
desadhérents du PS luiavaient permis d’être investie dès le premier
tour avec 60 % des voix. Cette fois,
les 160 000 électeurs qui ont voté
pour elle représentent moins de
7 % des sympathisants de gauche
ayant participé au premier tour de
la primaire.
C’est en Poitou-Charentes, dont
elle préside le conseil régional
depuis 2004, que Ségolène Royal
enregistre ses meilleurs résultats.
Même là, cependant, l’ex-finaliste
de la présidentielle 2007 ne triomphe pas : avec 15 % des voix, elle est
largement devancée par François
Hollande, légèrement distancée
*
Polynésie française
(dans le 18e) et 41,8 % des voix
(dans le 20e). Ces arrondissements, où se mêlent classes
moyennes et classes populaires,
sont également ceux où Arnaud
Montebourg est le mieux placé.
Comme Martine Aubry, c’est dans
le 20e arrondissement que le député de Saône-et-Loire fait son
meilleur résultat (18,7 % des voix).
Ces arrondissements de gauche
sont aussi ceux où la participation
a été la plus élevée : elle y a dépassé 15 % du corps électoral, le maximum ayant été atteint dans le
10e arrondissement, où 18,5 % des
électeurs ont voté.
François Hollande, de son côté,
obtient ses meilleurs scores dans
les arrondissements huppés de
l’ouest parisien. Le député de la
Corrèze frôle ainsi les 40 % dans le
8e, dépasse légèrement les 39 %
dans le 16e et avoisine les 38 %
dans les 6e et 7e arrondissements.
Dans ces mêmes arrondissements, Manuel Valls a d’excellents résultats : dans le 16e, le mai-
*
Français de l’étranger
Saint-Pierre-et-Miquelon
par Martine Aubry, et fait presque
jeu égal avec Arnaud Montebourg.
Se présentant comme la «porteparole du peuple qui souffre »,
Mme Royal a misé, plus que tous les
autres candidats, sur la mobilisation des quartiers populaires, espérant y réaliser d’aussi bons scores
qu’en 2007. Le pari est manqué,
même là où elle a fait campagne et
malgré l’accueil souvent très chaleureux qui lui a été réservé.
Par exemple à Vaulx-en-Velin
(Rhône), où elle était arrivée en
têtedu premiertour de laprésidentielle avec 40 % des voix, et où elle
s’est rendue le 13 septembre, seulement 9 % des sympathisants de
gauche ont souhaité qu’elle les
représente de nouveau en 2012.
Dans cette municipalité communiste de la banlieue lyonnaise,
M. Hollande et Mme Aubry sont arrivés en tête, avec des scores comparables à leur moyenne nationale.
Valls en pointe dans
les quartiers aisés
Sans surprise, Manuel Valls a
fait un très bon score dans son fief.
A Evry, ville dont il est maire
depuis 2001, il arrive ainsi large-
A Paris, l’Est vote Aubry, l’Ouest préfère Hollande
PARIS n’est pas la France. Dimanche 9 octobre, la capitale a voté
plus massivement (13,4 % de participation, soit 8 points de plus que
la moyenne nationale), mais différemment du reste du pays.
Avec 37,5 % des voix, Martine
Aubry y arrive en tête – six points
de plus que sa moyenne nationale. Avec 31,7 % des voix, François
Hollande est deuxième – 7 points
de moins qu’ailleurs.
Troisième avec 16,2 % des voix,
Arnaud Montebourg obtient un
résultat très proche de celui qu’il
fait dans l’ensemble du pays. En
revanche, l’ordre d’arrivée entre
Manuel Valls et Ségolène Royal est
inversé. A Paris, le député de l’Essonne a près de trois points de plus
que la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes (8,4 % des
voix contre 5,7 %) : à l’échelle nationale, elle le devance d’un point (7%
contre 6 %). Dans la capitale, JeanMichel Baylet obtient un score
deux fois inférieur à sa moyenne
nationale: 0,5% des voix.
Jura
Isère
HauteLoire
Aveyron
HauteGaronne
Territoire
de Belfort
Loire Rhône
Puy-deDôme
Corsedu-Sud
Saint-Pierre-et-Miquelon
Saône-etLoire
Ain
Cantal
Tarn-etGaronne
Gers
Bouchesdu-Rhône
Doubs
Creuse
Lot
Lot-etGaronne
Haut-Rhin
HauteSaône
Allier
Bas-Rhin
Vosges
HauteMarne
Nièvre
Corrèze
Val-de-Marne
Aube
Indre
Gironde
Hauts-de-Seine
Meurtheet-Moselle
Yonne
Cher
Dordogne
HautesAlpes
PyrénéesOrientales
Martinique
Seine-etEssonne Marne
Loiret
Paris
Ariège
Guyane
Eure-etLoir
DeuxSèvres Vienne
CharenteMaritime
AlpesAlpes-de-HauteVaucluse Provence Maritimes
Gard
Guadeloupe
Maine-etLoire
Savoie
Aude
HautesPyrénées
Seine-Saint-Denis
Loire Rhône
Aveyron
Gers
LoireAtlantique
Moselle
Meuse
Marne
Yvelines
Ille-et- Mayenne
Vilaine
Sarthe
Vendée
Isère
Cantal
Tarn-etGaronne
Morbihan
Aisne Ardennes
Oise
Val-d'Oise
Eure
Orne
Jura
Ain
Calvados
Côtes-d’Armor
Territoire
de Belfort
Doubs
Saône-etLoire
Puy-deDôme
Finistère
Haut-Rhin
HauteSaône
Creuse
Lot
Lot-etGaronne
Val-de-Marne
Bas-Rhin
Vosges
HauteMarne
Nièvre
Cher
Dordogne
Gironde
Meurtheet-Moselle
Côte-d'Or
Allier
HauteVienne
Manche
Moselle
Meuse
Yonne
Corrèze
Paris
Aube
Indre
DeuxSèvres Vienne
Vendée
Seine-Saint-Denis
Eure-etLoir
Mayenne
Ille-etVilaine
SeineMaritime
Ardennes
Marne
Yvelines
Seine-etEssonne Marne
Côtes-d’Armor
Morbihan
Val-d'Oise
Eure
Orne
Finistère
Aisne
Oise
Somme
INFOGRAPHIE LE MONDE
Hollande, le vote
des villes moyennes
François Hollande séduit l’ouest, Martine Aubry le nord
SOURCE : PARTI SOCIALISTE
M
ardi11 octobreendébut de
matinée, deux jours après
le premier tour de la primaire socialiste, la haute autorité,
chargéed’encontrôlerlebondéroulement, n’avait validé les résultats
que de 8 992 bureaux de vote, sur
un total de 9 502 (soit 2 560364 bulletins). A défaut d’une photographie complète, il est néanmoins
possible de dresser une carte assez
précise des forces et des faiblesses
de chacun des six candidats.
ment en tête, avec 39,6 % des voix,
devant François Hollande (22,8 %)
et Martine Aubry (18,5 %). Dans la
première circonscription de l’Essonne, dont il est député depuis
2002, il est également en pole position, même s’il creuse moins nettement l’écart avec ses concurrents.
Elu dans une banlieue difficile,
M.Valls n’a pas du tout été plébiscité dans les quartiers populaires.
Au contraire : c’est dans les quartiers huppés des grandes villes, où
la gauche est mal implantée, qu’il
fait quelques-uns de ses meilleurs
scores. A Paris, il dépasse ainsi les
15 % des voix dans les 7e, 8e et 16e
arrondissements ; et à Neuilly-surSeine (Hauts-de-Seine), ses 23 % le
hissent en deuxième position, derrière François Hollande.
S’il tire profit, auprès descatégories socioprofessionnelles supérieures, d’un discours « social-libéral » valorisant la liberté d’entreprendre, fustigeant l’assistanat et
célébrant un certain pragmatisme, M. Valls est en revanche, des
cinq candidats du PS, celui qui a le
moins séduit la France des petites
villes et des campagnes. C’est dans
le Cantal, la Corrèze, la Creuse et la
Dordogne qu’il est à la peine.
Baylet rencontre
unfaible écho
re d’Evry totalise 18,2 % des voix,
dans le 7e et le 8e, il frôle les 17 %.
Si les Parisiens ont voté dans le
même sens que leur maire et sa
première adjointe, Bertrand
Delanoë et Anne Hidalgo, tous
deux soutiens de Martine Aubry,
ils n’ont pas, en revanche, voté systématiquement comme le maire
de leur arrondissement. Dans le
18e arrondissement, Daniel
Vaillant a ainsi appelé à voter pour
François Hollande : le député de la
Corrèze y est devancé de 10 points
par la maire de Lille. Il devait
d’ailleurs s’y rendre, mardi 11 octobre, pour mobiliser les électeurs en
sa faveur en vue du second tour.
Dans le 4e arrondissement, la
maire, Dominique Bertinotti, était
la directrice de campagne de Ségolène Royal : avec 5,8% des voix, la
présidente du conseil régional de
Poitou-Charentes a obtenu dans
cet arrondissement, dimanche, un
score exactement identique à sa
moyenne parisienne. p
T. W.
Si la métropole avait voté comme Saint-Pierre-et-Miquelon, JeanMichel Baylet serait qualifié pour
le second tour. Le président du Parti radical de gauche (PRG) y réalise
son meilleur score : 39 % des voix,
devant M. Hollande et Mme Aubry.
Mais cela ne représente que
106 voix.
Au total, seuls 15 000 électeurs
ont voté, dimanche, pour M. Baylet. L’honneur est sauf : c’est dans
le Tarn-et-Garonne, département
dont il est sénateur et président du
conseil général, qu’il enregistre
son meilleur résultat en métropole (15 %). Ailleurs, ses scores sont
modestes : à l’exception de la Haute-Corse, où il totalise 14 % des
voix, les départements où le PRG
est bien implanté ont peu voté
pour lui. Même dans les terres de
tradition radicale du sud-ouest, il
ne dépasse pas 2 % des voix. p
Thomas Wieder
n Sur Lemonde.fr
Les cartes détaillées des résultats
du premier tour de la primaire
0123
Politique
Mercredi 12 octobre 2011
11
La primaire du PS et du PRG
AubryetHollandecajolent
leséliminésdupremiertour,
maisnesefontplusdecadeaux
Très courtisé, Arnaud Montebourg fait monter les enchères entre
les deux finalistes. Ségolène Royal entend encore peser sur la campagne
Débat en direct, mercredi,
sur France 2 et Lemonde.fr
Les deux candidats finalistes
pour la primaire, Martine Aubry
et François Hollande, participeront, mercredi 12 octobre à
20 h 35, à un débat sur France 2,
en partenariat avec Le Monde.
Ce débat sera diffusé et commenté en direct sur Lemonde.fr,
avec les analyses et commentaires de la rédaction.
gepossible»,a-t-ilsoulignésurFrance3.Sonéquipeprésentedéjàl’addition: « En reportant de façon arithmétique la moitié des voix de Royal
et un tiers de celles de Montebourg,
on va finir à 53% contre 47 %», veut
croire André Vallini, proche de
M. Hollande. Calcul contesté par
l’équipe de Mme Aubry : « La science
électorale, ce n’est pas la même chose que la science mathématique »,
dément Christophe Borgel.
Mme Royal à « équidistance »
Le
suspense
demeure.
Mme Royal, qui a rencontré M.Montebourg et Mme Aubry, et qui s’est
entretenue avec M. Hollande, se
situe toujours à « équidistance »
entrel’ancienetlanouvellepremière secrétaire, indique son équipe.
Elledevraitdélivrerdansles48heures « des consignes claires ». Avec le
souci de ne pas disparaître. Mais
c’est surtout M. Montebourg qui
semble en mesure de déverrouiller
un scrutin serré. Le député de Saône-et-Loire le sait, qui a l’intention
de faire fructifier son capital.
Le héraut de la démondialisation, pour qui les deux « impétrants » représentent « les deux
faces de la même pièce », travaille à
la rédaction d’une lettre ouverte
leur demandant de prendre position surdes points de son programme. «Nous publierons les échanges
de correspondance, a-t-il précisé. Je
préfère des engagements clairs et
écrits. » Le cœur de M.Montebourg,
qui pourrait ne pas prendre position, balance, comme celui de ses
équipes. Aquilino Morelle, son
directeur de campagne, résume :
« Un tiers des troupes sont pour ne
pas prendre position, un autre estime qu’il faut voter Aubry car elle est
plus proche de nous et un dernier
tiers se prononce pour Hollande car
il peut rassembler la gauche.»
Ce dernier a multiplié les signes
àl’égarddudéputédeSaône-et-Loire. « Moi, j’entends les préoccupations des électeurs d’Arnaud Montebourgsurlamondialisation,lesdérives de la finance, a dit M. Hollande,
qui s’est entretenu lundi avec
M.Montebourg. On ne va pas mettre toutes les banques sous tutelle,
maiscellesquidemandentlaparticipation de l’Etat doivent être sous
contrôle partiel de l’Etat. »
La tension monte entre les deux
finalistes. Martine Aubry, qui effectuait, mardi, un raid éclair dans la
Creuse, où se rend le chef de l’Etat,
Nicolas Sarkozy, continue d’insister sur le flou supposé des positions de son adversaire : « J’ai dit
Arnaud Montebourg, ici dimanche soir, après le vote, travaille à une lettre ouverte aux deux finalistes,
leur demandant de prendre position sur des points de son programme. CHRISTOPHE MORIN/IP3 POUR « LE MONDE »
qu’ilavaitchangéd’avissurl’éducation nationale, il a changé d’avis sur
[l’abrogationdelaloisurletéléchargement illégal] Hadopi, sur la règle
d’or(…). Je continueraià lui poser ces
questions », a insisté la maire de
Lille sur TF1. « Le problème n’est pas
d’être coriace ou pas coriace, a répli-
qué François Hollande. C’est d’être
crédible ou pas crédible.»
M.Hollandesemblerésoluàcroiser le fer. « Jusqu’ici, on avait évité
de répondre aux attaques, précise
Stéphane Le Foll. Maintenant, plus
question de laisser les procès continuer à se répandre. » Démonstra-
tion du sénateur de l’Isère André
Vallini : « Martine a un vrai défaut
de crédibilité pour la présidentielle,
et une personnalité agressive qui ne
peut pas rassembler. » Le débat
entre les deux finalistes, mercredi
sur France 2, s’annonce cordial. p
David Revault d’Allonnes
EDF 552 081 317 RCS PARIS, 75008 Paris –
R
éunions à la chaîne, discussions en série entre finalistes
et éliminés, appels du pied
des premiers aux seconds… Les
grandes manœuvres ont pris un
tour intense, lundi 10 octobre, au
lendemain du premier tour de la
primaire. Après Manuel Valls, rallié
dès dimanche soir à François Hollande avec ses 6 % des voix, JeanMichel Baylet (moins de 1 %),
patron des radicaux de gauche, a
lui aussi pris parti pour le député
de Corrèze. Le président du PRG a
fait «le choix de la proximité politique», indique son équipe. Même si
les échanges auraient surtout porté sur « des propositions de circonscriptions pour le PRG » aux législatives, souligne Stéphane Le Foll, lieutenant de M.Hollande.
Maisl’essentiel estailleurs.Dans
lesparts du marché électoraldésormais détenues par Ségolène Royal
(7 %) et surtout Arnaud Montebourg (environ 17 %). Fort de sa pôle
position, avec 39,2 % des suffrages,
contre30,7%àMartineAubry,FrançoisHollandepense êtreenmesure
d’aimanter ces électeurs. « Avec
près de 40 %, je suis largement en
tête, j’ai neuf points d’écart et la
capacité de pouvoir rassembler
pourgagnersur laplusgrandemar-
Les écologistes s’invitent
dans le second tour
A L’OCCASION des premières journées parlementaires d’Europe Ecologie-Les Verts, qui se déroulaient
lundi 10 octobre à Rambouillet
(Yvelines), les Verts ont montré
qu’ils avaient lu Gramsci et en
avaient saisi les conclusions.
«Nous avons la majorité culturelle», a assuré Cécile Duflot, secrétaire nationale du parti, avant d’évoquer « le chemin de croix » qu’est
toujours, pour les écologistes, l’accès à l’Assemblée nationale. Pour
passer de la «majorité culturelle»
au pouvoir tout court, face à une
«social-démocratie qui a trouvé ses
limites», il faut frapper fort.
Frapper fort : c’est la leçon que
l’état-major d’EE-LV a tiré de la primaire socialiste. L’écart moins net
que prévu entre les deux principaux candidats leur permet de faire monter les enchères, et ils ne
s’en privent pas. Le ton avait été
donné un peu plus tôt par Eva
Joly, qui avait ironisé sur les
« vieilles formations », avant de
lancer un très applaudi « le vrai
changement, c’est nous ! ».
Avis à la social-démocratie agonisante : EE-LV leur prépare une
addition salée. Martine Aubry a
eu, si l’on en croit les dirigeants
verts, la préférence de leurs militants qui sont allés voter mais,
quel que soit le candidat investi,
les Verts n’ont pas d’état d’âme.
Harlem Désir, premier secrétaire par intérim du PS, venu assister
à une table ronde sur le rassemblement à gauche pour 2012, n’a pas
tardé à s’en apercevoir. La primaire est certes un succès, mais la personnalisation qu’elle induit n’enthousiasme pas leurs partenaires
potentiels. Harlem Désir choisit
d’éviter ce terrain pour recentrer
le débat : « Quel que soit le résultat
du deuxième tour, a-t-il affirmé, le
candidat sera bien au rendez-vous
avec les écologistes. »
Cécile Duflot, tout sourire, a
déroulé les exigences écologistes.
En premier lieu, plus de «caporalisme» entre partenaires. M.Désir,
qui a du métier, a applaudi mollement, les yeux dans le vague. «Et
c’est la dernière fois, je dis bien la
dernière, que nous demandons un
partage des circonscriptions. L’introduction de la proportionnelle,
c’est la meilleure solution !», a dit
Mme Duflot. Harlem Désir, souriant,
a dodeliné de la tête.
Stratégie de l’édredon
« La sortie du nucléaire, ce n’est
pas de notre part un caprice ni une
posture identitaire, c’est une évidence. Si vous ne l’acceptez pas, il
n’y aura pas de participation au
gouvernement. Ma main droite ne
signera pas un accord avec toi
sans un calendrier de sortie», a lancé la secrétaire nationale d’EE-LV,
avant d’ajouter, d’une voix douce : « J’espère vraiment qu’un socialiste ne prendra pas le risque d’une
défaite en 2012… »
Harlem Désir, lui, a continué
dans sa stratégie de l’édredon :
sourires, regard dans le vide,
applaudissements. Il a répondu
qu’il n’y avait entre partenaires,
concernant la sortie du nucléaire,
que des « différences de rythme »,
avant d’oser un « ensemble, nous
allons faire franchir un pas à la
France ». Mollement applaudi. p
Anne-Sophie Mercier
sait par ce fil
s
a
p
n
o
Et si votre passi
L’électricité est au cœur de nos loisirs, que
l’on soit jeune… ou un peu moins, comme
Colette et Claude, éternels fans de tennis.
Les usages de l’électricité ne cessent
d’évoluer ; nos moyens de la produire font
de même, pour continuer de satisfaire tous
les besoins. Ainsi, nous développons les énergies
renouvelables, qui représentent près de 20 %
des capacités de production du groupe EDF.
edf.com
L’énergie est notre avenir, économisons-la !
12
0123
Politique
Mercredi 12 octobre 2011
A l’Assemblée nationale, un fourre-tout
législatif dont les lobbies font leur miel
La proposition de loi dite de «simplification» modifie le droit du travail et de la Sécurité sociale
A
ttention ! Le texte dont la
discussion commence mardi 11 octobre à l’Assemblée
nationale est une sorte d’« objet
législatif non identifié ». Sous le
doux euphémisme de « proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des
démarches administratives », il
comporte en réalité de multiples
dispositions qui touchent à la fois
au droit du travail, aux codes des
collectivités territoriales, de la
construction et de l’habitat, aux
régimes sociaux et fiscaux. Il modifie les conditions d’exercice dans
le secteur agricole, le tourisme, le
transport, l’expertise comptable,
la presse et les médias…
Un véritable fourre-tout, qui
compte pas moins de 90 articles
au départ, et pourrait, à l’arrivée,
en comporter beaucoup plus. Les
lobbies de toutes sortes s’activent
en coulisses pour profiter de cette
« voiture-balai législative », selon
l’expression d’Alain Vidalies (PS),
pour y glisser, le plus discrètement possible, les amendements
ou propositions qu’ils n’ont pas
réussi à faire passer pendant la
législature.
A l’origine, un rapport du président de la commission des lois,
Jean-Luc Warsmann (UMP), remis
le 6 juillet au président de la République. Objectif : « Desserrer les
contraintes excessives qui pèsent
sur les entreprises, mais aussi sur
les artisans, les agriculteurs et les
professions libérales. » Le rapport
préconisait quelque 280 mesures.
Bon nombre d’entre elles ont été
transcrites dans cette proposition
de loi déposée le 28 juillet et inscrite par le gouvernement à l’ordre
du jour prioritaire dès la reprise
des travaux parlementaires.
« Desserrer les contraintes » passait donc, dans la proposition de
loi de M. Warsmann, par une « harmonisation » des seuils d’effectifs
des entreprises pris en compte
pour certaines réductions de coti-
La CGT souhaitait des appels à la grève
mardi 11 octobre, mais la CFDT n’a pas suivi
S
Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée. CHRISTOPHE MORIN/IP3 PRESS/MAXPPP
sations sociales, en modifiant, ni
plus ni moins, le droit de la Sécurité sociale. La commission des affaires sociales, saisie pour avis, s’en
est alarmée, jugeant un peu délicat de toucher ainsi aux règles
sociales au détour d’une proposition dite de « simplification ».
« Il est incontestable que notre
droit appelle une simplification.
Cela étant, prenons garde de ne pas
verser dans le simplisme », a prévenu Dominique Dord (UMP), rapporteur pour avis, relevant que ces
dispositions priveraient la Sécurité sociale de plusieurs dizaines de
millions d’euros de ressources.
« La nécessité de protéger les recettes de la Sécurité sociale l’emporte
à nos yeux sur l’impératif d’harmonisation des textes », a insisté
M. Dord, plaidant pour la suppression de ces articles.
« La commission des affaires
sociales a réglé une partie des difficultés, note M. Vidalies, mais il en
reste encore en pagaille et d’autres
vont probablement surgir sous forme d’amendements “venus de nulle part”. » Il n’en manque pas, en
Beaucoup tentent
de glisser des
amendements qu’ils
n’ont pas réussi à faire
passer pendant
la législature
effet. Pioché dans le tas, par exemple, au titre des « dispositions diverses », le relèvement à 15 000 euros
du seuil à compter duquel les marchés publics doivent être soumis à
appel d’offres et mise en concurrence. Le texte permet aussi d’aug-
menter le temps de travail sur une
période donnée sans modifier le
contrat de travail.
Certaines propositions de loi
recaléesrefont leurapparitionsous
forme d’amendement : comme la
propositiondel’ex-députéJean-FrédéricPoisson en 2010,alors écartée,
visant à augmenter le quota d’heures complémentaires non majorées dans le cadre du temps partiel,
ou celle de Frédéric Lefebvre visant
à faciliter le télétravail en cas de
maladie ou de grossesse.
D’autres amendements, plus
inattendus, ont été déposés par
des députés de l’UMP soudain inspirés par la revente et la récupération de métaux ferreux et non ferreux. « Heureusement, cette fois, le
Sénat pourra jeter un regard averti
sur ce texte et le corriger », se rassure M. Vidalies. p
Patrick Roger
En2012,le patronatdel’industrieveut pesersurl’élection
L’UIMM prépare un arsenal de mesures concrètes et tente de rendre le secteur « plus attractif »
L
’Union des industries et
métiers de la métallurgie
(UIMM)veutreprendresaplace sur la scène patronale. Et elle
entend participer au débat public
de 2012 en présentant, sans doute
en février, « des propositions chiffrées, concrètes et d’application
immédiate»pourrenforcerla compétitivité sociale des entreprises
industrielles.
Désireuse de redorer son blason
après l’affaire des retraits d’espèces
destinés, selon son ancien dirigeant, Denis Gautier-Sauvagnac,
«à fluidifier les relations sociales»,
l’UIMM veut à la fois défendre la
place de l’industrie dans l’économie française – « Nous sommes
dans une certaine urgence», dit son
président, Frédéric Saint-Geours –
et ne pas laisser le monopole des
propositions au Medef, dont la présidente, Laurence Parisot, a été élue
La journée d’action
des syndicats
s’annonce a minima
pour la première fois en 2005 avec
le soutien des services.
Quatre groupes de travail ont
étémisenplacedepuisunan.L’économiste Pierre Cahuc anime celui
surlemarchédutravailetlaflexicurité ; Jacques Bichot, professeur à
l’universitéLyon-III,traitedufinancement de la protection sociale ;
Philippe Vivien, directeur des ressources humaines d’Areva, planche sur l’enjeu des compétences; le
sociologue Jean-François Amadieu
réfléchit aux moyens d’améliorer
le dialogue social.
Orientation des jeunes
« Nous aurons des choses à dire
sur la complexité des organisations patronales et sur les différents niveaux de la négociation
sociale, comme sur la reconstruction d’un paritarisme de gestion »,
assure M. Saint-Geours.
Des économistes comme Gilbert Cette ou Stéphane Carcillo,
des hauts fonctionnaires comme
Jean-Denis Combrexelle, directeur
général du travail, et Bertrand Martinot, délégué général à l’emploi,
des consultants comme Pierre Ferracci, président du groupe Alpha,
des responsables d’entreprises et
des syndicalistes participent à ces
travaux. Après moult auditions,
ils doivent déboucher sur un rapport permettant d’établir un diagnostic assez largement partagé. A
charge pour les industriels d’y puiser les mesures qu’ils souhaiteront défendre et voir appliquer.
« Depuis trente ans, l’ensemble
de la société a peu à peu tourné le
dos à nos métiers. Le courant à
remonter est fort. Nous n’avons
pas utilisé tous les canaux d’action et de conviction », déplore
M. Saint-Geours. L’UIMM, qui tra-
vaille depuis plus de dix ans sur
l’orientation des jeunes et le développement de l’alternance, peine
toujours à « réenchanter » les
métiers industriels. Consciente
de ces difficultés récurrentes, elle
enverra à la mi-octobre trois autobus sillonner les routes de France
pour aller, avec le ministère de
l’éducation nationale, à la rencontre des collégiens, des lycéens et
de leurs parents. Des campagnes
grand public sont aussi à l’étude
pour rendre l’industrie « plus
attractive ».
Parallèlement, le patronat de la
métallurgie est – avec Louis Gallois, président exécutif d’EADS, le
Cercle de l’industrie et le Groupe
des fédérations industrielles –,
l’un des fondateurs de La Fabrique
de l’industrie, un think tank lancé
officiellement lundi 10 octobre. p
Claire Guélaud
i l’on en croit un sondage
Louis Harris, réalisé pour la
CGT et publié le 5 octobre,
69 % des salariés soutiennent la
journée de mobilisation nationale
décentralisée organisée par cinq
syndicats – CGT, CFDT, UNSA, FSU,
Solidaires – mardi 11 octobre, pour
dire «non à l’austérité » et réclamer
« un meilleur partage des richesses». Pourtant, à six mois de l’élection présidentielle, cette journée
nationale d’action, la première
depuis novembre 2010, a peu de
chances de rester dans les annales.
C’estàl’initiativedeBernardThibault, qui voulait donner des gages
aux « durs » de sa centrale après
l’échec de la mobilisation contre la
réforme des retraites, que cette
journée a été organisée, à quelques
jours des élections, le 20 octobre,
dans la fonction publique d’Etat et
dans la fonction publique hospitalière.Maislesecrétairegénéraldela
CGT, qui voulait des appels à la grève, s’est heurté à un refus catégorique de son homologue de la CFDT,
François Chérèque.
Pour M.Chérèque, le mécontentement et l’inquiétude des salariés
sont indéniables, notamment sur
le pouvoir d’achat et l’emploi, mais
une période préélectorale est rarement propice à la mobilisation. Le
secrétaire général de la CFDT veut
« être à l’écoute » des salariés et
juge, comme il l’a dit sur Canal+ le
10 octobre, qu’« il est particulièrement injuste de faire payer d’abord
aux salariés le plan de rigueur ».
«L’objectif, a-t-il ajouté, est de sensibiliser l’opinion au cas où il faudrait
aller plus loin.»
M. Thibault reconnaissait, dans
La Nouvelle Vie ouvrière du 9 septembre, que « la résignation et le
sentiment d’impuissance peuvent
en effet gagner les esprits ». Mais,
affirmait-il, «si on ne bouge pas, les
choses ne s’amélioreront pas, elles
s’aggraveront». «Sans nier l’importance des élections, a répété M. Thibault dans son tour de France des
régions,la terren’arrêtepasde tourner en attendant. »
L’intersyndicale ne se remet pas
de son échec sur la réforme des
retraites (même si les syndicats ont
amélioré leur image dans l’opinion) et ne masque plus ses divisions. La CFTC et la CFE-CGC l’ont
quittée. FO, qui a organisé le 20 septembre une journée d’information
passée inaperçue, joue cavalier
seul. « Les salariés sont mécontents,
a assuré Jean-Claude Mailly, le
secrétaire général de FO, mardi
11octobre sur i-Télé, maisils veulent
un mouvement avec des chances de
gagner quelque chose. »
« Flashmob » côté CFDT
Près de 200 défilés sont organisés mardi 11 octobre à travers la
France,dont134unitaires. M.Chérèque ne participera pas à la manifestation parisienne, mais à une « flashmob » (mobilisation éclair).
M.Thibault défilera à Marseille. Les
grèves devraient affecter essentiellement, de façon limitée, la SNCF et
les transports urbains. Dans l’éducation nationale, où une journée de
mobilisationa déjà eu lieu le27 septembre, le ministère n’attend que
2,45% de grévistes dans le premier
degré. Dans plusieurs secteurs,
comme l’énergie, les arrêts de travail lancés par la CGT et Solidaires
ontpourbutdepermettreaux salariés de manifester. En d’autres termes, cette journée de mobilisation,
soutenue par le Parti socialiste et le
Front de gauche, risque surtout de
mettre en lumière l’état de faiblesse des syndicats. p
Michel Noblecourt
Présidentielle
M.FillonrecommandeàM.Morin
de«nepasseprécipiter»
Devant une vingtaine de parlementaires du centre – sur les quelque 55
que celui-ci regroupe en théorie – réunis lundi 10 octobre à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), François Fillon a mis en garde ceux qui militent pour une candidature d’Hervé Morin à l’élection présidentielle de
2012. « On ne m’ôtera pas de l’idée que, plus la majorité s’éparpille, plus
l’électorat s’éparpille », a souligné le premier ministre. Tout en estimant
« légitime » qu’une formation souhaite avoir son candidat à l’élection
présidentielle, il a recommandé à ses interlocuteurs de « ne pas se précipiter ». « Les circonstances ne se prêtent pas à des aventures personnelles
qui peuvent avoir des conséquences importantes pour la majorité », a
conclu M. Fillon. Les parlementaires du Nouveau Centre – qui seront
reçus mercredi 19 octobre à l’Elysée – ont décidé de repousser à fin janvier-début février la tenue d’un congrès qui décidera de soutenir, ou
non, la candidature d’Hervé Morin, afin de « lui laisser le temps de
convaincre ». Ou de s’effacer. p P. Rr.
Parlement Christian Jacob estime que l’on prête
à la Droite populaire « beaucoup plus qu’elle n’en fait »
Dans un chat sur Lemonde.fr, lundi 10 octobre, Christian Jacob, président
du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a relativisé l’action du collectif
Droite populaire au Parlement. «On lui en prête beaucoup plus qu’elle
n’en fait en réalité », assure ce proche de Jean-François Copé. Quant au statut des bi-nationaux, thème sur lequel le député Lionnel Luca a obtenu
l’organisation d’une convention par l’UMP, Christian Jacob juge le «système équilibré » et «ne voit pas l’intérêt de le remettre en cause ».
LE DÉBAT
DES PRIMAIRES
présenté par David Pujadas
MERCREDI 12 OCTOBRE À 20H35
en partenariat avec
france2.fr
Société
0123
Mercredi 12 octobre 2011
13
Avec le dispositif «Eclair»,
les collèges et lycées difficiles
testent l’autonomie
Prèsde300établissementsexpérimentent ledernier avatardel’éducation
prioritaire.Nouveauté: lapossibilitéde choisirles enseignants
C
’est un établissement scolaire de 340 âmes, dans une ville qui en compte 12 000. Un
lycée professionnelréputé «difficile », au cœur d’un territoire industriel en crise. A Clément-dePémille, à Graulhet dans le Tarn, la
moitié des élèves sont issus de
milieux défavorisés. « On est classé
dernier lycée professionnel de l’académie », rapporte son proviseur,
Yves Gouyen. Avec tous les maux
que connaît l’éducation prioritaire : échec scolaire, absentéisme,
décrochage… Pas étonnant que le
recteur de l’académie de Toulouse
l’ait choisi pour expérimenter, à la
rentrée, le programme Eclair (Ecoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite).
Eclair, c’est la nouvelle étiquette
accolée à l’éducation prioritaire,
après « Clair » en 2010-2011 (sans le
« e » de « écoles »), après les
« réseaux ambition réussite »
(RAR), les « réseaux de réussite scolaire » (RRS), les « réseaux d’éducation prioritaire » (REP)… Les ministres de l’éducation nationale
aiment à laisser leur marque sur la
carte de l’éducation prioritaire.
L’acronyme choisi par l’actuel
ministre Luc Chatel est sans doute
plus accrocheur ; il n’en reste pas
moins que les principes sont à peu
près les mêmes – innovation pédagogique, partenariats locaux,
réseaux d’écoles primaires et de
collèges…
Une nouveauté tout de même,
et pas des moindres : dans les
297 collèges et les28 lycées Eclair,le
chef d’établissement choisit tous
ses personnels. Il « participe à
[leur] affectation » en émettant un
« avis » sur les candidatures à l’issue d’un « entretien de recrutement» etétablit des« lettres demission » pour trois ans, indique le
« Vademecum Eclair » publié par le
ministère de l’éducation nationale
en juin. En matière de ressources
humaines, Eclair est un laboratoire
d’expérimentations.
Ces nouvelles fonctions, les
chefs d’établissement s’en emparent, peu à peu. A la rentrée, Yves
Gouyen a recruté six personnes.
«Les fiches de postes, les entretiens,
j’ai découvert ça cette année »,
raconte cet ancien professeur
d’éducation physique et sportive,
parailleurs secrétairedépartemental du SNPDEN-UNSA,premier syndicat des chefs d’établissement.
Pour les recrutements, il a établi
ses propres critères : « Je suis attentif au regard que portent les candidats sur les élèves en perdition. Ce
que je veux, c’est des personnes qui
y croient. »
A Graulhet, tous les postes
vacantsontétépourvus.Mais nombrede chefsd’établissement témoignentd’unvéritablecasse-tête, faute de candidats. Le problème n’est
« Recruter des
volontaires permet
d’avoir une équipe
soudée autour d’un
projet commun »
Alain Ouvrard
principal du collège
Youri-Gagarine, à Trappes
pas nouveau. « En vingt ans de boîte, j’ai connu une dizaine d’établissements difficiles. Et c’est une
constante : les gens sont réticents à
venir y travailler », rapporte Laurent Sabatier, principal du collège
Edmond-Rostand, à Marseille.
Le recrutement par les chefs
d’établissement changera-t-il la
donne ? Bernard Toulemonde, inspecteurgénéral honoraire de l’éducation nationale, avait tenté de
donner l’impulsion en 1992, lorsqu’il était conseiller du ministre
Jack Lang, en créant les « établissementssensibles ».«Onalaissé tom-
ber deux ans plus tard, pour la simple et bonne raison que personne ne
voulait y aller ! », se souvient-il.
Vingt ans après, il déplore toujours
que « en gros, la moitié des jeunes
enseignants [soient] expédiés dans
deux académies – Créteil et Versailles–, surles posteslesplus difficiles, désertés par les anciens ».
Dans les établissements Eclair, à
la rentrée, 65 % des postes « profilés» ont été pourvus par des enseignants titulaires, selon les chiffres
officiels. Pour les 35 % restants, il a
fallu faire appel à des remplaçants
(20 %), voire à des contractuels
(10 %). Par ailleurs, les chefs d’établissement sont nombreux à
témoigner que les motivations des
candidatssontplus d’ordrepersonnel (rapprochement de domicile
par exemple) que professionnel.
Quant à l’incitation financière, elle
équivaut à peu près à l’ancienne
prime « ZEP », soit 96 euros par
mois, à laquelle se rajoute une
« part variable » déterminée par le
chef d’établissement. « Il faudrait
payer beaucoup plus », considère
M. Toulemonde.
Leproblème se posemoins pour
le recrutement des chefs d’établissement. Sans doute parce que la
professionest globalementfavorable à son « autonomie ». « Recruter
des volontaires permet d’avoir une
équipe soudée autour d’un projet
commun »,
soutient
Alain
Ouvrard, principal du collège Youri-Gagarine, à Trappes (Yvelines) et
membre du SNPDEN.
Au lycée André-Malraux de
Montataire (Oise), Isabelle Klépal
Yves Gouyen, proviseur du lycée professionnel de Graulhet (Tarn), le 7 octobre. P. GROLLIER/TEMPS MACHINE POUR « LE MONDE »
se réjouit d’avoir pu « présenter
aux candidats la réalité de l’établissement, ses difficultés, sa dynamique. Quand on arrive dans un lycée
comme le mien, mieux vaut être
préparé ». Le métier s’en trouve
valorisé : « Nos tâches se complexifient, nos responsabilités s’accroissent. Tout cela est passionnant »,
renchérit Mme Klépal.
Reste à convaincre les enseignants, très réfractaires à ces nouvelles règles de ressources humaines. Car postuler dans un établissement Eclair, cela signifie « sortir »
OFFICIELLEMENT, depuis la rentrée, les réseaux ambition réussite
(RAR) n’existent plus. Les 250collèges et 1 720 écoles qui les composaient ont été intégrés dans le nouveau dispositif d’éducation prioritaire baptisé Eclair (Ecoles, collèges
et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite).
Officiellement seulement. Car
selon la première enquête de terrain sur Eclair, publiée par l’Observatoire des zones prioritaires
(OZP) début octobre, les RAR sont
toujours bien là… sous la nouvelle
appellation. Les projets pédagogiques et les partenariats locaux,
mis en place à partir de 2006, perdurent; les écoles et le collège d’un
réseau continuent à travailler de
concert. Bien qu’ils ne figurent pas
dans le programme Eclair, les personnels spécifiques aux RAR – les
« coordonnateurs » d’un réseau et
les « professeurs référents », chargés d’impulser les projets – poursuivent leurs missions. «Deux nouveaux contrats ambition réussite
pour la période 2011-2014 ont été
signés à la rentrée, ce qui montre
que certains recteurs font de la résistance», signale Marc Douaire, le
président de l’OZP. Mais alors, quelle est la réalité du dispositif Eclair,
né des Etats généraux de la sécurité à l’école en avril 2010? L’OZP,
après avoir récolté les témoignages d’une centaine de coordonnateurs et d’enseignants référents de
RAR dans douze académies, dresse
un constat sévère. «Deux strates se
superposent: celle de la communi-
Au. C.
Aurélie Collas
Justice
Le parti présidentiel défend les médecins et concentre les efforts sur la maîtrise des dépenses
D
cation – on veut montrer, à l’approche de l’élection présidentielle, que
l’école prend un virage libéral – et
celle du terrain, où rien ne change
vraiment », observe M.Douaire.
Une analyse que partage le syndicat majoritaire des chefs d’établissement, le SNPDEN-UNSA,
sous la voix de son secrétaire général, Philippe Tournier: « Une fois
de plus, on donne l’illusion du mouvement en changeant d’étiquette,
mais en utilisant l’existant. » p
mée en communication de crise…
«Partout où Eclair est passé, il y a eu
comme un coup de tonnerre ! », ironise Isabelle Klépal. Yves Gouyen
évoque des «mots durs », des « relations tendues » : « Je me suis senti
bienseul… Mais que voulez-vous, on
touche là au fonctionnement d’un
établissement tel qu’il existe depuis
des décennies ! » Il a donc fallu rassurer, expliquer, convaincre.
M. Gouyen avait, pour cela, un
argument de taille : « Eclair nous
permet de maintenir nos moyens,
qui ont été divisés par deux en
cinq ans. »
Eclair dépassera-t-il un jour les
frontières de l’éducation prioritaire ? L’idée d’une autonomie
octroyée aux chefs d’établissement fait son chemin, sur le terrain, dans les textes, dans les discours politiques. La droite en a fait
l’un des axes de son projet pour
l’école en 2012. A gauche, on préfère parler d’autonomie « pédagogique » accordée aux enseignants
afin qu’ils s’adaptent mieux aux
élèves. Quelle que soit l’issue du
scrutin de la présidentielle, une
chose est certaine : l’autonomie
des établissements a de beaux
jours devant elle. p
Un simple changement d’étiquette?
Santé: l’UMP lance des pistes pour l’après-2012
éremboursement de médicaments, incitation des
médecins à s’installer dans
les déserts médicaux, poursuite de
la maîtrise des dépenses. A la veille
de la convention santé de l’UMP,
qui devait se tenir mardi 11 octobre,
son secrétaire général, Jean-FrançoisCopé, a présenté, lundi, les propositions du parti en vue d’alimenter le programme de son futur candidat à l’élection présidentielle.
Une occasion de tacler le PS, au
lendemain du premier tour de sa
primaire. « Nous voulons nous inscrire en faux contrela vision apocalyptique du système de santé véhiculée par les socialistes », a déclaré
M. Copé. Depuis 2007, « la qualité
des soins ne s’est pas dégradée, l’hôpital n’est absolument pas menacé,
le nombre des médecins n’a pas
diminué», a-t-il ajouté.
Ce que martèle l’UMP, au
contraire, c’est que le système de
santé français se classe parmi les
meilleurs, que la couverture par
l’assurance-maladie est parmi les
plus élevées, et que du bilan de
Nicolas Sarkozy, il faut retenir la
réduction des déficits des hôpi-
du mouvement national d’affectation, fondé sur un barème qui fait
la part belle à l’ancienneté. Une
atteinte à leur statut, perçoiventils. Les inquiétudes sont aussi politiques : les enseignants craignent
qu’enadhérant àuneexpérimentation qui ne concerne pour l’instant
qu’un établissement sur près de 35,
ils mettent le doigt dans un engrenage qui les conduirait vers une
école « libérale », dénuée de tout
cadrage national.
Résultat : la gestion des ressources humaines s’est vite transfor-
taux et la maîtrise de l’évolution
des dépenses de soins. Insistant
sur la volonté du PS de contraindre
des médecins à exercer dans les
zones où il en manque – sujet qui
divise les socialistes eux-mêmes –,
M. Copé n’a pas hésité à forcer le
trait : « Non, les médecins ne sont
pas des gens cupides, obsédés par
les dépassements d’honoraires »,
qui choisiraient tous « la Côte
d’Azur ». L’UMP n’a pas l’intention
de déplaire aux professionnels.
Ellecontinueradedéfendrela liberté d’installation, et propose de leur
redonner du « temps médical » en
les déchargeant de certaines
tâches.
Pour en finir avec leur mauvaise
répartition sur le territoire, elle
compteinciter lesmédecins à s’installer dans les zones sous-dotées,
notamment en développant les
maisons de santé, qui passeraient
de 250 en 2012 à 1 000 en 2017, et en
triplant l’offre de bourses pour les
étudiants.Desoutilsqui, pourl’instant, n’ont pas permis d’améliorer
la situation.
Beaucoup des 45 propositions
développées par Philippe Juvin,
députéeuropéen et chefdes urgences de l’hôpital Beaujon de Clichy
(Hauts-de-Seine), sont le prolongement de ce qui a déjà été amorcé.
L’UMP veut ainsi poursuivre le
développement du dossier médical personnel et régler la question
des dépassements d’honoraires, ce
que le gouvernement n’a pas réus-
«Les médecins ne sont
pas cupides, obsédés
par les dépassements
d’honoraires»
Jean-François Copé
secrétaire général de l’UMP
siàfairedepuiscinqans. Elleproposeaussiunerévisiondelaloidesanté publique de 2004. Ce qui était
prévu pour 2009.
Surtout,lepartide NicolasSarkozy n’appelle pas à une réforme du
systèmedesanté,maisà lapoursuite de la maîtrise des dépenses, sans
soulever la question des recettes
pour financer l’assurance-maladie.
Il propose notamment de revoir ce
qui doit être pris en charge par la
solidarité dans le cadre d’états
généraux des dépenses de santé.
S’inscrivant dans la réflexion
généralequisuitl’affaire duMediator, l’UMP insiste sur la nécessité
de réduire la consommation de
médicaments, et de baisser leurs
prix, notamment pour les génériques, comme le préconise l’assurance-maladie. Elle prône aussi la
poursuite du déremboursement
des médicaments au service médical rendu insuffisant, déjà bien
avancé, mais se montre prête à
aller plus loin, estimant qu’il faut
concentrer la prise en charge « sur
les remboursements vraiment efficaces » . Soit une remise en cause
de la vignette orange.
Enfin, l’UMP propose « d’optimiser » les dépenses d’affections
de longue durée, avec des mises à
jour annuelles des entrées et sorties du dispositif, compte tenu des
progrès de la médecine. Cette prise
en charge à 100 % coûte de plus en
plus cher à la « Sécu » mais concerne près de 10 millions de personnes.Le sujetest doncdélicat, à quelques mois de la présidentielle. p
Laetitia Clavreul
«Fadettes» du «Monde»: le numéro
deux du renseignement entendu
Le numéro deux de la Direction centrale du renseignement intérieur
(DCRI), Frédéric Veaux, a été interrogé en qualité de témoin assisté, lundi
10 octobre, par la juge Sylvia Zimmermann dans l’affaire de l’espionnage
téléphonique du Monde. Les services du contre-espionnage, sur ordre de
l’Elysée, s’étaient, en juillet 2010, procuré les fadettes (facturations téléphoniques détaillées) de notre collaborateur Gérard Davet, pour découvrir ses sources dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Le 3 octobre, le commissaire divisionnaire Stéphane Tijardovic, qui avait adressé au nom de
la DCRI la réquisition à Orange, avait été entendu, lui aussi comme
témoin assisté, par la juge Zimmermann. M. Tijardovic a expliqué à la
magistrate avoir agi sur instruction de M. Veaux. Sont également convoqués d’ici à la fin octobre Bernard Squarcini, patron de la DCRI, et Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale. p
Sondages de l’Elysée: décision
de la cour d’appel le 7novembre
La cour d’appel de Paris dira, lundi 7 novembre, si un juge d’instruction
peut enquêter sur le contrat conclu en 2007, sans mise en concurrence,
entre l’Elysée et une société de conseil pour la réalisation de sondages, dirigé par Patrick Buisson. Le parquet de Paris avait classé sans suite une première plainte en 2010 au motif que l’immunité dont bénéficie le chef de
l’Etat durant son mandat devait « s’étendre aux actes effectués au nom de
la présidence de la République par ses collaborateurs ». Saisi d’une nouvelle plainte pour favoritisme déposée par l’association Anticor, le juge Serge Tournaire a estimé, a contrario, que l’immunité présidentielle devait
être « interprétée strictement et ne saurait bénéficier de manière automatique aux tiers, collaborateurs ou non du chef de l’Etat ». Dans ses réquisitions écrites, le parquet général a soutenu que l’immunité devait « prendre en compte l’intervention possible de collaborateurs du cabinet pour
l’accomplissement des tâches de la fonction présidentielle ». – (AFP.) p
A GAGNER
économie
0123
Mercredi 12 octobre 2011
15
En hausse
En baisse
Les cours du jour ( 11/10/11 , 09h47 )
M6 – La chaîne privée a enregistré, en septembre,
japon – L’excédent des comptes courants du
sa meilleure audience de l’année, à 11,3 % contre
10,9% un an plus tôt, a indiqué Médiamétrie, lundi 10octobre. TF1 a cumulé 24,1% d’audience
(13,5% un an plus tôt), contre 13,5% pour France 2
(15,2% il y a un an) et 9,4 % pour France 3 (10,2 %).
Japon a chuté de 64,3 % en août sur un an, à
3,88 milliards d’euros, a indiqué le gouvernement, mardi 11 octobre. Cette baisse est due à un
alourdissement de la facture énergétique, lié à
l’arrêt de la plupart des réacteurs nucléaires.
Euro
Or
Pétrole
Taux d’intérêt
Taux d’intérêt
1 euro
Once d’or
Lightsweet crude
France
Etats-Unis
1,3593 dollar (achat)
1661,00 dollars
85,13 dollars
2,787 (à dix ans)
2,085 (à dix ans)
Le «triple A» de la France survivra-t-il à la crise?
L’approche de l’élection présidentielle constitue, pour les agences de notation, un risque de dérapage
L
a solidarité affichée entre le
président Nicolas Sarkozy et
la chancelière allemande
Angela Merkel pour renflouer les
banques mises à mal par la crise
des dettes souveraines pourraitelle coûter à la France son « AAA » ?
L’Elysée peut s’en inquiéter : cette
note équivalente à un 20/20 accordée à un crédit souverain par les
agences de notation Moody’s, Standard & Poor’s (S & P) et Fitch, est le
sésame pour qu’un Etat puisse
emprunter à bon compte sur les
marchés.
Paris est déjà endetté
à hauteur de 86% du
PIB en 2011 selon FMI.
Un ratio plus faible
que la Grèce mais plus
élevé que l’Espagne
Une nécessité pour la France qui
doit émettre 8,6 milliards d’euros
d’obligations d’ici à décembre et
179milliardsen2012pourrenouveler son stock de dette. D’autant que,
à quelques mois de l’élection présidentielle, M. Sarkozy ne veut sans
doute pas être « le » président qui
aura fait perdre à la France son triple A et l’aura installée en position
d’infériorité vis-à-vis de l’Allemagne.
Dans l’immédiat, Paris n’a aucune inquiétude à se faire. Lundi
10 octobre, les agences ont toutes
confirmé leur notation, assurant
que les sommes évoquées pour le
sauvetage de Dexia (36,5 % des
90 milliards d’euros de garanties
de financement à la banque) ne
changeaient pas la donne. Moody’s
n’y voit qu’un « impact limité ». Et
Fitch rappelle que l’effort reste, au
maximum, limité à 1,6 % du produit intérieur brut (PIB) français.
Mais qu’en sera-t-il si Paris
devait débourser entre 15 et 30 milliardsd’euros pour recapitaliserses
Au cœur de la notation d’un pays
CRITÈRES D’OBTENTION
DE LA NOTE AAA D’UN PAYS
CLASSEMENT AAA DES PAYS SELON L’ORGANISME
Vulnérabilité du pays au risque
événementiel et à une crise
brutale du crédit
MOODY’S
Allemagne
Australie
Autriche
Canada
Danemark
Etats-Unis
Finlande
France
Guernesey
Hongkong
Ile de Man
Liechtenstein
Luxembourg
Norvège
Nouvelle-Zélande
Pays-Bas
Royaume-Uni
Singapour
Suède
Suisse
SOURCE : MOODY’S
SOURCES : MOODY’S, STANDARD & POOR’S
a Facteur 1
Solidité économique du pays
a Facteur 2
Solidité institutionnelle du pays
a Facteur 1 + Facteur 2
Résilience économique
du pays
a Facteur 3
Solidité financière
du gouvernement
a Facteur 4
banques? Auxyeuxde certainséconomistes,la France est déjà sur lefil
du rasoir. Depuis cet été, « elle est
danslaseringue»desagences,assure même un économiste, visiteur
du soir de l’Elysée.
Depuis la dégradation des EtatsUnis par S & P en août, la note française semble imméritée : dans son
rapport sur les Etats-Unis, l’agence
soulignait d’ailleurs qu’en 2015 la
France serait plus endettée que la
première économie mondiale avec
une créance publique de 83 % de
son produit intérieur brut (PIB)
contre 79 % pour les Etats-Unis.
Paris, qui n’a pas présenté un
budget a l’équilibre depuis 1975, est
déjà endetté à hauteur de 86 % du
PIB cette année selon le Fonds
monétaire international (FMI). Un
ratioplusfaiblequelaGrèceenquasi-faillitemaisplusélevéquel’Espa-
STANDARD & POOR’S
gne, autre « maillon faible » de la
zone euro. La France est aussi l’un
desrares membresdu clubdes« triple A » à souffrir d’un déficit de sa
balance commerciale.
Surtout, le déficit public, qui
contribue à faire grossir la dette
année après année, estimé à 5,7 %
du PIB par l’Etat (5,9 % par le FMI)
est parmi les plus élevés de la zone
euro. Et le plan d’économies
(12 milliards de niches fiscales et
sociales supprimées) pour faire
passer ce ratio à 4,5 % en 2012, est
assis sur une perspective de croissance de 1,75 %. A ce jour, aucun
économiste n’est aussi optimiste.
Autrement dit, les recettes de
l’Etat seront certainement moins
importantes que prévu. S’il faut,
en plus, débourser plusieurs dizaines de milliards d’euros…
La solution serait-elle d’avoir
Médiane des pays notés AAA
Les indicateurs français
DÉFICIT
RATIO DETTE/PIB
CROISSANCE DU PIB
en % du PIB
en %
en %
2,4
7,7
82,8
6,2
85,8
52,5
1,6
1,7
2010
2011*
PART DE LA DETTE
FRANÇAISE
DÉTENUE PAR
LES ÉTRANGERS, en %
2,2
66,2 %
2010
2011*
2010
2011*
SOURCE : STANDARD & POOR’S, *FÉVIER 2011
recoursauFondseuropéendestabilité financière (FESF) pour renflouer les banques ? Dotée de
440 milliards d’euros, la force de
frappe de ce fonds créé pour venir
au secours des Etats fragiles pourrait être démultipliée si les Etats
membres arrivent à se mettre d’accord. L’effort serait alors partagé.
Mais il n’est pas sûr que tous les
pays de la zone euro, notamment
l’Allemagne, y soient prêts. En
outre, ce serait une « fausse économie», juge Gilles Moëc,économiste
chez Deutsche Bank. A ses yeux,
détourner un outil qui peine déjà à
atteindre son objectif premier risquerait d’entamer la confiance des
marchés.
D’autant que, pour M. Moëc, le
AAA de la France ne serait pas
menacé par une recapitalisation
même importante de ses banques.
Injecter de l’argent représente certes une dépense exceptionnelle
pour l’Etat, mais, en contrepartie,
celui-ci récupère un nouvel actif
qu’il pourra un jour valoriser.
Et en cas de dérapage des finances publiques, la France dispose
d’un système politique à même de
pouvoir réagir vite, souligne
M.Moëc, contrairement à l’Italie et
aux Etats-Unis, dont l’action des
gouvernements est paralysée par
l’opposition. Finalement, le AAA
français serait donc davantage
menacé par le laxisme budgétaire
dont pourrait faire preuve l’Etat à
l’approche du scrutin présidentiel.
Dans son dernier rapport, S & P
pointe ce « risque » politique qui
pousserait le gouvernement à
renonceràune rigueur accruepour
éviter la grogne sociale. p
Claire Gatinois
SOURCE : AFP
Le sommet de la zone euro
repoussé de cinq jours
Le sommet des chefs d’Etat et de
gouvernement de la zone euro,
prévu le 18octobre, a été reporté
au 23. La décision a été prise, lundi 10 octobre, par Herman Van
Rompuy, président du Conseil
européen, au lendemain de l’entretien infructueux entre le président Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel.
Les avis divergent sur les modalités de recapitalisation des banques et l’ampleur de la restructuration de la dette grecque. Berlin plaide pour une décote supérieure aux 21 % fixés en juillet.
« Nous discutons sur plus », a
dit, lundi, Jean-Claude Juncker,
président de l’Eurogroupe, évoquant 50 % à 60 %.
En Allemagne, évoquer la sortie d’Athènes Erste Bank affectée par la crise de la dette
de la zone euro ne fait plus recette
et par des dépréciations d’actifs
Les dirigeants du Parti libéral (FDP) et de la CSU, alliés de la CDU
d’Angela Merkel, ont, pour l’heure, mis leur euroscepticisme en berne
Berlin
Correspondant
Q
uelques heures après avoir
reçu Nicolas Sarkozy à Berlin, dimanche 9 octobre,
Angela Merkel est partie
avec une délégation de patrons
allemands renforcer les échanges
commerciaux avec le Vietnam et
la Mongolie. En ces temps de crise
en Europe, la chancelière allemande mise plus que jamais sur le
savoir-faire de l’industrie allemande à l’exportation.
Si le sommet avec le président
de la République française n’a pas
apporté de solution concrète aux
problèmes de la zone euro, la chancelière a eu au moins une satisfaction avant son départ : sur le front
politique intérieur, les tensions
autour du sauvetage de la Grèce
ont perdu en intensité.
Les dirigeants du Parti libéral
(FDP) et de la CSU bavaroise, alliés
de la CDU d’Angela Merkel au sein
de la coalition, ont renoncé à évoquer publiquement une faillite de
la Grèce et sa sortie de la zone euro.
Philipp Rösler, président du Parti
libéral, vice-chancelier et ministre
de l’économie, qui avait mis le feu
aux poudres en évoquant mi-septembre une « faillite ordonnée » de
la Grèce, s’est même rendu à Athènes les 6 et 7octobre pourvoir comment les chefs d’entreprise allemands pouvaient participer à la
relance de la croissance grecque.
Cinglante défaite
Peu aimé – c’est un euphémisme – en Grèce, le ministre s’est bien
gardé de toute déclaration intempestive.Celan’apasempêchéleprésident d’IG Metall, Berthold Huber,
de comparer le ministre, lundi
10 octobre, à un « homme qui vérifie avec une allumette s’il y a encore
de l’essence dans le réservoir de la
voiture».
La cinglante défaite de son parti
aux élections locales de Berlin le
18septembre a pourtant appris au
ministre à ne plus jouer avec le feu.
Tenir un discours eurosceptique
n’a pas été payant.
Pour Mme Merkel, un autre feu
couvait, au sein de la CSU. Un des
principaux opposants allemands à
l’euro, Peter Gauweiler, figure historique du parti chrétien bavarois,
était candidat pour être vice-président du parti.
Réunis en congrès, les membres
de la CSU ne lui ont pas donné cette
tribune et ont élu, samedi 8 octobre, l’autre candidat, Peter Ramsauer, ministre des transports de
Mme Merkel. HorstSeehofer,leprésident de la CSU, a, lui, été réélu avec
près de 90 % des voix.
L’accalmie politique pourrait
n’être que de courte durée. Le site
internet du Spiegel a révélé dimanche 9 octobre que la direction de la
CDU préparait une motion visant à
renforcerlesinstitutionseuropéennes, notamment en créant un
« commissaire à l’épargne », chargé
de vérifier l’orthodoxie des dépenses publiques dans la zone euro.
La CSU ne l’entend pas de cette
oreille. «On a besoin de davantage
destabilitéetdedisciplinebudgétaire, pas de nouvelles instances ni de
nouveaux commissaires », a rétorquéAlexander Dobrindt,secrétaire
général de la CSU.
Au sein du FDP aussi, les discussions s’annoncent vives. Les eurosceptiques tentent d’ores et déjà de
s’opposeràl’étape suivante:lacréation d’un mécanisme permanent
de stabilité (MES) qui doit prendre
le relais du Fonds européen de stabilité financière. p
Frédéric Lemaître
La banque autrichienne a prévenu qu’elle sera déficitaire cette année
de 700millions à 800millions d’euros
Vienne
Correspondante
P
our affronter les turbulences
qui menacent la zone euro,
mieux vaut trancher dès
maintenant dans le vif. La plus
dynamique des banques autrichiennes cotées en Bourse, la Erste
– qui est aussi la plus engagée en
Europe de l’Est –, a créé un choc en
annonçant, lundi 10 octobre, que
ses pertes annuelles devraient être
de l’ordre de 700 millions à
800 millions d’euros en 2011, en
raison de dépréciations sur son
portefeuille d’obligations en provenance de pays européens en crise, sur des filiales en Europe de l’Est
et sur des garanties sur crédits.
Il y a quelques jours, la banque
espérait encore engranger près de
850 millions d’euros de bénéfices
netsd’iciàlafinde l’année.Sousl’effet de la surprise, son action a perdu 17% à la Bourse de Vienne, avant
de se stabiliser à – 13,6 %. Elle a
entraîné dans sa chute le titre de
l’autre banque autrichienne d’envergure internationale, la Raiffeisen.
Premier établissement bancaire à profiter de l’aide de 1,22 mil-
liard d’eurosofferte par l’Etat autrichien lors de la crise financière de
2008, Erste a dû en différer d’au
moins un an le remboursement.
Elle va proposer à ses actionnaires de renoncer à tout dividende
en 2011, alors qu’elle avait doublé,
en mai, les émoluments versés à
son conseil d’administration pour
l’année précédente. Son directeur,
AndreasTreichl, a justifié les mesures drastiques décidées au cours
du week-end par la nécessité de se
préparer à des « temps très durs ».
Impôt exceptionnel
Si Erste s’est déjà délestée d’une
bonne part de son exposition en
Irlande et en Europe du Sud (Grèce,
Italie, Portugal, Espagne), elle doit
revoir à la baisse ses avoirs en Roumanie et, surtout, en Hongrie où
elle déplore « les interventions politiques(…)croissantes»dugouvernement de Viktor Orban.
Celui-ci avait imposé, en 2010,
un impôt exceptionnel aux banques et aux multinationales de
l’énergie, des télécommunications et de la grande distribution.
Il a ensuite nationalisé les fonds de
pension privés (un pactole de
11 milliards d’euros).
Fin septembre, dans le souci de
protéger les 800 000 ménages
hongrois endettés en devises, le
Parlement de Budapest a voté une
loi qui permet de rembourser ces
emprunts à un taux de change préférentiel, les banques épongeant
la différence avec le prix du marché (supérieure à 20 % pour le
franc suisse).
Les pertes du secteur bancaire
en Hongrie à la suite de cette
conversion de la dette des particuliers pourraient aller jusqu’à 1 milliard d’euros.
Erste a ainsi dûdéprécier sa filiale hongroise à hauteur de 312 millions d’euros et inscrire 415 millions de provisions dans ses comptes afin de couvrir le « risque politique » que représente la Hongrie,
soulignait-elle lundi.
Signe de la perte de confiance
des investisseurs, le forint hongrois a baissé de 9 % en un mois. Et
le secteur de la grande distribution
et des services redoute les effets
pervers d’une hausse imminente
de la TVA (de 25 % à 27 %), qui vise à
renflouer les caisses de l’Etat hongrois, mais risque de décourager
les consommateurs. p
Joëlle Stolz
16
0123
décryptages L’ŒIL DU MONDE
Mercredi 12 octobre 2011
301 Valeur nette des dix premières fortunes mondia
780 Montant du fonds d’aide européen FESF (fonds européen de stabilité financière)
31 dont Bernard Arnault,
première fortune française
54 dont Bill Gates
158 dont engagement de la France
70 FESF d’origine
(mai 2010)
357 Dette grecque à fin 2011
110 Aide à la Grèce
137 Déficit public français
à fin 2010
556 Revenus pétroliers des pays de l’OPEP en 2010
22 Budget
annuel
des Nations
unies
237 Valeur estimée du commerce m
de drogues illégales (2010)
57 Chiffre
d’affaires
d’Apple
61 Valeur estimée de Facebook
40 dont héroïne
dont bénéfice 1
12 dont
bénéfice
87 Marché mondial du vin
16 dont
France
223 Dépenses de santé en France (2009)
Fonds de l’OPEP
pour le changement climatique
30 Coût
des JO
de Pékin
18 Déficit 2011
de la Sécurité
sociale française
15 Bonus
des banquiers
de Wall Street
(2010)
96 Aide aux pays
en développement des Etats
de l’OCDE (2010)
Le graphiste britannique,
pionnier du data-journalisme,
propose, pour «Le Monde»,
une comparaison ludique
etpédagogique des chiffres
extraits de l’actualité
économique
15 dont
France
2
38 Valeur
de ce qui a été
vendu sur eBay
en 2010
Lesmilliardsdela
crisegrecquevuspar
DavidMcCandless
0123
les
17
décryptages L’ŒIL DU MONDE
Mercredi 12 octobre 2011
1047 Coût de la guerre américaine contre le terrorisme
44 Estimation
en 2003 du coût
de la guerre
en Irak
200 Besoins estimés
de recapitalisation
des banques européennes
229 Coût de la reconstruction
au japon après le tsunami
132 Dépenses d’éducation
en France
67 Marché mondial
du café (2010)
mondial
38 Budget
français 2011
de la défense
15
Coût
de la
mission
pour
Mars
651 Chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique mondiale (2010)
102 Dette des pays
africains envers l’Europe
et les Etats-Unis (2008)
15
8
dont problèmes
d’érection
B
ritannique, 40 ans, lunetteux,
allure hybride de designer
branché et de savant fou,
David McCandless est un virtuose. L’un des pionniers d’un
art balbutiant : le data-journalisme. Né du besoin de trier dans la profusion et la confusion des informations qui
circulent sur Internet, ce « journalisme de
données » combine recherche consciencieuse de chiffres incontestables, audace
graphique, clarté et mise en perspective.
Si le data-journalisme s’épanouit sur la
Toile, il ne rechigne pas à s’exprimer sur
papier. David McCandless vient de sortir
son premier livre en français : Datavision
(Robert Laffont, 224pages, 23euros), qui est
en fait la traduction remise à jour d’un
ouvrage paru en 2009 en Grande-Bretagne. Le livre est un parfait condensé de ce
nouveau type de journalisme infographique épuré, qui associe des informations
essentielles et dérisoires et qui les fait com-
prendre en un clin d’œil. « Le choix des
sujets et des chiffres est dicté autant par ma
curiosité que par mon ignorance, explique
David McCandless. Ce sont juste des questions auxquelles je cherche des réponses.»
A l’occasion de la sortie de Datavision,
Le Monde a proposé à David McCandless
de réaliser cette double page spéciale. Le
data-journaliste a choisi de partir d’une
donnée omniprésente dans l’actualité et
pourtant assez abstraite : le montant de la
dette grecque. Mais plutôt que de la comparer classiquement à d’autres dettes, il a
choisi d’en faire la base d’une confrontation ludique et pédagogique. David
McCandless propose une « promenade »
au milieu des milliards, des chiffres que
chacun a lus ou entendus au gré des informations glanées au cours des dernières
semaines et qui, mis côte à côte, nous en
apprennent finalement beaucoup sur le
monde dans lequel nous vivons. p
Eric Béziat
4
dont cadeaux
aux médecins
dont
antidépresseurs
en milliards d’euros
Dépensés
Gagnés
Militarisés
Accumulés
Dus
Donnés
Afin d’ajuster les blocs à la marge,
certaines proportions ne sont pas
exactement respectées.
Sources : « Le Monde », CNN, BBC, Forbes
et autres médias
18
0123
économie
Mercredi 12 octobre 2011
«On s’en sortira», veulent croire les Irlandais
Après trois années de récession, l’ancien «Tigre celtique» a renoué avec une croissance fragile
Dublin
Envoyée spéciale
L
es indicateurs économiques
ont beau confirmer que la
reprise est là, eux restent
méfiants. « Nous, on ne voit rien
venir ! », lâchent-ils un peu dépités, mais sans cesser de sourire.
Après trois années de récession,
l’île a renoué avec la croissance : au
premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de
«Encore deux
budgets d’austérité
et la confiance
repart!»
Antoin Murphy
professeur d’économie
à l’université de Dublin
1,9 %, puis de 1,6 % au second.
Si l’Irlande n’est pas redevenue
le « Tigre celtique » d’avant la crise
de 2008, elle a su tirer profit des
85 milliards d’euros que lui ont
octroyés l’Union européenne et le
Fonds monétaire international, il
y a un an. Une aide destinée à combler le déficit public (32 % du PIB)
provoqué par le renflouement des
banques irlandaises, ruinées par la
spéculation immobilière.
La population, elle, semble un
peu sonnée par le plan d’austérité
dugouvernement. Baisses de salaire. Suppressions d’emplois dans le
secteur public. Hausses des
impôts et des taxes. Coupes sombres dans les budgets sociaux… Ce
traitement de cheval, échelonné
sur plusieurs années, paraît sans
fin aux Irlandais.
Chacun redoute le prochain
tour de vis, attendu pour décembre. A l’occasion du nouveau budget, le gouvernement pourrait
décider d’économiser 4 milliards
d’euros, au lieu des 3,6 annoncés.
« L’hiver sera rude pour les plus
démunis », prévoit Brid O’Brian,
responsable de l’Organisation
nationale irlandaise des sansemploi. Les dernières statistiques
sur la pauvreté datant de 2009, on
ne connaît pas encore l’impact
exact de toutes ces coupes.
A défaut d’avoir trouvé un
emploi en bonne et due forme,
Kathleen Murphy, habitante du
Dans les rues de Dublin. DEREK SPEIRS/« THE NYT »-REDUX-REA
comté de Wiclow, proche de
Dublin, donne des cours de cuisine
à des particuliers. « Quand la crise
est arrivée, le nombre de mes inscrits à chaque session a dégringolé
de moitié. Suivre des cours du soir,
et encore plus de cuisine, c’est devenu un luxe ! », explique cette mère
de famille de 42 ans.
Au même moment, Brian, son
mari, contremaître dans le bâtiment, s’est retrouvé au chômage,
le secteur de la construction subissant de plein fouet l’explosion de
la bulle immobilière. Frappé quelques mois plus tard par des problèmes de santé, Brian s’est vu
octroyer une pension d’invalidité.
Toute la famille vit de ce maigre
revenu. Mais cette subvention n’a
pas échappé au plan d’austérité :
elle vient d’être amputée de 12 %.
« Depuis la crise, mes revenus
ont chuté de 50 %. Je travaille désormais douze heures par jour, six
jours sur sept pour m’en sortir »,
explique un chauffeur de taxi,
sans chercher à se faire plaindre.
Sa fille, dit-il, est « étranglée » par
les dettes qu’elle a contractées en
2004 auprès des banques pour
acheter 290 000 euros « une mai-
son qui n’en vaut plus aujourd’hui
que 115 000 ». Pour cet homme
d’une cinquantaine d’années, l’Irlande n’est « pas encore tirée d’affaires ». Mais « on s’en sortira ! »
affirme-t-il avec énergie.
«Les Irlandais sont plus pragmatiques que déprimés, » remarque
Alan Dukes, président de l’AngloIrish Bank. Ils se disent : “ Nous
avons eu une dizaine d’années de
prospérité. Il y a un prix à payer ! ” »
Pour cet ex-ministre des finances,
la reprise vantée aujourd’hui à
Dublin est «relative ». Ce qui le soucie, ainsi que de nombreux autres
experts, c’est que la croissance de
l’île repose presque exclusivement sur ses exportations.
L’Irlande s’est ainsi transformée « en une économie à deux
vitesses », souligne Alan McQuaid,
économiste chez Bloxham. D’un
côté, il y a les multinationales installées dans l’île, exportatrices de
produits high tech tels que des
ordinateurs, ainsi que de produits
chimiques et pharmaceutiques.
Bien que menacées par le ralentissement de l’économie mondiale,
ces entreprises sont en bonne santé. De l’autre côté, il y a les entrepri-
ses irlandaises, qui, elles, broient
du noir. Elles dépendent d’une
consommation intérieure rendue
atone par les mesures d’austérité
successives et la peur de la population face à l’avenir.
Le pire est-il passé pour l’Irlande ? « Je le crois. Mais comment en
convaincre ceux qui sont écrasés
par des dettes ou au chômage ? La
La vague d’émigration
se poursuit et même
s’amplifie.
Quelque 40000
Irlandais ont encore
quitté l’île en 2010
reprise de la consommation est
essentielle mais elle est loin d’être
garantie », souligne John FitzGerald, professeur à l’Economic and
social Research Institute (ESRI)
« Encore deux budgets d’austéritéet la confiance repart!» pronostique Antoin Murphy, professeur
d’économie à l’Université de
Dublin.Pour lui, l’Irlande va rebondir grâce à « la troisième généra-
tion Internet » : Google, Facebook,
Intel, Twitter, toutes ces sociétés
qui s’installent à Dublin et dont le
marché croit « à une vitesse exponentielle ».
L’île va rester ce qu’elle est de
longue date : « la tête de pont »
entre la Silicon Valley et l’Europe,
selon M. Murphy. Et l’attractivité
de l’Irlande ne tient pas seulement
au taux d’imposition extrêmement bas (12,5 %) qu’elle offre aux
entreprises, dit-il, mais à la flexibilité de sa force de travail, à sa compétitivité, et enfin à l’absence de
bureaucratie.
« Sarkozy nous accuse d’être un
paradis fiscal ! Ça ne manque pas
de piquant quand on sait qu’un
quart des entreprises du CAC 40 ne
sont pas taxées ! » s’esclaffe de son
côté Brian Lucey. Pour cet enseignant en finances au Trinity College de Dublin, l’Irlande doit penser davantage à elle si elle veut se
sortir durablement de la crise. Plutôt que de continuer à renflouer
sans fin « des banques moribondes », comme le lui imposent ses
partenaires de l’UE, afin d’empêcher que le système bancaire européen soit contaminé par la crise,
les responsables irlandais feraient
mieux, estime-t-il, d’utiliser ces
fonds pour s’attaquer au fléau du
chômage.
De 4 % pendant les années fastes, le taux des sans-emploi est passé à 14 %. Chez les jeunes, il dépasse
même les 20 %. Plus grave : le nombre de chômeurs de longue durée a
augmenté de 24 % en un an. Conséquence : la vague d’émigration se
poursuitet même s’amplifie. Quelque 40 000 Irlandais ont encore
quitté l’île en 2010. Si les parents
vivent douloureusement le départ
de leurs enfants, les jeunes, au
contraire, le considèrent comme
une opportunité à saisir.
Le principal motif d’inquiétude, en fin de compte, c’est la situation en Europe. « Combattre un
problème à l’intérieur de nos frontières, nous avons prouvé que nous
en étions capables, souligne Thomas Molloy, journaliste économique à l’Irish Independant. Mais que
faire si l’économie européenne
s’écroule ? Ca nous angoisse. On se
dit tous : “ainsi, nous aurions fait
tous ces sacrifices pour rien ?” » p
ce que l’on voit et ce que l’on ne voit
pas ». Thomas Sargent vient de
recevoir le prix Nobel pour avoir
précisé que ce que l’on ne voit pas
est souvent diffus. Christopher
Sims pour avoir avancé que ce que
l’on ne voit pas est souvent aléatoire et difficilement modélisable par
l’économétrie. p
Jean-Marc Daniel
Nicole Vulser
Florence Beaugé
Les Américains Thomas Sargent et Christopher Sims ont reçu le prix Nobel d’économie lundi 10octobre
L
On peut affirmer
que ce choix a renoué
avec la quintessence
de la science
économique
moderne
ri Thomas Sargent, ce qui se passe
sur le Vieux Continent ne pose
«pas de questions nouvelles pour la
théorie économique. La difficulté,
c’est la politique ». L’économiste
prône de suivre la voie choisie par
les Etats-Unis pour résoudre la crisebudgétairedesestreizeEtatsfondateurs après l’indépendance de
1776 : ils décidèrent de restaurer
leur crédibilité en unissant leurs
budgets avec la Constitution de
1787.
Cetteannée,lesPrix Nobel d’économie sont des macro-économistes. Comme ils sont américains et
qu’ils ont un parcours académique
exemplaire, on peut affirmer que
ce choix a renoué avec la quintessence de la science économique
moderne.
Leurs travaux sont nés dans les
années 1970 de la volonté des économistes d’alors de renouveler les
certitudes keynésiennes ébranlées
par la stagflation.
L’économie néo-classique du
XIXe siècle avait théorisé l’équilibre
entre l’offre et la demande sur tous
les marchés. Celle du XXe siècle,
organisée autour du keynésianisme, a théorisé le cycle, c’est-à-dire
lasuccessionde phasesdecroissanceet derécession,l’ampleur dechaque cycle pouvant être limitée par
la politique économique.
Dépassant ces deux approches,
les deux lauréats, que l’on peut rattacher à l’école de la « nouvelle
macroéconomie classique », se
sont demandé, chacun à sa manière – Sims en spécialiste de l’analyse
mathématique des séries temporelles, Sargent en théoricien des
anticipations rationnelles et analyste de l’histoire économique – si
les économistes ne se fourvoyaient
pas en donnant une cohérence
logique à des enchaînements nés
du hasard ou des justifications
savantes à des erreurs malheureuses. Ils se sont également interrogés sur la façon dont les éléments
de long terme et de court terme
inter-réagissent.
Christopher Sims, au fond, et Thomas Sargent, le 10 octobre à Princeton (New Jersey). WILLIAM THOMAS CAIN/GETTY IMAGES
ThomasSargent a publié en 1981
avec Neil Wallace un texte – Some
unpleasant monetarist arithmetic– devenu une référence quiillustre sa démarche.
Le raisonnement est le suivant:
supposons que la Banque centrale
durcisse sa politique monétaire
pour se défaire de l’inflation. Les
taux d’intérêt montent, provo-
quantun ralentissement économique.L’Etatrépondparuneaugmentation de son déficit budgétaire
dont la charge finit par être insupportable. Conséquence, les autorités économiques n’ont d’autre
solution que de provoquer… une
nouvelle vague d’inflation.
Comme l’écrivait Frédéric Bastiat au milieu du XIXe siècle, « il y a
J
ean-Louis Scherrer, le couturier qui habillait Jackie Kennedy, Sophia Lauren et Raquel
Welch de somptueuses robes à
imprimés ou à pois, assiste depuis
une vingtaine d’années, sans pouvoir s’en mêler, aux péripéties de
la marque qui porte son nom.
Cette griffe, fondée en 1962 a été
rachetée à l’homme d’affaires
Alain Duménil par le groupe français JSB International, détenu par
trois frères, Jean, Serge et Bruno
Bensoussan. L’opération a été
annoncée, lundi 10 octobre. Son
montant reste confidentiel.
JSB International est spécialisé
dans l’immobilier d’entreprise et
l’import-export de produits de
luxe. Peut-être tout simplement
parce que sa mère était une fidèle
cliente du couturier, Bruno Bensoussan souhaite « donnerà la griffeun nouveau souffle, en se concentrant sur la gestion des licences ».
JSB a acquis le portefeuille de
licences (lunettes, maroquinerie,
mode homme, cadeaux) et espère
relancer dès l’an prochain le
prêt-à-porter féminin. Il négocie
avec des producteurs et des distributeurs pour redémarrer dans
l’Hexagone la fabrication de ces
collections.
Le nouveau repreneur se donne
pour objectif de « rentabiliser la
marque d’ici à cinq ans ». La licence
des parfums (dont les trois fragrances historiques, « Jean-Louis Scherrer », « Scherrer 2 » et « Nuits
Indiennes ») avait, elle, déjà été
cédée, voici cinq ans, à un groupe
britannique.
Procès retentissants
L’histoire de cette griffe a été
très mouvementée et émaillée par
des procès retentissants concernant la vente et l’utilisation du
nom de son créateur. Danseur de
formation, Jean-Louis Scherrer
avait dû, très jeune, avant de sortir
du conservatoire de Paris, abandonner le métier auquel il se destinait pour se reconvertir après un
grave accident.
« A l’hôpital, je dessinais des croquis, des modèles de vêtements
féminins pour m’occuper », dit-il.
Non sans talent puisqu’il travaille
très rapidement, de 1956 à 1959,
aux côtés de Christian Dior et Yves
Saint Laurent. Il présente sa première collection en 1963 dans une
ancienne cave à vins de la rue du
faubourg Saint-Honoré à Paris.
Plusieurs financiers vont se succéder pour l’épauler : d’abord Francis Francis, un Américain, qui avait
bâti sa fortune dans le pétrole
puis, de façon plus pacifique, le
groupe de cosmétiques Orlane.
Celui qui a relancé la mode du
pantalon large à la fin des années
1980 s’est ensuite allié, en
avril1990,augroupejaponaisSeibu
et à Hermès. A l’apogée de son aventure, l’entreprise qui porte son nom
emploie plus de 150 personnes et
ses boutiques essaiment dans les
principales capitales du luxe.
Le contrat de directeur artistique de M. Scherrer était prévu jusqu’en 2000. Mais Seibu « a inventé
une faute grave à mon encontre.
J’ai été licencié en 1992 », explique-t-il sans cacher une « désillusion énorme ». « Les Japonais ont
une vision de la mode un peu différente de la nôtre. Nous avions été
partenaires pendant dix ans, avec
vingt-sept boutiques au Japon. J’ai
ensuite gagné mon procès, mais
même si j’ai eu des dommages-intérêts, j’ai perdu ma situation, ma
vie, mon nom », regrette-t-il.
Depuis 2002, le dernier repreneur, Alain Duménil – mis en examen dans le dossier de la liquidation de Stephane Kelian en 2005 –
avait enterré la marque au fil des
années. Il avait d’abord décidé d’arrêter les défilés haute couture, fermé les dernières boutiques JeanLouis Scherrer et licencié les salariés de la griffe en 2008. p
Petite leçon de macroéconomie aux dirigeants de la zone euro
ors d’une conférence de presse à Princeton, lundi 10 octobre, les deux lauréats du prix
Nobel d’économie 2011 – Thomas
Sargent et Christopher Sims – ont
donné une petite leçon de macroéconomie aux dirigeants de la
zone euro.
« Il y a tout à fait la place pour
que [les économistes] donnent des
conseils aux politiques », a assuré
Christopher Sims. De fait, a renché-
Mode: nouveau
propriétaire
pour la marque
Scherrer
0123
économie & Médias
Mercredi 12 octobre 2011
19
Sous l’œil de l’Elysée, Après la démission d’Eckhard Cordes,
le groupe Hersant le groupe Metro cherche un pilote
Le premier groupe de distribution allemand sort miné par quatre ans de restructurations
se rapproche
du belge Rossel
Berlin
Correspondance
L
e Groupe Hersant Médias
(GHM), lourdement endetté,
pourrait bientôt passer sous
le contrôle du groupe de presse belge Rossel, selon une information
de RTL. Une réunion a eu lieu, lundi
10 octobre à Bercy en présence des
représentants des deux groupes et
des banques créancières pour étudier ce rapprochement. Une nouvelle réunion, vendredi 14 octobre,
devrait permettre de conclure un
accord entre les deux parties, selon
PresseNews,quiaboutiraitàlacréationd’uneholdingdétenue àparité
par GHM et Rossel.
Dirigé par Philippe Hersant,
GHM est ce qui reste de l’empire
bâti dans les années 1980 par
Robert Hersant. Il est aujourd’hui
engagé à hauteur de 300 millions
d’euros, dont 80 millions de créances auprès de la famille Hersant et
200 millions de dette bancaire.
Le groupe de presse a réalisé des
acquisitions coûteuses au cours
des dix dernières années, en achetant la Comareg en 2003 et le pôle
des journaux du Sud en 2007, avec
La Provence et Nice-Matin. Or, avec
Internet, le marché de la presse
d’annonces gratuites s’est effondréen 2008,et la Comarega été placée en redressement judiciaire en
novembre 2010.
GHM souffre également d’une
structure éclatée en quatre pôles,
qui empêche toute synergie
notamment en termes d’imprimerie. Les journaux du pôle Sud
publient La Provence, Nice Matin,
Var Matin et Corse Matin. Le pôle
Est contrôle L’Est éclair, Libération
Champagne, L’Union de Reims et
l’Ardennais. Le pôle normand comprend Paris Normandie. Enfin, le
pôle outre-mer, qui fait partie du
noyau historique du groupe Hersant, inclut France Antilles, France
Guyane, Les Nouvelles calédoniennes, La Dépêchede Tahitiet LesNouvelles de Tahiti.
Le comité interministériel de
restructuration industrielle (CIRI)
de Bercy a fortement encouragé
GHM à trouver un partenaire. Cette opération s’est faite sous l’œil
vigilant de l’Elysée, très attentif au
devenir de la presse régionale.
Selon RTL, Bercy aurait demandé
aux banques de GHM de renoncer
à 125millions d’euros de dettes.
Depuis plusieurs mois, le groupe Rossel, propriétaire du quotidien Le Soir de Bruxelles et de La
Voix du Nord à Lille, cherche à
investir dans la presse quotidienne régionale française. En juin, Bernard Marchant, administrateurdélégué du groupe Rossel, déclarait au Monde qu’il regardait avec
attention toutes les opportunités.
Etape supplémentaire
« La presse régionale est l’un des
médias les plus performants, mais
il faut qu’il y ait des effets de taille
critique et des alliances, insistait-il.
A terme, il faudrait deux à quatre
groupes en France, guère plus.
Nous regardons plutôt les journaux proches de notre zone. »
Sollicité lundi soir par l’AFP à
Bruxelles, Bernard Marchant a laissé entendre qu’un accord était
bien en préparation entre les deux
entreprises de presse, tout en soulignant qu’il ne s’agissait pas d’un
rachat de Hersant par Rossel.
Le groupe belge avait tenté de
réaliser un montage du même
ordre avec le groupe Centre-Presse
La Montagne fin juin. Le projet
avait finalement échoué, le groupe de Clermont-Ferrand renonçant à conclure l’accord.
Le rapprochement entre Groupe Hersant Médias et Rossel marque une étape supplémentaire
dans une concentration de la presse quotidienne régionale qui semble inéluctable.
On voit se dégager aujourd’hui
six grands pôles. D’abord le groupe
EBRA
(Est-Bourgogne-RhôneAlpes), propriété du Crédit Mutuel,
qui contrôle une dizaine de quotidiens dans le grand Est ; ensuite, le
groupe Ouest France, dirigé par
François-Régis Hutin. Viendrait
ensuite la nouvelle entité formée
par le groupe Rossel et GHM, dont
onne connaîtpas encore lepérimètre exact. Puis, le groupe SudOuest, propriété de la famille
Lemoine, qui cherche un investisseur, et le groupe Centre-Presse La
Montagne. Enfin, le groupe Amaury, qui publie Le Parisien. p
E
ckhard Cordes quitte le navire Metro, au milieu de la tempête qu’il a lui-même semée.
Après plusieurs semaines de
rumeurs sur son départ, suivies
d’un court retour en grâce, l’enfant
terrible du capitalisme allemand
n’a pas pu résister à la pression.
Dimanche 9 octobre, il a déclaré ne
plusdisposer de la confiance nécessaire pour poursuivre son mandat,
qui devait s’achever en 2012.
Selon la presse allemande, il
pourrait partir aussitôt qu’un remplaçant sera trouvé. Celui-ci devra
reprendre la barre d’un groupe en
plein désarroi, après quatre ans de
restructurations tous azimuts. A
l’ouverture de la Bourse de Francfort lundi matin, le titre a dévissé
de près de 7%.
Ironie de l’histoire, la démission
de M. Cordes intervient à la veille
19 000 postes supprimés
Malgré une politique des prix
toujours plus offensive, Saturn et
Media Markt ont vu leurs parts de
marché rabotées mois après mois
par le géant Amazon et les dizaines
de sites Internet de vente de matériel électronique.
Depuis lundi, Saturn vend directement sur son site, tout en offrant
la possibilité à ses clients de rendre
ou d’échanger leurs produits dans
un des 235 magasins ouverts en
Europe. Un atout qui pourrait faire
la différence au moment des fêtes,
espère la direction. Avec Media
Markt, qui devait être mis en ligne
début2012,legroupeprévoitderéaliser 5 milliards d’euros de chiffre
d’affaires sur Internet d’ici à 2016.
Cela suffira-t-il à apaiser l’ambiance chez Metro ? A en croire les
syndicats, il faudra du temps pour
que le personnel se remette des
grands projets de M.Cordes, connu
pour sa détermination à tailler
dans les coûts. Depuis son arrivée
en 2007, 19 000 postes ont été supprimés. Objectif : économiser
1,5 milliard d’euros et recentrer le
groupe, fort de 280 000 salariés
dans le monde et 68 milliards de
chiffred’affairesannuel, sursafiliale Cash & Carry.
Mais l’ex-PDG de Mercedes a
multiplié les déconvenues. Ni son
projet de vente des chaînes de
supermarchés Kaufhof et Real, ni
sa tentative pour mettre en Bourse
l’enseigne Saturn n’ont abouti.
Biensûr,la criseest passée parlà.
Et le groupe a réalisé en 2010 un
résultat historique. Mais les actionnaires ont vu le titre Metro perdre
en quatre ansla moitié de sa valeur.
Et certains ont peu goûté la politique d’acquisitions de M.Cordes.
Acculé par la réduction de ses
marges en Europe occidentale,
Metro doit aujourd’hui mener à
bien sa stratégie d’expansion vers
les pays qui promettent une forte
croissance: l’Asie centrale, d’abord,
puis l’Inde et la Chine, où les enseignes du groupe de Düsseldorf sont
quasi inexistantes.
Qui succédera à M. Cordes ?
Dans la presse allemande, plusieurs noms sont en lice. Outre Olaf
Koch, directeur financier chez
Metro et Thomas Hübner, actuellement directeur Europe chez Carrefour, le Français Joël Saveuse,
ancien de Carrefour et de La Redoute, est régulièrement cité. p
Cécile Boutelet
© Cinétévé - Medhi - Karim Moui -
En cours de concentration, la presse régionale
pourrait s’organiser autour de six pôles
du lancement du site de vente en
lignede Saturn, l’une des deux filiales de Metro (avec Media Markt)
spécialiséedans le matériel électronique. Le retard pris par Metro sur
cechapitreavait étéaucœurdescritiques adressées à M. Cordes cet été
par les actionnaires, alors que les
résultats du groupe ont plongé de
façoninattendueausecondtrimestre 2011.
Xavier Ternisien
Presse
«France Soir» pourrait arrêter
son édition papier
Le quotidien France Soir pourrait arrêter son édition papier pour ne
paraître que sur Internet, selon une source proche du dossier. La décision devrait être annoncée lors d’un comité d’entreprise, vendredi
14 octobre. Cette mesure s’accompagnerait d’un plan social prévoyant
le départ de 80 salariés (sur 120). Seuls 30 journalistes et 10 employés
administratifs resteraient dans Les Editions du nouveau France-Soir. A
la suite d’une assemblée générale, lundi, les salariés ont décidé d’empêcher la parution du numéro de mardi. Fin août, le quotidien a été placé
sous procédure de sauvegarde pour une période de quatre mois. Cette
mesure permet de continuer l’activité tout en gelant le paiement des
créances. Les pertes du quotidien, racheté en janvier 2009 par Alexandre Pougatchev, fils d’un milliardaire russe, se situent entre 1 et 2 millions d’euros par mois. Ses ventes sont en moyenne de 72 513 exemplaires, entre juillet 2010 et juin 2011 (source OJD, diffusion France payée).
ILS ONT TOUT DONNÉ
POUR LA LIBERTÉ
UNE SÉRIE DOCUMENTAIRE DE BERNARD GEORGE
PRODUITE PAR CINÉTÉVÉ
20.40
«Le Monde» absent des kiosques
Pour la deuxième édition consécutive, Le Monde n’a pas été imprimé,
lundi 10 octobre, à la suite d’un mouvement social dans son imprimerie
d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Une assemblée générale devait avoir
lieu mardi à 10 heures à l’imprimerie sur la suite à donner au mouvement. Cette grève fait suite à un projet de restructuration de l’imprimerie, la direction du Monde ne souhaitant garder qu’une rotative sur trois
à Ivry et effectuer une partie du tirage en région. Cette réorganisation
prévoit la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui doit se
traduire par le départ de plus de 150 personnes sur un quelque 230 salariés. Une partie des salariés, entre 35 et 40, devrait être reclassée dans
un centre d’impression opéré par le groupe Riccobono ; d’autres seront
pris en charge dans le cadre du plan « Imprime », signé avec la presse
quotidienne nationale en 2009, qui prévoit le maintien de 85 % de leur
salaire pendant trois ans grâce aux aides de l’Etat.
LES 12, 19 ET 26 OCTOBRE
DOSSIER SPÉCIAL SUR WWW.ARTE.TV/COMBATTANTS
Regardez
la bande annonce
Un livre et un coffret DVD
en partenariat avec
20
0123
économie
Mercredi 12 octobre 2011
Pertes et profits | Chronique
par Stéphane Lauer
Autojustification
Face à Amazon, la Fnac contre-attaque
sur le marché français des liseuses
Associé au canadien Kobo, le distributeur a dévoilé ses nouvelles ambitions, mardi 11 octobre
Dexia
L
e refrain « c’est pas moi, c’est
les autres », entonné par les
dirigeants de Dexia au lendemain de l’annonce de son démantèlement paraît un peu court
pour comprendre la déconfiture
de la banque franco-belge. Pierre
Mariani, l’administrateur délégué
de Dexia et Jean-Luc Dehaene, son
président, se sont livrés, lundi
10octobre, à un exercice d’autojustification, qui a de quoi laisser sur
leur faim salariés, actionnaires et
collectivités locales.
Les faillites bancaires ne sont
pas si fréquentes pour que l’on
puisse décliner toute responsabilité comme a tenté de le faire le tandem, qui dirige Dexia depuis
2008. Premier bouc émissaire
pointé du doigt: l’ancienne direction, menée par Pierre Richard.
Nous n’avons pas hérité d’une banque, ont plaidé en substance les
deux hommes, mais d’un fonds
spéculatif. Difficile de leur donner
tort. Mais en acceptant leur mission, ils connaissaient la situation
que leur avaient laissée leurs prédécesseurs. C’est la raison même
pour laquelle les Etats belge et
français les avaient mandatés.
On ne reproche pas à un pompier d’avoir allumé l’incendie,
mais on peut s’interroger sur les
moyens qu’il mobilise pour le circonscrire. Le travail mené par la
direction de Dexia (vente d’actifs,
dégonflement du bilan) est incontestable. Mais il est légitime de se
demander si M. Mariani n’a pas
trop tardé à restructurer et suffi-
samment profondément.
Pourquoi avoir laissé en place
une partie du management de la
gestion des risques et des activités
internationales, malgré ses responsabilités sous la précédente direction ? N’aurait-il pas fallu mettre
un terme plus rapide à la martingale trouvée par M. Richard, consistant à financer à court terme des
prêts à long terme, qui a conduit
Dexia dans le mur ?
Avec deux ans de plus et sans la
crise de la dette souveraine, Dexia
aurait été sortie d’affaire, répond
la direction, pointant un second
bouc émissaire : le gouverne-
Il est légitime de
se demander si Pierre
Mariani n’a pas trop
tardé à restructurer
ment, et en particulier Christine
Lagarde, alors ministre de l’économie, qui avait demandé à Dexia
de ne pas céder ses titres de dette
souveraine, afin de ne pas aggraver la crise grecque.
« Le groupe a fait preuve de naïveté en acceptant ces recommandations», estime M.Mariani. N’estce pas plutôt les marges de
manœuvres, qui ont manqué à
l’ex-directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère du budget de 1993 à 1995 ? Mais ça,
M. Mariani ne pouvait pas l’ajouter à son plaidoyer vis-à-vis de
celui l’a placé à la tête de Dexia. p
lauer.blog.lemonde.fr
Le président de Krief dans
le collimateur de la justice
Louis Petiet a été mis en examen dans le cadre
du rachat en 2008 de la société de textile DMC
L
e président du groupe Krief,
Louis Petiet, a été mis en examen dans une affaire relative
à la société DMC, un ancien fleuron de l’industrie textile française.
M. Petiet est par ailleurs visé par
une plainte dans un autre dossier
concernant aussi DMC.
Révélée, lundi 10 octobre, par
Les Echos, la mise en examen
remonte au mois de mars. Elle a
été prise par le juge d’instruction
Jacques Bourguignon dans le
cadre d’une information judiciaire ouverte pour « abus de biens
sociaux » et « présentation de
compte inexact », précise-t-on au
parquet de Mulhouse.
D’après ce dernier, la mise en
examen porte sur des faits qui
concernent « DMC SAS, constituée
après la reprise d’éléments d’actifs
de DMC SA ». Les agissements susceptibles de poser problème
seraient notamment liés à la reprise de fonds de commerce. M. Petiet
avait repris, en 2008, avec l’appui
d’autres investisseurs, deux entités du groupe DMC : DMC tissus
(devenue ensuite SAIC Velcorex)
et DMC SA.
« Il s’agit d’une procédure
ancienne, fait valoir M. Petiet.
Nouspensons qu’elle n’a aucun fondement et qu’aucun préjudice n’a
été commis au détriment de qui
que ce soit. » DMC est une « entreprise magnifique », souligne-t-il,
qui affichait, fin 2010, « dans son
bilan consolidé, 29 millions d’euros
de fonds propres ».
M. Petiet, 54 ans, est à la fois un
entrepreneur et un élu local dans
l’Eure, où il fut responsable départemental de l’UMP. Il a débuté en
1981 comme consultant chez Bernard Krief Consulting, une société
de communication et de conseil
auprès des entreprises qu’il a par
la suite acquise à la barre du tribunal de commerce de Paris.
Convaincu qu’il est possible de
« réindustrialiser la France, y compris dans des métiers traditionnels », il a acheté, à partir du milieu
des années 2000, des parts dans
des PME, souvent en difficulté.
Plusieurs rachats se sont soldés
par des échecs. Début mars 2010,
M. Petiet a dû se retirer de l’industriel de l’automobile Heuliez,
moins d’un an après s’en être
emparé. Cette décision a été prise
sous la pression du gouvernement, lassé de constater que le président de Krief n’avait pas injecté
les sommes promises pour relancer l’entreprise.
« Escroquerie au jugement »
Quelques semaines plus tard,
SAIC Velcorex a été mise en liquidation judiciaire, faute d’avoir
reçu le cash dont elle avait besoin
pour poursuivre son activité.
Le spécialiste de l’isolation
industrielle Isotherma, sauvé en
2008 par Krief, a fermé ses portes
deux ans plus tard. Une information judiciaire a été ouverte par le
parquet du Havre au sujet de cette
entreprise : lors de sa liquidation
judiciaire, plusieurs représentants du personnel avaient prétendu que des irrégularités avaient
été commises par des managers.
La société Blanchard, candidate
à la reprise de DMC SA, en 2008,
mais dont l’offre avait été rejetée
au profit de celle de M. Petiet, a également déposé, en juin, une plainte contre ce dernier pour « escroquerie au jugement ».
Le tribunal de commerce s’est
prononcé sur la base d’un « mensonge », affirme Me Antoine Beauquier, l’avocat de Blanchard.
D’après lui, Krief s’était engagé à
apporter des fonds dans l’affaire,
mais les sommes n’ont jamais été
débloquées. p
Bertrand Bissuel
L
a bataille s’engage sur le marché français des liseuses électroniques. Alors que les lecteurs français n’ont pas encore
pris le goût de lire romans ou BD
sur ces lecteurs numériques, de
nombreux acteurs sont prêts à les
inciter à changer leurs habitudes.
Et espèrent les convaincre de faire
de la liseuse un de leurs cadeaux
de Noël de prédilection.
Parmi eux, l’américain Amazon, qui lance son Kindle à l’assaut
du marché hexagonal. Mais aussi
la Fnac qui dévoile, mardi 11 octobre, ses nouvelles ambitions en
annonçant un partenariat avec le
canadien Kobo. Ou encore le japonais Sony. Sans oublier des outsiders, comme le français Bookeen.
Amazon, le géant du commerce
en ligne, a dégainé le premier, le
7 octobre. L’entreprise qui détient
près de la moitié du marché des
liseuses aux Etats-Unis, veut étendre ses prérogatives en Europe.
Elle a choisi une politique de prix
très agressive pour tenter de prendre très vite des parts de marché.
Son Kindle sera commercialisé, à
partir du 14 octobre, au prix de
99 euros.
Mais à ce tarif, difficile de trouver des réseaux de distribution disposés à jouer le jeu. D’où pour l’instant, un seul canal de vente : celui
du propre site Internet d’Amazon.
Cette stratégie impose aussi de
privilégier un modèle rustique :
les clients français ne se verront
pas proposer les produits les plus
sophistiqués de la gamme commercialisés aux Etats-Unis, mais
un modèle d’entrée de gamme,
doté d’un écran non-tactile.
Le géant américain, qui a réalisé
un chiffre d’affaires de 34 milliards de dollars en 2010, compte
sur sa force de frappe pour développer un marché balbutiant.
LaFnacavaitbienlancé,ilyaquasiment un an, avec sa propre liseuse, le Fnacbook, mais sans rencontrer le succès espéré. Le distributeur s’était allié à la société Sagem
pourconcevoirunesolutiontechnique. Mais parvenir à résoudre
l’équation d’une offre de produits
et de services attractive s’est avéré
plus complexe que prévu.
La société, dirigée désormais
par Alexandre Bompard, a décidé
de repartir à l’attaque avec un
autre partenaire, le canadien
Kobo. Cette société qui a développé une offre de livres en ligne téléchargeables sur « smartphones »,
tablettes ou ordinateurs a conçu sa
propre liseuse. En juin, elle a lancé
aux Etats-Unis un modèle à écran
tactile à un prix, là encore très
agressif, de 129 dollars (95 euros).
Réseaux de libraires
En outre, Kobo fait le lien entre
sa plate-forme de lecture numérique et les réseaux sociaux, afin
que les lecteurs échangent leurs
commentaires et recommandations. Elle revendique 3,6 millions
de membres inscrits.
Cet acteur s’est associé à des
réseaux de libraires pour se développer en Amérique du Nord. Il
revendique 10 % du marché de la
lecture numérique aux Etats-Unis.
Depuis quelques mois, il souhaite
se développer en Europe et cherche des partenaires. Sa route a croisé celle de la Fnac en France.
Mais Amazon et la Fnac ne sont
pas seuls en lice. Le géant japonais
Sony, un des pionniers de ce marché de la lecture numérique, poursuit l’aventure avec son Reader. Et
France Loisirs propose le Oyo.
Face à ces poids lourds, une
PME française, Bookeen, tente de
jouer sa carte. Fondée en 2003, elle
a lancé son premier modèle en
2007. « Nous avons vendu 120 000
exemplaires en Europe », affirme
Michael Dahan, cofondateur de la
société. En novembre, elle commercialisera le Cybook Odyssey, à
écran tactile et affichage rapide à
un prix proche de 130 euros.
Toutes ces initiatives prouvent
que, malgré le succès des tablettes
numériques, le marché des liseuses existe. Avec leur écran à encre
électronique noir et blanc pour le
confort de lecture, leur autonomie
et leur prix accessibles, elles trouvent leur public. Selon le cabinet
d’études IDC, il pourrait se vendre
27millions deliseuses dans lemonde en 2011, soit un quasi-doublement du marché en un an. p
Laurence Girard
Conjoncture et entreprises
Transports La SNCF
va étendre le contrôle
à l’embarquement
Finance
La SNCF va étendre peu à peu en
2012 sur le réseau TGV le contrôle
des billets à l’embarquement pour
lutter contre les agressions à bord
des trains, a annoncé, lundi 10octobre, la directrice de la relation
clients, Patricia Lacoste, à l’issue
d’une réunion avec les syndicats
sur la sûreté. Déjà en place à Marseille, ce dispositif va être testé sur
l’axe Paris-Rennes début 2012,
puis au cours de l’année sur les
quatre lignes TGV. «Nous constatons que 60 % des agressions à
bord sont le fait de voyageurs sans
billet », selon Mme Lacoste. – (AFP.)
Central Huijin Investment, un des bras financiers du fonds souverain
chinois CIC, a indiqué, lundi 10 octobre, avoir augmenté sa participation dans les quatres plus importantes banques publiques du pays,
dont il est déjà le premier actionnaire : Industrial & Commercial Bank
of China (ICBC), Agricultural Bank of China, Bank of China et China
Construction Bank. Une opération destinée à soutenir les cours en Bourse de ces valeurs, affectées, malgré l’importante croissance chinoise, par
les inquiétudes sur la zone euro et par leur forte exposition à la dette
des collectivités locales. Les banques sont également affectées par le resserrement monétaire mené par Pékin pour juguler l’inflation, notamment des prix de l’immobilier. Central Huijin Investment n’a pas donné d’indication sur le nombre d’actions achetées, mais a précisé que ces
opérations se poursuivraient. – (Bloomberg, Reuters.)
Pékin contraint d’aider ses banques
Média Le patron du groupe
allemand Bertelsmann
va quitter son poste
Le patron du géant allemand des
médias Bertelsmann, Hartmut
Ostrowski, va quitter son poste le
1er janvier 2012, soit un an plus tôt
que prévu, a indiqué le groupe
allemand lundi 10 octobre.
M. Ostrowski, 53 ans, cédera sa pla-
ce au directeur financier Thomas
Rabe, 46 ans, pour devenir président du conseil de surveillance.
Bertelsmann – présent dans
l’audiovisuel (groupe RTL), la presse (Gruner + Jahr)… – a expliqué ce
changement pour « des raisons
personnelles ». – (AFP.)
Conjoncture Les Japonais
reprennent confiance
L’indice général de confiance des
Japonais s’est établi à 38,6 points
Marchés
Finance Le délit d’initié
de l’affaire Pechiney jugé
fin avril en correctionnelle
Cinq financiers soupçonnés
d’avoir commis un délit d’initié
lors du rachat de Pechiney par
Alcan en juin 2003 comparaîtront
Spiritueux Le PDG
de Belvédère remplacé
par son numéro deux
Le groupe de spiritueux Belvédère (anisette Marie Brizard, vodka
Sobieski, whisky William Peel…),
en proie à de graves difficultés, a
annoncé, mardi 11 octobre, le remplacement de son PDG, Jacques
Rouvroy, par son directeur général et cofondateur Krzysztof
Trylinski. Belvédère, dont la dette
s’élève à 375 millions d’euros, a été
placé en redressement judiciaire
par le tribunal de commerce de
Nîmes en septembre. – (AFP.)
Retrouvez l’ensemble des cotations sur notre site Internet :http://finance.lemonde.fr
LES BOURSES DANS LE MONDE 11/10, 9h47
VALEURS DU CAC40
Mardi 11 octobre 9h45
Valeur
en septembre, selon le résultat
d’une enquête gouvernementale
publiée mardi 11 octobre. Après la
catastrophe du 11mars, il était tombé à 33,1 points en avril. – (AFP.)
les 30 avril, 2, 7 et 9 mai 2012
devant le tribunal, a décidé, lundi
10 octobre, la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Après
des mouvements inhabituels
dans le mois précédant le lancement du rachat par Alcan, l’Autorité des marchés financiers (AMF)
avait lancé une enquête et
condamné sept personnes à une
amende de 4 millions d’euros.
Parallèlement une enquête judiciaire avait été lancée. – (AFP.)
Pays
Dernier
cours
Cours
préc.
ACCOR .........................◗
21,41
AIR LIQUIDE .......................◗
90,77
ALCATEL-LUCENT ...........◗
2,02
ALSTOM ............................◗ 25,40
ARCELORMITTAL................
13,76
AXA ....................................◗
11,51
33,19
BNP PARIBAS ACT.A ........◗
BOUYGUES .......................◗
25,74
CAP GEMINI ......................◗
27,16
CARREFOUR .....................◗
17,41
CREDIT AGRICOLE ............◗
5,44
DANONE ............................◗ 45,34
21,70
EADS ...................................◗
EDF ......................................◗ 22,89
ESSILOR INTL ....................◗
52,15
FRANCE TELECOM ............◗
12,91
GDF SUEZ ...........................◗ 23,64
LAFARGE ...........................◗ 28,30
L’OREAL ............................◗
76,75
LVMH MOET HEN. ............◗ 109,80
MICHELIN...........................◗ 47,08
PERNOD RICARD...............◗ 62,34
PEUGEOT............................◗
17,96
PPR .....................................◗ 104,50
PUBLICIS GROUPE ...........◗ 33,45
RENAULT............................◗ 26,96
SAFRAN ..............................◗ 24,82
SAINT-GOBAIN..................◗ 32,95
SANOFI ...............................◗
49,77
SCHNEIDER ELECTRIC .....◗ 45,25
SOCIETE GENERALE .........◗ 20,98
STMICROELECTR. .............◗
5,34
SUEZ ENV. ..........................◗
10,79
TECHNIP.............................◗ 63,23
TOTAL .................................◗
35,33
UNIBAIL-RODAMCO ........◗ 143,80
VALLOUREC .......................◗ 47,50
VEOLIA ENVIRON. .............◗
11,11
VINCI...................................◗ 34,65
VIVENDI ..............................◗
16,20
21,85
90,99
2,06
25,44
13,76
11,53
32,48
25,80
26,87
17,54
5,38
45,56
21,80
22,77
53,48
12,99
23,83
28,30
77,00
110,10
46,94
62,59
18,15
104,00
33,31
26,86
24,82
33,17
50,06
45,18
20,75
5,44
10,81
63,45
35,91
144,25
47,68
11,01
34,40
16,23
% var.
/préc.
% var.
31/12
Plus
haut
-2,01 -35,71
-0,24 -4,09
-1,80 -7,43
-0,16 -29,07
n/d -48,96
-0,13 -7,55
2,17 -30,29
-0,23 -20,20
1,06 -22,26
-0,71 -35,40
1,19 -42,72
-0,49 -3,58
-0,48 24,40
0,51 -25,44
-2,49 8,25
-0,62 -17,22
-0,78 -11,94
n/d -39,67
-0,32 -7,62
-0,27 -10,80
0,30 -12,34
-0,40 -11,40
-1,05 -36,78
0,48 -12,18
0,41 -14,23
0,39 -38,02
-0,02 -6,34
-0,66 -14,40
-0,59 4,00
0,15 -19,20
1,11 -47,82
-1,69 -30,93
-0,28 -30,19
-0,35 -8,49
-1,60 -10,90
-0,31 -2,84
-0,38 -39,57
0,95 -49,20
0,71 -14,84
-0,18 -19,78
36,20
100,65
4,47
45,32
28,55
16,16
59,93
35,05
43,38
31,98
12,92
53,16
25,39
32,75
57,72
16,65
30,05
48,76
91,24
132,65
68,54
72,78
33,60
132,20
41,84
50,53
30,50
47,64
56,82
61,83
52,70
9,73
15,99
78,14
44,55
162,95
89,58
24,30
45,48
22,07
Plus
bas
Divid.
net
Code
ISIN
18,60 0,62 T FR0000120404
80,90 2,35 T FR0000120073
1,74 0,16 T FR0000130007
21,91 0,62 T FR0010220475
10,46 0,16 A LU0323134006
7,88 0,69 T FR0000120628
22,72 2,10 T FR0000131104
20,88 1,60 T FR0000120503
21,98 1,00 T FR0000125338
14,65 1,08 T FR0000120172
4,01 0,45 T FR0000045072
41,92 1,30 T FR0000120644
17,55 0,19 T NL0000235190
17,89 0,58 S FR0010242511
46,60 0,83 T FR0000121667
11,12 0,60 A FR0000133308
18,32 0,67 S FR0010208488
22,29 1,00 T FR0000120537
68,83 1,80 T FR0000120321
94,16 1,40 S FR0000121014
40,20 1,78 T FR0000121261
56,09 0,67 A FR0000120693
14,51 1,10 T FR0000121501
90,50 3,50 T FR0000121485
29,10 0,70 T FR0000130577
22,07 0,30 T FR0000131906
21,41 0,50 T FR0000073272
26,07 1,15 T FR0000125007
42,85 2,50 T FR0000120578
35,94 3,20 T FR0000121972
14,31 1,75 T FR0000130809
3,96 0,09 A NL0000226223
10,02 0,65 T FR0010613471
52,85 1,45 T FR0000131708
29,40 0,57 A FR0000120271
124,05 2,70 D FR0000124711
38,34 1,30 T FR0000120354
9,38 1,21 T FR0000124141
29,49 1,15 S FR0000125486
14,10 1,40 T FR0000127771
Cours en euros.
◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation.
Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2011. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité.
Indice
Dernier
cours
% var.
Maxi
2011
Mini
2011
PER
CAC 40
3141,58 11/10
-0,63
4169,87 16/2
2693,21 23/9
9,10
DAX Index
5841,81 11/10
-0,09
7600,41 2/5
4965,80 12/9
9,00
ROYAUME UNI
FTSE 100 index
5385,47 11/10
-0,25
6105,77 21/2
4791,01 9/8
8,40
ETATS-UNIS
Dow Jones ind. 11433,18 11/10
2,97
12876,00 2/5
10404,49 4/10
11,10
FRANCE
ALLEMAGNE
JAPON
Nasdaq composite
2566,05 11/10
3,50
2887,75 2/5
2298,89 4/10
15,80
Nikkei 225
8773,68 11/10
1,95
10891,60 17/2
8227,63 15/3
12,90
PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice
courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible.
(Publicité)
SICAV ET FCP
0123
LA BOUTIQUE
SÉLECTION publiée sous la
responsabilité de l'émetteur
Dernier cours connu le 11/10 à 9h
Valeur
Cours
en euro
date
valeur
CM-CIC EUROPE
20,36 7/10
Du lundi au vendredi
9 h 30 à 18 h
Samedi 10 h à 14 h
Fonds communs de placements
CM-CIC EURO ACTS C
16,15 7/10
CM-CIC SELECT.PEA
6,63 7/10
CM-CIC MID EUROPE
17,99 7/10
CM-CIC TEMPERE C
162,32 7/10
CM-CIC DYN.EUROPE
29,30 7/10
CM-CIC FRANCE C
27,12 7/10
CM-CIC EQUILIBRE C
65,91 7/10
CM-CIC DYNAM.INTLE
24,60 7/10
CM-CIC OBLI C.T.D
132,69 10/10
CM-CIC MID FRANCE
29,74 7/10
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
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0123
décryptages REPORTAGE
Mercredi 12 octobre 2011
Des soldats français sur la base de Tora, le 27 septembre. ALBERT FACELLY POUR « LE MONDE »
Drôledeguerre
à Tora
Paris a décidé
d’une pause
dans les opérations
menées par
son armée en
Afghanistan. Alors
que le calendrier
du retrait se précise,
les soldats ont
compris qu’il fallait
un «niveau de
pertes compatible»
avec l’état de
l’opinion à quelques
mois de l’élection
présidentielle
Nathalie Guibert
Tora (Afghanistan)
Envoyée spéciale
L
e calme domine la vallée de
Tizine. Nul taliban, dans ces
gorges perdues du district de
Surobi, à l’est de la région de
Kaboul. Le dernier événement
notable, l’explosion d’une
bombe artisanale sous une voiture de la
police afghane, a eu lieu en 2010. Autant
dire une éternité. Dans ce cul-de-sac argileux, ravagé par les crues dès l’automne,
les villageois ont planté du maïs pour
leurs bêtes, et du cannabis. Ces taches vert
vif sont posées bien à l’écart des passages,
minés depuis l’occupation soviétique.
La sécurité règne à Tizine. Ce mercredi
28 septembre, c’est pourtant une colonne
de trente blindés afghans, français et américains, couverts par les drones et les
avions de l’OTAN, qui prend la piste défon-
cée menant à Teree-Kaley, village des plus
reculés. Dans cette région sous responsabilité française, l’heure est à la « transition ». Les forces afghanes doivent maintenant se placer en première ligne pour
assurer la sécurité du pays d’ici à 2014. Les
Occidentaux, rester en appui.
Les forces françaises sont entrées dans
une drôle de guerre. Car la « transition »
masque un changement majeur : Paris a
décidé d’une pause dans les opérations.
Le coup de frein a été confirmé par l’Elysée après un gros accrochage le 7 septembre en Kapisa, région voisine sous mandat français. Un lieutenant est mort, vingt
soldats ont été blessés. Rompant avec ses
habitudes, l’état-major donnait alors un
bilan des pertes ennemies.
Paris espère que la calme Surobi figurera dans la prochaine liste des régions
transférées par l’OTAN au gouvernement afghan. L’annonce du président
Karzaï est attendue fin octobre. En préparation, l’armée afghane a dirigé, du 1er au
6 octobre, une vaste opération de
fouilles dans le district. Des combats ont
eu lieu. Quinze insurgés ont été tués, un
Français blessé.
Militaires et policiers ont quitté au
matin la base de Tora, au nord, vers Tizine. Une mission de reconnaissance. A
Teree-Kaley, ils réunissent les chefs de village pour préparer une visite du sous-gouverneur local. « Je le coache. Je fais de la
politique. Il faut amener l’Etat afghan
dans les vallées », résume le colonel Lionel
Jeand’heur, qui commande depuis juin
en Surobi le groupement 15-2, constitué
autour du 152e régiment d’infanterie de
Colmar (Haut-Rhin).
Un dossier urgent doit avancer, celui
de l’installation de la « police locale ».
Dans tout l’Afghanistan, les forces spéciales américaines arment ces milices de villages censées combler les trous laissés par
la police et l’armée nationales. Elles comptent déjà 8 000 hommes, il pourrait y en
avoir 30 000. Celles de Surobi auront la
PANCHIR
Mahmud
KAPISA
PARWAN
Vallée d’Uzbin
Kaboul
Tora
Surobi
LAGHMAN
KABOUL
Tizine Jagdalak
WARDAK
Jalalabad
NANGARHAR
LOGAR
AFGHANISTAN
50 km
« french touch ». Les maleks (notables) de
Tizine font plutôt bon accueil : « Ici, tous
sont policiers, des petits jusqu’aux
grands », dit l’un d’eux.
Depuis début septembre, le 15-2 n’est
plus au feu comme il le fut chaque jour de
l’été. Ni en Surobi, où les militaires sont
prêts depuis des mois à passer la main. Ni
en Kapisa, où l’on en n’est pourtant pas là.
Dans les vallées de Tagab, d’Alasay ou de
Bedraou, les insurgés sont plus violents
que jamais. Les deux groupements français ont compté 17 morts entre juin et septembre, dont 5 à la veille du 14-Juillet. La
saison la plus meurtrière depuis 2001.
A
ppelées pour la mission du jour à
Tizine, les unités stationnées à
l’orée de la vallée de Tagab sur le
poste de Ghan, à portée de vue de Tora, de
l’autre côté des eaux turquoise du lac
Naghlu, n’étaient pas sorties depuis cinq
semaines.
« Protection des forces », tel est le mot
d’ordre. Le général commandant le contingent français vient d’être relevé, six mois
plus tôt que prévu. Sur le terrain, tous ont
compris qu’il fallait « un niveau de pertes
compatible » avec l’état de l’opinion à quel-
ques mois de l’élection présidentielle.
« On nous a expliqué qu’il y avait des
élections en France, note un soldat à Tora.
On ne sort plus. Les trois premiers mois, on
a fait le boulot, hypermotivés. On a été préparés pour ça ! Dès le jour de notre arrivée,
on est allés au combat. Depuis fin août,
c’est terminé. Maintenant, on nous
demande de ne plus faire parler de nous. »
Et de pester : « Les insurgés vont reprendre ce que nous avions gagné. » Les chefs
évoquent une « pause nécessaire » après
trois mois de combats éreintants. Mais la
pause devient la règle, l’action l’exception. On se prend à penser au retour, alors
qu’il reste encore trois mois à faire.
Officiellement, la mission a « évolué
comme prévu ». « On n’est pas là pour rester cent ans, résume, à Kaboul, le général
Gilles Fugier, chef d’état-major de la force
internationale. On ne va pas prendre les
décisions politiques à la place des
Afghans. Plus on reste, plus on s’use. Nous
avons fait notre part du boulot. »
Le calendrier du retrait se précise :
200 légionnaires vont partir fin octobre,
écourtant leur mandat. En décembre, la
relève du 15-2 comptera 200 hommes de
moins. Et ainsi de suite jusqu’à la fin 2012.
La force française sera alors passée de
4 000 à 3 000 hommes. L’état-major
redessine la carte des positions françaises. Fin août, trois postes de la route Vermont, l’axe stratégique qui mène directement de Jalalabad au nord du pays, ont
déjà été cédés.
Mais que veut dire la pause, quand la
situation paraît toujours aussi volatile,
l’adversaire insaisissable ? Le lieutenant
Mickael L. a ouvert les itinéraires durant
tout l’été en Kapisa avec son détachement cynophile. Dans cette « zone verte »,
où, profitant de la densité de la végétation, une poignée d’insurgés peut tenir
en échec deux compagnies entières, « j’ai
eu l’impression de me battre contre un fantôme », confie-t-il. « Ça tire, ça tape, on les
cherche et on ne les trouve pas. Ils connais-
21
sent leur terrain par cœur. Cela fait trente ans qu’ils font la guerre, ils ont connu les
Russes, la guerre civile, et maintenant ils
sont face à nous. Ce ne sont pas eux qui
apprennent, c’est nous. Le feu, je l’ai vécu
plus comme une frustration. C’est ça : ne
pas avoir trouvé mon ennemi ! Quand
vous réussissez à les traiter, les corps ne
sont plus là. Vous ne savez jamais ce que
vous avez réussi à faire. »
A Teree-Kaley, la discussion avec les
maleks s’est animée quand les militaires
ont vanté les mérites du gouvernement
de Kaboul. « Cela fait 50 fois que les gens
viennent ici et que leurs paroles s’envolent », a rétorqué un ancien. « On est à côté
du gouvernement, mais s’il ne pense pas à
nous, nous devrons quitter le village et les
talibans prendront notre place », a menacé un autre.
Une mission similaire, menée début
septembre dans la vallée de Jagdalak, a
été moins bien accueillie. La colonne a
été arrosée de six roquettes, des villageois ont été blessés, de nombreuses
armes saisies. Les démonstrations de force ont encore cours, à l’heure de la « transition ». La Surobi est « calme à condition
que l’on reste vigilant et que le gouvernement de Kaboul soit présent », souligne le
lieutenant-colonel Philippe S. Les fonds
de vallée restent à l’insurrection. Elle
tient les passages vers les provinces limitrophes du Pakistan. L’OTAN ne va plus
l’y chercher. Ainsi s’établit l’équilibre
sécuritaire.
Ce 28 septembre, pour parcourir les
20 kilomètres qui séparent Ghan de Tora,
les éléments du génie et les blindés du
15-2 ont mis quatre heures. Une bombe
artisanale les a bloqués à quelques centaines de mètres de la base. A 2 kilomètres,
c’est un groupe muni de lance-roquettes
qu’il a fallu éloigner.
En Kapisa, « la situation est plus dure
car il y a de plus en plus de monde en
face », explique un officier. Durant l’été,
saison des combats, des renforts talibans
sont arrivés d’Inde et du Pakistan. Les
actions ont été plus violentes que jamais.
Le 20 septembre, dans la vallée de
Bedraou, les hélicoptères d’attaque français ont détruit un cinquième véhiculesuicide depuis le mois de mai. Les militaires estiment que pour prendre les vallées
d’Alasay et de Bedraou, « nids d’insurgés », il faudrait 8 000 hommes.
Autour, dans les provinces frontalières du Pakistan, les forces spéciales américaines « nettoient » pourtant avec minutie le terrain. Mais l’est de l’Afghanistan
est devenu une zone névralgique, depuis
qu’une forte pression a été mise sur les
talibans dans le sud du pays. Selon
l’OTAN, les pourtours de Kaboul représentaient un quart des « événements sécuritaires » du pays en 2010 ; c’est un tiers
depuis janvier.
Les capitaines saluent le travail de leurs
soldats. Ils ont le sentiment du devoir
accompli et en attendent la reconnaissance. Ils partent aussi avec un goût d’inachevé. « Il faut être lucide sur l’Afghanistan,
estime Cyrille C., du régiment de spahis de
Valence. J’ai dit à mon successeur que ce
n’est jamais la fin. Il ne faut pas baisser la
garde.» Plusieursnecachent pasleurpessimisme: « En 2014, ce sera la guerre civile. »
«Ils ont connu les Russes,
la guerre civile,
et maintenant ils sont
face à nous. Ce ne sont
pas eux qui apprennent,
c’estnous. Le feu,
je l’ai vécu plus comme
une frustration»
Mickael L.
lieutenant
Le colonel Jeand’heur aimerait que ses
hommes, avant leur départ en décembre,
voient arriver enfin la route qui désenclavera la vallée d’Uzbin. Ce serait « une
façon de voir le travail concrétisé », reconnaît-il. De quoi donner du sens, aussi. En
France, le nom d’Uzbin ne charrie qu’une
horreur, l’embuscade qui tua dix soldats
en août 2008.
Les Français vont maintenant se tenir
prêts à intervenir, depuis leurs bases. En
Kapisa, 400 insurgés font face à
5 000 hommes des nouvelles forces
afghanes. « Si la 3e brigade afghane veut
faire le travail, cela devrait être à sa portée », assure le général Fugier. Si elle le
peut. Dans leurs cours de contre-insurrection, les officiers français ont appris qu’il
fallait sortir de ses positions pour ne pas
s’affaiblir. « Avec 800 des nôtres concentrés là, si l’armée nationale afghane n’assure pas, craint l’un d’eux, on aura Diên
Biên Phu sur Tora. » p
22
0123
décryptages ANALYSES
Mercredi 12 octobre 2011
Les pièges du duel Aubry-Hollande
L
a primaire socialiste, qui va opposer au
second tour, dimanche 16 octobre, Martine
Aubry et François Hollande, est celle de
tous les paradoxes. Paradoxe de voir que la finale va se jouer entre deux anciens premiers secrétaires du Parti socialiste qui, à l’origine, étaient
réticents à l’idée d’une primaire pour choisir le
(la) candidat(e) à l’Elysée. Paradoxe encore de
voir s’affronter deux personnalités qui, depuis
1997, ont toujours été dans la même majorité au
PS. Deux réformistes qui, en 2005 lors du référendum sur l’Europe, étaient dans le même
camp du « oui». Paradoxe enfin de voir une primaire réussie par son ampleur – 2,5 millions de
votants – qui risque de se solder par une victoire
chiche, sur le fil, privant peut-être le vainqueur
de l’élan qu’il aurait dû récolter.
Les deux promoteurs de cette primaire inédite – Ségolène Royal et Arnaud Montebourg – ont
été éliminés au premier tour. La première subit
une défaite aussi humiliante qu’injuste alors
qu’elle a imposé cette démocratie participative
et fait intégrer dans le projet du PS nombre de
ses idées. Le second a créé la surprise en arrachant une solide troisième place qui le met en
position d’arbitre alors qu’il a axé sa campagne
sur le rejet des « deux candidats officiels», comme il les appelait, aujourd’hui en finale.
Paradoxal, le duel Aubry-Hollande recèle de
nombreux pièges. Le plus évident est le débat
qui opposera, mercredi 12 octobre, les duellistes.
Pour emporter les suffrages, ils vont devoir mettre en exergue ce qui les différencie, au risque de
voir le choc frontal tourner au pugilat et le vainqueur sortir sonné, affaibli, face à une droite qui
en fera aussitôt ses choux gras.
Le 9 octobre au soir, la maire de Lille, dans un
discoursbien charpenté, est allée jusqu’àl’extrême limite de son attaque. Mme Aubry a fustigé
implicitementla«gauchemolle»dontellesoupçonne le député de Corrèze d’être le héraut, mettant en avant son « expérience », affirmant que
« le courage, ce n’est pas de courber l’échine » à
chaque écueil. « Je n’administrerai pas le système, a-t-elle proclamé, je le transformerai. » En
face, M. Hollande se dit prêt à « tout faire pour
Analyse
P ar Mic he l N oble c ourt
Editorialiste
qu’il n’y ait pas d’affrontement ». «Ma pugnacité, assure-t-il, je dois l’exercer par rapport à la
droite. » Mais pourra-t-il essuyer de nouveaux
assauts sans réagir ?
Les duellistes se fixent les mêmes impératifs,
voulant tous les deux incarner « le changement » et « le rassemblement », chacun entendant faire la preuve qu’il est le plus apte à battre
Nicolas Sarkozy. Tous deux ont des atouts et des
faiblesses. Mme Aubry est plus à gauche, plus
sociale aussi, même si elle a eu sur les 35 heures
des rapports tumultueux avec les syndicats,
notamment la CFDT. Sa fibre sociale est une
vraie force. Mais elle devra démontrer qu’elle
n’est pas aussi « étatiste » que le prétend son
rival et qu’elle veut aussi s’appuyer sur la négo-
Nul ne peut exclure
que des électeurs de la gauche
de la gauche et du centre
viennent arbitrer le match
ciation et la société civile alors que M.Hollande
veut développer la démocratie sociale.
La gauche « forte » de Mme Aubry repose sur
une alliance hétérogène, celle-là même,
incluant alors M.Hollande, qui l’aportée à la tête
du PS en novembre 2008. De Jacques Delors à
Benoît Hamon, en passant par Dominique
Strauss-Kahn – qui a fait savoir qu’il avait voté
pour elle –, Bertrand Delanoë, Laurent Fabius,
Jean-Christophe Cambadélis, Michel Destot,
l’arcréunittouteslescouleursduPS.Ilmarieaussi des oxymores. M. Fabius, dans Le Monde du
28 août 2010, assignait à la gauche le respect
d’un « triangle fondamental : effort-progrès-justice ». « Il n’y aura pas de redressement sans
effort, proclamait l’ancien premier ministre. Cet
effort sera important. Il prendra du temps. Il
concernera tous les domaines. » Dans le même
camp,M.Hamon affirme,dansson livreTourner
la page (Flammarion, 310 p., 18 euros), que la detteest « illégitime». «Il est impossible pourla gauche, écrit-il, de se présenter au suffrage des Français et d’exiger qu’ils payent cette facture. »
Pour incarner le changement à gauche et rendre son message plus crédible, Mme Aubry aura
donc à faire des choix entre les positions parfois
contradictoires de ses soutiens. A contrario,
M. Hollande, soutenu par un bloc réformiste
plus homogène, doit sans doute à la plus grande
crédibilité que lui accordent les sondages le fait
d’être arrivé en tête. Mais pour attirer les électeurs de M.Montebourg ou de Mme Royal – quelles que soient leurs consignes, qui n’auront pas
le même effet mécanique que dans un congrès
du PS –, il devra « gauchiser » son discours réaliste teinté de rigueur.
Même piège sur la question du rassemblement. L’ambition de Mme Aubry est de réunir les
53,5 % qui, en totalisant ses voix avec celles de
M. Montebourg et de Mme Royal, ont voté le
9 octobre pour « un vrai changement ». Elle a
plusd’atoutsquesonrivalpourséduirelesécologistes et la gauche de la gauche. A contrario, les
sondages montrent qu’elle est moins attractive
que M.Hollande pour les électeurs du centre qui
se sont éloignés de M.Sarkozy.
C’est sur la capacité de l’une et de l’autre à battre M. Sarkozy que devrait s’opérer le choix du
16 octobre.Nul ne peut exclureque des électeurs
de la gauche de la gauche et d’autres du centre,
n’ayant pas voté le 9 octobre, viennent arbitrer
lematch. Mais unautre défi attend levainqueur.
Au lendemain du vote, il faudra que le PS se rangeenordredebatailleetdansl’unitéderrière celle ou celui qui l’aura emporté, ce qu’il n’a pas su
faire en 2007 avec Mme Royal. Ce sera encore plus
impératif avec un résultat serré. Raison de plus
pourque lesduellistesévitentunpugilat –qu’espère sans doute M. Sarkozy – qui laisserait des
séquelles difficiles à surmonter en six mois de
campagne. p
[email protected]
Ecologie | Chronique
Hervé Kempf
Protectionnisme
D
ans les années 1960, quand
Rachel Carson ou Jean
Dorst attirèrent les premiers l’attention sur la destruction
accélérée de l’environnement, on
commença à parler de «protection
de la nature». Les écologistes sont
effectivement des protecteurs de
la nature, c’est-à-dire d’un état de
la biosphère qui permette à l’humanité une vie digne et pacifique.
Ces temps-ci, le protectionnisme économique revient en force,
comme en témoigne le succès d’Arnaud Montebourg et de sa
«démondialisation » à la primaire
socialiste, ou le nouveau livre de
François Ruffin, Leur grande
trouille (Les liens qui libèrent,
240p., 18euros), qui plaide avec force pour des taxes aux frontières. Si
ce sont des raisons sociales qui animent ce courant d’idées, il trouve
de fortes résonances du côté de
l’écologie politique, qui promeut
depuis des années la « relocalisation » des activités et critique les
effets néfastes sur l’environnement du développement du commerce mondial.
Le point de jonction entre les
deux approches se trouve dans les
normes environnementales. La
légitimité de freiner l’importation de produits dont la fabrication génère un impact environnemental trop élevé est peu contestable. Mais les rapports de forces
entre grands blocs économiques,
d’une part, et l’idéologie libreéchangiste, d’autre part, empêchent le progrès concret du protectionnisme environnemental. On
“ DARROUSSIN EXTRAORDINAIRE
# # # ” LE FIGARO
La flâneuse du RER
“ BIEN JOUÉ ! ”
I
LIBÉRATION
“ FORMIDABLE ”
LE PARISIEN
“ DARROUSSIN IMPRESSIONNANT ”
20 MINUTES
“ SAISISSANT ”
LE JDD
“ PROFONDÉMENT HUMAIN ”
ELLE
l est plusieurs manières de prendre le
RER. On peut y voir un outil d’aliénationquotidienne,unebétaillèreoùs’entassent 3,2 millions de personnes exilées
toujours plus loin de Paris par la spéculation immobilière. Cette foule, corps comprimésetvisages fermés,estalorsramenée
à un troupeau indifférencié. On peut aussi
y voir une inépuisable matière humaine.
C’est le parti pris d’Anne-Louise Sautreuil.
Cette journaliste a passé un an entre guichets, escaliers, couloirs et wagons, à la rencontre des usagers-clients-voyageurs. Elle
s’est autorisée la flânerie sans but et le plaisir de parler au hasard à un inconnu. Nulle
prétentionsociologiqueàcelivre,justel’envie d’une virée bohème sur les rails.
RER mon amour.
Un an sur les rails,
Anne-Louise Sautreuil,
Fayard, 232 p., 16 ¤
“ POIGNANT ”
TÉLÉRAMA
“ PUISSANT ”
PARIS MATCH
JEAN-PIERRE DARROUSSIN
Debon matin
JEAN-MARC MOUTOUT
L’écologie politique
promeut depuis
des années
la «relocalisation »
des activités
tent relativement peu de gaz à
effet de serre, c’est parce qu’ils ont
délocalisé une partie de leur industrie. Par exemple, chaque Français
n’émet pas 6,7 tonnes de gaz carbonique, comme le dit la statistique
officielle, mais 9 tonnes, comme
l’a calculé l’Insee en tenant compte
des produits importés. Un protectionnisme écologique est souhaitable. Mais il doit être clair que l’effet
bénéfique en emplois locaux aura
pour contrepartie une moindre disposition des produits manufacturés à bas coûts, donc une baisse de
la consommation matérielle collective. p
[email protected]
Lectures
LES FILMS DU LOSANGE PRÉSENTENT
UN FILM DE
peut penser que l’évolution politique de l’Europe fera avancer le
débat. D’autant que l’Union européenne peut arguer de sa modération relative en termes d’émissions de gaz à effet de serre et de
ses efforts pour « verdir » son économie. Le projet d’une taxe énergie européenne aux frontières
pourrait ainsi être un élément de
la présidentielle française.
Cependant, comme le commerce, l’idée doit être analysée dans les
deux sens. Si les Européens émet-
VALéRIE DRéVILLE XAVIER BEAUVOIS YANNICK RENIER
ACTUELLEMENT
De cette promenade à travers les quatre saisons et les cinq lignes du RER, elle
nous ramène des portraits empathiques
qui défilent dans une série de chapitres
écrits serré. Ces femmes qui tricotent, ces
amoureux qui s’embrassent derrière un
pilier, ces chanteurs talentueux ou ces
joueurs de crincrin, ces touristes paumés
avec leurs valises, ces lecteurs compulsifs,
ces oisifs qui attendent on ne sait qui, ces
poètes contrariés forment par touches
pointillistes un joli brin d’humanité.
Oui, il est mille manières de prendre le
RER. On peut le prendre comme cette aveugle qui le traduit en bruits et sensations
physiques. Comme cet homosexuel d’une
cité qui y a trouvé un outil de liberté afin
d’échapper au machisme social. Comme
ces joyeux drilles qui ont fait de leur wagon
une boîte de farces et attrapes. On peut le
prendre à Bourg-la-Reine ou à Villiers-leBel, à Roissy ou à Bondy, à Gare-du-Nord ou
à Luxembourg, puisqu’il est un des derniers endroits où se mêlent les populations, un des derniers points où la France
qui se lève tôt croise celle qui se couche
tard.Onpeutmême nepasleprendre,commecesmarchandsdesgaleriescommerciales, ce vendeur à la sauvette toujours prêt à
déguerpir avec son étal ou ce SDF perdu
dans son voyage immobile.
Anne-Louise Sautreuil a également
enquêté. Elle a suivi le conducteur, le policier, le contrôleur ou le médiateur. Avec
patience, elle a débusqué le tagueur, le pervers,lefraudeur, lavictime d’agressiongratuiteetla bandequil’aamochée. Elleraconte sans fard les mauvaises rencontres, les
bagarres, et la peur qui l’a prise au ventre
certaines fois.
Si cette violence latente est assez bien
décrite, d’autres tares du RER sont éludées.
Les pannes à répétition, la phobie des
retards, l’entassement humain, le sentiment d’être transbahuté dans des conditionsdégradantesnesontqu’évoqués.Pensécommeunmodededéplacementprivilégié dans les années 1970, le RER est au bord
de l’implosion, trop vétuste, surchargé.
Certains habitués pourront avoir le sentiment que n’est décrit là que le RER des
heures creuses ou celui qui passe justement sur la voie d’en face, à moitié vide.
Cette vision à rebours, cette description à
hauteur d’homme, n’en est que plus intéressante. p
¶
3,2 millions
de personnes
empruntent
chaque jour
le réseau express
régional
d’Ile-de-France.
La journaliste
Anne-Louise
Sautreuil
(28 ans) a
accompagné leur
voyage quotidien
Benoît Hopquin
Rectificatifs&précisions
Apple Le graphique sur les ventes d’iPhone (Le Monde du 4 octobre) comportait une erreur. Les
ventes au 4e trimestre 2010 atteignaient 14,1 millions et non 7,4.
ritals reprennent le chemin de
l’exil», il existe depuis 2009 un
«musée national (…) consacré » à
l’émigration situé place de Venise,
à Rome (Le Monde du 4 octobre).
Musée Contrairement à ce que
nous avons écrit dans l’article « Les
France Contrairement à ce que
nous avons écrit dans l’article sur
le congrès des HLM (Le Monde du
1er octobre), le secrétaire d’Etat au
logement, Benoist Apparu, n’a pas
voyagé dans le même avion que
Martine Aubry, François Hollande
et Jean-Louis Borloo. M. Apparu a
pris un autre avion, plus tard dans
la matinée.
0123
décryptages DÉBATS
Mercredi 12 octobre 2011
23
Comment éviter un populisme numérique Ne dénigrons pas le Pakistan
Islamabad est en première
ligne face au terrorisme
Serge Champeau
Professeur de chaire supérieure en philosophie
Paul Mathias
Ex-directeur de programme au
Collège international de philosophie
D
e nouvelles pratiques intellectuelles et
sociales sont rendues possibles par les
évolutions d’Internet. Toutes vont dans
le sens d’un renforcement des pouvoirs
des citoyens. Les nouvelles techniques
de reproduction et de partage des contenus culturels permettent, par exemple, de faire d’ores
et déjà valoir des exceptions gratuites ou payantes au
droit d’auteur qui contribuent à défendre un droit d’accès à des œuvres dont la destination essentielle est d’atteindre le public le plus large possible. Quant aux nouveaux outils numériques d’expression et de diffusion
sur Internet, ils renforcent les contre-pouvoirs.
Chacun sait, cependant, que les contre-pouvoirs liés
àl’utilisation desréseaux font naître, àleur tour, un fort
sentiment de défiance – qui va nourrir certaines dérivespopulistes et autoritaires. La revendicationd’un large accès aux œuvres numériques peut se pervertir en
téléchargement illégal, défendu par certains sur la base
d’arguments travaillés avec précision, mais combattu
par les professionnels de la culture. Diverses pratiques
de piratage, également, peuvent favoriser le mouvement vers une transparence plus grande des pouvoirs,
mais inquiètent les entreprises, les consommateurs et,
en fin de compte, les citoyens. Ainsi le risque se fait-il
jour que l’équilibre libéral des pouvoirs ne se dégrade
enaffrontementspartisansetstériles, enconflitsd’intérêtspersonnelsetenmarchandagesdivers,etn’aboutisse, à terme, à de nouveaux populismes ou à un nouvel
autoritarisme.
Il semble cependant, en observant ce qui se passe en
France avec la loi Hadopi et dans d’autres pays avec
d’autres instances relativement analogues, que quatrelignes de force apparaissent progressivement :
1 – dans une démocratie, la régulation des contrepouvoirs ne peut pas et ne doit pas être confiée au pouvoir étatique, et elle ne peut pas relever non plus des
seules instances d’autorégulation. Partout, les autorités indépendantes semblent l’outil le mieux approprié : « autorités publiques indépendantes » en France,
independent watchdogs en Grande-Bretagne, la forme
exacte de ces institutions dépend du contre-pouvoir en
question et des traditions nationales. L’important est
que ces autorités indépendantes puissent lutter contre
les deux formes jumelles du populisme: d’une part, en
renforçant le pouvoir des citoyens et en faisant reculer
le discours réactif « apolitique » ; d’autre part, en limitant les excès et perversions des contre-pouvoirs et en
faisant reculer le discours réactif qui dénonce ces
contre-pouvoirs comme autant de menaces ;
2 – le mode d’action structurante de toute autorité
indépendante de régulation consiste à inciter les usagers à adopter des comportements qui ne mettent pas
en danger les contre-pouvoirs. Elle cherche principalement à montrer ce que peut être une pratique à la fois
créative et stabilisée des réseaux et de leur offre de ressources et fait par conséquent œuvre de pédagogie.
Utopie par Serguei
Pour ce qui concerne Internet, une nouvelle culture
émergedesréseaux etilfaut sedonnerlesmoyensinstitutionnels d’apprendre à exploiter les richesses parfois
inattendues:en textes,en images,en sonsde toutesorigines ;
3 – des autorités indépendantes de régulation ont
ainsi pour objectif seulement de limiter la défiance,
d’établir par conséquent un équilibre entre défiance et
confiance. Il est sain que les nouvelles pratiques de partage des contenus rendues possibles par Internet, que
les nouvelles formes de journalisme, que l’open data
movement [données publiques libres de droits] s’accompagnentde défiance.Aussi bien ducôté deceuxqui s’inquiètent d’une remise en cause, toujours possible, de
ces contre-pouvoirs, que du côté de ceux que les excès
des contre-pouvoirs inquiètent. Le public ne s’y trompe
pas, même s’il n’est pas prêt à accepter n’importe quelle
forme de régulation ou de répression de ses usages
numériques;
4 – ces instances de régulation indépendantes doivent enfin être comprises comme un espace public où
les nouveaux problèmes et les nouvelles solutions peuvent être formulés librement de manière à éclairer le
législateursurles enjeuxd’avenir enl’aidantàconstruire de futurs équilibres juridiques et administratifs.
Dans un contexte où l’évolution des techniques exige
des réactualisations permanentes de la loi, Hadopi s’est
ainsi adjoint des « Labs » appelés à réfléchir sur les
Asif Ali Zardari
Président du Pakistan
A
La défiance s’avère essentielle au
fonctionnement de nos sociétés: elle renforce
la vigilance des citoyens, suscite l’émergence
de contre-pouvoirs équilibrés et ajustés
grands enjeux économiques, sociaux ou intellectuels
des pratiques informatiques – en toute publicité et
dans une parfaite transparence. Economistes, juristes,
sociologues, philosophes et, plus généralement,
citoyens de diverses sensibilités et compétences, nous
sommes ainsi plusieurs à participer à ces débats et à les
animer.
En ce qui concerne la tâche plus spécifique des philosophes, elle peut se déployer selon deux axes : d’une
part, en relation avec les spécialistes des autres disciplines, il importe de construire une interprétation d’ensemble de la régulation des contre-pouvoirs ; d’autre
Serge Champeau
part,il estindispensabled’analyser, auplus prèsdespratient un blog
tiques culturelles contemporaines et sans jamais perconsacré
dre de vue les possibilités du droit existant, les nouaux questions
veaux types d’objets culturels (le livre numérique, le
de gouvernance
streaming, etc.) et les nouveaux types de sujets et
(sergechampeau.
agents (la personne privée, l’auteur, etc.), afin de favoriwordpress.com).
ser des formes équilibrées d’exercice du contre-pouPaul Mathias,
voir que constitue Internet.
responsable
S’agissant du domaine relevant de la compétence
du laboratoire de
d’Hadopi,cesformesderégulationserontcelles quiperla Hadopi
mettront aux citoyens de consolider leurs contre-pou« Internet et
voirs, de conquérir de nouvelles libertés et de les exersociétés »,
cerenfin avecune claire consciencedeleursresponsabiest l’auteur
lités – en apportant ainsi la preuve que, dans une sociéde « Des libertés
té démocratique, confiance et défiance ne sont pas fatanumériques »
lement contradictoires, mais peuvent s’équilibrer en
(PUF, 2008).
un rapport harmonique.
Sur un fond de confiance dans les valeurs et les institutions démocratiques, la défiance s’avère en effet
essentielle au fonctionnement de nos sociétés: elle renforce la vigilance des citoyens, suscite l’émergence de
contre-pouvoirs équilibrés et ajustés et restaure, en
retour, la confiance civile et politique. p
¶
u Pakistan, ce sont les terroristes qui menacent notre
pays et les Etats-Unis qui
ont le plus profité de la
récente agression verbale de
la part de certains Américains contre le Pakistan. Cette stratégie
détériore les relations américano-pakistanaises et met en péril des objectifs communs : vaincre le terrorisme, l’extrémisme et le fanatisme. Il est temps de modérer les discours et de renouveler le dialogue de fond entre alliés.
Le Pakistan se trouve sur de nombreuses lignes de faille. Pour nous, le terrorisme
n’est pas qu’une statistique. Depuis le
Moyen-Orient jusqu’en Asie du Sud, un
ouragan de changement est en train de
transformer des sociétés fermées. La
concurrence entre la politique incendiaire
de l’extrémisme et celle, plus tempérée, de
la démocratie moderne est déjà ouverte
dans chaque village, où abondent des téléphonesportables,danschaquesalle declasse, dans chaque talk-show télévisé. La
modération doit l’emporter.
Nos motivations sont simples. Nous
avons une population énorme de jeunes
aux choix existentiels limités. Notre tâche
est de transformer ce défi démographique
envictoire pourla démocratieetlepluralisme. Notre vision d’un Pakistan nouveau
est fondée sur une conception du monde
où nous menons la guerre contre l’extrémisme et le terrorisme comme notre propre combat, dans chaque quartier et jusqu’au dernier homme, même si nous manquons de ressources pour être à la hauteur
de notre engagement. Quand le Pakistan
recherche un soutien, il est aussi en quête
des relations commerciales qui le rendront viable, et non d’une aide qui le ligotera. Lorsque nous prêtons notre fusil, nous
nous attendons à des résultats qui nous
renforcent.
Pourtant, pendant que le Pakistan subit
les ravages du réchauffement planétaire,
avec des inondations quiont laissé des millions de nos citoyens à nouveau sans abri,
nous constatons, à la place du dialogue qui
existait avec notre allié stratégique le plus
proche, qu’on nous sermonne, au lieu de
nous écouter. Cette attitude a choqué la
nation,quiestla première victimedela tornade terroriste dans la région. Pourquoi ?
Après les attentats du 11 septembre
2001, la démocratie la plus puissante du
monde a compromis ses valeurs fondamentales pour plaire à un dictateur au
Pakistan. Depuis, nous avons perdu
30000 civils innocents et 5 000 militaires
et policiers victimes de ces militants que le
gouvernement américain nous accuse
aujourd’hui de soutenir.
Nous avons subi plus de 300 attentatssuicidescommispar lesforces qui sontcensées avoir trouvé refuge de notre côté de la
frontière. Et environ 100 milliards de dollars (73,7 milliards d’euros) de pertes,
dépensés directement pour la guerre et
des dizaines de milliards de dollars en plus
en investissements à l’étranger. La guerre
est menée à la fois en Afghanistan et au
Pakistan, mais Washington n’a presque
rien investi de notre côté de la frontière,
alors qu’il dépensait des centaines de milliards de dollars de l’autre côté.
Nous combattons une idéologie qui se
nourrit de la brutalité et de la coercition,
qui a pris la vie de notre ministredes minorités, Shahbaz Bhatti, et celle du gouverneur Salman Taseer, parmi des milliers
d’autres.Et nous avons vu notre plusgrand
leader, la mère de mes enfants, assassiné
par un complot commandité par le même
courant militant qu’on nous accuse maintenant de tolérer.
Le Pakistan comme les Etats-Unis ont
tous deux besoin des leçons de l’histoire.
L’Asie centrale et l’Asie du Sud sont des
régions pleines de complexités et de nuances où de dangereuses erreurs se reproduisent et où de nombreux empires ont été
mis en échec. Au cours des dix années que
l’OTAN a passées dans les parages, l’Alliance n’a même pas tenté d’enrayer le plus
grand trafic mondial de stupéfiants qui alimente l’activité terroriste. Pourtant, nous
luttons pour combattre le raz de marée de
l’extrémisme qui frappe le Pakistan chaque jour à partir des zones placées sous le
contrôle de la coalition internationale en
Afghanistan. On nous accuse d’abriter des
extrémistes. Mais les Etats-Unis établissent des liens et engagent des négociations
avec les mêmes groupes.
La rue pakistanaise grouille de questions. Mon peuple me demande : notre
sang est-il si bon marché ? Les vies de nos
enfants n’ont-elles aucune valeur ? Faut-il
quenoussoyons lesseuls à combattredans
notre région tous ceux que d’autres cherchent désormais à accepter ? Et pour combien de temps encore devons-nous épuiser
nos forces en combattant un ennemi que
la puissance de la coalition internationale
de l’OTAN n’a pas réussi à éliminer ?
Pendant que les Etats-Unis se préparent
à retirer leurs forces terrestres d’Afghanistanet à quitter notre région, nous essayons
de nous préparer aux réalités de l’aprèsretrait. La communauté internationale a
abandonné l’Asie centrale et l’Asie du Sud
il y a une génération et cela a déclenché la
catastrophe dans laquelle nous sommes à
présent plongés. Quoi qu’il advienne, ce
sont nos générations futures qui devront
faire face à la tempête. Nous devons vivre
dans le voisinage, alors pourquoi est-ce
déraisonnable que nous soyons préoccupésparlasituation immédiateet,àlongterme, par notre frontière occidentale ? L’histoire ne nous pardonnera pas si nous n’assumons pas notre responsabilité.
Nous avons perdu
30000civils innocents et
5000 militaires et policiers
victimes de ces militants
que les Américains nous
accusent de soutenir
Quel est l’avenir des relations entre les
Etats-Unis et le Pakistan ? Nous sommes
partenaires dans un monde où les émissions et les bombes ne connaissent pas de
frontières. Nous combattons une menace
commune. Nous partageons les mêmes
valeurs démocratiques et des rêves d’une
Asie centrale et d’une Asie du Sud modérées, modernes, pluralistes et démocratiques. Nous apprécions tous les deux que le
commerce, la création d’emplois et d’industries vont tarir des recrues pour la cause des extrémistes. Mais nous n’avons toujours pas vu le Congrès américain donner
son accord pour créer les Reconstruction
Opportunity Zones destinées à aider les
plus précaires. Nous partageons des lignes
politiques communes, mais notre discours nous a conduits sur des voies divergentes.
Les récentes accusations contre nous
sont un sérieux revers pour l’effort de
guerre et pour nos intérêts stratégiques
communs. Cela ne veut pas dire que les
Pakistanais cesseront de regagner leur territoire, pouce par pouce, sur les extrémistes, même sans l’aide des Etats-Unis. Nous
sommes un peuple tenace. Nous ne permettrons pas que la religion se transforme
en élément déclencheur du terrorisme ou
de la persécution.
Mais lorsqu’on se prive d’élaborer des
stratégies en commun, ou lorsqu’on sermonne un allié plutôt que de le consulter,
tous les deux en pâtissent. Plus tôt nous
arrêterons cette escalade verbale et coordonneronsnos ressourcescontre lefanatisme qui gagne du terrain, plus tôt nous
pourrons restaurer la stabilité de ce pays
pour lequel tant d’hommes continuent de
se sacrifier. p
f Sur Lemonde.fr
L’intégralité de cette tribune
¶
Veuf de l’ex-premier ministre
du Pakistan Benazir Bhutto,
assassinée en 2007, Asif Ali
Zardari a été élu, en 2008, chef
de l’Etat. Figure du retour des
civils au pouvoir après le coup
d’Etat militaire de 1999, son pays
doit, depuis, faire face à une
dégradation de ses relations avec
les Etats-Unis, qui l’accusent de
collusion avec les talibans.
culture
24
ppp excellent
0123
Mercredi 12 octobre 2011
ppv à voir
pvv pourquoi pas
vvv à éviter
Après «OSS 117», Hazanavicius goes to Hollywood
Avec «The Artist» – succès cannois –, le réalisateur revisite à sa manière le cinéma d’antan. Muet, mais parlant
The Artist
L
ppv
e fait que Michel Hazanavicius réalise un film muet, en
noir et blanc, tourné à Hollywood, avec Jean Dujardin dans le
rôle principal, ne surprendra pas
ceux qui connaissent son travail.
Cette tambouille improbable propre à faire bondir tout cinéphile
qui se respecte porte en effet, et en
profondeur, l’empreinte de son
auteur. Formé à la télévision, celuici a lié son destin à Jean Dujardin
en le mettant en scène dans les
deux adaptations parodiques des
romans de Jean Bruce, OSS 117,
Le Caire nid d’espions, et OSS 117,
Rio ne répond plus. Une dizaine
d’années plus tôt, il avait réalisé,
pour Canal+, un premier longmétrage vite devenu culte, La Classe américaine, monté à partir d’extraits du catalogue de la Warner et
dans lequel il faisait parler des
Desa boîte à jouets,
il sort, au gré de ses
lubies, le sourire
de Rudolph Valentino,
les mouvements
de Gene Kelly...
acteurs américains, comme John
Wayne ou Robert Redford, dans un
français grand-guignolesque.
Les OSS 117 étant des films de
commande, on leur associa plus
spontanément les noms de leurs
producteurs, les frères Altmayer,
et de Jean Dujardin, que celui du
réalisateur qui resta dans l’ombre.
Mais depuis la sélection de The
Artist à Cannes, et bien que Jean
Dujardin ait reçu un prix d’interprétation pour cela, le nom Hazanavicius est devenu plus familier.
Il pourrait le devenir plus encore si
le film se retrouvait, comme on
commence à le dire, en compétition pour les Oscars.
Rétrospectivement, ce destin,
exceptionnel pour une comédie
française, trouve de nombreuses
explications, à commencer par le
fait qu’étant muette, et tournée à
Hollywood, elle n’a en apparence
rien de français. Le muet permet
en outre d’associer aux acteurs
Jean Dujardin, l’acteur fétiche de Michel Hazanavicius, a reçu le Prix d’interprétation au Festival de Cannes pour son rôle dans « The Artist ». PETER LOVINO
français Jean Dujardin et Bérénice
Béjo des stars américaines comme
John Goodman ou James Cromwell dans les rôles secondaires,
sans que se pose la question de la
barrière linguistique.
L’histoire, par ailleurs, est
connue, elle a fait ses preuves. A
peu de chose près, c’est celle de
Chantons sous la pluie, autrement
dit celle de la révolution sonore du
cinéma racontée à travers les destins croisés de deux acteurs hollywoodiens : George Valentin
(JeanDujardin,dontlejeu hyperexpressif s’épanouit à merveille dans
le cadre du muet), une star au faîte
de sa gloire à la fin des années 1920
qui va brutalement sombrer dans
l’oubli, et Peppy Miller (Bérénice
Béjo, pétillanteà souhait), une starlette qui commence dans le même
temps une fulgurante ascension.
La réussite du film tient à la
manière joyeuse dont Michel
Hazanavicius s’empare du cinéma
d’antan avec les outils du cinéma
d’aujourd’hui. Plus qu’un voyage
dans le temps, The Artist est une
plongée dans l’histoire du cinéma
qu’il transforme, un peu comme
aime à le faire Quentin Tarantino,
en un gigantesque terrain de jeu.
Leprogramme estdonnédès la première image, quand s’affiche le
logo de la Warner en noir et blanc,
comme dans un film des années
1930, mais avec la netteté clinique
de l’image numérique. Tout le film
tient dans ce décalage, comique le
plus souvent, entre la familiarité
des références et la bizarrerie de
l’usage qui en est fait.
Il commence dans une grande
salle de cinéma, pendant une projection où tout le monde fume et
personne ne parle. Le premier gag
intervient quand les lumières se
rallument, et que les lèvres commencent à bouger sans que l’on
entende le son d’une voix : dans un
gag qui pourrait avoir été conçu
par Philippe Katerine (on pense
souvent pendant le film à la chanson Louxor J’Adore « Et je coupe le
son…/Et je remets le son ! »), le film
se révèle aussi muet que le film
dans le film. De son coffre à jouets,
Michel Hazanavicius sort, au gré
de ses lubies, le sourire de Rudolph
Valentino, la moustache de Douglas Fairbanks, les mouvements de
Gene Kelly… Il fusionne les scénarios de Chantons sous la pluie et de
Sunset Boulevard, y ajoutant une
réplique de la célèbre mascotte
canine de Pathé Marconi, « la voix
de son maître ».
Comme Tarantino l’avait fait
dans Inglourious Basterds, le
cinéaste français instrumentalise
les propriétés inflammables du
nitrate pour donner un peu de
panache à sa tragédie. Car il faut
bien l’avouer, une fois tous les
gags cinéphiles exploités, quand la
comédie bascule dans le drame,
l’émotion est ce qui fait défaut.
Malgré le jeu impeccable de ses
acteurs – de Dujardin en particulier, qui passe insensiblement de
l’outrance du muet à un registre
beaucoup plus subtil – et alors que
sur fond de révolution sonore se
noueunehistoired’amour douloureuse et passionnée, rien ne vibre à
l’écran. Comme si, en s’appropriant l’âge d’or du cinéma, l’image numérique la figeait dans un
bain de formol. p
Isabelle Regnier
Film français de Michel Hazanavicius.
Avec Jean Dujardin, Bérénice Béjo.
(1 h 40).
De Canal+ au grand écran, l’escroc qui aimait les détournements en tout genre
LA VEILLE de notre rencontre, le
4 octobre, Michel Hazanavicius a
présenté The Artist en ouverture
du Festival Lumière de Lyon
devant 4 000 spectateurs. Ce festival est dédié à l’histoire du cinéma. The Artist est un film muet,
en noir et blanc et projeté au format 1.33, mais il n’a échappé à personne qu’il a été présenté à Cannes en mai. On ne sait si le service
de répression des fraudes sera saisi de la présentation d’une production récente dans un étal de
films anciens, mais ce statut de
long-métrage de contrebande
sied bien au réalisateur. Quand
l’envie lui est venue de faire un
film muet, il s’est dit qu’il y avait
« un truc d’escroc à faire ». Il développe le plan machiavélique qui
lui était venu à l’esprit : « Je
prends ce format, ce procédé qui
fonctionne ultra-bien, je fais un
film quatre-vingts ans après en
bénéficiant non seulement de la
technologie, mais aussi de toute
l’histoire du cinéma, de la sophistication de la narration, et j’essaie
d’en faire un film populaire. »
Un détournement, en somme,
procédé qui guide la partie la plus
Direction Olivier Py
Le Métier de critique. Journalisme et
philosophie avec Éric Loret
Jeudi 17 novembre à 18h30
Responsable l’écrivain ?
avec Gisèle Sapiro
quatre traversées à suivre...
Odéon-Théâtre de l’Europe – Salon Roger Blin
Tarif unique 5€ / 01 44 85 40 40 • theatre-odeon.eu
Licence d’entrepreneur de spectacles 1039306
Jeudi 13 octobre à 18h30
visible du parcours de Michel
Hazanavicius. Etudiant dans une
école d’art, il détourne des affiches et des publicités. Gagman
chez les Nuls, sur Canal+, il détourne des images d’actualité pour le
Faux journal. Et quand on propose à Alain Chabat (à l’époque premier Nul d’entre les Nuls) de réaliser un long-métrage détournant
des séquences existantes, la vedette décline et propose le nom de
son lieutenant.
Incongrus
La filmographie de Michel
Hazanavicius commence donc
par Le Grand Détournement (également connu sous le nom de La
Classe américaine), montage virtuose d’extraits de classiques du
catalogue Warner, doublés par
des dialogues incongrus, diffusé
sur Canal+ en 1993. La rareté du
film (qui est resté inédit en VHS
ou en DVD) a contribué à son statut légendaire. Une bonne dizaine
d’années plus tard, les producteurs d’OSS 117 font appel à Michel
Hazanavicius, devenu réalisateur
publicitaire à succès, mais dont le
premier long-métrage (Mes amis,
1999) a été un échec commercial.
De même que La Classe américaine commençait par un avertissement (« Attention, ceci n’est pas
un film sur le cyclisme »), le réalisateur tient à préciser la nature des
deux OSS 117 : « J’y mets un profond respect de l’objet détourné.
J’en respecte la forme. Si on me
demande, la trouvaille OSS, c’est
qu’au lieu de reconstituer l’objet filmé – les décors, les costumes – j’ai
reconstitué l’objet filmant – le
découpage, la structure de lumière, la machinerie, le montage. »
Cette élaboration savante aboutit à des films qui ne sont pas des
parodies (un mot qu’il exècre) ni
des collages de références. « Les
gens vont sans cesse chercher des
références. Un jour, un spectateur
qui intervenait après deux autres
qui avaient demandé si telle ou telle séquence se référait à tel ou tel
film m’a demandé si les croix gammées (dans OSS 117, Rio ne répond
plus) faisaient référence à Hitler.
Cela m’a fait rire. »
The Artist procède d’une autre
intention que les OSS. Pour
Michel Hazanavicius, chaque film
porte une promesse. Après avoir
promis de faire rire (et tenu ce serment), il veut émouvoir. Au
départ, il pense situer son film à
Berlin et faire coïncider l’arrivée
du cinéma parlant avec celle des
nazis au pouvoir. «Le film se terminait par la balle que le héros se
tirait dans la bouche. Et puis, très
rapidement, je me suis dit que je
ne pouvais pas demander aux
gens de venir voir un film muet en
noir et blanc avec cette fin, il fallait
un film positif, lumineux. »
Pour mener à bien cette entreprise, il a fallu convaincre un producteur, en l’occurrence Thomas
FRANCOIS LO PRESTI/AFP
Langmann, et partir pour Hollywood entouré d’une garde rapprochée composée de Jean Dujardin, de Bérénice Béjo, du chef opérateur Guillaume Schiffman et du
compositeur Ludovic Bource.
Que des images
Michel Hazanavicius n’a pas
rencontré de grande difficulté à
tourner un film muet avec des
acteurs habitués à donner de la
voix : « Je donne beaucoup d’indications par rapport au cadre. J’essaie que les émotions, le jeu, la performance, rentrent le plus possible
dans un cadre visuel. J’ai tendance
à être assez mécanique : “Arrêtetoi là, tourne la tête.” Pour moi, la
vraie direction d’acteur, c’est au
montage. Parce qu’ils sont à votre
disposition, qu’ils ne vous répondent pas et qu’ils n’ont plus d’ego
parce que ce ne sont plus que des
images. »
Au bout de trois films inspirés
d’histoires fausses, Michel Hazanavicius voudrait revenir vers le
réel. « Je n’ai pas une boutique où
on fait de faux films d’époque »,
proteste-t-il avant qu’on ait eu le
temps de l’accuser de quoi que ce
soit. Le monde réel, il l’a déjà pratiqué, en tant que cinéaste. Mes
amis était inspiré de ses expériences à la télévision. Il a coécrit et
coproduit Tuez-les tous, un documentaire sur le Rwanda, dans
lequel la politique française dans
la région des Grands Lacs était
vivement critiquée, au point de
susciter un droit de réponse
d’Edouard Balladur après sa diffusion sur France 3, en 2004.
Cette conscience aiguë du monde tel qu’il va surgit d’ailleurs à
des moments plus ou moins
incongrus. Dans OSS 117, au
détour d’une plaisanterie d’une
grande acuité politique (qui
d’autre peut se vanter d’avoir fait
rire avec le portrait de René
Coty ?) ou par une allusion au sort
de la Géorgie soviétique tout au
début de The Artist. Ce prochain
film sera donc « débarrassé d’un
enjeu formel trop visible, plus proche de l’humain, plus simple ». A
moins d’un détournement. p
T. S.
0123
cinéma
Mercredi 12 octobre 2011
ppp excellent
ppv à voir
pvv pourquoi pas
vvv à éviter
Elle rêvait d’un autre monde
Les films de la semaine
Un film-allégorie dans lequel une planète jumelle de la Terre promet la rédemption
nRetrouvez l’intégralité
de la critique sur Lemonde.fr
Another Earth
ppvà voir
E
Another Earth
ppv
n rentrant éméchée, au
volant de sa voiture, de la soirée au cours de laquelle elle a
fêté son admission dans une grande école, Rhoda Williams, une
jeune étudiante, tue accidentellement une femme et un enfant. Elle
effectue plusieurs années de prison. Libérée, elle se fait engager,
sans révéler son identité, comme
femme de ménage chez l’homme
dont elle a tué la famille. Celui-ci
est plongé dans une profonde
dépression. Au même moment,
les savants découvrent l’existence
d’une nouvelle planète, désormais
visible depuis la Terre. On découvre qu’il s’agit d’un double de la
Terre et donc de tout ce qui y vit.
Chaque être humain ayant donc
son propre équivalent « là-haut ».
Postulerl’existence d’unereproduction parfaite de la Terre avait
déjà été le prétexte du film de
Robert Parrish, réalisé en 1969,
Danger planète inconnue. Mais cette idée est ici exploitée d’une tout
autre façon, loin des prescriptions
de ce qui constitue ce que l’on
appelle la science-fiction cinématographique. Quel rapport,
d’ailleurs, entre cette hypothèse
fantaisiste et le parcours du personnage principal du film de Mike
Cahill, assoiffé de rédemption ?
Valeur métaphorique
Another Earth est le récit d’une
quête, celle d’un rachat impossible. L’héroïne du film est en effet à
la recherche d’un pardon dont elle
sait qu’il relève de l’impensable.
Cette conscience devient de plus
Film américain de Mike Cahill
(1 h 32).
The Artist
Film français de Michel
Hazanavicius (1 h 40).
pvvpourquoi pas
Après le sud
Film français de Jean-Jacques
Jauffret (1 h 30).
Le film de Mike Cahill postule l’existence d’une reproduction parfaite de la Terre. TWENTIETH CENTURY FOX
planète bleue. Or Rhoda Williams
est à la recherche d’un autre réel,
différent de celui qu’elle vit : la
« possibilité d’un autre monde »
dans lequel le drame n’aurait pas
eu lieu. Pourra-t-elle, comme elle
l’espère, rejoindre ce lieu utopique
d’un être meurtri et retrouver,
peut-être, la duplication de sa
famille disparue ?
On le voit, la logique s’efface ici
devant l’allégorie. La fable que
constitue le film se veut une représentation de cette inclination, si
humaine, qui consiste à vouloir
effacer la réalité, ou la contourner,
pour lui substituer ce qui pourrait
avantageusementla remplacer,faire comme si le réel avait un double.
La grande qualité du film de Mike
Cahillrésided’abord dans l’originalitéde son récit, dans le télescopage
de cette métaphore avec la peinture, émouvante, d’un drame
humain, remarquablement et subtilement interprété par l’actrice
principale (Britt Marling). Another
Earth est la description imagée et
imaginaire d’une hypothèse
impossible, une hypothèse qui
n’aurait que le monde artificiel qui
se déploie sur l’écran de la salle de
cinéma pour s’énoncer. p
Jean-François Rauger
Film américain de Mike Cahill. Avec
Britt Marling, Matthew-Lee Erlbach, DJ
Flava. (1 h 32.)
Autopsie d’une société qui laisse ses êtres s’asphyxier
Les parcours de quatre personnages convergent vers le pire sous un soleil caniculaire
Après le sud
P
pvv
remier long-métragede JeanJacques Jauffret, Après le sud
est un drame moderne adapté d’un fait divers. Dans un aprèsmidi caniculaire du sud de la France, quatre parcours se croisent :
ceux de Luigi (Ulysse Grosjean), un
adolescent en conflit avec son
père ; de Georges (Yves Ruellan),
vieil homme esseulé ; d’Amélie
(Adèle Haenel, L’Apollonide), petite amie de Luigi et caissière ; et
d’Anne (Sylvie Lachat), la mère
d’Amélie.
Dans des paysages rougis par la
bauxite, sous la lumière violente
du Sud, ces quatre vies quotidiennes,seméesde blessures etd’humiliations, vont converger vers une
tragédie. Jean-Jacques Jauffret se
risque à une énième histoire de
destins croisés qui tournent mal.
Le film souffre de cette structure
narrative, dont la formule, qui
confine à l’exercice de style, a beaucoup été déclinée après le succès
des fims d’Alejandro Inarritu. Le
réalisateur renouvelle ici le genre
en répétant les événements sous
des angles de vue différents, en
fonction du personnage choisi
comme vecteur.
Une violence
d’autant plus
insoutenable qu’elle
restecontenue
Après le sud n’explique pas les
raisons du drame qu’il met en scènemais vaen montrer la complexité, la trajectoire. En déroulant son
action pendant les six heures qui
précèdent la tragédie, le film dévoilel’âprequotidiendesesquatrepersonnages. Amélie est rabaissée par
des clients, Luigi est écrasé par son
père, Anne se sent humiliée par sa
corpulence… Mais c’est l’affront
quesubitGeorgesquiestleplus terrible : parce qu’il a volé un CD de
Mozart qu’il n’a pas les moyens de
s’acheter, il se fait humilier par des
vigiles quilui demandent de se déshabiller alors même que le CD est
dans la poche de son manteau.
Bafoué, Georges voudra se venger…
Sur n’importe qui…
Auplus près des corps, le réalisateur filme le malaise de ces personnages dans une mise en scène
sobre, dépouillée et précise. On est
ébranlé par certaines scènes d’une
violence d’autant plus insoutenable qu’elle reste contenue (l’humiliation de Georges, la crise de boulimie d’Anne) et, par contraste, par
la beauté des paysages méditerranéens filmés en plans larges. On
est saisi aussi par l’interprétation
d’Yves Ruellan, qui incarne George
tout en tension, et celle de Sylvie
Lachat, qui rend son personnage
gracieux et fragile malgré sa corpulence.
Le montage, construit en spirale avec des temporalités qui se croisent et reviennent, comme un thème musical, offre des variations
intéressantes et fait respirer ce
film ambitieux et souvent virtuose mais qu’une volonté de maîtrise étouffante empêche de tenir
toutes ses promesses.
A la fin du film, après le drame,
le réalisateur n’évitera pas une
symbolique judéo-chrétienne
trop voyante. Toutefois, ces figures emblématiques ont le mérite
d’éloigner le récit du simple fait
divers. En prenant un envol quasi
religieux, le film s’ancre dans une
dimension universelle plus stimulante. p
Sophie Walon
Film français de Jean-Jacques Jauffret. Avec Adèle Haenel, Ulysse Grosjean, Yves Ruellan. (1 h 32.)
Warner met ses incunables à la «MOD»
C
haque amateur de cinéma
porte en lui (en elle) une liste de films désirés et hors
d’atteinte. Dans un monde parfait, il suffirait d’exprimer le souhait de voir un film muet de John
Ford, une série B mexicaine ou
Let It Be pour être exaucé. Dans
ce monde-ci, la vidéo à la demande a fait beaucoup pour apaiser
les frustrations. Les cinéphiles
qui ont le goût des possessions
matérielles peuvent maintenant
goûter aux joies des disques
MOD (manufactured on
demand). Le procédé a déjà fait
ses preuves aux Etats-Unis. Grâce
à lui, il suffit de commander à
l’éditeur un exemplaire des Gens
de la pluie de Francis Ford Coppola ou de La Toile d’araignée de
Vincente Minnelli, sur Internet.
Le disque sera alors fabriqué et
livré.
Pour l’amateur français, l’éditeur aura pour nom Warner Bros.
La filiale française du studio de
Burbank est la première à proposer chez nous cette solution.
L’opération a été lancée discrètement pendant l’été sur le site Warnerbros.fr, et une trentaine de
titres sont disponibles, qui ont
tous en commun de n’avoir
jamais été édités en DVD. Aux
Etats-Unis, The Warner Archive
est accessible depuis 2009 et propose 800 titres, des longs-métrages bien sûr, mais aussi des séries
télévisées.
Ned Price, le responsable du
fonds de la major américaine,
explique que celui-ci est presque
inépuisable. Composé des catalogues des studios Warner, MGM,
Allied, RKO, Lorimar et New Line,
il compte plus de 6 000 longsmétrages, 65 000 épisodes de
séries télévisées, 1 532 courtsmétrages d’animation. Modestement, Ned Price soutient que
tous les grands studios ont pour
préoccupation la préservation et
la mise en valeur de leur fonds,
mais il est généralement admis
que la Warner a pris une longueur d’avance. D’ailleurs la
Columbia passe par le site de Warner Archive pour commercialiser
ses DVD faits sur commande.
Remastérisés
Aux Etats-Unis, la mise sur le
marché de nouveaux titres est en
partie décidée par les internautes
qui proposent de nouveaux
titres sur le site de la collection.
On n’en est pas encore là en France : la première vague proposée
sur le site de la Warner a été choisie par les spectateurs de la chaîne TCM (groupe Warner) à partir
d’une liste qui leur a été proposée. A l’avenir, promet Michaël
Nathan, qui supervise cette opération, les internautes auront leur
mot à dire et les DVD seront fabriqués à partir de matériaux de
meilleure qualité (aux EtatsUnis, une partie des titres que
propose la Warner Archive ont
été remastérisés). D’ici trois à quatre mois, les cinéphiles français
devraient pouvoir choisir entre
60 titres. Ensuite, de nouvelles
collections seront lancées. L’une
d’elles devrait proposer des films
« pre-Code ». En langage de cinémathèque, on désigne ainsi les
films hollywoodiens réalisés
avant l’entrée en vigueur du code
Hayes qui imposa le puritanisme
de 1930 à 1968. Il suffira alors
d’envoyer un e-mail pour que
Mae West arrive chez vous. p
T. S.
nThe Thing
Film américain de Matthijs Van
Heijningen (1 h 43).
Des scientifiques norvégiens
basés dans l’Antarctique découvrent une créature congelée qui
se réveille et s’échappe. The Thing
remplit son programme de
frayeur, de suspense et d’action
de façon relativement efficace.
Mais une grande partie des péripéties et des inventions plastiques
(les métamorphoses de la créature) ont déjà été vues dans la version de John Carpenter et avec
plus de style. p J.-F. R.
nUn monstre à Paris
nBeauty
en plus vive à mesure qu’elle parvient à sortir l’homme de sa torpeur puis à le séduire. Comment
pourtant lui annoncer qui elle est
vraiment ? Au cœur de ce drame,
l’idée d’une duplication de la Terre, d’une reproduction du monde
des hommes, de ce qui est, en fait,
unique, prend soudain une valeur
fortement métaphorique. Le scénario imagine qu’à partir du jour
de la découverte de cette autre Terre, celle-ci aurait progressivement
cessé de n’être qu’un pur reflet.
Désormais, le miroir serait brisé et
il n’y aurait plus de duplication
stricte des événements mais un
décalage, une bifurcation des causalités et des effets sur cette autre
25
Film sud-africain
d’Oliver Hermanus (1 h 40).
François, notable afrikaner, père et
mari dévoué, dissimule son homosexualité, qui lui inspire un dégoût
de lui-même. Lorsqu’il rencontre
Christian, un éphèbe de 23 ans, il
est consumé par la passion. Beauty
aborde la difficulté d’être homosexuel dans une société conservatrice et la force du refoulé, thèmes
plus heureusement traités par le
passé. Beauty souffre d’un rythme
un peu mou et d’un discours trop
simpliste. p S. W.
nL’Apparition
de la Joconde
Film français de François Lunel
(1 h 20).
Un écrivain de retour des EtatsUnis est pressé par son éditeur de
donner une suite à l’un de ses
anciens succès. Installé dans un
palace parisien, il est atteint du
syndrome de la page blanche, jusqu’à ce qu’une SDF le visite, qui
prétend être la Joconde. Un récit
qui fait droit à la fantaisie, sans en
tirer tous les partis. p J. M.
nEl Bulli
Documentaire allemand
de Gereon Wetzel (1 h 48).
Une plongée dans les coulisses du
restaurant El Bulli, dirigé par le
pape de la cuisine moléculaire, le
chef espagnol Ferran Adria.
Durant les six mois de fermeture
annuelle de l’établissement, avec
quelques fidèles, il met au point
la carte de la prochaine saison. Le
film est consacré à cette préparation, mais sa dévotion pour son
sujet fait oublier l’intelligibilité
qu’il doit à son spectateur. p J. M.
nOxygène
Film belge de Hans Van Nuffel
(1 h 38).
Tom est un adolescent atteint de
mucoviscidose, condamné à court
terme. Il brûle sa vie par les deux
bouts, avant de rencontrer Xavier
et Eline, qui partagent son destin
et vont lui apprendre à y faire face
le moins mal possible. Un film qui
n’évite pas les facilités liées au
genre, mais qu’une certaine sincérité rend touchant. p J. M.
Film d’animation français
de Bibo Bergeron (1 h 27).
Une chanteuse de cabaret, une
créature mutante, un préfet de
police mégalomaniaque : parents,
rassurez-vous, on n’a pas ressuscité Fantômas, tous ces ingrédients
sont inoffensifs, passés à la moulinette d’un scénario plutôt incohérent, au filtre d’une animation en
relief très classique. Reste à savoir
si vos enfants aiment entendre
Vanessa Paradis interpréter des
compositions de M. p T. S.
nCloud Rock, mon père
Film documentaire américanosuisse de Kaleo La Belle (1 h 35).
Cloud Rock, 70 ans, est un hippie
qui n’a jamais renoncé à son
idéal : prendre des drogues, être
libre, coucher avec qui il veut…
Kaleo, 35 ans, le fils de Cloud Rock,
n’a vu son père que deux fois
depuis l’âge de 3 ans. Un jour,
Cloud Rock propose à Kaleo une
randonnée à vélo entre Seattle et
Portland. Kaleo accepte et décide
de filmer son père au cours de ce
road-movie à vélo où l’on voit se
confronter une icône des sixties,
fier de son individualisme et de sa
liberté, et son fils, qui l’accuse de
l’avoir abandonné… p S. W.
vvvOn peut éviter
nLe Dernier Week-End
Film français d’Ali Borgini (1 h 47).
Conçu à l’initiative de Pôle emploi,
Le Dernier Week-end est, à l’origine, une expérience destinée à
« évaluer les compétences » des
comédiens demandeurs d’emploi.
Si l’on peut comprendre ce qui a
poussé la troupe à vouloir faire
un film de fiction reconnu comme tel, sanctionné par une véritable sortie en salles, cela ne doit pas
occulter le fait que le cinéma est
d’abord une affaire de regard, et
de désir. p I. R.
Nous n’avons pas pu
voir
Beur sur la ville, film français de
Djamel Bensalah (1 h 39).
Les Trois Mousquetaires, film français de Paul W. S. Anderson (1 h 50).
Les meilleures entrées en France
Nombre de
semaines
d’exploitation
Nombre
d’entrées (1)
Nombre
d’écrans
Evolution
par rapport
à la semaine
précédente
Total
depuis
la sortie
Bienvenue à bord
1
486 229
525
_
486 229
Drive
1
394 835
246
_
394 835
La Nouvelle Guerre
des boutons
3
252 634
584
–4%
1 072 680
Identité secrète
2
160 860
311
– 34 %
456 298
La Guerre des boutons
4
152 169
577
0%
1 247 250
Dream House
1
130 964
319
_
130 964
Un heureux
événement
2
111 522
382
– 27 %
317 911
Le Skylab
1
106 155
184
_
106 155
Sex List
1
80 040
208
_
80 439
Habemus papam
5
50 135
338
–2%
574 803
Source : Ecran Total
(1) Période du 5 au 9 octobre inclus
Les jeunes n’hésitent pas à s’entasser dans des voitures qui vont très
vite, alors que leurs aînés préfèrent prendre leurs aises dans de grands
bateaux de croisière qui fendent placidement les flots. La preuve : le
démarrage de Drive laisse de la gomme sur le goudron, avec une moyenne impressionnante de 1 605 spectateurs par salle, pendant que Bienvenue à bord se contente de réunir 926 passagers par cabine. Pendant ce
temps, les enfants continuent de se disputer, et les deux Guerres des
boutons suivent des parcours comparables. A ce jour, les deux films
totalisent 2,3 millions de spectateurs et affichent une belle stabilité. Parmi les autres sorties du 5 octobre, Le Skylab fait mieux qu’Apollo 18, qui
se classe 16e avec 39 262 entrées. La NASA devrait se pencher sur le boxoffice français.
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0123
cinéma
Mercredi 12 octobre 2011
ppp excellent
ppv à voir
pvv pourquoi pas
vvv à éviter
Un film sec comme
l’effraction, rapide
et laconique telle
une mise à sac
«Le Voleur», de Louis Malle est à l’image
du livre de Georges Darien qui l’a inspiré
tiré un film au titre homonyme,
réalisé (et tièdement reçu) en
1967. Tout en dévorant les autres
romans de Darien (épatants !), j’apprends l’heureuse coïncidence de
sa reprise en salles, mercredi
12 octobre, après trente-quatre
ans d’absence au cinéma, et une
ultime diffusion télévisuelle en
1992.
On doit cette initiative à Sébastien Tiveyrat (Swashbuckler
Films), distributeur séditieux qui
assume la double inconvenance
de ne pas posséder de téléphone
portable et d’aimer passionnément Georges Darien. Le déclic a
eu lieu au Festival de La Rochelle
en juillet 2011, où le film fut projeté devant un public enthousiaste
de 1 500 personnes, en présence
de son scénariste Jean-Claude Carrière. Il sort aujourd’hui dans une
salle parisienne (le Reflet Médicis), ainsi que dans le réseau Utopia, à Bordeaux, Toulouse, Avignon et Montpellier.
Je me précipite aussi sec pour
découvrir ce beau film, l’un des
plus incontestables de Louis Malle. Sec comme l’effraction, froid
comme un pied-de-biche, rapide
et laconique comme une mise à
sac. Jean-Paul Belmondo y incarne
ROGER-VIOLLET
Jean-Paul Belmondo
et Charles Denner dans
« Le Voleur », réalisé
par Louis Malle en 1966. DR
Georges Randal, jeune orphelin
d’ascendance
bourgeoise,
dépouillé par son oncle et tuteur
de toute sa fortune. Le jeune homme, tournant au dandy vengeur,
se tourne alors vers la rapine, qu’il
pratique sans état d’âme, avec une
«MAGNIFIQUEMENT INTERPRÉTÉ PAR MARIE-JOSÉE CROZE»
NEXT LIBÉRATION
«UN THRILLER INTIME, ADULTE ET CHAUFFÉ À BLANC»
LE MOUV’
haine considérable pour les
valeurs morales d’une société
qu’il méprise. Rien d’un Arsène
Lupin donc : un brise-fer, un fracasseur de meubles précieux, un
saccageur qui rêve « de désosser la
carcasse bourgeoise ». Rien non
plus d’une bonne âme progressiste : la destruction lui tient lieu de
cause, avec la conscience paradoxale de tirer subsistance de ce
qu’il veut détruire. Randal est l’effroi fait homme, le pur symptôme
d’une société gangrenée par l’hypocrisie, le mercantilisme, la corruption, la démagogie. Une clique
édifiante l’entoure dans ses
œuvres, constituée d’un curé nihiliste (Julien Guiomar), d’un monteen-l’air cynique (Paul Le Person),
d’un truand anarchiste (Charles
Denner, grandiose) et d’une cohorte de femmes plus charmantes,
manipulatrices et ensorceleuses
les unes que les autres (Marie
Dubois, Geneviève Bujold, Bernadette Laffont, Françoise Fabian…).
Film passionnant, à plus d’un
titre. Il est autant le portrait de la
France sclérosée de 1967, que,
selon son propre aveu, celui de
Louis Malle. Issu d’une famille de
richissimes industriels (les
Béghin), Malle choisit avec le ciné-
Ce film est autant le
portrait de la France
sclérosée de 1967 que,
selon son propre
aveu, celui
de Louis Malle
LAURENT LAVOLÉ
PRÉSENTE
MARIE-JOSÉE CROZE
UN FILM DE
SANTIAGO AMIGORENA
www.rezofilms.com
LE 19 OCTOBRE AU CINÉMA
ma une émancipation violente de
son milieu, sans parvenir pour
autant à s’intégrer dans sa famille
d’adoption, trop scandaleux pour
les anciens, trop sage pour les
modernes. Ce déchirant entredeux qui marque son destin en
fait un cinéaste solitaire et douloureux, à l’élégance altière, dont
Georges Randal figure, en effet, un
possible alter ego. Cette solitude
fut plus encore celle de Darien,
dont la reprise du film de Malle
devrait inciter à la relecture.
L’homme, sur le plan biographique, demeure un relatif mystère,
dont l’hypothèse la plus savoureuse est qu’il ait vécu un temps la vie
de son héros. Né Georges Hippolyte Adrien en 1862, il meurt en 1921,
déjà oublié. Entre ces deux dates,
une vie d’insoumission et d’exil,
qui lui fait tâter du bataillon disciplinaire en Tunisie, côtoyer les
milieux anarchistes, puis devenir
candidat, malheureux, de l’impôt
unique lors de diverses échéances
électorales vers la fin de sa vie.
Il écrit, plus essentiellement,
sept romans, une dizaine de pièces de théâtre, et moult pamphlets dans les revues anarchistes, un courant auquel il serait
erroné de le réduire. En vérité,
Darien n’est d’aucun parti, et l’ennemi de tous. Entre le révolté Jules
Vallès, qui semble auprès de lui
sorti du couvent des oiseaux, et
l’imprécateur Léon Bloy, dont il
ne partage nullement la passion
mystique, son œuvre, exaltation
féroce de l’individu dans la lignée
du philosophe allemand Max Stirner, fustige toutes les institutions
et toutes les communautés. L’armée, l’Eglise, le Parlement, et jusqu’au peuple dont il écrit, en 1903,
dans la feuille anarchiste L’Enne-
mi du peuple : « Qu’est-ce que le
peuple ? C’est cette partie de l’espèce humaine qui n’est pas libre,
pourrait l’être, et ne veut pas l’être ;
qui vit opprimée, avec des douleurs imbéciles ; ou en opprimant
avec des joies idiotes ; et toujours
respectueuse des conventions
sociales. C’est la presque totalité
des pauvres, et la presque totalité
des riches. C’est le troupeau des
moutons et c’est le troupeau des
bergers. »
André Breton, après Jarry et
Apollinaire, contribuera à faire
sortir de l’ombre ce loup solitaire
des Lettres françaises, dans
l’œuvre duquel il lit « le plus rigoureux assaut que je sache contre l’hypocrisie, l’imposture, la sottise, la
lâcheté ».
L’éditeur Jean-Jacques Pauvert
rééditera ainsi en 1955 Le Voleur,
incontestablement son chefd’œuvre. On en extrait pour le plaisir ces quelques lignes, propices à
une méditation contemporaine :
« Ah si les détroussés des entreprises financières, les victimes de l’arbitraire gouvernemental, avaient
pris le parti d’agir contre les
auteurs, en chair et en os, de leurs
misères, il n’y aurait pas eu, après
ce désastre, cette iniquité, et cette
infamie après cette ruine (…). Mais
ce sont les institutions, aujourd’hui, qui sont coupables de tout ;
on a oublié qu’elles n’existent que
par les hommes. Et plus personne
n’est responsable, nulle part, ni en
politique, ni ailleurs… » p
Jacques Mandelbaum
Claude BEBEAR, Jacques et Patricia BEMBERG, Gonzague de BLIGNIERES, Charles de CLERMONT-TONNERRE
Laurent DUMAS, Bernard GAULT, Dominique de LA ROCHEFOUCAULD, Francis-Charles POLLET
SA ERSA, SMILE INVEST et Les 3 ÉPIS présentent
Licence n° 6101 - création : www.comquest.fr - Crédit photos : Fréderic Piot - *0,34e/mn
T
ous ceux qui auront passé,
sous un fielleux crachin,
leurs vacances en CharenteMaritime durant le mois de
juillet vous le diront : rien ne restera, que l’humide ennui, de cet été.
Que n’ont-ils eu l’idée de glisser
dans leur bagage Le Voleur, de
Georges Darien, précieuse antiquité de 1897 ! Le livre, inscrit à mon
programme prévisionnel de lecture depuis une vingtaine d’années,
dormait honteusement sur mon
étagère, incessamment relégué
par les urgences du moment. Quelle erreur ! Une langue d’une étonnante modernité, un ton d’une
liberté picaresque, une rage élégante contre l’iniquité de la société, un personnage de bourgeois
qui se retourne contre sa classe en
la dévalisant méthodiquement :
ce bâton de dynamite littéraire et
politique, allumé voici plus d’un
siècle sous la IIIe République,
aurait aussi bien pu s’écrire de nos
jours.
Cet aveu de méconnaissance
d’un des plus réjouissants romanciers français qu’il m’ait été donné
de lire, en entraîne un autre, plus
fâcheux pour le critique de cinéma : j’avais aussi perdu de vue que
le réalisateur Louis Malle en avait
L’écrivain français Georges
Darien (1862-1921).
RobeRt Hossein a gagné son paRi
La Nouvelle République des Pyrénées
un spectacLe d’enveRguRe MondiaLe
Le MiRacLe RobeRt Hossein
Le Petit Journal
France Soir
spectacLe « géniaL »
toucHé paR La gRâce
Mgr Podvin Porte-parole des Évêques de France
Télé Obs
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Mercredi 12 octobre 2011
27
Le Plaza Athénée
ouvre ses cuisines
Avis aux passionnés de gastronomie et des arts de la table, le
Plaza Athénée, à Paris, ouvre les portes de ses cuisines et de ses restaurants, mercredi 12 octobre. L’occasion de découvrir, autour
d’ateliers, tous les métiers et savoir-faire, la gestuelle, les tours de
main et les astuces des professionnels, de la cuisine au vernissage
à tampon en passant par la conciergerie, l’art floral, la sommellerie, la pâtisserie… Si le palace parisien est le seul à ce jour à avoir
reçu le label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV) dans la catégorie gastronomie, cette marque de reconnaissance – créée en
2006 par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie
– rassemble aujourd’hui près de 1 000 entreprises labellisées. Certaines d’entre elles ouvrent aussi leurs ateliers de création, il suffit
pour cela de prendre la « Route des EPV », reliant les sites du patrimoine manufacturier français, qui sillonne l’Hexagone dans quelque 23 régions. p Mélina Gazsi (PHOTOS MONETTA)
Journée du patrimoine vivant du Plaza Athénée.
Patrimoinevivant-plaza-athenee.fr
Route des EPV. Patrimoine-vivant.com
Les médecines chinoises s’infiltrent à l’hôpital
Acupuncture, shiatsu et pratiques psycho-corporelles sont utilisés en complément de traitements au long cours
Santé
L’acupuncture est par exemple
utilisée pour traiter la douleur en
obstétrique ou en gynécologie
notamment. Le qi gong est proposéaux personnesobèsesdansleservice de nutrition de la Pitié de JeanMichel Oppert.
« Notre but est d’identifier quels
traitements peuvent être efficaces
en intégrant la médecine chinoise à
la prise en charge conventionnelle », souligne le Dr Catherine ViensBitker, chargée de cette question à
C
ela fait des années que Sabine (le prénom a été changé) a
des vertiges. Elle est pour
cela suivie dans le service d’othorhino-laryngologie (ORL) du professeur Georges Lamas à l’hôpital
parisien de La Pitié-Salpêtrière.
Après deux séances de shiatsu, la
sensation de « tête flottante » qui
l’incommode a disparu. Le shiatsu,
littéralement « pression des
doigts», est une technique d’origine japonaise. C’est une médecine
énergétiquequi viseà rétablir l’harmonie du corps en agissant sur les
méridiens, selon les principes de la
médecine traditionnelle chinoise.
Sabine fait partie de la trentaine
de patientsde ce service à avoir suivi des séances de shiatsu. « Cette
pratiquevise à apporter uncomplément, voire un réconfort aux
patients qui sont en souffrance. La
rééducation classique ne soigne
pas tous les symptômes : acouphènes, raideurs de la nuque, stress »,
explique Sophie Jamet, infirmière
diplômée en rééducation vestibulaire, à l’origine du projet, qui a
démarré il y a un an.
Les patients ont droit à trois
séances gratuites, puis trois dans
un dispensaire proche. Parallèlement, unefois parmois, desmassages sont proposés au personnel. La
prochaine étape serait d’évaluer
scientifiquement ces données,
indique Céline Kilhoffer, cadre de
santé. Si les bienfaits du shiatsu
sont réels, il reste à les évaluer.
Une étude, en cours d’écriture
de procédure, sur l’apport dushiatsu pour atténuer la fatigue liée à
certaines pathologies neurologiques comme la sclérose en plaques
(SEP),la maladie de Parkinson ou la
sclérose latérale amyotrophique
(SLA), devrait démarrer au second
semestre 2012 dans le cadre d’un
A Paris, une vingtaine
de services de l’AP-HP
intègrent cette
médecine ancestrale
Une leçon de shiatsu à l’école de massage André Nahun, à Paris.. ELEONORE HENRY DE FRAHAN/ARGOS
programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), à l’initiative
du docteur Nadine Le Forestier,
neurologue à La Pitié-Salpêtrière.
«Cette pratique, qui se veut complémentaire des traitements au
long cours, ne pourra être introduite que si elle est officialisée par une
recherche thérapeutique rigoureuse », explique le docteur Le Forestier. L’idée est néelorsque ce médecin a reçu un courrier de la fille
d’une de ses patientes, décédée.
« Cette femme, atteinte de SLA, a vu
ses douleurs atténuées par le shiatsu et a eu une fin de vie plus paisible », précise Bernard Bouheret,
praticien et enseignant de shiatsu
depuis trente ans. L’expérience est
également positive pour les
parents d’enfants adoptés. Le
ISABELLE GIORDANO
11h - Les Affranchis
Avec tous les mercredis la chronique
de Sandrine Blanchard du journal
franceinter.fr
pédiatre Frédéric Sorge proposait,
lorsqu’il était à Saint-Vincent-dePaul, d’apprendre aux parents
adoptifs à toucher leurs enfants
avecla techniquedu shiatsu.Il souhaite poursuivre l’expérience à
l’hôpital Necker.
Le shiatsu fait partie des nombreux traitements complémentaires qui font leur entrée dans les
hôpitaux. Une vingtaine de services des hôpitaux de l’Assistance
publique-Hôpitaux de Paris (APHP) intègrent la médecine chinoise, médecine ancestrale. Elle recouvre quatre grandes disciplines : la
pharmacopée, l’acupuncture, les
massages thérapeutiques (tui na,
shiatsu), et les pratiques psychocorporelles (qi gong et tai-chi).
la direction de la politique médicale de l’AP-HP. « Cela peut être très
utile en prévention secondaire des
maladies chroniques, poursuitelle. J’ai suivi une femme atteinte
d’uncancer du sein en chimiothérapie. Elle avait des picotements très
forts au bout des doigts, de fortes
douleurs dans les mains, et perdait
ses ongles. Après une séance de
shiatsu et de l’acupuncture, la douleur a disparu, les picotements sont
devenusgérables etelle n’a plusperdu ses ongles », explique Maxime
Rigobert, praticien de shiatsu.
« 50 % des patients en oncologie
et 75 % des personnes souffrant
d’une maladie chronique ont
recours à des médecines complé-
mentaires. Elles ont de bons effets,
sont sans toxicité majeure et coûtent moins cher », explique le professeur Jean-Raymond Attali, de la
Fédération mondiale des sociétés
de médecine chinoise (WFCMS).
« Le shiatsu atténue les effets de la
chimiothérapie, comme la fatigue
ou les nausées », explique Bernard
Bouheret. « L’usage montre que
cela marche. Il faut maintenant
mettre en évidence cette efficacité», ajoute le Dr Viens-Bitker.
Neuf projets de recherche ont
été retenus dans le PHRC d’Ile-deFrance, qui en compte 900. Un colloque sur la médecine chinoise en
milieu hospitalo-universitaire
s’esttenu le 16septembre àLa PitiéSalpêtrière. Les médecines dites
complémentaires constituent en
outrel’undes pointsduplan stratégique 2010-2014 de l’AP-HP. « Le
but est de faire de ces thérapies des
actes du quotidien, pour la santé de
nos patients », a affirmé Mireille
Faugère,directricegénéralede l’APHP, lors de ce colloque.
Les réticences restent fortes. Le
professeur André Grimaldi, diabétologue, a vivement raillé ce colloque. « Notre rôle est d’avancer dans
la connaissance de ces médecines,
sans a priori », concède le docteur
Catherine Viens-Bitker. Malgré les
freins, le mouvement est lancé. p
Pascale Santi
nSur le Web
medecinechinoise.aphp.fr
Réguler ses émotions et gérer son stress avec la méditation
LA MÉDITATION, outil thérapeutique ? Christophe André, psychiatre et auteur de Méditer, jour après
jour (L’Iconoclaste, 300p., 24,90 ¤),
est un des pionniers de l’introduction de cette pratique en milieu
hospitalier. Il l’utilise depuis 2004
à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris,
dans la prévention des rechutes de
troubles anxieux et dépressifs.
Dans son service, le psychiatre
organise des sessions de huit à dix
semaines à raison de 2 h 30 hebdomadaires. «La méditation dite de
pleine conscience est un outil d’entraînement de l’esprit qui vise à
réguler ses émotions et diminuer la
fréquence des ruminations négatives», explique-t-il.
La méditation est sortie du
champ de la spiritualité pour devenir véritablement un outil de
soins à partir du milieu des
années 1990, aux Etats-Unis.
En France, cette approche suscite encore de la méfiance. Méfiance
par rapport à l’efficacité, par rapport à la laïcité – la méditation
peut être une porte d’entrée dans
les sectes –, et par rapport aux traitements classiques. « La méditation de pleine conscience a été validée par tout un corpus de publications dans des revues scientifiques
et dans ses formes codifiées à l’hôpital, c’est un outil laïque », développe Christophe André. Il conseille
pour les patients qui consultent
en ville de se référer aux praticiens répertoriés sur le site de l’Association pour le développement
de la pleine conscience (association-mindfulness.org).
« Solution miracle »
«En France, nous avons trente
ans de retard par rapport aux EtatsUnis», considère Lisa Letessier, psychologue clinicienne à l’hôpital
Georges-Pompidou, à Paris. Recrutée en 2010 par le professeur Silla
Consoli, chef du service de psychiatrie de liaison, pour faire des thérapies comportementales et cognitives et de la méditation de pleine
conscience, elle travaille avec tous
les services de l’hôpital. «Ces séances aident les personnes qui souffrent de maladies chroniques à se
réancrer dans le présent, ainsi qu’à
se réapproprier leur corps, leurs
émotions et leurs pensées », explique-t-elle. Les groupes sont composés de personnes atteintes de cancers, mais aussi de patients souffrant de pathologies cardiaques.
En méditant, ils arrivent à mieux
gérer le stress, les douleurs et la
tristesse que procure la maladie.
«Cette prise en charge vient en
complément d’autres thérapies,
prévient Lisa Letessier, ce n’est pas
une solution miracle.» Professeur
de néphrologie à l’hôpital de La
Pitié-Salpêtrière, à Paris, Corinne
Isnard Bagnis compte introduire,
au printemps 2012, un programme de méditation dans son service
pour les patients atteints de pathologies rénales afin d’améliorer leur
confort de vie. « Je souhaite le faire
dans un cadre de recherches évaluées de telle sorte que la communauté médicale puisse en profiter »,
conclut-elle. p
Martine Laronche
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disparitions
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Mercredi 12 octobre 2011
Dessinateur
Guitariste
Bert Jansch
Jean Gourmelin
F
igure-clé de la renaissance folk britannique des années 1960, révélé
par ses disques solos et comme
cofondateur du groupe Pentangle, le guitariste virtuose, chanteur et auteur écossais
Bert Jansch a influencé plusieurs générations de musiciens, jusqu’à sa mort, le
5 octobre, à Londres, d’un cancer du poumon, à l’âge de 67 ans.
D
essinateur, mais plutôt de
concepts, de rêves éveillés
et d’énigmatiques allégories. Illustrateur, mais plutôt de paradoxes angoissants et autres questions
en suspens. Humoriste, mais d’un
humour plutôt glaçant. Depuis l’an 2000,
sa vue, amenuisée par la maladie, avait
progressivement abandonné Jean Gourmelin, qui ne travaillait plus. Mais son
œuvre prolifique, notamment pour la
presse et l’édition, continuait à travailler
pour lui et ses dessins à perdurer dans la
conscience graphique de ses contemporains.
3 novembre 1943 Naissance
à Glasgow (Ecosse)
1965 Premier album « Bert Jansch »
1967 Création du groupe Pentangle
5 octobre 2011 Mort à Londres
23 novembre 1920 Naissance à Paris
De 1953 à 1969 Collaboration
avec le maître verrier Max Ingrand
à Vendôme (Loir-et-Cher)
1969 Grand Prix de l'humour noir
1962 Parution de son premier dessin
dans la revue « Bizarre »
Septembre 2008 Exposition
rétrospective au Centre Pompidou
9 octobre 2011 Mort à Meudon
(Hauts-de-Seine)
La dernière grande exposition de Jean
Gourmelin s’est tenue à la chapelle SaintJacques, à Vendôme (Loir-et-Cher), la ville
de ses débuts d’artiste,qui lui rendait hommage il y a quelques jours à peine, du 14 au
25septembre. Comme s’il s’était agi de l’ultime page à noircir avant la délivrance, il
n’y aura pas survécu longtemps. Agé de
quatre-vingt-onze ans, le dessinateur s’est
éteint dans la nuit du samedi 8 au dimanche 9 octobre, à Meudon (Hauts-de-Seine),
dans la maison de retraite qui l’accueillait
depuis deux ans.
Vertige du vide et fuite du temps
Né le 23 novembre 1920 à Paris, seul
enfant d’une famille modeste, Jean Gourmelin commence à dessiner, encouragé
par un professeur, dès l’école primaire. En
1935, sa famille quitte la capitale pour Vendôme, où son père s’installe comme grainetier et où lui-même seraformé aux techniques du papier peint et de la gravure sur
bois par le peintre Charles Portel. Après un
retour à Paris à partir de 1940, notamment
pour étudier aux Arts décoratifs, il revient
en 1945 à Vendôme, où il commence une
collaboration de vingt-trois années, en
tant que salarié, chez le célèbre verrier
Max Ingrand. Sans les signer, Jean Gourmelin dessine alors certains vitraux de la
cathédrale de Rouen, des châteaux d’Amboise et de Blois.
Au fil des années, une série de rencontres amicales va peu à peu l’encourager à
prendre son envol en tant que dessinateur, peintre, aquarelliste, illustrateur…
D’abord son cousin, Claude Serre, égale-
Jean Gourmelin dans son atelier, en 1994. LOUIS MONNIER/RUE DES ARCHIVES
ment employé de Max Ingrand et qui
deviendra lui aussi un célèbre dessinateur
de presse. En 1951, le graveur, critique d’art
et typographe Maximilien Vox. Puis, en
1961, l’écrivain Jacques Sternberg et, en
1963, Louis Pauwels, fondateur de la revue
Planète, qui fera connaître ses dessins à un
large public. Mais c’est en 1962 que paraît
son premier dessin, dans la revue Bizarre,
de l’éditeur Eric Losfeld. Après le brillant
succès rencontré par sa première exposition personnelle à la galerie parisienne Le
Tournesol, en 1967, il abandonne le vitrail
et s’impose enfin comme dessinateur de
presse, bientôt couronné par le Grand Prix
de l’humour noir, en 1969.
Tout en publiant sesalbums et en multipliant les expositions personnelles, il touche au décor de cinéma, à l’affiche, à l’illustration, et va collaborer très longuement,
jusqu’à la fin des années 1990, à de nombreux titres, dont Le Point, Le Figaro, HaraKiri, Pilote, Elle, Le Monde, Le Monde diplomatique…
Les matières minérales avec leurs aspérités, le vertige du vide et la fuite du temps
composent l’univers d’où il fait surgir et
évoluer ses personnages hiératiques, toujours en position instable ou absurde. Un
univers souvent comparé, bien que de sty-
le graphique différent, avec celui de
Roland Topor, son collègue en humour
noir. « Le plus difficile, avait écrit un jour
Philippe Soupault, cité dans le catalogue
de l’exposition rétrospective que le Centre
Georges-Pompidou lui a consacrée en
2008, c’est de découvrir où Gourmelin veut
nous conduire. On peut se pencher longtemps sur l’œuvre de cet infatigable dessinateur. Le danger, c’est qu’il peut nous
entraîner loin, très loin de notre réalité et
du quotidien. Ainsi la méditation sur
l’œuvre de Gourmelin est un enrichissement. » p
suit ses études secondaires chez les jésuites à Beyrouth, avant de devenir comédien
au Théâtre du Soleil, la troupe d’Ariane
Mnouchkine. Il revient ensuite à Jérusalem dans les années 1970, se dote du patronyme Abou Salem et crée Al-Hakawati (« le
conteur», en arabe), à la fois compagnie et
salle de théâtre, en rénovant le Nuzha, un
cinéma désaffecté.
Pionnier de la production théâtrale
palestinienne, ilse fait rapidement connaîtreenmettantenscènedenombreusespièces, tant du répertoire arabe, comme l’épopée de Gilgamesh, qu’occidental, avec des
œuvres signées Tchekhov, Brecht ou Dario
Fo. Sous sa direction, Al-Hakawati tourne
aussi bien dans les territoires occupés
qu’en Israël et à l’étranger. Touche-à-tout,
passionné par l’expérimentation, il se frotte au cinéma, avec un documentaire sur
Jérusalem, Gates to the City et à l’opéra,
avec la mise en scène de L’Enlèvement au
sérail, de Mozart, présenté à Salzbourg.
« Il mettait un point d’honneur à être à
l’avant-garde culturelle, dit son ami Ilan
Halévy, un juif palestinien, qui fut représentant du Fatah, le parti fondé par Yasser
Arafat, auprès de l’Internationale socialiste. Mais il s’est toujours heurté à un sentiment de méfiance de la part des élites locales, qui avaient tendance à le regarder comme un semi-étranger. C’était l’une des raisons de son mal être. Le fait que l’OLP et le
Fatah lui aient repris les locaux d’AlHakawati, pour en faire le théâtre national
palestinien l’avait également affecté. »
Au début des années 2000, de retour à
Jérusalem après quelques années en France, François Abou Salem se lance dans la
mise en scène d’Une mémoire pour l’oubli,
le douloureux monologue de Mahmoud
Darwich. « Avec son côté passionnel, il s’est
abîmé dans ce texte, raconte Hoda
Al-Imam, l’une de ses proches. Il s’est
immergé profondément, sûrement trop,
dans la tragédie de la Palestine ». Lors de
ses funérailles, le cercueil de François Abou
Salem était recouvert du drapeau de son
pays d’adoption. p
génération – Pete Doherty, Beth Orton,
Devendra Banhart, Joanna Newsom, Fleet
Foxes, Midlake – lui tresse des louanges et
enregistre avec lui (« The Black Swan », son
dernier album, en 2006). Se découvrant
atteint d’un cancer au poumon en 2009, il
repartira en tournée en première partie de
NeilYoung,auprintemps2010,aprèsl’ablation d’un demi-poumon et une chimiothérapie. Le 1er août 2011, Bert Jansch avait donné son dernier concert, au Royal Festival
Hall de Londres, au sein d’un Pentangle à
nouveau reformé. p
Benjamin Barthe
Stéphane Davet
Luc Cédelle
Comédien et metteur en scène
François Abou Salem
L
a fièvre et l’inquiétude qu’il
investissait dans son travail
avaient fini par miner son existence:l’homme de théâtrefranco-palestinien François Abou
Salem, âgé de 60 ans, a mis fin à
ses jours, samedi 1er octobre, en se défenestrant. Son corps a été retrouvé en contrebas de l’immeuble où il résidait, à Teereh,
un faubourg de Ramallah.
François AbouSalem aété inhumé,mercredi 5 octobre, au pied des remparts de la
vieillevilledeJérusalem,aprèsunecérémonie dans l’ancien théâtre de la compagnie
Al-Hakawati qu’il avait contribué à fonder
etune messeau couventde l’Ecole biblique
et archéologique française de Jérusalem.
«C’est une perte cruelle pour la patrie dont
il se revendiquait avec une énergie et une
fierté farouches : la Palestine », a déclaré
dans un communiqué le ministre de la
culture français, Frédéric Mitterrand, qui a
saluéla«très grande culture »etla«sensibilité» du metteur en scène.
C’est à la fin des années 1950 que Fran-
çois Abou Salem, né François Gaspar,
découvre Jérusalem. Son père, le FrancoHongroisLorand Gaspar,chirurgienetpoète de renommée internationale, prend à
cette époque la direction de l’hôpital SaintJoseph,situédanslazoneorientaledelaVil-
1951 Naissance
1998 Le président Yasser Arafat lui
remet le prix Palestine pour l’ensemble
de son travail théâtral
5 octobre 2011 Mort à Ramallah
lesainte, sous tutelle jordanienne. Samère,
Francine, une sculptrice, et sa sœur Patricia sont également du voyage. Arrivée en
Palestine pour des raisons professionnelles, la famille Gaspar va très vite développer de profondes affinités avec ce pays.
Au lieu d’être inscrit au lycée français, le
jeune François Gaspar est scolarisé dans le
système éducatif arabe, où il acquiert une
parfaite maîtrise de cette langue. Il pour-
Né à Glasgow, le 3 novembre 1943, Bert
Jansch fréquente très tôt la scène folk de sa
ville et celle d’Edimbourg, où il découvre
des artistes comme la chanteuse Anne
Briggs ou le guitariste Davey Graham. La
première lui donne le goût du répertoire
traditionnel britannique ; le second influera grandement un jeu de guitare en picking–lepoucerythmantlacordebassependant que les autres doigts égrainent la
mélodie –, autant marqué par le blues, le
jazz, les sonorités orientales que les musiques de la renaissance élisabéthaine.
Egalement admirateur des bluesmen
Big Bill Broonzy et Brownie McGhee, le
jeune homme débarque à Londres au
début des années 1960, menant une vie de
bohème tout en perfectionnant un style
qui l’impose dans les clubs folk de la ville.
En 1965, il enregistre dans une cuisine son
premier album, « Bert Jansch », qui révèle
l’originalité de sa technique instrumentale, la grande qualité de ses chansons et l’attachante rudesse d’une voix à la limite de
la maladresse. « Son premier album était
épique, confiera Neil Young, un de ses fans
les plus fervents, spécialement Needle of
Death, une chanson si belle et révoltée. »
S’ils n’obtiennent pas de succès grand
public, ses premiers albums sont des
coups de foudre déterminants pour des
artistes appelés à devenir des légendes du
folk – Nick Drake, Donovan – ou du rock,
comme Jimmy Page, le guitariste de Led
Zeppelin, qui, à l’instar de Neil Young,
considérait l’Ecossais comme un « Hendrix
du folk ».
En 1967, son amitié avec le guitariste
JohnRenbourn–auteuravecluidejolisdisques en duo – aboutit à la création du groupePentangle.Auxcôtés delachanteuse Jacqui McShee, du contrebassiste Danny
Thompson et du batteur Terry Cox, ils formeront ainsi, jusqu’en 1972, une des principales attractions de la nouvelle scène folk
britannique (Fairport Convention, Steeleye Span…), en se distinguant par un
mélange de jazz et de mélodies médiévales
qui connaîtra son apogée avec l’album Basket of Light (1969).
Aprèsavoirété deux ansfermier auPays
de Galles, Bert Jansch reprend sa guitare,
sans retrouver la flamme de ses débuts. La
faute sans doute à un alcoolisme dont il ne
guérira qu’en 1987. Alors que Pentangle se
reforme à l’époque pour trois nouveaux
disques et des tournées internationales, il
peut constater que son influence perdure
malgré les éclipses. Des guitaristes comme
Johnny Marr des Smiths ou Bernard Butler
du groupe Suede revendiquent leur admiration. Dans les années 2000, une nouvelle
AFP
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AU CARNET DU «MONDE»
Naissance
Milo
est heureux de faire part de la naissance de
sa sœur
Le président de l’université
Paris-Sorbonne
Et l’ensemble de la communauté
universitaire,
ont la tristesse de faire part du décès de
François-Georges DREYFUS,
professeur émérite
d’histoire contemporaine,
survenu le 24 septembre 2011.
Reza Majd,
son époux,
Juan et Shahrzad Benet,
Alexandre et Shaun Benet,
ses fils et belles-filles,
Tanya, Alexandra, Teymour, Charles,
ses petits-enfants
Et toute la famille Farmanfarmaian,
ont la tristesse de faire part du décès de la
princesse Leila
FARMANFARMAIAN MAJD,
survenu le lundi 3 octobre 2011.
Les obsèques auront lieu le vendredi
14 octobre, à 16 heures, au cimetière
du Montparnasse, 3, boulevard EdgarQuinet, Paris 14e.
La direction générale
d’Electricité de France,
Ses collègues et amis,
ont la tristesse de faire part du décès de
Jean GALLAND,
directeur délégué du service
des énergies insulaires à EDF,
survenu le 4 octobre 2011,
à l’âge de cinquante-neuf ans.
Ils expriment à sa famille leurs
sentiments de condoléances.
Electricité de France,
22-30, avenue de Wagram,
75008 Paris.
Denise GENCE
à Paris, le 20 septembre 2011.
Anniversaire de naissance
Il fallait bien que l’on dise au Monde
l’immense bonheur et la fierté de t’avoir.
A tes vingt ans,
est décédée le 28 septembre 2011,
à Paris.
L’inhumation a eu lieu à Vouvray
(Indre-et-Loire), près des siens.
(Le Monde du 5 octobre.)
Paris.
Sa famille
Et ses proches,
Romy,
à la belle vie que tu mérites, à tes bonheurs
et à l’amour infini que l’on te porte.
Pascal et Geneviève Lamy,
Jean-Hugues Lamy
et Frédérique Seltz,
Marc et Isabelle Lamy,
ses fils et belles-filles,
Jacqueline Rousseau-Dujardin,
sa sœur,
Julien, David, Quentin, Alice, Marie,
Perrine, Marthe, Hugo, Simon, Gaspard
et Robin,
ses petits-enfants,
Alexandre, Stanislas et Pénélope,
ses arrière-petits-enfants,
Lucette,
Sa famille
Et ses amis,
ont la douleur de faire part du décès de
Mme Denise LAMY,
née DUJARDIN,
officier de la Légion d’honneur,
président de chambre honoraire
au tribunal de commerce de Paris,
vice-président honoraire
de la chambre de commerce
de d’industrie de Paris,
survenu dans la paix, au Boisgeloup,
le 7 octobre 2011.
Elle a rejoint son époux,
Nina,
Laura Matesco et Stefano Ferri.
[email protected]
ont la tristesse de faire part du décès de
Jacques LAMY
et leur fils,
Eric
dans le souvenir des siens.
La cérémonie religieuse aura lieu le
mercredi 12 octobre, à 11 heures, en
l’église Saint-Gervais-Saint-Protais de
Gisors.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Les Annonciades, Le Boisgeloup,
14, rue du Chêne d’Huy,
27140 Gisors.
Cruis (Alpes-de-Haute-Provence).
Danielle,
sa compagne,
Virginie,
sa fille,
Arnaud,
son fils
et son épouse, Armelle,
Victor,
son petit-fils,
Olivier,
son beau-fils,
Ta maman et ton papa.
Jean-Jacques LEDUC,
Chantal GILLE,
Décès
survenu le samedi 8 octobre 2011,
dans sa quatre-vingt-onzième année.
Téodor COSMA,
pianiste et chef d’orchestre,
grand officier de l’ordre du Mérite
Culturel Roumain,
s’est éteint dans sa cent deuxième année,
le 6 octobre 2011.
Un hommage lui sera rendu, le vendredi
14 octobre, à 15 h 15, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, salle
Mauméjean.
!
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De la part de
Vladimir,
son fils,
Brigitte,
sa compagne,
Michel,
son petit-fils
Et de tous ses proches.
Marie-Gabrielle Denizet-Valot,
Marie-Cécile (†)
et Jean-Louis Gay, (†),
Marie-Françoise
et Jean-Pierre Boust,
Marie-Laure Denizet (†),
Rémi Denizet (†),
Bénédicte Denizet,
Marie-Geneviève Denizet,
Marie-Dominique Meyer,
Vicenta Denizet et Jacques Noels,
ses enfants,
Ses quatorze petits-enfants,
Ses neuf arrière-petits-enfants
Et les familles Denizet et Perron,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Jean DENIZET,
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(()'
Chantal repose à la maison de retraite
Anselme Payen, 9, place Violet,
Paris 15e.
Fleurs naturelles blanches uniquement.
Cet avis tient lieu de faire-part
et de remericiements.
Pompes Funèbres Marbrerie Geoffroy.
Tél. 05 49 29 20 40
Jean Hany,
son époux,
Olivier Riffaud-Longuespé et Agnès,
Philippe Riffaud-Longuespé
et Marianne,
Eric Hany et Sabine,
ses enfants,
Robin, Alexis, Florian, Baptiste
et Romain,
ses petits-enfants,
ont l’immense douleur de faire part de la
disparition de
Nicole HANY,
née LONGUESPÉ,
historien de l’art,
conservateur honoraire
des antiquités et objets d’art,
docteur en histoire de l’art,
docteur en histoire,
ancienne élève de l’École du Louvre,
chevalier
dans l’ordre des Arts et des Lettres,
née Annette PERRON,
!
Les cérémonies religieuses auront
lieu les mercredi 12 octobre, à 14 h 30,
en l’église Saint-François-Xavier,
Paris 7e et jeudi 13 octobre, à 14 heures,
en l’église Notre-Dame de Clussais (DeuxSèvres).
survenu le 5 octobre 2011,
à l’âge de quatre-vingt-treize ans.
Elle a rejoint dans la paix son époux,
Jean DENIZET,
officier de la Légion d’honneur.
La cérémonie religieuse a été célébrée
ce mardi 11 octobre, à 10 heures, en
l’église Saint-André de l’Europe, 24 bis,
rue de Saint-Pétersbourg, Paris 8e.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Famille Denizet,
48, rue de Moscou,
75008 Paris.
survenue le 1er octobre 2011, à Troyes,
dans sa soixante-dix-huitième année.
La cérémonie religieuse a eu lieu le
4 octobre, en la cathédrale Saint-Pierre
et Saint-Paul de Troyes.
Cet avis tient lieu de faire-part
et de remerciements.
« Je vois les reflets d’une aurore
dont je ne verrai pas se lever le soleil.
(...) après quoi je descendrai hardiment,
le crucifix à la main, dans l’éternité. »
Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe,
Livre XLII.
21, rue Jean-Louis Delaporte,
10000 Troyes.
M. Bruno Le Maire,
ministre de l’Agriculture,
de l’Alimentation, de la Pêche,
de la Ruralité et de l’Aménagement
du Territoire,
a la tristesse de faire part du décès,
à l’âge de soixante-quatorze ans, de
Jean MOULIAS,
chef du service de l’Inspecteur général
de l’Agriculture honoraire,
officier de la Légion d’honneur,
chevalier de l’ordre national du Mérite,
commandeur du Mérite agricole,
ancien directeur général de la SOPEXA,
ancien directeur général de l’ONIC.
Ses obsèques ont eu lieu le 9 octobre
2011, dans l’Aude, dans la stricte intimité
familale.
Le président
Et les membres du conseil
de la Société française d’onomastique,
ont l’immense tristesse de faire part
du décès de
Mme Marianne MULON,
membre fondateur
de la Société.
M. Claude Bonnard
son époux,
Julien et Raphaëlle, Agnès, Jean,
ses enfants,
Romain et Marion, Mathilde, Samuel,
Luc,
ses petits-enfants,
Maryse Bonnard,
sa belle-fille,
Claire, Anne et Ky-Vong, Denis
et Fabienne, Thérèse et Damon, Clément,
ses beaux-enfants
Axel et Matthieu, Marie, Gabrielle,
Adam,
ses beaux-petits-enfants,
Mme Claude Plancke,
sa sœur,
Richard, Bruce,
ses neveux
et leur famille.
ont la tristesse de faire part du rappel à
Dieu, survenu le 18 septembre 2011, de
Mme Rosine BONNARD,
née PLANCKE.
La messe et l’inhumation ont eu lieu en
présence de la famille, d’anciennes
collègues sages-femmes et d’amis.
Cet avis tient lieu de faire-part.
79, boulevard Exelmans,
75016 Paris.
ont la douleur de faire part du décès de
survenu le 30 septembre 2011.
29
carnet
Mercredi 12 octobre 2011
Les obsèques ont eu lieu dans l’intimité
familiale.
Dijon. Montmirey-la-Ville (Jura).
Mme Gabrielle Lefranc,
son épouse,
Marc, Dominique, Anne
et leurs conjoints,
ses enfants,
Aurélie, Alexandre, Charles,
Coralie, Maëva,
ses petits-enfants,
Ses beaux-frère, Belle-sœur,
Ainsi que toute la famille,
ont la tristesse de faire part du décès du
colonnel (e.r.)
Robert LEFRANC,
commandeur de la Légion d’honneur,
Phyllis Springer Sipahioglu,
son épouse,
Besi Cecan,
sa sœur,
Ayhan Cecan,
son beau-frère,
Nazan,
sa nièce,
Ipek et Yasemin,
ses petites-nièces,
Ziya et Tunc Cecan,
ses neveux,
Condoléances sur registre.
Cet avis tient lieu de faire-part
et de remerciements.
24, rue de Gray,
21000 Dijon.
Hedda Faucheux,
sa compagne,
Annie Laffillé-Mayer,
sa fille,
Alexis Laffillé,
son petit-fils
Et toute sa famille,
ont la profonde tristesse de faire part
du décès de
Jacques Daniel MAYER,
survenu le 3 octobre 2011,
à Arith (Savoie),
dans sa quatre-vingt-quinzième année.
Selon sa volonté, les obsèques ont été
célébrées dans l’intimité.
Hedda Faucheux,
Les Labies,
73340 Arith.
Annie Laffillé-Mayer,
111, rue de Reuilly,
75012 Paris.
Jacqueline, Véronique, Bruno
Ainsi que toute leur famille,
remercient chaleureusement pour
l’affection qu’ils leur ont témoignée, tous
ceux qui se sont associés à leur peine lors
du décès de
Robert MEYNADIER.
Anniversaires de décès
Il y a trois ans, le 12 octobre 2008,
disparaissait,
Hélène CALEF,
pianiste.
« Nos morts ne nous apprennent
rien d’autre sinon qu’on les aimait.
Ils ne nous donnent rien, sinon la vie pour
laquelle on les pleure à jamais,
eux qui ont su aimer
et qui furent si vivants. »
Tous ceux qu’elle a enchantés se
souviennent.
Elle continue d’habiter nos vies.
Sa famille
Et ses amis.
Le troisième concert à sa mémoire
sera donné le samedi 15 octobre,
à 20 heures, au temple Saint-Marcel,
24, rue Pierre-Nicole, Paris 5e (Brahms Debussy - Faure - Poulenc - Rachmaninoff
- Rossini).
Confirmez votre présence à l’adresse :
[email protected]
Le 12 octobre 2009, disparaissait
Alain CROMBECQUE.
Tu es en permanence présent dans nos
cœurs.
Tes amis.
Souvenir
Le dimanche 9 octobre 2011, est le
treizième anniversaire du départ de
Goldka LANGBORT.
Souvenez-vous !
Messe anniversaire
Il y a vingt-cinq ans,
Anne CELLIER
nous quittait tragiquement.
Une messe anniversaire sera célébrée
en son nom, le 14 octobre 2011,
à 18 h 30, en l’église Notre-Dame
de Consolation, 23, rue Jean Goujon,
Paris 8e.
Conférence
ont la douleur d’annoncer la disparition de
Göksin SIPAHIOGLU,
journaliste, photographe,
né en Turquie,
fondateur de l’agence Sipa Press,
chevalier de la Légion d’honneur,
survenue le 5 octobre 2011,
à l’hôpital Américain,
à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.
Un hommage lui sera rendu le jeudi
13 octobre, à 11 heures, au théâtre de
l’Odéon, Paris 6e.
(Le Monde du 7 octobre.)
survenu le 9 octobre 2011,
à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
Les obsèques auront lieu en l’église
Sainte-Jeanne-d’Arc de Dijon, le jeudi
13 octobre, à 10 heures, suivies de
l’inhumation au cimetière de Montmireyla-Ville, à 15 heures.
Nîmes. Rousses. Paris.
Robert, Pierre, Louis TETREAU,
L’UniverCité,
le cycle de conférences de la Cité
nationale de l’histoire de l’immigration,
le jeudi 13 octobre 2011, à 18 h 30,
« Du silence faisons table rase ?
le 17 octobre 1961,
histoire d’une réapparition »,
conférence de Jim House,
animée par Sylvie Thénault.
Palais de la Porte Dorée,
293, avenue Daumesnil,
Paris 12e.
Renseignements :
[email protected]
chevalier de l’ordre du Mérite maritime,
a refermé le grand livre de sa vie,
dimanche 2 octobre 2011,
dans sa cent deuxieme année.
De la part de
Françoise Gorin, Micheline Saldo,
Dominique Hernu, Nancy et Alain
Delletery, Anita et Bernard Tetreau,
ses enfants
Ses petits enfants et arriere petitsenfants.
Les obsèques ont eu lieu dans l’intimité
familiale.
Moulin de l’Aubier,
17450 Fouras.
Le 26 septembre 2011,
dans sa soixante-douzième année,
Claude TISSIER,
directeur du Travail honoraire,
chevalier dans l’ordre national du Mérite,
est décédé à son domicile.
6, rue Maryse Bastié,
69008 Lyon.
Remerciements
La famille
Et les amis de
Gabrielle BECKER-PALLOT,
trop tôt disparue, remercient toutes les
personnes qui leur ont témoigné leur
soutien dans ces moments douloureux.
Communication diverse
L’Institut du chiffre et du droit
organise un week-end patrimonial
à Paris, le vendredi 11
et samedi 12 novembre 2011.
Douze heures de formation
sur les thèmes entreprise libérale
et gestion de patrimoine familial.
« Aucun principe n’oblige un
contribuable à payer le maximum possible
d’impôts et de cotisations sociales »
professeur Maurice Cozian,
sous la présidence du docteur
Jean-Jacques Saragoussi, avec des
conférenciers et animateurs prestigieux :
Claude Abrial, Géraud Chambeiron,
Philippe Dietrich, Rémi Dumas,
Henri Hovasse, Philippe Rebattet,
Philippe Reigne, Thierry Revet.
renseignements et inscriptions :
Mme Jocelyne Deperrier,
Tél. : 06 18 99 14 35
Fax. : 01 47 01 12 87
courriel : [email protected]
Faculté de consulter gratuitement :
http://www.buzdig.com/icd
http://buzdig.com/icd/gpm
Assemblée générale
Le centre international
de recherche et de développement
de l’haptonomie
réunira le 6 novembre 2011,
à partir de 9 h 30,
son assemblée générale
dans ses locaux,
9 bis, villa du Bel Air,
Paris 12e.
30
météo & jeux
< -10°
-5 à 0°
-10 à -5°
0 à 5°
5 à 10°
10 à 15°
35 km/h
14 16
20 km/h
PARIS
Brest
DStrasbourg
Metz
14 17
Nantes
11 18
10 18
Clermont-Ferrand
Limoges
Odessa
12 22
15 24
Montpellier
Nice
Marseille
16 31
11 27
16 26
17 29
13 25
Lever 18h52
Coucher 08h32
Aujourd’hui
Jeudi
La situation changera peu : les hautes
14 17
pressions du proche Atlantique ne
nous protègeront pas de l'humidité
en provenance de la Manche. Ainsi, le
12 20
ciel s'annonce très nuageux sur une
grande moitié Nord, avec même
quelques bruines éparses ici et là de
la Bretagne à l'Alsace. Le soleil fera en
13 21
revanche de plus amples apparitions
sur la moitié Sud avec des
températures encore très estivales.
Jours suivants
Vendredi Samedi
Ajaccio
55 km/h
Lever 08h05
Coucher 19h07
Saint Wilfried
Coeff. de marée 83/84
Anticyclone
D
Beyrouth
Rabat
Tripoli
Tripoli
Dépression
Front chaud
Front froid
Occlusion
Thalweg
En Europe
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Tunis
Tunis
Jérusalem
Le Caire
“Jova” ce puissant ouragan va toucher la côte ouest du Mexique
Perpignan
18 29
Ankara
Athènes
Alger
A
Toulouse
Istanbul
1020
Séville
Bucarest
Sofia
Rome
Barcelone
Barcelone
Grenoble
Biarritz
Budapest
Zagreb
Belgrade
Madrid
11 26
Moscou
Kiev
Berne
Lisbonne
Lisbonne
Bordeaux
20 km/h
Riga
Copenhague
1010
Milan
4 19
13 20
St-Pétersbourg
D
0
Munich Vienne
A 1025
Chamonix
10
Lyon10
10 22
10 20
1005
Helsinki
Bruxelles
Paris
11 18
Dijon
Poitiers
20 km/h
Londres
1000
Besançon
15 18
L’espace d’un instant
995
10
0
12 17
13 19
12 15
10 18
12 19
12 23
14 24
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Bucarest
Budapest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
aversesmodérées 13
largementdégagé 12
largementdégagé 20
souventdégagé 11
largementdégagé 9
cielvoilé
10
pluiemodérée
14
souventdégagé
8
éclaircies
12
largementdégagé 10
averseslocales
14
8
éclaircies
largementdégagé 4
souventdégagé 13
11
éclaircies
19
beautemps
19
beautemps
6
souventdégagé
14
averseslocales
12
faiblepluie
15
beautemps
aversesmodérées 6
21
beautemps
4
beautemps
12
pluiemodérée
aversessporadiques 5
14
22
27
23
14
18
16
19
19
13
17
12
10
18
15
23
31
22
19
14
30
10
25
13
14
9
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
6
16
7
3
5
12
10
14
6
7
11
25
20
11
9
23
11
17
10
22
18
16
26
25
20
12
30
25
29
25
18
24
20
13
10
16
29
24
32
27
27
17
31
31
36
28
20
32
28
20
19
24
averseslocales
largementdégagé
éclaircies
largementdégagé
averseslocales
largementdégagé
averseslocales
aversessporadiques
averseslocales
souventdégagé
Dans le monde
Alger
beautemps
Amman
largementdégagé
Bangkok
risqueorageux
Beyrouth
risqueorageux
Brasilia
risqueorageux
Buenos Aires trèsnuageux
Dakar
largementdégagé
Djakarta
averseslocales
Dubai
beautemps
Hongkong souventdégagé
Jérusalem risqueorageux
Kinshasa
risqueorageux
Le Caire
beautemps
Mexico
éclaircies
Montréal
éclaircies
Nairobi
averseslocales
New Delhi
New York
Pékin
Pretoria
Rabat
Rio de Janeiro
Séoul
Singapour
Sydney
Téhéran
Tokyo
Tunis
Washington
Wellington
largementdégagé
pluiemodérée
averseslocales
largementdégagé
beautemps
souventdégagé
souventdégagé
risqueorageux
souventdégagé
beautemps
souventdégagé
largementdégagé
aversesmodérées
éclaircies
24 35
16 19
12 23
15 26
13 26
21 27
8 19
25 31
12 18
17 24
17 22
21 27
21 22
13 16
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
risqueorageux
risqueorageux
averseslocales
aversesmodérées
risqueorageux
averseslocales
24
28
21
26
25
22
Outremer
32
30
24
27
30
24
Météorologue en direct
au 0899 700 703
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Dimanche
Nord-Ouest
9
19
5
18
4
19
Ile-de-France
8
17
6
18
4
19
Nord-Est
4
15
4
16
1
18
Sud-Ouest
9
23
10
25
8
24
Sud-Est
12
25
10
23
9
23
Le 21 juillet 2011, la navette Atlantis se posait sur la piste américaine
du Centre spatial Kennedy, après un ravitaillement de l’ISS. Ce 33e vol
était l’ultime de la navette spatiale, après l’arrêt du programme Space
Shuttle (tinyurl.com/4393vy4). « La fin d’une ère » que le photographe
américain Neil Dacosta a interprétée d’une façon bien sombre.
Le ciel lui est-il tombé sur la tête ? Si Atlantis est mise à la retraite, il
n’en est rien pour les astronautes américains, qui feront dorénavant la
navette à bord des vaisseaux russes Soyouz. Mais, pour le photographe,
ce renoncement est un deuil et l’horizon des astronautes si maussade
que la seule issue pour eux est d’en passer par le suicide. Funeste destinée qu’il a mise en scène et que son viseur a immortalisée
(tinyurl.com/3rq8owl) : engoncé dans son scaphandre spatial dont il ne
s’est pas résolu à se défaire, un astronaute parcourt le New York Times
qui consacre sa « une » à son dernier envol. Sur le mur de la pièce où il
est assis, des clichés d’un âge d’or révolu. Puis tout bascule, des « mises à
mort » se succèdent : notre homme, au moral plombé, est alité après
une absorption de somnifères, agenouillé, casque dans le four de la gazinière, électrocuté dans son bain à l’aide d’un grille-pain, enchaîné à un
bloc de ciment prêt à faire le grand saut dans une rivière… Si Dacosta ne
manque pas d’air, je commence à en manquer. La dérision a des limites
et là « Maurice, tu pousses le bouchon un peu trop loin » !
Vision plus optimiste – et de loin – celle du collectif de photographes
Hunter Freeman (tinyurl.com/3fk8uwr). Même astronaute, toujours
affublé de sa combinaison spatiale, mais, droit dans ses bottes et déterminé à garder les pieds sur terre et la vie sauve. Il est photographié dans
une station-service à faire le plein d’essence de son véhicule immatriculé « Shutlmn » (pour « Shuttle Moon »), sinon dans les rayons foisonnants d’un supermarché à faire des emplettes. Des scènes incongrues
dans un tel accoutrement mais jovialement terre à terre. p
Courriels
Présidentielle Une permanence institutionnelle
Depuis l’élection du président de la République au suffrage universel,
on a tendance à donner une importance primordiale au rapport direct
entre le président et le « peuple » français, ce que confirme parfaitement
le candidat aux primaires du PS François Hollande, qui rappelle très souvent ce lien direct à établir. Cette position est une dérive totale par rapport à ce que devrait être une démocratie. Malheureusement, cela ne
semble pas devoir changer avec l’arrivée éventuelle au pouvoir d’un candidat « de gauche », car chaque nouveau président, de droite ou de gauche, entend bien continuer à profiter de la concentration des pouvoirs
dans ses seules mains et tout diriger sans contrôle démocratique, même
de son propre parti d’origine. On notera, par ailleurs, l’absence de débat
lors de la primaire sur le changement indispensable des institutions de
la Ve République pour une VIe qui devrait être plus démocratique, selon
les promesses électorales habituelles en la matière…
Marcel Ramin, Paris
Les soirées télé
Les jeux
Mots croisés n˚11-243
Sudoku n˚11-243
Solution du n˚11-242
Mardi 11 octobre
TF 1
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I
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II
III
5
IV
6
V
VI
VII
VIII
IX
X
Horizontalement
I. Pas très douée, même si elle
noircit beaucoup de papier.
II. Pour pousser bien au fond de
la bouche. Point de départ.
III. Accord au sud. Arturo sur
scène. Mît au point. IV. Coupe du
monde. Ne peut pas venir à
manquer. V. Suit le vu. Passe et
repasse. VI. Irisé et laiteux. Met en
opposition dans le texte.
VII. Petite nappe en campagne.
Fait monter la violence dans la
fosse. VIII. Envahissent nos
assiettes. Donnas une
appréciation. IX. Fournisseur à
éviter. Sa gomme fait le ménage.
X. L’art de remettre la charpente
en bon état.
Solution du n° 11 - 242
Horizontalement
Mercredi 12 octobre 2011
C’est tout Net! Marlène Duretz
> 35°
Minsk
101
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Amsterdam Berlin
Varsovie
Prague
Dublin
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Orléans
100
5
Edimbourg
1020
13 15
Rennes
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Oslo
Stockholm
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30 à 35°
990
A
D
Châlonsen-champagne
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15 17
www.meteonews.fr
14 17
Caen
25 à 30°
D
Reykjavik
Amiens
Rouen
20 à 25°
12.10.2011 12h TU
Lille
Cherbourg
15 à 20°
En Europe
Mercredi 12 octobre
Grisailles au Nord, estival au Sud
13 16
0123
écrans
I. Coordinateur. II. Ecroulement.
III. Na. Mélopée. IV. Draa. Ne. RMI.
V. Riviez. Ragot. VI. Inondé. Egide.
VII. Lacé. La. Rées. VIII. Associé.
Ss. IX. Ost. Oté. Gîte. X. Nièpce.
Fêlés.
Verticalement
1. Ne fera jamais dans la finesse.
2. Nouveaux coups de ciseaux.
3. Droit et vert au cimetière.
Equipât le bâtiment.
4. Exploration dans les
profondeurs. Article. 5. Laisse
passer. Fait du neuf. 6. Bicolore en
plein centre. Enseignent en
remontant. 7. Mieux vaut ne pas
le perdre. Forme d’avoir.
8. Rejetées. Noble indien. 9. N’a
plus aucune valeur au travail.
Informas. 10. Entre les mains de
l’adroit gaucho. Bouts de lit.
11. Perdais les eaux. Paresse sous
les tropiques. 12. Divisé à
plusieurs reprises.
Philippe Dupuis
Verticalement
1. Cendrillon. 2. Ocarina. Si. 3. Or.
Avocate. 4. Romaines. 5. Due. Ed.
Soc. 6. Ill. Zélote. 7. Néon. Ace.
8. Ampère. 9. Tee. Agrégé.
10. Energie. Il. 11. Ut. Modeste.
12. Vitesses.
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Facile
21.00 Football.
Euro 2012 (qualifications, groupe D) :
France - Bosnie-Herzégovine. En direct
du Stade de France, à La Plaine-Saint-Denis.
23.00 Appels d’urgence.
Courses-poursuites, accidents : missions
à haut risque pour motards d’élite (95 min).
20.35 Complément d’enquête.
Loto
20.35 Marie-Octobre.
3, 15, 16, 45, 47 ; numéro chance : 7.
Dix ans de « Complement d’enquête » :
ces enquêtes qui ont changé la France.
22.40 Réunion de famille. Magazine.
0.45 Journal, Météo.
1.05 Pépé le Moko ppp
Film Julien Duvivier. Avec Jean Gabin, Mireille
Balin, Gabriel Gabrio (France, 1937, N., 90 min).
Joker : 4 835 749.
Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions
datées dimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi.
Tous les jours Mots croisés et sudoku.
Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13
Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ;
télécopieur : 01-57-28-21-21
Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74 ;
Par courrier électronique : [email protected]
Médiateur : [email protected]
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Sur Internet : www.lemonde.fr/abojournal/
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Internet : site d’information: www.lemonde.fr
finances : http://finance.lemonde.fr
Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http ://immo.lemonde.fr
Documentation : http ://archives.lemonde.fr
Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60
20.50 Mentalist.
Série. Plus rien à perdre (S3, 13/24, inédit) U.
Trou noir U. Esprit, es-tu là ? (S2, 3 et 5/23).
23.20 Dexter.
Série. Droit devant. Ame sœur (S2, 11 et 12/12,
inédit). Avec Michael C. Hall V (110 min).
20.35 Sélection naturelle.
Téléfilm. Régis Musset. Avec Frédéric Diefenthal, Sam Karmann, Hélène Degy (Fr., 2011) U.
22.15 Avant-premières.
Invités : Michel Hazanavicius, Bérénice Béjo,
Bruno Solo, Danièle Delorme, Miossec.
0.05 Journal, Météo.
0.20 Des mots de minuit (120 min).
FRANCE 3
FRANCE 3
Téléfilm. Josée Dayan. Avec Nathalie Baye,
Xavier Beauvois, Samuel Labarthe (Fr., 2008).
22.25 Soir 3.
22.50 Ce soir (ou jamais !).
Présenté par Frédéric Taddeï (120 min).
Rapports :
5 bons numéros et numéro chance : pas de gagnant ;
5 bons numéros : 165 868,80 ¤ ;
4 bons numéros : 1 683,80 ¤ ;
3 bons numéros : 12,90 ¤ ;
2 bons numéros : 5,50 ¤.
Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.
TF 1
FRANCE 2
FRANCE 2
toute la
1
5 3
8 7 Complétez
grille avec des chiffres
allant de 1 à 9.
4
5
2
Chaque chiffre ne doit
être utilisé qu’une
1 2 8 3
seule fois par ligne,
colonne et par
9 8
2
7 1 par
carré de neuf cases.
Réalisé par Yan Georget (http://yangeorget.blogspot.com)
Résultats du tirage du lundi 10 octobre.
Mercredi 12 octobre
CANAL +
20.50 Une famille très moderne
Film Josh Gordon et Will Speck. Avec Jennifer
Aniston, Jason Bateman (Etats-Unis, 2010).
22.30 Simon Werner a disparu... pp
Film Fabrice Gobert. Avec Ana Girardot, Jules
Pélissier, Laurent Delbecque (2010, 90 min) U.
20.35 Histoire immédiate.
La Face cachée de Hiroshima. 22.05 Débat.
22.30 Soir 3.
23.00 L’Ombre d’un doute.
Jack l’Eventreur : son vrai visage (70 min).
CANAL +
20.50 Soirée Citizen Gay.
Harvey Milk ppp Film Gus Van Sant. Avec
Sean Penn, Emile Hirsch (EU, 2008) U.
23.00 Outrage. Documentaire (2009, v.o.) U.
0.25 Marga
Film Ludi Boeken. Avec Veronica Ferres, Armin
Rohde, Lia Hoensbroech (All., 2009, 95 min) U.
ARTE
ARTE
20.39 Thema - Syrie : permis de tuer.
20.40 Syrie, dans l’enfer de la répression.
Documentaire. Sofia Amara (France, 2011).
21.35 Syrie, le crépuscule des Assad.
Documentaire. Christophe Ayad
et Vincent de Cointet (France, 2011).
22.50 Breaking Bad.
Série. Crash. Tensions. Sur le fil (S3, 1 à 3/13).
1.10 Cut up. Variations sur la famille (50 min).
M6
20.45 Desperate Housewives.
Série. Les Personnes seules. Ceux qui se
comportent mal (S7, 12 et 13/23, inédit).
22.30 Les Français,
l’Amour et le Sexe. Documentaire
(S2, 1 et 2/8 ; S1, 1 et 2/8, 190 min) W.
20.40 Les Mercredis de l’Histoire.
Les Combattants de l’ombre. [1 et 2/6].
Les Difficiles Débuts de la Résistance (1939-1941).
La Résistance s’organise (1941-1942).
22.25 Le Dessous des cartes.
A quoi sert l’intelligence économique ? Magazine.
22.40 Delta pp
Film Kornél Mundruczó. Avec Felix Lajko,
Orsolya Tóth, Lili Monori (Hongrie, 2008, v.o.).
0.10 La Lucarne - People,
I could have been and maybe am.
Documentaire (2010, v.o., 55 min).
M6
20.45 D & CO, une semaine
pour tout changer. Magazine.
1.20 Vanished.
Série. La Boîte noire (S1, 6/13, 55 min) U.
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0123
Mercredi 12 octobre 2011
Au fait, Steve créait-il
des «jobs»?
Lettre de Wall Street
Sylvain Cypel
O
ui, il fut un «génie ». «Un prophète
laïc», a titré le supplément dominical du Wall Street Journal. Steve
Jobs avait « transformé la pomme d’Eve,
symbole d’une humanité pécheresse, en
une icône pour les vrais croyants en la technologie». A New York, les vitrines Apple
sont couvertes de Post-it avec des mots
d’amour; devant, les trottoirs regorgent
de bougies et de pommes croquées.
Peut-on décemment écorner sans risque l’œuvre d’un homme ainsi quasi déifié sans s’attirer les foudres des
«croyants» ? Pourtant, quel que fût son
sens exceptionnel pour «capter » cette
alchimie complexe et mouvante que
constitue le lien entre l’innovation technologique et les attentes des consommateurs et proposer ensuite des « produits »
adéquats, Jobs symbolisait aussi tout un
chemin de l’économie américaine qui,
désormais, fait débat.
Le jeu de mots est facile, mais Jobs portait-il bien son nom? En vingt ans, le fondateur-phénix d’Apple (limogé puis resurgi
pour sauver l’entreprise) a fait d’une
«pomme» à la dérive la seconde capitalisation boursière mondiale, grosse comme
IBM et Microsoft réunis.
Dans le même temps, la firme est devenue l’exemple de ce qui est de plus en plus
perçu outre-Atlantique comme le fondement de tous les maux: l’Amérique ne produit plus ! La part des biens qu’elle fabrique par rapport à ceux qu’elle consomme
a reculé de deux tiers en cinquante ans. Et
le problème n’est pas seulement vrai des
sous-vêtements, des chaussures, du mobi-
lier d’appartement ou du petit électroménager. Cette évolution touche aussi le
cœur de sa puissance: le high-tech. Apple
en est l’incarnation.
Le 15 décembre 2010, le même Wall
Street Journal publiait un article intitulé
« Made in China, vraiment ? ». Son auteur,
Andrew Batson, y exposait la part prise
par divers pays dans la fabrication d’un
iPhone, innovation s’il en est. Se fondant
sur une étude de l’Asian Development
Bank Institute, il montrait que, dans ce produit phare, les usines chinoises travaillant
pour Apple, qui ne font qu’assembler ses
pièces, ne constituent que 3,6% du coût de
sa fabrication. Il en concluait que l’apposition du sigle « Made in » était trompeuse
(le directeur général de l’Organisation
mondiale du commerce, Pascal Lamy,
avait déjà observé que le critère « Made
in» pour évaluer les échanges commerciaux est «devenu obsolète »).
Mais l’intérêt de l’étude se situait aussi
ailleurs. Si l’on se fonde sur la valeur des
composants et du travail investis pour
fabriquer un iPhone, montrait-elle, le
Japon y contribue pour 34%, l’Allemagne
17%, la Corée du Sud 13 %, le «reste du monde » (une douzaine d’autres pays) 36 %,
dont les Etats-Unis (Apple inclus) pour…
6 %, à peine plus que l’apport chinois.
En réalité, la part d’Apple se résume à la
conception et à la commercialisation, les
deux fonctions en bout de chaîne qui sont,
aujourd’hui, les plus lucratives, mais qui
génèrent moins d’emplois «américains»
(et, pour la distribution, bien plus précai-
res). Bref, même dans l’innovation chère à
Barack Obama pour relancer l’emploi, la
machine américaine ne fabrique plus.
Tyler Cowen, professeur d’économie à
l’université George Mason (Virginie), a proposé en début d’année une théorie iconoclaste dans un livre court (100 pages) mais
dense, diffusé seulement sur Internet
pour 3,99dollars (2,99 euros) et intitulé La
Grande Stagnation. Son sous-titre dit les
craintes d’un déclin économique qui
inquiète le pays, et que les succès d’Apple
n’ont pas enrayé : comment l’Amérique a
épuisé tous les fruits mûrs de l’histoire
moderne, est tombée malade et parviendra à s’en relever. L’ouvrage a suscité
Le fondateur d’Apple
symbolisait aussi
unchemin de l’économie
américaine
qui, aujourd’hui, fait débat
débats et polémiques. Et le critique de The
Economist a reflété le sentiment le plus
répandu: « Je ne suis pas d’accord avec tout
ce qui y est écrit, mais…» Mais il mérite
réflexion. L’une des idées maîtresses du
livre est que non seulement les Etats-Unis,
en devenant une société de services, ont
mangé leur pain blanc avec la disparition
des grandes industries qui ont fait sa puissance de 1870 à 1970, mais que ce qui fonde sa puissance actuelle – son leadership
31
technologique, sa capacité d’innovation –
est en crise.
Son élément moteur, la croissance
exponentielle du secteur communicationconnexion, détruit beaucoup plus d’emplois qu’il n’en crée chez ceux qui le promeuvent. Jamais les gens n’ont été autant
informés ni n’ont écouté autant de musique, pourtant, les producteurs d’informations et de musique y sont industriellement en perdition. Selon TylerCowen, cette révolution est «un mythe ». Elle améliore l’existant, mais ne révolutionne rien.
«L’électricité, le tout-à-l’égout, l’automobile, la radio, la machine à écrire » générèrent l’éducation de masse et d’innombrables emplois directs et induits dans les
nations qui en furent les initiatrices.
«Prenez l’omniprésent iPod, lance-t-il, il
a engendré moins de 14000 emplois aux
Etats-Unis. Tout Google, c’est 20 000
emplois, Twitter, 300 au plus. » Et les
« jobs» américains de l’iPod sont surtout
dans la distribution. Manière de dire: une
blague, comparé à l’impact social qu’offrirent Ford, Bell, General Electric ou encore
les grands vaccins et les antibiotiques.
Bref, la fausse « révolution» du virtuel et
du numérique serait aussi une source
d’emplois très virtuelle.
Dans une Amérique avide aujourd’hui
de retrouver le chemin des « bons
emplois», il n’est pas outrageant de constater que c’est de cette économie-là que Steve Jobs fut aussi un génie. p
[email protected]
C’est tout vu! | Chronique télé
par Isabelle Talès
Habemus Borgia
L
es voilà donc, ces Borgia
« made in Canal+ » : une histoire européenne racontée à
la façon d’une série américaine,
avec un casting international et
une promotion digne d’un film
de cinéma. Des mois qu’on attendait, et on allait voir ce qu’on
allait voir, lundi 10 octobre, avec
la diffusion des deux premiers
épisodes.
Pour qui a appris la généalogie
des Capétiens grâce aux Rois maudits (Claude Barma, 1972), pour
qui a déjà vu des Borgia « made
in Antenne 2/SFP » (Alain Dhénaut, 1977), avec un scénario et
des dialogues de Françoise Sagan,
il est hors de question de se laisser
impressionner.
Les Borgia sont une famille en
or – et de soufre –, il n’y a qu’à se
pencher sur leur histoire et celle
de leur temps (fin XVe- début XVIe)
pour trouver les turpitudes nécessaires à un bon scénario. Et puis,
les costumes sont Renaissance,
les décors italiens. La série écrite
par l’Américain Tom Fontana et
réalisée par l’Allemand Oliver
Hirschbiegel profite de tout cela,
avec de gros moyens : il ne manque pas un rubis à la tiare du
pape ; il y a ce qu’il faut d’or, de
soie et de pourpre cardinalice ; on
n’a pas trop le temps de détailler
les fresques murales, mais on ressent presque le froid des sols de
marbre… et au milieu coulent le
sang, plus quelques autres fluides
corporels.
Mais c’est presque trop. L’histoire galope de scène en scène sur un
rythme ternaire : politique, violence, sexe… et ça recommence. Comme s’il fallait tout montrer dans
un grand livre d’images là où les
feuilletons des années 1970, avec
deux chevaux et toujours le
même château au fond du paysa-
ge, s’attachaient peut-être davantage à raconter des personnages.
Bon, assez de nostalgie ! Car ils
sont furieusement modernes, ces
Borgia-là. Ils sortiraient un portable, planqué sous leur cape entre
la dague et la fiole de poison,
qu’on n’en serait pas autrement
surpris. Le père, Rodrigo, tire les
ficelles d’une papauté vraiment
pas irréprochable, avec l’aide de
deux de ses fils : Juan, l’hypercondottiere, et César, pas très
droit dans son haut-de-chausses,
qui pratique l’autoflagellation (au
propre, évidemment). La fille,
Lucrèce, pas encore pute – ça viendra peut-être – et surtout pas soumise, refuse d’apprendre à broder, se promet de dîner à la même
table que son futur mari et peine
à trouver sa place dans la famille
Dès jeudi 13 octobre
Ilssontfurieusement
modernes,ces
Borgia-là.Ilssortiraient
unportablede sous
leurcape,qu’onn’en
seraitpassurpris
illégitime et recomposée de son
diable de père.
Commissions et rétrocommissions se payent en ducats ; s’ils
ont besoin de cash, ils vont voir
les Médicis. En politique, les arguments sont plus primaires que
citoyens, mais Rodrigo peut aussi
jouer les rassembleurs : « Les complots doivent s’arrêter, nous
devons agir ensemble », lance-t-il
au beau milieu d’un débat de cardinaux… Toute ressemblance ou
similitude avec des événements
en cours ne serait due qu’à un
excès de consommation de journaux télévisés. p
A ne pas manquer sur 0123.fr
a Live Le débat télévisé Aubry-Hollande
Les deux finalistes de la « primaire citoyenne » s’affrontent mercredi soir
12octobre sur France 2. Suivi en direct du débat. Décryptage et analyses.
N°1
REQUIEM / TE DEUM
2 CD
+ 1 livret de 40 pages
La musique sacrée a inspiré aux grands compositeurs leurs pages les plus intenses, auxquelles les plus grands
interprètes ont toujours voulu se confronter.
Le Monde vous convie à ces rencontres historiques, au sommet absolu de l’art et de l’émotion, avec sa nouvelle collection
« Le Monde de la musique sacrée ». Autant d’enregistrements rares et mythiques, gravés pour l’éternité.
Chaque jeudi, découvrez, en plus du Monde, un album comprenant deux CD entièrement remastérisés et un livret illustré
de 40 pages sur chaque œuvre et son interprétation.
1 VERDI REQUIEM - TE DEUM - Dès le 13 octobre
2 BACH PASSION SELON SAINT JEAN - Dès le 20 octobre
3 BEETHOVEN MISSA SOLEMNIS - MESSE EN UT - Dès le 27 octobre
4 BERLIOZ GRANDE MESSE DES MORTS - L’ENFANCE DU CHRIST - Dès le 3 novembre
5 MOZART MESSE EN UT - REQUIEM - Dès le 10 novembre
6 BRAHMS UN REQUIEM ALLEMAND - QUATRE CHANTS SÉRIEUX - Dès le 17 novembre
7 HELMUT WALCHA (orgue) RÉCITAL BACH - Dès le 24 novembre
8 DVORAK REQUIEM - CHANTS BIBLIQUES - Dès le 1er décembre
9 HAENDEL LE MESSIE - Dès le 8 décembre
10 FAURÉ REQUIEM - DURUFLÉ REQUIEM - MOTETS - Dès le 15 décembre
p Le Monde daté mardi 11 octobre 2011 : uniquement sur Lemonde.fr
123
PHOTOS - © NILS-UDO
a Chat Comment l’Inde regarde le monde
Débat, jeudi 13 octobre à 14 h 30, avec Sanjay Subrahmanyam, professeur d’histoire indienne à UCLA (université de Californie à Los Angeles).
a Portfolio « Je n’avais pas revu l’Afghanistan… »
Quinze ans après son dernier séjour, le photographe Albert Facelly, envoyé
par Le Monde en Afghanistan, raconte les changements qui l’ont marqué.
VERDI
11 BACH MESSE EN SI - Dès le 22 décembre
12 BRUCKNER TE DEUM - MESSE N° 2 - SYMPHONIE N° 9 - Dès le 29 décembre
13 HAYDN LA CRÉATION - Dès le 5 janvier
14 ALFRED DELLER (contre-ténor) PURCELL - BACH - COUPERIN - Dès le 12 janvier
15 CHANTS SACRÉS BUXTEHUDE - GOUNOD - RAVEL… - Dès le 19 janvier
16 ERNEST BLOCH SERVICE SACRÉ - DARIUS MILHAUD SERVICE SACRÉ - Dès le 26 janvier
17 SCHUBERT MESSES ET AIRS SACRÉS - Dès le 2 février
18 SPIRITUALS MARIAN ANDERSON - PAUL ROBESON… - Dès le 9 février
19 MOTETS FRANÇAIS DU XXe SIÈCLE POULENC - SCHMITT - CAPLET - Dès le 16 février
20 LE SACRÉ À L’OPÉRA PUCCINI - WAGNER - VERDI - GOUNOD… - Dès le 23 février
PLUS D’INFORMATIONS www.lemonde.fr/boutique ou 3289 (0,34  TTC/min)
Offre de lancement réservée au double CD-livret n° 1 : 5,90  en plus du Monde. Chaque double CD-livret suivant sera vendu au prix de 9,90  en plus du Monde.
Offre réservée à la France métropolitaine, sans obligation d’achat du Monde et dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels.
Crédits photos : Volume N°1 : NILS UDO - ALPINIAS - MARTINIQUE , ANTILLES 1991 - Ilfochrome sur aluminium, 124 x 104 cm, 8 exemplaires – Volume N°2 : NILS-UDO - SANS TITRE GENEVRIER, SORBES, BRANCHES DE NOISETIER, OSIERS.AIX-LA-CHAPELLE, ALLEMAGNE 1999. Fujiflex sur aluminium, 124 x 124 cm, 6 exemplaires. Illustration dos du volume : NILS-UDO - SANS TITRE LIT DE RUISSEAU, FLEURS DE LISERON , ILE DE LA REUNION , OCEAN INDIEN 1990. Ilfochrome sur aluminium,124 x 124 cm 8 exemplaires. Courtesy Galerie Pierre-Alain Challier
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